Résumé

Dans sa résolution 70/137, l’Assemblée générale a prié le Secrétaire général de lui présenter, à sa soixante et onzième session, un rapport sur l’état de la Convention relative aux droits de l’enfant et les questions abordées dans ladite résolution, en s’intéressant notamment aux enfants migrants. Le présent rapport fait suite à cette demande.

I.Introduction

Dans sa résolution 70/137, l’Assemblée générale a prié le Secrétaire général de lui présenter, à sa soixante et onzième session, un rapport sur l’état de la Convention relative aux droits de l’enfant et les questions abordées dans ladite résolution, en s’intéressant notamment aux enfants migrants. Le présent rapport fait suite à cette demande.

II.État de la Convention

Au 1er juillet 2016, 196 États avaient ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant ou y avaient adhéré. La Somalie a ratifié la Convention le 1eroctobre 2015. Seul un État Membre, les États-Unis d’Amérique, n’y est pas encore partie.

En outre, au 1er juillet 2016, 165 États avaient ratifié le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés ou y avaient adhéré; 173 États avaient ratifié le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants ou y avaient adhéré et 27 États avaient ratifié le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications ou y avaient adhéré.

III. Établissement de rapports à présenter au titrede la Convention

Pendant la période considérée, le Comité des droits de l’enfant a tenu ses soixante-dixième à soixante-douzième sessions.

Au 1er juillet 2016, le Comité avait reçu les rapports initiaux de tous les États parties sauf deux, les Tonga et l’État de Palestine. Tous les rapports initiaux reçus par le Comité ont été examinés, à l’exception de celui de Nauru. Au total, le Comité a reçu 502 rapports initiaux et rapports périodiques, y compris les rapports uniques valant plusieurs rapports périodiques, présentés conformément à l’article 44 de la Convention.

En outre, le Comité a reçu 109 rapports initiaux et 2 rapports périodiques présentés au titre du Protocole facultatif concernant l’implication des enfants dans les conflits armés, et 98 rapports initiaux et 2 rapports périodiques présentés au titre du Protocole concernant la vente d’enfants, la prostitution d’enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

Le Président du Comité fera oralement rapport sur les travaux du Comité et engagera un dialogue avec l’Assemblée générale, à sa soixante et onzième session, dans le but d’améliorer leur communication, en application de la résolution 70/137.

IV.Les droits de l’enfant dans le contexte des migrations

A.Le droit fondamental de l’enfant d’être traitéavant tout comme un enfant

La réalisation du droit de l’enfant d’être traité avant tout comme un enfant, indépendamment de son statut migratoire ou de celui de ses parents, demeure inégale. Le présent rapport examine la situation des enfants dans le contexte des migrations, et notamment de ceux qui migrent à l’intérieur de leur propre pays ou à l’étranger, ceux qui sont déplacés de force à l’intérieur ou à l’extérieur de leur pays et ceux qui subissent les effets conjugués des migrations et de l’apatridie. Bien que des progrès rapides aient été réalisés dans certaines régions en matière de protection et d’accès aux services de base pour certaines catégories d’enfants touchés par les migrations, en particulier les enfants réfugiés, dans d’autres régions, les progrès ont été moins marqués et dans de nombreuses régions, il est très difficile aux enfants qui ne sont pas considérés comme réfugiés au regard du droit international d’avoir accès aux services de base. La situation s’améliore cependant sur le terrain, en particulier à la suite des déplacements forcés de population qui comptent parmi les plus importants que l’on ait observés dans certaines régions depuis plus d’un demi-siècle. Il convient de renforcer ces efforts afin de faire en sorte que tous les enfants bénéficient, où qu’ils se trouvent, de la protection, de l’assistance et des services auxquels ils ont droit et que leur intérêt supérieur prime.

B.Les droits des enfants touchés par les migrationsau regard du droit international

Il est stipulé à l’article 2 1) de la Convention relative aux droits de l’enfant que « les Etats parties s’engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune, indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou autre de l’enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation ». Le Comité des droits de l’enfant et d’autres experts ont affirmé que l’exercice des droits énoncés dans la Convention n’est pas limité aux enfants qui ont la nationalité d’un État.

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques donne un exemple supplémentaire du principe général d’égalité qui sous-tend l’application du droit international des droits de l’homme aux non-nationaux et de la portée limitée des exceptions à ce principe. D’après l’article 2 1) du Pacte, « les États parties au présent Pacte s’engagent à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le présent Pacte, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation ». Dans son observation générale no 15 (1986) sur la situation des étrangers au regard du Pacte, le Comité des droits de l’homme a déclaré : « les droits énoncés dans le Pacte s’appliquent à toute personne, sans considération de réciprocité, quelle que soit sa nationalité ou même si elle est apatride. Ainsi, la règle générale est que chacun des droits énoncés dans le Pacte doit être garanti, sans discrimination entre les citoyens et les étrangers ».

Le droit des enfants migrants d’être traités sans discrimination aucune, notamment en ce qui concerne leurs droits sociaux, culturels et éducatifs, est également inscrit à l’article 2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et à l’article 2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Ce pacte consacre le droit de toute personne à l’éducation, faisant obligation aux États parties de respecter, protéger et réaliser ce droit sans discrimination aucune et en garantissant l’égalité des chances. La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Convention relative aux droits des personnes handicapées et la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille réaffirment le principe selon lequel les garanties en matière de droits de l’homme et l’accès aux services s’appliquent sans discrimination aucune aux migrants et à leur famille, y compris les enfants touchés par les migrations.

Les Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays (voir E/CN.4/1998/53/Add.2) énumèrent et récapitulent les fondements du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire applicables aux personnes, y compris les enfants, déplacés à l’intérieur de leur propre pays. Les Principes traitent des besoins particuliers de ces enfants en matière de protection et d’assistance (principe 4.2), en particulier de leur droit à l’éducation (principe 23).

Des engagements politiques ont été pris à l’échelle mondiale au cours des deux dernières décennies pour renforcer le refus de la discrimination fondée sur le statut migratoire, en particulier pour les enfants, en ce qui concerne l’accès aux services et la réalisation des droits de l’homme, et défendre les droits des migrants, y compris les enfants migrants. Dans le cadre de la cible 10.7 des objectifs de développement durable (voir résolution 70/1 de l’Assemblée générale), les États se sont engagés à faciliter la migration et la mobilité de façon ordonnée, sûre, régulière et responsable, notamment par la mise en œuvre de politiques migratoires planifiées et bien gérées, dans le plein respect des droits de l’homme et de l’obligation de traiter avec humanité les migrants, réguliers ou irréguliers. En 2012, à sa cinquante-neuvième session, le Comité des droits de l’enfant a consacré sa journée de débat général aux droits de tous les enfants dans le contexte des migrations internationales.

Le Comité des droits de l’enfant a réaffirmé l’obligation qui incombe aux États de garantir à tous les enfants relevant de leur juridiction tous les droits consacrés dans la Convention relative aux droits de l’enfant, conformément aux principes fondamentaux ci-après :

a)Les enfants touchés par les migrations doivent bénéficier des mêmes droits fondamentaux, du même traitement, des mêmes services et de la même protection que les autres enfants;

b)Il faut adopter une approche globale fondée sur les droits de l’homme, qui permette de dresser un bilan général des droits et des besoins de ces enfants plutôt que de les classer comme migrants en situation irrégulière, victimes de la traite, enfants non accompagnés ou demandeurs d’asile, catégories qui peuvent être fluides et temporaires et ne rendent pas compte de la complexité des phénomènes migratoires;

c)Lors de la prise des décisions qui concernent les enfants migrants, les États doivent considérer en premier lieu le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Le Comité a également recommandé d’observer l’application de la Convention à la situation des enfants dans le contexte des migrations. Il a engagé les États parties à faire figurer dans les rapports périodiques qu’ils lui présentent une évaluation systématique de l’application de la Convention à tous les enfants touchés par les migrations qui sont présents sur leur territoire. Le Comité a également demandé aux États parties de renforcer le pouvoir d’action des institutions nationales chargées de veiller au respect des droits de l’homme, y compris les médiateurs et les organismes de promotion de l’égalité, afin qu’elles jouent un rôle clef dans le suivi de l’application de la Convention, en les chargeant spécifiquement de tenir compte des besoins des enfants touchés par les migrations.

Dans le rapport que le Secrétaire général a établi à l’occasion du Sommet mondial sur l’action humanitaire, intitulé « Une seule humanité, des responsabilités partagées », et le Programme d’action pour l’humanité qui figure en annexe (voir A/70/709), des mesures spécifiques ont été énoncées en vue de répondre aux besoins en matière de protection et d’assistance des personnes déplacées dans leur propre pays, y compris des enfants. En outre, l’Initiative Nansen s’emploie à bâtir un consensus en faveur d’un programme d’action pour la protection des personnes déplacées de force de part et d’autre des frontières par les catastrophes naturelles et les changements climatiques, en mettant l’accent sur les besoins particuliers des enfants.

C.Les droits des enfants touchés par les migrationsau regard du droit régional

Les conventions et traités régionaux confirment l’interdiction de la discrimination fondée sur l’origine nationale ou le statut migratoire. Dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, des engagements sont pris en faveur de la non-discrimination à l’article 2, tandis que le droit à la liberté de circulation et le droit de demander asile sont énoncés à l’article 12. L’application de ces principes aux enfants est réaffirmée explicitement dans la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, dont l’article 23 stipule qu’un enfant réfugié, qu’il soit accompagné ou non par ses parents, un tuteur légal ou un proche parent, doit recevoir la protection et l’assistance humanitaire à laquelle il peut prétendre dans l’exercice des droits qui lui sont reconnus par la Charte et par tout autre instrument international relatif aux droits de l’homme et au droit humanitaire. L’article premier de la Convention américaine relative aux droits de l’homme comporte des dispositions analogues; l’article 19 stipule que l’enfant a droit aux mesures de protection qu’exige sa condition de mineur, de la part de sa famille, de la société et de l’État et l’article 22 que toute personne a le droit de quitter librement n’importe quel pays, y compris le sien, et de rechercher et de recevoir asile en territoire étranger conformément à la loi de chaque État et aux conventions internationales. À l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’obligation qui incombe aux États de n’exercer aucune discrimination fondée sur l’origine nationale est réaffirmée. Malgré ces principes, les droits de l’enfant et la protection de l’enfance demeurent en grande partie inexistants lorsqu’on considère les frontières régionales et les accords bilatéraux, y compris les accords de réadmission1.

V.La réalisation des droits des enfants dans le contextedes migrations

A.Favoriser le déroulement des migrations dans la sécurité,en bon ordre, en toute régularité et dans le plein respectdes droits de l’homme

D’après des données du Département des affaires économiques et sociales du Secrétariat de l’ONU, à l’échelle mondiale, environ 15 % de l’ensemble des migrants, soit 35 millions de personnes, ont moins de 19 ans. Toutefois, d’après le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), environ 50 % des personnes déplacées contre leur gré (y compris les réfugiés, les demandeurs d’asile et les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays) sont des mineurs, et environ la moitié d’entre eux des filles. En 2014, au niveau mondial, 86 % des réfugiés vivaient dans des pays en développement. D’après l’Observatoire des situations de déplacement interne, près de 40 millions de personnes, dont environ la moitié sont des enfants, avaient été déplacées à l’intérieur de leur propre pays à la fin de 2014.

Outre le plein exercice des droits énoncés dans les neuf instruments internationaux fondamentaux relatifs aux droits de l’homme, les enfants migrants devraient, quel que soit leur statut migratoire, également bénéficier des droits et de la protection qui doivent leur être accordés au regard de différentes branches du droit international, dont le droit des réfugiés, le droit du travail, le droit humanitaire, le droit de la mer, le droit pénal transnational, le droit de la nationalité et le droit consulaire. Plusieurs instruments juridiques internationaux accordent certaines formes de protection aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille. C’est notamment le cas de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et des conventions pertinentes de l’Organisation internationale du Travail (OIT), notamment la Convention (no 97) sur les travailleurs migrants (1949), la Convention de 1975 sur les travailleurs migrants (no 143) et la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (no 189). La ratification et la mise en œuvre effective des cadres normatifs existants constituent d’importantes mesures qui doivent être prises d’urgence en vue de réaliser les droits des migrants et des enfants migrants, de favoriser le déroulement en sécurité, de façon équitable, en toute régularité et en bon ordre des migrations, de réduire la fréquence de l’exploitation et de la maltraitance liées aux migrations, en particulier pour les enfants, et de renforcer la coopération internationale en matière de migration.

De nombreux enfants migrants, notamment ceux qui ne sont pas accompagnés ou ont été séparés de leurs parents et de leur famille et ceux qui migrent par des voies irrégulières, sont particulièrement vulnérables dans leur pays d’origine, dans leur pays de transit, à leur arrivée à destination et pendant le voyage de retour ou une fois rentrés dans leur pays d’origine. Il convient d’étudier et de mettre en évidence les vulnérabilités et les besoins particuliers de ces enfants, compte tenu du principe selon lequel l’intérêt supérieur de l’enfant doit primer, en vue de leur apporter plus rapidement une assistance et une protection fondées sur les droits de l’homme. Des organisations et entités internationales ont élaboré des directives visant à répondre aux besoins concrets des migrants et des membres de leur famille, telles que le programme d’action Migration équitable, le Cadre multilatéral pour les migrations de main-d’œuvre, les Principes et directives recommandés sur les droits de l’homme aux frontières internationales, le Cadre de gouvernance des migrations et le Cadre opérationnel en cas de crise migratoire. L’Union interparlementaire, l’OIT et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme ont récemment mis au point un manuel à l’usage des parlementaires sur la migration, les droits de l’homme et la gouvernance. Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et le Comité des droits de l’enfant sont en train d’élaborer une observation générale commune visant à fournir des directives sur les enfants dans le contexte des migrations internationales.

Faute d’un nombre suffisant de filières de migration régulière sûres vers d’autres pays, les enfants sont souvent contraints d’entreprendre de longs et dangereux périples par voie maritime, terrestre ou aérienne pour fuir les persécutions ou les conflits ou d’autres facteurs à l’origine des déplacements forcés, telles que l’extrême pauvreté, la discrimination, le déni de leurs droits fondamentaux, y compris le droit à la santé ou à l’éducation, et les conséquences de la dégradation de l’environnement. En l’absence de solutions sûres, ils ont parfois recours aux services de réseaux criminels pour franchir les frontières internationales. Le nombre croissant d’enfants, notamment d’enfants non accompagnés, dans les flux de migration irrégulière de grande ampleur est très préoccupant. Entre janvier et la mi-juillet 2016, près de 240 000 personnes, dont plus d’un tiers étaient des enfants, ont traversé la Méditerranée, souvent dans des conditions dangereuses, faute d’autres possibilités. Selon le droit international, en particulier la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, toutes les personnes qui se trouvent en détresse en mer doivent être secourues et conduites en lieu sûr. Si les États se sont employés à renforcer les mesures d’interception et de sauvetage en mer, notamment dans le cadre des opérations conjointes Poséidon et Triton de l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (Frontex) des États membres de l’Union européenne, il faut néanmoins redoubler d’efforts pour veiller à ce que les responsables des opérations de sauvetage, d’interception, de transport et de transfert reconnaissent les besoins et les droits des enfants et y répondent, que ces derniers arrivent par voie terrestre, maritime ou aérienne. Des mesures adaptées aux enfants et aux filles en particulier doivent être mises en place à tous les stades des opérations de sauvetage, y compris au stade de la planification.

B.Prévenir l’exploitation et la maltraitance, notammentla traite de personnes

Le trafic de personnes et la traite d’êtres humains sont considérés comme deux infractions distinctes au regard de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et de ses protocoles additionnels relatifs au trafic de migrants et à la traite des personnes. Le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants et le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer énoncent des mesures et formes de protection spécialement destinées aux enfants. Les deux tiers environ des États Membres ont ratifié ces deux protocoles.

Qu’ils voyagent avec leur famille ou sans être accompagnés, les enfants qui migrent par des voies irrégulières sont exposés à des risques particuliers, y compris l’exploitation, la violence sexuelle et sexiste, la séparation de leur famille, le stress et les traumatismes psychosociaux, des complications sanitaires et des blessures ou autres préjudices physiques. Tous les enfants, en particulier les enfants non accompagnés ou séparés de leur famille, devraient avoir accès à des services le long de leur trajet, notamment des conseils juridiques et des informations sur leur situation et les possibilités dont ils disposent. À la suite de l’afflux massif récent de réfugiés en Europe, le HCR et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) ont établi 20 centres d’appui spécial destinés aux enfants et à leur famille, le long des routes migratoires les plus fréquentées en Europe. Chaque centre constitue un lieu sûr pour les enfants et leur famille, offrant services essentiels, protection, conseils et activités de loisirs aux enfants dans un seul lieu, l’objectif étant de prêter assistance aux familles vulnérables. En collaboration avec des organismes des Nations Unies, des organisations non gouvernementales (ONG) et des organisations de la société civile, des gouvernements ont fourni un appui aux migrants à la dérive en mer d’Andaman en 2015, ainsi qu’à des migrants arrivant au Mexique depuis d’autres pays d’Amérique latine et en Europe depuis la Corne de l’Afrique. Le renforcement et l’harmonisation des mécanismes de partage transfrontalier de l’information peuvent contribuer à mieux protéger les enfants vulnérables lors de leurs déplacements. Les mesures de protection de l’enfance devraient être expliquées dans les manuels sur les opérations de recherche et de sauvetage et mises en œuvre au cours de ces opérations.

C.Répondre aux besoins des enfants sur le plan humanitaireet en matière de protection des droits de l’hommedans le contexte des migrations

Il incombe aux États de veiller à ce que leurs procédures aux frontières et leurs procédures d’accueil des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants soient conformes aux droits de l’homme et prennent en compte les besoins particuliers des enfants, qui peuvent être exposés à des risques spécifiques. Il faut impérativement répondre aux besoins immédiats de tous les enfants, quel que soit leur statut migratoire, et les garçons et les filles ayant des besoins particuliers doivent être orientés vers des services adéquats. Le Gouvernement zambien a, par exemple, mis en place un mécanisme permettant d’identifier les migrants vulnérables, notamment les enfants non accompagnés ou séparés de leur famille et les migrants apatrides, afin de les orienter vers les services appropriés. Les demandes présentées par des enfants devraient être traitées à titre prioritaire et dans le cadre de procédures accélérées, ainsi que dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant et des garanties de procédure. Parmi les directives énoncées sur les procédures aux frontières et l’accueil des migrants figurent les Principes et directives recommandés sur les droits de l’homme aux frontières internationales, le Cadre opérationnel en cas de crise migratoire et le Plan d’action en 10 points sur la protection des réfugiés et les mouvements migratoires mixtes du HCR, qui énoncent tous des recommandations portant spécifiquement sur les enfants.

Il est essentiel que les États disposent de systèmes nationaux de protection de l’enfance et prennent des mesures pour veiller à ce que les enfants migrants et les enfants réfugiés reçoivent les mêmes soins et services que ceux fournis aux citoyens. Au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, par exemple, un enfant non accompagné relève de la responsabilité des autorités locales de l’endroit où il se trouve, au même titre que tout enfant britannique privé de soins parentaux. Dès l’arrivée d’un enfant non accompagné, les services sociaux locaux évaluent ses besoins et lui apportent assistance. De nombreux autres États doivent toutefois améliorer leurs systèmes. Comme le Haut-Commissariat aux droits de l’homme l’a noté en 2010, la plupart des politiques nationales de protection de l’enfance ne tiennent pas compte des besoins et des droits des enfants migrants, qui peuvent être exclus explicitement ou concrètement du champ de protection mis en place par la législation et la réglementation élaborées par les gouvernements pour protéger les enfants nationaux (voir A/HRC/15/29). Il faut obtenir davantage de données et d’informations sur la situation des enfants réfugiés et migrants, leurs besoins et les risques auxquels ils sont exposés. La mise en place de services spécialisés et de politiques sociales devrait se fonder sur de telles données.

Un accueil à domicile, dans des familles et au sein de la collectivité devrait également être proposé aux réfugiés et aux migrants, les places étant accordées en priorité aux enfants réfugiés et migrants et à leurs familles. Au Liban, par exemple, plusieurs foyers accueillent spécifiquement les femmes, les enfants et les mineurs non accompagnés. En l’absence de telles possibilités d’hébergement, les centres d’accueil devraient répondre aux besoins des enfants par leur organisation, leur fonctionnement et leur matériel. Il devrait y avoir suffisamment de lieux sûrs non mixtes et réservés à certains groupes d’âge, de points d’eau et d’installations sanitaires non mixtes et de mesures de sûreté et de sécurité en faveur des enfants et des femmes. Les lieux d’accueil doivent également être accessibles aux enfants et aux parents handicapés.

Les centres d’accueil doivent garantir l’accès des enfants et de leur famille aux services de base, y compris les premiers soins médicaux, une alimentation et des articles non alimentaires adéquats, des lieux sûrs pour la mère et l’enfant, des espaces adaptés aux enfants et des activités récréatives qui leur sont destinées ainsi que des services d’aide psychologique et d’éducation, et les orienter vers des services spécialisés si besoin est, y compris des soins hospitaliers, l’aide de tuteurs pour les mineurs et des soins de santé mentale spécialisés. Les centres accueillant des enfants, qu’ils soient non accompagnés, séparés de leur famille ou avec cette dernière, devraient mettre en place des procédures clairement définies permettant de signaler toute atteinte éventuelle à la protection des enfants, ainsi que des procédures de suivi adéquates. Tous les centres devraient faire l’objet d’un suivi indépendant, fondé entre autres sur des consultations avec des réfugiés et migrants enfants et adultes.

D.Prévenir l’apatridie parmi les enfants

L’apatridie, ou le fait de n’être considéré comme ressortissant par aucun État, peut être à la fois une cause et une conséquence de la migration. Selon les estimations du HCR, plus de 10 millions de personnes dans le monde, dont beaucoup d’enfants, sont apatrides. Les conséquences peuvent être graves pour les enfants : dans plus de 30 pays, ils ont besoin de documents établissant leur nationalité pour recevoir des soins médicaux; dans au moins 20 pays, les enfants apatrides ne peuvent pas être légalement vaccinés. Les enfants apatrides se heurtent souvent à de graves restrictions en matière d’accès aux services de base et d’exercice de leurs droits fondamentaux, circonstances qui, dans de nombreux cas, sont des facteurs d’incitation à la migration. Plusieurs pays, notamment en Asie centrale et en Afrique de l’Ouest, ont adopté des plans d’action nationaux visant à réduire le nombre de cas d’apatridie en encourageant l’enregistrement systématique des naissances de migrants et en menant des enquêtes sur le terrain. D’autres pays, dont l’Arménie, l’Estonie, la Lettonie et le Monténégro, ont modifié leur législation de façon à remédier à l’apatridie.

L’enregistrement à la naissance de tous les enfants, y compris ceux qui sont nés de parents réfugiés, demandeurs d’asile ou migrants, constitue une mesure essentielle de prévention de l’apatridie. Le HCR et l’UNICEF ont mis en œuvre avec succès des programmes visant à garantir l’enregistrement des naissances parmi les populations de réfugiés vivant dans des camps ou en milieu urbain, et l’UNICEF s’emploie à améliorer dans plus de 80 pays les capacités nationales afin que toutes les naissances soient enregistrées, conformément à la cible 16.9 des objectifs de développement durable.

VI.Les garanties d’une procédure régulière et d’un procèséquitable dans les procédures judiciaires portantsur la migration d’enfants

Le Comité des droits de l’enfant a recommandé que les procédures judiciaires liées aux migrations concernant des enfants soient prises en charge par des spécialistes des droits de l’enfant, avec diligence, selon une approche multidisciplinaire et compte tenu des besoins des enfants, des différences culturelles et des disparités entre les sexes1. Le Comité a toutefois noté que, dans de nombreux pays de destination, les procédures judiciaires et décisions relatives aux migrations ne sont pas conformes aux normes et aux garanties de procédure régulière énoncées dans la Convention relative aux droits de l’enfant, d’autres traités relatifs aux droits de l’homme et d’autres instruments du droit international. Pour remédier au problème, des mesures spécialement destinées aux enfants, comme la tenue d’entretiens aussi courts que possible et l’utilisation de techniques d’entretien adaptées aux enfants, sont de plus en plus utilisées. Par exemple, l’Argentine a, par sa loi no 25.871 de 2010, mis en place des garanties de procédure régulière dans les procédures d’expulsion, y compris le droit de recours avec effet suspensif, le droit à l’aide juridictionnelle gratuite et le droit d’accès à la justice.

Le droit de l’enfant d’être entendu, qui est énoncé dans la Convention relative aux droits de l’enfant, s’applique également aux questions et décisions portant sur les procédures d’immigration et d’asile, compte tenu de l’âge, des capacités et du degré de maturité de l’enfant. Par exemple, la Cour constitutionnelle espagnole a confirmé l’application du droit d’être entendu aux enfants non accompagnés risquant d’être rapatriés ou expulsés (voir A/HRC/15/29). Il s’agit notamment du droit d’être informé, dans une langue et d’une manière qu’il comprend, notamment en ce qui concerne les possibilités qui existent et les conséquences potentielles (voir CRC/C/GC/12). Le Comité des droits de l’enfant suggère que le droit d’être entendu comprend le droit d’avoir accès à des recours administratifs et judiciaires à la suite de décisions prises sur sa propre situation ou celle de ses parents, afin de garantir que toutes les décisions soient prises dans l’intérêt supérieur de l’enfant23. En Bulgarie, les travailleurs sociaux des services de protection de l’enfance de l’Agence pour l’assistance sociale conseillent les enfants sur leurs droits et sur les possibilités de bénéficier d’un soutien et d’une protection.

Pour garantir une procédure régulière adaptée aux enfants, les responsables et les agents de première ligne doivent disposer des moyens nécessaires et connaître les droits de l’enfant et les normes de protection23.. À cette fin, et à la suite d’importants flux migratoires, l’UNICEF a fourni une formation aux droits de l’enfant à des agents de première ligne des pays suivants : Afghanistan, Bangladesh, Croatie, Mexique, Myanmar, ex-République yougoslave de Macédoine et Serbie. Au niveau institutionnel, il convient, dans le cadre de la mise en œuvre des politiques migratoires, de contrôler les organismes s’occupant des droits de l’enfant1. La création par le Mexique d’un corps de spécialistes de la protection de l’enfance au sein de l’Institut national des migrations montre par exemple comment un surcroît de formation spécialisée peut contribuer à la mise en place de procédures migratoires adaptées aux enfants. Un autre exemple vient de l’Afrique du Sud, où les enfants migrants non accompagnés se voient attribuer un travailleur social, qui peut s’adresser à un tribunal pour enfants afin d’obtenir une ordonnance de protection de remplacement.

Conformément à l’article 2 de la Convention relative aux droits de l’enfant, les mesures de contrôle de l’immigration et des frontières devraient être élaborées compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant et du principe de non-discrimination. Le Comité des droits de l’enfant recommande aux États de mettre en place une procédure de détermination de l’intérêt supérieur de l’enfant, chargée d’examiner et de définir au cas par cas ce qui est dans l’intérêt de ce dernier et notamment de procéder à une évaluation claire et complète de sa situation qui prenne en compte son opinion23. De telles procédures ont été mises en place par l’État en Argentine, au Mexique et dans plusieurs pays européens.

Le Comité des droits de l’enfant a déclaré que, pour les États, privilégier l’intérêt supérieur de l’enfant signifiait que toute décision de rapatriement ne pouvait être prise qu’au terme d’un examen minutieux des besoins sanitaires et psychosociaux de l’enfant, compte tenu de l’obligation d’assurer le développement de l’enfant dans toute la mesure possible (voir art. 6 2) de la Convention). À cet égard, il convient d’envisager également le droit de l’enfant à l’éducation, à des conditions de vie adéquates et à la présence d’un adulte qui s’occupe de lui. Après avoir constaté que la plupart des informations sur les pays d’origine des migrants ne rendaient pas spécifiquement compte de la situation des enfants, l’Union européenne essaie actuellement, à titre expérimental, de fonder les décisions prises en matière d’asile sur des informations sur le pays d’origine tenant compte des enfants.

En ce qui concerne la prise en charge des enfants non accompagnés ou séparés de leur famille, les États sont tenus de prendre les mesures nécessaires pour assurer la bonne représentation de l’enfant, dans le souci de son intérêt supérieur (voir CRC/GC/2005/6). À cette fin, la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant est en grande partie garantie par la nomination de tuteurs qui possèdent les compétences nécessaires en matière de soins à prodiguer aux enfants et sont supervisés par les autorités nationales de protection de l’enfance. Aux Pays-Bas, par exemple, des ONG ont coopéré avec les autorités nationales pour élaborer des principes de base visant à orienter les tuteurs dans leur action quotidienne auprès d’enfants non accompagnés. Les organismes ou particuliers dont les intérêts sont susceptibles d’entrer en conflit avec ceux de l’enfant ne devraient pas être habilités à exercer une tutelle (voir CRC/GC/2005/6).

Bien que le rapatriement d’enfants sans papiers d’identité demeure souvent une mesure de sanction contre des personnes entrées de façon irrégulière sur un territoire, les États ne devraient rapatrier des enfants qu’aux fins de leur protection, par exemple, pour permettre le regroupement familial lorsqu’il est dans l’intérêt supérieur de l’enfant et au terme de l’application régulière de la loi (voir A/HRC/15/29). La Réunion régionale sur les migrations, organe intergouvernemental composé de 11 pays d’Amérique du Nord et d’Amérique centrale, a déclaré que la décision de rapatrier des enfants non accompagnés devait toujours se fonder sur leur intérêt supérieur. L’UNICEF et le HCR ont élaboré conjointement des directives visant à aider les États européens à veiller, dans le contexte actuel, au respect de l’intérêt supérieur des enfants non accompagnés et des enfants séparés de leur famille. De nombreux enfants demandeurs d’asile n’obtiennent pas le statut de réfugié mais bénéficient de la protection subsidiaire pour raisons humanitaires, qu’ils peuvent perdre lorsqu’ils atteignent l’âge de 18 ans. L’Allemagne autorise la prolongation temporaire de cette protection afin d’achever un cursus scolaire ou une formation professionnelle.

Pour protéger les droits des enfants migrants, il est essentiel d’évaluer correctement leur âge. Toute évaluation nécessitant d’autres interventions qu’un entretien avec l’enfant ne devrait être effectuée qu’en dernier recours. La procédure d’estimation de l’âge devrait se fonder sur des évaluations menées par des psychologues, des travailleurs sociaux et d’autres intervenants, être respectueuse de l’enfant, soucieuse des disparités entre les sexes et multidisciplinaire. Compte tenu de la difficulté d’estimer avec précision l’âge des enfants, la méthode de présomption adoptée en Suède comprend une marge d’erreur favorable à l’enfant, qui vise à compenser d’éventuels écarts; par exemple, si l’âge estimatif d’un enfant est compris entre 9 et 18 ans, une marge d’erreur de vingt-quatre mois est appliquée.

Le droit à la vie de famille peut être gravement compromis dans le contexte des migrations internationales. Les enfants nés de parents sans papiers d’identité peuvent être privés de leur droit à une vie de famille, du fait de l’expulsion d’un ou des deux parents, même si les enfants ont acquis la nationalité du pays de destination de leurs parents. En outre, un nombre croissant de pays restreignent actuellement les politiques de regroupement familial23 et les organes administratifs et judiciaires donnent également une interprétation de plus en plus limitée du droit à la vie familiale dans le contexte des migrations. Dans le même temps, des enfants et des adolescents du monde entier migrent dans la précarité et l’irrégularité, notamment sans être accompagnés, pour retrouver leurs parents, leur tuteur légal ou d’autres personnes qui subvenaient à leurs besoins (voir A/HRC/15/29). Les tribunaux régionaux des droits de l’homme ont exhorté les autorités étatiques à faciliter le regroupement familial et les ont, à plusieurs reprises, encouragées à ne pas prendre de décisions ayant pour effet de séparer les enfants de leur famille, sauf lorsqu’il a été établi au terme d’une évaluation approfondie que cela est dans l’intérêt supérieur de l’enfant23. Le maintien de l’unité familiale ne devrait en revanche jamais être invoqué pour justifier la détention d’enfants migrants1.

VII.Mettre fin à la détention des enfants migrants

Par principe, les enfants ne devraient jamais être détenus dans le cadre des mesures de contrôle de l’immigration. Ils risquent cependant encore de l’être en raison de leur statut migratoire ou de celui de leurs parents ou de leur entrée irrégulière dans un pays ou de celle de leurs parents. Le Comité des droits de l’enfant a déclaré que la détention ne saurait être justifiée par le seul fait que l’enfant est non accompagné ou séparé de sa famille, ni par son seul statut au regard de la législation relative à l’immigration ou à la résidence ou l’absence d’un tel statut (voir CRC/GC/2005/6). Toutefois, la criminalisation croissante des déplacements irréguliers qui se sont produits en 2016 (voir A/70/59) risque d’entraîner une augmentation du nombre d’enfants placés en détention. Les apatrides, y compris les enfants, risquent fort en particulier d’être détenus indéfiniment. C’est notamment le cas des enfants migrants détenus avec leurs parents dans la logique du maintien de l’unité familiale, ce qui est contraire au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant1.

Le Mexique et le Panama interdisent tous deux la détention d’enfants migrants. Dans la Stratégie du Conseil de l’Europe pour les droits de l’enfant (2016‑2021), qui comporte des dispositions spécifiques sur les migrations, il est proposé que tout soit fait pour mettre fin au placement d’enfants dans des centres de détention pour immigrants. Ces dispositions vont dans le même sens que la résolution 2020 (2014) de l’Assemblée parlementaire, dans laquelle les États membres ont été appelés à mettre fin d’urgence à la détention des enfants migrants en adoptant une législation interdisant leur placement en rétention et en proposant d’autres programmes non privatifs de liberté au sein de la collectivité. Dans certains cas, des enfants sont placés en centre de rétention au lieu d’être confiés à une structure d’accueil pour enfants (voir A/HRC/15/29). Dans toute la mesure possible, et en utilisant toujours les moyens les moins restrictifs, davantage d’États doivent adopter, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, des mesures autres que le placement en rétention qui soient conformes aux droits de l’homme, ne soient pas privatives de liberté et soient axées sur la collectivité. Au Yémen, un système différent d’accueil au sein de la collectivité, composé de petits foyers collectifs, a été établi à l’intention des enfants réfugiés ou demandeurs d’asile par les autorités locales et le HCR, en coopération avec des représentants des réfugiés.

VIII.Intégration et accès aux services de basedes enfants migrants

Il est essentiel de fournir aux enfants migrants une assistance humanitaire immédiate et de répondre à leurs besoins urgents en matière de protection. Il est également essentiel que les États mettent en œuvre des programmes d’intégration et redoublent d’efforts pour assurer que les plans de développement nationaux et locaux répondent aux besoins des enfants réfugiés et migrants en matière d’éducation et de moyens de subsistance, tout en renforçant la résilience et les possibilités de développement des communautés d’accueil. Ces communautés, qui sont directement touchées par l’arrivée d’un grand nombre de réfugiés et de migrants, peuvent bénéficier de l’appui et de l’expertise des acteurs du développement tels que le Programme des Nations Unies pour le développement, l’UNICEF et la Banque mondiale. Dans ce contexte, la communauté internationale est de plus en plus consciente de la nécessité de renforcer les liens entre l’aide humanitaire et l’aide au développement, notamment pour faire face aux déplacements massifs de réfugiés et de migrants.

Les mesures visant à promouvoir l’intégration des enfants migrants dans les systèmes scolaires nationaux constituent un bon investissement, car elles augmentent les chances de ces enfants de trouver un emploi, payer des impôts et moins faire appel aux services publics à l’âge adulte s’ils restent dans le pays d’accueil, contribuant ainsi au maintien de la cohésion sociale. Les enfants réfugiés et migrants ne doivent pas être une génération perdue. Dans de nombreux pays, ils peuvent tous avoir accès à l’enseignement primaire obligatoire; ces possibilités en matière d’éducation devraient être élargies à tous les niveaux. Des éléments d’information et des bonnes pratiques de plus en plus nombreuses illustrent les moyens d’inclure les enfants et les jeunes migrants dans les activités éducatives et sociales.

Plusieurs États et autorités locales ont recours à divers moyens pour faciliter l’accès des enfants migrants et réfugiés aux services éducatifs, sociaux et sanitaires de base. L’Argentine, par exemple, a adopté une législation qui énonce précisément les droits en vertu desquels les migrants peuvent accéder aux services, sur un pied d’égalité avec les nationaux. Dans de nombreuses villes, notamment Genève, Munich et Séoul, des « pare-feu » ont été mis en place entre les services de l’immigration et les prestataires de services afin de protéger la confidentialité et de permettre aux migrants, y compris ceux en situation irrégulière, d’avoir accès aux services sans crainte de représailles. Ces mesures sont appuyées par le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants et le Président du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Les réactions xénophobes et racistes face aux réfugiés et aux migrants, y compris les enfants, semblent se multiplier et être de plus en plus acceptées par la population. Les politiques et les déclarations publiques sur les réfugiés et les migrants doivent cesser de présenter ceux-ci comme une menace pour mettre l’accent sur la solidarité internationale et insister sur le fait que les enfants migrants et réfugiés sont, d’abord et avant tout, des enfants. Des entités internationales et organisations non gouvernementales, comme l’OIT, l’OIM, le HCDH, le HCR, l’UNICEF et la Fédération internationale Terre des Hommes, utilisent les médias sociaux et d’autres platesformes non traditionnelles pour lutter contre les discours xénophobes et racistes visant les réfugiés et les migrants, et des organisations intergouvernementales régionales, comme l’Union africaine et l’Union européenne, ont condamné la xénophobie sous toutes ses formes et manifestations.

Les autorités devraient commencer dès que possible à s’occuper des enfants pour trouver une solution durable propre à leur éviter une exposition prolongée à une situation d’insécurité juridique et psychologique. En particulier, si à l’issue d’une évaluation approfondie des risques menée par des spécialistes de la protection de l’enfance formés et indépendants, un enfant doit être renvoyé dans son pays d’origine, un processus documenté de détermination de l’intérêt supérieur et un plan de soutien devraient être en place avant le début de la procédure de rapatriement.

L’aide à la réintégration des enfants de retour dans leur pays d’origine doit être axée sur les enfants et tenir tout particulièrement compte de leurs besoins spécifiques, tels que la réinsertion scolaire, l’accès à un appui psychosocial et l’inclusion sociale. Des ressources doivent être expressément investies pour assurer la disponibilité et la qualité de cette aide. Un suivi régulier doit être effectué, y compris par des organes indépendants de défense des droits de l’enfant et par la société civile. Par exemple, le Gouvernement éthiopien se charge de la localisation et de la réunification des familles et veille à la réinsertion des enfants qui reviennent volontairement dans le pays.

Les États doivent s’employer à alléger la charge qui pèse sur les pays d’accueil en développant les moyens disponibles pour accueillir les enfants réfugiés et migrants, notamment grâce au renforcement des programmes de réinstallation, d’évacuation sanitaire et d’accueil pour raisons humanitaires, des programmes d’évacuation temporaire et des possibilités de migration des travailleurs qualifiés, de mobilité de la main-d’œuvre et d’éducation, ainsi qu’à l’assouplissement des conditions du regroupement familial.

Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, dans son Observation générale no 2 (2013), a souligné l’importance de la régularisation comme moyen de faire face aux besoins et aux vulnérabilités des enfants migrants, notant que :

La régularisation est le moyen le plus efficace de remédier à l’extrême vulnérabilité des travailleurs migrants et des membres de leur famille en situation irrégulière. Les États parties devraient donc envisager des mesures, y compris des programmes de régularisation, pour régler la situation des travailleurs migrants et des membres de leur famille qui sont ou risquent de devenir clandestins ainsi que pour prévenir de telles situations.

IX.La voie à suivre

La sécurité, la santé et l’éducation des enfants sont l’alpha et l’oméga du développement durable. Tous les enfants sont concernés, y compris les enfants migrants (qu’ils soient en situation régulière ou irrégulière), les enfants nés de parents migrants ou ceux qui ont été laissés dans leur pays d’origine par leurs parents migrants. Les sociétés ne peuvent se développer de manière durable que si les besoins essentiels et les droits de tous les enfants, en particulier les plus pauvres et les plus vulnérables, sont satisfaits. La protection des enfants est un pilier central du Programme de développement durable à l’horizon 2030. La paix, le respect des droits de l’homme et la protection des plus vulnérables, y compris contre toutes les formes de violence, sont les fondements essentiels d’un cadre intégré pour un développement soutenu et durable. Dans la quête de ces objectifs universels, il faut tenir compte en particulier des plus défavorisés afin qu’aucun enfant ne soit oublié, quel que soit son statut migratoire.

Les enfants et les jeunes ne peuvent bénéficier des avantages des migrations que si leurs droits sont protégés, respectés et appliqués. Les migrations peuvent favoriser un développement économique et social équitable, inclusif et soutenu, qui profite aux pays d’origine et de destination, mais d’abord et avant tout, elle peut favoriser le développement humain des migrants et de leur famille.

Les enfants dans les flux migratoires sont plus vulnérables face à la violence dans les pays d’origine, de transit et de destination. Ces vulnérabilités sont dues à des facteurs propres aux migrations, tels que l’absence des parents, l’exclusion juridique et sociale et la xénophobie. Certaines d’entre elles sont fondées sur le sexe. Pour lutter contre ces facteurs de risque et obstacles aux droits de l’homme, les États devraient examiner et réformer leurs cadres juridiques, politiques et programmes nationaux de prévention de la violence, afin qu’ils s’appliquent expressément aux enfants dans les flux migratoires et à leur situation de vulnérabilité particulière. Les pays d’origine devraient veiller notamment à ce que, lorsque des parents émigrés sont partis en laissant des enfants derrière eux, ceux-ci puissent bénéficier de mesures de discrimination positive par le biais de politiques et programmes nationaux de protection sociale, et que les personnes qui s’occupent d’eux aient accès aux services publics et aides nécessaires pour renforcer leur capacité de protéger de la violence les enfants dont elles ont la charge.

Un accès plus large à des voies de migration légales et sûres pour les enfants et leurs familles diminuerait la volonté et la nécessité de faire appel à des passeurs ainsi que les risques associés aux migrations irrégulières, notamment pour les enfants non accompagnés, les risques de tomber entre les mains de trafiquants et de subir d’autres formes d’exploitation et d’abus.

Les pays d’origine, de transit et de destination devraient veiller à ce que les discours, attitudes et actions xénophobes des fonctionnaires, des institutions publiques (notamment dans le domaine de l’éducation, de la santé, de la justice et du maintien de l’ordre) et des communautés soient efficacement combattus, publiquement condamnés et progressivement éradiqués.

Afin de répondre de façon efficace aux besoins des enfants migrants, qu’ils soient en situation régulière ou irrégulière, les États doivent pouvoir identifier les mineurs; pour cela, les familles ou les enfants eux-mêmes doivent être en mesure de prouver qu’ils sont âgés de moins de 18 ans. Les principes et directives recommandés sur les droits de l’homme aux frontières internationales contiennent des consignes supplémentaires à cet égard.

Tous les enfants, y compris ceux accompagnés de leurs parents ou d’autres tuteurs légaux, doivent être traités comme des titulaires de droits à part entière, protégés avant tout comme des enfants et leurs besoins et droits spécifiques considérés de façon individuelle et équitable. Selon le paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant, « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ».

Les enfants devraient avoir le droit d’être entendus au cours des procédures d’admission, de logement, de détention et d’expulsion, qu’elles s’appliquent à eux ou à leurs parents, et avoir accès à des voies de recours administratives et judiciaires contre leur détention ou expulsion ou celle de leurs parents, afin que toutes les décisions prises servent aux mieux leurs intérêts.

Des programmes adaptés à l’âge devraient être encouragés pour permettre aux enfants dans les pays d’origine, de transit et de destination d’avoir accès à des informations qu’ils sont en mesure de comprendre sur les migrations sans risques, sur leurs droits et sur la manière de les faire valoir.

Dans tous les pays, les enfants touchés par les migrations devraient être en mesure de participer à l’élaboration, à l’exécution et à l’évaluation des politiques concernant, entre autres, les flux migratoires, l’intégration, l’emploi, l’éducation et la lutte contre la xénophobie.

Les obstacles qui empêchent la participation politique et sociale des filles et des garçons migrants devraient être supprimés. Ces obstacles sont notamment les menaces à leur liberté et à leur sécurité ainsi que l’accès insuffisant à une éducation de qualité, qui nuisent considérablement à leur implication politique aux niveaux national, régional et international.

Les politiques en faveur de l’égalité des sexes et de l’autonomisation dans les domaines de l’éducation, de la santé et de l’emploi des jeunes peuvent faciliter le passage réussi à l’âge adulte des adolescents migrants. Il importe de recueillir des informations fiables sur les facteurs déterminant la répartition des responsabilités entre hommes et femmes au sein des ménages de migrants et de mettre en évidence les inégalités entre les sexes pouvant nuire aux perspectives des filles comme des garçons.

Les enfants ne doivent en aucun cas être incriminés ou faire l’objet de mesures punitives en raison de leur statut migratoire.

Des mesures de sûreté communautaires autres que la détention devraient être mises en place pour servir au mieux les intérêts de l’enfant. Les enfants migrants ne devraient jamais être détenus à des fins de contrôle de l’immigration ou sur la base de leur statut migratoire ou de celui de leurs parents. La détention n’est jamais la meilleure option dans le cas des enfants et constitue une violation de leurs droits. La préservation de l’unité familiale ne saurait justifier la détention d’enfants migrants, même si le droit de chacun d’entre eux à une vie de famille doit être respecté. Les familles ne devraient jamais être séparées par l’action de l’État ni maintenues séparées par son inaction, à moins que cette séparation soit considérée comme étant dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans les affaires impliquant l’expulsion de parents migrants en situation irrégulière, les États devraient étudier la possibilité d’accorder à ceux-ci le droit de résidence. Des politiques de regroupement familial dans les pays de transit et de destination devraient permettre aux enfants de rejoindre leurs parents (ou aux parents de rejoindre leurs enfants) dans le pays de destination.

Toute décision concernant le sort d’un enfant migrant doit être prise par des spécialistes de la protection de l’enfance ou, lorsque cela n’est pas possible, au moins par des agents bien formés des services de l’immigration sensibles aux droits et aux besoins des enfants. Les réformes et mesures institutionnelles visant à renforcer les institutions de protection de l’enfance et à former des fonctionnaires des services de l’immigration devraient être encouragées.

Les possibilités de migration régulière à tous les niveaux de qualification devraient être élargies pour permettre aux adolescents et aux jeunes de chercher du travail à l’étranger en toute sécurité. Les voies légales de recrutement devraient être accessibles, sûres et d’un coût abordable pour les jeunes migrants, de façon à leur éviter d’avoir recours à des pratiques de recrutement illégales ou risquées. Les jeunes migrants devraient également être informés de leurs droits et préparés en amont de leur départ. Des informations pourraient être fournies par le biais de programmes d’appui et d’orientation organisés à l’intention des candidats à l’immigration sur les possibilités d’emploi. Des services similaires pourraient également aider les migrants de retour dans le pays à se réintégrer. La mise en place de mécanismes permettant aux adolescents et aux jeunes de maintenir des liens avec leur famille et leurs amis restés dans leur pays d’origine pourrait contribuer à éviter l’isolement social et la désintégration des structures familiales, ainsi que faciliter les migrations de retour. Des systèmes devraient être mis en place pour surveiller les agences de recrutement, et les mécanismes d’inspection du travail devraient être sensibilisés au problème des enfants migrants et du travail des enfants, notamment dans les pays de destination et eu égard en particulier aux types d’emplois dans lesquels les migrants sont majoritaires.

La disponibilité de données comparables et ventilées par âge et par sexe sur les enfants touchés par les migrations, reflétant leurs besoins et les risques auxquels ils sont exposés, doit être améliorée.

Les États sont invités à mettre en œuvre les engagements pris dans la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants (résolution 71/1 de l’Assemblée générale), adoptée le 19 septembre 2016, notamment celui de protéger les droits et les libertés fondamentales de tous les enfants réfugiés et migrants, quel que soit leur statut, en donnant toujours la priorité à l’intérêt supérieur de l’enfant. Ils sont également invités à veiller à ce que tous les enfants soient scolarisés dans les mois qui suivent leur arrivée. En outre, ces enfants ne devraient pas être incriminés ou soumis à des mesures punitives en raison de leur statut migratoire ou de celui de leurs parents, et ils ne devraient en aucune circonstance être placés dans des centres de détention pour migrants.