Nations Unies

A/HRC/35/11

Assemblée générale

Distr. générale

5 avril 2017

Français

Original : anglais

Conseil des droits de l ’ homme

Trente-cinquième session

6-23 juin 2017

Points 2 et 3 de l’ordre du jour

Rapport annuel du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l ’ homme et rapports du Haut-Commissariat et du Secrétaire général

Promotion et protection de tous les droits de l ’ homme,

civils, politiques, économiques, sociaux et culturels,

y compris le droit au développement

Moyens de garantir l’exercice du droit à l’éducation par toutes les filles sur un pied d’égalité

Rapport du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme

Résumé

Le présent rapport a été établi conformément à la résolution 32/20 du Conseil des droits de l’homme. Il souligne les obstacles multiples et croisés qui limitent l’égalité d’accès réel des filles à l’éducation et met en lumière les bonnes pratiques visant à y remédier. En outre, il contient des recommandations sur les mesures appropriées destinées à garantir l’exercice du droit à l’éducation par toutes les filles sur un pied d’égalité et, dans ce contexte, à éliminer toutes les disparités entre les sexes en matière d’éducation d’ici à 2030, conformément à l’engagement que constitue l’Objectif 4 des Objectifs de développement durable.

I.Introduction

Dans la résolution 32/20, le Conseil des droits de l’homme a reconnu que l’éducation était un droit aux effets multiplicateurs qui donnait aux femmes et aux filles les moyens de faire des choix et de revendiquer leurs droits fondamentaux, dont celui de prendre part aux affaires publiques, et de participer pleinement aux décisions qui façonnent la société. Le Conseil a prié le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme d’établir un rapport, en étroite coopération avec toutes les parties concernées, sur les moyens de permettre à toutes les filles, d’exercer le droit à l’éducation sur un pied d’égalité, qui lui sera soumis à sa trente-cinquième session.

Une note verbale a été envoyée le 11 octobre 2016 aux États et à d’autres parties prenantes leur demandant de fournir des contributions ; 35 contributions ont été reçues. D’autres informations ont été recueillies auprès des parties prenantes concernées par le canal d’entretiens, de rapports et de correspondances.

Malgré la reconnaissance universelle du droit à l’éducation pour tous, les filles ont toujours plus de probabilités que les garçons de ne jamais aller à l’école. En 2014, plus de 32 millions de filles en âge de fréquenter l’école primaire n’étaient pas scolarisées et on estime que 15 millions de filles − principalement celles qui vivent dans la pauvreté − ne mettront jamais les pieds dans une salle de classe, contre 10 millions de garçons. Ces disparités ont également contribué au fait que les femmes représentent près des deux tiers des 758 millions d’adultes qui ne savent ni lire ni écrire, et l’écart est encore plus important dans les situations de conflit, où les filles ont près de deux fois et demie plus de probabilités que les garçons de ne pas être scolarisées.

En dépit des progrès réalisés, en particulier dans l’enseignement primaire, il reste encore beaucoup à faire à tous les niveaux de l’enseignement et entre les niveaux régional, national et infranational pour faire en sorte que chaque fille ait un droit égal à une éducation de qualité et ne soit pas laissée pour compte. L’égalité des sexes occupant une place centrale dans le Programme pour le développement durable à l’horizon 2030, lorsqu’ils élaborent des lois, des politiques et des plans de mise en œuvre, les États doivent en garantir la conformité avec leurs obligations internationales relatives aux droits de l’homme.

II.Cadre juridique et évolution

Le droit à l’éducation, y compris son exercice par toutes les filles sur un pied d’égalité, est universellement reconnu et garanti dans de nombreux instruments juridiques internationaux et régionaux. Il se compose de quatre principes essentiels et interdépendants − disponibilité, accessibilité, acceptabilité et adaptabilité − que les débiteurs d’obligations se doivent de respecter, de protéger et de réaliser.

Bien que la réalisation du droit à l’éducation soit progressive et que les limitations soient reconnues, les normes internationales des droits de l’homme imposent néanmoins aux États les obligations qui ont un effet immédiat. Ainsi, l’interdiction de la discrimination s’applique « pleinement et immédiatement à tous les aspects de l’éducation » et « vaut pour tous les motifs sur lesquels le droit international interdit de fonder l’exercice d’une discrimination quelle qu’elle soit. En outre, les États ont l’obligation immédiate de prendre des mesures délibérées, concrètes et ciblées, en utilisant au maximum les ressources dont ils disposent, et d’agir rapidement et efficacement en vue de réaliser pleinement le droit à l’éducation.

L’exercice du droit à l’éducation par les filles sur un pied d’égalité est régulièrement souligné dans les observations finales concernant les rapports des États parties par les organes conventionnels des droits de l’homme, avec 46 références sur le sujet entre 2014 et 2015 seulement. Divers mécanismes relatifs aux procédures spéciales ont également abordé cette question dans leurs rapports thématiques, rapports par pays et communications. En 2015 et 2016, 51 recommandations touchant le droit des filles à l’éducation ont été faites aux États au cours de l’Examen périodique universel qui leur était consacré, dont 49 ont été acceptées.

Outre les programmes relatifs aux objectifs du Millénaire pour le développement (2000-2015) et aux Objectifs de développement durable (2015-2030), de nombreux instruments politiques non contraignants ont reconnu la nécessité d’assurer aux filles le droit à l’éducation dans des conditions d’égalité, notamment la Conférence internationale sur la population et le développement (1994) ; la Déclaration et Programme d’action de Beijing (1995) ; le Cadre d’action de Dakar, (2000) ; la Déclaration et Programme d’action d’Incheon (2015), et l’Initiative des Nations Unies en faveur de l’éducation des filles.

III.Obstacles à l’accès des filles à l’éducation

Les enfants dans le monde entier rencontrent des obstacles multiples et interdépendants qui limitent l’exercice de leur droit à l’éducation. Si certains de ces obstacles affectent aussi bien les filles que les garçons, ceux présentés ci-après illustrent les difficultés que rencontrent spécifiquement les filles.

A.Stéréotypes sexistes

Les stéréotypes sexistes se rapportant au rôle des femmes, lesquelles seraient reléguées à la sphère familiale, sous-tendent tous les obstacles à l’égalité d’accès des filles à une éducation de qualité. Les filles sont souvent socialisées pour assumer des responsabilités domestiques et les soins, l’hypothèse de départ étant qu’elles seront économiquement dépendantes des hommes. En raison du stéréotype selon lequel les hommes sont les soutiens de famille, les garçons sont éduquées en priorité. Les stéréotypes imposent souvent des attentes différentes pour les garçons et les filles, telles que l’achèvement de la scolarité et les domaines d’étude à suivre. Les stéréotypes se perpétuent également dans les programmes et les matériels scolaires, ce qui conduit souvent à une ségrégation professionnelle, les filles ayant moins de chances d’étudier et de poursuivre des carrières professionnelles dans des domaines hautement appréciés et traditionnellement dominés par les hommes, comme les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques.

L’éducation peut contribuer à démanteler les stéréotypes et les normes sexistes préjudiciables, qui sont durables et ont de vastes répercussions sur tous les aspects de la vie des filles et des femmes.

El Salvador, l’Espagne, l’Estonie, la Lituanie, le Mexique, la Slovaquie et l’organisation Égalité Maintenant ont reconnu que les stéréotypes sexistes constituaient un défi majeur à l’accès des filles à l’éducation. Le Burkina Faso, Cuba, la France, le Mali, Maurice, le Nicaragua, la Slovénie et l’organisation Défense des enfants International ont souligné leur engagement dans des initiatives de sensibilisation auprès des parents, des familles, des dirigeants communautaires et religieux, ainsi qu’avec des médias, en vue de remédier progressivement aux opinions et convictions préjudiciables. La Géorgie et l’Irlande ont indiqué qu’elles avaient pris des mesures spécifiques afin de promouvoir des carrières pour les femmes dans la science, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques. Les Émirats arabes unis ont souligné la création du Centre de créativité et d’innovation pour les femmes et les filles, afin de promouvoir l’égalité des chances dans les technologies de l’information et des communications, y compris par la formation, la recherche et les applications novatrices. L’Arabie saoudite a indiqué qu’elle avait mis en place des cours et des programmes de sensibilisation visant à limiter et à prévenir l’insuffisance de la scolarisation et l’abandon scolaire des filles.

Les normes internationales des droits de l’homme disposent que l’obligation qui incombe aux États d’éliminer la discrimination à l’égard des filles et des garçons suppose de démanteler les stéréotypes par des mesures volontaristes − en coopération avec les filles et les garçons, les femmes et les hommes, la société civile et les dirigeants communautaires et religieux − afin de promouvoir l’autonomisation des filles et d’éliminer les stéréotypes sexistes préjudiciables, tant dans la vie publique que privée.

Les organes conventionnels des droits de l’homme ont recommandé aux États de prendre des mesures globales visant à battre en brèche les stéréotypes sexistes discriminatoires à l’égard des filles, qui font obstacle à leur éducation. Les croyances stéréotypées des parents, des enseignants et des chefs communautaires quant à l’importance et à la valeur de l’éducation des filles devrait être mises en cause. Il conviendrait d’élaborer des stratégies globales visant à éliminer les attitudes, les stéréotypes et les pratiques préjudiciables, notamment dans le contexte de l’éducation, avec la participation des filles. Ces stratégies devraient s’accompagner d’objectifs clairement définis et de mécanismes de contrôle appropriés.

B.Législation, politiques et budgets

Plusieurs États disposent de lois et de politiques qui limitent l’exercice du droit à l’éducation par les filles sur un pied d’égalité. Même des lois et des politiques apparemment neutres sur le plan du genre peuvent − souvent en raison des normes sociales dominantes − aboutir à ce que les filles soient exclues de l’école, telles que celles qui ne s’attachent pas à fournir des biens et services axés sur les besoins des filles ou qui ne protègent pas expressément le droit des filles de prendre des décisions concernant leur corps et leur choix de vie. Il s’agit notamment des lois et des politiques qui autorisent le mariage des enfants, tolèrent des critères d’admission scolaire discriminatoires, tels que l’exclusion des filles enceintes, et restreignent la liberté de mouvement des filles. Plan International et le Conseil national de la jeunesse irlandaise ont noté que les voix des filles n’étaient pas toujours entendues, ce qui conduisait à l’élaboration de lois et de politiques qui ne reflétaient pas leurs vues, leurs besoins et leurs expériences.

Il est essentiel d’abroger les lois et les politiques discriminatoires et d’adopter des mesures visant à promouvoir l’égalité des sexes et à lutter spécifiquement contre la discrimination en matière d’éducation. Plusieurs États, notamment l’Arabie saoudite, le Brunéi Darussalam, le Burkina Faso, la Colombie, Cuba, El Salvador, les Émirats arabes unis, l’Espagne, l’Estonie, la Fédération de Russie, la Finlande, la France, la Géorgie, la Lituanie, Monaco, le Mexique, le Mali, le Monténégro, le Qatar et la Slovaquie, ont insisté sur l’adoption de cadres juridiques et politiques visant à garantir l’égalité d’accès des filles à l’éducation, notamment dans le cadre de la mise en œuvre des Objectifs de développement durable.

La mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des lois et politiques doivent être efficaces, et associer la participation effective des filles et des garçons, qu’il convient de sensibiliser à leurs droits. Des ressources financières adéquates et un budget pour l’éducation direct, transparent et tenant compte des besoins des femmes sont également nécessaires, autrement, la hausse des frais directs et la limitation des espaces disponibles entraîneront la concurrence entre les filles et les garçons pour une place à l’école. Aggravées par les inégalités entre les sexes et la législation du travail, les politiques et les marchés qui favorisent les hommes peuvent, à leur tour, avoir pour conséquence que la priorité soit accordée à l’éducation des garçons au détriment des filles.

Les États ont l’obligation de solliciter l’aide et la coopération internationales lorsque leurs ressources sont insuffisantes. Les partenaires internationaux peuvent apporter un financement et des ressources, qui devraient être coordonnés, durables et surveillés, et cibler efficacement les filles qui risquent le plus d’être laissées pour compte.

Toute fille devrait avoir accès à des voies de recours judiciaires et non judiciaires, adaptées aux enfants, tenant compte du genre et sûres, et être informée de leur existence, lorsque ses droits ont été violés, notamment du droit à l’éducation. En l’absence de responsabilité globale et efficace au niveau national, tous les droits de l’homme, notamment le droit à l’éducation, ne sont que de vaines promesses. Il est essentiel que le droit à l’éducation relève de la compétence des tribunaux, comme un droit légal et exécutoire. Les institutions nationales des droits de l’homme pourraient avoir un rôle plus important s’agissant de surveiller l’égalité d’accès des filles à l’éducation, et de recevoir et traiter les plaintes.

C.Coûts

Les filles sont plus susceptibles d’avoir de mauvais résultats scolaires et d’abandonner leurs études lorsque leurs parents ou tuteurs vivent dans la pauvreté et/ou n’ont pas les moyens d’assumer les dépenses liées à leur scolarisation, à savoir les frais d’inscription, les manuels scolaires, l’uniforme, le transport et les repas. S’ajoutent à cela les responsabilités domestiques et familiales confiées aux filles au sein du foyer, et la tendance des parents à privilégier l’éducation des garçons afin d’offrir à ces derniers de meilleures perspectives de carrière.

De nombreux États ont indiqué que l’enseignement primaire et secondaire pour les filles et les garçons était gratuit, certains prenant même en charge les dépenses indirectes induites par exemple par les uniformes, les fournitures scolaires, les repas et le transport. El Salvador a indiqué que l’éducation était assurée gratuitement à tous les niveaux et qu’il avait également mis en place un programme dans le cadre duquel les repas, les uniformes et les fournitures scolaires étaient distribués gracieusement ; Maurice a déclaré que tous les élèves bénéficiaient de la gratuité des transports ; et Oman a souligné que 500 bourses complètes pour l’enseignement supérieur étaient accordées chaque année à des filles ayant terminé l’enseignement secondaire avec une moyenne générale de 80 %.

Chacun, sans discrimination, doit avoir accès à une éducation de qualité à un coût abordable et chaque fille a le droit de se voir offrir, dans des conditions d’égalité, les mêmes possibilités en ce qui concerne l’octroi de bourses et autres subventions pour les études. Lorsque l’enseignement primaire de qualité est gratuit, les États sont également tenus d’instaurer progressivement la gratuité de l’enseignement secondaire de qualité pour tous. Des mesures temporaires spéciales comme les formules de transferts financiers et les programmes visant à inciter les filles à aller à l’école ont permis d’accroître le taux de scolarisation des filles et contribué à faire évoluer les mentalités sur la question de l’éducation des filles. Ces mesures devraient tenir compte des besoins des filles en ciblant spécifiquement celles qui courent le plus de risques d’être laissées pour compte, et leurs effets devraient être évalués avec soin.

D.Privatisation de l’enseignement

Le développement de l’enseignement privé peut accroître le coût de l’éducation de qualité, entraîner une baisse des investissements dans l’enseignement public et, partant, renforcer encore les inégalités entre les sexes dans la société. Un grand nombre d’établissements privés appliquent un système d’admission discriminatoire et sont axés sur les profits et, de ce fait, ne peuvent être accessibles à tous dans des conditions d’égalité. Ces établissements ne suivent pas toujours le programme national et n’emploient pas exclusivement des enseignants qualifiés ; certains d’entre eux ne sont pas enregistrés auprès des autorités nationales ou fonctionnent dans un cadre de gestion privé qui limite le contrôle public sur leurs activités ainsi que leur responsabilité, et entraîne parfois le non-respect de certaines normes nationales. Tous ces facteurs peuvent faire obstacle à la scolarisation des filles, les familles préférant d’autant plus assurer l’éducation des garçons, et perpétuent les programmes d’enseignement discriminatoires, en particulier lorsque l’existence des établissements privés conduit à une diminution du nombre d’établissements publics où l’enseignement est gratuit et accessible.

Les États ont l’obligation de veiller à ce que les filles ne soient pas exclues de l’éducation de qualité et de les protéger de toute ingérence de tiers dans ce domaine, y compris les entités privées et les organisations non étatiques comme les écoles religieuses ou communautaires, ou les écoles gérées par des organisations non gouvernementales. Même lorsqu’il existe un système d’enseignement privé, il incombe aux États de respecter et protéger le droit à l’éducation des filles, et de veiller à ce que chacune d’elle puisse exercer ce droit. Le Rapporteur spécial sur le droit à l’éducation a invité les États à « mettre en place un cadre réglementaire élaboré qui contienne des normes, des interdictions et des sanctions, afin de contrôler l’activité des prestataires privés de services d’enseignement », à « entreprendre des enquêtes à grande échelle sur les pratiques frauduleuses » et à « préserver la mission de service public de l’enseignement ».

E.Distance

Lorsque les écoles sont situées loin des habitations, comme c’est le cas notamment dans les zones rurales et isolées, la probabilité que les filles ne soient pas scolarisées augmente. Celles-ci sont particulièrement touchées lorsque leur liberté de circulation est restreinte, par exemple, par des lois discriminatoires qui les obligent à obtenir l’autorisation d’un parent de sexe masculin pour se rendre quelque part, ou parce que les parents refusent de laisser les filles parcourir seules de longues distances pour des raisons de sécurité. Les filles vivant dans les zones rurales et isolées ont aussi davantage tendance à abandonner l’école que les autres filles parce qu’elles doivent assumer de lourdes responsabilités au sein du foyer, à savoir s’occuper des enfants plus jeunes, effectuer des travaux saisonniers ou aller chercher du bois de chauffage ou de l’eau. Ces filles représentent une large proportion de l’ensemble des personnes analphabètes à l’échelle nationale. Même lorsqu’il y a des écoles à proximité, la qualité de l’enseignement dispensé peut avoir une incidence sur la scolarisation des filles, leur assiduité et leurs résultats.

Les États peuvent rapprocher l’enseignement des foyers, notamment en veillant à ce que les plans et politiques en matière d’éducation soient adaptés aux réalités locales et répondent aux besoins particuliers de tous les enfants ; en adoptant des programmes d’apprentissage de remplacement, qui utilisent par exemple les TIC pour dispenser les cours, lorsque des plateformes adaptées sont disponibles et que l’assurance de la qualité de l’enseignement peut être garantie ; et en faisant en sorte que les filles scolarisées dans un internat aient à leur disposition des installations sûres et que les élèves bénéficient de services de transports scolaires à un coût abordable. Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a appelé l’attention sur les lignes directrices pour une planification sectorielle soucieuse de la problématique hommes-femmes qu’il a élaborées en collaboration avec l’Initiative des Nations Unies en faveur de l’éducation des filles et le Partenariat mondial pour l’éducation.

Les États sont tenus de veiller à ce que l’éducation de qualité soit physiquement accessible à toutes les filles, y compris celles qui vivent dans les zones rurales et isolées. Ils devraient, entre autres choses, améliorer les infrastructures éducatives dans les zones rurales ; accroître le personnel enseignant qualifié, y compris le nombre d’enseignantes ; assurer un enseignement culturellement adapté dans les langues locales et mettre en place des services de transport sûrs, abordables, accessibles et adaptés aux besoins de chaque sexe .

F.Infrastructures éducatives

Il arrive que les filles refusent d’aller à l’école ou qu’elles en soient découragées par leurs parents ou tuteurs lorsque les établissements ne fournissent pas d’eau, ne sont pas équipés de toilettes/vestiaires sûrs et adaptés, et ne tiennent pas compte des besoins particuliers des filles en matière de santé. Ces considérations peuvent également avoir une incidence négative sur la concentration et la participation des filles en classe. La stigmatisation sociale liée à la menstruation et au VIH/sida, par exemple, entraîne souvent une discrimination supplémentaire et peut contraindre les filles à rester chez elles.

Les États devraient veiller à ce que les écoles disposent d’eau potable en quantité suffisante, ainsi que de toilettes séparées, accessibles et abritées pour les filles ; et à ce qu’elles dispensent une éducation à l’hygiène et soient dotées des équipements nécessaires à l’hygiène menstruelle, en tenant compte des besoins des filles handicapées.

G.Règlement des établissements d’enseignement et codes vestimentaires

Les pratiques et règles d’admission dans les écoles qui ne tiennent pas compte des besoins de chaque sexe et établissent une discrimination fondée sur le sexe ou le genre limitent l’exercice par les filles de leur droit à l’éducation dans des conditions d’égalité, notamment lorsque les critères d’admission dans l’enseignement secondaire ou supérieur sont différents pour les filles et les garçons, ou lorsque celles-ci sont exclues des cours d’éducation physique et des activités extrascolaires. Dans certains établissements, en cas de non-respect du code vestimentaire, les filles risquent l’exclusion, l’humiliation publique et des sanctions disciplinaires, telles que la flagellation et d’autres formes de violences fondées sur le sexe ; et il arrive que les parents découragent ou empêchent leurs filles d’aller à l’école lorsqu’elles sont obligées de porter un signe religieux, ou au contraire de l’enlever.

Conformément au droit international des droits de l’homme, les dispositions législatives interdisant le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles peuvent porter atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant, et au droit de l’enfant à la liberté d’expression, à l’éducation et à la liberté de pratiquer ou de manifester sa religion. Tous les enfants devraient participer sur un pied d’égalité aux discussions relatives à l’adoption de certaines règles mises en œuvre dans le cadre scolaire, telles que le code vestimentaire. Cuba a souligné que filles et garçons prenaient part à l’élaboration et à la mise en œuvre des règles scolaires et précisé qu’une une approche sexospécifique visant à promouvoir des pratiques qui renforcent l’égalité était adoptée dans les écoles. Les États devraient examiner et surveiller attentivement l’incidence qu’ont les codes vestimentaires sur l’accès des filles à l’éducation.

H.Environnement éducatif inclusif et de qualité

La présence d’éléments discriminatoires explicites et implicites dans les programmes, les manuels, les matériels pédagogiques et les méthodes d’enseignement peut renforcer, encourager, voire normaliser la discrimination. Certains enseignants non qualifiés peuvent inciter les filles à s’orienter vers des cursus non professionnels, ignorer leur avis pendant les discussions menées en classe et favoriser les garçons par rapport aux filles sur le plan des notes, des chances, des encouragements et des punitions.

Cuba, l’Espagne, l’Estonie, la Finlande, le Mexique, le Nicaragua et la Slovénie ont dit avoir pris des mesures pour intégrer l’égalité des sexes dans les programmes scolaires nationaux, former les enseignants, réviser les manuels scolaires et diffuser des informations sur l’égalité des sexes. Au Brunéi Darussalam, les écoles proposent aux filles de participer à des activités extrascolaires.

Les États ont l’obligation de réexaminer et réviser périodiquement les programmes d’enseignement, les manuels et les méthodes pédagogiques pour veiller à ce qu’ils ne perpétuent pas les stéréotypes sexistes préjudiciables. Ils devraient veiller à ce que l’éducation aux droits de l’homme, notamment sur le thème de l’égalité des sexes et de la non-discrimination, fasse partie des programmes de base, les enseignants suivent systématiquement une formation sur l’égalité entre les sexes, et filles et garçons soient encouragés à choisir des domaines d’études non traditionnels, par l’intermédiaire de conseillers d’orientation.

Pour permettre aux filles d’exercer leur droit à l’éducation dans des conditions d’égalité, il convient d’être conscient des disparités qui peuvent exister entre les sexes sur le plan des compétences, des connaissances et des aptitudes linguistiques, de veiller à ce qu’il y ait dans les établissements des enseignantes qualifiées qui pourront servir de modèles aux filles, et de mettre en place des clubs pour les élèves ainsi que des programmes de mentorat. Les États devraient garantir l’équilibre hommes-femmes tant au sein du personnel enseignant qu’aux postes administratifs des établissements scolaires, y compris au niveau de la direction, et faire en sorte que les programmes soient identiques dans les écoles de filles et dans les écoles de garçons afin que les filles puissent suivre les mêmes cours et les mêmes activités que les garçons, y compris les activités sportives.

Une éducation complète à la sexualité est souvent orientée, censurée, ramenée à la biologie, limitée en fonction de l’âge, soumise à l’autorisation de tiers, voire exclue du programme scolaire. Toutefois, l’accès à une éducation complète à la sexualité, définie comme « une manière d’aborder l’enseignement de la sexualité et des relations interpersonnelles qui soit adaptée à l’âge, culturellement pertinente et fondée sur une information scientifiquement précise, réaliste et s’abstenant de jugements de valeur », permettra aux filles et aux garçons de prendre des décisions éclairées en ce qui concerne leur santé sexuelle et procréative. L’éducation sexuelle est essentielle à l’autonomisation de chaque fille et joue un grand rôle dans la lutte contre les pratiques néfastes, les grossesses non désirées et les infections sexuellement transmissibles, notamment le VIH. De nombreux États, dont la Colombie, Cuba, El Salvador, la France, le Mexique et le Nicaragua ont souligné l’importance que revêt l’éducation complète à la sexualité.

Les mécanismes internationaux des droits de l’homme ont clairement établi que toute personne a droit à une éducation sur la sexualité et la procréation qui soit complète, non discriminatoire, non orientée, factuelle et scientifiquement exacte, et qui tienne compte de l’évolution des aptitudes des enfants et des adolescents. Pour que les filles puissent réaliser leur droit à une éducation de qualité dans des conditions d’égalité, les États doivent veiller à ce que les élèves reçoivent une éducation sur la santé sexuelle et procréative, qui fasse partie du programme scolaire obligatoire, et qui soit dispensée dans le cadre d’une approche holistique adaptée au sexe et/ou au handicap et axée sur la promotion des droits des femmes et l’égalité des sexes.

I.Grossesse chez les adolescentes

Les lois ou règlements répressifs interdisent souvent l’accès des écoles aux filles enceintes sous prétexte que celles-ci cessent d’être des enfants à partir du moment où elles tombent enceintes. Les filles enceintes sont aussi souvent privées de l’aide et des services dont elles ont besoin pendant leur grossesse et après la naissance de leur enfant. Le Mexique s’est dit conscient des difficultés que rencontrent ces filles et a octroyé des aides aux adolescentes enceintes (de 12 à 18 ans) pour leur permettre de terminer leurs études.

Chaque fille a le droit de rester à l’école lorsqu’elle est enceinte et d’y retourner après l’accouchement, un droit qui devrait être inscrit notamment dans des lois et des politiques non discriminatoires portées à la connaissance du public. Il convient de lutter contre la stigmatisation des filles enceintes et contre le harcèlement des autres élèves et des enseignants à leur égard, afin de leur offrir un environnement d’apprentissage sûr dans les établissements scolaires. Les États devraient veiller à ce que les filles enceintes ou allaitantes aient accès à des garderies, des salles d’allaitement et des services de conseils, y compris au sein des établissements scolaires.

J.Violence fondée sur le genre

Sur le chemin de l’école et dans l’enceinte scolaire, les filles sont fréquemment victimes de violence fondée sur le genre, qui prend notamment la forme d’actes de harcèlement sexuel, d’atteintes à l’intégrité de la personne, d’enlèvements, d’agressions psychologiques et de brimades, et qui est le fait principalement d’étudiants, d’enseignants et de membres de la communauté de sexe masculin, mais aussi de femmes et de filles, agissant souvent en toute impunité. Cette violence peut viser non seulement les filles scolarisées, mais aussi les filles, les parents et les enseignants qui défendent l’égalité des sexes et le droit des filles à l’éducation. Les cas avérés d’agressions contre des filles ayant accès à l’éducation, notamment dans le contexte de l’extrémisme violent, sont en augmentation partout dans le monde. Pourtant, rares sont les États qui ont des lois spécifiques relatives à la violence fondée sur le genre en milieu scolaire ou qui recueillent les données qui leur permettront de s’attaquer efficacement au problème ou de prendre en considération la question de l’égalité des sexes dans leur action visant à prévenir et à combattre l’extrémisme violent.

Compte tenu de la violence à laquelle elles s’exposent du fait de leur sexe et de leur scolarisation, les filles sont souvent amenées à quitter l’école, principalement pour rester « mariables » ou pour préserver « l’honneur ». De cette violence découlent généralement des traumatismes, une stigmatisation et, parfois, des grossesses, qui compromettent sérieusement l’accès des victimes à l’éducation.

Pour remédier à la situation, diverses mesures ont été prises, dont la mise en place dans les établissements scolaires de mécanismes de surveillance et de signalement en toute confidentialité ; l’instauration de tribunaux adaptés aux besoins de l’enfant ; l’établissement de registres publics des délinquants sexuels et l’interdiction qui leur est faite de travailler avec des enfants ; le renforcement des capacités des responsables de l’application des lois ; et la création de services de réadaptation pour les victimes. L’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a appelé l’attention sur sa publication « Lutte contre la violence de genre en milieu scolaire − Orientations mondiales », qui propose des axes de réflexion, des méthodes, des ressources et des outils intéressants.

Les États ont l’obligation juridique internationale de prendre des mesures appropriées et efficaces pour protéger les filles contre toutes les formes de violence fondée sur le genre, que celle-ci soit le fait d’acteurs publics ou privés ; ils sont notamment tenus d’agir avec la diligence voulue afin d’enquêter sur les cas de violence fondée sur le genre, y compris de la part d’enseignants, et de prévenir de tels actes, d’engager des poursuites contre les auteurs de ces violences et de les contraindre à rendre compte de leurs actes, et de garantir le droit des victimes à un recours effectif, adapté aux besoins de l’enfant et tenant compte des différences entre les sexes. Les filles et les garçons devraient être associés à l’élaboration de mesures telles que l’adoption de garanties et de politiques spécifiques ou la mise en place de mécanismes de suivi et de signalement fiables et accessibles, ainsi qu’au contrôle de leur application. Il est également indispensable de comprendre pleinement les causes profondes et les conséquences de la violence fondée sur le genre subie par les filles en milieu scolaire, par exemple, par des recherches méthodiques et une meilleure collecte de données.

K.Pratiques préjudiciables

Les pratiques préjudiciables se définissent comme « des pratiques et des comportements persistants enracinés dans la discrimination fondée notamment sur le sexe et l’âge […] ainsi que des formes multiples ou intimement liées de discrimination qui s’accompagnent souvent de violences et causent un préjudice physique ou psychosocial ou des souffrances ». Pour justifier leur application, on avance souvent que ces pratiques ont des fondements religieux ou socioculturels ; qu’elles sont une forme de paiement, de « protection » ou de garantie financière, et qu’elles constituent un rite de passage à l’âge adulte. Ces pratiques sont avant tout préjudiciables aux filles, en particulier dans les zones rurales, et compromettent leur accès à l’éducation. Le mariage est l’une des raisons pour lesquelles les filles sont contraintes de quitter l’école, car on attend d’elles qu’elles assument leurs responsabilités d’épouse et de mère, et qui explique l’augmentation des taux d’abandon scolaire.

Pour mettre fin à l’acceptation culturelle et sociale de ces pratiques, il conviendrait de faire connaître leurs effets préjudiciables sur les filles et leurs coûts pour la société dans son ensemble, notamment par le biais de programmes d’information et d’appui, de programmes dans les médias et de campagnes de sensibilisation, menés en collaboration avec des filles et des femmes plus âgées, des chefs religieux et des représentants de la communauté, des membres de la société civile, et des hommes et des garçons. Des mesures économiques pour inciter les filles à terminer leurs études avant de se marier se sont aussi révélées très efficaces pour lutter contre le mariage d’enfants.

En vertu du droit international des droits de l’homme, les État devraient prendre toutes les mesures efficaces appropriées en vue d’abolir les pratiques traditionnelles préjudiciables à la santé des enfants et modifier ou abroger toute loi, disposition réglementaire, coutume ou pratique qui constitue une discrimination à l’égard des femmes, y compris en faisant en sorte que les filles soient informées de leurs droits, en matière de mariage et à même de les faire valoir et de les exercer et que celles qui fuient leur famille pour se soustraire à des pratiques préjudiciables soient protégées. Les enseignants peuvent aussi jouer un rôle essentiel en matière d’assistance aux victimes effectives ou potentielles de pratiques préjudiciables.

L.Les situations de conflit et d’instabilité

Les situations de conflit et d’instabilité, y compris celles qui résultent de catastrophes naturelles et de la violence criminelle généralisée, s’accompagnent d’un effondrement des infrastructures de services publics et des structures politiques, économiques et sociales du pays concerné. Souvent, ces situations attisent des formes de discrimination préexistantes, creusent les inégalités entre les sexes et exposent les filles, en particulier, à des risques accrus de violences, d’exploitation et de violation de leurs droits, y compris leur droit à l’éducation.

Lorsque les écoles sont prises pour cibles, pillées, détruites, fermées pour des raisons de sécurité, occupées à des fins militaires ou réquisitionnées pour servir d’abri, l’éducation des filles est remise en cause. Celles-ci peuvent être découragées ou empêchées d’aller à l’école en raison des graves violations de leurs droits découlant de la « normalisation de la violence fondée sur le genre », telles que les agressions ciblées, l’exclusion forcée, le recrutement forcé, l’enlèvement, l’esclavage sexuel, le harcèlement et les menaces proférées à leur encontre par des groupes armés et des groupes criminels. Dans un tel contexte d’insécurité, il est très fréquent que les filles soient soumises à des pratiques préjudiciables et confinées au foyer pour assumer les responsabilités domestiques ou participer à la création de revenu en exerçant des activités assimilables à de l’exploitation. L’organisation Défense des enfants International a relevé que, dans bien des cas, la priorité était de survivre au jour au jour, et non d’investir dans l’avenir des filles à long terme.

Quelques initiatives mondiales ont cherché à remédier à ces problèmes et à protéger le droit à l’éducation dans les situations d’instabilité. La fondation Education Above All promeut des approches innovantes, par exemple, en cherchant à pallier le manque de données sur les atteintes à l’éducation.

Les droits de l’homme consacrés au niveau international, dont le droit à l’éducation, continuent de s’appliquer dans un contexte de conflit armé et d’occupation, en sus des droits garantis par le droit international humanitaire, le droit des réfugiés et le droit pénal international. Le Conseil de sécurité a adopté un certain nombre de résolutions relatives aux enfants et aux conflits armés et aux femmes, à la paix et à la sécurité, qui engagent les parties à des conflits à s’abstenir de prendre des mesures empêchant les enfants d’accéder à l’éducation et à prévenir l’utilisation des écoles à des fins militaires.

Les États devraient placer au rang des priorités la protection des établissements scolaires contre les attaques et faire en sorte que les filles soient protégées de la violence, sur le chemin de l’école et dans l’enceinte scolaire. Ils devraient apporter aux filles des solutions appropriées en cas de violation de leurs droits, afin qu’elles puissent avoir accès à l’éducation au même titre que les garçons − par exemple, remettre en état les établissements d’enseignement endommagés et en faciliter l’accès aux filles ; mettre sur pied des programmes d’information, de rapatriement et de rattrapage, y compris des services d’éducation spécialisés pour les victimes de la violence fondée sur le genre et des programmes de réintégration scolaire pour les filles qui ne vont pas à l’école ; et augmenter les fonds et les ressources alloués à l’éducation des filles à tous les niveaux et en toute circonstance.

IV.Filles particulièrement exposées au risque d’être laissées pour compte

Même lorsque les voies de l’éducation leur sont ouvertes, les filles restent susceptibles de subir des formes de discrimination multiple et croisée qui limitent l’exercice de leur droit à l’éducation, en particulier, lors du passage de l’enseignement primaire à l’enseignement secondaire. Les obstacles fondés sur le genre peuvent être aggravés par d’autres facteurs tels que l’identité, l’appartenance ethnique, les croyances, l’état de santé, le lieu, le statut migratoire ou la situation individuelle au moment considéré ; cet état de fait concerne notamment, mais non exclusivement, les filles qui sont pauvres, qui vivent dans la rue ou habitent dans les zones rurales et reculées ; les filles handicapées ; les filles appartenant à des minorités nationales, ethniques, religieuses ou linguistiques, ou à une certaine caste, et les filles d’ascendance africaine ; les filles apatrides ou migrantes, en particulier celles qui sont en situation irrégulière et qui se trouvent dans des centres de détention, celles qui sont déplacées et/ou qui fuient une région en conflit ou instable ; les filles orphelines et/ou privées de milieu familial ; les filles qui vivent avec le VIH/sida ; et les filles lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexuées.

Il est courant que les enfants et, surtout les filles, qui présentent un handicap psychosocial, intellectuel, sensoriel ou physique soient ostracisés et peinent à accéder à une éducation inclusive de qualité. Souvent, les filles handicapées se heurtent à un arsenal de lois, de politiques et de pratiques discriminatoires ou pâtissent de l’absence de lois, de politiques et de pratiques habilitantes, ce qui nuit à leur droit à l’éducation. Il arrive que leur inscription dans des établissements publics ou privés soit refusée ; que leurs parents/tuteurs ou les structures qui les accueillent leur interdisent d’aller à l’école ; qu’elles ne soient pas prioritaires lorsqu’il s’agit d’obtenir des dispositifs d’assistance et des services de réadaptation pour accéder à l’éducation ; et qu’elles souffrent du manque d’infrastructures de transport et d’éducation, y compris de l’absence d’installations sanitaires séparées ou d’installations sûres et adaptées leur permettant de prendre en charge leur hygiène menstruelle.

Bon nombre d’États avaient pris des mesures en faveur des filles qui sont les plus exposées au risque d’être laissées pour compte. Au Mali, le programme « Bourses Maman » a subventionné les femmes qui entreprenaient des activités rémunératrices à condition que les filles aillent à l’école, et a encouragé le recrutement d’enseignantes dans les écoles des zones rurales. En Finlande, les établissements scolaires devaient établir des plans annuels en faveur de la non-discrimination et de l’égalité des sexes, qui traitaient aussi de la discrimination à l’égard des filles appartenant à des minorités. Le Nicaragua avait adapté ses supports d’enseignement et ses programmes scolaires en fonction de la langue et de la situation de chaque région, avec le concours de filles en situation de vulnérabilité. En Sierra Leone, l’organisation Plan International avait aidé les filles marginalisées et les enfants handicapés à poursuivre leur scolarité, notamment par le biais de groupes de soutien après l’école, le paiement des frais de scolarité, la fourniture de manuels, d’uniformes scolaires et de supports d’apprentissage, et la formation des enseignants à une éducation qui tienne compte du genre et du handicap.

Les États devraient lutter contre les formes de discrimination multiple et croisée dont les filles peuvent faire l’objet et fournir une éducation inclusive de qualité, accessible à toutes les filles, en particulier celles qui sont les plus vulnérables et les plus marginalisées. Ils doivent assurer l’enregistrement des naissances afin que chaque fille soit recensée et ait accès à l’éducation. Ils devraient aussi faire en sorte que toutes les filles aient la possibilité d’accéder à l’éducation dès la petite enfance, de manière à faciliter leur entrée à l’école primaire. Les États devraient en outre adopter des mesures temporaires spéciales pour parvenir à une égalité de fait entre les filles et les garçons ainsi que des mesures en faveur des groupes défavorisés, en veillant à ce que celles-ci n’aient pas pour effet d’établir des normes inégales ou distinctes.

V. Programme de développement durable à l’horizon 2030

Les objectifs du Millénaire pour le développement ont contribué à mobiliser la volonté politique et l’investissement pour améliorer l’accès des filles à l’éducation. Entre 2000 et 2015, l’écart entre les sexes en matière d’alphabétisation s’est considérablement réduit, et on a observé une hausse sensible du taux de fréquentation scolaire dans le primaire au niveau mondial, qui s’est accompagnée d’une plus grande parité entre filles et garçons. Néanmoins, malgré l’augmentation du nombre de filles achevant l’enseignement primaire, il existait souvent un écart important entre les sexes dans l’enseignement secondaire du premier cycle dans près de 60 % des pays, les filles qui vivaient dans la pauvreté ou dans des zones rurales étant les plus durement touchées.

La tendance à se focaliser sur les moyennes mondiales et nationales réduit l’attention accordée aux progrès inégaux réalisés en matière d’éducation d’un pays à l’autre et à l’intérieur des pays. Parmi les lacunes importantes des objectifs du Millénaire, on peut citer le fait qu’ils ne permettent pas de suivre la situation des filles les plus vulnérables et marginalisées, ce qui a rendu leur réalité invisible, ainsi que la non-ventilation générale des données, conjuguée à une obligation insuffisante de rendre des comptes.

Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 offre une occasion historique de faire fond sur les réalisations des objectifs du Millénaire pour le développement, de tirer des enseignements de leurs limites et d’engager une véritable transformation vers la pleine réalisation des droits de l’homme. Le Programme, qui met l’accent sur l’autonomisation et les droits plutôt que sur l’assistance et la nécessité, devrait accélérer la pleine réalisation du droit des filles à l’éducation dans le monde entier.

Le Programme énonce des objectifs universels et intégrés et repose sur l’engagement de ne laisser personne sur le bord du chemin, ce qui est primordial pour réaliser le droit de toutes les filles à l’éducation, car il englobe l’élimination de toutes les formes de discrimination et la réduction des inégalités dont sont victimes les filles partout dans le monde. Dans la Déclaration d’Incheon et le Cadre d’action, la communauté éducative mondiale a réaffirmé l’importance de l’égalité des sexes dans l’éducation. En plus des principes d’universalité, d’égalité et de non-discrimination, la mise en œuvre des objectifs devrait être guidée par les principes qui s’appliquent aux enfants : l’indivisibilité de leurs droits, leur intérêt supérieur, leur survie et leur développement, ainsi que le respect de leurs opinions.

Bien que les Objectifs de développement durable et leurs cibles soient indissociables et se renforcent mutuellement, l’objectif 4, relatif à une éducation de qualité, et l’objectif 5, relatif à l’égalité des sexes, sont particulièrement pertinents et indissolublement liés dans le contexte de l’exercice du droit à l’éducation par les filles. Aux fins de la réalisation de l’objectif 4, ayant trait aux inégalités et à la qualité de l’éducation, les États ne devraient pas seulement se contenter d’éliminer les disparités entre les sexes, mais aussi s’efforcer d’assurer l’égalité des sexes dans l’éducation, conformément aux engagements pris au titre de l’objectif 5 et de la Déclaration d’Incheon et du Cadre d’action. Le droit des filles d’accéder à l’éducation dans des conditions d’égalité dépend aussi d’autres objectifs, notamment ceux relatifs à la pauvreté, à la santé, à l’eau et à l’assainissement, à la réduction des inégalités, à l’élimination de la violence à l’encontre des enfants ainsi qu’à la promotion de sociétés pacifiques et ouvertes à tous.

Alors que le suivi de la réalisation des cibles des objectifs du Millénaire pour le développement, y compris en ce qui concerne l’éducation, mettait l’accent sur les progrès globaux, les Objectifs de développement durable sont universellement applicables et préconisent la collecte de données fiables ventilées non seulement selon le sexe, mais aussi selon d’autres motifs de discrimination. Cela aidera à recenser les filles victimes de formes de discrimination multiples et croisées et d’inégalités dans le domaine de l’éducation. Toutefois, la ventilation des données seule ne suffit pas : la collecte des données devrait être réalisée d’une manière qui tienne pleinement compte des principes fondamentaux des droits de l’homme, notamment la participation, l’auto-identification, la transparence, le respect de la vie privée et la responsabilisation en matière de droits.

Dans le cadre des Objectifs de développement durable, les indicateurs sont indispensables s’agissant de la responsabilité, ainsi que du suivi et de l’évaluation des efforts déployés par les États pour faire en sorte que toutes les filles puissent exercer leur droit à l’éducation dans des conditions d’égalité. Parallèlement, cette responsabilité ne devrait pas être définie uniquement par des indicateurs. La sélection d’un nombre limité d’indicateurs peut conduire à des incitations indésirables, qui pourraient, à terme, compromettre la réalisation des obligations incombant aux États. Par exemple, dans le cadre de la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, on a accordé moins d’attention à la qualité de l’enseignement primaire, à la fréquentation scolaire effective et à l’achèvement de la scolarité, car on s’est limité à mettre l’accent sur la scolarisation des filles. Par voie de conséquence, on s’est moins préoccupé des autres niveaux d’enseignement, notamment l’enseignement secondaire, ainsi que de l’égalité des sexes et du droit des filles à l’éducation de manière plus générale.

Compte tenu de ce qui précède, des indicateurs complémentaires pourraient être mis au point aux niveaux national et infranational, et d’autres sources de données pertinentes pourraient être étudiées, y compris des données factuelles sur les violations des droits de l’homme observables, des données normalisées, des données socioéconomiques et administratives et des données fondées sur des enquêtes, des opinions et des expériences. En outre, on pourrait renforcer les efforts visant à donner aux détenteurs de droits − notamment les étudiants, les clubs scolaires, les enseignants et les associations de parents et d’enseignants − la possibilité d’exercer leur propre suivi des cibles au moyen des technologies de l’information et de la communication (SMS, production participative ou fiches de notation). Ils pourraient ainsi partager des informations sur le contenu et les modalités de l’enseignement.

Pour évaluer pleinement l’exercice des droits de l’homme, y compris le droit des filles à l’éducation, il ne faut pas se fonder uniquement sur des données quantitatives, mais aussi tenir compte d’aspects qualitatifs. Il ne suffit pas de déterminer comment suivre et mesurer la réalisation des Objectifs de développement durable dans le respect des normes relatives aux droits de l’homme, il faut également tenir des délibérations inclusives pour comprendre les structures de pouvoir complexes qui perpétuent la discrimination et l’inégalité, puis s’attacher à démanteler ces systèmes pour bâtir des sociétés plus justes et plus égalitaires.

Les méthodes existantes de surveillance et d’observation de la situation des droits de l’homme, qui mettent en jeu des indicateurs qualitatifs et des analyses contextualisées, seront donc des sources d’informations essentielles pour compléter le suivi de la réalisation des Objectifs afin de déterminer pleinement si les États s’acquittent de leurs obligations relatives aux droits de l’homme, s’agissant notamment du droit des filles à l’éducation. À cet égard, il est essentiel que l’analyse des progrès réalisés dans la mise en œuvre des Objectifs, y compris en ce qui concerne l’exercice du droit à l’éducation par toutes les filles dans des conditions d’égalité, s’inscrive dans le cadre d’un processus de surveillance de la situation des droits de l’homme et d’établissement de rapports plus complet et analytique, avec lequel elle soit en phase.

VI. Conclusion et recommandations

L es recommandations ci-après, formulées sur la base du présent rapport, s ’ adressent aux États et autres parties prenantes, pour autant qu ’ elles leur soient applicables :

a) Éliminer les formes multiples et croisées de discrimination, notamment en abrogeant les lois, politiques, réglementations et pratiques qui empêchent directement ou indirectement les filles d ’ avoir accès à un enseignement de qualité ;

b) Adopter des garanties constitutionnelles, des cadres législatifs, des politiques et des programmes visant à combattre la discrimination, à garantir l ’ exercice du droit à une éducation de qualité par toutes les filles et à assurer le respect de l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant et du droit des filles d ’ être entendues, et procéder à leur examen, à leur suivi et à leur évaluation à intervalles réguliers ;

c) Veiller à ce que des ressources financières adéquates soient dégagées pour appliquer les lois, politiques et programmes relatifs à l ’ éducation des filles à tous les niveaux et dans tous les contextes, et que le budget correspondant soit élaboré de manière directe, transparente et en tenant compte de la question du genre, notamment grâce à une coopération internationale coordonnée, durable et contrôlée qui s ’ adresse effectivement aux filles les plus susceptibles d ’ être laissées pour compte ;

d) Faire en sorte que le droit à l ’ éducation soit opposable et que toutes les filles connaissent leurs droits et aient accès à des recours judiciaires et non judiciaire s sûrs, adaptés aux enfants et tenant compte du genre, et renforcer la surveillance par les institutions nationales des droits de l ’ homme de l ’ exercice du droit à l ’ éducation par les filles dans des conditions d ’ égalité ;

e) Prendre des mesures volontaristes, globales et adéquates, notamment de sensibilisation et de diffusion de l ’ information, afin de promouvoir l ’ éducation des filles et d ’ éliminer les stéréotypes sexistes préjudiciables dans la vie publique et privée, y compris dans le domaine de l ’ éducation, en coopération avec les filles et les garçons, la société civile, les dirigeants communautaires et religieux et les médias ;

f) Examiner et réviser régulièrement les programmes scolaires, les manuels et les programmes et méthodes d ’ enseignement afin d ’ en éliminer les stéréotypes sexistes préjudiciables et d ’ y intégrer les questions de l ’ égalité des sexes et des droits de l ’ homme, et faire en sorte qu ’ une éducation complète à la sexualité et à la procréation fasse partie du programme scolaire obligatoire ;

g) Veiller à ce que les filles bénéficient de la même qualité d ’ enseignement que les garçons et que la même gamme de cours et d ’ activités, notamment sportives, leur soit proposée, même lorsque les écoles ne sont pas mixtes ;

h) Veiller à ce que les enseignants soient qualifiés et correctement formés, notamment aux questions des droits de l ’ homme et de l ’ égalité des sexes, et que les filles soient encouragées à choisir des domaines d ’ études non traditionnels, notamment avec l ’ aide de conseillers pédagogiques ;

i) Garantir la jouissance par toutes les filles d ’ un environnement éducatif non discriminatoire, inclusif et de qualité qui soit sensible au genre, adaptatif et qui tienne compte de leurs opinions et de leurs besoins, notamment des établissements scolaires accessibles disposant d ’ eau potable, de latrines couvertes et séparées ainsi que de produits d ’ hygiène menstruelle, et où une attention est portée aux filles handicapées ;

j) Veiller à ce que les conditions d ’ admission dans les institutions privées et publiques soient les mêmes pour les filles et les garçons, quel que soit le niveau d ’ enseignement, éliminer les coûts directs et indirects qui restreignent l ’ accès à une éducation de qualité, et protéger les filles, y compris les plus défavorisées, contre l ’ exclusion et l ’ ingérence d ’ acteurs étatiques et d ’ entités privées ;

k) Faire en sorte que l ’ éducation soit sûre et physiquement accessible à toutes les filles, notamment celles vivant dans des zones rurales et reculées, et, dans cette optique, mettre à disposition des moyens de transport sûrs, abordables, adaptés aux filles et accessibles pour les trajets entre le domicile et l ’ école ;

l) Prendre des mesures volontaristes pour veiller à ce que les filles enceintes continuent d ’ aller à l ’ école et achèvent leur scolarité, notamment en mettant en place des structures d ’ accueil pour les enfants, des salles d ’ allaitement et des services d ’ orientation dans les écoles, et pour encourager les jeunes mères et les filles qui ont abandonné l ’ école à réintégrer le système éducatif ;

m) Prendre les mesures voulues pour éliminer toutes les formes de violence à l ’ égard des filles, notamment la violence sexiste en milieu scolaire et les pratiques néfastes, et pour prévenir efficacement les violences sexistes enquêter à leur sujet, et poursuivre et punir les responsables, y compris lorsqu ’ il s ’ agit d ’ enseignants ;

n) Protéger les filles et les établissements d ’ enseignement contre les attaques de groupes hostiles à l ’ éducation des filles, notamment dans le contexte d ’ un extrémisme violent, empêcher que les écoles ne servent d ’ installations militaires ou de logement, et garantir que les fonds nécessaires soient alloués à l ’ éducation des filles dans les situations d ’ urgence, dans une optique sensible au genre ;

o) Adopter des mesures temporaires spéciales pour garantir, dans la pratique, l ’ égalité entre les filles et les garçons, parallèlement à des mesures en faveur des filles les plus susceptibles d ’ être laissées pour compte ;

p) S ’ attaquer aux problèmes que rencontrent les filles migrantes dans l ’ exercice de leur droit à l ’ éducation, notamment en adoptant des approches et des programmes scolaires novateurs, en élaborant des procédures et des mécanismes et en nouant des partenariats, de façon à assurer l ’ accès à une éducation efficace et de qualité, sur la base de l ’ égalité de traitement avec les ressortissants nationaux et les garçons ;

q) Affirmer le rôle central des droits de l ’ homme dans le Programme de développement durable à l ’ horizon 2030, souligner le lien indissociable entre l ’ Objectif 4 relatif à une éducation de qualité et l ’ Objectif 5 relatif à l ’ égalité des sexes, ainsi que le caractère interdépendant et complémentaire de tous les objectifs de développement durable et de leurs cibles de manière plus générale, et renforcer les liens entre les processus internationaux et régionaux, notamment la Déclaration d ’ Incheon et le Cadre d ’ action ;

r) Veiller à ce que la collecte, la production, l ’ analyse et la diffusion de données sur l ’ égalité des sexes dans l ’ enseignement dans tous les contextes se fassent dans une approche fondée sur les droits de l ’ homme, mettre en place des indicateurs relatifs aux droits de l ’ homme aux fins du suivi des progrès réalisés au niveau national, notamment dans le cadre de la réalisation des Objectifs de développement durable, et associer ces indicateurs à une analyse de la situation des droits de l ’ homme et à l ’ établissement de rapports sur le sujet.