État partie

Date à laquelle le rapport était attendu

Rapports initiaux

Ouganda

25 juin 1988

Togo

17 décembre 1988

Guyana

17 juin 1989

Guinée

8 novembre 1990

Somalie

22 février 1991

Estonie

19 novembre 1992

Yémen

4 décembre 1992

Bosnie‑Herzégovine

5 mars 1993

Lettonie

13 mai 1993

Seychelles

3 juin 1993

Cap‑Vert

3 juillet 1993

Cambodge

13 novembre 1993

Burundi

19 mars 1994

Antigua‑et‑Barbuda

17 août 1994

Éthiopie

12 avril 1995

Albanie

9 juin 1995

Tchad

9 juillet 1996

République de Moldova

27 décembre 1996

Côte d’Ivoire

16 janvier 1997

Lituanie

1er mars 1997

République démocratique du Congo

16 avril 1997

Malawi

10 juillet 1997

Honduras

3 janvier 1998

Kenya

22 mars 1998

Bahreïn

4 avril 1999

Bangladesh

3 novembre 1999

Niger

3 novembre 1999

Afrique du Sud

8 janvier 2000

Burkina Faso

2 février 2000

Mali

27 mars 2000

Belgique

25 juillet 2000

Turkménistan

25 juillet 2000

Japon

29 juillet 2000

Mozambique

14 octobre 2000

Qatar

9 février 2001

Deuxièmes rapports périodiques

Afghanistan

25 juin 1992

Belize

25 juin 1992

Philippines

25 juin 1992

Ouganda

25 juin 1992

Togo

17 décembre 1992

Guyana

17 juin 1993

Turquie

31 août 1993

Brésil

27 octobre 1994

Guinée

8 novembre 1994

Somalie

22 février 1995

Roumanie

16 janvier 1996

Népal

12 juin 1996

Yougoslavie

9 octobre 1996

Estonie

19 novembre 1996

Yémen

4 décembre 1996

Jordanie

12 décembre 1996

Monaco

4 janvier 1997

Bosnie‑Herzégovine

5 mars 1997

Bénin

10 avril 1997

Lettonie

13 mai 1997

Seychelles

3 juin 1997

Cap‑Vert

3 juillet 1997

Cambodge

13 novembre 1997

Burundi

19 mars 1998

Slovaquie

27 mai 1998

Slovénie

14 août 1998

Antigua-et-Barbuda

17 août 1998

Arménie

12 octobre 1998

Costa Rica

10 décembre 1998

Sri Lanka

1er février 1999

Éthiopie

12 avril 1999

Albanie

9 juin 1999

États-Unis d’Amérique

19 novembre 1999

ex‑République yougoslave de Macédoine

11 décembre 1999

Namibie

27 décembre 1999

République de Corée

7 février 2000

Tadjikistan

9 février 2000

Cuba

15 juin 2000

Tchad

8 juillet 2000

République de Moldova

27 décembre 2000

Côte d’Ivoire

16 janvier 2001

Lituanie

1er mars 2001

Koweït

6 avril 2001

République démocratique du Congo

16 avril 2001

Troisièmes rapports périodiques

Afghanistan

25 juin 1996

Belize

25 juin 1996

Bulgarie

25 juin 1996

Cameroun

25 juin 1996

France

25 juin 1996

Philippines

25 juin 1996

Sénégal

25 juin 1996

Ouganda

25 juin 1996

Uruguay

25 juin 1996

Autriche

27 août 1996

Togo

17 décembre 1996

Colombie

6 janvier 1997

Équateur

28 avril 1997

Guyana

17 juin 1997

Turquie

31 août 1997

Tunisie

22 octobre 1997

Chili

29 octobre 1997

Australie

6 septembre 1998*

Algérie

11 octobre 1998

Brésil

27 octobre 1998

Guinée

8 novembre 1998

Nouvelle‑Zélande

8 janvier 1999

Somalie

22 février 1999

Malte

12 octobre 1999

Allemagne

30 octobre 1999

Liechtenstein

1er décembre 1999

Roumanie

16 janvier 2000

Népal

12 juin 2000

Chypre

16 août 2000

Venezuela

27 août 2000

Croatie

7 octobre 2000

Estonie

19 novembre 2000

Yémen

4 décembre 2000

Jordanie

12 décembre 2000

Monaco

4 janvier 2001

Bosnie‑Herzégovine

5 mars 2001

Bénin

10 avril 2001

Lettonie

13 mai 2001

Quatrièmes rapports périodiques

Afghanistan

25 juin 2000

Argentine

25 juin 2000

Bélarus

25 juin 2000

Belize

25 juin 2000

Bulgarie

25 juin 2000

Cameroun

25 juin 2000

Égypte

25 juin 2000

France

25 juin 2000

Hongrie

25 juin 2000

Mexique

25 juin 2000

Philippines

25 juin 2000

Fédération de Russie

25 juin 2000

Sénégal

25 juin 2000

Suisse

25 juin 2000

Ouganda

25 juin 2000

Uruguay

25 juin 2000

Canada

23 juillet 2000

Autriche

27 août 2000

Panama

22 septembre 2000

Luxembourg

28 octobre 2000

Togo

17 décembre 2000

Colombie

6 janvier 2001

Équateur

28 avril 2001

24.Le Comité s’est déclaré préoccupé par le nombre d’États parties qui ne respectaient pas leur obligation de présenter leur rapport. En ce qui concerne en particulier les États parties dont les rapports avaient plus de quatre ans de retard et à qui le Secrétaire général avait adressé plusieurs rappels, le Comité a déploré que ces États parties ne se soient toujours pas acquittés des obligations auxquelles ils avaient librement souscrit en vertu de la Convention. Il a souligné qu’il était de son devoir de surveiller l’application de la Convention et que le non‑respect par un État partie de l’obligation de présenter des rapports constituait une violation des dispositions de la Convention.

25.À ce sujet, le Comité a décidé de continuer, selon l’usage établi, à communiquer les listes des États dont les rapports étaient en retard lors des conférences de presse qu’il tient habituellement à la fin de chaque session.

26.On trouvera à l’annexe V du présent rapport un état de la situation au 18 mai 2001 (date de clôture de la vingt‑sixième session du Comité) en ce qui concerne la présentation des rapports par les États parties en application de l’article 19 de la Convention.

IV. EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIESEN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

27.À sa vingt‑cinquième et à sa vingt‑sixième session, le Comité a examiné les rapports présentés par 14 États parties, en vertu du paragraphe 1 de l’article 19 de la Convention. À sa vingt‑cinquième session, il était saisi des rapports ci‑après, énumérés dans l’ordre dans lequel ils avaient été reçus par le Secrétaire général:

Arménie:deuxième rapport périodiqueCAT/C/43/Add.3Bélarus:troisième rapport périodiqueCAT/C/34/Add.12Australie:deuxième rapport périodiqueCAT/C/25/Add.11Canada:troisième rapport périodiqueCAT/C/34/Add.13Cameroun:deuxième rapport périodiqueCAT/C/17/Add.22Guatemala:troisième rapport périodiqueCAT/C/49/Add.2

28.À sa vingt‑sixième session, le Comité était saisi des rapports ci‑après, énumérés dans l’ordre dans lequel ils avaient été reçus par le Secrétaire général:

Géorgie:deuxième rapport périodiqueCAT/C/48/Add.1Grèce:troisième rapport périodiqueCAT/C/39/Add.3République:tchèque:deuxième rapport périodiqueCAT/C/38/Add.1Slovaquie: rapport initialCAT/C/24/Add.6Bolivie:rapport initialCAT/C/52/Add.1Brésil:rapport initialCAT/C/9/Add.16Costa Rica:rapport initialCAT/C/24/Add.7Kazakhstan:rapport initialCAT/C/47/Add.1

29.Conformément à l’article 66 de son règlement intérieur, le Comité a invité des représentants de tous les États parties ayant soumis un rapport à assister aux séances consacrées à l’examen de leur rapport. Tous les États parties concernés s’étaient fait représenter.

30.Conformément à la décision prise par le Comité à sa quatrième session* le Président, en consultation avec les membres du Comité et le secrétariat, a désigné un rapporteur et un corapporteur pour chacun des rapports des États parties examinés à ses vingt‑cinquième et vingt‑sixième sessions. On trouvera à l’annexe VI la liste de ces rapports et les noms des rapporteurs et corapporteurs.

31.Dans le cadre de l’examen des rapports, le Comité était aussi saisi des documents suivants:

a)Directives générales concernant la forme et le contenu des rapports initiaux que les États parties doivent présenter en application de l’article 19 de la Convention (CAT/C/4/Rev.2);

b)Directives générales concernant la forme et le contenu des rapports périodiques que les États parties doivent présenter en application de l’article 19 de la Convention (CAT/C/14/Rev.1).

32.Conformément à la décision prise par le Comité à sa onzième session**, on trouvera dans les sections qui suivent, présentées selon l’ordre dans lequel le Comité a examiné les rapports des différents pays, des références aux rapports et aux comptes rendus analytiques des séances auxquelles ils ont été examinés ainsi que les conclusions et recommandations adoptées par le Comité à l’issue de l’examen des rapports à ses vingt‑cinquième et vingt‑sixième sessions.

ARMÉNIE

33.Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de l’Arménie (CAT/C/43/Add.3) à ses 440ème, 443e et 447e séances, les 14, 15 et 17 novembre 2000 (CAT/C/SR.440, 443 et 447), et a adopté les conclusions et recommandations suivantes.

A. Introduction

34.Le Comité note que le deuxième rapport périodique de l’Arménie n’a pas été rédigé en parfaite conformité avec les directives pour l’établissement de rapports périodiques de juin 1998. Cependant, il accueille avec satisfaction la présentation de ce rapport faite oralement par la délégation arménienne et sa bonne disposition à dialoguer avec le Comité.

B. Aspects positifs

35.Le Comité note avec satisfaction les éléments suivants:

a)La poursuite des efforts pour établir un cadre juridique fondé sur les valeurs humaines universelles en vue de protéger les droits de l’homme fondamentaux, y compris le droit de ne pas être soumis à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

b)Le moratoire sur l’exécution de la peine capitale et le fait que la peine capitale n’est pas prévue dans le projet de Code pénal;

c)Le fait qu’une personne ne puisse pas être extradée vers un autre État s’il existe des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’y être soumise à la torture ou condamnée à mort;

d)Le programme de formation relatif aux droits de l’homme à l’intention des agents de l’État chargés de l’application des lois, en particulier les employés du Ministère de l’intérieur et de la sécurité nationale;

e)La coopération développée par les autorités publiques avec les organisations non gouvernementales;

f)La volonté de l’État partie de créer un poste de médiateur.

C. Facteurs et difficultés entravant l’application de la Convention

36.Le Comité prends note des problèmes de transition que l’État partie connaît actuellement.

D. Sujets de préoccupation

37.Le Comité est préoccupé par les éléments suivants:

a)L’absence dans le projet de Code pénal de certains aspects de la définition de la torture telle qu’elle figure à l’article premier de la Convention;

b)Le fait que les droits des personnes privées de liberté ne soient pas toujours respectés;

c)L’existence d’un régime de responsabilité pénale des juges qui commettent des erreurs dans leurs sentences de condamnation, ce qui pourrait être de nature à engendrer une précarité du pouvoir judiciaire;

d)L’absence de mesures effectives d’indemnisation des victimes d’actes de torture commis par des agents de l’État en violation des dispositions de l’article 14 de la Convention;

e)Les mauvaises conditions dans les prisons et le fait que les prisons dépendent du Ministère de l’intérieur;

f)La persistance de la pratique du bizutage (dedovchtchina) dans l’armée, qui donne lieu à des abus ou violations des dispositions pertinentes de la Convention. En outre, cette pratique a un effet dévastateur sur les victimes et peut parfois conduire certaines jusqu’au suicide.

38.Le Comité note avec inquiétude que l’État partie n’a pas pris en considération dans son deuxième rapport périodique les recommandations formulées par le Comité lors de l’examen du rapport initial de l’Arménie en avril 1996. En particulier, il n’a pas communiqué les résultats de l’enquête sur des allégations de mauvais traitements qui avaient été portées à l’attention du Comité.

E. Recommandations

39.Le Comité fait les recommandations suivantes:

a)Bien que la législation arménienne comporte différentes dispositions qui visent certains aspects de la torture telle qu’elle est définie par la Convention, l’État partie, pour s’acquitter réellement de ses obligations conventionnelles, doit adopter une définition de la torture strictement conforme à l’article premier et prévoir des peines appropriées;

b)La garantie d’accès immédiat aux personnes privées de liberté de la part de leur avocat, de membres de leur famille et du médecin de leur choix;

c)Tout en se félicitant du projet de transfert de la tutelle de l’administration pénitentiaire du Ministère de l’intérieur à celui de la justice, le Comité invite l’État partie à mettre en place un système de contrôle véritablement indépendant et opérationnel visant tous les lieux de détention, qu’ils relèvent des Ministères de l’intérieur, de la justice ou de la défense;

d)Le Comité recommande à l’État partie d’entreprendre sans délai des enquêtes impartiales sur les allégations de bizutage (dedovchtchina) dans l’armée et d’exercer des poursuites dans les cas avérés;

e)Le Comité invite l’État partie à rendre le régime de responsabilité pénale des juges  conforme aux instruments internationaux pertinents, notamment les Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature adoptés en 1985 et les Principes directeurs applicables au rôle des magistrats du parquet adoptés en 1990;

f)Le Comité encourage l’État partie à poursuivre les activités d’éducation et de formation concernant la prévention de la torture et la protection de l’individu contre la torture et les mauvais traitements à l’intention de la police et du personnel de prison, soit des prisons dépendant du Ministère de l’intérieur, soit des prisons militaires;

g)Le Comité recommande à l’État partie d’adopter dès que possible le projet de Code pénal qui abolit la peine capitale afin de régler la situation des nombreux condamnés à mort qui demeurent dans une situation d’incertitude, s’apparentant à un traitement cruel et inhumain en violation de l’article 16 de la Convention;

h)Le Comité souhaite recevoir des renseignements au sujet des recommandations formulées par le Comité lors de l’examen du rapport initial de l’Arménie, en particulier aux allégations de mauvais traitements qui avaient été portées à son attention et qui devaient faire l’objet d’une enquête immédiate et impartiale dont les résultats devaient être communiqués au Comité;

i)Le Comité invite l’État partie à lui fournir, dans le prochain rapport qui devra être présenté en octobre 2002 les statistiques nécessaires, ventilées selon le sexe et la région géographique;

j)Enfin, le Comité encourage l’État partie à envisager de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

BÉLARUS

40.Le Comité a examiné le troisième rapport périodique du Bélarus (CAT/C/34/Add.12) à ses 442e, 445e et 449e séances, les 15, 16 et 20 novembre 2000 (CAT/C/SR.442, 445 et 449) et a adopté les conclusions et recommandations ci‑après.

A. Introduction

41.Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique du Bélarus, tout en relevant que le rapport, qui devait être présenté en juin 1996, a été soumis avec trois ans de retard. Il relève aussi que le rapport ne suit pas les directives concernant l’élaboration des rapports périodiques des États parties. Le Comité regrette que le rapport ne contienne pas de renseignements détaillés sur l’application de la Convention dans la pratique, mais accueille avec satisfaction l’exposé approfondi et instructif concernant des faits nouveaux qu’a fait à ce sujet la délégation de l’État partie durant l’examen du rapport.

B. Aspects positifs

42.Le Comité se félicite que les représentants de l’État partie aient fait savoir que le Gouvernement bélarussien a décidé de retirer sa réserve à l’article 20 de la Convention concernant la procédure d’enquête.

43.Le Comité prend note de la coopération du Gouvernement bélarussien avec les organes créés en vertu d’instruments internationaux de l’ONU et d’autres mécanismes relatifs aux droits de l’homme, en particulier en permettant les visites du Rapporteur spécial sur le droit à la liberté d’expression et, récemment, du Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats.

44.Le Comité se félicite que les représentants de l’État partie aient fait savoir que le Gouvernement bélarussien avait décidé d’adhérer à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.

C. Sujets de préoccupation

45.Le Comité est préoccupé par ce qui suit:

a)La détérioration de la situation des droits de l’homme au Bélarus depuis l’examen du deuxième rapport périodique en 1992, y compris les restrictions persistantes au droit à la liberté d’expression, telles que les limitations de l’indépendance de la presse, et au droit de réunion pacifique, qui font obstacle à la pleine application de la Convention;

b)L’absence d’une définition de la torture, telle qu’elle figure à l’article premier de la Convention, dans le Code pénal de l’État partie et le fait que la torture ne constitue pas une infraction spécifique, ce qui a pour effet que la torture n’est pas une infraction punissable par des peines appropriées, comme le prescrit le paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention;

c)Les allégations nombreuses et persistantes de cas de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants imputables à des agents de l’État partie ou avec leur consentement, dont sont victimes en particulier des opposants politiques au Gouvernement et des manifestants pacifiques, et consistant en disparitions, violences physiques et autres actes contraires à la Convention;

d)L’absence d’un parquet indépendant, étant donné en particulier que le Procureur est compétent pour exercer un contrôle sur le bien‑fondé des décisions concernant la durée de la détention provisoire, qui peut durer jusqu’à 18 mois;

e)Le fait que des fonctionnaires s’abstiennent systématiquement de procéder immédiatement à des enquêtes impartiales et approfondies sur les nombreuses allégations de torture signalées aux autorités, ainsi que le défaut de poursuites à l’encontre des auteurs présumés de tels actes, en violation des articles 12 et 13 de la Convention;

f)L’absence d’un pouvoir judiciaire indépendant, le Président de l’État partie étant seul habilité à nommer et révoquer la plupart des juges, qui doivent aussi suivre une période initiale de stage et dont le maintien en fonctions ne fait pas l’objet de certaines garanties nécessaires;

g)Le décret présidentiel n° 12 qui restreint l’indépendance des avocats, qui sont soumis au contrôle du Ministère de la justice, par le biais d’une adhésion obligatoire à un ordre des avocats contrôlé par l’État, en violation directe des principes de base de l’ONU relatifs au rôle du barreau;

h)Le surpeuplement, l’insuffisance de la nourriture et l’absence de services d’hygiène élémentaire et de soins médicaux satisfaisants, ainsi que la prévalence de la tuberculose, dans les prisons et les centres de détention provisoire;

i)Le maintien de la peine de mort et les procédures insuffisantes de recours, l’absence de transparence concernant les condamnés à mort et le refus, qui a été signalé, de restituer les corps des personnes exécutées à leurs parents, ce qui empêche d’enquêter sur les accusations de torture ou de mauvais traitements qu’elles auraient subis en prison.

D. Recommandations

46.Le Comité recommande:

a)Que l’État partie modifie sa législation pénale pour y faire figurer le crime de torture, conformément à la définition donnée à l’article premier de la Convention, et prévoie pour ce crime des peines appropriées;

b)Que des mesures urgentes et efficaces soient prises pour établir un mécanisme d’examen des plaintes entièrement indépendant, de sorte qu’il soit possible de procéder immédiatement à des enquêtes impartiales et approfondies au sujet des nombreuses allégations de torture signalées aux autorités, et que des poursuites soient engagées contre les auteurs présumés de tels actes et que des peines leur soient infligées s’il y a lieu;

c)Que l’État partie étudie la possibilité d’établir une commission nationale des droits de l’homme, gouvernementale et non gouvernementale, indépendante et impartiale, qui soit dotée de pouvoirs effectifs, entre autres pour défendre les droits de l’homme et pour enquêter sur toutes les plaintes concernant des violations des droits de l’homme, en particulier celles qui portent sur l’application de la Convention;

d)Que des mesures soient prises, notamment par une révision de la Constitution, des lois et des décrets, en vue d’établir et de garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire et des membres du barreau dans l’exercice de leurs fonctions, conformément aux normes internationales;

e)Que des efforts soient faits pour améliorer les conditions dans les prisons et les centres de détention provisoire et que l’État partie établisse un système permettant l’inspection dans les prisons et les centres de détention par des contrôleurs impartiaux et de confiance, dont les conclusions devraient être rendues publiques;

f)Que des mesures soient prises pour assurer un contrôle judiciaire indépendant concernant la durée et les conditions de la détention provisoire;

g)Que l’État partie étudie la possibilité de faire les déclarations appropriées prévues par les articles 21 et 22 de la Convention;

h)Que les conclusions et recommandations du Comité et les comptes rendus analytiques des séances consacrées à l’examen du troisième rapport périodique de l’État partie soient largement diffusés dans le pays et soient publiés aussi bien dans les médias contrôlés par l’État que dans les médias indépendants.

AUSTRALIE

47.Le Comité a examiné le deuxième rapport de l’Australie (CAT/C/25/Add.11) à ses 444e, 447e et 451e séances, les 16, 17 et 21 novembre 2000 (CAT/C/SR.444, 447 et 451), et a adopté les conclusions et recommandations ci‑après.

A. Introduction

48.Le Comité note que le rapport périodique a été soumis avec un retard de six ans et regroupait les deuxième et troisième rapports périodiques, dont le troisième devait être présenté en 1998. Le Comité se félicite du dialogue constructif instauré avec la délégation australienne et accueille avec un grand intérêt les renseignements précis et détaillés communiqués à la fois oralement et par écrit, qui non seulement ont mis à jour le rapport dans lequel figuraient des informations ne portant que jusqu’en 1997 mais incluaient aussi une référence spécifique à chaque entité composant la fédération australienne, faisait mention des facteurs et obstacles que connaît la fédération et comportaient des réponses à quasiment tous les cas particuliers qui avaient été signalés.

49.Le Comité tient à exprimer sa satisfaction pour les renseignements supplémentaires soumis en 1992 (CAT/C/9/Add.11) en réponse aux questions posées durant l’examen du rapport initial de l’Australie.

50.Le Comité se félicite aussi de la contribution d’organisations non gouvernementales et d’organismes officiels à ses travaux lors de l’examen du rapport de l’État partie.

B. Aspects positifs

51.Le Comité accueille en particulier avec satisfaction ce qui suit:

a)Les déclarations faites par l’Australie le 28 janvier 1993, au titre des articles 21 et 22 de la Convention, et sa ratification du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques;

b)Les nombreuses enquêtes et recherches qui ont été menées notamment par les Commissions royales d’enquête, les commissions parlementaires, la Commission des droits de l’homme et de l’égalité des chances, les ombudsmans et d’autres organes ad hoc, aussi bien au niveau fédéral qu’au niveau des États, au sujet de questions concernant l’application de la Convention;

c)Les consultations avec des organisations non gouvernementales nationales qui ont eu lieu durant l’établissement du rapport;

d)Les renseignements figurant dans le rapport sur le développement des services de réadaptation offerts aux victimes de la torture et les contributions de l’État partie au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture;

e)Les mesures prises pour remédier aux causes sociales et économiques historiques de la situation de désavantage dans laquelle se trouve la population autochtone;

f)L’établissement en droit public d’un inspectorat des services pénitentiaires indépendant.

C. Sujets de préoccupation

52.Le Comité se déclare préoccupé par ce qui suit:

a)L’absence apparente de mécanismes de réexamen appropriés des décisions ministérielles pour les affaires relevant de l’article 3 de la Convention;

b)L’utilisation par l’administration pénitentiaire d’instruments de contrainte physique qui peuvent causer des douleurs et une humiliation inutiles;

c)Les allégations faisant état du recours à une force excessive ou à un traitement dégradant par les forces de police ou les surveillants de prison;

d)Les allégations faisant état d’actes d’intimidation et de mesures de rétorsion à l’encontre des détenus qui se plaignent de leur traitement en prison;

e)La législation imposant des peines minimales obligatoires, qui aurait eu un effet discriminatoire à l’encontre de la population autochtone (notamment les femmes et les jeunes), qui est surreprésentée dans les statistiques concernant le système de justice pénale.

D. Recommandations

53.Le Comité recommande à l’État partie:

a)De veiller à ce que tous les États et territoires se conforment en toute circonstance aux obligations que leur impose la Convention;

b)D’étudier l’opportunité d’établir un mécanisme de réexamen indépendant des décisions ministérielles pour les affaires relevant de l’article 3 de la Convention;

c)De continuer ses efforts d’éducation et d’information à l’intention des agents de la force publique concernant l’interdiction de la torture et d’intensifier ses activités dans le domaine de la formation, en particulier de la police, des surveillants de prison et du personnel médical pénitentiaire;

d)De suivre de près la question de l’utilisation des instruments de contrainte qui peuvent causer des douleurs et une humiliation inutiles et de veiller à ce que leur emploi soit dûment enregistré;

e)De veiller à ce que les plaignants soient protégés contre tout acte d’intimidation et les mesures de rétorsion dont ils pourraient faire l’objet en raison de leurs plaintes;

f)De poursuivre ses efforts pour prévenir le surpeuplement dans les prisons;

g)De poursuivre ses efforts pour remédier aux désavantages socioéconomiques qui font notamment qu’un nombre d’australiens autochtones disproportionné ait affaire avec la justice pénale;

h)De suivre de près la législation imposant des peines minimales obligatoires, afin de veiller à ce qu’elle ne soit pas incompatible avec les obligations internationales contractées en vertu de la Convention et d’autres instruments internationaux pertinents, en particulier en ce qui concerne les effets néfastes possibles sur les groupes défavorisés;

i)De soumettre son prochain rapport périodique avant novembre 2004 et de veiller à ce qu’il contienne des renseignements sur l’application des présentes recommandations et des statistiques désagrégées.

CANADA

54.Le Comité a examiné le troisième rapport périodique du Canada (CAT/C/34/Add.13) à ses 446e, 449e et 453e séances, les 17, 20 et 22 novembre 2000 (CAT/C/SR.446, 449 et 453) et a adopté les conclusions et recommandations ci‑après.

A. Introduction

55.Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique du Canada qui, bien qu’il ait été soumis avec trois ans de retard, est conforme aux directives concernant l’élaboration des rapports périodiques des États parties. Il accueille avec un grand intérêt les statistiques détaillées et les autres renseignements communiqués conformément aux demandes qu’il a formulées durant l’examen du deuxième rapport périodique. Il se félicite du dialogue constructif instauré avec la délégation et des réponses franches et directes faites par la délégation aux questions soulevées par le Comité, y compris des documents écrits qui lui ont été communiqués.

56.Le Comité est également satisfait que l’État partie ait donné l’assurance qu’il accorderait tout le sérieux voulu aux demandes faites par le Comité concernant l’adoption de mesures provisoires dans des cas individuels, conformément à l’article 22. Le Comité rappelle que l’État partie lui a demandé de revoir ses méthodes de travail pour éviter toute prorogation des délais pour l’examen des plaintes individuelles. Le Comité souligne une fois de plus que les délais prévus par son règlement intérieur sont établis pour permettre aux États parties de soumettre des réponses complètes aux allégations les mettant en cause et au Comité de procéder à un examen approfondi.

B. Aspects positifs

57.Le Comité accueille avec satisfaction:

a)La protection juridique contre la torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants très étendue qui est assurée dans l’État partie et les efforts déployés par les autorités pour garantir la transparence de ses institutions et de ses pratiques;

b)L’entrée en vigueur d’un nouveau texte législatif, à savoir la loi relative aux crimes contre l’humanité et aux crimes de guerre, qui permet de surmonter un grand nombre des obstacles à l’engagement de poursuites à l’encontre des personnes accusées de tels crimes, qui se sont présentés dans l’affaire Finta, et la ratification du statut de la Cour pénale internationale;

c)L’examen systématique, depuis décembre 1999, de toutes les allégations mettant en cause des personnes impliquées dans un génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité;

d)Le dépôt d’un projet de loi en vertu duquel les critères régissant l’octroi d’une protection au titre du statut de réfugié comprendront les motifs énoncés dans la Convention;

e)La nomination d’un enquêteur pénitentiaire, indépendant du service pénitentiaire, agissant en qualité d’ombudsman chargé d’enquêter sur les problèmes des détenus des établissements pénitentiaires fédéraux, et la création d’une division des droits de l’homme au sein du service pénitentiaire canadien pour collaborer à l’analyse et à l’évaluation des politiques et des pratiques et renforcer une culture des droits de l’homme;

f)L’établissement d’une stratégie nationale sur les mesures correctives et autres concernant les autochtones prises pour remédier aux désavantages sociaux et économiques historiques de la population autochtone;

g)La politique de l’État partie tendant à solliciter l’avis d’organisations non gouvernementales pour établir ses rapports au Comité et le fait qu’il a donné l’assurance que «les critiques et les préoccupations» manifestées par ces organisations seront expressément prises en compte par l’État partie dans son prochain rapport;

h)L’accroissement de la contribution de l’État partie au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture et la poursuite de l’aide aux centres nationaux de réadaptation pour les victimes de la torture.

C. Sujets de préoccupation

58.Le Comité se déclare préoccupé par ce qui suit:

a)Les allégations faisant état d’actes contraires à la Convention, y compris l’utilisation abusive d’aérosols au gaz poivré et de la force par la police pour disperser les manifestations et rétablir l’ordre, notamment lors des manifestations qui ont eu lieu en 1997, en marge du sommet de coopération économique Asie‑Pacifique;

b)Les allégations selon lesquelles des femmes détenues ont été traitées durement et abusivement par les autorités de l’État partie et le fait que de nombreuses recommandations du rapport Arbour ne sont pas encore appliquées;

c)Les allégations concernant le recours à une force excessive et l’administration de substances sédatives pour expulser les déboutés du droit d’asile;

d)Le nombre disproportionné de détenus autochtones par rapport à l’ensemble du système de justice pénale de l’État partie;

e)Le fait que l’État partie, dans les moyens avancés devant les tribunaux, dans ses politiques et ses pratiques, considère que toute personne réputée être un criminel endurci ou dangereuse pour la sécurité peut être renvoyée dans un autre État même s’il y a des raisons sérieuses de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture, ce qui va à l’encontre du caractère absolu des dispositions du paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention;

f)Le fait que l’évaluation du risque pour la société soit entreprise sans entretien ni transparence avant la procédure de détermination du statut de réfugié et que si une personne est réputée faire peser une menace pour la sécurité, elle ne peut prétendre à ce que son cas soit examiné en profondeur dans le cadre de la procédure normale de détermination du statut de réfugié. En outre, le Comité note qu’actuellement l’appréciation du risque pour la sécurité et de l’existence de motifs d’ordre humanitaire relève du même organisme gouvernemental; il se déclare aussi préoccupé par l’absence présumée d’indépendance des décideurs, ainsi que par la possibilité d’expulser une personne même lorsqu’une demande de révision de son cas pour des motifs d’ordre humanitaire est en cours d’examen, ce qui peut constituer des obstacles à exercer des recours visant à protéger les droits énoncés au paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention;

g)Le fait que des mesures adéquates n’aient pas été prises en ce qui concerne les violations des normes de la Convention, conformément au paragraphe 1 de l’article 7;

h)Nonobstant la nouvelle loi relative aux crimes de guerre et aux crimes contre l’humanité et les assurances données par l’État partie, la possibilité qu’une personne accusée de torture puisse encore invoquer un certain nombre de moyens de défense qui lui permettraient de bénéficier de l’immunité et d’échapper à toute responsabilité pénale, notamment qu’elle fait l’objet de poursuites à l’étranger, que l’infraction a été commise en application de la loi en vigueur à l’époque, ou qu’elle a obéi à des motivations autres qu’une intention inhumaine.

D. Recommandations

59.Le Comité recommande à l’État partie:

a)De respecter pleinement les dispositions du paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention interdisant de renvoyer une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture, que la personne mise en cause soit ou non un criminel dangereux ou fasse ou non peser un risque sur la sécurité;

b)De renforcer l’utilité des recours pour protéger les droits prévus par le paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention. Prenant note des assurances selon lesquelles le nouveau projet de loi sur l’immigration et les réfugiés prévoit une évaluation des risques avant toute expulsion «dont peuvent bénéficier toutes les personnes faisant l’objet d’un arrêté d’expulsion», le Comité encourage l’État partie à veiller à ce que le nouveau projet de loi permette un examen approfondi par un organe indépendant, des recours, y compris ceux qui émanent de personnes déjà considérées comme une menace pour la sécurité. Le Comité demande instamment à l’État partie de veiller à ce que les obstacles à la pleine application de l’article 3 soient levés, afin que la possibilité soit donnée à toute personne mise en cause de faire valoir ses arguments avant qu’une décision concernant le risque qu’elle ferait peser sur la sécurité ne soit prise, et que des évaluations fondées sur des motifs d’ordre humanitaire soient faites sans exiger le paiement de droits par la personne qui demande une protection;

c)D’engager des poursuites à l’encontre de tout individu accusé d’avoir commis des actes de torture dans un territoire placé sous sa juridiction lorsqu’il n’extrade pas cet individu et lorsque des éléments de preuve les justifient, et avant toute expulsion;

d)De supprimer dans la législation en vigueur les moyens de défense permettant à une personne accusée d’actes de torture de bénéficier d’une immunité;

e)D’envisager la création d’un nouvel organe d’enquête chargé de recevoir et d’examiner les plaintes concernant la Convention, telles que celles qui portent sur les sujets de préoccupation cités ci‑dessus, y compris les allégations relatives à des autochtones;

f)De poursuivre et d’améliorer les cours de formation destinés au personnel militaire concernant les normes prescrites par la Convention et les questions portant sur les droits de l’homme, y compris celles qui concernent un traitement discriminatoire;

g)De soumettre son quatrième rapport périodique, qui devait être présenté en juillet 2000, dans les meilleurs délais possibles.

CAMEROUN

60.Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique du Cameroun (CAT/C/17/Add.22) à ses 448e, 451e et 454e séances, les 20, 21 et 23 novembre 2000 (CAT/C/SR.448, 451 et 454), et a adopté les conclusions et recommandations ci-après.

A. Introduction

61.Le Comité exprime sa vive satisfaction pour la présentation du rapport du Cameroun qui couvre une période s’étendant jusqu’à la fin de l’année 1996. Ce rapport, qui accuse un retard de sept années, a été rédigé conformément aux directives pour l’établissement de rapports périodiques.

62.Le Comité exprime également sa satisfaction à la délégation camerounaise pour le professionnalisme dont elle a fait preuve et le soin apporté à fournir des réponses détaillées aux questions posées par le Comité, manifestant de la sorte l’intérêt que l’État partie attache aux travaux du Comité.

B. Aspects positifs

63.Le Comité note avec satisfaction les éléments suivants:

a)L’effort remarquable de l’État partie, qui a entrepris une profonde réforme de sa législation et de ses pratiques pour se conformer à ses obligations conventionnelles;

b)Le fait que l’État partie a accepté de recevoir la visite du Rapporteur spécial sur la torture, qui a pu accomplir sa mission sans entraves;

c)La bonne disposition de l’État partie à l’égard des inspecteurs du Comité international de la Croix‑Rouge, qui ont pu visiter des lieux de détention selon les conditions fixées par le CICR;

d)Le respect scrupuleux, par les juridictions et les autorités politiques camerounaises, des obligations de l’État partie résultant de l’article 3 de la Convention, ce qui a permis d’éviter qu’une personne soit extradée vers un autre État où elle courait le risque d’être torturée ou condamnée à mort;

e)La coopération avec le Tribunal pénal international pour le Rwanda en procédant à l’extradition de quelques prévenus vers Arusha;

f)L’assurance donnée par les représentants de l’État partie que la Commission nationale des droits de l’homme sera autorisée à visiter les centres de détention aux conditions recommandées par le Rapporteur spécial;

g)La décision de l’État partie de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention;

h)La mise en œuvre du processus de ratification du Traité sur la Cour pénale internationale;

i)La récente contribution de l’État partie au Fonds des Nations Unies pour les victimes de la torture.

C. Facteurs et difficultés entravant l’application de la Convention

64.Le Comité est conscient des difficultés de tous ordres et notamment économiques vécues par l’État partie, qui ont pour effet de réduire considérablement ses ressources financières. Cependant, il fait observer qu’aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, ne peut être invoquée pour justifier la torture.

D. Sujets de préoccupation

65.Le Comité est préoccupé par les éléments suivants:

a)Le fait que, malgré la politique mise en place par le Gouvernement, la torture semble rester une pratique fort répandue;

b)La poursuite de la pratique de l’internement administratif, qui permet à des autorités dépendant du pouvoir exécutif ou en faisant partie (Ministère de l’intérieur) de porter atteinte à la liberté individuelle, ce qui, dans un État régi par le droit, devrait relever de la compétence du pouvoir judiciaire;

c)Le fossé existant entre l’adoption de normes respectueuses des droits de l’homme, destinées notamment à empêcher les actes de torture, et les constatations faites sur le terrain par un organe indépendant comme le Rapporteur spécial sur la torture, qui fait état de nombreux cas de torture;

d)La disproportion entre le nombre considérable d’allégations de torture ou mauvais traitements et le nombre très peu élevé de poursuites et de jugements pour torture;

e)L’absence de dispositions législatives assurant le dédommagement et la réhabilitation des victimes d’actes de torture, en violation des dispositions de l’article 14 de la Convention;

f)L’absence de dispositions législatives rendant irrecevable toute preuve obtenue au moyen de la torture, comme l’exige l’article 15 de la Convention;

g)La priorité accordée aux impératifs sécuritaires et qui semble éclipser toutes autres considérations, y compris la prohibition de la torture;

h)Le maintien de l’administration pénitentiaire sous la tutelle du Ministère de l’intérieur;

i)Les nombreuses violations des droits de l’homme attribuées à l’action de deux corps spéciaux, le Commandement opérationnel et le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN).

E. Recommandations

66.Le Comité recommande à l’État partie:

a)D’introduire dans la législation un mécanisme permettant le dédommagement et la réhabilitation les plus complets des victimes de la torture;

b)D’introduire dans la législation le principe de l’irrecevabilité des éléments de preuve obtenus par la torture, si ce n’est contre l’auteur des actes de torture pour prouver que de tels actes ont été commis;

c)De mettre à profit le travail de codification en cours pour aligner la législation camerounaise sur les dispositions des articles 5, 6, 7 et 8 de la Convention;

d)De veiller à la mise en œuvre effective des instructions du Ministre de la justice selon lesquelles la détention ne devrait être pratiquée durant l’instruction qu’en cas d’absolue nécessité et que la liberté sous caution devrait être la règle, d’autant plus que cela pourra atténuer la surpopulation dans les prisons;

e)D’envisager le transfert de la tutelle de l’administration pénitentiaire du Ministère de l’intérieur au Ministère de la justice;

f)D’envisager le démantèlement des forces spéciales créées dans le cadre de la lutte contre le grand banditisme et, dans le même temps, de mettre fin au gel du recrutement d’agents de la force publique;

g)De poursuivre énergiquement les enquêtes déjà ouvertes sur des allégations de violation des droits de l’homme et, dans les cas n’ayant pas encore fait l’objet d’enquêtes, d’ordonner l’ouverture d’enquêtes immédiates et impartiales et de tenir le Comité informé de leurs résultats;

h)De veiller au respect scrupuleux des droits de l’homme des personnes arrêtées dans le cadre de la lutte contre le grand banditisme;

i)De poursuivre le programme de formation aux droits de l’homme et notamment en ce qui concerne l’interdiction de la torture, mené à l’intention des membres des forces de l’ordre;

j)D’envisager la mise en place d’un système dévaluation périodique de l’application effective de la législation prohibant la torture, en tirant par exemple le meilleur profit possible de l’existence de la Commission nationale des droits de l’homme et des organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme;

k)De maintenir scrupuleusement un registre des personnes détenues et de le rendre publiquement accessible.

GUATEMALA

67.Le Comité a examiné le troisième rapport périodique du Guatemala (CAT/C/49/Add.2) à ses 450e, 453e et 456e séances, tenues les 21, 22 et 24 novembre 2000 (CAT/C/SR.450, 453 et 456), et a adopté les conclusions et recommandations ci‑après.

A. Introduction

68.Le Guatemala a ratifié la Convention le 5 janvier 1990. Il na pas fait les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention. Il est également partie à la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture.

69.Le rapport, soumis le 3 février 2000, porte sur la période allant du 1er avril 1998 au 31 décembre 1999. Au début de l’examen du rapport par le Comité, le chef de la délégation guatémaltèque a mis à jour dans sa présentation orale les renseignements qu’il contenait. Le rapport est rédigé selon les directives générales concernant la forme et le contenu des rapports périodiques adoptées par le Comité.

70.Le Comité remercie la délégation de ses réponses et de la franchise et de l’esprit de coopération qui ont présidé au dialogue.

B. Aspects positifs

71.Le Comité relève avec satisfaction les aspects positifs suivants:

a)L’affirmation faite par le Président de la République du Guatemala et reprise par le chef de la délégation dans sa présentation orale, selon laquelle la question des droits de l’homme allait occuper une place centrale dans la gestion des affaires publiques et qu’il était absolument nécessaire de modifier l’administration de la justice et de trouver les moyens d’empêcher l’impunité;

b)La reconnaissance de la responsabilité de l’État dans des affaires emblématiques de violation des droits de l’homme qui sont soumises à l’examen des organes interaméricains de protection des droits fondamentaux et la volonté déclarée de l’État guatémaltèque de reconnaître sa responsabilité dans d’autres affaires encore à l’examen;

c)La promulgation de la loi relative à la profession judiciaire, qui régit l’exercice de la profession des juges et des magistrats de façon à assurer leur indépendance et leurs compétences professionnelles;

d) La consécration de l’École d’études judiciaires en tant qu’institution d’enseignement et de formation judiciaires et en tant que responsable de la sélection objective et impartiale des candidats aux postes de l’autorité judiciaire;

e)L’achèvement du processus d’intégration de la police nationale civile en un seul organe, après le démantèlement de la police financière;

f)La création, au sein des services du Procureur aux droits de l’homme, d’un organe pour la garantie des droits de la défense et du détenu doté de pouvoirs de contrôle sur les autorités judiciaires et pénitentiaires, afin d’assurer la protection des secteurs où des cas de violation des droits de l’homme et des garanties judiciaires se produisent fréquemment;

g)La conclusion entre le Gouvernement guatémaltèque et la Mission des Nations Unies pour la vérification des droits de l’homme au Guatemala (MINUGUA) d’un accord pour l’exécution du programme de modernisation du système pénitentiaire et, dans le cadre de ce programme, la création de l’École pénitentiaire, qui a ouvert ses portes en novembre 1999;

h)L’intention du Gouvernement, annoncée au Comité par le Président de la Commission présidentielle de coordination de la politique de l’exécutif en matière de droits de l’homme (COPREDEH) et chef de la délégation, de proposer la modification des articles 201 bis et 425 du Code pénal de façon à qualifier le délit de torture en des termes entièrement conformes à l’article premier de la Convention.

C. Facteurs et difficultés entravant l’application de la Convention

72.Le Comité relève ce qui suit:

a)L’augmentation des actes d’intimidation et de harcèlement et des menaces de mort qui visent des juges, des procureurs, des plaignants, des témoins, des membres d’organes de défense des droits de l’homme et d’organisations de victimes et des journalistes, actes qui ont pour but d’empêcher la dénonciation des violations des droits de l’homme et d’entraver le cours de la justice dans des affaires politiquement sensibles dans lesquelles sont impliqués des militaires ou des agents de l’État ou qui portent sur l’organisation et l’action des services du renseignement. Le climat de peur que font régner de tels actes porte gravement atteinte à la liberté d’action des individus et des organisations de protection des droits de l’homme ainsi qu’à l’indépendance de l’administration de la justice;

b)Les dispositions législatives qui permettent à l’armée de participer à des opérations de sécurité publique et à des activités de lutte contre la délinquance, mesures qui ne sont pas propices à la démilitarisation de la société, affaiblissent le pouvoir civil de l’État et rappellent la militarisation qui caractérisait le pays pendant le conflit armé;

c)La pratique répétée qui consiste, pour les supérieurs hiérarchiques, à couvrir les actes des auteurs de violations des droits de l’homme, qui se manifeste à la fois par l’absence d’enquêtes administratives et l’absence de mesures disciplinaires correspondantes et, parfois, par leur approbation, exprimée en leur présence pendant l’exécution d’actes répréhensibles et même par leur participation directe à ces actes;

d)Les enquêtes parallèles qui sont réalisées avec l’autorisation ou l’approbation tacites de l’État par des organismes publics non habilités légalement à le faire ou par des structures clandestines, dans des affaires de violation des droits de l’homme dont la responsabilité est imputée à des agents de l’État; ces enquêtes parallèles portent atteinte à l’autonomie et à l’indépendance de l’autorité judiciaire et du ministère public et détournent et entravent les enquêtes qui doivent être menées sur ces crimes;

e)L’absence de statistiques sur la population carcérale ventilées en fonction de l’appartenance ethnique des détenus, qui permettraient de déceler une éventuelle discrimination raciale dans la politique en matière de poursuites pénales;

f)L’insuffisance du Service de protection des parties au procès et des personnes chargées de l’administration de la justice, qui ne parvient pas à assurer efficacement la protection et la sécurité des personnes qui participent à divers titres à un procès pénal. Le Comité rappelle que, dans les observations qu’il avait formulées à l’issue de l’examen du deuxième rapport périodique, il avait déjà relevé que cette insuffisance favorisait la persistance de l’impunité et que la protection des victimes et des témoins était une obligation imposée à l’État par l’article 13 de la Convention.

D. Sujets de préoccupation

73.Le Comité est préoccupé par les éléments ci-après:

a)La dégradation de la situation des droits de l’homme au Guatemala, en particulier l’augmentation des cas avérés de tortures et de traitements cruels, inhumains et dégradants par rapport à la situation qui prévalait à l’époque de l’examen du deuxième rapport périodique. Le fait que les principaux responsables de ces violations soient des agents de la police nationale civile, en particulier de son service d’enquête criminelle, a déçu les attentes de ceux qui espéraient une institution policière nouvelle, exclusivement subordonnée à l’autorité civile et exempte des défauts qui avaient caractérisé les institutions policières du passé;

b)La persistance de l’impunité pour les délits en général et les violations des droits de l’homme en particulier, favorisée par le manquement répété à leurs obligations des organes d’État chargés de prévenir de tels actes, d’enquêter sur ceux‑ci et de les réprimer. L’impunité porte autant sur la plupart des violations survenues pendant le conflit armé interne que sur celles qui ont été perpétrées après la conclusion des accords de paix;

c)Les graves lacunes, du point de vue quantitatif et du point de vue qualitatif, du système d’administration de la justice en matière d’enquête criminelle et de respect des garanties judiciaires;

d)La qualification insuffisante du délit de torture faite à l’article 201 bis du Code pénal, que le Comité avait déjà relevée lors de l’examen du deuxième rapport;

e)L’absence d’une commission indépendante dotée de pouvoirs aussi étendus que possible et des ressources nécessaires pour enquêter, au cas par cas, sur les circonstances dans lesquelles les personnes disparues ont été enlevées et pour retrouver les corps. L’incertitude qui règne autour de ces circonstances est une source de souffrance profonde et continuelle pour les proches des disparus;

f)L’absence de procédures systématiques d’examen périodique de l’application concrète des règles et instructions, méthodes et pratiques d’interrogatoire et des conditions de traitement des personnes privées de liberté. En ce qui concerne les personnes incarcérées dans les établissements pénitentiaires, y compris les établissements de haute sécurité, il faut respecter l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus recommandé par les Nations Unies.

E. Recommandations

74.Le Comité rappelle que le rapport initial de l’État partie portait sur une période où le conflit armé faisait encore rage et que le deuxième avait été présenté peu de temps après la signature des Accords de paix. Le troisième rapport a été examiné alors que quatre années s’étaient écoulées depuis que les Accords étaient en vigueur. Néanmoins, le Comité se doit de réitérer la plupart des recommandations qu’il avait faites lors de l’examen des rapports précédents.

75.Le Comité réitère les recommandations suivantes, qu’il avait déjà formulées:

a)Modifier les dispositions du Code pénal, en particulier des articles 201 bis et 425, de façon que la qualification du délit de torture et les peines applicables soient conformes aux dispositions des articles 1 et 4 de la Convention;

b)Allouer au Service de protection des parties aux procès et des personnes chargées de l’administration de la justice les ressources humaines et matérielles nécessaires pour lui permettre de fonctionner efficacement;

c)Poursuivre les programmes de formation technique à l’intention des fonctionnaires chargés de faire respecter la loi, des procureurs, des juges et des agents de la police nationale civile et mettre en particulier l’accent sur les aspects relatifs à leur obligation de respecter et de protéger les droits de l’homme;

d)Rappelant que les représentants de l’État venus présenter le rapport initial et le deuxième rapport périodique avaient annoncé que le processus devant aboutir à la déclaration prévue à l’article 22 de la Convention avait été engagé, ce qui a été réitéré lors de l’examen du troisième rapport, le Comité invite l’État partie à faire la déclaration.

76.Le Comité recommande:

a)De moderniser le système d’administration de la justice et d’adopter des mesures en vue de remédier à ses faiblesses et à ses lacunes et de renforcer l’autonomie et l’indépendance de l’autorité judiciaire et du ministère public, en prenant notamment les mesures recommandées par la Commission chargée de faire la lumière sur les violations des droits de l’homme et par la Commission pour la modernisation de la justice;

b)D’abroger les dispositions qui autorisent l’intervention de l’armée en matière de sécurité publique et de délinquance, secteurs qui sont du ressort exclusif de la police;

c)D’établir les organes et les procédures de contrôle externe et indépendant pour surveiller le comportement du personnel de la police nationale civile, en les dotant de pouvoirs réels pour enquêter et prendre les sanctions disciplinaires, sans préjudice de la faculté du ministère public d’enquêter sur les comportements déviants constitutifs d’infractions et de la faculté des tribunaux pour réprimer leurs auteurs;

d)D’interdire de façon absolue à tout organisme d’État qui n’est pas habilité judiciairement pour ce faire, de mener des enquêtes sur des affaires pénales, parallèlement aux enquêtes qui relèvent légalement de la compétence exclusive des organes du système judiciaire;

e)De créer une commission indépendante chargée d’enquêter sur les circonstances dans lesquelles les personnes disparues ont été enlevées, sur ce qu’il est advenu d’elles et sur l’endroit où se trouvent leurs corps. L’État a le devoir de ne ménager aucun effort pour faire éclater la vérité sur ce qui est arrivé aux disparus, de façon à satisfaire au droit légitime des parents des victimes, de réparer le préjudice causé et de traduire les responsables en justice;

f)De mettre en place des procédures systématiques de surveillance régulière des règles, instructions, méthodes et pratiques d’interrogatoire, comme le prévoit l’article 11 de la Convention.

GÉORGIE

77.Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de la Géorgie (CAT/C/48/Add.1) à ses 458e, 461e et 467e séances, les 1er, 2 et 7 mai 2001 (CAT/C/SR.458, 461 et 467), et a adopté les conclusions et recommandations ci‑après.

A. Introduction

78.Le Comité se félicite du deuxième rapport périodique de la Géorgie et du dialogue constructif avec la délégation géorgienne. Il lui est profondément reconnaissant d’avoir fourni oralement et par écrit durant l’examen dudit rapport de nombreux renseignements supplémentaires le mettant à jour.

B. Aspects positifs

79.Le Comité relève avec satisfaction les éléments suivants:

a)Les efforts en cours de l’État partie tendant à réformer le système juridique et à amender sa législation, en particulier l’adoption d’un nouveau code de procédure pénale et d’un nouveau code pénal, en se fondant sur les valeurs universelles de l’humanité dans le souci de sauvegarder les droits fondamentaux de la personne humaine, notamment le droit de ne pas être soumis à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

b)La soumission par l’État partie d’un document de base, en réponse à la demande formulée par le Comité lors de l’examen du rapport initial;

c)Le transfert du Ministère de l’intérieur au Ministère de la justice de la tutelle de l’administration pénitentiaire, conformément à une recommandation du Comité;

d)Les renseignements fournis par les représentants de l’État partie selon lesquels le Gouvernement géorgien se propose de faire les déclarations reconnaissant la compétence du Comité en vertu des articles 21 et 22 de la Convention.

C. Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

80.Le Comité prend note des problèmes et des difficultés auxquels l’État partie est confronté du fait des conflits séparatistes ayant éclaté en Abkhazie et en Ossétie du Sud après l’indépendance et entraîné le déplacement d’un grand nombre de personnes dans le pays ou vers l’étranger, se traduisant par un risque accru de violations des droits de l’homme sur cette partie du territoire.

D. Sujets de préoccupation

81.Le Comité est préoccupé par ce qui suit:

a)La persistance, reconnue, du recours à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants par des représentants de l’ordre en Géorgie;

b)L’inaptitude à ouvrir en toutes circonstances à la réception des nombreuses allégations de torture une enquête rapide, impartiale et complète, ainsi que l’insuffisance des efforts déployés pour poursuivre les responsables présumés, en contravention avec les articles 12 et 13 de la Convention, se traduisant par une situation d’impunité pour les responsables présumés;

c)Les amendements apportés au nouveau Code de procédure pénale en mai et juillet 1999, peu après son entrée en vigueur, qui remettent en cause certaines des mesures de protection des droits de l’homme instituées par ledit Code, en particulier le droit à un examen judiciaire des plaintes visant des mauvais traitements;

d)Les actes collectifs de violence contre les minorités religieuses, en particulier les Témoins de Jéhovah, et l’incapacité de la police à intervenir et à prendre des mesures appropriées, malgré l’existence d’outils juridiques pour prévenir et poursuivre de tels agissements et le risque de voir cette impunité apparente aboutir à leur généralisation;

e)Les carences s’agissant de la possibilité pour les personnes privées de liberté de rencontrer un conseil et un médecin de leur choix ainsi que de recevoir des visites de membres de leur famille;

f)Certains pouvoirs dont est investi le Bureau du Procureur et les problèmes suscités par ses méthodes de fonctionnement, qui font naître de sérieuses préoccupations quant à l’existence de mécanismes indépendants de recueil des plaintes, ainsi que les doutes pesant sur l’objectivité du Bureau du Procureur et l’objectivité des experts auprès des tribunaux et des experts médicaux;

g)Les conditions inacceptables régnant dans les prisons, qui pourraient constituer une violation aux droits des personnes privées de liberté au sens de l’article 16.

E. Recommandations

82.Le Comité recommande à l’État partie:

a)De modifier sa législation pénale nationale en vue d’y intégrer une définition de la torture pleinement compatible avec la définition donnée à l’article premier de la Convention, et prévoie des peines appropriées;

b)Vu les nombreuses allégations dénonçant des faits de torture et de mauvais traitements de la part de représentants de l’ordre, de prendre toutes les dispositions concrètes nécessaires pour prévenir la commission de l’infraction de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

c)De prendre des mesures pour veiller à ce que toute personne privée de liberté ou arrêtée par un représentant de l’ordre: i) soit informée rapidement de ses droits, en particulier le droit de porter plainte devant les autorités en cas de mauvais traitements, le droit d’être informée des charges pesant sur elle et le droit à un conseil et un médecin de son choix; ii) ait rapidement accès à un conseil et un médecin de son choix et à des membres de sa famille;

d)De faire cesser la pratique de ses représentants de l’ordre consistant à qualifier de témoins les suspects placés en détention, ce qui a pour effet de leur dénier le droit d’être assistés par un avocat;

e)De s’attacher d’urgence – pour éviter que les tortionnaires ne jouissent de l’impunité – à: i) mettre en place un mécanisme efficace et indépendant de recueil des plaintes; ii) prendre des dispositions en vue d’un réexamen systématique de toutes les condamnations prononcées sur la base d’aveux susceptibles d’avoir été extorqués sous la torture; iii) assurer l’indemnisation et la réadaptation des victimes de torture;

f)De prendre d’urgence des mesures pour améliorer les conditions de détention;

g)De prendre des mesures concrètes pour restructurer le Bureau du Procureur dans l’esprit de la réforme du système judiciaire et assurer l’application intégrale des dispositions juridiques garantissant dans la pratique le respect des droits de l’homme;

h)Vu l’insuffisance des renseignements statistiques mis à la disposition du Comité durant l’examen du rapport, d’incorporer dans son prochain rapport périodique des statistiques appropriées et complètes ventilées par sexe, groupe ethnique, région géographique, ainsi que des statistiques sur le nombre de plaintes, le type de poursuites et les résultats, concernant en particulier toutes les infractions pénales en relation avec la répression de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

i)De prendre des dispositions afin de reconduire les activités de formation théorique et pratique relatives à la prévention de la torture et à la protection des particuliers contre la torture et les mauvais traitements, à l’intention des policiers et du personnel de l’administration pénitentiaire ainsi qu’à l’intention des médecins légistes et du personnel médical employé dans les prisons concernant l’examen des victimes de la torture et l’établissement des procès‑verbaux constatant la torture;

j)De prendre des mesures efficaces pour poursuivre et réprimer la violence contre les femmes et la traite des femmes, notamment en adoptant une législation appropriée, en entreprenant des recherches et en menant une action de sensibilisation concernant ce problème ainsi qu’en inscrivant un module sur cette question dans le programme de formation des représentants de l’ordre ainsi que des autres groupes professionnels concernés;

k)De donner aux conclusions et recommandations du Comité, et aux comptes rendus analytiques des séances consacrées à l’examen du deuxième rapport périodique de l’État partie, une large diffusion dans le pays.

GRÈCE

83.Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de la Grèce (CAT/C/39/Add.3) à ses 460e, 463e et 469e séances, les 2, 3 et 8 mai 2001 (CAT/C/SR.460, 463 et 469), et a adopté les conclusions et recommandations suivantes.

A. Introduction

84.Le Comité prend note avec satisfaction du troisième rapport périodique de la Grèce, tout en relevant que ce rapport, qui devait être présenté en novembre 1997, est parvenu avec deux ans de retard.

85.Le rapport n’a pas été rédigé en parfaite conformité avec les directives du Comité pour l’établissement des rapports périodiques des États parties, car il ne comportait aucun renseignement pertinent sur la jurisprudence récente, et aucune précision concernant des plaintes relatives à des allégations d’actes de torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Cependant, le Comité accueille avec satisfaction les informations complémentaires apportées oralement par la délégation de l’État partie.

B. Aspects positifs

86.Le Comité note en particulier avec satisfaction les éléments ci‑après:

a)Le cadre juridique existant ainsi que le dispositif institutionnel mis en place pour la protection contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

b)L’adoption de la loi 2298/95 relative à la mise en place de nouvelles institutions afin de garantir les droits des prisonniers;

c)Le recours à du personnel spécialement formé ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, pour intervenir, sous la supervision du parquet, en cas de troubles graves dans les prisons;

d)Les assurances données par le chef de la délégation selon lesquelles il recommandera la publication par les autorités compétentes de l’État partie des rapports de visite établis en 1996 et 1997 par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT);

e)Les contributions régulièrement versées par l’État partie au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture.

C. Sujets de préoccupation

87.Même si la législation interne offre un cadre satisfaisant pour la protection des droits de l’homme en général et des droits consacrés par la Convention en particulier, des difficultés subsistent quant à leur application concrète – ce qui pourrait constituer une violation des obligations énoncées à l’article 16 de la Convention – et le Comité est préoccupé par les éléments suivants:

a)Il semble que dans l’exercice de ses fonctions, la police recoure parfois à la force d’une manière excessive ou injustifiable, notamment à l’égard des membres de minorités ethniques et nationales et des étrangers;

b)La dureté des conditions d’incarcération en général, et en particulier la mise en détention pour de longues périodes de migrants sans papiers ou de demandeurs d’asile en attente d’expulsion, qui sont retenus dans des commissariats de police insuffisamment équipés;

c)Une importante surpopulation carcérale qui aggrave des conditions matérielles laissant déjà à désirer, et qui est de nature à favoriser la violence entre prisonniers;

d)Le fait qu’aucune formation d’ensemble n’est dispensée au personnel médical et aux fonctionnaires chargés de l’application de la loi, à tous les niveaux, concernant les dispositions de la Convention.

E. Recommandations

88.Le Comité recommande:

a)Que des mesures soient prises d’urgence pour améliorer les conditions de détention dans les commissariats et les prisons et veiller à ce que les étrangers sans papiers ou les demandeurs d’asile non reconnus coupables d’une infraction pénale ne soient pas retenus dans ces établissements de manière prolongée;

b)Que toutes mesures nécessaires soient prises pour remédier à la surpopulation carcérale et que les efforts se poursuivent en vue de trouver des solutions de rechange à l’incarcération et d’en assurer la mise en œuvre effective;

c)Que toutes mesures nécessaires soient prises, notamment en matière de formation, pour faire en sorte que les fonctionnaires chargés de l’application de la loi ne se comportent pas de manière discriminatoire à l’égard des groupes vulnérables, en particulier des étrangers et des personnes appartenant à des minorités ethniques et nationales;

d)Que des mesures soient prises pour prévenir et réprimer la traite des femmes et autres formes de violence à l’égard des femmes;

e)Que des mesures soient prises en vue de créer à l’intention des migrants sans papiers et des demandeurs d’asile des centres de rétention distincts des établissements pénitentiaires et des locaux de la police, et il encourage vivement l’État partie à mener à bien de toute urgence le programme projeté de construction de nouveaux bâtiments destinés à recevoir des étrangers;

f)Que l’État partie établisse son prochain rapport périodique, attendu en novembre 2001, en se conformant aux directives du Comité pour l’établissement des rapports périodiques et y incorpore, notamment: i) les statistiques demandées, ventilées par sexe, âge et nationalité; ii) la jurisprudence pertinente; iii) des renseignements détaillés concernant les articles 3, 4, 12, 13 et 16 de la Convention.

BOLIVIE

89.Le Comité a examiné le rapport initial de la Bolivie (CAT/C/52/Add.1) à ses 462e, 465e, et 472e séances, les 3, 4 et 10 mai 2001 (CAT/C/SR.462, 465 et 472), et a adopté les conclusions et recommandations ci‑après.

A. Introduction

90.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de la Bolivie, présenté dans les délais fixés en vertu de la Convention. La Bolivie a adhéré à la Convention le 12 avril 1999, sans formuler de réserve. Elle n’a pas fait les déclarations prévues aux articles 21 et 22.

91.Le rapport n’a pas été établi conformément aux directives concernant l’élaboration des rapports des États parties. Le Comité se félicite toutefois des renseignements supplémentaires fournis par la délégation de l’État partie lors de sa présentation orale et du dialogue franc et constructif engagé avec elle.

B. Aspects positifs

92.Le Comité accueille avec satisfaction:

a)L’adoption d’un nouveau Code de procédure pénale qui devrait entrer en vigueur sous peu, et de la loi organique relative au ministère public, dont l’objectif est de remédier aux lacunes du système national d’administration de la justice;

b)Les efforts déployés par le Défenseur du peuple dont la fonction a été créée en vertu de la loi du 22 décembre 1997, ainsi que par les six bureaux du Défenseur qui sont actuellement en place dans le pays, et par la Commission des droits de l’homme de la Chambre des députés, pour améliorer la situation des droits de l’homme dans le pays;

c)Les mesures prises par l’État partie pour mettre en œuvre des programmes de formation dans le domaine des droits de l’homme, à l’intention non seulement des agents de la fonction publique, mais également des étudiants et des élèves des établissements d’enseignement secondaire, avec la collaboration du Programme des Nations Unies pour le développement et le Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

C. Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

93.Le Comité a noté pendant l’examen du rapport l’insuffisance de la formation dans le domaine des droits de l’homme, concernant en particulier l’interdiction de la torture, dispensée aux responsables de l’application des lois et aux membres des forces armées, ce qui se traduit par des cas graves de mauvais traitements et de torture, dont le Comité a été informé lors de l’examen du rapport.

94.Il a relevé aussi l’insuffisance des services de défense publique ce qui, dans les faits, prive la majeure partie des personnes détenues de leur droit constitutionnel à bénéficier des services d’un défenseur.

D. Sujets de préoccupation

95.Le Comité est préoccupé par les éléments ci‑après:

a)La qualification insuffisante du délit de torture dans le Code pénal, qui ne vise pas certains des actes cités à l’article premier de la Convention, et la légèreté de la peine prévue pour ce délit, qui ne paraît pas correspondre à la gravité de celui‑ci;

b)Le nombre persistant de plaintes pour actes de torture et traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui souvent entraînent la mort, tant dans les locaux de la police que dans les prisons et les quartiers des forces armées;

c)L’absence de sanctions des violations des droits de l’homme et en particulier de la pratique de la torture, qui semble être endémique, conséquence de l’absence d’enquêtes sur les plaintes ou des lacunes et de la lenteur de la procédure d’enquête. Ces faits prouvent que les autorités n’interviennent pas de façon efficace pour éliminer ces pratiques et, en  particulier, que le ministère public et les tribunaux manquent à leurs devoirs. À l’absence d’enquêtes s’ajoute le maintien dans leurs fonctions des membres des forces de police impliqués, ce qui renforce l’impression d’impunité, conduisant à la répétition ou à la poursuite de ces pratiques;

d)Le non‑respect de la durée maximum de la détention au secret, fixée à 24 heures dans la Constitution, ce qui encourage les actes de torture et les traitements cruels, inhumains et dégradants ainsi que l’impunité;

e)Les retards dans la procédure judiciaire dont sont apparemment victimes les deux tiers de la population carcérale se trouvant en attente de jugement et qui ont contribué en grande partie à un grave engorgement des prisons;

f)La surpopulation et les mauvaises conditions matérielles et d’hygiène dans les établissements pénitentiaires, l’absence de services essentiels, en particulier de soins médicaux appropriés, et l’incapacité des autorités à garantir la protection des détenus contre la violence carcérale. Ces graves lacunes, parmi d’autres, non seulement constituent des violations de l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, mais aggravent la privation de liberté des condamnés et des prévenus et en font une peine cruelle, inhumaine et dégradante et, pour les derniers, en outre, une peine anticipée, infligée sans condamnation;

g)Les informations qu’il a reçues concernant les conditions inhumaines qui sont imposées aux personnes détenues dans les lieux désignés sous le nom de «carceletas» (petites prisons) dans les régions du Chapare, à Santa Cruz, à Cochabamba et dans d’autres villes où, outre que la détention appelée «dépôt judiciaire» est illégale puisqu’elle n’existe pas dans le droit interne, les intéressés sont détenus dans des conditions inhumaines pendant des laps de temps indéterminés qui vont souvent jusqu’à plusieurs mois. Dans ces lieux, il n’y a pas de séparation entre les mineurs et les adultes et entre les prévenus et les condamnés. De même, l’emprisonnement disciplinaire dans des cellules punitives du type dit «el Bote (boîte)» constitue de l’avis du Comité une torture;

h)Les nombreuses plaintes déposées auprès du Défenseur du peuple et de la Commission des droits de l’homme de la Chambre des députés concernant des violations de l’article premier et de l’article 16 de la Convention qui, dans certains cas, ont entraîné de graves lésions corporelles et même provoqué la mort, commises dans les casernes à l’encontre de soldats au cours du service militaire obligatoire sous prétexte de l’application de mesures disciplinaires;

i)L’usage excessif et disproportionné de la force et des armes à feu par la police nationale et les forces armées pour réprimer des manifestations collectives lors de conflits sociaux, usage qui, restant impuni, incite à la répétition de ces abus et semblerait être tacitement approuvé par les autorités. Les tortures, détentions arbitraires et mauvais traitements de la part de ces forces policières et militaires, infligés dans leurs locaux, ont été particulièrement graves au cours des périodes d’état de siège;

j)Les fréquents actes de harcèlement, menaces et agressions dont sont victimes les défenseurs des droits de l’homme;

k)Le renvoi des réfugiés venant du Pérou, sans l’application des garanties de procédure qui leur auraient permis d’exposer les raisons pour lesquelles ils craignaient d’être renvoyés dans leur pays d’origine;

96.Le caractère exceptionnel des quelques cas dans lesquels l’État s’est acquitté de son obligation de réparer les dommages causés par des violations extrêmement graves du droit à la vie semble prouver l’absence de politique de l’État en matière de réparation en faveur des victimes de violations des droits de l’homme. Le Comité est particulièrement préoccupé par l’absence d’initiative gouvernementale visant à réadapter les victimes de la torture.

E. Recommandations

97.Le Comité recommande à l’État partie ce qui suit:

a)Inscrire dans la législation pénale la définition de la torture telle qu’elle figure dans la Convention et la qualification du délit de torture, en le sanctionnant d’une peine correspondant à sa gravité;

b)Intensifier les activités de protection, de défense et de promotion des droits de l’homme que, selon le rapport, l’État partie a entreprises, en particulier en ce qui concerne la formation professionnelle de tous les agents de la fonction publique chargés de faire appliquer la loi;

c)Adopter les mesures juridiques et administratives nécessaires pour mettre en place un registre national public des personnes privées de liberté, indiquant l’autorité qui a pris la décision, les motifs de celle-ci et la situation en matière de jugement;

d)Adopter les mesures nécessaires pour faire en sorte que les représentants du ministère public s’acquittent effectivement de leur devoir d’exercer l’action pénale dans tous les cas de plaintes pour torture et traitements cruels, inhumains ou dégradants, promptement et avec impartialité. Au cours des enquêtes, les agents impliqués doivent être suspendus de leurs fonctions;

e)Un registre centralisé et public des plaintes pour torture et mauvais traitements et des résultats des enquêtes doit être mis en place;

f)Adopter toutes les mesures nécessaires pour garantir aux défenseurs des droits de l’homme le libre exercice de leur droit de promouvoir le respect des droits de l’homme, de dénoncer leurs violations et de défendre les victimes;

g)Mettre en place un service de défense publique suffisant pour garantir à toute personne privée de liberté le droit de bénéficier des services d’un avocat, si nécessaire à la charge de l’État;

h)Examiner les procédures et les normes appliquées en matière de discipline dans les établissements pénitentiaires afin de veiller à ce que les infractions soient jugées de façon impartiale et qu’aucune sanction inhumaine et cruelle ne soit appliquée;

i)Adopter les mesures voulues pour garantir qu’aucune personne ne puisse être expulsée, refoulée ou extradée vers le territoire d’un autre État lorsqu’il existe des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture. Les personnes dans cette situation devraient être assurées de la possibilité de faire valoir leurs raisons lors d’une procédure contradictoire et impartiale dont l’issue doit être susceptible d’examen par une autorité supérieure;

j)Faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

98.Le Comité engage en particulier le pouvoir judiciaire et le ministère public à prendre des mesures pour remédier aux graves lacunes dans les enquêtes et dans le châtiment des auteurs d’actes de torture et de traitements cruels, inhumains et dégradants.

SLOVAQUIE

99.Le Comité a examiné le rapport initial de la République slovaque (CAT/C/24/Add.6) à ses 464e, 467e et 475e séances, les 4, 7 et 11 mai 2001 (CAT/C/SR.464, 467 et 475), et a adopté les conclusions et recommandations ci‑après.

A. Introduction

100.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de la Slovaquie mais note que ce rapport, attendu en mai 1994, a été soumis avec six ans de retard. L’État partie indique que le document présenté comprend à la fois le rapport initial et le deuxième rapport périodique. Le Comité souligne toutefois que la décision par un État partie de regrouper des rapports en retard contrevient aux obligations lui incombant en vertu de l’article 19 de la Convention.

101.Le rapport n’est pas pleinement conforme aux directives du Comité concernant l’élaboration des rapports initiaux des États parties, car on n’y trouve pas de renseignements sur la mise en œuvre concrète de mesures donnant effet aux dispositions de la Convention. Le Comité note en outre que l’État partie n’a toujours pas présenté de document de base. Cependant, le Comité attache une grande valeur aux efforts considérables qui ont été fournis par la délégation pour engager un dialogue constructif avec lui et pour lui communiquer certaines des informations et statistiques spécifiques qu’il avait demandées au cours de ses exposés oraux et dans sa réponse.

B. Aspects positifs

102.Le Comité accueille avec satisfaction:

a)Le fait que la Slovaquie est partie aux principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention sur

l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Convention relative aux droits de l’enfant, la Convention européenne des droits de l’homme et la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants;

b)Les déclarations faites le 17 mars 1995 à l’effet de reconnaître la compétence du Comité au titre des articles 21 et 22 et le retrait des réserves émises à propos de l’article 20 le 7 juillet 1988 par la République socialiste de Tchécoslovaquie;

c)L’action remarquable menée par l’État partie pour procéder à des changements radicaux dans les domaines politique, économique, législatif et institutionnel et le fait que les droits de l’homme sont mieux respectés dans le pays;

d)L’inclusion d’une protection étendue des droits de l’homme dans la Constitution et la proclamation, à la suite de l’accession de la Slovaquie à l’indépendance, d’une Charte des droits et libertés fondamentaux ainsi que la modification de la Constitution en date du 23 février 2001, instituant la primauté des traités internationaux;

e)La création de nouvelles institutions et d’unités spéciales de police visant à promouvoir le respect des droits de l’homme et, en particulier, les mesures récemment prises pour mettre en place le poste de médiateur.

C. Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

103.Le Comité a conscience des difficultés rencontrées pour surmonter la situation héritée du régime autoritaire et assurer le passage à un système démocratique ainsi que des chantiers engagés pour reconstruire les structures étatiques après la dissolution de la République fédérale tchèque et slovaque en 1992.

D. Sujets de préoccupation

104.Le Comité se déclare préoccupé par:

a)L’imprécision des dispositions du Code pénal de l’État partie concernant les fins de tout acte de torture, telles que visées à l’article premier de la Convention;

b)Les exceptions faites aux garanties instituées par l’article 3, concernant le rapatriement de personnes courant le risque d’être torturées, en contradiction avec l’interdiction absolue énoncée à l’article 3;

c)Les allégations de participation de la police à des attaques contre des Roms et d’autres membres de la population, ainsi que les allégations d’inaction de la police et des responsables de l’application des lois, qui ne fourniraient pas une protection suffisante contre des agressions d’inspiration raciste perpétrées par des «skinheads» ou d’autres extrémistes;

d)L’incapacité des autorités à mener promptement des enquêtes impartiales et approfondies en cas d’allégations de ce type ou à poursuivre et réprimer les responsables;

e)Les allégations selon lesquelles des responsables de l’application des lois ont maltraité des détenus au cours de leur détention et de leur garde à vue, notamment dans les lieux de détention provisoire et les locaux cellulaires de la police;

f)Les allégations selon lesquelles des défenseurs des droits de l’homme auraient été harcelés et menacés pour les dissuader de porter plainte et le fait qu’aucune enquête n’ait été menée sur ces allégations;

g)L’absence de protection suffisante du droit des personnes privées de liberté d’avoir accès à un conseil et à un médecin de leur choix ainsi que de subir rapidement des examens médicaux.

E. Recommandations

105.Le Comité recommande à l’État partie:

a)D’adopter une définition de la torture qui couvre tous les éléments de la définition figurant à l’article premier de la Convention et de modifier la législation pénale interne en conséquence;

b)De poursuivre les efforts visant à introduire des réformes supplémentaires et à mettre en œuvre les réformes figurant dans les modifications apportées à la Constitution en date du 23 février 2001;

c)De prendre des mesures pour mettre en place un système efficace, fiable et indépendant de dépôt de plaintes permettant d’ouvrir promptement des enquêtes impartiales et efficaces sur les allégations de mauvais traitements ou de torture par les membres de la police et autres agents publics, et lorsque les conclusions de ces enquêtes le justifient, de poursuivre et punir les auteurs présumés;

d)D’adopter des mesures pour faire en sorte que les déclarations ou informations obtenues sous la contrainte ne soient pas recevables comme élément de preuve devant les tribunaux et que les dispositions juridiques permettant l’utilisation de la force physique par les agents de police soient réexaminées, révisées selon que de besoin et appliquées conformément aux prescriptions de la Convention;

e)De protéger les défenseurs des droits de l’homme contre les harcèlements et les menaces qui entravent leur capacité de surveiller et d’aider les personnes signalant des violations des droits de l’homme;

f)D’adopter des mesures pour prévenir la violence entre détenus, notamment la violence sexuelle, dans les lieux de détention et de fournir toutes les informations pertinentes sur ce phénomène dans son prochain rapport;

g)De fournir au Comité dans son prochain rapport périodique des données statistiques sur les personnes enfermées dans des institutions d’État, tant civiles que militaires, aux fins de détention, redressement, soins psychiatriques, éducation spécialisée, etc., données qui devront être ventilées par âge, sexe, origine ethnique et région géographique, notamment;

h)De prendre des mesures efficaces pour garantir l’indépendance de la magistrature à l’égard de l’exécutif, afin de renforcer la primauté du droit et le régime démocratique, essentiels à la mise en œuvre de la Convention;

i)De prendre des dispositions suffisantes pour indemniser et réadapter les victimes de la torture et de mauvais traitements;

j)De continuer à fournir une formation en matière de droits de l’homme aux responsables de l’application des lois, aux militaires et autres fonctionnaires, notamment ceux qui servent dans des établissements publics, dans des collectivités locales, ainsi que ceux qui servent dans des régions frontalières, et de leur fournir des directives claires concernant la proscription de la torture et des mauvais traitements et l’interdiction de renvoyer des personnes dans un pays où elles risquent d’être torturées;

k)De diffuser largement dans le pays les conclusions et recommandations du Comité et les comptes rendus analytiques de l’examen du rapport initial de l’État partie et d’encourager les organisations non gouvernementales à participer à cette action.

RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

106.Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de la République tchèque (CAT/C/38/Add.1) à ses 466e, 469e et 477e séances, les 7, 8 et 14 mai 2001 (CAT/C/SR.466, 469 et 477) et a adopté les conclusions et recommandations ci‑après :

A. Introduction

107.Le Comité se félicite de l’excellente qualité du deuxième rapport périodique de l’État partie, établi conformément à ses directives, ainsi que de son honnêteté et de son exhaustivité, tout en relevant que celui‑ci a été présenté avec plus de deux années de retard. Le Comité est très satisfait des nombreux renseignements supplémentaires portant sur la période récente qui ont été fournis par la délégation de la République tchèque tant oralement que par écrit lors de l’examen du rapport, ainsi que les réponses claires, franches et transparentes apportées aux questions posées par le Comité.

B. Aspects positifs

108.Le Comité accueille avec satisfaction les efforts que continue de déployer l’État partie pour réformer son système juridique et modifier sa législation dans l’optique des valeurs humaines universelles, afin de protéger les droits de l’homme fondamentaux et notamment le droit de ne pas être soumis à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; il tient notamment à citer:

a)L’adoption de la nouvelle loi sur les étrangers et de la nouvelle loi sur l’asile, l’une et l’autre entrées en vigueur le 1er janvier 2000;

b)Les modifications apportées à la loi sur la nationalité en septembre 1999, qui ont permis de résoudre la plupart des problèmes d’apatridie, qui pénalisaient tout particulièrement la population rom;

c)La modification de la législation et la création d’un centre de détention spécialement destiné aux étrangers, qui ont permis de résoudre les problèmes liés à la mise en détention des étrangers avant leur expulsion;

109.Le Comité accueille avec satisfaction la création du poste de Commissaire du gouvernement aux droits de l’homme et du Conseil des droits de l’homme, ainsi que la nomination d’un médiateur.

110.Le Comité prend acte des efforts faits pour donner effet aux recommandations du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (A/55/18, par. 271 à 288).

111.Le Comité se félicite de l’indemnisation accordée à 208 000 anciens prisonniers politiques.

112.Le Comité relève avec satisfaction que l’État partie a fait les déclarations voulues pour reconnaître la compétence du Comité au titre des articles 21 et 22 de la Convention et qu’il a retiré sa réserve à l’article 20.

C. Sujets de préoccupation

113.Le Comité est préoccupé par les éléments suivants:

a)Le racisme présent au sein de la société et les cas de xénophobie, notamment l’aggravation des violences raciales à l’encontre des groupes minoritaires, ainsi que la multiplication des groupes faisant l’apologie de tels actes;

b)Tout en se félicitant des mesures qui ont été prises pour résoudre les problèmes rencontrés par les Roms, le Comité demeure préoccupé par les incidents qui continuent d’être signalés et qui dénotent une discrimination à l’égard des Roms, y compris de la part de fonctionnaires de l’administration locale, et il s’inquiète en particulier des traitements dégradants qui seraient infligés par la police à des membres de groupes minoritaires, ainsi que des agressions violentes dont les Roms continueraient d’être victimes, les allégations selon lesquelles les autorités policières et judiciaires n’assureraient par une protection adéquate, n’enquêteraient pas et n’engageraient pas de poursuites en cas d’infractions motivées par la haine, et de la clémence dont bénéficieraient les auteurs d’infractions à caractère raciste;

c)Les allégations selon lesquelles des agents de la force publique feraient un usage excessif de la force pendant et après les manifestations et en particulier selon lesquelles des traitements cruels, inhumains et dégradants auraient parfois été infligés à des personnes arrêtées et détenues à la suite des manifestations qui ont eu lieu à l’occasion de la réunion du FMI et de la Banque mondiale à Prague en septembre 2000;

d)L’absence de tout dispositif de contrôle externe de l’action de la police;

e)L’absence de garanties suffisantes pour protéger le droit des personnes privées de liberté d’informer de leur situation un proche ou un tiers de leur choix, d’être vues par un médecin de leur choix et de se faire assister par un conseil dès le début de la garde à vue;

f)L’absence de toute disposition légale prévoyant des inspections du système pénitentiaire par des instances extérieures, et en particulier l’abrogation des dispositions relatives aux inspections civiles, celles‑ci n’ayant pas été remplacées au cours de la période considérée, ainsi que l’absence de tout mécanisme efficace de traitement des plaintes émanant de personnes incarcérées;

g)Les violences entre prisonniers et les brimades et le bizutage signalés dans divers établissements et notamment dans les prisons, les institutions militaires et les établissements d’enseignement, ainsi que la présence de gardiens de sexe masculin dans les prisons pour femmes.

D. Recommandations

114.Le Comité recommande ce qui suit:

a)L’État partie devrait poursuivre ses efforts pour mettre fin à toutes les formes de discrimination à l’encontre des minorités et pour donner effet à sa politique à long terme visant à intégrer la population rom par des moyens juridiques aussi bien que pratiques; il devrait en particulier redoubler d’efforts pour combattre et punir comme il convient les mauvais traitements infligés aux minorités par la police et l’absence de protection suffisante;

b)L’État partie devrait veiller à l’indépendance et au sérieux des enquêtes menées au sujet des allégations de mauvais traitements en général et de celles ayant fait suite à la réunion du FMI et de la Banque mondiale de septembre 2000 en particulier, et fournir au Comité dans son prochain rapport périodique des informations sur les résultats de ces enquêtes et les mesures prises, y compris le cas échéant les poursuites engagées et les indemnisations versées aux victimes;

c)L’État partie devrait prendre les mesures voulues pour garantir l’indépendance des enquêtes ouvertes à la suite d’infractions commises par des agents de la force publique, en mettant en place un dispositif de contrôle externe;

d)Toutes les personnes privées de liberté devaient se voir garantir le droit d’informer de leur situation un proche ou un tiers de leur choix, de se faire assister par un avocat de leur choix dès le début de la garde à vue, et d’être examinées par un médecin de leur choix, outre l’examen médical auquel procèdent éventuellement les services de police;

e)L’État partie devrait mettre en place un système efficace et indépendant de vérification des plaintes émanant de prisonniers et d’inspection du système pénitentiaire par des instances civiles extérieures;

f)Des informations devraient être fournies au sujet des possibilités de réparation et de réadaptation offertes aux victimes d’actes de torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

g)Le Comité encourage l’État partie à adhérer à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie;

h)Les conclusions et recommandations du Comité ainsi que les comptes rendus analytiques des séances consacrées à l’examen du deuxième rapport périodique de l’État partie devraient être largement diffusés dans le pays.

BRÉSIL

115.Le Comité a examiné le rapport initial du Brésil (CAT/C/9/Add.16) à ses 468e, 471e et 481e séances, les 8, 9 et 16 mai 2001 (CAT/C/SR.468, 471 et 481) et a adopté les conclusions et recommandations suivantes.

A. Introduction

116.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial du Brésil, tout en relevant que ce rapport, qui aurait dû être présenté en octobre 1990, est parvenu avec un retard excessif de 10 ans. Le Brésil a ratifié la Convention le 28 septembre 1989, sans formuler de réserve. L’État partie n’a pas fait les déclarations prévues aux articles 21 et 22.

117.Le rapport n’a pas été rédigé en parfaite conformité avec les directives du Comité concernant l’élaboration des rapports initiaux des États parties. Cependant, le Comité exprime son appréciation quant au caractère remarquablement franc et autocratique du rapport qui, de surcroît, a été élaboré en coopération avec une institution académique non gouvernementale. Le Comité se félicite également des informations complémentaires apportées oralement par la délégation de l’État partie lors de sa présentation orale ainsi que du dialogue constructif qui a eu lieu.

B. Aspects positifs

118.Le Comité note avec satisfaction les éléments ci‑après:

a)La volonté politique exprimée par l’État partie de combattre la pratique de la torture et son empressement, à cette fin, de coopérer avec des organes de l’Organisation des Nations Unies ainsi que les organisations régionales;

b)La franchise et la transparence avec lesquelles le Gouvernement reconnaît l’existence, la gravité et l’ampleur de la pratique de la torture au Brésil;

c)Les efforts de l’État partie en ce qui concerne la mise en œuvre d’un programme d’éducation et la campagne nationale pour la promotion de droits de l’homme, prévue pour juin 2001, ayant pour but de sensibiliser l’opinion publique et les agents de l’État concernés, à la lutte contre la torture. Le Comité accueille également favorablement les autres mesures prises par l’État partie pour répondre aux préoccupations du Rapporteur spécial sur la torture suite à sa visite dans le pays.

d)La promulgation, en avril 1997, de la loi 9455/97 sur la torture qui introduit dans le droit pénal brésilien une qualification criminelle de la torture en y associant des peines adéquates;

e)La création de divers organes ayant pour fonction de renforcer le respect des droits de l'homme, notamment la Commission des droits de l’homme de la Chambre des députés, le Secrétariat national des droits de l’homme du Ministère de la justice, le Procureur fédéral pour les droits de l'homme et, dans quelques cas, les Commissions étatiques de droits de l’homme;

f)La législation relative aux réfugiés ainsi que la création d’une procédure ayant pour but de garantir qu’un requérant d’asile ne sera pas refoulé vers un État s’il existe des motifs sérieux de croire qu’il risque d’y être soumis à la torture;

g)Le contrôle externe de la police par le ministère public et les efforts de l’État partie de renforcer une surveillance externe et indépendante par la création des ombudsman de la police dans plusieurs États;

h)Les contributions régulièrement versées par l’État partie au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture.

C. Sujets de préoccupation

119.Le Comité se déclare préoccupé par ce qui suit:

a)La persistance d’une culture acceptant les abus perpétrés par les agents de l’État, les nombreuses allégations d’actes de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants, tant dans les locaux de la police que dans les prisons et les quartiers des forces armées, et l’impunité de fait des auteurs de ces actes;

b)La surpopulation et les mauvaises conditions matérielles et d’hygiène dans les établissements pénitentiaires, l’absence de services essentiels, en particulier de soins médicaux appropriés, et la violence entre les prisonniers ainsi que les abus sexuels. Le Comité est particulièrement préoccupé par les allégations de mauvais traitement et de traitement discriminatoire, quant à l’accès aux services essentiels déjà limités, de certains groupes, notamment sur base d’origine sociale et orientation sexuelle;

c)De longues périodes de détention provisoire et les retards dans la procédure judiciaire qui, cumulés au phénomène de surpopulation carcérale, ont eu pour conséquence l’incarcération des personnes condamnées et des personnes accusées en attente de jugement dans les postes de police et les maisons d’arrêt, des lieux insuffisamment équipés pour de longues périodes de détention ce qui pourrait, en soi, constituer une violation des dispositions énoncées à l’article 16 de la Convention;

d)L’insuffisance de la formation de l’ensemble des fonctionnaires chargés de l’application de la loi, à tous les niveaux, ainsi que du personnel médical, concernant les dispositions de la Convention;

e)La compétence conférée à la police pour mener les enquêtes suite aux dénonciations de crimes de torture commis par des membres des forces de police, sans contrôle effectif du ministère public, ayant pour résultat d’empêcher des enquêtes immédiates et impartiales, ce qui contribue à l’impunité dont bénéficient les auteurs de ces actes;

f)L’absence d’une procédure institutionnalisée et accessible afin de garantir aux victimes d’actes de torture le droit d’obtenir réparation et d’être indemnisées équitablement et de manière adéquate, comme prévu par article 14 de la Convention;

g)L’absence dans la législation brésilienne d’une interdiction explicite d’invoquer comme élément de preuve dans une procédure judiciaire tous aveux et toutes déclarations obtenus par la torture;

D. Recommandations

120.Le Comité fait les recommandations suivantes:

a)L’État partie devrait veiller à ce que l’interprétation de la loi sur le crime de la torture soit faite en conformité avec l’article premier de la Convention;

b)L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer des enquêtes immédiates et impartiales, sous le contrôle effectif du ministère public, dans tous les cas de plaintes pour torture et traitements cruels, inhumains ou dégradants, y compris des actes commis par des membres des forces de police. Au cours de ces enquêtes, les agents impliqués doivent être suspendus de leurs fonctions;

c)Toutes les mesures nécessaires devraient être adoptées pour garantir à toute personne privée de liberté le droit à la défense et, par conséquent, d’être assistée par un avocat, si nécessaire, aux frais de l’État;

d)Des mesures sont à prendre d’urgence pour améliorer les conditions de détention dans les commissariats et les prisons et l’État partie devrait, par ailleurs, redoubler d’efforts pour remédier à la surpopulation carcérale et mettre en place un système de surveillance systématique et indépendant sur le traitement de fait des personnes arrêtées, détenues ou emprisonnées;

e)L’État partie devrait renforcer les activités d’éducation et de promotion concernant les droits de l'homme en général et la Convention en particulier pour les fonctionnaires chargés de l’application de la loi, et mettre en place une formation sur ces thèmes dans les programmes d’enseignement officiel à l’intention des nouvelles générations;

f)Des mesures devraient être prises pour réglementer et institutionnaliser le droit des victimes de la torture à une indemnisation équitable et adéquate à la charge de l’État et mettre en place des programmes pour leur réadaptation physique et mentale aussi complète que possible;

g)L’État devrait interdire explicitement la possibilité d’invoquer comme un élément de preuve dans une procédure judiciaire toute déclaration obtenue par la torture;

h)L’État devrait faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention;

i)Le deuxième rapport périodique de l’État partie devrait être présenté dans les meilleurs délais afin de suivre l’échéancier prévu dans l’article 19 de la Convention et inclure notamment: i) la jurisprudence pertinente; ii) des informations détaillées sur les allégations, enquêtes et condamnations relatives aux actes de torture commis par des agents de l’État et; iii) des renseignements concernant les mesures prises par les autorités publiques de manière à mettre en œuvre, dans l’ensemble du pays, les recommandations du Comité, ainsi que celles du Rapporteur spécial sur la torture auxquelles la délégation de l’État partie a fait référence pendant le dialogue avec le Comité.

KAZAKHSTAN

121.Le Comité a examiné le rapport initial du Kazakhstan (CAT/C/47/Add.1) à ses 470e, 473e et 482e séances (CAT/C/SR.470, 473 et 482), les 9, 10 et 17 mai 2001 et a adopté les conclusions et recommandations ci‑après.

A. Introduction

122.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial du Kazakhstan mais note qu’il traite principalement de dispositions juridiques et que l'on n'y trouve pas d'informations détaillées sur l'application concrète de la Convention. Cependant, le Comité tient à marquer qu'il a apprécié la mise à jour approfondie et riche d'enseignements faite au cours de son examen par la délégation de haut niveau envoyée par l'État partie.

B. Aspects positifs

123.Le Comité note l’annonce par les représentants de l'État partie que le Gouvernement kazakh adoptera sous peu une définition distincte de la torture conforme à l'article premier de la Convention et que le crime de «torture» sera ajouté à la liste figurant à l'article 116 du Code de procédure pénale.

124.Le Comité sait gré au Gouvernement kazakh de l’assurance qu’il lui a donnée que le Kazakhstan créerait un poste de médiateur indépendant, doté d’une équipe d’avocats, de juristes et de défenseurs des droits de l’homme qualifiés qui offriraient gratuitement leurs services aux citoyens qui auraient besoin de son assistance.

125.Le Comité se félicite des progrès réalisés conjointement avec l’Organisation mondiale de la santé en ce qui concerne la diminution du nombre de cas de tuberculose dans les lieux de détention et la mise au point d’un plan de coopération à long terme avec les organisations internationales en vue de poursuivre ces efforts.

126.Le Comité se félicite de ce que l’État partie, reconnaissant la force obligatoire de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, ait présenté un rapport à l’organe de surveillance de l’application de la Convention. Le Comité contre la torture, prenant note avec satisfaction de l’assurance donnée par le Gouvernement qu’il allait prendre les dispositions voulues pour continuer de donner effet au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, relève que le Comité des droits de l’homme a demandé au Gouvernement kazakh de lui soumettre un rapport sur l’application du deuxième Pacte avant juillet 2001.

C. Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

127.Le Comité sait combien il est difficile de surmonter la situation héritée d’un régime autoritaire pour passer à une forme de gouvernement démocratique et n’ignore pas les défis liés à la reconstruction des structures de l’État.

D. Sujets de préoccupation

128.Le Comité se déclare préoccupé par la situation dans le domaine des droits de l’homme en général, et en particulier par les éléments ci‑après:

a)L’absence dans le Code pénal de l’État partie d’une définition de la torture conforme à celle de l’article premier de la Convention et l’absence d’une qualification spécifique de l’infraction de torture, qui fait que cette infraction n’est pas passible de peines appropriées, ainsi que le stipule le paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention;

b)Les allégations d’actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants commis par des responsables de l’application des lois de l’État partie ou avec leur assentiment, notamment à l’encontre d’opposants politiques au Gouvernement, consistant notamment en passages à tabac et autres faits contraires à la Convention;

c)L’insuffisance de l’indépendance et de l’efficacité du parquet, du fait en particulier que le Procureur est habilité à contrôler le bien‑fondé de la durée de la détention provisoire;

d)Le fait que les agents de l’État ont tendance à ne pas mener dans tous les cas d’enquêtes rapides, impartiales et complètes sur les allégations de torture portées à la connaissance des autorités, ainsi que le fait que les auteurs présumés ne sont pas poursuivis, en contravention des articles 12 et 13 de la Convention. Le Comité apprécie, tout en se déclarant préoccupé, que le Gouvernement ait reconnu que des enquêteurs et des membres du personnel du Ministère de l’intérieur ont mené des enquêtes superficielles, détruit des éléments de preuve, intimidé des victimes et forcé des témoins à se rétracter.

e)Les allégations selon lesquelles des juges refusent de tenir compte des éléments de preuve de torture et de mauvais traitements fournis par l’accusé concernant la manière dont il a été traité par les responsables de l’application des lois.

f)L’absence d’une magistrature indépendante, l’exercice du métier de juge n’étant pas assorti de certaines garanties nécessaires;

g)L’insuffisance des garanties de l’indépendance des avocats;

h)Le surpeuplement, l’absence d’accès à des soins médicaux suffisants dans les prisons et centres de détention provisoire et particulièrement dans les centres de détention de mineurs, où l’on signale des cas d’automutilation de détenus; le fait qu’il n’est pas proposé aux détenus de peines de substitution, et le fait que les programmes de correction, l’éducation et la formation sont insuffisants, ce qui conduit à des taux de récidive élevés.

i)Le critère de succès utilisé par les enquêteurs est le nombre de crimes élucidés, ce qui peut conduire à exercer des pressions sur les détenus pour qu’ils «avouent» par des moyens réprouvés par la Convention.

j)L’absence dans le rapport d’informations concernant la torture et les mauvais traitements dont sont victimes les femmes et les jeunes filles, compte tenu surtout de l’élévation du taux d’incarcération des femmes et des allégations selon lesquelles les femmes seraient maltraitées au cours de leur garde à vue.

E. Recommandations

129.Le Comité recommande à l’État partie:

a)D’avancer rapidement dans la réalisation de son objectif déclaré de modifier le droit pénal interne afin d’y inscrire le crime de torture, en pleine conformité avec la définition donnée à l’article premier de la Convention et de l’assortir d’une peine adéquate;

b)De prendre d’urgence des mesures efficaces pour instituer un mécanisme pleinement indépendant d’enquête sur les plaintes, de faire en sorte que les enquêtes sur les nombreuses allégations de torture portées à la connaissance des autorités soient rapides, impartiales et complètes et de poursuivre et punir, le cas échéant, les auteurs présumés;

c)D’élargir les pouvoirs de la Commission présidentielle des droits de l’homme pour en faire une commission des droits de l’homme nationale, gouvernementale et non gouvernementale, indépendante et impartiale conformément aux Principes de Paris, dotée de pouvoirs effectifs, notamment de celui d’enquêter sur toutes les plaintes faisant état de violations des droits de l’homme, en particulier celles qui ont trait à la mise en œuvre de la Convention;

d)De garantir dans la pratique le respect absolu du principe de l’irrecevabilité des éléments de preuve extorqués par la torture;

e)De prendre des mesures, consistant notamment à réexaminer la Constitution, les lois et les décrets, pour instaurer et garantir l’indépendance des juges et des avocats dans l’exercice de leurs fonctions, conformément aux normes internationales;

f)De procéder à l’adoption de mesures permettant aux avocats de rassembler des éléments de preuve et d’intervenir en faveur de leur client dès le tout début de la période de détention, ainsi que de veiller à ce que les personnes détenues puissent consulter un médecin sur leur demande, et non sur ordre des responsables des prisons;

g)D’améliorer les conditions de vie dans les prisons et les centres de détention provisoire et d’établir un système permettant l’inspection des prisons et des centres de détention par des contrôleurs impartiaux crédibles dont les constatations devraient être rendues publiques. L’État partie devrait aussi prendre des mesures pour raccourcir la période de garde à vue, qui est actuellement de 72 heures, et éviter les périodes prolongées d’état d’arrestation et de détention provisoire;

h)D’achever le transfert de la responsabilité des prisons du Ministère de l’intérieur au Ministère de la justice, ce qui permettrait de démilitariser le système pénitentiaire:

i)D’assurer un contrôle judiciaire indépendant de la durée et des conditions de la détention provisoire;

j)D’examiner les affaires où une condamnation a été prononcée sur la base d’aveux qui ont pu être obtenus par la torture ou des mauvais traitements, et d’indemniser comme il convient les victimes;

k)De faire la déclaration prévue à l’article 21 et à l’article 22 de la Convention;

l)De veiller à ce que le personnel spécialisé soit formé au dépistage des marques de torture physique et psychologique et de veiller, au cours de la formation continue des membres de ce personnel, à ce que les examens qu’ils doivent passer comprennent des épreuves de sensibilisation aux prescriptions de la Convention;

m)De fournir dans le prochain rapport périodique des données ventilées, notamment par âge, sexe et origine ethnique, et donnant la répartition géographique des lieux de détention civils et militaires ainsi que des centres de détention pour mineurs et autres institutions où des individus risquent d’être soumis à la torture ou à des mauvais traitements au sens de la Convention; de donner dans le prochain rapport périodique des informations concernant le nombre, la nature et l’issue des affaires dans lesquelles des membres de la police et autres responsables de l’application des lois ont été accusés de torture et d’infractions connexes, y compris des affaires où le tribunal a prononcé un non‑lieu; de fournir des informations complètes sur l’aboutissement des affaires pénales décrites dans le rapport initial de l’État partie et sur la réparation éventuellement octroyée;

n)De diffuser largement dans le pays, notamment auprès des responsables de l’application des lois, les conclusions et recommandations du Comité et les comptes rendus analytiques des séances consacrées à l’examen du rapport initial de l’État partie, ainsi que le rapport lui‑même, par le biais des médias et des moyens de diffusion et de vulgarisation qu’offrent les organisations non gouvernementales.

o)De consulter les organisations non gouvernementales et les organisations de la société civile dans tous les aspects de l’élaboration du prochain rapport périodique.

COSTA RICA

130.Le Comité a examiné le rapport initial du Costa Rica (CAT/C/24/Add.7) à ses 472e, 475e et 482e séances, les 10, 11 et 17 mai 2001 (CAT/C/SR.472, 475 et 482), et a adopté les conclusions et recommandations ci‑après.

A. Introduction

131.Le Costa Rica a déposé l’instrument de ratification de la Convention le 11 novembre 1993 sans faire de réserves. Il n’a pas formulé les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

132.Le rapport a été présenté avec un retard de plus de cinq ans. Dans sa forme et son contenu, il est conforme aux directives générales établies par le Comité pour la présentation des rapports initiaux. Le document de base (HRI/CORE/1/Add.104) est aussi conforme aux directives établies.

133.L’examen du rapport a donné lieu à un dialogue franc et constructif avec les représentants de l’État partie, ce dont le Comité est reconnaissant.

B. Aspects positifs

134.Le Comité prend note avec satisfaction des aspects suivants:

a)La primauté des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme en général et de la Convention en particulier sur le droit interne et même sur la Constitution politique, dans la mesure où ils énoncent des droits et des garanties plus étendus que ceux reconnus par la Constitution;

b)La signature et la ratification de la majeure partie des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, aussi bien à l’échelon universel qu’à l’échelon interaméricain, et la reconnaissance que leurs dispositions sont directement applicables;

c)Le Comité n’a pas reçu d’organisations non gouvernementales des renseignements sur des faits ou des situations qui pourraient indiquer que l’État partie ne respecte pas les obligations que la Convention lui impose;

d)L’inclusion dans le droit interne de dispositions qui permettent l’application extraterritoriale de la loi pénale pour juger et punir les responsables d’actes de torture;

e)Un régime juridique et institutionnel de protection et de promotion des droits de l’homme satisfaisant, en particulier:

i)Les dispositions constitutionnelles et légales régissant les recours en habeas corpus et en amparo, et leur interprétation extensive par les tribunaux nationaux;

ii)L’autonomie et les pouvoirs du Bureau du Défenseur du peuple;

iii)L’existence de multiples organes et instances que peuvent saisir les victimes présumées pour déposer des plaintes en cas de torture ou de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

iv)Le régime de contrôle des activités des agents de la force publique.

f)L’inclusion expresse dans la Constitution et les lois des droits et des garanties de toute personne privée de liberté, en particulier:

i)L’exigence d’un mandat écrit de l’autorité compétente pour arrêter une personne, sauf en cas de flagrant délit;

ii)L’obligation de la personne qui procède à l’arrestation de faire connaître à la personne arrêtée le motif de sa détention, son droit de garder le silence, d’aviser de sa détention toute personne désignée par elle et de l’informer de la possibilité de bénéficier de l’assistance du conseil de son choix;

iii)Le délai de six heures fixé à la police pour traduire la personne arrêtée devant un représentant du ministère public et de 24 heures pour le mettre à la disposition du juge et l’interdiction de toute arrestation sur la base de simples soupçons.

g)Le plan de construction et de réaménagement des établissements pénitentiaires.

C. Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

135.Le Comité est préoccupé par les éléments suivants:

a)L’absence de qualification de la torture comme infraction spécifique, malgré l’interdiction expresse de celle‑ci dans la Constitution;

b)L’insuffisance de la formation des membres des forces de police et du personnel de l’administration pénitentiaire concernant l’interdiction de la torture;

c)Les cas d’abus d’autorité de la part de la police et du personnel de l’administration pénitentiaire mentionnés dans le rapport de l’État partie;

d)Le surpeuplement carcéral, avec les conditions d’entassement qui en résultent, dû à la fois à l’insuffisance des investissements dans les infrastructures et au recours à la privation de liberté et à l’augmentation de la durée des peines à titre de réponse quasiment unique à l’augmentation de la criminalité;

e)L’inexistence de programmes étatiques pour la réadaptation des victimes de la torture;

f)Le régime de détention sécurité maximale, qui comporte 23 heures de cellule et une heure à l’extérieur de celle‑ci, paraît excessif.

g)L’absence de données statistiques dans le rapport sur les cas d’abus d’autorité, les résultats des enquêtes menées à ce sujet et les conséquences pour les victimes sur le plan de la réparation et de l’indemnisation.

D. Recommandations

136.Le Comité recommande à l’État partie:

a)D’inclure dans le Code pénal l’infraction de torture décrite en des termes conformes à l’article premier de la Convention et assortie de peines correspondant à sa gravité, comme le prescrit le paragraphe 2 de l’article 4 de cette Convention;

b)D’intensifier les mesures de formation en incluant en particulier des informations complètes sur l’interdiction de la torture dans les programmes de formation professionnelle des membres des forces de police et du personnel pénitentiaire;

c)De respecter les dispositions de l’article 19 de la Convention pour la présentation des prochains rapports périodiques;

d)De faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention;

e)D’améliorer l’efficacité de la procédure de reconnaissance du statut de réfugié pour réduire la longue période pendant laquelle les personnes qui demandent l’asile ou le statut de réfugié sont dans l’incertitude;

f)De donner dans le prochain rapport des statistiques sur les cas relevant des domaines visés par la Convention examinés par les organes internes, ventilées selon l’âge et le sexe des victimes, et pour les inculpés, selon les services auxquels ils appartiennent, y compris les résultats des enquêtes effectuées et les conséquences pour les victimes sur le plan de la réparation et de l’indemnisation.

g)D’assurer une large diffusion aux présentes conclusions et recommandations du Comité.

V. ACTIVITÉS MENÉES PAR LE COMITÉ EN APPLICATIONDE L’ARTICLE 20 DE LA CONVENTION

A. Informations générales

137.En vertu du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention, s’il reçoit des renseignements crédibles qui lui semblent contenir des indications fondées attestant que la torture est pratiquée systématiquement sur le territoire d’un État partie, le Comité invite ledit État à coopérer à l’examen des renseignements et, à cette fin, à lui faire part de ses observations à ce sujet.

138.Conformément à l’article 69 du règlement intérieur du Comité, le Secrétaire général porte à l’attention du Comité les renseignements qui sont ou semblent être présentés pour examen par le Comité au titre du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention.

139.Le Comité ne reçoit aucun renseignement concernant un État partie qui, conformément au paragraphe 1 de l’article 28 de la Convention, a déclaré, au moment où il a ratifié la Convention ou y a adhéré, qu’il ne reconnaissait pas la compétence accordée au Comité en vertu de l’article 20, à moins que cet État n’ait ultérieurement levé sa réserve conformément au paragraphe 2 de l’article 28 de la Convention.

140.Le Comité a donc commencé ses travaux au titre de l’article 20 de la Convention à sa quatrième session et les a poursuivis de sa cinquième à sa vingt‑sixième session, consacrant comme suit un certain nombre de séances privées à des activités au titre de cet article:

Sessions

Nombre de séances privées

Quatrième

4

Cinquième

4

Sixième

3

Septième

2

Huitième

3

Neuvième

3

Dixième

8

Onzième

4

Douzième

4

Treizième

3

Quatorzième

6

Quinzième

4

Seizième

4

Dix‑septième

4

Dix‑huitième

4

Dix‑neuvième

4

Vingtième

5

Vingt et unième

3

Vingt‑deuxième

8

Vingt‑troisième

4

Vingt‑quatrième

4

Vingt‑cinquième

3

Vingt‑sixième

2

141.Conformément aux dispositions de l’article 20 de la Convention et des articles 72 et 73 du règlement intérieur, tous les documents et tous les travaux du Comité afférents aux fonctions qui lui sont confiées en vertu de l’article 20 de la Convention sont confidentiels et toutes les séances consacrées à ses travaux au titre de l’article 20 sont privées.

142.Toutefois, conformément au paragraphe 5 de l’article 20 de la Convention, le Comité peut, après consultations avec l’État partie intéressé, décider de faire figurer dans son rapport annuel aux États parties et à l’Assemblée générale un compte rendu succinct des résultats desdits travaux.

143.On trouvera ci‑après ce compte rendu succinct.

B. Résumé des résultats de l’enquête concernant le Pérou

Introduction

144.Le Pérou a ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants le 7 juillet 1988. Au moment de la ratification, il n’a pas déclaré qu’il ne reconnaissait pas la compétence conférée au Comité en vertu de l’article 20 de la Convention. La possibilité de formuler une telle réserve est prévue au paragraphe 1 de l’article 28. La procédure prévue par l’article 20 est donc applicable au Pérou.

145.La procédure confidentielle prévue aux paragraphes 1 à 4 de l’article 20 de la Convention a commencé à être appliquée dans le cas du Pérou en avril 1995 et a pris fin en mai 1999. Conformément au paragraphe 5 de l’article 20 de la Convention, le Comité, après consultations avec l’État partie intéressé le 15 novembre 1999, a décidé, le 16 mai 2001, à sa vingt‑sixième session, de consigner dans le rapport annuel qu’il présente à l’Assemblée générale en 2001, le résumé suivant des résultats de l’enquête concernant le Pérou. La décision a été adoptée à l’unanimité.

Déroulement de la procédure

146.En avril 1995, le Comité a examiné en séance privée des renseignements concernant des allégations relatives à la pratique systématique de la torture au Pérou, qui lui avaient été communiqués par l’organisation non gouvernementale Human Rights Watch en application de l’article 20 de la Convention. Il a rappelé à cette occasion que les conclusions et recommandations qu’il avait adoptées le 9 novembre 1994, après avoir examiné le rapport initial du Pérou, énonçaient ce qui suit: «Le Comité s’inquiète vivement de l’existence d’un grand nombre de plaintes émanant aussi bien d’organisations non gouvernementales que d’organismes ou commissions internationaux, qui font état d’une pratique généralisée de la torture pendant les enquêtes sur des actes de terrorisme, ainsi que de l’impunité dont jouissent les tortionnaires». Le Comité a chargé l’un de ses membres, M. Ricardo Gil Lavedra, d’analyser les renseignements en question et de lui présenter des propositions quant aux mesures à prendre.

147.En août 1995, l’organisation non gouvernementale «Coordinadora Nacional de Derechos Humanos», qui regroupe 60 organisations non gouvernementales au Pérou a elle aussi présenté des allégations de recours systématique à la torture dans cet État partie.

148.En novembre 1995, le Comité a décidé de demander au Gouvernement péruvien de lui faire part de son avis sur la crédibilité des informations qui avaient été portées à son attention.

149.En mai 1996, le Comité a chargé un autre de ses membres, M. Alejandro González Poblete (M. Gil Lavedra n’ayant pas été réélu membre du Comité), de déterminer, en se fondant sur les informations reçues des sources non gouvernementales susmentionnées et les observations du Gouvernement, s’il fallait continuer d’appliquer la procédure prévue à l’article 20 de la Convention.

150.En novembre 1996, le Comité est arrivé à la conclusion que les informations reçues étaient dignes de foi et qu’elles contenaient des indications fondées que la torture, telle qu’elle est définie à l’article premier de la Convention, était pratiquée systématiquement au Pérou. Il a donc invité l’État partie à lui faire part de ses observations sur le fond des informations reçues.

151.En mai 1997, le Comité a demandé au Gouvernement de lui faire également part de ses observations sur de nouvelles allégations de torture au Pérou qui avaient été portées à son attention les mois précédents par Human Rights Watch et la Coordinadora Nacional de Derechos Humanos. Deux membres du Comité, MM. González Poblete et Bent Sørensen, ont accepté de suivre la procédure.

152.Le Gouvernement péruvien a alors présenté ses observations et a demandé la tenue d’une réunion privée entre ses représentants et MM. González Poblete et Sørensen. Cette réunion a eu lieu à l’Office des Nations Unies à Genève le 6 novembre 1997.

153.À sa dix‑neuvième session, le 20 novembre 1997, le Comité a décidé de procéder à une enquête confidentielle; il en a chargé MM. González Poblete et Sørensen, a invité le Gouvernement péruvien à y coopérer et lui a demandé d’autoriser les membres du Comité devant mener l’enquête à effectuer une visite au Pérou. Cette demande a été acceptée et la visite a eu lieu du 31 août au 13 septembre 1998. Dans l’intervalle, le Comité a continué de transmettre au Gouvernement péruvien des résumés des plaintes portées à son attention, y compris celles qui concernaient des cas individuels, et a demandé des renseignements à ce sujet. Au total, entre 1996 et 1998, le Comité lui a transmis 517 cas qui se seraient produits entre août 1988 et décembre 1997.

154.Les membres du Comité chargés de l’enquête ont présenté un rapport oral au Comité en novembre 1998 et un rapport écrit en mai 1999. En mai 1999 également, le Comité a décidé de faire sien ce rapport et de le transmettre à l’État partie. Le rapport a été transmis le 26 mai 1999.

155.En novembre 1999, le Comité a examiné la réponse du Gouvernement aux conclusions et recommandations figurant dans le rapport et, le 15 novembre 1999, a examiné avec des représentants du Gouvernement la possibilité de faire figurer un résumé des résultats de l’enquête dans le rapport annuel du Comité, comme le prévoit le paragraphe 5 de l’article 20 de la Convention. Toutefois, le Comité a décidé de différer l’adoption d’une décision à ce sujet et de demander à l’État partie de lui communiquer des renseignements supplémentaires sur l’application des recommandations du Comité avant le 1er septembre 2000. Enfin, le Comité a décidé d’indiquer dans le rapport annuel qu’il devait présenter à l’Assemblée générale en 2000 qu’il avait fait procéder à une enquête en application de l’article 20 de la Convention au sujet du Pérou.

156.L’État partie a envoyé au Comité les renseignements demandés le 1er septembre et le 16 octobre 2000. Il a également envoyé des renseignements supplémentaires le 21 décembre 2000 et le 7 février 2001.

Conclusions contenues dans le rapport des membres du comité chargés de l’enquête

157.Comme il est indiqué plus haut, les membres du Comité chargés de l’enquête ont présenté leur rapport écrit en mai 1999. Ce rapport contient les conclusions exposées en détail ci‑après.

Plaintes reçues au cours de l’enquête

Constatations

158.Au cours de leur enquête, les membres du Comité ont reçu de diverses organisations non gouvernementales d’abondantes informations portant principalement sur le cas de personnes avec lesquelles elles avaient été en contact d’une manière ou d’une autre et qui affirmaient avoir été soumises à la torture. Une grande partie de ces cas se rapportaient à des personnes qui avaient été arrêtées dans le cadre de l’action des forces de sécurité contre les groupes rebelles armés et une autre partie à des personnes arrêtées dans le cadre d’enquêtes sur des délits de droit commun. Dans le premier cas, les victimes affirmaient avoir été torturées par des agents de la brigade antiterroriste de la police nationale ou par l’armée, tandis que dans le second, elles imputaient ces actes à des fonctionnaires de police. Dans les deux cas, l’objectif fondamental était d’obtenir des renseignements utiles à l’enquête de police.

159.Au cours de leur visite dans le pays, les membres du Comité ont eu la possibilité d’approfondir l’objet de l’enquête. Ils ont eu des entretiens avec des représentants d’organisations non gouvernementales, des avocats ainsi que des magistrats du siège et du parquet qui ont confirmé l’ampleur de la pratique de la torture, signalé des cas nouveaux ou apporté des précisions concernant des cas dont le Comité avait déjà connaissance mais qui présentaient un intérêt particulier en raison, par exemple, du retentissement qu’ils avaient eu dans l’opinion publique ou de leur caractère révélateur de l’ampleur de la pratique de la torture et ses caractéristiques. Les membres du Comité ont eu également la possibilité de confronter ces renseignements avec les témoignages oraux de personnes qui se trouvaient alors en détention ou qui l’avaient été dans le passé. Certaines d’entre elles ont été contactées par l’intermédiaire des organisations non gouvernementales tandis que d’autres, parmi celles qui se trouvaient en détention, ont été choisies au hasard. Parmi les personnes avec lesquelles ils se sont entretenus, beaucoup, qui affirmaient avoir été torturées, ont été examinées par le médecin participant à la mission, lequel a estimé qu’il existait, dans la grande majorité des cas, une concordance entre les allégations et la présence ou l’absence de séquelles physiques. Le Défenseur du peuple et ses collaborateurs ont exprimé aux membres du Comité leur préoccupation concernant la pratique de la torture dans le pays.

160.En se fondant sur les renseignements ainsi obtenus, les membres du Comité ont constaté une diminution du nombre des cas signalés en 1997‑1998. Les sources mentionnées ont confirmé cette diminution, qui était liée à celle des arrestations effectuées dans le cadre de la lutte contre les groupes subversifs, elle‑même causée par la diminution sensible des activités des groupes en question. Toutefois, cette diminution ne signifie pas que le phénomène ait disparu complètement car le Comité continue de recevoir des informations concernant des cas qui se seraient produits en 1997‑1998. Les membres du Comité chargés de l’enquête ont en outre noté, à partir des informations reçues, que la pratique de la torture contre des personnes arrêtées dans le cadre

d’enquêtes sur des délits de droit commun constituait un problème, que certaines sources ont qualifié d’endémique, même s’il n’avait pas suscité, en raison de ses particularités, autant d’intérêt que celui de la torture de personnes accusées de terrorisme.

161.Les membres du Comité ont eu la possibilité de comparer ces renseignements avec ceux que le Gouvernement lui avait fournis par écrit ou oralement. Les renseignements écrits contenaient principalement des réponses concernant les cas individuels transmis par le Comité. Les membres de ce dernier ont noté qu’il ressortait de ces réponses que, dans presque tous les cas, les responsables n’avaient été sanctionnés que lorsque leurs actes avaient entraîné la mort de la victime. En outre, les peines infligées étaient trop légères au vu du préjudice. Les membres du Comité ont relevé que dans un grand nombre de cas le Gouvernement n’avait fourni aucun renseignement ou avait affirmé qu’il n’existait pas de dossiers à leur sujet dans les archives des autorités compétentes. De même, concernant un nombre important de cas, il a certes présenté des renseignements sur l’arrestation de la victime présumée et la procédure dont elle avait fait l’objet, mais n’a pas traité les allégations de torture.

162.Les membres du Comité ont eu en outre la possibilité de s’entretenir avec les autorités gouvernementales avant et pendant leur visite dans le pays. Ces dernières ont affirmé que, pendant la période difficile de la lutte contre les activités des groupes subversifs, quelques abus avaient été commis, mais qu’ils étaient des exceptions, qu’ils avaient été sanctionnés et que des mesures avaient été prises pour empêcher qu’il ne s’en reproduise.

Conclusions

163.Les nombreuses plaintes concernant la torture, que les renseignements fournis par les autorités n’ont pas réfutées, ainsi que l’uniformité qui caractérise les cas, en particulier les circonstances dans lesquelles les personnes sont soumises à la torture, le but de cette pratique et les méthodes employées conduisent les membres du Comité à conclure que la torture n’est pas un phénomène occasionnel mais qu’elle a été systématiquement employée comme méthode d’enquête. À cet égard, les membres du Comité tiennent à rappeler l’avis que le Comité a exprimé en novembre 1993 concernant les principaux facteurs permettant de conclure qu’un État pratique systématiquement la torture. Cet avis est le suivant:

«Le Comité considère qu’il y a pratique systématique de la torture lorsqu’il apparaît que les cas de torture rapportés ne se sont pas produits fortuitement en un endroit ou à un moment donné, mais revêtent un caractère habituel, généralisé et délibéré, au moins dans une partie considérable du pays en cause. D’autre part, la torture peut avoir un caractère systématique sans qu’elle résulte de l’intention directe d’un gouvernement. En effet, celle‑ci peut être la conséquence de facteurs que le gouvernement peut avoir des difficultés à contrôler et son existence peut signaler un décalage entre la politique déterminée au niveau du gouvernement central et son application au niveau de l’administration locale. Une législation insuffisante qui laisse en fait la possibilité de recourir à la torture peut encore ajouter au caractère systématique de cette pratique.»

Questions juridiques

Constatations

164.Les membres du Comité ont noté qu’en dépit du fait que la Constitution contient des dispositions relatives à la protection des droits des détenus, les droits en question ont été affaiblis par la législation antiterroriste, adoptée principalement à partir de 1992 et toujours en vigueur, qui met les détenus dans une situation particulièrement vulnérable face à la torture. Parallèlement, les droits des détenus de droit commun ont également été affaiblis par la législation adoptée en 1998 concernant une série de délits particulièrement graves. Différents aspects tels que l’élargissement des pouvoirs d’arrestation conférés aux forces armées, la durée de la détention provisoire, la mise au secret par la police, l’affaiblissement du rôle du ministère public dans la conduite de l’enquête de police et la protection des droits des détenus, la valeur probante reconnue aux procès‑verbaux de police, les restrictions concernant le fonctionnement de l’habeas corpus et le droit du détenu de se faire assister par un avocat ainsi que les lacunes du suivi médical des détenus sont autant de questions que les membres du Comité jugent particulièrement préoccupantes et qui devraient faire l’objet de réformes juridiques. L’existence de cette législation conduit les membres du Comité à conclure que la torture a été pratiquée avec l’acquiescement des autorités. Ils ont en outre noté la grande impunité dont jouissent les responsables d’actes de torture, impunité qui est consacrée tout particulièrement dans la loi d’amnistie de 1995.

Conclusions

165.Les membres du Comité estiment que la torture ne sera pas éliminée tant qu’il n’y aura pas un changement radical dans ce domaine. Quoique l’adoption en 1998 d’une loi stipulant que la torture est un délit et établissant des normes claires en matière de juridiction constitue une mesure positive, les cas qui se sont produits dans le passé ne doivent pas rester impunis. En outre, il ne faut pas que seuls soient pris en considération les aspects relevant du droit pénal. Il est également indispensable d’adopter des mesures législatives qui permettent de dédommager et d’indemniser les victimes.

166.Les membres du Comité estiment que la législation en vigueur présente un ensemble de lacunes qui font qu’il est difficile d’exécuter concrètement les obligations découlant de la Convention car elles rendent précaire la protection pénale contre la torture, contrarient l’ouverture d’enquêtes lorsque des plaintes sont déposées et favorisent l’impunité des coupables, situation mise en évidence par le très petit nombre de cas de torture ayant fait l’objet d’enquêtes judiciaires et le nombre encore plus réduit d’agents de l’État contre lesquels des sanctions pénales ont été prononcées.

167.En ce qui concerne la durée de la détention provisoire, même si la Constitution permet aux autorités de police de prolonger cette mesure dans les cas de terrorisme, d’espionnage et de trafic illicite de drogue, il conviendrait que le Gouvernement décide de réduire ce pouvoir, en attendant que soit remise en vigueur, indépendamment de la nature du délit, la durée fixée au deuxième sous‑alinéa de l’alinéa j du paragraphe 24 de l’article 2 de la Constitution. Il conviendrait aussi de remettre pleinement en vigueur, quelle que soit la nature du délit, la durée maximale pendant laquelle un inculpé peut être détenu au secret, en vertu de l’article 133 du Code de procédure pénale.

168.Il conviendrait d’établir que tout détenu doit obligatoirement subir un examen médical, quel que soit l’organe qui assure la détention. L’État doit allouer les ressources humaines et matérielles nécessaires pour donner effet à cette disposition. L’examen initial devrait avoir lieu dans les 24 heures de l’arrestation et être renouvelé chaque fois que le détenu est transféré à un nouveau lieu de détention et lorsqu’il est remis en liberté.

169.De même, le juge devrait ordonner un examen médical préalable et immédiat du détenu dès que celui‑ci est mis à sa disposition. Au moment où le détenu comparaît pour la première fois devant lui, il devrait l’interroger expressément en vue de déterminer s’il a été soumis à la torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants. L’omission de cette procédure devrait entraîner la nullité de la déclaration du détenu. De même, tout médecin qui examine une personne en détention ou au moment de sa mise en liberté devrait l’interroger expressément sur les points susmentionnés, procéder à l’examen médical en tenant compte de ses réponses et consigner dans le rapport médical le fait qu’il a posé au détenu les questions réglementaires, ainsi que les réponses de l’intéressé.

170.Il faudrait abroger toute disposition qui serait incompatible avec le pouvoir constitutionnel du ministère public de conduire dès le début les enquêtes portant sur tout type de délit et prévoir des peines sévères pour tout acte visant à entraver l’exercice de ce pouvoir. Pour cela, l’État devrait doter le ministère public des ressources humaines et matérielles nécessaires à l’exercice effectif de ce pouvoir sur l’ensemble du territoire national.

171.Le système public d’aide judiciaire devrait avoir les compétences légales et les ressources humaines et matérielles nécessaires pour permettre à tout détenu de bénéficier de ses services dès le début de la détention provisoire.

172.Tout juge qui apprend par la déclaration d’un inculpé que ce dernier aurait été soumis à la torture dans le but de le contraindre à signer le procès‑verbal de police devrait, sans préjudice de l’examen médical réglementaire, décider sur‑le‑champ de transmettre la déclaration au ministère public afin que ce dernier ouvre une enquête concernant la plainte. S’il apparaît que la plainte est fondée, l’action pénale contre les responsables devrait être examinée pendant le même procès et le jugement devrait porter tant sur l’action engagée contre le plaignant que sur celle concernant l’accusation de torture. Il faudrait à cet effet abroger les dispositions interdisant que les fonctionnaires de police qui ont participé à l’enregistrement des aveux d’un inculpé puissent être cités à comparaître.

173.Il conviendrait d’abroger toute disposition légale ou norme juridique de rang inférieur limitant la compétence de tout juge de juridiction pénale à connaître des recours constitutionnels en habeas corpus. Il faudrait en particulier abroger toute disposition habilitant d’autres magistrats que les juges des tribunaux ordinaires à connaître des recours de cette nature.

174.Il faudrait inscrire dans la loi que l’instruction doit être menée même si l’auteur ou les auteurs présumés n’ont pas été identifiés, lorsque le fait ayant motivé la plainte constitue l’un des crimes contre l’humanité visés au Titre XIV‑A du Code pénal. Il faudrait également inscrire dans la loi qu’en ce qui concerne ces crimes, il ne peut y avoir prescription de l’action pénale et de la peine, ni amnistie ni grâce.

175.Enfin, il conviendrait d’inverser la tendance à étendre la compétence des tribunaux militaires, laquelle s’est accentuée avec la promulgation du décret‑loi n° 895 du 24 mai 1998, en vue de limiter strictement cette compétence aux délits commis dans l’exercice de fonctions militaires.

Lieux de détention visités

Locaux du Ministère de l’intérieur

Constatations

176.Les membres du Comité chargés de l’enquête ont jugé que les conditions de détention laissaient à désirer, en particulier dans les cellules des lieux de détention suivants:

a)Direction nationale de la lutte contre le terrorisme (DINCOTE), Lima;

b)Division d’enquête criminelle (DIVINCRI), Lima;

c)Division d’enquête criminelle, Chiclayo;

d)Cellules attenantes au Palais de justice, Chiclayo.

177.Ils ont relevé dans le registre des lieux de détention susmentionnés et pendant leurs entretiens avec des détenus qu’un prévenu pouvait passer jusqu’à 35 jours dans ces locaux. Ils ont aussi noté que, dans certains cas, les personnes interrogées par la DINCOTE étaient forcées de passer la nuit dans les salles d’interrogatoire, où elles couchaient à même le sol, menottes aux poignets.

Conclusions

178.Les membres du Comité sont d’avis qu’une période de détention de longue durée, par exemple de deux semaines, dans les lieux de détention susmentionnés peut être assimilée à un traitement inhumain et dégradant. Une détention plus longue encore dans ces cellules est assimilable à la torture. De surcroît, la pratique consistant à forcer des personnes subissant un interrogatoire à passer la nuit dans les salles d’interrogatoire en couchant à même le sol et menottes aux poignets est également assimilable à la torture.

179.Les autorités péruviennes devraient prendre des mesures visant à:

a)Améliorer en particulier les conditions d’hygiène dans les lieux de détention;

b)Veiller à ce que les périodes de détention soient strictement limitées à la durée prévue par la loi;

c)Interdire la pratique qui consiste à obliger les détenus en cours d’interrogatoire à passer la nuit dans la salle où à lieu l’interrogatoire en couchant à même le sol, menottes aux poignets.

Établissements relevant du Ministère de la justice

180.Les membres du Comité chargés de l’enquête ont visité trois prisons à Lima (Castro Castro, Lurigancho et Santa Mónica). À Chiclayo, ils ont visité la prison Picsi, y compris le quartier des femmes et le quartier des condamnés pour terrorisme.

Constatations

181.Les membres du Comité chargés de l’enquête ont noté le surpeuplement considérable dans presque toutes les prisons, qui cause inévitablement des problèmes d’hygiène. Dans certains cas, ces problèmes sont aggravés par l’absence d’eau courante. Les membres du Comité n’ont reçu aucune plainte faisant état de torture dans les prisons. Quoiqu’on leur ait signalé certaines punitions pouvant être assimilées à la torture, qui étaient infligées à l’instigation de l’ancien directeur de la prison de Lurigancho, ils ont noté que le nouveau directeur appliquait une nouvelle politique visant à proscrire les méthodes brutales des gardiens. En outre, aucun des nombreux cas de torture qui leur avaient été signalés par des organisations non gouvernementales ou au cours des entretiens ne concernait des établissements relevant du Ministère de la justice.

182.Les membres du Comité ont constaté l’excessive rigueur des régimes de sécurité maximale, dont l’une des caractéristiques est que leur application commence dès qu’une personne est incarcérée, c’est‑à‑dire qu’ils sont appliqués tant aux prévenus qu’aux condamnés. Dans les cas d’application la plus rigoureuse, le détenu est maintenu en régime cellulaire permanent ‑ avec une seule heure de promenade par jour ‑ pendant une période initiale d’un an révisable tous les six mois*.

Conclusions

183.Les membres du Comité sont d’avis que, en règle générale, même si les lieux de détention relevant du Ministère de la justice soulèvent des problèmes au regard d’autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (surpeuplement, hygiène, etc.), ils ne semblent en poser aucun en ce qui concerne l’application de l’article 20 de la Convention. Toutefois, ils sont profondément préoccupés par les conditions de détention déplorables (absence d’électricité, d’eau potable et de chauffage, même par des températures de ‑10 à ‑15 °C, etc.) dans les prisons de sécurité maximale de Challapalca et de Yanamayo, dans le sud du Pérou, qui leur ont été signalées par des organisations non gouvernementales et en particulier par des détenus qui avaient été transférés dans ces prisons pour un ou plusieurs mois à titre de sanction disciplinaire. Il apparaît que ces conditions de détention déplorables sont encore aggravées par les problèmes de santé causés par le fait que les prisons de Challapalca et de Yanamayo sont situées dans les Andes, à plus de 4 500 m d’altitude. Les membres du Comité estiment que les conditions de détention à Challapalca et à Yanamayo, telles qu’elles leur ont été rapportées, peuvent être assimilées à des peines ou traitements cruels ou inhumains. À cet égard, ils appuient pleinement l’initiative prise par le Bureau du Défenseur du peuple qui, en juin 1997, a recommandé à la direction de l’Institut national des prisons de ne pas transférer de prisonniers ni de membres du personnel pénitentiaire à Challapalca.

184.Les membres du Comité sont d’avis qu’en règle générale les autorités péruviennes devraient redoubler d’efforts pour résoudre le problème du surpeuplement et améliorer l’hygiène dans les prisons. Concrètement elles devraient fermer les prisons de Challapalca et de Yanamayo.

Établissements relevant du Ministère de la défense

Constatations

185.Les deux membres du Comité chargés de l’enquête ont visité le centre de détention de sécurité maximale de la base navale d’El Callao, où se trouvaient alors sept détenus, dont six faisaient partie des principaux dirigeants des mouvements subversifs du Sentier lumineux et du Mouvement révolutionnaire Túpac Amaru qui purgeaient des peines allant de 30 ans de prison à la réclusion à perpétuité en régime d’isolement absolu. Le régime auquel sont soumis les détenus est très strict, mais répond à leurs besoins essentiels, sauf en ce qui concerne la privation sensorielle et les possibilités de communication. Les détenus ne peuvent se parler ni parler aux gardiens de la prison, et l’isolement acoustique des cellules est total. Les détenus ont le droit de sortir de leur cellule, seuls, pour se rendre dans une petite cour entourée de murs très élevés pendant une heure au plus par jour. Une fois par mois, des membres de leur proche famille peuvent leur rendre visite pendant une demi‑heure, mais sans qu’il y ait de contact physique avec eux.

Conclusions

186.Les membres du Comité sont d’avis que l’imposition d’un régime de privation sensorielle et d’interdiction quasi absolue de communiquer crée des souffrances persistantes et injustifiées pouvant être assimilées à la torture. Les autorités péruviennes devraient mettre un terme à cette situation.

Coopération des autorités péruviennes pendant l’enquête

Constatations

187.Les membres du Comité chargés de l’enquête rappellent que le Comité a commencé à examiner les informations faisant état d’allégations concernant l’emploi systématique de la torture au Pérou en avril 1995 et qu’il a terminé en mai 1999. Pendant cette période, les autorités péruviennes ont toujours répondu positivement aux invitations du Comité à coopérer à l’enquête, décidée le 22 novembre 1996, et elles ont accepté de l’inviter à effectuer une visite au Pérou.

Conclusions

188.Les membres du Comité chargés de l’enquête prennent note avec satisfaction de l’excellente coopération que leur ont prêtée les autorités péruviennes pendant l’enquête, conformément aux dispositions du paragraphe 3 de l’article 20 de la Convention, et ils tiennent à les en remercier.

Observations finales

189.Le Comité prend note du fait que, dans les observations communiquées au Comité le 22 septembre 1999 sur le rapport d’enquête, l’État partie a dit qu’il n’était pas d’accord avec la conclusion du Comité sur l’existence d’une pratique systématique de la torture au Pérou et a réaffirmé que la torture n’était pas une pratique tolérée dans le pays. L’État partie a rejeté l’affirmation selon laquelle l’existence même de la législation antiterroriste était un motif suffisant pour conduire le Comité à conclure que la torture avait été pratiquée avec l’assentiment des autorités. Il a affirmé que, avant l’entrée en vigueur de la loi qualifiant le délit de torture, la législation existante permettait déjà de réprimer les actes de torture, qu’il n’était pas nécessaire d’adopter des mesures législatives permettant de dédommager ou d’indemniser les victimes de torture étant donné que cette législation existait déjà, que tant la Constitution que la jurisprudence de la Cour suprême établissaient que les détenus devaient subir obligatoirement un examen médical avant d’être mis à la disposition de la justice, que les pouvoirs constitutionnels du ministère public en matière d’enquête sur les délits n’avaient nullement été réduits, qu’en vertu de la loi du 23 décembre 1998, le système d’avocats commis d’office avait été réorganisé, qu’il était impossible d’enquêter sur les affaires de torture et de juger les auteurs de tels actes au cours du procès même où ils ont été dénoncés, qu’il n’y avait pas de dispositions constitutionnelles interdisant de citer à comparaître comme témoins les fonctionnaires de police qui avaient contribué à la préparation des aveux d’un inculpé, qu’il n’était pas possible de prévoir dans une loi qu’une instruction devait être ouverte lorsque l’auteur de faits de torture n’avait pas été identifié, et que par le décret du 18 février 1999 le règlement relatif au régime de vie et à la progressivité du traitement des détenus inculpés et condamnés pour terrorisme ou trahison envers la patrie avait été modifié, que les détenus soumis aux régimes de sécurité maximale et de sécurité moyenne spéciales en milieu fermé avaient désormais droit à une heure supplémentaire de promenade.

190.Dans ses communications ultérieures, l’État partie a fait savoir que diverses mesures et décisions de caractère politique, administratif et législatif avaient été prises qui, dans leur ensemble, étaient conformes aux recommandations du Comité, et a mentionné en particulier les mesures suivantes:

a)La création d’une commission présidentielle pour le renforcement des institutions démocratiques;

b)La modification du décret‑loi n° 895, de sorte que l’enquête sur les infractions qualifiées de terrorisme spécial ainsi que le jugement de ces infractions relevaient de la juridiction ordinaire et que le recours en habeas corpus dans le cas de ces infractions était formé conformément aux règles générales applicables dans ce domaine;

c)L’existence de deux arrêts de la Cour suprême de justice selon lesquels les crimes contre l’humanité, y compris la torture, étaient du ressort des juridictions de droit commun et devaient être jugés par la voie ordinaire;

d)L’élaboration d’un plan visant à supprimer, dans un délai de deux ans, le caractère provisoire de la nomination des magistrats du siège et du parquet;

e)La levée de l’état d’urgence dans pratiquement toutes les parties du territoire national;

f)La mise en service de deux nouveaux établissements pénitentiaires, ainsi que l’octroi de plus de 1 500 remises de peine et de grâces, ce qui avait contribué à réduire la population carcérale et à améliorer les conditions de vie des détenus dans les prisons;

g)La création, au sein du Bureau du Défenseur du peuple, d’une équipe de protection des droits de l’homme dans les commissariats, chargée de constater les conditions de détention dans ces locaux;

h)L’établissement d’un registre unique de plaintes pour crimes contre l’humanité relevant du ministère public;

i)L’inclusion dans les protocoles des procédures médico‑légales du «Protocole d’examen médico-légal pour détecter les lésions ou les décès provoqués par des actes de torture»;

j)L’intensification des mesures de formation dans des domaines concernant les droits de l’homme au sein de la police nationale.

191.Le Comité a continué de recevoir d’organisations non gouvernementales des renseignements préoccupants sur les cas de torture survenus après la visite faite dans le pays par deux de ses membres.

192.Le Comité prend note avec un intérêt particulier de la déclaration faite par M. Diego García Sayán, Ministre péruvien de la justice, lors de la cinquante‑septième session de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, le 27 mars 2001. Le Ministre a déclaré qu’au cours des quatre mois d’administration du gouvernement de transition de M. Valentín Paniagua, après la démission du Président Alberto Fujimori, un travail intensif avait été accompli en vue de mettre en place des instruments efficaces pour protéger les droits de l’homme. Il a indiqué en particulier que le Gouvernement prenait les dispositions nécessaires pour créer une commission de la vérité qui devrait permettre de mettre en lumière les violations des droits de l’homme, y compris les actes de torture, commis dans le pays entre 1980 et 2000 et formuler une politique de réparation en faveur des victimes.

193.Le Comité a déclaré qu’il espérait que le Gouvernement péruvien qui entrera en fonctions en juillet 2001 prendra des mesures énergiques et efficaces pour mettre fin rapidement à la pratique de la torture conformément aux dispositions de la Convention.

VI. EXAMEN DE COMMUNICATIONS REÇUES EN APPLICATIONDE L’ARTICLE 22 DE LA CONVENTION

194.Conformément à l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, les personnes qui s’estiment victimes d’une violation par un État partie de l’un quelconque des droits énoncés dans la Convention et qui ont épuisé tous les recours internes disponibles peuvent adresser des communications écrites au Comité contre la torture, sous réserve des conditions énoncées dans cet article. Quarante‑trois des 124 États qui ont adhéré à la Convention ou l’ont ratifiée ont déclaré qu’ils reconnaissaient la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications en vertu de l’article 22 de la Convention. Il s’agit des États suivants: Afrique du Sud, Algérie, Argentine, Australie, Autriche, Belgique, Bulgarie, Cameroun, Canada, Chypre, Croatie, Danemark, Équateur, Espagne, Fédération de Russie, Finlande, France, Ghana, Grèce, Hongrie, Islande, Italie, Liechtenstein, Luxembourg, Malte, Monaco, Norvège, Nouvelle‑Zélande, Pays‑Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Sénégal, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse, Togo, Tunisie, Turquie, Uruguay, Venezuela et Yougoslavie. Les nouveaux États parties qui ont fait la déclaration prévue à l’article 22 de la Convention depuis la présentation du dernier rapport sont le Ghana et le Cameroun. Le Comité ne peut recevoir aucune communication concernant un État partie à la Convention qui n’aurait pas reconnu sa compétence à cet égard.

195.Les communications soumises en vertu de l’article 22 de la Convention sont examinées en séance privée (art. 22, par. 6). Tous les documents relatifs aux travaux du Comité dans le cadre de l’article 22 (communications des parties et autres documents de travail du Comité) sont confidentiels.

196.Dans l’exécution de la tâche qui lui incombe conformément à l’article 22 de la Convention, le Comité peut être assisté d’un groupe de travail composé au plus de cinq de ses membres ou d’un rapporteur spécial nommé parmi ses membres, qui lui soumettent des recommandations au sujet de l’exécution des conditions de recevabilité des communications, ou l’aident de toutes les manières que le Comité jugera appropriées (art. 106 du règlement intérieur du Comité). Entre ses sessions, des rapporteurs spéciaux peuvent prendre des décisions de procédure (conformément à l’article 108), ce qui permet d’accélérer l’examen des communications.

197.Une communication ne peut être déclarée recevable que si l’État partie concerné en a reçu le texte et a eu la possibilité de soumettre des renseignements ou des observations sur la question de la recevabilité, y compris des renseignements sur l’épuisement des recours internes (art. 108, par. 3). Dans les six mois qui suivent la transmission à l’État partie intéressé d’une communication déclarée recevable, l’État doit soumettre par écrit au Comité des explications ou déclarations éclaircissant la question à l’examen et indiquant, le cas échéant, les mesures qu’il pourrait avoir prises pour remédier à la situation (art. 110, par. 2). Dans les cas où la communication doit être traitée sans délai, le Comité invite l’État partie, s’il ne conteste pas la recevabilité de la communication, à lui faire part immédiatement de ses observations sur le fond de la communication.

198.Après l’examen d’une communication déclarée recevable, le Comité formule des constatations sur cette communication à la lumière de tous les renseignements fournis par le plaignant et par l’État partie. Ses constatations sont communiquées aux parties (art. 22, par. 7, de la Convention et art. 111, par. 3, du règlement intérieur) et sont ensuite rendues publiques. En règle générale, le texte des décisions déclarant des communications irrecevables en vertu de l’article 22 de la Convention est aussi rendu public; l’État partie est identifié mais l’identité de l’auteur de la communication n’est pas révélée.

199.En application de l’article 112 de son règlement intérieur, le Comité inclut dans son rapport annuel un résumé des communications examinées. Il peut aussi inclure dans son rapport annuel le texte de ses constatations au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention, et de toute décision déclarant une communication irrecevable.

200.Au moment de l’adoption du présent rapport, le Comité avait enregistré 183 communications concernant 20 pays. Sur ce nombre, 52 communications avaient été classées et 35 déclarées irrecevables. Le Comité avait adopté des constatations concernant 56 communications et constaté que 20 d’entre elles faisaient apparaître des violations de la Convention. Enfin, il lui restait à examiner 40 communications.

201.À sa vingt‑cinquième session, le Comité a décidé de se déssaisir de quatre communications et a suspendu l’examen de deux autres; il a déclaré recevable une communication, qui devait être examinée au fond. De plus, le Comité a déclaré irrecevable la communication n° 160/2000 (R. M. c. Espagne) en vertu du paragraphe 1 c de l’article 107 de son règlement intérieur. Le texte de cette décision figure à l’annexe VII, section B du présent rapport.

202.À sa vingt‑cinquième session également, le Comité a adopté ses constatations concernant les communications nos 122/1998 (M. R. P. c. Suisse), 144/1999 (A. M. c. Suisse) et 149/1999 (A. S. c. Suède). Le texte de ces constatations figure à l’annexe VII, section A du présent rapport.

203.Dans ses constatations relatives à la communication no 122/1998 (M. R..P. c. Suisse), le Comité a estimé que les renseignements dont il était saisi n’étaient pas suffisants pour conclure qu’il existait un risque prévisible, réel et personnel que l’auteur soit soumis à des tortures s’il était renvoyé au Bangladesh, son pays d’origine. Le Comité a donc estimé que la décision de l’État partie de renvoyer l’auteur au Bangladesh ne constituait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

204.Dans ses constatations relatives à la communication no 144/1999 (A. M. c. Suisse), le Comité a estimé que l’auteur n’avait pas apporté d’éléments suffisants pour permettre de conclure qu’il courait un risque personnel, réel et prévisible d’être soumis à la torture s’il était renvoyé au Tchad, son pays d’origine. Le Comité a donc conclu que la décision de l’État partie de renvoyer l’auteur au Tchad ne constituait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

205.Dans ses constatations relatives à la communication no 149/1999 (A. S. c. Suède), le Comité a considéré que, bien que l’auteur n’ait pas rempli l’obligation qui lui incombait d’apporter des renseignements vérifiables pour montrer qu’elle risquait d’être soumise à la torture si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle avait néanmoins fourni suffisamment de détails concernant le fait qu’elle avait été obligée de contracter un mariage dit «sighe» ou «mutah», qu’elle avait commis un adultère, avait été arrêtée puis condamnée à la lapidation; le Comité a estimé que l’État partie ne s’était pas suffisamment efforcé de déterminer s’il existait des motifs sérieux de croire qu’elle risquait d’être soumise à la torture si elle était renvoyée en République islamique d’Iran. De plus, considérant que la relation des événements faite par l’auteur cadrait avec ce que lui‑même savait de la situation actuelle des droits de l’homme en République islamique d’Iran, le Comité était d’avis qu’en l’espèce l’État partie avait l’obligation, conformément à l’article 3 de la Convention, de s’abstenir de renvoyer de force l’auteur en République islamique d’Iran ou dans tout autre pays d’où elle risquerait d’être expulsée ou renvoyée en Iran.

206.À sa vingt‑sixième session, le Comité a décidé de se déssaisir de deux communications et s’est prononcé en faveur de la recevabilité d’une communication, qui devait être examinée quant au fond.

207.À sa vingt‑sixième session également, le Comité a adopté ses constatations concernant les communications nos 49/1996 (S. V. c. Canada), 113/1998 (Radivoje Ristic c. Yougoslavie), 123/1998 (Z. Z. c. Canada), 128/1999 (F. V. c. Suisse), 134/1999 (M.O. c. Pays ‑Bas), 142/1999 (S. S et S. A. c. Pays ‑Bas), 147/1999 (Y.S. c. Suisse) et 150/1999 (S. S c. Suède). Le texte de ces constatations figure à l’annexe VII, section A du présent rapport.

208.Dans ses constatations concernant la communication no 49/1996, (S. V. c. Canada), le Comité a estimé que l’auteur n’avait pas étayé son allégation de violation de l’article 3 de la Convention, selon laquelle il risquait d’être soumis à la torture s’il était renvoyé à Sri Lanka. Dans ces mêmes constatations, le Comité a relevé que l’article 3 de la Convention ne visait que les situations de torture répondant à la définition de l’article 1er; en ce qui concernait l’article 16, il a estimé que l’auteur n’avait pas suffisamment montré en quoi la décision de renvoyer sa famille et lui‑même dans son pays d’origine constituait un traitement ou une peine cruel, inhumain ou dégradant.

209.Dans ses constatations concernant la communication no 113/1998 (Radivoje Ristic c. Yougoslavie), le Comité a considéré que l’État partie avait manqué à son obligation découlant des articles 12 et 13 de la Convention de diligenter une enquête rapide et effective en cas d’allégation de torture ou de brutalité policières graves.

210.Dans ses constatations concernant les communications nos 123/1998 (Z. Z. c. Canada), 128/1999 (F. V. c. Suisse), 134/1999 (M. O. c. Pays ‑Bas), 142/1999 (S. S. et S. A. c. Pays ‑Bas), 147/1999 (Y. S. c. Suisse) et 150/1999 (S. S. c. Suède), le Comité a estimé que les auteurs des communications n’avaient pas suffisamment montré qu’ils risquaient d’être soumis à la torture s’ils étaient renvoyés dans leur pays d’origine. Le Comité a donc conclu dans chacun des cas que l’expulsion des auteurs vers leur pays d’origine ne constituait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

VII. SESSIONS FUTURES DU COMITÉ

211.Conformément à l’article 2 de son règlement intérieur, le Comité tient normalement deux sessions ordinaires par an. Les sessions ordinaires sont convoquées aux dates fixées par le Comité en consultation avec le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, compte tenu du calendrier des conférences approuvé par l’Assemblée générale.

212.Étant donné que le Secrétaire général soumet tous les deux ans le calendrier des réunions tenues dans le cadre des Nations Unies à l’examen du Comité des Conférences et de l’Assemblée générale pour approbation, le Comité a arrêté les dates ci-après pour ses sessions ordinaires de l’exercice biennal 2002‑2003:

Vingt-huitième session29 avril‑17 mai 2002

Vingt-neuvième session11‑22 novembre 2002

Trentième session28 avril‑16 mai 2003

Trente et unième session10‑21 novembre 2003

213.Si l’Assemblée générale approuve la décision du Comité de constituer un groupe de travail de présession, les dates des réunions du groupe en 2002 et en 2003 seraient les suivantes:

22-26 avril 2002

4-8 novembre 2002

22-25 avril 2003

3-7 novembre 2003

VIII. EXAMEN DE LA SITUATION DU TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ AU REGARD DE L’ARTICLE 16 DE LA CONVENTION

214.Le 22 novembre 2000, le Comité a eu un échange de vues préliminaire sur la question, à la demande de M. El Masry qui a proposé qu’Israël soumette un rapport spécial. Toutefois le Comité a décidé de reporter l’examen de la question à sa vingt-sixième session.

215.Le 16 mai 2001, le Comité a eu de nouveau un échange de vues sur la question, à l’issue duquel il a décidé d’examiner le troisième rapport périodique d’Israël à sa vingt-septième session, en novembre 2001. Il a également décidé de solliciter l’avis du Conseiller juridique de l’Organisation des Nations Unies sur la question de l’applicabilité de la Convention au territoire palestinien occupé.

IX. ADOPTION DU RAPPORT ANNUEL DU COMITÉ

216.Conformément à l’article 24 de la Convention, le Comité présente aux États parties et à l’Assemblée générale un rapport annuel sur ses activités. Étant donné que le Comité tient chaque année sa deuxième session à la fin du mois de novembre, période qui coïncide avec les sessions ordinaires de l’Assemblée générale, il adopte son rapport annuel à la fin de sa session de printemps, de façon à pouvoir le transmettre à l’Assemblée générale pendant la même année civile.

217.En conséquence, à sa 484e séance, le 18 mai 2001, le Comité a examiné et adopté à l’unanimité le rapport sur ses travaux à sa vingt-cinquième session et vingt-sixième session. Un compte rendu de ses activités à sa vingt-septième session (12-23 novembre 2001) figurera dans le rapport annuel pour 2002.

____________

Annexe I

LISTE DES ÉTATS AYANT SIGNÉ OU RATIFIÉ LA CONVENTION CONTRELA TORTURE ET AUTRES PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINSOU DÉGRADANTS, OU Y AYANT ADHÉRÉ, AU 18 MAI 2001

État

Date de la signature

Date de réception des instruments de ratification ou d’adhésion

Afghanistan

4 février 1985

1 er avril 1987

Afrique du Sud

29 janvier 1993

10 décembre 1998

Albanie

11 mai 1994 a

Algérie

26 novembre 1985

12 septembre 1989

Allemagne

13 octobre 1986

1 er octobre 1990

Antigua-et-Barbuda

19 juillet 1993 a

Arabie saoudite

23 septembre 1997 a

Argentine

4 février 1985

24 septembre 1986

Arménie

13 septembre 1993 a

Australie

10 décembre 1985

8 août 1989

Autriche

14 mars 1985

29 juillet 1987

Azerbaïdjan

16 août 1996 a

Bahreïn

6 mars 1998 a

Bangladesh

5 octobre 1998 a

Bélarus

19 décembre 1985

13 mars 1987

Belgique

4 février 1985

25 juin 1999

Belize

17 mars 1986 a

Bénin

12 mars 1992 a

Bolivie

4 février 1985

12 avril 1999

Bosnie-Herzégovine

6 mars 1992 b

Botswana

8 septembre 2000

8 septembre 2000

Brésil

23 septembre 1985

28 septembre 1989

Bulgarie

10 juin 1986

16 décembre 1986

Burkina Faso

4 janvier 1999

Burundi

18 février 1993 a

Cambodge

15 octobre 1992 a

Cameroun

19 décembre 1986 a

Canada

23 août 1985

24 juin 1987

Cap ‑Vert

4 juin 1992 a

Chili

23 septembre 1987

30 septembre 1988

Chine

12 décembre 1986

4 octobre 1988

Chypre

9 octobre 1985

18 juillet 1991

Colombie

10 avril 1985

8 décembre 1987

Comores

22 septembre 2000

Costa Rica

4 février 1985

11 novembre 1993

Côte d’Ivoire

18 décembre 1995 a

Croatie

8 octobre 1991 b

Cuba

27 janvier 1986

17 mai 1995

Danemark

4 février 1985

27 mai 1987

Égypte

25 juin 1986 a

El Salvador

17 juin 1996 a

Équateur

4 février 1985

30 mars 1988

Espagne

4 février 1985

21 octobre 1987

Estonie

21 octobre 1991 a

États ‑Unis d’Amérique

18 avril 1988

21 octobre 1994

Éthiopie

14 mars 1994 a

ex ‑République yougoslave de Macédoine

12 décembre 1994 a

Fédération de Russie

10 décembre 1985

3 mars 1987

Finlande

4 février 1985

30 août 1989

France

4 février 1985

18 février 1986

Gabon

21 janvier 1986

8 septembre 2000

Gambie

23 octobre 1985

Géorgie

26 octobre 1994 a

Ghana

7 septembre 2000

7 septembre 2000 a

Grèce

4 février 1985

6 octobre 1988

Guatemala

5 janvier 1990 a

Guinée

30 mai 1986

10 octobre 1989

Guinée ‑Bissau

12 septembre 2000

Guyana

25 janvier 1988

19 mai 1988

Honduras

5 décembre 1996 a

Hongrie

28 novembre 1986

15 avril 1987

Inde

14 octobre 1997

Indonésie

23 octobre 1985

28 octobre 1998

Irlande

28 septembre 1992

Islande 

4 février 1985

23 octobre 1996

Israël

22 octobre 1986

3 octobre 1991

Italie

4 février 1985

12 janvier 1989

Jamahiriya arabe libyenne

16 mai 1989 a

Japon

29 juin 1999 a

Jordanie

13 novembre 1991 a

Kazakhstan

26 août 1998 a

Kenya

21 février 1997 a

Kirghizistan

5 septembre 1997 a

Koweït

8 mars 1996 a

Lettonie

14 avril 1992 a

Liban

5 octobre 2000 a

Liechtenstein

27 juin 1985

2 novembre 1990

Lituanie

1 er février 1996 a

Luxembourg

22 février 1985

29 septembre 1987

Malawi

11 juin 1996 a

Mali

26 février 1999 a

Malte

13 septembre 1990 a

Maroc

8 janvier 1986

21 juin 1993

Maurice

9 décembre 1992 a

Mexique

18 mars 1985

23 janvier 1986

Monaco

6 décembre 1991 a

Mozambique

14 septembre 1999

Namibie

28 novembre 1994 a

Népal

14 mai 1991 a

Nicaragua

15 avril 1985

Niger

5 octobre 1998 a

Nigéria

28 juillet 1988

Norvège

4 février 1985

9 juillet 1986

Nouvelle ‑Zélande

14 janvier 1986

10 décembre 1989

Ouganda

3 novembre 1986 a

Ouzbékistan

28 septembre 1995 a

Panama

22 février 1985

24 août 1987

Paraguay

23 octobre 1989

12 mars 1990

Pays ‑Bas

4 février 1985

21 décembre 1988

Pérou

29 mai 1985

7 juillet 1988

Philippines

18 juin 1986 a

Pologne

13 janvier 1986

26 juillet 1989

Portugal

4 février 1985

9 février 1989

Qatar

11 janvier 2000

République de Corée

9 janvier 1995 a

République démocratique du Congo

18 mars 1996 a

République de Moldova

28 novembre 1995 a

République dominicaine

4 février 1985

République tchèque

1 er janvier 1993 b

Roumanie

18 décembre 1990 a

Royaume-Uni de Grande ‑Bretagne et d’Irlande du Nord

15 mars 1985

8 décembre 1988

Sénégal

4 février 1985

21 août 1986

Sao Tomé-et-Principe

6 septembre 2000

Seychelles

5 mai 1992 a

Sierra Leone

18 mars 1985

25 avril 2001

Slovaquie

29 mai 1993 a

Slovénie

16 juillet 1993 a

Somalie

24 janvier 1990 a

Soudan

4 juin 1986

Sri Lanka

3 janvier 1994 a

Suède

4 février 1985

8 janvier 1986

Suisse

4 février 1985

2 décembre 1986

Tadjikistan

11 janvier 1995 a

Tchad

9 juin 1995 a

Togo

25 mars 1987

18 novembre 1987

Tunisie

26 août 1987

23 septembre 1988

Turkménistan

25 juin 1999 a

Turquie

25 janvier 1988

2 août 1988

Ukraine

27 février 1986

24 février 1987

Uruguay

4 février 1985

24 octobre 1986

Venezuela

15 février 1985

29 juillet 1991

Yémen

5 novembre 1991 a

Yougoslavie

18 avril 1989

10 septembre 1991

Zambie

7 octobre 1998 a

_______________________

a Adhésion.

b Succession.

Annexe II

ÉTATS PARTIES AYANT DÉCLARÉ, LORS DE LA RATIFICATION OU DE L’ADHÉSION, NE PAS RECONNAÎTRE LA COMPÉTENCE DU COMITÉ EN APPLICATION DE L’ARTICLE 20 DE LA CONVENTION, AU 18 MAI 2001a

Afghanistan

Arabie saoudite

Bélarus

Chine

Cuba

Israël

Koweït

Maroc

Ukraine

Annexe III

ÉTATS PARTIES AYANT FAIT DES DÉCLARATIONS EN APPLICATION DES ARTICLES 21 ET 22 DE LA CONVENTIONa, AU 18 MAI 2001b

État partie

Date d’entrée en vigueur

Afrique du Sud

10 décembre 1998

Algérie

12 octobre 1989

Argentine

26 juin 1987

Australie

29 janvier 1993

Autriche

28 août 1987

Belgique

25 juillet 1999

Bulgarie

12 juin 1993

Cameroun

11 novembre 2000

Canada

24 juillet 1987

Chypre

8 avril 1993

Croatie

8 octobre 1991

Danemark

26 juin 1987

Équateur

29 avril 1988

Espagne

20 novembre 1987

Fédération de Russie

1er octobre 1991

Finlande

29 septembre 1989

France

26 juin 1987

Ghana

7 octobre 2000

Grèce

5 novembre 1988

Hongrie

26 juin 1987

Islande

22 novembre 1996

Italie

11 février 1989

Liechtenstein

2 décembre 1990

Luxembourg

29 octobre 1987

Malte

13 octobre 1990

Monaco

6 janvier 1992

Norvège

26 juin 1987

Nouvelle-Zélande

9 janvier 1990

Pays-Bas

20 janvier 1989

Pologne

12 juin 1993

Portugal

11 mars 1989

République tchèque

3 septembre 1996

Sénégal

16 octobre 1996

Slovaquie

17 avril 1995

Slovénie

16 juillet 1993

Suède

26 juin 1987

Suisse

26 juin 1987

Togo

18 décembre 1987

Tunisie

23 octobre 1988

Turquie

1er septembre 1988

Uruguay

26 juin 1987

Venezuela

26 avril 1994

Yougoslavie

10 octobre 1991

Annexe IV

COMPOSITION DU COMITÉ CONTRE LA TORTURE (2001)

Membres

Pays de nationalité

Mandat expirant le 31 décembre

M. Peter Thomas BURNS

Canada

2003

M. Guibril CAMARA

Sénégal

2003

M. Sayed Kassem EL MASRY

Égypte

2001

Mme Felice GAER

États-Unis d’Amérique

2003

M. Alejandro GONZÁLEZ POBLETE

Chili

2003

M. Andreas MAVROMMATIS

Chypre

2003

M. António SILVA HENRIQUES GASPAR

Portugal

2001

M. Ole Vedel RASMUSSEN

Danemark

2001

M. Alexander M. YAKOVLEV

Fédération de Russie

2001

M. YU Mengjia

Chine

2001

Annexe V

PRÉSENTATION DES RAPPORTS PAR LES ÉTATS PARTIES EN VERTU DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION: SITUATION AU 18 MAI 2001

A. Rapports initiaux

Rapports initiaux attendus en 1988 (27)

État partie

Date d’entréeen vigueur

Date à laquelledevait être présentéle rapport initial

Date deprésentation

Cote

Afghanistan

26 juin 1987

25 juin 1988

21 janvier 1992

CAT/C/5/Add.31

Argentine

26 juin 1987

25 juin 1988

15 décembre 1988

CAT/C/5/Add.12/Rev.1

Autriche

28 août 1987

27 août 1988

10 novembre 1988

CAT/C/5/Add.10

Bélarus

26 juin 1987

25 juin 1988

11 janvier 1989

CAT/C/5/Add.14

Belize

26 juin 1987

25 juin 1988

18 avril 1991

CAT/C/5/Add.25

Bulgarie

26 juin 1987

25 juin 1988

12 septembre 1991

CAT/C/5/Add.28

Cameroun

26 juin 1987

25 juin 1988

15 février 1989 et 25 avril 1991

CAT/C/5/Add.16 et 26

Canada

24 juillet 1987

23 juillet 1988

16 janvier 1989

CAT/C/5/Add.15

Danemark

26 juin 1987

25 juin 1988

26 juillet 1988

CAT/C/5/Add.4

Égypte

26 juin 1987

25 juin 1988

26 juillet 1988 et 20 novembre 1990

CAT/C/5/Add.5 et 23

Espagne

20 novembre 1987

19 novembre 1988

19 mars 1990

CAT/C/5/Add.21

Fédération de Russie

26 juin 1987

25 juin 1988

6 décembre 1988

CAT/C/5/Add.11

France

26 juin 1987

25 juin 1988

30 juin 1988

CAT/C/5/Add.2

Hongrie

26 juin 1987

25 juin 1988

25 octobre 1988

CAT/C/5/Add.9

Luxembourg

29 octobre 1987

28 octobre 1988

15 octobre 1991

CAT/C/5/Add.29

Mexique

26 juin 1987

25 juin 1988

10 août 1988 et 13 février 1990

CAT/C/5/Add.7 et 22

Norvège

26 juin 1987

25 juin 1988

21 juillet 1988

CAT/C/5/Add.3

Ouganda

26 juin 1987

25 juin 1988

Panama

23 septembre 1987

22 septembre 1988

28 janvier 1991

CAT/C/5/Add.24

Philippines

26 juin 1987

25 juin 1988

26 juillet 1988 et 28 avril 1989

CAT/C/5/Add.6 et 18

Rép. dém. allemande

9 octobre 1987

8 octobre 1988

19 décembre 1988

CAT/C/5/Add.13

Sénégal

26 juin 1987

25 juin 1988

30 octobre 1989

CAT/C/5/Add.19(remplaçant Add.8)

Suède

26 juin 1987

25 juin 1988

23 juin 1988

CAT/C/5/Add.1

Suisse

26 juin 1987

25 juin 1988

14 avril 1989

CAT/C/5/Add.17

Togo

18 décembre 1987

17 décembre 1988

Ukraine

26 juin 1987

25 juin 1988

17 janvier 1990

CAT/C/5/Add.20

Uruguay

26 juin 1987

25 juin 1988

6 juin 1991 et 5 décembre 1991

CAT/C/5/Add.27 et 30

Rapports initiaux attendus en 1989 (10)

État partie

Date d’entrée en vigueur

Date à laquelledevait être présentéle rapport initial

Date de présentation

Cote

Chili

30 octobre 1988

29 octobre 1989

21 septembre 1989 et 5 novembre 1990

CAT/C/7/Add.2 et 9

Chine

3 novembre 1988

2 novembre 1989

1er décembre 1989

CAT/C/7/Add.5 et 14

Colombie

7 janvier 1988

6 janvier 1989

24 avril 1989 et 28 août 1990

CAT/C/7/Add.1 et 10

Équateur

29 avril 1988

28 avril 1989 et26 septembre 1991

27 juin 1990 et 28 février 1991

CAT/C/7/Add.7,11 et 13

Grèce

5 novembre 1988

4 novembre 1989

8 août 1990

CAT/C/7/Add.8

Guyana

18 juin 1988

17 juin 1989

Pérou

6 août 1988

5 août 1989

9 novembre 1992 et 22 février 1994

CAT/C/7/Add.15 et 16

Rép. fédérative tchèque et slovaque

6 août 1988

5 août 1989

21 novembre 1989 et 14 mai 1991

CAT/C/7/Add.4 et 12

Tunisie

23 octobre 1988

22 octobre 1989

25 octobre 1989

CAT/C/7/Add.3

Turquie

1er septembre 1988

31 août 1989

24 avril 1990

CAT/C/7/Add.6

Rapports initiaux attendus en 1990 (11)

État partie

Date d’entrée en vigueur

Date à laquelle devait être présenté le rapport initial

Date deprésentation

Cote

Algérie

12 octobre 1989

11 octobre 1990

13 février 1991

CAT/C/9/Add.5

Australie

7 septembre 1989

6 septembre 1990

27 août 1991 et 11 juin 1992

CAT/C/9/Add.8 et 11

Brésil

28 octobre 1989

27 octobre 1990

26 mai 2000

CAT/C/9/Add.16

Finlande

29 septembre 1989

28 septembre 1990

28 septembre 1990

CAT/C/9/Add.4

Guinée

9 novembre 1989

8 novembre 1990

Italie

11 février 1989

10 février 1990

30 décembre 1991

CAT/C/9/Add.9

Jamahiriya arabelibyenne

15 juin 1989

14 juin 1990

14 mai 1991 et 27 août 1992

CAT/C/9/Add.7 et 12/Rev.1

Pays‑Bas

20 janvier 1989

19 janvier 1990

14 mars 1990, 11 septembre 1990 et 13 septembre 1990

CAT/C/9/Add.1 à 3

Pologne

25 août 1989

24 août 1990

22 mars 1993

CAT/C/9/Add.13

Portugal

11 mars 1989

10 mars 1990

7 mai 1993

CAT/C/9/Add.15

Royaume‑Uni deGrande-Bretagne et d’Irlande du Nord

7 janvier 1989

6 janvier 1990

22 mars 1991 et 30 avril 1992

CAT/C/9/Add.6, 10 et 14

Rapports initiaux attendus en 1991 (7)

État partie

Date d’entrée en vigueur

Date à laquelle devait être présenté le rapport initial

Date deprésentation

Cote

Allemagne

31 octobre 1990

30 octobre 1991

9 mars 1992

CAT/C/12/Add.1

Guatemala

4 février 1990

3 février 1991

2 novembre 1994 et 31 juillet 1995

CAT/C/12/Add.5 et 6

Liechtenstein

2 décembre 1990

1er décembre 1991

5 août 1994

CAT/C/12/Add.4

Malte

13 octobre 1990

12 octobre 1991

3 janvier 1996

CAT/C/12/Add.7

Nouvelle‑Zélande

9 janvier 1990

8 janvier 1991

29 juillet 1992

CAT/C/12/Add.2

Paraguay

11 avril 1990

10 avril 1991

13 janvier 1993

CAT/C/12/Add.3

Somalie

23 février 1990

22 février 1991

Rapports initiaux attendus en 1992 (10)

État partie

Date d’entrée en vigueur

Date à laquelle devait être présenté le rapport initial

Date deprésentation

Cote

Chypre

17 août 1991

16 août 1992

23 juin 1993

CAT/C/16/Add.2

Croatie

8 octobre 1991

7 octobre 1992

4 janvier 1996

CAT/C/16/Add.6

Estonie

20 novembre 1991

19 novembre 1992

Israël

2 novembre 1991

1er novembre 1992

25 janvier 1994

CAT/C/16/Add.4

Jordanie

13 décembre 1991

12 décembre 1992

23 novembre 1994

CAT/C/16/Add.5

Népal

13 juin 1991

12 juin 1992

6 octobre 1993

CAT/C/16/Add.3

Roumanie

17 janvier 1991

16 janvier 1992

14 février 1992

CAT/C/16/Add.1

Venezuela

28 août 1991

27 août 1992

8 juillet 1998

CAT/C/16/Add.8

Yémen

5 décembre 1991

4 décembre 1992

Yougoslavie

10 octobre 1991

9 octobre 1992

20 janvier 1998

CAT/C/16/Add.7

Rapports initiaux attendus en 1993 (8)

État partie

Date d’entrée en vigueur

Date à laquelle devait être présenté le rapport initial

Date deprésentation

Cote

Bénin

11 avril 1992

10 avril 1993

12 février 2001

CAT/C/21/Add.3

Bosnie-Herzégovine

6 mars 1992

5 mars 1993

Cambodge

14 novembre 1992

13 novembre 1993

Cap‑Vert

4 juillet 1992

3 juillet 1993

Lettonie

14 mai 1992

13 mai 1993

Monaco

5 janvier 1992

4 janvier 1993

14 mars 1994

CAT/C/21/Add.1

République tchèque

1er janvier 1993

31 décembre 1993

18 avril 1994

CAT/C/21/Add.2

Seychelles

4 juin 1992

3 juin 1993

Rapports initiaux attendus en 1994 (8)

État partie

Date d’entrée en vigueur

Date à laquelle devait être présenté le rapport initial

Date deprésentation

Cote

Antigua-et-Barbuda

18 août 1993

17 août 1994

Arménie

13 octobre 1993

12 octobre 1994

20 avril 1995 et 21 décembre 1995

CAT/C/24/Add.4 et Rev.1

Burundi

20 mars 1993

19 mars 1994

Costa Rica

11 décembre 1993

10 décembre 1994

10 août 2000

CAT/C/24/Add.7

Maroc

21 juillet 1993

20 juillet 1994

29 juillet 1994

CAT/C/24/Add.2

Maurice

8 janvier 1993

7 janvier 1994

10 mai 1994 et 1er mars 1995

CAT/C/24/Add.1 et 3

Slovaquie

28 mai 1993

27 mai 1994

1er mai 2000

CAT/C/24/Add.6

Slovénie

15 août 1993

14 août 1994

10 août 1999

CAT/C/24/Add.5

Rapports initiaux attendus en 1995 (7)

État partie

Date d’entrée en vigueur

Date à laquelle devait être présenté le rapport initial

Date deprésentation

Cote

Albanie

10 juin 1994

9 juin 1995

États-Unis d’Amérique

20 novembre 1994

19 novembre 1995

15 octobre 1999

CAT/C/28/Add.5

Éthiopie

13 avril 1994

12 avril 1995

ex-Rép. yougoslavede Macédoine

12 décembre 1994

11 décembre 1995

22 mai 1998

CAT/C.28/Add.4

Géorgie

25 novembre 1994

24 novembre 1995

4 juin 1996

CAT/C/28/Add.1

Namibie

28 décembre 1994

27 décembre 1995

23 août 1996

CAT/C/28/Add.2

Sri Lanka

2 février 1994

1er février 1995

27 octobre 1997

CAT/C/28/Add.3

Rapports initiaux attendus en 1996 (6)

État partie

Date d’entrée en vigueur

Date à laquelle devait être présenté le rapport initial

Date deprésentation

Cote

Cuba

16 juin 1995

15 juin 1996

15 novembre 1996

CAT/C/32/Add.2

Ouzbékistan

28 octobre 1995

27 octobre 1996

18 février 1999

CAT/C/32/Add.3

Rép. de Corée

8 février 1995

7 février 1996

10 février 1996

CAT/C/32/Add.1

Rép. de Moldova

28 décembre 1995

27 décembre 1996

Tadjikistan

10 février 1995

9 février 1996

Tchad

9 juillet 1995

8 juillet 1996

Rapports initiaux attendus en 1997 (8)

État partie

Date d’entrée en vigueur

Date à laquelle devait être présenté le rapport initial

Date de présentation

Cote

Azerbaïdjan

15 septembre 1996

14 septembre 1997

18 décembre 1998

CAT/C/37/Add.3

Côte d’Ivoire

17 janvier 1996

16 janvier 1997

El Salvador

17 juillet 1996

16 juillet 1997

5 juillet 1999

CAT/C/37/Add.4

Islande

22 novembre 1996

21 novembre 1997

12 février 1998

CAT/C/37/Add.2

Koweït

7 avril 1996

6 avril 1997

5 août 1997

CAT/C/37/Add.1

Lituanie

2 mars 1996

1er mars 1997

Malawi

11 juillet 1996

10 juillet 1997

Rép. dém. du Congo

17 avril 1996

16 avril 1997

Rapports initiaux attendus en 1998 (4)

État partie

Date d’entrée en vigueur

Date à laquelle devait être présenté le rapport initial

Date deprésentation

Cote

Arabie saoudite

22 octobre 1997

21 octobre 1998

27 février 2001

CAT/C/42/Add.2

Honduras

4 janvier 1997

3 janvier 1998

Kenya

23 mars 1997

22 mars 1998

Kirghizistan

5 octobre 1997

4 octobre 1998

9 février 1999

CAT/C/42/Add.1

Rapports initiaux attendus en 1999 (6)

État partie

Date d’entrée en vigueur

Date à laquelle devait être présenté le rapport initial

Date deprésentation

Cote

Bahreïn

5 avril 1998

4 avril 1999

Bangladesh

4 novembre 1998

3 novembre 1999

Indonésie

27 novembre 1998

26 novembre 1999

7 février 2001

CAT/C/47/Add.3

Kazakhstan

25 septembre 1998

24 septembre 1999

15 août 2000

CAT/C/47/Add.1

Niger

4 novembre 1998

3 novembre 1999

Zambie

6 novembre 1998

5 novembre 1999

1er décembre 2000

CAT/C/47/Add.2

Rapports initiaux attendus en 2000 (8)

État partie

Date d’entrée en vigueur

Date à laquelle devait être présenté le rapport initial

Date deprésentation

Cote

Afrique du Sud

9 janvier 1999

8 janvier 2000

Belgique

25 juillet 1999

25 juillet 2000

Bolivie

12 mai 1999

11 mai 2000

16 mai 2000

CAT/C/52/Add.1

Burkina Faso

3 février 1999

2 février 2000

Japon

29 juillet 1999

29 juillet 2000

Mali

28 mars 1999

27 mars 2000

Mozambique

14 octobre 1999

14 octobre 2000

Turkménistan

25 juillet 1999

25 juillet 2000

Rapports initiaux attendus en 2001 (5)

État partie

Date d’entrée en vigueur

Date à laquelle devait être présenté le rapport initial

Date deprésentation

Cote

Qatar

10 février 2000

9 février 2001

Ghana

7 octobre 2000

6 octobre 2001

Botswana

8 octobre 2000

7 octobre 2001

Gabon

8 octobre 2000

7 octobre 2001

Liban

4 novembre 2000

3 novembre 2001

B. Deuxièmes rapports périodiques

Deuxièmes rapports périodiques attendus en 1992 (26)

État partie

Deuxième rapport périodique attendu le

Date de présentation

Cote

Afghanistan

25 juin 1992

Argentine

25 juin 1992

29 juin 1992

CAT/C/17/Add.2

Autriche

27 août 1992

12 octobre 1998

CAT/C/17/Add.21

Bélarus

25 juin 1992

15 septembre 1992

CAT/C/17/Add.6

Belize

25 juin 1992

Bulgarie

25 juin 1992

19 juin 1998

CAT/C/17/Add.19

Cameroun

25 juin 1992

20 novembre 1999

CAT/C/17/Add.22

Canada

23 juillet 1992

11 septembre 1992

CAT/C/17/Add.5

Danemark

25 juin 1992

22 février 1995

CAT/C/17/Add.13

Égypte

25 juin 1992

13 avril 1993

CAT/C/17/Add.11

Espagne

19 novembre 1992

19 novembre 1992

CAT/C/17/Add.10

Fédération de Russie

25 juin 1992

17 janvier 1996

CAT/C/17/Add.15

France

25 juin 1992

19 décembre 1996

CAT/C/17/Add.18

Hongrie

25 juin 1992

23 septembre 1992

CAT/C/17/Add.8

Luxembourg

28 octobre 1992

3 août 1998

CAT/C/17/Add.20

Mexique

25 juin 1992

21 juillet 1992 et 28 mai 1996

CAT/C/17/Add.3 et Add.17

Norvège

25 juin 1992

25 juin 1992

CAT/C/17/Add.1

Ouganda

25 juin 1992

Panama

22 septembre 1992

21 septembre 1992

CAT/C/17/Add.7

Philippines

25 juin 1992

Sénégal

25 juin 1992

27 mars 1995

CAT/C/17/Add.14

Suède

25 juin 1992

30 septembre 1992

CAT/C/17/Add.9

Suisse

25 juin 1992

28 septembre 1993

CAT/C/17/Add.12

Togo

17 décembre 1992

Ukraine

25 juin 1992

31 août 1992

CAT/C/17/Add.4

Uruguay

25 juin 1992

25 mars 1996

CAT/C/17/Add.16

Deuxièmes rapports périodiques attendus en 1993 (9)

État partie

Deuxième rapport périodique attendu le

Date deprésentation

Cote

Chili

29 octobre 1993

16 février 1994

CAT/C/20/Add.3

Chine

2 novembre 1993

2 décembre 1995

CAT/C/20/Add.5

Colombie

6 janvier 1993

4 août 1995

CAT/C/20/Add.4

Équateur

28 avril 1993

21 avril 1993

CAT/C/20/Add.1

Grèce

4 novembre 1993

6 décembre 1993

CAT/C/20/Add.2

Guyana

17 juin 1993

Pérou

5 août 1993

20 janvier 1997

CAT/C/20/Add.6

Tunisie

22 octobre 1993

10 novembre 1997

CAT/C/20/Add.7

Turquie

31 août 1993

Deuxièmes rapports périodiques attendus en 1994 (11)

État partie

Deuxième rapport périodique attendu le

Date deprésentation

Cote

Algérie

11 octobre 1994

23 février 1996

CAT/C/25/Add.8

Australie

6 septembre 1994

19 octobre 1999

CAT/C/25/Add.11

Brésil

27 octobre 1994

Finlande

28 septembre 1994

11 septembre 1995

CAT/C/25/Add.7

Guinée

8 novembre 1994

Italie

10 février 1994

20 juillet 1994

CAT/C/25/Add.4

Jamahiriya arabe libyenne

14 juin 1994

30 juin 1994

CAT/C/25/Add.3

Pays-Bas

19 janvier 1994 et 27 mars 1995

14 avril 1994 et 16 juin 1994

CAT/C/25/Add.1, 2 et 5

Pologne

24 août 1994

7 mai 1996

CAT/C/25/Add.9

Portugal

10 mars 1994

7 novembre 1996

CAT/C/25/Add.10

Royaume‑Unide Grande-Bretagneet d’Irlande du Nord

6 janvier 1994

25 mars 1995

CAT/C/25/Add.6

Deuxièmes rapports périodiques attendus en 1995 (7)

État partie

Deuxième rapport périodique attendu le

Date de présentation

Cote

Allemagne

30 octobre 1995

17 décembre 1996

CAT/C/29/Add.2

Guatemala

3 février 1995

13 février 1997

CAT/C/29/Add.3

Liechtenstein

1er décembre 1995

3 septembre 1998

CAT/C/29/Add.5

Malte

12 octobre 1995

29 septembre 1998

CAT/C/29/Add.6

Nouvelle-Zélande

8 janvier 1995

25 février 1997

CAT/C/29/Add.4

Paraguay

10 avril 1995

10 juillet 1996

CAT/C/29/Add.1

Somalie

22 février 1995

Deuxièmes rapports périodiques attendus en 1996 (10)

État partie

Deuxième rapport périodique attendu le

Date deprésentation

Cote

Chypre

16 août 1996

12 septembre 1996

CAT/C/33/Add.1

Croatie

7 octobre 1996

5 mars 1998

CAT/C/33/Add.4

Estonie

19 novembre 1996

Israël

1er novembre 1996

6 décembre 1996 et 7 février 1997 (rapport spécial)

CAT/C/33/Add.2/Rev.1

26 février 1998

CAT/C/33/Add.3

Jordanie

12 décembre 1996

Népal

12 juin 1996

Roumanie

16 janvier 1996

Venezuela

27 août 1996

1er septembre 2000

CAT/C/33/Add.5

Yémen

4 décembre 1996

Yougoslavie

9 octobre 1996

Deuxièmes rapports périodiques attendus en 1997 (8)

État partie

Deuxième rapport périodique attendu le

Date deprésentation

Cote

Bénin

10 avril 1997

Bosnie-Herzégovine

5 mars 1997

Cambodge

13 novembre 1997

Cap-Vert

3 juillet 1997

Lettonie

13 mai 1997

Monaco

4 janvier 1997

République tchèque

31 décembre 1997

14 février 2000

CAT/C/38/Add.1

Seychelles

3 juin 1997

Deuxièmes rapports périodiques attendus en 1998 (8)

État partie

Deuxième rapport périodique attendu le

Date deprésentation

Cote

Antigua-et-Barbuda

17 août 1998

Arménie

12 octobre 1998

15 juin 1999

CAT/C/43/Add.3

Burundi

19 mars 1998

Costa Rica

10 décembre 1998

Maroc

20 juillet 1998

2 septembre 1998

CAT/C/43/Add.2

Maurice

7 janvier 1998

8 juin 1998

CAT/C/43/Add.1

Slovaquie

27 mai 1998

Slovénie

14 août 1998

Deuxièmes rapports périodiques attendus en 1999 (7)

État partie

Deuxième rapport périodique attendu le

Date de présentation

Cote

Albanie

9 juin 1999

États-Unis d’Amérique

19 novembre 1999

Éthiopie

12 avril 1999

ex-République yougoslavede Macédoine

11 décembre 1999

Géorgie

24 novembre 1999

15 novembre 1999

CAT/C/48/Add.1

Namibie

27 décembre 1999

Sri Lanka

1er février 1999

Deuxièmes rapports périodiques attendus en 2000 (6)

État partie

Deuxième rapport périodique attendu le

Date de présentation

Cote

Cuba

15 juin 2000

Ouzbékistan

27 octobre 2000

29 novembre 2000

CAT/C/53/Add.1

République de Corée

7 février 2000

République de Moldova

27 décembre 2000

Tadjikistan

9 février 2000

Tchad

8 juillet 2000

Deuxièmes rapports périodiques attendus en 2001 (8)

État partie

Deuxième rapport périodique attendu le

Date de présentation

Cote

Azerbaïdjan

14 septembre 2001

Côte d’Ivoire

16 janvier 2001

El Salvador

16 juillet 2001

Islande

21 novembre 2001

Koweït

6 avril 2001

Lituanie

1er mars 2001

Malawi

10 juillet 2001

République démocratique du Congo

16 avril 2001

C. Troisièmes rapports périodiques

Troisièmes rapports périodiques attendus en 1996 (26)

État partie

Troisième rapport périodique attendu le

Date de présentation

Cote

Afghanistan

25 juin 1996

Argentine

25 juin 1996

26 septembre 1996

CAT/C/34/Add.5

Autriche

27 août 1996

Bélarus

25 juin 1996

29 septembre 1999

CAT/C/34/Add.12

Belize

25 juin 1996

Bulgarie

25 juin 1996

Cameroun

25 juin 1996

Canada

23 juillet 1996

19 octobre 1999

CAT/C/34/Add.13

Danemark

25 juin 1996

5 juillet 1996

CAT/C/34/Add.3

Égypte

25 juin 1996

30 octobre 1998

CAT/C/34/Add.11

Espagne

19 novembre 1996

18 novembre 1996

CAT/C/34/Add.7

Fédération de Russie

25 juin 1996

5 décembre 2000

CAT/C/34/Add.15

France

25 juin 1996

Hongrie

25 juin 1996

21 avril 1998

CAT/C/34/Add.10

Luxembourg

28 octobre 1996

30 octobre 2000

CAT/C/34/Add.14

Mexique

25 juin 1996

25 juin 1996

CAT/C/34/Add.2

Norvège

25 juin 1996

6 février 1997

CAT/C/34/Add.8

Ouganda

25 juin 1996

Panama

22 septembre 1996

19 mai 1997

CAT/C/34/Add.9

Philippines

25 juin 1996

Sénégal

25 juin 1996

Suède

25 juin 1996

23 août 1996

CAT/C/34/Add.4

Suisse

25 juin 1996

7 novembre 1996

CAT/C/34/Add.6

Togo

17 décembre 1996

Ukraine

25 juin 1996

19 juin 1996

CAT/C/34/Add.1

Uruguay

25 juin 1996

Troisièmes rapports périodiques attendus en 1997 (9)

État partie

Troisième rapport périodique attendu le

Date de présentation

Cote

Chili

29 octobre 1997

Chine

2 novembre 1997

5 mai 1999

CAT/C/39/Add.2

Colombie

6 janvier 1997

Équateur

28 avril 1997

Grèce

4 novembre 1997

29 novembre 1999

CAT/C/39/Add.3

Guyana

17 juin 1997

Pérou

5 août 1997

12 décembre 1998

CAT/C/39/Add.1

Tunisie

22 octobre 1997

Turquie

31 août 1997

Troisièmes rapports périodiques attendus en 1998 (11)

État partie

Troisième rapport périodique attendu le

Date de présentation

Cote

Algérie

11 octobre 1998

Australie

6 septembre 1998

Brésil

27 octobre 1998

Finlande

28 septembre 1998

16 novembre 1998

CAT/C/44/Add.6

Guinée

8 novembre 1998

Italie

10 février 1998

22 juillet 1998

CAT/C/44/Add.2

Jamahiriya arabe libyenne

14 juin 1998

2 septembre 1998

CAT/C/44/Add.3

Pays-Bas

19 janvier 1998

3 septembre 1998 et 27 décembre 1999

CAT/C/44/Add.4 et 8

Pologne

24 août 1998

11 novembre 1998

CAT/C/44/Add.5

Portugal

10 mars 1998

2 février 1999

CAT/C/44/Add.7

Royaume-Unide Grande-Bretagneet d’Irlande du Nord

6 janvier 1998

2 avril 1998

CAT/C/44/Add.1

Troisièmes rapports périodiques attendus en 1999 (7)

État partie

Troisième rapport périodique attendu le

Date de présentation

Cote

Allemagne

30 octobre 1999

Guatemala

3 février 1999

18 janvier 2000

CAT/C/49/Add.2

Liechtenstein

1er décembre 1999

Malte

12 octobre 1999

Nouvelle-Zélande

8 janvier 1999

Paraguay

10 avril 1999

14 juin 1999

CAT/C/49/Add.1

Somalie

22 février 1999

Troisièmes rapports périodiques attendus en 2000 (10)

État partie

Troisième rapport périodique attendu le

Date de présentation

Cote

Chypre

16 août 2000

Croatie

7 octobre 2000

Estonie

19 novembre 2000

Israël

1er novembre 2000

15 mars 2001

CAT/C/54/Add.1

Jordanie

12 décembre 2000

Népal

12 juin 2000

Roumanie

16 janvier 2000

Venezuela

27 août 2000

Yémen

4 décembre 2000

Yougoslavie

9 octobre 2000

Troisièmes rapports périodiques attendus en 2001 (8)

État partie

Troisième rapport périodique attendu le

Date de présentation

Cote

Bénin

10 avril 2001

Bosnie-Herzégovine

5 mars 2001

Cambodge

13 novembre 2001

Cap-Vert

3 juillet 2001

Lettonie

13 mai 2001

Monaco

4 janvier 2001

République tchèque

31 décembre 2001

Seychelles

3 juin 2001

D. Quatrièmes rapports périodiques

Quatrièmes rapports périodiques attendus en 2000 (26)

État partie

Quatrième rapport périodique attendu le

Date de présentation

Cote

Afghanistan

25 juin 2000

Argentine

25 juin 2000

Autriche

27 août 2000

Bélarus

25 juin 2000

Belize

25 juin 2000

Bulgarie

25 juin 2000

Cameroun

25 juin 2000

Canada

23 juillet 2000

Danemark

25 juin 2000

4 août 2000

CAT/C/55/Add.2

Égypte

25 juin 2000

19 février 2001

CAT/C/55/Add.6

Espagne

19 novembre 2000

8 janvier 2001

CAT/C/55/Add.5

Fédération de Russie

25 juin 2000

France

25 juin 2000

Hongrie

25 juin 2000

Luxembourg

28 octobre 2000

Mexique

25 juin 2000

Norvège

25 juin 2000

15 septembre 2000

CAT/C/55/Add.4

Ouganda

25 juin 2000

Panama

22 septembre 2000

Philippines

25 juin 2000

Sénégal

25 juin 2000

Suède

25 juin 2000

21 août 2000

CAT/C/55/Add.3

Suisse

25 juin 2000

Togo

17 décembre 2000

Ukraine

25 juin 2000

31 juillet 2000

CAT/C/55/Add.1

Uruguay

25 juin 2000

Quatrièmes rapports périodiques attendus en 2001 (9)

État partie

Quatrième rapport périodique attendu le

Date de présentation

Cote

Chili

29 octobre 2001

Chine

2 novembre 2001

Colombie

6 janvier 2001

Équateur

28 avril 2001

Grèce

4 novembre 2001

Guyana

17 juin 2001

Pérou

5 août 2001

Tunisie

22 octobre 2001

Turquie

31 août 2001

Annexe VI

RAPPORTEURS DE PAYS ET CORAPPORTEURS POUR CHACUN DES RAPPORTSDES ÉTATS PARTIES EXAMINÉS PAR LE COMITÉ À SES VINGT-CINQUIÈMEET VINGT-SIXIÈME SESSIONS

A. Vingt‑cinquième session

Rapport

Rapporteur

Corapporteur

Arménie:Deuxième rapport périodique(CAT/C/43/Add.3)

M. Camara

M. Yakovlev

Bélarus:Troisième rapport périodique(CAT/C/34/Add.12)

Mme Gaer

M. Burns

Australie:Deuxième rapport périodique(CAT/C/25/Add.11)

M. Mavrommatis

M. Rasmussen

Canada:Troisième rapport périodique(CAT/C/34/Add.13)

Mme Gaer

M. El Masry

Cameroun:Deuxième rapport périodique(CAT/C/17/Add.22)

M. Camara

M. El Masry

Guatemala:Troisième rapport périodique(CAT/C/49/Add.2)

M. González Poblete

M. Rasmussen

B. Vingt‑sixième session

Rapport

Rapporteur

Corapporteur

Géorgie:Deuxième rapport périodique(CAT/C/48/Add.1)

M. Yakovlev

M. Mavrommatis

GrèceTroisième rapport périodique(CAT/C/39/Add.3)

M. Burns

M. Rasmussen

République tchèque:Deuxième rapport périodique(CAT/C/38/Add.1)

M. Mavrommatis

M. El Masry

Slovaquie:Rapport initial(CAT/C/24/Add.6)

Mme Gaer

M. Yu Mengjia

Bolivie:Rapport initial(CAT/C/52/Add.1)

M. González Poblete

M. Silva Henriques Gaspar

Brésil:Rapport initial(CAT/C/9/Add.16)

M. Silva Henriques Gaspar

M. González Poblete

Costa RicaRapport initial(CAT/C/24/Add.7)

M. González Poblete

M. Rasmussen

Kazakhstan:Rapport initial(CAT/C/47/Add.1)

Mme Gaer

M. Yakovlev

Annexe VII

CONSTATATIONS ET DÉCISIONS DU COMITÉ CONTRE LA TORTUREAU TITRE DE L’ARTICLE 22 DE LA CONVENTION

A. Constatations

1. Communication no 49/1996

Présentée par:S. V. et consorts (noms supprimés)(représentés par un conseil)

Au nom de:Les auteurs

État partie:Canada

Date de la communication:15 mai 1996

Le Comité contre la torture, institué conformément à l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 15 mai 2001,

Ayant achevé l’examen de la communication no 49/1996 présentée au Comité contre la torture en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication, son conseil et l’État partie,

Adopte ses constatations au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention.

1.Les auteurs de la communication sont S. V., son épouse et leur fille, de nationalité sri‑lankaise, qui veulent obtenir le statut de réfugié au Canada. Ils affirment que leur renvoi à Sri Lanka constituerait une violation par le Canada des articles 3 et 16 de la Convention contre la torture. Ils sont représentés par un conseil.

1.2Le 12 juin 1996, le Comité a transmis la communication à l’État partie en lui demandant de faire part de ses observations et de ne pas procéder à l’expulsion des auteurs tant que la communication serait en cours d’examen.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1L’auteur est un Tamoul de la région de Jaffna, dans le nord de Sri Lanka. Le couple a deux enfants, une fille de huit ans et un fils de deux ans, qui est né au Canada et a la nationalité canadienne. D’après les auteurs, à partir de 1987 et jusqu’à leur départ de Sri Lanka, en 1992, tous ont subi de graves persécutions, en particulier M. S. V., de la part de la Force indienne de maintien de la paix (IPKF), des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), de l’armée sri‑lankaise (SLA) et de la police de Colombo. M. S. V. a été arrêté plusieurs fois et, au moins deux fois, il a été torturé par l’armée et la police.

2.2S. V. était membre du Front uni de libération tamoul (TULF) qui prônait la création d’un État tamoul autonome à Sri Lanka par des moyens pacifiques. En octobre 1987, un conflit armé a éclaté entre les Tigres de libération et la Force indienne de maintien de la paix. M. S. V. et sa femme ont été obligés de quitter leur maison, à Thirunelvely (Jaffna) pour échapper aux bombes. Quand ils sont rentrés chez eux, ils ont trouvé la maison occupée par des soldats de l’IPKF. M. S. V. leur a demandé de quitter les lieux mais ils ont refusé et l’ont accusé d’être membre des Tigres de libération de l’Eelam tamoul.

2.3En mai 1988, S. V. a été placé en détention dans un camp établi sur sa propre propriété par le Front de libération révolutionnaire du peuple de l’Eelam, un groupe de militants tamouls allié à l’IPKF. Il y est resté 10 jours et pendant cette période a été brutalisé de façon répétée et interrogé au sujet de ses liens supposés avec les LTTE.

2.4En 1990, les LTTE ont pris le contrôle de la région tamoule et se sont appropriés les biens de M. S. V.; ils l’ont menacé fusil au poing quand il a exigé qu’ils évacuent sa propriété. Il avait alors été contraint d’abandonner définitivement sa maison et toute la famille est partie pour Kaithady (Jaffna).

2.5En décembre 1990, alors qu’il allait de Colombo à Jaffna, S. V. a été arrêté à Vavuniya par l’armée sri‑lankaise. Il a été interrogé, accusé d’appartenir aux Tigres de libération de l’Eelam tamoul et passé à tabac. Trois jours plus tard, il a été de nouveau roué de coups car on voulait le faire avouer. On lui a cogné la tête à plusieurs reprises contre un mur jusqu’à ce qu’il perde connaissance. Selon les auteurs, S. V. a eu comme séquelle une lésion cérébrale qui l’a rendu aphasique. Après cet incident, il est allé à Colombo pour se faire soigner.

2.6En mars 1991, après l’assassinat du Ministre adjoint de la défense de Sri Lanka, la police a lancé une opération de ratissage à Colombo, arrêtant tous les Tamouls de sexe masculin. S. V., qui était hébergé chez un cousin à Colombo, a été arrêté par quatre policiers armés le 4 mars 1991. Il a été interrogé, les policiers voulant savoir pourquoi il se trouvait à Colombo et l’accusant d’appartenir aux Tigres de libération. Il a été brutalisé à maintes reprises par la police qui le frappait à coups de poing et de crosse de fusil et il est resté détenu pendant deux jours. Sur l’intervention d’un avocat engagé par son cousin, il a été remis en liberté et son cousin lui a dit qu’il ne pouvait plus habiter avec lui car il risquait d’avoir de nouveaux ennuis avec la police. Il est donc retourné à Jaffna.

2.7Le 18 février 1992, les LTTE ont voulu obliger S. V. à se rallier à leur mouvement mais il a refusé; ils lui ont alors ordonné de se rendre à leur bureau le lendemain et, s’il n’obtempérait pas, il serait considéré comme l’ennemi du peuple tamoul. M. S. V. a vu dans cet avertissement une menace de mort et s’est enfui pour Colombo le soir même.

2.8Le 3 mars 1992, la police a investi l’hôtel où S. V. était descendu à Colombo et, avec d’autres Tamouls, il a été arrêté. Il a été conduit au poste de police de Wellawatte et interrogé sur les motifs de son séjour à Colombo et sur ses liens avec les Tigres. Il a été remis en liberté le lendemain à condition de se rendre une fois par semaine à la police et de ne pas changer d’adresse à Colombo.

2.9À partir de ce moment là, S. V. craignait d’être arrêté à tout moment, d’être interrogé et torturé parce qu’il était soupçonné d’appartenir aux LTTE. Il a décidé qu’il n’était plus en sécurité nulle part à Sri Lanka et il est parti le 13 mars 1992 pour le Canada où il est arrivé au mois de mai de la même année. Il a demandé le statut de réfugié au titre de la Convention au motif qu’il était persécuté en raison de sa race, de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social particulier.

2.10L’épouse de l’auteur affirme que des membres des LTTE qui cherchaient son mari se sont rendus plusieurs fois chez elle, à Jaffna. L’un d’eux a exigé qu’elle lui remette 200 000 roupies pour la punir de la désobéissance de son mari et lui a donné un mois pour réunir la somme. Elle s’est alors enfuie avec sa fille à Colombo, où elle a dû se faire enregistrer auprès de la police qui lui a confisqué sa carte d’identité. Elle était accusée d’être parmi les partisans des LTTE. En août 1992, après une rafle de Tamouls effectuée par la police, elle a décidé que sa fille et elle‑même n’étaient plus en sécurité nulle part à Sri Lanka et en septembre 1992 elle est partie pour le Canada. À son arrivée, elle a demandé le statut de réfugié pour elle‑même et pour sa fille.

2.11À l’issue d’une audition tenue le 4 mars 1993, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a conclu que les auteurs ne pouvaient pas être admis au bénéfice du statut de réfugié, ce pour deux motifs: premièrement, les actes d’extorsion des LTTE ne constituaient pas une persécution, mais plutôt un harcèlement pénible, créant une situation difficile à supporter; deuxièmement, les auteurs avaient d’autres solutions pour trouver refuge dans leur pays, à Colombo. La Commission a conclu qu’il n’existait pas de raison valable de supposer que S. V. serait persécuté à Colombo et que, par conséquent, il n’était pas déraisonnable de lui demander de se réfugier dans cette ville.

2.12Par une décision datée du 7 janvier 1994, la Section de première instance de la Cour fédérale a refusé à la famille l’autorisation de former un recours contre la décision de la Commission, qu’ils affirmaient être entachés d’erreurs de fait et de droit.

2.13Le 28 janvier 1994, une demande en révision a été adressée aux services d’immigration du Canada au titre du programme d’admission à la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (DNRSRC). Cette procédure a pour objet d’identifier les personnes qui, bien que n’étant pas reconnues comme des réfugiés au sens de la Convention, seraient objectivement exposées à un danger précis pour leur vie ou à un traitement inhumain si elles retournaient dans leur pays d’origine.

2.14La demande déposée par les auteurs au titre du DNRSRC a été examinée le 9 novembre 1995 et rejetée. L’agent a estimé que, si les auteurs avaient de bonnes raisons de craindre un retour dans le nord de Sri Lanka, ils pouvaient chercher la sécurité à Colombo. Il a noté en particulier que l’attaque de l’armée sri‑lankaise, qui était à l’origine des problèmes de santé de S. V., s’était produite près de Jaffna. Les arrestations effectuées par la police de Colombo faisaient partie d’une politique générale de harcèlement des Tamouls par la police qui, à son avis, ne constituait pas un «risque objectivement identifiable», étant donné que la plupart des détenus étaient libérés dans les trois jours, même si certains étaient obligés de verser des pots‑de‑vin pour obtenir leur relaxe. Il a aussi fait valoir qu’une partie de la famille élargie des auteurs vivait à Colombo et pouvait les aider à s’installer dans cette ville. Enfin, le rapport du médecin selon lequel S. V. souffrait de troubles post‑traumatiques, qui pourraient s’aggraver s’il retournait à Sri Lanka, avait été établi sur la base d’une seule visite à ce médecin, et non dans le cadre d’un traitement continu, et ne donnait pas de précisions sur les conditions qui pouvaient provoquer une rechute.

2.15Le 13 mai 1995, les auteurs ont adressé une nouvelle requête au Ministre de l’immigration afin qu’il intervienne pour des motifs humanitaires, en vertu de l’article 114 2) de la loi sur l’immigration. La demande a été rejetée le 9 décembre 1996. L’autorisation de former un recours contre cette décision a été refusée par la Cour fédérale le 11 avril 1997.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs craignent d’être persécutés et maltraités par les autorités sri‑lankaises en raison de leur passé et du fait qu’ils ont quitté le pays depuis 1992. Ils affirment que, s’il les rapatrie, le Canada violera l’article 3 de la Convention contre la torture.

3.2Les auteurs apportent des éléments d’ordre médical prouvant que les souffrances psychiques et physiques subies par S. V. pendant qu’il était détenu ont eu des conséquences profondes à long terme. Il a de la difficulté à parler et à bouger le cou et présente des troubles post‑traumatiques (des rapports psychiatriques sont fournis). Les auteurs affirment qu’étant donné les maux dont il souffre, S. V. serait particulièrement vulnérable aux mauvais traitements et, en outre, ne recevrait pas à Sri Lanka les soins médicaux dont il a besoin.

3.3Les auteurs expliquent de plus que leur fille, Nitarsha, est physiquement et mentalement handicapée, car elle souffre de paralysie cérébrale, d’hémiparésie du côté droit et d’épilepsie. Elle nécessite des soins, un traitement et un enseignement spéciaux, qu’elle ne peut pas recevoir à Sri Lanka.

3.4Les auteurs affirment que, pour ces raisons médicales, l’expulsion de la famille équivaudrait, de la part des autorités canadiennes, à un traitement inhumain et dégradant contraire à l’article 16 de la Convention contre la torture.

Observations de l’État partie concernant la recevabilité

4.1Par une note datée du 9 juin 1997, l’État partie a contesté la recevabilité de la communication. Il a indiqué que les auteurs n’avaient pas formé de recours judiciaire contre la décision de rejet du statut de réfugié et qu’ils pouvaient encore le faire si le délai d’appel était prolongé par la Cour. En outre, si les auteurs obtenaient l’autorisation de former un recours auprès des autorités judiciaires, ils auraient encore la possibilité de faire appel de la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale devant la Cour d’appel fédérale au cas où le juge de la Section de première instance certifiait que l’affaire soulevait une grave question d’importance générale. Enfin, il était possible de demander l’autorisation de faire appel d’une décision de la Cour d’appel fédérale devant la Cour suprême du Canada.

4.2À l’appui d’un recours juridictionnel, les auteurs pouvaient invoquer des arguments fondés sur la Charte canadienne des droits et libertés. Il convenait de noter à ce propos que dans le contexte de l’extradition, la Cour suprême du Canada avait jugé que le renvoi d’une personne dans un pays dans des conditions susceptibles de «heurter la conscience des Canadiens» était une violation de l’article 7 de la Charte.

Observations du conseil concernant la recevabilité

5.1Dans sa réponse datée du 28 avril 1998, le conseil a indiqué que les auteurs avaient demandé la révision de la décision adoptée par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Mais la Cour fédérale avait refusé l’autorisation d’examiner cette question, et cette décision était sans appel. C’était l’étape finale de la procédure d’examen des demandes de statut de réfugié, étape à laquelle une décision sur le fond était prise par des organes judiciaires ou quasi judiciaires. Tous les réexamens juridictionnels ultérieurs ne portaient que sur des questions de procédure.

5.2Le rejet de la demande initiale de statut de réfugié avait été suivi d’un réexamen automatique, qui avait abouti à une décision négative en novembre 1995. Cette procédure était critiquée par les réfugiés, les avocats et les groupes religieux parce qu’elle n’aboutissait presque jamais à l’acceptation d’une demande.

5.3La seule question laissée ouverte par l’État partie est celle de savoir si le rejet de la demande d’admission au programme DNRSRC aurait dû être attaqué devant la Cour fédérale et si ce recours pouvait encore être exercé. Le conseil a fait observer que les intéressés n’avaient pas demandé la révision de la procédure parce qu’ils n’avaient pas les moyens financiers de le faire et que cette démarche aurait été vaine. La jurisprudence de la Cour fédérale montre en effet clairement que la décision rendue par l’agent chargé d’examiner les demandes d’admission est entièrement discrétionnaire et que la Cour ne s’occupe que des questions de procédure.

5.4Plutôt que de former un recours juridictionnel contre cette décision, les auteurs avaient formulé une demande de révision pour des questions humanitaires en soulevant les mêmes points de droit. La question des troubles post‑traumatiques avait été longuement évoquée de même que le danger d’un retour à Sri Lanka. Les allégations de torture avaient été pleinement étayées par des preuves, et l’agent des services d’immigration avait jugé la relation crédible mais avait refusé d’accorder l’asile au motif que les intéressés pouvaient trouver refuge dans leur pays.

5.5Le rejet de cette demande fondée sur des raisons humanitaires avait été contesté devant la Cour fédérale, qui avait refusé l’autorisation de faire appel. Selon la jurisprudence de la Cour, les décisions du type de celles visées par la demande de révision étaient discrétionnaires et, par conséquent, la Cour n’intervenait pas sur le fond mais seulement sur les questions de procédure. Tous les arguments juridiques avaient été examinés et rejetés par la Cour fédérale.

5.6Selon le conseil, il était objectivement impossible de demander à la Cour fédérale de se prononcer à nouveau sur les mêmes questions car elle y verrait certainement un abus de procédure.

5.7Les autorités canadiennes avaient conclu que les auteurs couraient un danger dans la péninsule de Jaffna mais qu’ils seraient en lieu sûr à Colombo. Le conseil a souligné toutefois que l’auteur avait subi des sévices graves de la part de la police à Colombo en mars 1991, qu’il avait été arrêté arbitrairement en mars 1992 et que les Tamouls faisaient systématiquement l’objet à Colombo d’arrestations et de détentions arbitraires, et parfois de disparitions et d’exécutions extrajudiciaires.

5.8À l’issue de la procédure de révision pour raisons humanitaires, l’agent des services de l’immigration avait conclu à l’existence à la fois d’un risque pour les intéressés et de motifs humanitaires qui militaient en leur faveur. Il avait fondé sa conclusion sur le rapport d’un des médecins qui avaient examiné S. V., selon lequel il souffrait de troubles post‑traumatiques et ses symptômes étaient aggravés par la hantise de retourner à Sri Lanka. De l’avis du médecin, S. V. aurait beaucoup de peine à vivre dans ce pays en raison de ses troubles neurologiques. La demande avait pourtant été rejetée au motif qu’elle n’était pas médicalement fondée et que S. V. et sa fille n’avaient pas prouvé qu’ils avaient des moyens d’existence au Canada. Ils avaient toujours vécu de l’aide sociale depuis leur arrivée au Canada et, vu leur situation, ils risquaient de devenir un cas chronique d’assistance.

5.9Dans le rapport médical cité par l’agent des services d’immigration, le médecin indiquait aussi que certains réfugiés tamouls qu’il avait examinés avaient déclaré qu’ils couraient de plus grands risques à Sri Lanka s’ils avaient des cicatrices ou autres traces de blessures car les autorités pouvaient penser qu’il s’agissait de blessures reçues alors qu’ils combattaient avec les Tigres de libération de l’Eelam tamoul. Les troubles neurologiques de S. V. pourraient être interprétés de cette manière. S’il était interrogé par les autorités sri-lankaises, il ne serait pas capable de s’exprimer et pourrait être jugé récalcitrant ou hostile par des personnes qui ne seraient pas au courant de son handicap neurologique.

5.10Le conseil a fait observer que ni le Gouvernement canadien ni le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés n’a apprécié le risque objectif encouru en l’espèce par les intéressés, se limitant à ne considérer que la possibilité d’expulser quelqu’un vers Sri Lanka en général.

5.11D’après le conseil, le renvoi d’une personne qui souffre de graves préjudices d’ordre physique et psychique causés par des violations des droits de l’homme vers le pays où elle a subi ces violations constitue un traitement inhumain. L’impossibilité de recevoir à Sri Lanka des soins médicaux ou un traitement psychiatrique adéquats pourrait en soi constituer une violation de l’article 16 de la Convention. Toutefois, le conseil ne soulevait ce point qu’en tant que circonstance aggravante du traitement inhumain que constituait l’expulsion.

Décision concernant la recevabilité

6.1À sa vingtième session, le Comité a examiné la question de la recevabilité de la communication. Il a estimé qu’une fois achevée la procédure de recours pour motif humanitaire, y compris la demande de révision adressée à la Cour fédérale, tous les recours internes disponibles avaient été épuisés. En conséquence, le paragraphe 5 b) de l’article 22 ne lui interdisait pas d’examiner la communication. Le Comité a donc décidé qu’elle était recevable.

Observations de l’État partie sur le fond de la communication

7.1D’après l’État partie, les faits tels qu’ils sont présentés par les auteurs ont été étudiés par un tribunal interne compétent et indépendant qui a statué à l’issue d’une procédure équitable, conformément à la procédure canadienne régissant l’octroi du statut de réfugié. L’État partie note également que les auteurs étaient représentés par un conseil pendant toute la procédure, que des services d’interprétation étaient assurés et que la déposition de l’auteur a été sollicitée et entendue.

7.2La Commission de l’immigration et du statut de réfugié a considéré que le principal élément à retenir dans le cas de S. V. était qu’il avait été remis en liberté par la police, ce qui indique sans ambiguïté que ces autorités dont il a peur ne le considèrent pas comme un membre ou un sympathisant des Tigres de libération de l’Eelam tamoul. La Commission a énoncé dans ses motifs qu’elle avait pris en considération les plaintes de S. V. concernant le passage à tabac de la part de l’armée sri‑lankaise et les rapports médicaux qu’il lui avait soumis. Toutefois, elle a relevé que la définition de «réfugié au titre de la Convention» portait sur l’avenir et que l’expérience passée, aussi importante soit‑elle, n’était pas déterminante pour évaluer la situation d’un individu. Elle a ajouté que cette remarque était également valable pour l’application de l’article 3 de la Convention contre la torture.

7.3Pour ce qui était de l’épouse et de la fille de S. V., la Commission a estimé qu’elles n’étaient pas réfugiées au sens de la Convention parce qu’elles n’avaient pas été inquiétées quand elles étaient à Colombo. De plus, leur demande étant jointe à celle de S. V. et dépendant de celle‑ci, la Commission a conclu qu’elles n’étaient pas des réfugiées au titre de la Convention.

7.4Pour ce qui est de la requête déposée par les auteurs auprès des services d’immigration au titre du programme DNRSRC, l’État partie explique que, dans la plupart des cas, la définition du réfugié au titre de la Convention recoupe l’article 3 de la Convention contre la torture. Quand ce n’est pas le cas, les agents chargés d’examiner les demandes après refus du statut de réfugié doivent tenir compte des dispositions de l’article 3 de cette Convention. Appliquant les critères énoncés pour pouvoir procéder au réexamen de l’affaire après rejet de la demande, l’agent chargé de cette requête a examiné l’argumentation écrite établie au nom des auteurs par leur avocat, les documents qui étaient joints et la documentation concernant la situation à Sri Lanka. Toutes ces pièces contenaient des éléments qui n’avaient pas été produits lors de l’audience de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, en particulier un rapport médical et un rapport d’Amnesty International (1994).

7.5Pour ce qui est de la procédure d’examen d’une affaire pour motifs humanitaires, prévue à l’article 114, paragraphe 2, de la loi sur l’immigration, l’État partie fait valoir que l’agent qui en avait été chargé a pris en considération tous les éléments soumis par les requérants et le plus possible de circonstances, y compris le risque de subir des traitements excessivement durs ou inhumains dans le pays d’origine des requérants, la situation actuelle dans ce pays et tout autre fait nouveau qui avait pu y survenir depuis l’audience devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié et l’examen de leur cas après le rejet de la demande. L’agent des services d’immigration a indiqué qu’«il y avait des risques» mais n’a pas confirmé qu’il y avait risque de torture. L’évaluation du risque n’est pas limitée au seul risque de mauvais traitement.

7.6D’après l’État partie, la procédure mentionnée n’a pas révélé qu’il y avait eu une erreur manifeste ou que la décision avait été déraisonnable, entachée d’abus de procédure, de mauvaise foi, de partialité évidente ou d’irrégularité grave. Il ajoute qu’il n’appartient pas au Comité d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans une affaire donnée.

7.7De l’avis de l’État partie, il ressort de la communication que les auteurs ont quitté leur pays parce qu’ils avaient peur des Tigres de libération de l’Eelam tamoul ou parce qu’ils craignaient d’être pris entre les Tigres et les autorités gouvernementales. Cette appréhension ne suffit pas à étayer une plainte au titre de la Convention. Les auteurs ont également affirmé, ce qui a été confirmé par le rapport médical, qu’ils craignaient d’être torturés par les LTTE s’ils retournaient à Sri Lanka. S. V. a lui‑même indiqué que c’était l’ordre des LTTE de se rallier à leur mouvement qui l’avait poussé à partir pour Colombo en 1992. Par conséquent, l’État partie objecte que dans le nord du pays, les deux personnes n’ont pas à redouter les autorités sri‑lankaises mais craignent les Tigres.

7.8L’État partie fait valoir que les actes commis par les LTTE ne relèvent pas du domaine de compétence du Comité puisque la définition de la «torture» donnée dans la Convention vise expressément les actes commis «par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite». Les actes commis par les LTTE ne peuvent pas être attribués à l’État et ne sont donc pas visés par la Convention.

7.9Pour ce qui est du risque de torture par l’État sri-lankais, l’État partie fait valoir que les auteurs de la communication n’ont pas montré qu’il y avait des motifs suffisants pour considérer que, s’ils étaient renvoyés à Sri Lanka, ils courraient personnellement un risque réel ou prévisible d’être torturés. Il ajoute que les autorités sri-lankaises ne s’intéressent pas aux auteurs et avance à ce sujet les arguments ci-après.

‑Bien que S. V. ait fait valoir devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié qu’il était un ardent partisan du Front uni de libération tamoul (TULF), il n’a jamais dit qu’il était membre de ce mouvement ni qu’il avait participé à des activités politiques. Quoi qu’il en soit, le TULF est aujourd’hui représenté au Parlement et soutient les initiatives de paix prises par le Gouvernement.

‑Dans sa demande de statut de réfugié, S. V. a indiqué qu’il avait choisi le Canada parce qu’il ne pouvait pas aller ailleurs. Or, d’après la notice personnelle qu’il a remplie à son arrivée au Canada, il s’est rendu dans de nombreux autres pays et y est resté de longues périodes et, à chaque fois, il est rentré volontairement dans son pays, même après les faits au cours desquels il déclare avoir été inquiété par les autorités. En particulier, près d’un an après les tortures que lui aurait fait subir l’armée, en décembre 1990, S. V. est allé à Singapour et est retourné volontairement à Sri Lanka.

‑S. V. s’est rendu souvent à Colombo sans rencontrer le moindre problème avec les autorités, sauf en mars 1991 et mars 1992, ce qui montre qu’il n’est pas soupçonné de complicité avec les LTTE.

‑Certes, S. V. affirme avoir été torturé par des agents des autorités quand il a été arrêté en décembre 1990, en mars 1991 et en mars 1992, mais il n’a apporté aucun élément pour démontrer que toute douleur infligée en 1991 ait constitué une torture au sens de la Convention. De même, lors de sa dernière arrestation, en 1992, événement qui l’aurait poussé à quitter le pays, l’auteur n’avait pas été frappé et avait été remis en liberté le lendemain, sous l’unique condition qu’il se présente aux autorités une fois par semaine.

‑Pour ce qui est de l’état physique de S. V., sa femme a déclaré que, à part une durée plus longue des interrogatoires du fait de ses difficultés à parler, son mari n’avait aucun autre problème avec la police quand il se trouvait à Colombo. Lui‑même a déclaré que les policiers parvenaient à comprendre ce qu’il disait.

‑Pour ce qui est de l’argument selon lequel S. V. risque d’être torturé à cause de son aphasie, l’État partie fait valoir qu’il s’agit là d’une simple conjecture et s’appuie sur le rapport du médecin qui indique que «certains réfugiés tamouls [qu’il avait] examinés ont déclaré qu’ils couraient de plus grands risques à Sri Lanka s’ils avaient des cicatrices ou autres traces de blessures car les autorités pouvaient penser qu’il s’agissait de blessures reçues alors qu’ils combattaient avec les LTTE». Ce sont là des suppositions qui ne sauraient constituer les motifs suffisants requis par l’article 3 de la Convention.

‑L’épouse de S. V. n’a pas été arrêtée et n’a jamais eu d’ennuis avec la police de Sri Lanka. Par conséquent il n’y a rien dans le dossier qui montre qu’elle était accusée ou soupçonnée d’être une sympathisante des LTTE.

‑Contrairement à l’affirmation de Mme V., rien ne prouve que les autorités sri‑lankaises lui aient confisqué sa carte d’identité. En tout état de cause elle n’a pas été arrêtée, détenue, inculpée ni priée de se présenter de nouveau à la police.

‑S. V. a obtenu légalement un passeport à Sri Lanka en 1991 et sa femme en 1992.

‑Les auteurs n’ont pas indiqué que qui que ce soit dans leur entourage immédiat, et plus particulièrement dans leur famille, ait été arrêté ou torturé.

7.10L’État partie se réfère aux décisions du Comité dans des affaires où les auteurs n’ont pas pu prouver que le risque était encouru personnellement et actuellement. L’État partie se réfère également à la décision de la Cour européenne des droits de l’homme dans une affaire impliquant l’expulsion de Sri‑Lankais. En l’espèce, la Cour a rejeté l’allégation de violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, dans la mesure où les requérants n’avaient pas démontré que leur situation personnelle était plus critique que celle de la plupart des autres membres de la communauté tamoule qui étaient renvoyés dans leur pays. La simple possibilité de mauvais traitements n’était pas en soi un élément suffisant pour prévoir qu’ils seraient effectivement soumis à des mauvais traitements une fois rentrés dans leur pays.

7.11L’État partie déclare que la communication repose essentiellement sur la situation générale des droits de l’homme à Sri Lanka. Les auteurs n’établissent pas un lien entre cette situation générale et leur situation personnelle. Quant à la situation générale à Sri Lanka, le rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires (1998) indique que la plupart des personnes dont on a signalé qu’elles étaient détenues ou avaient disparu étaient de jeunes Tamouls accusés ou soupçonnés d’appartenir aux LTTE ou d’en être des complices ou des sympathisants. L’État partie fait valoir que les auteurs n’appartiennent pas à la catégorie des «jeunes Tamouls».

7.12D’après l’État partie, les informations fournies par le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés indiquent qu’à Colombo les forces de police et de sécurité ne pratiquent pas la torture ou d’autres sévices. Le rapport du Département d’État américain sur Sri Lanka pour 1998 (daté de février 1999) indique qu’aucune disparition n’a été signalée à Colombo et Jaffna. En mars 1997, le Haut‑Commissariat pour les réfugiés a indiqué que les Sri‑Lankais dont la demande d’asile avait été rejetée et qui rentraient dans le pays avec des documents de voyage nationaux ne devraient avoir aucun problème à leur arrivée à l’aéroport de Colombo.

7.13De surcroît, l’État partie fait valoir que pour se prononcer sur cette communication, le Comité devrait prendre en considération les différentes mesures adoptées par les autorités sri‑lankaises pour enquêter sur les actes de torture et les prévenir, ainsi que les voies de recours dont disposent les auteurs. Dans ce contexte, l’État partie note, entre autres, que toutes les arrestations et mises en détention doivent être signalées à la Commission des droits de l’homme (créée en 1997) dans un délai de 48 heures, que les rapports de trois commissions présidentielles chargées d’enquêter sur les «disparitions» passées ont été rendus publics, que 485 des 3 861 affaires de violations alléguées des droits de l’homme ont fait l’objet d’une enquête et que 150 responsables présumés ont été condamnés par la Haute Cour, et que le Gouvernement a mis en place un service fonctionnant en permanence pour traiter les plaintes de particuliers concernant des cas de harcèlement par des éléments des forces de sécurité.

7.14En ce qui concerne la violation alléguée de l’article 16 de la Convention, l’État partie soutient que dans cet article, les États parties ont voulu faire en sorte que les obligations énoncées aux articles 10 à 13 soient applicables aux actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Comme l’article 16 ne vise pas les obligations énoncées à l’article 3, il n’impose pas à un État l’obligation de ne pas expulser une personne vers un autre État dans les conditions décrites dans cet article.

7.15L’État partie estime que si l’article 16 de la Convention était considéré comme applicable, au motif que le renvoi constitue en soi une peine ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant, il ne devrait viser que des circonstances très exceptionnelles. L’État partie soutient que l’aggravation de l’état de santé des auteurs qui pourrait résulter de leur expulsion ne constituerait pas un traitement cruel, inhumain ou dégradant attribuable à l’État partie, au sens de l’article 16 de la Convention, et il se réfère à cet égard à la décision du Comité dans l’affaire G.R.B. c. Suède. En outre, l’article 16 impose aux États d’interdire le traitement incriminé; il ne crée pas pour le Canada l’obligation de fournir aux auteurs les soins médicaux qu’ils prétendent ne pas pouvoir recevoir ailleurs. D’autre part, l’État partie fait valoir que rien n’indique que les auteurs

ne puissent bénéficier à Sri Lanka des soins médicaux dont ils ont besoin. Enfin, le paragraphe 2 de l’article 16 spécifie que les dispositions de la Convention sont sans préjudice des dispositions de la loi nationale qui ont trait à l’expulsion.

Observations du conseil sur le fond

8.1Le conseil réfute l’affirmation de l’État partie selon laquelle cette affaire a été examinée «par un tribunal interne compétent et indépendant». Il soutient que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié n’a pas tenu compte des faits de la cause, ni du droit applicable.

8.2Selon le conseil, les informations les plus récentes en provenance de Sri Lanka témoignent d’une situation de terribles violations des droits de l’homme au sens du paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention contre la torture. Plusieurs attentats-suicides à la bombe ont été commis à Colombo et dans d’autres régions du pays. Les Tigres ont déclenché une grande offensive dans le Nord. Des rapports font état de rafles à grande échelle de Tamouls dans le centre du pays et la capitale, ainsi que d’une nette recrudescence des disparitions forcées.

8.3Le conseil se réfère à l’observation générale du Comité sur l’application de l’article 3 de la Convention contre la torture et soutient que l’article 3 s’applique au cas de l’auteur comme suit:

a)Il règne à Sri Lanka une situation qui se caractérise par l’existence «d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives». Quelle que soit l’explication que l’on donne de la situation, il est clair que la torture est pratiquée de façon massive et systématique en toute impunité.

b)S. V. a été maltraité dans le passé par des agents de l’État sri-lankais. Il souffre de lésions cérébrales résultant des graves sévices que lui ont infligés des soldats de l’armée sri‑lankaise. Il a été détenu à plusieurs reprises à Colombo et maltraité par la police. Ces événements sont survenus peu de temps avant son départ de Colombo.

c)Des rapports médicaux et psychiatriques émanant de sources indépendantes, à savoir de docteurs et de psychiatres liés au Centre canadien pour les victimes de la torture, établissent clairement que l’auteur est une victime de la torture. Les tortures ont laissé des séquelles durables sur S. V. et sa famille.

d)La situation à Sri Lanka n’a pas fondamentalement changé depuis que S. V. a quitté le pays. Selon les informations disponibles, la situation au moment où le conseil a présenté ses observations était très critique et dangereuse. L’arsenal répressif et juridique qui autorise une impunité quasi totale est solidement en place.

e)S. V. était un partisan du TULF, le principal parti tamoul. Il est originaire du Nord et a subi des tortures dans le passé. En tant que victime de la torture, il court de grands risques aujourd’hui.

f)S. V. est hautement crédible et d’importantes organisations au Canada lui ont apporté leur soutien. La décision initiale rendue à son sujet n’a d’ailleurs pas mis en cause sa crédibilité.

g)Il n’existe aucune incohérence ou improbabilité dans ce que déclare S. V. Aujourd’hui, sa sécurité personnelle et sa vie sont en danger à Sri Lanka.

8.4Le conseil réfute l’affirmation selon laquelle S. V. craint surtout les Tigres tamouls. Le conseil soutient que la jurisprudence citée par les autorités canadiennes concerne apparemment des affaires dans lesquelles les allégations n’étaient pas fondées ou dans lesquelles le requérant n’avait pas été précédemment soumis à la torture ou personnellement visé.

8.5Selon le conseil, il est faux de dire que la torture n’est plus pratiquée à Colombo. Tous les rapports sur les droits de l’homme disponibles de source internationale s’inscrivent en  faux contre une telle affirmation. La Cour fédérale du Canada elle‑même, dans sa décision accordant un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi, a reconnu que S. V. courait le risque d’un préjudice irréparable s’il était renvoyé dans son pays, comme l’a également admis l’agent des services d’immigration qui a examiné l’affaire.

Délibérations du Comité

9.1Le Comité a examiné la communication en tenant compte de toutes les informations qui lui avaient été soumises par les parties, conformément au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention.

9.2La question sur laquelle le Comité doit se prononcer est celle de savoir si le renvoi des auteurs à Sri Lanka contre leur gré violerait l’obligation qu’a le Canada, en vertu de l’article 3 de la Convention, de ne pas expulser une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

9.3Pour prendre cette décision, le Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, conformément au paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention, y compris l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Toutefois, le but de cette analyse est de déterminer si les intéressés risquent personnellement d’être soumis à la torture dans le pays où ils seraient renvoyés. Il s’ensuit que l’existence, dans un pays, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison suffisante de conclure qu’une personne donnée serait en danger d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister d’autres motifs qui montrent que l’intéressé serait personnellement en danger. Pareillement, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne puisse être considérée comme encourant le risque d’être soumise à la torture dans la situation particulière qui est la sienne.

9.4Le Comité rappelle son observation générale sur l’application de l’article 3 qui se lit comme suit: «Étant donné que l’État partie et le Comité sont tenus de déterminer s’il y a des motifs sérieux de croire que l’auteur risque d’être soumis à la torture s’il est expulsé, refoulé ou extradé, l’existence d’un tel risque doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de montrer que le risque encouru est hautement probable» (A/53/44, annexe IX, par. 6).

9.5Le Comité rappelle que l’obligation de l’État partie de ne pas renvoyer contre son gré une personne dans un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture est directement liée à la définition de la torture figurant à l’article premier de la Convention. Aux fins de la Convention, «le terme “torture” désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur elle ou d’intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit, lorsqu’une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite». Le Comité considère que la question de savoir si l’État partie a l’obligation de ne pas expulser une personne qui risque de se voir infliger une douleur ou des souffrances par une entité non gouvernementale, sans le consentement exprès ou tacite du Gouvernement, est en dehors du champ d’application de l’article 3 de la Convention. Il s’ensuit que la question de savoir si les auteurs risquent de subir des tortures de la part du LTTE ou d’autres entités non gouvernementales une fois rentrés à Sri Lanka, point sur lequel ils fondent partiellement leur requête, ne peut pas être examinée par le Comité.

9.6En ce qui concerne la possibilité que S. V. subisse des tortures de la part des agents de l’État une fois rentré à Sri Lanka, le Comité note ses allégations selon lesquelles il a été torturé par l’armée sri‑lankaise en décembre 1990 et que ces sévices, qui l’ont laissé handicapé, constituaient une torture au sens de l’article 3 de la Convention. Le Comité note également les allégations de l’auteur selon lesquelles il a été maltraité par la police à Colombo en 1991. Toutefois, le Comité note également les affirmations de l’État partie, que n’a pas contestées S. V., selon lesquelles ce dernier a quitté périodiquement Sri Lanka et a toujours pu y retourner, même après l’incident survenu en décembre 1990. Le Comité note que, s’agissant de l’incident de mars 1992 qui, selon S. V., aurait motivé son départ, l’auteur n’avait pas été maltraité et avait été relâché par les autorités. En outre, il n’a pas indiqué avoir été recherché par les autorités depuis cette période. En fait, l’auteur n’a pas déclaré avoir pris part à des activités politiques ou autres à l’intérieur ou en dehors du pays ni n’a allégué d’autres circonstances quelles qu’elles soient qui sembleraient l’exposer particulièrement au risque d’être soumis à la torture. Pour les raisons susmentionnées, le Comité conclut que S. V. n’a pas montré qu’il y avait des motifs suffisants pour considérer qu’il courrait le risque d’être torturé s’il était renvoyé à Sri Lanka et que ce risque est encouru personnellement et actuellement.

9.7De même, l’épouse de l’auteur et leur fille n’ont jamais été arrêtées ni soumises à la torture. L’obligation de se faire enregistrer auprès des services de police de Colombo et l’allégation, contestée par l’État partie, selon laquelle la police aurait confisqué la carte d’identité de Mme V. ne sont pas des motifs suffisants pour considérer que les intéressées risquent d’être soumises à la torture si elles sont renvoyées à Sri Lanka et que ce risque est encouru personnellement et actuellement.

9.8Le Comité rappelle qu’aux fins de l’article 3 de la Convention, il doit exister pour la personne concernée un risque prévisible, réel et personnel d’être torturée dans le pays vers lequel elle est renvoyée. À la lumière de ce qui précède, le Comité estime que l’existence d’un tel risque n’a pas été établie. De plus, le Comité relève que l’article 3 ne vise que les situations de torture selon la définition de l’article premier de la Convention.

9.9En ce qui concerne l’allégation selon laquelle la décision d’expulsion constituerait en soi une peine ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant, le Comité note que les auteurs n’ont pas apporté d’éléments suffisants pour l’étayer.

10.Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que le renvoi des auteurs à Sri Lanka par l’État partie ne constitue pas une violation de l’article 3 ni de l’article 16 de la Convention.

Notes

2. Communication no 113/1998

Présentée par:Radivoje Ristic(représenté par un conseil)

Au nom de:Milan Ristic (décédé)

État partie:Yougoslavie

Date de la communication:22 juillet 1998

Le Comité contre la torture, institué conformément à l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 11 mai 2001,

Ayant achevé l’examen de la communication no 113/1998 présentée au Comité contre la torture en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication, son conseil et l’État partie,

Adopte ses constatations au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention.

1.L’auteur de la communication, datée du 22 juillet 1998, est M. Radivoje Ristic, citoyen de la République fédérale de Yougoslavie. Il affirme que son fils, Milan Ristic, est mort des suites d’un acte de torture commis par la police, et que les autorités n’ont pas mené une enquête rapide et impartiale. La communication a été transmise au Comité, au nom de M. Ristic, par le Humanitarian Law Center, organisation non gouvernementale dont le siège est à Belgrade.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur de la communication déclare que, le 13 février 1995, trois policiers (Dragan Riznic, Uglješa Ivanovic et Dragan Novakovic) ont arrêté Milan Ristic à Šabac alors qu’ils recherchaient une personne soupçonnée de meurtre. L’un des policiers a frappé son fils derrière l’oreille gauche avec un objet contondant, sans doute un pistolet ou une crosse de fusil, provoquant instantanément sa mort. Les policiers ont alors déplacé le corps et, avec un instrument contondant, brisé ses deux fémurs. Ce n’est qu’à ce moment là qu’ils ont appelé une ambulance et l’équipe d’enquêteurs de la police, dont un expert en médecine légale, de service.

2.2Les policiers ont dit aux enquêteurs que Milan Ristic s’était suicidé en sautant du toit d’un immeuble voisin, ce dont pouvait témoigner un témoin oculaire (Dragan Markovic). Le médecin arrivé avec l’ambulance a constaté la mort de Milan Ristic. Puis l’ambulance est partie, laissant le corps qui devait être emmené par un fourgon mortuaire. L’auteur de la communication allègue qu’après le départ de l’ambulance, les policiers ont frappé le défunt au menton, provoquant des blessures sur le visage.

2.3L’auteur de la communication fournit un exemplaire du rapport d’autopsie, selon lequel la mort a été violente et provoquée par une lésion du cerveau provoquée par une chute sur une surface dure. La chute permettrait aussi d’expliquer les fractures décrites dans le rapport. L’auteur fournit également un exemplaire du rapport du médecin arrivé avec l’ambulance. Il y est dit: «Par un examen externe, j’ai constaté un faible saignement de la blessure située derrière l’oreille gauche. À travers le pantalon, au‑dessus du genou droit, on pouvait voir une fracture ouverte du fémur et de petites traces de saignement. Autour de la blessure, il n’y avait pas de traces de sang».

2.4L’auteur fait valoir que les rapports médicaux ne concordent pas tout à fait. Le médecin présent dans l’ambulance a indiqué explicitement qu’il n’a pas observé de blessures au visage tandis que le rapport d’autopsie fait état d’une lacération et d’un hématome au menton. En outre, l’auteur conteste ces rapports en faisant valoir qu’il n’est guère possible qu’une chute d’une hauteur de 14,65 m puisse ne pas avoir entraîné de blessures au visage, au talon, au bassin, à la colonne vertébrale ou aux organes internes, ni d’hémorragies internes, et n’avoir provoqué que des hématomes au coude gauche et derrière l’oreille gauche. Par ailleurs, il note qu’il n’y avait pas de sang sur le sol.

2.5À la demande des parents de la victime, deux experts légistes ont examiné le rapport d’autopsie et l’ont jugé superficiel et contradictoire, notamment en ce qui concerne la cause du décès. Ils ont noté dans leur rapport que l’autopsie n’avait pas été faite selon les règles de la médecine légale et que la conclusion ne coïncidait pas avec les constatations. Ils ont proposé l’exhumation des restes et la réalisation d’une autre autopsie par un médecin légiste. L’auteur de la communication dit en outre que, le 16 mai 1995, les deux experts légistes susmentionnés ont parlé avec le pathologiste qui avait réalisé l’autopsie et se sont rendus sur les lieux supposés de l’incident. Ils ont constaté que ces lieux ne ressemblaient pas à ceux décrits dans le rapport d’autopsie, ce qui donnait à penser que le corps avait été déplacé. Dans une déclaration en date du 18 juillet 1995 adressée au parquet, le pathologiste est convenu que les restes du défunt devaient être exhumés et examinés par un expert légiste, et a souligné que, n’étant pas lui‑même spécialiste en médecine légale, il avait pu se tromper ou omettre certains détails.

2.6Les parents de la victime ont déposé une plainte contre plusieurs policiers auprès du procureur de Šabac. Le 19 février 1996, le procureur a rejeté la plainte. Conformément au droit yougoslave, après le rejet d’une plainte pénale, la victime ou la personne agissant en son nom peut soit demander l’ouverture d’une enquête, soit déposer son propre acte d’accusation et passer directement au stade du procès. En l’espèce, les parents ont présenté leur propre acte d’accusation le 25 février 1996.

2.7Le juge d’instruction a interrogé les policiers impliqués ainsi que les témoins et a considéré qu’il n’y avait pas de motifs de croire que les policiers avaient commis le délit allégué. La chambre pénale du tribunal de district de Šabac a entériné la décision du juge d’instruction. Elle n’a pas jugé utile d’entendre le témoignage des deux experts légistes et n’a pas envisagé la possibilité d’ordonner une exhumation du corps et une nouvelle autopsie. Qui plus est, le juge d’instruction a adressé aux parents le texte non signé d’une déclaration que le pathologiste aurait faite devant le tribunal en leur absence et qui contredit celle qu’il avait faite par écrit

le 18 juillet 1995. L’auteur de la communication explique par ailleurs que, en plus des contradictions sur le plan médical, il y a beaucoup d’autres incohérences que l’enquête judiciaire n’a pas permis d’éclaircir.

2.8Les parents ont fait appel de la décision du tribunal de district devant la Cour suprême de Serbie, qui, en date du 29 octobre 1996, les a déboutés en déclarant le recours infondé. Selon cet arrêt, le témoignage de Dragan Markovic prouvait sans le moindre doute que Milan Ristic était vivant au moment où les fonctionnaires de police Sinisa Isailovic et Zoran Jeftic étaient arrivés devant l’immeuble où vivait M. Markovic. Ils répondaient à un appel téléphonique d’un certain Zoran Markovic, qui avait remarqué au bord de la terrasse un homme dont le comportement donnait à penser qu’il allait se suicider. Dragan Markovic et les deux policiers avaient en fait vu Milan Ristic sauter depuis la terrasse. Ils n’avaient rien pu faire pour l’arrêter.

2.9Les parents ont de nouveau tenté de porter l’affaire devant la justice, mais le 10 février 1997 le tribunal de district de Šabac a décidé que les poursuites n’étaient plus possibles, compte tenu de la décision de la Cour suprême de Serbie. Le 18 mars 1997, la Cour suprême a rejeté leur appel subséquent et confirmé la décision du tribunal de district.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur considère, tout d’abord, que la police puis les autorités judiciaires n’ont pas effectué une enquête rapide et impartiale. Tous les recours internes ont été épuisés sans que le tribunal ait jamais ordonné ou officiellement engagé une véritable procédure d’enquête. L’enquête préliminaire diligentée par le juge d’instruction, qui a consisté à interroger les accusés et certains témoins, n’a pas permis d’élucider les circonstances du décès et le tribunal n’a, à aucun moment, ordonné un examen médico‑légal. Le tribunal n’a pas non plus ordonné l’audition d’autres témoins, tels que les employés des pompes funèbres, dont le témoignage aurait pu être utile pour établir la chronologie des événements. L’auteur de la communication soutient en outre que l’enquête réalisée n’était pas conforme aux dispositions du Code de procédure pénale. Par exemple, la police n’a pas immédiatement informé de l’incident le juge d’instruction de permanence, comme l’article 154 l’y obligeait. De ce fait, l’ensemble des investigations réalisées sur le lieu de l’incident a été réalisé par la police sans la présence d’un juge. L’auteur de la communication fait valoir par ailleurs que les parents de Milan Ristić ont pris l’initiative d’engager toutes les actions utiles pour clarifier l’incident, alors que les organes administratifs compétents n’ont rien fait dans ce sens.

3.2Compte tenu de ce qui précède, l’auteur de la communication affirme que l’État partie a violé plusieurs articles de la Convention, en particulier les articles 12, 13 et 14. Il déclare que, même si les parents avaient la possibilité d’obtenir réparation, il n’y a de facto aucune chance qu’ils obtiennent des dommages et intérêts faute d’un jugement rendu par un tribunal pénal.

Observations de l’État partie

4.Le 26 octobre 1998, l’État partie a indiqué au Comité que, bien que tous les recours internes aient été épuisés, la communication ne satisfaisait pas à toutes les conditions exigées par la Convention. En particulier, aucun acte de torture n’avait été commis, puisque la personne décédée n’avait eu aucun contact avec les autorités publiques (la police). En conséquence, la communication n’était pas recevable.

Décision du Comité sur la recevabilité

6.À sa vingt‑deuxième session, en avril-mai 1999, le Comité a examiné la question de la recevabilité de la communication et il s’est assuré que la même question n’avait pas été examinée et n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Le Comité a pris note de la déclaration de l’État partie selon laquelle tous les recours internes avaient été épuisés et a par ailleurs estimé que la communication n’était pas un abus du droit de soumettre des communications et n’était pas incompatible avec les dispositions de la Convention. En conséquence, le Comité a décidé, le 30 avril 1999, que la communication était recevable.

Observations de l’État partie sur le fond

7.1Dans un mémoire daté du 15 décembre 1999, l’État partie a soumis au Comité ses observations sur la communication quant au fond.

7.2L’État partie réaffirme son opinion selon laquelle la victime alléguée n’a pas été soumise à la torture, du fait qu’à aucun moment elle n’a été en contact avec les responsables de l’application des lois, c’est‑à‑dire les policiers. En conséquence, il considère qu’il n’y a eu aucune violation quelle qu’elle soit de la Convention.

7.3L’État partie souligne également que les tribunaux du pays fonctionnent de façon indépendante et ont conclu, à juste titre, et conformément à la loi, qu’il n’y avait pas lieu d’ouvrir une enquête contre les auteurs allégués des actes de torture. À cet égard, il fait valoir que l’auteur de la communication n’a pas soumis toutes les décisions rendues par le tribunal et les autres documents judiciaires susceptibles d’apporter au Comité un éclairage supplémentaire pour examiner la communication. Lesdits documents ont été soumis à cet effet par l’État partie.

7.4L’État partie expose ensuite sa version des faits. À titre de remarque préliminaire, il affirme que la victime alléguée avait l’habitude de consommer de l’alcool et des drogues (bromazepan) et avait déjà fait une tentative de suicide quelque temps auparavant. L’après‑midi qui avait précédé sa mort, le 12 février 1995, la victime alléguée avait absorbé des drogues (sous forme de comprimés) et était de très mauvaise humeur parce qu’elle s’était querellée avec sa mère. Les éléments susmentionnés ont été, selon l’État partie, confirmés par quatre des amis de la victime alléguée qui avaient passé l’après‑midi du 12 février 1995 en sa compagnie. L’État partie indique également que les parents et l’amie de la victime alléguée ont contredit cette déclaration.

7.5S’agissant des circonstances qui ont entouré la mort de la victime alléguée, l’État partie se réfère à la déclaration faite par le témoin oculaire, Dragan Markovic. Ce dernier a expliqué qu’il avait vu la victime debout au bord de la terrasse, à 15 mètres au‑dessus du sol, et qu’il avait immédiatement appelé la police. Lorsque la police était arrivée, la victime avait sauté de la terrasse et ni Dragan Markovic ni les policiers n’avaient pu l’en empêcher. L’État partie indique également que les trois policiers qui sont accusés du meurtre présumé de la victime sont arrivés après que celle‑ci eut sauté et il en conclut qu’aucun d’entre eux n’aurait pu entreprendre une action coercitive à son encontre.

7.6Selon l’État partie, les éléments ci‑dessus démontrent que la mort de la victime alléguée est le résultat d’un suicide et que, par conséquent, aucun acte de torture n’a été commis.

7.7De surcroît, l’État partie relève que l’impartialité du témoin Dragan Markovic ainsi que celle de S. Isailovic et Z. Jetvic, les deux policiers arrivés les premiers sur les lieux de l’incident, est incontestable et confirmée par le fait que l’auteur de la communication n’a pas réclamé l’ouverture d’une enquête contre ces personnes, alors qu’il l’a fait pour d’autres personnes impliquées.

7.8En ce qui concerne les procédures judiciaires qui ont suivi le décès de la victime, l’État partie récapitule les différentes étapes de la procédure et note que la principale raison pour laquelle une enquête n’a pas été ordonnée est l’absence d’éléments ayant force probante pour établir un lien de causalité entre la conduite des trois policiers défendeurs et la mort de la victime. L’État partie soutient que les formes prescrites par la loi ont été strictement respectées à toutes les étapes de la procédure et que la plainte a été examinée attentivement par tous les magistrats qui ont eu à connaître de l’affaire.

7.9Enfin, l’État partie insiste sur le fait que certaines omissions qui ont pu se produire pendant les événements ayant suivi immédiatement le décès de la victime alléguée et qui ont été mentionnées par l’auteur de la communication étaient dénuées d’importance parce qu’elles ne prouvaient pas que la victime alléguée soit morte à la suite d’actes de torture.

Observations de l’auteur sur le fond

8.1Dans un mémoire daté du 4 janvier 1999, l’auteur renvoie à la jurisprudence pertinente de la Cour européenne des droits de l’homme en rapport avec les articles 12, 13 et 14 de la Convention contre la torture. Dans un autre mémoire daté du 19 avril 2000, l’auteur a réaffirmé les assertions qu’il avait formulées dans sa communication et a soumis au Comité des observations supplémentaires sur le fond.

8.2Tout d’abord, l’auteur formule certaines remarques sur des points spécifiques que l’État partie a soulevés dans ses observations, ou qu’il a ignorés. À cet égard, l’auteur insiste surtout sur le fait que l’État partie s’est contenté de soutenir que les trois policiers supposément responsables du meurtre n’étaient pas impliqués dans la mort de la victime alléguée, sans répondre à l’argument principal développé dans la communication, à savoir qu’il n’a pas été procédé à une enquête rapide, impartiale et complète.

8.3L’auteur insiste sur les éléments de fait ci‑après à l’appui de ses affirmations:

a)L’inspecteur chargé de l’affaire a mis trois mois à rassembler les informations nécessaires à l’enquête;

b)Ce n’est que sept mois après la mort de la victime alléguée que le tribunal de district a été prié d’ouvrir une enquête;

c)Pour établir les faits de la cause, ledit tribunal de district ne s’est pas fondé sur le rapport de police qui avait été établi au moment du décès;

d)Dans son unique déposition, le témoin oculaire Dragan Markovic avait bien fait état de la présence sur les lieux des policiers Z. Jeftic et S. Isailovic, mais non de la présence des trois policiers défendeurs;

e)Les services de police de Šabac n’ont pas remis les photographies qui avaient été prises sur les lieux de l’incident, de sorte que le juge d’instruction a transmis une documentation incomplète au parquet;

f)Lorsque les parents de la victime alléguée ont engagé les poursuites, le juge d’instruction n’a pas ordonné que le corps de la victime alléguée soit exhumé et qu’il soit procédé à une nouvelle autopsie, alors qu’il avait admis que l’autopsie initiale «n’avait pas été exécutée conformément à toutes les règles de la médecine légale»;

g)Les autorités judiciaires yougoslaves ont omis de procéder à l’audition de nombreux autres témoins cités par l’auteur.

8.4En ce qui concerne l’affirmation de l’État partie selon laquelle la victime aurait tenté précédemment de se suicider, l’auteur indique que l’État partie ne corrobore pas ses dires en s’appuyant sur des dossiers médicaux ou des rapports de police du type de ceux habituellementétablis en pareil cas. Pour ce qui est des autres rumeurs concernant la victime alléguée, notamment sa toxicomanie supposée, l’auteur notequ’elles ont toujours été démenties par sa famille. L’auteur ne sait pas quand les quatre amis de son fils ont été interrogés, ni même s’ils l’ont été, et indique que ni lui ni son conseil n’ont été avisés d’une telle audition. De surcroît, l’auteur note que trois de ces témoins ont pu avoir été soumis à des pressions et à des chantages pour diverses raisons.

8.5En ce qui concerne l’obligation d’enquêter sur les incidents de torture, de peine ou de traitement cruel, inhumain ou dégradant, l’auteur se réfère à la jurisprudence du Comité dans l’affaire Encarnación Blanco Abad c. Espagne (CAT/C/20/D/59/1996), où celui‑ci a fait observer que, «en vertu de l’article 12 de la Convention, les autorités ont l’obligation de procéder d’office à une enquête impartiale chaque fois qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture ou de mauvais traitement a été commis, sans que le motif du soupçon ait une importance particulière». L’auteur se réfère également à la décision rendue par le Comité dans l’affaire Henri Unai Parot c. Espagne (CAT/C/14/D/6/1990), selon laquelle l’obligation de procéder à une enquête rapide et impartiale existe même lorsque la victime a simplement fait état de tortures, sans pour autant déposer officiellement plainte à ce sujet. Cette jurisprudence est confirmée par les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme [Assenov et consorts c. Bulgarie (90/1997/874/1086)].

8.6En ce qui concerne le principe qui veut que les actes de torture alléguée ou autre mauvais traitement fassent rapidement l’objet d’une enquête, l’auteur renvoie à la jurisprudence du Comité contre la torture qui a considéré qu’un délai de 15 mois avant l’ouverture d’une enquête était abusivement long et non conforme aux dispositions de l’article 12 de la Convention (Qani Halimi ‑Nedzibi c. Autriche, CAT/C/11/D/8/1991).

8.7En ce qui concerne le principe de l’impartialité des autorités judiciaires, l’auteur déclare qu’un organe ne peut être impartial s’il n’est pas suffisamment indépendant; il se réfère à cet égard à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme pour définir à la fois l’impartialité et l’indépendance d’un organe judiciaire conformément au paragraphe 1 de l’article 6 et à l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, et souligne que l’autorité habilitée à offrir un recours devrait être «suffisamment indépendante» de l’autorité présumée responsable de la violation.

8.8En ce qui concerne l’existence de motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture ou autre mauvais traitement a été commis, l’auteur, se fondant là encore sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, souligne «l’existence de faits ou d’informations qui donneraient à un observateur objectif l’assurance que la personne impliquée peut avoir commis l’infraction».

8.9En ce qui concerne le droit à indemnisation et à réadaptation en cas d’acte de torture ou autre mauvais traitement, l’auteur mentionne qu’un recours utile implique également le versement d’une indemnité.

8.10L’auteur souligne qu’à l’époque de l’établissement de sa communication cinq ans déjà s’étaient écoulés depuis le décès de son fils. Il soutient que, malgré des indices donnant fortement à penser que de graves brutalités policières pourraient avoir été la cause du décès de Milan Ristic, les autorités yougoslaves n’ont pas mené une enquête rapide, impartiale et complète susceptible de conduire à l’identification des coupables et à leur sanction; elles n’ont donc pas offert à l’auteur la moindre réparation.

8.11S’appuyant sur d’abondantes sources, l’auteur explique que la brutalité policière en Yougoslavie est un phénomène systématique; il estime en outre que les procureurs ne sont pas indépendants et engagent rarement des poursuites contre les policiers accusés de violence ou d’actes répréhensibles à l’encontre des citoyens. En pareil cas, les mesures se limitent le plus souvent à une simple demande d’information auprès des autorités de police et les manœuvres dilatoires sont courantes.

8.12Enfin, l’auteur se réfère expressément à l’examen le plus récent du rapport périodique présenté par la Yougoslavie qu’a effectué le Comité et aux conclusions qu’il a formulées à ce sujet, se déclarant «extrêmement préoccupé par les nombreuses relations d’actes de torture commis par les forces de la police d’État que lui ont faites des organisations non gouvernementales» (A/54/44/par.47)et également «profondément préoccupé de l’absence d’enquêtes, de poursuites et de sanctions suffisantes de la part des autorités compétentes à l’égard des tortionnaires présumés ou des individus soupçonnés de violer l’article 16 de la Convention, ainsi que des réactions insuffisantes aux plaintes des victimes, qui se traduisent par une impunité de facto des auteurs d’actes de torture».(Ibid., par. 48)

Délibérations du Comité

9.1Le Comité a examiné la communication en tenant compte de toutes les informations qui lui avaient été soumises par les parties concernées, conformément au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention. À cet égard, il regrette que l’État partie n’ait fourni au Comité qu’une version différente des faits et note que des informations plus précises sur le déroulement de l’enquête s’imposaient, notammentdes éléments expliquant pourquoi une nouvelle autopsie n’avait pas été effectuée.

9.2Le Comité note également que l’auteur de la communication affirme que l’État partie a violé les articles 2, 12, 13, 14 et 16 de la Convention.

9.3S’agissant des articles 2 et 16, le Comité considère tout d’abord qu’il ne relève pas de sa compétence d’évaluer la culpabilité de personnes supposées avoir commis des actes de torture ou de brutalité policière. Sa compétence se limite à déterminer si l’État partie a manqué à l’une quelconque des dispositions de la Convention.Dans la présente affaire, le Comité ne se prononcera donc pas sur l’existence d’actes de torture ou de mauvais traitements.

9.4En ce qui concerne les articles 12 et 13 de la Convention, le Comité relève les éléments ci‑après, à propos desquels l’une et l’autre parties ont été en mesure de soumettre des observations:

a)Il existe des contradictions et des incohérences entre la déclaration faite le 18 août 1995 par le médecin qui est arrivé avec l’ambulance sur les lieux du décès de la victime alléguée, le rapport d’autopsie établi le 13 février 1995 et le rapport établi le 20 mars 1995 par deux experts légistes à la demande des parents de la victime alléguée;

b)Bien que le juge d’instruction chargé du dossier lorsque les parents de la victime alléguée ont engagé les poursuites eût déclaré que l’autopsie «n’avait pas été effectuée selon toutes les règles de la médecine légale», il n’avait pas été ordonné d’exhumer le corps pour procéder à un nouvel examen médico‑légal;

c)La déclaration faite le 13 février 1995 par l’un des trois policiers supposés responsables de la mort de la victime alléguée, déclaration selon laquelle la police avait été appelée au sujet d’une personne qui s’était suicidée, ne concorde pas avec les déclarations faites par un autre de ces policiers ainsi que par deux autres policiers et le témoin D. Markovic, selon lesquelles la police avait été appelée au sujet d’une personne qui risquait de sauter du toit d’un immeuble;

d)La police n’avait pas immédiatement informé de l’incident le juge d’instruction qui était de permanence, de façon qu’il puisse superviser l’enquête sur les lieux conformément à l’article 154 du Code de procédure pénale de l’État partie.

9.5En outre, le Comité est particulièrement préoccupé par le fait que le médecin ayant effectué l’autopsie a reconnu, dans une déclaration en date du 18 juillet 1995, ne pas être un spécialiste de médecine légale.

9.6Compte tenu des éléments ci‑dessus, le Comité considère que l’enquête effectuée par les autorités de l’État partie n’était ni effective ni complète. Une véritable enquête aurait en effet donné lieu à l’exhumation du corps et à une nouvelle autopsie, ce qui aurait ainsi permis d’établir sur le plan médical la cause du décès avec un degré satisfaisant de certitude.

9.7En outre, le Comité note que six ans se sont écoulés depuis la survenance de l’incident. L’État partie a eu amplement le temps de procéder à une véritable enquête.

9.8Vu ces circonstances, le Comité estime que l’État partie a violé les obligations lui incombant en vertu des articles 12 et 13 de la Convention, à savoir diligenter une enquête rapide et effective en cas d’allégation de torture ou de brutalité policière grave.

9.9En ce qui concerne les allégations de violation de l’article 14, le Comité estime qu’en l’absence de véritable enquête pénale, il n’est pas possible de déterminer si les droits à réparation de la victime alléguée ou de sa famille ont été violés. Une telle conclusion ne pourra être formulée qu’au terme d’une véritable enquête. Le Comité demande donc instamment à l’État partie de faire procéder sans retard à pareille enquête.

10.Conformément au paragraphe 5 de l’article 111 de son règlement intérieur, le Comité demande instamment à l’État partie d’assurer à l’auteur de la communication un recours approprié, et de l’informer, dans les 90 jours à compter de la transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises en réponse aux constatations formulées plus haut.

3. Communication no 122/1998

Présentée par:M. R. P. (nom supprimé)[représenté par un conseil]

Au nom de:L’auteur

État partie:Suisse

Date de la communication:7 octobre 1998

Le Comité contre la torture, institué conformément à l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 24 novembre 2000,

Ayant achevé l’examen de la communication no 122/1998 présentée au Comité contre la torture en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte la décision suivante:

1.1L’auteur de la communication est M. R. P., né en 1969, de nationalité bangladaise. Il vit actuellement en Suisse où il a demandé l’asile le 29 août 1997. Sa demande d’asile ayant été rejetée, il considère que son rapatriement forcé vers le Bangladesh constituerait une violation par la Suisse de l’article 3 de la Convention contre la torture. Il est représenté par un conseil.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a porté la communication à l’attention de l’État partie le 27 novembre 1998. Dans le même temps, le Comité, agissant en vertu du paragraphe 9 de l’article 108 de son règlement intérieur, a demandé à l’État partie de ne pas expulser l’auteur vers le Bangladesh tant que sa communication serait en cours d’examen. Le 25 janvier 1999, l’État partie a informé le Comité que des mesures avaient été prises pour que l’auteur ne soit pas renvoyé vers le Bangladesh tant que sa communication serait pendante devant le Comité.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur dit qu’il est membre du Bangladesh National Party (BNP), principal parti politique d’opposition. Il a été Président de l’«Union» du BNP de 1994 à 1997 et Vice‑Président de l’organisation des jeunes du BNP (le Yuba Dubal) pour une région à partir de 1997.

2.2Le 13 janvier 1997, l’auteur et son frère auraient été attaqués par des membres de l’Awami League (AL), parti politique au pouvoir. L’auteur était parvenu à s’enfuir mais son frère avait été grièvement blessé. Une plainte avait alors été déposée auprès de la police.

Cette dernière avait procédé à l’arrestation d’un des auteurs présumés de l’attaque qui avait cependant été relâché rapidement et sans inculpation. Des membres de la famille de la personne arrêtée avaient également exercé des pressions sur l’auteur, qui avait retiré finalement sa plainte.

2.3Après cet incident, l’auteur avait été contraint à vivre hors de chez lui durant la journée. Dans la nuit du 13 au 14 juin 1997, un membre de l’AL, chauffeur d’un haut dirigeant de la même organisation, M. Shafijrahman, avait été abattu. Cette attaque était apparemment dirigée contre M. Shafijrahman lui‑même. Cela avait encouragé ce dernier à porter plainte contre l’auteur et quatre autres sympathisants du BNP. À ce sujet, l’auteur précise qu’au Bangladesh il est courant que les membres du BNP soient, à la suite de plaintes, inculpés de charges dont les fondements sont inexistants, ce qui constitue en réalité un abus de pouvoir de la part des membres de l’AL pour intimider et éliminer les opposants politiques. Suite à cette plainte, l’auteur avait pris la décision de quitter immédiatement son pays.

2.4L’auteur est arrivé en Suisse le 26 août 1997 et y a demandé l’asile le 29 août 1997. Sa demande a été rejetée le 7 janvier 1998 notamment sur la base du fait que l’agression dont l’auteur et son frère avaient été victimes n’était pas le fait de l’État. L’auteur a interjeté appel de cette décision devant la chambre suisse des recours en matière d’asile. Cet appel a été rejeté le 15 avril 1998.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur fait valoir que le Bangladesh est un pays où les violations de droits de l’homme sont graves, flagrantes et massives, dans le sens du paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention. Étant donné l’existence d’une plainte à son encontre, il y a de réelles raisons de croire qu’il risquerait d’être soumis à la torture s’il devait être renvoyé au Bangladesh. La torture et les mauvais traitements sont pratiqués au Bangladesh de manière répandue, les prisons sont surpeuplées et les conditions hygiéniques qui y règnent sont inhumaines. L’auteur prétend que durant le seul mois de décembre 1997, au moins quatre personnes ont été tuées pendant leur détention préventive.

3.2L’auteur rappelle également que le Vice‑Président du Yuba Dubal a été plus d’une fois la cible d’intimidations de la part de membres de l’Awami League au pouvoir. Il considère que l’inculpation de meurtre pesant sur lui fait partie intégrante du climat d’oppression qui règne dans son pays et qu’elle était destinée à l’éliminer personnellement comme opposant. Il estime également que s’il avait été arrêté, il serait certainement en prison et victime d’abus et de tortures. Le pouvoir judiciaire étant contrôlé par le régime en place, son acquittement serait improbable et il risquerait l’emprisonnement à vie ou la peine de mort.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le bien-fondé de la communication

4.1L’État partie n’a pas contesté la recevabilité de la communication et, dans une lettre du 18 juin 1999, a formulé des observations sur son bien‑fondé.

4.2L’État partie relève tout d’abord qu’il subsiste des doutes quant à la véritable identité de l’auteur. Ces doutes proviennent non seulement du fait que le nom de l’auteur est épelé de deux manières différentes dans la traduction des documents qu’il a produits mais également de l’absence du certificat que l’auteur s’était engagé à apporter. Il est donc difficile d’affirmer avec certitude que les documents remis aux autorités suisses se réfèrent bien à l’auteur.

4.3L’État partie désire également informer le Comité sur les contradictions qui ont été constatées au cours des deux auditions de la procédure d’asile. L’auteur a notamment déclaré lors de sa première audition que la personne qui avait été assassinée se nommait Babu alors que, lors de la seconde audition, il soutenait que cette personne s’appelait Abul Kalama et qu’il ne lui connaissait pas d’autre nom. L’État partie souligne cependant que cette seule contradiction ne permettrait pas de conclure que la communication n’est pas fondée.

4.4L’État partie considère, contrairement à l’auteur, que la police bangladaise a pris différentes mesures pour poursuivre les responsables de l’agression commise contre l’auteur et son frère. De plus, l’auteur et son frère ont toujours la possibilité de porter l’affaire devant la juridiction supérieure. Enfin, l’État partie remarque qu’après l’incident, l’auteur a continué à vivre chez lui, ce qui semble démontrer qu’il ne craignait plus grand chose de la part de ses adversaires politiques.

4.5Même s’il reconnaît l’existence au Bangladesh de plaintes pour motifs politiques (c’est‑à‑dire de plaintes qui ne sont pas fondées sur des faits réels et qui sont seulement destinées à causer des ennuis à un adversaire politique), l’État partie souligne que les enquêtes administratives qui font suite à ces plaintes sont légitimes et ne démontrent donc en aucun cas des motifs politiques de la part de l’État. L’État partie fait également remarquer que la loi sur les pouvoirs spéciaux (Special Powers Act), qui permet une détention illimitée et sans procès, n’est pas applicable dans le cas de l’auteur et qu’il y a par conséquent peu de chances que ce dernier soit emprisonné durant une période indéterminée.

4.6À propos des allégations de l’auteur selon lesquelles les cours et tribunaux du Bangladesh sont corrompus et contrôlés par le Gouvernement, l’État partie estime que si cela est peut‑être le cas des juridictions inférieures, les juridictions supérieures sont indépendantes et impartiales. Il n’y a donc aucune preuve que l’auteur n’aurait pas bénéficié d’un procès impartial et équitable.

4.7Selon l’État partie, ni le risque d’être jugé par une juridiction du Bangladesh ni le fait qu’il puisse être emprisonné – auquel cas il pourrait subir de mauvais traitements – ne sont susceptibles d’empêcher l’expulsion de l’auteur sur la base de l’article 3 de la Convention.

Commentaires de l’auteur

5.1Par une lettre du 10 août 1999, l’auteur a formulé ses remarques au sujet des observations de l’État partie sur le bien‑fondé de la communication.

5.2L’auteur rappelle que l’État partie reconnaît que, au Bangladesh, des extrémistes de certains partis déposent des plaintes contre des opposants pour des motifs uniquement politiques, et souligne le caractère corrompu et le manque d’indépendance de certaines juridictions inférieures. L’État partie ne conteste donc pas la probabilité que, ayant été rapatrié, l’auteur soit emprisonné dès son arrivée au Bangladesh, qu’il risque d’être mal traité et torturé pendant sa détention, qu’il soit probablement condamné par une juridiction inférieure et qu’il doive attendre qu’une juridiction supérieure soit saisie de son cas pour obtenir éventuellement un procès équitable.

Délibérations du Comité

6.1Avant d’examiner toute plainte contenue dans une communication, le Comité contre la torture doit décider si elle est ou non recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’alinéa a du paragraphe 5 de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Dans le cas d’espèce, le Comité note aussi que tous les recours internes sont épuisés et que l’État partie n’a pas contesté la recevabilité. Il estime donc que la communication est recevable. L’État partie et l’auteur ayant chacun formulé des observations sur le fond de la communication, le Comité procède à l’examen quant au fond.

6.2Le Comité doit se prononcer sur le point de savoir si le renvoi de l’auteur vers le Bangladesh violerait l’obligation de l’État partie, en vertu de l’article 3 de la Convention, de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

6.3Le Comité doit décider, comme le prévoit le paragraphe 1 de l’article 3, s’il existe des motifs sérieux de croire que l’auteur risquerait d’être soumis à la torture s’il était renvoyé au Bangladesh. Pour prendre cette décision, le Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, conformément au paragraphe 2 de l’article 3, y compris l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Toutefois, le but de cette analyse est de déterminer si l’intéressé risquerait personnellement d’être soumis à la torture dans le pays où il serait renvoyé. Il s’ensuit que l’existence, dans un pays, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison suffisante d’établir qu’une personne donnée serait en danger d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays. Il doit exister d’autres motifs qui donnent à penser que l’intéressé serait personnellement en danger. Par contre, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne puisse pas être soumise à la torture dans la situation particulière qui est la sienne.

6.4Le Comité rappelle son Observation générale sur l’application de l’article 3, où l’on peut lire ce qui suit:

«Étant donné que l’État partie et le Comité sont tenus de déterminer s’il y a des motifs sérieux de croire que l’auteur risque d’être soumis à la torture s’il est expulsé, refoulé ou extradé, l’existence d’un tel risque doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable» (A/53/44, annexe IX, par. 6).

Le Comité note les arguments développés par l’auteur et l’État partie à propos des risques de torture pour l’auteur et estime que ce dernier n’a pas suffisamment démontré qu’il courait au Bangladesh un risque prévisible, réel et personnel d’être torturé.

6.6Le Comité est donc d’avis que les informations dont il est saisi ne montrent pas qu’il existe des motifs sérieux de croire que l’auteur risque personnellement d’être soumis à la torture s’il est renvoyé au Bangladesh.

6.7Par conséquent, le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, estime que la décision de l’État partie de renvoyer l’auteur au Bangladesh ne constitue pas une violation de l’article 3 de la Convention.

4. Communication no 123/1998

Présentée par:Z. Z. (nom supprimé)(représenté par un conseil)

Au nom de:L’auteur

État partie:Canada

Date de la communication:11 novembre 1998

Le Comité contre la torture, institué conformément à l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 15 mai 2001,

Ayant achevé l’examen de la communication no 123/1998 présentée au Comité contre la torture en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication, son conseil et l’État partie,

Adopte ses constatations au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention.

1.1L’auteur de la communication, datée du 11 novembre 1998, est M. Z. Z., de nationalité afghane, né le 8 juillet 1948. Il a été expulsé et renvoyé en Afghanistan le 27 novembre 1998 après avoir été condamné au Canada pour infraction à la législation sur les stupéfiants. Il affirme que son expulsion vers l’Afghanistan constitue une violation, par le Canada, de la Convention. Il est représenté par un conseil.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a porté la communication à la connaissance de l’État partie, le 11 décembre 1998, en lui demandant de lui faire part de ses observations concernant la recevabilité et le fond de la communication.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur se serait enfui d’Afghanistan en 1977 à l’époque de la guerre avec l’Union soviétique. Les forces soviétiques avaient tué son frère et il craignait de subir le même sort. Il s’est rendu en Iran où il est resté deux ans sans statut légal avant d’aller au Pakistan, où il est également resté deux ans sans statut légal. Il a ensuite décidé d’aller en Inde où il a demandé à être reconnu comme réfugié par le HCR. Il dit avoir été reconnu comme réfugié au sens de la Convention mais n’a conservé aucun document le prouvant. N’ayant ni permis de travail ni le droit d’étudier, il a alors décidé d’aller rejoindre son autre frère à qui le statut de réfugié avait été reconnu au Canada.

2.2L’auteur est arrivé au Canada en 1987 muni d’un faux passeport. À son arrivée à Montréal, il a demandé l’asile. Sa demande de statut de réfugié, examinée dans le cadre du programme pour la réduction de l’arriéré des demandes de statut de réfugié, a été jugée fondée, ce qui lui a permis de demander le statut de permanent, qu’il a obtenu en 1992.

2.3Le 29 juin 1995, l’auteur a été reconnu coupable d’importation de stupéfiants et condamné à 10 ans d’emprisonnement. Le Ministre de la citoyenneté et de l’immigration a déclaré, le 10 avril 1996, qu’il représentait un danger pour la société canadienne et qu’il devait dès lors être renvoyé dans son pays d’origine. Le Ministre a fait valoir que la gravité du délit pour lequel il avait été condamné et ses effets sur la société l’emportaient sur toute considération d’ordre humanitaire. L’auteur a tenté d’obtenir une révision de cette décision auprès de la Cour fédérale mais sa demande a été rejetée.

2.4Le 4 novembre 1998, lors d’une audience de révision du placement en détention, l’auteur a été informé qu’il resterait détenu et serait expulsé le 14 novembre 1998. Le même jour, son conseil a adressé, par télécopie, une lettre à l’agent responsable des expulsions pour lui demander de surseoir à l’expulsion jusqu’à ce qu’une juste appréciation des risques ait été faite, en produisant à l’appui de sa demande des documents récents sur la situation en Afghanistan.

2.5La réponse ayant été négative, l’auteur a sollicité un sursis à l’exécution de l’arrêté d’expulsion à la section de première instance de la Cour fédérale en faisant valoir que, en raison de ses origines ethniques, il serait torturé s’il était renvoyé en Afghanistan. Le 12 novembre 1998, la Cour fédérale a refusé le sursis. Enfin, le 13 novembre 1998, l’auteur a présenté une demande d’injonction provisoire à la Cour de justice de l’Ontario afin d’obtenir un sursis. Sa demande a été rejetée au motif que la question avait déjà été tranchée par la Cour fédérale.

2.6Dans ses observations au Comité, en date du 11 novembre 1998, l’auteur a fait valoir, à propos de la question de l’épuisement des recours internes, que dès que la Cour aurait statué sur sa demande de sursis, tous les recours internes seraient épuisés.

2.7L’auteur affirme que l’État partie n’a pas correctement apprécié les risques lorsqu’il a pris sa décision en avril 1996 et qu’il n’a pas réévalué ceux-ci ultérieurement alors que d’importants problèmes politiques et en matière de droits de l’homme s’étaient produits dans le pays vers lequel il devait être expulsé. Les Taliban sont devenus des acteurs puissants dans la situation politique qui a de ce fait considérablement changé en Afghanistan.

2.8L’auteur, de religion sunnite, appartient au groupe ethnique tadjik. La plus grande partie du territoire afghan est actuellement contrôlée par les Taliban, qui sont aussi de religion sunnite, mais appartiennent à un groupe ethnique différent, les Pachtounes.

2.9l’auteur souligne que l’Afghanistan continue d’être en proie à la guerre civile et à l’instabilité politique et que les divisions ethniques jouent un rôle de plus en plus important dans les combats. Les Taliban, qui sont apparus comme une force politique et militaire en 1994, sont un mouvement islamique ultraconservateur. En janvier 1997, ils contrôlaient les deux tiers du pays, y compris Kaboul, la capitale.

2.10Aux conditions générales d’insécurité créées par le conflit armé interne entre les Taliban et d’autres factions, s’ajoute le fait que la situation des droits de l’homme dans le territoire contrôlé par les Taliban est très préoccupante. Selon l’auteur, il y a une discrimination entre les différents groupes ethniques. Les Taliban ont arrêté des centaines de personnes de groupes minoritaires en raison uniquement de leur origine ethnique, notamment des Ouzbeks, des Tadjiks, des Hazaras, des musulmans chiites et des Turkmènes. L’auteur affirme qu’un grand nombre de Tadjiks ont été détenus et certains d’entre eux ont disparu.

2.11L’auteur fait aussi référence à des rapports d’Amnesty International selon lesquels des gardes taliban ont frappé des personnes en détention et que des prisonniers condamnés à de longues peines ont été gravement torturés. Il fait également mention d’un rapport de Human Rights Watch au sujet de l’un des plus importants massacres de civils qui aient été commis par les Taliban en août 1998, lorsqu’ils ont pris Mazar-el-Sharif, la ville d’origine de l’auteur. Dans les jours qui ont suivi, les Taliban ont fait des perquisitions et arrêté tous les Hazaras, Ouzbeks et Tadjiks de sexe masculin. De plus, la prison de la ville étant surpeuplée, des milliers de détenus ont été transférés dans d’autres villes dans de grands camions pouvant contenir 100 à 150 personnes. On sait que lors de deux voyages, presque tous les hommes transportés sont morts d’asphyxie ou de chaud.

Teneur de la plainte

3.1Quand il a envoyé sa communication, l’auteur a fait valoir qu’il courait un risque grave d’être torturé s’il était renvoyé en Afghanistan et que la décision de l’expulser vers ce pays constituerait donc une violation de l’article 3 de la Convention. Il a ajouté qu’aucun fonctionnaire compétent de l’État partie n’avait correctement apprécié le risque pour lui. En conséquence, la Convention a été violée tant sur le fond que sur le plan de la procédure.

3.2L’auteur rappelle que l’interdiction expresse d’expulsion lorsqu’il y a un risque que la personne soit torturée est explicitement énoncée à l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Pour déterminer si cet article est applicable, le Comité devrait vérifier s’il existe un ensemble de violations systématiques, flagrantes ou massives des droits de l’homme dans le pays en cause et si l’auteur risque personnellement d’être soumis à la torture; ce risque personnel peut tenir à la personnalité de l’intéressé ou au groupe social auquel il appartient.

Observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

4.1Dans une note datée du 14 décembre 1999, l’État partie a fait part au Comité de ses observations tant sur la recevabilité que sur le fond de l’affaire.

Concernant la recevabilité

4.2L’État partie déclare que la communication est irrecevable car les recours internes disponibles selon l’alinéa b du paragraphe 5 de l’article 22 de la Convention et l’article 91 du règlement intérieur n’ont pas été épuisés. Il souligne que l’épuisement des recours internes disponibles, avant de former un recours devant un organe international, est un principe fondamental du droit international. Ce principe offre à l’État la possibilité, avant que sa responsabilité internationale ne soit engagée, de procéder au redressement interne de tous torts qui auraient pu être causés.

4.3Aux termes de la loi sur l’immigration, il suffit qu’une personne ait des arguments relativement défendables ou que son cas soulève une question sérieuse pour que lui soit accordée l’autorisation de saisir la section de première instance de la Cour fédérale d’une demande de contrôle juridictionnel d’une décision prise.

4.4L’État partie fait observer que le Comité ainsi que d’autres organes internationaux considèrent le contrôle juridictionnel comme une voie de recours utile. Dans l’affaire M. A. c. Canada (CAT/C/14/D/22/1995), l’auteur s’était vu accorder le statut de réfugié mais il avait ensuite été reconnu comme étant une menace pour la sécurité du Canada de sorte qu’il avait dû être expulsé. Sa communication a été déclarée irrecevable parce qu’il avait déposé une demande de contrôle juridictionnel de la décision d’expulsion. La Cour européenne des droits de l’homme a une jurisprudence analogue et estime que le contrôle juridictionnel est une voie de recours suffisamment efficace dans les affaires relatives aux demandes d’asile.

4.5En l’espèce, la demande de contrôle juridictionnel de l’avis du Ministre, selon laquelle l’auteur constituait un danger pour la société, dont l’auteur a saisi la section de première instance de la Cour fédérale, a été rejetée le 8 septembre 1997. Le 5 novembre 1998, l’auteur a fait appel devant la section de première instance de la Cour fédérale de la décision de l’agent chargé des expulsions de ne pas différer l’expulsion. Il a ensuite soumis la présente communication au Comité le 11 novembre 1998 avant que la Cour fédérale n’ait pu examiner sa demande.

4.6Par ailleurs, la demande de contrôle juridictionnel n’était pas valable du fait qu’il n’avait pas présenté de dossier dans les délais prescrits. À cet égard, l’État partie fait de nouveau référence à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, selon laquelle les plaignants doivent respecter et suivre les procédures internes, y compris en ce qui concerne les délais, avant de présenter une plainte à un organe international.

4.7L’État partie fait valoir que la Cour fédérale aurait pu examiner l’affaire si la demande du 5 novembre 1998 avait été présentée dans les temps et si l’autorisation avait été accordée, ce qui aurait pu conduire à un réexamen de l’affaire.

4.8L’auteur a également intenté une action devant la section de première instance de la Cour fédérale contestant la constitutionnalité de la disposition en vertu de laquelle la possibilité de demander protection en tant que réfugié lui a été refusée. Il a également affirmé que la loi sur l’immigration et la procédure d’immigration étaient contraires à la Charte canadienne des droits et libertés parce que ni cette loi, ni cette procédure n’exigent qu’une appréciation des risques soit faite. Toutefois, l’auteur n’a pas poursuivi son action qui, au moment où les présentes observations ont été établies, était toujours pendante. Il aurait pu demander à son avocate d’agir en son nom. L’État partie fait valoir à cet égard que l’expulsion de l’auteur n’annule ni ses droits ni les actions en cours.

4.9L’État partie fait observer également que l’auteur aurait pu demander que son cas soit examiné d’un point de vue humanitaire. Il est fait référence à l’affaire X. c. Suède dans laquelle le Comité a conclu que ce genre de demande constituait une voie de recours utile car la Commission de recours dans l’affaire en question avait compétence pour accorder aux auteurs un permis de séjour. L’auteur avait la possibilité de recourir à cette option avant son expulsion et ce sans limite de temps.

4.10L’État partie estime que les recours susmentionnés sont des recours utiles au sens du paragraphe 5 de l’article 22 de la Convention. L’auteur aurait donc dû les utiliser avant de saisir le Comité et il n’a pas agi avec la diligence voulue en s’abstenant de le faire.

Concernant le fond

4.11En ce qui concerne le risque encouru par l’auteur, l’État partie renvoie au principe énoncé par le Comité dans l’affaire Seid Mortesa Aemei c. Suisse, selon lequel il doit déterminer «s’il existe des motifs sérieux de croire que [l’auteur] risquerait d’être soumis à la torture s’[il était renvoyé dans son pays]» et «si l’intéressé risquerait personnellement d’être soumis à la torture». Il rappelle également que c’est l’auteur qui a la charge de prouver qu’il existe des motifs sérieux de croire qu’il risquerait personnellement d’être soumis à la torture.

4.12L’État partie soutient que les dispositions de l’article 3 prévoyant, conformément à la jurisprudence du Comité, une protection absolue, indépendamment du comportement antérieur de l’auteur, le risque éventuel doit être apprécié de manière particulièrement rigoureuse. À cet égard, il renvoie à un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme qui précise, au sujet de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, qu’«en vue d’apprécier l’existence, à l’époque considérée, d’un risque de traitements contraires à l’article 3, la Cour se doit d’appliquer des critères rigoureux, eu égard au caractère absolu de cette disposition».

4.13L’État partie affirme que pour déterminer si l’auteur risque d’être soumis à la torture, les facteurs ci‑après doivent être pris en compte: a) l’existence, dans l’État intéressé, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives; b) le fait que l’auteur ait pu être torturé ou maltraité par un agent de la fonction publique, ou avec son consentement; c) le fait que la situation mentionnée à l’alinéa a ci‑dessus ait pu changer; d) le fait que l’auteur ait pu participer à des activités politiques ou autres, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’État concerné, susceptibles de lui faire courir un risque particulier d’être torturé.

4.14Contrairement à ce qu’affirme l’auteur, l’État partie souligne que les risques qu’il courait en retournant en Afghanistan ont été évalués par le Ministère de la citoyenneté et de l’immigration lorsqu’il a examiné la question de savoir si l’auteur représentait un danger pour la société, en avril 1996. Dans la jurisprudence invoquée par l’auteur à l’appui de ses arguments, les requérants n’ont pas toujours eu gain de cause et certaines affaires font maintenant l’objet de recours devant la Cour d’appel fédérale. Par ailleurs, l’État partie déclare qu’il n’appartient pas au Comité de mettre en cause ses procédures internes en matière d’appréciation des risques. Enfin, la section de première instance de la Cour fédérale s’est également penchée sur l’évaluation des risques qui avait été faite, lorsque l’auteur lui a demandé de surseoir à son expulsion.

4.15L’État partie estime que l’auteur n’a pas suffisamment démontré qu’il risquait personnellement d’être torturé à cause de son origine ethnique. S’il est indéniable que des violations des droits de l’homme sont commises par les Taliban, rien n’indique que les Tadjiks soient particulièrement visés. L’État partie fait référence à des informations émanant de la Direction de recherche de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, selon lesquelles les persécutions visent plutôt les Hazaras chiites et les turcophones sympathisants du général Dostam. La même source d’information souligne que «les personnes soupçonnées de soutenir l’Alliance du Nord sont en général étroitement surveillées par les forces de sécurité des Taliban. Les personnes visées par les Taliban ne le sont pas au premier chef pour leur appartenance ethnique [...]; cependant, les Tadjiks qui vivent sous le régime taliban sont vigilants et ne s’aventurent dans les rues de Kaboul qu’avec prudence». En outre, selon le rapport, les Tadjiks peuvent vivre librement et en toute sécurité dans le nord de l’Afghanistan et ceux qui vivent sur le territoire contrôlé par les Taliban ne sont pas systématiquement surveillés par ces derniers. Il n’est pas non plus établi que les Taliban torturent systématiquement les Tadjiks, et l’auteur reconnaît lui‑même dans sa communication que «la torture ne semble pas être une pratique systématique dans tous les cas».

4.16L’État partie soutient par ailleurs que l’auteur n’a fourni aucun élément prouvant qu’il risquait personnellement d’être torturé en Afghanistan. Rien n’indique que l’auteur a été arrêté et les raisons pour lesquelles il a quitté son pays en 1977 ne sont plus valables car la guerre entre l’Afghanistan et l’Union soviétique a pris fin. L’auteur n’a pas indiqué que des personnes de son entourage ont été persécutées ou torturées parce qu’elles étaient Tadjiks et il n’est pas non impliqué dans des activités politiques qui pourraient attirer l’attention des Taliban. Les faits allégués ne suffisent pas à prouver que son expulsion l’exposerait à la torture.

4.17L’État partie indique que la communication est fondée exactement sur les mêmes faits que ceux qui ont été présentés au Ministre de la citoyenneté et de l’immigration lorsque celui‑ci a examiné la question de savoir si l’auteur représentait un danger pour la société, et que ceux qui ont été présentés lors de la demande de contrôle juridictionnel devant la section de première instance de la Cour fédérale. En conséquence, étant donné que les procédures nationales n’ont révélé aucune erreur manifeste ou élément déraisonnable et qu’elles n’ont pas non plus été entachées d’abus de procédure, de mauvaise foi, de partialité évidente ou d’irrégularités graves, le Comité ne devrait pas privilégier ses propres conclusions quant à la question de savoir si l’auteur risque d’être torturé en Afghanistan. Il ne faudrait pas qu’il devienne une «quatrième instance» qui réexaminerait l’appréciation des faits effectuée par les autorités nationales.

4.18En conséquence, l’État partie est d’avis que, compte tenu des critères énoncés au paragraphe 4.13, rien n’indique: a) que l’auteur dans le passé a été torturé ou maltraité par un fonctionnaire en Afghanistan ou avec le consentement de celui‑ci; b) qu’il est actuellement recherché par les autorités afghanes; c) que des personnes de son entourage immédiat ont été arrêtées ou torturées en raison de leur appartenance à la minorité tadjik; d) que les Tadjiks de souche sont spécifiquement l’objet de mauvais traitements; et e) qu’il a été impliqué dans des activités majeures susceptibles d’attirer l’attention des Taliban.

4.19L’État partie demande donc que si la communication est déclarée recevable elle soit déclarée non fondée.

Commentaires du conseil

Concernant la recevabilité

5.1Dans une note du 21 janvier 2000, le conseil de l’auteur a fait part de ses commentaires sur les observations de l’État partie. À propos de l’épuisement des recours internes, le conseil rappelle que l’auteur s’est vu accorder un permis de séjour permanent en 1992 avant d’être reconnu coupable d’un délit et de faire l’objet d’une mesure d’expulsion. Aux termes de la loi sur l’immigration, une personne peut être expulsée du Canada et privée du droit de bénéficier de la procédure de reconnaissance du statut de réfugié si le Ministre certifie qu’elle est un «danger pour la société canadienne». Ce dont il s’agit alors c’est uniquement d’établir si la personne représente un danger pour la société canadienne et non d’apprécier des risques. Lorsqu’une décision de ce genre est prise, l’intéressé ne peut plus faire appel devant la section des recours et n’a plus droit de demander le statut de réfugié.

5.2Le conseil réaffirme que la procédure visant à établir si une personne est ou non un danger pour la société canadienne ne constitue pas une évaluation suffisante des risques. Elle estime que la position du Gouvernement de l’État partie a toujours été que, dans certaines circonstances, les personnes qui sont un danger pour la société peuvent être renvoyées dans des pays où elles risquent d’être torturées. C’est ce que signifiait aussi en substance la décision rendue par la cour d’appel dans l’affaire Suresh c. M.C.I. (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration). Selon l’interprétation qu’en donne la Cour fédérale, la Convention n’interdit pas l’expulsion dans des pays où il y a un risque important de torture. Le point de vue du conseil est donc que la position officielle de l’État partie, exprimée par le deuxième tribunal du pays après la plus haute juridiction, est que des personnes peuvent être renvoyées dans des pays où le risque qu’elles soient torturées existe, si l’intérêt de l’État l’exige. Le Comité doit donc intervenir d’urgence pour signifier clairement à l’État partie que le renvoi dans un pays où une personne risque d’être torturée n’est autorisé en aucune circonstance.

5.3Le conseil fait valoir que, l’auteur ayant été expulsé et elle‑même étant dans l’impossibilité de recevoir des instructions de sa part, l’obligation de contester la décision relative à l’exécution de la mesure d’expulsion par des recours internes n’a plus d’intérêt pratique pas plus que n’en a désormais la contestation de la constitutionnalité de la disposition refusant à l’auteur la possibilité de demander à être protégé en tant que réfugié. En conséquence, lorsque l’auteur s’est vu refuser la suspension de la procédure d’expulsion, tous les recours internes étaient épuisés. De l’avis du conseil, le fait de présenter la requête visant à contester une décision relative à l’exécution d’une décision d’expulsion dans les formes serait de fait sans objet.

Concernant le fond

5.4À propos du fond de l’affaire, le conseil est d’avis que personne n’a apprécié suffisamment et correctement les risques encourus par l’auteur et qu’il est totalement insatisfaisant qu’une appréciation des risques, dans le contexte d’une procédure visant à établir si une personne constitue un danger pour la société, débouche sur une autorisation d’expulsion. L’appréciation des risques doit être menée indépendamment de toute recherche quant au danger que constitue une personne. Le conseil estime donc qu’il faudrait que l’on sache si l’État partie a conclu ou non que l’auteur courait un risque. Cela est particulièrement important si l’on tient compte de la position de l’État partie, selon lequel le renvoi d’une personne dans un pays où elle risque d’être torturée est possible dans certaines circonstances.

5.5En outre, le conseil estime que l’État partie devrait apprécier les risques avant l’expulsion et non après.

5.6Pour ce qui est de la situation actuelle de l’auteur, le conseil souligne qu’elle n’a pas pu communiquer avec lui. Elle fait valoir par ailleurs que l’État partie n’a rien fait pour vérifier si l’auteur était en sécurité et s’il ne risquait pas d’être torturé.

Observations supplémentaires de l’État partie

6.1Dans ses observations en date du 10 mai 2000, l’État partie a fait valoir à propos de la recevabilité de la communication qu’une décision positive concernant la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire aurait pu permettre à l’auteur de rester au Canada. En outre, l’État partie a réitéré ses arguments selon lesquels l’expulsion de l’auteur n’annulait ni ses droits ni les actions en cours.

6.2S’agissant du fond de l’affaire, l’État partie fait valoir que lorsqu’il a examiné la question de savoir si l’auteur constituait un danger pour la société canadienne, le Ministre a en fait évalué le risque encouru par l’auteur dans le cas où il serait renvoyé en Afghanistan. Cette évaluation a aussi été faite par la section de première instance de la Cour fédérale dans sa décision du 12 novembre 1998.

6.3Enfin, l’État partie déclare à nouveau qu’il craint que le Comité ne devienne une quatrième instance compétente pour réexaminer l’appréciation des faits effectuée par des juridictions internes sauf en cas d’erreur manifeste ou si la décision est entachée d’abus de pouvoir, de mauvaise foi, de partialité évidente ou d’irrégularités graves.

Observations supplémentaires du conseil de l’auteur

7.1Dans ses observations en date du 7 juin 2000, le conseil souligne que la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire ne constitue pas un recours utile, car elle ne sursoit pas à l’expulsion et même si un sursis aurait pu être demandé à la Cour fédérale, ce sursis vient juste d’être rejeté par la Cour fédérale et l’expulsion aurait eu lieu bien avant qu’une cour fédérale ne prenne une décision sur la question. En outre, le conseil considère qu’il est inutile de poursuivre une procédure de demande de contestation d’une décision d’expulsion après que cette mesure a été exécutée.

7.2Le conseil réaffirme aussi que l’avis concernant le danger représenté pour la société ne constitue pas une évaluation d’un risque et que la décision de la Cour fédérale reposait sur des erreurs d’interprétation d’éléments de preuve et que le juge n’avait pas de connaissance suffisante pour évaluer le risque.

Délibérations du Comité

8.1Avant d’examiner toute plainte contenue dans une communication, le Comité doit décider si elle est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Comme il est tenu de le faire en vertu du paragraphe 5 a de l’article 22 de la Convention, le Comité s’est assuré que la question n’avait pas été et n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale ou de règlement.

8.2Pour ce qui est de l’épuisement des recours internes, le Comité a pris note des observations de l’État partie et du conseil de l’auteur. Conformément au paragraphe 5 b de l’article 22 de la Convention, le Comité n’examine aucune communication sans s’être assuré que l’auteur a épuisé tous les recours internes disponibles. Toutefois cette règle ne s’applique pas s’il est établi que les procédures de recours ont excédé ou excéderaient des délais raisonnables ou qu’il est peu probable qu’elles donneraient satisfaction à la victime présumée. À ce sujet, le Comité note que l’auteur a été renvoyé en Afghanistan le 27 novembre 1998. Il déclare donc la communication recevable.

8.3Le Comité note que l’État partie et le conseil de l’auteur ont l’un et l’autre fait part de leurs observations sur le fond de la communication et décide donc de procéder sans plus attendre à son examen sur le fond.

8.4Le Comité est d’avis que l’auteur n’a pas apporté d’élément montrant qu’il risquerait personnellement d’être soumis à la torture s’il était renvoyé en Afghanistan. Il a également noté que l’auteur n’avait pas indiqué qu’il avait subi des tortures dans le passé ni qu’il avait participé à des activités d’ordre politique ou religieux qui feraient de lui la cible des Taliban au point de l’exposer au risque de torture.

8.5L’auteur a donné des renseignements qui ne portent que sur la situation générale en Afghanistan, se limitant à affirmer que, du fait de son appartenance au groupe ethnique tadjik, il risquerait d’être torturé s’il retournait en Afghanistan. Tout en reconnaissant les difficultés auxquelles certains groupes ethniques sont en butte en Afghanistan, le Comité estime que le simple fait d’affirmer appartenir à cette minorité n’est pas un élément suffisant pour étayer l’existence du risque de torture.

9.En conséquence, le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention, est d’avis que les faits qui lui ont été présentés par l’auteur et qu’il a établis ne font pas apparaître de violation de l’article 3 de la Convention.

Notes

5. Communication n° 128/1999

Présentée par:M. A. F. (nom supprimé)[représenté par un conseil]

Au nom de:L’auteur

État partie:Suisse

Date de la communication:2 mars 1999

Le Comité contre la torture, institué conformément à l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 15 mai 2001,

Ayant achevé l’examen de la communication n° 128/1999 présentée au Comité contre la torture en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte les constatations au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention.

1.1L’auteur de la communication, M. A. F., né le 20 mars 1960, est ressortissant syrien d’origine kurde. Actuellement, il se trouve en Suisse où il a déposé une demande d’asile politique. Cette demande a été rejetée et il soutient que son rapatriement forcé vers la République arabe syrienne constituerait une violation par la Suisse de l’article 3 de la Convention contre la torture. Il a demandé au Comité de bénéficier de mesures provisoires, étant donné qu’au moment du dépôt de sa communication, il risquait une expulsion imminente. Il est représenté par un conseil.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a porté la communication à l’attention de l’État partie, le 12 mars 1999. Dans le même temps, le Comité, agissant en vertu du paragraphe 9 de l’article 108 de son règlement intérieur, a demandé à l’État partie de ne pas expulser l’auteur vers la République arabe syrienne tant que sa communication serait en cours d’examen. Le 12 mai 1999, l’État partie a informé le Comité que des mesures avaient été prises pour faire en sorte que l’auteur ne soit pas renvoyé vers la République arabe syrienne tant que sa communication serait pendante devant le Comité.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur affirme avoir été membre du Parti démocratique kurde - Iraq (PDK - Iraq) depuis 1980. Il aurait participé à ce titre à diverses manifestations de cette organisation, notamment en transportant des fonds destinés au soutien des Kurdes en Iraq, ou encore en distribuant des tracts déplorant la situation des Kurdes de la République arabe syrienne, privés de leur nationalité par l’État syrien.

2.2L’auteur dit qu’il a été arrêté par les forces de sécurité syriennes à deux reprises. La première fois, lors de l’invasion iraquienne au Koweït, il était en possession de fonds destinés à l’Iraq. Il aurait été relâché au bout de 18 jours de détention, seulement après qu’une importante somme d’argent aurait été versée par sa famille en vue de sa libération. La seconde arrestation aurait eu lieu en 1993. À cette occasion, l’auteur aurait été détenu durant 96 jours dans la prison de Mezzé, près de Damas, et aurait été victime de tortures. Sa libération ne serait intervenue qu’après qu’il se soit engagé à renoncer à toute activité politique pour l’avenir. Sa famille aurait de nouveau versé un montant d’environ 6 000 dollars des États‑Unis afin d’obtenir sa libération.

2.3Par la suite, l’auteur aurait toutefois continué ses activités politiques. Au mois de mars 1995, il aurait été averti par un membre de sa famille, lequel disposant d’informations en provenance des services de sécurité, qu’il allait être arrêté de nouveau. L’auteur a alors pris la décision de fuir le pays et aurait traversé illégalement la frontière avec le Liban. Il a quitté ce dernier pays par bateau au mois de mars sans donner plus de précisions sur son arrivée en Europe. Le 10 avril 1995, il a déposé une demande d’asile politique en Suisse se basant notamment sur les persécutions qu’il aurait subies en République arabe syrienne.

2.4Sa demande d’asile a été rejetée le 28 mai 1996 pour invraisemblance par l’Office fédéral des réfugiés (ODR), et ce dernier a fixé le 15 août 1996 comme date ultime de départ du territoire pour l’auteur. Plus tard, l’auteur a déposé un recours contre cette décision auprès de la Commission suisse de recours en matière d’asile (CRA), appuyé par un rapport médical qui attestait qu’il aurait pu être torturé dans le passé. Ladite Commission l’a débouté de sa demande le 8 juillet 1996, le recours ayant été déclaré irrecevable du fait que les délais prescrits pour former un appel n’avaient pas été respectés.

2.5Le 8 août 1996, M. A. F. a envoyé une demande de réexamen (recours extraordinaire, permettant d’obtenir la reconsidération de décisions entrées en vigueur) de son cas par l’ODR. Le requérant a notamment demandé à ce qu’il soit constaté que l’exécution de son renvoi de Suisse entraînerait une violation du principe de non‑refoulement, tel que consacré par la Convention relative au statut des réfugiés (art. 33), ainsi que de l’interdiction de torture, énoncée à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, ou encore des articles 2 et 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. L’Office fédéral des réfugiés a rejeté la demande de réexamen le 9 août 1996, considérant que le requérant n’avait pas présenté de faits ou moyens de preuve nouveaux mais tentait uniquement d’obtenir une nouvelle appréciation des faits déjà évoqués lors de la procédure initiale. L’ODR a ainsi ordonné l’exécution immédiate du renvoi du territoire, considérant que le renvoi en cause n’était pas contraire aux obligations législatives ou contractuelles de la Confédération helvétique.

2.6L’auteur a déposé un recours contre cette décision de l’ODR, le 8 septembre 1996. Saisie du nouveau pourvoi dans lequel l’auteur tendait à faire valoir l’illicéité de l’exécution du renvoi au regard de la Convention relative au statut des réfugiés et de la Convention contre la torture, la CRA a suspendu l’exécution du renvoi et autorisé l’auteur à attendre en Suisse l’issue de la procédure. L’ODR a été consulté dans le cadre de ce recours et, le 29 avril 1997, il a maintenu sa position d’après laquelle il considérait que le renvoi vers la République arabe syrienne ne mettait pas en danger l’intégrité physique du requérant. Dans le cadre de la même procédure, le conseil de l’auteur avait maintenu ses conclusions le 20 mai 1997.

2.7Le recours a été examiné au fond et rejeté par une décision de la CRA du 18 juin 1999 selon laquelle le requérant n’a pas fait valoir des motifs de réexamen qualifiés, et qu’il n’existait pas de risque concret de torture en cas de renvoi en Syrie. Suite à cette décision, l’auteur a été invité à quitter le territoire avant le 15 février 1999.

Teneur de la plainte

3.L’auteur allègue qu’au cas où la Suisse le renverrait en République arabe syrienne, il risquerait de subir des traitements cruels, inhumains et dégradants et notamment d’être torturé par les autorités et ce également parce qu’il a quitté illégalement l’État syrien. D’après lui, il est manifeste qu’il existe dans ce pays des violations flagrantes, systématiques et massives des droits de l’homme, qui, selon le paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention contre la torture, constituent des circonstances dont un État partie doit tenir compte lorsqu’il décide d’une expulsion. L’auteur estime que pour cette raison, la Suisse ne devrait pas l’expulser, au risque de commettre une violation de la Convention.

Observations de l’État partie en ce qui concerne la recevabilité de la communication

4.Dans sa note du 12 mai 1999, l’État partie reprend les différentes étapes de la procédure suivie par l’auteur lors de sa demande d’asile. Il reproche notamment à l’auteur de ne pas avoir respecté le délai requis pour former un recours contre la décision de l’ODR lui rejetant l’asile politique. L’État partie déclare que le non‑respect du délai pour interjeter appel avait entraîné un réexamen extraordinaire de l’affaire par la CRA, mais portant uniquement, et sur la seule base du dossier, sur la question de savoir s’il n’existait pas un risque manifeste pour le requérant d’être persécuté ou de subir un traitement contraire aux droits de l’homme dans son pays d’origine. Cet examen, selon l’État, était plus limité que celui auquel la CRA aurait procédé si elle avait été saisie par les voies de recours ordinaires. Néanmoins, l’État partie déclare qu’il ne conteste pas la recevabilité de la communication.

Commentaire de l’auteur aux observations de l’État partie sur la recevabilité

5.1L’auteur a adressé ses commentaires aux observations de l’État partie le 28 juin 1999. Il admet que la procédure de réexamen portait exclusivement sur le respect par la Suisse de ses obligations internationales et non sur l’application de la loi nationale relative à l’asile. L’auteur se réfère à ce titre à la jurisprudence de la Commission suisse de recours en matière d’asile (JICRA 1995, n° 9), selon laquelle «un requérant d’asile avait le droit, indépendamment des questions formelles de délais, de faire examiner en tout temps si l’exécution de son renvoi est conforme au principe de non‑refoulement (art. 33 de la Convention relative au statut des réfugiés) ou à l’interdiction de la torture et autres traitements inhumains (art. 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et art. 3 de la Convention contre la torture). Ces principes sont en effet considérés comme absolus, et la déchéance d’un délai de procédure ne saurait autoriser leur violation».

5.2À cet effet, l’auteur déclare que la CRA s’était prononcée le 18 janvier 1999, sous l’angle de l’article 3 de la Convention contre la torture, sur la question du risque de torture s’il était renvoyé en République arabe syrienne. Cela prouvait, selon l’auteur, que la question sur laquelle le Comité était appelé à se prononcer avait déjà fait l’objet d’un examen par l’autorité nationale compétente.

Observations de l’État partie quant au fond de la communication

6.1L’État partie a envoyé ses considérations sur le bien‑fondé de la communication, le 13 septembre 1999. Dans ses commentaires, l’État réexamine la procédure suivie dans l’affaire, et indique que la CRA, lors de sa dernière décision du 18 janvier 1999, avait procédé à un examen plus restreint que l’examen auquel elle aurait procédé si l’auteur avait respecté les voies de recours ordinaires.

6.2L’État partie estime que la communication ne contient pas de faits nouveaux par rapport à ce qui avait été examiné dans le cadre de l’affaire lors de la procédure interne.

6.3En second lieu, l’État partie soulève le fait que l’auteur n’avait pas fourni de preuves concernant plusieurs de ses allégations, et notamment en ce qui concerne l’affirmation selon laquelle il avait été détenu durant 96 jours à la prison de Damas pour avoir critiqué le régime, et qu’il n’avait été libéré qu’après le paiement effectué par sa famille et la signature de la déclaration renonçant à la politique. La libération de l’auteur n’a pas été documentée. De plus, l’État estime que le fait de distribuer des tracts critiquant le régime en place, comme décrit par l’auteur, aurait dû impliquer une peine très lourde de prison. Dans la mesure où le versement de l’argent par sa famille n’a pas été prouvé et que l’auteur a été libéré seulement au bout de trois mois de détention, l’État partie estime que ceci peut être interprété comme signe de manque de vraisemblance concernant les allégations de l’auteur relatives à ses activités en faveur du PDK.

6.4L’État partie procède ensuite à un examen général de la situation des droits de l’homme en République arabe syrienne et commente divers documents présentés par l’auteur sur la situation des Kurdes dans ce pays. Tout en considérant certaines données, il rappelle la pratique du Comité, selon laquelle l’existence dans un pays de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives, ne constitue pas un motif suffisant en soi pour affirmer qu’une personne risquerait d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays.

6.5Ensuite, l’État partie analyse la situation personnelle de l’auteur, afin de vérifier s’il existe des motifs sérieux d’admettre qu’il risquerait personnellement de faire l’objet, en République arabe syrienne, de violations des droits de l’homme. Selon l’État partie, le PDK - Iraq n’est pas une organisation illégale en République arabe syrienne, et il semblerait en outre qu’elle ait reçu le soutien des autorités. Il apparaîtrait, de différentes sources, que les forces de sécurité syriennes ne persécutent les activistes du PDK que si la sécurité de l’État syrien est menacée par leurs actions, par exemple des activités hostiles au régime syrien, ce qui n’aurait pas été démontré dans le cas présent. L’État conclut que dans ces conditions, on peut considérer que l’auteur ne court pas de risque particulier d’être soumis à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention en cas de retour en République arabe syrienne, d’autant plus que les arrestations alléguées remontent à plus de six et huit ans.

6.6L’État partie déclare que les documents présentés par l’auteur en provenance de KARK Suisse et du PDK - Europe, attestant qu’il était membre du PDK - Iraq, ne sauraient démontrer à eux seuls les risques pour l’auteur, en cas de renvoi, d’éventuelles poursuites judiciaires et de traitements contraires à l’article 3 de la Convention.

6.7l’État partie souligne le fait que l’auteur n’a jamais fait état des tortures qu’il aurait subies, ni lors de ses auditions au centre de transit, ni auprès de l’ODR. Le conseil de l’auteur aurait reproché aux autorités de ne pas avoir questionné le requérant expressément à ce sujet. À ceci, l’État partie répond qu’on peut «légitimement attendre d’une personne prétendant par la suite avoir dû quitter son pays car elle craint d’être de nouveau torturée qu’elle évoque au moins cette circonstance lorsqu’elle est questionnée dans le pays d’accueil sur les raisons de sa demande d’asile».

6.8L’État partie attire aussi l’attention sur le fait que l’auteur n’ait produit le certificat médical du 20 août 1996, attestant qu’il aurait pu être victime de tortures dans le passé, que devant la CRA, et non lors de sa demande d’asile initiale. L’État exprime son étonnement qu’un demandeur d’asile pour des raisons de torture ait attendu de voir sa demande rejetée avant de produire un certificat médical, d’ailleurs avec une portée relativisée par les trois ans qui se sont écoulés depuis les faits en question. D’ailleurs, continue l’État, même si on considérait comme réelle l’allégation de l’auteur d’avoir subi des tortures par le passé, cela ne signifie pas encore qu’il court un risque prévisible, personnel et actuel d’être de nouveau soumis à la torture en cas de renvoi en République arabe syrienne.

6.9Concernant les craintes de l’auteur d’être menacé de traitements inhumains et dégradants du fait qu’il a quitté illégalement le territoire syrien, l’État partie constate qu’il n’a pas réussi à rendre crédible ses allégations selon lesquelles il aurait quitté la République arabe syrienne sous menaces de représailles de la part des autorités syriennes. De même, il n’existe aucune preuve qui corrobore la prétendue mise en garde adressée par l’oncle de l’auteur à ce dernier concernant son imminente arrestation. Or, ajoute l’État partie, la preuve que le requérant se trouvait menacé au moment du départ de son pays est un fait déterminant en matière d’octroi d’asile. De plus, l’auteur n’a pas apporté la preuve qu’il avait quitté le territoire syrien de manière illégale. Et même, si tel était le cas, la peine pour ce délit serait une amende ou une détention qui ne pourraient pas être considérées contraires à l’article 3 de la Convention.

6.10En ce qui concerne les risques que l’auteur encourait du fait qu’il ait introduit une demande d’asile en Suisse, l’État partie considère que les autorités syriennes n’allaient pas l’exposer à des traitements inhumains ou dégradants pour ce seul motif, étant donné que ces autorités étaient conscientes que plusieurs de leurs ressortissants tentent d’obtenir de la sorte un droit de séjour sur le territoire européen. L’État déclare ne pas être en possession d’indices concrets indiquant que les requérants d’asile renvoyés en République arabe syrienne auraient été soumis à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention.

6.11Enfin, l’État partie examine l’allégation de l’auteur selon laquelle il risquerait des persécutions à cause de ses liens étroits avec des mouvements d’opposition au régime syrien en Suisse. À cet effet, l’État partie remarque que les explications de l’auteur à ce sujet sont très vagues et manquent de substance, ce qui amène à la conclusion que ces activités sont très limitées, et qu’autrement l’auteur les aurait exposées dans son propre intérêt de façon détaillée auprès des autorités suisses compétentes en matière d’asile.

6.12.En conclusion, l’État partie estime que, dans les conditions en question et après l’examen minutieux de l’affaire, il n’y a pas de motifs sérieux de croire que l’auteur risquerait d’être soumis à la torture en cas de retour en République arabe syrienne. L’État partie se réfère à la Conclusion générale du Comité en date du 21 novembre 1997 pour constater que la présente communication ne contenait pas le minimum d’éléments nécessaires pour étayer les allégations de l’auteur. l’État demande au Comité de constater que le renvoi de l’auteur vers son pays d’origine ne constituerait pas une violation aux obligations internationales de la Confédération helvétique.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

7.1L’auteur a envoyé ses commentaires le 14 janvier 2000. En ce qui concerne le manque de preuves de l’arrestation et de la torture, il fait valoir qu’il y a des difficultés pratiques à rassembler de telles preuves. Tenter de se procurer ces documents à l’heure actuelle mettrait en danger sa famille et ses proches. Il prétend ne pas avoir reçu de documents lors de sa libération, ce qui aurait pu prouver sa détention.

7.2L’auteur fait état de divers rapports reflétant la situation des Kurdes en Syrie. Notamment, il prétend que dans le rapport d’Amnesty international de 1999, il est précisé que bien que certains des Kurdes arrêtés en 1997 aient été libérés en 1999, d’autres seraient maintenus en prison pour avoir distribué des tracts hostiles au régime.

7.3Pour ce qui est de l’évocation tardive de la torture, l’auteur prétend que le Comité avait lui‑même souligné à plusieurs reprises qu’il était compréhensible qu’une victime de tortures se taise dans un premier temps sur les souffrances endurées. En ce qui concerne le certificat constatant les tortures, l’auteur oppose l’argument que, de toutes façons, le Comité n’exige pas de preuve absolue d’un risque de persécution futur, mais se contente de motifs substantiels faisant craindre une violation de la Convention. Le rapport médical répondait aux critères habituellement requis et émanait d’un organisme reconnu pour son sérieux (Hôpitaux universitaires de Genève), ce qui exclut la mise en doute des conclusions de l’examen médical.

7.4Pour ce qui est du départ illégal de République arabe syrienne, l’auteur se déclare en accord avec l’État partie pour ce qui est des conséquences d’une sortie illégale du territoire syrien pour la plupart des cas. Mais en ce qui concerne son cas particulier, tenant compte de son engagement politique, de ses origines kurdes et des circonstances de son départ, on devrait retenir que le départ illégal pourrait être utilisé contre lui et entraîner des atteintes à son intégrité contraires à l’article 3 de la Convention.

Délibération du Comité

8.1Avant d’examiner toute plainte contenue dans une communication, le Comité contre la torture doit décider si elle est ou non recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’alinéa a du paragraphe 5 de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Dans le cas d’espèce, le Comité note aussi que tous les recours internes sont épuisés et que l’État partie n’a pas contesté la recevabilité. Il estime donc que la communication est recevable. L’État partie et l’auteur ayant chacun formulé des observations sur le fond de la communication, le Comité procède à l’examen quant au fond.

8.2Le Comité doit se prononcer sur le point de savoir si le renvoi de l’auteur vers la République arabe syrienne violerait l’obligation de l’État partie, en vertu de l’article 3 de la Convention, ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

8.3Le Comité doit décider, comme le prévoit le paragraphe 1 de l’article 3, s’il existe des motifs sérieux de croire que l’auteur risquerait d’être soumis à la torture s’il était envoyé en République arabe syrienne. Pour prendre cette décision, le Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, conformément au paragraphe 2 de l’article 3, y compris l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Toutefois, le but de cette analyse est de déterminer si l’intéressé risquerait personnellement d’être soumis à la torture dans le pays où il serait renvoyé. Il s’ensuit que l’existence, dans un pays, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison suffisante d’établir qu’une personne donnée serait en danger d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays. Il doit exister d’autres motifs qui donnent à penser que l’intéressé serait personnellement en danger. Pareillement, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne puisse pas être soumise à la torture dans la situation particulière qui est la sienne.

8.4Le Comité rappelle son observation générale sur l’application de l’article 3, qui se lit comme suit: «Étant donné que l’État partie et le Comité sont tenus de déterminer s’il y a des motifs sérieux de croire que l’auteur risque d’être soumis à la torture s’il est expulsé, refoulé ou extradé, l’existence d’un tel risque doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable» (A/53/44, annexe IX, par. 6).

8.5Le Comité exprime des doutes quant à la crédibilité de la présentation des faits par l’auteur, étant donné que ce dernier n’avait invoqué ses allégations de torture, ainsi que le certificat médical attestant qu’il pouvait avoir été torturé, uniquement après que sa demande d’asile politique initiale avait été rejetée (par. 6.7 et 6.8 de la présente décision).

8.6Le Comité prend également en considération le fait que l’État partie a procédé à un examen des risques de torture pour l’auteur, sur la base de toutes les informations soumises. Le Comité, tenant compte des informations selon lesquelles le PDK - Iraq est un parti toléré par l’administration syrienne, estime que l’auteur ne lui a pas fourni d’éléments de preuve suffisants qui lui permettaient de considérer qu’il est confronté à un risque prévisible, réel et personnel d’être soumis à la torture en cas d’expulsion vers son pays d’origine.

9.Par conséquent, le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, estime que le renvoi de l’auteur en République arabe syrienne ne ferait apparaître aucune violation de l’article 3 de la Convention.

Notes

6. Communication n° 134/1999

Présentée par:M. K. O. (nom supprimé)(représenté par un conseil)

au nom de:L’auteur

État partie:Pays-Bas

Date de la communication:25 mai 1999

Le Comité contre la torture, institué conformément à l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 9 mai 2001,

Ayant achevé l’examen de la Communication n° 134/1999 présentée au Comité contre la torture en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication, son conseil et l’État partie,

Adopte ses constatations au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention.

1.1L’auteur de la communication est M. K. O., citoyen turc d’origine kurde né en 1970, résidant actuellement aux Pays‑Bas. L’auteur a demandé l’asile aux Pays‑Bas le 22 juin 1997. Sa demande a été rejetée. Il affirme qu’il risque, s’il est expulsé en Turquie, d’être torturé et que son expulsion constituerait par conséquent une violation par l’État partie de l’article 3 de la Convention. L’auteur est représenté par un conseil.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a transmis la communication à l’État partie le 26 mai 1999 en lui demandant de lui faire part de ses observations concernant la recevabilité et le fond. Conformément au paragraphe 9 de l’article 108 du règlement intérieur du Comité, il a également été demandé à l’État partie de surseoir à l’expulsion de l’auteur tant que sa communication serait à l’examen.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur vient d’un village situé dans la région de Tunceli (Kurdistan turc), où, depuis de nombreuses années, une guerre oppose l’armée turque aux Kurdes. Il affirme avoir été pressé plusieurs fois par les militaires turcs à devenir gardien de village, ce qu’il a refusé.

2.2Selon l’auteur, en tant que gardien de village il aurait été obligé de tuer des Kurdes et des Alevis, c’est‑à‑dire des membres de sa propre communauté. En raison de son refus, il a été souvent maltraité. Il a été battu à plusieurs reprises par des militaires turcs. Pendant l’hiver, l’auteur et d’autres Kurdes étaient forcés à rester pieds nus dans la neige des heures durant. L’auteur souffre encore des reins. Parfois, il a même été menacé de mort avec d’autres Kurdes et, en raison de la répression pratiquée par les militaires turcs, lui et les siens étaient privés de vivres. L’auteur affirme également qu’il a été arrêté à plusieurs reprises et emmené dans une forêt ou dans les montagnes, où il a été torturé.

2.3Lorsque des voisins ont été arrêtés pour avoir donné des vivres à la guérilla, l’auteur a décidé de quitter la Turquie parce qu’il craignait d’être arrêté à son tour pour le même motif. Il est arrivé au Pays‑Bas le 21 juin 1997 et a demandé l’asile le même jour. Sa demande a été rejetée le 22 août 1997.

2.4Après avoir fait deux fois recours sans succès auprès du Ministère de la justice et des tribunaux l’auteur a présenté, le 22 février 1999, une deuxième requête qui a été également rejetée, tout comme l’ont été ses recours suivants. Son expulsion vers la Turquie a été fixée au 26 mai 1999.

2.5À La Haye, l’auteur est membre actif de l’Union kurde. Il a participé à des marathons sous les couleurs kurdes aux Pays‑Bas et en Allemagne et est passé plusieurs fois avec le groupe de musique kurde Zylan sur MED‑TV, station de télévision kurde diffusant à partir de l’Europe et pouvant être également captée en Turquie qui a été récemment interdite. Le 16 février 1999, l’auteur a été arrêté en même temps que 300 autres Kurdes aux Pays‑Bas lors d’une manifestation contre l’extradition d’A. O. vers la Turquie. Depuis lors, il est détenu parce qu’il n’a pas de permis de séjour.

Teneur de la plainte

3.L’auteur affirme qu’il risque fort d’être torturé s’il est renvoyé en Turquie et que la décision de renvoi constitue donc une violation de l’article 3 de la Convention.

Observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

4.1Dans une lettre datée du 6 décembre 1999, l’État partie a fait part au Comité de ses observations sur le fond de la communication. Il n’a élevé aucune objection en ce qui concerne la recevabilité. Il a résumé les faits de la cause et présenté brièvement la procédure nationale ainsi que les différents arguments invoqués par l’auteur dans sa communication.

4.2Sur le fond, l’État partie considère qu’il n’est pas possible d’accorder l’asile à tous les Kurdes de Turquie et que l’auteur devait prouver qu’il risquait personnellement d’être torturé, ce qu’il n’a pas fait. L’État partie ne conteste pas l’origine ethnique de l’auteur mais affirme que ce dernier s’est montré peu convaincant à ce sujet pendant la procédure d’examen de sa demande d’asile; il rejette par conséquent l’allégation de ce dernier selon laquelle il n’y a pas eu d’enquête minutieuse sur son origine ethnique.

4.3L’État partie fait valoir que l’auteur n’a pas prouvé qu’il ferait l’objet d’une attention particulière de la part des autorités turques, surtout qu’il avait clairement déclaré qu’il n’avait jamais été arrêté et qu’il n’avait jamais été inquiété pour avoir aidé le PKK. C’est seulement pendant la phase d’appel de la procédure que l’auteur a indiqué aux autorités néerlandaises qu’il avait été arrêté une fois par trois soldats en civil. Qui plus est, l’auteur n’a jamais pu donner d’explication claire à cette contradiction.

4.4L’allégation de l’auteur selon laquelle il a été victime d’une discrimination et d’un traitement dégradant ne permet pas nécessairement de conclure qu’il remplit les conditions requises pour obtenir le statut de réfugié car la vie des Kurdes du sud‑est de la Turquie n’est peut‑être pas facile, mais elle n’est pas intolérable et «un tel traitement est sans doute subi par l’ensemble de la communauté kurde avec un certain degré d’arbitraire».

4.5Même en admettant que l’auteur ait eu des problèmes avec les militaires turcs, cela ne signifie pas qu’il risque de nouveau d’être soumis au même traitement dans toutes les régions de la Turquie. Il n’a eu par exemple aucun problème lorsqu’il s’était rendu en 1996 à Istanbul. Il peut donc s’installer dans une autre région de la Turquie.

4.6En ce qui concerne les activités de l’auteur aux Pays‑Bas, l’État partie considère que le fait d’être membre du groupe Zylan, d’être passé plusieurs fois sur MED‑TV avec ce groupe, d’avoir participé aux cérémonies organisées par le PKK, d’avoir couru des marathons sous les couleurs kurdes ainsi que d’avoir participé à une manifestation de soutien à A. O. et d’avoir été arrêté pendant cette manifestation ne fait pas véritablement de l’auteur un opposant et n’est donc pas de nature à attirer l’attention des autorités turques. Même son arrestation après la manifestation susmentionnée ne porte pas à conséquence puisqu’il a été appréhendé en même temps que de nombreuses autres personnes.

4.7Selon l’État partie, ni les raisons données par l’auteur pour expliquer son départ de Turquie ni ses activités aux Pays‑Bas ne constituent des motifs sérieux de penser qu’il risque personnellement d’être torturé s’il est renvoyé dans son pays.

Commentaires du conseil

5.1Dans une lettre datée du 26 janvier 2000, l’avocate qui représente l’auteur a fait part de ses commentaires sur les observations de l’État partie.

5.2Pour ce qui est de l’origine kurde de l’auteur, le conseil fait quelques remarques pour expliquer la confusion qui a pu caractériser les différents entretiens. Elle note que, quoi qu’il en soit, l’origine ethnique de l’auteur n’est plus contestée par l’État partie. Elle note également que, pour des raisons de sécurité, le PKK n’a pas de système d’adhésion, ce qui explique en partie le fait que l’auteur ne soit «membre» d’aucune organisation.

5.3Le conseil fait valoir que les problèmes rencontrés par l’auteur pendant qu’il était en Turquie ne manqueraient pas d’attirer sur lui l’attention des autorités turques s’il était renvoyé dans son pays. Elle note également qu’il est normal que davantage de renseignements soient disponibles vers la fin de la procédure parce que les questions posées sont plus nombreuses et que l’auteur, qui n’a pas dépassé le stade de l’école primaire, a pu avoir des difficultés à comprendre certaines questions au début de la procédure. Le conseil fait également valoir que des personnes qui demandent le statut de réfugié dès leur arrivée dans l’État partie n’ont pas suffisamment de temps pour réfléchir posément à leurs déclarations et sont soumises pendant les premières semaines de la procédure à de très nombreuses obligations qui sont parfois une source de confusion.

5.4En ce qui concerne Tunceli, la région dont l’auteur est originaire, le conseil affirme que la vie y est réellement devenue intolérable et que, cette région étant le symbole de la résistance kurde, toute personne qui en est originaire rencontrerait des problèmes dans toute la Turquie, en sorte que l’auteur aurait du mal à s’installer dans d’autres parties du pays. Elle cite à cet égard le Ministre néerlandais des affaires étrangères qui a déclaré que le fait de refuser d’être gardien de village revient à soutenir implicitement le PKK.

5.5Le conseil signale de plus que le dénommé A. Kisaoglu, Kurde de nationalité néerlandaise, a été arrêté en Turquie quelques jours après la manifestation qui avait eu lieu le 17 février 1999 à La Haye et sauvagement torturé pendant cinq jours. Selon le conseil, les autorités turques l’ont arrêté après avoir été informées que son fils avait été appréhendé pendant la manifestation de La Haye. Il s’est toutefois révélé par la suite que la personne qui avait été arrêtée pendant la manifestation avait utilisé le nom du fils de Kisaoglu et que ce dernier n’avait jamais fait de politique. Le conseil considère qu’un tel incident montre que les autorités turques peuvent obtenir des informations sur les événements politiques concernant la question kurde qui se produisent à l’extérieur de la Turquie, ainsi que sur les arrestations ou les mesures de détention qui en résultent, et qu’il est probable qu’il y ait une coopération entre les services de sécurité turcs et néerlandais.

5.6En outre, le conseil se réfère, en ce qui concerne les autres activités de l’auteur aux Pays‑Bas, à plusieurs déclarations faites par le Ministère néerlandais des affaires étrangères selon lesquelles MED‑TV était considérée comme la voix du PKK et que la musique kurde était parfois interdite, deux éléments qui justifient certainement aux yeux des autorités turques l’arrestation de l’auteur à son arrivée en Turquie.

5.7Se référant à différentes affaires, le conseil souligne que de nombreux Kurdes qui ont été rapatriés de l’État partie en Turquie et dont la situation a pu être suivie avaient été arrêtés et torturés par les autorités turques.

5.8Enfin, dans la mesure où l’auteur a déclaré dès le début de la procédure d’examen de sa demande d’asile qu’il avait été torturé, le conseil déplore que l’État partie n’ait jamais pris aucune disposition pour le soumettre à un examen médical bien qu’il ait eu maintes fois l’occasion de le faire.

Observations supplémentaires de l’État partie

6.1Dans une lettre datée du 6 septembre 2000, l’État partie a fait des observations supplémentaires au sujet des remarques de l’auteur.

6.2L’État partie tient tout d’abord à signaler au Comité qu’il ne conteste plus l’origine kurde de l’auteur.

6.3S’agissant des mots «torture» et «mauvais traitements», l’État partie note qu’il y a eu une certaine confusion et des erreurs de traduction de la part de l’auteur, qui utilise indifféremment les deux concepts, ce qui ne correspond pas à la réalité.

6.4L’État partie continue de penser que l’auteur n’a pas expliqué de façon convaincante pourquoi il avait omis de mentionner certains éléments de sa vie passée pendant la première partie de la procédure d’examen de sa demande d’asile.

6.5En outre, l’État partie rejette fermement les allégations du conseil selon lesquelles il y aurait un échange d’informations entre les autorités néerlandaises et les autorités turques au sujet des noms des personnes qui sont détenues à la suite d’une manifestation prokurde.

6.6En ce qui concerne la déclaration faite par le Ministère néerlandais des affaires étrangères au sujet de MED‑TV, l’État partie note que le conseil a cité des phrases en dehors de leur contexte et soumet le texte intégral desdites déclarations.

6.7L’État partie souligne qu’il suit en permanence la situation des Kurdes en Turquie. Le fait qu’il ait suspendu l’expulsion des Kurdes vers la Turquie, après avoir été informé du décès dans ce pays d’un Kurde qui avait auparavant demandé l’asile aux Pays‑Bas, en est l’illustration. À la suite d’une enquête sur cette affaire et sur quatre autres, auxquelles le conseil fait apparemment allusion, l’État partie a constaté que les personnes concernées n’avaient pas rencontré de problème particulier avec les autorités turques à leur retour. Les autorités judiciaires néerlandaises ayant elles‑mêmes souscrit à ces conclusions, le Gouvernement a levé la suspension des mesures d’expulsion.

6.8Enfin, l’État partie estime que l’auteur a également eu tout le temps nécessaire pour obtenir des documents médicaux confirmant qu’il a bien été victime du traitement qu’il prétend avoir subi.

Délibérations du Comité

7.1Avant d’examiner toute plainte contenue dans une communication, le Comité doit déterminer si elle est ou non recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme l’oblige à le faire l’alinéa a) du paragraphe 5 de l’article 22 de la Convention, que la même question n’avait pas été examinée et n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.2Le Comité note aussi que tous les recours internes ont été épuisés et que l’État partie n’a pas contesté la recevabilité de la communication. Il estime donc qu’elle est recevable. L’État partie et l’auteur ayant chacun formulé des observations sur le fond, le Comité considère qu’il peut procéder à l’examen de la communication quant au fond.

7.3Le Comité doit décider, comme le prévoit le paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention, s’il existe des motifs sérieux de croire que l’auteur risquerait d’être soumis à la torture s’il était renvoyé en Turquie. Pour prendre cette décision, le Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, conformément au paragraphe 2 de l’article 3, y compris l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Toutefois, le but de cette analyse est de déterminer si l’intéressé risquerait personnellement d’être soumis à la torture dans le pays où il serait renvoyé. Il s’ensuit que l’existence, dans un pays, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison suffisante pour conclure qu’une personne donnée risque d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister d’autres motifs qui donnent à penser que l’intéressé serait personnellement en danger. De même, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne court aucun risque d’être soumise à la torture dans la situation particulière qui est la sienne.

7.4Le Comité note les arguments invoqués par les deux parties et considère que l’auteur n’a pas expliqué d’une manière satisfaisante les contradictions existant entre ses différentes déclarations aux services de l’immigration néerlandais. Il note que l’auteur a rempli ses obligations militaires sans difficulté notable et constate qu’il n’a pas prouvé que ses activités aux Pays‑Bas pourraient attirer l’attention des autorités turques au point où il risquerait d’être torturé au cas où il serait renvoyé en Turquie.

7.5Le Comité conclut que l’auteur n’a pas appporté de preuves suffisantes pour étayer son affirmation selon laquelle il courrait un risque personnel, réel et prévisible d’être torturé s’il était renvoyé dans son pays d’origine.

8.En conséquence, le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, estime que les faits qu’il a pu établir ne font apparaître aucune violation de l’article 3 de la Convention.

7. Communication n° 142/1999

Présentée par:S .S. et S. A. (noms supprimés)(représentés par un conseil)

au nom de:Les auteurs

État partie:Pays-Bas

Date de la communication:12 juillet 1999

Le Comité contre la torture, institué conformément à l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 11 mai 2001,

Ayant achevé l’examen de la Communication n° 142/1999 présentée au Comité contre la torture en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication, son conseil et l’État partie,

Adopte ses constatations au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention

1.1Les auteurs de la communication sont: M. S. S., de nationalité sri‑lankaise, né le 1er avril 1963, sa femme, Mme S. A., de nationalité sri‑lankaise, née le 28 août 1972 et leur fille, B. S., née le 12 octobre 1997 aux Pays‑Bas. Résidant actuellement aux Pays‑Bas, les auteurs affirment que la mesure d’expulsion vers le Sri Lanka susceptible de leur être appliquée constituerait une violation par les Pays‑Bas de l’article 3 de la Convention. Ils sont représentés par un conseil.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a porté la communication à l’intention de l’État partie le 18 août 1999. Simultanément, conformément au paragraphe 9 de l’article 108 du règlement intérieur du Comité, il a été demandé à l’État partie de surseoir à l’expulsion des auteurs vers Sri Lanka tant que leur communication serait à l’examen par le Comité. Dans un mémoire en date du 28 octobre 1999, l’État partie a informé le Comité que les auteurs ne seraient pas renvoyés à Sri Lanka tant que le Comité serait saisi de leur affaire.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1M. S. S., tamoul de souche, affirme avoir été retenu en captivité du 10 janvier au 30 septembre 1995 par une organisation tamoule (les Tigres de libération de l’Eelam tamoul ‑ LTTE) pour l’avoir critiquée en public ainsi que son chef et refusé de participer à ses actions. Durant sa détention, il a dû accomplir des tâches telles que couper du bois, remplir des sacs de sable, creuser des abris et faire la cuisine. Avant de capturer l’auteur, le LTTE avait arrêté à sa place son père, qui était décédé d’une crise cardiaque pendant sa captivité. M. S. S. est parvenu à s’évader du camp du LTTE le 30 septembre 1995 et s’est rendu à Colombo.

2.2Le 3 octobre 1995, à l’occasion d’un contrôle d’identité de routine il a été arrêté par la police parce qu’il n’avait pas de carte d’identité. Il a subi un interrogatoire au cours duquel on lui a posé des questions sur sa situation personnelle et on lui a demandé s’il était impliqué dans les activités du LTTE, ce qu’il a nié. Il affirme que la police ne l’a pas cru et l’a accusé d’espionner pour le compte du LTTE et d’être venu à Colombo pour y préparer une attaque. Les autorités le soupçonneraient d’être un espion du LTTE et d’être venu préparer des actions dirigées contre l’État. Le jour suivant, il a été libéré après l’intervention d’un oncle et le paiement d’une somme d’argent, avec obligation de se présenter quotidiennement au poste de police pendant toute la durée de son séjour à Colombo. L’auteur affirme avoir appris que les autorités projetaient de l’incarcérer à la prison de Boosa, d’où, selon certaines sources, aucun détenu n’est jamais ressorti vivant. Le 8 octobre 1995, M. S. S. a quitté Sri Lanka par avion pour les Pays‑Bas.

2.3Le 18 décembre 1995, la demande d’asile déposée par M. S. S. le 19 octobre 1995 a été rejetée. Le recours contestant cette décision formé le 23 janvier 1996 auprès du Secrétaire d’État à la justice a été rejeté le 16 septembre 1996. La décision du Secrétaire d’État a fait l’objet d’un appel le 30 octobre 1996 mais avant même que l’affaire ait été jugée, il a été notifié à M. S. S. que la décision de rejet du 16 septembre 1996 avait été annulée et qu’une nouvelle décision serait rendue une fois son affaire examinée par la Commission consultative indépendante pour les affaires relatives aux étrangers (Adviescommissie voor vreemdelingzaken).

2.4Pour ce qui est de Mme S. A., également tamoule de souche, il est affirmé que le LTTE l’aurait arrêtée elle aussi, à la mi‑novembre 1995, pour essayer de déterminer où se trouvait son mari et ce qu’il faisait. Durant son séjour au camp du LTTE, elle a été contrainte d’accomplir des tâches telles que cuisine et nettoyage. Après avoir été hospitalisée à la fin du mois de mars 1996, elle s’est évadée le 3 avril 1996.

2.5Le 17 juin 1996, elle a été arrêtée par le Front révolutionnaire de libération du peuple de l’Eelam (EPRLF). Elle affirme avoir été accusée par un tiers de collaboration avec le LTTE et avoir été interrogée à plusieurs reprises sur ce point par des membres de l’EPRLF auxquels elle a expliqué la raison pour laquelle elle avait été contrainte au travail forcé par le LTTE. Elle indique ne pas avoir été maltraitée malgré des coups occasionnels. Elle a été remise aux autorités sri‑lankaises, placée en détention et conduite à plusieurs reprises à des barrages routiers en vue de l’éventuelle identification de membres du LTTE. À la mi‑août 1996, elle est parvenue à s’évader lorsque l’un des véhicules d’un convoi dans lequel elle se trouvait a sauté sur une mine. Elle s’est rendue à Colombo à la fin du mois d’août et a quitté le pays par avion pour les Pays‑Bas le 12 septembre 1996. Il est indiqué, sans renseignements détaillés à l’appui, que son oncle aurait été tué par les autorités à titre de représailles pour son évasion.

2.6Le 18 novembre 1996, la demande d’asile déposée par Mme S. A. le 16 octobre 1996 a été rejetée. Le recours formé le 31 décembre 1996 auprès du Secrétaire d’État à la justice a été rejeté le 20 mars 1997. Le lendemain, Mme S. A. a été informée que la décision avait été annulée et qu’une nouvelle décision serait rendue après examen du dossier par la Commission consultative.

2.7M. S. S. et Mme S. A. ont tous les deux été entendus le 2 février 1998 par la Commission consultative, composée de trois membres; dans un jugement détaillé et pleinement motivé, les membres de la Commission ont recommandé à l’unanimité que le Secrétaire d’État à la justice rejette l’objection des auteurs contestant le refus initial d’accorder l’asile. Le 30 juin 1998, le Secrétaire d’État à la justice a déclaré que l’objection des auteurs au refus initial était infondée, estimant qu’ils n’étaient pas admissibles au statut de réfugié et n’étaient pas réellement en danger d’être soumis à des traitements inhumains. Le 23 juillet 1998, les auteurs ont fait appel de cette décision auprès de la section de Bois‑le‑Duc du tribunal d’arrondissement de La Haye, qui, le 25 janvier 1999, a jugé infondé leur appel.

Teneur de la plainte

3.Les auteurs affirment que de solides raisons donnent à penser qu’en cas de rapatriement à Sri Lanka ils y seront soumis à la torture. Selon eux, en tant que Tamouls originaires de la ville de Jaffna à peuplement tamoul, dans le nord du pays, leur présence à Colombo ne peut que les faire suspecter par les autorités d’entretenir des relations avec le LTTE. Ayant été déjà suspectés d’entretenir de telles relations, ils soutiennent qu’aucun lieu ne saurait être sûr pour eux à Sri Lanka. Ils affirment que les autorités sont fermement convaincues de leur appartenance à l’opposition au régime. Citant sans autre précision des rapports sur la situation d’ensemble au Sri Lanka émanant d’Amnesty International, du HCR et d’autres sources, les auteurs font valoir qu’ils risquent effectivement d’être arrêtés et torturés en cas de rapatriement. En conséquence, ils soutiennent que leur retour forcé constituerait une violation de l’article 3 de la Convention.

Observations de l’État partie

4.1En ce qui concerne la recevabilité de la communication, par une lettre en date du 28 octobre 1999, l’État partie a reconnu que toutes les voies en appel contre la décision du tribunal d’arrondissement avaient été épuisées et qu’en conséquence aucune objection ne pouvait à sa connaissance être formulée au sujet de la recevabilité de la communication.

4.2En ce qui concerne le fond, dans une lettre en date du 18 février 2000, l’État partie fait valoir qu’après prise en considération des observations formulées par les auteurs durant le déroulement de la procédure de demande d’asile compte tenu de la situation générale régnant à Sri Lanka, rien ne permet de supposer qu’il existe des motifs sérieux de croire que les auteurs encourent un risque réel et personnel d’être soumis à la torture en cas de rapatriement. En conséquence, il considère infondée la communication.

4.3L’État partie fait observer d’emblée qu’en vertu de sa législation, eu égard à la forte densité démographique et aux problèmes attenants, les étrangers ne sont admis sur son territoire que si les obligations internationales et les intérêts essentiels des Pays‑Bas ou des raisons humanitaires impérieuses le justifient. En vertu de la procédure applicable aux demandeurs d’asile, tout requérant est interrogé à deux reprises après avoir déposé sa demande, ce par le Service de l’immigration et des naturalisations qui, au besoin, fait appel à des interprètes. Les requérants ont la possibilité de se faire assister par un conseil lors des deux entretiens.

Des procès‑verbaux sont établis et le requérant a la possibilité de formuler des observations ou de proposer des corrections et des ajouts. Pour rendre sa décision, le Service de l’immigration et des naturalisations tient compte des rapports de pays que le Ministère des affaires étrangères établit en se fondant sur des sources non gouvernementales et les données fournies par les missions diplomatiques néerlandaises. En cas de rejet d’une objection à une décision de refus, la Commission consultative est saisie pour avis si le requérant affirme craindre des persécutions. La Commission entend le requérant, invite le HCR à faire part de ses observations et formule des recommandations à l’intention du Secrétaire d’État à la justice. La décision du Secrétaire est susceptible d’un dernier appel devant le tribunal d’arrondissement (Arrondissementsrechtbank). Une aide juridictionnelle est disponible pendant l’ensemble de la procédure d’appel.

4.4L’État partie expose ensuite sa perception de la situation générale des droits de l’homme à Sri Lanka, en se fondant sur le rapport de pays relatif à Sri Lanka établi en novembre 1998 par le Ministère des affaires étrangères. Dans ce rapport il est fait état de l’existence de régions en proie à l’instabilité et de violations des droits de l’homme dans les zones ravagées par le conflit, sous forme en particulier de placements en détention pour des périodes de courte durée de nombreux Tamouls. L’État partie estime pourtant ‑ opinion que partagent de nombreux autres États de l’Union européenne ‑ que la situation dans les zones sous contrôle du Gouvernement n’est pas telle que le renvoi vers celles-ci de personnes dont les dossiers ont été examinés avec soin pourrait par définition être qualifié d’irresponsable. L’État partie souligne que le Secrétaire d’État à la justice tient compte de la situation en ce qui concerne le respect des droits de l’homme des Tamouls au cas par cas, tout comme le tribunal d’arrondissement lorsqu’il statue sur ce type de décisions.

4.5Dans toute une série de décisions, le tribunal d’arrondissement a estimé que le Secrétaire d’État à la justice avait estimé à bon escient que la situation d’ensemble à Sri Lanka n’exposait plus à des difficultés particulières les rapatriés. Concernant la torture en particulier, le tribunal a fait valoir que même à supposer que les données relatives aux affaires de torture mentionnées dans le rapport du Ministère soient très en dessous de la réalité, aucun élément sérieux ne permettait de conclure que la probabilité d’être soumis à la torture pour les Tamouls vivant à Colombo et appartenant à des groupes à «risque élevé» (tels que les jeunes hommes dépourvus de documents d’identité) était d’une manière générale si forte que le groupe dans son ensemble courait un risque considérable d’être exposé à ce type de pratiques.

4.6Dans le rapport du Ministère des affaires étrangères, il est indiqué que lors d’un contrôle d’identité tous les jeunes Tamouls parlant peu cinghalais et dont les documents d’identité indiquent qu’ils sont originaires du nord courent le risque d’être arrêtés pour interrogatoire. C’est particulièrement le cas pour tout individu arrivé récemment à Colombo en provenance d’une zone de guerre et démuni de titre d’identité, n’ayant pas de raison valable de se trouver à Colombo ou encore ayant omis de se faire enregistrer à son arrivée. Ces individus sont, dans leur majorité, remis en liberté dans les 48 à 72 heures, une fois qu’ils ont expliqué les raisons de leur présence à Colombo et que leur identité a été établie. Ceux retenus plus longtemps sont susceptibles de subir un traitement plus dur tandis que ceux détenus plus d’une semaine parce que suspectés d’être en relation avec le LTTE sont confrontés à un risque encore plus élevé de mauvais traitements. Les individus détenus plus de trois mois sur la base d’indices solides de relations de ce type courent un risque élevé d’être soumis à la torture.

4.7L’État partie fait en conséquence valoir que la situation à Sri Lanka n’est pas telle pour les Tamouls en général (en particulier les jeunes hommes) - même s’ils sont originaires (ou sont venus récemment) du nord, qu’il existe des motifs sérieux de croire qu’ils risquent d’être soumis à la torture en cas de rapatriement. À ce sujet, l’État partie insiste sur le fait que le tribunal d’arrondissement se fonde sur le rapport de pays du Ministère des affaires étrangères et sur un large éventail d’autres sources, ainsi que sur la volonté de l’État partie de voir le Comité aider à mettre un terme aux violations de la Convention mis en évidence lors de l’examen de son dernier rapport périodique.

4.8En ce qui concerne les paramètres individuels, l’État partie constate au sujet de M. S. S. qu’il a été arrêté à Colombo à l’occasion d’un contrôle de routine pour n’avoir pu produire un titre d’identité. Ce qui est révélateur, c’est que plusieurs autres personnes ont été arrêtées en même temps; son arrestation ne saurait donc être considérée comme un acte dirigé expressément contre l’auteur. La libération ultérieure de M. S. S. avec apparemment la possibilité de circuler à son gré ne donne pas davantage à penser que les autorités lui portaient un intérêt particulier. S’agissant de l’obligation de se présenter quotidiennement au poste de police, l’État partie renvoie au rapport de pays établi par le Ministère néerlandais des affaires étrangères dans lequel est expliqué que l’obligation de se présenter après libération ne signifie pas que la personne visée soit considérée comme recherchée par la police et que le fait de ne pas respecter cette obligation entraîne automatiquement le placement du récalcitrant sur une liste de personnes sur laquelle pèsent de graves soupçons. En l’occurrence, le fait que M. S. S. ait été soumis à l’obligation de se présenter n’entraîne nullement pour lui un risque supplémentaire en cas de rapatriement.

4.9En outre, l’État partie relève que l’affirmation de M. S. S. selon laquelle son nom avait été placé sur une liste des personnes devant être transférées à la prison de Boosa n’était corroborée par aucun élément. En tout état de cause, vu qu’il a été relâché au bout d’une journée, il n’est pas plausible que son nom ait figuré sur une telle liste. De surcroît, si l’auteur se croyait sous une étroite surveillance de la part des autorités sri‑lankaises parce que soupçonné d’activités en faveur du LTTE, il est difficile de voir pourquoi il aurait pris le risque considérable de quitter le pays depuis l’aéroport de Colombo. Les affirmations de l’auteur concernant le sort de son père son également incohérentes. Contrairement au rappel des faits figurant dans la communication et aux déclarations faites de son premier entretien selon lesquelles son père serait mort en captivité d’une crise cardiaque, l’auteur a déclaré après le second entretien que son père avait été retenu par le LTTE avant son arrestation et été libéré après avoir été victime d’une légère crise cardiaque.

4.10S’agissant de Mme S. A., l’État partie fait également valoir que dans son récit ne figure aucune indication permettant d’établir qu’elle courrait un risque plus grand que les autres Tamouls à son retour à Sri Lanka. Pour ce qui est de son arrestation et du fait qu’elle serait soupçonnée de relations avec le LTTE, l’État partie souligne que le point important est que les travaux effectués l’ont été sous la contrainte. Elle ne saurait être considérée en rien comme une militante du LTTE et les tâches qu’elle avait accomplies était de nature ancillaire. Vu ses antécédents et son vécu, l’État partie n’estime pas plausible que les autorités sri‑lankaises la considèrent comme une précieuse indicatrice et à cet égard sa situation ne diffère en rien de celle de nombreux autres Sri‑Lankais de souche tamoule retenus à un moment ou à un autre en captivité dans un camp du LTTE.

4.11L’affirmation de Mme S. A. selon laquelle les autorités sri‑lankaises lui auraient porté un intérêt accru n’est pas davantage étayée par le fait qu’elle a quitté le pays en passant par le point le plus facile à contrôler, c’est‑à‑dire l’aéroport de Colombo. S’agissant de l’allégation selon laquelle son oncle aurait été tué par les autorités à la suite de son évasion, l’État partie souligne que cette affirmation repose sur un ouï‑dire. Aucun élément corroborant ou prouvant l’existence d’un lien entre cette évasion et ce décès n’a été apporté. L’État partie souligne que dans son jugement du 25 janvier 1999 le tribunal d’arrondissement a estimé que le témoignage de Mme Arulthasan n’était pas fiable.

4.12.L’État partie renvoie à la jurisprudence du Comité selon laquelle l’existence, dans un pays, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison suffisante d’établir qu’une personne donnée serait en danger d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays. De plus, l’existence d’un «motif sérieux» de craindre un tel sort doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons de torture. Appliquant ces critères à l’affaire à l’examen, l’État partie fait valoir, au sujet des incohérences exposées plus haut, que les auteurs ne sont pas parvenus à établir de manière convaincante qu’il existait pour eux des motifs sérieux de craindre un risque «prévisible, réel et personnel» d’être soumis à la torture. Les auteurs n’ont pas établi de manière satisfaisante qu’ils étaient exposés à un danger plus grand que les autres Tamouls résidant à Colombo. Ils ne se sont jamais dépeints comme des opposants aux autorités sri‑lankaises et n’ont jamais appartenu à un parti ou mouvement politique. Leur récit ne donne pas davantage à penser que certains de leurs parents proches aient été actifs ‑ sur le plan politique ou autre ‑ et aient donc attiré l’attention des autorités sri‑lankaises. Les actes que les auteurs indiquent avoir accompli sous la contrainte pour le compte du LTTE sont de nature et de portée insignifiantes.

Observations supplémentaires des auteurs

5.1Dans une lettre en date du 10 avril 2000, les auteurs réaffirment avoir présenté des motifs sérieux de croire qu’ils courraient un risque personnel d’être soumis à la torture et que l’État partie violerait donc l’article 3 de la Convention en les renvoyant dans leur pays.

5.2Les auteurs indiquent que les deux époux ont quitté séparément le pays en utilisant des faux passeports, ce qui explique qu’ils n’aient pas été inquiétés. Ils contestent l’affirmation de l’État partie selon laquelle les autorités ne leur reprochent pas d’activités politiques, faisant observer que s’ils ne sont officiellement membres d’aucun groupe, tous deux ont été soupçonnés d’entretenir des relations avec le LTTE. M. S. S. a été soupçonné d’espionnage pour le compte du LTTE et d’être venu à Colombo animé de mauvaises intentions, alors que Mme S. A. a été accusée de travailler pour le compte du LTTE et a été employée à identifier d’éventuels membres du LTTE à des barrages routiers. À ce sujet, les auteurs font valoir que dans le rapport du Ministère des affaires étrangères il est indiqué que les Tamouls soupçonnés de savoir quelque chose sur le LTTE risquent d’être détenus plus d’une semaine.

5.3Au sujet de M. S. S., les auteurs réfutent l’affirmation de l’État partie selon laquelle après avoir été relâché par la police il aurait été libre d’aller où il voulait et selon laquelle la police ne lui aurait porté aucun intérêt particulier, demandant pourquoi - si tel était le cas - il s’était vu imposer l’obligation de se présenter quotidiennement à un poste de police. Les auteurs rejettent l’affirmation de l’État partie selon laquelle, en l’absence de preuves, l’inscription du nom de M. S. S. sur la liste des personnes devant être transférées à la prison de Boosa n’était «pas plausible», une telle conclusion ne pouvant être déduite du simple fait qu’il avait été relâché au bout d’une journée. Les auteurs ajoutent que les déclarations faites antérieurement dans le cadre de la procédure d’asile n’avaient pas été mises en doute ni jugées non plausibles, et qu’aucun complément d’information sur ce point ne leur avait été demandé et donc qu’il n’y avait aucune raison de mettre en doute cette affirmation d’une importance particulière. Pareillement, le fait que le récit des circonstances du décès du père de M. S. S. puisse avoir été consigné de manière erronée dans le procès‑verbal ne permet pas de conclure que cette affirmation n’est pas crédible.

5.4S’agissant du récit de Mme S. A., les auteurs tiennent à souligner qu’elle avait signalé aux autorités avoir été contrainte de travailler pour le LTTE, et que l’affirmation de l’État partie selon laquelle elle ne saurait être considérée comme une activiste du LTTE est dépourvue de fondement. Selon les auteurs, l’État partie ne prend pas en considération le fait qu’il lui a été demandé de servir d’indicatrice et dénoncer des personnes suspectées d’appartenance au LTTE. Pour ce qui est du décès de son oncle, les auteurs soutiennent que même s’ils sont dans l’impossibilité de produire un certificat de décès, rien ne permet de mettre en doute cette information. L’attendu du jugement du tribunal d’arrondissement relatif à la crédibilité de Mme S. A. ne constitue pas selon eux un motif de contester ses déclarations, qui, les auteurs le soulignent, n’ont du reste jamais été mises en doute par l’État partie. C’est pourquoi, sur ce point, le bénéfice du doute devrait être accordé à Mme S. A.

Délibérations du Comité

6.1Avant d’examiner toute plainte contenue dans une communication, le Comité contre la torture doit décider si elle est ou non recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’alinéa a) du paragraphe 5 de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Le Comité note également que tous les recours internes ont été épuisés et que les autres critères de recevabilité sont remplis. En conséquence, le Comité estime recevable la communication. L’État partie et les auteurs ayant formulé des observations sur le fond de la communication, le Comité procède à l’examen quant au fond.

6.2Le Comité doit répondre à la question de savoir si l’expulsion des auteurs vers Sri Lanka constituerait une violation de l’obligation incombant à l’État partie en vertu de l’article 3 de la Convention aux termes duquel aucun État partie n’expulsera, ne refoulera, ni n’extradera une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

6.3Le Comité doit déterminer, comme le prévoit le paragraphe 1 de l’article 3, s’il existe des motifs sérieux de croire que les auteurs risqueraient d’être soumis à la torture s’ils étaient renvoyés à Sri Lanka. Pour prendre cette décision, le Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, conformément au paragraphe 2 de l’article 3, y compris l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Toutefois, le but de cette analyse est de déterminer si les intéressés risqueraient

personnellement d’être soumis à la torture dans le pays où ils seraient renvoyés. L’existence, dans un pays, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison suffisante d’établir qu’une personne donnée serait en danger d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister d’autres motifs qui montrent que l’intéressé serait personnellement en danger. Pareillement, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’un individu ne puisse être considéré comme encourant le risque d’être soumis à la torture dans la situation particulière qui est la sienne.

6.4Le Comité rappelle son Observation générale sur l’application de l’article 3 aux termes de laquelle:

«Étant donné que l’État partie et le Comité sont tenus de déterminer s’il y a des motifs sérieux de croire que l’auteur risque d’être soumis à la torture s’il est expulsé, refoulé ou extradé, l’existence d’un tel risque doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de montrer que le risque encouru est hautement probable» (A/53/44, annexe IX, par. 6).

6.5Dans le cas à l’examen, le Comité note que les demandes des auteurs ont fait l’objet d’un examen approfondi et qu’ils ont bénéficié de nombreuses occasions de contribuer à l’établissement du dossier officiel et de le corriger, la procédure d’investigation étant mise en œuvre par une commission consultative autonome avec réexamen par l’autorité judiciaire. Le Comité note que l’État partie a insisté sur le fait que les différentes autorités concernées avaient mis en évidence dans les récits des auteurs un certain nombre d’incohérences et de contradictions qui faisaient peser un doute sur la véracité de leurs dires. Le Comité prend note également des explications apportées par les auteurs sur ce point.

6.6Le Comité estime que les auteurs ne sont pas parvenus à établir solidement que la conclusion d’ensemble formulée par les autorités de l’État partie à l’issue de leur évaluation, à savoir qu’à Colombo la probabilité pour les Tamouls appartenant à un groupe à «risque élevé» d’être soumis à la torture n’était pas grande au point que le groupe dans son ensemble encourait un risque substantiel d’être soumis à pareille pratique, était arbitraire ou à tout autre égard déraisonnable. Les auteurs ne sont pas davantage parvenus à mettre en évidence la moindre inexactitude dans la conclusion de l’État partie selon laquelle la situation à Sri Lanka n’est pas telle que pour les Tamouls en général - même ceux du nord du pays - des motifs sérieux existent de croire qu’ils risquent d’être soumis à la torture en cas de rapatriement.

6.7S’agissant de la situation particulière des auteurs, le Comité considère que la captivité imposée aux auteurs ne permet pas de distinguer leurs cas de ceux de nombreux autres Tamouls ayant subi une pareille expérience, et en particulier que les auteurs ne démontrent pas que leur détention s’est accompagnée d’actes de torture ou autres circonstances susceptibles de faire craindre un risque réel de torture à l’avenir. Eu égard à ces circonstances, le Comité considère que les auteurs ne sont globalement pas parvenus à démontrer que leur appartenance à un groupe particulier et/ou spécifiquement leur situation particulière les exposeraient à un risque personnel, réel et prévisible d’être soumis à la torture s’ils étaient renvoyés à Sri Lanka à l’heure actuelle.

6.8Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, estime que la décision de l’État partie de renvoyer les auteurs à Sri Lanka ne fait apparaître aucune violation de l’article 3 de la Convention.

Notes

8. Communication n° 144/1999

Présentée par:A. M. (nom supprimé)

au nom de:L’auteur

État partie:Suisse

Date de la communication:12 août 1999

Le Comité contre la torture, institué conformément à l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 14 novembre 2000,

Ayant achevé l’examen de la Communication n° 144/1999 présentée au Comité contre la torture en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication, son conseil et l’État partie,

Adopte la décision suivante:

1.1L’auteur de la communication est M. A. M., né en 1974 et originaire du Tchad. Il vit actuellement en Suisse où il a demandé l’asile le 19 octobre 1998. Cette demande ayant été rejetée, il prétend que son rapatriement forcé vers le Tchad constituerait une violation par la Suisse de l’article 3 de la Convention contre la torture.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a porté la communication à l’attention de l’État partie le 4 octobre 1999. Dans le même temps, le Comité, agissant en vertu du paragraphe 9 de l’article 108 de son règlement intérieur, a demandé à l’État partie de ne pas expulser l’auteur vers le Tchad tant que sa communication serait en cours d’examen. Le 26 novembre 1999, l’État partie a informé le Comité que des mesures avaient été prises pour faire en sorte que l’auteur ne soit pas renvoyé vers le Tchad tant que sa communication serait pendante devant le Comité.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur est informaticien de formation. Actif dans la Ligue tchadienne des droits de l’homme (LTDH), il était en outre vice-président d’une des composantes de l’Alliance nationale de résistance (ANR) et a assuré la vice-présidence de l’Union des jeunes révolutionnaires (UJR) en l’absence de son président durant un an et demi. À l’issue de cette période, l’auteur fut dénoncé aux forces de sécurité comme suite à l’infiltration d’agents.

2.2Le 16 septembre 1998, des militaires se sont présentés au domicile de l’auteur en son absence. Ce dernier fut conseillé par un ami agent de police de quitter sa maison. Alors que les militaires tentaient une nouvelle visite à son domicile pendant la nuit, l’auteur était réfugié chez sa mère. Cette dernière tentative décida l’auteur à quitter le pays.

2.3L’auteur demanda l’asile en Suisse, mais sa demande fut rejetée. Il aurait alors été obligé par les autorités suisses de prendre contact avec l’Ambassade du Tchad en France afin d’organiser son retour. Les fonctionnaires de l’Ambassade auraient refusé une telle demande, ne pouvant garantir la sécurité de l’auteur, à moins que ce dernier ne déclare expressément renoncer à l’opposition et se rallier au régime en place.

Teneur de la plainte

3.L’auteur avance que, étant connu par les services de sécurité de son pays, son retour au Tchad l’exposerait à de sérieux risques de mauvais traitements. Il considère qu’il est suffisamment établi aujourd’hui, notamment par la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), que les droits de l’homme sont violés de façon massive dans ce pays. En outre, la Commission suisse de recours en matière d’asile a elle‑même reconnu que les membres de la Ligue tchadienne des droits de l’homme, comme l’auteur, risquent de sérieuses difficultés avec la sécurité tchadienne. Trois militants de la Ligue ont disparu depuis qu’ils furent arrêtés en avril 1998 par les forces de sécurité soudanaises et livrés aux autorités tchadiennes.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le bien-fondé de la communication

4.1L’État partie n’a pas contesté la recevabilité de la communication et, dans une lettre du 4 avril 2000, a formulé des observations sur son bien­fondé.

4.2L’État partie rappelle tout d’abord que l’existence, dans un pays, d’un ensemble de violations massives, flagrantes ou systématiques des droits de l’homme ne constitue pas en soi un motif suffisant pour conclure qu’une personne risquerait, en cas de retour dans ce pays, d’être soumise à la torture. Il faut qu’il existe en outre des motifs qui permettent de penser que l’auteur serait personnellement en danger.

4.3En l’espèce, l’État partie estime que le risque allégué par l’auteur n’est pas suffisamment avéré. L’auteur n’a expliqué le contenu de ses activités politiques qu’en termes généraux et vagues. Ainsi, lors de la première audition de sa procédure d’asile, l’auteur n’a pu donner les noms des organisations au sein desquelles il était engagé. Il a en outre donné des informations erronées sur la LTDH et produit une attestation du représentant de l’ANR n’apportant aucune précision par rapport aux fonctions de l’auteur au sein de l’ANR et une carte de membre comportant une date d’adhésion ne correspondant pas avec celle dont il avait fait part aux autorités suisses. En outre, l’État partie possédait des informations selon lesquelles l’ANR n’était pas connue comme mouvement d’opposition au Tchad.

4.4L’État partie considère également que le récit de l’auteur n’est pas crédible. À propos des recherches dont il a fait l’objet de la part des militaires, il est en effet inimaginable que ces derniers, s’ils voulaient réellement l’appréhender, ne se soient pas rendus sur le lieu de travail de l’auteur, dans la mesure où il a déclaré s’y rendre, même après la visite des militaires chez lui, ou au domicile de sa mère.

4.5L’État partie se réfère également à l’Observation générale du Comité sur l’article 3 selon laquelle le Comité doit accorder un poids considérable aux conclusions des organes de l’État partie en ce qui concerne les faits de la communication, et souligne que cette dernière se limite à une page.

4.6L’État partie relève que, contrairement à ce qui a été déclaré par l’auteur, l’ANR a ses bases arrière au Soudan et en République centrafricaine et sa zone d’opération se situe à l’est du Tchad, comme cela est d’ailleurs confirmé par des documents qui ont été produits par l’auteur lui-même. Il soulève également que l’auteur avait une fois prétendu être poursuivi car il avait incité des jeunes à la révolte, et une autre fois à cause de «mouchards» infiltrés tantôt dans l’ANR tantôt dans l’Union de jeunesse.

4.7Par rapport à son comportement après les prétendues tentatives d’arrestation et son itinéraire de fuite, l’État partie considère que les déclarations de l’auteur sont également peu crédibles. L’auteur s’est ainsi rendu à son travail pendant les trois ou quatre jours (selon les auditions) qui ont précédé son départ, ce qui ne peut se concevoir pour une personne recherchée. En outre, il a choisi, en traversant tout le Tchad et la Libye, l’itinéraire le plus long et le plus compliqué pour rejoindre l’Europe, alors que deux de ses frères résident au Cameroun et qu’il était spécialisé dans le passage de clandestins vers le Nigéria.

4.8L’État partie précise également que l’auteur n’a jamais prétendu avoir été torturé dans le passé ou prétendu que des membres de sa famille avaient été inquiétés en raison de ses activités et n’a pas poursuivi ses activités politiques depuis son arrivée en Suisse.

4.9Par rapport à la présente communication, l’État partie relève que l’auteur fait, pour la première fois, référence à l’Union des jeunes révolutionnaires et à sa position de vice-président alors qu’il n’avait jusque‑là parlé que du Parti révolutionnaire du Tchad, la «composante» de l’ANR à laquelle il fait allusion n’étant d’ailleurs pas clairement identifiée. Quant à son appartenance à la LTDH, outre la carte de membre de complaisance dont il a été fait mention plus haut, la Commission suisse de recours en matière d’asile a bien précisé que cet élément ne suffisait pas pour démontrer les risques de torture. Enfin, en ce qui concerne le refus par l’Ambassade du Tchad en France de lui délivrer des documents de voyage nécessaires, l’État partie fait remarquer que la lettre de cette dernière ne contient aucune information par rapport au sort réservé à l’auteur à son retour au Tchad et précise uniquement que les autorités françaises sont dans l’impossibilité de lui fournir de tels documents. En outre, si l’auteur était réellement recherché au Tchad, il est probable que les autorités tchadiennes l’auraient plutôt encouragé à rentrer dans son pays.

Commentaires de l’auteur

5.1Par une lettre du 20 mai 2000, l’auteur a formulé ses remarques par rapport aux observations de l’État partie sur le bien‑fondé de la communication.

5.2L’auteur attire tout d’abord l’attention du Comité sur le fait que la situation des droits de l’homme au Tchad n’a fait que se dégrader depuis 1994 et illustre cette affirmation par différents documents et articles de presse. Ayant appartenu à la LTDH, à l’ANR et à l’UJR, il est certain que, s’il devait être arrêté, l’auteur serait torturé.

5.3En ce qui concerne les observations de l’État partie selon lesquelles il n’a pu citer, lors de sa première audition, le nom des organisations en faveur desquelles il était engagé, l’auteur précise qu’il s’agissait d’une audition particulièrement courte et qu’il n’avait pas été interrogé sur ce point. Les auditions suivantes étaient par contre plus longues et détaillées, si bien que l’auteur a pu à ce moment donner plus de précisions sur ses activités.

5.4A propos de la divergence entre la date d’adhésion à la LTDH qui figure sur sa carte de membre et celle mentionnée dans ses déclarations, l’auteur prétend que l’erreur a été commise sur la carte et qu’il n’a pu obtenir un rectificatif. Il affirme également qu’il a effectivement cité le nom de Me Ngare Ada comme président par intérim de la LTDH.

5.5En ce qui concerne l’ANR, l’auteur s’étonne que l’État partie ne soit pas informé de son existence comme mouvement d’opposition au Tchad et fournit plusieurs articles de presse qui démontrent cette réalité, faisant notamment référence à la table ronde organisée au Gabon en 1996. En outre, l’auteur a constaté qu’une erreur avait été commise dans l’attestation de l’ANR le présentant comme demandeur d’asile aux Pays‑Bas, mais il n’a pu faire rectifier le contenu de ce document.

5.6Au sujet de son itinéraire pour fuir le Tchad, l’auteur estime que la route par la Libye était la moins contrôlée et la plus sûre pour lui. Il précise que la frontière avec le Cameroun est beaucoup mieux gardée et qu’il avait de fortes chances d’y être reconnu.

5.7Enfin, l’auteur ne se souvient pas avoir mentionné qu’il s’était rendu à son travail à partir du moment où les militaires le recherchaient. À ce moment, l’auteur ne pouvait en effet accomplir aucune démarche en personne et c’est son épouse qui a organisé sa fuite du pays.

Délibérations du Comité

6.1Avant d’examiner toute plainte contenue dans une communication, le Comité contre la torture doit décider si elle est ou non recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’alinéa a) du paragraphe 5 de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Dans le cas d’espèce, le Comité note aussi que tous les recours internes sont épuisés et que l’État partie n’a pas contesté la recevabilité. Il estime donc que la communication est recevable. L’État partie et l’auteur ayant chacun formulé des observations sur le fond de la communication, le Comité procède à l’examen quant au fond.

6.2Le Comité doit se prononcer sur le point de savoir si le renvoi de l’auteur vers le Tchad violerait l’obligation de l’État partie, en vertu de l’article 3 de la Convention, de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

6.3Le Comité doit décider, comme le prévoit le paragraphe 1 de l’article 3, s’il existe des motifs sérieux de croire que l’auteur risquerait d’être soumis à la torture s’il était renvoyé au Tchad. Pour prendre cette décision, le Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, conformément au paragraphe 2 de l’article 3, y compris l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Toutefois, le but de cette analyse est de déterminer si l’intéressé risquerait personnellement d’être soumis à la torture dans le pays où il serait renvoyé. Il s’ensuit que l’existence, dans un pays, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison suffisante d’établir qu’une personne donnée serait en danger d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays. Il doit exister d’autres motifs qui donnent à penser que l’intéressé serait personnellement en danger. Par contre, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne puisse pas être soumise à la torture dans la situation particulière qui est la sienne.

6.4Le Comité rappelle son observation générale sur l’application de l’article 3, où on lit ce qui suit: «Étant donné que l’État partie et le Comité sont tenus de déterminer s’il y a des motifs sérieux de croire que l’auteur risque d’être soumis à la torture s’il est expulsé, refoulé ou extradé, l’existence d’un tel risque doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de montrer que le risque encouru est hautement probable» (A/53/44, annexe IX, par. 6).

6.5Dans le cas d’espèce, le Comité note les observations de l’État partie selon lesquelles les déclarations du requérant par rapport aux risques invoqués de torture sont vagues et générales, parfois dénuées de crédibilité, parfois inexactes et parfois contradictoires.

6.6Le Comité constate que l’auteur n’a pas fait mention de persécutions qu’il aurait vécues dans son pays d’origine. Il n’a pas été maltraité ni torturé et il n’a jamais été interrogé ou détenu par les forces de l’ordre.

6.7En outre, le Comité estime que l’auteur n’a ni apporté de preuves irréfutables ni démontré de manière convaincante son appartenance et le contenu de ses activités au sein de l’Alliance nationale de résistance ou de l’Union des jeunes révolutionnaires.

6.8Le Comité considère dès lors que les éléments qui lui ont été présentés ne démontrent pas suffisamment que l’auteur est confronté à un risque prévisible, réel et personnel d’être soumis à la torture en cas d’expulsion vers son pays d’origine

6.9Par conséquent, le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, estime que la décision de l’État partie de renvoyer l’auteur au Tchad ne fait apparaître aucune violation de l’article 3 de la Convention.

9. Communication no 147/1999

Présentée par:Y. S. (nom supprimé)[représenté par un conseil]

Au nom de:L’auteur

État partie:Suisse

Date de la communication:7 octobre 1999

Le Comité contre la torture, institué conformément à l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 15 mai 2001,

Ayant achevé l’examen de la communication no 147/1999 présentée au Comité contre la torture en vertu de l’article 22 de la Convention,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte la décision suivante:

1.1L’auteur de la communication est M. Y. S., citoyen turc d’origine kurde, né le 7 juin 1953, domicilié actuellement en Suisse où il a demandé l’asile le 18 juin 1998. Cette demande ayant été rejetée, il soutient que son rapatriement forcé vers la Turquie constituerait une violation par la Suisse de l’article 3 de la Convention. Il est représenté par un conseil.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a porté la communication à l’attention de l’État partie, le 21 octobre 1999. Dans le même temps, le Comité, agissant en vertu du paragraphe 9 de l’article 108 de son règlement intérieur, a demandé à l’État partie de ne pas expulser l’auteur vers la Turquie tant que sa communication serait en cours d’examen. Le 14 décembre 1999, l’État partie a informé le Comité que des mesures avaient été prises pour faire en sorte que l’auteur ne soit pas renvoyé vers la Turquie tant que sa communication serait examinée par le Comité.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur et Mme S., ressortissants de la Turquie, d’origine kurde, se sont mariés en 1977 et ont habité depuis dans leur maison à Elazig, une ville située au sud-est de la Turquie. L’auteur possédait alors deux magasins d’appareils électriques, l’un situé à Elazig et l’autre à Pertek, un quartier de la ville de Tunceli où l’auteur a grandi. En 1991, l’auteur a fermé le magasin de Pertek et, à la fin de 1994, celui d’Elazig en raison d’un harcèlement continu de la part de la police.

2.2Depuis les années 80, l’auteur sympathisait en effet activement avec un parti kurde à tendance de gauche appelé PSK (Parti socialiste du Kurdistan) qui publiait un journal nommé Oezg.rl.k.Yolu.; l’auteur lisait et vendait ledit journal, dont le nom a souvent changé parce qu’il a été régulièrement interdit. En même temps, l’auteur était activiste de l’Association turque des droits de l’homme (IHD).

2.3Le 21 mars 1993, deux représentants du IHD à Elazig, M. C. et H. K., ont été assassinés. Leurs corps ont été trouvés dans la rue avec des signes évidents de torture, leurs oreilles et leurs yeux ayant notamment été coupés. L’auteur a alors assisté à leurs funérailles.

2.4Jusqu’en 1994, l’auteur a été harcelé à plusieurs reprises par la police à cause de ses opinions et de ses activités politiques. En 1994, le magasin de l’auteur a été contrôlé par la police. Celle‑ci y a trouvé un exemplaire du journal cité plus haut ainsi que d’autres publications du PSK. L’auteur a alors été forcé d’entrer dans un minibus et a été amené les yeux bandés dans un endroit inconnu. Pendant trois jours, l’auteur a été fortement torturé pour qu’il fournisse des informations à la police et qu’il en devienne un collaborateur officieux. Malgré les tortures infligées, l’auteur a refusé de fournir des informations ou de devenir collaborateur informel. Après trois jours, il a été libéré. L’auteur a continué à travailler dans ses magasins malgré le harcèlement continu de la police. À la fin de 1994, il a décidé de fermer son magasin d’Elazig.

2.5Depuis cet événement, l’auteur et sa famille n’ont plus eu de résidence stable. Ils ont vécu dans trois endroits différents: à Kizilkale, où les parents de l’auteur ont une ferme, à Mersin, où ce dernier est propriétaire d’un appartement, et à Elazig, dans un logement dont le propriétaire est un ami et qu’ils ont loué quelques mois après leur fuite.

2.6Au cours d’une nuit d’avril 1996, l’auteur et sa famille dormaient dans leur appartement loué à Elazig quand la police a fait irruption. L’auteur a été battu et amené dans un endroit où il a été torturé physiquement et psychologiquement pendant deux jours et demi. L’auteur a alors accepté de travailler pour la police et cette dernière a consenti à ce qu’il commence à travailler 15 jours plus tard. Une fois libéré, l’auteur s’est caché avec sa famille chez un ami jusqu’à leur départ pour Istanbul. Pendant que la famille était chez ledit ami, le fils aîné de l’auteur, Erhan, 17 ans, alors qu’il se rendait chez son grand‑père, a été arrêté par la police. Celle‑ci l’a informé qu’il ne serait relâché que si son père venait le chercher personnellement. Après en avoir été averti, l’auteur et sa famille sont partis à Istanbul où ils sont restés chez un frère de ce dernier.

2.7Le 4 juin 1996, l’auteur, sa femme et son autre fils ont quitté Istanbul et sont arrivés, via Milan, illégalement en Suisse le 5 juin 1996, tous en possession de leurs passeports.

2.8Le jour de leur arrivée en Suisse, l’auteur et sa famille ont déposé une demande d’asile. Celle‑ci a été rejetée par l’Office fédéral des réfugiés (ODR), le 27 mai 1998. L’auteur avance notamment qu’à l’appui de la décision lui refusant la qualité de réfugié, l’ODR a objecté qu’il avait donné des informations contradictoires concernant sa résidence entre 1994 et 1996. L’auteur a alors introduit un recours contre cette dernière décision qui a été rejeté le 3 août 1999 au motif que ses allégations n’étaient pas convaincantes. Dans ce recours, l’auteur demandait un deuxième examen médical qui lui a été refusé.

2.9L’auteur déclare qu’il est arrivé en Suisse traumatisé à cause des tortures qu’il a subies. Il a commencé un traitement médical le 9 juillet 1996 et il lui a également été conseillé de suivre un traitement psychologique. Le 8 avril 1997, les docteurs ont envoyé un rapport à l’ODR selon lequel l’auteur devrait être hospitalisé pendant trois semaines en raison de douleurs dans la colonne vertébrale. Le 18 avril 1997, un rapport psychiatrique demandé par l’ODR constatait que l’auteur souffre du syndrome de «stress post‑traumatique».

Teneur de la plainte

3.L’auteur déclare qu’en cas de refoulement vers la Turquie, il serait arrêté, serait à nouveau victime d’actes de torture, et ferait éventuellement l’objet d’une exécution extrajudiciaire.

Observations de l’État partie

4.1Dans une note verbale du 14 décembre 1999, l’État partie déclare ne pas contester la recevabilité de la communication.

4.2Par rapport au bien‑fondé de la communication, l’État partie explique que la Commission suisse de recours en matière d’asile (CRA) a considéré que les allégations de l’auteur portant sur la période de 1994 jusqu’à sa nouvelle arrestation de 1996 ne sont pas crédibles puisque le requérant ne se trouvait plus à Elazig après 1994. De plus, il est difficile de croire que l’auteur se serait caché chez un de ses amis, T. K., car celui‑ci était particulièrement exposé politiquement et sa ligne téléphonique était sous la surveillance des forces de sécurité turques. D’après l’ODR, il n’y a pas de lien de causalité entre, d’une part, l’éventuelle arrestation de l’auteur en 1993 et, d’autre part, son départ de la Turquie en 1996.

4.3Par ailleurs, l’État partie souligne que la CRA, contrairement à l’ODR, considère que les allégations relatives à l’arrestation de l’auteur et à sa torture postérieure manquent également de crédibilité. Des doutes sérieux existent par rapport au fait que l’auteur ait pu poursuivre ses activités commerciales pendant une période de 18 mois après avoir été arrêté et torturé si l’on tient compte de l’efficacité de la répression des forces de sécurité turques.

4.4De même, l’État partie signale que l’examen médical qui avait été fait sur l’auteur ne faisait que reprendre telles quelles les affirmations de l’auteur pour expliquer les causes des troubles dont il souffrait, sans les remettre en question. C’est la raison pour laquelle la CRA a refusé l’octroi d’un nouvel examen médical.

4.5De l’avis de l’État partie, les éléments présentés par l’auteur dans sa communication n’apportent rien de nouveau à ceux présentés aux autorités suisses. Bien au contraire, dans sa communication, il prétend qu’il aurait été torturé non pas en 1993 mais en 1994. Or, lors de la procédure interne, il a répété maintes fois que les événements se seraient bien déroulés en 1993, au plus tard, en juillet.

4.6D’une manière générale, l’État partie fait entièrement siens les motifs retenus par la CRA à l’appui de sa décision rejetant la demande d’asile de l’auteur.

4.7Sous l’angle de l’article 3 de la Convention, l’État partie précise que selon la jurisprudence du Comité, cette disposition n’offre aucune protection à l’auteur qui allègue simplement craindre d’être arrêté à son retour dans son pays.

4.8L’État partie met en doute la vraisemblance de certains éléments auxquels l’auteur n’a fait référence que dans sa communication, tels que le nom et l’adresse de l’ami chez qui il aurait trouvé refuge. En outre, l’auteur a donné cette information au Comité sous le sceau de la confidentialité et à condition que les autorités suisses n’entreprennent aucune démarche pour en vérifier l’authenticité. Or, il aurait pu fournir cette information aux autorités suisses sous les mêmes conditions.

4.9L’État partie précise que les enquêtes menées par l’Ambassade de Suisse à Ankara ont démontré que l’auteur de la communication n’était pas recherché par la police. Il n’existe à son égard aucune fiche dans les registres de la police pour des éventuelles activités criminelles ou politiques. Par ailleurs, c’est à la suite des investigations de l’ambassade que l’auteur a dû admettre qu’il possédait une habitation à Mersin, fait qu’il avait tout d’abord caché aux autorités suisses.

4.10Au sujet des certificats médicaux, l’État partie considère qu’ils ne suffisent pas pour éliminer les contradictions et les invraisemblances contenues dans les allégations de l’auteur. La CRA n’a nullement été convaincue que les troubles post‑traumatiques dont il prétend souffrir étaient la conséquence d’actes de torture qu’il aurait subis. Dans ce contexte, il faut souligner que l’auteur de l’examen médical était en même temps le thérapeute et celui qui a établi le rapport en qualité d’expert.

4.11À l’exception de la prétendue arrestation de son fils aîné, en avril 1996, l’État partie considère que l’auteur n’a jamais fait valoir que des membres de sa famille ou des membres de la famille de son épouse auraient été recherchés ou intimidés par les autorités turques, ou encore moins arrêtés ou torturés. Cet élément laisse penser que l’auteur et sa famille ne courent donc aucun risque d’être arrêtés ou torturés en cas de retour en Turquie.

4.12De même, l’auteur n’a jamais fait valoir qu’il aurait eu des activités qui auraient pu être bénéfiques au PSK. Il n’en était pas un membre mais un simple sympathisant et, même en cette qualité, l’auteur a reconnu n’avoir jamais distribué de brochures pour ce parti.

4.13Enfin, l’État partie considère que les explications de l’auteur concernant les modalités de son départ de Turquie avec sa famille sont sujettes à caution. La CRA a estimé qu’il était peu probable qu’une personne recherchée par la police puisse quitter la Turquie à partir de l’aéroport d’Istanbul sans être inquiétée. Tenant compte des contrôles de sécurité extrêmement sévères qui sont opérés dans cet aéroport, il est vraisemblable qu’un faux passeport, ou un passeport falsifié, aurait été repéré. Par ailleurs, l’État partie considère que l’argument selon lequel les passeports étaient en possession d’un tiers n’est pas crédible.

4.14Dès lors, l’État partie estime que les déclarations de l’auteur ne permettent pas de conclure qu’il existe des motifs sérieux de penser, conformément au premier paragraphe de l’article 3 de la Convention, que l’auteur serait exposé à la torture si la décision de renvoi vers la Turquie devait être exécutée.

Commentaires de l’auteur

5.1Par une lettre du 14 juillet 2000, l’auteur a fourni ses commentaires relatifs aux observations de l’État partie.

5.2En ce qui concerne la date de la première arrestation, il est avancé que le conseil de l’auteur admet avoir lui‑même confondu les dates, probablement en raison du fait que l’auteur les avait également confondues lors de la deuxième interrogation. Néanmoins, et tout en clarifiant qu’il s’agissait de l’année 1993, l’auteur rappelle que la première arrestation n’a pas été mise en cause par les autorités suisses.

5.3En ce qui concerne ses activités au sein du PSK, l’auteur tient à clarifier que lors de sa deuxième interview, il avait signalé qu’il partageait les idées du parti et qu’il soutenait ce dernier, mais qu’il n’y jouait pas un rôle actif. Par ailleurs, l’auteur précise qu’il a distribué le journal du parti de façon limitée. Finalement, l’auteur rappelle qu’il a été arrêté en 1993 parce que lesdits journaux avaient été trouvés dans son appartement et qu’il avait été accusé d’avoir distribué des brochures.

5.4L’auteur rappelle que dans son recours devant la CRA, il était prêt à donner le nom et l’adresse de son ami à condition que cette information ne soit pas utilisée par l’Ambassade suisse pour faire des recherches sur leur relation.

5.5En ce qui concerne les recherches effectuées par les autorités suisses en Turquie, l’auteur estime qu’il est impossible qu’une organisation relative à la sécurité en Turquie puisse fournir de telles informations à la Suisse. Quant à l’appartement de Mersin, l’auteur n’avait pas considéré cette information comme assez importante. D’ailleurs, il n’est pas correct de dire qu’ils avaient déménagé complètement d’Elazig pour aller vivre à Mersin, comme les autorités suisses l’ont prétendu. Donc, on ne peut pas dire que l’auteur n’a pas pu être arrêté à Elazig.

5.6Au sujet de la véracité de l’examen médical effectué par le docteur M., si l’ODR n’a pas contesté la véracité des tortures en 1993, l’auteur se demande pourquoi l’on devrait exclure qu’il soit toujours traumatisé par lesdites tortures, tout en sachant qu’il avait été forcé à rester debout dans l’eau gelée et que ses doigts avaient été pressés avec des tenailles. Par ailleurs, le fait que le docteur M. ait nommé le rapport «rapport d’expert» était dû à la demande de l’ODR. Néanmoins, l’État partie n’a nullement fourni de renseignements quant à la forme que le rapport doit avoir. De même, le diagnostic psychiatrique des troubles post‑traumatiques ne dépend pas de signes objectifs mesurables. Dans toute procédure judiciaire, si l’on n’est pas satisfait du rapport médical, on doit demander un deuxième rapport.

5.7De l’avis de l’État partie, les frères de l’auteur n’ont pas été persécutés à Istanbul et à Izmir à cause de lui. De plus, l’État partie considère que l’auteur et sa famille pourraient retourner en Turquie sans rencontrer de problèmes. Or, l’arrestation du fils aîné de l’auteur n’est pas contestée. À ce sujet, l’auteur soutient que ses frères et sœurs vivent à Istanbul et qu’il avait peu de contact avec eux, et qu’au surplus, ils étaient trop loin d’Elazig pour pouvoir donner des renseignements le concernant. Quant au fils aîné de l’auteur, il ne vit plus à Elazig depuis que l’auteur se trouve en Suisse. L’année de son départ, il a déménagé à Istanbul pour vivre avec sa famille.

5.8Concernant le fait que l’État partie conteste que l’auteur ne collabore plus avec le PSK depuis son arrivée en Suisse, l’auteur affirme que le PSK est très actif en Suisse, notamment à Lausanne et à Bâle, mais pas à Berne où il vit. Néanmoins, l’auteur assiste régulièrement aux réunions.

5.9En ce qui concerne les doutes que l’État partie éprouve vis‑à-‑vis du fait que l’auteur ait vécu chez un ami qui travaillait pour le PKK, l’auteur soutient que son ami avait parfaitement caché ses activités aux forces de sécurité. Néanmoins, ces dernières avaient rendu visite à M. K. pour éviter qu’il ne participe à certaines activités. M. K. était assez vieux et il est décédé en 1999.

Délibérations du Comité

6.1Avant d’examiner toute plainte contenue dans une communication, le Comité contre la torture doit décider si elle est ou non recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’alinéa a du paragraphe 5 de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Dans le cas d’espèce, le Comité note aussi que tous les recours internes sont épuisés et que l’État partie n’a pas contesté la recevabilité. Il estime donc que la communication est recevable. L’État partie et l’auteur ayant chacun formulé des observations sur le fond de la communication, le Comité procède à l’examen quant au fond.

6.2Le Comité doit se prononcer sur le point de savoir si le renvoi de l’auteur vers la Turquie violerait l’obligation de l’État partie, en vertu de l’article 3 de la Convention, de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

6.3Le Comité doit déterminer, comme le prévoit le paragraphe 1 de l’article 3, s’il existe des motifs sérieux de croire que l’auteur risquerait d’être soumis à la torture s’il était renvoyé en Turquie. Pour prendre cette décision, le Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, conformément au paragraphe 2 de l’article 3, y compris l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Toutefois, le but de cette analyse est de déterminer si l’intéressé risquerait personnellement d’être soumis à la torture dans le pays où il serait renvoyé. Il s’ensuit que l’existence, dans un pays, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison suffisante d’établir qu’une personne donnée serait en danger d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays. Il doit exister d’autres motifs qui donnent à penser que l’intéressé serait personnellement en danger. Pareillement, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne puisse pas être soumise à la torture dans la situation particulière qui est la sienne.

6.4Le Comité rappelle son Observation générale sur l’application de l’article 3, qui se lit comme suit: «Étant donné que l’État partie et le Comité sont tenus de déterminer s’il y a des motifs sérieux de croire que l’auteur risque d’être soumis à la torture s’il est expulsé, refoulé ou extradé, l’existence d’un tel risque doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de montrer que le risque encouru est hautement probable» (A/53/44, annexe IX, par. 6).

6.5Le Comité note que l’examen médical produit par l’auteur a démontré l’existence de troubles post‑traumatiques.

6.6Cependant, le Comité constate que d’importants aspects du récit de l’auteur ne semblent pas plausibles, en particulier la description des activités qu’il a eues après qu’il ait prétendu avoir été soumis à la torture en 1993, et les circonstances entourant sa fuite de 1996. Le Comité rappelle qu’il appartient à l’auteur de soumettre des preuves suffisantes pour démontrer qu’il risquerait personnellement d’être soumis à la torture s’il devait rentrer en Turquie. Dans cette mesure, le Comité a pris en considération l’information fournie par l’État partie relative aux enquêtes diligentées par son Ambassade à Ankara indiquant qu’il n’y avait pas de raison de croire qu’il serait arrêté s’il retournait en Turquie. Dans ces circonstances, le Comité ne peut pas conclure qu’il y a des raisons de croire que l’auteur sera exposé à un risque personnel de torture s’il doit rentrer en Turquie.

6.7Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, estime que le renvoi de l’auteur en Turquie ne ferait apparaître aucune violation de l’article 3 de la Convention.

Note

10. Communication no 149/1999

Présentée par:A. S. (nom supprimé)(représentée par un conseil)

Au nom de:L’auteur

État partie:Suède

Date de la communication:6 novembre 1999

Le Comité contre la torture, institué conformément à l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 24 novembre 2000,

Ayant achevé l’examen de la communication no 149/1999 présentée au Comité contre la torture en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication, son conseil et l’État partie,

Adopte ses constatations au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention.

1.1L’auteur de la communication est A. S., de nationalité iranienne, qui réside actuellement avec son fils en Suède, où elle demande le statut de réfugié. L’auteur et son fils sont arrivés en Suède le 23 décembre 1997 et ont déposé une demande de statut de réfugié le 29 décembre 1997. Mme S. affirme qu’elle risque d’être torturée et exécutée si elle rentre en Iran, et que son renvoi dans ce pays constituerait donc une violation par la Suède de l’article 3 de la Convention. L’auteur est représentée par un conseil.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a porté la communication no 149/1999 à l’attention de l’État partie le 12 novembre 1999, et lui a demandé, en vertu du paragraphe 9 de l’article 108 de son règlement intérieur, de ne pas expulser l’auteur vers l’Iran tant que sa communication serait en cours d’examen. Le 12 janvier 2000, l’État partie a informé le Comité que l’auteur ne serait pas renvoyée vers son pays d’origine tant que sa communication serait examinée par le Comité.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur déclare qu’elle n’a jamais eu d’activités politiques en Iran. En 1981, son mari, qui était officier supérieur de l’armée de l’air iranienne, a été tué pendant un exercice, dans des circonstances obscures. Il n’a jamais été possible de déterminer si sa mort était accidentelle ou pas. Selon l’auteur, elle‑même et son mari venaient de familles de mentalité laïque, opposées au régime des mollahs.

2.2En 1991, le Gouvernement iranien a proclamé martyr le défunt mari de l’auteur. L’auteur affirme que le martyre a une importance suprême pour les musulmans chiites d’Iran. Toutes les familles de martyrs sont secourues et surveillées par une fondation, la Fondation pour les martyrs ‑ la Bonyad ‑e Shahid  ‑ qui est une institution puissante de la société iranienne. L’auteur affirme que, si ses conditions de vie matérielles et son statut social, et ceux de ses deux fils, se sont considérablement améliorés, elle a dû se soumettre aux règles rigides de la société islamique encore plus scrupuleusement qu’auparavant. L’un des objectifs de la Bonyad ‑e Shahid était de convaincre les veuves de martyr de se remarier, ce à quoi l’auteur s’est toujours refusée.

2.3L’un des dirigeants de la Bonyad ‑e Shahid, le grand ayatollah Rahimian, a finalement forcé l’auteur à l’épouser à la fin de 1996, en proférant des menaces contre elle et ses enfants, dont le plus jeune était handicapé. L’ayatollah était un homme puissant, et il avait la loi pour lui. L’auteur soutient qu’elle a été forcée de contracter un mariage dit «sighe» ou «mutah», c’est‑à‑dire un mariage temporaire, contracté dans son cas pour une année et demie, dont la valeur légale n’est reconnue que par les musulmans chiites. Elle n’était pas tenue de vivre avec son mari, mais elle devait être sexuellement à sa disposition. Le système des mariages sighe ou mutah semble reposer sur des obligations fixées uniquement par l’homme.

2.4En 1997, l’auteur a rencontré un chrétien, dont elle est tombée amoureuse. Le couple se voyait en secret au domicile de l’homme, à Agdasiye, dans le quartier nord de Téhéran, puisque l’auteur n’avait pas le droit d’avoir de relations ni de se marier avec un chrétien. Une nuit, alors que l’auteur n’avait pas pu trouver de taxi, l’homme l’a raccompagnée chez elle en voiture. Ils ont été arrêtés à un barrage par les Pasdaran (gardiens de la révolution iranienne) qui ont fouillé la voiture. Lorsqu’ils ont compris que l’homme était chrétien et que l’auteur était veuve d’un martyr, ils les ont emmenés tous deux en garde à vue au commissariat de police d’Ozghol, dans le quartier Lavison de Téhéran. Selon l’auteur, elle n’a pas revu cet homme depuis lors mais, après son arrivée en Suède, elle aurait appris qu’il avait reconnu l’adultère sous la torture, et qu’il aurait ensuite été emprisonné et condamné à mort par lapidation.

2.5L’auteur affirme qu’elle a été brutalement interrogée par les soeurs Zeinab, équivalent féminin des Pasdaran, qui enquêtent sur les femmes suspectes de «comportement non conforme à l’Islam», et informée que son affaire était portée devant le tribunal révolutionnaire. Lorsqu’il est apparu que l’auteur était non seulement veuve de martyr, mais aussi épouse sighe d’un puissant ayatollah, son mari a été averti par les Pasdaran. L’auteur a été ramenée au domicile de l’ayatollah, et celui‑ci l’a battue brutalement pendant cinq à six heures pour lui faire admettre son adultère. Au bout de deux jours, elle a été autorisée à partir, et l’ayatollah a usé de son pouvoir pour faire cesser les poursuites devant le tribunal révolutionnaire.

2.6L’auteur indique que, avant ces événements, elle avait, au prix de certaines difficultés, obtenu un visa pour rendre visite à sa belle‑sœur en Suède. Le voyage était prévu pour le lendemain du jour où elle avait quitté le domicile de l’ayatollah. Selon les renseignements qu’elle a fournis, l’auteur avait prévu de poursuivre son voyage de Suède au Canada, où elle espérait émigrer avec son amant, car celui‑ci avait de la famille dans ce pays, notamment un fils. Elle avait quitté l’Iran sans difficulté, en compagnie de son fils cadet, avec un passeport valide et le visa qu’elle avait obtenu auparavant.

2.7L’auteur et son fils sont arrivés en Suède le 23 décembre 1997, et ils ont demandé l’asile le 29 décembre 1997. Le Conseil suédois de l’immigration a rejeté la demande de l’auteur le 13 juillet 1998. La Commission de recours des étrangers l’a déboutée le 29 octobre 1999.

2.8L’auteur affirme que, après avoir quitté l’Iran, elle y a été condamnée à mort par lapidation pour adultère. L’ayatollah a pris contact avec sa belle‑sœur en Suède, et lui a dit que l’auteur avait été reconnue coupable. Elle a aussi appris que les autorités avaient trouvé dans l’appartement de son ami chrétien des films et des photographies, qui avaient été utilisés comme preuve.

2.9L’auteur appelle l’attention du Comité sur un rapport de l’ambassade de Suède en Iran, où il est dit que le chapitre I de la loi iranienne sur les Hudud «traite de l’adultère, y compris de la prostitution, et de l’inceste, dont la preuve est apportée par un aveu quatre fois répété ou par le témoignage de quatre hommes justes, ou de trois hommes et de deux femmes, qui tous doivent être témoins oculaires. La peine est capitale en cas d’inceste et dans d’autres cas spécifiques, par exemple en cas d’adultère entre un non‑musulman et une femme musulmane. L’adultère est puni de lapidation si la personne adultère est mariée.» Elle souligne encore que, si les règles de preuve relativement strictes ne sont pas remplies, elle peut tout de même être condamnée à mort en vertu des Taazirat de la loi pénale, qui prévoient des règles de preuve plus souples.

2.10L’auteur appelle en outre l’attention du Comité sur les documents qu’elle a présentés à l’appui de sa demande aux autorités d’immigration suédoises, y compris un certificat attestant qu’elle est la femme d’un martyr. Elle joint aussi un certificat médical de l’hôpital psychiatrique de Kungälvs, indiquant qu’elle souffre d’anxiété, d’insomnie, de pensées suicidaires et qu’elle craint fortement pour sa sécurité personnelle si elle est renvoyée en Iran. Le certificat indique que l’auteur souffre de troubles post‑traumatiques, associés à une dépression.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme qu’il existe des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être torturée si elle était renvoyée en Iran. Son renvoi constituerait donc une violation par la Suède de l’article 3 de la Convention. En outre, l’auteur affirme qu’il existe en Iran un ensemble de violations systématiques et graves des droits de l’homme, circonstances qui doivent être prises en considération dans la décision d’expulsion.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Dans sa réponse du 24 janvier 2000, l’État partie déclare qu’à sa connaissance, cette affaire n’a jamais fait l’objet d’une procédure devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. En ce qui concerne la recevabilité de la communication, il explique en outre que, conformément à la loi suédoise sur les étrangers, l’auteur peut à tout moment faire une nouvelle demande de permis de séjour auprès de la Commission de recours des étrangers, sur la base de nouveaux éléments de fait n’ayant pas encore été examinés. Enfin, l’État partie objecte que la communication est irrecevable pour incompatibilité avec les dispositions de la Convention, parce qu’elle est insuffisamment étayée.

4.2Concernant le fond de la communication, l’État partie fait valoir que, pour déterminer si l’article 3 de la Convention est applicable, il y a lieu de tenir compte des considérations suivantes: a) la situation générale des droits de l’homme dans le pays concerné, encore que l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives ne soit pas en soi déterminante, et b) le fait que l’intéressé risque personnellement d’être soumis à la torture dans le pays où il serait renvoyé.

4.3L’État partie connaît les violations des droits de l’homme commises en Iran, y compris les exécutions extrajudiciaires et sommaires, les disparitions, ainsi que l’utilisation généralisée de la torture et autres traitements dégradants.

4.4En ce qui concerne la question de savoir si l’auteur risquerait personnellement d’être soumise à la torture si elle était renvoyée en Iran, l’État partie appelle l’attention du Comité sur le fait que plusieurs dispositions de la loi suédoise sur les étrangers reprennent le principe qui est énoncé au paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention. L’État partie rappelle la jurisprudence du Comité selon laquelle, aux fins de l’article 3, l’individu concerné doit courir un risque prévisible, réel et personnel d’être torturé dans le pays vers lequel il est expulsé. L’État partie renvoie en outre à l’Observation générale du Comité sur l’application de l’article 3, où il est dit que l’existence du risque de torture doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons, sans qu’il soit nécessaire de démontrer que le risque est hautement probable.

4.5L’État partie rappelle que l’auteur de la communication n’a jamais appartenu à aucune organisation politique et qu’elle n’a pas eu d’activités politiques dans son pays. L’auteur affirme qu’elle a été condamnée à la lapidation par un tribunal révolutionnaire, condamnation qui, selon elle, serait exécutée si elle était renvoyée en Iran. L’État partie indique qu’il s’en remet à l’analyse des faits et des preuves et à l’appréciation de la crédibilité de l’auteur faites par le Conseil suédois de l’immigration et la Commission des recours des étrangers lorsqu’ils ont examiné la plainte de l’auteur.

4.6Dans sa décision du 13 juillet 1998, le Conseil suédois de l’immigration a relevé que, alors qu’elle avait bien donné les noms de son mari sighe et de son ami chrétien, l’auteur n’avait pas fourni de renseignements vérifiables sur plusieurs points tels que les numéros de téléphone, adresses et noms des membres de la famille de son ami. Le Conseil de l’immigration a jugé invraisemblable que l’auteur, comme elle le prétendait, ne connaisse pas l’adresse exacte de son ami chrétien, et il a relevé à ce sujet que l’auteur n’avait même pas voulu donner sa propre adresse en Iran.

4.7Le Conseil de l’immigration a aussi noté que l’auteur, au cours de l’enquête initiale, avait déclaré qu’un ami pasdaran lui avait donné des photos de personnes torturées dans la prison d’Evin, qu’elle avait demandées par curiosité. Au cours de l’enquête initiale, elle avait aussi déclaré qu’elle avait donné ces photos à son ami chrétien, sans savoir quel usage il comptait en faire. Le Conseil de l’immigration a jugé que les renseignements fournis par l’auteur à ce sujet manquaient de crédibilité et paraissaient avoir été arrangés comme prétexte pour ne pas révéler des détails vérifiables comme ceux dont il est question plus haut.

4.8Enfin, le Conseil de l’immigration avait mis en doute la crédibilité des dires de l’auteur sur son mariage avec l’ayatollah, sa relation avec son ami chrétien et les problèmes qui en étaient résultés.

4.9Dans sa décision du 29 octobre 1999, la Commission de recours des étrangers a confirmé l’appréciation du Conseil de l’immigration. Elle a en outre renvoyé aux travaux préparatoires de la loi de 1989 sur les étrangers d’où il ressort que l’appréciation de la demande d’un requérant d’asile doit se fonder sur les déclarations du requérant si les affirmations de celui-ci concernant les risques de persécution semblent plausibles et si les faits ne peuvent pas être établis. La Commission a noté que l’auteur avait choisi de fonder sa demande d’asile sur ses seules déclarations, sans fournir aucune preuve écrite pour les étayer, bien qu’on lui eût rappelé l’importance de le faire.

4.10En sus des décisions du Conseil de l’immigration et de la Commission de recours des étrangers, l’État partie renvoie au Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, établi par le HCR, aux termes duquel le demandeur doit: «i) (d)ire la vérité et prêter tout son concours à l’examinateur pour l’établissement des faits» et «ii) (s’)efforcer d’apporter à l’appui de ses affirmations tous les éléments de preuve dont il dispose et expliquer de façon satisfaisante toute absence de preuve. Si besoin est, il doit s’efforcer de fournir des éléments de preuve supplémentaires.» L’État partie rappelle en outre que, selon le Guide du HCR, le demandeur doit avoir le bénéfice du doute. Néanmoins, le bénéfice du doute ne doit s’appliquer que lorsque tous les éléments de preuve disponibles ont été réunis et vérifiés et lorsque l’examinateur est convaincu de manière générale de la crédibilité du demandeur.

4.11Dans la présente affaire, l’État partie rappelle d’abord au Comité que l’auteur a refusé de donner des renseignements vérifiables, et que les raisons qu’elle donne pour agir ainsi ‑ à savoir que son ami lui aurait interdit de le faire et que de nouveaux locataires occuperaient maintenant son appartement à Téhéran ‑ ne sont pas plausibles.

4.12Deuxièmement, l’État partie soutient qu’il paraît invraisemblable que l’auteur, par simple curiosité, ait voulu avoir en sa possession des photographies de personnes torturées. Il paraît encore plus invraisemblable qu’elle ait remis ces photographies à quelqu’un qu’elle ne connaissait que depuis quelques mois. En outre, l’État partie note que, bien que l’auteur affirme que les autorités iraniennes ont en leur possession un film présentant sa dernière rencontre avec son ami, elle n’a pas donné d’informations complémentaires sur ce point.

4.13Le troisième élément qui fait douter de la crédibilité de l’auteur, selon l’État partie, est que l’auteur n’a remis ni copie de jugement ni aucune autre preuve, à l’appui de son affirmation selon laquelle elle aurait été condamnée pour adultère par un tribunal révolutionnaire. Elle n’a pas donné non plus d’explications sur les raisons pour lesquelles sa belle‑sœur n’avait pas pu se procurer le jugement du tribunal révolutionnaire lorsqu’elle s’était rendue en Iran. En outre, l’État partie note que, selon les renseignements dont il dispose, les tribunaux révolutionnaires d’Iran ont compétence pour juger les crimes politiques et religieux, mais non pas des crimes tels que l’adultère. Les crimes «hudud», autrement dit les crimes contre Dieu, y compris l’adultère, relèvent des tribunaux ordinaires.

4.14L’État partie appelle aussi l’attention du Comité sur le fait que l’auteur a quitté Téhéran sans difficulté quelques jours seulement après l’incident qui aurait entraîné son arrestation, ce qui tend à indiquer qu’elle n’intéressait pas les autorités iraniennes au moment de son départ. De plus, l’auteur a prétendu qu’elle avait remis son passeport à son beau‑frère à son arrivée en Suède. Cependant, l’État partie note que le numéro de son passeport est indiqué sur la demande d’asile qu’elle a déposée six jours plus tard. Les explications données à cet égard par le conseil de l’auteur au cours de la procédure suédoise d’examen de la demande d’asile ‑ à savoir que le numéro venait peut‑être d’un séjour antérieur fait par l’auteur en Suède en 1996 ‑ sont peu vraisemblables. Rien dans le dossier de l’auteur n’indique que des documents concernant son séjour antérieur en Suède aient été consultés pendant la procédure de demande d’asile.

4.15L’État partie appelle en outre l’attention du Comité sur le fait que l’auteur n’a invoqué aucun rapport médical à l’appui de sa déclaration selon laquelle elle aurait été battue violemment par l’ayatollah Rahimian quelques jours seulement avant son arrivée en Suède. De plus, selon les renseignements reçus par l’État partie, le chef de la Fondation pour les martyrs, la Bonyad ‑e Shahid, était jusqu’en avril 1999 l’hojatolleslam Mohammad Rahimian, mais celui‑ci n’a pas le rang d’ayatollah.

4.16Enfin, l’État partie ajoute que lorsque la belle‑sœur de l’auteur a demandé l’asile en Suède en 1987, elle avait déclaré que son frère, le premier mari de l’auteur, était mort dans un accident d’avion causé par une défaillance technique, en 1981. Dix ans plus tard, le beau‑frère de l’auteur et sa famille ont également demandé l’asile, en faisant valoir que le mari de l’auteur avait été tué parce qu’il critiquait le régime, et que lui-même et sa famille risquaient donc d’être persécutés s’ils étaient renvoyés en Iran. Le beau‑frère et sa famille avaient été renvoyés en Iran en novembre 1999, et l’État partie déclare n’avoir reçu aucune information indiquant qu’ils aient été maltraités à leur retour.

4.17En s’appuyant sur les arguments qui précèdent, l’État partie maintient que la crédibilité de l’auteur peut être contestée, qu’elle n’a présenté aucune preuve à l’appui de sa demande, et qu’il n’y a donc pas lieu de lui donner le bénéfice du doute. En conclusion, l’État partie considère que l’exécution de l’ordonnance d’expulsion vers l’Iran ne constituerait pas, dans les circonstances de l’espèce, une violation de l’article 3 de la Convention.

Observations du conseil

5.1Dans ses réponses datées des 4 février et 6 mars 2000, l’avocate qui représente l’auteur conteste les arguments de l’État partie qui affirme que l’auteur n’a pas présenté de preuves écrites. Elle déclare que l’auteur a fourni les seules preuves écrites qu’elle pouvait obtenir, à savoir ses papiers d’identité et des documents prouvant qu’elle est la veuve d’un martyr. Elle réaffirme que l’ayatollah a célébré le mariage sighe ou mutah lui‑même, sans témoins et sans contrat écrit. Quant au fait que l’auteur n’a pas fourni aux autorités d’immigration copie du jugement du tribunal, le conseil ajoute qu’elle ne dispose que d’informations de seconde main au sujet du verdict, celui-ci ayant été prononcé après qu’elle eut quitté l’Iran. Elle ne peut donc présenter le texte du jugement. Le conseil conteste en outre que la belle‑sœur de l’auteur aurait dû pouvoir obtenir ce texte lorsqu’elle s’est rendue en Iran. Elle a en effet rompu depuis longtemps toute relation avec l’auteur, à laquelle elle en veut beaucoup d’avoir contracté mariage ou d’avoir eu une relation quelle qu’elle soit avec un autre homme après le décès de son premier mari.

5.2Le conseil reconnaît que des délits comme l’adultère sont jugés par les tribunaux ordinaires. Néanmoins, elle appelle l’attention du Comité sur le fait qu’en Iran les règles en matière de compétence ne sont pas aussi strictes que dans l’État partie par exemple et que le ministère public a la possibilité de choisir le tribunal. En outre, que la veuve d’un martyr aille en voiture, non accompagnée, avec un chrétien doit probablement constituer un «comportement non conforme à l’islam» et, en tant que tel, relever de la compétence du tribunal révolutionnaire. Même s’il n’en était pas ainsi, le conseil rappelle au Comité que l’auteur a seulement été informée qu’un tribunal l’avait condamnée à mort par lapidation. N’étant pas juriste et compte tenu de ce que lui avaient dit les sœurs Zeinab, pendant son interrogatoire, l’auteur a supposé que le jugement avait été prononcé par le tribunal révolutionnaire; cette supposition n’enlève rien à la véracité de ses dires en général.

5.3Le conseil affirme que l’auteur a expliqué de façon crédible pourquoi elle ne pouvait pas ou ne voulait pas donner certaines adresses et certains numéros de téléphone aux autorités suédoises. Premièrement, elle avait promis, par mesure de sécurité, de ne donner le numéro de téléphone de son amant à personne et n’entend pas manquer à sa promesse même sur la demande des autorités d’immigration. C’était toujours le chrétien qui prenait contact avec elle sur le portable qu’il lui avait donné à cette seule fin, et qu’elle a laissé en Iran lorsqu’elle est partie; n’ayant jamais appelé son numéro et n’ayant donné celui-ci à personne, l’auteur ne s’en souvient pas. De surcroît, l’adresse indiquée dans la demande de visa est celle où l’auteur habitait, mais celle-ci a expliqué à maintes reprises qu’il y a maintenant de nouveaux locataires et qu’elle ne veut pas qu’ils aient des ennuis par suite d’investigations des autorités suédoises. Enfin, le conseil souligne que l’auteur a donné des informations détaillées sur le quartier – Aghdasiye – où vivait son amant et qu’elle a maintes fois insisté sur le fait qu’elle n’a jamais su l’adresse exacte, car elle se rendait toujours à ses rendez‑vous secrets en prenant d’abord un taxi jusqu’à Meydon‑e‑Nobonyad, où une voiture venait la prendre pour l’emmener chez son ami chrétien. Enfin, tout ce que l’auteur a jamais su de la famille de cet homme c’est qu’il avait une sœur et un frère vivant en Grande-Bretagne et un fils, né d’un précédent mariage, qui vit au Canada. Elle ne les a jamais rencontrés et n’a jamais demandé leurs noms.

5.4Le conseil souligne que si les autorités suédoises ne jugent pas crédibles les explications de l’auteur c’est parce qu’elles supposent a priori que tout le monde se comporte et pense selon les normes suédoises ou occidentales. Les autorités ne tiennent pas compte du fait qu’en Iran on ne divulgue qu’avec une extrême circonspection des renseignements personnels, surtout à des agents de l’État.

5.5À propos des photos de victimes de la torture que l’auteur affirme avoir remises à son amant, le conseil indique que ce fait ne diminue nullement la crédibilité de l’auteur. Le couple entretenait une relation sérieuse et avait l’intention de se marier et il n’y avait aucune raison que l’auteur ne communique pas ces photos à un homme en qui elle avait une entière confiance. De surcroît, l’auteur n’a jamais prétendu que le fait d’avoir remis les photos en question venait étayer sa demande d’asile ou avait un rapport quelconque avec elle.

5.6Le conseil note que l’État partie fait valoir que l’auteur n’a pas invoqué de certificat médical attestant des dommages corporels résultant des coups infligés par son mari sighe. Elle rappelle au Comité que l’auteur a quitté l’Iran le lendemain et que son principal souci était d’arriver en Suède saine et sauve. En outre, la plupart des femmes iraniennes ont l’habitude de la violence masculine et ne s’attendent pas, ou ne peuvent s’attendre à ce que le système juridique les protège, en dépit des changements positifs qui se sont produits récemment en Iran à cet égard. À titre d’exemple, si une femme iranienne veut signaler un viol, un certificat médical établi par un médecin généraliste n’est pas accepté par les tribunaux et la femme doit être examinée par les médecins attachés au tribunal.

5.7Quant au fait que le numéro du passeport de l’auteur figurait dans sa demande d’asile, alors qu’elle a prétendu s’être débarrassée du passeport à son arrivée en Suède, le conseil fait valoir que rien n’indique dans la demande d’asile que le passeport de l’auteur ait été confisqué par l’agent du Conseil de l’immigration ‑ comme il est de règle pour garantir l’exécution d’une éventuelle mesure d’expulsion ‑, fait qui semble corroborer la version des événements donnée par l’auteur. Par ailleurs, l’auteur a affirmé que, lorsqu’elle a rempli sa demande, elle n’a eu qu’à donner son nom, tous les autres détails nécessaires apparaissant sur un écran d’ordinateur. Cette information a été corroborée par l’agent d’enregistrement du service d’immigration qui a reçu sa demande d’asile: il a fait savoir au conseil que, ces dernières années, une personne ayant obtenu un visa de touriste est enregistrée dans une base de données contenant toutes les informations disponibles à son sujet, dont son numéro de passeport. Des visas de tourisme pour la Suède ayant été accordés deux fois à l’auteur ces dernières années, sa relation des faits semble absolument correcte.

5.8Le conseil note que l’État partie a confirmé que le mari sighe de l’auteur était le Directeur de la Fondation des Martyrs, la Bonyad-e Shahid, ce qui devrait corroborer les affirmations de l’auteur. Il était généralement désigné par le terme «ayatollah» et le fait qu’il n’avait pas réellement le rang d’ayatollah mais celui de hojatolleslam ne devrait pas être retenu contre l’auteur. Le conseil rappelle au Comité qu’il n’y a qu’un petit nombre de véritables ayatollahs, une dizaine, en Iran. La grande majorité des mollahs ont le rang de hojatolleslam. Toutefois, ceux qui ont un certain pouvoir, en particulier un pouvoir politique, sont souvent appelés ayatollah par courtoisie, comme par exemple, l’ayatollah Khamenei qui, de par ses fonctions, devait avoir le rang d’ayatollah mais n’était en fait que hojatolleslam lorsqu’il a été nommé.

5.9Pour ce qui est de l’argument de l’État partie qui objecte que l’auteur a quitté l’Iran sans difficultés, le conseil fait observer qu’il concorde avec la version donnée par l’auteur des évènements qui l’ont incitée à partir. Elle a toujours dit qu’au moment de son départ les autorités iraniennes ne s’intéressaient pas encore à elle puisque son mari sighe avait retiré le rapport des Pasdaran au tribunal révolutionnaire.

5.10Enfin, selon le conseil, ce que les parents du premier mari de l’auteur ont déclaré au sujet des circonstances entourant son décès n’affecte en rien l’argumentation de l’auteur ou sa crédibilité. On notera que l’auteur elle-même n’a jamais dit que son mari avait été assassiné par le régime, mais seulement qu’elle avait des doutes quant aux circonstances de son décès.

5.11À l’appui de ses arguments, le conseil joint un certificat médical daté du 22 novembre 1999 établi par le chef du service psychiatrique de l’hôpital Sahlgrenska, où l’auteur a été hospitalisée après une tentative de suicide. Elle a fait cette tentative après que la police suédoise l’eut emmenée, avec son fils, d’un centre d’accueil pour demandeurs d’asile à un centre de rétention de façon à garantir son expulsion. Le diagnostic était qu’elle souffrait de dépression profonde et envisageait le suicide.

5.12Le conseil joint également une lettre datée du 27 décembre 1999, émanant du principal spécialiste suédois de l’islam, M. Jan Hjärpe, qui confirme les explications données par l’auteur au sujet de l’institution des mariages sighe ou mutah et des sanctions prévues par la loi en cas d’adultère.

5.13Le conseil appelle l’attention du Comité sur le fait que les autorités d’immigration n’ont pas, lorsqu’elles ont étudié le cas de l’auteur, pris en considération la situation des femmes en Iran, la législation en vigueur et la façon dont elle est appliquée, ni les valeurs de la société iranienne. Leur argumentation, qui se fonde presque exclusivement sur le fait que l’auteur n’a pas fourni certains renseignements vérifiables, semble être un prétexte pour rejeter la demande de l’auteur. En conclusion, selon le conseil, les renseignements communiqués par l’auteur montrent qu’il y a des motifs sérieux de croire que, si elle retourne en Iran, elle risque d’être soumise à la torture, et l’auteur a fourni des explications plausibles des raisons pour lesquelles elle ne pouvait pas ou ne voulait pas fournir certains détails.

Observations supplémentaires de l’État partie

6.1Dans sa réponse datée du 2 mai 2000, l’État partie affirme que le Conseil suédois de l’immigration et la Commission de recours des étrangers ont fait procéder à une enquête approfondie sur le cas de l’auteur. Il rappelle au Comité que durant la procédure de demande d’asile, on avait à maintes reprises rappelé à l’auteur qu’il importait de fournir des renseignements vérifiables, mais que celle-ci a choisi de ne pas le faire. L’État partie ne pense pas que les explications qu’elle a données à ce sujet soient convaincantes, réaffirme qu’en principe la charge de la preuve incombe à l’auteur et maintient que la crédibilité de l’auteur est contestable.

6.2Enfin, l’État partie appelle l’attention du Comité sur le fait que l’auteur a affirmé pour la première fois avoir été condamnée à mort pour adultère lors d’un entretien initial, l’interrogatoire initial, en mai 1998. L’État partie estime qu’elle a donc eu amplement le temps de présenter copie du jugement ou d’autres preuves à l’appui de cette affirmation.

Complément d’information de l’État partie et du conseil, demandé par le Comité

7.1Ayant pris note des arguments avancés par l’auteur et par l’État partie au sujet du fond de l’affaire, le Comité a demandé, par des lettres en date du 19 et du 20 juin 2000, un complément d’information aux deux parties.

Réponse du conseil

7.2Dans sa réponse, en date du 1er septembre 2000, l’avocate qui représente l’auteur confirme les renseignements qu’elle a déjà donnés concernant: a) la nature des mariages sighe ou mutah et le fait que le mariage peut très bien se faire sans témoins et sans être enregistré devant un juge si les deux partenaires sont en mesure de célébrer la cérémonie correctement et b) les activités de la fondation Bonyad ‑e Shahid, confirmant que les veuves de martyrs sont présentées, sur des listes et des albums de photographies, aux employés et au directeur de la fondation, aux fins de mariages temporaires. Le conseil confirme ces renseignements en joignant des lettres émanant notamment de l’Association des prisonniers politiques iraniens en exil, du Comité de soutien pour les femmes en Iran et d’un professeur de droit international à l’Université de Stockholm, Said Mahmoodi.

7.3Pour ce qui est de la peine capitale dont l’auteur est menacée, le conseil fait valoir que, malgré tous ses efforts, l’Association des prisonniers politiques iraniens en exil n’a pas réussi à obtenir la preuve que l’amant chrétien de l’auteur avait été incarcéré et que l’un et l’autre avaient été condamnés à mort par lapidation pour adultère. L’Association et d’autres sources affirment qu’il n’est pas possible d’obtenir ce genre de renseignement si l’on ne connaît pas la prison, le tribunal ou le numéro du dossier.

7.4Le conseil joint des lettres et des renseignements provenant de spécialistes du droit islamique qui confirment que la femme sighe est également soumise aux règles concernant l’adultère et qu’elle n’a pas le droit d’avoir des relations sexuelles avec un autre homme que son époux sighe. L’adultère avec un chrétien est puni de mort par lapidation. Le conseil ajoute qu’en théorie la loi exige soit quatre témoins de bonne renommée attestant que l’acte sexuel a bien été commis soit des aveux pour que la lapidation soit ordonnée mais que le mari sighe de l’auteur étant un homme influent, il n’aurait aucun mal à trouver des personnes prêtes à témoigner. D’après des organisations internationales de défense des droits de l’homme, la règle qui oblige à avoir des témoins oculaires est rarement respectée et la lapidation pour adultère est encore fréquemment pratiquée en Iran, malgré des réformes récentes.

7.5L’avocate fait référence aux coups de téléphone reçus par la belle‑sœur de l’auteur (voir par. 2.8) et donne des précisions à ce sujet. Le conseil qui représentait précédemment l’auteur avait dit aux autorités suédoises que la belle‑sœur, qui habitait en Suède, avait été contactée par l’hojatolleslam Rahimian qui lui avait dit que l’auteur avait été reconnue coupable. Le conseil a, depuis, pu parler directement avec la belle‑sœur et affirme que la version correcte des faits est la suivante: peu après l’arrivée de l’auteur en Suède, la belle‑sœur a été contactée par un homme furieux, qui n’a pas décliné son identité mais voulait savoir où se trouvait l’auteur en Suède. Cet homme était agressif et connaissait en détail le passé de l’auteur et disait qu’elle n’avait pas le droit de quitter l’Iran. La belle‑sœur a ajouté qu’elle n’avait jamais vérifié si les tribunaux avaient rendu un jugement quand elle s’était rendue en Iran.

7.6Pour ce qui est du complément d’information demandé par le Comité, le conseil indique que le fils cadet de l’auteur, né en 1980, a voulu demander l’asile en Suède en mars 2000. Conformément à la Convention de Dublin, il a subi un bref interrogatoire puis a été renvoyé au Danemark où il se trouve toujours, attendant d’être interrogé par les autorités d’immigration danoises. Étant donné que le cas de sa mère doit également être examiné par les autorités danoises, le conseil a demandé à Amnesty International d’avoir un entretien avec lui.

7.7Les enregistrements de l’entretien confirment les déclarations de l’auteur relatives à son mariage sighe et relatives aux convocations à se rendre dans les locaux de la fondation Bonyad ‑e Shahid  plusieurs fois par semaine. Le fils dit également que quand elle est partie, sa mère lui a dit de quitter l’école et d’aller se cacher chez des proches parents de sa mère à Baghistan. Il a suivi des cours privés pour faire une formation de chirurgie vétérinaire puis s’est inscrit à l’Université. Le 25 janvier 2000, le fils de l’auteur a été convoqué au bureau d’information de l’Université par le Service des renseignements, Harasar, et de là deux hommes l’ont conduit au bureau de la fondation Bonyad ‑e Shahid à Téhéran où il a été retenu, interrogé, menacé et frappé. D’après lui, ceux qui l’interrogeaient voulaient savoir où se trouvait exactement sa mère et le menaçaient de le «garder» et de le «frapper jusqu’à ce que [sa] mère revienne en rampant [...] et alors nous exécuterons la sentence». Le fils de l’auteur dit que c’est cet interrogatoire qui lui a fait comprendre pleinement la situation de sa mère, même si elle ne lui avait pas parlé depuis qu’elle avait quitté le pays.

7.8En conclusion, le conseil maintient que même s’il n’a pas été possible d’obtenir des preuves écrites directes pour les raisons mentionnées plus haut, il existe suffisamment de preuves indirectes d’une telle nature qu’il ne peut y avoir lieu de douter des propos de l’auteur. En outre l’auteur fait référence à une décision récente de la Cour européenne des droits de l’homme, en date du 11 juillet 2000, portant sur une femme iranienne demandeur d’asile qui aurait commis un adultère et qui craignait, si elle était renvoyée en Iran, d’être mise à mort par lapidation ou flagellation. Comme dans le cas de l’auteur, aucun moyen de preuve écrit n’existait ‑ sous forme de jugement ‑ mais la Cour européenne a statué qu’elle «n’était pas convaincue que la situation dans le pays d’origine de la requérante avait évolué au point qu’un comportement adultère ne soit plus considéré comme une atteinte répréhensible grave au droit islamique. La Cour a accepté comme établis les éléments rapportés dans des études récentes sur la situation actuelle en Iran et note que le châtiment de l’adultère par la lapidation continue de figurer dans le recueil des lois et peut être appliqué par les autorités». La Cour a statué que l’expulsion de la requérante constituerait une violation de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Réponses de l’État partie

7.9L’État partie a envoyé deux nouvelles réponses en date du 19 septembre et du 19 octobre 2000. Pour ce qui est des renseignements complémentaires demandés par le Comité, l’État partie maintient sa position et réaffirme que c’est à l’auteur qu’il appartient de présenter un dossier convaincant. Il maintient que l’auteur n’a fourni aucune preuve à l’appui de son allégation et qu’il y a donc lieu de douter sérieusement de la véracité de sa plainte.

7.10En ce qui concerne le mariage sighe de l’auteur, l’État partie confirme que la loi iranienne autorise ce genre de forme temporaire de mariage. Il objecte que, même si les mariages sighe ne sont pas portés sur les documents d’identité, ces contrats devraient, d’après des sources dignes de foi, énoncer avec précision la durée pendant laquelle le mariage est valable et être enregistrés par une autorité compétente. Dans la pratique, une autorité religieuse peut approuver le mariage

et délivrer un certificat. Étant donné que l’auteur affirme que son mariage sighe et mutah a été célébré par l’hojatolleslam Rahimian lui‑même et qu’aucun contrat n’a été signé, l’État partie doute que l’auteur se soit valablement et légalement mariée.

7.11L’État partie fait observer que dans ses réponses récentes, le conseil a joint des certificats et d’autres informations qui n’avaient jamais été soumis à l’attention des autorités d’immigration suédoises. Vu que les nouveaux éléments d’information semblent être avancés pour démontrer l’existence des mariages sighe en Iran, l’État partie souligne qu’il ne met pas en doute cette réalité ni l’existence de la fondation Bonyad ‑e Shahid, mais qu’il doute, entre autres choses, que l’auteur se soit mariée selon ces modalités. La crédibilité de l’auteur est également entamée par les contradictions relevées dans les renseignements donnés sur les appels téléphoniques reçus par sa belle‑sœur.

7.12De plus, même si le Comité devait accepter les propos de l’auteur au sujet de ce mariage, l’État partie affirme que ce seul fait ne constitue pas en soi un motif suffisant pour conclure qu’elle risquerait d’être torturée ou mise à mort si elle était renvoyée en Iran.

7.13L’État partie fait valoir en outre que l’Ambassade de Suède à Téhéran affirme ne pas pouvoir demander si c’est un juge aux affaires familiales et non le tribunal révolutionnaire qui a rendu un jugement concernant l’auteur. En revanche, d’après l’Ambassade, l’auteur devrait pouvoir en mandatant quelqu’un, obtenir une copie du jugement s’il existe. De même, en ce qui concerne les sources mentionnées par le conseil et qui affirment que la seule possibilité d’obtenir le texte d’une décision judiciaire est de donner le nom du tribunal et le numéro du dossier de l’affaire, l’État partie objecte que, en mandatant quelqu’un, l’auteur devrait pouvoir obtenir ces renseignements. Il ajoute que seule une personne mariée risque la lapidation pour adultère et qu’il est par conséquent improbable que l’amant de l’auteur ait été condamné à mort, comme il est prétendu dans la communication.

7.14De surcroît, l’État partie souligne que ni les rapports du Département d’État des États‑Unis ni ceux d’Amnesty International ne viennent confirmer que la lapidation, comme l’affirme le conseil, est pratiquée fréquemment en Iran.

7.15En ce qui concerne l’arrêt de la Cour européenne invoqué par le conseil, l’État partie objecte que cette affaire différait de celle de l’auteur sur des points essentiels et que la requérante devant la Cour européenne s’était vu octroyer le statut de réfugié par le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et que la Cour s’était appuyée sur les conclusions du HCR pour se faire une idée de la crédibilité et de la véracité de sa relation. Dans l’affaire soumise à l’examen du Comité, deux autorités compétentes nationales ont étudié en détail tous les faits présentés et ne les ont pas jugés crédibles.

7.16Enfin, en ce qui concerne les renseignements donnés par le fils de l’auteur qui se trouve actuellement au Danemark où il a demandé l’asile, l’État partie souligne qu’il s’agit de renseignements nouveaux, qui n’ont pas été présentés aux autorités nationales. D’après lui, des renseignements apportés à un stade très tardif de la procédure devraient être traités avec la plus grande circonspection. Il relève en outre plusieurs points contradictoires dans les éléments de preuve nouvellement apportés: a) pendant l’interrogatoire du fils par le Conseil suédois de l’immigration, aucune mention n’a été faite d’un quelconque jugement ou d’une condamnation à mort alors que, de l’avis de l’État partie, ces renseignements auraient eu une importance dans les circonstances de l’affaire; b) interrogé sur la question de savoir s’il a été ou non en possession d’un passeport, le fils a donné des réponses contradictoires. L’État partie estime en outre peu probable que l’auteur ait ignoré et n’ait jamais invoqué les harcèlements auxquels son fils aurait été soumis après qu’elle eut quitté l’Iran.

Délibérations du Comité

8.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité contre la torture doit décider si elle est ou non recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Il s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’alinéa a du paragraphe 5 de l’article 22, que la même question n’avait pas été examinée ou n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Le Comité est en outre d’avis que tous les recours internes sont épuisés. Il estime donc qu’il n’y a plus d’obstacles à la recevabilité de la communication. L’État partie et l’auteur ayant chacun formulé des observations sur le fond de la communication, le Comité procède immédiatement à l’examen quant au fond.

8.2Le Comité doit se prononcer sur le point de savoir si le renvoi forcé de l’auteur en Iran violerait l’obligation de la Suède, en vertu de l’article 3 de la Convention, de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

8.3Le Comité doit décider, comme le prévoit le paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention, s’il existe des motifs sérieux de croire que l’auteur risquerait d’être torturée à son retour en Iran. Pour prendre cette décision, le Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, conformément au paragraphe 2 de l’article 3, y compris l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Le but de son analyse est toutefois de déterminer si l’intéressée courrait personnellement le risque d’être torturée dans le pays où elle serait renvoyée. Il s’ensuit que l’existence dans un pays d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives, ne constitue pas en soi une raison suffisante d’établir qu’une personne donnée serait en danger d’être torturée à son retour dans ce pays; il doit exister d’autres motifs qui donnent à penser que l’intéressée serait personnellement en danger. Par contre, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne puisse être considérée comme risquant d’être soumise à la torture dans la situation particulière qui est la sienne.

8.4D’après les informations soumises par l’auteur, le Comité note qu’elle est la veuve d’un martyr et que, en tant que telle, elle est secourue et surveillée par la Fondation pour les martyrs, la Bonyad-e Shahid. Il note aussi que l’auteur affirme avoir été forcée de contracter un mariage dit «sighe» ou «mutah», et avoir été jugée et condamnée à la lapidation pour adultère. Après avoir pris note de la position de l’État partie et traité le récent témoignage du fils de l’auteur, qui demande l’asile au Danemark, avec la plus grande prudence, le Comité est néanmoins d’avis que les informations données viennent corroborer la version des faits, déjà cohérente, donnée par l’auteur.

8.5Le Comité note que l’État partie met en doute la crédibilité de l’auteur essentiellement parce qu’elle n’a pas fourni de renseignements vérifiables et qu’il renvoie à ce propos aux normes internationales, en l’espèce au Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, établi par le HCR, aux termes duquel le demandeur d’asile doit s’efforcer d’apporter à l’appui de ses affirmations tous les éléments de preuve dont il dispose et expliquer de façon satisfaisante toute absence de preuve.

8.6Le Comité appelle l’attention des parties sur l’Observation générale concernant l’application de l’article 3 de la Convention dans le contexte de l’article 22 qu’il a adoptée le 21 novembre 1997, selon laquelle c’est à l’auteur de la communication qu’il incombe de présenter des arguments défendables. Bien qu’il ait noté la position de l’État partie, à savoir que l’auteur n’a pas, comme elle y est tenue, présenté les renseignements vérifiables qui lui permettraient d’avoir le bénéfice du doute, le Comité est d’avis qu’elle a fourni suffisamment de détails que les services suédois de l’immigration auraient pu vérifier, et qu’ils ont vérifiés, dans une certaine mesure, et qu’il y a donc déplacement de la charge de la preuve. Le Comité estime à ce propos que l’État partie ne s’est pas suffisamment efforcé de déterminer s’il existe des motifs sérieux de croire que l’auteur risquerait d’être soumise à la torture.

8.7L’État partie ne conteste pas que des violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme ont été commises en Iran. Le Comité note les rapports récemment présentés, entre autres, par le Représentant spécial de la Commission des droits de l’homme chargé d’examiner la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran (E/CN.4/2000/35 du 18 janvier 2000), dans lequel le Représentant spécial indique que si la condition de la femme s’améliore sensiblement dans des domaines comme l’éducation et la formation, «peu de progrès sont réalisés s’agissant des obstacles généraux qui demeurent en matière d’égalité» et de «l’élimination des attitudes patriarcales dans la société». Le Comité note en outre que ce rapport, et de nombreux rapports établis par des organisations non gouvernementales, confirment que des femmes mariées ont été récemment condamnées à mort par lapidation pour adultère.

9.Considérant que la version des événements donnée par l’auteur cadre avec ce que le Comité sait de la situation actuelle des droits de l’homme en Iran et que l’auteur a expliqué de manière plausible pourquoi elle n’avait pas fourni ou n’avait pas pu fournir certains détails qui auraient pu être utiles, le Comité est d’avis qu’en l’espèce l’État partie a l’obligation, conformément à l’article 3 de la Convention, de s’abstenir de renvoyer de force l’auteur en Iran ou dans tout autre pays d’où elle risquerait d’être expulsée ou renvoyée en Iran.

10.Conformément au paragraphe 5 de l’article 111 de son règlement intérieur, le Comité souhaite recevoir, dans un délai de 90 jours, des renseignements sur toute mesure que l’État partie aura prise conformément à

Note

11. Communication no 150/1999

Présentée par:S. L. (nom supprimé)[représenté par un conseil]

Au nom de:L’auteur

État partie:Suède

Date de la communication:5 novembre 1999

Le Comité contre la torture, institué conformément à l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 11 mai 2001,

Ayant achevé l’examen de la communication no 150/1999 présentée au Comité contre la torture en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ses constatations au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention.

1.1L’auteur de la communication est M. S. L., citoyen iranien vivant actuellement en Suède, où il a demandé le statut de réfugié. Il est arrivé en Suède le 8 février 1998 et a demandé l’asile le lendemain. Il affirme qu’il risquerait d’être torturé s’il est renvoyé en Iran et que son rapatriement forcé constituerait donc une violation par la Suède de l’article 3 de la Convention. L’auteur est représenté par un conseil.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a porté la communication n° 150/1999 à la connaissance de l’État partie le 18 novembre 1999. Le Comité, agissant en vertu du paragraphe 9 de l’article 108 de son règlement intérieur, a demandé à l’État partie de ne pas expulser l’auteur en Iran tant que sa communication serait en cours d’examen par le Comité. Le 21 décembre 1999, l’État partie a informé le Comité que l’auteur ne serait pas renvoyé dans son pays d’origine tant que sa communication serait en cours d’examen par le Comité.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur affirme qu’il n’a jamais eu d’activités politiques en Iran. Musulman fervent et respecté, il a étudié l’agronomie à l’Université de Téhéran et vivait dans l’aisance grâce aux revenus de son exploitation avicole. En décembre 1988, une fois qu’il eut quitté l’université après quelques années d’études, l’auteur a été appelé sous les drapeaux et a intégré à sa demande le Sepah‑Pasdaran (groupe des Gardiens de la Révolution) à Téhéran.

2.2L’auteur explique qu’au début des années 90, les Pasdaran (Gardiens de la Révolution) et la police ont été regroupés en une entité placée sous l’autorité du ministre de l’intérieur. Parallèlement, un nouvel organe des forces de sécurité, le Sepah‑Pasdaran, a été créé sur ordre direct du chef suprême, l’Ayatollah Khamenei, dont la mission est de «protéger le régime et de défendre les valeurs de l’Islam et la révolution». Cet organe comprend également des unités de renseignement qui sont chargées de surveiller les membres du groupe des Gardiens de la Révolution. L’auteur a été placé dans le bureau de l’une de ces unités à Téhéran, où il a bientôt gagné la confiance de tous ses collègues et a été nommé secrétaire personnel du chef. À ce titre, il avait accès à tous les dossiers et armoires, à l’exception d’une dont seul le chef avait la clef.

2.3Un jour, le chef s’est rendu à une réunion en oubliant ses clés au bureau. Par curiosité, l’auteur a ouvert «l’armoire secrète» et y a trouvé des dossiers personnels contenant des informations sur des actes immoraux et des infractions commis par des personnalités en vue, très respectées et considérées, à commencer par l’auteur lui‑même, comme des piliers de la société. Dans sa communication au Comité, l’auteur donne des renseignements détaillés à ce sujet, dont le nom des personnes concernées et la nature des infractions qu’elles auraient commises (viol, trafic d’armes et de drogue et détournement de fonds).

2.4L’auteur a fait des copies de ces dossiers qu’il a cachées chez lui. Pensant que, si ces allégations étaient portées à la connaissance des organes appropriés, les intéressés seraient poursuivis, condamnés et punis comme ils le méritaient, il a envoyé anonymement en février et mars 1990 des renseignements au groupe d’intervention des Gardiens de la Révolution, qui a procédé à des perquisitions chez ces individus et découvert des stocks illégaux d’armes et de munitions. L’auteur a continué d’informer de manière anonyme le groupe d’intervention, qui a effectué d’autres perquisitions. Cependant, comme les personnes impliquées avaient beaucoup d’influence, l’affaire a été étouffée et il n’y a eu aucune arrestation. Convaincu de la véracité des faits imputés à ces individus, l’auteur a également envoyé des copies des dossiers au bureau de l’Ayatollah Khamenei.

2.5Selon l’auteur, le groupe des Gardiens de la Révolution a dû le soupçonner car, en avril ou mai 1991, peu de temps après avoir accompli son service militaire, l’auteur a été arrêté et retenu six mois dans l’une des prisons secrètes du groupe, appelée «n° 59». D’après l’un des rapports médicaux fournis à l’appui de ses affirmations, l’auteur a subi des tortures et des mauvais traitements. Il a été menotté les mains derrière les genoux et suspendu à un bâton placé entre ses bras et ses cuisses, sur lequel on le faisait tourner, parfois pendant des heures. L’auteur a également indiqué qu’il recevait des coups de matraque sur les rotules et les coudes. L’auteur a été interrogé au sujet des renseignements envoyés anonymement, mais il a nié en bloc, sachant qu’un aveu équivaudrait à une mort certaine. Après six mois de détention, en novembre ou décembre 1991, il a été transféré dans un hôpital pour y être soigné puis il a été libéré sous caution.

2.6L’auteur affirme qu’après sa libération, il a été maintenu sous étroite surveillance par le Sepah‑Pasdaran. On lui a demandé par la suite de suivre pour le compte de ce dernier les faits et gestes de certains des dirigeants de la coopérative agricole d’État dont il était membre. Il devait également accompagner les dirigeants de la coopérative quand ils se rendaient dans des foires internationales et faire rapport sur leur comportement et leurs relations avec les étrangers et, à

cet  effet, un passeport lui avait été délivré. L’auteur a tenté de répondre aux exigences des Gardiens de la Révolution en leur fournissant un certain nombre de renseignements, d’un intérêt toutefois limité. En août 1995, le Sepah‑Pasdaran l’a arrêté une nouvelle fois et l’a conduit tout d’abord à la prison d’Evin. L’auteur a dû donner des échantillons de son écriture, probablement afin qu’elle puisse être comparée avec celle figurant sur l’une des enveloppes qu’il avait utilisée pour l’envoi des renseignements. Selon ses affirmations, l’auteur a de nouveau été torturé et a été mis au secret pendant plusieurs mois.

2.7En juin 1996, l’auteur a été traduit en justice et condamné à une peine d’un an de prison et à une amende pour infraction à la législation sur les chèques, par un jugement que l’auteur a communiqué aux services suédois de l’immigration. D’après l’auteur, les accusations ont été montées de toutes pièces. Il n’a pas été représenté par un avocat pendant le procès et ne connaissait aucun des prétendus plaignants. Une fois le jugement rendu, l’auteur a été transféré à la prison de Qasar, où les conditions de détention étaient quelque peu meilleures et, quoiqu’il y ait été soumis à de mauvais traitements, il n’a jamais été torturé.

2.8L’auteur dit qu’il s’est évadé le 22 juin 1997. Son épouse et quelques amis proches ont organisé son évasion en le dénonçant au procureur comme coupable d’infractions qu’ils avaient inventées, ensuite de quoi l’auteur a été transféré avec deux autres détenus, accompagné de deux policiers et de trois soldats pour répondre de ces accusations devant le tribunal du district de Kosh. Les gardes avaient été soudoyés par l’épouse et les amis de l’auteur, ce qui lui a permis de s’échapper.

2.9Après son évasion, l’auteur a vécu caché chez des amis à Karach. Un ami influent de sa famille, qui avait des relations d’affaires en Allemagne, a pu lui faire établir un visa de tourisme. Il disposait déjà d’un passeport qui lui avait été délivré en 1991 (cf. par. 2.6). Avec l’aide d’un passeur, il a quitté illégalement l’Iran par les montagnes kurdes pour se rendre en Turquie. D’Ankara, il a pris en toute légalité l’avion pour l’Allemagne grâce à son visa touristique puis s’est rendu en voiture en Suède en passant par le Danemark.

2.10L’auteur est arrivé en Suède le 8 février 1998 et a demandé l’asile le lendemain. Les services de l’immigration ont ordonné qu’il soit expulsé vers l’Allemagne en vertu de la Convention de Dublin mais, avant l’exécution de l’arrêté d’expulsion, l’auteur s’est enfui en Norvège. De Norvège, il a été reconduit en Suède conformément à l’accord relatif à la libre circulation des personnes conclu en 1957 par les pays nordiques. Il a été expulsé de Suède vers l’Allemagne le 9 novembre 1998, puis renvoyé en Suède car l’Allemagne n’acceptait pas de l’accueillir au motif qu’il avait séjourné dans un pays n’appartenant pas à l’Union européenne après sa première entrée en Allemagne.

2.11Le Conseil suédois de l’immigration a rejeté la demande d’asile de l’auteur le 13 septembre 1999 et la Commission de recours des étrangers a rejeté son recours le 4 novembre 1999.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme qu’étant donné qu’il a été emprisonné et torturé dans le passé, il existe des motifs sérieux de croire qu’il serait soumis à la torture s’il était renvoyé en Iran. Son expulsion constituerait en conséquence une violation par la Suède de l’article 3 de la Convention.

3.2Le conseil fournit plusieurs certificats médicaux à l’appui des allégations de l’auteur. L’un d’eux émane du Centre pour les survivants de la torture et de ses séquelles, établi à Stockholm, qui indique que l’auteur souffre de troubles post‑traumatiques et qu’il existe des preuves médicales et psychologiques montrant qu’il a été soumis à des tortures qui ont laissé des séquelles psychologiques caractéristiques. En outre, un psychiatre a écrit dans un certificat concernant l’auteur que «les circonstances ainsi que l’attitude et l’apparence générale de l’auteur prises ensemble démontrent clairement […] qu’il a subi des tortures et des sévices graves durant de longues périodes» et qu’il considérait l’auteur comme «entièrement digne de confiance».

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans un mémoire daté du 21 décembre 1999, l’État partie informe le Comité que, pour satisfaire à sa demande formulée en vertu du paragraphe 9 de l’article 108 de son règlement intérieur, le Conseil suédois de l’immigration a décidé de surseoir à l’exécution de l’arrêté d’expulsion pris à l’encontre de l’auteur tant que sa communication serait en cours d’examen par le Comité.

4.2Dans un mémoire daté du 2 mars 2000, l’État partie informe le Comité qu’il ne soulève aucune objection quant à la recevabilité de la communication. Il confirme les dires de l’auteur en ce qui concerne l’épuisement des recours internes.

4.3S’agissant de la situation générale des droits de l’homme en Iran, l’État partie note que bien que certains signes attestent que la société iranienne connaît actuellement des changements susceptibles d’apporter des améliorations dans le domaine des droits de l’homme, l’Iran semble toujours être l’un des pays où des atteintes particulièrement graves aux droits de l’homme sont signalées.

4.4L’État partie déclare ensuite qu’il s’abstient de déterminer si l’auteur a suffisamment étayé son affirmation selon laquelle il risquerait la torture s’il était expulsé, laissant au Comité le soin d’établir s’il y aurait en l’espèce violation de l’article 3 de la Convention. L’État partie relève que, selon la jurisprudence du Comité, le fait pour l’auteur d’une communication d’avoir été torturé dans le passé est l’un des éléments qui doivent être pris en compte lorsqu’il examine une plainte au titre de l’article 3 de la Convention, mais que sa réflexion a pour but d’établir si, à l’heure actuelle, l’auteur risquerait d’être soumis à la torture s’il était renvoyé dans son pays. L’État partie ne conteste pas que l’auteur a été emprisonné, ni qu’il a à cette époque subi des mauvais traitements. S’abstenant de présenter sa propre analyse à cet égard, l’État partie renvoie le Comité aux avis émis par le Conseil suédois de l’immigration et par la Commission de recours des étrangers.

4.5Le Conseil suédois de l’immigration a rejeté la demande d’asile le 13 septembre 1999, estimant que les éléments avancés par l’auteur n’étaient guère crédibles. Il mettait en doute la crédibilité de l’auteur pour les motifs suivants: i) l’auteur n’avait pas présenté son passeport iranien ni aucun autre document de voyage aux autorités suédoises; ii) l’auteur n’avait demandé l’asile ni en Allemagne ni au Danemark, ce qui donnait à penser qu’il ne s’inquiétait pas outre mesure de ce qui l’attendait dans son pays; iii) le conseil n’a guère jugé plausible que la police de sécurité iranienne ait souhaité utiliser comme espion une personne dont elle se méfiait; iv) les circonstances entourant l’évasion de l’auteur de la prison où il était détenu n’étaient pas considérées comme vraisemblables; et v) le conseil a émis des doutes sur l’authenticité du texte de jugement condamnant l’auteur pour infraction à la législation sur les chèques.

4.6La Commission de recours des étrangers a rejeté le recours le 4 novembre 1999. Elle n’a trouvé aucun élément permettant de douter de l’identité de l’auteur, ni du fait que celui‑ci avait été condamné par un tribunal de Téhéran pour infraction à la législation sur les chèques ainsi que l’attestait le texte du jugement produit, que l’ambassade de Suède à Téhéran avait fait examiner par un expert qui avait conclu à son authenticité. Elle n’exclut pas non plus que l’auteur ait pu être privé de liberté parce qu’il était soupçonné d’avoir commis des infractions à la législation sur les chèques, qu’il ait purgé une peine de prison pour ces infractions, et qu’il ait été maltraité durant sa détention. En revanche, sur tous les autres points, elle a mis en doute la crédibilité de l’auteur pour les mêmes motifs que le Conseil suédois de l’immigration, même à la lumière du certificat médical produit, affirmant que l’auteur semble tout à fait digne de confiance.

4.7L’ambassade de Suède à Téhéran a par ailleurs signalé que les infractions à la législation sur les chèques étaient très courantes en Iran et qu’apparemment des milliers d’affaires de ce genre étaient pendantes devant les tribunaux de Téhéran. L’ambassade estime possible que, dans l’ensemble, les renseignements donnés pour expliquer sa réticence à rentrer dans son pays d’origine soient fiables. S’agissant de son passeport, l’ambassade indique que le fait pour quelqu’un d’avoir des ennuis judiciaires avec les autorités iraniennes ne signifie pas nécessairement qu’on refusera de lui délivrer un passeport, mais normalement il ne devrait pas obtenir l’autorisation de sortir du territoire.

4.8Enfin, l’État partie relève que selon l’auteur le jugement de condamnation pour infraction à la législation sur les chèques lui a été signifié en février ou mars 1996, après qu’il a passé six mois en prison. Or il ressort du texte du jugement que celui‑ci a été rendu le 6 juin 1996. La Commission de recours des étrangers a estimé que l’auteur pouvait avoir été reconnu coupable d’infraction à la législation sur les chèques et avoir purgé une peine de prison pour cette infraction.

Observations du conseil de l’auteur

5.1Le conseil relève que les services de l’immigration ont fait valoir que l’auteur n’avait pas présenté ses documents de voyage et qu’il n’était donc pas exclu qu’il ait détruit son passeport iranien et qu’il soit sorti d’Iran en toute légalité. Le conseil note en outre que les autorités suédoises n’estiment pas vraisemblable que l’auteur se soit vu délivrer un passeport alors qu’il avait éveillé les soupçons de la police secrète iranienne. S’agissant de la première objection, le conseil déclare que lorsque les services de l’immigration rejettent une demande en indiquant que l’auteur a pu détruire ses documents de voyage de mauvaise foi, il s’agit d’un argument stéréotypé, systématiquement invoqué pour mettre globalement en doute la véracité des dires d’un demandeur. S’agissant de la deuxième objection, le conseil rappelle au Comité que l’auteur a fourni une explication plausible de la raison pour laquelle un passeport lui a été délivré bien qu’il fasse l’objet d’une surveillance (voir par. 2.6).

5.2S’agissant de l’argument avancé par les services d’immigration selon lequel il est peu vraisemblable que la police secrète demande à une personne placée sous surveillance d’espionner pour son compte, le conseil fait valoir qu’il est notoire que dans les régimes de dictature, la police secrète oblige volontiers les personnes sur lesquelles elle a prise à travailler pour elle de différentes manières.

5.3Le conseil appelle l’attention sur les contradictions existant entre l’argumentation du Conseil suédois de l’immigration et celle de la Commission de recours des étrangers au sujet du jugement de condamnation pour infraction à la législation sur les chèques. L’une des principales raisons avancées par le Conseil de l’immigration pour mettre en doute la crédibilité de l’auteur était que l’authenticité de ce document était douteuse. L’ambassade de Suède à Téhéran ayant établi l’authenticité de ce jugement par voie d’expertise, la Commission de recours des étrangers s’est alors servie de l’authenticité de ce document comme argument à l’encontre de l’auteur, avançant que celui‑ci avait été emprisonné pour infraction à la législation sur les chèques et n’avait pas été persécuté pour des motifs politiques. Le conseil souligne que dans les régimes d’oppression en général et en Iran en particulier, il est courant de porter de fausses accusations pour régler le cas de personnes considérées comme constituant une menace pour l’État tout en donnant l’impression de respecter la loi. L’attention du Comité est appelée sur le fait que la Commission de recours des étrangers a estimé que les déclarations de l’auteur à ce sujet n’étaient pas crédibles, mais qu’elle n’a pas motivé son assertion. Le conseil ajoute que pour l’auteur, il était patent qu’il avait été jugé à la suite de fausses accusations; c’est précisément la raison pour laquelle il avait communiqué le texte du jugement aux services suédois de l’immigration. Nul ne s’attendrait à bénéficier de l’asile au seul motif qu’il aurait présenté le texte d’un jugement rendu pour des faits réels.

5.4.Le conseil rappelle que la Commission de recours des étrangers ne conteste pas que l’auteur ait été emprisonné en Iran ni que, pendant cette période, il ait été victime de torture et de mauvais traitement.

5.5.S’agissant de l’évasion, le conseil souligne que l’auteur a fait une description si détaillée de la façon dont les choses se sont passées qu’il n’est pas possible d’en mettre en doute la véracité. Il a aussi donné des précisions à ce sujet au psychiatre qui l’a examiné et celui‑ci, dans son certificat médical, a consigné que l’auteur était entièrement digne de confiance.

5.6.Les autorités suédoises demandent pourquoi l’auteur n’a pas demandé l’asile en Allemagne si, ainsi qu’il l’affirme, il craignait d’être persécuté par les autorités iraniennes. Le conseil fait valoir que l’auteur a donné des explications claires et plausibles sur les raisons pour lesquelles il ne l’a pas fait. L’auteur n’aurait pu obtenir une prorogation de son passeport ni un visa de tourisme pour l’Allemagne sans l’aide d’un ami proche et influent de la famille qui avait des relations d’affaires en Allemagne. L’auteur était donc résolu à ne pas demander l’asile en Allemagne car ce faisant, il aurait probablement compromis cet ami. L’auteur savait bien, et

il est de notoriété publique, que les services de l’immigration en Allemagne comme ailleurs prennent dûment note du nom des personnes qui se sont portées garantes de quelqu’un qui demande l’asile après avoir obtenu un visa de tourisme.

5.7.Enfin, le conseil souligne que les procès‑verbaux du seul et unique entretien que l’auteur a eu avec les services d’immigration suédois montrent que l’entrevue s’est déroulée dans des conditions qui laissaient beaucoup à désirer. L’interprétation et la traduction des déclarations de l’auteur sont mauvaises et même les interventions en suédois sont parfois incompréhensibles. D’après les procès‑verbaux, il semble que l’auteur n’a pas pu raconter son histoire sans être constamment interrompu par des questions provocatrices. La torture n’est pas du tout évoquée. Pour bien montrer les insuffisances de la traduction, le conseil rapporte que la raison pour laquelle le Conseil suédois de l’immigration a douté au départ de l’authenticité du texte du jugement produit par l’auteur était que la traduction donnée de ce texte lors de l’interrogatoire était inexacte, le terme «président du tribunal» ayant été traduit par «procureur».

Délibérations du Comité

6.1.Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité contre la torture doit déterminer si cette communication est ou non recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire aux termes du paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Le Comité est d’autre part d’avis que tous les recours internes ont été épuisés et conclut qu’aucun autre obstacle ne s’oppose à la recevabilité de la communication. Étant donné que l’État partie et l’auteur ont l’un et l’autre formulé des observations sur le fond de la communication, le Comité passe immédiatement à l’examen de la communication au fond.

6.2.Le Comité doit déterminer si le renvoi de l’auteur vers l’Iran contre son gré constituerait une violation de l’obligation qui incombe à la Suède au titre de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ni refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

6.3.Le Comité doit déterminer, conformément au paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention, s’il existe des motifs sérieux de croire que l’auteur risque d’être soumis à la torture à son retour en Iran. Pour ce faire, il doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, conformément au paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention, y compris l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, fragrantes ou massives. Il s’agit cependant de déterminer si l’intéressé risque personnellement d’être soumis à la torture dans le pays vers lequel il serait refoulé. Dès lors, l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, fragrantes ou massives dans un pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour établir qu’une personne donnée risque d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé courait personnellement un risque. Parallèlement, l’absence d’un ensemble de violations fragrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne peut être considérée comme risquant d’être soumise à la torture dans son cas particulier.

6.4.Le Comité a pris note des arguments avancés par l’auteur et par l’État partie et estime que l’auteur n’a pas apporté assez d’éléments pour lui permettre de conclure qu’il court un risque réel et prévisible d’être personnellement soumis à la torture s’il est renvoyé dans son pays d’origine.

7.Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, estime que l’auteur n’a pas apporté d’éléments suffisants pour étayer ses craintes d’être soumis à la torture s’il retournait en Iran et conclut en conséquence que la décision de l’État partie de renvoyer l’auteur en Iran ne constitue pas une violation de l’article 3 de la Convention.

B. Décision

Communication no 160/2000

Présentée par:P. R. (nom supprimé)[représenté par un conseil]

Au nom de:L’auteur

État partie:Espagne

Date de la communication:9 février 2000

Le Comité contre la torture, institué conformément à l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 23 novembre 2000,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication est M. P R., de nationalité espagnole, qui se déclare victime de violations par l’Espagne des articles 12 et 13 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté par un conseil. Le Comité a porté la communication à l’attention de l’État Partie, conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le 11 avril 2000.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur raconte que le 29 octobre 1997, vers 3 heures du matin, alors qu’il se trouvait avec deux compagnons sur la rue Victoria à Murcie, il s’est adressé à deux policiers pour leur demander s’ils connaissaient un établissement ouvert où il pourrait prendre un verre. L’un des policiers ayant répondu que ce n’était pas une heure pour boire, l’auteur s’est tourné vers ses compagnons et a fait un commentaire désobligeant à l’égard du policier. Immédiatement après, les deux policiers se sont jetés sur l’auteur et l’ont frappé à coups de poing et de matraque; ils l’ont fait tomber et ont continué à le rouer de coups. D’autres policiers, que les premiers avaient appelés en renfort, s’étaient également mis à le frapper. Ils lui avaient ensuite passé les menottes de telle façon qu’il en avait ressenti une vive douleur et ils l’avaient conduit au commissariat de police de la rue Correos; il avait été par la suite relâché. L’auteur avait dû recevoir des soins au service des urgences de Molina de Segura pour les coups et blessures subis.

2.2Le 31 octobre 1997, l’auteur a porté plainte contre les policiers auprès de la juridiction d’instruction n° 1, qui était de permanence ce jour‑là. Toutefois, la plainte n’a pas donné lieu à une enquête.

2.3De leur côté, les policiers que l’auteur accusait de l’avoir agressé avaient présenté le jour même, c’est‑à‑dire le 29 octobre 1997, une plainte contre l’auteur pour outrage à représentant de l’autorité publique. D’après la plainte, à 4 h 55, l’auteur de la communication s’était adressé

à eux pour leur demander où il pourrait trouver un bar ouvert. Les policiers lui avaient répondu qu’il n’en trouverait pas à cette heure et l’auteur s’était mis à les insulter. Les policiers lui avaient demandé de présenter ses papiers d’identité mais il avait refusé et avait proféré de nouvelles insultes. Ils avaient alors entrepris de faire monter l’auteur dans le véhicule de police, ce à quoi il avait opposé une résistance; ils l’avaient ensuite conduit au commissariat aux fins d’identification.

2.4La juridiction d’instruction n° 6 de Murcie, saisie de la plainte, a engagé une procédure pour fautes et a convoqué les parties pour un procès oral, le 25 novembre 1997. Au cours de l’audience, l’auteur a fait valoir qu’il avait porté plainte contre les policiers devant la juridiction qui était de permanence. Au vu de cet élément, le juge a suspendu l’audience, et le 27 novembre, a demandé à la juridiction d’instruction n° 1 de lui renvoyer la plainte de l’auteur car il se considérait compétent pour l’instruction de cette affaire. Le juge a finalement rendu son jugement le 17 mars 1998. Il a considéré que les expressions employées par l’auteur quand il s’est adressé aux policiers constituaient l’infraction d’outrage léger à représentant de l’autorité et l’a condamné à une amende et au paiement des frais de justice. Le juge précise dans son jugement que l’auteur et les témoins proposés ne se sont pas présentés à l’audience. Il indique en outre dans un paragraphe du jugement que l’auteur a porté plainte pour avoir été agressé alors qu’il était conduit au commissariat de police. Or, dans un autre paragraphe, le juge indique que, étant donné que ni le procureur ni l’auteur ou son représentant n’a formulé d’accusation pendant l’audience et qu’aucune preuve n’a été apportée à l’appui de la plainte, il convient d’acquitter les policiers.

2.5L’auteur a fait appel de cette décision auprès de l’Audiencia Provincial, le 21 avril 1998; il demandait l’annulation du jugement et l’ouverture d’une enquête sur les faits qu’il avait dénoncés auprès de la juridiction d’instruction de permanence, considérant que ces faits pouvaient tomber sous le coup des articles 173 à 177 du Code pénal et être qualifiés de «tortures et autres délits contre l’intégrité morale». L’auteur avait fait valoir que, dans le cadre de l’enquête, il aurait fallu ouvrir une enquête préliminaire et entendre les déclarations des policiers, de la victime et des témoins. Il avait également fait valoir que l’infraction dont il avait été reconnu coupable aurait dû être jugée conjointement avec les faits que lui‑même avait dénoncés, lesquels n’étaient à aucun titre susceptibles de faire l’objet de la procédure pour fautes. Enfin, il avait fait valoir que la non‑ouverture d’une enquête était incompatible avec l’article 12 de la Convention.

2.6L’Audiencia Provincial a débouté l’auteur le 17 juin 1998. Dans son jugement, cette juridiction d’appel indique que, lors de l’audience du 25 novembre 1997, l’avocat qui représentait l’auteur s’est limité à demander que la plainte formulée par son client soit jointe à celle qui faisait l’objet de la procédure, ce que le juge avait accepté puisqu’il avait suspendu l’audience et avait fixé une nouvelle date. L’auteur ne s’était pas présenté à la nouvelle audience, sans le moindre motif. Étant donné qu’il n’avait pas défendu sa cause quand il le devait, le juge n’avait pas d’autre possibilité que de la déclarer non fondée, étant donné l’absence de preuve à charge. Dans son jugement, le juge conclut que c’est l’inaction de la partie qui a mis fin à la procédure judiciaire.

2.7L’auteur réfute les arguments du juge. Il affirme qu’il s’est bien présenté à l’audience, avec seulement quelques minutes de retard vu que les faits pour lesquels il avait porté plainte présentaient des éléments constitutifs d’une infraction pénale (il avait formulé une plainte et présenté des preuves), ils auraient dû faire l’objet d’une enquête d’office, même si aucune des parties ne les avaient invoqués à l’audience.

2.8Le 3 juillet 1998, l’auteur a formé un recours en amparo devant le Tribunal constitutionnel en invoquant une violation des dispositions suivantes: l’article 15 de la Constitution (droit à l’intégrité physique) et les articles correspondants de la Convention; l’article 24 de la Constitution qui garantit le droit à un procès équitable, étant donné que les faits dénoncés dans la plainte ne pouvaient pas être jugés selon une procédure pour fautes mais auraient dû l’être selon la procédure pénale ordinaire parce qu’il s’agissait d’un délit dont le juge d’instruction n’aurait pas dû se saisir. D’après l’auteur, l’article 24 de la Constitution a également été violé car il garantit le droit à un jugement contradictoire; en effet, bien que dans son arrêt l’Audiencia Provincial eût indiqué que le ministère public s’était opposé au recours et avait demandé la confirmation du jugement frappé d’appel, l’auteur n’avait jamais été informé de l’opposition du procureur, ce qui l’avait privé de la possibilité de la contester. L’auteur invoque aussi la jurisprudence du Comité contre la torture en ce qui concerne l’article 13 de la Convention.

2.9Le Tribunal constitutionnel a rejeté le recours par un arrêt en date du 19 janvier 2000, en faisant valoir entre autres motifs que du point de vue constitutionnel, aucun des jugements attaqués n’était vicié. Il a ajouté que la façon dont l’auteur avait agi dans la procédure avait été déterminante pour les juges qui avaient statué puisqu’il s’était limité à demander que sa plainte contre les agents de la police locale soit jointe à celle qui faisait l’objet du procès oral, mais sans formuler d’accusation contre eux. En conséquence, l’allégation de l’auteur qui se plaignait d’une violation du droit à l’intégrité physique était dénuée de tout fondement.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que les faits exposés représentent une violation de la part de l’Espagne de l’article 12 de la Convention parce que, bien qu’il y eût des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture ou de mauvais traitement avait été commis, les autorités judiciaires n’avaient pas procédé immédiatement à une enquête impartiale. L’auteur ni le témoin pas plus que le médecin qui avait constaté les lésions corporelles n’avait été interrogé. La procédure prévue par la législation espagnole pour le délit de torture n’avait pas non plus été observée.

3.2L’auteur ne partage pas l’avis des autorités judiciaires qui affirment que c’est son inaction qui a mis fin à la procédure. Il considère qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention, conformément auquel une simple déclaration de la victime portant les faits à la connaissance d’une autorité est suffisante. L’article 13 n’exige pas une plainte en bonne et due forme (qui en l’espèce a bien existé) ni n’exige de déclaration expresse de volonté d’exercer l’action pénale en cas de délit.

Observations de l’État partie concernant la recevabilité

4.Dans sa réponse du 8 juin 2000, l’État partie fait valoir qu’à aucun moment l’auteur n’a indiqué que sa plainte devait faire l’objet de la procédure pénale applicable aux délits. Au contraire, lors de l’audience pour fautes son avocat a demandé que la plainte contre la police soit examinée en même temps que celle dont lui‑même faisait l’objet. Cela signifie que l’auteur a accepté que sa plainte soit examinée dans le cadre de la procédure pour fautes. La juridiction n° 6 a convoqué à l’audience pour fautes l’auteur «en qualité de plaignant et de défendeur». Toutefois, ni lui ni son avocat ne s’est présenté à l’audience au cours de laquelle toutes les preuves et investigations devaient être effectuées. C’est donc le défendeur qui, en ne se présentant pas à l’audience, est responsable de n’avoir pas maintenu sa plainte et de n’avoir pas avancé de moyen de défense. Après sa défection, l’auteur ne s’est pas opposé, verbalement ou par écrit, à la procédure pour fautes. Ce n’est qu’en se pourvoyant en appel que l’auteur s’est élevé pour la première fois contre le fait que sa plainte n’ait pas fait l’objet de la procédure applicable aux délits. Cette plainte est toutefois contradictoire avec son comportement antérieur et inopportune puisqu’elle n’a pas été formulée à temps ni dans les formes, bien que l’auteur ait bénéficié du ministère d’un avocat dès les premiers moments. Par conséquent la communication doit être déclarée irrecevable pour non‑épuisement des recours internes.

Commentaires de l’auteur

5.1L’auteur réaffirme que bien qu’il ait déposé auprès des autorités judiciaires une plainte accompagnée d’un rapport médical attestant les multiples coups et contusions reçus, il n’y a jamais eu d’enquête rapide, sérieuse et impartiale comme l’exige la Convention. Il explique que le Code pénal espagnol établit clairement des différences entre la qualification de torture, qui est un délit (art. 174), et les coups et blessures qui constituent une faute (art. 617). En particulier, le délit de torture est puni d’un emprisonnement de deux à six ans assorti d’une interdiction d’exercer de deux à quatre ans alors que les coups et blessures, qui représentent donc une faute, sont punis d’un emprisonnement de fin de semaine de trois à six fins de semaine ou d’une amende, sans être assorti d’une peine accessoire. D’après l’auteur, aux fins de la Convention, l’enquête approfondie, immédiate et impartiale doit être exigée pour le délit de torture et non pour la faute de coups et blessures car s’il en était autrement la protection contre la torture que la Convention cherche à garantir serait inefficace. Il ajoute que la procédure applicable aux délits est distincte de celle qui est applicable aux fautes. En cas de délit, l’instruction est confiée au juge d’instruction et le jugement aux juridictions pénales ou à une Audiencia provincial alors que les affaires de fautes sont jugées par les juges d’instruction eux‑mêmes.

5.2L’auteur signale en outre que l’arrêt de l’Audiencia provincial ne fait nullement mention de la Convention alors que lui‑même en avait fait état dans son recours. En outre, l’argument avancé dans cet arrêt est incompatible avec la Convention laquelle n’exige pas en effet que l’enquête soit demandée par la victime elle‑même et encore moins quand celle‑ci a porté plainte par écrit, acte qui, selon la jurisprudence du Comité, n’est même pas nécessaire pour que soit ouverte une enquête immédiate et impartiale. Enfin, l’auteur réfute l’argument de l’État partie pour qui sa plainte est inopportune et maintient que le pourvoi en appel était un moyen approprié pour obtenir la rectification du vice constituée par l’absence d’enquête immédiate, approfondie et impartiale. L’Audiencia Provincial n’a pas respecté son obligation d’impartialité en contournant le cadre légal applicable à un acte délictueux qui doit être poursuivi «d’office» par les autorités judiciaires de l’État. L’auteur conclut qu’il a épuisé tous les recours judiciaires disponibles, y compris le recours en amparo devant le Tribunal constitutionnel.

Délibérations du Comité

6.1Avant d’examiner toute plainte contenue dans une communication, le Comité contre la torture doit déterminer si elle est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Le Comité note que l’État partie a présenté des objections à la recevabilité en faisant valoir que les recours internes n’avaient été épuisés.

6.2L’auteur de la communication ne conteste pas que, lors de l’audience tenue le 25 novembre 1997 dans le cadre de la procédure orale pour fautes menée par la juridiction d’instruction n° 6 de Murcie, qui était saisie de la plainte déposée le 29 octobre 1997 par les policiers contre l’auteur, c’est son propre avocat qui a demandé la suspension de l’audience en invoquant l’existence de la plainte portée par son client contre les policiers devant la juridiction d’instruction n° 1 de Murcie, qui se trouvait être de permanence le jour des faits, le 31 octobre 1997, et qui a demandé de plus que les deux affaires soient examinées conjointement. Par conséquent la jonction de la plainte déposée par l’auteur contre les policiers à celle que les policiers avaient portée contre l’auteur, et qui faisait l’objet de la procédure orale pour fautes, a expressément été demandée par l’auteur.

6.3Entre l’audience du 25 novembre 1997, qui a été suspendue, et la nouvelle audience convoquée pour le 17 mars 1998, par décision du 12 décembre 1997, afin de reprendre l’examen des deux plaintes, l’auteur, ne pouvant pas ne pas savoir que la procédure orale pour fautes se poursuivait, n’a pas demandé, alors qu’il le pouvait, que sa plainte fasse l’objet d’une procédure pénale ordinaire, comme il le réclame maintenant en fondant sa communication au Comité sur ce motif.

7.En se fondant sur les considérations qui précèdent, le Comité déclare, conformément au paragraphe 1 c) de l’article 107 du règlement intérieur, que la communication est irrecevable et constitue un abus du droit de présenter une communication en vertu de l’article 22 de la Convention.

8.La présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.

Note

Annexe VIII

EXPOSÉ ORAL FAIT PAR UN REPRÉSENTANT DU SECRÉTARIATAU SUJET DES INCIDENCES FINANCIÈRES DE LA CONSTITUTIOND’UN GROUPE DE TRAVAIL DE PRÉSESSION

1.Le présent exposé oral est fait en application de l’article 25 du règlement intérieur du Comité contre la torture.

2.Il convient de rappeler qu’à sa 437e séance, le 18 mai 2000, le Comité contre la torture a estimé que la création d’un groupe de travail de présession faciliterait ses activités de surveillance, s’agissant en particulier des communications individuelles reçues en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Comme il est indiqué au paragraphe 20 de son rapport annuel, figurant dans le document A/55/44, le Comité a décidé de poursuivre l’examen de la question à la présente session, la vingt‑cinquième.

3.Si le Comité décidait à la session en cours de créer le groupe de travail de présession susmentionné à compter de l’exercice biennal 2002‑2003, cela se traduirait par: i) la tenue d’une session de cinq jours du groupe de travail avant chaque session du Comité, avec des services d’interprétation dans deux langues de travail; ii) la mise à disposition d’une salle de conférence équipée de toutes les installations requises; iii) un maximum de 30 pages de documentation de session par session; iv) le versement de l’indemnité journalière de subsistance à quatre membres du Comité pour une période de sept jours par session.

4.Le montant estimatif préliminaire (calculé sur la base du coût intégral) des ressources nécessaires est de 178 900 dollars des États-Unis pour la totalité de l’exercice biennal, se ventilant comme suit:

Chapitre 2En dollars

Coût total des services de conférence pour quatre sessionsdu groupe de travail (cinq jours ouvrables chacune)154 300

Chapitre 22

28 jours d’indemnité journalière de subsistancepour quatre membres du Comité 24 600_______Total général178 900

5.Le montant estimatif du coût des services de conférence a été calculé en se fondant sur l’hypothèse selon laquelle ces services ne pourraient pas être assurés au moyen des services de conférence dont dispose l’Organisation à titre permanent. Les ressources en personnel temporaire à prévoir pour compléter les moyens dont dispose l’Organisation à titre permanent ne peuvent toutefois être déterminées qu’au vu du calendrier des conférences et réunions pour l’exercice biennal 2002‑2003. Le projet de budget pour cet exercice biennal est en cours d’élaboration et les ressources prévues au titre des services des conférences dans ledit budget seront calculées en se fondant sur le schéma des réunions des années précédentes. Au cas où le Comité prendrait la décision envisagée, il n’y aurait donc apparemment pas lieu de demander de ressources supplémentaires au titre du projet de budget‑programme pour l’exercice biennal 2002‑2003.

6.La décision de recommander la création du groupe de travail de présession nécessiterait des ressources supplémentaires au titre du chapitre 22 (Droits de l’homme), d’un montant estimatif de 24 600 dollars pour l’exercice biennal 2002‑2003, correspondant au versement de l’indemnité journalière de subsistance aux membres du groupe de travail de présession du Comité.

Annexe IX

LISTE DES DOCUMENTS À DISTRIBUTION GÉNÉRALE ÉTABLIS PENDANTLA PÉRIODE SUR LAQUELLE PORTE LE PRÉSENT RAPPORT

A. Vingt‑cinquième session

Cote

Titre

CAT/C/17/Add.22

Deuxième rapport périodique du Cameroun

CAT/C/25/Add.11

Deuxième rapport périodique de l’Australie

CAT/C/34/Add.12

Rapport initial du Bélarus

CAT/C/34/Add.13

Rapport initial du Canada

CAT/C/43/Add.3

Troisième rapport périodique de l’Arménie

CAT/C/49/Add.2

Troisième rapport périodique du Guatemala

CAT/C/57

Ordre du jour provisoire et annotations

CAT/C/SR.439 à 456/Add.1

Comptes rendus analytiques de la vingt‑cinquième session du Comité

B. Vingt‑sixième session

Cote

Titre

CAT/C/9/Add.16

Rapport initial du Brésil

CAT/C/24/Add.6

Rapport initial de la République slovaque

CAT/C/24/Add.7

Rapport initial du Costa Rica

CAT/C/38/Add.1

Deuxième rapport périodique de la République tchèque

CAT/C/39/Add.3

Troisième rapport périodique de la Grèce

CAT/C/47/Add.1

Rapport initial du Kazakhstan

CAT/C/48/Add.1

Deuxième rapport périodique de la Géorgie

CAT/C/52/Add.1

Rapport initial de la Bolivie

CAT/C/58

Liste des rapports initiaux devant être soumis en 2001: note du Secrétaire général

CAT/C/59

Liste des deuxièmes rapports périodiques devant être soumis en 2001: note du Secrétaire général

CAT/C/60

Liste des troisièmes rapports périodiques devant être soumis en 2001: note du Secrétaire général

CAT/C/61

Liste des quatrièmes rapports périodiques devant être soumis en 2001: note du Secrétaire général

CAT/C/62

Ordre du jour provisoire et annotations

CAT/C/SR.457 à 484

Comptes rendus analytiques de la vingt‑sixième session du Comité.

Annexe X

CONTRIBUTION DU COMITÉ CONTRE LA TORTURE À LA PRÉPARATION DELA CONFÉRENCE MONDIALE CONTRE LE RACISME, LA DISCRIMINATIONRACIALE, LA XÉNOPHOBIE ET L’INTOLÉRANCE QUI Y EST ASSOCIÉE

Le Comité contre la torture,

Rappelant que l’article premier de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants stipule, dans sa définition de la torture, que la discrimination est une des fins prohibées d’un acte de torture. La Convention dispose que:

«le terme “torture” désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne ... pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit, lorsqu’une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite.»

Rappelant que durant son examen des rapports des États parties sur le respect des dispositions de la Convention, le Comité contre la torture s’est à maintes reprises déclaré préoccupé par le recours à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants à l’encontre de groupes vulnérables, y compris des minorités nationales et ethniques, des demandeurs d’asile, des réfugiés et des non‑citoyens, et qu’il a aussi reçu des informations et posé des questions au sujet d’allégations faisant état de nombreuses formes connexes de discrimination, de xénophobie, et d’intolérance qui y est associée fondées sur la race, la religion, la langue, l’appartenance à une minorité ou à une ethnie, ou le sexe, l’âge, l’incapacité, l’orientation sexuelle, la citoyenneté ou toute autre situation,

Constatant avec regret que la discrimination sous quelque forme que ce soit peut créer un climat dans lequel la torture et les mauvais traitements à l’encontre de «l’autre» groupe soumis à l’intolérance et à un traitement discriminatoire peuvent être plus facilement acceptés et que la discrimination compromet la réalisation de l’égalité de tous devant la loi,

Soulignant que la Conférence mondiale, qui doit se tenir à Durban (Afrique du Sud) en septembre 2001, examinera le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et d’autres problèmes associés qui peuvent faire obstacle à la réalisation des droits consacrés dans des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, y compris la Convention contre la torture,

Invite tous les États à ériger le crime de torture, tel qu’il est défini à l’article premier de la Convention en infraction spécifique dans leur législation pénale interne,

Recommande que tous les États ratifient la Convention contre la torture, qui est aujourd’hui le texte qui a été le moins ratifié parmi les six principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme; en outre, il demande instamment à tous les États de s’employer à mettre en place le cadre internationalement reconnu et juridiquement obligatoire nécessaire pour combattre et prévenir la discrimination qui est défini dans les six principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme en facilitant la ratification universelle de ces textes,

Recommande que les États prennent toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les agents de la fonction publique, y compris les agents des forces de l’ordre, n’appliquent pas de pratiques discriminatoires et ne manifestent pas du mépris, de la haine raciale ou de la xénophobie qui peuvent les conduire à commettre des actes assimilables à la torture ou à des mauvais traitements à l’encontre de groupes vulnérables, en particulier des minorités ethniques, raciales, religieuses, linguistiques ou nationales, des demandeurs d’asile ou des réfugiés, ou sur la base de toute autre situation,

Souligne qu’aux termes de l’article 10 de la Convention, tout État partie «veille à ce que l’enseignement et l’information concernant l’interdiction de la torture fassent partie intégrante de la formation du personnel civil ou militaire chargé de l’application des lois, du personnel médical, des agents de la fonction publique et des autres personnes qui peuvent intervenir dans la garde, l’interrogatoire ou le traitement de tout individu arrêté, détenu ou emprisonné de quelque façon que ce soit»; ces mesures éducatives devraient explicitement traiter des incidences du quatrième but énoncé dans la définition de la torture («forme de discrimination quelle qu’elle soit») qui figure à l’article premier de la Convention contre la torture; ces activités éducatives devraient non seulement aider à prévenir la torture dans le système de justice pénale, mais également contribuer à faire disparaître l’intolérance au sein de l’opinion publique en général dans le cadre des efforts associés à la Conférence mondiale,

Souligne l’importance vitale de disposer de procédures transparentes et officielles efficaces propres à permettre à des personnes de déposer des plaintes au sujet de mauvais traitements et de tortures infligés pour des raisons de discrimination, d’un accès inégal à la justice et d’autres problèmes connexes; il est indispensable que les États parties veillent à ce que toutes les victimes présumées aient accès aux informations, à l’assistance et à l’aide juridique nécessaire, s’il y a lieu; les institutions qui permettent d’utiliser plus facilement de telles procédures de recours sont notamment les tribunaux, un ombudsman, une commission nationale des droits de l’homme ou un autre organe de même nature; il conviendrait d’étudier la manière dont ces institutions traitent de l’élément de discrimination lorsqu’elles examinent les allégations faisant état de torture ou de mauvais traitements pour déterminer s’il est nécessaire d’améliorer l’efficacité de ces mécanismes,

Rappelle qu’un élément essentiel de l’éradication du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie, et de l’intolérance qui y est associée est de lever les obstacles à l’impunité; selon la Convention, les États sont tenus de traduire en justice les responsables des actes de torture et de mauvais traitements, qu’ils soient commis contre une seule personne ou un groupe de population en général,

Note que, pour ce qui concerne les non‑citoyens et les demandeurs d’asile, les États parties doivent veiller à ce que le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie ou l’intolérance qui y est associée ne donnent pas lieu à des décisions d’expulsion vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire que la personne expulsée risque réellement d’être soumise à la torture; les États devraient accorder une attention particulière au risque réel de torture auquel peut être exposée cette personne en raison de son appartenance à un groupe soumis à un traitement discriminatoire dans un autre État vers lequel elle peut être renvoyée,

Souligne que la Conférence mondiale offre l’occasion aux États et aux représentants de la société civile et d’organisations non gouvernementales qui s’occupent des droits de l’homme de réfléchir sur les moyens de s’attaquer plus efficacement aux grands problèmes qui se posent au sujet de la discrimination raciale et de l’intolérance qui y est associée et de fixer une série d’objectifs qu’ils doivent chercher à atteindre à la fois sur le plan national et international; en consacrant une attention aux effets du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée et mettant l’accent sur les méthodes appropriées de prévention et de réparation, la Conférence mondiale contribuera dans une large mesure aux efforts nationaux et internationaux qui sont actuellement déployés en vue de la suppression de la torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Annexe XI

DÉCLARATION COMMUNE À L’OCCASION DE LA JOURNÉE INTERNATIONALEDES NATIONS UNIES POUR LE SOUTIEN AUX VICTIMESDE LA TORTURE, 26 JUIN 2001

Le Comité contre la torture, le Conseil d’administration du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture (« le Fonds »), le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme sur la question de la torture et la Haut‑Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme,

Rappelant que l’Assemblée générale, par sa résolution 52/149 datée du 12 décembre 1997, a proclamé le 26 juin Journée internationale des Nations Unies pour le soutien aux victimes de la torture,

Rappelant en outre que l’Assemblée générale, consciente de la nécessité de venir en aide aux victimes de la torture dans un esprit purement humanitaire, a créé le Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture, appelé à recueillir des contributions volontaires destinées à être distribuées aux victimes de la torture et aux membres de leur famille, et a lancé un appel à tous les gouvernements pour qu’ils versent des contributions au Fonds,

Notant que le nombre de demandes de réparation et d’assistance en faveur des victimes de la torture et des membres de leur famille qui sont adressées au Fonds ne cesse d’augmenter,

Regrettant que la torture, crime international, soit encore pratiquée par des gouvernements et d’autres entités qui exercent un pouvoir effectif,

Réaffirmant avec affliction que, comme le Secrétaire général l’a souligné, la torture est un des actes les plus abjects qu’un être humain puisse commettre à l’égard d’un autre être humain,

Exhortant tous les gouvernements à éliminer la torture et à traduire en justice les tortionnaires partout dans le monde et rappelant à tout un chacun que mettre fin à la torture, c’est commencer à réellement respecter le plus fondamental des droits de l’homme, à savoir la dignité et la valeur intrinsèques de chaque individu,

Conscients de la nécessité de mettre l’accent sur la prévention de la torture, comme l’a recommandé la Conférence mondiale de 1993 sur les droits de l’homme,

Reconnaissant que le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée créent des conditions propices à la perpétration d’actes de torture et qu’ils ont été invoqués tout au long de l’histoire pour justifier la torture,

Notant que la Conférence mondiale qui doit se tenir à Durban (Afrique du Sud) en septembre 2001 examinera la question du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée,

Soulignant que selon la définition donnée à l’article premier de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le terme «torture» désigne notamment tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës sont infligées pour quelque motif que ce soit fondé sur une forme de discrimination,

Rappelant que le Rapporteur spécial sur la question de la torture a noté que les distinctions fondées sur l’appartenance ethnique peuvent contribuer au processus de déshumanisation des victimes, lequel est souvent une condition nécessaire de la pratique de la torture et des mauvais traitements,

Soulignant que le Comité contre la torture a constaté avec regret que la discrimination sous quelque forme que ce soit peut créer un climat dans lequel la torture ou les mauvais traitements infligés à d’« autres » groupes peuvent être plus facilement acceptés et que la discrimination compromet la réalisation de l’égalité de tous devant la loi,

Prenant acte et se félicitant de la contribution précieuse que de nombreux gouvernements, associations, groupes et particuliers apportent à la lutte contre la torture sous toutes ses formes,

Rendant hommage à ceux qui, notamment au sein des organisations non gouvernementales, se dévouent partout dans le monde pour alléger les souffrances des victimes de la torture et les aider à les surmonter et à obtenir réparation,

1.Lancent un appel pressant en ce 26 juin, Journée internationale des Nations Unies pour le soutien aux victimes de la torture:

a)À tous les gouvernements et autres entités qui exercent un pouvoir effectif:

i)Pour qu’ils exigent qu’il soit mis fin immédiatement à la pratique de la torture;

ii)Pour qu’ils châtient dès que possible toutes les personnes qui ont ordonné la torture, y ont acquiescé ou l’ont pratiquée;

iii)Pour qu’ils prennent toutes les mesures voulues afin de prévenir les actes de torture à l’intérieur du territoire placé sous leur juridiction ou leur contrôle;

b)À tous les gouvernements, organisations intergouvernementales et non gouvernementales et particuliers:

i)Pour qu’ils apportent aux victimes de la torture et aux membres de leur famille toute l’aide possible;

ii)Pour qu’ils coopèrent, en vue de prévenir la torture, à la mise en place d’un dispositif international de visite des lieux de détention en adoptant dès que possible un protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture;

2.Donnent l’assurance à tous les donateurs au Fonds:

a)Que leurs contributions sont dûment et équitablement distribuées entre les organisations actives sur les cinq continents et qu’elles sont effectivement utilisées pour apporter aux victimes de la torture et aux membres de leur famille une assistance médicale, psychologique, sociale, économique, juridique, humanitaire et autre;

b)Que leurs contributions sont fort appréciées non seulement des victimes de la torture et des membres de leur famille eux‑mêmes, mais aussi des militants des droits de l’homme et des organisations de défense des droits de l’homme;

3.Lancent un appel pressant à tous les donateurs au Fonds pour qu’ils continuent de verser des contributions généreuses au Fonds et, si possible, en augmentent le montant, de préférence sur une base annuelle;

4.Demandent instamment la ratification universelle d’ici à 2005 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et des Protocoles facultatifs qui s’y rapportent, et aussi de la Convention contre la torture, dont l’acceptation des procédures visées en ses articles 21 et 22;

5.Lancent un appel à tous les États pour qu’ils gardent constamment à l’esprit que l’élimination de la torture commande non seulement la ratification des instruments susmentionnés mais aussi leur mise en œuvre effective;

6.Encouragent la poursuite de l’action pédagogique engagée pour prévenir la torture, y compris celle qui vise à l’élimination de la torture fondée sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit;

7.Lancent un appel à tous les gouvernements et particuliers pour qu’ils évaluent la manière dont les tribunaux, les médiateurs, les commissions nationales des droits de l’homme ou les organes connexes appréhendent l’élément de discrimination lorsqu’ils examinent des allégations de torture ou de mauvais traitements, afin d’améliorer l’efficacité de ces mécanismes en permettant aux particuliers de les saisir de toute allégation de torture ou de mauvais traitements fondés sur la discrimination ou liés à l’inégalité de l’accès aux tribunaux;

8.Rappellent qu’un moyen essentiel d’éliminer le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée consiste à lever les obstacles à l’impunité et à traduire en justice les responsables des actes de torture ou de mauvais traitements, que ces actes visent un particulier ou des segments de la population;

9.Prient instamment tous les États de prévoir dans leur droit interne des dispositions garantissant une réparation équitable et appropriée aux victimes de la torture, notamment leur indemnisation et leur réadaptation;

10.Prient instamment tous les participants à la Conférence mondiale de Durban contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée d’œuvrer de conserve pour l’élimination de la torture, compte dûment tenu du lien qui existe entre la discrimination et la pratique de la torture et de la nécessité d’éliminer toute pratique de ce genre en tant qu’élément crucial de l’action menée pour que les victimes de la torture obtiennent réparation;

11.Demandent au Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies de transmettre la présente déclaration commune à tous les gouvernements et d’en assurer la diffusion aussi large que possible;

12.Lancent un appel aux médias:

a)Pour qu’ils donnent le 26 juin 2001 la plus large publicité possible à la présente déclaration commune;

b)Pour qu’ils éclairent à la fois les gouvernements et l’opinion publique sur la situation actuelle en ce qui concerne la torture, en en rendant compte d’une manière suivie.

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