Nations Unies

A/HRC/32/43/Add.1

Assemblée générale

Distr. générale

27 avril 2016

Français

Original : anglais

Conseil des droits de l ’ homme

Trente - deux ième session

Point 3 de l’ordre du jour

Promotion et protection de tous les droits de l ’ homme, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, y compris le droit au développement

Rapport de l’Experte indépendante sur les droits de l’homme et la solidarité internationale sur sa mission au Maroc *

Note du Secrétariat

Le Secrétariat a l’honneur de transmettre au Conseil des droits de l’homme le rapport de l’Experte indépendante sur les droits de l’homme et la solidarité internationale sur la mission qu’elle a menée au Maroc du 15 au 20 janvier 2016. L’objectif de cette visite était d’examiner l’incidence des activités de coopération internationale du Maroc sur l’amélioration de la situation des droits de l’homme.

L’Experte indépendante note et salue les progrès accomplis par le Maroc dans le domaine de la gouvernance et du développement humain et se félicite, en particulier, de la reconnaissance des droits de l’homme et de l’importance accordée à la solidarité et à la coopération dans la Constitution. Elle reconnaît les efforts déployés par le Maroc en vue d’établir un développement durable participatif. Elle encourage le Gouvernement à continuer d’affiner ses projets de développement national dans le cadre d’une approche intégrée du développement et de la coopération, sur les plans national et international, et d’une plus grande harmonisation de l’action menée en vue d’atteindre d’ici à 2030 les nouveaux objectifs de développement durable.

Rapport de l’Experte indépendante sur les droits de l’homme et la solidarité internationale sur sa mission au Maroc **, ***

Table des matières

Page

I.Introduction3

II.Cadre international de protection des droits de l’homme3

III.Politiques de solidarité et de développement6

A.Politiques et programmes de développement social7

B.Solidarité contre l’inégalité et pour la promotion du développement économique8

C.Solidarité à l’égard des migrants et des réfugiés10

D.Politique nationale de l’environnement et solidarité internationale11

IV.Solidarité et coopération internationales au Maroc12

A.Cadre pour la solidarité et la coopération internationales12

B.Transparence et responsabilité dans le domaine du développement13

C.Aide au développement16

D.Coopération Sud-Sud18

V.Visite à Dakhla (Sahara occidental)20

VI.Conclusion et recommandations21

I.Introduction

1.Dans le présent rapport, l’Experte indépendante sur les droits de l’homme et la solidarité internationale présente les principales observations qu’elle a faites lors de sa visite officielle au Maroc et au Sahara occidental, du 15 au 20 janvier 2016. L’objectif de cette visite était d’examiner la nature des partenariats entre le Maroc et ses partenaires extérieurs et leur incidence sur la promotion des droits de l’homme. L’Experte indépendante tient à rappeler que les États ont le devoir de coopérer sur le plan international, en particulier en apportant une assistance économique et technique aux États qui ne disposent ni des ressources ni des moyens nécessaires pour s’acquitter des obligations qui leur incombent dans le domaine des droits de l’homme. Les États participent donc à la coopération internationale en vue de faciliter la réalisation des droits de l’homme en dehors de leurs frontières. La solidarité internationale ne se limite pas à une simple coopération internationale ; elle passe par une coopération internationale fondée sur le respect mutuel, l’égalité entre partenaires et les principes fondamentaux relatifs aux droits de l’homme, et axée sur la réalisation universelle des droits de l’homme. En outre, la solidarité internationale devrait être le fruit de politiques de coopération nationales. D’où l’importance d’une approche participative, dans le cadre de laquelle des mesures adéquates sont prises pour que de véritables consultations soient menées avec ceux qui sont susceptibles d’être directement ou indirectement touchés par la coopération internationale. Il importe également que l’incidence d’une telle coopération ne soit pas incompatible avec les principes des droits de l’homme.

2.L’Experte indépendante s’est entretenue avec des représentants de divers ministères, y compris la Délégation interministérielle aux droits de l’homme, la Ministre déléguée auprès du Ministre des affaires étrangères, le Coordonnateur national de l’Initiative nationale pour le développement humain, qui relève du Ministère de l’intérieur, le Directeur du budget du Ministère des finances et le Ministère de la solidarité, de la femme, de la famille et du développement social. Elle a également rencontré le Ministre de l’artisanat et de l’économie sociale et solidaire, le Ministre de l’emploi et des affaires sociales, des représentants du Département de la formation professionnelle, qui relève du Ministère de l’éducation nationale et de la formation professionnelle, du Ministre chargé des Marocains résidant à l’étranger et des affaires de la migration, et du Ministère de l’énergie, des mines, de l’eau et de l’environnement. Elle a consulté le Président de la Chambre des représentants et s’est également entretenue avec les partenaires de développement bilatéraux et multilatéraux, et avec des organisations de la société civile. L’Experte indépendante s’est rendue dans la ville de Dakhla (Sahara occidental) le 20 janvier 2016.

3.L’Experte indépendante sait gré au Gouvernement marocain de l’avoir invitée et d’avoir pleinement coopéré avec elle lors de sa visite. Elle remercie également l’équipe de pays des Nations Unies au Maroc de lui avoir apporté un appui tout au long de sa visite et de s’intéresser aux travaux relevant de son mandat. Elle tient à exprimer sa gratitude à toutes les parties prenantes qui ont pris le temps de la rencontrer et de dialoguer avec elle.

II.Cadre international de protection des droits de l’homme

4.Les engagements qu’a pris le Maroc dans le cadre de divers instruments et mécanismes internationaux relatifs aux droits de l’homme figurent dans les rapports qu’il présente aux différents organes conventionnels correspondants, les rapports élaborés lors de l’Examen périodique universel et les rapports des titulaires de mandat au titre des procédures spéciales qui se sont rendus dans le pays. La Constitution marocaine de 2011 garantit le respect des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, ainsi que du droit au développement. Il convient de noter que le principe de non-discrimination est inscrit dans le préambule de la Constitution, toutes les formes de discrimination fondée sur des motifs interdits étant effectivement proscrites.

5.La Constitution affirme la primauté du droit international sur le droit interne. Le Maroc est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et au Protocole facultatif s’y rapportant (depuis 2014) et à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (depuis 2013). Le Maroc est également partie à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et à la Convention relative aux droits de l’enfant (depuis 1993) et ses protocoles facultatifs. Enfin, le Maroc a également ratifié la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (en 1970) et la Convention relative aux droits des personnes handicapées (en 2009).

6.Dans son rapport à mi-parcours sur la mise en œuvre des recommandations formulées dans le cadre du deuxième cycle de l’Examen périodique universel, le Gouvernement a évoqué les consultations en cours sur l’adhésion aux Protocoles facultatifs se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Maroc s’est aussi déclaré disposé à coopérer avec le Conseil des droits de l’homme et ses diverses instances, y compris les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales. Le pays a reçu 12 de ces titulaires et en a invité beaucoup d’autres. Le Maroc a joué à plusieurs reprises un rôle de facilitateur dans différents processus relevant de l’Examen périodique universel entre les années 2006 et 2011. Il a apporté son appui à la mise en place de plusieurs mandats au titre des procédures spéciales.

7.Au niveau régional, le Maroc a progressivement adhéré aux conventions du Conseil de l’Europe sur la protection des droits de l’homme qui sont ouvertes aux États non membres, y compris la Convention de 2003 sur les relations personnelles concernant les enfants et la Convention de 2007 sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels. Il a également adhéré à la Convention européenne de 1996 sur l’exercice des droits des enfants et à la Convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel et son Protocole additionnel. L’État a également activement contribué au renforcement du plan arabe de promotion de la culture des droits de l’homme (2010).

8.Au niveau national, le Maroc a mis en place un certain nombre d’organes chargés d’observer la situation sur le plan des droits de l’homme et d’enquêter à ce sujet, tels que le Conseil national des droits de l’homme et l’Institution du Médiateur, tous deux dotés d’un mandat défini dans la Constitution. Le Conseil national des droits de l’homme est l’institution nationale de défense des droits de l’homme financée par le budget général de l’État, disposant de bureaux dans les 12 régions du pays, qui sont chargés de surveiller attentivement la situation des droits de l’homme, y compris au niveau local. Il se compose de plusieurs groupes de travail, dont un, consacré au développement des relations internationales, des partenariats et de la coopération, qui est chargé des politiques et stratégies visant à renforcer la coopération avec d’autres pays. Ce groupe de travail a également pour mission de développer et de renforcer les partenariats aux niveaux national et international, notamment avec le système des Nations Unies et d’autres organisations internationales de défense et de promotion des droits de l’homme.

9.Le Conseil national des droits de l’homme entretient des relations officielles avec des partenaires bilatéraux et multilatéraux aux fins du renforcement mutuel de capacités et de la mise en commun des bonnes pratiques, notamment avec les institutions nationales de défense des droits de l’homme de la Jordanie, de l’Égypte et de la Libye, et l’Institut arabe des droits de l’homme. Il gère également des partenariats avec le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida, l’Union européenne et le Centre international pour la justice transitionnelle. Il a mené une étude en collaboration avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) sur la réalisation des droits de l’homme au Maroc et en particulier les droits économiques, sociaux et culturels. Le Conseil fait également partie de réseaux d’institutions de défense des droits de l’homme, dont le Réseau arabe des associations nationales de défense des droits de l’homme, le Dialogue euro-arabe des droits de l’homme, l’Association francophone des commissions nationales des droits de l’homme, le Réseau des institutions nationales africaines des droits de l’homme et le dialogue arabo-ibéro-américain des institutions nationales des droits de l’homme. Le Conseil a fourni des informations sur la création d’un centre sous-régional de formation aux droits de l’homme, établi avec l’appui de partenaires européens et visant à renforcer les capacités de la société civile, par l’extension de ses services à la société civile et à d’autres acteurs œuvrant en faveur des droits de l’homme dans la région.

10.L’Institution du Médiateur est une instance indépendante chargée de superviser les relations entre les prestataires de services publics et les citoyens afin de défendre les droits de ces derniers, de contribuer à la primauté du droit et de promouvoir la justice et l’équité, ainsi que la transparence dans la gestion des deniers publics, des administrations et des collectivités locales. Le président de l’Institution, qui est nommé par le Roi, est également membre du Conseil national des droits de l’homme, du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et de l’Instance centrale de prévention de la corruption. Le Médiateur a formé des partenariats avec des institutions similaires en France, au Canada, au Danemark, au Mali et en Espagne et participe activement aux travaux de l’Association des ombudsmans des pays de la Méditerranée, ainsi qu’à ceux de l’Association des ombudsmans et médiateurs de la francophonie. L’Institution du Médiateur a organisé des échanges et des séminaires de formation à son centre international de Rabat, dont ont bénéficié de nombreux dignitaires étrangers. Au deuxième Forum mondial des droits de l’homme, tenu à Marrakech en 2014, l’Institution du Médiateur a invité un certain nombre de dirigeants de réseaux internationaux de médiateurs et d’ombudsmans à participer à des tables rondes, au cours desquelles ils ont échangé des vues sur la médiation institutionnelle et la promotion des droits de l’homme. Ils ont adopté la Déclaration de Marrakech afin de créer une instance internationale susceptible de rassembler les réseaux internationaux de médiation institutionnelle et d’examiner les possibilités de coopération avec le système des Nations Unies en vue d’appuyer les services de médiation et de favoriser leur action.

11.La Délégation interministérielle aux droits de l’homme, créée en 2011, est une institution gouvernementale chargée d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques gouvernementales de protection, de promotion et de respect des droits de l’homme, en coordination avec les institutions gouvernementales compétentes. Le plan stratégique de l’institution pour 2012-2016 comprend trois objectifs clefs : la coordination et le suivi des politiques relatives aux droits de l’homme ; le renforcement du degré d’ouverture aux organisations de la société civile nationale et l’amélioration de leur participation active aux consultations internationales et régionales ; et la mise en place de relations proactives et constructives au niveau international. Le renforcement de la coopération avec les mécanismes internationaux et régionaux et les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme ; l’élaboration et la présentation des rapports à soumettre aux différents organes conventionnels ; et la suite à donner aux rapports sur le Maroc établis par diverses organisations internationales relèvent de ce dernier objectif.

12.L’Experte indépendante a également pris note de la création du Conseil économique, social et environnemental, organe consultatif indépendant chargé de fournir des avis et des recommandations au Gouvernement et au Parlement sur les politiques publiques et la législation dans les domaines économique, social et environnemental. Dans le cadre de l’exécution de son mandat, le Conseil a accordé toute l’attention voulue au principe de solidarité, afin de favoriser la cohésion sociale entre les citoyens et entre les différentes régions du pays. Il s’est également employé à promouvoir les droits intergénérationnels, en tenant compte de la viabilité environnementale et de la lutte contre la discrimination, en particulier la discrimination fondée sur le sexe.

III.Politiques de solidarité et de développement

13.L’Experte indépendante a observé que le principe de solidarité, reconnu dans plusieurs dispositions de la Constitution marocaine de 2011, est l’un des principes fondateurs de l’action menée par le pays pour parvenir au développement humain et rapprocher le Gouvernement de la population dans le cadre de la régionalisation avancée. À cet égard, la volonté de bâtir une société solidaire où tous jouissent de la sécurité, de la liberté, de l’égalité des chances, du respect de leur dignité et de la justice sociale, dans le cadre du principe de corrélation entre les droits et les devoirs de la citoyenneté, est énoncée dans le préambule de la Constitution. Il est stipulé à l’article 136 que l’organisation territoriale repose sur les principes de libre administration, de coopération et de solidarité. Il s’agit des principes de base de la décentralisation, qui vise à garantir la participation de la population à la gestion des affaires locales et à contribuer à un développement humain durable et intégré. Depuis 2001, les politiques de développement du Maroc sont axées sur le développement humain, la promotion de la bonne gouvernance et la participation active des citoyens, compte tenu des principes de responsabilité et de transparence.

14.D’après la Banque mondiale, la situation économique du Maroc s’est améliorée en 2015. Le taux de chômage a été ramené à 9,3 %, bien qu’il continue d’avoisiner 40 % et 20 % parmi les jeunes citadins et les diplômés, respectivement. Selon le rapport national de 2015 sur les objectifs du Millénaire pour le développement, les secteurs de l’agriculture, du bâtiment et des travaux publics et des services, qui représentent au total 69,2 % du produit intérieur brut (PIB), sont demeurés les principaux moteurs de l’économie nationale. Composés en grande partie d’activités informelles à faible productivité, ces secteurs sont les principaux marqueurs de la structure de l’emploi. La part du budget de l’État allouée aux secteurs sociaux est passée de 41 % à 55 % entre 1999 et 2014, la part du secteur de la santé étant en moyenne de 5,2 % et celle de l’éducation de 25 %. Il est en outre souligné dans le rapport que l’amélioration générale du niveau de vie et la réduction des inégalités sociales ont contribué à un recul notable de la pauvreté et de la vulnérabilité, tandis que l’extrême pauvreté a pratiquement été éliminée. Le taux actuel de pauvreté absolue n’est pas statistiquement significatif au niveau national, est négligeable dans les zones urbaines et a été ramené à 8,9 % dans les zones rurales. La vulnérabilité face à la pauvreté se maintient cependant au même niveau, malgré une forte baisse dans les zones rurales, où son incidence est passée de 30 % à 18 %.

15.Le programme du Gouvernement pour la période 2012-2016 s’articule autour de cinq piliers qui se renforcent mutuellement, à savoir : a) l’approfondissement de l’identité nationale, le maintien de la cohésion sociale et de la diversité et l’ouverture ; b) le renforcement de la primauté du droit et de la bonne gouvernance, de la participation démocratique et de la promotion de la régionalisation et de la décentralisation, dans le contexte de la responsabilisation et de la citoyenneté véritable ; c) la recherche d’une croissance économique forte, compétitive, multisectorielle, diversifiée, créatrice de richesses et d’emplois et équitable ; d) la promotion de programmes sociaux qui garantissent un accès équitable aux services de base et le renforcement de la solidarité et de l’égalité des chances entre les citoyens et entre les générations et les régions ; et e) le renforcement de la crédibilité du pays sur le plan international et régional et la promotion de services publics destinés aux Marocains résidant à l’étranger.

16.Il est stipulé à l’article 139 de la Constitution que des mécanismes participatifs de dialogue et de concertation doivent être mis en place par les conseils des régions et les conseils des autres collectivités territoriales pour favoriser la participation des citoyennes et des citoyens, et des associations à l’élaboration et au suivi des programmes de développement. Le processus de régionalisation avancée prescrit au Titre IX de la Constitution établit les droits et les obligations des collectivités territoriales, qui sont devenues des acteurs importants du développement humain durable et de la démocratie. Ce processus vise à renforcer les capacités des institutions locales et à décentraliser l’octroi de ressources financières aux fins de la mise en œuvre des politiques publiques de développement aux niveaux régional et local. Il a bénéficié de l’appui de partenaires étrangers, en particulier dans le domaine du renforcement des capacités.

A.Politiques et programmes de développement social

17.L’Initiative nationale pour le développement humain, qui relève du Ministère de l’intérieur, est le principal instrument de gouvernance visant à promouvoir le développement humain, à améliorer l’accès aux services publics, à créer des emplois et à rehausser les revenus des ménages pour lutter contre la pauvreté et l’inégalité. La mise en œuvre de l’Initiative s’appuie sur un certain nombre d’autres politiques des pouvoirs publics et s’inscrit dans le cadre du processus de régionalisation avancée. Elle s’effectue selon un ciblage géographique des zones et populations prioritaires et fonctionne par projet, finançant des initiatives présentées par des acteurs locaux, notamment des coopératives, des associations, des organisations non gouvernementales et des collectivités et des administrations locales. D’après l’Initiative, entre 2005 et 2014, plus de 9 millions de personnes ont bénéficié de ce programme, dont la moitié vivait dans des zones rurales.

18.La contribution financière des partenaires de développement n’a représenté que 20 % du budget total de la première phase de l’Initiative, qui a été financée principalement par le budget ordinaire de l’État, ce qui témoigne de la volonté du pays d’investir en faveur du renforcement des droits économiques et sociaux. Les principaux contributeurs ont été l’Arabie saoudite (125 millions de dollars pour les deux phases) et l’Union européenne (85 millions d’euros). Le programme a reçu de l’Italie et de l’Espagne l’équivalent de 27,5 millions d’euros sous forme de conversion de dettes. Le montant du prêt accordé par la Banque mondiale à l’Initiative a triplé, passant de 100 millions à 300 millions de dollars au cours de sa deuxième phase, ce qui confirme les mérites du projet. Bien que, en termes absolus, la contribution financière des partenaires extérieurs ait diminué au cours de la deuxième phase, afin d’accroître l’autonomie financière du projet, elle a joué un rôle de premier plan en ce qui concerne le renforcement des capacités et le suivi des résultats, des indicateurs ayant été progressivement mis au point et ajustés.

19.L’Agence de développement social, créée en 2001, s’emploie également à réduire la pauvreté et à promouvoir le développement social au Maroc. En collaboration avec la société civile et les collectivités locales, elle complète l’action de plusieurs autres institutions œuvrant dans ce domaine. Lorsque l’Initiative a été mise en place en 2005, l’Agence s’est détournée du financement de projets locaux de développement menés par la société civile pour renforcer davantage les capacités des acteurs locaux afin de faciliter la mise en œuvre des projets désormais financés par l’Initiative, et fournir un appui à l’élaboration des stratégies de développement local. Bien que les deux institutions fassent appel à la société civile pour la mise en œuvre de projets, il a été signalé que l’Initiative a favorisé la prolifération d’un grand nombre d’organismes de développement sans toutefois associer à son action de nombreuses organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme. Il a en outre été reproché à l’Initiative de ne pas toujours pouvoir assurer l’autonomie financière des projets, du fait de son mode opérationnel.

20.Le Maroc s’est en outre doté en 2008 d’un Observatoire national du développement humain, qui relève du Cabinet du Premier Ministre. L’Observatoire a principalement pour mission d’analyser et d’évaluer l’incidence des programmes de développement humain et de proposer des mesures et des actions qui contribueraient à l’élaboration et à la mise en œuvre d’une stratégie nationale de développement humain dans le cadre de l’Initiative nationale pour le développement humain. En outre, la Fondation Mohammed V pour la solidarité, une entité privée qui gère un budget annuel d’aide au développement de 50 millions d’euros, accorde aussi des financements à des centres d’assistance sociale gérés par la société civile qui s’adressent aux catégories vulnérables de la population.

21.Si la lutte contre la pauvreté et l’amélioration de l’accès aux services de base font partie des priorités du Gouvernement, certaines parties prenantes s’inquiètent du manque de coordination de l’approche suivie, et notamment de l’absence d’une stratégie de réduction de la pauvreté. Cela pourrait nuire à l’action menée en vue de surmonter les obstacles à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, ainsi qu’à l’intégration d’une approche du développement fondée sur les droits de l’homme dans les différents secteurs. Un cadre stratégique national pour un développement humain fondé sur les droits de l’homme permettrait d’élaborer des indicateurs visant à véritablement évaluer l’incidence de divers programmes sur les droits de l’homme. Cette lacune peut aussi, dans une certaine mesure, avoir des effets négatifs sur la capacité des partenaires extérieurs de développement de coordonner véritablement la mise en œuvre de leurs cadres respectifs de partenariat stratégique avec le Maroc.

B.Solidarité contre l’inégalité et pour la promotion du développement économique

22.Le Ministère de la solidarité, de la femme, de la famille et du développement social s’emploie à promouvoir l’égalité et la parité des sexes et à lutter contre l’insécurité économique parmi les femmes, les enfants, les personnes handicapées et les personnes âgées. Le Ministère favorise l’entraide nationale et est chargé du système de protection sociale. En coopération avec les organisations non gouvernementales, il gère 3 000 travailleurs sociaux et 1 000 centres, afin de développer l’assistance sur place. Le Ministère a indiqué que son partenariat avec la société civile était un élément clef de son modèle de gestion ; les organisations de la société civile ont été présentes à tous les stades de la mise en œuvre. Le Ministère a en outre indiqué que les deux tiers de son budget étaient consacrés à des activités menées par la société civile. Il forme également des travailleurs sociaux par l’intermédiaire de l’Institut national de développement social, qui mène des activités de renforcement des capacités en faveur de la coopération Sud-Sud.

23.Le Ministère agit en complément de l’Initiative nationale pour le développement humain et de la Fondation Mohammed V pour la solidarité. Dans le cadre de ses travaux sur l’égalité des sexes et les droits des femmes, un accord de partenariat a été signé en 2012 avec l’Union européenne pour financer le Plan gouvernemental pour l’égalité pour la période 2012-2016. Grâce à cette coopération, 45 millions d’euros ont été alloués au financement de divers projets, dont l’élaboration d’indicateurs visant à mesurer les progrès accomplis dans le cadre de cette politique. Ces fonds ont été répartis comme suit : 37,5 millions d’euros d’appui budgétaire, alloués en fonction de l’obtention des résultats relatifs aux indicateurs cibles, 4 millions d’euros d’assistance technique et 2 millions d’euros de subventions octroyées à des acteurs non étatiques.

24.À la suite de la réorganisation du Ministère, une division de la coopération internationale ayant pour principale mission de permettre la mise en commun de données d’expérience et de pratiques avec des partenaires multilatéraux et bilatéraux a été créée. La Banque mondiale a offert son appui dans le domaine de l’accessibilité pour les personnes handicapées. Un vaste programme est à cet égard en cours d’exécution à Marrakech. Parallèlement, en 2015, le Ministère a commencé à collaborer avec le PNUD afin d’élaborer une politique publique intégrée de promotion des droits des personnes handicapées. Un projet mené conjointement avec la Finlande afin de mettre en commun les bonnes pratiques et de renforcer les moyens disponibles pour apporter une assistance adéquate aux personnes âgées a également été cité en exemple. Le Ministère bénéficie en outre de l’assistance de l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU-Femmes), notamment aux fins de la révision du Code de la famille.

25.Le Ministère de l’artisanat et de l’économie sociale et solidaire est à la tête des activités visant à promouvoir un modèle économique fondé sur la solidarité, par l’instauration de conditions propices à la réalisation des droits économiques et sociaux pour les membres de coopératives et d’associations économiques. Le Ministère s’emploie à élaborer un projet de loi-cadre sur l’économie sociale et solidaire avec l’aide de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). La promotion d’une économie sociale et solidaire au Maroc est considérée comme un moyen de stimuler les économies locales qui favorisent le développement au niveau communautaire et l’autonomisation des petits producteurs et de régulariser l’économie informelle. Les coopératives promeuvent l’innovation économique à l’échelle locale tout en renforçant la solidarité et la mise en place d’une économie démocratique. La solidarité entre producteurs de lait a permis à leur coopérative de devenir autonome et de vendre des produits à des prix accessibles sur le marché national, ce qui a bénéficié à la fois aux producteurs et aux consommateurs.

26.Le Ministère met également en œuvre avec des partenaires étrangers des programmes d’alphabétisation fonctionnelle, visant à renforcer les moyens d’action des agriculteurs et artisans, en coordination avec l’Organisation internationale du Travail (OIT). En outre, avec l’aide de l’OIT et du Ministère du travail, un programme a été établi pour lutter contre le travail des enfants dans ce secteur en particulier, parmi d’autres dans l’ensemble du pays. L’Experte indépendante a appris que le travail des enfants a ainsi diminué de façon spectaculaire, le nombre d’enfants concernés étant passé de 600 000 en 2009 à moins de 60 000 à l’heure actuelle. L’OIT a confirmé que le programme a pris fin en 2015 du fait de son succès considérable.

C.Solidarité à l’égard des migrants et des réfugiés

27.Le Maroc a reçu de nombreux éloges pour sa politique novatrice sur les réfugiés et les migrants dans la région, élaborée à la suite du rapport présenté par le Conseil national des droits de l’homme au Roi en 2013, qui soulignait la vulnérabilité des populations migrantes, dont les demandeurs d’asile. Il était recommandé dans ce rapport de modifier la législation nationale de façon à la rendre conforme aux principes internationaux que le Maroc s’était engagé à respecter. Il était en outre indiqué qu’il convenait d’établir un cadre institutionnel adéquat pour mettre en œuvre une politique d’intégration qui permettrait aussi à la population migrante d’avoir accès aux services de base qui relevaient de leurs droits fondamentaux, ainsi que de renforcer la coopération du Maroc avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). En outre, le Gouvernement a été prié dans ce rapport de faciliter un dialogue permanent avec la société civile nationale et internationale, afin de permettre l’échange d’informations, la mobilisation d’assistance humanitaire et de services d’experts juridiques, la diffusion de bonnes pratiques et l’apport d’une assistance en retour. Le Conseil a souligné qu’il était de la plus haute importance, lors de la conception et la mise en œuvre d’une nouvelle politique d’immigration et d’asile, de tenir compte des capacités économiques restreintes du Maroc et du rôle des organisations internationales, notamment les organismes des Nations Unies concernés, et des États partenaires, y compris les pays européens, ainsi que l’Union européenne. Il a en outre été signalé qu’il faudrait bénéficier d’une assistance pour mobiliser les ressources humaines et financières nécessaires à la mise en œuvre d’une véritable politique d’inclusion et de régularisation du statut des migrants.

28.À la suite de ce rapport, une nouvelle approche de la politique migratoire fondée sur les droits de l’homme a été adoptée. Le Ministère chargé des Marocains résidant à l’étranger et des affaires de la migration a informé l’Experte indépendante que le Maroc élaborait, en coopération avec les institutions publiques compétentes, un système national visant à garantir les droits et libertés des migrants et des réfugiés. Un plan d’action d’urgence a également été mis en place afin de répondre aux besoins d’environ 18 000 migrants qui avaient récemment obtenu des permis de séjour. Il a été signalé que 92 % des demandes de régularisation avaient été approuvées, bien que des membres de la société civile aient fait part de difficultés constatées dans l’application des mesures temporaires au niveau de l’administration locale. Outre l’égalité d’accès aux services publics, le plan d’action prévoyait la pleine intégration des migrants dans la société marocaine grâce à l’éducation, à la formation professionnelle, à des cours de langue et à des activités génératrices de revenu. Afin de mettre en œuvre le plan d’action d’urgence, des conventions-cadres ont été adoptées avec le Ministère de l’éducation et de la formation professionnelle, le Ministère de la solidarité, de la femme, de la famille et du développement social et le Ministère de la jeunesse et des sports, ainsi que l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail.

29.Le Maroc a coopéré avec le HCR afin d’assurer l’accès des réfugiés aux services et a répondu de façon positive à l’afflux de réfugiés syriens. Le partenariat de 2013 pour la mobilité avec l’Europe, qui est une politique commune de gestion de la circulation des personnes visant à renforcer la coopération en matière de migration et de développement, la lutte contre la migration illégale, le trafic et la traite, et la mise en œuvre de politiques de rapatriement, a joué un rôle important dans le changement de politique du Maroc. Il est précisé dans le document-cadre portant création du partenariat pour la mobilité que la mise en œuvre de celui-ci doit s’effectuer dans le respect des droits fondamentaux et de la dignité des personnes concernées, et conformément aux instruments internationaux dûment ratifiés relatifs à la protection des réfugiés.

30.La nouvelle politique migratoire nationale tient aussi compte de la répartition des responsabilités entre les pays d’origine, de transit et de destination, et favorise la coopération multilatérale avec les pays d’origine afin de remédier aux causes profondes des migrations, en coordination avec l’Union européenne et l’Organisation internationale pour les migrations. Davantage d’activités doivent être menées dans les pays d’origine en vue de remédier aux facteurs d’incitation au départ, dans le cadre de la coopération Sud-Sud et avec l’accord des partenaires de développement. La société civile a contribué pour beaucoup à ce changement de politique. L’Experte indépendante a appris que la société civile avait participé aux consultations préliminaires, ainsi qu’à l’élaboration et la mise en œuvre de cette politique. Il a été souligné que tous les acteurs avaient été consultés, y compris les migrants en situation irrégulière. Le Ministère s’est régulièrement entretenu avec un conseil de la société civile, et un séminaire devait se tenir en mars 2016 pour examiner le rôle de la société civile dans la mise en œuvre de la politique migratoire. L’Experte indépendante se félicite de cette initiative, qui pourrait être le point de départ de la mise en place nécessaire d’un partenariat stratégique renforcé entre le Gouvernement et la société civile, en particulier en ce qui concerne le suivi de la mise en œuvre effective de la nouvelle politique au niveau local.

D.Politique nationale de l’environnement et solidarité internationale

31.Malgré le très faible volume de ses émissions de gaz, le Maroc a choisi un modèle de production fondé sur l’énergie propre et a fait du programme de croissance verte une grande priorité, ce qui cadre avec sa volonté de participer activement à la lutte de la communauté internationale contre les changements climatiques. À cette fin, le Gouvernement a élaboré des stratégies visant à amorcer une croissance « verte » dans les secteurs de l’énergie, des transports, de l’industrie, du bâtiment et des travaux publics et des déchets solides. Les différentes composantes du programme tendent à diversifier sa combinaison énergétique, la part des sources d’énergie renouvelables devant passer de 4,8 % de la consommation en 2014 à 12,8 % en 2020.

32.La loi-cadre sur l’environnement et le développement durable, approuvée en janvier 2013, définit les droits et obligations de l’État et de ses citoyens en ce qui concerne la protection et la préservation de l’environnement et le développement durable. Elle a porté création de la police de l’environnement, qui a pour mission de renforcer le contrôle et l’inspection de l’environnement, et a introduit une taxe écologique (dans le cadre de la « fiscalité verte »). Elle favorise en outre la réduction, la réutilisation et le recyclage des déchets, l’objectif étant de parvenir à une utilisation plus productive et viable des ressources environnementales. Le Gouvernement élabore actuellement une stratégie nationale de gestion durable des ressources naturelles.

IV.Solidarité et coopération internationales au Maroc

A.Cadre pour la solidarité et la coopération internationales

33.Le préambule de la Constitution marocaine de 2011 souligne l’importance de la coopération internationale et réaffirme la volonté du Maroc de renforcer les liens de fraternité, de coopération et de solidarité, ainsi que d’entretenir des partenariats constructifs avec d’autres États. Il est souligné dans la Constitution que le Maroc tient à consolider les relations de coopération et de solidarité avec les peuples et les pays d’Afrique, notamment les pays du Sahel et du Sahara, intensifier les relations de coopération rapprochée et de partenariat avec les pays voisins euro-méditerranéens, et élargir et diversifier ses relations d’amitié et ses échanges dans les secteurs économique, scientifique, technique et culturel avec tous les pays du monde. Une importance particulière est accordée au renforcement de la coopération Sud-Sud. La volonté de protéger et de promouvoir les dispositifs de défense des droits de l’homme et le droit international humanitaire et de contribuer à leur développement est également exprimée dans la Constitution. Ces dispositions constitutionnelles ont donné lieu à un ensemble de politiques et d’activités de coopération, qui seront analysées dans les sections ci-après.

34.Selon le Gouvernement, la promotion et la protection des droits de l’homme est un principe fondamental de la diplomatie du Maroc et de ses relations avec tous ses partenaires au sein de l’ONU et avec ses voisins du Maghreb, du monde arabo-musulman, de la région euro-méditerranéenne et de l’Afrique, ainsi que dans le cadre de la coopération Sud-Sud et d’autres initiatives de partenariat. L’Experte indépendante souligne que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, que le Maroc a ratifié, stipule que les États doivent coopérer sur le plan international afin de permettre la réalisation universelle des droits économiques, sociaux et culturels et salue l’ouverture du Maroc à cet égard.

35.Le Maroc a fait siens les principes énoncés dans la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement (2005) et le Programme d’action d’Accra (2008). La Déclaration de Paris définit un plan d’action concret et pragmatique visant à améliorer la qualité de l’aide et son incidence sur le développement. Elle définit un certain nombre de mesures précises à mettre en œuvre et établit des indicateurs de résultats permettant d’évaluer les progrès accomplis, qui seront examinés plus en détail dans le présent rapport. Elle préconise également de mettre en place un système de suivi international afin que les donateurs et les bénéficiaires aient à rendre mutuellement compte de leur action. En 2008, le Maroc a présenté les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la Déclaration de Paris.

36.Le Maroc a également approuvé le Partenariat de Busan pour une coopération efficace au service du développement, qui met l’accent en particulier sur une série de principes essentiels communs visant à assurer l’efficacité de la coopération en matière de développement. Il s’agit notamment de l’appropriation des priorités de développement par les pays en développement, de la reconnaissance de la diversité et de la complémentarité des acteurs du développement, de la transparence et du partage des responsabilités, principe selon lequel la coopération au service du développement doit être transparente, rendre compte à tous les citoyens et promouvoir une élaboration des programmes axée sur les résultats.

37.En 2015, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et le Gouvernement marocain ont signé un protocole d’accord portant sur un programme‑pays biennal de soutien aux réformes prévues au Maroc. Le programme-pays est un nouvel instrument de l’OCDE qui permet à certaines économies partenaires de tirer parti des compétences et des meilleures pratiques de l’OCDE et de renforcer les institutions et les capacités en vue de mener à bien des réformes stratégiques. Cet accord porte sur des domaines tels que l’investissement, le commerce, la gouvernance dans le secteur public, l’éducation et l’emploi, et s’articule autour de trois grands domaines d’action : la croissance économique et la compétitivité, l’inclusion sociale et la gouvernance dans le secteur public.

38.Le Ministère des affaires étrangères et de la coopération a indiqué que le Maroc était l’un des pays de la région les plus ouverts sur l’extérieur, qui privilégiait ses relations avec l’Afrique, l’Union européenne et le monde arabe et cherchait à renforcer ses liens avec l’Asie et les Amériques. L’Experte indépendante a également appris que la société civile contribuait à la transposition des accords internationaux dans le droit interne et à la mise en œuvre de politiques visant à honorer les obligations qui incombent au Maroc sur le plan international, en particulier grâce à l’Initiative nationale pour le développement humain. L’Experte indépendante note avec satisfaction que le Ministère des affaires étrangères et de la coopération publie sur son site Web des informations sur le cadre de sa coopération avec diverses parties prenantes.

39.L’Agence marocaine de coopération internationale, créée en 1986, est chargée de mettre en œuvre la politique de coopération extérieure du pays, en étroite coopération avec le Ministère des affaires étrangères et de la coopération et en partenariat avec les services ministériels et les institutions publiques concernés. Sa principale mission est de développer et de diversifier les relations extérieures dans les domaines scientifique, culturel, technique, économique et humanitaire avec les pays partenaires, notamment dans le cadre de la coopération Sud-Sud. L’Experte indépendante n’a pas été en mesure de s’entretenir directement avec l’Agence, mais a noté qu’il lui a souvent été signalé que chaque institution avait son propre programme de coopération, qui n’était pas nécessairement coordonné avec ceux des autres institutions, et que certaines initiatives sortaient ainsi du cadre de la politique concertée de coopération pour le développement.

B.Transparence et responsabilité dans le domaine du développement

40.Dans son dernier rapport au Comité des droits économiques, sociaux et culturels, le Maroc a mentionné un plan d’action qui avait été présenté à divers donateurs. Ce plan avait pour but d’améliorer l’efficacité de l’aide grâce à une approche multisectorielle intégrée, ainsi qu’à la promotion de la transparence et de la coordination des activités relevant de l’aide.

41.Au cours de ses échanges avec la Direction du budget du Ministère des finances, l’Experte indépendante a souligné que le devoir de coopération internationale obligeait l’État à utiliser toutes les ressources à sa disposition, intérieures ou extérieures, pour parvenir à la réalisation des droits de l’homme fondamentaux conformément aux obligations conventionnelles qui lui incombent sur le plan des droits de l’homme. L’Experte indépendante a fait observer que la budgétisation et le financement fondés sur les droits de l’homme étaient essentiels à cet égard.

42.Le Directeur du budget a souligné que tous les fonds provenant de donateurs internationaux servaient à la mise en œuvre de réformes ayant une incidence directe sur la réalisation des droits de l’homme. Entre autres tâches, la Direction du budget est chargée de concrétiser et de suivre le financement de projets des pouvoirs publics par des fonds extérieurs. Dans ce contexte, la Direction participe à l’élaboration des stratégies, des normes en matière de financement extérieur et des modalités de financement des projets inscrits aux budgets de l’État, des autorités locales et des organismes publics. Elle est également chargée de chercher, de négocier et d’obtenir des financements extérieurs pour la mise en œuvre de ces projets ou programmes, de suivre l’utilisation de ces fonds, de coordonner les activités connexes de donateurs étrangers dans ce domaine et de participer à la négociation des protocoles de coopération dans les domaines culturel, technique et scientifique.

43.L’article 34 de la loi organique no 130-13 de juin 2015 sur les finances stipule que l’attribution et les modalités d’utilisation des fonds extérieurs devraient être conformes à ce qui est convenu avec le donateur et le reliquat des fonds extérieurs comptabilisé en recettes au budget général de l’État. La loi impose le suivi des opérations et des résultats financiers et officialise les impératifs de responsabilité et de transparence tout au long du processus. Les divers programmes de développement sectoriel sont financés par le budget général de l’État et, dans une bien moindre mesure, par des fonds étrangers.

44.Le Maroc est déterminé à renforcer l’efficacité de l’aide, notamment en mettant en œuvre la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement (2005) et les partenariats en faveur du développement. L’un des objectifs énoncés dans la Déclaration était de faire en sorte que d’ici à 2010 la proportion de l’aide allouée au secteur public prise en compte dans les prévisions budgétaires atteigne 85 %. D’après l’enquête de suivi de la mise en œuvre de la Déclaration de Paris, réalisée par l’OCDE en 2008, 80 % du montant total de l’aide annoncée par les donateurs a été comptabilisée dans les prévisions budgétaires marocaines. Bien que ce taux soit inférieur au seuil de 85 % fixé dans la Déclaration de Paris, il est signalé dans l’enquête que certains écarts peuvent être attribués au fait qu’une partie de l’aide ait pu être versée directement aux bénéficiaires sans que le Ministère des finances en ait été averti. Le Maroc n’a pas participé à l’enquête la plus récente, menée en 2011.

45.La nouvelle loi organique établit une transparence totale, stipulant que chacun devrait avoir accès aux informations relatives au budget et aux projets connexes. À cet égard, la Direction du budget a créé, avec l’appui du PNUD, une carte nationale, accessible au public, des projets de développement financés par des donateurs extérieurs. Cette carte, qui peut être consultée sur le site Web du Ministère des finances, donne des informations sur les projets, y compris leur emplacement géographique, le secteur visé, le principal bailleur de fonds et les montants alloués, ainsi que l’état des décaissements. Elle vise à rendre compte des projets de développement entrepris à l’échelon national. Elle facilite également les processus décisionnels et la coordination de l’aide entre les donateurs. L’Experte indépendante souhaiterait néanmoins encourager les différentes institutions gouvernementales compétentes à annoncer publiquement sous quelle forme l’assistance est fournie, et non seulement à assurer la participation active de la société civile au renforcement des capacités, ou en tant que partenaire d’exécution, mais également à l’associer systématiquement à l’évaluation et au suivi de projets de développement, que ceux-ci soient financés au moyen du budget ordinaire de l’État ou de l’aide au développement.

46.La Direction a expliqué à l’Experte indépendante avoir mis en œuvre, depuis le début des années 2000 et avec l’appui des partenaires des Nations Unies, une politique de budgétisation tenant compte des questions de genre, dans le cadre de laquelle les inégalités entre les sexes étaient prises en compte. Le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM, qui fait maintenant partie d’ONU-Femmes) a indiqué qu’en 2002, le Ministère des finances et de la privatisation avait, avec l’appui de la Banque mondiale, réalisé une étude préliminaire sur « la faisabilité méthodologique des comptes budgétaires pour les questions de genre et l’enfance au Maroc ». Cela a été suivi d’une initiative conjointe du Ministère des finances et de la privatisation et de l’UNIFEM, avec l’appui financier du Gouvernement belge. En 2014, ONU-Femmes a indiqué que le Maroc avait réussi à adopter une budgétisation tenant compte des questions de genre. Cette approche de la gestion des finances publiques axée sur les résultats et tenant compte des questions de genre a été inscrite dans la nouvelle loi organique sur le financement. La loi stipule explicitement que l’égalité des sexes doit être prise en compte lors de la définition des objectifs, des résultats et des indicateurs de performance relatifs aux budgets présentés par objets de dépense et que le Rapport Genre doit être publié comme un document officiel accompagnant le projet de loi annuel sur les finances publiques. À la suite de sa visite au Maroc en 2012, le Groupe de travail chargé de la question de la discrimination à l’égard des femmes dans la législation et dans la pratique a fait observer que l’approche de la budgétisation tenant compte de la dimension genre mise en œuvre au Maroc devrait permettre, entre autres, d’analyser systématiquement les inégalités qui faisaient obstacle au développement et de prendre des mesures correctives. Il a également été souligné dans le rapport que cette approche ancrait le principe de responsabilité dans les procédures d’élaboration des politiques générales et transposait les orientations annoncées et les obligations juridiques en allocations budgétaires axées sur les résultats, qui devraient contribuer à l’élimination de la discrimination et à la promotion de l’égalité et des droits de l’homme.

47.Il a également été signalé à l’Experte indépendante que, bien que l’information soit accessible au public, il était difficile, du fait de la multitude des sources d’information et des différences de présentation d’une institution à l’autre, d’obtenir un aperçu complet et détaillé de la situation budgétaire. La mise en place d’une seule plateforme officielle regroupant des données harmonisées et aisément compréhensibles permettrait d’améliorer dans les faits l’accès du grand public à l’information.

48.L’Experte indépendante note certaines conclusions des consultations menées par la Banque mondiale auprès de ses clients et des parties prenantes, au cours desquelles le précédent partenariat stratégique entre la Banque mondiale et le Maroc a été examiné. Il est ressorti de cet examen que lors des consultations sur la stratégie, les organisations de la société civile souhaitaient principalement avoir la possibilité de participer à l’élaboration des programmes de développement du pays, de leur conception jusqu’à leur mise en œuvre, et notamment à la prise de décisions. Le souhait d’une plus grande transparence et d’une participation accrue à tous les stades des processus décisionnels a également été très souvent mentionné. Des préoccupations analogues ont été exprimées par un certain nombre d’acteurs de la société civile avec lesquels l’Experte indépendante s’est entretenue, qui ont également signalé que la qualité des services publics, et en particulier des programmes sociaux, était nettement inférieure aux attentes de la population, en particulier dans les régions moins développées et dans certaines zones urbaines et périurbaines.

C.Aide au développement

49.Le Gouvernement a indiqué à l’Experte indépendante que ses objectifs nationaux de développement cadraient avec les objectifs de développement à atteindre en collaboration avec l’Organisation des Nations Unies et les partenaires internationaux. En 2014, le Maroc a reçu plus de 2 milliards de dollars d’aide publique au développement, dont 70 % au titre de la coopération bilatérale. En 2014, la France a été le premier donateur d’aide au Maroc. Parmi les autres partenaires importants de la coopération pour le développement figurent les institutions de l’Union européenne, l’Allemagne, les Émirats arabes unis et les États-Unis d’Amérique. Quarante-huit pour cent de l’aide publique au développement reçue par le Maroc ont été alloués à l’infrastructure et aux services économiques, 21 % à l’infrastructure et aux services sociaux et 19 % à l’éducation.

50.Bien que l’aide financière reçue par le Maroc ne représente pas une part importante de son budget ordinaire, le pays invite les donateurs à verser leurs contributions au budget ordinaire, en vue d’améliorer la transparence, la gestion axée sur les résultats et l’évaluation. Dans son dernier rapport au Comité des droits économiques, sociaux et culturels, le Maroc a également indiqué que du fait de l’alignement étroit des activités des bailleurs de fonds sur les politiques nationales relatives aux droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que de l’intégration accrue de l’aide dans le dispositif budgétaire du pays, il était difficile de déterminer précisément l’incidence de la coopération internationale.

Équipe de pays des Nations Unies

51.Le plan-cadre des Nations Unies pour l’aide au développement pour la période 2012-2016 a été élaboré en fonction de cinq principes relatifs aux programmes : une approche fondée sur les droits de l’homme, la viabilité environnementale, l’égalité des sexes, le renforcement des capacités et la gestion axée sur les résultats. Cinq domaines prioritaires de coopération entre le système des Nations Unies et les acteurs nationaux, y compris la société civile, ont été définis : a) l’amélioration de la qualité de l’éducation et de la formation professionnelle ; b) l’amélioration de la santé et de la nutrition ; c) le développement socioéconomique et la réduction des vulnérabilités et des inégalités ; d) le renforcement de la gouvernance démocratique tenant compte des questions de genre ; e) la protection de l’environnement et le développement durable. Le plan-cadre se caractérise également par la promotion transversale de projets avec des partenaires non conventionnels comme les syndicats, les mouvements politiques et le secteur privé, ainsi que le renforcement des relations Nord-Sud et Sud-Sud. Il a été tenu compte, lors de l’élaboration du plan-cadre, des priorités nationales et de l’orientation du Gouvernement, des objectifs de développement durable (et précédemment des objectifs du Millénaire pour le développement) et des obligations du Maroc découlant des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme. Il est indiqué dans le plan-cadre que, malgré les progrès observés récemment, la cohésion et la coordination des activités des divers organismes des Nations Unies, en particulier dans les domaines de la réforme de la justice et de l’éducation, doivent être renforcées plus rigoureusement.

Groupe de développement de la Banque mondiale

52.En vertu du cadre de partenariat stratégique pour la période 2014-2017, le Groupe de développement de la Banque mondiale a axé son appui au Maroc sur les programmes de gouvernance transparente et de croissance verte du pays, en soutenant des approches multisectorielles novatrices du développement durable et écologiquement rationnel. Parmi les domaines d’intervention figurent l’amélioration de la gouvernance et du respect du principe de responsabilité et l’apport d’assistance au renforcement des capacités institutionnelles pour une meilleure gestion des ressources publiques et une prestation plus efficace des services de base, en particulier dans le cadre du processus de régionalisation avancée. La promotion de « la voix et la participation des citoyens fait partie intégrante de ces efforts, tout comme l’accent mis sur le genre et la jeunesse ».

53.Lors de l’élaboration du cadre de partenariat stratégique actuellement en vigueur, le Groupe de la Banque mondiale a procédé à des consultations avec le Gouvernement central, les autorités locales, les unités de gestion de projets, les organisations de la société civile, le secteur privé et les partenaires de développement sur certaines questions, y compris l’accès à l’éducation, la qualité de l’enseignement et de la formation, la participation des citoyens, la gouvernance, la prestation de services, la jeunesse et le développement.

Banque africaine de développement

54.Le montant total des sommes que la Banque africaine de développement (BAfD) s’est engagée à verser au Maroc s’élève à près de 2,5 milliards de dollars visant à financer 31 projets. L’importance de ces fonds témoigne de la qualité du partenariat entre le Maroc et la BAfD. Outre sa contribution importante au Plan Maroc vert, qui aurait un effet positif sur le droit à l’alimentation et les droits des femmes rurales, la BAfD a approuvé un prêt de 115 millions de dollars pour financer la troisième phase d’un programme d’appui à des réformes institutionnelles essentielles de la couverture médicale au Maroc. Ce programme vise à réduire les coûts et étendre le filet de protection sociale aux plus pauvres et aux plus vulnérables afin de garantir à tous les Marocains un accès équitable à des soins de santé de qualité. C’est un élément majeur à la fois de l’action menée par la BAfD contre la pauvreté et du programme de croissance inclusive.

Politique européenne de voisinage

55.Dans le cadre de la Politique européenne de voisinage, le Maroc est le premier bénéficiaire de la coopération de l’Union européenne au service du développement. Pour la période 2014-2017, le montant de l’assistance bilatérale fournie par l’Union européenne au Maroc est compris entre 728 millions d’euros au minimum et 890 millions d’euros au maximum. Le plan se fonde sur des décaissements progressifs, adaptés aux besoins du pays et aux progrès accomplis dans la mise en œuvre de son programme national de réforme. Parmi les domaines prioritaires de cette coopération figurent l’accès équitable aux services sociaux ; la gouvernance démocratique, l’état de droit et la mobilité ; et l’emploi et la croissance durable et inclusive. Le cadre prévoit également un appui complémentaire aux fins du renforcement des capacités et de l’autonomisation de la société civile. Le Maroc reçoit également des fonds supplémentaires dans le cadre de plusieurs autres instruments et programmes thématiques, tels que l’Instrument européen pour la démocratie et les droits de l’homme et le programme pour les organisations de la société civile et les autorités locales.

56.Le manque de participation des acteurs de la société civile à l’élaboration de la Politique européenne de voisinage a été évoqué avec préoccupation. Il convient également de noter que, au moment de la visite de l’Experte, les appels lancés par les acteurs de la société civile en vue d’établir un dialogue tripartite entre l’Union européenne, les autorités marocaines et la société civile étaient apparemment restés sans réponse.

Coopération internationale et organisations de la société civile

57.L’Experte indépendante tient à souligner le rôle important que les partenaires de développement peuvent jouer aux fins du renforcement du pouvoir d’action des acteurs de la société civile, y compris les organisations des droits de l’homme, ainsi que les petites organisations locales qui ont très peu accès aux fonds de la communauté internationale. Il a été signalé avec inquiétude que les appels à projets ne parviennent souvent pas jusqu’aux zones reculées, si bien que les très petites associations qui sont très actives au niveau local mais qui ont des ressources limitées tendent à en être exclues. L’Experte indépendante note que les organismes de développement s’efforcent d’inclure toutes les parties prenantes et les encourage à redoubler d’efforts en vue de renforcer le pouvoir d’action de ces organisations.

58.L’Experte indépendante tient également à attirer l’attention sur d’éventuelles restrictions de l’accès de la société civile à l’aide et aux fonds d’origine étrangère. Elle rappelle que, pour exister et fonctionner efficacement, toute association doit pouvoir solliciter, recevoir et utiliser des ressources, et que la capacité de solliciter, de recevoir et d’utiliser des ressources – humaines, matérielles et financières – d’origine nationale, étrangère et internationale relève de la liberté d’association. Il importe de noter que le Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association a fait observer que « l’accès à des ressources est important pour les associations œuvrant dans le domaine de la promotion des droits de l’homme, y compris les droits économiques, sociaux et culturels, ou dans la fourniture de services […], non seulement pour l’existence de l’association elle-même mais aussi pour que les personnes bénéficiant de leur action puissent exercer leurs droits fondamentaux ».

59.L’Experte indépendante reconnaît que le suivi est essentiel pour que tous les acteurs du développement respectent le principe de responsabilité, en particulier en ce qui concerne les fonds qu’ils reçoivent afin de mener des activités de développement destinées à bénéficier aux collectivités auprès desquelles ils travaillent. Les acteurs du développement et les autres parties prenantes doivent par conséquent œuvrer de concert avec le Gouvernement pour définir d’un commun accord des mécanismes de responsabilisation appropriés et efficaces à mettre en place, dans le respect des dispositions relatives à la liberté d’association. L’Experte indépendante estime à cet égard que le projet de loi sur la société civile devrait être un moyen de faire en sorte que toutes les organisations de la société civile puissent bénéficier de l’égalité d’accès aux fonds de développement – locaux ou étrangers – pour mettre en œuvre leurs projets et activités dans les collectivités auprès desquelles elles mènent leur action.

D.Coopération Sud-Sud

60.L’importance de maintenir et de renforcer la coopération avec les pays d’Afrique subsaharienne est reconnue dans la Constitution marocaine. À cet égard, le Maroc a réaffirmé ses affinités avec le continent africain et a, plus récemment, souligné son attachement aux liens historiques, culturels et de coopération qu’il entretient avec les pays d’Afrique subsaharienne.

61.Le Maroc souhaite vivement que sa coopération avec le continent africain donne lieu à des partenariats dynamiques et fondés sur la solidarité. Le Roi Mohammed VI est à cet égard en contact avec plusieurs présidents africains, afin de renforcer les relations bilatérales et de redynamiser la coopération Sud-Sud.

62.Des accords bilatéraux et multilatéraux ont été créés dans un certain nombre de domaines, par exemple les secteurs économique, technique, social et culturel et le développement humain, non seulement en ce qui concerne la lutte contre la pauvreté, mais également dans les domaines de l’agriculture, de la pêche, de la formation et de l’éducation, de la gestion de l’eau et de l’irrigation, de l’infrastructure de base, de l’urbanisation, de l’informatique et des finances et dans le secteur bancaire. D’autres partenariats sont en cours d’élaboration en ce qui concerne l’expérience acquise dans le cadre de l’Initiative nationale pour le développement humain et du microcrédit. L’Experte indépendante a à cet égard appris qu’un accord avait été signé avec le Gabon en juin 2015 en vue d’élaborer un programme pilote analogue à l’Initiative.

63.Il importe de noter que malgré son statut de pays à revenu intermédiaire (tranche inférieure), le Maroc a pris une série de mesures visant à contribuer au financement du développement. En 2000, le Roi Mohammed VI a annulé la dette des pays africains les moins avancés et a accordé à leurs principales exportations un régime douanier préférentiel, ce qui s’est traduit par une hausse des importations au Maroc de biens provenant de ces pays.

64.Dans le cadre de la coopération du Maroc avec les pays africains, principalement de l’Afrique de l’Ouest, l’accent a été mis sur le renforcement des capacités et la formation, en vue d’améliorer le capital humain. Le Maroc a à cet égard permis à 15 000 étudiants de l’Afrique subsaharienne de faire des études supérieures et a formé 1 000 imams. Le Département de la formation professionnelle prévoit d’apporter un appui aux fins du renforcement de capacités à 15 pays africains. Quatre pays reçoivent une aide pour mettre en place un système de formation professionnelle, et notamment construire des centres de formation et former des instructeurs. En 2015, 800 étudiants originaires d’Afrique subsaharienne ont bénéficié d’une formation professionnelle, avec l’appui de l’Agence marocaine de coopération internationale ou de la Fondation Mohammed VI. D’autres initiatives ont été mises en œuvre dans tous les secteurs dans lesquels des activités de renforcement des capacités ont été menées avec des États africains.

65.Le Ministère de l’agriculture a par exemple fourni des informations sur sa participation importante à la coopération Sud-Sud au titre d’accords multilatéraux et bilatéraux. Le Maroc a signé plusieurs accords multilatéraux dans le cadre de sa coopération avec la FAO. Dans ce cadre, le pays mène des activités de renforcement des capacités au Burkina Faso, à Djibouti et au Niger, où 82 experts marocains ont entrepris des activités directes de longue durée. Le Ministère s’est également employé à renforcer les relations interinstitutionnelles et interprofessionnelles dans le cadre d’accords signés avec d’autres ministères de l’agriculture. Le Ministère a en outre indiqué que, dans le cadre de l’action qu’il mène dans les pays partenaires, des missions d’évaluation étaient toujours menées afin de déterminer les besoins spécifiques d’un pays et d’élaborer en conséquence un programme d’action adapté. Il a en outre été confirmé que, pendant la phase d’évaluation, toutes les parties prenantes, notamment les principaux bénéficiaires, étaient consultés.

66.Le Ministère de la santé a également une division consacrée à la coopération internationale. Le chef de la coopération de ce Ministère a informé l’Experte indépendante des diverses activités menées dans le cadre de la coopération Sud-Sud. Le Maroc a signé plusieurs conventions bilatérales dans le domaine de la santé, dont la plus récente a conduit à la mise en place de huit protocoles de coopération, portant sur les produits pharmaceutiques, y compris le contrôle de la qualité, la formation des professionnels de la santé de haut niveau et la lutte contre les médicaments frauduleux. Le Ministère œuvre également en faveur du renforcement de capacités en faisant connaître les pratiques du Maroc relatives à la couverture universelle des soins de santé et l’expérience acquise dans le cadre du système national de soins de santé pour les catégories les plus pauvres de la population. Il a également été fait mention de la coopération tripartite entre le Japon, le Maroc et des pays africains francophones aux fins du renforcement de capacités dans le domaine de la santé infantile et maternelle.

67.Malgré le mandat de l’Agence marocaine de coopération internationale, la coopération Sud-Sud semble être très dispersée, les activités de renforcement de capacités et d’autre ordre menées dans différents secteurs étant peu coordonnées. Il est donc difficile de déterminer si le pays s’est fixé des objectifs spécifiques et si ceux-ci sont atteints. La politique de coopération Sud-Sud devrait être énoncée de façon formelle, élaborée de façon à intégrer une approche fondée sur les droits de l’homme et coordonnée par une seule entité. L’Experte indépendante note avec satisfaction que le Ministère des affaires étrangères a entrepris un exercice de cartographie en vue de recenser les projets de coopération en cours, notamment ceux menés avec des tiers.

V.Visite à Dakhla (Sahara occidental)

68.Le 20 janvier 2016, l’Experte indépendante s’est rendue dans la ville de Dakhla (Sahara occidental), où elle a rencontré des représentants locaux des différentes institutions qui mettent en œuvre des programmes de développement et du Conseil national des droits de l’homme. Faute de temps, l’Experte indépendante n’a pas été en mesure de rencontrer des membres de la société civile locale. Il pourrait donc être nécessaire d’évaluer plus précisément la situation à cet égard. L’Experte indépendante a visité des projets locaux de l’Initiative nationale pour le développement humain, y compris un internat, où elle s’est entretenue avec des responsables de l’établissement scolaire, des enseignants et des bénévoles. L’établissement scolaire accueille des étudiants de zones très reculées n’ayant pas de structures éducatives. L’enseignement, ainsi que l’hébergement et les repas, sont fournis gratuitement aux élèves de différents âges. L’Experte indépendante a pu s’entretenir avec quelques étudiants qui parlaient anglais. Elle a également visité une coopérative d’artisans œuvrant dans différents domaines : poterie, céramique, travail des métaux, joaillerie et textiles traditionnels.

69.Le bureau de Dakhla du Conseil national des droits de l’homme a informé l’Experte indépendante des efforts qu’il déploie pour promouvoir la solidarité avec les migrants marginalisés en facilitant leur intégration dans l’économie locale et en leur donnant accès aux services de santé, qui leur est parfois refusé par les prestataires de services. Il a été signalé que 200 migrants avaient été régularisés à Dakhla et attendaient de recevoir leur titre de séjour.

70.Le Conseil national des droits de l’homme a également souligné la nécessité de la coopération aux fins du renforcement de capacités, en particulier en faveur des personnes handicapées, qui ont souvent été victimes de mines terrestres, ainsi que l’importance de disposer de possibilités de développer des partenariats avec des partenaires internationaux du développement.

71.Il a été suggéré que, indépendamment de toute considération politique, une attention adéquate devrait être accordée à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels au niveau local. Il a été proposé que les partenaires de développement envisagent d’établir un fonds destiné à appuyer les projets de développement local menés par la société civile.

VI.Conclusion et recommandations

72. L ’ Experte indépendante félicite le Gouvernement marocain des progrès qu ’ il a accomplis en ce qui concerne la réalisation progressive des droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que la quasi-réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement à la fin de l ’ année 2015. Elle note avec satisfaction que la Constitution consacre la valeur fondamentale de solidarité, qui sert également de moteur à un modèle de développement participatif, axé sur l ’ être humain, transparent, responsable et écologiquement durable. Elle se félicite en outre du dynamisme du Maroc au niveau international et de sa détermination à contribuer à une coopération internationale fondée sur les principes de la solidarité et de la réciprocité dans un esprit de partenariat et de fraternité.

73. En se fondant sur les observations énoncées dans le présent rapport, l ’ Experte indépendante formule les recommandations suivantes à l ’ att ention du Gouvernement marocain  :

a) Fournir des informations simplifiées et largement accessibles sur les accords internationaux signés par le Maroc, notamment les accords économiques et commerciaux, et l ’ incidence de ces accords sur la population marocaine. Ces informations ne devraient pas être seulement accessibles sur des sites Web, afin de ne pas exclure ceux qui n ’ ont pas accès à Internet. À cet égard, les nouveaux objectifs de développement durable, le document final de la troisième Conférence internationale sur le financement du développement et l ’ accord sur le climat issu de la vingt et unième session de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques devraient être diffusés sous une présentation simplifiée auprès du plus grand nombre, afin que le public puisse prendre connaissance de leurs conséquences directes pour le Maroc  ;

b) Élaborer une politique générale nationale sur le développement humain qui tienne compte des droits de l ’ homme et se fonde sur les normes internationales en la matière, notamment l ’ égalité et la non-discrimination. Tout en reconnaissant les efforts accomplis en vue de la mise en œuvre de la parité entre les sexes, l ’ Experte indépendante note qu ’ il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine. À cet égard, elle recommande d ’ intégrer dans tous les programmes et politiques de développement de tous les secteurs une démarche tenant compte de la problématique hommes-femmes. Elle tient par ailleurs à souligner que dans le cadre d ’ une approche du développement fondée sur les droits de l ’ homme, la planification et la mise en œuvre de mesures de développement doivent être mûrement réfléchies, ciblées et progressives afin d ’ instaurer des conditions favorables à l ’ exercice et à la réalisation des droits de l ’ homme  ;

c) Renforcer la politique globale de développement national, de la planification et de la conception à la mise en œuvre et l ’ exécution, au suivi, à l ’ examen et à l ’ évaluation et à la cohérence et l ’ harmonisation des politiques entre les divers ministères, y compris ceux qui œuvrent en faveur de la coopération internationale pour le développement. Il est fortement recommandé qu ’ un seul service soit investi d ’ une fonction de contrôle à cet égard, de façon à optimiser les ressources et à éviter les doubles emplois  ;

d) Mettre en œuvre des consultations plus systématiques et approfondies aux fins de la planification, de la mise en œuvre, du suivi et de l ’ évaluation des programmes de développement, y compris les programmes d ’ aide au développement, avec la participation effective de la société civile et des collectivités concernées  ;

e) Allouer des ressources supplémentaires au renforcement des capacités à tous les niveaux de la mise en œuvre des activités de développement, compte tenu en particulier de la décentralisation imminente. Il est à cet égard suggéré que la Délégation interministérielle aux droits de l ’ homme intensifie, en coordination avec le Conseil national des droits de l ’ homme et autres partenaires, les programmes de formation aux droits de l ’ homme, en particulier ceux qui sont destinés aux fonctionnaires œuvrant à la prestation de services publics. Cela améliorerait la transparence et constituerait une mesure positive en vue de prévenir le favoritisme et la corruption dans la fonction publique  ;

f) Collaborer avec les acteurs de la société civile, y compris les organisations de défense des droits de l ’ homme et les partenaires de développement, afin de mettre en place un cadre de suivi des fonds étrangers reçus par les acteurs de la société civile. Ce cadre devrait se fonder sur l ’ impartialité et l ’ objectivité, le principe de responsabilité, la transparence et l ’ équité, et être entièrement compatible avec la liberté d ’ association. Il convient d ’ envisager de faire figurer des dispositions sur la question dans le projet de loi sur la société civile, conformément aux normes internationales relatives aux droits de l ’ homme mentionnées dans le rapport du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d ’ association (A/HRC/23/39)  ;

g) Mettre en place un cadre tripartite, composé de représentants du Gouvernement, des partenaires de développement et de la société civile, qui soit chargé de suivre la mise en œuvre et les résultats des programmes d ’ aide au développement  ;

h) Envisager de ratifier les Protocoles facultatifs se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L ’ Experte indépendante encourage le Gouvernement à redoubler d ’ efforts en vue de soumettre ses rapports en temps voulu aux organes conventionnels des droits de l ’ homme pertinents.

74. L ’ Experte indépendante soumet en outre les recommandations ci-après à l ’ examen des partenaires de dévelo ppement internationaux du Maroc  :

a) Consulter toutes les parties prenantes concernées par les programmes d ’ aide au développement et intégrer pleinement les approches fondées sur les droits de l ’ homme à tous les stades du processus, de la planification à la mise en œuvre, au suivi et à l ’ évaluation  ;

b) Assurer l ’ égalité des chances en ce qui concerne l ’ accès des acteurs de la société civile aux fonds d ’ aide au développement, s ’ agissant en particulier des organisations locales des zones rurales et reculées, qui sont souvent exclues par manque d ’ accès à l ’ information. Il faudrait envisager de modifier la procédure actuelle d ’ appel à propositions, en tenant compte de la situation dans les zones reculées où il n ’ y a pas d ’ accès à Internet  ;

c) Dans le cadre de leur partenariat, prévoir à l ’ intention de la société civile et des collectivités des activités d ’ éducation, de formation et de renforcement des capacités dans le domaine des droits de l ’ homme, afin de leur permettre d ’ être de véritables acteurs de leur propre développement.