Nations Unies

A/HRC/RES/26/24

Assemblée générale

Distr. générale

14 juillet 2014

Français

Original: anglais

Conseil des droits de l’homme

Vingt-sixième session

Point 4 de l’ordre du jour

Situations relatives aux droits de l ’ homme qui requièrent l ’ attention du Conseil

Résolution adoptée par le Conseil des droits de l’homme

26/24Situation des droits de l’homme en Érythrée

Le Conseil des droits de l ’ homme,

S ’ inspirant de la Charte des Nations Unies, de la Déclaration universelle des droits de l’homme, des pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme et d’autres instruments internationaux pertinents relatifs aux droits de l’homme,

Rappelant la résolution 91 et les décisions 250/2002 et 275/2003 de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples,

Rappelant aussi ses résolutions 5/1, sur la mise en place des institutions du Conseil, et 5/2, sur le Code de conduite pour les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil, en date du 18 juin 2007, et soulignant que le titulaire de mandat doit s’acquitter de ses fonctions conformément à ces résolutions et à leurs annexes,

Rappelant en outre sesrésolutions 20/20 du 6 juillet 2012 et 23/21 du 14 juin 2013,

Soulignant que toute personne a le droit de prendre part à la gestion des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis, et se déclarant vivement préoccupé par l’absence d’élections nationales en Érythrée depuis1993,

Se déclarant une nouvelle fois profondément préoccupé par les informations faisant état de graves violations des droits de l’homme commises par les autorités érythréennes contre leur propre population et leurs concitoyens, notamment de violations des droits civils et politiques ainsi que des droits économiques, sociaux et culturels, et par le nombre alarmant de civils fuyant l’Érythrée par suite de ces violations,

Notant avec une profonde préoccupation quele Gouvernement érythréen continue d’avoir recours aux arrestations et à la détention arbitraires, notamment à la détention au secret et dans des conditions mettant la vie en danger, de personnes soupçonnées de se soustraire au service national, qui tentent de fuir le pays ou dont un membre de la famille l’a fui, qui ne peuvent pas présenter de documents d’identité, qui sont journalistes, qui exercent leur droit à la liberté de religion, qui sont perçues comme critiques du Gouvernement, ou qui reviennent au pays, ainsi que des personnes détenues à la suite de la prise de contrôle, le 21 janvier 2013, du bâtiment abritant le Ministère de l’information,

Se déclarant gravement préoccupé parle recours généralisé à la conscription pour une durée indéterminée, régime assimilable à du travail forcé, et par les informations faisant état de la conscription forcée de mineurs de moins de 18 ans, et regrettant que la crainte et l’expérience d’un service national de très longue durée poussent un grand nombre d’Érythréens à quitter le pays,

Se déclarant en outre gravement préoccupé par les informations indiquant que le Gouvernement érythréen force aussi des personnes à participer à sa milice citoyenne,

Réaffirmant que chacun a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays,

Prenant note de la participation de l’Érythrée au deuxième cycle de l’Examen périodique universel, tout en regrettant que le pays n’ait pas donné effet aux recommandations faites à l’issue du premier examen le concernant,

Prenant également note des efforts déployés par l’Érythrée pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement et pour promouvoir l’égalité des sexes et les avancées dans la réduction et l’élimination des mutilations génitales féminines, tout en soulignant que les changements sociaux durables sont subordonnés à l’établissement d’un cadre politique et juridique propice,

Rappelant les obligations qui incombent à l’Érythrée au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de la Convention relative aux droits de l’enfant, de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant,

Se déclarant toujours préoccupé par la non-coopération du Gouvernement érythréen avec la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en Érythrée, notamment par son refus d’autoriser la Rapporteuse spéciale à se rendre dans le pays,

Accueille avec satisfaction le deuxième rapport de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en Érythrée, qui est axé sur le service national à durée indéterminée assimilable à une forme de travail forcé et sur l’arrestation et la détention arbitraires;

Condamne fermement:

a)La poursuite des violations généralisées et systématiques des droits de l’homme et des libertés fondamentales commises par les autorités érythréennes, notamment les cas d’exécutions arbitraires et extrajudiciaires, les disparitions forcées, l’utilisation de la torture, la détention arbitraire et au secret sans recours à la justice et la détention dans des conditions inhumaines et dégradantes;

b)Les graves restrictions à la liberté d’opinion et d’expression, à la liberté de l’information, à la liberté de pensée, de conscience et de religion, et au droit de réunion pacifique et à la liberté d’association, notamment la détention de journalistes, de défenseurs des droits de l’homme, de personnalités politiques, et de chefs et officiants religieux en Érythrée;

c)La conscription forcée de citoyens pour des périodes de service national de durée indéterminée, régime assimilable à du travail forcé, et la pratique consistant à imposer à tous les enfants l’obligation d’effectuer la dernière année de leur scolarité dans un camp d’entraînement militaire, de même que l’intimidation et la détention de personnes soupçonnées de se soustraire au service national en Érythrée et des membres de leur famille;

d)La participation forcée d’Érythréens à la milice, et la détention de personnes soupçonnées de ne pas y participer;

e)Les graves restrictions à la liberté de circulation, y compris, mais pas uniquement, la détention arbitraire de personnes arrêtées alors qu’elles tentaient de fuir le pays ou soupçonnées d’avoir l’intention de le faire;

f)Les violations des droits de l’enfant, y compris, mais pas uniquement, la conscription forcée d’enfants dont des informations font état;

g)Le recours généralisé à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et l’utilisation de lieux de détention qui sont loin de satisfaire aux normes internationales, notamment de cellules en sous-sol ou de conteneurs métalliques de transport;

h)La pratique consistant à «tirer pour tuer» en usage aux frontières de l’Érythrée pour empêcher des Érythréens de fuir leur pays;

i)Toute violation par le Gouvernement érythréen de ses obligations internationales en matière de droits de l’homme en relation avec l’assujettissement à un impôt de ses nationaux hors de l’Érythrée;

j)Le manque de coopération de l’Érythrée avec les mécanismes internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme;

Demande de nouveau au Gouvernement érythréen d’agir sans tarder pour:

a)Mettre un terme à la détention arbitraire de ses nationaux et à l’utilisation de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

b)Rendre compte du sort tous les prisonniers politiques, y compris les membres du «G-15» et les journalistes, et les libérer;

c)Rendre compte du sort des personnes détenues à la suite de la prise de contrôle du bâtiment abritant le Ministère de l’information, le 21 janvier 2013, et les libérer ou veiller à ce qu’elles bénéficient d’un procès indépendant et équitable, dans le plein respect des garanties d’une procédure régulière;

d)Assurer aux détenus un accès libre et équitable à un système judiciaire indépendant et améliorer les conditions de détention, notamment en interdisant le placement de détenus dans des cellules en sous-sol ou des conteneurs, en mettant fin à l’utilisation de centres de détention et de tribunaux secrets et à la pratique de la détention au secret, et en autorisant les proches, les avocats, le personnel médical et les autres institutions et autorités habilitées et compétentes à avoir régulièrement accès aux détenus;

e)Mettre un terme au régime du service militaire à durée indéterminée en démobilisant les conscrits qui ont achevé leurs 18 mois de service militaire obligatoire et en mettant effectivement un terme à la pratique consistant à les soumettre au travail forcé après cette période, autoriser l’objection de conscience au service militaire et cesser d’imposer à tous les enfants l’obligation d’effectuer la dernière année de leur scolarité dans un camp d’entraînement militaire;

f)Mettre un terme à la pratique consistant à obliger les nationaux à participer à la milice;

g)Enquêter sans retard sur toutes les allégations d’exécutions extrajudiciaires, de torture, de viol et de violences sexuelles au sein du service national, et traduire les auteurs en justice;

h)Permettre aux organisations de défense des droits de l’homme et les organisations humanitaires d’opérer en Érythrée à l’abri de toute crainte ou intimidation, et faciliter la mise en œuvre complète du Cadre stratégique de coopération et de partenariat pour 2013-2016, qui a été signé par le Gouvernement érythréen et l’Organisation des Nations Unies le 28 janvier 2013;

i)Respecter le droit de chacun à la liberté d’expression et à la liberté de pensée, de conscience et de religion ou de conviction, ainsi que le droit de réunion pacifique et le droit à la liberté d’association;

j)Renforcer la promotion et la protection des droits de la femme, notamment en prenant des mesures supplémentaires pour combattre les pratiques nocives, telles que les mariages d’enfants, les mariages précoces et les mariages forcés et les mutilations génitales féminines;

k)Mettre en œuvre les recommandations formulées lors du deuxième Examen périodique universel, rendre compte des progrès accomplis et coopérer pleinement avec le Conseil des droits de l’homme, ainsi que dans le cadre de l’Examen périodique universel pendant son troisième cycle;

l)Mettre fin à la politique de la «culpabilité par association» visant les membres de la famille des personnes qui se soustraient au service national ou tentent de fuir l’Érythrée;

m)Coopérer pleinement avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, conformément à ses obligations internationales en matière de droits de l’homme, notamment en accordant toutes facilités d’accès à une nouvelle mission du Haut‑Commissariat, comme l’a demandé la Haut-Commissaire, ainsi qu’avec les organes créés en application d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et tous les mécanismes du Conseil des droits de l’homme, et coopérer avec tous les mécanismes internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme;

n)Communiquer au Haut-Commissariat toutes informations pertinentes sur l’identité, la sécurité et l’état de santé de toutes les personnes détenues et les personnes portées disparues au combat, y compris les membres du G-15, les journalistes, les personnes détenues au lendemain de la prise de contrôle du bâtiment abritant le Ministère de l’information, le 21 janvier 2013, et les 19 combattants djiboutiens, ainsi que sur le lieu où ils se trouvent;

o)Mettre pleinement en œuvre la Constitution érythréenne adoptée en 1997 et gouverner dans le respect des principes de l’état de droit;

Exhorte l’Érythrée à donner des informations sur les combattants djiboutiens disparus au combat depuis les affrontements survenus du 10 au 12 juin 2008, pour permettre aux parties concernées d’établir si des Djiboutiens sont retenus en tant que prisonniers de guerre et dans quelles conditions;

Décide de prolonger le mandat de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en Érythrée pour une durée d’un an et prie la Rapporteuse spéciale de faire rapport au Conseil des droits de l’homme à sa vingt-neuvième session et de prendre la parole devant l’Assemblée générale à sa soixante-neuvième session et d’engager un dialogue interactif avec l’Assemblée;

Invite le Haut-Commissaire à rendre compte au Conseil des droits de l’homme des progrès de la coopération entre l’Érythrée et le Haut-Commissariat;

Décide d’établir pour une durée d’un an une commission d’enquête composée de trois membres, dont la Rapporteuse spéciale, les deux autres membres étant désignés par le Président du Conseil des droits de l’homme;

Décide également que la commission enquêtera sur toutes les violations présumées des droits de l’homme en Érythrée, telles que signalées dans les rapports de la Rapporteuse spéciale;

Demande au Gouvernement érythréen de coopérer pleinement avec la Rapporteuse spéciale et la commission d’enquête, d’accorder à la Rapporteuse spéciale, à la commission d’enquête et au personnel qui les accompagne toutes facilités d’accès pour se rendre dans le pays, de prendre dûment en considération les recommandations figurant dans les rapports de la Rapporteuse spéciale et de communiquer à la Rapporteuse spéciale et à la commission d’enquête toutes les informations nécessaires à l’accomplissement de leur mandat, et souligne combien il importe que tous les États apportent leur concours à la Rapporteuse spéciale et à la commission d’enquête dans le cadre de l’exécution de leur mandat;

Exhorte la communauté internationale à coopérer pleinement avec la Rapporteuse spéciale et la commission d’enquête;

Exhorte aussi la communauté internationale à redoubler d’efforts pour garantir la protection des personnes qui fuient l’Érythrée, en particulier les enfants non accompagnés, qui sont toujours plus nombreux;

Prie le Secrétaire général de fournir à la Rapporteuse spéciale et à la commission d’enquête toutes les informations et les ressources nécessaires à l’accomplissement de leur mandat;

Prie la commission d’enquête de présenter oralement des informations actualisées au Conseil des droits de l’homme à sa vingt-huitième session et à l’Assemblée générale à sa soixante-dixième session, et de soumettre un rapport écrit au Conseil à sa vingt-neuvième session;

Décide de transmettre tous les rapports de la commission d’enquête à tous les organes compétents de l’Organisation des Nations Unies et au Secrétaire général pour suite à donner.

Décide aussi de rester saisi de la question.

39 e séance 27 juin 2014

[Adoptée sans vote]