Nations Unies

A/HRC/RES/32/24

Assemblée générale

Distr. générale

15 juillet 2016

Français

Original : anglais

Conseil des droits de l’homme

Trente-deuxième session

Point 4 de l’ordre du jour

Résolution adoptée par le Conseil des droits de l’homme le 1er juillet 2016

32/34.Situation des droits de l’homme en Érythrée

Le Conseil des droits de l’homme,

S’inspirant de la Charte des Nations Unies, de la Déclaration universelle des droits de l’homme, des Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme et d’autres instruments internationaux pertinents relatifs aux droits de l’homme,

Rappelant la résolution 91 et les décisions 250/2002 et 275/2003 de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples,

Rappelant aussi ses résolutions 5/1, sur la mise en place des institutions du Conseil des droits de l’homme, et 5/2, sur le Code de conduite pour les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil, en date du 18 juin 2007, et soulignant que le titulaire de mandat doit s’acquitter de ses fonctions conformément à ces résolutions et à leurs annexes,

Rappelant en outre ses résolutions 20/20 du 6 juillet 2012, 23/21 du 14 juin 2013, 26/24 du 27 juin 2014 et 29/18 du 2 juillet 2015,

Notant que l’Érythrée est partie aux instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme, et lui demandant instamment de respecter les obligations internationales qu’elle a contractées au titre de ceux-ci,

Notant également la participation de l’Érythrée au deuxième cycle de l’Examen périodique universel, son acceptation de 92 recommandations, et le programme qu’elle a adopté avec le Programme des Nations Unies pour le développement pour donner suite à ces recommandations, et demandant au Gouvernement érythréen de prendre immédiatement des mesures concrètes à cet égard,

Se félicitant de l’action menée par le Gouvernement érythréen pour protéger et promouvoir les droits économiques et sociaux de sa population, notamment grâce à la réalisation anticipée des objectifs du Millénaire pour le développement, et de son engagement en faveur des objectifs de développement durable,

Se félicitant également que le Gouvernement érythréen se soit engagé à promouvoir l’égalité des sexes, notamment au moyen de programmes destinés à mettre fin aux mutilations génitales féminines et d’une campagne visant à mettre fin aux mariages d’enfants,

Se félicitant en outre de la réunion entre le Gouvernement érythréen et les membres des missions d’évaluation technique organisées par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, notamment celle menée du 1er au 5 février 2016, tout en se déclarant préoccupé par leur accès limité au pays, et encourageant la tenue d’autres missions de ce genre,

Félicitant la Commission d’enquête sur les droits de l’homme en Érythrée pour les activités qu’elle mène à bien de façon transparente et impartiale et dans un esprit de concertation tout en regrettant le manque persistant de coopération du Gouvernement érythréen avec la Commission d’enquête et la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en Érythrée, notamment l’absence d’accès au pays,

Accueillant avec satisfaction les travaux de la Commission d’enquête sur les droits de l’homme en Érythrée, et prenant note de son rapport et de ses recommandations,

Soulignant que toute personne a le droit de prendre part à la gestion des affaires publiques de son pays, directement ou par l’intermédiaire de représentants librement choisis, et se déclarant vivement préoccupé par l’absence d’élections nationales en Érythrée depuis 1993 et par le fait que la Constitution de 1997 n’a jamais été appliquée,

Se déclarant profondément préoccupé par les conclusions de la Commission selon lesquelles elle a des motifs raisonnables de croire que des crimes contre l’humanité sont commis en Érythrée depuis 1991,

Se déclarant aussi profondément préoccupé par les conclusions de la Commission selon lesquelles les responsables érythréens n’ont cessé de commettre des crimes d’esclavage, d’emprisonnement, de disparition forcée et de torture, ainsi que d’autres actes inhumains, des actes de persécution, des viols et des assassinats,

Prenant note avec une vive préoccupation des conclusions de la Commission concernant les violations des droits de l’homme commises par le Gouvernement et des responsables du parti au pouvoir, des officiers militaires et des membres du Bureau de la sécurité nationale,

Notant que la Commission a identifié certains suspects et soigneusement tenu à jour les informations pertinentes susceptibles d’appuyer les efforts qui seront faits à l’avenir pour établir les responsabilités,

Notant avec une vive préoccupation que le Gouvernement érythréen continue d’avoir recours aux arrestations et aux détentions arbitraires, notamment à la détention au secret dans de rudes conditions mettant leur vie en danger, de personnes soupçonnées de se soustraire au service national, qui tentent de fuir le pays ou dont un membre de la famille l’a fui, qui ne peuvent pas présenter de documents d’identité, qui exercent leur droit à la liberté de religion ou d’opinion, qui sont perçues comme critiques à l’égard du Gouvernement, ou qui reviennent au pays, ainsi que de personnes détenues à la suite de la prise de contrôle, le 21 janvier 2013, du bâtiment abritant le Ministère de l’information,

Notant avec regret que des conscrits sont astreints au travail forcé dans tout un éventail d’activités économiques,

Se félicitant de la libération, par le Gouvernement érythréen, à la suite de la médiation du Gouvernement qatari, de 4 prisonniers de guerre djiboutiens le 18 mars 2016, tout en rappelant que 13 autres prisonniers de guerre djiboutiens sont toujours détenus en Érythrée,

Se déclarant gravement préoccupé par le recours généralisé à la conscription pour une durée indéterminée, régime assimilable à du travail forcé, et par les informations faisant état de la conscription forcée de mineurs, et regrettant que la crainte et l’expérience d’un service national de longue durée poussent un grand nombre d’Érythréens à quitter le pays,

Constatant avec une vive préoccupation que la situation des droits de l’homme en Érythrée est un facteur essentiel de l’augmentation du nombre d’Érythréens quittant leur pays, souvent au risque d’être enlevés, de subir des violences physiques et psychologiques abominables et d’autres mauvais traitements sur le chemin de l’émigration, notamment par des passeurs et des trafiquants d’êtres humains, tout en se félicitant que le Gouvernement érythréen participe à des instances multilatérales traitant des questions relatives à la traite,

Notant avec une profonde préoccupation les conclusions de la Commission concernant la persécution fondée sur l’appartenance religieuse ou ethnique, notamment l’évaluation selon laquelle il existe des motifs raisonnables de croire que les autorités érythréennes ont intentionnellement et gravement empêché les Érythréens des ethnies kunama et afar de jouir des droits de l’homme et des libertés fondamentales et que, au minimum, la persécution des membres de groupes religieux non autorisés se poursuit,

1.Accueille avec satisfaction les travaux de la Commission d’enquête sur les droits de l’homme en Érythrée1, souligne l’importance des informations qu’elle a recueillies à l’appui des efforts qui seront faits à l’avenir pour établir les responsabilités, et prie instamment le Gouvernement érythréen de prendre immédiatement des mesures concrètes pour mettre en œuvre ses recommandations ;

2.Se félicite du compte rendu oral que la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en Érythrée a présenté au Conseil des droits de l’homme à sa trente et unième session sur la question des enfants érythréens non accompagnés, et reconnaît les besoins de protection particuliers des enfants non accompagnés fuyant l’Érythrée et qui sont victimes de violations des droits de l’homme et d’atteintes à ces droits telles que, notamment, de traite, d’enlèvement en vue d’obtenir une rançon, de violences sexuelles et de torture ;

3.Condamne avec la plus grande fermeté les violations systématiques, généralisées et flagrantes des droits de l’homme qui ont été dénoncées et qui ont été et sont commises par le Gouvernement érythréen dans un climat d’impunité généralisée ;

4.Condamne en particulier les détentions arbitraires, les disparitions forcées, l’esclavage, les actes de torture, les assassinats, les violences sexuelles, la discrimination fondée sur l’appartenance religieuse ou ethnique et les représailles exercées lorsqu’un membre de la famille est soupçonné d’avoir commis des actes illicites, et les violations des droits de l’homme perpétrées dans le cadre d’un service national d’une durée indéterminée, notamment celles touchant au travail forcé, à la conscription forcée de mineurs et aux violences sexuelles ;

5.Note avec une vive inquiétude les graves restrictions de la liberté d’opinion et d’expression, du droit de rechercher, de recevoir et de répandre des informations, de la liberté de circulation, de la liberté de pensée, de conscience et de religion, et du droit de réunion pacifique et de libre association, ainsi que la détention de journalistes, de défenseurs des droits de l’homme, de personnalités politiques et de chefs et membres de groupes religieux en Érythrée ;

6.Demande de nouveau, comme il l’a fait de nombreuses fois, au Gouvernement érythréen d’agir sans tarder pour :

a)Mettre un terme à la détention arbitraire de personnes en Érythrée et à l’utilisation de la torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b)Rendre compte du sort de tous les prisonniers politiques, y compris les membres du groupe de réforme G-15 et les journalistes, et les libérer ;

c)Rendre compte du sort des personnes détenues à la suite de la prise de contrôle, le 21 janvier 2013, du bâtiment abritant le Ministère de l’information, et les libérer ou veiller à ce qu’elles bénéficient d’un procès équitable et transparent, dans un délai raisonnable et dans le plein respect des garanties d’un procès équitable ;

d)Assurer aux personnes détenues un accès libre, équitable et égal à un tribunal indépendant et impartial pour contester la légalité d’une détention, améliorer les conditions de détention, notamment en interdisant le placement de ces personnes dans des cellules en sous-sol ou des conteneurs, en mettant fin à l’utilisation de centres de détention secrets et à la pratique de la détention au secret, en autorisant les proches, les avocats et les autorités de surveillance indépendantes à avoir régulièrement accès aux personnes détenues, et permettre à ces dernières de bénéficier de soins médicaux sans retard, à intervalles réguliers et sans entrave ;

e)Mettre un terme au régime du service national à durée indéterminée en démobilisant les conscrits qui ont achevé leurs dix-huit mois de service militaire obligatoire, ainsi que l’a annoncé le Gouvernement érythréen, et en mettant effectivement un terme à la pratique consistant à les astreindre au travail forcé après cette période, autoriser l’objection de conscience au service militaire et cesser d’imposer à tous les enfants l’obligation d’effectuer la dernière année de leur scolarité dans un camp d’entraînement militaire ;

f)Mettre un terme à la pratique consistant à obliger les citoyens à participer à la milice ;

g)Enquêter sans retard sur toutes les allégations d’exécution extrajudiciaire, de torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de viol et de sévices sexuels dans le cadre du service national, et traduire les auteurs de tels actes en justice ;

h)Mettre un terme à la pratique consistant à tirer sur des citoyens qui tentent de passer la frontière pour fuir le pays afin de les blesser ou de les tuer, et confirmer la fin de cette pratique ;

i)Collaborer avec les organisations de défense des droits de l’homme et les organisations humanitaires et leur permettre d’opérer en Érythrée à l’abri de toute crainte ou intimidation, afin de faciliter la mise en œuvre complète du Cadre de coopération pour le partenariat stratégique 2013-2016, qui a été signé par le Gouvernement érythréen et l’Organisation des Nations Unies le 28 janvier 2013, et d’autres projets relatifs aux droits de l’homme ;

j)Respecter le droit de chacun à la liberté d’expression, de pensée, de conscience et de religion ou de conviction, ainsi que le droit de réunion pacifique et la liberté d’association ;

k)Renforcer encore la promotion et la protection des droits des femmes, notamment en prenant des mesures supplémentaires pour lutter contre les pratiques préjudiciables telles que les mariages d’enfants, les mariages précoces et les mariages forcés ainsi que les mutilations génitales féminines ;

l)Mettre en œuvre les recommandations formulées lors du deuxième Examen périodique universel, rendre compte des progrès accomplis et coopérer pleinement avec le Conseil des droits de l’homme, ainsi que dans le cadre de l’Examen périodique universel pendant son troisième cycle ;

m)Mettre fin à la politique de la « culpabilité par association » visant les membres de la famille des personnes qui se soustraient au service national, cherchent à fuir l’Érythrée ou auraient commis tout autre crime ;

n)Renforcer sa coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme conformément aux obligations internationales qui lui incombent en matière de droits de l’homme, et envisager de l’inviter à établir une présence investie d’un mandat général dans le pays ;

o)Accorder un accès au pays sans entrave aux nouvelles missions du Haut-Commissariat, aux organes conventionnels des droits de l’homme et à tous les mécanismes du Conseil des droits de l’homme, et coopérer avec tous les mécanismes internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme ;

p)Communiquer au Haut-Commissariat toutes informations pertinentes sur l’identité, la sécurité et l’état de santé de toutes les personnes détenues ou disparues au combat, y compris les membres du G15, les journalistes, les personnes détenues à la suite de la prise de contrôle, le 21 janvier 2013, du bâtiment abritant le Ministère de l’information et les 13 combattants djiboutiens, ainsi que sur le lieu où ils se trouvent ;

q)Autoriser la création de partis politiques et garantir leur participation politique, et organiser à tous les niveaux des élections démocratiques qui soient libres, équitables et transparentes ;

r)Rendre compte des modalités du groupe d’experts chargé d’élaborer une constitution pour l’Érythrée, ainsi que des progrès réalisés à cet égard, appliquer la Constitution de 1997 en attendant l’adoption d’un nouveau texte et gouverner dans le respect des principes de l’état de droit ;

7.Encourage les États où résident des témoins à protéger ceux qui ont coopéré avec la Commission d’enquête et la Rapporteuse spéciale, en particulier contre d’éventuelles représailles ;

8.Prend note de la conclusion de la Commission selon laquelle un mécanisme régional pourrait être créé pour établir les responsabilités en Érythrée, la Commission ayant affirmé que ni un tribunal mixte ni une commission de vérité ne constitueraient une option viable en l’espèce ;

9.Exhorte l’Érythrée à donner des informations sur les combattants djiboutiens disparus au combat depuis les affrontements survenus du 10 au 12 juin 2008, de façon à permettre aux parties concernées d’établir si des Djiboutiens sont retenus en tant que prisonniers de guerre et dans quelles conditions ;

10.Décide de prolonger le mandat de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en Érythrée pour une durée d’un an, et prie la titulaire du mandat d’assurer le suivi de la mise en œuvre des recommandations de la Commission d’enquête dans son rapport, de présenter un compte rendu oral au Conseil des droits de l’homme à sa trentième-quatrième session, de présenter un rapport écrit sur la situation des droits de l’homme en Érythrée au Conseil à sa trente-cinquième session et de prendre la parole devant l’Assemblée générale et d’engager avec elle un dialogue à sa soixante et onzième session ;

11.Engage le Gouvernement érythréen à coopérer pleinement avec la Rapporteuse spéciale, à accorder à celle-ci et à ses collaborateurs un accès sans restriction pour se rendre dans le pays, à prendre dûment en considération les recommandations figurant dans les rapports de la Rapporteuse spéciale et à communiquer à celle-ci toutes les informations nécessaires à l’accomplissement de son mandat, et souligne combien il importe que tous les États apportent leur concours à la Rapporteuse spéciale dans le cadre de l’exécution de son mandat ;

12.Prie le Haut-Commissariat de continuer d’intensifier l’action visant à améliorer la situation des droits de l’homme en Érythrée et de présenter un compte rendu oral au Conseil des droits de l’homme à sa trente-cinquième session sur les progrès accomplis dans la coopération entre l’Érythrée et le Haut-Commissariat et son incidence sur la situation des droits de l’homme en Érythrée ;

13.Exhorte la communauté internationale à redoubler d’efforts et à collaborer davantage pour assurer la protection des personnes qui fuient l’Érythrée, en particulier des enfants non accompagnés ;

14.Encourage les entreprises à appliquer de façon appropriée une procédure de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme pour identifier leurs incidences sur ces droits, prévenir ces incidences et en atténuer les effets, et rendre compte de la manière dont elles y remédient, notamment s’agissant des allégations concernant les conscrits astreints au travail forcé ;

15.Encourage les États Membres à redoubler d’attention quant à la situation des droits de l’homme en Érythrée et, si possible, à augmenter les ressources pour améliorer celle-ci en renforçant leur collaboration avec le Gouvernement érythréen ;

16.Prie le Secrétaire général de fournir à la Rapporteuse spéciale toutes les informations et les ressources nécessaires à l’accomplissement de son mandat ;

17.Prie l’Assemblée générale de soumettre le rapport et les comptes rendus oraux de la Commission d’enquête à tous les organes compétents de l’ONU pour examen et suite à donner ; 

18.Encourage énergiquement l’Union africaine à donner suite au rapport et aux recommandations de la Commission d’enquête sur les droits de l’homme en Érythrée en ouvrant une enquête, soutenue par la communauté internationale, dans le but d’enquêter sur les violations des droits de l’homme, ou d’atteintes à ces droits, identifiées par la Commission d’enquête, y compris celles susceptibles de constituer un crime contre l’humanité, et de poursuivre les responsables en justice ;

19.Décide de rester saisi de la question.

45 e séance 1 er juillet 2016

[Adoptée sans vote.]