Nations Unies

A/HRC/22/53/Add.2

Assemblée générale

Distr. générale

30 avril 2013

Français

Original: anglais

Conseil des droits de l ’ homme

Vingt-deuxième session

Point 3 de l’ordre du jour

Promotion et protection de tous les droits de l ’ homme , civils, politiques, économiques, sociaux et culturels ,

y compris le droit au développement

Rapport du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Juan E. Méndez

Additif

Mission au Maroc * , ** , ***

Résumé

Le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a effectué une visite au Maroc du 15 au 22 septembre 2012.

Le Rapporteur spécial tient à remercier le Gouvernement de l’avoir invité à se rendre dans le pays, montrant ainsi sa volonté d’ouvrir le Maroc à un examen indépendant et objectif de sa situation dans le domaine des droits de l’homme.

Le Rapporteur spécial prend acte avec satisfaction des efforts fournis par les autorités pour traiter par le biais de l’Instance équité et réconciliation les séquelles des violations des droits de l’homme commises pendant les «années de plomb» et se félicite, de manière générale, de l’émergence d’une culture des droits de l’homme au Maroc. Il note toutefois que la torture et les mauvais traitements n’ont pas disparu. Il constate que la pratique des traitements cruels persiste dans les affaires pénales de droit commun et que, dans les situations de forte tension, comme par exemple en cas de menace perçue à la sécurité nationale, de terrorisme ou de manifestation de masse, il y a un recours accru aux actes de torture et aux mauvais traitements lors de l’arrestation et pendant la détention. Même si les mauvais traitements subis par des détenus semblent être infligés essentiellement pendant la période initiale de la détention, des cas ont également été relevés dans des phases ultérieures.

Le Rapporteur spécial note aussi l’absence apparente d’enquêtes rapides et approfondies sur tous les cas de torture et de mauvais traitements, de poursuites à l’encontre des auteurs, de recours utiles et de réparations, y compris sous la forme de services de réadaptation, pour toutes les victimes de tortures et de mauvais traitements. À cet égard, il tient à souligner que le système médico-légal marocain devrait être revu d’urgence et réformé, dans la mesure où il ne garantit pas actuellement la détection, la documentation et une évaluation médico-légale correcte de tout cas présumé de torture et de mauvais traitements; selon le Rapporteur spécial, c’est peut-être là une des raisons de la non-application de la règle d’exclusion des éléments de preuve obtenus sous la torture.

Le Rapporteur spécial note que dans la plupart des prisons les conditions demeurent alarmantes du fait du surpeuplement, de mauvais traitements et de mesures disciplinaires abusives, de mauvaises conditions d’hygiène, d’une nourriture inadéquate et d’un accès limité aux soins médicaux. Il note avec satisfaction les efforts du Gouvernement pour augmenter le nombre des visites dans les lieux de détention, notamment celles effectuées par le Conseil national des droits de l’homme.

Le Rapporteur spécial demande à la communauté internationale d’aider le Maroc dans sa lutte contre la torture et les mauvais traitements en lui apportant un appui financier et technique.

Annexe

[Anglais , arabe et français seulement]

Rapport du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sur sa mission au Maroc (15-22 septembre 2012)

Table des matières

Paragraphes Page

I.Introduction1−54

II.Cadre juridique6−104

A.Au niveau international6−74

B.Au niveau national8−105

III.Évaluation de la situation11−676

A.Pratique de la torture et mauvais traitements13−256

B.Garanties et prévention26−418

C.Conditions de détention42−6711

IV.Conclusions et recommandations68−9816

A.Conclusions68−8516

B.Recommandations86−9818

I.Introduction

1.Le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Juan E. Méndez, a effectué une visite au Maroc, du 15 au 22 septembre 2012, à l’invitation du Gouvernement. Il a également visité Laâyoune, au Sahara occidental, les 17 et 18 septembre 2012.

2.Le Rapporteur spécial s’est entretenu avec les Ministres des affaires étrangères, de la justice, de l’intérieur et de la santé et des représentants de la Délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion et du Bureau du Procureur général du Roi près la Cour de cassation. Il a également rencontré des représentants du Ministère de la jeunesse et des sports, de la Direction des affaires pénales et des grâces, du Parquet général auprès de la Cour de cassation, de l’Institut supérieur de la magistrature, de la Direction générale de la sécurité nationale, du Ministère chargé des relations avec le Parlement et la société civile ainsi que le responsable et le personnel de la Délégation interministérielle aux droits de l’homme, le Président et les membres du Conseil national des droits de l’homme (CNDH), des représentants de bureaux régionaux du CNDH et d’anciens membres de l’Instance équité et réconciliation. Il s’est en outre entretenu avec des représentants d’organismes des Nations Unies et d’organisations non gouvernementales et avec des victimes de la torture et des membres de leur famille.

3.À Laâyoune, au Sahara occidental, le Rapporteur spécial s’est entretenu avec le Wali (gouverneur) de la région et des représentants des Ministères de la santé, de la justice et des libertés et de la jeunesse et des sports, de la Direction générale de la sécurité nationale, de la Gendarmerie royale, de la Délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion et du bureau régional du CNDH. Il a en outre rencontré des représentants de la population sahraouie, des représentants d’organisations de la société civile et des victimes de la torture et des membres de leur famille. Il a aussi eu un entretien avec le Représentant spécial du Secrétaire général, qui est le Chef de la Mission des Nations Unies pour le référendum au Sahara occidental (MINURSO).

4.Le Rapporteur spécial tient à remercier la Délégation interministérielle aux droits de l’homme d’avoir facilité sa visite et à exprimer sa gratitude au Gouvernement, qui lui a permis d’accéder sans entrave à tous les lieux de détention, comme le requiert le mandat des missions d’établissement des faits des rapporteurs spéciaux (E/CN.4/1998/45, appendice V).

5.Le Rapporteur spécial a communiqué ses conclusions préliminaires au Gouvernement le 22 septembre 2012, à la fin de la visite, et le 23 novembre, le Gouvernement a fait part de ses commentaires sur la déclaration de fin de mission. Le Rapporteur spécial a transmis une version préliminaire du rapport de la mission au Gouvernement, qui a formulé le 19 février 2013 des observations qui ont été prises en considération avant l’établissement du rapport définitif.

II.Cadre juridique

A.Au niveau international

6.Le Maroc est partie à la plupart des instruments de l’ONU relatifs aux droits de l’homme qui interdisent la torture et les mauvais traitements, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention relative aux droits de l’enfant, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Convention relative au statut des réfugiés et le Protocole s’y rapportant. Le Maroc a approuvé une loi d’adhésion au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture mais n’a pas encore déposé son instrument de ratification.

7.Le Maroc a signé le Statut de Rome de la Cour pénale internationale mais ne l’a pas ratifié; il est partie à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

B.Au niveau national

Dispositions constitutionnelles et législatives

8.L’article 22 de la nouvelle Constitution de juillet 2011 dispose qu’il ne peut être porté atteinte à l’intégrité physique ou morale de quiconque, en quelque circonstance que ce soit et par quelque personne que ce soit, privée ou publique, et que nul ne doit infliger à autrui, sous quelque prétexte que ce soit, des traitements cruels, inhumains, dégradants ou portant atteinte à la dignité, et que la pratique de la torture, sous toutes ses formes, et par quiconque, est un crime puni par la loi. Le Rapporteur spécial se félicite de l’inscription de ces principes dans la Constitution et de la volonté de leur accorder la primauté.

9.Le Code pénal et le Code de procédure pénale érigeaient déjà en infraction la torture avant 2011. La loi no 43-04, qui modifie et complète le Code pénal de 1962, a été adoptée le 14 février 2006. Selon la définition qui figure à l’article 231-1 du Code pénal, le terme torture désigne «tout fait qui cause une douleur ou une souffrance aiguë physique ou mentale, commis intentionnellement par un fonctionnaire public ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite, infligé à une personne aux fins de l’intimider ou de faire pression sur elle ou de faire pression sur une tierce personne, pour obtenir des renseignements ou des indications ou des aveux, pour la punir pour un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis ou lorsqu’une telle douleur ou souffrance est infligée pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit. Ce terme ne s’étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légales ou occasionnées par ces sanctions ou qui leur sont inhérentes». Les articles 231-2 à 231-8 du Code pénal fixent les peines pour l’acte de torture, qui vont de cinq à trente ans d’emprisonnement, en fonction de la gravité de l’infraction.

10.Le Rapporteur spécial estime qu’il est nécessaire d’apporter d’autres modifications à la définition de la torture pour la mettre en conformité avec le droit international relatif aux droits de l’homme. Tout en reconnaissant que la définition qui figure à l’article 231-1 du Code pénal englobe les principaux éléments de l’article premier de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, il note qu’elle ne couvre pas la complicité ou le consentement exprès ou tacite d’un fonctionnaire chargé d’appliquer la loi ou d’un membre des forces de sécurité ou de toute autre personne agissant à titre officiel. Les dispositions de cet article ne prévoient pas de peine pour les agents de l’État qui consentent à des actes de torture ou les couvrent. Bien que de telles formes de participation aux actes de torture soient peut-être visées par d’autres dispositions du droit marocain, il serait préférable, compte tenu de la gravité de cette pratique, que cette norme mentionne expressément et érige en infraction la commission d’actes de torture par le biais de tierces personnes.

III.Évaluation de la situation

11.Le Rapporteur spécial perçoit l’émergence d’une culture des droits de l’homme et une volonté de la part de différentes autorités, notamment le Ministère des affaires étrangères et la Délégation interministérielle aux droits de l’homme, de bâtir une culture institutionnelle qui permette d’interdire et de prévenir la torture et les mauvais traitements.

12.Le Rapporteur spécial se félicite des efforts déployés entre 2003 et 2005 par le mécanisme de justice de transition, l’Instance équité et réconciliation, pour enquêter sur les violations flagrantes, généralisées et systématiques des droits de l’homme commises au Maroc entre 1956 et 1999 (période que les Marocains appellent «les années de plomb»), dont de nombreux cas de torture et de mauvais traitements. Il note toutefois que les victimes ou leur famille n’ont pas toutes été indemnisées et que, dans certains cas, l’indemnisation n’était pas équitablement répartie, suffisante ou effective. En outre, à l’instar du Comité contre la torture, le Rapporteur spécial craint que les activités de l’Instance n’aient pas brisé le cycle de l’impunité de facto des auteurs des violations de la Convention commises pendant cette période, dans la mesure où, à ce jour, aucun d’entre eux n’a été poursuivi.

A.Pratique de la torture et mauvais traitements

13.La situation sur le terrain concernant la pratique de la torture s’est améliorée depuis «les années de plomb». Le Rapporteur spécial a toutefois reçu des témoignages crédibles au sujet de pressions physiques et mentales exercées indûment sur des détenus pendant les interrogatoires dans des affaires de droit commun et, plus particulièrement, dans des affaires touchant la sûreté de l’État. Ces témoignages sont largement corroborés par des rapports médico-légaux selon lesquels les mauvais traitements infligés pendant cette phase de la détention étaient normalement de courte durée, consistant essentiellement en des traumatismes causés par des coups de poing, des coups de pied, des gifles et, parfois, des coups assénés avec différents objets, et des menaces verbales. Dans quelques cas, des détenus se sont plaints de torture et de mauvais traitements physiques plus graves: falaqa (coups de bâton sur la plante des pieds), décharges électriques aux testicules, insertion d’objets étrangers dans l’anus, simulacres de noyade, etc.

1.Cas présumés de terrorisme ou de menace contre la sécurité nationale

14.Le Rapporteur spécial est vivement préoccupé par plusieurs témoignages relatifs au recours à la torture et aux mauvais traitements dans des cas présumés de terrorisme ou de menace contre la sécurité nationale. Dans de telles circonstances, des actes de torture et des mauvais traitements systématiques pendant la détention et lors de l’arrestation peuvent être relevés.

15.Dans de telles situations, il semble que souvent les suspects ne sont pas officiellement enregistrés, qu’ils sont détenus pendant des semaines sans être présentés à un juge et sans contrôle judiciaire, et que leurs familles ne sont informées de leur détention que lorsqu’ils sont transférés dans les locaux de la police pour signer des aveux. Selon les informations reçues, dans de nombreux cas, les victimes sont alors conduites à un poste de police, où une enquête préliminaire, datée du jour du transfert au poste pour éviter le dépassement des délais de garde à vue, est ouverte.

16.D’autre part, la loi (no 03-03) contre le terrorisme de 2003 permet de porter la durée de la garde à vue à quatre-vingt-seize heures renouvelables deux fois. Ceci signifie que le détenu peut être gardé pendant douze jours avec l’accord écrit du procureur avant d’être présenté à un juge d’instruction. En outre, il n’est possible de communiquer avec un avocat que quarante-huit heures après la prorogation de la garde à vue. En conséquence, un détenu peut être privé de tout contact avec le monde extérieur pendant six jours avant d’être autorisé à s’entretenir avec un avocat pendant une demi-heure et seulement sous la surveillance d’un officier de police (art. 66, par. 10 du Code de procédure pénale). Le Rapporteur spécial note que ces dispositions, qui restreignent l’exercice de garanties essentielles telles que le droit d’accéder rapidement à un conseil, augmentent considérablement le risque de torture.

17.Le Rapporteur spécial a examiné de nombreux cas qui se sont produits après les attentats commis le 16 mai 2003 à Casablanca, à la suite desquels des milliers de suspects ont été arrêtés, souvent par des fonctionnaires de la Direction générale de la surveillance du territoire (DST) et détenus au secret ou dans des lieux de détention secrets. Il a également entendu des témoignages de personnes soupçonnées de terrorisme récemment arrêtées. Il semble qu’actuellement la torture soit utilisée sur une large échelle pour obtenir des aveux dans les affaires touchant la sécurité nationale. Les tortures infligées consistent à frapper les personnes concernées avec un bâton et un tuyau, à les suspendre pendant de longues périodes, à les frapper sur la plante des pieds (falaqa), à les gifler, à les frapper en particulier de la paume de la main, sur les oreilles, à leur donner des coups de pied, à les exposer à des températures extrêmes, à les agresser sexuellement ou à les menacer d’agressions sexuelles.

18.Le Rapporteur spécial note que même si des délégations du Parlement et du CNDH ont déclaré en mai 2011 n’avoir trouvé aucune preuve de l’existence d’un lieu de détention situé dans les locaux de la DST à Témara, des témoignages indiquent que des personnes sont détenues au secret dans ce lieu et dans d’autres. Bien que l’article 23 de la Constitution dispose expressément que la détention secrète ou arbitraire et la disparition forcée sont des crimes de la plus grande gravité, le Rapporteur spécial note avec une profonde préoccupation que la détention au secret a été pratiquée dans le passé et continue de l’être.

19.Le Rapporteur spécial a constaté que les détenus reconnus coupables d’infractions liées au terrorisme continuaient d’être soumis à la torture et à des mauvais traitements pendant l’exécution de leur peine. La plupart de ces personnes sont détenues dans les prisons de Salé 1 et 2 et celle de Toulal à Meknès. Le Rapporteur spécial a reçu de nombreuses informations faisant état d’agressions sexuelles et de menaces de représailles en cas de plainte, en particulier après le soulèvement dans la prison de Salé 2, le 16 mai 2011. Dans ce contexte, il est également fait état d’un recours excessif, en guise de mesure disciplinaire, à l’isolement cellulaire pendant des périodes allant de plusieurs jours à plusieurs semaines.

2.Usage excessif de la force pendant les manifestations

20.Le Rapporteur spécial a reçu des informations crédibles concernant l’usage excessif de la force par la police pendant les manifestations qui ont eu lieu à Rabat et dans plusieurs autres villes en février et en mars 2011 (Mouvement du 20 février) pour la réforme de la Constitution et de la démocratie. Les forces de sécurité auraient plusieurs fois agressé les manifestants, faisant au moins un mort et de nombreux blessés.

21.Le Rapporteur spécial a reçu des témoignages similaires concernant l’usage excessif de la force pendant des manifestations, dans le contexte de ce que l’on a appelé les événements du 15 mai 2012 à Rabat, à Fez, à Tanger et à Témara, localité où les manifestants réclamaient la fermeture du centre présumé de détention secrète de la ville. En outre, il a reçu des informations selon lesquelles, le 29 mai 2012, une manifestation organisée dans la ville de Safi a été violemment dispersée par les forces de sécurité. Un manifestant, sauvagement battu par les forces de police, avait succombé à ses blessures le 2 juin 2011.

22.Le Gouvernement a expliqué que la plupart des manifestations susmentionnées n’avaient pas été autorisées et avaient donc été légitimement dispersées mais le Rapporteur spécial tient à rappeler que l’usage excessif de la force est interdit par le droit international et que les fonctionnaires chargés d’appliquer la loi étaient tenus d’utiliser, dans l’exercice de leurs fonctions, des moyens non violents avant de recourir à la force et d’employer des armes à feu. En fonction de l’intensité et de l’acuité des douleurs et des souffrances infligées, l’usage excessif de la force peut être assimilé à un traitement cruel, inhumain ou dégradant ou même à un acte de torture.

23.En outre, le Rapporteur spécial a examiné des cas de violence à l’encontre de manifestants après leur arrestation, notamment des passages à tabac pendant le transfert vers des postes de police et les interrogatoires et l’obtention par la contrainte d’aveux qui ont été ultérieurement utilisés devant les tribunaux pour obtenir une condamnation à une peine de prison.

3.Migrants, réfugiés et demandeurs d’asile

24.Le Rapporteur spécial a reçu des informations faisant état de passages à tabac et de violences sexuelles subis par les migrants subsahariens tentant chaque année de se rendre en Europe par le détroit de Gibraltar ou via Ceuta et Melilla. Le Rapporteur spécial a recueilli des témoignages faisant état d’un ensemble d’abus systématiques subis par ces migrants, qui sont frappés avec des bâtons, des pierres ou d’autres objets, agressés sexuellement ou menacés d’agression sexuelle et soumis à d’autres formes de mauvais traitements consistant à les attacher avec des cordes, à leur causer des brûlures avec des briquets et à leur uriner dessus. Il a en outre entendu que les victimes étaient ensuite abandonnées dans des ravins ou des forêts ou qu’ils allaient se cacher dans de tels lieux, où aucune assistance ne pouvait leur être apportée.

25.Le Rapporteur spécial est également préoccupé par les informations concernant l’expulsion illégale et collective de centaines de migrants vers l’Algérie et la Mauritanie, où ils seraient soumis à la torture et à des mauvais traitements, et, notamment, abandonnés en zone grise sans assistance, le plus souvent près d’Oujda. Selon d’autres témoignages, le principe de non-refoulement des personnes qui risquent d’être torturées n’est pas respecté par les autorités marocaines.

B.Garanties et prévention

1.Accès à un avocat

26.L’article 23 de la nouvelle Constitution dispose que toute personne détenue doit bénéficier, au plus tôt, d’une assistance judiciaire et de la possibilité de contacter ses proches, conformément à la loi. Le Code de procédure pénale autorise un entretien d’une demi-heure avec un avocat sur autorisation du Bureau du Procureur, pendant les premières vingt-quatre heures qui suivent l’arrestation, en la présence d’un officier de la police judiciaire. À la demande de ce dernier, le Bureau du Procureur peut retarder le contact avec un avocat pendant douze heures supplémentaires après les premières vingt-quatre heures de garde à vue. Des témoignages d’avocats indiquent que dans la pratique l’accès à leurs clients dans les délais fixés par la loi leur est souvent refusé. Il semble que, dans la plupart des cas, les avocats ne voient leurs clients qu’à la première audience devant le juge. Selon la procédure prévue dans la loi no 03‑03 contre le terrorisme, la garde à vue peut durer trois périodes successives de quatre-vingt-seize heures, pendant lesquelles l’avocat ne jouit d’aucun véritable droit sauf celui de s’entretenir sous surveillance avec son client pendant une demi-heure, au plus tôt, au milieu de cette période de douze jours. En outre, il y a un risque évident que même ces clauses soient violées par un simple retard dans l’enregistrement de la date et l’heure de l’arrestation.

2.Preuves obtenues sous la torture et absence d’enquêtes d’office

27.L’article 293 du Code de procédure pénale dispose que, comme tout autre moyen de preuve, les aveux sont soumis à l’appréciation du juge, et que tout aveu obtenu sous la torture est irrecevable. Le Rapporteur spécial a toutefois appris que les tribunaux et les procureurs ne respectaient pas l’obligation d’ouvrir d’office une enquête lorsqu’il y avait des motifs raisonnables de croire que des aveux avaient été obtenus par la torture et des mauvais traitements, ou d’ordonner immédiatement un examen médical indépendant (voir art. 74 8) et 135 5) du Code de procédure pénale) s’ils soupçonnent que le détenu a été soumis à des mauvais traitements. Les juges semblent disposés à accepter des aveux sans essayer de les étayer par d’autres éléments de preuve même si la personne se rétracte au tribunal et affirme avoir été torturée. En outre, les témoignages reçus indiquent que de nombreuses affaires soumises aux tribunaux reposent entièrement sur les aveux de l’accusé, en l’absence de toute preuve matérielle. Cela crée des conditions qui encouragent la torture et la maltraitance des suspects.

3.Absence d’enquête effective sur les allégations de torture

28.Le Rapporteur spécial a été informé que souvent, lorsque les défendeurs essayaient de prouver devant le tribunal qu’ils avaient subi un préjudice corporel, le juge réagissait en mettant en doute la crédibilité de ceux d’entre eux qui n’avaient pas soulevé la question plus tôt, lors de la première présentation au procureur ou au juge d’instruction après la garde à vue. À la demande du Rapporteur spécial, le Gouvernement a fourni des statistiques sur le nombre d’enquêtes menées contre des agents de l’État, en particulier des membres de la Gendarmerie royale, de la police judiciaire et des services des douanes entre 2009 et 2012. Les chiffres fournis par le Gouvernement indiquent que pendant ces quatre années, 220 agents de la force publique ont fait l’objet d’enquêtes pour des actes de violence et d’autres formes d’abus de pouvoir. Bien que, faute d’information, il ne soit pas possible de tirer toutes les conclusions de ces statistiques, le Rapporteur spécial note avec préoccupation qu’il semble qu’aucune personne n’ait été poursuivie ou condamnée au titre de l’article 231-1 du Code pénal. Les fonctionnaires qui ont fait l’objet de poursuites étaient accusés de coups et blessures mais pas de torture. La plupart des 220 agents susmentionnés sont encore en examen ou ont été déclarés non coupables. Les rares policiers qui ont été reconnus coupables ont été condamnés à des peines légères telles qu’une amende ou une suspension, quelques‑uns seulement se sont vu infliger une peine plus sévère.

29.Le Rapporteur spécial note qu’il n’y a apparemment pas de condamnations au titre de l’article 231-1 du Code pénal. Il conclut qu’étant donné qu’aucune véritable mesure disciplinaire n’a été imposée et que peu d’actions en justice ont été intentées contre des fonctionnaires accusés de torture, un climat d’impunité semble régner en ce qui concerne les événements de ces dernières années ainsi que les violations flagrantes des droits de l’homme commises sur une vaste échelle entre 1956 et 1999.

30.En outre, il est impératif que le Maroc engage des poursuites contre les agents de l’État qui ordonnent, cautionnent ou dissimulent des actes de torture, abusant de manière flagrante de leur autorité en tant que supérieurs, notamment dans des situations où ils savent ou auraient dû savoir que des actes de torture sont sur le point d’être commis, en cours de commission ou ont déjà été commis.

4.Charge de la preuve et examens médicaux indépendants

31.Dans le cas des infractions passibles de cinq ans d’emprisonnement ou plus, le Code de procédure pénale ne contient aucune instruction particulière sur la manière dont le tribunal doit traiter les rapports de police: ces rapports constituent normalement des éléments de preuve parmi d’autres, soumis à l’appréciation du juge. En revanche, dans le cas des infractions passibles d’une peine de moins de cinq ans, les règles de la preuve sont différentes. En vertu de l’article 290 du Code de procédure pénale, le tribunal doit considérer un rapport établi par la police judiciaire comme digne de foi, à moins que le défendeur ne démontre qu’il ne l’est pas. Cette présomption impose une charge de la preuve inéquitable au défendeur, qui doit réfuter la véracité d’un rapport de police contenant une déclaration qui lui a été attribuée en l’absence de tout témoin, et habilite le tribunal à se contenter d’une vérification de pure forme des allégations de torture ou de mauvais traitements du défendeur, sauf s’il y a des traces évidentes de torture sur son corps.

32.Dans ce contexte, le Rapporteur spécial note avec satisfaction que le Ministre de la justice et des libertés a déclaré en public le 27 septembre 2012, après la visite du Rapporteur, qu’il allait lancer un nouveau projet d’enregistrement vidéo de toutes les déclarations faites à la police pendant l’enquête et les interrogatoires. Le Rapporteur spécial note cependant que cette mesure n’est pas suffisante pour prévenir la torture ou les mauvais traitements. Il rappelle que le droit d’être assisté par un avocat à tous les stades de l’enquête et, en particulier, dès l’arrestation, demeure une des garanties fondamentales contre la torture.

33.Il ressort des statistiques du Gouvernement qu’en 2011, 33 examens médicaux seulement ont été ordonnés (20 par le Bureau du Procureur général et 13 par des juges d’instruction), et qu’en 2010, le Bureau du Procureur général et les juges d’instruction en ont ordonné 21 et 16 respectivement. On ignore cependant si ces examens, dont le nombre est faible, avaient tous trait à des allégations de torture.

34.En outre, il n’y a pas d’examens médico-légaux effectués de manière systématique ou au hasard au moment du placement en détention et de la libération. Il est nécessaire d’établir d’urgence des mécanismes propres à garantir un examen médico-légal impartial et indépendant des détenus, mené par un personnel qualifié même lorsque la police ou les autorités judiciaires n’en font pas la demande.

35.Le Rapporteur spécial a examiné un échantillon de certificats médicaux; il note avec préoccupation que la plupart des examens médicaux sont effectués non pas par des experts médico-légaux mais par de simples cliniciens figurant dans les listes d’«experts» des tribunaux. Ces personnes n’ont aucune formation ou compétence spécifique en matière de médecine légale. Les rapports médicaux produits à la suite d’allégations de torture et de mauvais traitements sont de très mauvaise qualité; ils ne sont pas conformes aux normes minimales internationales régissant les examens médico-légaux auxquels ont droit les victimes et ne sont pas acceptables en tant que preuves médico-légales. Ni le personnel de santé des prisons ni les cliniciens qui remplissent la fonction d’expert auprès des tribunaux n’ont la formation requise pour évaluer, interpréter et documenter les actes de torture et les mauvais traitements.

36.Le Rapporteur spécial note que c’est peut-être là une des raisons de la non-application de la règle d’exclusion des éléments de preuve obtenus sous la torture. Même lorsqu’un procureur ou un juge ordonne un examen médical, la mauvaise qualité des rapports médico-légaux établis fait qu’ils ne sont guère utiles aux procureurs et aux juges lorsqu’ils ont à prendre une décision. L’aveu ou la déclaration reste donc au dossier et aucun effort sérieux n’est fait pour mener une enquête et poursuivre et punir les auteurs.

5.Surveillance et inspection des lieux de détention

37.Les postes de police sont placés en vertu de la loi sous le contrôle effectif du Bureau du Procureur général. Les responsables des postes de police dans lesquels le Rapporteur spécial s’est rendu ont confirmé qu’ils recevaient des visites régulières du Bureau du Procureur général. Toutefois aucun chiffre n’a été donné quant à la fréquence de ces visites.

38.L’article 249 du Code de procédure pénale dispose que le Président de la Chambre pénale ou son représentant visite les prisons au moins une fois tous les trois mois pour s’enquérir de la situation des prisonniers en détention provisoire et de la justification de leur détention, et lui donne la possibilité de faire des recommandations directes au juge d’instruction à ce propos. Toutefois comme l’indique le rapport du Conseil national des droits de l’homme d’octobre 2012, la plupart des établissements n’ont reçu aucune visite du Président de la Chambre pénale en 2011. En outre les visites des commissions visées aux articles 620 et 621 du Code de procédure pénale ne sont pas régulières.

39.Néanmoins le nombre des visites dans les lieux de détention a augmenté. La loi portant création du Conseil national des droits de l’homme habilite expressément le Conseil à visiter les centres de détention et d’autres lieux de privation de liberté pour aider à en améliorer les conditions. L’accès du CNDH aux lieux de détention, les rapports qu’il présente à l’issue des visites qu’il y effectue et ses efforts en vue de la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sont des pas importants vers la mise en place d’un mécanisme d’inspection efficace au Maroc. Toutefois, aux termes de l’article 10 du décret d’application de la loi no 23/98, les organisations non gouvernementales ont en la matière un champ d’activité très restreint tributaire de l’approbation de la Délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion. Cela réduit l’aptitude de ces organisations à jouer un rôle dans la promotion de la culture des droits de l’homme dans les établissements pénitentiaires et à obtenir que leurs observations et recommandations concernant l’amélioration du régime carcéral, de l’infrastructure physique des prisons et des modalités de réinsertion des prisonniers soient prises en compte.

6.Ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la tortureet autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

40.Le CNDH et les organisations nationales des droits de l’homme ont appuyé l’annonce faite en public par le Maroc en mars 2007 quant à son intention de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture en tant que priorité. Le 1er et le 12 novembre 2012 respectivement, le Conseil de Gouvernement et le Conseil des ministres ont approuvé la loi d’adhésion au Protocole facultatif. Le Rapporteur spécial se félicite des assurances données par le Gouvernement quant à la ratification rapide du Protocole facultatif mais note que son instrument d’adhésion n’a pas encore été déposé.

41.Pendant la visite, le CNDH a indiqué qu’il serait disposé à remplir les fonctions du mécanisme national de prévention prévu à l’article 17 du Protocole facultatif mais qu’il était en faveur d’un processus global de consultations avec les autres parties prenantes avant toute décision.

C.Conditions de détention

42.Depuis 2008, la responsabilité globale des établissements pénitentiaires du Maroc, de l’exécution des décisions judiciaires et de l’application des peines incombe à la Délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion, un organe gouvernemental faisant directement rapport au chef du Gouvernement. Le principal instrument juridique régissant les conditions carcérales et le traitement des prisonniers est la loi (no 23/98) sur les prisons de 1999. Le Maroc a 73 établissements pénitentiaires, dont 3 prisons centrales où sont exécutées les peines d’emprisonnement de longue durée et de réclusion à perpétuité, et 58 prisons locales pour la détention avant jugement et les peines de courte durée.

43.Le Rapporteur spécial s’est rendu dans plusieurs lieux de privation de liberté et centres de détention à Rabat, Kenitra, Skhirat-Témara et Casablanca, y compris des postes de police et des postes de la Gendarmerie royale, des centres de détention avant jugement, des prisons, dont un quartier de condamnés à mort et des quartiers pour mineurs et pour femmes, un centre de rétention pour migrants en situation irrégulière et demandeurs d’asile, un centre d’éducation surveillée pour mineurs et un établissement psychiatrique. Le Rapporteur spécial note que l’on s’était manifestement préparés pour sa visite, notamment en déplaçant certains prisonniers. Même si cela l’a peut-être empêché d’effectuer des visites plus spontanées, il apprécie les efforts considérables pour investir dans l’amélioration et la rénovation des locaux, ce qui devrait, espérons-le, donner des résultats positifs à long terme.

44.Le Rapporteur spécial a constaté pendant qu’il inspectait des lieux de détention la présence de nombreux médecins et infirmiers; il note toutefois l’absence de soins médicaux indépendants. Les centres visités souffrent d’un manque d’équipement médical, notamment en ce qui concerne les soins dentaires, pour lesquels le matériel nécessaire est insuffisant ou inexistant. Les soins psychiatriques sont aussi insuffisants, voire inexistants. Toutefois le Rapporteur spécial n’a pas relevé de cas de détenus souffrant de maladies contagieuses, telles que la tuberculose, qui côtoyaient d’autres détenus.

45.Le Gouvernement a informé le Rapporteur spécial que le budget consacré à l’alimentation dans les centres de détention était de 331 millions de dirhams en 2012. Ce budget représente le triple de celui de 2008 (108 millions de dirhams). Le Gouvernement a expliqué que le contrôle en matière d’alimentation était assuré par le service d’hygiène local. Il n’y a toutefois aucun contrôle indépendant de la quantité et de la qualité de la nourriture. Il semble que les détenus dépendent énormément de leur famille pour éviter la malnutrition. Les cuisines visitées étaient propres mais mal équipées et insuffisamment entretenues pour offrir aux détenus des repas sains et équilibrés.

1.Surpeuplement carcéral

46.Les autorités ont reconnu avec franchise qu’il y avait un problème de surpeuplement qu’il fallait résoudre. Le Gouvernement a informé le Rapporteur spécial qu’en août 2012, la population carcérale était de 69 054 détenus, dont 1 613 femmes. Ce chiffre comprend les condamnés et les détenus avant jugement qui ne sont pas toujours séparés. Les données divergent quant à la capacité totale du système pénitentiaire. La Délégation générale a fait état d’une capacité de 48 000 à 50 000 places, ce qui représente un taux de surpeuplement d’environ 38 %, alors que le CNDH estime que cette capacité s’élève à 37 000 places, soit un taux proche de 86 %. Ces chiffres pourraient même sous-estimer la réalité parce qu’ils sont fondés sur le nombre de lits disponibles par rapport à la population totale. Dans certaines prisons, les lits étaient si proches les uns des autres qu’à pleine capacité ou même parfois en situation de sous-capacité, les locaux étaient surpeuplés. Le Rapporteur spécial note que pour se faire une idée plus précise du surpeuplement, il faudrait diviser l’espace habitable total par le nombre de détenus (69 054). Il croit savoir que si l’on exclut les zones communes, et les toilettes et les douches, on aurait 1,5 à 3 mètres cubes par détenu.

47.Le Rapporteur spécial a pu se rendre compte par lui-même du taux élevé de surpeuplement. Dans les lieux qu’il a visités, les normes universellement acceptées n’étaient pas respectées. Les détenus vivaient dans des cellules surpeuplées et généralement mal ventilées, et dans certains cas n’avaient pas de lit en raison du nombre élevé de détenus par cellule. Le surpeuplement entraîne inévitablement de graves abus tels que le déni de l’accès ou l’accès insuffisant aux soins médicaux, à la nourriture, à l’assainissement, aux services de réadaptation, et l’insécurité.

2.Torture et mauvais traitements dans les prisons

48.La majorité des victimes interrogées dans les prisons visitées ont nié avoir été soumises à une quelconque forme de torture ou de traitement dégradant à l’intérieur des établissements pénitentiaires. Les allégations reçues imputaient généralement ces violations à un nombre restreint de fonctionnaires, la majorité du personnel pénitentiaire n’y étant pas impliquée.

49.Selon plusieurs examens médico-légaux effectués, des traces de lésions traumatiques étaient visibles; elles cadraient avec les allégations faites mais pas, dans la plupart des situations, avec un diagnostic de torture ou mauvais traitements. Toutefois la cohérence des récits et des descriptions faits par de nombreuses victimes et les séquelles physiques post‑traumatiques rendent crédibles les allégations de torture ou de mauvais traitements. Les témoignages les plus fréquents et les plus concordants concernent les prisonniers condamnés pour terrorisme et les membres de groupes islamiques qui sont tous particulièrement exposés à de telles violations. Ces cas sont aussi caractérisés par l’absence d’enquêtes sur les plaintes des prisonniers.

50.Sur demande, certaines autorités pénitentiaires ont fourni des informations sur les procédures régissant les mesures disciplinaires et leur application. Toutefois les modalités de contrôle de ces mesures, en particulier du recours à l’isolement cellulaire en guise de punition, et les mécanismes de plaintes applicables, demeurent flous. Selon des témoignages, l’isolement cellulaire en tant que mesure disciplinaire est très fréquent et dure de trois jours à plusieurs semaines (les détenus parlent en général du «trou»). Les investigations effectuées ont révélé que l’isolement était la principale et souvent la seule mesure disciplinaire appliquée au détriment de mesures moins nocives et plus graduées, telles que la privation temporaire de certains avantages.

3.Prisonniers exécutant une peine de réclusion à perpétuité/prisonniers condamnés à mort

51.Le Rapporteur spécial note que depuis 1993 un moratoire de facto sur l’application de la peine de mort est en vigueur. Il prend acte avec satisfaction de la décision du Gouvernement d’appliquer ce moratoire et de son intention déclarée d’abolir la peine de mort. Les autorités ont indiqué qu’en août 2012, il y avait 110 condamnés à mort (y compris deux femmes) et 662 prisonniers exécutant une peine de réclusion à perpétuité. La plupart de ces prisonniers se trouvent dans la prison centrale de Kenitra que le Rapporteur spécial a visitée.

52.Le régime carcéral et les conditions matérielles dans les prisons sont particulièrement durs pour ceux qui sont dans les quartiers des condamnés à mort ou exécutent des peines de réclusion à perpétuité par rapport au reste de la population carcérale. Le Rapporteur spécial a constaté que généralement, les prisonniers dépendaient lourdement de leur famille pour obtenir la nourriture et les médicaments dont ils avaient besoin, ce qui représente un fardeau pour les proches des prisonniers exécutant une peine longue ou de durée indéterminée. En outre, dans la pratique, les familles ne rendent pas autant visite aux leurs qu’elles le souhaiteraient vu que bon nombre d’entre elles vivent loin des établissements où se trouvent les prisonniers exécutant de longues peines. Le Rapporteur spécial est également préoccupé par les dures conditions qui ont été imposées aux condamnés à mort à la suite d’un incident ayant causé le décès d’un garde à la prison centrale de Kenitra, il y a plusieurs années. Il a constaté en particulier que les prisonniers n’avaient pas la possibilité de lire des livres ou des journaux, de s’exercer, de s’instruire, de travailler ou de se livrer à toute autre activité en prison. Il considère que ce châtiment collectif de longue durée imposé à tous les prisonniers exécutant des peines de réclusion à vie est excessif et peut être assimilé à des mauvais traitements collectifs. En outre, pendant les entretiens qu’il a pu avoir avec des condamnés à mort, le Rapporteur spécial s’est rendu compte que, du fait de leur détention pour une période indéterminée et de l’incertitude quant à une possible exécution, ils sont en proie au syndrome du couloir de la mort, qui constitue clairement une grave menace pour leur santé mentale.

4.Mineurs en conflit avec la loi et protection des enfants

53.La législation pénale marocaine prévoit pour les mineurs un système faisant appel à des procureurs et des juges ayant bénéficié d’une formation spéciale. Dans la pratique toutefois, selon les informations reçues par le Rapporteur spécial, tout procureur public peut être chargé du dossier d’un mineur.

54.L’article 460 du Code de procédure pénale dispose que l’officier de police judiciaire chargé des mineurs peut placer un mineur dans un lieu de détention réservé aux personnes de cette catégorie d’âge. Dans un poste de police que le Rapporteur spécial a visité, il n’y avait ni locaux réservés aux mineurs ni fonctionnaires de police s’occupant spécialement d’eux. Le Rapporteur spécial n’a toutefois reçu aucune plainte concernant le traitement des mineurs pendant ses inspections.

55.Les informations reçues indiquent que le Bureau du Procureur général réclame rarement les mesures de remplacement de la détention prévues aux articles 501 à 504 du Code de procédure pénale. Il semblerait que les mineurs restent souvent en détention pendant de longues périodes avant d’être transférés dans un centre de protection de l’enfance.

56.Pendant la visite qu’il a effectuée dans un centre de protection de l’enfance, le Rapporteur spécial a pu constater que les conditions de vie étaient convenables et qu’en général les mineurs âgés de 12 à 17 ans qui s’y trouvaient étaient bien traités. Il a cependant reçu les informations crédibles au sujet de châtiments corporels (coups de bâton et de cordon électrique) infligés par un membre du personnel. Le Rapporteur spécial ignore si ce recours aux châtiments corporels est un cas isolé ou s’il s’agit d’une pratique générale dans les centres de protection des mineurs. L’examen médical d’un mineur en détention a donné des résultats qui cadrent avec de telles violations. Le Ministère de la jeunesse et des sports a toutefois indiqué qu’un tel traitement ne serait pas toléré et qu’une enquête serait ouverte sans délai en cas de plainte.

5.Femmes exécutant des peines d’emprisonnement

57.Selon certaines informations les femmes sont fréquemment soumises à un traitement humiliant et dégradant pendant leur détention dans les postes de police et leur incarcération dans un établissement pénitentiaire. Elles seraient toutefois beaucoup moins souvent soumises à la torture ou aux mauvais traitements que les hommes.

58.Le Rapporteur spécial a visité les quartiers des femmes de deux prisons; il a relevé un taux de surpeuplement égal voire supérieur à celui des prisons pour hommes et, en particulier, un manque apparent de places pour les femmes accompagnées d’enfants et de zones de récréation bien équipées pour ces enfants. Néanmoins, pendant les visites aucune plainte n’a été formulée par des femmes au sujet de leur traitement ou du comportement du personnel pénitentiaire. Les besoins essentiels des femmes en matière d’hygiène et de santé publique sont semble-t-il satisfaits, et il en va de même pour les enfants qui vivent avec elles, ce qu’ils peuvent faire jusqu’à l’âge de 3 ans, avec une prolongation possible jusqu’à 5 ans.

6.Établissements psychiatriques

59.Le Rapporteur spécial note avec satisfaction les efforts faits par le Gouvernement pour prévenir le mauvais traitement des patients dans les hôpitaux psychiatriques. En ce qui concerne la protection des personnes se trouvant dans ces établissements, il se félicite du plan stratégique du Ministère de la santé et du projet de loi (2012) portant modification du décret royal no 1-58-295, qui interdit expressément toutes les formes de traitement cruel, inhumain ou dégradant dans les établissements de santé.

60.L’article 134 du Code pénal dispose que l’internement psychiatrique est ordonné dans le cas de toute personne qui commet un délit ou un crime par suite de troubles mentaux. Les auteurs d’infractions mineures sont toutefois remis à l’autorité administrative si leur irresponsabilité pénale est prouvée, ce qui les soustrait à la surveillance médicale et à l’obligation de traitement. Selon certaines informations, lorsque le placement d’une personne dans un établissement psychiatrique est ordonné, l’application d’une telle décision prend beaucoup de temps, ce qui conduit à des situations où des personnes souffrant de maladies mentales sont incarcérées pendant des périodes excessivement longues.

7.Laâyoune, Sahara occidental

61.Le Rapporteur spécial a reçu de nombreux témoignages et communications au sujet du statut juridique et politique du territoire ainsi que des plaintes concernant un vaste éventail de violations des droits de l’homme autres que des actes de torture et des mauvais traitements. Il a en outre reçu de multiples demandes d’entretien et communications écrites sur des questions relevant de son mandat. Conformément aux dispositions de celui-ci, le présent rapport ne traitera pas des allégations de violations des droits de l’homme portant sur d’autres faits que la torture ou les traitements cruels, inhumains ou dégradants et n’abordera pas non plus de questions relatives au statut du Sahara occidental en tant que territoire non autonome.

62.S’agissant des questions relevant de son mandat, le Rapporteur spécial a constaté que la torture et les mauvais traitements étaient pratiqués pour arracher des aveux et que les agents de la force publique faisaient un usage excessif de la force à l’égard des manifestants. Les témoignages reçus indiquent que les membres de la population sahraouie sont spécifiquement victimes de telles violations sans qu’ils soient les seuls à l’être.

63.Le Rapporteur spécial a reçu de nombreuses plaintes faisant état d’un usage excessif systématique de la force pour réprimer les manifestations et arrêter les manifestants ou les personnes soupçonnées de participer à des manifestations en faveur de l’autodétermination de la population sahraouie. Lors de leur conduite ou à leur arrivée au poste de police, les personnes arrêtées sont battues et insultées et contraintes à révéler les noms d’autres manifestants. Le Rapporteur spécial tient à exprimer sa préoccupation au sujet de l’abandon présumé des victimes en milieu rural après qu’elles eurent subi ces violences. Selon certaines informations, ces pratiques visent à punir et à intimider les manifestants en vue d’empêcher d’autres actions de soutien à la revendication de l’indépendance. Parfois, les manifestations deviennent violentes et les forces de sécurité sont attaquées par les manifestants. Même dans de tels cas, il incombe aux agents de la force publique de maintenir l’ordre sans violence excessive. Pendant le séjour de la mission à Laâyoune, une de ces manifestations a eu lieu. Il y a eu quelques accrochages mais de l’avis général, la police des émeutes a agi avec retenue. Quelques manifestants sont allés à l’hôpital et, après s’être vu refuser les soins dans un premier temps, ils ont reçu l’assistance requise suite à l’intervention de la section locale du CNDH, et les intéressés ont tous pu quitter l’hôpital sans lésions graves. Le Rapporteur spécial note que si des méthodes appropriées de contrôle des foules ont pu être appliquées pendant sa visite, la police peut se comporter de la même manière toutes les autres fois, non seulement au Sahara occidental mais aussi ailleurs.

64.D’autres informations indiquent que les forces de police marocaines font régulièrement irruption chez des partisans présumés ou connus de l’indépendance du Sahara occidental, opérations durant lesquelles des habitants sont battus ou maltraités.

65.Le Rapporteur spécial a visité la prison de Laâyoune, l’hôpital Moulay Hassan Ben El Mehdi dans la même ville et le poste de la gendarmerie du port de Laâyoune. Il a noté que le quartier des femmes de la prison et le centre psychiatrique de l’hôpital, qui avaient été récemment rénovés, étaient de qualité en comparaison des autres quartiers de la prison.

66.Le Rapporteur spécial a reçu des témoignages crédibles sur la pratique de la torture et des mauvais traitements dans la prison de Laâyoune, notamment les viols, les passages à tabac et la mise à l’isolement pendant plusieurs semaines, en particulier de détenus accusés de participation aux activités en faveur de l’indépendance. Il a constaté un surpeuplement extrême des locaux avec des conséquences néfastes pour l’hygiène, la qualité de l’alimentation, l’accès aux soins et l’état de santé général des détenus. Il a reçu en outre des informations concernant le refus de soins de santé. En ce qui concerne les circonstances de la fermeture du camp de Gdeim Izik en novembre 2010, le Rapporteur spécial note avec préoccupation que 25 civils sahraouis sont actuellement jugés par un tribunal militaire pour leur rôle présumé dans des affrontements violents qui s’étaient produits au Sahara occidental. Le Rapporteur spécial a reçu des témoignages faisant état d’actes de torture et de mauvais traitements ainsi que de viols et de la détérioration de l’état de santé de certains détenus en raison des conditions carcérales. Le procès a été plusieurs fois reporté sans que le tribunal donne d’explications. Le 17 février 2013, le tribunal militaire a rendu son verdict rejetant toutes les demandes d’enquêtes concernant les allégations de torture et refusant d’ordonner des examens médicaux en lien avec les allégations de viol formulées par plusieurs défenseurs: il n’a pas rendu de jugement par écrit. Le Rapporteur spécial note avec préoccupation que les allégations de torture et de mauvais traitements pendant la période de presque deux ans qui a précédé les procès n’ont fait l’objet d’aucune enquête. Le fait que l’affaire soit devant un tribunal militaire plutôt que civil contribue au manque de transparence et au refus d’enquêter sur les allégations de mauvais traitements.

67.Pendant la visite qu’il a effectuée à l’hôpital psychiatrique de Laâyoune, le Rapporteur spécial a constaté un manque de matériel et de fournitures mais des conditions de séjour convenables pour les patients. Les médicaments de base étaient disponibles et stockés dans le respect des normes minimales. Le Rapporteur spécial a toutefois noté avec préoccupation que l’établissement ne comptait qu’un seul psychiatre, qui est certes compétent mais doit s’occuper d’une population de plusieurs milliers de personnes, ce qui est loin d’être conforme aux normes universellement reconnues. En outre, il y a un manque de personnel paramédical.

IV.Conclusions et recommandations

A.Conclusions

68. Le Rapporteur spécial se félicite de l ’ adoption, en juillet 2011, de la nouvelle Constitution qui constitue un pas important dans le renforcement des droits de l ’ homme.

69. Le Rapporteur spécial prend acte avec satisfaction du Plan stratégique de la D élégation interministérielle aux droits de l ’ homme pour 2012-2016 et espère que sa mise en œuvre renforcera encore plus l ’ interdiction de la torture et des mauvais traitements.

70. La création du Conseil national des droits de l ’ homme (CNDH) constitue une réalisation importante sur le plan institutionnel. Il peut devenir un mécanisme efficace de surveillance et de médiation entre l ’ État et les citoyens si ses recommandations sont appliquées de bonne foi.

71. Les mesures que les autorités ont prises, par le biais de l ’ Instance équité et réconciliation, pour faire face aux séquelles des violations commises pendant les «années de plomb» sont cruciales pour le développement d ’ une culture naissante des droits de l ’ homme. Le Rapporteur spécial note avec satisfaction la reconnaissance des cas de torture remontant aux «années de plomb» mais regrette que des hautes autorités refusent d ’ admettre que la torture est encore pratiquée.

72. Dans les affaires touchant la sûreté de l ’ État (terrorisme, appartenance à des mouvements islamistes ou appui à l ’ indépendance du Sahara occidental) il y a une pratique ancrée de la torture au moment de l ’ arrestation et pendant la détention de la part de policiers, notamment d ’ agents de la Direction de la surveillance du territoire (DST). De nombreuses personnes ont été contraintes à faire des aveux et condamnées à des peines d ’ emprisonnement sur la foi de ces aveux. Souvent, ces personnes continuent d ’ être victimes de violations pendant l ’ exécution de leur peine.

73. Lorsque la police ou d ’ autres autorités réagissent à des incidents survenant pendant des manifestations ou des réunions, elles font un usage excessif de la force. Que des manifestations soient autorisées ou non, les autorités doivent se conformer aux normes internationales de nécessité et de proportionnalité et respecter le droit à la vie et à l ’ intégrité physique.

74. Le Rapporteur spécial note également avec préoccupation une augmentation de la violence imputée aux forces de sécurité à l ’ égard des migrants et des demandeurs d ’ asile, en particulier dans le nord du pays. Les mécanismes nationaux de protection et les enquêtes sont insuffisants et il y a un manque d ’ assistance juridique et médicale pour les victimes d ’ actes de torture ou de mauvais traitements.

75. Le Rapporteur spécial note avec préoccupation qu ’ en dépit des dispositions législatives garantissant l ’ accès à un avocat dans les vingt-quatre heures qui suivent l ’ arrestation dans les affaires pénales de droit commun, cette règle ne semble pas être pleinement appliquée dans la pratique. Il se dit en particulier préoccupé par la loi ( n o  03-03) contre le terrorisme qui prévoit un délai de garde à vue d ’ une durée pouvant aller jusqu ’ à trois périodes consécutives de quatre-vingt-seize heures sans droit d ’ accès à un avocat, sauf pour un entretien sous surveillance d ’ une demi ‑heure à mi-période.

76. Le Rapporteur spécial note que le système judiciaire marocain repose largement sur les aveux, en tant que principale source de preuve à conviction. Conformément au droit international, l ’ article 293 du Code de procédure pénale prévoit que tout aveu ou déclaration faits sous la contrainte sont irrecevables. Des plaintes indiquent toutefois que la torture est utilisée par les agents de l ’ État pour obtenir des preuves ou des aveux pendant la phase initiale des interrogatoires, en particulier dans les affaires de terrorisme ou touchant la sécurité nationale.

77. Le Rapporteur spécial a reçu des exemples et des statistiques concernant des personnes qui ont été acquittées bien qu ’ elles aient avoué des crimes mais n ’ a pas eu d ’ exemples concrets d ’ application par les tribunaux de la règle d ’ exclusion fixée par le droit international en ce qui concerne la torture.

78. Le système médico-légal actuel du Maroc, dans le cadre duquel les détenus sont soumis à des examens effectués par des médecins sans spécialisation en médecine légale (de simples cliniciens travaillant comme «experts» auprès des tribunaux), n ’ est pas conforme aux normes internationales.

79. La procédure de plainte concernant les allégations de torture et de mauvais traitements prévoyant des enquêtes, des poursuites et la condamnation des auteurs de tels actes semble, sauf dans quelques rares cas, prévue par la loi mais n ’ est pas appliquée. Le Rapporteur spécial conclut que les mécanismes de plainte actuellement en place ne sont ni efficaces ni indépendants. Les allégations de torture et de mauvais traitements devraient être acceptées à tout stade du procès, et les tribunaux sont tenus d ’ ouvrir d ’ office une enquête lorsqu ’ il y a de sérieux motifs de croire que des actes de torture ont été commis ou que des mauvais traitements ont été infligés.

80. En revanche, force est de reconnaître que le CNDH a créé des mécanismes de surveillance de plus en plus efficaces pour de nombreuses violations des droits de l ’ homme, notamment la torture et les mauvais traitements. Ces mécanismes, qui sont effectifs dans toutes les régions, y compris au Sahara occidental, ont été mis en place après la création des sections régionales du Conseil. Ils devraient être appuyés et améliorés, et les autorités devraient respecter leurs conclusions et appliquer leurs recommandations. Dans le même temps, ils ne sont pas censés se substituer aux mécanismes de plainte mentionnés dans le paragraphe ci-dessus.

81. Le Rapporteur spécial remercie la Délégation générale à l ’ administration pénitentiaire et à la réinsertion pour les statistiques complètes qu ’ elle a fournies en ce qui concerne la population carcérale et l ’ administration pénitentiaire, y compris sur les différents projets visant à améliorer les conditions dans les prisons dans tout le pays. Les visites effectuées dans les lieux de détention ont toutefois suscité des préoccupations au sujet des conditions dans la plupart des prisons qui demeurent alarmantes en raison du surpeuplement, de cas de mauvais traitements et de mesures disciplinaires abusives, de conditions insalubres, d ’ une alimentation inadéquate et d ’ un accès limité aux soins médicaux. Le Rapporteur spécial note également avec préoccupation que des mesures disciplinaires telles que l ’ isolement cellulaire sont utilisées de manière excessive et que les procédures et les méca nismes de plainte sont opaques.

82. Le Rapporteur spécial constate avec satisfaction que le CNDH jouit d ’ un libre accès aux lieux de détention et que les conditions carcérales sont de plus en plus documentées. Il se dit toutefois préoccupé par l ’ accès très restreint des organisations non gouvernementales aux lieux de détention. En outre, l ’ utilisation persistante de la détention au secret en cas de menace perçue contre la sécurité nationale pose un problème de contrôle auquel il faut porter d ’ urgence attention.

83. Le Rapporteur spécial est préoccupé par les conditions dans lesquelles les condamnés à mort sont détenus. Ces conditions constituent un traitement cruel, inhumain ou dégradant.

84. En ce qui concerne Laâyoune au Sahara occidental, le Rapporteur spécial est arrivé à la conclusion que des tortures ou des mauvais traitements étaient infligés au moment de l ’ arrestation, dans les postes de police et à la prison de Laâyoune. Il est également arrivé à la conclusion qu ’ il y avait un recours excessif à la force pendant les manifestations pour l ’ indépendance du Sahara occidental, ainsi que des enlèvements et des abandons dans le désert de manifestants présumés pour les intimider.

85. Le Rapporteur spécial a en outre entendu des témoignages selon lesquels des violations seraient commises par des éléments non étatiques œuvrant pour l ’ indépendance du Sahara occidental. Tout en exprimant sa sympathie aux victimes, il note que de telles allégations ne sont pas couvertes par son mandat. Enfin, le Rapporteur spécial regrette que les réunions avec la société civile aient été surveillées par les autorités et les médias et que les caméras étaient présentes à son arrivée dans tous les lieux où il s ’ est rendu. À Laâyoune en particulier cela a créé un climat d ’ intimidation ressenti par bon nombre de personnes qu ’ il a interrogées pendant sa visite.

B.Recommandations

86. Dans un esprit de coopération et de partenariat, le Rapporteur spécial recommande au Gouvernement de prendre, avec, selon que de besoin, l ’ assistance de la communauté internationale, y compris l ’ Organisation des Nations Unies et d ’ autres parties, des mesures pour appliquer les recommandations ci-après.

87. Pour ce qui est de la législation, le Rapporteur spécial recommande au Gouvernement marocain:

a) De modifier l ’ article 231-1 du Code pénal pour faire en sorte que la complicité ou le consentement expr ès ou tacite des fonctionnaires chargés d ’ appliquer la loi et des forces de sécurité ou de toute autre personne agissant à titre officiel soi en t expressément visés ;

b) De modifier l ’ article 224 du Code pénal pour mettre la définition du fonctionnaire public en conformité avec la définition de l ’ agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel qui figure dans la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

c) De veiller à ce qu ’ aucune personne reconnue coupable d ’ actes de torture ou faisant l ’ objet de poursuites pour de tels actes ne puisse bénéficier d ’ une mesure d ’ amnistie ;

d ) D ’ inclure dans le Code pénal une disposition expresse établissant que l ’ ordre d ’ un supérieur ou d ’ une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier la torture, et mettre en place un mécanisme pour la protection des subordonnés qui refusent d ’ obéir à un ordre visant à torturer une personne en détention;

e ) De modifier la loi ( n o  03-03) contre le terrorisme de façon à réduire le délai de garde à vue de quatre-vingt-seize heures (renouvelables deux fois);

f ) De modifier l ’ article 290 du Code de procédure pénale de façon à appliquer aux infractions pénales la règle de la preuve qui régit les délits et contraventions afin que tous les rapports établis par la police pour des procès pénaux soient considérés comme des éléments de preuve parmi d ’ autres sans présomption quant à leur véracité ;

g ) De modifier le Code de procédure pénale pour qu ’ il dispose qu ’ en cas d ’ allégation de torture ou de mauvais traitements, la charge de la preuve incombe à l ’ accusation, qui doit montrer au-delà de tout doute raisonnable que les aveux soumis au tribunal n ’ ont pas été obtenus par des moyens illicites;

h ) De modifier l ’ article 84 de la loi ( n o  23/98) sur les prisons de façon à habiliter les directeurs régionaux à autoriser les organisations de la société civile à visiter les établissements pénitentiaires, et de modifier l ’ article 10 du décret d ’ application de la loi n o  23/98 afin d ’ élargir le champ des activités des organisations non gouvernementales dans ce domaine;

i ) De modifier l ’ article 134 du Code pénal pour faire en sorte que les auteurs d ’ infraction souffrant d ’ une maladie mentale soient placés dans un établissement psychiatrique, quelle que soit la gravité de l ’ infraction commise;

88. Pour ce qui est des garanties et de la prévention, le Rapporteur spécial recommande au Gouvernement:

a) De veiller strictement à l ’ enregistrement des détenus dès leur arrestation, en particulier dans les affaires concernant la sécurité nationale et le terrorisme, et de faire en sorte que les chefs de poste de police, les agents de la police judiciaire et les fonctionnaires de police, y compris les membres de la DST, soient tenus pénalement responsables de toute détention non reconnue;

b) D ’ assurer, par des modifications apportées à la législation, que l ’ accès à un avocat choisi par le suspect lui-même soit garanti dès l ’ arrestation, sans surveillance policière et sans avoir à obtenir l ’ autorisation préalable du Procureur, y compris en cas de menace contre la sécurité et de terrorisme. Cet accès doit être accordé en application de la loi et tout fonctionnaire qui refuserait de l ’ accorder devrait être sanctionné;

c) De mettre un terme à la pratique de l ’ isolement cellulaire et de la détention secrète, conformément à l ’ article 23 de la Constitution;

d) De faire en sorte que les déclarations ou les aveux d ’ une personne privée de liberté, qui ne sont pas faits en présence d ’ un juge et avec l ’ assistance d ’ un avocat, n ’ aient aucune valeur probante dans les procédures contre cette personne;

e) De faire en sorte que les rapports établis par la police judiciaire pendant l ’ enquête restent irrecevables dans le cadre d ’ un procès tant que l ’ accusation, à qui incombe la charge de la preuve, n ’ a pas prouvé leur véracité et leur validité juridique, conformément au Code de procédure pénale;

f) De diligenter des enquêtes impartiales et approfondies sur toutes les allégations de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants, sans qu ’ il soit nécessaire qu ’ une plainte soit déposée par écrit, conformément à l ’ article 13 de la Convention contre la torture; de mettre en place des procédures pour enquêter d ’ office sur tout cas de torture et de mauvais traitements quelle que soit la manière dont il est invoqué , même lorsque les victimes n ’ utilisent pas les procédures prescrites par la loi pour soumettre leur plainte;

g) De mettre en place un mécanisme d ’ enquête pénale et de poursuite s indépendant qui n ’ ait aucun lien avec l ’ organe chargé de l ’ enquête ou des poursuites dans la procédure engagée contre la victime présumée ; de donner effet au droit de plainte et de faire en sorte que les défendeurs qui comparaissent devant le mécanisme aient une bonne chance de formuler leurs allégations au sujet des tortures et des mauvais traitements qu ’ il s ont pu subir;

h) D ’ investir dans les domaines de la psychiatrie et de la médecine légale ainsi que dans la formation spécialisée d ’ experts médico-légaux capables de se prononcer sur les cas de torture et de mauvais traitements, conformément aux normes internationales, notamment le Protocole d ’ Istanbul; de renforcer les moyens médico-légaux du parquet et des tribunaux;

i) De faire en sorte que le personnel médical des lieux de détention soit véritablement indépendant des organes chargés d ’ appliquer la loi et reçoive une formation au sujet du Protocole d ’ Istanbul; d ’ autoriser l ’ accès à des examens médicaux indépendants effectués sans surveillance ni ingérence de la part d ’ agents chargés d ’ appliquer la loi ou de procureurs et d ’ assurer l ’ accès en temps voulu à des examens médicaux indépendants, au moment de l ’ arrestation, lors d ’ un transfert vers un autre lieu de détention ou sur demande;

j) D ’ engager des procédures judiciaires au sujet de tous les cas de violations commises par le passé pendant les «années de plomb» (1956-1999) révélées par l ’ Instance équité et réconciliation;

k) De veiller à ce que le principe de non-refoulement énoncé à l ’ article 3 de la Convention contre la torture soit pleinement appliqué, notamment dans le cas des migrants, des réfugiés et des demandeurs d ’ asile, pour que nul ne soit expulsé vers un pays où il risque d ’ être soumis à la torture;

l) De fournir au Ministère de l ’ intérieur tout le soutien logistique et financier nécessaire pour lui permettre d ’ appliquer le projet envisagé par le Ministère de la justice et des libertés visant à effectuer un enregistrement vidéo de toutes les déclarations faites à la police pendant l ’ enquête et l ’ interrogatoire. De telles mesures ne doivent pas se substituer à la représentation légale pendant toutes les phases de l ’ interrogatoire mais la compléter;

m) De mettre en place des mécanismes de plainte indépendants, efficaces et accessibles dans tous les lieux de détention en installant des lignes d ’ assistance téléphonique ou des boîtes confidentielles de dépôt de plaintes, et de faire en sorte que chaque détenu ait un accès sans entrave et sans surveillance au procureur sur sa demande et que les plaignants ne soient pas soumis à des représailles;

n) De prendre des mesures concrètes pour accélérer la ratification du Protocole facultatif à la Convention contre la torture, et ensuite créer un mécanisme national de prévention efficace conformément à l ’ article 17 du Protocole facultatif, et d ’ entamer un processus de consultation de toutes les parties prenantes sans exception, notamment les organisations de la société civile;

o) D ’ ouvrir les crédits nécessaires pour doter le mécanisme national de prévention des ressources humaines et autres dont il a besoin pour inspecter régulièrement tous les lieux de détention, recevoir des plaintes, engager des poursuites et les suivre jusqu ’ à leur terme;

p) De renforcer la confiance et la coopération entre l ’ État et la société civile de façon que toutes les organisations non gouvernementales soient en mesure de collaborer de manière plus efficace avec les mécanismes nationaux et internationaux et d ’ effectuer un travail de sensibilisation sur la base de dossiers bien documentés;

q) De faciliter l ’ accès des organisations de la société civile aux établissements pénitentiaires et de renforcer le partenariat avec ces institutions pour qu ’ elles puissent jouer leur rôle de sensibilisation et de propagation de la culture des droits de l ’ homme et contribuer à l ’ amélioration de la formation des superviseurs et du personnel des établissements pénitentiaires.

89. En ce qui concerne les manifestations, le Rapporteur spécial recommande au Gouvernement de se conformer aux normes internationales, telles que les Principes de base relatifs au recours à la force et l ’ utilisation des armes à feu par les responsables de l ’ application des lois, qui, s ’ agissant du respect de la vie et de l ’ intégrité physique, sont fondées sur les principes de nécessité et de proportionnalité; et de promouvoir encore plus la prévention des actes de torture ou des mauvais traitements dont sont victimes les manifestants, les enquêtes sur ces actes et les poursuites engagées contre leurs auteurs.

90. En ce qui concerne les migrants, les réfugiés et les demandeurs d ’ asile, le Rapporteur spécial recommande au Gouvernement de collaborer plus étroitement avec le Haut- Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme, le Rapporteur spécial sur les droits de l ’ homme des migrants et d ’ autres organismes des Nations Unies, tels que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et:

a) De prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir d ’ autres violences et enquêter sur les informations faisant état d ’ actes de violence subis par des migrants, des réfugiés et des demandeurs d ’ asile subsahariens;

b) De respecter les droits de l ’ homme fondamentaux des migrants, des réfugiés et des demandeurs d ’ asile et de leur assurer l ’ accès aux établissements de santé et aux soins médicaux sans crainte d ’ être arrêtés.

91. Pour ce qui est des mineurs, le Rapporteur spécial recommande au Gouvernement:

a) D ’ organiser des visites régulières dans les postes de police en accordant une attention particulière aux délinquants mineurs, de ne pas placer des mineurs dans des prisons ordinaires mais de renforcer les centres de protection des enfants et d ’ enquêter sur toutes les plaintes de torture et de mauvais traitements émanant de mineurs, en particulier sur les allégations relatives aux châtiments corporels;

b) De modifier l ’ article 473 du Code de procédure pénale de façon à porter de 12 à 18 ans l ’ âge auquel un délinquant mineur peut être emprisonné et à souligner que l ’ emprisonnement des délinquants mineurs est une mesure exceptionnelle;

c) De déployer des procureurs et des fonctionnaires de police judiciaire spécialisés dans les affaires concernant des délinquants mineurs.

92. En ce qui concerne les femmes, le Rapporteur spécial recommande au Gouvernement:

a) De donner effet à la protection des prisonnières contre toutes les violences fondées sur le sexe;

b) De réduire le taux de surpeuplement des prisons en prenant des mesures de remplacement des peines privatives de liberté, en particulier dans le cas des femmes ayant des enfants.

93. Pour ce qui est des conditions de détention, le Rapporteur spécial recommande au Gouvernement:

a) De réduire fortement le taux de surpeuplement;

b) D ’ allouer des ressources budgétaires suffisantes pour assurer des soins de santé convenables, améliorer la qualité de la nourriture et faire en sorte que les mineurs soient séparés des adultes et les détenus avant jugement des condamnés; de renforcer et d ’ améliorer le système d ’ application des peines de façon qu ’ il vise à assurer la réadaptation et la réinsertion des délinquants; et de créer des possibilités d ’ instruction et de travail et des activités récréatives pour les détenus;

c) De transférer les prisonniers condamnés à la peine de mort et ceux qui exécutent une peine de réclusion à perpétuité dans des établissements ouverts ou semi ‑ouverts;

d) D ’ exercer un contrôle judiciaire sur les établissements pénitentiaires; de renforcer les pouvoirs des juges d ’ application de façon à leur permettre de contrôler de manière effective ces établissements, de surveiller l ’ application des peines et de vérifier leur validité; de renforcer le droit d ’ appel des personnes soumises à des mesures disciplinaires;

e) De faciliter la surveillance exercée par les commissions régionales, au moyen d ’ inspections régulières et effectives des prisons et de la présentation de rapports sur la situation des prisons et des prisonniers, de façon à améliorer la situation dans les prisons et à donner effet aux droits des prisonniers;

f) De fournir les soins dentaires et psychiatriques requis et assurer les interventions psychologiques voulues, de manière générale.

94. Pour ce qui est des établissements psychiatriques, le Rapporteur spécial recommande au Gouvernement:

a) D ’ appliquer les dispositions des articles 3 et 4 du décret d ’ application de la loi ( n o  23/98) sur les prisons, notamment en ce qui concerne le non-recours à la violence contre les prisonniers, et d ’ interdire l ’ isolement cellulaire;

b) De faire en sorte que le Bureau du Procureur général et le CNDH effectuent des visites dans les établissements psychiatriques comme prévu par la loi.

95. En ce qui concerne la réforme institutionnelle, le Rapporteur spécial recommande au Gouvernement:

a) De faire en sorte que les plus hautes autorités, en particulier celles qui sont responsables de l ’ application de la loi, déclarent sans équivoque qu ’ elles ne toléreront pas le recours à la torture ou aux mauvais traitements par leurs subordonnés et que les auteurs de tels actes auront à en rendre compte;

b) De sensibiliser davantage l ’ ensemble du personnel chargé d ’ appliquer la loi à son rôle de prévention de la torture et des mauvais traitements au moyen de cours obligatoires de formation aux normes internationales relatives à l ’ interdiction de la torture, aux dispositions régissant les enquêtes en cas de torture et de mauvais traitements, et aux techniques d ’ interrogat oire et de renforcer les programmes de formation sur la façon de déceler, de signaler et de prévenir la torture, destinés aux professionnels de la santé et de l ’ administration de la justice;

c) De rattacher les services de santé destinés aux prisonniers au Ministère de la santé, ce qui devrait contribuer à des soins médicaux de meilleure qualité;

d) De faire en sorte que les victimes obtiennent une réparation et une indemnisation équitable et suffisante, y compris les moyens d ’ une réadaptation aussi complète que possible; d ’ établir des mécanismes et des programmes, notamment les structures requises au sein du Ministère de la santé , pour fournir à toutes les victimes des services de réadaptation, et de financer les services privés médicaux, juridiques et autres, y compris ceux administrés par des organisations non gouvernementales , prestat aire s de services médicaux, psychologiques et de réadaptation sociale;

e) D ’ envisager un financement bilatéral direct des organisations de la société civile qui apportent un soutien aux victimes et aux membres de leur famille, et de mettre en place des services spécialisés au sein du système de santé national. Le Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture est invité à examiner les demandes d ’ aide émanant d ’ ONG œuvrant pour assurer aux personnes qui ont été torturées l ’ accès à des soins médicaux et à des recours judiciaires.

96. Le Rapporteur spécial exhorte le Gouvernement à agir pour prévenir les représailles, y compris sous la forme d ’ acte s d ’ intimidation, de mesures disciplinaires et de mauvais traitements, à l ’ encontre de détenus, de victimes de la torture et de membres de leur famille, d ’ activistes et d ’ autres personnes qui se sont entretenus avec le Rapporteur spécial pendant sa visite, et d ’ enquêter rapidement sur les actes de représailles et de punir leurs auteurs.

97. En ce qui concerne Laâyoune, au Sahara occidental, le Rapporteur spécial recommande au Gouvernement:

a) D ’ enquêter rapidement sur toutes les allégations faisant état d ’ actes de torture et de mauvais traitements pendant et après les manifestations et à la prison de Laâyoune; de tenir les auteurs responsables de ces actes et d ’ accorder une indemnisation aux victimes;

b) De reconsidérer la compétence du tribunal militaire pour connaître d ’ affaires concernant des civils dans le cas des 23 Sahraouis en détention à la prison 1 de Salé et de veiller à ce qu ’ en principe, les civils ne soient pas condamnés par des tribunaux militaires; d ’ ouvrir des enquêtes sérieuses et impartiales pour établir les faits exacts dans cette affaire et déterminer quelle est la responsabilité des membres de la police ou des forces de sécurité; et de mener des enquêtes concernant toutes les allégations de torture et de mauvais traitements;

c) De trouver des moyens pour renforcer encore plus la protection des droits de l ’ homme internationalement reconnus, notamment en adressant des invitations aux titulaires de mandat au titre des procédures spéciales de l ’ Organisation des Nations Unies , en renforçant la coopération avec la société civile et l ’ institution nationale des droits de l ’ homme et en facilitant la présence d ’ organisations non gouvernementales régionales;

d) La région dans son ensemble tirerait parti de la création d ’ un mécanisme intergouvernemental régional solide chargé de surveiller le respect des droits de l ’ homme en tant que mesure importante de renforcement de la confiance pouvant contribuer à améliorer la situation en ce qui concerne le respect des droits de l ’ homme et, en particulier, l ’ interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

98. Le Rapporteur spécial invite la communauté internationale à appuyer le Maroc dans ses efforts pour appliquer les recommandations ci-dessus, et notamment pour reformer son système judiciaire, mettre en place un cadre de prévention de la torture et des mauvais traitements et un mécanisme national de prévention efficace et dispenser à la police et au personnel pénitentiaire la formation voulue.