Présentée par:

Mikhail Korolko (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Fédération de Russie

Date de la communication:

25 juin 2004 (date de la lettre initiale)

Objet:

Allégations de violation des règles de procédure pénale; conditions de détention inhumaines; discrimination fondée sur la situation sociale

Questions de procédure:

Appréciation des faits et des éléments de preuve; défaut de fondement

Questions de fond:

Droit à un procès équitable; droit d’obtenir l’interrogatoire de témoins; conditions de détention inhumaines; discrimination pour des motifs sociaux; droit de faire appel devant les juridictions supérieures

Articles du Pacte:

10, 14 (par. 1, 3 e) et 5) et 26

Article du Protocole facultatif:

2

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 25 octobre 2010,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication est Mikhail Korolko, de nationalité russe, né en 1969, qui exécute actuellement une peine d’emprisonnement dans la Fédération de Russie. Il affirme que ses droits ont été violés par l’État partie mais n’invoque aucun article précis du Pacte. Toutefois, la communication pourrait soulever des questions au regard de l’article 10 du Pacte, des paragraphes 1, 3 e) et 5 de l’article 14, et de l’article 26. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 1er janvier 1992. L’auteur n’est pas représenté.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 17 janvier 2000, le tribunal de la ville de Labytnangi a reconnu l’auteur coupable d’avoir planifié et réalisé son évasion d’une prison où il exécutait une peine de neuf ans pour vol. L’auteur affirme qu’il s’est échappé de la prison parce qu’il avait reçu des menaces de mort du directeur de l’établissement, qui avait tenté de lui extorquer de l’argent. Il n’a pas donné la raison de son évasion pendant l’enquête ni le procès car il avait été renvoyé dans la même prison et craignait pour sa vie.

2.2Au cours de l’enquête et du procès, ni la police ni le tribunal ne se sont penchés sur les raisons de son évasion comme ils étaient tenus de le faire en vertu de la loi russe. Aucun des témoins disponibles n’a été interrogé sur ce point. La demande de l’auteur de citer à comparaître des gardes de prison et d’autres personnes a été rejetée par le tribunal. Le procès-verbal d’audience fourni par l’auteur fait mention de sa demande d’inviter à témoigner le directeur d’une école où il s’était caché après son évasion. La demande a été rejetée car le directeur n’était pas un témoin oculaire de l’infraction. L’auteur ajoute que si ces personnes avaient été appelées à la barre, les véritables raisons de son évasion auraient été mises à jour sans qu’il n’ait à les donner lui-même. Il fait valoir que ce n’était pas à lui d’expliquer les motifs de sa fuite car il avait le droit de garder le silence.

2.3L’auteur a interjeté appel devant le tribunal régional et la Cour suprême, expliquant en particulier le fait que, pendant qu’il était dans l’attente de son jugement, il était à la merci du directeur de prison à cause duquel il s’était évadé. Après sa condamnation pour évasion, il a été transféré dans une autre prison où il s’est senti en sécurité pour porter plainte. Il affirme avoir demandé une enquête sur sa plainte pour actes illégaux contre l’administration pénitentiaire et demandé que cette requête soit consignée dans son dossier. Dans ses appels, l’auteur a fait valoir que l’accusation avait l’obligation d’enquêter sur les motifs de son évasion mais qu’elle ne l’a pas fait.

2.4L’auteur a été débouté parce qu’il n’avait pas soulevé les questions pertinentes en première instance et qu’il avait en fait dit au tribunal s’être évadé pour fuir en Asie centrale. L’auteur réfute ce dernier argument et note que cela aurait été l’une des conséquences de son évasion et non la raison. Il affirme que ses recours n’ont pas été examinés au fond et que son dossier ne mentionne pas ses requêtes relatives à ses conditions de détention.

2.5L’auteur évoque la réponse du bureau du Procureur général à sa plainte, dans laquelle il est indiqué qu’il n’a parlé des menaces de mort à aucun de ses complices lors de son évasion. Il affirme que cette déclaration est inexacte car aucun de ses complices n’a été interrogé au sujet des motifs de son évasion.

2.6L’auteur ajoute qu’il a subi une discrimination fondée sur sa situation sociale vu qu’il avait déjà été condamné pour une autre infraction.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur ne dénonce pas une violation d’une disposition particulière du Pacte. Il affirme toutefois qu’il y a eu violation de son droit à un procès équitable car le tribunal n’a pas tenu compte des actes de corruption et des menaces de mort de la part du chef de la prison, qui constituaient les raisons de son évasion. Il affirme également que son droit d’obtenir l’interrogatoire de témoins a été violé car le tribunal a rejeté sa demande d’appeler à la barre des témoins qui auraient pu attester des motifs de son évasion.

3.2L’auteur affirme en outre que son droit de faire réexaminer par les juridictions supérieures son allégation relative aux motifs de son évasion a été violé et qu’il a fait l’objet d’une discrimination fondée sur sa situation sociale de personne déjà condamnée.

3.3Comme indiqué plus haut, l’auteur n’invoque aucun article du Pacte. Toutefois, la communication semble soulever des questions au regard des articles 10, 14 (par. 1, 3 e) et 5) et 26 du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Le 15 juin 2005, l’État partie a déclaré que l’auteur avait été reconnu coupable d’évasion préméditée d’un lieu de détention, en vertu du paragraphe 2 a) de l’article 313 du Code pénal, et condamné à huit ans d’emprisonnement. En y ajoutant les peines auxquelles il avait été précédemment condamné, on parvenait à un total de treize années d’emprisonnement dans une colonie pénitentiaire à régime spécial. L’affaire avait été examinée en audience publique conformément à la loi de procédure pénale et à la Constitution. La culpabilité de l’auteur avait été établie par des preuves dûment examinées.

4.2L’État partie déclare qu’aucune des allégations de l’auteur n’a été confirmée. D’après ses complices, l’auteur n’a jamais indiqué qu’il avait reçu des menaces de mort. Le bureau du procureur de la Région autonome de Yamalo Nenets a fait savoir que l’auteur ne s’était plaint d’aucun acte illégal du personnel pénitentiaire en 1998-1999.

4.3Pendant l’audience, l’auteur a demandé que le directeur de l’école no6 de Salekhard soit entendu comme témoin. C’est dans cette école que l’auteur s’était caché après son évasion. La demande a été rejetée par le tribunal au motif que la personne en question n’était pas un témoin oculaire de l’infraction. L’auteur n’a formulé aucune autre demande pendant l’audience.

4.4L’État partie affirme que la déclaration de l’auteur, qui dit avoir demandé que sa plainte pour actes illégaux contre l’administration pénitentiaire soit examinée et que cette demande soit consignée dans son dossier, est fausse. D’après le procès-verbal d’audience, l’auteur a reconnu être coupable d’évasion et a demandé que ses aveux soient consignés dans son dossier. Les requêtes de l’auteur mentionnées dans son dossier ne contiennent aucune déclaration indiquant qu’il avait été contraint de s’évader.

4.5Le 31 mars 2005, le tribunal de la ville de Labytnangi a commué la peine prononcée contre l’auteur en une peine de dix années d’emprisonnement dans une colonie pénitentiaire de régime strict.

4.6L’allégation de l’auteur, qui affirme que son droit de recours a été violé, est dénuée de fondement. Il a été informé des conditions et des modalités d’un recours ainsi que de son droit d’étudier le procès-verbal de l’audience et de faire des commentaires à son sujet. La Cour de cassation a examiné tous ses arguments et y a répondu un par un. Les questions soulevées dans le pourvoi en cassation avaient trait à la sévérité de la peine et au calcul de la durée de l’emprisonnement.

4.7L’État partie conclut qu’aucune violation n’a été constatée, que ce soit au cours de l’enquête ou pendant le procès. La demande de contrôle juridictionnel déposée par l’auteur le 11 mars 2005 est actuellement examinée par la Cour suprême. En conséquence, l’État partie soutient que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes.

4.8L’État partie a repris les mêmes arguments dans sa lettre du 24 mai 2006.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans une lettre datée du 15 août 2005, l’auteur affirme qu’on n’a demandé à aucun de ses complices s’il avait reçu des menaces de mort. Le fait que ses complices n’étaient pas au courant de ces menaces ne prouve pas qu’elles ne constituaient pas le motif de son évasion. Dans sa décision le tribunal a indiqué qu’ils ne faisaient pas partie d’un groupe organisé, ce qui signifie que chacun d’entre eux avait sa propre raison de s’évader. Cela n’exclut pas le fait que certains des complices ne connaissaient pas les motivations des autres.

5.2Concernant l’observation de l’État partie, qui affirme que l’auteur n’a déposé aucune plainte contre l’administration pénitentiaire en 1998 et 1999, l’auteur déclare que toute la correspondance des détenus est censurée. Une plainte contre l’administration pénitentiaire ne serait donc jamais parvenue à destination et n’aurait fait qu’aggraver sa situation. De plus, les plaintes auprès du bureau du procureur ne sont pas efficaces et leur examen est généralement retardé.

5.3À propos de la déclaration de l’État partie, qui affirme que la demande de l’auteur d’appeler un témoin à la barre a été rejetée car la personne en question n’était pas un témoin oculaire de l’infraction, l’auteur déclare qu’un tel refus constitue une violation de son droit, car ce témoin aurait pu prouver qu’il avait été contraint de s’évader. Il ajoute que le procès-verbal de l’audience n’était pas correctement rédigé car certaines questions et réponses n’y figuraient pas. Par exemple, il ne rend pas compte des propos du juge, qui a dit à l’auteur qu’il devrait quitter la salle s’il ne cessait pas de répéter qu’il avait été contraint de s’évader en raison de la situation dans la prison. L’auteur n’a pas eu la possibilité de commenter le procès-verbal de l’audience car il était dans une cellule disciplinaire et toute sa correspondance était vérifiée par le directeur de la prison qui l’avait menacé de mort.

5.4L’auteur confirme que le 31 mars 2005 sa peine a été réduite de trois ans et qu’il a été placé sous un régime de détention strict. Les autres informations données par l’État partie sont fausses, par exemple l’affirmation qu’il aurait déposé une demande de contrôle juridictionnel le 11 mars 2005.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité note l’argument de l’État partie qui affirme que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes car son appel du 11 mars 2005 au titre du contrôle juridictionnel est encore pendant devant la Cour suprême. L’auteur a déclaré que cette affirmation était fausse. Le Comité rappelle sa jurisprudence, à savoir que les procédures de réexamen par une instance supérieure de décisions exécutoires constituent un moyen de recours extraordinaire dont l’exercice est laissé à la discrétion du juge ou du procureur. De telles procédures de réexamen sont limitées à des points de droit et ne concernent pas l’examen des faits et des éléments de preuve. Dans ces conditions, le Comité considère qu’en l’espèce l’alinéa b du paragraphe 2 de l’article 5 ne fait pas obstacle à ce qu’il examine la communication au regard de sa recevabilité.

6.4Concernant l’allégation de l’auteur qui affirme que le tribunal n’a pas examiné la question des motifs de son évasion et a rejeté sa demande tendant à faire appeler un témoin qui aurait pu déposer à ce sujet, le Comité note l’argument de l’État partie qui objecte que l’auteur a reconnu sa culpabilité dans l’évasion, que le dossier ne contient aucune déclaration indiquant que l’auteur était contraint de s’évader et que sa demande d’appeler un témoin a été rejetée parce que la personne en question n’était pas un témoin oculaire de l’infraction. Le Comité constate que les griefs de l’auteur ont trait à l’appréciation des faits et des éléments de preuve par les juridictions de l’État partie. Il rappelle que c’est généralement aux juridictions des États parties qu’il appartient d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans une affaire donnée, à moins qu’il ne puisse être établi que cette appréciation a été manifestement arbitraire ou a constitué un déni de justice. Les documents dont le Comité est saisi ne font apparaître aucun élément démontrant que les procédures judiciaires étaient entachées de telles irrégularités. En conséquence, le Comité estime que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ses griefs de violation des paragraphes 1 et 3 e) de l’article 14 du Pacte et les déclare donc irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.5Pour ce qui est des allégations de l’auteur relatives aux actes de corruption et aux menaces de mort dont se serait rendu coupable le directeur de la prison et à la discrimination que l’auteur aurait subie du fait de sa situation sociale, le Comité note l’argument de l’État partie qui fait valoir que l’auteur ne s’est plaint d’aucun acte illégal de l’administration pénitentiaire en 1998-1999. L’auteur affirme avoir demandé une enquête sur des actes illégaux commis par le directeur de la prison, mais il affirme également qu’il ne pouvait dénoncer ces actes car il était à la merci de ce directeur de prison qui l’avait menacé. Le Comité note qu’il y a des contradictions dans les déclarations de l’auteur et que le dossier ne contient pas suffisamment d’informations quant à la teneur des menaces de mort alléguées et aux circonstances qui les ont entourées. En conséquence, le Comité considère que les griefs tirés des articles 10 et 26 du Pacte ne sont pas non plus suffisamment étayés aux fins de la recevabilité et les déclare irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.6Concernant le grief de l’auteur qui affirme que le motif de son évasion n’a pas été examiné par les juridictions supérieures, l’État partie a indiqué que la Cour de cassation avait étudié tous les arguments de l’auteur et y avait répondu un par un. Le Comité note que les documents fournis par l’auteur et ses propres déclarations donnent à penser qu’il n’a pas expliqué la raison de son évasion ni pendant l’enquête ni lors du procès. Il considère donc que l’allégation de violation du paragraphe 5 de l’article 14 n’a pas été suffisamment étayée et qu’elle est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

B.Communication no 1404/2005, N. Z. c. Ukraine(décision adoptée le 25 mars 2011, 101e session)*

Présentée par:

N. Z. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Ukraine

Date de la communication:

11 mai 2004 (date de la lettre initiale)

Objet:

Torture, procès inéquitable et autres violationsde la procédure pénale

Questions de procédure:

Griefs non étayés

Questions de fond:

Torture; procès inéquitable; droit de faire interroger des témoins; présomption d’innocence

Articles du Pacte:

7 et 14 (par. 1, 2 et 3 b), e) et g))

Article du Protocole facultatif:

2

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 25 mars 2011,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication est N. Z., de nationalité ukrainienne, né en 1972, qui exécute actuellement une peine d’emprisonnement en Ukraine. Il affirme être victime de violations, par l’Ukraine, des droits qu’il tient des articles 2 (par. 1 et 3 a)), 4 (par. 2), 7, 14 (par. 1, 2 et 3 b), e) et g)), 5 et 19 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 25 octobre 1991. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 15 décembre 2000, l’auteur a été contacté par l’une de ses connaissances, un certain R. L., qui lui a demandé de l’aider à régler un différend qui l’opposait à ses créanciers. L’auteur a accepté et, une fois le litige réglé, les personnes présentes ont décidé de fêter l’événement. D’autres amis de R. L. se sont joints à eux et tous sont allés pique-niquer en forêt. À un moment donné, l’auteur a quitté la fête pendant quinze à vingt minutes. À son retour, R. L. et l’un de ses amis étaient en train de frapper les créanciers avec des outils, comme des tournevis. Ces hommes sont morts peu après et l’auteur a enterré les corps sur les instructions de R. L.

2.2Le 6 septembre 2002, l’auteur a été arrêté au motif qu’il était soupçonné d’avoir commis deux meurtres. Il affirme qu’il n’a pu voir un avocat que dix jours après cette date. Dès son arrestation, il a été maltraité et violemment passé à tabac par les fonctionnaires de police, qui l’ont contraint à signer des aveux.

2.3Alors que l’enquête et le procès étaient en cours, de nombreux articles lui imputant la responsabilité des meurtres ont été publiés dans les médias, ce qui, d’après lui, a influencé les dépositions des témoins. L’auteur a demandé au tribunal de convoquer un témoin qui aurait pu confirmer son alibi et de l’autoriser à faire réaliser d’autres expertises, mais ces requêtes ont été rejetées sans explication.

2.4Le 8 mai 2003, l’auteur a été condamné pour meurtre par le tribunal de la région de Lviv, avec plusieurs autres coïnculpés. La condamnation reposait en grande partie sur le témoignage fait par R. L. pendant l’enquête préliminaire; R. L. avait déclaré que l’auteur avait empoisonné les victimes en mettant dans leurs boissons des produits chimiques utilisés pour conserver la viande. D’après les résultats de l’expertise médico-légale, les deux corps ne présentaient aucune trace de poison et des lésions mécaniques étaient la cause du décès. Au procès, R. L. a reconnu que son témoignage contre l’auteur était fabriqué. Malgré cela, le tribunal de première instance a condamné l’auteur et la Cour suprême a confirmé le jugement. L’auteur ajoute qu’il n’a pas été autorisé à se défendre au procès et que le tribunal a apprécié les éléments à charge de manière erronée. Il ajoute qu’il a signalé au tribunal les mauvais traitements que la police lui avait infligés, mais cet élément n’a pas été pris en considération. De plus, le tribunal a refusé que le procès soit enregistré et filmé, en violation de la législation interne.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur allègue une violation des droits qu’il tient de l’article 7 et du paragraphe 3 g) de l’article 14 du Pacte parce que les policiers lui ont infligé des mauvais traitements pour le contraindre à des aveux.

3.2Il se dit en outre victime d’une violation du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte pour les raisons suivantes: il a été condamné sur la base du témoignage d’un coaccusé; l’expert médico-légal n’a pas découvert d’élément à charge; les preuves ont été appréciées de façon erronée par le tribunal; il n’a pas été autorisé à se défendre au procès.

3.3L’auteur fait également valoir une violation du paragraphe 3 b) de l’article 14 du Pacte parce qu’il n’a bénéficié de l’assistance d’un conseil que dix jours après son arrestation.

3.4L’auteur allègue une violation du paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte, du fait que les médias l’ont présenté comme coupable de meurtre avant que le procès ne soit achevé.

3.5L’auteur avance que les droits qu’il tient du paragraphe 3 e) de l’article 14 du Pacte ont été violés du fait que ses requêtes tendant à obtenir d’autres expertises et l’interrogatoire de plusieurs témoins ont été rejetées.

3.6L’auteur ajoute que la confirmation par la Cour suprême d’Ukraine de la décision de la cour d’appel de la région de Lviv est contraire aux dispositions du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte.

3.7L’auteur avance que, prises toutes ensemble, les violations mentionnées constituent aussi une violation des droits consacrés aux paragraphes 1 et 3 a) de l’article 2 et au paragraphe 2 de l’article 4 du Pacte.

3.8Enfin, l’auteur allègue une violation de l’article 19 du Pacte étant donné qu’une de ses lettres contenant un article de presse a été interceptée par les autorités.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Le 29 décembre 2005, l’État partie déclare, tout d’abord, que les dispositions du paragraphe 1 de l’article 2 ont un caractère général, raison pour laquelle il n’estime pas nécessaire de faire des observations à ce sujet.

4.2En ce qui concerne les allégations relatives au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie fait valoir qu’en l’espèce la juridiction de première instance était la cour d’appel de la région de Lviv et que la Cour suprême avait siégé en appel et en cassation. L’auteur a fait appel de sa condamnation auprès de la Cour suprême. L’État partie renvoie à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et souligne qu’un recours n’est pas une démarche qui doit nécessairement aboutir à une issue favorable mais qu’il s’agit d’un moyen accessible de saisir une autorité compétente pour examiner une affaire au fond. Le recours dont l’auteur dit qu’il était ineffectif lui était ouvert et par conséquent, son utilité n’est pas liée à la certitude d’obtenir gain de cause.

4.3En ce qui concerne les griefs tirés de l’article 7 du Pacte, l’État partie affirme qu’en vertu du droit interne l’auteur aurait pu se plaindre de mauvais traitements auprès des autorités compétentes. Des poursuites pénales auraient alors pu être engagées. Or l’auteur ne s’est pas prévalu de cette possibilité. L’État partie affirme qu’il n’existe pas de preuves de passages à tabac et que l’auteur n’a pas produit de certificat médical à l’appui de ses allégations. En revanche, il existe un document attestant que l’auteur a été examiné par un médecin le jour où il a avoué, et dans lequel aucune lésion n’est constatée. L’État partie en conclut que l’auteur a avoué spontanément. À l’audience du 12 février 2003 l’auteur a déclaré que les policiers avaient usé de contrainte pendant son interrogatoire, le 4 décembre 2002. Le juge a répliqué en montrant le procès-verbal de l’interrogatoire du 4 décembre 2002, dans lequel on pouvait lire que l’interrogatoire avait eu lieu en présence du conseil de l’auteur. Le 6 septembre 2002, le conseil a demandé à l’auteur s’il avait subi des contraintes et l’auteur a répondu par la négative. L’État partie considère donc que l’auteur n’a pas subi de traitements contraires aux dispositions de l’article 7 du Pacte.

4.4En ce qui concerne l’allégation de l’auteur qui affirme que son procès a été inéquitable et que sa culpabilité n’a pas été prouvée du fait que l’expertise médicale n’a pas révélé la présence de poison, l’État partie souligne que, bien que l’expert médico-légal n’ait détecté aucun agent chimique dans le corps des victimes, la possibilité que de telles substances s’y soient trouvées au début ne pouvait être exclue étant donné que les corps étaient restés dans la terre pendant une année et demie à deux ans. L’État partie affirme que, dans les décisions rendues par la cour d’appel de la région de Lviv et la Cour suprême, l’auteur a été déclaré coupable pour les motifs suivants: il avait eu l’intention de tuer les victimes et, a fortiori, il s’était entendu à cette fin avec les coïnculpés; il avait au moins eu l’intention d’empoisonner ces hommes; il avait participé au meurtre en rouant l’un des hommes de coups; il avait enterré les corps et dissimulé des preuves; il n’avait pas alerté la police; il avait aussi participé à une autre infraction (vol), que le tribunal avait examinée dans le cadre de la même procédure; enfin, au moment des faits, il avait déjà été condamné par la justice.

4.5D’après l’État partie, la condamnation était solidement motivée. En outre, la Cour suprême a réexaminé la décision de la juridiction inférieure et conclu qu’elle était correcte. En ce qui concerne l’allégation de l’auteur qui dit avoir été calomnié dans les médias par ses coïnculpés, l’État partie objecte que les tribunaux ont examiné la responsabilité de chaque accusé séparément. Par conséquent, il n’y a pas eu violation des droits de l’auteur en vertu du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte en l’espèce.

4.6En ce qui concerne les allégations de l’auteur qui affirme que le paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte a été violé du fait que les médias l’ont présenté comme coupable d’un double meurtre avant que le tribunal ne l’ait jugé, l’État partie objecte que l’auteur n’a produit aucune preuve, par exemple une copie de l’article de journal, à l’appui de cette allégation. Le seul article paru à ce sujet dans la presse était la chronique judiciaire publiée le 17 septembre 2002 dans le journal local Notre région. D’après cet article, la police et les procureurs des lieux avaient arrêté quatre individus soupçonnés de meurtre. L’État partie fait valoir qu’aucun des suspects n’est présenté comme coupable dans cet article, qu’il considère impartial. Il estime donc que le paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte n’a pas été violé.

4.7L’État partie indique que le magistrat chargé de l’enquête a ordonné qu’un avocat soit commis à l’auteur le jour même où il a ouvert l’enquête pénale, c’est-à-dire le 6 septembre 2002. À partir de ce moment, l’auteur a été représenté par un conseil de son choix. Il n’y a donc pas eu violation du droit de bénéficier de l’assistance d’un avocat.

4.8Pour ce qui est de l’allégation de l’auteur qui dit ne pas avoir obtenu que des témoins à décharge comparaissent et soient entendus, l’État partie fait valoir que le droit de demander la comparution de témoins à décharge n’est pas un droit absolu, et cite la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Il objecte que le tribunal a entendu tous les témoins susceptibles de contribuer à l’établissement des faits et à la bonne marche de la justice, en particulier les proches des victimes, toutes les personnes qui les avaient vues en compagnie de l’auteur le 15 décembre 2000, les experts, notamment. L’État partie signale que l’allégation de l’auteur qui affirme que la possibilité de citer des témoins pouvant confirmer son alibi lui a été refusée est dénuée de fondement. D’après les témoignages de tous les accusés, y compris le sien, l’auteur se trouvait sur les lieux au moment où les deux meurtres ont été commis. Ainsi, la défense d’alibi invoquée par l’auteur n’a aucune raison d’être en l’espèce. L’État partie considère donc qu’il n’y a pas eu violation du paragraphe 3 e) de l’article 14 du Pacte.

4.9En ce qui concerne l’allégation de l’auteur qui affirme que la police l’a forcé à avouer, l’État partie renvoie à l’Observation générale no13 (1984) relative à l’égalité devant les tribunaux et au droit de chacun à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant établi par la loi, dans laquelle le Comité souligne qu’en examinant les garanties prévues au paragraphe 3 g) de l’article 14 «il faut se rappeler les dispositions de l’article 7 et du paragraphe 1 de l’article 10» du Pacte. L’État partie n’estime donc pas nécessaire de répéter les mêmes arguments et affirme que l’auteur n’a subi aucune violation du droit de ne pas être forcé de témoigner contre lui-même.

4.10Quant à l’allégation de l’auteur qui affirme qu’il y a eu violation du droit consacré au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte du fait que la Cour suprême a confirmé le jugement de la cour d’appel de la région de Lviv alors qu’il était innocent, l’État partie objecte que l’interprétation que l’auteur donne dudit article n’est pas fondée car cette disposition ne peut pas garantir une issue favorable à l’auteur. Le mot «réexamen» n’implique pas la réformation du jugement mais signifie simplement que la décision doit être réexaminée.

4.11L’État partie insiste de nouveau sur le fait que la Cour suprême a apprécié les éléments présentés par les parties et vérifié que le jugement était conforme aux faits et à la loi et qu’elle a conclu que la cour d’appel de la région de Lviv n’avait pas enfreint la législation ukrainienne en condamnant l’auteur à une peine de réclusion à perpétuité.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans une réponse datée du 10 mars 2006, l’auteur affirme que la législation et la pratique des organes judiciaires de l’État partie sont incompatibles avec les dispositions du Pacte. Il fait valoir que la Cour suprême examine les recours dont elle est saisie de manière superficielle car elle ne consacre que quinze à vingt minutes à chaque affaire et n’étudie que les éléments à charge. Une telle procédure ne saurait être considérée comme constituant un recours juridictionnel utile.

5.2L’auteur se réfère aux arguments avancés par l’État partie qui nie la réalité des mauvais traitements et des passages à tabac qu’il a subis pendant sa garde à vue, et qui objecte que pour dénoncer ces pratiques, l’auteur devrait adresser sa plainte par l’intermédiaire des agents qui l’ont brutalisé. Il cite des déclarations affirmant que la torture et les mauvais traitements sont systématiquement pratiqués dans les lieux de détention en Ukraine. L’auteur précise aussi qu’il n’a pas été examiné par un médecin le jour où il a subi les mauvais traitements, mais qu’il a seulement eu un entretien avec un psychiatre, en présence de la police.

5.3L’auteur s’inscrit de nouveau en faux contre l’argument de l’État partie qui considère que son procès a été équitable. Il objecte que le tribunal s’est fondé uniquement sur l’hypothèse qu’il pouvait y avoir eu du poison dans le corps des victimes, alors que les résultats de l’expertise médico-légale montraient que ce n’était pas le cas. L’auteur ajoute que le «poison» en question n’était même pas mortel. Les déclarations des coïnculpés ne peuvent pas être considérées comme des preuves étant donné que ces personnes n’étaient pas des témoins. L’auteur fait valoir que ses coïnculpés ont voulu lui faire porter toute la responsabilité pour ne pas être condamnés.

5.4Pour ce qui est de l’argument de l’État partie concernant sa participation aux coups portés à l’une des victimes, l’auteur affirme n’avoir frappé qu’une seule fois quand l’intéressé, qui était déjà blessé par l’un des coïnculpés, a tenté de s’en prendre à lui. L’auteur a été contraint d’aider les coïnculpés à enterrer les victimes; s’il l’a fait, c’est parce qu’il craignait pour sa vie, et il ne saurait donc être considéré comme complice. C’est aussi la raison pour laquelle il n’a pas alerté la police. Le fait qu’il soit impliqué dans un vol ne prouve en rien sa culpabilité dans les meurtres puisque les deux affaires n’ont aucun lien entre elles.

5.5En ce qui concerne sa précédente condamnation, l’auteur explique qu’elle a été prononcée beaucoup plus tard. Il s’agissait d’une infraction mineure qui ne fait pas de lui «un danger pour la société».

5.6Pour ce qui est de ses griefs au titre du paragraphe 3 b) de l’article 14 du Pacte, l’auteur dit que son conseil a peut-être été désigné le jour de son arrestation, mais qu’il ne l’a rencontré que dix jours plus tard. De plus, cet avocat n’a pas été commis à l’auteur seulement, mais il a été chargé de représenter les quatre coïnculpés, alors qu’il y avait un conflit d’intérêts manifeste entre eux.

5.7Pour l’auteur, l’argument de l’État partie concernant le caractère non absolu du droit d’obtenir l’interrogatoire de témoins contredit le Code de procédure pénale. Le tribunal n’a cité à comparaître que les témoins à charge. L’auteur reconnaît qu’il a utilisé le terme «alibi» à mauvais escient; en fait, il voulait dire qu’il n’avait pas participé aux deux meurtres.

5.8L’auteur précise que le grief de violation du paragraphe 3 g) de l’article 14 du Pacte est lié aux griefs tirés de l’article 7. Il maintient aussi ses allégations de violation du paragraphe 5 de l’article 14 étant donné que la Cour suprême n’a pas élucidé les contradictions existantes dans le cas d’espèce.

5.9Dans une lettre datée du 17 mars 2008, l’auteur indique qu’il a envoyé une copie de l’article de journal dont le contenu constitue à son sens une violation du droit à la présomption d’innocence et fait valoir qu’en Ukraine, il arrive souvent que des lettres adressées aux organisations internationales soient interceptées. Il suppose que c’est ce qui s’est produit pour sa lettre puisqu’il n’a pas reçu d’accusé de réception.

5.10L’auteur conteste enfin l’argument de l’État partie qui prétend qu’il ne s’est pas plaint au tribunal d’avoir été torturé en objectant que, dans une lettre, le Ministère de l’intérieur a indiqué qu’il s’était effectivement plaint d’avoir subi des tortures et des pressions psychologiques.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité prend note des arguments de l’auteur à l’appui de son grief de violation de l’article 7 et du paragraphe 3 g) de l’article 14, c’est-à-dire le fait que la police lui a infligé des mauvais traitements pour le contraindre à des aveux. L’État partie a réfuté ce grief et fait valoir que l’auteur n’avait produit aucun certificat médical à l’appui de ses allégations, et qu’il existait en revanche un procès-verbal montrant que l’auteur avait été examiné par des médecins le jour de son arrestation et qu’aucune lésion n’avait été constatée. De son côté l’auteur affirme qu’il n’a eu qu’un entretien avec un psychiatre, en présence des fonctionnaires de police, mais il ne donne pas de détails sur les mauvais traitements qu’il aurait subis. Compte tenu des informations contradictoires dont il est saisi, le Comité conclut que l’auteur n’a pas, aux fins de la recevabilité de sa communication, suffisamment étayé ses allégations de mauvais traitements et d’aveux forcés et déclare donc ces griefs irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.4En ce qui concerne le grief de violation des paragraphes 1, 3 e) et 5 de l’article 14 du Pacte, au motif que l’auteur a été condamné sur le fondement d’un faux témoignage, que l’expertise médico-légale n’a pas établi l’existence d’éléments à charge, que le tribunal a donné une appréciation erronée des preuves, que l’auteur n’a pas été autorisé à se défendre au procès, que ses demandes tendant à obtenir d’autres expertises et l’interrogatoire d’un témoin ont été rejetées, et que la Cour suprême a examiné son recours de manière superficielle et confirmé la décision de la cour d’appel de la région de Lviv bien qu’il soit innocent, le Comité rappelle sa jurisprudence et réaffirme qu’il appartient aux juridictions des États parties d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans un cas donné et qu’il se rangera à cette appréciation sauf s’il peut être établi que celle-ci a été manifestement arbitraire et a représenté un déni de justice. Le Comité considère que l’auteur n’a pas montré, aux fins de la recevabilité, que la conduite du procès par les tribunaux en l’espèce a été arbitraire ou a représenté un déni de justice. En conséquence, il déclare ces griefs irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.5Le Comité a noté les griefs de violation des paragraphes 2 et 3 b) de l’article 14 du Pacte, au motif que l’auteur n’a bénéficié de l’assistance d’un conseil que dix jours après son arrestation et a, pendant l’enquête et le procès, été largement dépeint par les médias comme le coupable des meurtres. Le Comité note que l’État partie les a rejetés en faisant valoir, premièrement, que les médias n’avaient pas dépeint l’auteur comme un criminel; et deuxièmement, que celui-ci s’était vu commettre un conseil d’office le jour même où la procédure pénale à son encontre a été engagée, à savoir le 6 septembre 2002. Le Comité note qu’il n’a reçu de l’auteur aucun document à l’appui de ses allégations, bien qu’il l’ait prié de lui en envoyer. Faute d’autres informations sur ce point dans le dossier, le Comité estime que cette partie de la communication n’est pas suffisamment étayée aux fins de la recevabilité et, partant, qu’elle n’est pas recevable au titre de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.6Le Comité a noté que l’auteur avait également invoqué les articles 2, 4 et 19 du Pacte. En ce qui concerne l’article 2, le Comité rappelle que cet article ne peut être invoqué que s’il est lu conjointement avec un article du Pacte protégeant un droit substantiel et seulement si une allégation de violation de ce droit est suffisamment bien fondée pour être défendable en vertu du Pacte. Le Comité observe en outre que l’auteur n’a pas donné de renseignements pour étayer ses griefs au titre des articles 4 et 19 du Pacte. En conséquence, le Comité considère que cette partie de la communication n’a pas été suffisamment étayée aux fins de la recevabilité et qu’elle est donc irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

C.Communication no 1521/2006, Y. D. c. Fédération de Russie(décision adoptée le 25 mars 2011, 101e session)*

Présentée par:

Y. D. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Fédération de Russie

Date de la communication:

17 juin 2006 (date de la lettre initiale)

Objet:

Licenciement illicite

Questions de procédure:

Griefs non étayés

Questions de fond:

Droit à un procès équitable et public; droit au respect de la vie privée; interdiction de la discrimination

Articles du Pacte:

2 (par. 3 a) et b)), 5, 14, 17 et 26

Articles du Protocole facultatif:

2 et 3

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 25 mars 2011,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication est Y. D., de nationalité russe, né en 1962. Il se déclare victime de violations, par la Fédération de Russie, des droits énoncés au paragraphe 3 a) et b) de l’article 2 et aux articles 5, 17 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 1er janvier 1992. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 21 août 1995, l’auteur a été licencié du poste qu’il occupait au Ministère des affaires intérieures en application du paragraphe 1 de l’article 58 du Règlement applicable aux employés des services des affaires intérieures du 23 décembre 1992 («le Règlement»). En vertu de cette disposition, un employé peut être licencié suite à la «commission d’infractions mineures incompatibles avec les normes d’éthique requises d’un employé des services des affaires intérieures». L’auteur affirme qu’en vertu de l’article 19 de la loi du 18 avril 1991 relative à la police, un fonctionnaire de police ne peut être démis de ses fonctions que sur la base des motifs énoncés dans cet article. Or ces dispositions ne mentionnent pas la «commission d’infractions mineures incompatibles avec les normes d’éthique requises d’un employé des services des affaires intérieures».

2.2Le 22 décembre 1995, le tribunal de district de Zaingiraev de la République de Bouriatie (Fédération de Russie) a rejeté la plainte déposée par l’auteur. La décision a été confirmée à une date ultérieure non précisée par la chambre d’appel du tribunal. L’auteur n’a pas formé le recours en révision parce que le délai d’appel était dépassé. Le 12 juillet 2005, le tribunal de district de Zaingiraev de la République de Bouriatie a rejeté la demande de l’auteur tendant à obtenir un report du délai d’appel dans le cadre de la procédure de révision. Le 23 août 2005, l’auteur a interjeté appel de cette décision devant la Cour suprême de la République de Bouriatie. Le 10 septembre 2005, cette dernière a confirmé la décision du tribunal de district. Le 28 novembre 2005, la Cour suprême de la République de Bouriatie a de nouveau refusé d’examiner le recours formé par l’auteur afin d’obtenir un report du délai d’appel. De même, les demandes de l’auteur ont été rejetées par le Président de la Cour suprême de la République de Bouriatie le 20 janvier 2006, par la Cour suprême de la Fédération de Russie le 16 mars 2006 et par le Vice-Président de la Cour suprême de la Fédération de Russie le 10 mai 2006.

Teneur de la plainte

3.L’auteur affirme qu’en refusant de lui assurer un recours utile par la voie judiciaire, l’État partie a violé les droits qu’il tient des paragraphes 3 a) et b) de l’article 2 du Pacte. Il allègue également une violation de l’article 5, attendu que le droit au travail et le droit à la protection contre le chômage ont été illégalement restreints. Il allègue également une violation de l’article 17 parce qu’il n’a pu retrouver un emploi, vu que dans son livret de travail étaient consignés les motifs de son licenciement. Il fait valoir en outre une violation de l’article 26 car il considère que son licenciement a entraîné une violation de son droit à une protection égale de la loi.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Dans une note du 15 février 2007, l’État partie a expliqué que la plainte de l’auteur avait été rejetée le 22 décembre 1995 par le tribunal de district de Zaingiraev de la République de Bouriatie. Le 12 juillet 2005, la même juridiction a également rejeté sa demande tendant à demander le report du délai établi pour former un recours en révision. Cette décision a été confirmée par la Cour suprême de la République de Bouriatie le 19 septembre 2005. Le 28 novembre 2005, la Cour suprême a également rejeté la requête présentée à ce même effet par l’auteur. Le Président de la cour suprême de la République de Bouriatie, la Cour suprême de la Fédération de Russie, et le Vice-Président de la Cour suprême de la Fédération de Russie ont opposé le même refus respectivement le 20 janvier 2006, le 16 mars 2006 et le 10 mai 2006. L’État partie fait valoir qu’en vertu du Code de procédure civile, le Vice-Président de la Cour suprême est habilité, comme le Président de la Cour suprême, à confirmer ou infirmer la décision d’une juridiction inférieure.

4.2Le Code de procédure civile ne prévoit pas d’autre procédure de recours. Les recours en révision ne peuvent être formés que dans le délai d’un an après que la décision de justice est devenue exécutoire. L’État partie souligne que le tribunal a, à juste titre, considéré que l’auteur avait dépassé le délai fixé de recours sans justification valable. En outre, son dossier avait déjà été détruit parce que le délai avait expiré.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans une réponse datée du 20 juin 2007, l’auteur affirme que la révision d’une décision devenue exécutoire ne constitue pas un recours effectif. Il affirme par conséquent qu’il a épuisé toutes les voies de recours internes.

5.2L’auteur ajoute que l’État partie a violé son droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité prend note du grief de l’auteur qui fait valoir une restriction illégale de son droit au travail qui, d’après lui, constitue une violation de ses droits au titre de l’article 5 du Pacte. Le Comité relève que le droit au travail ne fait pas partie des droits et libertés protégés par le Pacte. Il considère donc que cette partie de la communication est irrecevable ratione materiae en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

6.4Le Comité note également que l’auteur a invoqué les articles 2, 14, 17 et 26 du Pacte au motif que l’État partie a, selon lui, violé son droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement, qu’il n’a pas pu retrouver un emploi du fait que son livret de travail mentionnait les motifs de son licenciement, et que son licenciement a entraîné une violation de son droit à une protection égale de la loi sans qu’il lui ait été possible d’exercer le droit à un recours utile à cet égard. Le Comité note que l’auteur n’a pas apporté d’autres informations ou explications au sujet de ces allégations. Il considère donc que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ses allégations aux fins de la recevabilité, et le Comité déclare cette partie de la communication irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu des articles 2 et 3 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

D.Communication no 1546/2007, V. H. c. République tchèque(décision adoptée le 19 juillet 2011, 102e session)*

Présentée par:

V. H. (représenté par Gebhard Klötzl)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

République tchèque

Date de la communication:

11 novembre 2006 (date de la lettre initiale)

Objet:

Discrimination fondée sur la nationalité, l’opinion politique et l’origine sociale en ce qui concerne la restitution de biens

Questions de procédure:

Abus du droit de présenter une communication; non-épuisement des recours internes; irrecevabilité ratione temporis

Questions de fond:

Égalité devant la loi; égale protection de la loi

Article du Pacte:

26

Articles du Protocole facultatif:

1, 5 (par. 2 b)) et 3

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 19 juillet 2011,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication, datée du 11 novembre 2006, est V. H., de nationalité autrichienne (il avait auparavant la nationalité tchèque), né en 1927 en Tchécoslovaquie. Il se déclare victime d’une violation par la République tchèque de l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il est représenté par M. Gebhard Klötzl.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1La famille de l’auteur était opposée au régime communiste. Sa mère possédait, entre autres choses, un bien immobilier à Ceske Velenice, consistant en un immeuble de plusieurs appartements, une petite boutique et un jardin. Du point de vue juridique, le bien était composé de deux lots enregistrés au cadastre sous le numéro 1088/11 pour l’immeuble, et le numéro 1088/14 pour le jardin.

2.2En 1959, la municipalité de Ceske Velenice a donné d’office la jouissance de la boutique, située dans l’immeuble, à une coopérative de Bohème du sud. La coopérative a entrepris des travaux dans l’immeuble et a refusé de payer tout loyer pendant dix-sept mois, affirmant qu’elle avait le droit de déduire cet investissement du loyer. La mère de l’auteur restait tenue d’assumer les frais d’entretien de l’immeuble et d’autres charges, dont le montant était supérieur au revenu locatif.

2.3Dans ces conditions, la mère de l’auteur a donné l’immeuble à l’État en 1960. Un contrat de donation a été conclu entre la mère de l’auteur et l’État. Selon l’auteur, la donation a été réalisée sous l’effet de pressions politiques et matérielles, et elle est qualifiée de «donation forcée» par les lois tchèques de 1991 et 1994 relatives à la restitution des biens. L’immeuble exproprié appartient actuellement à la municipalité de Ceske Velenice.

2.4En 1966, au moment du Printemps de Prague, l’auteur a eu la possibilité de partir étudier à l’étranger, ce qu’il a fait. En août 1970, il n’a pas répondu à un ordre des autorités tchécoslovaques de l’intérieur lui enjoignant de rentrer immédiatement dans son pays. Il s’est au contraire établi en Autriche. Le 5 octobre 1971, il a obtenu la nationalité autrichienne. Le 21 janvier 1972, le tribunal de district de Plzen l’a reconnu coupable par contumace d’avoir fui la Tchécoslovaquie. Il a été condamné à trois ans de prison ferme. Il a été réhabilité par une décision du tribunal de district de la ville de Plzen en date du 23 octobre 1990. La mère de l’auteur a été autorisée à quitter le pays et s’est aussi installée en Autriche. Elle est décédée à Vienne le 7 septembre 1986. L’auteur a été déclaré seul héritier des biens par une décision du tribunal de district de Jindrichuv Hradec en date du 19 octobre 1998. Depuis, il est l’unique ayant droit de sa mère et a donc hérité aussi de la demande de restitution des biens de Ceske Velenice dont il est question.

2.5L’auteur a entrepris les démarches en vue de la restitution des biens en 1991. Il affirme ne pas avoir pu invoquer la loi spéciale no 87/1991 sur la restitution de biens (devenue la loi no 116/1994 après que la République tchèque et la République slovaque furent devenues deux États indépendants, le 1er janvier 1993) parce qu’il n’avait pas la nationalité tchèque. En conséquence, l’auteur a contesté la validité du «contrat de donation» devant les tribunaux civils en vertu des principes généraux du droit civil.

2.6L’affaire de l’auteur a été examinée par le tribunal de district de Jindrichuv Hradec (jugement du 30 avril 1993), par le tribunal régional de Ceske Budejovice (jugement du 14 juillet 1993) et par la Cour suprême, à Brno (jugement du 27 juin 1996). À chaque fois, les juges ont reconnu le caractère coercitif de la donation, mais ont rejeté la demande au motif que, en vertu du Code civil de 1951, la validité de la donation devait être contestée dans un délai de trois ans et que l’auteur n’avait pas respecté ce délai.

2.7La Cour suprême a toutefois considéré, en analysant le contrat de 1960, que la mère de l’auteur avait signé une donation pour l’immeuble et non pas pour le jardin. La Cour a donc déclaré que le jardin demeurait la propriété de l’auteur. L’immeuble a finalement été adjugé à la municipalité de Ceske Velenice. Depuis l’arrêt rendu en 1996 par la Cour suprême, la municipalité de Ceske Velenice payait à l’auteur un loyer minime pour la location de la parcelle hors bâtiment.

2.8L’auteur a présenté une requête à la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg. La Cour l’a déclarée irrecevable le 15 mars 2002, en raison du non-respect du délai de six mois après l’épuisement des recours internes.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur fait valoir que, bien que le Gouvernement de la République tchèque reconnaisse aujourd’hui que l’expropriation des biens de sa famille était discriminatoire car elle était fondée sur l’opinion politique et l’origine sociale, il a empêché l’auteur d’obtenir la restitution des biens en appliquant des conditions de forme strictes. Selon l’auteur, cela constitue une discrimination par rapport aux milliers d’autres personnes auxquelles le Gouvernement de la République tchèque a déjà accordé la restitution de leurs biens dans des affaires similaires et, par conséquent, une violation de l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

3.2L’auteur déclare que, comme il n’était pas en mesure de déposer une demande en restitution en vertu des lois spéciales no 87/1991 et no 116/1994 relatives à la restitution de biens parce qu’il n’avait pas la nationalité tchèque, il a été contraint de faire valoir ses prétentions en invoquant le droit civil devant les tribunaux ordinaires. Il note que si la décision relative à la donation forcée faite en 1960 devait être contestée dans un délai de trois ans par sa mère, le délai aurait expiré en 1963. Il affirme que, même à supposer qu’une nouvelle période de trois ans eût commencé à courir pour lui, en sa qualité d’héritier, après le décès de sa mère le 7 septembre 1986, le délai aurait expiré le 6 septembre 1989. L’auteur fait valoir qu’il était inconcevable, dans la situation politique de l’époque, de former une plainte contre le Gouvernement de la République tchèque. D’après lui, dans des affaires de ce type, l’intéressé doit bénéficier d’une suspension du délai de prescription concernant ses prétentions, jusqu’à ce que les pressions politiques cessent et que la situation lui permette de présenter sa demande.

3.3L’auteur se réfère aux constatations du Comité concernant la communication no 765/1997, dans laquelle le Gouvernement a fait valoir un délai de prescription fixé pendant la période communiste pour les injustices commises par les nazis, que le Comité a considéré être en violation de l’article 26 du Pacte. L’auteur se réfère aussi aux constatations du Comité concernant la communication no747/1997 (Des Fours Walderode), adoptées le 30 octobre 2001, la communication no 757/1997 (Pezoldova), adoptées le 25 octobre 2002, la communication no 945/2000 (Marik), adoptées le 26 juillet 2005, et la communication no 1054/2002 (Kříž), adoptées le 1er novembre 2005.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1En date du 5 septembre 2007, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond. Il relève que l’auteur a la nationalité autrichienne depuis 1971 mais note que, contrairement à ce qu’il affirme, l’auteur a également la nationalité tchèque, qu’il n’a jamais perdue, pas plus qu’il n’avait perdu auparavant la nationalité tchécoslovaque.

4.2L’État partie fait valoir que même si l’auteur a été condamné par le tribunal de district de Plzen en 1972 pour avoir émigré illégalement de la République de Tchécoslovaquie (il a été réhabilité en vertu d’une loi adoptée en 1990), il n’a jamais été déchu de sa nationalité. Conformément à la législation en vigueur à l’époque, le fait qu’il ait acquis la nationalité autrichienne en 1971 n’a pas entraîné la perte simultanée de sa nationalité tchèque. L’auteur n’a jamais déposé non plus de demande de renonciation à sa nationalité. L’État partie note en outre que, le 1er février 2007, l’auteur a déposé, par l’intermédiaire de l’ambassade de la République tchèque à Vienne, une demande de certificat de nationalité tchèque. Comme il n’avait jamais perdu sa nationalité, les autorités municipales du district de Plzen 3, qui avaient compétence en l’espèce, lui ont délivré le certificat demandé, le 9 février 2007.

4.3Pour ce qui est de la procédure judiciaire, l’État partie note que, le 29 mars 1991, l’auteur a engagé une procédure devant le tribunal de district de Jindrichuv Hradec contre l’entreprise publique Okresni Bytovy Podinik (Société de logement du district), aux fins d’obtenir la libération et la restitution de ses biens. L’auteur a affirmé que le contrat de donation entre sa mère et l’État avait été conclu sous la contrainte et à des conditions manifestement désavantageuses le 7 novembre 1960. Le 25 février 1992, l’auteur a fait parvenir une demande additionnelle au tribunal de district. Plutôt que de demander la libération et la restitution de ses biens, l’auteur a réclamé au tribunal une déclaration reconnaissant à sa mère la qualité d’unique propriétaire des biens jusqu’à son décès. Dans son jugement du 30 avril 1993, le tribunal de district a considéré que jusqu’à la date de son décès la mère de l’auteur était la propriétaire des deux parcelles constituant le bien, puisque ces parcelles n’étaient pas devenues la propriété de l’État. Toutefois, l’immeuble proprement dit était propriété de l’État car il avait fait l’objet d’une donation de la part de la mère de l’auteur le 7 novembre 1960. Le tribunal de district a rejeté l’action en annulation du contrat de donation fondée sur le fait que le Code civil en vigueur au moment de la signature de ce dernier prévoyait la nullité relative des contrats conclus sous la contrainte. La nullité relative peut être invoquée dans un délai de trois ans. Ce délai ayant expiré, le tribunal de district a débouté l’auteur.

4.4L’auteur a fait appel de la décision du tribunal de district devant le tribunal régional de Ceske Budejovice, qui a confirmé cette décision le 14 juillet 1993 et conclu de la même façon que le tribunal de district en ce qui concernait la nullité relative des actes conclus sous la contrainte. L’auteur a contesté la décision du tribunal régional sur un point de droit devant la Cour suprême, qui l’a débouté le 27 juin 1996. En complément des arguments présentés par les juridictions inférieures, la Cour suprême a fait valoir qu’un héritier pouvait invoquer la nullité d’un acte, mais seulement dans le délai dans lequel il est subrogé en tant que successeur du défunt et pour autant que ce délai n’ait pas encore expiré. L’État partie en déduit que lorsque la nullité d’un acte juridique est invoquée après l’expiration du délai, cet acte, même entaché d’un vice, est considéré comme valide.

4.5En ce qui concerne le grief tiré de l’article 26, l’État partie l’interprète comme étant fondé sur l’hypothèse que «l’expropriation» subie par la famille de l’auteur constituait une discrimination au motif de l’opinion politique et de l’origine sociale. L’État partie note en outre que l’auteur dénonce aussi une violation de l’article 26 du fait qu’il n’aurait pas été en mesure d’agir en vertu de la législation en vigueur concernant la restitution de biens, à savoir la loi no 87/1991 relative à la réparation par voie non judiciaire, parce qu’il n’aurait pas rempli les conditions de nationalité et de résidence permanente prévues par la loi. L’auteur considère apparemment comme tout aussi discriminatoire le fait que les tribunaux nationaux du premier et du deuxième degré ont conclu que le délai de prescription avait commencé à courir le jour de l’acceptation de l’acte de donation par l’État et avoir pris fin à l’expiration du délai général de trois ans. L’auteur a invoqué l’impossibilité pour sa mère d’agir pendant cette période de trois ans et en outre il estimait que, même si la période de trois ans avait débuté après le décès de sa mère en 1986, il n’aurait pas pu agir dans les délais en raison du risque qu’il courait, s’il revenait en Tchécoslovaquie, d’être placé en détention pour émigration illégale. L’auteur fait valoir par conséquent que, pour rétablir la justice, le délai de prescription devrait être suspendu jusqu’à la survenue des changements politiques, ce qui lui permettrait de faire reconnaître la nullité de l’acte juridique.

4.6L’État partie rejette le grief de l’auteur, qu’il considère comme irrecevable au motif du non-épuisement des recours internes et ratione temporis, et parce qu’il constitue un abus du droit de plainte. Dans le cas où le Comité considérerait que la communication est recevable, l’État partie fait valoir l’absence de violation de l’article 26 du Pacte.

4.7L’État partie considère que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes car il ne s’est pas pourvu devant la Cour constitutionnelle pour contester les décisions des tribunaux ordinaires en fondant son argumentation sur les points concernant lesquels, dans les différentes procédures judiciaires, il estimait qu’il y avait eu violation des lois constitutionnelles et des instruments internationaux, notamment de l’article 26 du Pacte. De plus, puisque l’auteur n’a jamais perdu sa nationalité tchèque il aurait pu chercher à obtenir la restitution de ses biens au titre des dispositions de la loi no 87/1991 relative à la réparation par voie non judiciaire, une fois la condition de résidence permanente supprimée (après la publication au Journal officiel de l’arrêt no 164/1991 de la Cour constitutionnelle). L’État partie note que l’auteur n’a pas utilisé cette voie de recours. Il note que l’auteur affirme que les tribunaux ordinaires n’ont pas interprété la règle de la prescription à la lumière des circonstances externes telles que la situation politique qui ne permettait pas à l’auteur de revenir en Tchécoslovaquie pour invoquer la nullité du contrat de donation. Il fait observer d’ailleurs que l’auteur n’a jamais soulevé ce point devant les tribunaux ordinaires. L’État partie considère par conséquent que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes.

4.8L’État partie note en outre que l’acte de donation a été exécuté en 1961, à une époque où le Pacte n’existait pas encore et où la Tchécoslovaquie ne pouvait pas y être partie. La communication devrait par conséquent être déclarée irrecevable ratione temporis.

4.9L’État partie affirme également que la communication devrait être déclarée irrecevable pour abus du droit de présenter une communication, conformément à l’article 3 du Protocole facultatif. Il rappelle la jurisprudence du Comité, qui a toujours affirmé que le Protocole facultatif ne fixait pas de délai précis et qu’un simple retard dans la présentation d’une communication ne constituait pas en soi un abus du droit de plainte. Cela étant, il rappelle que, conformément à sa jurisprudence, le Comité, lorsqu’il s’est écoulé un temps aussi long, attend une explication raisonnable et objectivement compréhensible. L’État partie rappelle que l’auteur a présenté sa communication le 11 novembre 2006, plus de dix ans après la dernière décision rendue par une juridiction nationale (27 juin 1996) et plus de quatre ans après l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (15 mars 2002). L’État partie fait valoir que l’auteur n’a apporté aucune explication valable pour ce retard et que la communication devrait donc être déclarée irrecevable au titre de l’article 3 du Protocole facultatif.

4.10Sur le fond, l’État partie rappelle la jurisprudence du Comité concernant l’article 26, selon laquelle une différence de traitement fondée sur des critères raisonnables et objectifs n’équivaut pas à une discrimination interdite au sens de l’article 26 du Pacte. L’État partie considère que l’article 26 n’implique aucune obligation pour l’État partie de réparer les injustices commises sous le régime précédent, qui plus est à une époque où le Pacte n’existait pas, en suspendant les délais de prescription pour permettre l’exercice du droit d’invoquer la nullité d’actes de droit civil conclus sous la contrainte en raison des circonstances politiques, ou par d’autres moyens. L’État partie estime qu’il n’y a pas eu au détriment de l’auteur de traitement discriminatoire au sens de cette disposition. Il affirme que le choix du dispositif permettant la réparation des injustices commises par le régime précédent relevait de l’appréciation souveraine du législateur, et qu’il n’est jamais possible de réparer toutes les injustices.

4.11L’État partie affirme qu’il n’a connaissance d’aucun cas où un requérant aurait bénéficié d’une suspension du délai de prescription au motif d’un changement de régime. En droit civil, une disposition juridique qui serait fondée sur la suspension du délai de prescription pour permettre d’invoquer la nullité d’actes de droit civil conclus sous la contrainte en raison des circonstances politiques ébranlerait fortement et durablement la sécurité et la stabilité juridiques de rapports relevant du droit civil établis depuis parfois des décennies. C’est également à la lumière de ces considérations que le législateur avait adopté une solution particulière sous la forme d’une législation relative à la restitution de biens. Cette législation prévoyait une procédure précise assortie de délais stricts pour recouvrer des biens qui avaient été transférés à l’État dans des circonstances spécifiées dans la loi.

4.12L’État partie note qu’à la suite de l’arrêt no 164/1994 de la Cour constitutionnelle (qui a pris effet le 1er novembre 1994), l’auteur remplissait les conditions requises pour être un ayant droit au titre de la loi no 87/1991 relative à la réparation par voie non judiciaire. L’auteur n’a pas cherché à obtenir la restitution des biens de sa mère dans le nouveau délai de six mois qui avait commencé à courir le 1er novembre 1994. L’État partie ajoute que, l’auteur ayant la nationalité tchèque, la jurisprudence du Comité qui estime que la condition de nationalité aux fins de la restitution de biens est discriminatoire au sens de l’article 26 n’est pas pertinente en l’espèce.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1En date du 12 janvier 2008, l’auteur a indiqué que pendant plusieurs décennies il ne savait pas que, bien qu’il ait été condamné par le tribunal de district de Plzen pour avoir fui le pays et bien qu’il ait acquis la nationalité autrichienne, il n’avait pas été déchu de la nationalité tchécoslovaque (puis tchèque).

5.2L’auteur fondait l’idée qu’il avait perdu sa nationalité tchécoslovaque sur sa connaissance du droit international lequel prévoit, selon lui, que chaque individu ne peut avoir qu’une seule nationalité. Comme il avait déjà acquis la nationalité autrichienne à cette époque, il avait des raisons de croire qu’il avait perdu sa nationalité d’origine. Jusqu’en 1989, il lui était impossible de prendre contact au sujet de sa nationalité avec les autorités de ce qui était alors la République socialiste tchécoslovaque, car il craignait d’être arrêté et incarcéré. L’auteur continuait à penser qu’il avait perdu sa nationalité au moment où il a adressé la lettre initiale au Comité. À peu près au même moment, il a décidé de se renseigner sur ce point auprès de la section consulaire de l’ambassade de la République tchèque à Vienne. Là, on lui a conseillé d’engager une procédure de détermination de la nationalité auprès des autorités municipales de Plzen 3 (son dernier lieu de résidence). L’auteur a engagé cette procédure et obtenu un certificat de nationalité, daté du 9 février 2007, indiquant qu’il avait conservé sa nationalité sans interruption. L’auteur fait valoir qu’il a lui-même communiqué cette information au Comité le 17 juillet 2007 en joignant les documents officiels. Il rejette par conséquent l’hypothèse de l’État partie selon laquelle il aurait omis de mentionner ce fait dans sa communication. L’auteur considère qu’il n’est pas responsable du fait qu’il ne s’est pas renseigné plus tôt sur son statut, compte tenu de la situation des années précédentes.

5.3L’auteur estime qu’il a été victime d’une discrimination fondée sur sa situation sociale et ses opinions politiques. Il considère qu’il fait l’objet d’une discrimination uniquement parce qu’il a vécu en exil et qu’il n’a pas eu, sur place, les possibilités nécessaires pour obtenir un conseil juridique adéquat sur les options possibles. L’État partie n’a jamais informé les émigrants tchèques en exil, par l’intermédiaire de ses missions diplomatiques, qu’il leur était possible de recouvrer leurs biens. L’auteur ajoute qu’il a toujours été traité comme s’il était un étranger et n’avait pas la nationalité tchèque, parce que les autorités et les tribunaux tchèques ne savaient pas qu’il avait conservé sa nationalité. L’auteur estime par conséquent que l’objection de l’État partie qui affirme qu’il aurait pu se prévaloir de la nouvelle loi de 1994 sur la restitution de biens n’est pas fondée.

5.4L’auteur affirme en outre que l’application de la loi no 87/1991 relative à la restitution de biens demeure partiale sur le plan politique et social, puisque des restitutions ont été étaient accordées de manière disproportionnée à des personnes issues de milieux sociaux privilégiés, ce qui contrevenait à l’article 26 du Pacte. L’auteur mentionne aussi deux résolutions du Congrès des États-Unis, dans lesquelles il est notamment demandé à la République tchèque de lever les restrictions au motif de la nationalité applicables à la restitution de biens expropriés par les régimes communiste et nazi.

5.5En ce qui concerne l’affirmation de l’État partie relative à l’épuisement des recours internes, l’auteur répond qu’il a consulté sur ce point un juriste, qui a été d’avis qu’un pourvoi devant la Cour constitutionnelle serait vain.

5.6Pour ce qui est de l’argument de l’État partie concernant l’impossibilité de suspendre le délai de prescription jusqu’à la survenue de changements politiques dans un pays, l’auteur renvoie aux arguments qu’il a présentés dans la lettre initiale du 11 novembre 1996 et souligne l’importance qui s’attache au rétablissement de la justice dans ce domaine.

Observations complémentaires de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

6.1En date du 13 octobre 2008, l’État partie a répondu aux nouvelles allégations présentées par l’auteur dans ses commentaires. À propos de la supposition de l’auteur qui pensait avoir perdu la nationalité tchécoslovaque, et tout en admettant que l’auteur pouvait raisonnablement craindre d’être arrêté sur le territoire tchécoslovaque avant 1989, l’État partie fait observer que l’auteur aurait pu faire des démarches pour se renseigner sur sa nationalité sans prendre aucun risque. En effet, conformément à la loi no 39/1969 du Conseil national tchèque, un citoyen tchécoslovaque qui avait acquis une nationalité étrangère à sa propre demande n’était pas automatiquement déchu de sa nationalité d’origine. Étant donné que l’auteur n’avait pas déposé de demande de renonciation à sa nationalité et que la décision prise par le Ministère de l’intérieur à la suite de sa défection ne l’avait pas privé de sa nationalité tchèque, il n’y avait pas de raison de supposer qu’il avait perdu la nationalité tchécoslovaque. La seule chose que l’auteur devait faire était de s’informer sur la réglementation susmentionnée. Même si l’on pouvait admettre que certains obstacles avaient empêché l’auteur de rechercher ces informations avant 1989, ces obstacles n’existaient plus après le changement de régime politique intervenu cette même année. L’État partie considère donc qu’on ne peut pas lui reprocher des conséquences de ce que l’auteur n’a pas pris les mesures nécessaires en temps voulu.

6.2L’État partie rejette l’argument de l’auteur qui affirme que la détermination de sa nationalité était complexe. En effet, les autorités municipales de Plzen 3 étaient en mesure d’établir que l’auteur était effectivement Tchèque uniquement en vérifiant qu’il avait acquis sa nationalité à sa naissance et qu’il ne l’avait pas perdue en application de la loi no 39/1969 du Conseil national tchèque. Lorsqu’il a rédigé ses premières observations pour le Comité, l’État partie a aussi procédé à une vérification de routine pour déterminer si l’auteur était bien Tchèque, étant donné en particulier que cela n’était pas indiqué dans sa communication. Alors qu’il sollicitait cette information du Ministère de l’intérieur, l’État partie a été informé de la demande d’informations présentée par l’auteur lui-même en février 2007, par l’intermédiaire de l’ambassade de la République tchèque à Vienne, concernant sa situation au regard de la nationalité, et de la délivrance d’un certificat de nationalité à l’auteur le même mois. L’État partie fait observer que la lettre en date du 16 juillet 2007 par laquelle l’auteur informait le Comité de l’issue de sa demande de détermination de la nationalité n’est jamais parvenue à l’État partie. En ce qui concerne la mention faite par l’auteur d’une préférence générale donnée, en droit international, à l’existence d’une nationalité unique, l’État partie rappelle que les questions relatives à l’acquisition et à la perte de la nationalité relèvent au premier chef des systèmes juridiques nationaux, qui autorisent très souvent la double nationalité ou les nationalités multiples.

6.3L’État partie rejette en outre le grief de l’auteur qui affirme qu’il fait l’objet d’une discrimination pour avoir vécu à l’étranger, où il n’a pas eu suffisamment de possibilités de connaître les voies de droit qui lui étaient ouvertes concernant la restitution de biens. L’État partie affirme qu’aucune disposition de droit international ne l’oblige à informer les éventuels bénéficiaires de restitutions. En tout état de cause, l’adoption de lois relatives à la restitution de biens a fait l’objet d’un vaste débat politique, dont les médias ont amplement rendu compte. L’auteur pouvait aussi en tout temps consulter l’ambassade de la République tchèque à Vienne sur l’évolution possible de la situation. L’État partie fait observer que l’auteur connaissait depuis 1991 l’existence de la loi relative à la réparation par voie non judiciaire, comme il l’a lui-même indiqué dans sa lettre initiale (voir plus haut, par. 2.5). À partir de 1994, tous les citoyens tchèques, qu’ils vivent en République tchèque ou à l’étranger, pouvaient faire valoir leurs droits au titre de la loi relative à la réparation par voie non judiciaire. Si une personne n’était pas certaine d’avoir la nationalité tchèque elle pouvait s’adresser aux autorités compétentes du pays pour clarifier ce point.

6.4Pour ce qui est du grief de l’auteur qui dit avoir été considéré comme un étranger par les autorités judiciaires, l’État partie objecte que l’auteur s’est lui-même présenté comme un étranger et qu’aucune autorité n’était tenue de mettre cela en question puisque la nationalité tchèque n’est pas une condition pour demander justice devant les tribunaux nationaux. L’État partie souligne que la question de la nationalité était particulièrement dénuée de pertinence dans l’affaire que l’auteur a portée devant les juridictions nationales. Il rejette aussi le grief de l’auteur concernant la différence de traitement entre les plaignants issus de l’aristocratie et les autres. L’État partie note que l’auteur n’a fourni aucun exemple ni aucun autre élément à l’appui de ce grief. L’État partie rejette aussi la référence faite par l’auteur à des résolutions du Congrès des États-Unis, ces documents ne faisant pas partie du droit international et constituant plutôt des déclarations politiques. L’État partie conclut que le grief de l’auteur qui affirme être victime d’une discrimination n’a pas été étayé.

6.5Pour ce qui est de l’épuisement des recours internes et de l’argument de l’auteur qui estime qu’un pourvoi devant la Cour constitutionnelle aurait été vain, l’État partie indique que ses commentaires concernant le non-épuisement des recours internes par l’auteur étaient fondés sur trois arguments, le fait que l’auteur ne se soit pas pourvu devant la Cour constitutionnelle n’étant que l’un d’eux. L’État partie fait observer que la compétence de la Cour constitutionnelle n’est pas limitée aux nationaux tchèques. Rien ne s’opposait par conséquent à ce que l’auteur saisisse la Cour constitutionnelle pour dénoncer une violation de l’article 26 du Pacte, même s’il pensait ne plus avoir la nationalité tchèque. L’État partie souligne enfin le fait que l’auteur n’a soulevé les griefs tirés de l’article 26 du Pacte devant aucun des tribunaux nationaux. La plainte de l’auteur devrait par conséquent être considérée comme irrecevable pour non-épuisement des recours internes.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

7.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.3Le Comité prend note de l’argument de l’État partie qui affirme que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes conformément au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif − puisqu’il n’a jamais soulevé la question de la discrimination fondée sur l’opinion politique et l’origine sociale ou toute autre considération, visée à l’article 26, devant les autorités nationales − et qu’il n’a pas non plus demandé la restitution de ses biens au titre de la loi no 87/1991 après l’entrée en vigueur de l’arrêt no 164/1994 de la Cour constitutionnelle.

7.4Le Comité relève que l’auteur n’a présenté des commentaires que sur l’observation de l’État partie concernant le fait qu’il ne s’était pas pourvu devant la Cour constitutionnelle pour contester les décisions des tribunaux ordinaires, en indiquant qu’il jugeait cette démarche vaine. Le Comité note que l’auteur n’a pas commenté les autres éléments avancés par l’État partie au regard de l’épuisement des recours internes.

7.5Le Comité fait observer que l’auteur n’a jamais soulevé, devant aucun tribunal national, la question de la discrimination dont il aurait fait l’objet en ce qui concerne la restitution des biens de sa mère. Il conclut par conséquent que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif pour non-épuisement des recours internes.

7.6Compte tenu de cette conclusion, le Comité n’estime pas nécessaire de reprendre les arguments de l’État partie relatifs à l’abus du droit de soumettre des communications de la part de l’auteur et à l’irrecevabilité de la communication ratione temporis.

8.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

E.Communication no 1583/2007, Jahelka c. République tchèque(décision adoptée le 25 octobre 2010, 100e session)*

Présentée par:

Josef et Vlasta Jahelka (non représentés par un conseil)

Au nom de:

Josef et Vlasta Jahelka

État partie:

République tchèque

Date de la communication:

22 janvier 2007 (date de la lettre initiale)

Objet:

Discrimination fondée sur la nationalité en ce qui concerne la restitution de biens

Questions de procédure:

Abus du droit de présenter une communication

Questions de fond:

Égalité devant la loi; égale protection de la loi

Article du Pacte:

26

Article du Protocole facultatif:

3

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 25 octobre 2010,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.Les auteurs de la communication sont M. Josef Jahelka, né le 1er novembre 1948, et Mme Vlasta Jahelka, née le 2 mai 1952. Ils sont tous deux ressortissants des États-Unis d’Amérique et de la République tchèque. Ils se déclarent victimes d’une violation par la République tchèque de l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ils ne sont pas représentés par un conseil.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1En 1975, les auteurs ont acheté une maison familiale portant le numéro 289 à Chrast, près de Pilsen, ainsi qu’une parcelle de terrain portant le numéro 454. En août 1983, ils ont fui la Tchécoslovaquie et en 1989 ils ont obtenu la nationalité américaine, perdant de ce fait leur nationalité tchécoslovaque, qu’ils ont recouvrée en 2005. Confisquée après leur fuite, leur propriété est actuellement détenue par la municipalité de Chrast.

2.2Le 27 mars 1996, le tribunal de district de Pilsen a rejeté la requête en restitution de biens déposée par les auteurs en application de la loi no87/1991 et de la décision n° 164/1994 de la Cour constitutionnelle, au motif que les auteurs n’avaient pas la nationalité tchèque.

2.3Le 2 mai 1997, la Cour suprême a rejeté le recours des auteurs en indiquant que les conditions de la restitution de leurs biens en vertu de la loi no 119/1990 n’étaient pas remplies, puisque les auteurs n’avaient pas la nationalité tchèque. Le 12 janvier 1998, la Cour constitutionnelle a estimé qu’en appliquant la loi no 87/1991, le tribunal de district n’avait pas violé le droit des auteurs à la propriété et à un procès équitable, vu que les auteurs ne remplissaient pas la condition de nationalité.

Teneur de la plainte

3.Les auteurs affirment que la République tchèque a violé leurs droits en vertu de l’article 26 du Pacte en appliquant la loi no 87/1991 qui fait de la nationalité tchèque une condition de la restitution de biens.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Le 1er février 2008, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et le fond. Il clarifie les faits présentés par les auteurs. Les 12 et 13 juillet 1989, respectivement, les auteurs ont perdu leur nationalité tchécoslovaque et le 29 juillet 2004, ils ont recouvré la nationalité tchèque. L’État partie fait valoir que les auteurs ont perdu leurs biens du fait d’une décision du tribunal de district du 8 février 1984 les condamnant pour avoir commis une infraction pénale en quittant la République tchèque. Le 14 février 1991, cette décision a été infirmée conformément à la loi no 119/1990 relative à la réhabilitation judiciaire.

4.2Le 27 mars 1996, le tribunal de district a rejeté la requête en restitution de biens déposée par les auteurs au motif qu’ils ne remplissaient pas la condition de nationalité fixée par la loi no 87/1991. Le 8 juillet 1996, le tribunal régional de Plzen a rejeté le recours des auteurs. Le 2 mai 1997, la Cour suprême a également rejeté leur appel, déclarant que la loi no 87/1991 était lex specialis pour toutes les réclamations visant la restitution de biens et que les exigences de la loi, y compris l’exigence de nationalité, devaient être respectées. Le 12 janvier 1998, le recours constitutionnel des auteurs a été rejeté pour défaut manifeste de fondement.

4.3L’État partie affirme que la communication doit être déclarée irrecevable pour abus du droit de présenter une communication au titre de l’article 3 du Protocole facultatif. Il rappelle la jurisprudence du Comité selon laquelle le Protocole facultatif ne fixe pas de délai précis et un simple retard dans la présentation d’une communication ne constitue pas en soi un abus du droit de plainte. L’État partie indique toutefois que les auteurs ont présenté leur communication le 22 janvier 2007, soit plus de neuf ans après la dernière décision de la juridiction nationale en date du 12 janvier 1998. Il fait valoir que les auteurs n’ont fourni aucune explication valable pour ce retard et que la communication devrait donc être déclarée irrecevable. Il indique en outre qu’il partage l’avis exprimé par un membre du Comité dans son opinion dissidente concernant des communications similaires contre la République tchèque selon lequel, en l’absence d’une définition explicite de la notion d’abus du droit de présenter une communication dans le Protocole facultatif, le Comité est appelé à définir lui-même les délais dans lesquels les communications doivent être soumises.

4.4L’État partie ajoute que la propriété des auteurs a été acquise en 1984, soit longtemps avant la ratification du Protocole facultatif. La communication devrait donc être déclarée irrecevable ratione temporis.

4.5Sur le fond, l’État partie rappelle la jurisprudence du Comité concernant l’article 26, selon laquelle une différence de traitement fondée sur des critères raisonnables et objectifs n’équivaut pas à une discrimination interdite au sens de l’article 26 du Pacte. Il affirme que les auteurs ne satisfaisaient pas à la prescription légale relative à la nationalité, raison pour laquelle leur demande de restitution de biens ne pouvait s’appuyer sur la législation en vigueur. L’État partie rappelle en outre ses observations antérieures dans des cas similaires.

Commentaires des auteurs

5.1Le 1er mars 2008, les auteurs ont présenté leurs commentaires à propos des observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond. Ils font valoir que toutes les juridictions internes qui se sont prononcées sur leur cas ont rejeté leur demande de restitution de biens au motif qu’ils avaient perdu leur nationalité tchèque, conformément à la loi no87/1991, ce qui de l’avis du Comité constitue une violation de l’article 26 du Pacte.

5.2Concernant la question du retard dans la présentation de leur communication au Comité, les auteurs expliquent qu’ils ont été induits en erreur par la dernière phrase de l’arrêt de la Cour constitutionnelle, qui indique que l’arrêt n’est pas susceptible d’opposition. Ils déclarent en outre que l’État partie ne publie pas les décisions du Comité concernant des cas similaires et qu’ils n’ont eu connaissance de la jurisprudence du Comité que grâce au Bureau de coordination tchèque au Canada.

5.3Les auteurs déclarent en outre que, même s’ils sont conscients que les confiscations ont eu lieu durant l’ère communiste, ils contestent le comportement de l’administration actuelle de l’État partie.

5.4Sur le fond, les auteurs se réfèrent à la jurisprudence antérieure du Comité, à ses observations finales du 27 août 2001 et du 9 août 2007, ainsi qu’à la résolution 60/147 de l’Assemblée générale en date du 16 décembre 2005.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité s’est demandé par ailleurs si les violations alléguées pouvaient être examinées ratione temporis. Il note que la confiscation s’est produite avant l’entrée en vigueur du Pacte et du Protocole facultatif pour la République tchèque, mais que les effets de la nouvelle loi de restitution, qui ne bénéficie pas aux demandeurs n’ayant pas la nationalité tchèque, persistent après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour la République tchèque, et que le Comité n’est donc pas empêché d’examiner la communication.

6.4Pour ce qui est de l’argument de l’État partie, pour lequel la soumission de la communication au Comité constitue un abus du droit de présenter des communications au titre de l’article 3 du Protocole facultatif, le Comité note que la dernière décision contestée par les auteurs est celle de la Cour constitutionnelle en date du 12 janvier 1998, par laquelle la Cour a rejeté la requête des auteurs pour défaut manifeste de fondement. Une période de neuf ans et dix jours s’est donc écoulée avant que les auteurs ne soumettent leur plainte au Comité, le 22 janvier 2007. Le Comité rappelle sa jurisprudence selon laquelle aucun délai n’est fixé pour la présentation de communications au titre du Protocole facultatif et un simple retard en la matière ne constitue pas, sauf circonstances exceptionnelles, un abus du droit de présenter une communication. À cet égard, il relève que les auteurs ont attendu neuf ans et dix jours après la date de l’arrêt de la Cour constitutionnelle avant de soumettre leur plainte au Comité. Il indique qu’il appartient aux auteurs de faire preuve de diligence et considère qu’en l’espèce ils n’ont fourni aucune explication valable pour le retard dans la présentation de leur communication au Comité. Le Comité considère ce retard comme déraisonnable et excessif au point de constituer un abus du droit de présenter une communication et déclare par conséquent la communication irrecevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et aux auteurs.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

F.Communication no 1617/2007, L. G. M. c. Espagne(décision adoptée le 26 juillet 2011, 102e session)*

Présentée par:

L. G. M. (représenté par un conseil, Fernando Pamo de la Hoz)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Espagne

Date de la communication:

2 mai 2006 (date de la lettre initiale)

Objet:

Portée de l’examen en appel d’une affaire pénale

Questions de procédure:

Épuisement des recours internes; griefs insuffisamment étayés; abus du droit de plainte

Questions de fond:

Droit au réexamen par une juridiction supérieure de la déclaration de culpabilité et de la condamnation

Article du Pacte:

14 (par. 5)

Article du Protocole facultatif:

2

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 26 juillet 2011,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication est L. G. M., de nationalité iranienne né en 1965. Il affirme être victime d’une violation par l’Espagne du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’Espagne le 25 janvier 1985. L’auteur est représenté par un conseil, M. Fernando Pamos de la Hoz.

Exposé des faits

2.1Le 23 janvier 2004, l’auteur a été condamné par l’Audiencia Nacional à une peine d’emprisonnement de vingt ans et sept mois et à une amende de 41 millions d’euros pour atteintes à la santé publique, recel et blanchiment de capitaux et falsification de documents officiels. D’après le jugement de l’Audiencia, l’auteur était à la tête d’une organisation qui se livrait au trafic de drogues.

2.2Les audiences devant l’Audiencia Nacional se sont déroulées entre le 27 octobre et le 5 décembre 2003. L’auteur a soulevé la nullité de plusieurs actes de procédure. En particulier il a fait valoir que les règles de procédure n’avaient pas été respectées, qu’il avait été porté atteinte au droit à la protection effective de la justice et que les droits de la défense avaient été violés. Des demandes d’annulation ont été déposées à différents stades de la procédure et ont toutes été rejetées. Le 30 janvier 2004, l’Audiencia Nacional a statué sur la demande d’explication du jugement présentée par l’auteur.

2.3Le 14 avril 2004, l’auteur s’est pourvu en cassation devant le Tribunal suprême. Dans son jugement du 10 février 2006, le Tribunal a confirmé la décision de l’Audiencia Nacional. L’auteur affirme qu’il n’a pas pu obtenir un réexamen adéquat de la condamnation prononcée par l’Audiencia Nacional carles dispositions régissant le recours en cassation ne permettent pas de réexaminer l’appréciation des preuves sur la base de laquelle la condamnation a été prononcée. Il affirme que les limites du recours en cassation l’ont empêché de faire réexaminer la crédibilité des déclarations des témoins et des experts et les preuves contradictoires versées au dossier.

2.4Dans son recours en cassation, l’auteur a affirmé que le jugement de l’Audiencia Nacional était nul de plein droit, qu’il contenait des omissions et des erreurs et était entaché de vices. Dans son arrêt, dont l’auteur a transmis copie, le Tribunal suprême répond aux 14 moyens de cassation par l’auteur. Il indique notamment ce qui suit:

a)L’auteur a affirmé que l’Audiencia Nacional avait rejeté une preuve littérale (la traduction d’un document en farsi) au motif que celui-ci avait été soumis tardivement. Or elle avait ensuite pris le document en considération en tant que preuve aux fins du jugement. En réponse à ce grief, le Tribunal suprême a examiné les comptes rendus d’audience et a conclu que l’annulation portait non pas sur ce document mais uniquement sur les débats qui avaient eu lieu avant que la traduction du document ne soit mise à la disposition des parties;

b)L’auteur a allégué une violation du droit à la protection effective de la justice et des droits de la défense. Le Tribunal suprême a répondu que l’auteur n’avait pas étayé ce grief et que l’inobservation des règles de procédure n’avait pas nécessairement pour effet de porter atteinte aux droits de la défense. Il a également indiqué que l’auteur n’avait pas présenté de recours ni soulevé d’objection, alors qu’il aurait très bien pu le faire;

c)L’auteur a allégué une violation des droits de la défense à l’égard de son épouse au motif que celle-ci n’avait pas bénéficié de l’assistance d’un avocat pendant l’enquête menée sur elle; sur ce point, le Tribunal suprême a fait valoir qu’en vertu de la loi le recours en cassation était ouvert uniquement pour défendre et faire appliquer les droits de l’auteur du recours, non ceux d’une tierce personne. L’auteur n’a à aucun moment été sans défense puisqu’il a bénéficié de l’assistance d’un avocat tout au long de la procédure, comme le montrent les différents actes effectués en rapport avec l’affaire;

d)L’auteur a affirmé que des documents en turc avaient été produits par le ministère public une fois l’instruction terminée. Le Tribunal suprême a relevé que ces documents avaient été produits en vertu d’une commission rogatoire et qu’ils avaient été versés au dossier d’instruction avant que l’ordonnance de clôture de l’instruction ne soit prise;

e)L’auteur a fait valoir que l’un des coïnculpés n’avait pas été cité et n’avait donc pas été entendu en audience plénière, ce qui avait selon lui compromis sa capacité à se défendre. Le Tribunal suprême a fait observer que l’auteur n’avait pas démontré en quoi la présence de ce coïnculpé était absolument indispensable. Il a en outre fait valoir que nul ne savait où celui-ci se trouvait et que la tenue du procès des autres inculpés était conforme au droit interne et à l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, relatif au droit d’être jugé sans retard excessif et dans un délai raisonnable. Le Tribunal suprême a fait valoir qu’il était nécessaire de tenir le procès parce que la durée de la détention provisoire des inculpés approchait de la limite maximale fixée par la loi et qu’on ne pouvait pas prévoir le temps qu’il faudrait pour que les inculpés absents soient remis à la justice espagnole;

f)L’auteur a allégué qu’il avait été porté atteinte au droit à un procès équitable et au droit de faire valoir tous les moyens de preuve nécessaires à sa défense car l’un des coïnculpés avait été jugé quelques jours après la fin de l’audience plénière à laquelle lui-même avait été jugé. La condamnation de l’auteur a été prononcée après que le coïnculpé a été jugé, or celui-ci avait adhéré en tous points à la thèse du procureur et avait produit de nouveaux éléments à charge. D’après l’auteur, cela avait grandement influencé les juges dans leur décision de le condamner. À ce sujet, le Tribunal suprême a conclu que les arguments de l’auteur reposaient sur des suppositions, d’autant que la relation des faits figurant dans l’acte de condamnation du coïnculpé ne contenait aucune référence à l’auteur. Le Tribunal suprême a en outre fait valoir que l’auteur n’avait pas soulevé d’objection au moment opportun de la procédure. Le coïnculpé était à la disposition des parties au procès contre l’auteur mais s’était refusé à toute déclaration;

g)L’auteur a allégué une violation du droit à un procès impartial. Il a fait valoir que certaines des questions formulées au procès montraient que le président du tribunal était de parti pris. Le Tribunal suprême a estimé que si l’auteur pensait que ces questions visaient à jeter le discrédit sur un élément concret qu’il jugeait déterminant, il aurait dû protester. Or le compte rendu de l’audience de ce jour-là ne faisait pas état d’une quelconque contestation;

h)L’auteur a affirmé que les conditions requises par la jurisprudence aux fins de la validité constitutionnelle des écoutes téléphoniques n’avaient pas été respectées. Le Tribunal suprême a fait observer que les écoutes avaient été effectuées avec l’autorisation et sous la supervision des autorités judiciaires, dans le respect des principes de proportionnalité, de légalité et de nécessité. La manière dont le résultat des écoutes avait été utilisé au procès pouvait en amoindrir la force probante mais ne portait pas atteinte au droit fondamental que l’auteur affirmait avoir été violé. En ce qui concerne le grief de l’auteur qui affirme que les traductions des transcriptions des écoutes téléphoniques n’étaient pas correctes, le Tribunal a conclu que l’existence de traductions différentes n’était pas un motif d’irrégularité, mais dénotait une volonté de contrôle poussée à l’extrême de la part des autorités judiciaires. Les corrections apportées par l’interprète qui traduisait du turc n’avaient pas influé de manière décisive sur le déroulement du procès ni sur la défense de l’auteur. En outre, la comparution des interprètes au procès avait permis de connaître le contenu exact des conversations et de vérifier la justesse des traductions. L’auteur n’a mentionné aucun passage dont la traduction erronée ou imprécise aurait pu lui causer un quelconque préjudice.

2.5Le 4 avril 2006, l’auteur a formé un recours en amparo auprès du Tribunal constitutionnel. Il affirme toutefois que la procédure d’amparo n’est pas un recours utile dans des cas comme le sien, ainsi que l’a conclu le Comité dans l’affaire Gómez Vázquez c. Espagne .

Teneur de la plainte

3.1L’auteur allègue une violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte parce qu’il n’a pas été procédé à une appréciation complète des preuves et des questions de fait soulevées en première instance.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans des notes verbales du 10 février et du 14 mai 2008, l’État partie affirme que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes car la décision concernant le recours en amparo n’a pas encore été rendue.

4.2L’État partie indique qu’après la décision du Comité dans l’affaire Gómez Vázquez, le Tribunal constitutionnel a appliqué la jurisprudence du Comité qui exige que le recours en cassation en matière pénale ait une portée suffisante pour satisfaire aux obligations énoncées au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Le Tribunal constitutionnel a rappelé cette prescription dans toutes les décisions qu’il a rendues depuis.

4.3L’État partie souligne en outre que dans son recours en cassation auprès du Tribunal suprême, l’auteur développe 14 moyens, dont aucun ne fait référence à une erreur dans l’administration des preuves ou à une violation de la présomption d’innocence. Le Tribunal suprême a examiné en détail tous les moyens de recours. Par conséquent, l’État partie demande que la communication soit déclarée irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes et abus du droit d’invoquer le Pacte.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.En date du 6 février 2008, l’auteur a informé le Comité que le recours en amparo avait été rejeté le 17 juillet 2006. Selon lui cette décision mettait en évidence l’absence de garanties dans la procédure de recours.

Délibérations du Comité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité prend note des observations de l’État partie relatives au non-épuisement des recours internes et relève que l’auteur a produit une copie de la décision du Tribunal constitutionnel sur son recours en amparo. Le Comité rappelle sa jurisprudence constante qui établit que seuls doivent être épuisés les recours internes ayant une chance raisonnable d’aboutir et que, dans les affaires visant l’Espagne qui portent sur le droit de faire réexaminer la condamnation, consacré au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, le recours en amparo ne fait pas partie des recours devant être épuisés. Le Comité estime par conséquent que les recours internes ont été épuisés.

6.4Le Comité prend note des observations de l’État partie qui fait valoir que la communication doit être déclarée irrecevable pour abus du droit de plainte mais il estime qu’il n’existe pas de motif justifiant une telle décision.

6.5En ce qui concerne le grief de l’auteur qui affirme que sa condamnation n’a pas été réexaminée conformément aux dispositions du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, le Comité prend note des observations de l’État partie qui fait valoir que le Tribunal suprême a examiné en détail tous les moyens développés dans le recours en cassation. Le Comité considère que l’auteur formule ses griefs en termes généraux, sans préciser les points concrets qui lui font dire qu’il n’y a pas eu de réexamen de la part du Tribunal suprême. En outre, il ressort de l’arrêt du Tribunal suprême que celui-ci a examiné tous les motifs de cassation avancés par l’auteur, dont plusieurs avaient trait à l’appréciation de certaines preuves par la juridiction de jugement. Eu égard aux explications données par l’auteur au sujet de l’arrêt rendu en cassation, le Comité estime que le grief tiré du paragraphe 5 de l’article 14 n’a pas été suffisamment étayé aux fins de la recevabilité et le déclare irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.

[Adopté en espagnol (version originale), en anglais et en français. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

G.Communication no 1622/2007, L. D. L. P. c. Espagne(décision adoptée le 26 juillet 2011, 102e session)*

Présentée par:

L. D. L. P. (représenté par un conseil, Luis Olay Pichel)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Espagne

Date de la communication:

23 décembre 2006 (date de la lettre initiale)

Objet:

Déplacement d’office de l’auteur pour inaptitude

Questions de procédure:

Bien-fondé des griefs; recevabilité ratione materiae

Questions de fond:

Droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial; droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation, conformément à la loi; droit de ne pas faire l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille et son domicile; droit de ne pas être inquiété pour ses opinions; droit sans discrimination à une égale protection de la loi

Articles du Pacte:

2 (par. 3 a)), 8 (par. 3 a)), 12, 14, 15, 17, 18, 19 et 26

Articles du Protocole facultatif:

2 et 3

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 26 juillet 2011,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.1L’auteur de la communication est L. D. L. P., de nationalité espagnole, né le 26 mai 1961. Il affirme être victime de violations par l’Espagne des droits énoncés au paragraphe 3 a) de l’article 2 eu égard à l’article 14, au paragraphe 3 a) de l’article 8 et aux articles 12, 15, 17, 18, 19 et 26 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’Espagne le 25 janvier 1985. L’auteur est représenté par un conseil, M. Luis Olay Pichel.

1.2Le 4 février 2008, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, a accédé à la demande de l’État partie qui souhaitait que la question de la recevabilité de la communication soit examinée séparément du fond.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1.L’auteur est militaire de carrière. En juin 2002, il était affecté au régiment «Garellano» de Munguía (province de Biscaye) où il avait passé trois ans au grade de capitaine et trois autres à celui de commandant. Il assumait par ailleurs de hautes responsabilités, notamment en qualité de chef du Service de protection des documents confidentiels et de renseignement, de septembre 1999 à août 2000, et de Chef de la sécurité de la caserne de Munguía pendant le premier semestre de 2000. Il s’est acquitté de ses fonctions en donnant pleinement satisfaction aux trois colonels qui se sont succédé au commandement du régiment, ce qui lui a valu d’être décoré de la Cruz al Mérito Militar (Croix du mérite militaire) et de recevoir trois félicitations écrites, qui se sont ajoutées à celle qui figurait déjà dans ses états de service. Il était volontaire pour servir au Pays basque, l’un des lieux d’affectation les plus risqués et les plus pénibles, où la majorité des officiers effectuent des périodes de rotation obligatoire d’environ un an.

2.2Pendant la première année où il était sous le commandement du colonel G. A., l’auteur entretenait de bonnes relations avec lui et le colonel était manifestement satisfait de ses services. Plus tard, le colonel a radicalement changé de comportement vis-à-vis de l’auteur. Au cours du premier semestre de 2002, l’auteur a commencé à subir un harcèlement psychologique par le biais de différentes mesures, notamment deux mises aux arrêts de quatre jours. Une troisième mesure de mise aux arrêts, d’une durée d’un mois et cinq jours, a été prise à son encontre en 2003. De plus, le 10 juin 2002, une perquisition a été effectuée à son domicile sans autorisation judiciaire ni mandat d’une autorité militaire neutre. L’auteur affirme que ces mesures ont été prises en représailles du fait qu’il avait demandé des renseignements à ses subordonnés, dans l’exercice de son droit de défense, lorsque le colonel avait commencé à lui reprocher des faits qui ne correspondaient pas à la réalité. De fait du harcèlement subi, l’auteur est tombé malade et est resté en congé de maladie pendant vingt et un mois au total, jusqu’au 18 février 2004.

2.3Le 7 juin 2002, l’auteur a porté plainte contre le lieutenant-colonel B., qui avait commencé à participer au harcèlement, plainte qu’il a ensuite élargie au colonel G. A. au sujet d’un outrepassement supposé dans la fonction de commandement. Le 12 juin, l’auteur a porté plainte contre le colonel G. A. pour avoir ordonné la perquisition de son domicile sans autorisation judiciaire.

2.4Le 8 juillet 2002, le colonel G. A. a demandé que l’auteur soit relevé de son commandement à Munguía pour «inaptitude à s’acquitter des fonctions liées à son affectation». Entre-temps, l’auteur avait demandé son transfert, qui lui a finalement été accordé au régiment mixte RIMIX «Garellano» no 45 de Vitoria, le 19 juillet 2002. Néanmoins, il n’a pas pu intégrer ledit régiment du fait de sa maladie.

2.5Le 23 août 2002, l’auteur a demandé au Ministre de la défense de prendre des sanctions pour mettre fin au harcèlement infligé par le colonel G. A. après avoir découvert, entre autres, que ce dernier refusait de prendre en considération le certificat d’arrêt de travail qu’il lui avait présenté. Cette demande a donné lieu à une enquête à l’occasion de laquelle, pour la première fois, on a commencé à analyser les circonstances de l’arrêt de travail et de la maladie. Toutefois, l’enquête en question n’a pas commencé avant le 22 novembre 2002. En décembre 2002, le colonel G. A. a été accusé de «comportement déloyal» envers l’auteur et jugé en octobre 2005. Il a finalement été acquitté.

2.6Le 20 septembre 2002, l’auteur a été convoqué pour retirer dans une caserne des Asturies un document écrit par lequel il était invité à présenter ses griefs relatifs à la proposition de déplacement d’office. Lorsque son père, qui était habilité à le représenter légalement, s’est rendu sur place pour retirer le document en question, on a refusé de le lui remettre au motif qu’il s’agissait d’un document confidentiel. L’auteur a donc demandé à l’administration de le lui envoyer à son domicile, mais il ne lui est parvenu que de nombreux mois plus tard, alors que le déplacement d’office était déjà effectif. L’auteur affirme que le document ne contenait pas le rapport dans lequel le colonel proposait son déplacement d’office et qu’il lui a donc été difficile de préparer ses contre-arguments.

2.7À plusieurs reprises, le colonel G. A. a présenté diverses plaintes sans fondement contre l’auteur, l’accusant de différentes fautes graves et infractions. Elles ont toutes été classées sans suite, l’auteur n’ayant pas été jugé responsable.

2.8Dans une note en date du 8 novembre 2002, l’auteur a été informé de son déplacement d’office de l’unité de Vitoria. Il a appris par la même note que, étant donné que son unité était constituée d’un bataillon relevant du régiment placé sous le commandement du colonel G. A., les circonstances énoncées dans la proposition de déplacement d’office étaient encore réunies. L’auteur affirme que son déplacement d’office a été décidé sans qu’il ait eu les moyens de se défendre, sur la seule base du rapport établi par le colonel G. A et sans attendre la conclusion de l’enquête ouverte à la suite de la plainte déposée par l’auteur contre ledit rapport. L’auteur a tenté en vain à diverses reprises d’accéder au dossier administratif le concernant. Il affirme que son déplacement d’office constitue sans nul doute une mesure de représailles contre la plainte qu’il a déposée à l’encontre de son supérieur. De plus, l’aptitude professionnelle de l’auteur n’a à aucun moment été examinée, ce qui est contraire aux dispositions prévues par la loi.

2.9Le 11 décembre 2002, l’auteur a demandé à la Direction de la gestion du personnel de l’armée de terre d’annuler la décision de déplacement d’office. Le 21 décembre 2002, l’auteur a formé devant le Ministère de la défense un appel conservatoire, étant dans l’impossibilité d’interjeter un appel définitif puisqu’il n’avait pas encore reçu le dossier administratif relatif à la proposition de déplacement d’office. Le 18 janvier 2003, l’auteur a reçu une copie dudit dossier dans lequel figurait le rapport présentant la proposition de déplacement d’office. Le 4 février 2003, l’auteur a présenté un recours définitif auprès du Ministère de la défense.

2.10Le 25 février 2003 l’appel a été rejeté. Le rapport technique accompagnant la décision répond à la question de la notification soulevée par l’auteur lors de la procédure d’appel. Il y est dit que la mère de l’auteur a réceptionné la notification adressée à son domicile le 13 septembre 2002 et que la décision de déplacement d’office a été adoptée une fois écoulé le délai accordé à l’auteur pour formuler ses griefs. L’auteur affirme que le Ministère de la défense a, de façon déraisonnable, examiné uniquement l’appel conservatoire et ignoré le recours définitif présenté le 4 février 2003.

2.11En avril 2003, l’auteur a été affecté à un poste attribué sur nomination de nature similaire et de catégorie supérieure dans une unité plus qualifiée que celle dont l’auteur avait été relevé. L’auteur a fait appel de cette affectation pour incohérence, étant donné que la réglementation interdit toute affectation à un poste de nature similaire à celui occupé lors du déplacement d’office. L’auteur a obtenu gain de cause. Parallèlement, ses demandes d’affectation volontaire ont été rejetées, l’administration préférant déclarer les postes en question déjà pourvus.

2.12Le 29 octobre 2003, l’auteur a formé appel devant la chambre administrative de l’Audiencia Nacional. L’auteur dénonce: a) les défauts de procédure, notamment s’agissant de l’audience, qui l’ont privé des moyens de se défendre; b) l’insuffisance des éléments de preuve présentés pour étayer l’accusation d’inaptitude; c) un détournement de pouvoir de la part de l’administration, qui aurait appuyé le colonel G. A, pour relever l’auteur de ses fonctions. Le 28 septembre 2004, l’Audiencia Nacional a décidé de rejeter l’appel. Le tribunal a relevé que l’audience de l’intéressé était légalement obligatoire. En vertu de cette obligation, l’auteur a été cité à comparaître le 20 septembre 2002 pour recevoir la lettre émanant du régiment RIMIX «Garellano» no 45 en date du 3 septembre 2002, ayant trait aux allégations relatives à son déplacement d’office. La citation à comparaître a été adressée au domicile de l’auteur à Oviedo et réceptionnée le 13 septembre 2002 par la mère de l’auteur. Il s’agit d’un avis pleinement valide et conforme à la législation. Le 20 septembre 2002, le père de l’auteur s’est présenté à la convocation, muni d’un certificat médical concernant l’auteur, pour retirer la lettre au nom de celui-ci. Il s’est néanmoins heurté à un refus au motif qu’il n’était pas habilité à représenter son fils et que le document en question était classé confidentiel et devait donc être remis en main propre à l’auteur. D’après l’Audiencia Nacional, le caractère irrecevable de la représentation est incontestable étant donné que le justificatif présenté ne respectait pas les conditions requises par la loi et ne permettait pas de le déclarer digne de foi. La décision de déplacement d’office a été rendue dix jours après. L’auteur a interjeté appel de ladite décision en demandant, notamment, que lui soit adressé un compte rendu littéral et intégral du dossier administratif. L’administration ayant accédé à cette demande, elle a adressé à l’auteur le compte rendu demandé et accordé un nouveau délai de quinze jours, à réception du document, aux fins de la présentation d’un appel. Compte tenu de ce qui précède, l’Audiencia Nacional a estimé qu’on ne pouvait évoquer un déni de justice. Quant à l’insuffisance des éléments de preuve présentés à l’appui de l’accusation d’inaptitude, l’Audiencia Nacional a indiqué que le rapport du colonel G. A., en date du 8 juillet 2002, contenait un exposé des motifs de la proposition de déplacement d’office que le tribunal a jugé suffisants pour justifier la décision de déplacement d’office. Concernant l’allégation de détournement de pouvoir, le tribunal a conclu qu’elle était sans fondement.

2.13Le 2 novembre 2004, l’auteur a formé un recours en amparo devant le Tribunal constitutionnel. Le 6 juin 2006, le Tribunal constitutionnel a rejeté le recours en amparo, au motif que l’auteur n’avait pas comparu dûment représenté comme il y était tenu; que la décision de déplacement d’office constituait une réponse raisonnée, suffisante, motivée et fondée sur un élément de preuve documentaire; et qu’il n’y avait pas violation du principe de la légalité.

2.14Le 30 juin 2006, l’auteur a porté plainte devant le Conseil général du pouvoir judiciaire pour prévarication contre les trois magistrats de la chambre du Tribunal constitutionnel qui avait rejeté son recours en amparo. Le 20 septembre 2006, le Conseil a rejeté la plainte au motif pour défaut de compétence, étant donné que le Tribunal constitutionnel n’est pas soumis au régime disciplinaire de l’autorité judiciaire, qui relève de la compétence du Conseil. L’auteur estime avoir épuisé tous les recours internes.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que les faits décrits constituent une violation du paragraphe 3 a) de l’article 2 eu égard à l’article 14 du Pacte, étant donné qu’aucun des recours formés n’a été utile et que la présomption d’innocence n’a pas été prise en considération.

3.2L’auteur explique qu’il existe dans l’armée deux catégories de postes, à savoir les postes pourvus par nomination et ceux pourvus par ancienneté. Dans le premier cas, tout militaire peut être relevé de ses fonctions, sans aucune explication, au simple motif d’une «perte de confiance» et être affecté à n’importe quel poste vacant, y compris un poste de la même catégorie. L’auteur a été déplacé d’office d’un poste qui ne relevait pas de la catégorie des postes pourvus par nomination, mais auquel il avait été affecté par ancienneté, seul critère de sélection des candidats. Un militaire occupant un poste «par ancienneté» ne perd jamais ladite ancienneté (sauf en cas de condamnation pénale entraînant la perte de rangs d’ancienneté). Un militaire peut être relevé de ses fonctions pour condition physique insuffisante ou perte des facultés professionnelles, mais jamais pour «inaptitude». La loi ne prévoit ce type de déplacement d’office que dans le cas des personnes qui ne font pas preuve d’un minimum d’efficacité dans l’exercice de leurs fonctions, ce qui n’est pas le cas de l’auteur. De plus, un déplacement d’office pour inaptitude a pour effet de limiter considérablement le nombre de postes auxquels peut prétendre par la suite la personne visée. C’est pourquoi l’auteur a fini par effectuer des tâches administratives pour lesquelles il n’était pas formé.

3.3L’auteur affirme que les décisions judiciaires relatives aux allégations d’inaptitude à s’acquitter des tâches confiées ne sont pas suffisamment étayées, que la question de la légalité du déplacement d’office n’a pas été examinée à la lumière du contexte dans lequel il s’est produit et que les décisions en question sont sans fondement. Elles sont également arbitraires puisqu’elles ne tiennent pas compte du fait que le déplacement d’office a pris effet dans un lieu d’affectation (Vitoria) distinct de celui pour lequel il avait été demandé (Munguía). L’auteur se demande comment son inaptitude a pu être établie alors qu’il n’avait pas encore pris ses fonctions dans son nouveau lieu d’affectation, dans un nouveau bataillon et avec d’autres personnes. De plus, son nouveau lieu d’affectation à Vitoria était également placé sous le commandement du colonel G. A.

3.4L’auteur affirme qu’il y a eu des irrégularités dans les procédures administratives. Ainsi, la procédure d’audition de l’auteur n’a pas été respectée, le père de celui-ci n’ayant pas été autorisé à retirer les notifications en son nom, ce qui constitue une infraction à la législation applicable en la matière; le texte intégral des notifications ne lui a pas été adressé à domicile; les procédures prévues par la loi pour examiner l’inaptitude n’ont pas été ouvertes; le dossier administratif n’a pas été adressé directement à l’avocat de l’auteur pour qu’il prenne connaissance en temps utile des chefs d’accusation afin d’élaborer une demande de recours non pas conservatoire mais définitive; le Ministre de la défense s’est prononcé sur le recours conservatoire au lieu du définitif, que l’auteur a présenté en temps voulu après avoir enfin reçu le dossier administratif. Pour ce qui est des procédures judiciaires, l’auteur affirme que l’Audiencia Nacional n’a pas administré les preuves qu’il avait demandées, telles que l’examen des états de service des années précédentes qui ne faisaient apparaître aucun élément négatif. Sur le plan administratif comme sur le plan judiciaire, il n’a pas non plus été tenu compte des nombreux documents présentés par l’auteur pour attester de ses qualités professionnelles. Parmi ces nombreux documents, les instances susmentionnées n’ont retenu que le rapport du colonel G. A., comme s’il avait valeur de preuve irréfutable alors qu’il s’agit d’un simple élément d’information. Ces irrégularités ont gravement porté atteinte au droit de l’auteur à un recours utile et à une procédure offrant des garanties minimales d’objectivité, de justice et de respect des droits de la défense. Il affirme également qu’il y a eu violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, puisque seule l’Audiencia Nacional a examiné l’affaire et que l’auteur n’a pas eu la possibilité de faire appel devant un tribunal supérieur.

3.5Pour ce qui est de la décision du Tribunal constitutionnel, l’auteur relève des erreurs dans le jugement et conteste la qualification de «déplacement d’office à caractère disciplinaire». Il s’agit en réalité d’un dossier administratif, auquel ne s’applique pas la loi organique no 8/98 sur le régime disciplinaire des forces armées, ni aucune autre loi de même nature, mais exclusivement la loi no 17/99, qui définit notamment le régime applicable aux militaires de carrière.

3.6L’auteur invoque une violation du paragraphe 3 a) de l’article 8 du Pacte, compte tenu du type de travail qu’il se voit actuellement contraint de faire. Il invoque également une violation de l’article 12 du Pacte pour avoir été privé de la liberté dont jouissent ses compagnons de choisir librement leur lieu de garnison ou d’affectation, puisque son déplacement d’office limite les lieux d’affectation auxquels il peut prétendre.

3.7En ce qui concerne la violation de l’article 15 du Pacte, l’auteur affirme que son déplacement d’office est une peine sévère, disproportionnée par rapport aux motifs invoqués. Il rappelle qu’il n’a pas eu la possibilité de se défendre et que le principe de contradiction n’a pas été respecté. Le déplacement d’office était uniquement fondé sur le rapport présenté par une personne contre laquelle l’auteur avait porté plainte et qui s’appuyait sur l’esprit corporatiste de l’armée.

3.8L’auteur invoque également une violation de l’article 17 du Pacte au titre de la perquisition effectuée à son domicile sur ordre du colonel G. A. sans l’autorisation des autorités compétentes. Ces faits ont infligé de graves souffrances à sa famille et n’ont jamais fait l’objet d’une enquête.

3.9En ce qui concerne l’article 18 du Pacte, l’auteur affirme avoir subi un préjudice pour avoir porté plainte contre le colonel G. A., alors qu’il n’a fait qu’accomplir son devoir et exercer ses droits. S’agissant de la violation de l’article 19 du Pacte, l’auteur déclare avoir subi des représailles après avoir déposé plainte contre le colonel G. A. Bien que les militaires aient des droits limités dans certains domaines, le dépôt de plainte en question constituait à la fois un devoir et un droit défini par la loi. Pour ce qui est de la violation de l’article 26 du Pacte, l’auteur affirme que la plainte déposée contre son supérieur ne justifie pas un déplacement d’office pour inaptitude et que cette mesure est une sanction masquée.

3.10Enfin, l’auteur affirme qu’il doit être indemnisé pour les dommages subis.

Observations de l’État partie sur la recevabilité de la communication

4.1Dans une note verbale en date du 28 janvier 2008, l’État partie a fait part de ses observations sur la recevabilité de la communication, concluant que celle-ci devait être déclarée irrecevable.

4.2L’État partie affirme que le déplacement d’office n’entraîne pas dans l’absolu une sanction disciplinaire, ni n’affecte le statut de militaire de l’auteur, mais témoigne de la faculté de l’État partie à organiser son armée librement et de manière autonome et à relever d’un poste déterminé toute personne dont on estime qu’elle n’a pas les qualités nécessaires pour s’acquitter de ses fonctions. La révocation était dûment motivée, l’auteur ayant la possibilité de formuler des allégations et d’obtenir plusieurs fois la révision de la mesure prise, par le biais des procédures administrative, contentieuse administrative et constitutionnelle.

4.3L’État partie affirme que l’invocation des articles 8, 12, 15, 17, 18, 19 et 26 du Pacte est purement rhétorique. Pour ce qui est de la violation supposée de l’article 14, la communication n’a pas pour objet une affaire pénale, ce qui constitue une incompatibilité ratione materiae avec le Pacte. Comme l’affirme l’auteur lui-même, il ne s’agit pas d’une procédure disciplinaire, mais du simple exercice des facultés d’organisation de l’État partie, qui passe notamment par l’appréciation de l’inaptitude de l’auteur à s’acquitter des fonctions liées à un poste précis dans l’organisation militaire. Il s’agit d’une simple épuration ou évolution de la relation de suprématie particulière dans laquelle, de par son statut de militaire, l’auteur se trouve par rapport à l’État partie. Ce dernier n’est aucunement tenu par les dispositions du Pacte de maintenir un militaire à un poste s’il juge qu’il n’est pas apte à l’occuper. Il ne s’agit donc pas d’établir des droits ou obligations de caractère civil, mais de se prononcer sur l’évolution d’une relation de suprématie particulière dans le contexte de la relation de services d’un militaire de carrière qui conserve son statut.

4.4L’État partie affirme que la communication est sans fondement. L’auteur a eu plusieurs occasions de formuler des allégations et de contester la décision par laquelle il a été jugé inapte à s’acquitter des tâches qui lui avaient été confiées. Une procédure d’audience a bien été ouverte, mais l’auteur a tenté de s’en prévaloir par l’intermédiaire d’un tiers sans l’accréditer légalement à le représenter, un compte rendu littéral et intégral du dossier administratif a été adressé à l’auteur, un délai supplémentaire de quinze jours lui a été accordé pour interjeter appel et il a récemment eu accès à l’intégralité du dossier de recours contentieux administratif. L’auteur a pu former un recours contentieux administratif et a obtenu une décision motivée du Tribunal constitutionnel.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

5.1Les 13 mars et 7 octobre 2008, l’auteur a fait part de ses commentaires sur les observations de l’État partie. Il réaffirme notamment que la décision relative à son déplacement d’office n’est pas dûment motivée. De plus, elle n’est pas fidèle à la vérité, en ce sens qu’elle affirme que l’auteur et son représentant ont rejeté la notification. L’Audiencia Nacional n’a pas examiné l’affaire comme il convenait et a manqué à son devoir d’impartialité en n’exigeant pas de l’administration qu’elle présente une preuve déterminante: les états de services de l’auteur pendant plusieurs années. Le Tribunal constitutionnel a jugé le déplacement d’office assimilable à une sanction disciplinaire.

5.2L’auteur affirme que son cas relève de l’article 14 du Pacte, qui porte également sur la détermination des droits et obligations de caractère civil. La décision administrative a été adoptée dans le contexte de sanctions disciplinaires privatives de liberté infligées à l’auteur. De plus, la décision administrative de déplacement d’office pour inaptitude à s’acquitter des fonctions confiées dans le cadre d’un poste pourvu par ancienneté, signifie que l’auteur ne peut plus occuper de poste de nature similaire dans une quelconque unité du pays, prendre un commandement, ni travailler au service d’une unité de commandement ou d’un quartier général. En outre, les personnes qui se trouvent en pareille situation sont isolées, de même que les personnes visées par des sanctions graves, afin de procéder à une analyse minutieuse de leur aptitude à occuper un grade supérieur. Il s’agit bien d’une sanction masquée, ce qui permet d’établir une analogie avec le régime pénal ou disciplinaire. Cette sanction est donc encore plus sévère que la «perte d’affectation», sanction disciplinaire la plus grave qui interdit pendant deux ans à la personne visée de rejoindre une zone militaire. Il est légitime de pouvoir relever un militaire de son poste pour inaptitude si l’intéressé est informé des circonstances retenues, mais cela n’a pas été le cas dans la présente affaire.

5.3L’auteur réaffirme ses allégations initiales au sujet de la procédure administrative appliquée à son encontre et rejette les arguments de l’État partie. Il affirme que le pouvoir de représentation qu’il avait accordé à son père était parfaitement valable. Pour retirer le dossier relatif aux allégations ayant trait au déplacement d’office, il n’était pas nécessaire que le père de l’auteur présente tout autre document que ceux qu’il a fourni (émanant du notaire militaire et du médecin); la convocation aurait dû indiquer qu’il s’agissait de retirer un document confidentiel et préciser si le rapport du colonel y était joint ou non; les deux documents auraient pu être adressés au domicile autorisé. Il aurait notamment fallu offrir à l’auteur la possibilité de compléter le document jugé insuffisant ou lui donner une nouvelle chance de retirer le dossier; remettre le dossier administratif en temps utile; examiner le recours définitif; présenter à l’Audiencia Nacional l’ensemble des éléments de preuve retenus. De plus, la procédure d’audience n’a pas été respectée.

Délibérations du Comité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de la faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité prend note des griefs que l’auteur tire des articles 2, paragraphe 3 a), et 14, selon lesquels les recours formés n’étaient pas utiles, les décisions judiciaires n’étaient pas suffisamment étayées, l’affaire n’a pas été examinée au fond, le droit qu’a l’auteur de se défendre n’avait pas été respecté et la décision n’avait pas été révisée par une instance judiciaire supérieure. Le Comité constate que ces plaintes font référence à l’évaluation des faits et des preuves par les tribunaux de l’État partie. Le Comité rappelle sa jurisprudence selon laquelle il appartient aux juridictions des États parties d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans une affaire donnée, ou la manière dont la législation interne a été appliquée, à moins qu’il ne soit établi que cette appréciation, ou cette application, a été clairement arbitraire ou manifestement entachée d’erreur ou a constitué un déni de justice. Le Comité a examiné les documents produits par l’auteur, en particulier les jugements rendus par l’Audiencia Nacional et par le Tribunal constitutionnel et estime que les documents correspondants ne permettent pas d’établir que les procédures judiciaires en question ont été entachées de telles irrégularités. Il considère donc que l’auteur n’a pas suffisamment étayé les griefs de violation des articles 2, paragraphe 3 a), et 14, et que la communication est donc irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.4Pour ce qui est des griefs de violation des articles 8, paragraphe 3 a), 12, 15, 17, 18, 19 et 26, ils ne sont pas suffisamment étayés aux fins de la recevabilité et sont donc jugés irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.

[Adopté en espagnol (version originale), en anglais, et en français. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

H.Communication no 1636/2007, Onoufriou c. Chypre(décision adoptée le 25 octobre 2010, 100e session)*

Présentée par:

Andreas Onoufriou (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Chypre

Date de la communication:

5 octobre 2006 (date de la lettre initiale)

Objet:

Légalité du procès et de la condamnation de l’auteur à dix-huit ans de prison pour tentative de meurtre sur un juge et sa fille

Questions de procédure:

Non-épuisement des recours internes; griefs non étayés

Questions de fond:

Procès équitable; interdiction de la discrimination

Articles du Pacte:

14 (par. 3 b), d) et e)), 2 et 26

Articles du Protocole facultatif:

2 et 5 (par. 2 b))

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 25 octobre 2010,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication, datée du 5 octobre 2006, est Andreas Onoufriou, de nationalité chypriote, actuellement détenu à la prison centrale de Nicosie où il purge une peine de dix-huit ans d’emprisonnement après avoir été reconnu coupable d’une double tentative de meurtre. Il affirme être victime de violations par Chypre du paragraphe 3 b), d) et e) de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de l’article 2 et de l’article 26. Il n’est pas représenté par un conseil.

Exposé des faits

2.1L’auteur est un ressortissant chypriote qui a été reconnu coupable, le 5 août 1998, par la cour d’assises de Limassol de tentative de meurtre sur un juge de tribunal de district et sa fille. Le matin du 29 octobre 1996, le juge M. M. s’apprêtait à prendre sa voiture pour se rendre à son travail après avoir conduit sa fille à l’école maternelle. Après avoir déplacé le véhicule de sa femme qui était stationné derrière le sien sur la voie d’accès, il s’est approché de sa voiture, suivi de sa fille. Alors qu’il se trouvait près de la roue arrière droite du véhicule, il s’est produit une forte explosion qui l’a projeté à terre et l’a gravement blessé. Il a dû subir une série d’interventions chirurgicales, mais conserve des séquelles physiques. Sa fille, qui se trouvait plus loin du lieu de l’explosion, a été brûlée par le souffle mais pas gravement blessée. L’explosion a été causée par un dispositif explosif artisanal qui avait été placé près de la roue droite de la voiture et pouvait être déclenché soit par un panier de câble plastifié, soit par le moindre mouvement du véhicule.

2.2Au cours de l’enquête, l’attention de la police a été appelée sur une procédure judiciaire en cours, confiée au juge M. M., dans laquelle l’auteur devait répondre d’une dette de 5 000 livres chypriotes, qu’il avait contractée en tant que propriétaire d’une clinique à Limassol qu’il voulait transformer en hôpital privé. Le juge M. M. avait été saisi de l’affaire le 16 octobre 1996, et une audience était fixée au 21 octobre 1996. Il ressort des actes de la procédure judiciaire que l’auteur estimait que le juge M. M. manifestait de l’hostilité à son égard, et qu’il avait confié au témoin de l’accusation no 63 son intention de tuer ce juge. La cour d’assises de Limassol a également conclu, sur la base des éléments disponibles, que l’auteur avait appris à confectionner un tel engin explosif durant son service dans la Garde nationale.

2.3Il ressort également du dossier soumis au Comité qu’après avoir commis les faits, l’auteur a confirmé au témoin de l’accusation no 63 avoir placé la bombe au domicile du juge M. M. le 29 octobre 1996. Durant la nuit du 29 au 30 octobre 1996, l’auteur a pris un vol pour l’Angleterre, où il est resté jusqu’à son extradition vers Chypre par les autorités britanniques le 4 avril 1997. L’auteur affirme s’être rendu en Angleterre pour épouser son amie roumaine. Selon la décision de la Cour suprême du 17 novembre 2000, l’auteur aurait, durant son séjour en Angleterre, fréquemment téléphoné au témoin de l’accusation no 63 pour lui demander de transporter des armes, des explosifs et des commutateurs électriques de son appartement de Limassol dans un entrepôt. Un câble plastifié semblable à celui trouvé sur les lieux du crime aurait été découvert dans l’entrepôt, après y avoir été transporté depuis l’appartement de l’auteur.

2.4Le 9 janvier 1997, l’auteur a été arrêté au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord pour possession d’explosifs, et incarcéré à la prison de Brixton à la suite d’une demande des autorités chypriotes tendant à ce qu’il soit extradé vers Chypre pour y répondre de tentative de meurtre sur le juge M. M. et sa fille. Après son extradition, l’auteur a été inculpé de tentative de meurtre par le tribunal de district de Limassol le 11 avril 1997 et incarcéré à la prison centrale de Nicosie. Il a eu de grandes difficultés pour trouver un défenseur. Selon lui, cela était dû à la publicité négative des médias à son égard, et à la crainte des avocats de subir des pressions s’ils acceptaient de le représenter, étant donné la qualité de juge de la victime.

2.5La cour d’assises a sollicité l’assistance de l’ordre des avocats du barreau de Limassol, dont le Bâtonnier a réussi à trouver deux avocats prêts à assister l’auteur. Celui-ci a néanmoins repoussé l’offre, car il tenait à être défendu par deux avocats précis, qui refusaient néanmoins de le représenter. La cour d’assises a finalement commis un avocat pour représenter l’auteur dans le cadre de l’aide juridictionnelle, l’auteur n’ayant pas les moyens financiers d’en désigner un lui-même. Cet avocat a été congédié par l’auteur le 26 novembre 1997, lors de sa deuxième comparution, après que l’avocat eût demandé l’ajournement de l’audience pour raisons de santé. L’auteur a ensuite demandé l’autorisation de se défendre lui-même sans l’assistance d’un avocat.

2.6L’auteur a soumis à la cour d’assises de Limassol une demande de libération conditionnelle, en faisant valoir que son incarcération jusqu’à la date du procès ne lui permettait pas d’organiser sa défense, du fait notamment qu’il n’était pas représenté par un avocat. Cette demande a été rejetée par la cour d’assises de Limassol en raison de la gravité des faits reprochés à l’accusé et faute d’éléments particuliers susceptibles de justifier une décision différente.

2.7Le 4 août 1998, la cour d’assises a reconnu l’auteur coupable d’une double tentative de meurtre, et l’a condamné à une peine totale de dix-huit ans de prison le 7 août 1998. L’auteur a fait appel devant la Cour suprême, en invoquant les moyens ci-après, pour violation de ses droits à une procédure régulière: a) le fait que l’accusation n’avait pas démontré son intention d’assassiner le juge M. M. et sa fille; b) le caractère incomplet de l’appréciation de la déposition du témoin de l’accusation no 63, le ministère public n’ayant pas dûment pris en considération les contradictions de la déposition de ce témoin avec les constatations de la police; c) le manque de fiabilité du spécialiste nommé par la cour d’assises pour analyser les explosifs employés pour commettre le crime; d) le refus de la police d’autoriser l’auteur à examiner la voiture de la victime; e) le refus de communiquer à l’auteur la déposition initiale du témoin de l’accusation no 63 avant ou durant le procès; f) la rétention des notes préparées par l’auteur pour le contre-interrogatoire des témoins.

2.8Le 17 novembre 2000, la Cour suprême a rejeté l’appel de l’auteur. Pour ce qui est de la possibilité d’examiner la voiture de la victime, la Cour a indiqué qu’il n’avait pas été jugé nécessaire de conserver celle-ci comme pièce à conviction, car cela n’était pas objectivement nécessaire pour prouver les faits, et n’était pas non plus utile pour la défense éventuelle de l’accusé. Ce qui était par contre nécessaire à l’enquête était le prélèvement de fragments d’explosifs susceptibles d’indiquer la méthode de fabrication de la bombe, le mécanisme explosif employé, sa puissance et le mode de détonation. La Cour a souligné que l’auteur n’avait pas demandé à examiner ces éléments de preuve.

2.9L’auteur a présenté plusieurs requêtes devant la Cour européenne des droits de l’homme, dont trois ont été déclarées irrecevables. Le 7 janvier 2010, la Cour européenne a rendu une décision dans laquelle elle a conclu que l’État partie avait violé l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, s’agissant des conditions de détention de l’auteur qui avait été maintenu à l’isolement cellulaire du 21 septembre 2003 au 7 novembre 2003 pour n’être pas rentré à la prison centrale de Nicosie au terme d’une permission de sortie de vingt-quatre heures.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme avoir été illégalement jugé et condamné à une peine de dix-huit ans d’emprisonnement, en violation de l’article 14 du Pacte. Il affirme tout d’abord s’être rendu compte, après avoir lu le procès-verbal des débats de la cour d’assises de Limassol, que plusieurs pages manquaient. Le 8 novembre 2000, il a écrit au Président de la Cour suprême pour lui faire part du problème. L’auteur dit n’avoir reçu qu’en mars 2001 une réponse du greffe de la Cour suprême niant la disparition de pages du procès-verbal. L’appel ayant été rejeté par la Cour suprême le 17 novembre 2000, l’auteur fait valoir qu’il n’a pas été possible d’effectuer des recherches et que la question n’a pas pu non plus être examinée par la Cour.

3.2L’auteur allègue en outre que le droit à l’assistance d’un défenseur lui a été dénié par la cour d’assises de Limassol, en violation du paragraphe 3 d) de l’article 14 du Pacte. Il affirme qu’à la demande de la cour d’assises, le barreau de Limassol a trouvé deux avocats qui étaient prêts à le défendre; néanmoins, selon l’auteur, le premier a été refusé par la cour en raison de son trop jeune âge, tandis que le second, influencé par le traitement médiatique de son affaire, lui aurait demandé de plaider coupable du chef de tentative de meurtre.

3.3L’auteur fait valoir aussi que le refus de la cour d’assises de Limassol de le libérer sous caution pour lui permettre de préparer correctement sa défense constitue une violation du paragraphe 3 b) de l’article 14 du Pacte.

3.4L’auteur affirme également avoir été contraint d’accepter la déposition du témoin de l’accusation no 63 qui, seule, a constitué la base de sa condamnation, en violation des droits qui lui sont garantis par le paragraphe 3 b) de l’article 14 du Pacte. D’après lui, le ministère public s’était entendu avec ce témoin pour qu’il témoigne contre l’auteur, en échange de l’abandon d’un certain nombre de charges contre lui en tant que complice dans la même affaire.

3.5Selon l’auteur, la police lui aurait en outre refusé la possibilité de se rendre sur les lieux du crime pour examiner en particulier la voiture de la victime où la bombe avait été placée. Cela constituerait une violation des droits qu’il tient du paragraphe 3 e) de l’article 14 du Pacte.

3.6Enfin, l’auteur fait valoir que la cour d’assises lui a refusé le droit de faire entendre son amie roumaine comme témoin à décharge. Il affirme qu’elle avait été expulsée de Chypre en tant que ressortissante étrangère et que son nom figurait sur une liste d’exclusion. Il en résulterait selon lui une violation des droits que reconnaît le paragraphe 3 e) de l’article 14 du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1En date du 22 mai 2008, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication. Il affirme tout d’abord que le grief tiré du paragraphe 3 b) de l’article 14, selon lequel le droit à l’assistance d’un défenseur lui aurait été refusé, n’a pas été soulevé en appel devant la Cour suprême. L’État partie affirme donc que cette partie de la communication devrait être déclarée irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, faute d’épuisement des recours internes.

4.2De même, l’État partie objecte que le grief de l’auteur, selon lequel l’un de ses témoins à décharge aurait été empêché de déposer en sa faveur, n’a pas été évoqué devant la Cour suprême et devrait donc être déclaré irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

4.3De la même manière, l’État partie considère que l’allégation de l’auteur, selon laquelle le droit de préparer correctement sa défense lui aurait été refusé parce qu’il n’a pas été libéré avant son procès, est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif pour n’avoir pas été soulevée en appel devant la Cour suprême.

4.4Sur le fond, en ce qui concerne le grief de l’auteur qui affirme que le droit à l’assistance d’un défenseur lui aurait été refusé, l’État partie soutient que cette allégation n’est pas fondée en fait. La décision de la cour d’assises de Limassol et le procès-verbal des débats de la cour montrent que bien qu’un avocat ait été commis à l’auteur par la cour, celui-ci l’a congédié lors de la deuxième comparution. Les rappels et encouragements répétés de la cour à l’auteur pour qu’il sollicite l’assistance d’un autre avocat sont restés sans suite, au motif que les défenseurs par qui il souhaitait être représenté n’étaient pas disponibles au tarif prévu par les règles de l’assistance juridictionnelle. Enfin, l’auteur a prétendu vouloir assurer lui-même sa défense devant la cour. L’État partie est d’avis qu’en l’espèce, c’est l’auteur lui-même qui a décidé de ne pas se faire assister d’un défenseur, et qu’il n’y a pas eu violation du paragraphe 3 d) de l’article 14 du Pacte.

4.5Pour ce qui est de l’allégation de l’auteur selon laquelle son amie roumaine, qu’il souhaitait faire comparaître comme témoin à décharge, figurait sur une liste d’exclusion et ne pouvait pas venir à Chypre, l’État partie conteste ce fait en affirmant que son nom ayant été retiré de la liste, elle était donc autorisée à venir à Chypre, mais qu’elle n’a jamais comparu devant la cour. En conséquence, l’allégation de l’auteur selon laquelle il en résulterait une violation du paragraphe 3 e) de l’article 14 du Pacte, n’est pas fondée.

4.6Le fait que l’auteur n’a pas pu examiner la voiture de la victime n’a aucunement compromis sa défense, s’agissant des droits garantis par l’article 14 du Pacte. Rappelant que cette question a été examinée tant par la cour d’assises que par la Cour suprême, l’État partie réaffirme que la voiture de la victime n’a pas été conservée comme pièce à conviction car sa production n’était pas considérée comme nécessaire à l’enquête ni, par conséquent, comme de nature à établir les éléments du crime et la culpabilité de l’auteur. Au contraire, c’est le prélèvement de fragments de la bombe et d’autres éléments susceptibles d’indiquer le type d’explosifs utilisés, leur puissance et leur mode de détonation, qui était d’une importance essentielle pour l’enquête. L’État partie note que l’auteur n’a pas demandé à examiner ces éléments de preuve. Il en conclut qu’il n’a subi aucun préjudice à ce titre au regard de l’article 14.

4.7Concernant l’allégation de l’auteur qui fait valoir le refus de la cour d’assises de le libérer sous caution pour lui permettre de préparer sa défense constituerait une violation de ses droits au regard du paragraphe 3 b) de l’article 14, l’État partie réaffirme que si l’auteur n’a pas bénéficié de l’assistance d’un avocat, cela résultait de sa propre décision. Le droit d’être libéré sous caution afin de préparer sa défense, lorsque l’accusé a lui-même décidé de ne pas se faire assister par un défenseur, n’est pas visé par l’article 14 du Pacte. L’État partie ajoute qu’aux fins de la procédure devant la Cour suprême, l’auteur était représenté par un conseil.

4.8En ce qui concerne les allégations de l’auteur au regard de l’article 26, l’État partie note que ce grief n’est pas étayé et n’a pas été évoqué devant les juridictions nationales. Il affirme en conclusion que la communication est en partie irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif et que, sur le fond, il n’y a aucune violation des articles 14, 2 et 26 du Pacte en ce qui concerne l’auteur.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans une réponse du 26 juillet 2008, l’auteur affirme qu’il a épuisé tous les recours internes. Il affirme avoir invoqué tous les motifs soumis au Comité devant les juridictions nationales, par écrit ou oralement. S’agissant de la déposition de son amie comme témoin à décharge, l’auteur prétend avoir demandé à trois reprises en 1997 à la cour d’assises de Limassol de faire supprimer son nom de la liste d’exclusion. Après sa dernière demande, le 17 octobre 1997, une ordonnance a été rendue par la cour à cette fin mais n’a jamais été mise à exécution par le Procureur général ou la police. Il ajoute que lorsque le procès s’est ouvert, son amie a été autorisée à venir à Chypre pour deux jours seulement et que, les vols ayant lieu à date fixe, il lui a été impossible d’assister au procès.

5.2L’auteur affirme qu’il avait besoin d’examiner la voiture de la victime afin de montrer que la bombe avait été placée derrière la roue arrière droite et que l’intention de la personne qui avait commis les faits était non pas de tuer, mais seulement de faire peur, et d’endommager la voiture.

5.3En ce qui concerne l’absence d’un défenseur, l’auteur réaffirme que sur les deux avocats qui lui ont été proposés par le barreau de Limassol, l’un a été considéré par la cour comme trop jeune pour le représenter, tandis que le second lui a demandé de plaider coupable.

5.4À propos de son allégation concernant des pages manquantes du procès-verbal des débats de la cour, l’auteur fait observer que l’État partie ne l’a pas contestée, et il invite donc le Comité à admettre ce fait, et à en déduire la conclusion inévitable que son procès s’est déroulé en violation de l’article 14 du Pacte.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si elle est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3S’agissant de la condition posée au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité a noté l’argument de l’État partie selon lequel l’auteur n’aurait pas épuisé les recours internes concernant: a) son grief, fondé sur le paragraphe 3 d) de l’article 14 du Pacte, selon lequel le droit à l’assistance d’un défenseur lui aurait été refusé par la cour d’assises de Limassol; b) son grief, fondé sur le paragraphe 3 b) de l’article 14 du Pacte, selon lequel la cour d’assises ayant refusé de le libérer sous caution, il n’a pas pu préparer correctement sa défense; et c) son allégation selon laquelle le déni, par la cour d’assises, de son droit de faire comparaître son amie comme témoin à décharge durant son procès, aurait constitué une violation de ses droits au regard du paragraphe 3 e) de l’article 14 du Pacte.

6.4Le Comité note que l’auteur a soulevé plusieurs nouveaux griefs en appel devant la Cour suprême et n’explique pas pourquoi il n’a pas soulevé ces trois griefs supplémentaires, ou tenté un autre recours approprié à cet égard. Tout en notant que l’auteur ne conteste pas le caractère effectif des recours dont il disposait, le Comité est d’avis que l’exercice d’un tel recours aurait pu éclaircir les faits, s’agissant notamment de la question de l’assistance d’un défenseur, et de celle de l’autorisation de faire comparaître son amie comme témoin à décharge au procès. En se fondant sur les éléments dont il est saisi, le Comité constate que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes en ce qui concerne ces trois allégations, et il déclare donc que cette partie de la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

6.5En ce qui concerne l’affirmation de l’auteur selon laquelle plusieurs pages manquaient dans le procès-verbal des débats de la cour d’assises de Limassol, le Comité note que ce fait a été réfuté par une communication officielle du greffe de la Cour suprême à l’auteur le 21 mars 2000. Il note aussi que l’auteur n’a pas précisé la teneur de cette communication. S’il est vrai que l’État partie n’a pas fourni de renseignements sur cette question, le Comité constate que l’auteur n’a pas étayé son grief, aux fins de la recevabilité. En conséquence, le Comité conclut que cette partie de la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.6À propos du grief tiré du paragraphe 3 b) de l’article 14 du Pacte, selon lequel l’auteur aurait été «forcé d’accepter» la déposition du témoin de l’accusation no 63 qui a constitué la base de sa condamnation pour tentative de meurtre, le Comité rappelle tout d’abord que, par essence, l’examen d’une telle allégation suppose l’appréciation par le Comité de faits et d’éléments de preuve présentés au procès, qui incombe en principe aux juridictions nationales, à moins qu’elle ait été manifestement arbitraire ou ait constitué un déni de justice.

6.7Sur la base des éléments dont il est saisi, en particulier l’arrêt de la Cour suprême du 17 novembre 2000, le Comité remarque que cinq autres témoins au moins, en plus du témoin no 63, ont été cités par le ministère public devant la cour d’assises de Limassol. Le Comité observe en outre, à la lecture des procès-verbaux des débats et des décisions judiciaires, que la culpabilité de l’auteur a été établie par le ministère public sur la base de preuves indirectes qui ont servi à la cour pour corroborer les dépositions des témoins à charge.

6.8Dans les circonstances de l’espèce, le Comité est d’avis que l’auteur n’a pas démontré, aux fins de la recevabilité qu’il a été contraint d’accepter le témoignage à charge d’un témoin de l’accusation. L’auteur n’a pas non plus montré de manière convaincante, aux fins de la recevabilité, que l’appréciation des éléments de preuve faite par la cour était arbitraire ou constituait un déni de justice. En conséquence, le Comité considère que cette partie de la communication est également irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.9Pour ce qui est des articles 2 et 26 du Pacte, le Comité considère que l’auteur n’a étayé aucune allégation au regard de ces dispositions. Il conclut donc que cette partie de la communication est également irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.10Le Comité note le grief de l’auteur tiré du paragraphe 3 e) de l’article 14 du Pacte selon lequel la police lui aurait refusé la possibilité d’examiner les lieux du crime, en particulier la voiture de la victime à l’intérieur, ou à proximité, de laquelle la bombe avait été placée. Constatant que l’auteur n’a pas étayé cette allégation au regard du paragraphe 3 e) de l’article 14 aux fins de la recevabilité, le Comité considère qu’elle peut soulever des questions au regard du paragraphe 3 b) de l’article 14 du Pacte, et note que l’auteur a épuisé les recours internes pour ce grief.

6.11Le Comité réaffirme que l’appréciation des faits et des moyens de preuve présentés au procès incombe en principe aux juridictions nationales, à moins qu’elle ait été manifestement arbitraire ou ait constitué un déni de justice. Il rappelle aussi que les «facilités nécessaires» à la préparation de la défense, aux fins du paragraphe 3 b) de l’article 14 du Pacte, doivent comprendre l’accès à tous les éléments de preuve, éléments à charge que l’accusation compte produire à l’audience, ou à décharge. La portée de la protection offerte par cette disposition doit être entendue comme garantissant que des individus ne puissent pas être condamnés sur la base de preuves auxquelles eux-mêmes ou leurs représentants en justice n’ont pas pleinement accès.

6.12Le Comité observe qu’en l’espèce, l’enquête n’a pas conservé la voiture de la victime comme preuve matérielle établissant les éléments du crime, et donc la culpabilité de l’auteur, mais s’est au contraire fondée sur d’autres éléments de preuve, comme des fragments du dispositif explosif et d’autres échantillons. Le Comité a pris note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle l’auteur n’a jamais demandé à examiner ces éléments, ce que ce dernier n’a pas contesté. Dans les circonstances de l’espèce, le Comité conclut que l’auteur n’a pas démontré, aux fins de la recevabilité, que les droits garantis par le paragraphe 3 b) de l’article 14 du Pacte ont été violés. Il en résulte que cette partie de la communication est également irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 et du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

I.Communication no 1748/2008, Bergauer et consorts c. République tchèque(décision adoptée le 28 octobre 2010, 100e session)*

Présentée par:

Josef Bergauer et consorts (représentés par un conseil, Thomas Gertner)

Au nom de:

Les auteurs

État partie:

République tchèque

Date de la communication:

5 octobre 2007 (date de la lettre initiale)

Objet:

Discrimination en ce qui concerne la restitution de biens et absence de recours utile

Questions de procédure:

Abus du droit de présenter des communications; irrecevabilité ratione temporis, ratione materiae; non-épuisement des recours internes

Questions de fond:

Égalité devant la loi; égale protection de la loi sans discrimination; recours utile

Articles du Pacte:

26 et 2 (par. 3)

Article s du Protocole facultatif:

3 et 5 (par. 2 b))

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 28 octobre 2010,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.Les auteurs de la communication, datée du 5 octobre 2007, sont Josef Bergauer (né en 1928); Brunhilde Biehal (née en 1931); Friedebert Volk (né en 1935); Gerald Glasauer (né en 1969); Ernst Proksch (né en 1940); Johann Liebl (né en 1937); Gerhard Mucha (né en 1927); Gerolf Fritsche (né en 1940); Ilse Wiesner (née en 1920); Otto Höfner (né en 1930); Walter Frey (né en 1945); Herwig Dittrich (né en 1929); Berthold Theimer (né en 1930); Rosa Saller (née en 1927); Franz Penka (né en 1926); Adolf Linhard (né en 1941); Herlinde Lindner (née en 1928); Aloisia Leier (née en 1932); Walter Larisch (né en 1930); Karl Hausner (né en 1929); Erich Klimesch (né en 1927); Walther Staffa (né en 1917); Rüdiger Stöhr (né en 1941); Walter Titze (né en 1942); Edmund Liepold (né en 1927); Rotraut Wilsch-Binsteiner (née en 1931); Karl Röttel (né en 1939); Johann Pöchmann (né en 1934); Jutta Ammer (née en 1940); Erika Titze (née en 1933); Wolfgang Kromer (né en 1936); Roland Kauler (né en 1928); Johann Beschta (né en 1933); Kurt Peschke (né en 1931); Wenzel Pöhnl (né en 1932); Marianne Scharf (née en 1930); Herbert Vonach (né en 1931); Heinrich Brditschka (né en 1930); Elisabeth Ruckenbauer (née en 1929); Wenzel Valta (né en 1936); Ferdinand Hausmann (né en 1923); Peter Bönisch (né en 1971); Karl Peter Spörl (né en 1932); Franz Rudolf Drachsler (né en 1924); Elisabeth Teicher (née en 1932); Inge Walleczek (née en 1942); Günther Karl Johann Hofmann (né en 1932). Ils se déclarent victimes d’une violation par la République tchèque de l’article 26 et des paragraphes 3 a) et b) de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ils sont représentés par un conseil, M. Thomas Gertner.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1Les auteurs, ou leurs prédécesseurs en droit, sont des Allemands des Sudètes qui ont été expulsés à la fin de la Seconde Guerre mondiale, et dont les biens ont été confisqués par les autorités de l’ancienne Tchécoslovaquie sans que leur soit versée la moindre indemnisation. Les auteurs indiquent que sur les 3 477 000 Allemands qui vivaient dans la région des Sudètes, 3 000 400 ont été expulsés de l’ancienne Tchécoslovaquie, et 249 900 sont morts; ils affirment qu’ils ont été punis collectivement sans procès et expulsés en raison de leur origine ethnique. Encore aujourd’hui, les Allemands des Sudètes se sentent victimes de discrimination de la part de la République tchèque, qui refuse de leur accorder une indemnisation adéquate comme le prescrit le droit international. Les auteurs soulignent que les Allemands des Sudètes ont été traités différemment des victimes de la persécution communiste de nationalité tchèque ou slovaque, qui ont obtenu une réparation et la restitution de leurs biens alors qu’elles avaient subi des injustices moins graves que celles dont eux-mêmes ont été victimes.

2.2Les auteurs passent en revue plusieurs décrets de 1945 et 1946, qui sont toujours en vigueur et établissent des droits «pétrifiés», en vertu desquels les biens des Allemands des Sudètes ont été confisqués et les citoyens tchécoslovaques d’origine allemande ou hongroise ont été déchus de la citoyenneté tchécoslovaque:

a)Le décret présidentiel no 5/1945, du 19 mai 1945, ordonnant la confiscation des biens privés et commerciaux des Allemands et des Hongrois et l’administration de ces biens par l’État;

b)Le décret constitutionnel du Président no 33, du 2 août 1945, décret Benes, en vertu duquel les citoyens tchécoslovaques de nationalité allemande ou hongroise ont été déchus de la citoyenneté tchécoslovaque, qu’ils aient acquis la nationalité allemande ou hongroise de façon non volontaire ou qu’ils aient «déclaré cette nationalité». Les auteurs ou leurs prédécesseurs en droit avaient tous «déclaré» leur nationalité et n’ont donc pas eu la moindre chance de récupérer la citoyenneté tchèque ou slovaque;

c)Le décret présidentiel no 108, du 25 octobre 1945, ordonnant la confiscation des biens des personnes de nationalité allemande ou hongroise, à l’exception de «celles qui font la preuve de leur loyauté envers la République tchécoslovaque, qui n’ont commis aucune infraction à l’encontre des nations tchèque ou slovaque et qui ont pris une part active à la lutte pour la libération du pays ou ont été victimes du nazisme ou de la terreur fasciste»;

d)La loi no 115, du 8 mai 1946, en vertu de laquelle tous les actes de violence ou autres infractions pénales ont été rétroactivement déclarés légaux, lorsqu’ils pouvaient être présumés avoir été commis «dans le cadre de la lutte pour libérer les Tchèques et les Slovaques ou à titre de représailles justifiées pour les actes des occupants et de leurs complices».

2.3Étant donné que tous les prédécesseurs en droit des auteurs avaient perdu leur citoyenneté, ils ne pouvaient pas invoquer la loi no 87/1991 du 21 janvier 1991 relative à la réparation par voie non judiciaire ni la loi no 229/1991 du 21 mai 1991 relative à la restitution des biens agricoles pour demander la restitution de leurs biens. En outre, ces deux lois portaient uniquement sur la restitution des biens qui avaient été confisqués sous le régime communiste entre 1948 et 1991. Le 15 avril 1992, l’État partie a adopté la loi no 243/1992, qui autorise la restitution des biens agricoles ayant appartenu aux minorités allemandes et hongroises à condition que les intéressés aient la citoyenneté tchécoslovaque et qu’ils n’aient commis aucune infraction à l’encontre de l’État tchécoslovaque. Cependant, cette loi ne s’applique pas aux auteurs puisque, comme leurs prédécesseurs en droit, ils avaient perdu leur citoyenneté en application du décret présidentiel Benes no 33/1945. En outre, la loi no 30/1996 portant modification de la loi no 243/1992 relative à la restitution des biens agricoles a ajouté une nouvelle condition, c’est-à-dire la possession ininterrompue de la nationalité tchécoslovaque.

2.4Le 13 décembre 2005, la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré irrecevable la requête présentée par les auteurs (et d’autres requérants). Elle a considéré que l’allégation des auteurs relative à l’absence de recours internes était dénuée de fondement et qu’elle ne pouvait pas préjuger l’issue d’une action devant les tribunaux tchèques si les requérants en avaient engagé une. Toutefois, même si les requérants avaient épuisé les recours internes, la communication serait de toute façon irrecevable car ils n’avaient aucuns «biens existants» au sens de l’article premier du Protocole no 1 à la Convention européenne des droits de l’homme quand la Convention européenne des droits de l’homme est entrée en vigueur ni quand ils ont déposé leur requête. Le fait que les biens aient été confisqués en application de décrets qui continuaient à faire partie de l’ordre juridique interne ne modifiait pas cet état de choses. En outre, la Cour a considéré qu’en l’absence d’une obligation générale de restituer les biens qui avaient été saisis avant la ratification de la Convention européenne des droits de l’homme, la République tchèque n’était pas tenue de restituer leurs biens aux requérants, et que cet aspect de la requête était par conséquent incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention. En tout état de cause, la Cour européenne des droits de l’homme a noté que la jurisprudence des tribunaux tchèques montrait que la restitution de leurs biens pouvait être accordée même à des personnes qui avaient été expropriées en violation des décrets présidentiels, ce qui assurait une forme de réparation. Les allégations de génocide ont été déclarées irrecevables ratione temporis. Quant aux griefs de discrimination, la Cour européenne des droits de l’homme a fait valoir que l’article 14 de la Convention ne consacrait pas un droit autonome et a déclaré cette partie de la requête également irrecevable.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs affirment que l’État partie commet une violation continue de l’article 26 du Pacte en maintenant dans l’ordre juridique interne les lois discriminatoires adoptées de 1945 à 1948 et le décret relatif à la confiscation. En n’adoptant pas de loi sur la restitution des biens qui leur soit applicable, l’État partie empêche les Allemands des Sudètes d’exercer leur droit de demander la restitution de leurs biens et des mesures de réparation, droit dont peuvent en revanche se prévaloir les personnes dont les biens ont été confisqués sous le régime communiste. Les auteurs font valoir que les tribunaux tchèques n’appliquent le droit international que dans la limite des instruments internationaux ratifiés par la République tchèque alors que, selon eux, toute personne doit pouvoir se prévaloir des règles du jus cogens (telles que les articles de la Commission du droit international (CDI) sur la responsabilité de l’État). Les auteurs se déclarent également victimes d’une violation du droit à l’égalité devant la loi puisqu’il n’existe pas de loi qui leur permettrait d’intenter une action en restitution devant les tribunaux nationaux.

3.2Les auteurs font en outre valoir qu’ils ont été punis collectivement pour les crimes commis par l’Allemagne nazie contre la Tchécoslovaquie et qu’ils avaient été expulsés de leur région en raison de leur origine ethnique. Les mesures prises contre les Sudètes constituent des «faits composites» au sens de l’article 15 des articles de la CDI, et ont des effets continus dès lors qu’ils étaient déjà interdits par le jus cogens quand le premier acte a été commis. Tel est indubitablement le cas des crimes contre l’humanité qui ont été commis envers les Sudètes.

3.3En ce qui concerne l’épuisement des recours internes exigé par le paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, les auteurs affirment que vu la jurisprudence sans équivoque de la Cour constitutionnelle et en l’absence d’une loi sur la restitution applicable aux Sudètes, il aurait été vain d’engager une action en réparation et en restitution devant les tribunaux tchèques, raison pour laquelle ils y ont renoncé. Le 8 mars 1995, dans l’affaire Dreithaler, la Cour constitutionnelle a conclu que le décret no 108 du 25 octobre 1945 relatif à la confiscation (voir par. 2.2), en vertu duquel les auteurs avaient perdu leurs biens, faisait partie de l’ordre juridique tchèque et n’enfreignait aucun principe constitutionnel. Les auteurs estiment donc qu’il ne servirait à rien de demander le réexamen de la question. Dans un autre arrêt daté du 1er novembre 2005 (affaire du Comte Kinský), la Cour constitutionnelle a conclu qu’il n’était pas possible d’examiner la légalité du décret no 108/1945 relatif à la confiscation.

3.4Les auteurs indiquent également qu’ils n’ont pas pu faire valoir de violation d’une norme supérieure de droit telle que les articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite auprès des tribunaux nationaux étant donné que la Constitution ne reconnaît que les instruments qui ont été ratifiés, de sorte que les plaintes fondées sur les règles du jus cogens sont exclues. Les auteurs font valoir qu’ils ne disposent d’aucun recours utile contre la discrimination qu’ils ont subie, ce qui constitue une violation du paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans une lettre du 3 juillet 2008, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication. Il souligne que les auteurs ne donnent aucun détail au sujet de leurs biens, hormis la commune où ils étaient sis. En ce qui concerne la relation des faits historiques par les auteurs, elle comporte des affirmations que l’État partie dément. L’État partie renvoie aux conclusions de la Commission germano-tchèque d’historiens et indique que, contrairement à ce qu’affirment les auteurs, l’expulsion des Allemands des Sudètes avait fait 30 000 victimes au plus.

4.2L’État partie se réfère aux accords internationaux et aux textes de loi pertinents ainsi qu’à la pratique. Il cite l’accord de Berlin adopté à la Conférence de Potsdam le 1er août 1945, en particulier son article XIII, qui régit le transfert des populations allemandes de la Tchécoslovaquie vers l’Allemagne. Il renvoie également à la déclaration germano-tchèque du 21 janvier 1997 sur les relations entre les deux pays et leur développement futur, document qu’il qualifie de politique, qui affirme que les injustices du passé appartiennent au passé mais ne crée aucune obligation juridique. L’État partie joint en outre le texte officiel des décrets et lois ci-après:

a)Décret présidentiel no 5/1945 relatif à l’invalidation de certaines transactions immobilières réalisées pendant la période d’oppression et à l’administration par l’État des biens et avoirs des Allemands, des Hongrois, des traîtres et des collaborateurs et de certaines organisations et institutions;

b)Décret présidentiel no 12/1945 (non cité par les auteurs) relatif à la confiscation et à l’attribution accélérée des biens agricoles des Allemands, des Hongrois, des traîtres et des ennemis des nations tchèque et slovaque;

c)Décret présidentiel no 108/1945 relatif à la confiscation des biens ennemis et à la création du Fonds national de reconstruction;

d)Décret présidentiel constitutionnel no 33/1945 sur le retrait de la citoyenneté tchécoslovaque des personnes ayant la nationalité allemande ou hongroise;

e)Loi no 194/1949 relative à l’acquisition et à la perte de la nationalité tchécoslovaque;

f)Loi no 34/1953 relative à l’acquisition par certaines catégories de personnes de la nationalité tchécoslovaque.

4.3L’État partie cite aussi les lois qui visent à atténuer les effets des injustices concernant des biens commises sous le régime communiste entre 1948 et 1989, telles que la loi no 87/1991 relative à la réparation par voie non judiciaire et la loi no 229/1991 relative à la propriété foncière et aux biens agricoles, qui prévoit que les citoyens tchèques qui ont été expropriés en application du décret présidentiel no 5/1945 et de la loi no 128/1946 relative à l’invalidation de certaines transactions immobilières réalisées pendant la période d’oppression et aux réclamations nées de cette invalidation et d’autres violations du droit de propriété, peuvent être admis au bénéfice de ces lois si leurs demandes résultant des persécutions politiques n’ont pas été réglées après le 25 février 1948.

4.4En ce qui concerne la recevabilité de la communication, l’État partie fait valoir que celle-ci devrait être déclarée irrecevable parce qu’elle est incompatible avec les dispositions du Pacte, conformément à l’article 3 du Protocole facultatif. Il considère que la communication est irrecevable ratione temporis également étant donné que les événements se sont produits au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, soit longtemps avant la ratification par la Tchécoslovaquie du Pacte et du Protocole facultatif, le 23 décembre 1975 et le 12 mars 1991. En ce qui concerne le grief des auteurs qui affirment être victimes d’une violation continue, l’État partie fait valoir que la confiscation est un acte instantané et que le fait que les effets de l’expropriation de 1945 puissent encore être invoqués devant un tribunal aujourd’hui ne change rien à la nature de la confiscation initiale. Il souligne en outre que la législation relative à la confiscation était issue d’un accord international que les Alliés avaient adopté à la Conférence de Potsdam et était considérée comme un droit des Alliés à titre de rétorsion pour les crimes commis par l’Allemagne envers le peuple tchécoslovaque. L’État partie ajoute que, même si les événements de 1945 pouvaient être examinés à la lumière des articles sur la responsabilité de l’État, l’élément d’illicéité ferait défaut. Il conclut que seule la partie de la communication portant sur la discrimination qui résulterait des lois de restitution adoptées après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif, le 12 mars 1991, devrait être examinée.

4.5L’État partie estime en outre que le Comité devrait déclarer la communication incompatible ratione materiae avec les dispositions du Pacte, étant donné que la plainte des auteurs a trait au droit à la propriété, qui n’est pas protégé par le Pacte.

4.6Pour ce qui est de l’épuisement des recours internes, l’État partie objecte que les auteurs n’en ont exercé aucun. Les tribunaux nationaux n’ont donc pas pu examiner leurs griefs de discrimination ni apprécier les faits et les preuves se rapportant à la confiscation de leurs biens. L’État partie souligne que les conclusions de la Cour constitutionnelle dans l’affaire Dreithaler datent de 1995 et que des modifications ont été apportées à la Constitution depuis lors; les auteurs devraient donc porter leurs griefs devant les tribunaux nationaux. L’État partie reconnaît n’avoir connaissance d’aucune affaire dans laquelle des Allemands des Sudètes ont obtenu la restitution de biens qui avaient été confisqués avant 1945, mais il fait valoir qu’il ne saurait affirmer que les tribunaux nationaux auraient refusé d’étendre l’application des lois de restitution à des faits antérieurs à 1945 puisque les auteurs ne les ont pas saisis de la question. L’État partie poursuit en citant l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Bergauer et 89 autres c. République tchèque, dans lequel la Cour européenne a déclaré la requête irrecevable pour non-épuisement des recours internes au motif qu’elle ne pouvait pas préjuger l’issue d’une action qui n’avait pas été engagée devant les tribunaux tchèques. Se référant aux décrets présidentiels nos 5/1945, 12/1945, et 108/1945 et au décret constitutionnel no 33/1945, l’État partie affirme que les intéressés avaient des recours à leur disposition, y compris judiciaires.

4.7L’État partie fait valoir en outre que la communication constitue un abus du droit de présenter des communications car le Pacte ne protège pas le droit à la propriété, pas plus qu’il ne prévoit un droit à réparation pour des injustices passées. De plus, les délais prescrits par les lois de restitution ont expiré le 1er avril 1995 pour la loi no 87/1991, le 31 décembre 1996 pour la loi no 229/1991 et le 15 juillet 1996 pour la loi no 243/1992. Or, les auteurs n’ont saisi le Comité qu’en octobre 2007, soit plus de dix ans après l’expiration du dernier délai, sans donner d’explication raisonnable pour justifier un tel retard. L’État partie fait valoir en outre que la description faussée que les auteurs ont donnée des faits historiques de manière à les tourner à leur avantage constitue également un abus du droit de présenter une communication.

4.8L’État partie rappelle la jurisprudence du Comité dans des affaires d’indemnisation pour des biens saisis avant 1948 et fait valoir que toute distinction ou différenciation ne constitue pas une discrimination au sens des articles 2 et 26 du Pacte. L’État partie souligne qu’il y a une différence fondamentale entre le cas des personnes dont les biens ont été confisqués parce qu’elles étaient considérées comme des ennemis de guerre et les confiscations de biens qui ont eu lieu sous le régime communiste. Il insiste en outre sur le fait que la confiscation des biens ennemis était prévue par des accords internationaux, en particulier l’Accord de Potsdam, tandis que la confiscation des biens opérée sous le régime communiste était prévue par la loi interne. Dans ce contexte, l’État partie renvoie à l’Article 107 de la Charte des Nations Unies, d’où il découle qu’il est interdit d’abroger unilatéralement avec effet rétroactif les mesures décidées dans le cadre de l’Accord de Potsdam, y compris la saisie des biens ennemis. L’État partie fait valoir en outre que la communication dont le Comité est saisi est très différente d’autres affaires dans lesquelles le Comité a conclu que le critère de nationalité imposé pour la restitution de biens saisis sous le régime communiste constituait une violation de l’article 26, dans la mesure où le législateur a classé différentes situations, considérant que certaines étaient caractérisées par des injustices héritées du passé communiste qu’il fallait atténuer autant que possible.

Commentaires des auteurs sur les observations de l’État partie

5.1Dans une note du 4 novembre 2008, les auteurs ont répondu aux observations de l’État partie; ils font valoir que l’État partie a reconnu, dans la déclaration germano-tchèque du 21 janvier 1997 sur les relations entre les deux pays et leur développement futur, que de grandes souffrances et injustices avaient été infligées à des innocents du fait de leur expulsion au lendemain de la guerre, comme les Allemands des Sudètes qui avaient été forcés de quitter ce qui était à l’époque la Tchécoslovaquie, expropriés et déchus de leur citoyenneté et victimes de réinstallation forcée. Pourtant, l’État partie persiste à dire qu’il considère que la persécution collective de cette époque était légitime. Les auteurs réaffirment qu’ils ont été punis en étant privés de leur citoyenneté, en étant expulsés et soumis à des violences, y compris des assassinats, en raison de leur origine ethnique. Ils estiment que, en violation de l’article 26 du Pacte, ils ont été victimes d’une épuration ethnique et rendus collectivement responsables de tous les crimes commis par les autorités de l’Allemagne national-socialiste.

5.2Les auteurs expliquent que leur but en soumettant cette communication est d’inciter l’État partie à adopter une loi de restitution dont les Allemands des Sudètes et leurs ayants droit pourront se prévaloir devant les tribunaux nationaux pour demander la restitution de leurs biens. L’État partie n’a pris aucune mesure d’ordre judiciaire, politique ou social pour assurer une réparation aux Sudètes. Au contraire, le 24 avril 2008, le Parlement a voté une résolution qui confirme que les décrets présidentiels adoptés après la guerre (décrets Benes) sont «incontestables, sacrosaints et ne peuvent pas être changés». En l’absence d’une loi applicable à leur situation, les auteurs ne peuvent pas épuiser les recours internes. Ils affirment que le droit à réparation ne peut pas reposer sur l’article 26 du Pacte, mais doit être prévu par un texte de loi.

5.3En ce qui concerne l’argument de l’État partie qui fait valoir que la communication devrait être déclarée irrecevable ratione temporis, les auteurs objectent que l’épuration ethnique n’est pas un acte instantané mais un processus continu. Ils estiment en outre que le fait que l’État partie ne leur permet pas de récupérer leurs biens au titre de l’article 35 du projet d’articles sur la responsabilité de l’État et du jus cogens est un élément de la discrimination dont ils font l’objet. Se référant à l’affaire Gratzinger c. République tchèque (communication no 1463/2006), les auteurs font valoir qu’ils sont l’objet d’une discrimination étant donné qu’ils n’ont pas obtenu réparation bien qu’étant victimes de crimes contre l’humanité, alors que les victimes du régime communiste, qui avaient été condamnées par défaut, et dont les biens qu’ils avaient délibérément abandonnés avaient été saisis, ont obtenu réparation.

5.4Les auteurs apportent un complément d’information et des précisions concernant les faits historiques et affirment que l’expulsion des Allemands des Sudètes a commencé le 15 mai 1945, soit des mois avant la Conférence de Potsdam. Ils font valoir en outre que l’Accord de Potsdam ne peut pas être qualifié d’instrument international puisqu’il n’a jamais été publié dans le Recueil des Traités des Nations Unies.

Réponses complémentaires des parties

6.Dans une note du 21 mai 2009, l’État partie formule des observations complémentaires et réaffirme qu’il ne considère pas le transfert des Allemands des Sudètes après la guerre comme un crime contre l’humanité. Il estime en outre inapproprié de comparer la situation des Allemands des Sudètes avec celle des victimes du régime communiste étant donné que les biens des premiers étaient considérés par les Alliés comme des biens ennemis qui pouvaient par conséquent être utilisés à titre de réparation.

7.Dans des notes du 29 juin et du 24 novembre 2009, les auteurs réitèrent leurs précédentes observations et soulignent que les Allemands des Sudètes ont été punis collectivement pour toutes les atrocités commises par le IIIe Reich sur le territoire tchécoslovaque, et que ce fait n’a jamais été reconnu par l’État partie.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.2Le Comité note que certains aspects de la même affaire ont déjà été examinés par la Cour européenne des droits de l’homme, qui a déclaré la requête irrecevable en date du 13 décembre 2005. Le Comité constate que la présente affaire n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement et il conclut par conséquent que les dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif ne font pas obstacle à la recevabilité de la communication.

8.3Le Comité prend note de l’argument de l’État partie qui affirme que la communication devrait être déclarée irrecevable ratione temporis conformément à l’article premier du Protocole facultatif parce que les événements se sont produits longtemps avant l’entrée en vigueur du Pacte et du Protocole facultatif et que la confiscation est un acte instantané. Il relève toutefois que les auteurs affirment être victimes d’une violation continue. Concernant l’application ratione temporis du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et du Protocole facultatif pour l’État partie, le Comité rappelle que le Pacte est entré en vigueur le 23 décembre 1975 et le Protocole facultatif le 12 mars 1991. Il fait observer que le Pacte ne peut pas être appliqué rétroactivement. Le Comité constate que les biens des auteurs ont été confisqués en 1945, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il constate en outre qu’il s’agissait d’un acte instantané n’ayant pas d’effets continus. En conséquence, le Comité considère que, conformément à l’article premier du Protocole facultatif, il est empêché ratione temporis d’examiner les violations alléguées qui sont antérieures à l’entrée en vigueur du Pacte et du Protocole facultatif pour l’État partie.

9.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article premier du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et aux auteurs.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

J.Communication no 1768/2008, Pingault-Parkinson c. France(décision adoptée le 21 octobre 2010, 100e session)*

Présentée par:

Fabienne Pingault-Parkinson (représentée par un conseil, Me Alain Lestourneaud)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

France

Date de la communication:

5 juillet 2007 (date de la lettre initiale)

Objet:

Placement arbitraire en hôpital psychiatrique et déni de justice

Questions de procédure:

Épuisement des recours internes; fondement des griefs; examen par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement

Questions de fond:

Détention arbitraire; traitement inhumain; droit à un recours effectif

Articles du Pacte:

7, 9, 10 et 14

Articles du Protocole facultatif:

2 et 5 (par. 2 a) et b))

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 21 octobre 2010,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.1L’auteur de la communication est Mme Fabienne Pingault-Parkinson, de nationalité française, née le 15 juin 1964. Elle se considère victime d’une violation par l’État français des articles 7, 9, 10 et 14 du Pacte. Elle est représentée par un conseil, Me Alain Lestourneaud. Le Pacte et le Protocole facultatif s’y rapportant sont entrés en vigueur pour la France respectivement les 4 février 1981 et 17 mai 1984.

1.2Le 4 juin 2008, à la demande de l’État partie, le Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications, agissant au nom du Comité, a décidé que la question de la recevabilité devait être examinée séparément du fond.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur a épousé M. Étienne Parkinson en 1988. Dans le courant de l’année 1997, le couple Pingault-Parkinson, parents d’une fille adoptive, a traversé une crise conjugale. Le 1er décembre 1997, le mari de l’auteur n’est pas rentré au domicile conjugal, et celle-ci est demeurée sans nouvelles de sa part pendant une semaine. Très inquiète, elle s’est rendue à la gendarmerie puis a contacté le bureau de son mari en Suisse où on lui a indiqué qu’il venait travailler tous les jours, sans plus d’explications. Le mari de l’auteur s’est présenté au domicile conjugal le 6 décembre 1997. Vers 14 heures, l’auteur a constaté l’absence de sa fille adoptive de la maison. Elle a compris qu’elle avait été éloignée du domicile par le mari sans son accord. À 18 heures, le docteur Woestelandt, médecin homéopathe, s’est présenté au domicile conjugal à la demande du mari qui est également son patient, pour discuter avec l’auteur. Il lui a déclaré «soit vous allez voir le psychiatre que je vous indique, soit je vous interne». L’auteur, infirmière depuis 1988, n’a pas pensé qu’il avait l’autorité pour le faire, n’ayant de plus jamais été informée par son propre médecin traitant qu’elle avait besoin d’un quelconque suivi psychiatrique. De plus, dans le cadre de la procédure d’adoption, quelques années auparavant, plusieurs examens médico-psychologiques avaient été effectués avec succès en vue de la déclarer apte à l’adoption de l’enfant. Vers 20 heures, elle a reçu un appel des pompiers lui demandant son adresse. À 20 h 30, les pompiers et le médecin des urgences de l’hôpital de Thonon-les-Bains sont arrivés et ont conduit l’auteur à l’hôpital, contre son gré.

2.2À son arrivée au service des urgences, une infirmière lui a demandé des renseignements administratifs. Le docteur Schmidt, médecin assistant au Centre hospitalier de Thonon-les-Bains, est venu lui poser quelques questions auxquelles l’auteur a répondu calmement. Le père de l’auteur, avec lequel les relations sont distantes, et son mari sont arrivés à l’hôpital et le docteur Schmidt les a interrogés devant elle, sans qu’elle puisse intervenir pour rectifier ce qu’elle estimait être inexact. Elle a demandé à quitter le bureau. Vingt à trente minutes plus tard, le médecin l’a rappelée et lui a fait part de sa décision de l’interner. À aucun moment elle n’a fait l’objet d’un véritable examen médical, médico-psychologique ou même psychométrique visant à mettre en évidence un trouble de nature à justifier la mesure d’internement forcé. À aucun moment l’auteur n’a constitué un danger quelconque pour elle-même ou pour autrui. Le docteur Schmidt, en présence de l’auteur, a demandé au mari s’il voulait signer la demande d’hospitalisation à la demande d’un tiers, ce qu’il a refusé, demandant au père de l’auteur de signer à sa place, ce que ce dernier a fait.

2.3Durant l’hospitalisation de onze jours (du 6 au 17 décembre 1997) dans le service du docteur Girard, l’auteur aurait été privée de tous ses vêtements et effets personnels, revêtue d’une blouse blanche, enfermée dans une chambre, sans possibilité d’en sortir ni de contacter quiconque. Des neuroleptiques lui auraient été administrés autoritairement par l’infirmier de nuit, sous la menace de piqûres si elle ne les absorbait pas volontairement. Durant toute son hospitalisation, l’auteur n’aurait reçu aucune information sur ses droits de contester la mesure d’internement forcée prise à son encontre.

2.4À la sortie de l’hôpital le 17 décembre 1997, le docteur Girard aurait déclaré au frère de l’auteur qu’ «elle n’a aucune indication pour rester dans mon service» et qu’il avait subi une pression importante de la part du mari et du père pour qu’il maintienne la mesure d’internement prise. Durant les mois qui ont suivi, le mari a contacté le docteur Girard pour obtenir des renseignements lui permettant d’obtenir la garde de l’enfant.

2.5L’auteur a décidé de demander réparation du préjudice subi en raison de son internement abusif puisque selon elle la procédure d’internement était entachée d’irrégularité. Tout d’abord, le docteur Woestelandt n’avait aucune compétence médicale pour solliciter l’internement. De plus, le docteur Schmidt ne l’aurait pas examinée avant d’établir un certificat médical le 6 décembre 1997 avant son internement. Enfin, le docteur Girard qui aurait été tenu de rédiger un nouveau certificat médical vingt-quatre heures après son admission, ne l’aurait rédigé que quarante-huit heures après. L’auteur précise qu’elle a réclamé en vain de voir un docteur le dimanche 7 décembre 1997. Or, ce n’est que le 8 décembre qu’elle a vu le médecin et que le certificat a été établi. L’auteur précise aussi que les constatations médicales du «certificat de 24 heures» et du certificat de sortie manquent de cohérence dans la mesure où ils ne visent pas les mêmes pathologies psychiatriques. Ainsi, dans le certificat de sortie, la pathologie indiquée ne serait pas de nature à rendre nécessaires l’internement et l’administration de neuroleptiques. Lorsque l’auteur a demandé à accéder à son dossier médical et administratif en vue d’obtenir réparation, elle n’a obtenu qu’un dossier incomplet. S’agissant de l’implication des autorités judiciaires et administratives telles que le Préfet et le Procureur de la République, l’auteur a été informée par ces autorités qu’elles ne possédaient aucune information ou notification liée à son internement.

2.6Le 15 juin 2001, l’auteur a écrit au Directeur du Centre hospitalier et sollicité réparation de son préjudice, en vain. Le 13 décembre 2001, elle a déposé plainte au tribunal administratif de Grenoble. Entre autres, elle a indiqué au tribunal qu’elle n’avait pas été informée de ses droits lors de son admission, notamment de la possibilité de se pourvoir par simple requête conformément à l’article L.351 du Code de la santé publique devant le président du tribunal de grande instance qui, statuant en la forme des référés après débat contradictoire, aurait pu ordonner sa sortie immédiate. L’auteur a produit divers documents établissant que ses demandes d’accéder à son dossier médical et administratif ont été confrontées à un refus des administrations concernées au motif que les documents de notification n’étaient gardés que pendant un an suivant l’internement. Pour l’auteur, cette impossibilité d’obtenir de tels documents s’explique par le défaut d’accomplissement par l’hôpital des notifications administratives prévues par la loi auprès du représentant de l’État et de la Commission départementale des hospitalisations psychiatriques, conformément à l’article L.334 du Code de la santé publique. L’auteur demandait enfin aux juridictions de déclarer abusif et irrégulier son internement, en violation de l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme.

2.7Le 19 janvier 2005, le tribunal administratif de Grenoble s’est déclaré incompétent, au motif que «s’il appartient, d’une part, à l’autorité judiciaire d’apprécier la nécessité d’une mesure ordonnant le placement d’office d’une personne en milieu psychiatrique et, d’autre part, à la juridiction administrative d’apprécier la régularité de cette mesure, seule l’autorité judiciaire est compétente pour statuer sur les conséquences dommageables de l’ensemble des irrégularités entachant la mesure de placement dont il s’agit». Le 2 février 2006, la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté la demande de l’auteur et confirmé le jugement du tribunal administratif. Par arrêt rendu le 1er décembre 2006, le Conseil d’État a rejeté le pourvoi au motif qu’aucun des moyens de droit soulevés par l’auteur n’était de nature à permettre l’admission de sa requête. Le conseil de l’auteur estime donc avoir épuisé les recours internes.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur estime que l’État partie a violé les articles 7, 9, 10 et 14 du Pacte. Elle estime que son internement dans l’établissement psychiatrique est assimilable à une détention, au sens de l’article 9, paragraphe 1; qu’elle est intervenue arbitrairement, sans motif médical valable et selon une procédure non conforme à la loi; et qu’elle a continué arbitrairement dès lors que la procédure de maintien dans l’établissement était irrégulière (certificat des 24 heures).

3.2S’agissant de la contestation de la détention durant la période de l’internement, l’auteur aurait été privée de son droit d’introduire le recours visé par l’article L.351 du Code de la santé publique, qui lui aurait permis de saisir immédiatement le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, en vue de demander sa sortie immédiate. Cela constituerait une violation de l’article 9, paragraphe 4, et de l’article 14, paragraphe 1. Le défaut d’information dont elle a été victime aurait rendu le recours ineffectif. À l’appui de son argumentation, l’auteur cite la jurisprudence du Comité dans l’affaire Bozena Fijalkowska c. Pologne. En l’espèce, le Comité avait écarté l’exception de l’épuisement des voies de recours internes et retenu que l’auteur n’avait pas été en mesure de contester sa détention en temps utile, dans la mesure où elle avait dû attendre sa libération pour avoir connaissance de l’existence d’un tel recours et l’exercer effectivement. L’auteur estime également que ses droits ont été atteints dans la mesure où les juridictions administratives n’auraient pas dû se déclarer incompétentes en plein contentieux, puisque ont été contestés à la fois la décision d’admission dans le service du docteur Girard et le déroulement de la mesure d’internement.

3.3S’agissant de la réparation du préjudice consécutif à un internement abusif devant les juridictions administratives, garantie par l’article 9, paragraphe 5, il appartient, selon l’auteur, au juge administratif de connaître de l’ensemble de sa demande et donc de statuer sur les irrégularités de procédure et leurs conséquences. La multiplication des obstacles procéduraux constitue une atteinte à son droit de demander réparation de son préjudice au titre du paragraphe 5 de l’article 9, et accessoirement à une violation de l’article 14, paragraphe 1, du Pacte.

3.4L’auteur estime également que ses garanties ont été atteintes par la façon dont elle a été traitée lors de son internement (enfermée, déshabillée, attribution de neuroleptiques, impossibilité de communiquer avec ses proches). Un tel traitement ne peut se justifier pour quelqu’un qui ne constituait pas un réel et grave danger pour elle-même ou pour autrui. L’auteur considère que ce traitement n’est conforme ni à l’article 7 ni à l’article 10 du Pacte.

3.5L’auteur estime que le Conseil d’État n’a pas respecté son droit à un procès équitable puisqu’il a arbitrairement omis d’examiner certains des moyens tirés du Code de la santé publique, ainsi que de la Convention européenne des droits de l’homme (art. 3 et 5) et du Pacte (art. 7), longuement développés dans le mémoire de l’auteur. À l’appui des violations alléguées, l’auteur se réfère à la communication no 1061/2002.

Observations de l’État partie

4.1En date du 15 mai 2008, l’État partie conteste la recevabilité de la communication présentée par l’auteur, au motif que les voies de recours internes n’ont pas été épuisées pour le grief tiré de la violation des articles 9 et 14 du Pacte. De plus, les allégations au titre des articles 7 et 10 d’une part, et 14 d’autre part, n’ont pas été suffisamment étayées.

4.2Sur le non-épuisement des voies de recours internes, l’État partie considère qu’il ressort des pièces du dossier que l’auteur n’a pas saisi les juridictions appropriées de l’ordre interne pour se plaindre de ses griefs, alors même qu’elle était assistée depuis le début de la procédure par un avocat, Me Lestourneaud, qui la représente encore devant le Comité.

4.3S’agissant des hospitalisations d’office ou à la demande d’un tiers, la répartition des compétences entre le juge administratif et le juge judiciaire était établie au moment de l’hospitalisation de l’auteur et est demeurée constante par la suite. L’État partie cite l’arrêt du tribunal des conflits du 6 avril 1946, Sieur Machinot contre Préfet de police ainsi que l’arrêt plus récent du tribunal des conflits du 17 février 1997, aux termes duquel «s’il appartient à la juridiction administrative d’apprécier la légalité de la décision administrative ordonnant l’hospitalisation d’office […], l’autorité judiciaire est seule compétente tant pour apprécier la nécessité d’une hospitalisation d’office en hôpital psychiatrique que […] pour statuer sur l’ensemble des conséquences dommageables de cette décision, y compris celles qui découlent de son irrégularité». Dès lors, le juge administratif est compétent pour connaître de la légalité dite externe de la procédure d’hospitalisation, c’est-à-dire qu’il vérifie que la procédure a bien été suivie conformément à la loi en vigueur. S’il relève une irrégularité, le juge peut annuler la décision d’hospitalisation. Le juge judiciaire quant à lui, se prononce sur le bien-fondé de la mesure d’hospitalisation, et sur l’indemnisation des dommages qui peuvent résulter de son caractère abusif ou de son irrégularité.

4.4S’agissant du non-épuisement des voies de recours eu égard à la contestation de la légalité de l’hospitalisation, l’État partie fait valoir que l’auteur n’a pas saisi le juge administratif sur la légalité de l’hospitalisation, ce qui ne peut se faire que par le recours en excès de pouvoir demandant l’annulation de la décision du directeur de l’hôpital d’hospitaliser l’auteur à la demande d’un tiers, recours qui doit se faire dans les deux mois qui suivent la décision. En l’espèce, ce n’est que le 17 décembre 2001, soit plus de quatre ans plus tard, que la requérante a saisi le juge administratif. Elle l’a, en outre, saisi «en plein contentieux», lui demandant une indemnisation du préjudice dont elle s’estime victime. C’est donc, selon l’État partie, à bon droit que le juge administratif s’est déclaré incompétent. L’auteur a décidé de poursuivre avec l’appel et le recours en cassation alors même que le juge de première instance avait été très clair sur les raisons de son incompétence.

4.5Eu égard à la contestation de la nécessité de l’hospitalisation et à la réparation des dommages en résultant, l’État partie soutient que l’auteur n’a jamais saisi le juge judiciaire, ni au moment de son hospitalisation pour contester son bien-fondé, ni par la suite pour obtenir réparation de son préjudice. Il souligne que si la dualité de juridictions peut paraître subtile au justiciable, le conseil de l’auteur ne saurait se retrancher derrière sa méconnaissance du droit pour justifier le non-épuisement des voies de recours internes. Dès lors l’État partie conclut à l’irrecevabilité du grief tiré de la violation des articles 9 et 14 du Pacte.

4.6Au sujet des allégations de mauvais traitements au sens des articles 7 et 10 du Pacte, l’État partie considère que l’auteur ne les a pas suffisamment étayées aux fins de la recevabilité. En effet, elle se limite à considérer que son hospitalisation a constitué un traitement inhumain et dégradant. Or, d’après la jurisprudence du Comité dans l’affaire Fijalkowska, le Comité avait considéré que l’auteur «n’avait présenté aucun argument ni aucune information pour démontrer en quoi ses droits […] avaient été violés» et rappelé qu’une «simple allégation de violation du Pacte ne suffisait pas à étayer une plainte au titre du Protocole facultatif. En conséquence, le Comité a considéré que l’une comme l’autre de ces plaintes étaient irrecevables, conformément à l’article 2 du Protocole facultatif.». Pour l’État partie, les arguments de l’auteur dans la présente communication n’étant pas plus étayés, le Gouvernement ne voit pas de raison pour le Comité de se départir de la position précitée, et conclut à l’irrecevabilité du grief tiré de la violation des articles 7 et 10 du Pacte.

4.7Sur le caractère insuffisamment étayé des allégations de procès inéquitable devant le Conseil d’État, l’État partie souligne que la décision du Conseil d’État est une décision de non-admission du pourvoi et non pas un jugement sur ses mérites. La procédure d’admission des pourvois en cassation est régie par l’article L.822-1 du Code de justice administrative rédigé comme suit: «Le pourvoi en cassation devant le Conseil d’État fait l’objet d’une procédure préalable d’admission. L’admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n’est fondé sur aucun moyen sérieux.». Cette procédure, souligne l’État partie, vise notamment à réduire les durées de procédure et a été reconnue comme conforme à l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et du citoyen par la Cour européenne des droits de l’homme. L’État partie conclut à l’irrecevabilité de la communication s’agissant des allégations au regard de l’article 14 du Pacte.

4.8Enfin, l’État partie relève que l’auteur n’affirme pas dans sa communication qu’elle n’a pas engagé de recours devant une autre instance internationale. Dès lors, l’État partie se réserve la possibilité de soulever ultérieurement l’irrecevabilité au titre de l’article 5, paragraphe 2 a), du Protocole facultatif.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1En date du 30 juillet 2008, l’auteur argumente que, contrairement à ce qu’avance l’État partie, la communication initiale indique expressément que l’affaire soumise au Comité ne fait l’objet d’aucune procédure internationale d’enquête ou de règlement.

5.2Sur l’exception d’irrecevabilité des griefs tirés de l’article 9, paragraphes 1, 4 et 5 et de l’article 14 du Pacte, l’auteur conteste l’interprétation faite par l’État partie de la jurisprudence du Comité dans l’affaire Fijalkowska. À cette occasion, le Comité avait rejeté l’exception d’irrecevabilité pour non-épuisement des voies de recours internes au motif que l’impossibilité pour l’auteur de contester la légalité de sa détention avait soulevé des questions au titre des articles 9 et 14 du Pacte. En effet, tout comme dans son cas, l’auteur n’avait pas été en mesure de contester sa détention en temps utile, dans la mesure où elle avait dû attendre sa libération pour avoir connaissance de l’existence d’un tel recours et l’exercer effectivement. Au fond, le Comité avait aussi souligné que le droit de contester sa détention était devenu ineffectif, et avait conclu à une violation du paragraphe 4 de l’article 9 du Pacte.

5.3Dès lors, l’auteur considère que le Comité est à même, comme dans la jurisprudence précitée, d’examiner la communication sous l’angle des articles 9 et 14. Néanmoins, si celui-ci décide de ne pas appliquer cette jurisprudence au cas de l’espèce, il conviendrait pour le moins de déclarer la communication recevable au titre du paragraphe 4 de l’article 9 du Pacte.

5.4Sur les griefs tirés des articles 7 et 10, contrairement à ce qu’indique l’État partie, l’auteur a, selon le conseil, précisé dans sa communication initiale en quoi ses droits avaient été atteints.

5.5Enfin, s’agissant des allégations au regard de l’article 14, paragraphe 1, du Pacte, l’auteur considère que le Conseil d’État, appelé à statuer en dernier ressort, a omis d’examiner les moyens invoqués par l’auteur tels que ceux tirés du Code de la santé publique, ceux tirés des articles 3 et 5 de la Convention européenne ainsi que celui tiré de l’article 7 du Pacte, alors que ces moyens avaient été longuement développés par l’auteur dans son mémoire à l’appui du pourvoi. En effet, le Conseil d’État ne s’est positionné que sur les moyens tirés des articles 6 et 13 de la Convention européenne et 14 du Pacte, en considérant qu’ils n’étaient pas des moyens sérieux. Il n’a en revanche pas statué sur l’article 7 du Pacte.

Décision du Comité concernant la recevabilité

6.1Le 6 octobre 2009, à sa quatre-vingt-dix-septième session, le Comité a examiné la recevabilité de la communication.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité a noté l’argument de l’État partie, selon lequel les voies de recours internes n’avaient pas été épuisées s’agissant des griefs tirés des articles 9 et 14 du Pacte. Sur la question de la contestation immédiate de la détention, le Comité a pris note de l’argument de l’État partie qui soutenait que l’auteur n’avait pas saisi le juge judiciaire au moment de son hospitalisation alors qu’elle aurait pu le faire en vertu du Code de la santé publique. Il a noté que l’auteur avait expliqué qu’il lui avait été impossible de contester la légalité de sa détention en temps utile, puisqu’elle n’avait pas été informée des recours possibles lors de son internement et avait dû attendre sa libération pour avoir connaissance de l’existence d’un tel recours et l’exercer effectivement. À la lumière des informations mises à sa disposition, le Comité a conclu que cette partie de la communication était recevable en ce qu’elle pouvait soulever des questions au regard de l’article 9, paragraphes 1 et 4, et de l’article 14 du Pacte. Le Comité a également été d’avis que l’État partie n’avait pas suffisamment expliqué la raison pour laquelle le juge administratif n’avait pas pu se prononcer sur la régularité de l’internement de l’auteur et a conclu également à ce sujet à la recevabilité des griefs tirés de l’article 9, paragraphes 1 et 4, du Pacte.

6.4Le Comité a noté que selon l’auteur, la façon dont elle aurait été traitée pendant son internement arbitraire, notamment le fait qu’elle ait été enfermée, déshabillée, forcée de prendre des neuroleptiques et interdite de communiquer avec l’extérieur, constituerait une violation des articles 7 et 10 du Pacte. Le Comité a considéré que les allégations relatives aux articles 7 et 10 du Pacte avaient été suffisamment étayées.

6.5 L’auteur a considéré enfin que le Conseil d’État n’avait pas respecté son droit à un procès équitable puisqu’il avait rejeté le moyen tiré de la violation de l’article 7 alors qu’il était pour la première fois présenté devant cette juridiction. Le Comité a pris note de l’argument de l’État partie, selon lequel la décision du Conseil d’État était une décision de non-admission et non un jugement sur ses mérites, et qu’elle visait à réduire les durées de procédure. Le Comité a considéré que les allégations présentées par l’auteur relativement à l’article 14 avaient été suffisamment étayées. Au vu de ce qui précède, le Comité a considéré que la communication était recevable.

Révision de la décision de recevabilité

7.Le paragraphe 4 de l’article 99 du Règlement intérieur du Comité dispose que lors de l’examen d’une communication quant au fond, le Comité peut revoir la décision de la déclarer recevable, à la lumière des explications ou déclarations présentées par l’État partie en vertu de cet article. Conformément à cette disposition, le Comité considère que, au vu des renseignements et éclaircissements apportés par l’État partie dans ses observations en date du 11 mai 2010, il est nécessaire de réexaminer la recevabilité de la présente communication. Le fondement de cette décision est présenté aux paragraphes 10.1 à 10.4.

Observations de l’État partie concernant le fond de la communication

8.1Le 11 mai 2010, l’État partie a soumis ses observations au Comité. Bien que les observations soient intitulées «Observations sur le bien-fondé de la communication», la plupart des éléments fournis portent davantage sur la recevabilité. Par souci de clarté et étant donné que le Comité a décidé, en application du paragraphe 4 de l’article 99 du Règlement intérieur, de réexaminer la recevabilité de la communication, les parties des observations qui portent uniquement sur le fond de la communication ont été omises. Il s’agit de l’argumentation de l’État partie relative aux articles 7 et 10 du Pacte.

8.2 À titre liminaire, l’État partie souligne que les dispositions législatives relatives aux droits des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation définissent deux types d’hospitalisation sans consentement, à savoir l’hospitalisation d’office et l’hospitalisation à la demande d’un tiers. Le premier cas de figure est régi par l’article L.3213-1 et suivants du Code de la santé publique et concerne les personnes dont l’état de santé mental compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte, de façon grave, à l’ordre public. La décision est alors prise par le préfet au vu d’un certificat médical. L’hospitalisation à la demande d’un tiers, prévue par l’article L.3212-1 et suivants du Code de la santé publique, est une mesure d’internement prise dans l’intérêt du malade lui-même, pour des raisons strictement médicales. L’auteur n’a pas fait l’objet d’un internement d’office mais d’une hospitalisation à la demande d’un tiers. L’État partie conteste l’argument selon lequel l’auteur n’aurait pas été informée des recours possibles au moment de son hospitalisation. Il mentionne à ce propos une lettre datée du 19 octobre 2001 qui est adressée par le responsable de l’établissement hospitalier en cause et qui confirme que l’auteur a bénéficié pendant son hospitalisation d’une information sur sa situation et ses droits, ceci devant témoin.

8.3Sur la légalité de l’hospitalisation, l’État partie rappelle que les dispositions prévues pour que puisse intervenir une hospitalisation à la demande d’un tiers sont précisées aux articles L.3212-1 et L.3212-2 du Code de la santé publique. Les conditions imposées par la loi ont été respectées, puisque la demande d’admission manuscrite a été établie par le père de l’auteur le 6 décembre 1997 et cette demande comporte les mentions obligatoires; un premier certificat médical concluant que les troubles mentaux de l’intéressée rendaient impossible son consentement aux soins et que son état imposait une prise en charge hospitalière avec une surveillance constante a bien été établi le 6 décembre 1997 par un médecin n’exerçant pas dans l’établissement d’accueil du patient; un second certificat a été établi le même jour par un médecin de l’établissement d’accueil; et conformément à l’article L.3212-4 du Code de la santé publique, un certificat a été établi à la suite de l’hospitalisation par un médecin psychiatre exerçant dans l’établissement d’accueil et différent des deux médecins intervenus précédemment; ce certificat confirmait la nécessité de l’hospitalisation. Le 17 décembre 1997, le médecin psychiatrique qui avait établi le certificat des vingt-quatre premières heures d’hospitalisation a conclu à la levée de l’hospitalisation conformément à l’article L.3212-7 du Code de la santé publique, considérant que l’amélioration apportée par le traitement administré à l’auteur permettait le retour à son domicile. La procédure a donc bien été respectée.

8.4L’État partie ajoute qu’il ressort des éléments du dossier, notamment des courriers adressés par le médecin responsable de l’hôpital de la requérante, que celle-ci a bien été informée de ses droits, en présence de ses parents, lors de son hospitalisation. L’absence d’un document attestant cette information, faite en la forme orale, demeure sans incidence sur la validité et la légalité de l’information. La loi ne prescrit en effet aucune forme particulière pour celle-ci. L’État partie insiste sur le fait que c’est en raison de ses propres manquements que l’auteur n’a pas pu saisir le tribunal de grande instance (TGI) d’une demande de sortie immédiate. Si telle avait été son intention l’auteur, qui semblait être en relation avec des tiers, aurait pu demander à ces derniers de saisir le tribunal d’une telle demande en son nom. Or le TGI ne semble avoir été saisi ni pendant l’hospitalisation ni à la sortie de l’auteur d’une demande d’indemnisation.

8.5L’État partie précise en outre que la réparation du préjudice subi à la suite d’une hospitalisation sans consentement ne dépend pas exclusivement de la décision du juge administratif constatant l’irrégularité de l’acte d’hospitalisation. Dans son arrêt du 17 février 1997, le Tribunal des conflits a précisé la nouvelle répartition des compétences entre les deux ordres de juridictions en considérant que si l’autorité judiciaire est seule compétente, en vertu des articles L.333 et suivants du Code de la santé publique, pour apprécier la nécessité d’une mesure de placement d’office en hôpital psychiatrique et les conséquences qui peuvent en résulter, il appartient à la juridiction administrative d’apprécier la régularité de la décision administrative qui ordonne le placement; que lorsque cette dernière s’est prononcée sur ce point, l’autorité judiciaire est compétente pour statuer sur les conséquences dommageables de l’ensemble des irrégularités entachant la mesure de placement d’office. L’État partie insiste sur le fait que cette jurisprudence a été confirmée par des arrêts ultérieurs. Le juge judiciaire est donc compétent pour l’ensemble du contentieux de la réparation, que les dommages à indemniser résultent d’illégalité de forme ou de fond. Le juge judiciaire est donc également compétent pour ce qui concerne l’indemnisation de préjudice résultant d’une irrégularité formelle préalablement constatée par le juge administratif. Si le préjudice est lié au caractère inutile de la mesure d’hospitalisation d’office, le juge judiciaire peut être saisi directement. Ce dernier arrêt a donc dissocié le contentieux de la légalité et le contentieux de la responsabilité: une fois la décision de placement appréciée, seul le juge judiciaire est compétent pour en tirer les conséquences au plan de la responsabilité. L’État partie soutient donc que l’auteur aurait pu obtenir réparation de son préjudice, en saisissant le juge judiciaire, si toutefois la responsabilité des autorités médicales était établie.

8.6De plus, l’État partie explique que l’auteur, assistée d’un conseil, aurait dû introduire un recours pour excès de pouvoir deux mois après avoir reçu le courrier de l’hôpital de Thonon en date du 17 décembre 2001. Ce recours aurait permis au juge administratif, le cas échéant, de prononcer la nullité de la décision d’internement avec un effet rétroactif. L’auteur a bien saisi le tribunal administratif dans les délais impartis mais d’un recours de plein contentieux visant à obtenir une indemnisation sans jamais demander l’annulation pour irrégularité de la mesure en cause. Ce n’est donc pas l’absence d’une décision qui a empêché l’auteur de faire constater l’irrégularité de la mesure d’hospitalisation mais bien une erreur de procédure qui relève de sa seule responsabilité, à tout le moins de celle de son avocat. Le juge administratif est compétent pour connaître de la légalité dite externe de la procédure d’hospitalisation, c’est-à-dire qu’il vérifie que la procédure a bien été suivie conformément à la loi en vigueur. S’il relève une irrégularité, le juge peut alors annuler la décision d’hospitalisation. Le juge judiciaire quant à lui se prononce sur le bien-fondé de la mesure d’hospitalisation et sur l’indemnisation des dommages qui peuvent résulter de son caractère abusif ou de son irrégularité. Le juge ne pouvait donc, sans méconnaître ses compétences, se prononcer sur une telle indemnisation. C’est donc à bon droit qu’il a rejeté la demande de l’auteur. L’État partie précise que celle-ci n’a aucunement cherché, en tout cas dans un premier temps, à contester la légalité de la décision d’hospitalisation puisque autrement elle aurait introduit un recours pour excès de pouvoir, mais a bien chercher à obtenir réparation. Il ne peut donc être soutenu que l’auteur n’a pas eu accès à un tribunal.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

9.1Par souci de clarté et étant donné que le Comité a décidé, en application du paragraphe 4 de l’article 99 du Règlement intérieur, de réexaminer la recevabilité de la communication, les parties des commentaires de l’auteur qui portent uniquement sur le fond de la communication ont été omises. Il s’agit principalement des commentaires relatifs aux articles 7 et 10 du Pacte.

9.2Dans ses commentaires datés du 22 juin 2010, l’auteur rappelle les circonstances l’ayant conduite à être internée sous la contrainte à la demande d’un tiers du 6 au 17 décembre 1997. Elle insiste sur le fait que le médecin homéopathe de son mari n’avait pas compétence pour l’interner, qu’à aucun moment elle n’a présenté un comportement agressif ou instable et que lors de l’hospitalisation, elle n’a pas été informée de ses droits. Elle rappelle également le traitement subi pendant son internement à savoir l’administration de neuroleptiques par la contrainte et par conséquent son isolement psychologique pendant toute la durée de l’hospitalisation. Elle rappelle à ce titre que la fiche d’observations progressives communiquée à la demande de l’auteur par les Hôpitaux du Léman dans la procédure interne devant les juges administratifs fait apparaître qu’une injection lui a été administrée dès son arrivée le 6 décembre 1997, qu’elle somnolait dans la journée du 7 décembre et que sa demande de téléphoner à des amis lui a été refusée. L’auteur rappelle que le docteur Girard a déclaré avoir subi une pression importante du mari de celle-ci pour que la mesure d’internement soit maintenue au-delà du 17 décembre 1997.

9.3Les démarches entreprises par le mari de l’auteur auprès du juge aux affaires familiales de Thonon-les-Bains lui ont d’ailleurs permis d’obtenir dans un premier temps que la résidence de l’enfant Estelle soit fixée chez lui. Cette décision rendue par ordonnance le 3 juillet 1998 a en revanche été sanctionnée par la cour d’appel de Chambéry par arrêt du 15 octobre 2001. La cour d’appel a en effet considéré qu’il résultait des pièces communiquées par l’auteur et notamment des certificats médicaux de quatre docteurs différents et de la contre-expertise d’un cinquième d’une part que l’auteur ne souffre d’aucune altération de ses facultés mentales ni de troubles psychologiques et d’autre part qu’est crédible la thèse qu’elle présente selon laquelle la crise qui a amené son hospitalisation était la conséquence de la rupture conjugale et ne nécessitait pas une mesure aussi grave qu’une hospitalisation en milieu psychiatrique. Dans le meilleur intérêt de l’enfant, la cour d’appel a donc confié la garde de sa fille adoptive à l’auteur.

9.4En ce qui concerne son placement dans un hôpital psychiatrique, l’auteur souligne que la procédure a été déclenchée par un médecin non spécialiste en psychiatrie, que le certificat médical du Docteur Schmidt a été établi sans un examen médical approfondi et que la procédure a ensuite été entachée d’irrégularité puisque le certificat des vingt-quatre heures n’a pas été établi dans le délai légal. L’article L.335 devenu L.3212-5 du Code de la santé publique dispose que dans les trois jours de l’hospitalisation, le préfet notifie les nom, prénoms, profession et domicile, tant de la personne hospitalisée que de celle qui a demandé l’hospitalisation: a) au Procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel se trouve le domicile de la personne hospitalisée; b) au Procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel est situé l’établissement. Dans les deux cas, il s’agit du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains. Or par lettre de son conseil du 23 septembre 2002 adressée au Procureur de la République de Thonon-les-Bains, il était demandé délivrance d’une copie de la notification imposée par l’article L.335 cité ci-dessus. Le Procureur a répondu le 22 octobre 2002 qu’il ne possédait pas de dossier et que l’information concernant le placement était faite sous forme d’avis, sans autre précision. Par nouvelle lettre du 23 janvier 2003, le conseil de l’auteur a sollicité des avis d’entrée et de sortie relatifs à l’hospitalisation de l’auteur mais le Procureur a répondu le 29 janvier 2003 que seuls les avis d’hospitalisation parvenus dans l’année étaient conservés au parquet. D’autres autorités administratives telles que la Commission départementale des hospitalisations psychiatriques ont répondu qu’elles n’avaient pas de tels documents en leur possession puisque l’hospitalisation s’était produite à la demande d’un tiers. L’auteur estime ainsi qu’elle a été arbitrairement privée de liberté et que les contrôles mis en place par la loi se sont révélés inefficaces.

9.5De plus l’auteur s’oppose à l’argument de l’État partie selon lequel elle aurait été informée de ses droits comme l’ont attesté les Hôpitaux du Léman et que l’absence d’un document pour attester cette information, faite en la forme orale, est sans incidence sur la validité et la légalité de l’information. En effet, en matière de privation de liberté, la notification des droits de la personne revêt une importance toute particulière comme l’a rappelé le Groupe national d’évaluation de la loi du 27 juin 1990, qui a produit son rapport en septembre 1997. La nécessité de mettre en place un régime strict de protection a également été recommandée par l’Assemblé parlementaire du Conseil de l’Europe dans sa recommandation 1235 (1994) relative à la psychiatrie et aux droits de l’homme. L’auteur estime que les Hôpitaux du Léman n’ont pas fait preuve de rigueur et qu’ils auraient dû l’informer des recours disponibles au moment de son admission et avant de lui administrer des neuroleptiques contre son gré. L’auteur souligne qu’en tout état de cause, une information donnée sous la forme orale a une personne hospitalisée sans son consentement est inefficace du fait de sa grande vulnérabilité et insuffisante au regard des impératifs et des objectifs du Pacte. S’agissant de la lettre du 19 octobre 2001 du Directeur adjoint des Hôpitaux du Léman, M. Giray, qui affirme à l’auteur qu’elle avait été informée de ses droits, l’auteur considère ce document comme non probant puisqu’il ne précise pas sous quelle forme cette information lui aurait été communiquée ni qui aurait donné cette information prescrite par la loi.

9.6L’auteur précise que lors de la procédure devant le tribunal administratif de Grenoble, le centre hospitalier a fourni une lettre du Docteur Girard datée du 4 octobre 2001, soit quatre années après l’hospitalisation, selon laquelle l’auteur aurait été informée de ses droits au moment de son admission alors que celle-ci a vu pour la première fois le Docteur Girard le 8 décembre 1997 soit plus de vingt-quatre heures après le début de son hospitalisation. Il n’existe donc aucun document objectif attestant du fait que l’auteur a été informée de ses droits. Même la fiche d’observations progressives communiquée dans le cadre de la procédure par les Hôpitaux du Léman ne mentionne aucune communication de ces droits. L’auteur rappelle enfin la jurisprudence du Comité dans l’affaire Bozena Fijalkowska c. Pologne où le Comité a conclu à la détention arbitraire et au manque de recours effectif et qui, selon l’auteur, est parfaitement transposable aux faits de l’espèce.

9.7L’auteur réitère ses précédents arguments selon lesquels le juge administratif n’aurait pas dû se déclarer incompétent au profit des juridictions judiciaires dans la mesure où ont été contestés aussi bien la décision d’admission que le déroulement de la mesure d’internement au sein de l’établissement administratif psychiatrique. La multiplication des obstacles procéduraux constitue une atteinte à son droit de demander réparation de son préjudice et accessoirement une atteinte à son droit d’accéder à un juge garanti par l’article 14, paragraphe 1, du Pacte. Dans l’hypothèse où le Comité estimerait justifiée l’organisation interne prévoyant la compétence des autorités judiciaires en matière de réparation, l’auteur demande que celui-ci se prononce néanmoins sur les violations alléguées du Pacte. Elle rappelle à ce titre la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Francisco c. France dans laquelle la Cour a évoqué la question de la dualité de compétence entre les juridictions administratives et judiciaires, considérant que le droit à réparation garanti par l’article 5, paragraphe 5, de la Convention européenne des droits de l’homme ne peut naître que lorsqu’une violation de l’article 5, paragraphe 1, a été préalablement initiée soit par la Cour elle-même, soit par les juridictions nationales.

9.8L’auteur considère que l’article 14, paragraphe 1, a non seulement été violé puisqu’il ne lui a pas été permis d’avoir un accès effectif à un tribunal du fait de la multiplication des obstacles procéduraux mais aussi parce que le Conseil d’État a arbitrairement omis d’examiner l’ensemble des moyens soulevés par la requérante et en particulier ceux tirés du Code de la santé publique, des articles 3 et 5 de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article 7 du Pacte.

Fondement de la révision de la décision de recevabilité

10.1Le Comité prend note des éclaircissements fournis par l’État partie selon lesquels l’auteur aurait eu la possibilité d’introduire un recours pour excès de pouvoir dans un délai de deux mois à compter de la réception du courrier des Hôpitaux du Léman daté du 17 décembre 2001 qui refusait d’entrer en matière sur une quelconque indemnité, mettant ainsi un terme au recours gracieux engagé par l’auteur. Le Comité note que, selon l’État partie, ce recours aurait permis au juge administratif, le cas échéant, de prononcer la nullité de la décision d’internement avec un effet rétroactif. Le Comité note que selon l’État partie, l’auteur a bien saisi le tribunal administratif dans les délais impartis mais d’un recours de plein contentieux visant à obtenir une indemnisation sans jamais demander l’annulation pour irrégularité de la mesure en cause; que ce n’était donc pas l’absence d’une décision qui avait empêché l’auteur de faire constater l’irrégularité de la mesure d’hospitalisation mais bien une erreur de procédure qui relève de sa seule responsabilité, à tout le moins de celle de son avocat. Le Comité note que cet élément n’a pas été contre-argumenté par l’auteur.

10.2S’agissant de la contestation immédiate de la légalité de la détention, en vertu de laquelle l’auteur aurait pu introduire un recours visé par l’article L.351 du Code de la santé publique pour demander au Président du tribunal de grande instance (TGI) sa sortie immédiate, le Comité constate que les faits présentés par l’auteur sont contestés par l’État partie qui considère que l’auteur a bien été informée de ses droits; que l’absence d’un document attestant cette information, faite en la forme orale, demeure sans incidence sur la validité et la légalité de l’information, la loi ne prescrivant aucune forme particulière pour celle-ci. Sans qu’il ait à se prononcer sur la question de savoir si l’auteur avait bel et bien été informée de la possibilité d’introduire un recours au titre de l’article L.351 du Code de la santé publique, le Comité souligne que l’auteur n’a pas expliqué la raison pour laquelle elle n’a pas contesté le manque d’information reçue lors de son hospitalisation au terme de son internement, soit devant le juge administratif dans le cadre du recours pour excès de pouvoir soit devant le juge judiciaire afin de contester l’opportunité de l’hospitalisation et d’obtenir réparation du préjudice subi.

10.3Par ailleurs, en ne saisissant pas a) le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir d’une part, puis b) le juge judiciaire pour apprécier la nécessité de la mesure de placement à la demande d’un tiers et demander réparation d’autre part, l’auteur s’est elle-même privée de son droit à réparation garanti par l’article 9, paragraphe 5, puisqu’elle n’a pas diligemment épuisé les recours internes à sa disposition.

10.4Au vu de l’ensemble des informations fournies par les parties mais surtout de la lumière faite par l’État partie sur la procédure interne administrative et judiciaire, et nonobstant les importantes questions de fond qui auraient pu être pertinentes, le Comité conclut à l’irrecevabilité de la communication pour non-épuisement des voies de recours internes au regard des articles 9 et 14 du Pacte.

10.5Le Comité note que l’auteur a fait valoir une violation de l’article 7 devant le Conseil d’État. Cependant, au vu de ce qui précède et des éclaircissements apportés par l’État partie, il semble clair au Comité que le conseil de l’auteur n’a pas saisi les juridictions appropriées afin de faire valoir ses droits et que par conséquent les recours internes n’ont pas été épuisés au regard des articles 7 et 10 du Pacte.

11.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.

[Adopté en français (version originale), en anglais et en espagnol. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

K.Communication no 1814/2008, P. L. c. Bélarus(décision adoptée le 26 juillet 2011, 102e session)*

Présentée par:

P. L. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Bélarus

Date de la communication:

12 mai 2008 (date de la lettre initiale)

Objet:

Liberté d’expression; procès équitable; discrimination; égalité devant la loi; recours utile

Questions de procédure:

Fondement des griefs

Questions de fond:

Restrictions injustifiées de la liberté de recevoir des informations de médias indépendants; accès à un tribunal indépendant; discrimination fondée sur des motifs politiques

Articles du Pacte:

2, 5, 14 (par. 1), 19 et 26

Article du Protocole facultatif:

2

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 26 juillet 2001,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication est P. L., de nationalité bélarussienne, né en 1961. Il se déclare victime de violations par le Bélarus des droits consacrés aux articles 2, 5, 14 (par. 1), 19 (par. 1 et 2) et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 30 décembre 1992. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur était un fidèle lecteur du journal Vitebsky Courrier M, périodique dûment enregistré auprès du Ministère bélarussien de l’information. Pendant un certain nombre d’années, son abonnement au journal, ainsi que la livraison, étaient gérés par l’intermédiaire de la société publique «Belpochta». Au début de 2006, l’auteur s’apprêtait à renouveler son abonnement dans un bureau de poste de Vitebsk, quand il a appris que le journal ne figurait plus dans le catalogue d’abonnements de «Belpochta». En conséquence, l’auteur est contraint d’acheter son périodique directement au bureau du journal.

2.2Selon l’auteur «Belpochta» n’a exclu de son catalogue que des journaux privés présentant des opinions différentes des positions de la presse progouvernementale. Il estime que cette mesure est fondée sur des motifs politiques et constitue une violation de son droit à recevoir des informations qui s’inscrit dans le cadre de la liberté d’expression.

2.3En octobre 2006, l’auteur a adressé à «Belpochta» une lettre dans laquelle il lui demandait de faire figurer Vitebsky Courrier M dans son catalogue d’abonnements pour l’année suivante. Le 3 novembre 2006, «Belpochta» lui a fait savoir que le journal en question ne faisait pas partie du catalogue de 2007, que «Belpochta» était libre de sélectionner les journaux qu’elle souhaitait proposer dans son catalogue et n’était nullement tenue par la loi d’y faire figurer tel ou tel journal. Le 6 décembre 2006, l’auteur a saisi de ce refus le tribunal de district de Leninsky de la ville de Vitebsk. Il a été débouté le 10 janvier 2007. L’auteur a été informé qu’il aurait dû saisir en premier lieu le Ministère de l’informatisation et des communications.

2.4Le 8 mars 2007, l’auteur a fait appel de la décision du tribunal de district de Leninsky auprès du tribunal de la ville de Minsk. Le 30 juin 2007, le tribunal de la ville de Minsk a annulé la décision du tribunal de district, considérant que celui-ci n’était pas compétent pour se prononcer sur la question et a rejeté la plainte de l’auteur. Le 11 février 2008, l’auteur a intenté un recours auprès du Président du tribunal de la ville de Minsk contre les décisions du tribunal de district et du tribunal de la ville de Minsk, conformément à la procédure de réexamen par une instance supérieure. Sa demande a été rejetée le 10 mars 2008. Le 14 mars 2008, l’auteur a déposé auprès de la Cour suprême une motion de protestation demandant le réexamen de l’affaire par une instance supérieure et contestant les décisions des deux tribunaux. Le 25 avril 2008, la Cour suprême a rejeté sa demande. L’auteur affirme qu’au Bélarus les tribunaux ne sont pas indépendants.

2.5Dans l’intervalle, le 8 mars 2007, l’auteur a présenté au Ministère de l’informatisation et des communications une plainte dans laquelle il demandait que le journal soit inscrit dans le catalogue d’abonnements. Le 27 mars 2007, le Ministère a rejeté sa plainte, estimant que les décisions relatives à l’inclusion de périodiques dans le catalogue d’abonnements relevaient de la compétence de «Belpochta».

Teneur de la plainte

3.L’auteur affirme que les faits susmentionnés démontrent que l’État partie a commis une violation des droits garantis aux articles 2, 5 (par. 1), 14 (par. 1), 19 (par. 1 et 2) et 26 du Pacte, étant donné que, selon lui, l’État partie a violé son droit à la liberté d’expression, en particulier son droit à recevoir des informations de médias privés − ce qui constitue une forme de discrimination − et que par la suite il ne lui a pas donné accès à un tribunal indépendant, n’a pas respecté le principe de l’égalité devant la loi et ne lui a pas accordé de recours utile.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans une note verbale du 4 décembre 2008, l’État partie a fait observer que, en application de la procédure de réexamen par une juridiction supérieure, l’auteur aurait pu également faire appel auprès du Président de la Cour suprême et du Procureur général, ce qu’il n’avait pas fait. En conséquence, selon l’État partie, l’auteur n’a pas épuisé tous les recours internes.

4.2L’État partie fait également observer qu’en substance, dans la plainte qu’il a présentée à «Belpochta» en octobre 2006, l’auteur a contesté la décision de cette dernière de ne pas inclure un périodique particulier dans son catalogue d’abonnements. Comme les représentants de la société l’ont indiqué dans leur réponse à l’auteur, «Belpochta» n’est pas tenue par la loi d’inclure tel ou tel journal dans son catalogue, le choix des périodiques à y faire figurer faisant partie de ses prérogatives. L’auteur a contesté cette décision qui, selon lui, constituait une violation de son droit à recevoir des informations. Le 10 janvier 2007, le tribunal du district de Leninsky l’a débouté. L’auteur a fait appel de cette décision, qu’il jugeait contraire au droit, auprès du tribunal de la ville de Minsk. Ce dernier a constaté qu’en fait, dans sa plainte, l’auteur remettait en question la décision de «Belpochta» de ne pas inclure le journal Vitebsky Courrier M dans son catalogue d’abonnements. Le tribunal de la ville de Minsk a annulé la décision du tribunal de district et rejeté l’affaire, qui ne relevait pas de sa compétence.

4.3En date du 14 mai 2009, l’État partie a renvoyé à ses observations précédentes, ajoutant que conformément à la loi relative aux organes de presse et autres organes d’information de masse, la diffusion des produits d’information de masse est laissée à la discrétion des organes en question et peut se faire directement ou par l’intermédiaire soit d’entités publiques, coopératives ou collectives, soit de personnes privées. Ainsi, la question de la fin du contrat de diffusion entre la rédaction de Vitebsky Courrier M et «Belpochta» ne relevait pas de la compétence des tribunaux. L’État partie ajoute que l’auteur a été informé par les tribunaux de son droit de présenter une plainte extrajudiciaire au Ministère de l’informatisation et des communications, mais ne s’est pas prévalu de cette possibilité.

4.4Le 21 septembre 2009, l’État partie a contesté les allégations de l’auteur relatives à l’indépendance du système judiciaire bélarussien. Il a expliqué que, conformément à la Constitution et au droit, les juges sont indépendants dans leur administration de la justice et qu’aucune ingérence dans leurs travaux n’est autorisée. De plus, les juges de la Cour suprême et de la Cour suprême chargée des affaires économiques sont nommés par le Président du Bélarus avec l’accord du Conseil de la République de l’Assemblée nationale, sur propositions des présidents de la Cour suprême et de la Cour suprême chargée des affaires économiques, respectivement.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans une réponse du 24 avril 2009, l’auteur a commenté les observations de l’État partie. Il constate tout d’abord que les appels interjetés dans le cadre de la procédure de réexamen par une instance supérieure, auprès de la Cour suprême et du Procureur général ne font pas partie des voies de recours internes qui doivent être épuisées aux fins du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, étant donné qu’ils ont un caractère discrétionnaire et portent sur des décisions de justice définitives et exécutoires. De plus, la législation nationale ne contient aucune disposition rendant obligatoire le recours à la procédure de réexamen par une instance supérieure.

5.2L’auteur ajoute que, le 8 mars 2007, il a présenté au Ministère de l’informatisation et des communications une plainte dans laquelle il lui demandait si «Belpochta» était subordonnée au Ministère. Il ressortait de la réponse reçue du Ministère, le 27 mars 2007, que «Belpochta» était une entité économique autonome et que la décision d’inclure ou non un journal dans son catalogue d’abonnements relevait strictement de sa compétence.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité a noté que l’auteur affirmait avoir épuisé tous les recours internes, allant jusqu’à saisir la Cour suprême du Bélarus. Pour ce qui est de l’argument de l’État partie faisant valoir que l’auteur aurait encore pu déposer auprès du Procureur général une motion de protestation demandant le réexamen de l’affaire par une instance supérieure, le Comité rappelle sa jurisprudence, à savoir que ces procédures ne font pas partie des recours internes qui doivent être épuisés aux fins du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif. Le Comité s’est assuré que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Il considère donc que les conditions énoncées au paragraphe 2 a) et b) de l’article 5 du Protocole facultatif sont réunies.

6.3Le Comité note qu’en substance, l’auteur affirme que la décision discrétionnaire de «Belpochta» de ne pas maintenir le journal Vitebsky Courrier M dans son catalogue d’abonnements constituait une restriction injustifiée de sa liberté d’expression, et plus particulièrement de son droit de recevoir des informations, tels que protégés par le paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte. Le Comité constate en premier lieu que selon l’État partie, «Belpochta» est une entité autonome qui est habilitée à décider quels périodiques inclure dans son catalogue. Il constate également que ni les dispositions de la législation nationale ni celles du Pacte n’imposent aux États parties l’obligation de veiller à la diffusion de produits d’information écrite. Même si, dans certaines circonstances, le Comité considère que le fait de ne pas avoir accès aux services de distribution détenus ou contrôlés par l’État peut constituer une atteinte aux droits protégés par l’article 19, en l’espèce toutefois l’auteur n’a pas apporté assez d’informations pour que le Comité évalue l’ampleur de cette atteinte ou détermine si le déni d’accès est discriminatoire. Le Comité constate en outre que, quoi qu’il en soit, même si le journal en question ne figurait pas dans le catalogue d’abonnements de «Belpochta» et n’était pas expédié au domicile de l’auteur, celui-ci pouvait se le procurer par d’autres moyens. En conséquence, le Comité considère que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ses griefs aux fins de la recevabilité et que cette partie de la communication est donc irrecevable au titre de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.4À la lumière de ces conclusions, le Comité n’examinera pas séparément les autres griefs soulevés par l’auteur au titre des articles 2, 5, 14 et 26 du Pacte, vu qu’ils sont rattachés au grief principal de violation de l’article 19.

7.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

L.Communication no 1994/2010, I . S. c. Bélarus(décision adoptée le 25 mars 2011, 101e session)*

Présentée par:

I. S. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Bélarus

Date de la communication:

14 décembre 2009 (date de la lettre initiale)

Objet:

Travail forcé; droit à un procès équitable

Questions de fond:

Obligation de travailler dans une entreprise déterminée, après avoir fait des études universitaires financées par l’État

Questions de procédure:

Incompatibilité des griefs avec le Pacte; griefs insuffisamment étayés

Articles du Pacte:

8 (par. 3 a)) et 14 (par. 1)

Articles du Protocole facultatif:

2 et 3

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 25 mars 2011,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication est M. I. S., de nationalité bélarussienne, né en 1984. Il se déclare victime de violations par le Bélarus de ses droits en vertu de l’alinéa a du paragraphe 3 de l’article 8 et du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour le Bélarus le 30 décembre 1992. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Après avoir réussi un examen, le 6 août 2001, l’auteur a intégré l’École polytechnique d’État du Bélarus (devenue par la suite l’Université technique nationale) et a obtenu son diplôme d’ingénieur le 29 juin 2006. L’auteur a dû ensuite travailler pendant deux ans en tant que spécialiste dans une entreprise de bâtiment appartenant à l’État (entreprise no 21) dans la ville de Borisov, selon une liste d’affectation du personnel publiée par l’Université. La liste a été établie en application de l’article 10 de la loi relative à l’éducation, modifiée en 2006, qui dispose que les diplômés des universités dont les frais d’études ont été couverts par le budget de l’État ou le budget d’une municipalité sont tenus de travailler pour l’État selon une «affectation obligatoire» pour une période de deux ans, selon l’ordre établi par le Gouvernement bélarussien. S’ils ne s’acquittent pas de l’obligation d’occuper l’emploi auquel ils sont affectés en échange du programme d’enseignement qu’ils ont choisi de suivre, ils sont tenus de reverser les sommes dépensées pour leur formation au budget de l’autorité qui a financé cette formation.

2.2L’auteur a accepté l’affectation et signé un contrat de travail avec l’entreprise de bâtiment no 21. Il a commencé à travailler le 28 août 2006. Comme il habitait à Minsk et qu’il n’avait pas trouvé à se loger dans la ville de Borisov, il avait trois heures de trajet par jour pour se rendre à son travail. Il a demandé à son employeur de résilier le contrat, ce que l’employeur a refusé, objectant qu’il n’avait pas le droit de licencier un jeune spécialiste dans les deux premières années suivant l’obtention de son diplôme. L’auteur a cessé de se rendre au travail, et le 21 janvier 2007, a été licencié pour absentéisme, en vertu de l’article 42 du Code du travail.

2.3L’Université technique nationale du Bélarus a engagé une action civile contre l’auteur pour exiger le remboursement de ses études. L’auteur a fait valoir que la loi relative à l’éducation était en contradiction avec l’article 49 de la Constitution, qui dispose qu’au Bélarus, l’éducation est gratuite, et que le contraindre à travailler dans une entreprise contre sa volonté, sous peine d’avoir à rembourser le coût de ses études, constituait un travail forcé. Le 4 mars 1998, le tribunal régional de Borisov a fait droit à la plainte de l’Université et a condamné l’auteur à verser un montant de 13 071 253 roubles au budget de l’État, au motif qu’il n’avait pas achevé la période de travail qui lui avait été assignée.

2.4L’auteur a fait appel devant le tribunal de district de Minsk, qui a rejeté son recours le 19 mai 2008. Il a ensuite tenté de former un recours en révision auprès du Président du tribunal de district de Minsk et auprès de la Cour suprême du Bélarus, mais a été débouté. L’auteur fait valoir qu’il a épuisé tous les recours internes disponibles et utiles.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur cite le paragraphe 1 de l’article 2 de la Convention (no 29) de l’OIT concernant le travail forcé ou obligatoire qui définit le travail forcé ou obligatoire comme «tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de plein gré». Il mentionne également la Convention (no 105) de l’OIT concernant l’abolition du travail forcé à laquelle le Bélarus est partie et en vertu de laquelle l’État s’est engagé à supprimer le travail forcé ou obligatoire et à n’y recourir sous aucune forme en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. Il renvoie aussi au paragraphe 4 de l’article 41 de la Constitution du Bélarus qui interdit également le travail obligatoire. Il fait valoir que, après avoir pu exercer son droit à l’éducation gratuite, garanti par la Constitution, il a été contraint de travailler en application d’une affectation obligatoire sous la menace de lourdes pénalités financières. Il affirme que l’État partie utilise le système de l’affectation obligatoire comme méthode de mobilisation de la main-d’œuvre aux fins du développement économique de certaines régions, en y envoyant de jeunes spécialistes qui ne sont pas volontaires. Il fait valoir que l’affectation obligatoire dans l’entreprise de bâtiment no 21 a représenté une violation du droit consacré à l’alinéa a du paragraphe 3 de l’article 8 du Pacte.

3.2L’auteur fait également valoir que ni le tribunal de première instance ni les juridictions supérieures n’ont pris en considération ses arguments et ses griefs de violation des droits garantis par la Constitution et par le Pacte. Il ajoute que, étant donné que l’article 10 de la loi relative à l’éducation n’a été promulgué qu’en juin 2006, la règle de l’affectation obligatoire de jeunes spécialistes dont le financement des études est à la charge du budget de l’État n’existait pas quand il faisait ses études, entre 2001 et 2006, et que par conséquent les tribunaux ont appliqué la loi rétroactivement, en violation du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

4.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si elle est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

4.2Le Comité prend note du grief de l’auteur qui affirme que son placement obligatoire dans l’entreprise de bâtiment no 21 a représenté une violation de son droit au titre du paragraphe 3 a) de l’article 8 du Pacte. Il estime que, au regard de l’article 2 du Protocole facultatif, l’auteur n’a pas suffisamment montré, aux fins de la recevabilité, en quoi l’obligation de rembourser les frais engagés par l’État pour ses études ou de travailler dans une entreprise déterminée pendant deux ans pourrait être considérée comme constituant une violation de l’alinéa adu paragraphe 3 de l’article 8 du Pacte.

4.3En ce qui concerne le grief de violation des droits consacrés par le paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte, le Comité relève que les allégations portent essentiellement sur l’appréciation des faits et des preuves par les tribunaux de l’État partie. Il renvoie à sa jurisprudence et réaffirme que c’est généralement aux juridictions internes qu’il appartient d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans un cas d’espèce à moins que cette appréciation n’ait été manifestement arbitraire ou n’ait représenté un déni de justice. Au vu des éléments dont il est saisi, le Comité estime que l’auteur n’a pas avancé de motifs suffisants pour étayer son grief selon lequel la procédure judiciaire aurait été entachée d’irrégularités. Le Comité conclut par conséquent que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

4.4Le Comité note également que l’auteur fait valoir que la loi relative à l’éducation a été appliquée rétroactivement. Il relève toutefois que le paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte ne contient pas d’interdiction de l’application rétroactive d’une loi en matière civile. Il note toutefois que le paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte interdit bien l’application rétroactive de lois, mais uniquement en matière pénale. Le Comité estime par conséquent que l’allégation de l’auteur est incompatible avec les dispositions du Pacte et déclare donc cette partie de la communication irrecevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

5.Le Comité des droits de l’homme décide en conséquence:

a)Que la communication est irrecevable en vertu des articles 2 et 3 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

Annexe VIII

Activités de suivi au titre du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droitscivils et politiques

1.En juillet 1990, le Comité a adopté une procédure pour assurer le suivi des constatations qu’il adopte en application du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif et a créé à cet effet la fonction de rapporteur spécial chargé du suivi des constatations. M. Krister Thelin assume cette fonction depuis mars 2010 (101e session).

2.Depuis 1991, le Rapporteur spécial envoie aux États parties des demandes de renseignements sur la suite donnée aux constatations. Des informations ont été systématiquement demandées sur la suite donnée à toutes les constatations dans lesquelles le Comité a conclu à une violation des droits consacrés dans le Pacte. Dans 574 des 716 constatations adoptées depuis 1979, le Comité a établi qu’il y avait eu violation.

3.Le classement en catégories des réponses sur la suite donnée aux constatations est nécessairement subjectif et imprécis, de sorte qu’il est impossible de fournir des statistiques ventilées exactes. Une bonne partie des réponses reçues peuvent être considérées comme satisfaisantes en ce sens qu’elles montrent que l’État partie est prêt à donner effet aux recommandations du Comité ou à accorder réparation au plaignant. D’autres réponses ne peuvent pas être considérées comme satisfaisantes, soit parce qu’elles passent totalement sous silence les constatations du Comité, soit parce qu’elles n’en traitent que certains aspects. Certaines réponses indiquent simplement que la victime n’a pas présenté de demande d’indemnisation dans les délais légaux et donc qu’il ne peut pas lui être versé d’indemnité. D’autres enfin indiquent que, bien que l’État partie ne soit pas tenu par la loi d’accorder une réparation au plaignant, il en consentira une à titre gracieux.

4.Dans toutes les autres réponses, l’État partie conteste les constatations du Comité en invoquant des raisons de fait ou de droit, donne des informations très tardives sur le fond de l’affaire, promet d’ouvrir une enquête sur la question examinée par le Comité ou indique qu’il ne donnera pas suite, pour une raison ou une autre, aux recommandations du Comité.

5.Dans de nombreux cas, le secrétariat a aussi été informé par l’auteur de la communication qu’il n’avait pas été donné effet aux constatations du Comité. À l’inverse, il est arrivé dans de rares cas que l’auteur d’une communication informe le Comité que l’État partie avait donné suite à ses recommandations alors que celui-ci ne l’avait pas fait savoir lui-même.

6.La présentation des informations sur la suite donnée aux constatations est la même dans le présent rapport annuel que dans le précédent. Le tableau ci-dessous récapitule toutes les réponses reçues des États parties jusqu’à la 102e session (11-29 juillet 2011) au sujet des communications dans lesquelles le Comité a constaté une violation du Pacte. Dans la mesure du possible, il est précisé si la réponse est ou a été considérée comme satisfaisante ou insatisfaisante au regard de la recommandation du Comité, ou si le dialogue entre l’État partie et le Rapporteur spécial chargé du suivi des constatations reste ouvert. Les notes explicatives qu’il a été nécessaire d’ajouter pour un certain nombre d’affaires donnent une idée des difficultés que pose le classement en catégories des réponses sur la suite donnée aux constatations.

7.Les renseignements adressés par les États parties et par les auteurs des communications ou leurs représentants depuis le dernier rapport annuel (A/65/40) figurent dans le chapitre VI (vol. I) du présent rapport annuel.

État partie et nombre d’affaires de violation

Numéro de la communication, auteur et rapport du Comité

Réponse reçue de l’État partie

Réponse satisfaisante

Réponse insatisfaisante

Pas de réponse

Dialogue en cours

Afrique du Sud (1)

1818/2008, McCallumA/66/40

X

Algérie (12)

992/2001, BousroualA/61/40

X

X

1085/2002, TarightA/61/40

X

X

1172/2003, MadaniA/62/40

X

X

1173/2003, BenhadjA/62/40

X

X

1196/2003, BoucherfA/61/40

XA/64/40

X

1297/2004, MedjnouneA/61/40

XA/63/40

X

1327/2004, GriouaA/62/40

X

X

1328/2004, KimoucheA/62/40

X

X

1439/2005, AberA/62/40

X

X

1495/2006, MadouiA/64/40

X

X

1588/2007, BenazizaA/65/40

X

1780/2008, Aouabdia et consortsA/66/40

X

Allemagne (1)

1482/2006, GerlachA/63/40

XA/64/40

X

Angola (2)

711/1996, DiasA/55/40

XA/61/40

XA/61/40

X

1128/2002, MarquesA/60/40

XA/61/40

XA/61/40

X

Argentine (4)

400/1990, Mónaco de GallichioA/50/40

XA/51/40

X

1458/2006, González et consortsA/66/40

X

1608/2007, L. M. R.A/66/40

X

1610/2007, L. N. P.A/66/40

X

Australie (24)

560/1993, A.A/52/40

XA/53/40, A/55/40, A/56/40

X

X

900/1999, C.A/58/40

XA/58/40, CCPR/C/80/FU/1,A/60/40, A/62/40

X

930/2000, Winata et consortsA/56/40

XCCPR/C/80/FU/1, A/57/40, A/60/40, A/62/40, A/63/40

X

941/2000, YoungA/58/40

XA/58/40, A/60/40,A/62/40, A/63/40

X

X

1014/2001, Baban et consortsA/58/40

XA/60/40, A/62/40

X

X

1020/2001, Cabal et PasiniA/58/40

XA/58/40, CCPR/C/80/FU/1

X*

X

* Note: La réponse de l’État partie est reproduite dans le document CCPR/C/80/FU/1. L’État partie indique qu’il n’est pas fréquent que deux personnes soient placées dans la même cellule et qu’il a demandé à la police du Victoria de prendre des mesures pour que ce genre de situation ne se reproduise pas. En revanche, il n’admet pas que les auteurs aient droit à une indemnisation. Le Comité a estimé que l’affaire ne devrait pas être examinée plus avant au titre de la procédure de suivi.

1036/2001, FaureA/61/40

XA/61/40

X

1050/2002, Rafie et SafdelA/61/40

XA/62/40, A/63/40

X

1069/2002, BakhitiyariA/59/40

XA/60/40, A/62/40

X

X

1157/2003, ColemanA/61/40

XA/62/40

XA/62/40

1184/2003, BroughA/61/40

XA/62/40

XA/62/40

1255, 1256, 1259, 1260, 1266, 1268, 1270, et 1288/2004, Shams, Atvan, Shahrooei, Saadat, Ramezani, Boostani, Behrooz et SefedA/62/40

XA/63/40

X

1324/2004, ShafiqA/62/40

XA/62/40, A/63/40

XA/62/40

1347/2005, DudkoA/62/40

XA/63/40, A/64/40

XA/63/40

1629/2007, Fardo nA/65/40

XA/66/40

X

X

1557/2007, Nystrom et consortsA/66/40

X

1635/2007, TillmanA/65/40

XA/66/40

X

X

Autriche (5)

415/1990, PaugerA/57/40

XA/47/40, A/52/40, A/66/40

X*

716/1996, PaugerA/54/40

XA/54/40, A/55/40, A/57/40, A/66/40,CCPR/C/80/FU/1

X*

* Note: L’État partie a modifié sa législation suite aux constatations du Comité, mais les nouvelles dispositions ne sont pas rétroactives, et l’auteur lui-même n’a pas obtenu réparation. À sa 102e session, le Comité a décidé de cesser d’examiner l’affaire au titre de la procédure de suivi, considérant que les mesures prises par l’État partie constituaient une réponse partiellement satisfaisante.

965/2001, KarakurtA/57/40

XA/58/40, CCPR/C/80/FU/1, A/61/40

X

1086/2002, WeissA/58/40

XA/58/40, A/59/40,CCPR/C/80/FU/1, A/60/40, A/61/40

X

1454/2006, LederbauerA/62/40

XA/63/40

X

Azerbaïdjan (1)

1633/2007, AvadanovA/66/40

X

Bélarus (24)

780/1997, LaptsevichA/55/40

XA/56/40,A/57/40

X

814/1998, PastukhovA/58/40

XA/59/40

X

886/1999, BondarenkoA/58/40

XA/59/40, A/62/40, A/63/40

X

Bélarus (suite)

887/1999, LyashkevichA/58/40

XA/59/40, A/62/40, A/63/40

X

921/2000, DergachevA/57/40

X

X

927/2000, SvetikA/59/40

XA/60/40, A/61/40, A/62/40

XA/62/40

1009/2001, ShchetkoA/61/40

X

X

1022/2001, VelichkinA/61/40

XA/61/40

X

1039/2001, Boris et consortsA/62/40

XA/62/40

X

1047/2002, Sinitsin, LeonidA/62/40

X

X

1100/2002, BandazhewskyA/61/40

XA/62/40

X

1178/2003, SmantserA/64/40

XA/65/40

XA/65/40

X

1207/2003, MalakhovskyA/60/40

XA/61/40

X

X

1274/2004, KorneenkoA/62/40

XA/62/40

XA/62/40

1296/2004, BelyatskyA/62/40

A/63/40

X

1311/2004, OsiyukA/64/40

X

Bélarus (suite)

1354/2005, SudalenkoA/66/40

X

1377/2005, KatsoraA/65/40

X

1383/2005, Katsora et consortsA/66/40

X

1390/2005, KorebaA/66/40

X

1392/2005, LukyanchikA/65/40

XA/66/40

X

1502/2006, MarinichA/65/40

XA/66/40

X

1553/2007, Korneenko, MilinkevichA/64/40

XA/65/40

XA/65/40

X

1604/2007, ZalesskayaA/66/40

X

Belgique (1)

1472/2006, SayadiA/64/40

X

X

Bolivie (État plurinational de) (1)

176/1984, PeñarrietaA/43/40

XA/52/40

X

Cameroun (6)

458/1991, MukongA/49/40

XA/52/40

X

1134/2002, Gorji-DinkaA/60/40

XA/65/40

X

X

1186/2003, TitiahongoA/63/40

X

X

Cameroun (suite)

1353/2005, AfusonA/62/40

XA/65/40

X

X

1397/2005, EngoA/64/40

X

X

1813/2008, AkwangaA/66/40

X

Canada (11)

27/1978, PinkneyQuatorzième sessionSélection de décisions, vol. 1

X

X

167/1984, Ominayak et consortsA/45/50

XA/59/40*, A/61/40, A/62/40

XA/62/40

* Note: Il est indiqué dans ce rapport qu’une réponse datée du 25 novembre 1991 (non publiée) a été reçue. Il apparaît dans le dossier des réponses que l’État partie fait savoir que la réparation a consisté en un ensemble de prestations et de programmes d’une valeur de 45 millions de dollars canadiens et en l’octroi d’une réserve de 24 600 ha. Des négociations étaient toujours en cours sur la question de savoir si la bande du lac Lubicon devait recevoir une indemnisation supplémentaire.

694/1996, WaldmanA/55/40

XA/55/40, A/56/40, A/57/40,A/59/40, A/61/40

X

X

829/1998, JudgeA/58/40

XA/59/40, A/60/40

XA/60/40, A/61/40

X*A/60/40

* Note: Le Comité a décidé de surveiller l’évolution de la situation de l’auteur et de prendre toute mesure appropriée.

1051/2002, AhaniA/59/40

XA/60/40, A/61/40

X

X*A/60/40

* Note: L’État partie a donné en partie suite aux constatations du Comité, qui n’a pas expressément dit que l’application était satisfaisante.

1465/2006, KabaA/65/40

XA/66/40

Canada (suite)

1467/2006, DumontA/65/40

XA/66/40

X

1544/2007, HamidaA/65/40

XA/66/40

X

1763/2008, Pillai et consortsA/66/40

X

1792/2008, DauphinA/64/40

XA/65/40

XA/65/40

X

1959/2010, WarsameA/66/40

X

Colombie (15)

45/1979, Suárez de GuerreroQuinzième sessionSélection de décisions, vol. 1

XA/52/40*

X

* Note: Dans cette affaire, le Comité a recommandé que l’État partie prenne les mesures nécessaires pour indemniser l’époux de Mme Maria Fanny Suárez de Guerrero pour le décès de sa femme et pour faire en sorte que le droit à la vie soit dûment protégé en modifiant la loi. L’État partie a répondu que la Commission ministérielle constituée en vertu de la loi no 288/1996 avait recommandé le versement d’une indemnité à l’auteur.

46/1979, Fals BordaSeizième sessionSélection de décisions, vol. 1

XA/52/40*

X

X

* Note: Dans cette affaire, le Comité avait recommandé à l’État partie de prévoir des recours adéquats et de modifier sa législation afin d’assurer le respect du droit énoncé au paragraphe 4 de l’article 9 du Pacte. L’État partie a répondu que, comme le Comité n’avait pas indiqué une forme de réparation spécifique, la Commission ministérielle constituée en vertu de la loi no288/1996 ne recommandait pas de verser une indemnisation à la victime.

64/1979, Salgar de MontejoQuinzième sessionSélection de décisions, vol. 1

XA/52/40*

X

X

Colombie (suite)

* Note: Dans cette affaire, le Comité avait recommandé à l’État partie de prévoir des recours adéquats et de modifier sa législation de manière à donner effet au droit énoncé au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Comme le Comité n’avait pas indiqué une forme de réparation spécifique, la Commission ministérielle constituée en vertu de la loi no 288/1996 n’a pas recommandé de verser une indemnisation à la victime.

161/1983, Herrera RubioTrente et unième sessionSélection de décisions, vol. 2

XA/52/40*

X

* Note: Le Comité avait recommandé de prendre des mesures efficaces pour réparer les violations dont M. Herrera Rubio avait été victime et pour enquêter davantage sur lesdites violations, de prendre à ce sujet les mesures qui s’imposaient et de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l’avenir. L’État partie a versé une indemnisation à la victime.

181/1984, frères Sanjuán ArévaloA/45/40

XA/64/40, A/52/40*

X

X

* Note: Le Comité saisit cette occasion pour signaler qu’il souhaite recevoir des renseignements sur toutes mesures prises par l’État partie en rapport avec les constatations du Comité, et invite notamment l’État partie à l’informer des faits nouveaux qui apparaîtraient au cours de l’enquête menée sur la disparition des frères Sanjuán. Vu que le Comité n’avait pas indiqué de forme de réparation spécifique, la Commission ministérielle constituée en vertu de la loi no 288/1996 n’a pas recommandé de verser une indemnisation à la victime.

195/1985, Delgado PáezA/45/40

XA/52/40*

X

* Note: Conformément aux dispositions de l’article 2 du Pacte, l’État partie a l’obligation de prendre des mesures effectives de réparation pour les violations subies par l’auteur, et en particulier de lui accorder une indemnisation appropriée, et de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent plus. L’État partie a offert une indemnisation.

514/1992, FeiA/50/40

XA/51/40*

X

X

* Note: Le Comité avait recommandé à l’État partie de garantir à l’auteur un recours utile. De l’avis du Comité, l’État partie doit garantir à l’auteur la possibilité de voir régulièrement ses filles et assurer le respect des termes du jugement qui lui sont favorables. Vu que le Comité n’avait pas indiqué de forme de réparation spécifique, la Commission ministérielle constituée en vertu de la loi no288/1996 n’a pas recommandé de verser une indemnisation à la victime.

612/1995, ArhuacosA/52/40

X

X

Colombie (suite)

687/1996, Rojas GarcíaA/56/40

XA/58/40, A/59/40

X

778/1997, Coronel et consortsA/58/40

XA/59/40

X

848/1999, Rodríguez OrejuelaA/57/40

XA/58/40, A/59/40

X

X

859/1999, Jiménez VacaA/57/40

XA/58/40, A/59/40, A/61/40

X

X

1298/2004, BecerraA/61/40

XA/62/40

XA/62/40

1361/2005, CasadiegoA/62/40

XA/63/40

X

1611/2007, Bonilla LermaA/66/40

X

Croatie (2)

727/1996, ParagaA/56/40

XA/56/40, A/58/40

X

1510/2006, VojnovićA/64/40

XA/65/40, A/66/40

X

Danemark (1)

1554/2007, El-HichouA/65/40

XA/66/40

X

Équateur (2)

277/1988, Terán JijónA/47/40

XA/59/40*

X

X

* Note: Il est indiqué dans ce rapport qu’une réponse datée du 11 juin 1992 (non publiée) a été reçue. Il apparaît, dans le dossier des réponses, que l’État partie a simplement fait parvenir des exemplaires de deux rapports d’enquête de la police nationale sur les activités criminelles dans lesquelles M. Terán Jijón avait été impliqué, comprenant les déclarations qu’il avait faites le 12 mars 1986 au sujet de sa participation à ces activités.

319/1988, Cañón GarcíaA/47/40

X

X

Espagne (22)

493/1992, GriffinA/50/40

XA/59/40*, A/58/40

X

* Note: Il est indiqué dans ce rapport qu’une réponse a été reçue en 1995 (non publiée). Il apparaît dans le dossier que, dans cette réponse datée du 30 juin 1995, l’État partie contestait les constatations du Comité.

526/1993, HillA/52/40

XA/53/40, A/56/40, A/58/40, A/59/40, A/60/40, A/61/40, A/64/40

X

701/1996, Gómez VásquezA/55/40

XA/56/40, A/57/40, A/58/40, A/60/40, A/61/40

X

864/1999, Ruiz AgudoA/58/40

XA/61/40

X

986/2001, SemeyA/58/40

XA/59/40, A/60/40, A/61/40

X

1006/2001, MuñozA/59/40

XA/61/40

X

1007/2001, Sineiro FernandoA/58/40

XA/59/40, A/60/40, A/61/40

X

1073/2002, Terón JesúsA/60/40

XA/61/40

X

1095/2002, GomarizA/60/40

XA/61/40

X

1101/2002, Alba CabriadaA/60/40

XA/61/40

X

1104/2002, Martínez FernándezA/60/40

XA/61/40

X

Espagne (suite)

1122/2002, Lagunas CastedoA/64/40

X

X

1211/2003, OliveróA/61/40

X

X

1325/2004, CondeA/62/40

X

X

1332/2004, Garcia et consortsA/62/40

X

X

1351 et 1352/2005, Hens et CorujoA/63/40

X

X

1363/2005, Gayoso MartínezA/65/40

XA/66/40

X

1364/2005, CarpinteroA/64/40

X

1381/2005, HachuelA/62/40

X

X

1473/2006, Morales TornelA/64/40

XA/66/40

X

1493/2006, Williams LecraftA/64/40

XA/65/40, A/66/40

X

Fédération de Russie (15)

712/1996, SmirnovaA/59/40

XA/60/40

X

763/1997, LantsovA/57/40

A/58/40, A/60/40

X

X

770/1997, GridinA/55/40

A/57/40, A/60/40

X

X

Fédération de Russie (suite)

888/1999, TelitsinA/59/40

XA/60/40

X

815/1997, DuginA/59/40

XA/60/40

X

889/1999, ZheikovA/61/40

XA/62/40

XA/62/40

1218/2003, PlatanovA/61/40

XA/61/40

X

1232/2003, PustovalovA/65/40

XA/66/40

X

1278/2004, ReshnetnikovA/64/40

X

X

1304/2004, KhoroshenkoA/66/40

X

1310/2004, BabkinA/63/40

XA/64/40, A/66/40

X

1410/2005, Yevdokimov et RezanovA/66/40

X

1447/2006, AmirovA/64/40

XA/65/40, A/66/40

X

1577/2007, UsaevA/65/40

XA/66/40

X

1605/2007, ZyuskinA/66/40

X

Finlande (1)

779/1997, Äärelä et consortsA/57/40

XA/57/40, A/59/40

X

France (3)

1620/2007, J. O.A/66/40

X

1760/2008, CochetA/66/40

X

1876/2009, SinghA/66/40

X

Géorgie (3)

626/1995, GelbekhianiA/53/40

X A/54/40

X

X

627/1995, DokvadzeA/53/40

XA/54/40

X

X

975/2001, RatianiA/60/40

XA/61/40

X

Grèce (3)

1070/2002, KouldisA/61/40

XA/61/40

X

1486/2006, KalamiotisA/63/40

XA/64/40

X

1799/2008, Georgopoulos et consortsA/65/40

XA/66/40

X

Guinée équatoriale (3)

414/1990, Primo EssonoA/49/40

A/62/40*

X

X

468/1991, Oló BahamondeA/49/40

A/62/40*

X

X

1152 et 1190/2003, Ndong et consorts et Mic AbogoA/61/40

A/62/40*

X

X

*Note: L’État partie n’a pas répondu, mais ses représentants ont rencontré le Rapporteur à plusieurs reprises.

Guyana (9)

676/1996, Yasseen et ThomasA/53/40

A/60/40*, A/62/40

XA/60/40

X

728/1996, SahadeoA/57/40

A/60/40*, A/62/40

XA/60/40

X

811/1998, MulaiA/59/40

A/60/40*, A/62/40

XA/60/40

X

812/1998, PersaudA/61/40

A/60/40*, A/62/40

X

X

862/1999, Hussain et HussainA/61/40

A/60/40*, A/62/40

X

X

838/1998, Hen d riksA/58/40

A/60/40*, A/62/40

XA/60/40

X

867/1999, SmarttA/59/40

A/60/40*, A/62/40

XA/60/40

X

912/2000, GangaA/60/40

A/60/40*, A/62/40

XA/60/40

X

913/2000, ChanA/61/40

A/60/40*, A/62/40

X

X

* Note: L’État partie n’a pas répondu, mais ses représentants ont rencontré le Rapporteur à plusieurs reprises.

Hongrie (3)

410/1990, PárkányiA/47/40

X*

X

X

* Note: Les renseignements donnés dans la réponse de l’État partie, datée de février 1993 (non publiée), indiquent que l’auteur ne peut pas être indemnisé en raison de l’absence de législation d’habilitation.

521/1992, KulominA/51/40

XA/52/40

X

852/1999, BorisenkoA/58/40

XA/58/40, A/59/40

X

X

Islande (1)

1306/2004, Haraldsson et Sveinsson A/62/40

XA/63/40, A/64/40

X

Italie (1)

699/1996, MalekiA/54/40

XA/55/40

X

X

Jamahiriya arabe libyenne (8)

440/1990, El-MegreisiA/49/40

X

X

1107/2002, El GharA/60/40

XA/61/40, A/62/40

XA/62/40

1143/2002, DernawiA/62/40

X

X

1295/2004, El AwaniA/62/40

X

X

1422/2005, El HassyA/63/40

X

X

1640/2007, El AbaniA/65/40

X

1751/2008, Aboussedra et consortsA/66/40

X

1776/2008, Ali Bashasha et Hussein BashashaA/66/40

X

Jamaïque (98)

92 affaires*

X

* Note: Voir A/59/40. Vingt-cinq réponses détaillées ont été reçues; dans 19, l’État partie signifiait qu’il n’appliquerait pas les recommandations du Comité; dans 2, il s’engageait à ouvrir une enquête; et dans 1 réponse, il annonçait la remise en liberté de l’auteur (592/1994 − Clive Johnson − voir A/54/40). Dans 36 réponses générales, le Comité était informé que la peine de mort avait été commuée; 31 demandes d’informations sont restées sans réponse.

Jamaïque (suite)

695/1996, SimpsonA/57/40

XA/57/40, A/58/40, A/59/40, A/63/40, A/64/40

X

792/1998, HigginsonA/57/40

X

X

793/1998, PryceA/59/40

X

X

796/1998, ReeceA/58/40

X

X

797/1998, LobbanA/59/40

X

X

798/1998, HowellA/59/40

XA/61/40

X

Kirghizistan (13)

1275/2004, Umetaliev et TashtanbekovaA/64/40

XA/65/40

X

1312/2004, LatifulinA/65/40

XA/66/40

X

1338/2005, KaldarovA/65/40

XA/66/40

X

1369/2005, KulovA/65/40

XA/66/40

X

1402/2005, KrasnovA/66/40

XA/66/40

X

1461, 1462, 1476 et 1477/2006, Maksudov, Rakhimov, Tashbaev, PirmatovA/63/40

XA/65/40

X

Kirghizistan (suite)

1470/2006, ToktakunovA/66/40

X

1503/2006, AkhadovA/66/40

X

1545/2007, GunanA/66/40

X

1756/2008, Moidunov et ZhumbaevaA/66/40

X

Lettonie (1)

1621/2007, RaihmanA/66/40

X

Madagascar (4)

49/1979, MaraisDix-huitième sessionSélection de décisions, vol. 2

A/52/40

X*

X

* Note: L’auteur a fait savoir qu’il avait été libéré (voir A/52/40). Aucune information supplémentaire n’a été apportée.

115/1982, WightVingt-quatrième sessionSélection de décisions, vol. 2

A/52/40

X*

X

* Note: L’auteur a fait savoir qu’il avait été libéré (voir A/52/40). Aucune information supplémentaire n’a été apportée.

132/1982, JaonaVingt-quatrième sessionSélection de décisions, vol. 2

A/52/40

X

X

155/1983, HammelA/42/40 Sélection de décisions, vol. 2

A/52/40

X

X

Népal (3)

1469/2006, SharmaA/64/40

XA/64/40, A/66/40

X

1761/2008, Giri et consortsA/66/40

X

Népal (suite)

1870/2009, SobhrajA/65/40

XA/66/40

X

Nicaragua (1)

328/1988, Zelaya BlancoA/49/40

XA/56/40, A/57/40, A/59/40

X

Norvège (2)

1155/2003, LeirvagA/60/40

XA/61/40

X*(A/61/40)

X

* Note: Complément d’information attendu.

1542/2007, AboushanifA/63/40

XA/65/40

X

Nouvelle-Zélande (2)

1368/2005, BrittonA/62/40

XA/63/40

X

1512/2006, DeanA/64/40

XA/65/40

X

X

Ouzbékistan (32)

907/2000, SiragevA/61/40

XA/61/40

X

911/2000, NazarovA/59/40

XA/60/40

X

X

915/2000, RuzmetovA/61/40

X

X

917/2000, ArutyunyanA/59/40

XA/60/40

XA/60/40

X

931/2000, HudoyberganovaA/60/40

XA/60/40

XA/60/40

X

959/2000, BazarovA/61/40

XA/62/40

XA/62/40

971/2001, ArutyuniantzA/60/40

XA/60/40

X

Ouzbékistan (suite)

1017/2001, Maxim Strakhov et 1066/2002, V. FayzulaevA/62/40

X

X

1041/2002, Refat TulayganovA/62/40

X

X

1043/2002, ChikiunovA/62/40

X

X

1057/2002, KorvetovA/62/40

XA/62/40

XA/62/40

1071/2002, AgabekovA/62/40

X

X

1140/2002, Iskandar KhudayberganovA/62/40

X

X

1150/2002, Azamat UteevA/63/40

XA/64/40

X

X

1163/2003, Isaev et KarimovA/64/40

XA/65/40

X

1225/2003, EshonovA/65/40

XA/66/40

X

1280/2004, TolipkhudzaevA/64/40

XA/66/40

X

1284/2004, KodirovA/65/40

XA/66/40

X

1334/2004, Mavlonov et Sa’diA/64/40

X

X

1378/2005, KasimovA/64/40

X

Ouzbékistan (suite)

1382/2005, SalikhA/64/40

XA/65/40

X

1418/2005, IskiyaevA/64/40

XA/65/40

X

1449/2006, UmarovA/66/40

XA/66/40

X

1478/2006, KungurovA/66/40

X

1552/2007, LyashkevitchA/65/40

XA/66/40

X

1585/2007, BatyrovA/64/40

XA/66/40

X

1589/2007, GapirjanovA/65/40

XA/66/40

X

1769/2008, IsmailovA/66/40

X

Panama (2)

289/1988, WolfA/47/40

XA/53/40

X

473/1991, BarrosoA/50/40

XA/53/40

X

Paraguay (1)

1407/2005, AsensiA/64/40

XA/65/40, A/66/40

X

Pays-Bas (5)

786/1997, VosA/54/40

XA/55/40

X

X

976/2001, DerksenA/59/40

XA/60/40

X

Pays-Bas (suite)

1238/2003, Jongenburger VeermanA/61/40

X

X

1564/2007, X. H. L.A/66/40

X

1797/2008, MennenA/65/40

X

Pérou (14)

202/1986, Ato del AvellanalA/44/40

XA/52/40, A/59/40,A/62/40, A/63/40

X

203/1986, Muñoz HermosaA/44/40

XA/52/40, A/59/40

X

263/1987, González del RíoA/48/40

XA/52/40, A/59/40

X

309/1988, Orihuela ValenzuelaA/48/40

XA/52/40, A/59/40

X

540/1993, Celis LaureanoA/51/40

XA/59/40

X

577/1994, Polay CamposA/53/40

XA/53/40, A/59/40

X

678/1996, Gutiérrez VivancoA/57/40

XA/58/40, A/59/40, A/64/40

X

906/1999, Vargas-MachucaA/57/40

XA/58/40, A/59/40

X

981/2001, Gómez CasafrancaA/58/40

XA/59/40

X

1058/2002, VargasA/61/40

XA/61/40, A/62/40

X

Pérou (suite)

1125/2002, QuispeA/61/40

XA/61/40

X

1126/2002, CarranzaA/61/40

XA/61/40, A/62/40

X

1153/2003, K. N. L. H.A/61/40

XA/61/40, A/62/40, A/63/40

X

1457/2006, Poma PomaA/64/40

XA/65/40

X

Philippines (10)

788/1997, CagasA/57/40

XA/59/40, A/60/40, A/61/40

X

868/1999, WilsonA/59/40

XA/60/40, A/61/40, A/62/40

XA/62/40

X

869/1999, Piandiong et consortsA/56/40

Xsans objet

X

1089/2002, RouseA/60/40

X

X

1320/2004, Pimentel et consortsA/62/40

XA/63/40, A/64/40, A/66/40

X

1421/2005, LarrañagaA/61/40

X

X

1466/2006, Lumanog et SantosA/63/40

XA/65/40, A/66/40

X

1559/2007, HernandezA/65/40

X

1560/2007, Marcellana et GumanoyA/64/40

X

X

Philippines (suite)

1619/2007, PestañoA/65/40

XA/66/40

X

Portugal (1)

1123/2002, Correia de MatosA/61/40

XA/62/40

X

République centrafricaine (1)

1587/2007, MamourA/64/40

X

République de Corée (119)

518/1992, SohnA/50/40

XA/60/40, A/62/40

X

574/1994, KimA/54/40

XA/60/40, A/62/40, A/64/40

X

628/1995, ParkA/54/40

XA/54/40, A/64/40

X

878/1999, KangA/58/40

XA/59/40, A/64/40

X

926/2000, ShinA/59/40

XA/60/40, A/62/40, A/64/40

X

1119/2002, LeeA/60/40

XA/61/40, A/64/40

X

1321 et 1322/2004, Yoon, Yeo-Bzum et Choi, Myung-JinA/62/40

XA/62/40, A/63/40, A/64/40

X

1593 à 1603/2007, Jung et consortsA/65/40

XA/66/40

X

1642-1741/2007, Jeong et consortsA/66/40

X

République démocratique du Congo (14)*

* Note: Voir A/59/40 pour le détail des consultations.

16/1977, MbengeDix-huitième sessionSélection de décisions, vol. 2

X

X

90/1981, LuyeyeDix-neuvième sessionSélection de décisions, vol. 2

XA/61/40

X

124/1982, MutebaVingt-deuxième sessionSélection de décisions, vol. 2

XA/61/40

X

138/1983, Mpandanjila et consortsVingt-septième sessionSélection de décisions, vol. 2

XA/61/40

X

157/1983, Mpaka NsusuVingt-septième sessionSélection de décisions, vol. 2

XA/61/40

X

194/1985, MiangoTrente et unième sessionSélection de décisions, vol. 2

XA/61/40

X

241/1987, BirindwaA/45/40

XA/61/40

X

242/1987, TshisekediA/45/40

XA/61/40

X

366/1989, KananaA/49/40

XA/61/40

X

542/1993, TshishimbiA/51/40

XA/61/40

X

641/1995, GedumbeA/57/40

XA/61/40

X

République démocratique du Congo (suite)

933/2000, Adrien Mundyo Busyo et consorts (68 magistrats)A/58/40

XA/61/40

X

962/2001, Marcel MuleziA/59/40

XA/61/40

X

1177/2003, Wenga et ShandweA/61/40

X

X

République dominicaine (2)

193/1985, GiryA/45/40

XA/52/40, A/59/40

X

X

449/1991, MojicaA/49/40

XA/52/40, A/59/40

X

X

République tchèque (25)*

* Note: Pour toutes ces affaires de propriété, voir également la réponse de l’État partie concernant la suite donnée aux observations finales dans A/59/40.

516/1992, Simunek et consortsA/50/40

XA/51/40*, A/57/40, A/58/40, A/61/40, A/62/40

X

* Note: Un des auteurs a confirmé qu’il avait partiellement été donné effet aux constatations du Comité. Les autres ont affirmé que leurs biens ne leur avaient pas été restitués ou qu’ils n’avaient pas été indemnisés.

586/1994, AdamA/51/40

XA/51/40, A/53/40, A/54/40, A/57/40, A/61/40, A/62/40

X

747/1997, Des Fours WalderodeA/57/40

XA/57/40, A/58/40, A/61/40, A/62/40

X

757/1997, PezoldovaA/58/40

XA/60/40, A/61/40, A/62/40

X

765/1997, FábryováA/57/40

XA/57/40, A/58/40, A/61/40, A/62/40

X

République tchèque (suite)

823/1998, CzerninA/60/40

XA/62/40

X

857/1999, Blazek et consortsA/56/40

XA/62/40

X

945/2000, MarikA/60/40

XA/62/40

X

946/2000, PateraA/57/40

XA/62/40

X

1054/2002, KrizA/61/40

XA/62/40

X

1445/2006, PolacekA/62/40

X

X

1448/2006, KohoutekA/63/40

XA/66/40

X

1463/2006, GratzingerA/63/40

X

X

1479/2006, PersanA/64/40

X

X

1484/2006, LnenickaA/63/40

X

X

1485/2006, VlčekA/63/40

X

X

1488/2006, SüsserA/63/40

X

X

1491/2006, Blücher von WahlstattA/65/40

République tchèque (suite)

1497/2006, PreissA/63/40

X

X

1508/2006, AmundsonA/64/40

X

X

1533/2006, OndrackaA/63/40

X

X

1581/2007, DrdaA/66/40

X

1586/2007, LangeA/66/40

X

1615/2007, ZavrelA/65/40

1742/2007, GschwindA/65/40

Roumanie (1)

1158/2003, BlagaA/60/40

X

X

Saint-Vincent-et-les Grenadines (1)

806/1998, ThompsonA/56/40

XA/61/40

X

Serbie (1)

1556/2007, NovakovićA/66/40

XA/66/40

X

Sierra Leone (3)

839/1998, Mansaraj et consortsA/56/40

XA/57/40, A/59/40

X

840/1998, Gborie et consortsA/56/40

XA/57/40, A/59/40

X

841/1998, Sesay et consortsA/56/40

XA/57/40, A/59/40

X

Sri Lanka (13)

916/2000, JayawardenaA/57/40

XA/58/40, A/59/40, A/60/40, A/61/40

X

950/2000, SarmaA/58/40

XA/59/40, A/60/40, A/63/40

X

909/2000, KankanamgeA/59/40

XA/60/40

X

1033/2001, NallaratnamA/59/40

XA/60/40, A/64/40

X

1189/2003, FernandoA/60/40

XA/61/40

X(A/61/40)

X

1249/2004, Immaculate Joseph et consortsA/61/40

XA/61/40

X

1250/2004, RajapakseA/61/40

X

X

1373/2005, DissanakyeA/63/40

X

1376/2005, BandaranayakeA/63/40

X

1406/2005, WeerawanzaA/64/40

X

X

1426/2005, Dingiri BandaA/63/40

X

X

1432/2005, GunaratnaA/64/40

X

X

1436/2005, SathasivamA/63/40

XA/65/40

X

Suède (1)

1416/2005, AlzeryA/62/40

XA/62/40

X

Suriname (8)

146/1983, BaboeramVingt-quatrième sessionSélection de décisions, vol. 2

XA/51/40, A/52/40, A/53/40, A/55/40, A/61/40

X

148 à 154/1983, Kamperveen, Riedewald, Leckie, Demrawsingh, Sohansingh, Rahman , HoostVingt-quatrième sessionSélection de décisions, vol. 2

XA/51/40, A/52/40, A/53/40, A/55/40, A/61/40

X

Tadjikistan (23)

964/2001, SaidovA/59/40

XA/60/40, A/62/40*

X

973/2001, KhalilovA/60/40

XA/60/40, A/62/40*

X

985/2001, AliboevaA/61/40

A/62/40*

XA/61/40

X

1042/2002, BoymurudovA/61/40

XA/62/40, A/63/40

X

1044/2002, NazrievA/61/40

XA/62/40, A/63/40

X

1096/2002, Abdulali Ismatovich Kurbanov

A/59/40, A/60/40, A/62/40*

X

* Note: L’État partie n’a pas répondu, mais ses représentants ont rencontré le Rapporteur à plusieurs reprises.

1108 et 1121/2002, Karimov et NursatovA/62/40

XA/63/40

X

1117/2002, KhomidovA/59/40

XA/60/40

X

Tadjikistan (suite)

1195/2003, DunaevA/64/40

X

X

1208/2003, B. KurbanovA/61/40

XA/62/40

XA/62/40

X

1200/2003, SattorovaA/64/40

XA/65/40

X

1209/2003, 1231/2003 et 1241/2004, Rakhmatov, Safarov et Salimov et MukhammadievA/63/40

X

1263/2004 et 1264/2004,Khuseynov et ButaevA/64/40

XA/65/40

X

1276/2004, IdievA/64/40

XA/65/40

X

X

1348/2005, AshurovA/62/40

X

X

1401/2005, KirpoA/65/40

XA/66/40

X

1499/2006, IskandarovA/66/40

X

1519/2006, KhostikoevA/65/40

XA/66/40

X

Togo (4)

422 à 424/1990, Aduayom et consortsA/51/40

XA/56/40, A/57/40

XA/59/40

X

505/1992, AcklaA/51/40

XA/56/40, A/57/40

XA/59/40

X

Trinité-et-Tobago (23)

232/1987, PintoA/45/40et 512/1992, PintoA/51/40

XA/51/40, A/52/40, A/53/40

X

X

362/1989, SoogrimA/48/40

XA/51/40, A/52/40,A/53/40, A/58/40

X

X

434/1990, SeerattanA/51/40

XA/51/40, A/52/40, A/53/40

X

X

523/1992, NeptuneA/51/40

XA/51/40, A/52/40,A/53/40, A/58/40

X

X

533/1993, ElahieA/52/40

X

X

554/1993, La VendeA/53/40

X

X

555/1993, BickarooA/53/40

X

X

569/1996, MathewsA/43/40

X

X

580/1994, AshbyA/57/40

X

X

594/1992, PhillipA/54/40

X

X

672/1995, SmartA/53/40

X

X

677/1996, TeesdaleA/57/40

X

X

Trinité-et-Tobago (suite)

683/1996, WanzaA/57/40

X

X

684/1996, SahadathA/57/40

X

X

721/1996, BoodooA/57/40

X

X

752/1997, HenryA/54/40

X

X

818/1998, SextusA/56/40

X

X

845/1998, KennedyA/57/40

XA/58/40

X

899/1999, Francis et consortsA/57/40

XA/58/40

X

908/2000, EvansA/58/40

X

X

928/2000, SooklalA/57/40

X

X

938/2000, Girjadat Siewpers et consortsA/59/40

XA/51/40,A/53/40

X

Turkménistan (3)

1450/2006, KomarovskyA/63/40

X

X

1460/2006, YklymovaA/64/40

X

1530/2006, BozbeyA/66/40

X

Ukraine (3)

781/1997, AlievA/58/40

XA/60/40

XA/60/40

X

1412/2005, ButovenkoA/66/40

X

1535/2006, ShchetkaA/66/40

X

Uruguay (44)

A. [5/1977, MasseraSeptième session

X43 réponses reçues,voir A/59/40*

X

X

43/1979, CaldasDix-neuvième session

63/1979, AntonaccioQuatorzième session

73/1980, IzquierdoQuinzième session

80/1980, VasiliskisDix-huitième session

83/1981, MachadoVingtième session

84/1981, Dermit BarbatoDix-septième session

85/1981, RomeroVingt et unième session

88/1981, BequioDix-huitième session

92/1981, NietoDix-neuvième session

Uruguay (suite)

103/1981, ScaroneVingtième session

105/1981, CabreiraDix-neuvième session

109/1981, VoituretVingt et unième session

123/1982, LluberasVingt et unième session]

B. [103/1981, Scarone

73/1980, Izquierdo

92/1981, Nieto

85/1981, Romero]

C. [63/1979, Antonaccio

80/1980, Vasiliskis

123/1982, Lluberas]

D. [4/1977, RamirezQuatrième session

6/1977, SequeiroSixième session

25/1978, MassiottiSeizième session

28/1978, WeiszOnzième session

32/1978, TouronDouzième session

Uruguay (suite)

33/1978, CarballalDouzième session

37/1978, De BostonDouzième session

44/1979, PietraroiaDouzième session

52/1979, Lopez BurgosTreizième session

56/1979, CelibertiTreizième session

66/1980, SchweizerDix-septième session

70/1980, SimonesQuinzième session

74/1980, EstrellaDix-huitième session

110/1981, VianaVingt et unième session

139/1983, ConterisVingt-cinquième session

147/1983, GilboaVingt-sixième session

162/1983, AcostaTrente-quatrième session]

E. [30/1978, BleierQuinzième session

Uruguay (suite)

84/1981, Dermit BarbatoDix-septième session

107/1981, QuinterosDix-neuvième session]

* Note: Une réponse a été reçue le 17 octobre 1991 (non publiée).

Pour les affaires regroupées en A, l’État partie a fait valoir que, le 1er mars 1985, la compétence des juridictions civiles avait été rétablie. Tous les individus impliqués comme auteurs ou complices de crimes politiques ou de crimes commis à des fins politiques entre le 1er janvier 1962 et le 1er mars 1985 ont bénéficié de la loi d’amnistie du 8 mars 1985. La loi a permis à tous les individus déclarés coupables d’homicide volontaire d’obtenir la révision de la déclaration de culpabilité ou la réduction de la peine. En vertu de l’article 10 de la loi d’apaisement, toutes les personnes emprisonnées au titre des «mesures de sécurité» ont été libérées. Dans les affaires qui ont été réexaminées, les juridictions d’appel ont soit acquitté soit condamné les intéressés. En vertu de la loi no 15.783 du 20 novembre, toutes les personnes qui avaient auparavant occupé une fonction publique ont été autorisées à reprendre leur poste.

Pour les affaires regroupées en B, l’État partie indique que les intéressés ont été graciés en vertu de la loi no 15.737 et libérés le 10 mars 1985.

Pour les affaires regroupées en C, les intéressés ont été libérés le 14 mars 1985, la loi no 15.737 leur ayant été appliquée.

Pour les affaires regroupées en D, depuis le 1er mars 1985, toutes les victimes des violations des droits de l’homme perpétrées sous le gouvernement de facto ont la possibilité d’engager une action en dommages-intérêts. Depuis 1985, 36 actions civiles en dommages-intérêts ont été engagées, dont 22 pour détention arbitraire et 12 pour obtenir la restitution de biens. Dans le cas de M. Lopez, le Gouvernement a réglé l’affaire en lui versant en date du 21 novembre 1990 une somme de 200 000 dollars des États-Unis. Le procès engagé par Mme Lilian Celiberti est toujours en cours. Outre les affaires susmentionnées, aucune autre victime n’a engagé d’action contre l’État pour obtenir une indemnisation.

Pour les affaires regroupées en E, le 22 décembre 1986 le Congrès a voté la loi no 15.848, dite «d’extinction de l’action publique», en vertu de laquelle l’État ne peut plus engager de poursuites pour des crimes commis avant le 1er mars 1985 par des membres de l’armée ou de la police à des fins politiques ou en exécution des ordres reçus de leurs supérieurs. Il a été mis un terme à tous les procès en cours. Le 16 avril 1989, la loi a été confirmée par référendum; elle prescrivait que les juges d’instruction devaient renvoyer les rapports soumis aux autorités judiciaires concernant les victimes de disparition au Gouvernement, pour que celui-ci ouvre des enquêtes.

159/1983, CariboniA/43/40Sélection de décisions, vol. 2

X

X

Uruguay (suite)

322/1988, RodríguezA/51/40, A/49/40

XA/51/40

X

1887/2009, Peirano BassoA/66/40

X

Venezuela (République bolivarienne du) (1)

156/1983, SolórzanoA/41/40Sélection de décisions, vol. 2

XA/59/40*

X

X

* Note: Il est indiqué dans ce rapport qu’une réponse a été reçue en 1995 (non publiée). L’État partie a fait savoir qu’il n’avait pas réussi à contacter la sœur de l’auteur et que celui-ci n’avait pas engagé de procédure pour obtenir une indemnisation. Il n’y est fait aucune mention d’enquête que l’État aurait conduite, comme le Comité l’avait demandé.

Zambie (4)

390/1990, LubutoA/51/40

XA/62/40

X

X

821/1998, ChongweA/56/40

XA/56/40, A/57/40, A/59/40,A/61/40, A/64/40, A/66/40

X

856/1999, ChambalaA/58/40

XA/62/40

X

X

1132/2002, ChisangaA/61/40

XA/61/40, A/63/40, A/64/40, A/65/40

X