P résentée par:

M. N. et consorts (non représentés par un conseil)

Au nom de:

Les auteurs

État partie:

Tadjikistan

Date de la communication:

18 novembre 2005 (date de la lettre initiale)

Objet:

Persécution et discrimination fondées sur l’opinion politique; liberté d’opinion et d’association; droit d’être élu

Questions de procédure:

Griefs insuffisamment étayés

Questions de fond:

Reconnaissance en tout lieu de la personnalité juridique; immixtion illégale dans la vie privéeet la vie de famille; liberté d’opinion; liberté d’association; droit d’être élu; interdiction dela discrimination

Articles du Pacte:

5, 16, 17, 19, 22, 25 b) et 26

Article du Protocole facultatif:

2

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 29 octobre 2012,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.Les auteurs de la communication, datée du 18 novembre 2005 (lettre initiale), sont quatre Tadjiks: M. N., S. K., A. U. et S. S. Ils se déclarent victimes d’une violation par leTadjikistan des droits qu’ils tiennent des articles5, 16, 17, 19, 22, 25 b) et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Les auteurs ne sont pas représentés parun conseil.

Exposé des faits

2.1Les auteurs sont membres du Parti socialiste du Tadjikistan (le PST): N. se présente lui-même comme le Président du PST, K. comme le fils de l’ancien Président du PST (tué en mars 1999), U. le représentant de la région de Khatlonsk du PST et Mme S. comme la Présidente adjointe du PST. Ils affirment être victimes de persécutions constantes, pour des motifs politiques, de la part du régime en place au Tadjikistan. Le PST a été créé le 15 juin 1996 dans la ville de Khudzand. Mme M. K. a été la première Présidente élue du parti, mais a ensuite été destituée illégalement avec la participation de l’appareil d’État. Sa. K. (père de K.) a ensuite été élu à la présidence du parti. Il a été assassiné, officiellement dans d’un «attentat terroriste», le 30 mars 1999, alors qu’il préparait les élections présidentielles de 1999. Après cela, K. est devenu Président par intérim du parti et a lui aussi subi des persécutions pour ce motif. À la date de la présentation de la communication, les trois autres auteurs assumaient la direction du parti. Les auteurs disent qu’ils sont tous victimes de persécutions et d’actes d’intimidation de la part des autorités.

2.2Les auteurs affirment que le PST a été créé en tant que parti d’opposition dirigé par l’ancien Président du Majlisi Oli (Parlement), Sa. K., chef de l’opposition influent et militant pour le rétablissement de l’ordre constitutionnel dans le pays après la guerre civile. Sa. K. était aussi l’un des candidats potentiels aux élections présidentielles de 1999. D’après les auteurs, les autorités n’ont rien fait pour assurer sa protection contre d’éventuels attentats. De plus, les autorités ont pris des mesures visant à empêcher la participation du parti aux élections présidentielles de 1999 et à le déstabiliser de l’intérieur, ce qui a conduit à sa dissolution. Après le meurtre de Sa. K., les dirigeants du parti et ses représentants régionaux ont demandé aux autorités de traduire les responsables en justice. Toutefois, quand la communication a été adressée au Comité, les responsables étaient encore en liberté et personne n’avait été poursuivi pour le meurtre. D’après les auteurs, constatant que les autorités n’avaient pas mené d’enquête et n’avaient pas traduit les responsables en justice, plus de la moitié des membres du PST ont quitté le parti par crainte de persécutions pour des motifs politiques. En conséquence, les auteurs affirment que le PST a été empêché de participer aux élections présidentielles de 1999 et qu’ils sont donc victimes d’une violation du droit d’être élu, de même que 500autres membres de ladirection du parti.

2.3Les auteurs affirment en outre qu’avant et pendant les élections parlementaires de 2000, les dirigeants du parti et les candidats aux élections ont subi des pressions de la part des membres du conseil municipal de la ville de Douchanbé et des autorités chargées de veiller au respect de la loi. Avant les élections, N., candidat député pour le district à mandat unique no 2 (district d’Oktyabrsky de la ville de Douchanbé), a été contraint de se retirer des élections par un représentant du Ministère de la sécurité (aujourd’hui le Comité d’État pour la sécurité nationale) et par le Président adjoint du conseil municipal du district d’Oktyabrsky. Dans un premier temps, il a refusé de se retirer et le représentant du Comité d’État l’a menacé de mettre de l’opium dans ses poches, de l’arrêter et de le garder en détention au moins jusqu’à la fin des élections. N. n’avait donc pas d’autre choix que de signer une déclaration par laquelle il retirait sa candidature.

2.4U. a été désigné candidat pour le district à mandat unique no 8. Pendant la campagne électorale, il a lui aussi été victime de persécutions. Par exemple, en janvier 2000, alors qu’il rentrait chez lui après une réunion avec les électeurs, il a été agressé par des hommes armés et masqués. Malgré cet incident, il n’a pas retiré sa candidature et a obtenu 58 % des voix aux élections. Cependant, les résultats ont été falsifiés et le frère du Président du conseil municipal du district de Lénine de Douchanbé a été proclamé vainqueur. La même année, alors qu’il conduisait sa voiture, U. a été arrêté par des hommes masqués qui l’ont menacé et lui ont volé son véhicule. U. a déclaré l’incident au Département des affaires intérieures du district de Lénine, mais rien n’a été fait pour enquêter.

2.5K. , candidat pour le district à mandat unique no 13, a obtenu la majorité des voix au premier tour (il y avait quatre candidats) en dépit des pressions exercées par certains groupes d’anciens parlementaires pendant les élections et de la manipulation des résultats. Une fraude électorale l’a cependant empêché de participer au second tour. Des irrégularités similaires ont touché d’autres candidats. Ainsi, Mme S., qui avait été désignée candidate pour un certain district, a été illégalement enregistrée comme candidate pour un district différent par la Commission centrale des élections et des référendums (la Commission électorale). D’après les auteurs, un total de 20 candidats du PST n’ont même pas été enregistrés par la Commission électorale. Malgré tout, les représentants du PST ont obtenu une grande majorité des voix dans au moins trois districts à mandat unique. Mais à cause de la fraude et de la falsification des votes, ils n’ont pas pu entrer au Parlement.

2.6En raison de tous ces incidents, et vu la situation instable et dangereuse qui prévalait au Tadjikistan en 2000, les menaces de mort adressées aux candidats députés par des groupes armés et l’inutilité de toute action en justice à cette époque, les auteurs ont pris peur et ont décidé de ne pas porter plainte. Ils affirment qu’à la suite de ces nombreux actes de falsification et d’intimidation, le PST, qui était le deuxième parti du pays en termes de popularité, a perdu un grand nombre de ses partisans.

2.7En avril 2004, le PST a formé avec d’autres partis une coalition «pour des élections honnêtes et transparentes». Le Ministre de la justice, Kh., un conseiller principal du Président, un certain V., un fonctionnaire du Ministère de l’éducation, G., et des représentants de plusieurs conseils municipaux locaux ont alors commencé à abuser de leur autorité pour s’ingérer dans les affaires internes du parti. Le Ministre de la justice Kh., enfreignant la législation nationale, a fourni à G., qui n’était pas membre du PST, une copie du certificat d’enregistrement du PST authentifiée par la propre signature du Ministre et datée du 3 mars 1999. Or les auteurs affirment qu’en mars 1999 ce n’était pas Kh. qui était Ministre de la justice. G., grâce au certificat d’enregistrement, a obtenu l’en-tête et le cachet du Comité exécutif de Douchanbé du PST. V. et G., qui avaient été exclus du parti en mars 2000, ont utilisé ce cachet pour organiser plusieurs réunions du pseudo‑«PST» et même un congrès du parti le 20 juin 2004, en dépit de la réaction des représentants locaux élus du PST.

2.8Face à cette situation, le Comité exécutif du PST a décidé de convoquer un congrès extraordinaire le 14 août 2004. Malgré les difficultés (pressions de la part de membres de conseils municipaux visant à empêcher certains délégués de participer et ingérence d’un représentant du Ministère de la justice dans les travaux du congrès), le congrès a été un succès. Bien que des journaux favorables au Gouvernement ou gérés par d’autres partis politiques aient publié avant le congrès des articles agressifs visant à discréditer N., celui‑ci a été élu à la présidence du PST pour un mandat de cinq ans. Les auteurs affirment qu’il y avait au congrès des chefs et des représentants de tous les partis politiques, des organisations internationales, le représentant du Ministère de la justice et des organes de presse locaux et étrangers.

2.9Les auteurs affirment que, conformément aux dispositions de la loi sur les partis politiques, les dirigeants du PST ont envoyé plus de 45 notes à différents conseils municipaux pour les informer des décisions prises pendant les conférences du parti. Toutefois, avant les élections de 2005 au Majlisi Oli (Parlement), le Ministère de la justice, dans une lettre datée du 16 décembre 2004, a communiqué à la Commission électorale la liste de tous les partis politiques enregistrés auprès du Ministère avec les noms de leurs dirigeants. D’après la lettre, le Parti socialiste du Tadjikistan (PST) enregistré auprès du Ministère de la justice était le PST dirigé par G. Les auteurs soutiennent qu’au mépris de leurs intérêts et de ceux des autres «véritables» dirigeants du PST, le Ministère de la justice a illégalement créé un «PST factice» dirigé par G. Le 19 décembre 2004, G. a organisé un congrès du parti illégal en vue d’élire les candidats aux élections parlementaires. Le 14 janvier 2005, sur la base de la lettre du Ministère de la justice, ce parti a été enregistré par la Commission électorale en vue de la participation aux élections au Majlisi Namoyandagon (Chambre des représentants) du Majlisi Oli (Parlement). En conséquence, le véritable PST a été de facto empêché de participer aux élections de 2005.

2.10Les auteurs déclarent qu’ils ont épuisé les recours internes pour ce qui est des faits qu’ils relatent. Ainsi, concernant le meurtre de Sa. K. dans ce qui a été présenté comme un attentat terroriste, plusieurs requêtes (dont l’une émanant du Comité exécutif central du PST et une requête conjointe présentée par plusieurs partis politiques tadjiks) ont été adressées aux autorités et aux organes de répression le 31 mars 1999, leur demandant de mener une enquête afin de traduire en justice les responsables et de les punir. Toutes sont restées sans réponse.

2.11Au sujet des actes d’intimidation de la part d’adversaires politiques, de la fraude électorale et de la falsification des votes, les auteurs affirment qu’en raison du climat d’insécurité qui régnait au Tadjikistan en 2000, des menaces de mort adressées à des candidats députés par des groupes armés et de l’inutilité de toute action en justice à cette époque, ils ont pris peur et ont décidé de ne pas porter plainte.

2.12Concernant les ingérences dans les affaires internes du parti, les auteurs se sont tournés vers plusieurs autorités. Le 14 mai 2004, ils ont adressé une plainte au chef du Département des affaires intérieures du district de Sino à Douchanbé pour utilisation illégale du cachet du Comité exécutif du PST par une personne n’étant pas membre du parti, G. Ils n’ont reçu aucune réponse. La plainte déposée au bureau du Procureur de la ville de Douchanbé le 1er novembre 2004 a été rejetée. Le 5 septembre et le 9 décembre 2004, les auteurs ont écrit au Président du Tadjikistan. Le 23 octobre 2004, une plainte a été formée auprès du bureau du Procureur général du Tadjikistan. Toutes ces plaintes sont restées sans réponse. Le 13 janvier 2005, les auteurs ont déposé une autre plainte au bureau du Procureur général, où on leur a conseillé de s’adresser aux tribunaux pour faire valoir leurs griefs.

2.13Le 23 décembre 2004, les auteurs se sont adressés à la Cour suprême pour demander l’annulation de la lettre du Ministre de la justice en date du 16 décembre 2004 (dans laquelle le Ministre Kh. reconnaissait illégalement G. comme Président du PST) et la protection de leurs droits électoraux garantis par la Constitution. La Cour suprême a refusé d’examiner la plainte, indiquant que les auteurs pouvaient la déposer auprès du tribunal local. Le 4 janvier 2005, les auteurs ont saisi le tribunal du district de Somoni (district dans lequel le parti était enregistré), le tribunal du district de Shohmansur (district où est situé le Ministère de la justice) et le tribunal de la ville de Douchanbé, protestant contre la lettre du Ministre de la justice qu’ils jugeaient illégale et demandant la protection de leurs droits constitutionnels. Les trois tribunaux ont refusé d’examiner leur plainte, chacun affirmant qu’elle ne relevait pas de sa compétence.

2.14Les auteurs ont également contesté la décision de la Commission électorale en date du 14 janvier 2005 relative à l’enregistrement des candidats du PST aux élections. À une date non précisée, une plainte a été déposée auprès de la Cour suprême du Tadjikistan, demandant à la Cour d’annuler la décision en question et de mettre fin aux activités du Parti socialiste du Tadjikistan illégal et «créé artificiellement». Le 20 janvier 2005, la Cour a rejeté la plainte, estimant que la décision de la Commission électorale était conforme à la législation nationale et refusant d’accéder à la demande d’annulation. La Cour a indiqué qu’au cours de la procédure, Sh., le représentant de la Commission électorale, avait expliqué que G. avait fourni à la Commission la liste des candidats du PST aux élections parlementaires et tous les documents exigés par la loi pour leur enregistrement. Après que le Ministère de la justice eut confirmé que le PST était un parti enregistré présidé par G., la Commission électorale avait examiné les documents apportés, conformément à la législation électorale, et avait jugé qu’aucun obstacle ne s’opposait à l’enregistrement des candidats du PST présentés par G. La Commission n’avait reçu de N., l’un des auteurs, aucun document relatif à l’enregistrement de candidats. Le représentant du Ministère de la justice a confirmé qu’il était présent au congrès du parti organisé par N. et qu’il avait découvert que la moitié des personnes présentes et ayant un mandat de vote n’étaient en réalité pas membres du Parti socialiste du Tadjikistan. Il l’avait signalé à N. et lui avait recommandé de régler tout différend concernant la présidence du parti au sein de celui-ci. La Cour suprême a aussi déclaré que des questions telles que l’élection du président d’un parti politique, y compris du PST, relevaient de la compétence du parti lui-même et que tout différend sur le point de savoir qui était le président légalement élu devait être réglé au sein du parti par les membres, conformément à la charte du parti. La Cour a également rejeté la demande des auteurs de mettre fin aux activités du Parti socialiste du Tadjikistan illégal, «créé artificiellement», indiquant que les auteurs pouvaient porter plainte auprès des autorités compétentes (sans préciser lesquelles).

2.15Le 28 janvier 2005, les auteurs ont déposé un recours en annulation devant la chambre civile de la Cour suprême, qui a confirmé la décision précédente, le 4 février 2005. Ils ont également déposé une demande de contrôle auprès de la chambre plénière de la Cour suprême. La Cour a examiné l’affaire et a déclaré que les décisions antérieures étaient correctes et bien fondées, indiquant qu’elle ne pouvait se prononcer que sur la légalité de la décision de la Commission électorale; les autres points relevaient des affaires internes du parti et devaient être réglés par les membres du parti conformément à la charte de celui‑ci. Une nouvelle demande de contrôle a été déposée auprès du Président de la Cour suprême le 13 juin 2005. Dans une décision datée du 29 juin 2005, le Président de la Cour suprême a confirmé la légalité de la décision de la Commission électorale en date du 14 janvier 2005. À propos de l’interruption des activités du PST dirigé par G., «créé artificiellement» et illégalement, il a indiqué que les griefs tenaient à un différend interne et devaient être examinés par le parti conformément à la charte de celui-ci, les tribunaux n’étant pas compétents pour décider si le chef du PST était l’auteur, N., ou G. Le Président de la Cour suprême a en outre invoqué le paragraphe 1 de l’article 25 de la loi sur les partis politiques, selon lequel ce type de question se règle par la restructuration (unification, fusion, scission) ou la liquidation. Il a recommandé à l’auteur de convoquer le congrès du parti (les deux plates-formes politiques) et de résoudre le différend.

2.16Le 29 septembre 2005, les auteurs ont déposé auprès de la Cour constitutionnelle une requête formulant de nouveau les griefs qui avaient été rejetés par la Cour suprême et ajoutant qu’ils avaient subi un déni de justice. Ils demandaient à la Cour de rendre un avis juridique sur les quatre points suivants:

a)La Cour suprême avait-elle violé leur droit à la protection de la justice?

b)La question de la coexistence de deux partis socialistes relevait-elle de la compétence de la Cour suprême?

c)La Cour suprême était-elle tenue d’examiner leur requête relative à la coexistence des deux partis et d’ordonner la cessation des activités du parti illégal?

d)Quel tribunal ou institution était compétent pour examiner la légalité de la lettre dans laquelle le Ministre de la justice confirmait que G. était Président du PST, et la Cour suprême était-elle tenue d’examiner la question des actes illégaux du Ministre?

2.17Le 5 octobre 2005, la Cour constitutionnelle a rejeté la requête sans examiner les griefs, déclarant que toutes les questions liées à l’organisation et au fonctionnement des partis politiques relevaient de la compétence de la Cour suprême.

2.18Les auteurs affirment qu’ils ont épuisé tous les recours internes disponibles et que la même question n’a pas été examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs affirment qu’ils sont victimes d’une violation des droits qu’ils tiennent de l’article 5 du Pacte, parce que les autorités, et en particulier le Conseiller principal du Président (V.), le Ministre de la justice (Kh.), et le chef de la Commission électorale (B.), ont restreint «par tous les moyens possibles» leurs droits électoraux et leur droit à la liberté d’association ainsi que ceux des autres membres du parti.

3.2Les auteurs dénoncent également une violation de l’article 16 du Pacte, en particulier à l’égard de N., U. et Mme S. (qui a été présentée comme souffrant de maladie mentale), en ce que leur droit à la reconnaissance de la personnalité juridique a été violé, ce qui les a empêchés d’exercer le droit à la protection de la justice.

3.3Les auteurs affirment en outre qu’il y a eu violation de l’article 17, parce qu’un fonctionnaire de l’administration présidentielle ainsi que des membres des forces de sécurité et d’autres organes de l’État se sont ouvertement immiscés dans leur vie privée et leur vie de famille en ordonnant la rédaction et la publication d’articles et autres documents qui ont nui à leur réputation.

3.4Les auteurs affirment qu’il y a eu violation de l’article 19, du fait que le droit d’avoir des opinions a été ôté aux membres du PST par des actes d’intimidation tels que le meurtre du chef du PST, des actes de persécution et des licenciements.

3.5Les auteurs disent avoir été privés du droit à la liberté d’association, notamment par la révocation arbitraire de leur statut de membre du parti et la reconnaissance du «pseudo»‑parti socialiste comme parti légitime, en violation de l’article 22 du Pacte.

3.6D’après les auteurs, le droit d’être élu sans restrictions déraisonnables et sans distinction, garanti par l’article 25 b) du Pacte, a également été violé vu qu’ils ont été empêchés de participer aux élections. Ils affirment que leurs noms ne figuraient pas sur les listes électorales et que le secret du scrutin n’a pas été respecté.

3.7Les auteurs affirment enfin qu’il y a eu violation de l’article 26 parce qu’ils ont été victimes de discrimination fondée sur l’opinion politique.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans une note verbale datée du 8 juin 2011, l’État partie conteste les allégations des auteurs et affirme que toutes leurs plaintes ont été dûment enregistrées et examinées par les autorités nationales compétentes conformément à la loi. Après le meurtre du député Sa. K., le 30 mars 1999, une enquête criminelle a été ouverte par le Département des enquêtes du Ministère de la sécurité (actuel Comité d’État pour la sécurité nationale). Un mandat de perquisition a été délivré concernant deux suspects, Y. et S. Plus tard, comme l’un des suspects n’avait toujours pas été appréhendé, la procédure a été suspendue. L’enquête criminelle a été menée dans le respect de la loi et l’allégation des auteurs qui affirment que rien n’a été entrepris pour élucider le meurtre de Sa. K. est dénuée de fondement.

4.2Concernant les griefs des auteurs qui font valoir qu’ils ont subi des pressions avant et pendant les élections parlementaires de 2000, que U. a été agressé par des inconnus armés et masqués qui lui ont ensuite volé son véhicule, et que le Département des affaires intérieures n’a pris aucune mesure pour enquêter sur cet incident, l’État partie affirme que ces griefs ne sont pas fondés. À l’époque, U. faisait le taxi avec son véhicule personnel et, le 11 août 1999, il avait accepté pour la somme de 3 000 roubles russes de conduire trois inconnus à l’adresse qu’ils lui avaient indiquée. En chemin, ces individus l’avaient menacé d’un pistolet et lui avaient volé sa voiture. Le même jour, suite à la plainte de U., une action pénale avait été ouverte en vertu du paragraphe 4 de l’article 249 du Code pénal (banditisme). L’affaire avait été close le 1er octobre 1999 au motif que les auteurs n’avaient pas pu être identifiés. L’État partie fait valoir que le délit n’a pas de lien avec la candidature de U. aux élections parlementaires, puisque celles-ci ont eu lieu le 28 février 2000 et que l’enregistrement des candidats ainsi que les réunions avec les électeurs ont débuté le 13 décembre 1999.

4.3L’État partie conteste également le grief des auteurs qui affirment que l’élection de G. à la présidence du PST était illégale. Le 6 août 1996, le PST a été enregistré auprès du Ministère de la justice. Le 21 décembre 1996, Sa. K. a été élu Président du parti. Le PST a été de nouveau enregistré auprès du Ministère de la justice le 10 mars 1999. R. a été élu Président du parti au quatrième congrès extraordinaire tenu le 23 juillet 2000, et G. est devenu Président du PST à l’issue du congrès extraordinaire du 20 juillet 2004. N. et ses partisans n’ont pas admis cette décision et ont soumis plusieurs requêtes au Ministère de la justice, en faisant valoir que le congrès du parti s’était tenu illégalement.

4.4Pour ce qui est du grief des auteurs qui affirment que le 14 mai 2004, la direction du PST s’était plainte au Département des affaires intérieures du district de Sino à Douchanbé que G. avait utilisé illégalement le cachet du Comité exécutif du PST et que cette plainte était restée sans réponse, l’État partie n’est pas en mesure d’apprécier ces allégations car toutes les archives du Département des affaires intérieures du district de Sino ont été détruites le 21 janvier 2008 à l’expiration de la période de conservation prévue.

4.5L’allégation des auteurs qui affirment que leurs plaintes n’ont pas été accueillies par les tribunaux sans aucun motif légal est également dénuée de fondement. N. a déposé une requête auprès de la Cour suprême le 16 janvier 2005, demandant l’annulation de la décision de la Commission électorale en date du 14 janvier 2005 relative à l’enregistrement de cinq candidats du PST en vue des élections parlementaires, et la cessation des activités du parti en question. Le 20 janvier 2005, la Cour suprême a rejeté la plainte et cette décision a été confirmée par la chambre civile de la Cour suprême. Toutes les demandes de contrôle déposées par les auteurs ont été dûment examinées et ont donné lieu à une décision. La Cour a estimé que le PST agissait conformément à la loi et que l’enregistrement des candidats en vue des élections parlementaires s’était déroulé dans le respect de la loi. Pour garantir un examen approfondi de l’affaire, la Cour avait interrogé le représentant du Ministère de la justice. Celui-ci avait déclaré à l’audience qu’il avait rencontré officiellement le Président du PST, G., et le plaignant, N., et leur avait expliqué quelles étaient les prescriptions de la loi concernant les pouvoirs et les droits et devoirs des membres d’un parti politique.

4.6Le 25 septembre 2006, N. a déposé une plainte auprès de la Cour suprême, demandant l’annulation de la décision de la Commission électorale en date du 11 octobre 2006 par laquelle G. avait été enregistré comme le candidat du PST à l’élection présidentielle. La Cour, après avoir examiné les éléments du dossier, les arguments des parties et les déclarations des témoins, a conclu que l’élection de G. à la présidence du PST était légale et a rejeté la plainte le 31 octobre 2006. Cette décision a été confirmée par la chambre civile de la Cour suprême le 22 novembre 2006. Le PST est actuellement dirigé par G. et fonctionne dans le respect de la Constitution et de la loi relative aux partis politiques.

Commentaires des auteurs sur la recevabilité et sur le fond

5.1Dans leurs commentaires datés du 27 avril 2012, les auteurs contestent l’argument de l’État partie qui affirme que toutes leurs plaintes ont été dûment enregistrées et examinées conformément à la loi. D’après eux seules 18 des 29 plaintes ont été enregistrées. Le PST étant un parti d’opposition, aucune de leurs plaintes n’a été examinée conformément à la loi et elles ont été ignorées ou rejetées pour des raisons politiques.

5.2Les auteurs jugent incohérentes les informations présentées par l’État partie au sujet de l’enquête sur la mort de Sa. K. Ils font valoir que l’État partie invente chaque fois de nouveaux noms pour les auteurs présumés, puisque ceux qui figurent dans les observations de l’État diffèrent de ceux que les services d’enquête ont communiqués à la famille en 1999. Les auteurs sont convaincus que l’acte terroriste dirigé contre Sa. K. avait un motif politique. À l’approche de l’élection présidentielle de 1999, des hommes munis d’armes automatiques et de grenades et circulant à bord de véhicules à vitres teintées n’avaient cessé de le pourchasser. Une fois les gardes du corps de Sa. K. avaient réussi à encercler ces hommes et à les interroger, et avaient découvert qu’il s’agissait d’agents du Comité d’État pour la sécurité nationale. Sa. K. avait rapporté ces faits au chef de ce comité et demandé qu’une enquête soit ouverte. Le chef avait confirmé que les hommes armés étaient bien des agents du Comité. La direction du PST s’était plainte au Président du Tadjikistan en précisant les numéros de plaque minéralogique des véhicules qui suivaient Sa. K. dans tous ses déplacements mais aucune mesure n’avait été prise pour le protéger d’éventuelles agressions.

5.3Les auteurs contestent les arguments de l’État partie qui affirme que l’attaque contre le véhicule de U. n’avait pas de lien avec ses activités politiques et que l’élection de G. comme Président du PST était légale. Ils objectent que le «pseudo»‑congrès du 20 juin 2004 au cours duquel G. a été «prétendument» élu Président du PST a été organisé par des employés de l’appareil présidentiel, V., Conseiller principal du Président de la République et O., ancien Conseiller du Président, et les dirigeants du Parti populaire démocratique tadjik, abusant de leur autorité. Il ressort clairement des minutes du «pseudo»‑congrès que celui-ci a été organisé par des personnes n’ayant aucun lien avec le PST, et la direction du «parti» était composée de personnes qui avaient été exclues du PST en 2000, en particulier G. et V. Ils avaient été exclus du parti pour infractions graves à la charte du PST ainsi que pour détournement de fonds et préjudice moral et matériel causé au parti. Comme le montraient les rapports annuels du PST présentés au Ministère de la justice, ils n’avaient eu, entre 2000 et 2004, aucune relation avec une quelconque unité du PST. Dans le rapport présenté à l’issue du quatrième congrès du PST ni G. ni V. ne sont cités comme cadres du parti. Les auteurs signalent également un certain nombre d’infractions commises pendant l’organisation du «pseudo»‑congrès du 20 juin 2004 pour montrer que les documents relatifs au soi‑disant «congrès» étaient falsifiés et que son organisation était illégale et contraire à la charte du PST. Le PST dirigé par G. avait été enregistré par le Ministère de la justice en décembre 2004 sur la base des minutes du «pseudo‑congrès», et le parti avait de nouveau été enregistré par la Commission électorale en vue de sa participation aux élections parlementaires. En outre, en août 2006 (avant l’élection présidentielle), G. avait été enregistré comme candidat du PST à la présidence du Tadjikistan.

5.4Compte tenu de ce qui précède, les auteurs demandent au Comité de rendre justice aux membres et aux partisans du PST et d’ordonner qu’ils soient indemnisés pour les préjudices subis du fait des actions du régime en place.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Les auteurs déclarent qu’ils ont été persécutés par des fonctionnaires du Gouvernement parce qu’ils étaient les dirigeants du PST. Ils affirment que l’ancien Président du parti a été tué dans un attentat terroriste en 1999 et que les autorités de l’État partie n’ont pas mené d’enquête. N. a été contraint de retirer sa candidature aux élections parlementaires de 2000. U. a également été victime de harcèlement en rapport avec ces élections et a par exemple subi une agression par des hommes armés qui lui ont aussi volé sa voiture. Les résultats des élections concernant U. et K. ont été falsifiés, tandis que Mme S. a été enregistrée comme candidate dans le mauvais district. De nombreux autres candidats députés ont reçu des menaces de mort de la part de groupes armés. Les auteurs précisent qu’ils n’ont pas porté plainte pour les actes d’intimidation et la falsification des votes par crainte de représailles.

6.4En outre, le Ministère de la justice a refusé de reconnaître N. comme chef du parti, bien qu’il eût été élu au congrès du parti, ce qui a empêché le PST de participer aux élections de 2005. À ce sujet, le Comité constate que les auteurs ont déposé plusieurs plaintes et formé plusieurs recours auprès du bureau du Procureur et des juridictions nationales, dont la Cour suprême et la Cour constitutionnelle, contestant l’enregistrement du «pseudo‑PST» dirigé par G. et dénonçant une violation de leurs droits électoraux et de leur droit à la liberté d’association garantis par la Constitution. Tous leurs griefs ont été rejetés. Un recours en annulation et deux demandes de contrôle par la Cour suprême ont également été rejetés au motif que les tribunaux n’étaient pas compétents pour se prononcer sur la légalité d’un parti politique ni sur le point de savoir qui était le président légalement élu d’un parti. La Cour constitutionnelle n’a pas examiné la plainte au fond, indiquant que les questions liées à l’organisation et au fonctionnement des partis politiques relevaient de la compétence de la Cour suprême.

6.5Le Comité note que les auteurs invoquent les articles 5, 16, 17, 19 et 26 du Pacte, affirmant notamment qu’il y avait eu violation de leur droit à la reconnaissance de la personnalité juridique, que les autorités de l’État s’étaient ouvertement immiscées dans leur vie privée et leur vie de famille en publiant des articles nuisant à leur réputation et que le droit d’avoir des opinions avait été dénié aux membres du PST, qui avaient subi une discrimination fondée sur l’opinion politique et n’avaient pas été protégés contre des actes de violence. Toutefois, le Comité relève que les informations données par les auteurs à l’appui de griefs de violation de ces articles sont très générales. À la lumière des éléments dont il est saisi, le Comité ne peut pas conclure que les auteurs ont suffisamment étayé ces griefs, aux fins de la recevabilité, et les déclare donc irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.6Concernant les griefs tirés des articles 22 et 25 b) du Pacte, c’est-à-dire que la révocation arbitraire de leur statut de membre du parti et la reconnaissance du Parti socialiste du Tadjikistan «créé de manière artificielle» constituent une violation de la liberté d’association et les ont empêchés de participer aux élections, le Comité note que leurs allégations sont essentiellement liées à un différend entre deux organisations, dont chacune se présente comme le successeur de l’ancien PST. Les auteurs ne prétendent pas qu’ils ont été empêchés de fonder un nouveau parti portant un nom différent. Le Comité note également la décision de la Cour suprême qui considère qu’elle n’est pas compétente pour se prononcer sur la légalité d’un parti politique ni sur le point de savoir qui en est le président légalement élu, et que les différends internes doivent plutôt être tranchés au moyen des procédures propres au parti. Pour ce qui est de l’allégation des auteurs qui disent avoir été empêchés de participer aux élections parlementaires à cause de la décision de la Commission électorale relative à l’enregistrement des candidats du PST présentés par G., le Comité fait observer que, lorsqu’elle a examiné la demande d’annulation de cette décision présentée par les auteurs, la Cour suprême a tenu des audiences et qu’à cette occasion le représentant de la Commission électorale a expliqué que G. avait produit la liste des candidats du PST et tous les documents exigés par la loi pour leur enregistrement, alors qu’aucun de ces documents nécessaires à l’enregistrement des candidats du PST n’avait été apporté par N. (voir plus haut par. 2.14). Ce dernier point n’a pas été contesté par les auteurs.

6.7Le Comité fait observer également que les griefs de violation des articles 22 et 25 sont étroitement liés à l’appréciation des faits et des éléments de preuve par les autorités électorales et les juridictions de l’État partie. Il rappelle qu’il appartient généralement aux juridictions des États parties, et non à lui, d’examiner ou d’apprécier les faits et les preuves dans un cas d’espèce, sauf s’il peut être établi que la conduite du procès ou l’appréciation des faits et des preuves a été de toute évidence arbitraire ou a représenté un déni de justice. Au vu des documents dont il dispose, en particulier de la décision de la Commission électorale relative à l’enregistrement des candidats du PST, dont fait mention la décision de la Cour suprême, le Comité n’est pas en mesure de conclure que les autorités de l’État partie ont agi de manière arbitraire dans l’appréciation des faits et des éléments de preuve en l’espèce. En conséquence, le Comité considère les griefs de violation des articles 22 et 25 b) du Pacte sont irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif, faute d’être suffisamment étayés.

7.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et aux auteurs.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

B.Communication no 1526/2006, V. A. c. Fédération de Russie(Décision adoptée le 23 juillet 2012, 105e session)*

P résentée par:

V. A. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

D. A., fils de l’auteur

État partie:

Fédération de Russie

Date de la communication:

3 mars 2006 (date de la lettre initiale)

Objet:

Refus des autorités d’accorder la citoyenneté et de délivrer des documents d’identité

Questions de procédure:

Épuisement des voies de recours internes

Questions de fond

Néant

Articles du Pacte:

2, 8 (par. 2), 9 (par. 1), 12 (par. 1, 2 et 3), 14 (par. 1), 16, 17, 23 (par. 1 et 2), 24 (par. 3), 25 et 26

Articles du Protocole facultatif:

2, 3 et 5 (par. 2 a) et 2 b))

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 23 juillet 2012,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication est V. A., de nationalité russe, né en 1951. Il présente la communication au nom de son fils, D. A., né en 1977, apatride au moment où la communication a été envoyée. L’auteur affirme que son fils est victime de violations par la Fédération de Russie des droits qu’il tient de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et du paragraphe 2 de l’article 8, du paragraphe 1 de l’article 9, des paragraphes 1, 2 et 3 de l’article 12, du paragraphe 1 de l’article 14, de l’article 16, de l’article 17, des paragraphes 1 et 2 de l’article 23, du paragraphe 3 de l’article 24, de l’article 25 et de l’article 26. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 1er janvier 1992. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le fils de l’auteur est né en 1977 dans l’ancienne République socialiste soviétique d’Ouzbékistan; à la naissance il était citoyen de l’Union soviétique. Il n’a jamais quitté le territoire de l’ancienne Union soviétique (URSS). Ses deux parents sont d’origine russe.

2.2À une date non précisée, l’auteur s’est installé en Russie. Selon lui, son fils vit avec lui à Borisoglebsk (Fédération de Russie) depuis novembre 1992; il avait alors 15 ans. L’auteur joint des copies de nombreux documents, notamment du diplôme d’études secondaires et du diplôme d’études universitaires de son fils, une copie d’un certificat délivré par le Service fédéral des migrations de Russie attestant que D. A. avait le statut de personne déplacée de force, ainsi qu’une fiche d’enregistrement d’adresse.

2.3L’auteur explique que depuis 1992, en tant que représentant légal de son fils, il a déposé de nombreuses demandes auprès des autorités russes afin qu’elles lui délivrent un document d’identité, en particulier un passeport soviétique. Sans document d’identité, son fils ne peut pas saisir lui-même les tribunaux russes, il n’a aucune liberté de circulation dans la Fédération de Russie, il ne peut ni travailler ni recevoir des soins médicaux, et l’exercice d’un ensemble d’autres droits conférés aux citoyens russes et aux personnes qui ont des documents d’identité lui est dénié.

2.4L’auteur affirme qu’il a présenté auprès des autorités compétentes de nombreuses demandes de citoyenneté russe pour son fils, qui ont toutes été rejetées. Il explique que, en vertu de l’article 15 de la loi de 1991 relative à la citoyenneté de la Fédération de Russie, son fils aurait dû pouvoir acquérir la citoyenneté russe puisque ses parents sont nés dans la République socialiste fédérative soviétique de Russie (RSFSR) de l’ancienne URSS.

2.5L’auteur explique que comme il n’avait pas d’adresse enregistrée dans la RSFSR au 6 février 1992, au regard de la loi sur la citoyenneté de l’époque il n’était pas reconnu comme citoyen de la Fédération de Russie nouvellement indépendante. La situation a changé après que la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie a jugé en 1996 cette restriction anticonstitutionnelle. La citoyenneté russe de l’auteur a été confirmée, ce qui selon lui devrait permettre à son fils d’en bénéficier aussi.

2.6Une nouvelle loi sur la citoyenneté est entrée en vigueur le 31 mai 2002. L’auteur explique que ses dispositions autorisaient son fils à demander la citoyenneté russe. Toutefois, en violation de la loi, les autorités administratives ont rejeté ses demandes.

2.7Le 25 juillet 2002, une autre loi a été promulguée, relative au statut juridique des ressortissants étrangers se trouvant dans la Fédération de Russie; elle dispose en son article 2 que les citoyens de l’ancienne URSS sont des «ressortissants étrangers». L’auteur considère cette disposition comme discriminatoire et dégradante pour son fils.

2.8Le 14 février 2005, le fils de l’auteur a saisi le tribunal municipal de Borisoglebsk d’une demande visant à confirmer qu’il était résident permanent de la Fédération de Russie depuis novembre 1992. Il motivait sa demande par l’intention de solliciter la délivrance d’un passeport soviétique, portant mention qu’il n’était pas un national russe. En date du 11 mai 2005, le tribunal a rejeté la demande, expliquant que les autorités russes ne délivraient plus de passeports soviétiques et que D. A. n’avait pas prouvé qu’il résidait en Fédération de Russie depuis 1992. Le tribunal ajoutait que l’intéressé pouvait cependant, en vertu de la législation en vigueur, demander et obtenir un passeport russe mais qu’il lui fallait d’abord avoir un «permis de résidence» et la citoyenneté russe. Le recours en annulation formé devant le tribunal régional de Voronej a été rejeté le 5 juillet 2005.

2.9À une date non précisée, D. A. a déposé une demande de passeport russe au Service des passeports et des visas. Sa demande a été rejetée et, le 14 juillet 2005, l’auteur a interjeté appel auprès du tribunal régional de Borisoglebsk contre le refus des autorités administratives d’accorder la citoyenneté russe à son fils et de lui délivrer un document d’identité. Le 6 octobre 2005, le tribunal a rejeté l’appel, jugeant que pour acquérir la citoyenneté russe, il fallait présenter des preuves établissant l’identité, comme un passeport ou un permis de résidence, condition que le fils de l’auteur n’avait pas remplie. Le tribunal concluait que les autorités avaient dûment expliqué à l’auteur et à son fils quelle était la procédure pour obtenir un permis de résidence.

2.10L’auteur a formé un recours en annulation contre la décision auprès du tribunal régional de Voronej. Le 15 décembre 2005, celui-ci a rejeté le recours au motif qu’il n’avait pas été déposé avec l’autorisation du fils. Un autre recours en annulation a été rejeté parce qu’il avait été déposé après l’expiration du délai légal.

2.11La demande de contrôle juridictionnel de la décision du tribunal municipal de Borisoglebsk, présentée par l’auteur auprès du tribunal régional de Voronej, a été rejetée le 21 juin 2006: le tribunal n’a pas trouvé matière à douter du bien-fondé de la décision. Les deux recours dont l’auteur a saisi la Cour suprême de la Fédération de Russie sous forme de demandes supplémentaires de réexamen sont, selon ses dires, restés sans réponse.

2.12L’auteur indique qu’il a saisi la Cour européenne des droits de l’homme, au nom de son fils en date du 20 janvier 2003. La requête a été enregistrée sous le no 1889/03 et a été rejetée à une date non précisée au motif qu’elle ne répondait pas aux règles définies par les articles 34 et 35 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Teneur de la plainte

3.L’auteur fait valoir que le refus des autorités russes de délivrer un document d’identité à son fils est contraire aux droits que celui-ci tient du Pacte, en particulier de l’article 16, et constitue également une violation de l’article 2, de l’article 8 (par. 2), de l’article 9 (par. 1), de l’article 12 (par. 1, 2 et 3), de l’article 14 (par. 1), l’article 17, de l’article 23 (par. 1 et 2), de l’article 24 (par. 3), de l’article 25 et de l’article 26.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.Dans sa réponse datée du 15 juillet 2011, l’État partie indique que, selon le Service fédéral des migrations de la Fédération de Russie, le fils de l’auteur a obtenu la citoyenneté russe le 26 juin 2008 et un passeport (série 2008 no 980470). Il affirme que la communication est donc irrecevable dans la mesure où la situation qui faisait grief a été réglée.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans ses commentaires datés du 17 septembre 2011, l’auteur objecte que l’argument de l’État partie qui considère qu’avec la délivrance d’un passeport son fils a été rétabli dans ses droits est en contradiction avec les Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire. Il fait valoir que, certes son fils a finalement obtenu la citoyenneté russe et un passeport, mais il a fallu attendre quatorze ans et satisfaire à une demande supplémentaire «illégale» de présentation d’un certificat attestant qu’il ne possédait pas la citoyenneté ouzbèke. L’auteur avance que, en imposant une telle condition, les autorités ont traité son fils non pas comme un «sujet à part entière» mais comme un «objet de l’activité» de deux «États formés illégalement», la Russie et l’Ouzbékistan. Il ajoute qu’en délivrant un passeport à son fils, l’État partie a reconnu que la décision judiciaire par laquelle la personnalité juridique du demandeur n’a pas été reconnue était «manifestement injuste». D’après l’auteur, les décisions rendues sur les recours en annulation et en contrôle juridictionnel «montrent sans le vouloir que le plaignant est une victime». Il estime que les tribunaux ont établi le «préjudice causé au plaignant» dans la mesure où celui-ci n’avait pas de document d’identité et ne pouvait donc pas saisir personnellement les tribunaux ni désigner un représentant; par conséquent ses droits au regard du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte ont été violés.

5.2En outre, d’après l’auteur, l’État partie n’a pas respecté plusieurs des Principes concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations des droits de l’homme.

5.3L’auteur affirme que «les déclarations officielles de fonctionnaires de haut rang alléguant qu’ils n’étaient pas compétents», qui ne tiennent pas compte de l’article 19 de la Constitution de la Fédération de Russie, sont nulles et non avenues.

5.4L’auteur réaffirme qu’il y a eu violation des droits que son fils tient de l’article 8 (par. 2), de l’article 12 (par. 1, 2 et 3), de l’article 14 (par. 1), de l’article 16 (par. 2), de l’article 23 (par. 1 et 2), de l’article 24 (par. 3), de l’article 25 et de l’article 26 du Pacte. Il soumet un calcul détaillé de la valeur monétaire des préjudices matériels et moraux subis par son fils et lui-même du fait de la non-délivrance d’un passeport.

Observations supplémentaires de l’État partie

6.1Dans une note du 19 décembre 2011, l’État partie a rappelé les faits au sujet de la demande de citoyenneté russe présentée par le fils de l’auteur, du refus du Service des passeports et des visas de lui en délivrer un parce qu’il manquait les documents exigés par la loi et de la confirmation de cette décision par le tribunal municipal de Borisoglebsk le 6 octobre 2005. L’État partie note que le fils de l’auteur n’a avancé aucune raison expliquant pourquoi il n’avait pas obtenu ou ne pouvait pas obtenir de permis de résidence, condition préalable à la demande de citoyenneté. L’État partie se réfère aux articles 2 et 3 du Pacte et note que le rejet de l’appel formé par le fils de l’auteur contre le refus du Service des passeports et des visas de lui délivrer un passeport n’empêchait pas l’intéressé de faire une nouvelle demande en présentant les documents nécessaires.

6.2L’État partie indique qu’au lieu de cela D. A. a préféré se pourvoir devant les juridictions supérieures. Il note que, le 15 décembre 2005, le tribunal régional de Voronej a rendu une décision par laquelle il rejetait le recours en annulation déposé par l’auteur parce que celui-ci n’avait pas joint une procuration (lettre d’autorisation) signée de son fils. Le 12 janvier 2006, le tribunal municipal de Borisoglebsk a rendu une décision par laquelle il déclarait refuser d’examiner le recours en annulation de l’auteur, déposé au nom de son fils, parce qu’aucune procuration n’était jointe. Le 25 janvier 2006, le même tribunal a refusé d’examiner le recours en annulation parce qu’il avait été déposé après le délai d’appel et qu’il ne contenait pas de demande de prorogation du délai. Le Présidium du tribunal régional de Voronej a examiné le recours en annulation formé par l’auteur contre la décision rendue par le tribunal municipal de Borisoglebsk le 6 octobre 2005 et l’a rejeté par décision du 21 mars 2006.

6.3L’État partie maintient que la communication devrait être déclarée irrecevable pour deux raisons: premièrement au regard de l’article 2 du Protocole facultatif parce que le fils de l’auteur n’a pas épuisé les voies de recours internes disponibles; deuxièmement au regard de l’article 3 du Protocole parce que les renseignements que l’auteur donne au sujet de l’épuisement des recours internes ne correspondent pas à la réalité et que par conséquent la communication constitue un abus du droit de plainte.

6.4L’État partie relève en outre que dans ses demandes D. A. a fait remarquer que la citoyenneté russe ne lui était pas en elle-même nécessaire mais qu’il avait plutôt besoin de documents d’identité, comme un passeport soviétique mentionnant qu’il n’était pas un citoyen russe.

6.5Enfin l’État partie objecte que les allégations de violations résultant d’un processus géopolitique − la désintégration de l’URSS, qui avait eu des conséquences négatives pour le fils de l’auteur − sont incompatibles avec les dispositions du Pacte et sont donc irrecevables en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

7.2Conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité doit s’assurer que la même question n’est pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Il note que l’auteur a présenté une plainte pour les mêmes faits à la Cour européenne des droits de l’homme, enregistrée le 20 janvier 2003 sous le numéro de requête 1889/03 et déclarée irrecevable le 20 février 2004. Le Comité relève également que lorsqu’il a adhéré au Protocole facultatif, l’État partie a fait une déclaration qui n’interdit cependant pas au Comité d’examiner les communications portant sur une affaire qui a fait l’objet d’une autre procédure internationale. Le Comité considère dès lors que le paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif ne l’empêche pas d’examiner la communication aux fins de la recevabilité.

7.3Le Comité note que l’État partie conteste la recevabilité de la communication au motif que les recours internes n’ont pas été épuisés, puisque l’auteur n’a pas présenté l’autorisation de son fils voulue et n’a pas déposé dans les délais légaux un recours en annulation contre la décision du 6 octobre 2005 du tribunal régional de Borisoglebsk concernant le refus des autorités administratives d’accorder la citoyenneté russe à son fils. Le Comité relève que l’auteur n’a pas expliqué pourquoi il n’avait pas usé de ce recours pour faire valoir ses griefs. Dans ces circonstances, le Comité considère que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes disponibles et déclare la communication irrecevable au titre du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

8.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’auteur et, pour information, à l’État partie.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

C.Communication no 1788/2008, B. W. M. Z. c. Pays-Bas(Décision adoptée le 25 mars 2013, 107e session)*

P résentée par:

B. W. M. Z.(non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Pays-Bas

Date de la communication:

26 juin 2007 (date de la lettre initiale)

Objet:

Conduite d’une procédure disciplinaire

Questions de procédure:

Non-épuisement des recours internes; défaut de fondement

Questions de fond:

Indépendance et impartialité du tribunal; droit d’être entendu

Article du Pacte:

14

Articles du Protocole facultatif:

2 et 5 (par. 2 b))

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 25 mars 2013,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication est B. W. M. Z., de nationalité néerlandaise. Il affirme être victime d’une violation par les Pays-Bas des droits protégés par l’article 14 du Pacte. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur est un avocat qui exerce aux Pays-Bas. En mars 2003, M. et Mme L. H. ont déposé deux plaintes contre lui auprès du Conseil de discipline de la juridiction d’Amsterdam. Dans la plainte no 03-354H, ils affirmaient que l’auteur avait agi en violation de l’article 46 de la loi relative aux professions juridiques en: a) les amenant à passer un contrat d’assistance juridique par l’exercice de pressions, par tromperie et par dol; b) ne travaillant pratiquement pas sur l’affaire qui lui avait été soumise; c) demandant des honoraires forfaitaires de 10 000 euros hors TVA, payables à l’avance, auxquels s’ajoutaient 25 % du montant qui serait éventuellement perçu à terme. La plainte no 03‑055H dénonçait une violation de l’article 46 de la loi relative aux professions juridiques, l’auteur ayant refusé de rembourser l’avance d’honoraires qu’il avait perçue après s’être contenté de traiter l’affaire sommairement pendant une période de neuf semaines.

2.2Dans une décision en date du 29 septembre 2003, le Conseil de discipline a écarté le grief formulé dans la partie a) de la première plainte, considérant qu’il n’était pas compétent pour statuer sur la validité juridique d’un contrat passé entre un avocat et son client, sauf si ce contrat était manifestement nul. Cependant, il a retenu les griefs formulés dans les parties b) et c) de la plainte no 03-054H, ainsi que dans la plainte no 03-055H, et a adressé à l’auteur un blâme à titre de sanction disciplinaire. M. et Mme L. H. ont contesté cette décision auprès du tribunal d’appel en matière disciplinaire qui, le 4 juin 2004, a annulé la décision du Conseil de discipline concernant le grief formulé dans la partie a) de la plainte no 3-054H et a condamné l’auteur à l’interdiction d’exercer pendant une période de trois mois, lui ordonnant de rembourser aux plaignants la somme de 11 900 euros.

2.3Entre-temps, une nouvelle plainte visant l’auteur avait été déposée auprès du Conseil de discipline. Le 20 octobre 2003, M. et Mme P. ont dénoncé des violations par l’auteur de la loi relative aux professions juridiques, affirmant qu’il avait enfreint un accord portant sur la manière dont il procéderait et qu’il avait conservé à tort des dossiers leur appartenant. Le Conseil de discipline a fait droit à la plainte et a condamné l’auteur à un mois d’interdiction d’exercer avec sursis. Le 19 novembre 2003, l’auteur a contesté cette décision auprès du tribunal d’appel en matière disciplinaire, qui l’a confirmée le 10 juin 2004.

2.4L’auteur fait valoir qu’en vertu de la loi relative aux professions juridiques, ce tribunal est la plus haute instance en matière disciplinaire. Il en découle que les recours internes ont été épuisés en l’espèce. L’auteur a également porté l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme. Le 23 mars 2005, il a été informé que la Cour, siégeant en comité de trois juges, avait décidé de déclarer sa requête irrecevable car elle ne faisait apparaître aucune violation des droits et libertés énoncés dans la Convention ou les Protocoles s’y rapportant.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que les procédures devant le tribunal d’appel en matière disciplinaire n’étaient pas conformes à l’article 14 de la Convention. Premièrement, le 22 mars 2004, il a informé le tribunal par téléphone qu’il ne serait pas en mesure de prendre part à l’audience prévue le 4 juin 2004 car la santé de son père s’était subitement détériorée. Le tribunal aurait dû reporter l’examen de l’affaire et donner à l’auteur la possibilité d’être entendu, ce qu’il n’a pas fait. De ce fait, l’auteur n’a pas pu invoquer l’article 14 du Pacte devant le tribunal. Il en a résulté que le tribunal lui a imposé une lourde sanction, en se fondant sur la seule déclaration du plaignant. Qui plus est, la sanction, en comparaison avec celle imposée dans d’autres affaires, était disproportionnée.

3.2Deuxièmement, le tribunal a interdit à l’auteur d’exercer sa profession pendant trois mois, dont un mois avec sursis subordonné au versement de 10 000 euros à M. et Mme L. H. Or la décision concernant ce versement était illégale car c’est à une juridiction civile qu’il appartient de connaître des demandes portant sur le versement d’une somme d’argent et non pas à un tribunal en matière disciplinaire.

3.3Troisièmement, l’un des membres du tribunal qui a statué sur l’affaire était V. B., qui, à l’époque, était impliqué dans une procédure civile visant l’auteur. V. B. représentait une personne qui avait déposé plainte contre l’auteur parce que celui-ci avait refusé de la représenter devant les tribunaux, ce qui l’avait amenée à faire une tentative de suicide. Cette plainte avait été rejetée par la cour d’appel d’Amsterdam. L’auteur affirme que le cabinet juridique auquel appartient V. B. nourrit de l’animosité à son endroit pour cette raison. En outre, il est possible que V. B. ait eu des préjugés à l’égard de l’auteur dus au fait que celui-ci avait par le passé intenté une action contre un juge du tribunal régional et de la cour d’appel de La Haye qui avait des liens familiaux avec V. B. De surcroît, trois des membres du tribunal d’appel en matière disciplinaire qui a statué sur le cas de l’auteur sont non seulement avocats, mais aussi juges suppléants. Par le passé, l’auteur avait critiqué le système des juges suppléants, à la suite de quoi un projet de loi visant à abolir ce système avait été soumis au Parlement. Malgré ce projet de loi, le système n’avait pas entièrement disparu. Pour toutes ces raisons, l’auteur soutient que le tribunal qui a statué sur l’affaire le concernant n’était pas impartial.

3.4L’auteur affirme également que faire juger un avocat par ses confrères dans le cadre d’une procédure disciplinaire constitue une violation de l’article 14 du Pacte. Le fait qu’ils soient tous en concurrence sur le plan professionnel compromet en soi le caractère impartial et indépendant des jugements rendus. La loi relative aux professions juridiques est donc, à cet égard, contraire à l’article 14 du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 10 décembre 2008, l’État partie a communiqué ses observations sur la recevabilité et sur le fond. Il rappelle la décision d’irrecevabilité rendue par la Cour européenne des droits de l’homme et demande au Comité d’adopter, pour des raisons de sécurité juridique, une approche similaire, c’est-à-dire de déclarer la communication irrecevable ou de conclure que les faits qui y sont visés ne constituent pas une violation du Pacte. Dans le cas contraire, l’État partie se trouverait en présence de deux jugements contradictoires sur la même question rendus par deux organes de surveillance internationaux.

4.2L’État partie explique que tant le Conseil de discipline que le tribunal d’appel en matière disciplinaire sont composés de juges et d’avocats en exercice. Les recours dont est saisi le tribunal sont examinés et tranchés par un collège de cinq membres composé de trois juges et deux avocats. Les juges qui siègent au tribunal sont nommés pour un mandat de cinq ans parmi les membres de l’appareil judiciaire chargés de l’administration de la justice tandis que les avocats sont élus pour un mandat de cinq ans par le Conseil des délégués des barreaux régionaux.

4.3Par une lettre datée du 28 novembre 2003, le tribunal a notifié l’auteur de la date de l’audience à laquelle serait examiné le recours. L’auteur a également été informé du fait que dans les jours qui suivaient il pouvait demander au greffier de fixer une autre date d’audience. Cependant, il ne s’est pas prévalu de cette possibilité. Il a également été demandé à l’auteur de répondre par écrit, au plus tard six semaines avant l’audience, à l’exposé des motifs du recours formé par M. et Mme L. H. Le 20 février 2004, une citation à comparaître définitive a été envoyée à l’auteur par voie de courrier recommandé avec accusé de réception. Elle confirmait que l’audience se tiendrait le 22 mars 2004 et informait l’auteur qu’il y serait attendu. La citation était accompagnée d’une liste des documents figurant au dossier de l’affaire et l’auteur a été informé qu’il pouvait demander une copie de ces documents ou examiner le dossier s’il le souhaitait. Il a également été demandé une nouvelle fois à l’auteur de soumettre une réponse écrite à l’exposé des motifs du recours. Enfin, la citation informait l’auteur de la composition du tribunal qui examinerait le recours. Le 19 mars 2004, le tribunal a informé l’auteur que la composition dudit tribunal avait changé. Le 22 mars 2004, date de l’audience, l’auteur a informé le greffier du tribunal par téléphone qu’il ne s’y présenterait pas. L’auteur n’a pas soumis de réponse écrite à l’exposé des motifs du recours.

4.4L’auteur n’a pas épuisé les voies de recours internes. Devant les juridictions nationales, il n’a pas invoqué l’article 14 du Pacte ni soulevé les griefs qui font l’objet de sa communication, privant ainsi le Conseil de discipline et le tribunal de la possibilité d’y répondre. L’auteur était présent à l’audience du Conseil de discipline, et il aurait également pu faire part des griefs qu’il tire de l’article 14 du Pacte dans une réponse écrite à l’exposé des motifs du recours. Il ne l’a pas fait. Qui plus est, il a introduit un recours dans lecadre de la procédure concernant la plainte déposée par M. et Mme P. Or dans son exposé des motifs du recours, il n’a pas invoqué les arguments qu’il présente au Comité.

4.5L’État partie fait observer que si l’obligation d’épuiser les recours internes n’implique pas celle de se prévaloir des voies de recours extraordinaires, l’auteur n’a pas présenté de demande de réexamen de la décision. Selon la jurisprudence du tribunal, une décision peut être réexaminée dans des circonstances exceptionnelles, pour autant qu’un principe juridique fondamental ait été violé.

4.6L’auteur aurait pu contester l’impartialité des membres du tribunal dans le cadre de la procédure engagée devant celui-ci. En vertu du paragraphe 6 de l’article 56 de la loi relative aux conseils, lu conjointement avec les articles 512 à 518 du Code de procédure pénale, tout membre d’une juridiction chargée d’examiner une affaire peut faire l’objet, de la part de l’une des parties, d’une contestation motivée par des faits ou des circonstances susceptibles de compromettre l’impartialité de ladite juridiction. Le fait que l’auteur n’était pas présent à l’audience du tribunal ne signifie pas qu’il n’aurait pas pu contester les membres de celui-ci dans le cadre des procédures conduites par les juridictions nationales. L’auteur a été informé à deux reprises de la composition du tribunal. Il connaissait donc cette composition et il aurait pu présenter une contestation pour partialité dès qu’il a eu connaissance de faits ou circonstances pertinents. Il n’a jamais prétendu qu’il ne connaissait pas les faits qu’il invoque maintenant pour mettre en doute l’impartialité des membres du tribunal.

4.7Les allégations formulées par l’auteur reposent en grande partie sur des conjectures et les liens qu’il invoque ne sont pas de nature à avoir eu une véritable incidence sur la décision qui a été rendue dans l’affaire le concernant et, partant, à soulever des questions au regard de l’article 14 du Pacte. L’État partie conclut donc que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ses griefs aux fins de la recevabilité.

4.8En ce qui concerne le fond, l’État partie estime que la communication est dénuée de fondement. Il souligne que l’auteur n’a fourni aucun élément à l’appui de son affirmation selon laquelle les membres du tribunal qui sont avocats ne peuvent pas être impartiaux compte tenu de leur situation professionnelle. Le seul fait que des confrères de l’auteur siègent au tribunal ne justifie pas objectivement des craintes de partialité et ne constitue pas un motif suffisant pour conclure à une partialité manifeste. Les modalités de désignation des membres de ces organes, conjuguées aux règles édictées par la loi relative aux conseils concernant l’incompatibilité des activités de ceux-ci avec l’exercice de certaines fonctions, offrent des garanties suffisantes pour assurer l’indépendance de ces membres. Le fait que la majorité des membres du tribunal sont des juges constitue une garantie supplémentaire que les recours sont examinés de manière indépendante et impartiale. L’État partie estime donc que cette partie de la communication est non seulement irrecevable, l’auteur n’étant pas une victime au sens de l’article premier du Protocole facultatif et n’ayant pas épuisé les recours internes, mais aussi dénuée de fondement.

4.9En ce qui concerne l’affirmation de l’auteur selon laquelle il n’a pas été entendu par le tribunal, l’État partie fait observer que bien que le dossier montre que l’auteur a avisé le tribunal qu’il ne serait pas présent à l’audience, il ne comporte aucune indication qu’il ait demandé au tribunal de reporter cette audience. À supposer que l’auteur ait bien formulé une telle demande, le dossier n’indique pas non plus qu’il ait donné à celle-ci la raison qu’il invoque maintenant, à savoir l’empêchement dû à la maladie soudaine de son père. En tout état de cause, rien dans les dossiers du tribunal ou dans la présente communication ne vient le confirmer. En conséquence, l’État partie conclut que le tribunal n’avait aucune raison de reporter l’audience prévue et qu’il n’existe aucun motif de conclure à une violation de l’article 14 du Pacte.

4.10L’affirmation de l’auteur selon laquelle le tribunal a fondé sa décision exclusivement sur les déclarations de la partie adverse ne repose sur aucun élément factuel. Le tribunal fonde son examen sur la décision du Conseil de discipline et sur le dossier du Conseil. Le fait que l’auteur ne s’est pas prévalu de la possibilité de répondre par écrit à l’exposé des motifs du recours relève de sa seule responsabilité. Aussi cette partie de la communication est-elle non seulement irrecevable au motif que les recours internes n’ont pas été épuisés, mais également dénuée de fondement.

4.11En ce qui concerne l’allégation relative au fait que le tribunal aurait outrepassé sa compétence, l’État partie souligne qu’elle ne repose sur aucun élément factuel. Par sa décision du 4 juin 2004, le tribunal, outre qu’il a condamné l’auteur à l’interdiction temporaire d’exercer sa profession d’avocat, a ordonné à celui-ci de verser la somme de 11 900 euros à la partie adverse dans un délai d’un mois à compter de la date à laquelle la décision lui serait envoyée. La loi relative aux conseils fournit une base juridique qui permet d’imposer cette obligation. Le paragraphe 1 de l’article 48 b) de cette loi, lu conjointement avec son article 57 a), prévoit que lorsque le tribunal condamne un avocat à une interdiction temporaire d’exercer, il peut lui imposer l’obligation de verser une indemnité pour réparer, pleinement ou dans la mesure déterminée par le tribunal, le préjudice causé par ses actes, dans un délai fixé par ce même tribunal. La décision du tribunal entrait donc dans le champ des compétences que lui confère la loi. Par conséquent, cette partie de la communication est non seulement irrecevable au motif que les recours internes n’ont pas été épuisés, mais également dénuée de fondement.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Le 13 février 2009, l’auteur a répondu aux observations de l’État partie. Concernant la décision de la Cour européenne des droits de l’homme, il rappelle que ce n’est que lorsque la même question est en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement que le Comité n’a pas compétence pour examiner une communication en vertu du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif. En outre, le Comité est investi d’une compétence autonome qui lui permet de statuer sur une affaire indépendamment de l’issue que peut avoir la même affaire si elle est portée devant la Cour européenne des droits de l’homme. Le Comité n’a pas d’obligation morale ou juridique d’adopter des constatations compatibles avec les décisions de la Cour.

5.2L’auteur formule à nouveau ses allégations concernant le droit d’être entendu et affirme qu’il n’y avait aucune raison pour que le tribunal ne reporte pas les audiences. Qui plus est, l’auteur n’avait aucune obligation juridique d’exposer ses griefs au tribunal par écrit. S’il avait été entendu il aurait pu le faire oralement et le tribunal aurait eu la possibilité de répondre.

5.3Comme l’admet l’État partie, la loi relative aux conseils ne prévoit pas la possibilité de procéder à un réexamen. Selon la jurisprudence du tribunal, cette possibilité est donnée dans des circonstances exceptionnelles. Il incombe à l’État partie de faire la preuve de l’efficacité des recours dont il dit qu’ils ne sont pas épuisés, et il doit être suffisamment manifeste que le recours invoqué est ouvert. En l’espèce, l’État partie ne présente aucun élément indiquant qu’il y avait raisonnablement lieu de s’attendre à ce qu’un tel réexamen soit utile et que ce recours était manifestement ouvert.

5.4L’auteur reprend ses précédents griefs concernant le manque d’indépendance et d’impartialité du tribunal et le fait que celui-ci aurait outrepassé ses compétences. Il a été informé de la composition du tribunal le 20 février 2004 et de la modification de celle-ci le 19 mars 2004, soit deux jours seulement avant l’audience. Il n’aurait donc disposé que de peu de temps pour se pencher sur les antécédents des nouveaux membres et sur d’éventuels liens inappropriés. En tout état de cause, V. B., qui connaissait l’auteur, aurait dû se rendre compte qu’il ne présentait pas l’apparence d’impartialité et d’indépendance voulue pour examiner cette affaire. Malgré cela, il ne s’est pas récusé comme membre du tribunal. Si le fait que les conseils de discipline et le tribunal ont été instaurés par une loi, que leurs pouvoirs sont régis par la loi et que la majorité de leurs membres sont des juges constitue théoriquement autant de garanties, dans la pratique celles-ci sont inopérantes.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité relève que la question qui fait l’objet de la présente communication a été examinée par la Cour européenne des droits de l’homme avant d’être portée à l’attention du Comité. Cependant, ce n’est que lorsque la même question est en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement que le Comité n’a pas compétence pour examiner une communication au titre du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif. Cette disposition n’empêche donc pas le Comité d’examiner la présente communication.

6.3L’auteur affirme que le tribunal d’appel en matière disciplinaire ne lui a pas donné la possibilité d’être entendu dans une procédure le visant et que certains de ses membres avaient des préjugés à son égard et n’avaient pas agi de manière impartiale. L’État partie indique qu’il a été demandé à l’auteur de répondre par écrit, au plus tard six semaines avant l’audience, à l’exposé des motifs du recours, mais que l’auteur n’a jamais soumis de réponse et n’a pas fourni de preuve attestant qu’il avait bien demandé un report de l’audience; en outre, il n’a pas engagé de procédure en vertu du paragraphe 6 de l’article 56 de la loi relative aux conseils, lu conjointement avec les articles 512 à 518 du Code de procédure pénale, afin de contester l’impartialité du tribunal. L’auteur n’ayant pas présenté d’argument convaincant pour réfuter les observations de l’État partie, le Comité considère qu’il n’a pas étayé son grief relatif au droit d’être entendu. Ce grief est donc irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif. Pour ce qui est du grief d’impartialité du tribunal, le Comité considère que les arguments de l’auteur reposent sur des conjectures et relève que l’auteur ne s’est pas prévalu de quelque procédure que ce soit pour faire protéger ses droits à cet égard. En conséquence, le Comité considère que cette partie de la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, en raison du non-épuisement des recours internes. Tous les autres griefs formulés par l’auteur sont également dénués de fondement et donc irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 et du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur de la communication.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

D.Communication no 1822/2008, J. B. R., L. M.  O. C ., A. M. A. R. , G. E. O. S. et B. E. L. c. ColombieCommunication no 1823/2008, S. M. R. M. c. ColombieCommunication no 1824/2008, A. D. O., E. S. C., F. O. Q. et G .G. R. c. ColombieCommunication no 1825/2008, E. M. C. B., M. C. P. J. et R. S. S. N. c. ColombieCommunication no 1826/2008, G. M. V. et N. C. P. c. Colombie(Décision adoptée le 23 juillet 2012, 105e session)*

P résentée s par:

J. B. R., L. M. O. C., A. M. A. R., G. E. O. S. et B. E. L. (1822); S. M. R. M. (1823); A. D. O., E. S. C., F. O. Q. et G. G. R. (1824); E. M. C. B., M. C. P. J. et R. S. S. N. (1825); G. M. V. et N. C. P.  (1826) (représentés par un conseil, Alberto León Gómez Zuluaga)

Au nom de:

Les auteurs

État partie:

Colombie

Date de la communication:

11 juin 2008 (date des lettres initiales)

Objet:

Interdiction de constituer un syndicat

Questions de procédure:

Épuisement des recours internes

Questions de fond:

Liberté d’association

Articles du Pacte:

2 (par. 2 et 3), 14 (par. 1), 22 (par. 1) et 26

Article du Protocole facultatif:

5 (par. 2 b))

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 23 juillet 2012,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.1Les auteurs des communications sont J. B. R., L. M. O. C., A. M. A. R., G. E. O. S. et B. E. L. (1822); S. M. R. M. (1823); A. D. O., E. S. C., F. O. Q. et G. G. R. (1824); E. M. C. B., M. C. P. J. et R. S. S. N. (1825); G. M. V. et N. C. P.  (1826), tous de nationalité colombienne et majeurs. Ils affirment être victimes d’une violation par l’État partie des droits consacrés par les articles 2 (par. 2 et 3), 14 (par. 1), 22 (par. 1) et 26 duPacte. Le Pacte et le Protocole facultatif s’y rapportant sont entrés en vigueur pour l’État partie le 23 mars 1976.

1.2Le 23 juillet 2012, le Comité a décidé, en application du paragraphe 2 de l’article 94 de son règlement intérieur, d’examiner conjointement les cinq communications compte tenu des fortes similarités qu’elles présentent sur le plan des faits et du droit.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1Les auteurs étaient tous employés du Service national d’apprentissage (SENA), qui relève du Ministère de la protection sociale, et exerçaient leurs fonctions dans différents bureaux régionaux et centres à travers le pays en qualité d’agents de la fonction publique, statut qui leur garantissait la sécurité de l’emploi, sauf états de service insatisfaisants, mauvaise conduite ou tout autre motif prévu par la loi.

2.2Le 28 janvier 2004 ont été publiés les décrets nos 248, 249 et 250, portant modification de la structure du SENA − ce qui a entraîné la suppression des postes occupés par les auteurs −, prévoyant l’adoption d’un nouveau plan du personnel et établissant qu’il incombait au Directeur général du SENA d’attribuer les postes disponibles dans la nouvelle structure en tenant compte de l’organisation interne, des besoins du service et de ses plans et programmes.

2.3Le 28 février 2004, 70 fonctionnaires, dont plusieurs des auteurs, ont décidé de constituer le Syndicat des employés et travailleurs du SENA (SINDETRASENA). D’autres auteurs y ont adhéré dans les jours qui ont suivi. Les 1er et 4 mars 2004, la Direction régionale des affaires collectives de Cundinamarca et la Division des ressources humaines de la Direction générale du SENA ont été informées de la constitution de SINDETRASENA et priées d’autoriser son inscription au registre des syndicats. Entre le 3 mars et le 23 avril 2004, SINDETRASENA a communiqué au Ministère de la protection sociale la liste de ses adhérents. Selon les auteurs, en vertu de la loi, les fondateurs de SINDETRASENA et ses adhérents jouissaient de l’immunité syndicale, jusqu’à ce que le syndicat obtienne son inscription au registre syndical, pendant une période ne dépassant pas six mois. Ils ne pouvaient donc pas être licenciés, subir une détérioration de leurs conditions de travail ou être mutés, sauf sur décision de justice.

2.4Le 19 mars 2004, l’Inspection du Groupe travail, emploi et sécurité sociale de la Direction territoriale du travail de Cundinamarca qui relève du Ministère de la protection sociale (l’Inspection) a rejeté la demande d’enregistrement présentée par SINDETRASENA et établi une liste d’éclaircissements et de corrections à apporter aux statuts. Elle demandait notamment au syndicat de modifier un article de manière à préciser que l’assemblée nationale des délégués se réunirait au moins tous les six mois, conformément à la loi. De plus, elle a rappelé que la demande d’inscription au registre devait être accompagnée d’un exemplaire des statuts du syndicat, authentifié par le secrétaire du comité directeur. Le syndicat disposait d’un délai de deux mois pour procéder aux corrections demandées.

2.5Le 26 avril 2004, le Directeur général du SENA a fait savoir aux auteurs que leurs postes avaient été supprimés et qu’ils n’avaient pas été intégrés aux nouveaux effectifs. Toujours le 26 avril 2004, le Ministère de la protection sociale a refusé d’enregistrer SINDETRASENA, indiquant dans l’arrêté correspondant que l’enregistrement du syndicat avait été sollicité après l’entrée en vigueur des décrets établissant la restructuration du SENA et son nouvel effectif, et qu’il porterait injustement préjudice à l’entité en lui imposant des restrictions administratives et en lui créant des obligations futures. Il affirmait également que la liberté d’association n’était pas un droit absolu et que, dans le cas présent, elle ne devait pas être protégée, d’autant que les auteurs détournaient l’association syndicale de son objet aux seules fins d’obtenir la stabilité de l’emploi et d’entraver la restructuration.

2.6Le 17 mai 2004, le syndicat a introduit un recours en révision et fait subsidiairement appel de la décision du 26 avril 2004 de ne pas enregistrer le syndicat. Le 29 juin 2004, le Ministère de la protection sociale a confirmé la décision attaquée.

2.7Le 8 juillet 2004, dans le cadre d’une action en protection (tutela), le treizième tribunal pénal de Bogota a ordonné qu’il ne soit pas tenu compte de la décision de non‑inscription de SINDETRASENA au registre syndical.

2.8Le 22 juillet 2004, en application du jugement rendu dans le cadre de l’action en protection, l’Inspection a examiné une nouvelle fois la demande d’inscription au registre syndical et l’a rejetée.

2.9Le 12 août 2004, un recours en révision et, subsidiairement, un recours en appel ont été introduits auprès du Ministère de la protection sociale contre la décision de rejet rendue le 22 juillet 2004. Le 16 septembre 2004, le Ministère a accepté le recours en appel et transmis l’affaire au Conseil de coordination du Groupe travail, emploi et sécurité sociale du Ministère (le Conseil de coordination).

2.10Le 25 novembre 2004, le Conseil de coordination a confirmé la décision de non‑inscription au registre syndical, faisant valoir que l’autorité compétente avait rejeté la demande d’inscription le 26 avril 2004 au motif que les statuts du syndicat contenaient des dispositions contraires à celles du Code du travail.

Communication no 1822/2008

2.11Les auteurs, J. B. R., L. M. O. C., A. M. A. R., G. E. O. S. et B. E. L., étaient secrétaires au SENA, au bureau régional de Valle del Cauca dans la ville de Cali.

2.12Le 3 mai 2004, les auteurs ont introduit un recours en révision auprès de la Direction générale du SENA contre la décision administrative ayant entraîné la suppression des postes qu’elles occupaient dans l’entité. Elles affirmaient que la mesure de licenciement en question était arbitraire, ne tenait pas compte des études techniques et ne respectait pas le droit à l’égalité et le statut des agents de la fonction publique et qu’elle privilégiait arbitrairement d’autres personnes se trouvant dans la même situation qui, elles, avaient été réaffectées à d’autres postes. De plus, en tant que fondatrices ou membres de SINDETRASENA elles étaient protégées par l’immunité syndicale; leur licenciement sans autorisation judiciaire préalable constituait donc une violation directe du droit d’association et du droit d’exercer l’activité propre à celle-ci. Le 22 juin 2004, la Direction générale du SENA a déclaré que, conformément au décret no 250 qu’elle-même avait publié, les recours en révision ne pouvaient pas être traités par la voie administrative compte tenu du caractère impératif de la décision contestée qui avait été rendue par le Président de la République dans l’exercice de ses fonctions.

2.13Les 22 et 23 juin 2004, les auteurs ont déposé auprès de la Direction générale du SENA un recours administratif pour violation de l’immunité syndicale en demandant leur réintégration et le paiement des salaires non perçus. Le 14 juillet 2004, la Direction générale du SENA a fait savoir à Mme O. S. que le syndicat avait été constitué le 28 février 2004, après la publication des décrets portant restructuration du SENA, «ce qui permettait de conclure que sa création n’avait par pour objet d’exercer le droit d’association garanti par la Constitution, mais d’obtenir la stabilité de l’emploi par le biais de la restructuration de l’entité, ce qui constituait un abus manifeste de ce droit, comme l’entendait le Ministère de la protection sociale qui avait donc décidé […] de ne pas inscrire au registre syndical l’organisation syndicale dénommée […] SINDETRASENA».

2.14Les auteurs ont déposé par ailleurs auprès des juges du travail un recours demandant leur réintégration en vertu de l’immunité syndicale, recours qui a été accepté le 23 août 2004. Le 21 juin 2005, le cinquième tribunal du travail de Bogota a rejeté la demande au motif que, le 22 juillet 2004, le Ministère de la protection sociale avait refusé d’enregistrer le syndicat, décision confirmée par toutes les instances administratives, et qu’il n’était pas établi que l’employeur avait été informé de la constitution du syndicat et avait reçu la liste complète des fondateurs et des adhérents. Les auteurs ont fait appel de cette décision. Le 15 septembre 2005, le tribunal supérieur de Bogota a confirmé le jugement rendu en première instance. Le tribunal a reconnu que l’employeur avait été informé de la création du syndicat et avait reçu la liste des fondateurs et adhérents, mais a considéré que, le syndicat n’ayant pas été enregistré pour cause de non-respect des prescriptions applicables, il ne pouvait pas agir ni exercer un quelconque droit et que, de ce fait, les auteurs ne jouissaient pas de la protection garantie par l’immunité syndicale.

Communication no 1823/2008

2.15L’auteur, S. M. R. M., était assistante au SENA, au bureau régional de Guajira, jusqu’au 29 avril 2004.

2.16Le 5 mai 2004, l’auteur a introduit un recours en révision auprès de la Direction générale du SENA contre la décision administrative ayant entraîné la suppression du poste qu’elle occupait dans cette entité, au motif que la mesure de licenciement était arbitraire, ne tenait pas compte des études techniques réalisées et ne respectait pas le droit à l’égalité et le statut des agents de la fonction publique et qu’elle privilégiait arbitrairement d’autres personnes se trouvant dans la même situation qui, elles, avaient été réaffectées à d’autres postes. De plus, en tant qu’adhérente à SINDETRASENA, elle était protégée par l’immunité syndicale; son licenciement sans autorisation judiciaire préalable constituait donc une violation directe du droit d’association et du droit d’exercer l’activité propre à celle-ci. Le 21 juillet 2004, elle a déposé une plainte administrative auprès du SENA.

2.17Le 20 août 2004, l’auteur a présenté, conjointement avec trois autres travailleurs du SENA, une demande de réintégration en vertu de l’immunité syndicale. Le 25 septembre 2006, le dixième tribunal du travail de Bogota a rejeté la demande de l’auteur au motif que l’action était prescrite puisque la loi prévoyait un délai maximum de deux mois pour les demandes ayant trait à l’immunité syndicale. L’auteur a fait appel de la décision. Le 30 avril 2007, le tribunal supérieur de Bogota a jugé que l’action n’était pas prescrite mais a néanmoins rejeté la demande. Le tribunal a estimé que puisque le processus de restructuration du SENA était un fait notoire pour les requérantes et qu’il existait d’autres syndicats au moment de la constitution de SINDETRASENA, la création de cette nouvelle organisation syndicale ne pouvait qu’être une manœuvre visant à assurer la stabilité de l’emploi et la protection des affiliés contre d’éventuels licenciements dans le cadre de la restructuration du SENA, ce qui constituait un abus du droit à la liberté d’association.

Communication no 1824/2008

2.18Les auteurs, A. D. O., E. S. C., F. O. Q. et G. G. R., étaient secrétaires au SENA, au bureau régional de Valle del Cauca, dans la ville de Cali.

2.19Le 3 mai 2004, les auteurs ont introduit un recours en révision auprès de la Direction générale du SENA contre la décision administrative ayant entraîné la suppression des postes qu’elles occupaient dans l’entité. Elles affirmaient que la mesure de licenciement en question était arbitraire, ne tenait pas compte des études techniques réalisées et ne respectait pas le droit à l’égalité et le statut des agents de la fonction publique et qu’elle privilégiait arbitrairement d’autres personnes se trouvant dans la même situation qui, elles, avaient été réaffectées à d’autres postes. De plus, en tant que fondatrices ou membres de SINDETRASENA elles étaient protégées par l’immunité syndicale; leur licenciement sans autorisation judiciaire préalable constituait donc une violation directe du droit d’association et du droit d’exercer l’activité propre à celle-ci. Les 22 et 28 juin 2004, la Direction générale du SENA a déclaré que, conformément au décret no 250, les recours en révision ne pouvaient pas être traités par la voie administrative compte tenu du caractère impératif de la décision contestée qui avait été rendue par le Président de la République dans l’exercice de ses fonctions.

2.20Les 22, 23 et 25 juin 2004, les auteurs ont déposé auprès de la Direction générale du SENA un recours administratif pour violation de l’immunité syndicale en demandant leur réintégration et le paiement des salaires non perçus. Le 14 juillet 2004, la Direction générale du SENA a fait savoir à Mme D. O. que le syndicat avait été constitué le 28 février 2004, après la publication des décrets de restructuration du SENA, «ce qui permettait de conclure que sa création n’avait par pour objet d’exercer le droit d’association garanti par la Constitution, mais d’obtenir la stabilité de l’emploi par le biais de la restructuration de l’entité, ce qui constituait un abus manifeste de ce droit, comme l’entendait le Ministère de la protection sociale qui avait donc décidé […] de ne pas inscrire au registre syndical l’organisation syndicale dénommée […] SINDETRASENA».

2.21Le 20 août 2004, la demande de réintégration en vertu de l’immunité syndicale présentée par les auteurs a été acceptée. Le 19 janvier 2005, le troisième tribunal du travail de Bogota a accordé la protection de l’immunité syndicale et ordonné la réintégration des auteurs et le versement des salaires non perçus, au motif que les licenciements n’avaient pas fait l’objet d’une autorisation judiciaire préalable, comme le prévoit la loi sur les travailleurs protégés par l’immunité syndicale. Le SENA a fait appel de ce jugement. Le 31 mai 2005, le tribunal supérieur de Bogota a cassé le jugement de première instance et rejeté la demande des auteurs. Le tribunal a considéré que comme le syndicat avait été constitué après la promulgation du décret qui prévoyait la suppression des postes dans le cadre de la restructuration du SENA, fait qui était connu des auteurs, sa création visait seulement à garantir aux intéressées la stabilité de l’emploi et à contourner la décision prise précédemment par l’employeur, ce qui constituait un abus du droit à la liberté d’association.

Communication no 1825/2008

2.22Les auteurs, E. M. C. B., M. C. P. J. et R. S. S. N., étaient, respectivement, employée de bureau, assistante et secrétaire au SENA, au centre régional de Nariño.

2.23Le 24 juin 2004, les auteurs ont déposé auprès de la Direction générale du SENA un recours administratif pour violation de l’immunité syndicale en demandant leur réintégration et le paiement des salaires non perçus.

2.24Le 24 août 2004, les auteurs ont déposé une demande de réintégration en vertu de l’immunité syndicale au motif qu’elles avaient été licenciées sans autorisation judiciaire préalable. Le 12 juillet 2005, le premier tribunal du travail de Pasto-Nariño a rejeté la demande au motif que, le 22 juillet 2004, le Ministère de la protection sociale avait refusé d’enregistrer le syndicat, décision confirmée par la suite par toutes les instances administratives; par conséquent, aucun syndicat n’étant enregistré, nul ne pouvait invoquer l’immunité syndicale. Les auteurs ont fait appel du jugement auprès du tribunal supérieur de Pasto. Le 24 août 2005, le tribunal a jugé que l’action était prescrite.

Communication no 1826/2008

2.25Les auteurs, G. M. V. et N. C. P. étaient, respectivement, employé de bureau et assistante au SENA, au bureau régional de Valle del Cauca, dans la ville de Cali.

2.26Le 3 mai 2004, les auteurs ont introduit un recours en révision auprès de la Direction générale du SENA contre la décision administrative ayant entraîné la suppression des postes qu’ils occupaient dans l’entité. Ils affirmaient que la mesure de licenciement en question était arbitraire, ne tenait pas compte des études techniques réalisées et ne respectait pas le droit à l’égalité et le statut des agents de la fonction publique et qu’elle privilégiait arbitrairement d’autres personnes se trouvant dans la même situation qui, elles, avaient été réaffectées à d’autres postes. De plus, en tant que fondateurs ou membres du SINDETRASENA ils étaient protégés par l’immunité syndicale; leur licenciement sans autorisation judiciaire préalable constituait donc une violation directe du droit d’association et du droit d’exercer l’activité propre à celle-ci. Le 28 juin 2004, la Direction générale du SENA a déclaré que, conformément au décret no 250, les recours en révision ne pouvaient être traités par la voie administrative compte tenu du caractère impératif de la décision contestée qui avait été rendue par le Président de la République dans l’exercice de ses fonctions. Le 25 juin 2004, les auteurs ont déposé auprès de la Direction générale du SENA un recours administratif pour violation de l’immunité syndicale en demandant leur réintégration et le paiement des salaires non perçus. Les deux plaintes ont été rejetées.

2.27Les auteurs ont présenté une demande de réintégration en vertu de l’immunité syndicale. Le 7 octobre 2005, le huitième tribunal du travail de Bogota a rejeté la demande au motif que, le 22 juillet 2004, le Ministère de la protection sociale avait refusé d’enregistrer le syndicat, décision confirmée par toutes les instances administratives; par conséquent, le syndicat n’existait pas et aucun fondateur ou adhérent ne pouvait prétendre à l’immunité syndicale, celle-ci ayant pour objet de protéger l’existence des syndicats et le droit d’association et en aucun cas d’assurer la stabilité de l’emploi des travailleurs. Le 11 octobre 2005, les auteurs ont fait appel du jugement. Le 31 janvier 2006, le tribunal supérieur de Bogota a confirmé le jugement de première instance.

2.28Les auteurs affirment que leurs communications respectent les critères de recevabilité établis dans le Protocole facultatif.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs affirment que les faits décrits ci-dessus constituent une violation des paragraphes 2 et 3 de l’article 2, du paragraphe 1 de l’article 14, du paragraphe 1 de l’article 22 et de l’article 26 du Pacte.

3.2En ce qui concerne le droit à la liberté d’association, reconnu au paragraphe 1 de l’article 22 du Pacte, les auteurs allèguent que le refus du Ministère de la protection sociale d’inscrire SINDETRASENA au registre syndical était arbitraire et constituait une violation du droit des auteurs de constituer l’organisation ou les organisations de leur choix et d’y adhérer. Le pouvoir discrétionnaire de l’État partie ne lui permet pas d’empêcher les auteurs de fonder le ou les syndicats de leur choix, de s’y affilier ou d’y adhérer. De même, l’État partie est tenu de respecter les garanties prévues par la loi, notamment l’immunité syndicale accordée aux fondateurs et aux adhérents de syndicats nouvellement constitués, principe qui a été violé lorsque le SENA a décidé de licencier les auteurs sans en demander l’autorisation judiciaire. Les auteurs avancent que la finalité de l’association syndicale est la protection des intérêts des adhérents et que la préservation de l’emploi est un intérêt légitime. Ils affirment que conformément à la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, la protection garantie par l’immunité syndicale découle du simple fait de la constitution de l’organisation syndicale et est opposable à l’employeur tout au long de la procédure d’enregistrement, à compter de la date de notification de la constitution du syndicat et de transmission de la liste des fondateurs et adhérents. Ils affirment également que les restrictions prévues par la loi citées au paragraphe 2 de l’article 22 du Pacte ne s’appliquent pas à l’affaire en question, d’autant que le paragraphe 3 du même article établit une «protection renforcée du droit syndical», en invoquant les conventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT).

3.3Les auteurs affirment que l’État partie a violé le droit à l’égalité devant les tribunaux et le droit d’être entendu équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, garantis au paragraphe 1 de l’article 14, lu conjointement avec les paragraphes 1 à 3 de l’article 2 du Pacte. Les décisions de refus de l’immunité syndicale rendues par les tribunaux dans le cadre des demandes de réintégration sont contraires à la loi et aux précédentes décisions de la Cour constitutionnelle; elles constituent un déni de justice et, implicitement, une violation manifeste du droit à un procès équitable, aux garanties d’une procédure régulière et à l’égalité devant la loi. L’interprétation erronée que le Ministère de la protection sociale a faite du jugement prononcé dans le cadre de l’action en protection le 8 juillet 2004, qui a motivé son refus d’enregistrer le syndicat, constitue une violation du droit aux garanties d’une procédure régulière, étant donné qu’elle se fonde sur l’incohérence, fictive, entre certaines dispositions des statuts avec la Constitution et le droit, qu’elle ne tient pas compte du fait qu’un jugement de ce type peut empêcher un syndicat de satisfaire aux prescriptions applicables et qu’elle a rétabli de manière intempestive une décision dont le tribunal statuant dans le cadre d’une action en protection avait ordonné de ne pas tenir compte, ce qui a permis à l’employeur de s’opposer à l’enregistrement du syndicat et d’agir comme juge et partie puisque, le SENA relevant du Ministère de la protection sociale, ce dernier était mal placé pour se prononcer sur l’enregistrement d’un syndicat composé d’employés du SENA.

3.4À propos des allégations de violation de l’article 26 du Pacte, les auteurs affirment que le refus du Ministère de la protection sociale d’enregistrer le syndicat ne peut être justifié par aucun des motifs spécifiques prévus par la loi no 584. Ce refus constitue donc une violation du droit des auteurs de choisir leur syndicat et, par conséquent, des obligations découlant de l’article 26 du Pacte, puisque les auteurs n’ont pas bénéficié de la protection que la Constitution et la loi accordent aux travailleurs dans le cadre de la création de syndicats. Ils affirment également que la Cour constitutionnelle a jugé dans des cas similaires que les mesures administratives de ce type constituaient une violation du droit à l’égalité et à la non-discrimination.

3.5Les auteurs affirment que la liberté syndicale fait partie des droits de l’homme et doit être interprétée à la lumière des principes relatifs à la garantie des droits fondamentaux, ce qui suppose une interprétation restrictive de toute limitation ou interdiction. Le Comité de la liberté syndicale du Conseil d’administration et la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations de l’OIT indiquent qu’il appartient à une autorité indépendante − à savoir, selon les auteurs, l’autorité judiciaire − de définir quels sont les litiges en lien avec une restriction du droit à la liberté syndicale.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1L’État partie a formulé ses observations sur la recevabilité des communications dans des notes verbales en date du 3 février 2009.

4.2Le licenciement des auteurs est la conséquence d’une restructuration du SENA, établissement public de portée nationale, autorisée par la loi no 790 de 2002, dans le cadre de laquelle les postes que les auteurs occupaient ont été supprimés conformément aux procédures légales et dans le respect des droits acquis établis par la loi. L’État partie affirme que la constitutionnalité de la loi no 790 a été vérifiée par la Cour constitutionnelle, qui l’a déclarée exécutoire dans une décision rendue le 1er octobre 2003. Conformément aux dispositions de la loi no 489 de 1998, la loi no 790 autorise la suppression ou la fusion des emplois qui ne sont pas nécessaires, dans le respect des normes administratives relatives au travail.

4.3Sur la base d’études techniques et une fois achevée la procédure légale, le 28 janvier 2004, ont été publiés les décrets no 248, portant modification de la nomenclature et de la classification des emplois de fonctionnaires du SENA; no 249, portant modification de la structure du SENA; no 250, portant adoption du plan relatif aux effectifs du SENA. Postérieurement, dans le respect des dispositions prévues par la loi, le Directeur général du SENA a publié les décisions nos 647, 658 et 677 en date, respectivement, des 22, 23 et 26 avril 2004, qui redistribuent les postes au sein de l’entité. Pour établir quels fonctionnaires du SENA devaient être intégrés au nouvel effectif et lesquels devaient être licenciés du fait de la suppression de leurs postes, la Direction générale s’est appuyée sur des critères objectifs établis par la loi, tels que l’intégration à titre prioritaire des personnes près de la retraite, des femmes enceintes et des mères et pères chefs de famille. Les postes restants ont été attribués à des fonctionnaires de carrière qui ne répondaient à aucun des critères susmentionnés.

4.4Concernant la constitution du syndicat SINDETRASENA, l’État partie affirme que, après la publication des décrets nos 248, 249 et 250 relatifs à la restructuration du SENA, le 28 février 2004, certains fonctionnaires qui pensaient que leurs postes étaient supprimés ont créé cette organisation syndicale dans l’unique but d’obtenir la stabilité de l’emploi que leur accorde l’immunité syndicale, ce qui constitue un abus de droit. On ne saurait soutenir que les licenciements visaient les travailleurs syndiqués puisque, à la date de publication des décrets relatifs à la restructuration du SENA, ni ce dernier ni aucune autre entité publique n’avaient connaissance de la création du syndicat en question. Si les fonctionnaires avaient simplement eu l’intention de s’associer pour exercer leurs droits, ils auraient pu s’affilier à un des trois syndicats du SENA, dûment enregistrés auprès du Ministère de la protection sociale, à savoir: le Syndicat national des fonctionnaires du SENA (SINDESENA), le Syndicat des travailleurs du SENA (SINTRASENA) et le Syndicat des employés et travailleurs du SENA (SETRASENA).

4.5D’autre part, le syndicat créé par ces travailleurs ne respectait pas les conditions posées par la loi pour que l’acte de constitution du syndicat, ses statuts et son conseil de direction soient inscrits au registre syndical, comme l’a fait valoir le Ministère de la protection sociale en refusant d’enregistrer le syndicat dans une résolution en date du 22 juillet 2004. Dans des cas similaires, la Cour constitutionnelle a établi que le fait de constituer des syndicats à des fins autres que l’exercice du droit d’association et pour obtenir l’immunité syndicale et éviter un licenciement est contraire à la Constitution.

4.6La communication est irrecevable en raison du non-épuisement des recours internes, conformément aux dispositions du paragraphe 2 b) de l’article 2 du Protocole facultatif. Pour ce qui est de l’action intentée pour obtenir la réintégration au motif de l’immunité syndicale, dans laquelle les auteurs prétendent qu’ils ont été licenciés du fait d’une décision unilatérale et sans autorisation judiciaire préalable et demandent leur réintégration aux mêmes postes ou à des postes similaires et le paiement de tous les salaires non perçus depuis leur licenciement, le tribunal supérieur du district judiciaire de Bogota, par les décisions en date des 31 mai 2005 (1824/2008), 15 septembre 2005 (1822/2008), 31 janvier 2006 (1826/2008) et 30 avril 2007 (1823/2008), et le tribunal supérieur de Pasto, par la décision rendue en appel le 24 août 2005 (1825/2008), ont rejeté la demande conformément à la loi et sans violer aucun des droits dont jouissent les auteurs. Postérieurement, J. B. R. et B. E. L. (1822/2008) et A. D. O., E. S. C., F. O. Q. et G. G. R. (1824/2008) ont déposé une requête en nullité et rétablissement du droit auprès du tribunal du contentieux administratif contre la décision en application de laquelle elles avaient été licenciées, et ont demandé leur réintégration. Ces requêtes étaient à l’examen au moment de la présentation des observations de l’État partie. E. M. C. B. et R. S. S. N. (1825/2008) ont présenté des requêtes similaires au tribunal administratif les 18 mai et 13 novembre 2007, respectivement. Cette dernière requête a été approuvée en appel, en septembre 2008.

4.7Si les auteurs estimaient que les décisions rendues par les tribunaux supérieurs des districts judiciaires de Bogota et Pasto constituaient une violation de leurs droits d’accès à la justice, à une procédure régulière, à l’égalité devant la loi et à la liberté d’association, ils auraient pu engager une action en protection ou un recours en amparo. L’action en protection est un recours adapté et efficace pour la protection des droits mentionnés.

4.8Même si l’on considérait que les auteurs ont épuisé tous les recours internes, la communication n’en serait pas moins irrecevable puisque les auteurs prétendent saisir un organe international comme s’il s’agissait d’un simple niveau supérieur de la juridiction nationale (sorte de tribunal de quatrième instance). L’État partie rappelle qu’il n’appartient pas au Comité de substituer ses constatations aux décisions prises par les tribunaux nationaux après avoir évalué les faits et les éléments de preuve dans une affaire donnée, à moins qu’il ne soit établi que l’action des tribunaux était manifestement arbitraire ou constituait un déni de justice.

5.Les 9 février 2009, 11 février 2010, 20 décembre 2010 et 4 août 2011, le Comité a prié les auteurs de présenter leurs commentaires sur les observations formulées par l’État partie au sujet de la recevabilité des communications. Bien que le Comité soit resté en relation avec le Conseil des auteurs, ces demandes sont restées sans réponse.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3En ce qui concerne l’obligation d’épuiser les recours internes, le Comité prend note de l’argument de l’État partie qui affirme que les communications ne satisfont pas aux conditions énoncées au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif et doivent donc être déclarées irrecevables. Le Comité prend également note des informations données par l’État partie au sujet des requêtes en nullité et rétablissement du droit que certains auteurs ont déposé auprès du tribunal du contentieux administratif contre la décision par laquelle elles ont été démises de leurs fonctions, procédures qui étaient encore à l’examen au moment de la présentation des observations de l’État partie, le 9 février 2009. Le Comité prend note en outre des arguments de l’État partie selon lesquels les communications doivent être déclarées irrecevables pour non-épuisement des recours internes étant donné que, après les décisions rendues par les tribunaux supérieurs des districts judiciaires de Bogota et de Pasto qui rejetaient les demandes de réintégration en vertu de l’immunité syndicale, les auteurs pouvaient engager une requête en protection ou un recours en amparo. De l’avis de l’État partie, il s’agit d’un recours adapté et efficace pour protéger les droits d’accès à la justice, à une procédure régulière, à un procès équitable, à l’égalité devant la justice et à la liberté d’association. Le Comité constate que les auteurs n’ont pas contesté les arguments de l’État partie sur le caractère adapté et efficace de la requête en protection dans l’affaire qui les concerne.

6.4Le Comité rappelle que, en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, outre les recours judiciaires et administratifs ordinaires, tout auteur de communication doit aussi faire usage de tous les autres recours juridictionnels, y compris le recours en amparo ou la requête en protection, pour satisfaire à la prescription de l’épuisement des recours internes disponibles, dans la mesure où de tels recours semblent être utiles en l’espèce et sont de facto ouverts à l’auteur. Par conséquent, les auteurs n’ayant pas démontré que, dans leur cas, ces recours n’étaient ni disponibles ni effectifs, le Comité conclut que les auteurs n’ont pas épuisé tous les recours internes.

7.En conséquence, le Comité décide:

a)Que les communications sont irrecevables en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et aux auteurs des communications, pour information.

[Adopté en espagnol (version originale), en anglais et en français. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

E.Communication no 1827/2008, S. V. c. Canada(Décision adoptée le 23 juillet 2012, 105e session)*

P résentée par:

S. V. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur, sa femme T. G., et leurs trois enfants

État partie:

Canada

Date de la communication:

26 septembre 2008 (date de la lettre initiale)

Objet:

Expulsion du Canada vers la Roumanie

Questions de procédure:

Allégations insuffisamment étayées; incompatibilité avec le Pacte

Questions de fond:

Droit à la vie; interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants; droit à un recours utile; droit à la protection de la vie privée; liberté et sécurité de la personne; protection de la famille

Articles du Pacte:

2 (par. 3), 6 (par. 1), 7, 9 (par. 1), 14, 17, 23 (par. 1)

Articles du Protocole facultatif:

2, 3 et 5 (par. 2 b))

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 23 juillet 2012,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.1L’auteur de la communication est S. V., de nationalité moldove par naissance mais aussi roumaine depuis 1995. Il résidait au Canada, où il cherchait protection en qualité de réfugié, avant de faire l’objet d’une décision d’expulsion vers la Roumanie, avec sa famille, le 25 avril 2009. Il présente la communication en son nom propre et au nom de sa femme, T. G., et de leurs trois enfants. Il affirme que son renvoi en Roumanie constituerait une violation de ses droits fondamentaux et que sa famille et lui risqueraient la torture en République de Moldova, État vers lequel la Roumanie finirait par l’expulser. Il n’est pas représenté par un conseil.

1.2L’auteur demande au Comité d’inviter l’État partie à surseoir au renvoi forcé, qu’il jugeait imminent au moment où il a présenté la plainte, tant que l’examen de la communication serait en cours. Le 3 décembre 2008, le Comité a refusé d’accorder des mesures provisoires. Le 6 mars 2009, l’auteur a présenté une nouvelle demande de mesures provisoires que le Comité a également rejetée, le 10 mars 2009.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur est un scientifique qui a participé à des activités anticommunistes et de défense des droits de l’homme dans l’ex-Union soviétique. Il affirme que, de 1994 à 2001, il a été plusieurs fois arrêté de manière illégale, torturé et persécuté. En 2001, les services secrets moldoves ont confisqué sa maison et ses biens et l’ont expulsé avec sa famille vers la Roumanie. De 2001 à 2005, il a obtenu des visas temporaires pour étudier au Portugal et en Espagne. Il est arrivé au Canada avec sa famille le 8 novembre 2005 avec un visa d’un an l’autorisant à occuper une chaire d’enseignement supérieur. Sa famille et lui ont demandé le statut de réfugiés en 2006, date à laquelle le parti communiste a remporté les élections en République de Moldova.

2.2Le 26 avril 2007, la demande de protection de l’auteur a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission canadienne de l’immigration et du statut de réfugié (CISR). Les services d’immigration ont estimé que le témoignage de l’auteur était crédible en ce qui concernait les risques de persécution en République de Moldova et dans l’ex‑Union soviétique, mais ont jugé qu’il manquait de crédibilité quant à son incapacité à s’établir en Roumanie et au risque d’expulsion vers la République de Moldova. Ils en ont conclu que son renvoi vers la Roumanie n’exposerait pas l’auteur au risque de torture. L’auteur déclare que cette décision ne prend pas en considération le fait que s’ils étaient renvoyés vers la Roumanie lui et sa famille seraient tôt ou tard expulsés vers la République de Moldova, la Roumanie ayant pour coutume de réexpulser les personnes vers leur pays de première nationalité.

2.3L’auteur a présenté une demande de sursis à expulsion, qui a été accordée le 19 mars 2008, et une demande de contrôle judicaire, qui a été acceptée le 27 juin 2008, au motif que les services d’immigration canadiens n’avaient pas tenu compte de nouveaux éléments de preuve communiqués par l’auteur (c’est-à-dire les lois d’extradition roumaines). L’auteur a fait valoir que l’agent chargé de l’examen des risques avant renvoi (ERAR) qui avait rejeté sa demande n’avait pas correctement évalué les nouveaux éléments de preuve qu’il avait présentés au sujet des risques auxquels il serait exposé en République de Moldova s’il était renvoyé en Roumanie. Par un arrêt daté du 18 septembre 2008, la Cour fédérale a rejeté la demande de l’auteur et considéré que l’agent chargé de l’ERAR n’avait pas commis d’erreur en estimant que les éléments de preuve concernant les lois d’extradition roumaines n’étaient pas recevables parce que l’auteur n’avait pas expliqué pourquoi les lois en question n’avaient pas été présentées en temps utiles à la CISR.

Teneur de la plainte

3.1Dans le long document qu’il soumet au Comité, l’auteur présente plusieurs plaintes mais n’invoque aucun article du Pacte alors qu’il invoque la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il se plaint également en termes généraux de la corruption au sein des services d’immigration canadiens et dit avoir été victime de discrimination, ce qui l’aurait empêché de bénéficier d’une aide juridictionnelle dans le cadre de sa demande d’immigration.

3.2Premièrement, l’auteur affirme qu’il sera soumis à la torture s’il est expulsé vers la Roumanie car cet état l’expulserait par la suite vers la République de Moldova, pays de sa première nationalité conformément aux lois d’extradition roumaines. Il convient de noter que le 25 avril 2009, l’auteur et sa famille ont été expulsés vers la Roumanie.

3.3Deuxièmement, l’auteur affirme que, en juin 2008, le Canada a refusé de lui accorder, ainsi qu’à T. G., un permis de travail alors même que la Cour fédérale avait décidé de surseoir à l’exécution de l’arrêté d’expulsion du Canada le 18 mars 2008. Il fait valoir que sa famille de cinq personnes a dû survivre avec moins de 100 dollars par mois d’allocation sociale une fois le loyer payé. Il affirme que ces conditions de vie sont équivalentes à une privation de nourriture et constituent un acte de torture de la part du Canada. Il affirme également que les restrictions fondées sur le statut au regard de l’immigration et de l’éducation, ainsi que sur le pays d’origine, qui entravent l’accès à l’emploi sont discriminatoires.

3.4Troisièmement, l’auteur affirme également que ses données personnelles, y compris son adresse et ses numéros de téléphone ont été publiées sur des sites Web appartenant à la Société canadienne de consultants en immigration (SCCI) et à la société «Rogers», sans son consentement. Il affirme en outre que l’Université de Toronto a pris contact avec l’ambassade de la République de Moldova à Toronto et lui a transmis ses données personnelles. De tels actes constituent selon lui une violation de son droit à la liberté et à la sécurité.

3.5Quatrièmement, l’auteur fait état d’une violation du droit à un recours effectif. Il affirme que, sans permis de travail, T. G. et lui-même n’avaient pas accès à la justice puisqu’ils ne pouvaient payer les frais de procédures. Il affirme donc qu’ils ont été illégalement privés d’accès aux tribunaux.

3.6Cinquièmement, l’auteur dénonce une violation du droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal dans les affaires d’immigration. Il affirme que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) est partiale et a falsifié les données de son passeport et d’autres documents, compromettant ainsi ses chances de voir ses recours en appel aboutir. Il affirme également qu’à la suite des décisions de la CISR et de la Cour fédérale, sa demande d’asile a été rejetée du fait de procédures arbitraires constituant une violation des principes élémentaires de la justice. Sur ce point, il avance que lors de l’examen de sa demande par la CISR, T. G. et lui-même n’ont pas été autorisés à fournir des explications et des éléments de preuve, en particulier pour ce qui était de la loi no 302/2004 de la Roumanie sur l’extradition vers leur pays d’origine des citoyens ayant une double nationalité. L’auteur affirme qu’ils n’ont pas été représentés de manière professionnelle par un conseil ou un avocat au titre de l’aide juridictionnelle lors de l’examen de leur demande par la CISR et pendant la procédure de demande d’autorisation de contrôle juridictionnel, en raison de l’incompétence des avocats et de la déformation des faits. Il affirme également que les avocats désignés au titre de l’aide juridictionnelle ont falsifié des documents et «nettoyé» leurs dépositions sous serment. Les juges de la Cour fédérale n’auraient pas permis à l’auteur de présenter des explications au sujet de l’effet de la loi roumaine no 302/2004. Lors de l’examen des demandes d’ERAR et de protection pour motifs humanitaires, un membre de la CISR, Mme Coldea, qui était chargée d’aider l’auteur et sa femme dans leurs démarches, aurait falsifié la demande pour motifs humanitaires et n’aurait pas soumis les formulaires et documents nécessaires. L’auteur affirme que lorsque la demande d’ERAR a été rejetée, Mme Coldea leur a menti et a tenté de leur extorquer 10 000 dollars pour interjeter appel devant la Cour fédérale alors qu’elle n’avait pas le droit de plaider devant cette juridiction.

3.7Enfin, l’auteur affirme que les autorités canadiennes ont refusé d’accorder une assistance médicale à T. G. alors qu’elle était enceinte de six mois. Il avance qu’elle a été victime d’une discrimination fondée sur son statut au regard de l’immigration et sur le fait qu’elle n’était pas couverte par le Programme fédéral de santé intérimaire (PFSI). Il fait valoir qu’ils avaient présenté une demande de prolongation de cette couverture, qui avait été rejetée alors que le médecin qui la soignait avait confirmé qu’elle était enceinte et avait besoin d’une assistance médicale d’urgence. De plus, l’auteur affirme qu’il s’est vu refuser l’accès aux soins médicaux nécessités par son hypertension artérielle et ses problèmes cardiaques et aux examens médicaux de recherche d’un cancer. Il affirme également que leurs enfants mineurs se sont également vu refuser l’accès à une assistance médicale en hiver alors qu’ils étaient grippés et enrhumés.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1En date du 3 juin 2009, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la plainte. Il fait valoir que la demande d’asile présentée par l’auteur a été examinée par la CISR qui a rendu, le 26 avril 2007, sa décision établissant que l’auteur et sa famille n’étaient pas des réfugiés au titre de la Convention et n’avaient donc pas besoin de protection. L’État partie indique que la CISR a pris en considération le fait que l’auteur avait vécu et travaillé en Espagne, au Portugal et aux États-Unis d’Amérique de 2001 à 2005 sans demander asile dans aucun de ces pays, ce qui est tout à fait révélateur de l’absence de crainte. Il indique également que l’auteur a admis dans une déclaration orale sous serment qu’il n’avait pas demandé asile au Portugal parce qu’il pouvait obtenir un meilleur salaire au Canada. La CISR en a conclu que l’auteur était à la recherche du pays le plus offrant.

4.2L’État partie indique en outre que la demande d’autorisation de contrôle juridictionnel pour la décision de la CISR présentée par l’auteur a été rejetée par la Cour fédérale le 16 août 2007. Par la suite, en octobre 2007, l’auteur a présenté une demande d’ERAR qui a été rejetée le 11 janvier 2008. L’auteur a ensuite sollicité l’autorisation de saisir la Cour fédérale en vue d’un contrôle juridictionnel pour l’avis rendu à l’issue de l’ERAR, qui lui a été accordée le 18 mars 2008. Cette décision a sursis à l’expulsion de la famille de l’auteur jusqu’à l’issue du contrôle juridictionnel.

4.3L’État partie indique que, le 18 septembre 2008, la Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle juridictionnel au motif que le nouvel élément de preuve qui, selon l’auteur, n’avait pas été correctement examiné par l’agent d’ERAR, c’est-à-dire l’article 24 de la loi roumaine no 302/2004, n’était pas nouveau, étant donné qu’il aurait été relativement facile de le présenter à la CISR. La Cour fédérale a donc considéré que l’agent d’ERAR n’avait pas commis une erreur motivant un réexamen de sa décision en n’acceptant pas le document en question comme élément de preuve. Le 12 mars 2008, l’auteur a sollicité auprès de la CISR la réouverture de sa demande d’asile au motif que son audition devant la CISR ne s’était pas déroulée selon les principes de la justice. Le 17 avril 2008, la CISR a rejeté cette demande au motif que l’auteur n’avait pas établi la preuve d’une violation des principes élémentaires de la justice. L’auteur a par la suite présenté à la Cour fédérale une demande d’autorisation de contrôle juridictionnel pour la décision de la CISR de ne pas rouvrir la demande d’asile. Le 15 août 2008, la Cour fédérale a rejeté sa demande.

4.4En janvier 2008, l’auteur a présenté une demande de permis de séjour pour motifs humanitaires. Il y faisait valoir que la loi roumaine no 302/2004 sur l’extradition a pour effet qu’en cas d’expulsion vers la Roumanie, sa famille et lui seraient automatiquement extradés vers la République de Moldova étant donné que la famille ne pouvait exercer sa citoyenneté roumaine sans avoir établi son domicile dans le pays. Le 9 janvier 2009, la demande de protection pour motifs humanitaires a été rejetée. Le 20 avril 2009, l’auteur a saisi la Cour fédérale d’une demande d’autorisation de contrôle juridictionnel. Il était prévu que l’auteur et sa famille soient expulsés du Canada le 22 avril 2009 et leur demande de sursis à expulsion a été rejetée le 20 avril 2009 au motif que l’auteur ne s’était pas présenté à l’audience. L’auteur et sa famille ont été expulsés vers la Roumanie le 25 avril 2009.

4.5Concernant la privation de nourriture et l’insuffisance de l’aide financière alléguées par l’auteur, l’État partie fait observer que l’auteur n’a présenté aucun élément de preuve attestant qu’il s’était vu refuser une assistance financière, mais s’est contenté de déclarer qu’il n’était pas satisfait du montant accordé à sa famille et lui et était mécontent de devoir périodiquement prouver qu’ils continuaient de remplir les conditions requises.

4.6Pour ce qui est de l’allégation de l’auteur selon laquelle il avait été privé de couverture médicale, sa demande de prolongation de la protection offerte au titre du PFSI ayant été rejetée, l’État partie fait savoir que le PFSI couvre les soins de santé essentiels des personnes admises à en bénéficier, qui peuvent démontrer qu’elles n’ont pas les moyens financiers de payer des services de santé. Les demandeurs d’asile dont les ressources sont insuffisantes bénéficient des prestations du PFSI, qui comprennent une protection de base et une protection supplémentaire, en attendant qu’une décision soit prise quant à leur demande d’ERAR. L’État partie indique que l’auteur n’a aucunement prouvé que la couverture médicale avait été refusée à sa famille. Il fait savoir qu’aucun refus n’a été consigné concernant la demande de protection au titre du PFSI. Au contraire, les archives indiquent que la protection de la famille a été renouvelée le 5 janvier 2009 et qu’elle était valable jusqu’au 4 janvier 2010.

4.7Pour ce qui est du grief de l’auteur qui affirme que sa femme et lui-même ont payé en janvier 2008 les frais requis pour le prolongement de leurs permis de travail mais que leur demande a été rejetée parce qu’ils étaient alors sous le coup d’une décision d’expulsion, l’État partie fait savoir que, conformément à l’article 299 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, la personne qui a demandé asile n’est pas tenue au paiement des frais prévus pour l’examen de la demande de permis de travail. L’État partie indique que le 21 janvier 2008, date à laquelle l’auteur et sa femme ont présenté leurs demandes de permis de travail, leur demande d’asile avait déjà été rejetée et tous les recours avaient été épuisés. L’auteur et sa famille ont alors été frappés d’une décision de renvoi exécutoire et ne pouvaient donc plus prétendre à un permis de travail, en application des articles 206 et 209 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés. Leurs demandes de permis de travail ont donc été rejetées conformément à la loi. En juin 2008, les auteurs ont présenté une nouvelle demande alors qu’ils bénéficiaient d’un sursis temporaire à expulsion; l’examen de cette demande était soumis au paiement des frais fixés.

4.8En ce qui concerne le refus d’accorder l’aide juridictionnelle et l’impossibilité d’accéder à la justice, l’État partie affirme que dans la province de l’Ontario l’aide juridictionnelle pour les personnes a faible revenu est assurée par Aide juridique Ontario, qui couvre les audiences consacrées aux demandes d’asile. Toutefois, si l’aide juridictionnelle n’est pas disponible par l’intermédiaire de ce plan pour une procédure juridique donnée, l’État partie affirme qu’il est possible d’obtenir de l’aide auprès des bureaux d’aide juridictionnelle professionnels et étudiants. L’État partie indique que le 6 avril 2009, l’auteur a déposé auprès de la Cour fédérale une demande de sursis et une demande d’autorisation de contrôle juridictionnel de l’avis négatif par le Premier Ministre canadien, le Ministre des affaires civiques et de l’immigration, le Ministre de la sécurité publique, la Ministre de la santé et le Ministre de la justice et Procureur général pour que ceux-ci fournissent des réponses et proposent des solutions à ses divers griefs, mais il n’a pas acquitté les frais de procédure requis.

4.9Pour ce qui est de la recevabilité, l’État partie affirme que la communication dans son ensemble devrait être déclarée irrecevable ratione materiae étant donné que l’auteur ne fait pas état de violations du Pacte, mais invoque des instruments qui ne relèvent pas de la compétence du Comité, tels que la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Convention contre la torture. Subsidiairement, dans la mesure où certaines allégations semblent soulever des questions au regard du Pacte, l’État partie affirme que les griefs ne sont pas suffisamment étayés aux fins de la recevabilité. Très subsidiairement, l’État partie affirme que les griefs n’ont pas été établis avec le degré de preuve requis pour conclure à une violation du Pacte.

4.10En ce qui concerne les allégations qui semblent soulever des questions au regard du Pacte, l’État partie fournit une réponse détaillée à chacune d’entre elles. Il considère que le prétendu risque de mort ou de torture ou de peines ou traitements inhumains en République de Moldova soulève des questions qui relèvent des articles 6 et 7. Toutefois, l’État partie affirme que les allégations de l’auteur qui prétend qu’en cas d’expulsion vers la Roumanie, sa famille et lui seraient ensuite expulsés vers la République de Moldova, où ils risquent la mort ou la torture ou des peines ou traitements inhumains, n’ont pas été suffisamment étayées. L’État partie affirme donc que ces aspects de la communication sont irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif. Sur ce point, l’État partie souligne que, quoique l’auteur d’une communication ne soit pas tenu de faire la preuve de ce qu’il avance, «il doit néanmoins apporter suffisamment de faits à l’appui de ses allégations pour qu’elles paraissent, de prime abord, fondées».

4.11L’État partie affirme également que, étant donné que les allégations concernant les risques en Roumanie s’appuient en substance sur les mêmes faits et éléments de preuve que les allégations présentées à la CISR et dans le cadre de l’ERAR et de la demande pour motifs humanitaires, il n’appartient pas au Comité de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des éléments de preuve, sauf si l’appréciation a été manifestement arbitraire ou a représenté un déni de justice. Subsidiairement, dans l’hypothèse où le Comité souhaiterait réexaminer les conclusions concernant les faits et la crédibilité auxquelles sont parvenus les tribunaux nationaux, l’État partie rappelle que la CISR a établi que l’auteur et sa famille n’avaient pas de bonnes raisons de craindre d’être renvoyés en Roumanie, tout d’abord parce qu’ils n’avaient pas présenté de demande d’asile à l’Espagne, au Portugal et aux États-Unis d’Amérique où ils avaient vécu entre 2001 et 2005. Deuxièmement, l’auteur et sa famille étaient à la recherche du pays le plus offrant comme l’auteur l’avait lui-même admis dans un témoignage oral déposé sous serment selon lequel il n’avait pas demandé asile au Portugal parce qu’il y aurait obtenu un salaire moins intéressant qu’au Canada. Troisièmement, l’auteur n’était pas crédible lorsqu’il affirmait qu’il n’avait pas pu obtenir de permis de séjour en 2001, puisque les faits indiquaient qu’il n’avait pas obtenu de permis de séjour en Roumanie en 2001 parce qu’il avait quitté le pays pour enseigner en Europe occidentale. Enfin, selon la règle de la prépondérance des probabilités, l’auteur et sa famille bénéficieraient de tous les droits des citoyens roumains et ne seraient pas expulsés vers la République de Moldova après trois mois de résidence en Roumanie. L’État partie indique que la CISR a fondé ces conclusions sur les éléments de preuve dont elle était saisie, tels que la Constitution de la Roumanie et d’autres instruments garantissant, notamment, l’égalité des citoyens, le droit des citoyens de retourner en Roumanie et l’interdiction d’expulser des citoyens.

4.12En ce qui concerne la loi roumaine no 302/2004, l’État partie affirme qu’elle n’autorise pas l’expulsion des citoyens roumains sauf en cas d’extradition. Par conséquent, en l’absence de preuve indiquant que l’auteur serait recherché en République de Moldova dans une affaire pénale pour laquelle il pourrait faire l’objet d’une demande d’extradition, l’État partie affirme que l’auteur n’a pas établi que sa famille et lui seraient directement ou indirectement exposés à un quelconque traitement qui constituerait une violation de l’article 6 ou de l’article 7 du Pacte en cas de retour en Roumanie. L’État partie rappelle que le Comité a considéré que dans les cas d’extradition ou d’expulsion, il incombe à l’État qui expulse de s’assurer que la personne visée ne sera pas exposée à un risque réel de violation des droits garantis par l’article 6 du Pacte dans l’État de destination.Il rappelle que le fait que le risque doive être réel signifie qu’il doit être «la conséquence nécessaire et prévisible du renvoi forcé», conclusion que les éléments communiqués ne permettent pas de tirer. L’État partie fait valoir que les éléments portés à sa connaissance n’établissent pas, ne serait-ce qu’a priori, le fait que «la conséquence nécessaire et prévisible du renvoi forcé» serait que la Roumanie les expulserait vers la République de Moldova où ils seraient persécutés. Pour ce qui est des griefs de violation de l’article 7, l’État partie rappelle que «les États parties ne doivent pas exposer des individus à un risque de torture ou de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en les renvoyant dans un autre pays en vertu d’une mesure d’extradition, d’expulsion ou de refoulement».L’État partie estime que les allégations de l’auteur n’établissent pas de risque dépassant la simple «théorie ou suspicion» ni de risque réel et personnel d’être torturé ou de subir une peine ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Par conséquent, l’État partie estime que l’auteur n’a pas étayé ses allégations aux fins de la recevabilité et déclare donc les griefs irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

4.13Pour ce qui est du refus présumé d’accorder l’aide juridictionnelle à l’auteur dans le cadre des procédures d’immigration et juridiques engagées et des diverses plaintes déposées auprès des autorités publiques, l’État partie fait observer que, l’auteur ayant été représenté par un conseil pendant l’audience devant la CISR, il ne peut pas se plaindre de ne pas avoir bénéficié des services d’un défenseur lors de l’examen de sa demande d’asile. L’État partie rappelle que l’auteur affirme que les avocats qu’il a consultés ont réclamé de l’argent (ce qu’il qualifie d’«extorsion») en raison des heures supplémentaires qu’ils avaient dû consacrer à l’examen des nombreux documents qu’il comptait présenter comme élément de preuve. L’État partie fait valoir que le Pacte ne contient aucune disposition au titre de laquelle les États seraient tenus d’accorder une aide juridictionnelle gratuite aux requérants déterminés à engager d’innombrables plaintes et procédures. Il rappelle les constations du Comité dans l’affaire J. O. et consorts c. Belgique selon lesquelles il ressort de l’article 14 du Pacte que les États parties ne doivent fournir l’assistance d’un défenseur que dans le cadre d’un procès pénal. Dans cette affaire, les requêtes de l’auteur au sujet de la compétence des conseils dans diverses procédures civiles et de l’incapacité financière de l’auteur de se faire représenter en permanence par un conseil ont été jugées incompatiblesratione materiae avec les dispositions du Pacte, conformément à l’article 3 du Protocole facultatif.

4.14En ce qui concerne les griefs relatifs à l’insuffisance de l’aide financière accordée, le caractère inadapté des soins de santé accessibles gratuitement et le refus d’accorder des permis de travail, l’État partie fait valoir qu’ils ont essentiellement trait à des droits économiques et sont, en tant que tels, irrecevables ratione materiae conformément à l’article 3 du Protocole facultatif. Subsidiairement, l’État partie fait valoir que ces aspects de la communication n’ont pas été étayés et sont donc irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif. Sur ce point, l’État partie s’appuie sur les constatations du Comité dans l’affaire Wilfred c. Canada qui avait relevé que l’auteur de la communication avait présenté des «allégations générales», sans fournir d’éléments de preuve suffisants à l’appui de ses allégations de violation, et la communication était irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

4.15Au vu de ce qui précède, l’État partie affirme que la communication dans son ensemble devrait être déclarée irrecevable parce qu’elle est incompatible avec les dispositions du Pacte, conformément à l’article 3 du Protocole facultatif, ou subsidiairement, au motif que les griefs n’ont pas été suffisamment étayés, conformément à l’article 2 du Protocole facultatif. Il fait valoir que si la communication était déclarée irrecevable, le Comité devrait, en se fondant sur les observations formulées par l’État partie dans sa réponse, affirmer qu’elle est entièrement dénuée de fondement.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans une note du 14 septembre 2009, l’auteur a présenté ses commentaires et réaffirmé ses griefs. Il a présenté un grief supplémentaire au titre de l’article 7 du Pacte.

5.2L’auteur affirme que le 25 avril 2009, alors qu’ils étaient expulsés vers la Roumanie, sa famille et lui ont subi des actes de torture et des mauvais traitements de la part de fonctionnaires de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) qui avaient également confisqué et détruit leurs papiers d’identité et le télécopieur que l’auteur avait utilisé pour transmettre des documents au Comité. Il affirme également que le 24 avril 2009, trois personnes en civil se présentant comme des agents des services d’immigration canadiens, l’ont agressé et ont tenté d’abuser sexuellement de sa fille âgée de 10 ans. Il affirme en outre qu’il a fallu l’intervention des voisins et amis de la famille pour que les agents cessent leurs «agissements criminels».

5.3L’auteur affirme que lors de l’exécution de l’arrêté d’expulsion, des agents de l’État partie ont ordonné à un obstétricien de Toronto, qui suivait T. G. pendant sa grossesse, de ne pas lui établir de certificats médicaux. Il affirme également que le médecin insistait pour recevoir 35 dollars d’honoraires pour tout type de certificat médical. Il affirme en outre que le 22 avril 2009, T. G., alors enceinte de sept mois, a été contrainte de déplacer plus de 250 kg de bagages lors de l’arrestation de l’auteur par les agents de l’ASFC. Il affirme que sa famille a été placée en garde à vue dans un hôtel spécial et nourrie parfois seulement aux alentours de 2 heures du matin après «vingt heures de torture».

5.4L’auteur affirme que le 23 avril 2009 il a été interrogé dans le centre pénitentiaire de l’aéroport de Toronto, où il a protesté et demandé l’assistance d’un avocat et la restitution des biens confisqués à sa famille, ce qui lui a été refusé. Il affirme également que sa famille et lui ont été arrêtés et conduits à l’hôtel Econolodge où des agents des forces de l’ordre ont pris des clichés humiliants de sa femme et lui et menacé de les tuer s’ils portaient plainte.

5.5L’auteur affirme qu’à leur arrivée en Roumanie, le 27 avril 2009, sa famille et lui ont été informés par la Police des frontières roumaine du fait qu’ils devraient quitter la Roumanie pour la République de Moldova au bout de trois mois, s’ils n’obtenaient pas un permis de résidence permanente en Roumanie. L’auteur affirme également que ses enfants ne sont pas admis dans les écoles du pays et n’ont pas accès aux services sociaux et médicaux. Il ajoute que sa famille doit se soustraire à l’arrestation et à l’expulsion puisqu’elle risque d’être réexpulsée vers la République de Moldova.

5.6En ce qui concerne les questions précises soulevées par l’État partie, l’auteur nie avoir admis qu’il cherchait «le pays le plus offrant» et avoir déclaré dans sa déposition que la raison pour laquelle il n’avait pas demandé asile au Portugal était qu’il pouvait prétendre à un meilleur salaire au Canada.

5.7Pour ce qui est de l’argument avancé par l’État partie selon lequel la communication devait être déclarée irrecevable ratione materiae au motif que le Comité n’est pas compétent pour connaître des allégations de violations de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de la Convention contre la torture, l’auteur affirme qu’il est ridicule de déclarer que le Comité n’est pas compétent en la matière. À ce sujet, l’auteur cite le préambule du Pacte, dans lequel les États parties reconnaissent que, conformément à la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’être humain jouit des droits civils et politiques aussi bien que de droits économiques, sociaux et culturels.

5.8En réponse aux allégations de l’État partie qui affirme que les griefs relatifs au refus de permis de travail et de couverture médicale, à la privation de nourriture et à l’insuffisance de l’aide financière sont d’ordre purement économique et n’entrent donc pas dans le champ d’application du Pacte, l’auteur objecte qu’il ne s’agit pas de griefs économiques. Il fait valoir que le refus illicite de permis de travail et d’une assistance médicale, la privation de nourriture et la privation de soins prénatals doivent être considérés à la lumière de l’interdiction de la torture et de la discrimination fondée sur le statut au regard de l’immigration. Par conséquent, l’auteur affirme que le Comité est compétent pour examiner ces allégations à la lumière des dispositions pertinentes du Pacte.

Observations supplémentaires de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

6.1Dans une note du 2 novembre 2010, l’État partie a fait des observations supplémentaires sur la recevabilité et sur le fond de la communication.

6.2Pour ce qui est des allégations d’arrestation illégale avant et pendant l’expulsion et de torture, d’agression et de violences sexuelles, l’État partie présente un résumé des déclarations des agents de l’ASFC qui étaient chargés de faciliter l’arrestation et l’expulsion de l’auteur et de sa famille. Les agents en question y nient toute forme de mauvais traitement et d’agression. L’État partie fait valoir que le 21 avril 2009, les agents Andrea Duncan et John Hawley se sont rendus dans l’appartement familial où se trouvait l’auteur qui a déclaré que sa famille et lui se feraient accompagner à l’aéroport par un ami le lendemain. Lorsque T. G. est arrivée à l’appartement, elle a confirmé les dispositions prises par la famille pour son départ. Il fait également valoir qu’un représentant de l’école des enfants qui avait accompagné T. G. à l’appartement a confirmé que les enfants ne seraient plus scolarisés dans l’école en question. L’État partie indique que, sur la base de ces renseignements, les agents ont établi que la famille se rendrait à l’aéroport pour quitter le pays et qu’il était inutile de la placer en détention. Par conséquent, l’État partie réfute les allégations selon lesquelles l’auteur et sa famille auraient été arrêtés et agressés et leurs biens saisis.

6.3Pour ce qui est de l’auteur qui affirme que le 22 avril 2009 T. G. alors enceinte de sept mois avait été contrainte de porter 250 kg de bagages et que la famille avait été placée en garde à vue dans un hôtel et torturée par la faim après s’être vue refuser l’accès à bord, l’État partie affirme que la famille a manqué son avion en raison d’un excédent de bagages. La famille a donc été transférée dans un hôtel Econolodge. La cuisine de l’hôtel était fermée à l’heure d’arrivée de la famille, mais la direction de l’hôtel a accepté de la rouvrir et de servir un repas dans la chambre, aux alentours de 22 h 30, et non 2 heures, comme le prétend l’auteur. L’État partie indique que la conversation et les échanges des agents avec la famille étaient réduits au minimum, courtois et professionnels tout au long de la procédure.

6.4L’État partie réfute les allégations selon lesquelles, le 23 avril 2009, l’auteur aurait été interrogé à l’aéroport de Toronto à 10 heures, se serait plaint auprès de David Sullivan, agent du centre d’application des peines, et aurait sollicité l’assistance d’un avocat, mais rien n’aurait été fait pour les aider, lui et sa famille. L’État partie fait valoir que l’auteur s’en est remis à l’agent David Sullivan pour mettre au point l’organisation de l’expulsion de la famille reprogrammée au 25 avril 2009. L’agent a établi que l’auteur et sa famille avaient encore accès à leur appartement et pouvaient y rester jusqu’à la date de leur expulsion. Deux agents, Carlson et Stager, ont donc été chargés de transporter les bagages que la famille ne pouvait pas ramener à l’appartement (neuf bagages au total) vers un service de consigne de l’aéroport où ils resteraient jusqu’à l’expulsion de la famille. L’État partie réfute les allégations de l’auteur selon lesquelles il aurait été arrêté et privé de l’assistance d’un avocat et les pièces d’identité et documents de sa famille auraient été confisqués à cette date.

6.5L’État partie réfute également les allégations selon lesquelles dans la nuit du 23 au 24 avril 2009, trois personnes en civil se présentant comme des agents des services d’immigration canadiens auraient agressé l’auteur et tenté d’abuser sexuellement de sa fille âgée de 10 ans, jusqu’à ce qu’ils soient sauvés par l’intervention de voisins et d’amis. L’État partie affirme que ces allégations sont diffamatoires et calomnieuses, l’auteur n’ayant présenté aucun élément de preuve émanant des voisins et des amis. L’État partie fait valoir qu’il n’est consigné nulle part que ses agents aient eu de quelconques échanges avec la famille à cette date précise. Il affirme qu’étant donné que l’expulsion de l’auteur avait été reportée au 25 avril 2009, il n’y avait aucune raison pour que ces agents rendent visite à la famille à ces dates.

6.6Pour ce qui est de la situation de l’auteur en Roumanie, l’État partie affirme que le fait que l’auteur et sa famille résident en Roumanie depuis leur arrivée en avril 2009, soit un an, est la preuve concrète qu’ils ne seront pas expulsés. De plus, l’État partie fait valoir que la Roumanie est devenue membre de l’Union européenne en janvier 2007 et que ses citoyens, y compris l’auteur et sa famille, peuvent donc voyager sans restriction dans tous les pays de l’Union européenne. Il affirme donc que, si l’auteur et sa famille ne sont pas satisfaits de leur vie en Roumanie, ils sont libres de s’installer dans tout autre pays de l’Union européenne et d’y chercher un emploi. Par conséquent, d’après l’État partie les nouveaux griefs relatifs à l’expulsion de la famille et à sa situation en Roumanie n’ont pas été étayés et devraient être déclarés irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif. Subsidiairement, l’État partie demande que les griefs de l’auteur soient déclarés entièrement sans fondement.

Commentaires de l’auteur sur les observations supplémentaires de l’État partie

7.1Le 14 décembre 2010, l’auteur a présenté ses commentaires sur les observations supplémentaires de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond. L’auteur réaffirme en grande partie les commentaires formulés précédemment. Il soulève toutefois un certain nombre de questions qui n’avaient pas été abordées jusqu’alors.

7.2Concernant la situation de toute la famille en Roumanie, l’auteur réaffirme que T. G. a la double nationalité roumaine et ukrainienne. Il indique que l’Ukraine ne reconnaît pas la double nationalité, ce qui a des conséquences considérables pour elle et pour le statut des enfants du couple. L’auteur affirme que les Ukrainiens et les Moldoves sont traités différemment en Roumanie. Il affirme également qu’ils n’ont pas de statut juridique en Roumanie et que, sans source de revenus, ils dépendent de l’aide de Roumains d’origine et d’autres personnes pour survivre. L’auteur affirme que sa femme et lui ne peuvent pas obtenir de permis de travail. Il affirme également que l’expérience de personnes se trouvant dans la même situation dans d’autres pays de l’Union européenne montre que, pour se porter candidat à des postes, il est notamment indispensable de présenter des «extraits de casier judiciaire» pour chaque pays de citoyenneté et chaque pays où le candidat a résidé pendant plus de six mois. L’auteur affirme que, l’Ukraine et la République de Moldova n’ayant pas fourni ces documents à sa famille lorsqu’elle en a fait la demande en 2005, sa femme et lui ne remplissent pas les critères requis pour répondre aux offres d’emploi.

7.3En ce qui concerne les déclarations jointes aux observations supplémentaires de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond, l’auteur affirme que, dans sa réponse, l’État partie a fait des falsifications supplémentaires pour dissimuler les sévices et les actes criminels commis par des fonctionnaires canadiens.

7.4Au sujet du commentaire de l’État partie qui affirme que le 21 avril 2009 les agents de l’ASFC se sont rendus à l’appartement de l’auteur où ce dernier leur aurait dit qu’il avait pris des dispositions pour se faire accompagner à l’aéroport par un ami, l’auteur objecte que les agents n’ont pas été autorisés à rentrer dans son appartement; les agents ont forcé la porte et l’ont arrêté avant de procéder à une fouille de l’appartement sans mandat de perquisition. Il fait valoir qu’un agent de police et un membre de la SCCI leur ont extorqué de l’argent et ont organisé leur arrestation illicite, leur torture et la tentative de viol de leur fille. Il affirme que les trois personnes qui se sont présentées en civil à son appartement le 24 avril 2009 lui ont indirectement dit qu’elles agissaient de connivence avec l’agent de police et le membre de la SCCI en question.

7.5L’auteur affirme également que les fonctionnaires de l’État partie ont non seulement pris des photographies humiliantes de ses enfants, mais qu’ils les ont également diffusées sur Internet.

7.6Pour ce qui est de la réponse de l’État partie qui affirme qu’aucun fonctionnaire n’a eu d’échanges avec la famille le 24 avril 2009 et que les allégations d’agression à laquelle seule l’intervention de voisins et d’amis aurait mis fin ne sont pas étayées, l’auteur indique qu’il est possible de recueillir le témoignage des voisins confirmant les faits allégués. L’auteur indique également que le principal et les enseignants de l’école de ses filles pourraient être invités à témoigner.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.3Le Comité prend note de l’argument de l’État partie qui affirme que la communication devrait être déclarée irrecevable au motif que les griefs sont incompatibles avec les dispositions du Pacte, conformément à l’article 3 du Protocole facultatif ou, subsidiairement, au motif qu’ils n’ont pas été suffisamment étayés, conformément à l’article 2 du Protocole facultatif. À ce sujet, l’État partie affirme que la communication est irrecevable ratione materiae puisqu’elle contient des allégations de violations de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de la Convention contre la torture. L’auteur affirme toutefois que le Comité est compétent pour examiner des violations au titre de ces instruments. Subsidiairement, l’auteur affirme que ses griefs doivent être considérés comme faisant état de violations des droits garantis par le Pacte.

8.4Le Comité constate que les informations présentées par l’auteur sont volumineuses et qu’il est quelque peu difficile d’en dégager les griefs eux-mêmes. À cet égard, il convient d’établir les griefs de l’auteur aux fins de l’examen de la question de la recevabilité. Le Comité constate que les griefs de l’auteur ont trait à la période située avant l’expulsion de l’auteur du Canada et pendant l’expulsion elle-même. Il est possible de classer ces griefs en six catégories. Tout d’abord, le grief de l’auteur relatif au refus du Canada de reconnaître à l’auteur et à sa famille le statut de réfugiés et leur éventuelle expulsion vers la Roumanie où ils disent risquer une nouvelle expulsion vers la République de Moldova, où ils s’attendent à être torturés. Deuxièmement, l’auteur affirme que sa femme et lui se sont vu refuser un permis de travail au Canada et que ce refus, qui les a contraints à survivre avec des allocations insuffisantes, constituait une privation de nourriture et une forme de torture. L’auteur soutient que le refus de leur accorder un permis de travail et donc l’accès à l’emploi est une forme de discrimination fondée notamment sur leur statut d’immigrés et leur niveau d’éducation. Troisièmement, l’auteur affirme que leur droit à la liberté et à la sécurité de la personne a été violé lorsque des fonctionnaires de l’État partie ont diffusé leurs données personnelles sur un site Web sans leur consentement. Quatrièmement, l’auteur allègue une violation du droit à un recours utile et du droit d’accès à la justice. À ce titre, l’auteur affirme que l’obligation de payer des frais de justice et de dépôt de demande l’a empêché de chercher à obtenir justice, faute de moyens financiers. Il affirme également que l’action judiciaire était entachée d’irrégularités dans la mesure où des fonctionnaires avaient falsifié les déclarations sous serment de l’auteur et de son épouse et où pendant les audiences ils n’avaient pas été autorisés à fournir des éléments de preuve essentiels, ce qui avait eu une incidence sur l’issue de la procédure. Cinquièmement, l’auteur affirme que l’État partie a refusé de lui accorder, ainsi qu’à sa famille, l’accès à une assistance médicale. Enfin, l’auteur affirme que pendant leur expulsion de l’État partie, sa famille et lui ont été arrêtés, harcelés et privés de nourriture. Il affirme qu’il a été agressé et que sa fille a été menacée de sévices sexuels.

8.5Le Comité constate que, en vertu de l’article premier du Protocole facultatif, il n’a compétence que pour examiner des communications faisant état de violations des droits énoncés dans le Pacte. Le Comité n’a donc pas compétence pour examiner des communications faisant état de violations d’autres instruments. Le Comité note toutefois que les griefs de l’auteur pourraient également soulever des questions au regard des articles 6, 7, 9, 14, 17 et 23 du Pacte.

8.6Pour ce qui est du grief de l’auteur qui affirme que son expulsion du Canada vers la Roumanie l’exposerait ainsi que sa famille à une réexpulsion vers la République de Moldova où il a précédemment été persécuté et torturé du fait de ses activités anticommunistes et de défense des droits de l’homme, le Comité constate que l’auteur soutient que l’article 24 de la loi roumaine no 302/2004 sur la coopération judiciaire internationale en matière pénale autorise la Roumanie à expulser des personnes ayant une double nationalité vers le pays de leur résidence permanente en cas de demande d’extradition émanant de ce pays aux fins de procédures pénales. L’auteur affirme également que, bien qu’il soit de nationalité roumaine, sa citoyenneté est sans effet en Roumanie étant donné que sa famille et lui n’ont pas pu y établir domicile et que cet état de fait les expose à un risque de réexpulsion puisqu’ils ne peuvent, semble-t-il, vivre légalement en Roumanie pendant plus de trois mois. Le Comité prend note des observations de l’État partie qui objecte que les éléments présentés par l’auteur ne viennent pas étayer, ne serait-ce que par un commencement de preuve, ses allégations selon lesquelles la conséquence inévitable et prévisible de l’expulsion serait que l’auteur et sa famille seraient expulsés de la Roumanie vers la République de Moldova où ils seraient persécutés.

8.7Le Comité rappelle que l’auteur d’une communication doit, aux fins de la recevabilité, étayer suffisamment toute allégation de violation du Pacte. Il constate que toute réexpulsion vers la République de Moldova en application des dispositions de l’article 24 de la loi roumaine no 302/2004 est soumise à une demande d’extradition émanant de la République de Moldova au motif que l’auteur est recherché dans le cadre d’une procédure pénale. L’auteur n’a présenté aucun élément indiquant qu’il était recherché ou pourrait faire l’objet d’une accusation pénale en République de Moldova. Le Comité en conclut que l’auteur n’a pas étayé, aux fins de la recevabilité, l’allégation selon laquelle il existe un risque réel que sa famille et lui soient expulsés de la Roumanie vers la République de Moldova. Cette allégation est donc irrecevable parce que insuffisamment étayée, conformément à l’article 2 du Protocole facultatif.

8.8Pour ce qui est des autres griefs, le Comité rappelle sa jurisprudence et réaffirme que l’auteur d’une communication doit fournir des informations suffisantes à l’appui de ses allégations et ne pas se borner à des dénonciations d’ordre général. Il constate que, dans le cas présent, l’auteur a formulé plusieurs allégations de violation des droits garantis par les articles 6, 7, 9, 14, 17 et 23 du Pacte. Toutefois, l’auteur n’a produit aucun élément de preuve concret à l’appui des allégations de violation de ces droits. Dans ces conditions, le Comité estime que l’auteur n’a pas, aux fins de la recevabilité, suffisamment étayé l’allégation selon laquelle sa famille et lui sont victimes de ces violations présumées du Pacte. La communication est donc irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

9.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur de la communication.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport].

F.Communication no 1834/2008, A. P. c. Ukraine(Décision adoptée le 23 juillet 2012, 105e session)*

P résentée par:

A. P. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Ukraine

Date de la communication:

1er novembre 2007 (date de la lettre initiale)

Objet:

Arrestation et détention arbitraires; condamnation à l’emprisonnement à vie prononcée sur la base d’aveux extorqués par la torture et à l’issue d’un procès inéquitable sans aucun recours utile

Questions de procédure:

Non-épuisement des recours internes; griefs insuffisamment étayés

Questions de fond:

Torture; arrestation et détention arbitraires; traitement inhumain et respect de la dignité de la personne; procès inéquitable; droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et de communiquer avec le conseil de son choix; droit à l’assistance d’un avocat; droit d’obtenir la comparution et l’interrogatoire de témoins à décharge; ne bis in i dem; droit à un recours utile; mesures dérogeant aux obligations imposées par le Pacte

Articles du Pacte:

2 (par. 1 et 3 a) et c)), 4 (par. 2), 7, 9 (par. 1), 10 (par. 1 et 3), 14 (par. 1, 3 b), d), e) et 7)et 19 (par. 2)

Articles du Protocole facultatif:

2 et 5 (par. 2 b))

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 23 juillet 2012,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication est A. P., de nationalité ukrainienne, né en 1975. Il affirme être victime d’une violation par l’Ukraine des droits garantis par l’article 2 (par. 1 et 3 a) et c)); l’article 4 (par. 2); l’article 7; l’article 9 (par. 1); l’article 10 (par. 1 et 3); l’article 14 (par. 1, 3 b), d) et e) et 7); et l’article 19 (par. 2) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 25 octobre 1991. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 17 janvier 2002, l’auteur a été arrêté à Gorlovka parce qu’il était soupçonné d’avoir commis plusieurs crimes. Il prétend avoir été «désigné» parce qu’il connaissait les victimes et avait déjà été condamné dans le passé. Entre le moment de son arrestation et son transfert au centre de détention provisoire (SIZO) no 6 d’Artemovsk, l’auteur a été soumis à la torture et à des coups infligés par les fonctionnaires de police dans le but de le faire avouer. Entre autres sévices, ils ont insufflé de l’ammoniac dans un masque à gaz placé sur son visage et lui ont introduit dans l’urètre une aiguille à tricoter ou une alène plate. Incapable de supporter la torture, l’auteur a admis sa culpabilité et a impliqué à tort un certain R. dans la commission des crimes. L’auteur affirme en outre que R. a été soumis à des tortures comparables et a été contraint à son tour de l’impliquer à tort dans la commission des crimes en question.

2.2L’auteur affirme qu’en février 2002, il a déposé plainte auprès du Ministère de l’intérieur au sujet de l’utilisation de la torture par les fonctionnaires de police, en demandant à être soumis à un examen médical pour apporter la preuve des lésions corporelles subies. À une date non précisée, un enquêteur a refusé oralement de faire droit à cette demande en présence de l’avocat commis d’office à l’auteur par l’équipe chargée de l’enquête. L’avocat n’aurait pas contesté cette décision. En outre, l’auteur affirme que l’avocat a coopéré activement avec les enquêteurs pour les «aider» à fabriquer des preuves à charge. Il affirme aussi que la reconstitution des crimes a été menée dans le centre de détention provisoire (SIZO) de Gorlovka, et non sur le lieu des crimes. Les enquêteurs lui ont indiqué les circonstances des crimes, y compris la position des corps des victimes, et le laps de temps durant lequel les crimes avaient été commis. Il a ensuite été contraint de reproduire tous ces faits sur une vidéo, sous la menace de nouvelles tortures. N’étant pas l’auteur des crimes, ses déclarations étaient parfois inexactes, si bien que les enquêteurs et son avocat commis d’office les ont rectifiées et lui ont indiqué «comment tout était arrivé». Bien que ces épisodes aient été supprimés, la vidéo présenterait des signes de retouche démontrant que ce moyen de preuve aurait été falsifié. L’auteur affirme que ses nombreuses plaintes à propos de ces faits sont restées sans réponse.

2.3L’auteur soutient qu’il n’a pas été autorisé à être assisté par un avocat de son choix et que de toute manière, il n’aurait pas été à même de rémunérer les services d’un avocat engagé à titre privé. Il n’a pas été autorisé à prendre connaissance du dossier, mais a dû signer une déclaration attestant le contraire, sous la menace de nouvelles tortures. Son avocat commis d’office aurait signé le rapport correspondant en l’absence de l’auteur.

2.4Le 6 décembre 2002, la cour d’appel régionale de Donetsk a reconnu l’auteur coupable de deux assassinats à des fins vénales (art. 115.2 du Code pénal) et de vol qualifié et l’a condamné à l’emprisonnement à vie. L’auteur affirme que la cour a fondé son verdict sur les aveux forcés, bien que lui-même et R. se soient rétractés à l’audience en affirmant que les fonctionnaires de police avaient employé des méthodes illégales d’enquête pour les forcer à témoigner contre eux-mêmes. Il a affirmé à l’audience que lui-même et R. étaient à Moscou lorsque les crimes avaient été commis et que leur alibi aurait pu être vérifié par la consultation des registres des Services des douanes et des frontières concernant les personnes ayant franchi la frontière entre l’Ukraine et la Fédération de Russie, ainsi que des registres d’hôtel à Moscou. Or, la cour ne l’a pas fait et n’a pas dûment examiné leur alibi. Elle a également refusé d’entendre les témoins S., K. et T., qui auraient pu confirmer leur alibi. L’auteur prétend aussi que son passeport national, saisi lors de son arrestation puis «égaré» au stade de l’instruction, contenait les tampons apposés par le Service ukrainien des frontières et portant les dates de son départ pour la Fédération de Russie et de son retour en Ukraine.

2.5L’auteur affirme que la somme de 900 dollars des États-Unis qui, selon l’accusation, aurait été le mobile des meurtres, n’a pas été retrouvée en sa possession ni en celle de son coaccusé. Selon lui, le principal témoin à charge, une certaine Mme P., qui l’a désigné comme étant l’individu qu’elle aurait vu quitter le lieu des crimes, est fréquemment mise à contribution par la police pour lui fournir des témoignages favorables à l’accusation. Compte tenu de son comportement antisocial, l’intéressée a souvent affaire à la police qui «feint d’ignorer» les contraventions qu’elle commet en échange de déclarations confirmant la version des faits mise en avant par l’enquête − une pratique très répandue en Ukraine. Ce témoin a décrit en détail les vêtements portés par l’individu qui aurait quitté le lieu des crimes, et précisé qu’il était blond. Or, la cour n’a pas tenu compte du fait que l’auteur est brun et que les vêtements pris chez lui ne correspondaient pas à la description donnée par le principal témoin. La requête de l’auteur tendant à obtenir la comparution et l’interrogatoire du principal témoin à l’audience a été rejetée. Ses requêtes tendant à obtenir la comparution et l’interrogatoire à l’audience de trois autres témoins qui auraient pu confirmer son alibi, ainsi qu’à ordonner l’examen par un expert des moyens de preuve à charge qui, selon lui, auraient été falsifiés par les enquêteurs, ont aussi été rejetées par la cour sans être consignées dans les procès-verbaux d’audience.

2.6L’auteur affirme que les examens médico-légaux qui ont servi à établir sa culpabilité ne peuvent être considérés comme des preuves concluantes, vu que leur valeur probante est exprimée par des formules telles que «peut», «il n’est pas exclu», etc. L’un de ces examens a conclu que l’empreinte relevée sur le lieu des crimes avait été très probablement laissée par des chaussures dont l’empreinte coïncidait avec celle de sa chaussure droite. Or, dit-il, il portait à cette époque des bottes fabriquées en Chine qui, en raison de leur faible prix, étaient portées en ville par une personne sur deux. Si l’empreinte relevée sur le lieu des crimes avait été effectivement laissée par ses bottes, la conclusion de l’examen médico‑légal aurait été que cette empreinte était «identique à celle de», et non «très probablement laissée par» sa chaussure droite. Selon l’auteur, la condamnation ne saurait reposer sur des suppositions et tout doute doit être interprété en faveur de l’accusé. Le rejet par la cour de ses requêtes tendant à obtenir d’autres examens médico-légaux et la convocation de témoins importants l’a privé de la possibilité de se défendre efficacement lui-même.

2.7L’auteur affirme en outre que, lorsque la cour a statué sur la gravité de la peine, elle a pris en considération sa précédente condamnation à une peine déjà purgée avant que la nouvelle condamnation ne soit prononcée (6 décembre 2002). En d’autres termes, la cour l’a jugé et puni une nouvelle fois pour une infraction pour laquelle il avait déjà été condamné.

2.8Le 8 janvier 2003, l’auteur s’est pourvu en cassation devant la Cour suprême, qui a confirmé la décision de la juridiction de première instance le 3 juin 2004. L’auteur a présenté une requête pour que soient examinés les moyens de preuve produits lors de la reconstitution des crimes (la vidéo) qui auraient pu établir qu’il avait avoué sa culpabilité sous la torture. Cette requête a été rejetée par la Cour. L’auteur conteste l’affirmation de celle-ci selon laquelle il ne se serait pas plaint d’avoir subi des tortures, ni auprès de son avocat ni lors de l’audience du 20 janvier 2002 au cours de laquelle le tribunal a décidé de sa mise en détention. Il conteste en outre l’affirmation de la cour selon laquelle l’examen médico-légal n’aurait permis de constater aucune lésion, en soutenant qu’un tel examen n’a jamais eu lieu. L’auteur fait aussi valoir que la Cour suprême s’est référée au témoignage d’une certaine Z., selon lequel lui-même et R. (son coaccusé) lui auraient rendu visite le 25 décembre 2001 et seraient partis à Moscou le 27 ou le 28 décembre 2001. Or, cette femme n’était pas présente au procès en première instance et son témoignage n’est pas visé dans la décision de la juridiction de première instance ce qui, de l’avis de l’auteur, confirme que la Cour a tenté de fabriquer des preuves à charge contre lui.

2.9Les recours de l’auteur en supervision (y compris aux fins de réexamen de son affaire en raison de faits nouvellement découverts) auprès du Bureau du Procureur de la région de Donetsk, du Bureau du Procureur général et de la Cour suprême ont été rejetés. La Cour constitutionnelle a elle aussi rejeté sa requête, se déclarant incompétente.

2.10En septembre 2004 et le 10 mai 2005, l’auteur a demandé à la cour d’appel régionale de Donetsk de lui fournir une copie du dossier pénal en vue de corroborer les griefs soumis au Comité en vertu du Pacte. Cette demande a été refusée par le juge et par un vice‑président de la cour d’appel régionale de Donetsk les 5 octobre 2004 et 1er juin 2005 respectivement, au motif qu’une telle pratique n’est pas prévue par le Code de procédure pénale. Le 14 avril 2008, l’auteur a formé contre ce refus un recours devant le tribunal de district de Sokalsky, qui l’a rejeté le 23 mai 2008 au motif que de telles questions relèvent de la procédure pénale, et non civile. Son autre recours, en date du 24 juin 2008, a été rejeté par la cour d’appel de la région de Lvov le 1er août 2008 pour avoir été présenté hors délai. Le 11 septembre 2008, l’auteur s’est pourvu en cassation devant la Cour suprême, affirmant qu’il avait respecté le délai légal mais que la cour n’avait pas correctement appliqué les règles de procédure civile concernant de tels recours. Le 30 octobre 2008, la Cour suprême a confirmé les décisions précédentes. L’auteur affirme donc que le refus de l’État partie de lui communiquer une copie de son dossier pénal constitue une violation du droit de recevoir des informations que lui garantit le paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte. L’auteur affirme aussi que l’administration du centre de détention provisoire (SIZO) no 6 d’Artemevka, ainsi que celle du centre no 5 de Donetsk, ont systématiquement entravé son droit d’adresser des plaintes aux ONG de défense des droits de l’homme en transmettant ces plaintes aux juridictions nationales ou en les lui retournant au motif que l’adresse des destinataires n’était pas dûment indiquée.

2.11À une date non précisée, l’auteur a été transféré au centre de détention provisoire (SIZO) no 5 de Donetsk. Il affirme que tous les détenus condamnés à la prison à vie et purgeant leur peine dans ce centre étaient régulièrement victimes de tabassages délibérés et privés de nourriture par l’administration. La nourriture servie à cette catégorie de détenus était toujours préparée au mépris de toute règle d’hygiène à partir d’ingrédients avariés. Des cadavres de souris, des mégots de cigarettes, des morceaux de verre et d’asphalte et des pierres étaient régulièrement trouvés dans la nourriture servie aux détenus. Le pain était fait dans le centre avec de la farine destinée à l’alimentation animale. L’argent envoyé aux détenus par leurs proches était automatiquement confisqué par l’administration pénitentiaire pour régler divers services, sans le consentement des détenus. La grève de la faim entamée en 2003 par les détenus en raison des conditions inhumaines de détention a été sévèrement réprimée par l’administration. Les détenus qui avaient tenté de porter plainte contre l’administration ont été soumis à un régime disciplinaire particulier comportant l’usage d’une camisole de force: le détenu était plaqué à terre par les agents de l’unité spéciale, et frappé à coups de matraque, de poing et de pied; on l’obligeait à revêtir une camisole de force qui lui maintenait les coudes à demi-pliés derrière le dos; il était ensuite projeté à terre de manière à ce que ses coudes heurtent le sol en béton, et de nouveau frappé, tabassé et bourré de coups de pied. Un médecin présent durant l’exécution de cette mesure disciplinaire aspergeait d’ammoniaque liquide le visage des détenus qui perdaient connaissance pour les faire revenir à eux. L’auteur soutient que lui-même a été soumis à ce régime disciplinaire le 25 juin 2003 avant d’être placé en cellule disciplinaire; il a été transféré dans une cellule normale dès le 27 juin 2003 en raison de problèmes de santé qui, selon lui, étaient le résultat des mauvais traitements.

2.12Le 31 juillet 2004, l’auteur a été transféré au centre pénitentiaire no 52 d’Enakievskaya où, avec d’autres détenus, il a été quotidiennement victime de tabassages et de traitements humiliants. Lorsqu’il s’est plaint auprès du service du procureur chargé des installations pénitentiaires, il a été «corrigé» par l’administration: contraint d’enfiler une camisole de force, il a été menotté, projeté sur le sol de béton; des agents lui ont ensuite sauté sur le ventre. À plusieurs reprises, l’auteur a été placé en cellule disciplinaire: assis sur un lit métallique, il avait les bras levés attachés par des menottes de part et d’autre de la colonne du lit, les mains dans le vide, tandis que ses jambes, entravées par des fers, étaient attachées de part et d’autre du cadre du lit. Il a été laissé dans cette position pendant des jours sans bouger, moyennant trois pauses de cinq minutes chacune durant la journée pour faire ses besoins, tandis que ses mains et ses jambes restaient attachées au cadre métallique du lit durant la nuit. Quelle que soit la saison, la température de la cellule était la même qu’à l’extérieur, et l’auteur était privé du droit d’obtenir des soins médicaux même lorsque son état était critique. Par suite de ce traitement et de l’absence de services médicaux, il a contracté durant l’exécution de sa peine de nombreuses maladies chroniques qui mettent sa vie en danger. La plainte relative aux conditions de détention que l’auteur a présentée au Bureau du Procureur de la région de Donetsk a été rejetée en juillet 2007. L’auteur affirme aussi que l’administration pénitentiaire l’aurait contraint à retirer de sa lettre initiale du 1er novembre 2007 tous les renseignements concernant son grief de violation de l’article 10 du Pacte, faute de quoi son courrier ne franchirait pas l’enceinte du centre de détention.

Teneur de la plainte

3.L’auteur soutient que son arrestation, son procès et les mauvais traitements qu’il a subis en détention constituent des violations de l’article 2 (par. 1, 3 a) et c)); de l’article 4 (par. 2); de l’article 7; de l’article 9 (par. 1); de l’article 10 (par. 1 et 3); de l’article 14 (par. 1, 3 b), d) et e), et 7); et de l’article 19 (par. 2) du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 9 juin 2009, l’État partie a communiqué ses observations sur la recevabilité et le fond de la communication. Il indique que le 6 décembre 2002 la cour d’appel de la région de Donetsk a reconnu l’auteur coupable de l’assassinat de deux personnes et de vol qualifié et l’a condamné à une peine d’emprisonnement à vie assortie de la confiscation de ses biens. Le 3 juin 2004, cette décision a été confirmée par la Cour suprême. La culpabilité de l’auteur a été dûment établie par les déclarations que lui-même a faites en tant que suspect, les déclarations faites par l’autre suspect, la confrontation entre les deux hommes, les témoignages des proches des victimes et les dépositions des témoins, le procès-verbal de la reconstitution des crimes et les conclusions des examens médico-légaux, ainsi que par d’autres moyens de preuve.

4.2Concernant le grief de l’auteur relatif à l’utilisation de méthodes d’enquête illégales, l’État partie indique que l’auteur et son coaccusé ont été interrogés durant l’instruction en présence de leurs avocats. Lors de la reconstitution des crimes (qui a été menée en présence de témoins ordinaires et d’un expert médico-légal), ils n’ont formulé aucun grief contre les fonctionnaires de police et ont fait des déclarations spontanées sur les circonstances des crimes qui ne pouvaient être connues que des personnes qui les avaient perpétrés. L’auteur a modifié plusieurs fois son témoignage, indiquant d’abord qu’il avait commis les deux meurtres avec l’assistance de son coaccusé, mais prétendant ensuite qu’il n’avait commis que l’un des meurtres dans le feu de la passion. L’auteur a été examiné par un médecin légiste le jour de son arrestation; aucune lésion corporelle n’a été constatée et il ne s’est nullement plaint de maltraitance. Des vérifications opérées par le Bureau du Procureur général à propos des allégations de l’auteur concernant la fabrication d’éléments de son dossier pénal ont abouti à la conclusion que ses allégations étaient sans fondement.

4.3La prétendue présence de l’auteur et de son coaccusé à Moscou au moment où les crimes ont été commis n’a pas non plus été confirmée. Durant les audiences, les deux hommes ont été incapables d’indiquer la date exacte de leur départ pour Moscou et le nom de l’hôtel où ils auraient prétendument séjourné, et ils ont fait des déclarations contradictoires à propos de leur voyage: le coaccusé, après avoir indiqué qu’ils avaient passé la nuit à la gare, a ensuite affirmé, à la suite des déclarations de l’auteur, qu’ils avaient passé la nuit à l’hôtel. En outre, un témoin, Mme P., a dit qu’elle avait vu l’auteur le jour où les crimes ont été commis (24 décembre 2001) à proximité du lieu des crimes.

4.4L’État partie affirme en outre que la base de données contenant des informations sur les personnes ayant franchi la frontière ukrainienne ne contient aucune information de ce type concernant l’auteur. En 2001, le franchissement par des ressortissants ukrainiens de la frontière nationale aux postes frontaliers de contrôle entre l’Ukraine et la Russie ne donnait lieu à aucun enregistrement. En vertu de la résolution no 57 du Conseil des ministres ukrainien du 27 janvier 1995 («relative à l’approbation des règles de franchissement des frontières nationales par les ressortissants ukrainiens») qui était en vigueur lorsque l’auteur prétend avoir franchi la frontière, le passage de la frontière par les ressortissants ukrainiens était attesté par l’apposition de tampons de sortie et d’entrée sur leur passeport.

4.5Concernant les dépositions écrites de S., K. et T., l’État partie soutient qu’elles auraient dû être envoyées au Bureau du Procureur. Si les témoignages, après vérification, paraissent crédibles, ils peuvent justifier la réouverture du procès de l’auteur en application de la procédure extraordinaire prévue au chapitre 32 du Code de procédure pénale («Réouverture d’affaires pénales fondée sur des faits nouvellement révélés»). L’État partie appelle aussi l’attention du Comité sur le fait que ces dépositions ont été écrites en 2007, soit près de six ans après la commission des crimes.

4.6L’auteur a eu la possibilité de prendre connaissance du contenu du dossier, et de prendre des notes à partir de celui-ci. Il peut déposer une requête pour consulter son dossier, mais la législation interne ne prévoit pas la communication des éléments du dossier ni d’une copie de ceux-ci. L’auteur peut aussi recourir aux services d’un avocat pour qu’il demande à prendre connaissance du dossier en son nom et prenne note des éléments qui lui sont nécessaires. Si l’auteur n’a pas les moyens de faire appel à un avocat en raison de difficultés financières, il peut s’adresser à une ONG pour obtenir gratuitement les services d’un défenseur.

4.7En ce qui concerne les conditions de détention, l’État partie indique que l’auteur a été transféré du centre de détention provisoire (SIZO) d’Artemsk à celui de Donetsk le 6 décembre 2002. Le 31 juillet 2004, il a été transféré au centre pénitentiaire no 52 d’Enakievskaya. Les vérifications effectuées par le Département d’État de l’exécution des peines n’ont pas établi l’existence de violations de la législation nationale, de mesures illégales ni de traitement partial ou inéquitable de l’auteur par le personnel pénitentiaire du SIZO de Donetsk ou du centre pénitentiaire d’Enakievskaya. Durant sa détention, l’auteur a commis neuf infractions au règlement pénitentiaire, pour lesquelles il a fait l’objet de mesures disciplinaires et a notamment été placé (six fois) en cellule disciplinaire. Il n’a jamais exercé de recours contre ces mesures disciplinaires en application de la procédure établie. Selon les éléments de l’enquête interne, le personnel du SIZO de Donetsk a eu recours à des moyens particuliers de contrainte sur l’auteur le 25 juin (matraque en caoutchouc, camisole de force) et le 24 décembre 2003 (camisole de force) en réaction à des violations du règlement pénitentiaire commises par lui. L’emploi de moyens particuliers de contrainte a été dûment consigné et était proportionné à la gravité des violations commises par l’auteur. L’auteur a ensuite été soumis à un examen médical qui a conclu qu’il n’avait pas besoin d’assistance médicale. L’État partie soutient aussi qu’aucune unité des forces spéciales ni d’aucun autre corps de maintien de l’ordre n’a été autorisée à pénétrer sur le territoire du SIZO de Donetsk en vue de s’opposer aux actions illicites commises par des détenus.

4.8L’État partie affirme par ailleurs qu’il est procédé quotidiennement à la désinfection des locaux du SIZO de Donetsk et du centre pénitentiaire d’Enakievskaya aux fins de prévention de la tuberculose et d’autres maladies. La situation sanitaire et épidémiologique est satisfaisante et il n’y a eu aucun épisode de maladies infectieuses, virales ou parasitaires. L’auteur a subi plusieurs fois des examens médicaux préventifs et a reçu un traitement approprié pour les troubles dont il souffrait (hémorroïdes chroniques, bronchite, gastrite chronique et personnalité émotionnellement labile).

4.9Toutes les lettres de l’auteur ont été transmises aux destinataires et il a reçu toutes les réponses à ses requêtes, contre signature. L’État partie soutient également que les personnes purgeant une peine d’emprisonnement à vie dans le centre pénitentiaire d’Enakievskaya ont à leur disposition les livres, revues et journaux de la bibliothèque du centre ou ceux que leur apportent leurs proches ou d’autres personnes. Ces détenus peuvent aussi regarder la télévision et ont droit à une heure de promenade chaque jour.

4.10Le 5 octobre 2005, le Bureau du Procureur de la région de Donetsk a reçu une plainte de la mère de l’auteur à propos des conditions de détention de son fils au centre pénitentiaire d’Enakievskaya, des menaces de violences physiques qu’il aurait reçues et des pressions psychologiques qu’il subirait. Ces allégations n’ont pas été confirmées lors des vérifications menées par le Bureau du Procureur de Gorlovka qui a décidé, le 18 octobre 2005, de ne pas engager d’action pénale. La mère de l’auteur a été informée de cette décision qui n’a fait l’objet d’aucun recours en application de la procédure établie.

4.11Le 6 octobre 2005, la mère de l’auteur a saisi le Bureau du Procureur de la région de Donetsk d’une autre plainte concernant la condamnation illégale de son fils et la nécessité d’assurer sa sécurité au centre pénitentiaire d’Enakievskaya. Après vérification de ses allégations, le Bureau du Procureur a conclu que celles-ci étaient infondées et a informé l’intéressée de cette conclusion le 20 octobre 2005.

4.12Le 25 septembre 2007, le Bureau du Procureur de la région de Donetsk a reçu la plainte de l’auteur concernant les conditions de détention et la situation médico-sanitaire au centre pénitentiaire d’Enakievskaya. Les mesures de vérification conduites conjointement avec des spécialistes du Département d’État de l’exécution des peines n’ont permis de constater aucune des violations des droits constitutionnels alléguées par l’auteur dans sa plainte, ce dont l’auteur a été informé le 25 octobre 2007.

4.13L’État partie affirme également que l’auteur a soumis une requête à la Cour européenne des droits de l’homme. Au 29 mai 2009, la requête de l’auteur n’avait pas été communiquée à l’État partie.

Commentaires de l’auteur sur la recevabilité et le fond

5.1Dans les commentaires qu’il a communiqués le 1er septembre 2009, l’auteur rejette les observations de l’État partie, prétendant qu’elles sont fausses et visent des faits et des éléments de preuve fabriqués par les autorités. Il reprend ses précédents griefs et affirme que l’État partie n’a communiqué aucune information propre à réfuter ses allégations bien étayées au titre de l’article 14 du Pacte.

5.2L’auteur affirme que les informations fournies par l’État partie à propos de l’utilisation de méthodes d’enquête illégales ont été inventées. La présence d’avocats commis par l’État lors des interrogatoires ne saurait être considérée comme une garantie du respect des droits des accusés, vu que ces avocats ne s’acquittent pas de leurs responsabilités. Cette «caste» est constituée exclusivement d’«avocats sans causes» dont la plupart sont d’anciens employés du Bureau du Procureur ou d’anciens policiers.

5.3L’auteur conteste l’affirmation de l’État partie selon laquelle il aurait témoigné sur les circonstances des crimes qui ne pouvaient être connues que des individus ayant perpétré ces crimes, en prétendant que ces circonstances étaient connues des fonctionnaires de police présents sur le lieu des crimes, lesquels ont contraint les coaccusés à rédiger des déclarations «fiables» sous leur dictée. Ils les ont aussi conduits sur le lieu des crimes où ils ont été contraints de suivre les instructions de la police et de lire à haute voix leurs «aveux». L’auteur n’a fait aucune déclaration spontanée, puisqu’il n’a pas commis ces crimes et qu’il avait un alibi qui aurait pu être aisément vérifié. Les aveux ont été extorqués sous la torture. L’auteur conteste les conclusions de l’examen médico-légal certifiant l’absence de lésions, en affirmant que l’expert médical a refusé de l’écouter et ne lui a pas demandé de se dévêtir pour procéder à un examen sérieux. Selon lui, il aurait été maintenu en détention provisoire pendant trente jours et soumis quotidiennement à des tabassages et actes de torture. L’examen médical n’ayant été pratiqué qu’une seule fois, il ne saurait être considéré comme concluant.

5.4L’auteur affirme en outre que le recours systématique et généralisé à la torture en Ukraine est attesté par un grand nombre de publications, d’arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et de rapports d’organisations de défense des droits de l’homme − ces informations confirmant indirectement ses griefs de torture. Il réfute l’affirmation de l’État partie selon laquelle ses allégations ont fait l’objet de vérifications du Bureau du Procureur et n’ont pas été confirmées, en soutenant qu’elles ont été rejetées sans être dûment examinées.

5.5Quant à l’alibi, l’auteur n’a pu se remémorer exactement le numéro du train ni la date exacte de son départ pour Moscou en raison du temps écoulé. Vu qu’il n’y a que deux trains par semaine à destination de Moscou, cet élément aurait pu être aisément vérifié par l’enquête. En outre, le séjour des deux hommes en Fédération de Russie a été consigné par les autorités de l’immigration, ainsi que dans le registre de l’hôtel dont il a donné une description à l’équipe chargée de l’enquête.

5.6L’auteur soutient que le témoin, Mme P., est un faux témoin (voir par. 2.5 ci-dessus) qui a fait des déclarations contradictoires et a inventé des faits qui ne correspondent pas à la réalité, en affirmant par exemple avoir vu l’auteur sur le lieu des crimes.

5.7L’auteur relève les informations communiquées par l’État partie selon lesquelles à l’époque de son départ pour Moscou (en 2001), le franchissement de la frontière par les ressortissants ukrainiens donnait lieu à l’apposition de tampons de sortie et d’entrée sur leur passeport. Or, l’État partie ne dit rien quant à la présence ou l’absence de tels tampons sur son passeport. L’auteur rappelle aussi que son passeport a «disparu» de son dossier au cours de l’instruction.

5.8L’auteur affirme avoir envoyé les déclarations de S., K. et T. aux organes chargés de l’enquête et au Bureau du Procureur à plusieurs reprises. Il les a transmises au Bureau du Procureur en 2004, mais n’a reçu aucune réponse.

5.9L’auteur soutient qu’il n’est nullement intéressé par la consultation de son dossier pénal s’il ne s’agit que d’en prendre connaissance. Il a par contre demandé à obtenir copie de son dossier pénal, ce à quoi il a droit en vertu de l’article 32 de la Constitution, des articles 23 à 32 de la loi sur l’information, ainsi que du paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte. Le refus de l’État partie de lui donner copie du dossier vise à faire obstacle à l’établissement de la vérité en l’espèce et constitue une violation du paragraphe 2 de l’article 19 et du paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte.

5.10L’auteur réaffirme ses griefs au titre de l’article 10 du Pacte en ce qui concerne les conditions inhumaines de détention et les mauvais traitements qui, à son avis, ne sont pas contestés par l’État partie. Il reconnaît en outre avoir soumis une requête à la Cour européenne des droits de l’homme en 2004 sur un autre sujet. En 2006, sa requête a été déclarée irrecevable par un comité de trois juges pour non-respect des règles de procédure.

5.11En conclusion, l’auteur prie le Comité de ne pas tenir compte des observations de l’État partie, qui sont dépourvues de fondement, fabriquées et mensongères.

5.12Le 30 septembre 2009, l’auteur a communiqué une copie d’un article de presse concernant les mauvais traitements infligés aux détenus dans le centre de détention de Vinnitsa, à titre de preuve indirecte de l’usage systématique et généralisé de la torture dans les lieux de détention en Ukraine.

5.13Le 10 août 2011, l’auteur a communiqué des commentaires additionnels, en soutenant que l’examen psychiatrique médico-légal du 27 février 2002 aurait été fabriqué, un tel examen n’ayant jamais eu lieu. L’examen en question vise ses prétendus troubles mentaux et comportement antisocial qui auraient été constatés à l’hôpital psychiatrique de Gorlovka en 1993. L’auteur explique qu’en 1993, il a été tabassé par des fonctionnaires de police parce qu’il refusait de rédiger des aveux pour un autre crime. Afin de dissimuler les coups qu’ils lui avaient portés, les fonctionnaires de police l’ont fait interner à l’hôpital psychiatrique en affirmant qu’il s’était lui-même infligé des blessures dans un accès de folie. Il est sorti de l’hôpital après avoir refusé tout traitement, mais les médecins ont illégalement consigné sa prétendue maladie mentale dans son carnet de santé. L’auteur prétend en outre que l’examen psychiatrique médico-légal de 2002 a été fabriqué (il ne l’a jamais signé) dans le but de donner de lui une image négative au tribunal; pour étayer son affirmation, il produit une lettre d’un codétenu ainsi que le rapport d’examen psychiatrique médico-légal de ce dernier. Selon lui, les conclusions des examens sont identiques, tout comme les termes employés dans ces documents, ce qui confirmerait qu’ils ont été fabriqués.

Observations complémentaires de l’État partie

6.1Le 28 novembre 2011, l’État partie a fait part au Comité de nouvelles observations, en soutenant que l’auteur et son coaccusé ne s’étaient jamais plaints de l’utilisation de méthodes illégales d’interrogatoire lors de l’instruction, des interrogatoires menés en présence de l’avocat, de leur confrontation, de la reconstitution des crimes ou de l’audience du tribunal du 20 janvier 2002. Aucune plainte à cet égard n’avait jamais été non plus reçue de l’avocat.

6.2Bien que l’auteur affirme avoir épuisé tous les recours internes pour ce qui est de la violation alléguée de l’article 7, l’État partie dit qu’il n’a jamais exercé de recours contre le refus du Bureau du Procureur d’engager des poursuites pénales, comme l’y autorisait l’article 12 de la loi sur le Bureau du Procureur et l’article 99 du Code de procédure pénale. Les griefs de l’auteur au titre de l’article 7 devraient donc être déclarés irrecevables faute d’épuisement des recours internes, conformément au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

6.3Quant au grief de l’auteur au titre du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte, à savoir que l’appréciation des éléments de preuve par les juridictions nationales en l’espèce aurait été arbitraire et constitutive d’un déni de justice et que la cour aurait établi sa culpabilité en se fondant exclusivement sur les conclusions imprécises d’examens médico-légaux, l’État partie soutient qu’en vertu de l’article 323 du Code de procédure pénale, le tribunal évalue les moyens de preuve selon son intime conviction, en se fondant sur un examen minutieux, complet et objectif de l’ensemble des circonstances d’espèce et sur les dispositions légales. Les déclarations de l’accusé, y compris s’il plaide coupable, doivent faire l’objet de vérifications. Une condamnation ne peut être fondée sur des aveux que si ceux-ci sont corroborés par des preuves concordantes. L’État partie affirme que, comme cela ressort des éléments du dossier pénal ainsi que des décisions juridictionnelles adoptées dans le cas de l’auteur, les juridictions se sont conformées à ces normes et ont évalué la totalité des éléments de preuve et des circonstances d’espèce. Ainsi, la culpabilité de l’auteur a été pleinement établie par la cour d’appel de la région de Donetsk (verdict du 6 décembre 2002) et confirmée par la Cour suprême (arrêt du 3 juin 2004), qui se sont fondées non seulement sur son propre témoignage, mais aussi sur la confrontation avec son coaccusé, les déclarations faites par ce dernier, les dépositions des témoins, le procès-verbal de reconstitution des crimes, les conclusions des examens médico-légaux, ainsi que d’autres éléments de preuve. Dès lors, les griefs de l’auteur au titre du paragraphe 1 de l’article 14 sont dépourvus de fondement.

6.4En réponse à l’affirmation de l’auteur selon laquelle l’examen psychiatrique médico‑légal du 27 février 2002 aurait été fabriqué, l’État partie soutient qu’il a été procédé à l’examen en cause conformément à la «Procédure prévue pour conduire un examen psychiatrique médico-légal», approuvée par l’ordonnance no 397 du Ministère de la santé en date du 9 octobre 2001. Conformément à la législation nationale, la signature de la personne soumise à l’examen n’est pas requise. L’absence de signature de l’auteur sur le document ne prouve donc pas que celui-ci ait été fabriqué.

Commentaires supplémentaires de l’auteur

7.1Dans une lettre datée du 3 janvier 2012, l’auteur conteste les arguments avancés par l’État partie dans ses observations. Il affirme s’être plaint à plusieurs reprises de l’utilisation de méthodes illégales d’interrogatoire et des pressions exercées par les fonctionnaires de police devant les tribunaux, ainsi que lors de l’instruction. Ses plaintes auraient cependant été «écartées» par les agents chargés de l’enquête. Lui et son coaccusé auraient également soulevé cette question lors de leur confrontation, mais leurs plaintes n’ont pas été dûment consignées. L’auteur soutient par ailleurs qu’il a épuisé tous les recours internes et affirme que tout autre recours aurait été inefficace, l’État partie n’ayant pas indiqué que ce type de recours exercé devant un tribunal contre la décision du Bureau du Procureur par un individu condamné pour homicide aurait de fait conduit à l’annulation de la peine et à la libération de l’intéressé. Le refus du Bureau du Procureur et de la Cour suprême de réexaminer les décisions illégales adoptées par les juridictions nationales confirme que de telles procédures de recours excèdent des délais raisonnables et que, partant, sa communication est recevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

7.2Pour ce qui est des arguments de l’État partie relatifs au paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte, l’auteur affirme qu’en vertu de l’article 62 de la Constitution, une condamnation ne saurait être fondée sur des preuves obtenues illégalement ou sur des suppositions. C’est pourquoi toute référence à l’article 323 du Code de procédure pénale et à l’«intime conviction» du tribunal est illicite. Le principe énoncé à l’article 62 de la Constitution a été confirmé dans la décision de la Cour constitutionnelle no 1-31/2011 du 20 octobre 2011. Par ailleurs, le tribunal de district de Pechersk (Kiev) a confirmé dans un jugement rendu le 11 octobre 2011 que seuls les examens médico-légaux dont les conclusions sont formulées en termes catégoriques peuvent être utilisés comme moyens de preuve.

7.3L’auteur rappelle que les déclarations de son coaccusé auxquelles se réfère l’État partie lui ont été extorquées sous la torture, ce qui l’a conduit à s’accuser lui-même et à impliquer l’auteur dans la commission des crimes.

7.4Pour ce qui est de l’examen psychiatrique médico-légal, l’auteur reprend ses précédents griefs et se réfère à un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme qui, selon lui, confirmerait la pratique consistant pour les autorités à soumettre illégalement des personnes à une évaluation psychiatrique. Il rappelle qu’il n’a jamais consenti à cet examen, ce qui est attesté par l’absence de sa signature sur le document.

7.5L’auteur prie le Comité de ne pas tenir compte des observations de l’État partie qui seraient mensongères, anonymes et représenteraient un abus du droit de soumettre de telles observations. Il convient au contraire de prendre dûment en considération les allégations de l’auteur et l’ensemble des preuves documentaires produites.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.3Le Comité prend note des griefs de l’auteur au titre de l’article 7 et du paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte concernant les conditions inhumaines de détention ainsi que les violences physiques et pressions psychologiques auxquelles il aurait été soumis en purgeant sa peine au centre pénitentiaire d’Enakievskaya. Le Comité note les arguments de l’État partie, qui fait valoir que le Bureau du Procureur de Gorlovka a conclu, à l’issue de l’enquête qu’il avait menée, que les allégations de l’auteur à cet égard étaient dépourvues de fondement et que, le 18 octobre 2005, il a refusé d’engager une action pénale faute de preuves, décision qui n’a jamais été contestée par l’auteur. D’autres vérifications menées par le Bureau du Procureur en 2005 et en 2007 à la suite des plaintes de l’auteur concernant ses conditions inhumaines de détention ont aussi établi que ses allégations étaient infondées, et l’auteur n’a exercé aucun recours contre l’une ou l’autre de ces décisions en vertu de la procédure établie par le droit interne. L’État partie conteste ainsi la recevabilité de ces griefs au motif que les recours internes n’ont pas été épuisés. À la lumière de l’argumentation de l’État partie et vu que l’auteur n’a pas invoqué l’inefficacité des procédures de recours en cause, le Comité déclare cette partie de la communication irrecevable faute d’épuisement des recours internes, conformément au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

8.4Le Comité prend note du grief tiré par l’auteur du paragraphe 3 b) et d) de l’article 14 du Pacte, au motif qu’il n’aurait pas été autorisé à engager un avocat de son choix, que l’avocat ne l’aurait pas défendu correctement et aurait agi contrairement à ses intérêts en aidant l’accusation à fabriquer des moyens de preuve à charge, et qu’il n’aurait pas été autorisé à prendre connaissance du dossier mais aurait signé un document indiquant le contraire, sous la menace de tortures. Le Comité relève, à partir des documents dont il est saisi, que l’auteur ne semble pas avoir soulevé, à un stade quelconque de la procédure interne, le fait de n’avoir pas été correctement représenté en justice ni le comportement inapproprié de l’avocat, et qu’il n’a jamais demandé le remplacement de son avocat ni tiré grief de n’avoir pas été informé du contenu du dossier. Le Comité déclare donc cette partie de la communication irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, pour non-épuisement des voies de recours internes.

8.5Concernant le grief de violation des paragraphes 1 et 3 a) et c) de l’article 2, le Comité, renvoyant à sa jurisprudence, rappelle que les dispositions de l’article 2 du Pacte, qui énoncent des obligations générales à l’intention des États parties, ne peuvent pas être invoquées isolément dans une communication soumise en vertu du Protocole facultatif. En conséquence, le Comité estime que les prétentions de l’auteur à cet égard sont irrecevables au titre de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.6L’auteur n’ayant communiqué aucune information pour étayer ses griefs au titre du paragraphe 2 de l’article 4 et du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte, le Comité conclut que ces griefs sont insuffisamment étayés, aux fins de la recevabilité, et les déclare irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.7Le Comité prend note du grief de l’auteur au titre de l’article 7 selon lequel, après son arrestation, on l’aurait soumis à la torture pour obtenir des aveux. L’État partie réfute ces allégations, en soutenant que l’auteur a été interrogé en présence de son avocat et a fait des déclarations spontanées sur les circonstances du crime, que plusieurs mesures d’enquête ont été menées en présence de son avocat, d’un expert médico-légal et de témoins ordinaires et que ni l’auteur ni son avocat ne se sont plaints de mauvais traitements au cours de l’instruction. Ces arguments sont contestés par l’auteur, qui affirme que ses plaintes à cet égard ont été «écartées» par les agents chargés de l’enquête et que son avocat a feint de les ignorer.

8.8Le Comité relève que le grief de l’auteur au titre de l’article 7 est intimement lié à la qualité des services qu’il a reçus de son avocat commis d’office, compte tenu des ses affirmations sur la prétendue coopération de son avocat avec l’accusation et son refus de présenter toute plainte en son nom, notamment à propos des mauvais traitements au cours de l’instruction. À cet égard, le Comité a déjà constaté qu’aucun des documents dont il est saisi n’indique que l’auteur se serait plaint de la qualité des services de son avocat ni du comportement inapproprié de celui-ci ou qu’il aurait demandé à changer d’avocat à un stade quelconque de la procédure interne (voir par. 8.4). Le Comité constate que l’auteur n’a pas soulevé ces griefs durant la procédure interne, compte tenu spécialement de son argument selon lequel la présence d’avocats commis par l’État lors des interrogatoires ne saurait être considérée comme une garantie de respect des droits des accusés (voir par. 5.2).

8.9Le Comité relève en outre l’argument de l’État partie, qui affirme qu’un examen médico-légal n’a révélé aucune lésion corporelle ni lors de l’arrestation de l’auteur ni le 4 février 2002 (soit dix-huit jours après son arrestation). Il constate que l’auteur a donné des renseignements contradictoires à propos de l’examen médical en cause, en affirmant d’abord qu’un tel examen n’avait jamais eu lieu (voir par. 2.8 ci-dessus), avant de déclarer que l’expert médical ne lui avait pas demandé de se dévêtir pour procéder à un examen sérieux et avait refusé d’écouter ses griefs (voir par. 5.3 ci-dessus). Le Comité constate également que les allégations de l’auteur ont été examinées tant par la juridiction du fond que par la Cour de cassation et ont été jugées dépourvues de fondement (voir note 5 ci‑dessus). Compte tenu de ces incohérences et en l’absence de tout élément de preuve factuel à l’appui de ses allégations au titre de l’article 7, le Comité ne peut pas conclure que l’auteur a suffisamment étayé ce grief aux fins de la recevabilité de sa communication, et le déclare donc irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.10Le Comité prend note en outre des griefs de l’auteur au titre des paragraphes 1 et 3 e) de l’article 14 du Pacte, selon lesquels la cour aurait fondé sa condamnation sur les aveux faits durant l’instruction qu’il aurait ensuite rétractés à l’audience, son alibi n’aurait pas été dûment pris en considération et vérifié, les conclusions des examens médico-légaux n’auraient pas été concluantes, ses demandes tendant à faire examiner par un expert les moyens de preuve fabriqués auraient été rejetées et la cour aurait refusé de convoquer et d’interroger à l’audience le principal témoin à charge et n’aurait pas tenu compte des contradictions de son témoignage.

8.11Concernant le grief de l’auteur selon lequel la cour aurait fondé sa condamnation sur ses aveux, le Comité note que la cour a établi la culpabilité de l’auteur sur la base, non seulement de son propre témoignage, mais aussi de la confrontation avec son coaccusé, des déclarations de ce dernier, des dépositions des témoins, du procès-verbal de reconstitution des crimes, des conclusions des examens médico-légaux, ainsi que d’autres éléments de preuve (voir par. 4.1, 4.2 et 6.3). Dès lors, le Comité considère le grief de l’auteur comme étant insuffisamment étayé et donc irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.12Pour ce qui est des autres griefs de l’auteur au titre des paragraphes 1 et 3 e) de l’article 14, le Comité relève qu’ils ont trait principalement à l’appréciation des faits et des éléments de preuve par les juridictions de l’État partie, et il renvoie à sa jurisprudence à cet égard, rappelant qu’il appartient généralement aux juridictions internes compétentes d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans un cas d’espèce, sauf s’il peut être établi que cette appréciation a été manifestement arbitraire ou a représenté un déni de justice. Le Comité considère que les documents dont il est saisi ne permettent pas de penser que les juridictions ont agi de manière arbitraire en évaluant les faits et les éléments de preuve dans le cas de l’auteur ni que les procédures ont été entachées d’irrégularités et ont représenté un déni de justice. Le Comité conclut donc que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ses griefs au titre des paragraphes 1 et 3 e) de l’article 14 du Pacte, et que cette partie de la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.13Pour ce qui est du grief de l’auteur au titre du paragraphe 7 de l’article 14 du Pacte, selon lequel la cour, en tenant compte de sa précédente condamnation, l’aurait jugé et puni de nouveau pour une infraction pour laquelle il avait déjà été condamné, le Comité relève que l’auteur n’a pas communiqué d’information à propos de sa précédente condamnation ni expliqué en quoi cela affectait la gravité de sa peine. En conséquence, le Comité considère ce grief comme étant insuffisamment étayé et donc irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.14L’auteur invoque aussi une violation de ses droits au titre du paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte en raison du refus des autorités de lui communiquer une copie de son dossier pénal. Le Comité note à cet égard l’argument de l’État partie selon lequel une telle pratique n’est pas prévue par la législation interne. Il note en outre l’argument de l’État partie selon lequel l’auteur a la possibilité de demander à prendre connaissance du contenu de son dossier ou d’autoriser un avocat à le faire en son nom. Le Comité relève aussi que l’auteur n’a jamais affirmé à l’audience que son droit de prendre connaissance du contenu de son dossier aurait été violé (voir par. 8.4 ci-dessus). Dans ces conditions, le Comité considère que l’auteur n’a pas étayé le grief d’atteinte à son droit d’obtenir des informations, et déclare donc ce grief irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif, faute d’avoir été suffisamment étayé.

9.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur de la communication.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

G.Communication no 1840/2008, X. J. c. Pays-Bas(Décision adoptée le 23 juillet 2012, 105e session)*

P résentée par:

X. J. (représentée par un conseil, M. A. Collet)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Pays-Bas

Date de la communication:

8 septembre 2008 (date de la lettre initiale)

Objet:

Demande d’asile d’une mineure non accompagnée

Questions de procédure:

Non-épuisement des recours internes; griefs non étayés; irrecevabilité ratione materiae

Questions de fond:

Immixtion arbitraire dans la famille; protection de l’enfance

Articles du Pacte:

17 et 24

Articles du Protocole facultatif:

1er, 2 et 5 (par. 2 b))

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 23 juillet 2012,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.1L’auteur de la communication, datée du 8 septembre 2008, est X. J., de nationalité chinoise, née le 2 octobre 1986. Elle se déclare victime de violations par les Pays-Bas des articles 17 et 24 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Elle est représentée par un conseil, M. A. Collet.

1.2Le 1er avril 2009, le Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, agissant au nom du Comité, a rejeté la demande de l’État partie qui souhaitait que la recevabilité de la communication soit examinée séparément du fond.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur a perdu ses parents à l’âge de 3 ans. Elle a alors vécu avec sa grand-mère. À la mort de sa grand-mère, l’un de ses oncles s’est occupé d’elle. La grand-mère et les parents de l’auteur étaient des militants politiques. Après leur décès, l’auteur a reçu des avertissements des autorités locales lui conseillant de ne pas suivre la même voie. Les habitants de son village ont aussi fait pression sur elle. En 1999, l’oncle de l’auteur a pris des dispositions pour qu’elle soit conduite aux Pays-Bas.

2.2L’auteur est arrivée sur le territoire des Pays-Bas en 1999, à l’âge de 13 ans. Elle a vécu avec un homme pendant deux ans avant de parvenir à s’échapper en 2001. C’est alors qu’elle a introduit une demande d’asile.

2.3En novembre 2001, l’auteur a introduit une demande d’asile, qui a été rejetée le 12 décembre 2001. Elle a formé un recours, qui a été rejeté par le tribunal de district de La Haye le 24 janvier 2002 pour ce qui concernait la demande d’asile; dans la même décision, le tribunal renvoyait la demande de permis de séjour pour mineur non accompagné, pour décision, aux autorités de l’immigration, étant entendu qu’il ne serait pas demandé à l’auteur de quitter le territoire des Pays-Bas tant que sa demande serait en cours d’examen. Cette demande a également été rejetée, en date du 27 février 2007. Dans une décision du 21 novembre 2007, le tribunal de district de La Haye, siégeant à Bois-le-Duc, a rejeté l’appel. Le 11 décembre 2007, l’auteur a formé un recours contre cette décision. Le 11 mars 2008, la Division administrative du Conseil d’État a confirmé la décision du Tribunal, les voies de recours internes étant ainsi épuisées.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que l’État partie a violé les droits qu’elle tient de l’article 17 du Pacte parce qu’elle vit aux Pays-Bas depuis l’âge de 13 ans et qu’elle a fait tout pour s’intégrer dans la société néerlandaise. Elle a été prise en charge par une institution néerlandaise de protection de la jeunesse (NIDOS) et, à l’époque où la communication a été présentée, elle vivait dans un foyer protégé. Elle a appris le néerlandais et s’est fait un réseau d’amis avec qui elle s’entend bien. Se référant à la jurisprudence du Comité dans l’affaire Winatac.Australie, elle indique que, comme elle vit aux Pays-Bas depuis l’âge de 13 ans, elle y a fait sa vie et s’y sent en sécurité. Par conséquent, elle invoque une violation du droit au respect de la vie privée et de la vie de famille.

3.2L’auteur ajoute qu’elle a été victime de violations de l’article 24 du Pacte. Elle fait valoir que l’Office de l’immigration n’a pas tenu compte du fait qu’elle n’avait que 15 ans lorsqu’elle a déposé sa demande d’asile et qu’elle a été traitée comme un demandeur d’asile adulte. Elle considère que l’État partie n’a pas respecté le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, et renvoie à la jurisprudence du Comité et aux articles 3 et 20 de la Convention relative aux droits de l’enfant.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans une note du 10 février 2009, l’État partie conteste la recevabilité de la communication en faisant valoir que les recours internes n’ont pas été épuisés, que les griefs ne sont pas étayés et que la communication est irrecevable ratione materiae. Il objecte que l’auteur n’a pas soulevé devant les tribunaux nationaux les questions concernant le respect de l’article 17 du Pacte, de sorte qu’ils n’ont pas eu la possibilité de répondre à ce grief. Il affirme donc que cette partie de la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

4.2L’auteur a suivi la procédure néerlandaise de demande d’un permis de séjour au titre de l’asile. Compte tenu de l’âge qu’elle avait à l’époque, les autorités ont examiné si elle ne pouvait pas bénéficier d’un permis de séjour ordinaire, dit «permis de séjour pour demandeur d’asile mineur non accompagné». Dans le cadre des procédures internes l’examen de son cas a visé principalement à déterminer si l’auteur avait besoin d’être protégée au titre de la loi sur l’asile ou en raison de son statut de mineur. Si toutefois l’auteur estimait qu’elle remplissait les conditions requises pour obtenir un permis de séjour en raison de la vie de famille qu’elle s’était construite aux Pays-Bas, elle aurait pu demander un permis de séjour ordinaire pour raisons spéciales, selon les dispositions du paragraphe 3 de l’article 3.4 du décret de 2000 sur les étrangers. Comme elle ne l’a pas fait, elle n’a pas épuisé les voies de recours internes.

4.3En ce qui concerne la référence à la jurisprudence du Comité dans l’affaire Winata c. Australie, l’État partie considère que les deux situations ne sont pas comparables. Dans l’affaire Winata il s’agissait d’un enfant qui avait passé toute son enfance en Australie et n’avait que peu ou pas de liens avec le pays d’origine de ses parents et l’expulsion des parents aurait constitué une immixtion illégale dans le droit au respect de la vie de famille. Dans la présente affaire, l’auteur a vécu en Chine, son pays d’origine, jusqu’à l’âge de 13 ans. Elle parle donc le chinois et connaît la culture et la société chinoises.

4.4Étant donné que l’auteur n’a pas expliqué la nature de sa vie de famille aux Pays‑Bas, cette partie de la communication devrait aussi être considérée comme insuffisamment étayée au titre de l’article 2 du Protocole facultatif. Il est clair que l’auteur n’a pas de famille aux Pays-Bas. La vie de famille qu’elle a décrite, sans donner plus de détails, consiste en un vaste réseau d’amis avec lesquels elle s’entend bien.

4.5L’État partie considère aussi que les griefs tirés de l’article 24 du Pacte devraient être considérés comme irrecevables, pour non-épuisement des recours internes, puisque la seule démarche de l’auteur a été de contester le résultat de l’examen visant à déterminer si elle pouvait prétendre à un permis de séjour ordinaire, dit «permis de séjour pour demandeur d’asile mineur non accompagné». Elle n’a pas engagé d’action contre le rejet de la demande d’asile elle-même. L’État partie note aussi que la violation de l’article 24 a été avancée pour la première fois dans les motifs de la demande de réexamen judiciaire déposée le 18 avril 2007. L’auteur avait 20 ans à l’époque. Compte tenu de son âge et sachant qu’elle était adulte lorsque les recours internes ont été épuisés, l’invocation de cette disposition est sans fondement.

4.6L’État partie affirme que les griefs tirés des articles 3 et 20 de la Convention relative aux droits de l’enfant sont irrecevables en vertu de l’article premier du Protocole facultatif parce qu’ils concernent des violations de droits consacrés non pas par le Pacte mais par la Convention relative aux droits de l’enfant.

4.7En date du 10 juin 2009, l’État partie a présenté ses observations sur le fond, tout en soulignant qu’il maintenait et réaffirmait ses observations sur la recevabilité. Il fait valoir que les demandes d’asile de mineurs non accompagnés sont évaluées attentivement. De plus, des garanties additionnelles sont appliquées pendant les entretiens en raison de l’âge du mineur. En règle générale, l’intérêt supérieur de l’enfant exige le rétablissement des relations avec les parents, la famille ou le milieu. L’État partie ajoute que lorsqu’une demande d’asile faite par un mineur non accompagné est rejetée, le Secrétaire d’État mène systématiquement une enquête pour déterminer si le retour du mineur dans son pays d’origine ou dans un autre pays est envisageable et raisonnable. S’il est établi qu’aucune des deux options n’est possible, le demandeur d’asile mineur peut recevoir un permis de séjour ordinaire, le «permis de séjour pour étranger mineur non accompagné».

4.8En ce qui concerne les conditions appropriées de prise en charge et de protection du mineur dans le pays de renvoi, l’État partie les définit comme ne différant pas fondamentalement des conditions accordées aux demandeurs d’asile qui se trouvent dans une situation comparable. Le placement dans une institution privée ou publique peut être considéré comme adéquat si la prise en charge qui y est assurée est jugée acceptable au regard des normes locales.

4.9À moins que le motif pour lequel un étranger souhaite rester aux Pays-Bas ne soit lié à la situation dans son pays d’origine de sorte que, de l’avis du Secrétaire d’État, pour apprécier correctement la situation il faut qu’une demande d’asile soit déposée, un permis de séjour peut être délivré en vertu du paragraphe 3 de l’article 3.4 du décret relatif aux étrangers, mais sous réserve d’une restriction autre que celles qui sont énumérées dans cet article. Autrement dit, le permis de séjour sera accordé en raison de l’existence de circonstances personnelles exceptionnelles. L’étranger qui estime que du fait d’une circonstance personnelle exceptionnelle il peut avoir droit à un permis de séjour en vertu du droit à la vie de famille, peut faire une demande de permis de séjour. Un tel permis ne peut être délivré que si l’intéressé a fait une demande au titre de l’article 3.4 du décret relatif aux étrangers, lu conjointement avec l’article 3.6.

4.10En ce qui concerne la présente affaire, l’État partie souligne d’abord que les déclarations de l’auteur au Comité sur les circonstances dans lesquelles elle a quitté la Chine et la date de son arrivée aux Pays-Bas ne concordent pas avec la version qu’elle a donnée aux autorités nationales. L’auteur n’avait pas signalé qu’elle était arrivée aux Pays‑Bas en 1999 et qu’elle avait été retenue par un homme pendant deux ans avant d’arriver à s’échapper et à déposer sa demande d’asile.

4.11L’État partie rappelle que, dans le cadre de la procédure d’asile, le premier entretien a eu lieu le 11 décembre 2011. Le 12 décembre, l’auteur a eu l’occasion de faire des commentaires sur sa demande d’asile. Un rapport écrit a été établi pour chacun de ces entretiens, durant lesquels elle a été assistée par un interprète qui parlait le mandarin. Dans une lettre en date du 12 décembre 2001, l’auteur a utilisé la possibilité qui lui était offerte d’apporter des modifications ou des précisions aux rapports. Le 12 décembre 2001, l’intention de rejeter la demande de permis de séjour au titre de l’asile et de refuser le «permis de séjour pour étranger mineur non accompagné» a été notifiée par écrit. L’auteur a eu l’occasion d’exprimer son point de vue sur les décisions prises, ce qu’elle a fait le jour même. Par décision du 12 décembre 2001, la demande de l’auteur a été rejetée et il a été décidé de ne pas lui délivrer le «permis de séjour pour étranger mineur non accompagné».

4.12L’auteur a introduit auprès du tribunal de district une demande de réexamen de cette décision, qui a été transmise au Secrétaire d’État par lettre, le 24 janvier 2002, afin qu’elle soit traitée en tant qu’«objection», requête de droit administratif visant le réexamen d’une décision. Le tribunal de district a déclaré qu’il n’était pas compétent pour connaître de la demande de réexamen parce que l’auteur n’avait présenté aucun argument pour contester la décision de lui refuser un permis de séjour temporaire. Par décision du 27 février 2007, l’objection a été déclarée dénuée de fondement. Quant à la demande de réexamen judiciaire, elle a été déclarée dénuée de fondement par le tribunal de district de La Haye, siégeant à Bois-le-Duc, dans sa décision du 21 novembre 2007. Le 11 décembre 2007, l’auteur a fait appel de la décision du tribunal de district auprès de la Division de la juridiction administrative du Conseil d’État, recours qui a été déclaré dénué de fondement par décision du 11 mars 2008. Au moment où l’État partie a rédigé ses observations, l’auteur n’avait présenté aucune demande de permis de séjour au motif de circonstances personnelles exceptionnelles. Elle n’avait pas non plus demandé un autre type de permis de séjour ordinaire.

4.13En ce qui concerne les griefs tirés de l’article 17 du Pacte, l’État partie note que tous les types de relations interpersonnelles entrant dans le champ de la définition de la «famille» se fondent sur les traditions culturelles des États qui sont parties au Pacte, comme le mentionne le Comité dans son Observation générale no 16 relative à l’article 17 du Pacte. Une amitié intime sans liens de sang ni cohabitation ne peut pas être considérée comme un lien familial au regard des normes néerlandaises, ni d’ailleurs au regard des normes de la Chine, pays où la notion de famille est beaucoup plus large qu’elle ne l’est en Europe. L’État partie est d’avis qu’il n’y a pas de vie de famille dans la présente affaire et que par conséquent il n’y a pas d’atteinte au droit à la vie de famille.

4.14L’auteur a vécu en Chine jusqu’à l’âge de 13 ans et il n’y a donc aucune raison qu’elle ne puisse pas y retourner, d’autant qu’elle n’a pas de famille aux Pays-Bas et que dans un autre côté elle parle le chinois et connaît bien la culture et la société chinoises. Elle n’a nullement démontré que si elle retourne en Chine elle souffrirait d’exclusion sociale ou aurait des difficultés d’ordre financier. L’État partie considère donc que le grief de violation de l’article 17 devrait être déclaré manifestement dénué de fondement. Si le Comité devait conclure qu’il y a eu immixtion dans la vie de famille de l’auteur, l’État partie objecterait qu’une telle immixtion n’était ni arbitraire ni illégale. En effet, compte tenu de la familiarité de l’auteur avec la langue, la culture et les coutumes chinoises, un équilibre raisonnable a été établi dans cette affaire entre le droit de l’auteur à la vie de famille d’une part, et l’intérêt public, servi par l’application d’une politique restrictive d’admission d’autre part.

4.15En ce qui concerne le grief tiré de l’article 24 du Pacte, l’État partie souligne que la politique néerlandaise relative aux mineurs non accompagnés dont la demande d’asile est rejetée a été définie en accordant la priorité à l’intérêt supérieur de l’enfant. La règle qui veut que l’étranger mineur non accompagné soit renvoyé dans son pays répond à l’intérêt du mineur lui-même. En règle générale, l’intérêt supérieur de l’enfant exige le rétablissement de la relation avec ses parents, sa famille et, ce qui revêt une importance particulière dans la présente affaire, son milieu social. Lorsqu’il n’y a pas de protection ni de prise en charge conforme aux normes locales pour le demandeur d’asile mineur et que celui-ci ne peut pas subvenir à ses besoins, il peut lui être accordé un «permis de séjour pour étranger mineur non accompagné». De plus, l’âge du demandeur est pris en considération puisque la fondation NIDOS désigne un tuteur pour le mineur non accompagné. L’âge est aussi pris en compte durant les entretiens et l’évaluation de la demande. Les procédures nationales prévoient des garanties suffisantes à cet égard.

4.16Enfin, l’État partie note que l’auteur a eu suffisamment de temps pour démontrer que, dans son cas particulier et en raison de circonstances personnelles exceptionnelles, elle ne bénéficierait pas de la prise en charge ou de la protection adéquates en Chine. Elle avait un représentant légal, nommé par NIDOS, ainsi qu’un avocat, qui l’a représentée dans les procédures engagées au titre de la loi relative aux étrangers. Or elle n’a pas présenté de documents pour expliquer de manière convaincante les raisons pour lesquelles elle ne pourrait bénéficier d’une prise en charge et d’une protection appropriées en Chine. L’État partie ajoute que la référence à l’affaire Bakhtiyaric. Australie, faite par l’auteur, n’est pas pertinente parce dans cette affaire, les parents devaient quitter le pays tandis que les enfants étaient autorisés à y rester. À l’inverse, dans la présente affaire, l’auteur n’a aucune famille aux Pays-Bas; les deux affaires ne sont donc pas comparables.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans une lettre du 8 octobre 2009, l’auteur répond qu’elle a invoqué en substance l’article 17 auprès des juridictions nationales, en se référant l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui contient des dispositions équivalentes. Elle note également que le droit néerlandais relatif à l’immigration est organisé de telle manière qu’il sépare strictement les procédures de demande d’asile des autres procédures d’immigration. Ainsi, l’Office de l’immigration peut rejeter une demande qui a trait au droit à la vie privée ou à la vie de famille si cette demande est faite dans le cadre d’une procédure d’asile. Dans la procédure d’asile qu’elle a engagée, l’auteur a fondé sa demande sur l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. L’Office de l’immigration et le tribunal de district n’ont pas tenu compte de sa demande, en invoquant la législation applicable en matière d’immigration; or, en vertu de la Constitution néerlandaise, par laquelle l’État partie est tenu de respecter les obligations que lui imposent les instruments internationaux, comme la Convention européenne des droits de l’homme et le Pacte, ces autorités auraient dû examiner sa demande.

5.2Concernant la recevabilité du grief de l’article 24, l’auteur fait valoir qu’elle a invoqué cet article en substance devant les tribunaux nationaux. Elle est arrivée aux Pays‑Bas à l’âge de 13 ans. Néanmoins, elle n’a jamais été traitée comme une mineure durant la procédure de demande d’asile qui, de plus, a été déraisonnablement longue. Entre‑temps, elle s’est intégrée dans la société néerlandaise. Le fait qu’elle avait 20 ans à l’époque où elle a formé le recours n’entre pas en ligne de compte, puisque la violation de ses droits s’est produite alors qu’elle n’avait pas 18 ans.

5.3Pour ce qui est de ses griefs tirés des articles 3 et 20 de la Convention relative aux droits de l’enfant, même si le respect de ces dispositions n’entre pas dans le champ de compétence du Comité, leur applicabilité est incontestable. Ces articles sont, par essence, liés aux articles du Pacte.

5.4En ce qui concerne le fond, l’auteur insiste sur le fait que durant la procédure d’asile, elle n’a pas osé dire qu’elle avait été retenue par un homme pendant deux ans parce qu’elle avait peur des conséquences pour l’issue de la procédure d’asile. Ce n’est que quelques mois plus tard qu’elle a révélé cet élément dans ses motifs d’appel, présentés le 18 avril 2007. À l’argument de l’État partie qui estime que dès le début de la procédure, elle pouvait savoir que le permis de séjour lui serait refusé, elle répond qu’elle avait le droit de faire appel d’une telle décision et qu’on ne peut pas lui reprocher de l’avoir fait.

5.5En ce qui concerne l’article 17, l’auteur estime que la question de savoir si, théoriquement, elle serait capable de se créer des attaches en Chine n’est pas pertinente en l’espèce. La question pertinente qui se pose est de savoir si le fait de la renvoyer en Chine alors qu’elle a construit sa vie aux Pays-Bas constitue une violation de l’article 17 du Pacte. Elle ajoute qu’elle vit aux Pays-Bas depuis l’âge de 13 ans, ce qui signifie qu’elle y a passé la période la plus importante de sa vie. Même si elle est encore capable de parler le chinois, elle n’est pas habituée à vivre en Chine et ne connaît plus bien les coutumes du pays. Étant donné qu’il y aurait immixtion dans sa vie de famille, l’auteur considère que cette immixtion contrevient à l’article 17 du Pacte.

5.6En ce qui concerne l’article 24, l’auteur estime que la charge de la preuve qui lui a été imposée était aussi lourde que pour un demandeur d’asile adulte. Les audiences de l’Office de l’immigration n’étaient pas différentes des audiences des adultes et la décision a été rendue de la même manière que pour un adulte. La seule différence est qu’elle avait un tuteur de la fondation NIDOS. L’auteur convient que l’intérêt supérieur de l’enfant est de rester avec ses parents. Mais elle n’a ni parents ni famille avec lesquels elle pourrait vivre en Chine. Dans son cas, l’intérêt supérieur est donc de rester aux Pays-Bas où elle a des liens étroits et un réseau social sur lequel elle peut compter. Enfin, l’auteur souligne que si elle a cité l’affaire Winata c. Australie, c’est pour appeler l’attention sur le fait que, dans certaines circonstances, il arrive qu’un État partie exerce ses pouvoirs discrétionnaires en matière de politique d’immigration de manière arbitraire. Si elle a cité l’affaire Bakhtiyaric. Australie c’est parce qu’elle illustre les principes énoncés au premier paragraphe de l’article 24 du Pacte.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3En ce qui concerne la condition de l’épuisement des recours internes énoncée au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel l’auteur n’a pas présenté de demande de permis de séjour ordinaire motivé par des circonstances spéciales, comme il est prévu au paragraphe 3 de l’article 3.4 du décret sur les étrangers de 2000, et relève qu’un tel permis ne peut être délivré qu’à la suite d’une demande déposée conformément à cette disposition lue conjointement avec l’article 3.6 du même décret. Le Comité note que l’auteur a invoqué ses droits dans l’appel qu’elle a formé après le refus du permis de séjour pour mineur non accompagné mais qu’elle ne s’est pas prévalue de la possibilité d’introduire une demande de permis de séjour ordinaire motivée par des circonstances personnelles exceptionnelles, en vertu des dispositions pertinentes de la législation interne. Dans la présente affaire, l’auteur avait un représentant légal nommé par NIDOS et un avocat qui la représentait dans les procédures engagées au titre de la loi relative aux étrangers. Par conséquent, elle pouvait être bien conseillée sur les recours qu’elle devait utiliser pour faire valoir ses droits au titre du Pacte, dont la demande de permis de séjour pour des raisons personnelles exceptionnelles. Le Comité considère donc que la communication est irrecevable pour non-épuisement des recours internes, en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

H.Communication no 1844/2008, B. K. c. République tchèque(Décision adoptée le 23 juillet 2012, 105e session)*

P résentée par:

B. K. (non représentée par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

République tchèque

Date de la communication:

30 avril 2008

Objet:

Discrimination fondée sur la nationalitéen ce qui concerne la restitution de biens

Questions de procédure:

Abus du droit de présenter une communication

Questions de fond:

Égalité devant la loi; égale protection de la loi

Article du Pacte:

26

Article du Protocole facultatif:

3

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 23 juillet 2012,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication, en date du 30 avril 2008, est B. K., de nationalité américaine par naturalisation, résidant aux États-Unis d’Amérique et née le 9 novembre 1928 à Prague, en Tchécoslovaquie. Elle affirme être victime d’une violation par la République tchèque de l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Elle n’est pas représentée par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur indique qu’elle a quitté la Tchécoslovaquie en mai 1950 avec sa mère et qu’elle est arrivée en Nouvelle-Zélande, où son frère résidait à l’époque. Elle est partie aux États-Unis d’Amérique en 1954 et a acquis la nationalité américaine en 1960.

2.2L’auteur indique qu’après le départ de sa famille, la propriété familiale a été confisquée par l’État partie au motif que la famille avait quitté le pays sans autorisation.

2.3L’auteur indique que sa mère est décédée aux États-Unis le 12 février 1973 et qu’elle est sa seule héritière. Elle affirme que, par héritage, elle a droit aux deux tiers de chacun des trois biens suivants: un immeuble situé au numéro 8 de la rue Bozdechova, à Prague, un immeuble situé au numéro 4 de la rue Bozdechova ainsi qu’un immeuble situé au numéro 23 de la rue Nadrazni.

2.4L’auteur indique que son frère, K. S., qui vivait en Nouvelle-Zélande et n’a jamais perdu la nationalité tchèque, a reçu une somme de 5,5 millions de couronnes tchèques de l’État partie, soit un tiers de la valeur des biens familiaux.

2.5L’auteur fait valoir que le 17 août 1999, son action en réparation a été rejetée par le tribunal de district de Prague no 5 qui, dans sa décision, a déclaré qu’en vertu de la loi no 87/1991, l’auteur n’avait pas droit à une réparation parce qu’elle n’était pas tchèque lorsque la loi était entrée en vigueur.

2.6L’auteur indique aussi que par sa décision en date du 16 janvier 2002, le tribunal municipal de Prague a fait de son grief une affaire indépendante de la procédure engagée par K. S.

2.7L’auteur affirme qu’il n’existe pas de recours interne pour la restitution de son bien, et fait référence à l’arrêt 33/96-41 de la Cour constitutionnelle, confirmant la constitutionalité de la loi no87/1991.

Teneur de la plainte

3.L’auteur affirme que la République tchèque a violé les droits qu’elle tient de l’article 26 du Pacte en appliquant la loi no 87/1991 qui fait de la nationalité tchèque une condition de la restitution de biens.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1En date du 21 mai 2009, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond. Il fait référence à la loi no 119/1990 sur la réhabilitation par voie judiciaire, et à la loi no 87/1991 sur la réhabilitationpar voie non judiciaire, qui sont les lois applicables. La disposition pertinente de la loi no 87/1991 énonce les conditions qu’une personne doit remplir pour pouvoir prétendre à une indemnisation si ses biens ont été transférés à l’État. Selon la loi, il faut pour cela avoir la nationalité de la République fédérative tchèque et slovaque.

4.2L’État partie affirme que la communication de l’auteur est irrecevable et sans fondement parce que l’auteur n’a pas épuisé les voies de recours internes, comme il est tenu de le faire en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte. L’État partie fait remarquer que l’auteur n’a pas fait appel de la décision du tribunal de district. Cette décision ne concerne que la plainte déposée par le frère de l’auteur et n’a pas de portée concernant l’affaire de l’auteur.

4.3L’État affirme aussi que la communication devrait être déclarée irrecevable car elle constitue un abus du droit de présenter une communication au titre de l’article 3 du Protocole facultatif. Il rappelle la jurisprudence du Comité selon laquelle le Protocole facultatif ne fixe pas de date limite pour le dépôt d’une communication et que le simple fait de ne pas avoir soumis rapidement une communication ne constitue pas en soi un abus du droit de présenter une communication. Il fait remarquer que la dernière décision de la juridiction interne sur la question est devenue finale le 18 décembre 1999, fait valoir que l’auteur n’a donné aucune explication convaincante pour justifier le retard avec lequel elle a soumis sa communication et considère donc que la communication devrait être déclarée irrecevable.

4.4L’État partie affirme également que le Comité devrait déclarer la communication irrecevable ratione temporis étant donné que les biens de l’auteur ont été confisqués en 1957, longtemps avant que la République socialiste de Tchécoslovaquie ait ratifié le Protocole facultatif.

4.5Sur le fond, l’État partie renvoie à la jurisprudence du Comité qui établit que les différences de traitement ne sont pas toutes discriminatoires et qu’une différenciation fondée sur des motifs objectifs et raisonnables ne constitue pas une discrimination. Il fait valoir que le texte de l’article 26 du Pacte ne suggère en rien que l’État partie est tenu de réparer une injustice remontant à l’époque du régime politique précédent et que le législateur a toute discrétion pour décider d’accorder ou non une indemnisation ou d’ordonner la restitution d’un bien. L’État partie fait valoir que l’auteur n’a pas satisfait à la condition de nationalité exigée par la loi, et rappelle les arguments qu’il a avancés dans des affaires similaires et qui donnent des éclaircissements sur la logique et les raisons historiques qui sous-tendent la législation adoptée en matière de restitution. En conclusion, il affirme que le Comité devrait déclarer la communication irrecevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatifou, à défaut, la déclarer sans fondement au regard de l’article 26 du Pacte.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans une réponse datée du 3 août 2009, l’auteur a fait part de ses commentaires concernant les observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond. Elle fait valoir que si elle n’a reçu aucune indemnisation pour les biens démolis c’est uniquement en raison du caractère discriminatoire de la condition de nationalité exigée par la législation tchèque.

5.2Pour ce qui est de la présentation tardive de sa communication, l’auteur fait valoir que son avocat lui avait dit que la décision du tribunal municipal de Prague était finale et qu’il n’y avait pas de recours possible. Elle indique aussi qu’elle n’a pris connaissance de la possibilité de présenter une communication au Comité qu’après avoir vu une annonce à ce sujet au «bureau de la coordination tchèque» au Canada.

5.3Sur le fond, l’auteur réaffirme que la condition de nationalité prévue par la loi no87/1991 est discriminatoire et constitue une violation des droits garantis à l’article 26 du Pacte.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité relève que l’auteur n’a pas épuisé tous les recours internes disponibles puisqu’elle aurait pu contester la décision rendue par le tribunal de district no 5 de Prague le 17 août 1999. Toutefois, il rappelle que l’auteur d’une communication n’est pas tenu d’épuiser les recours internes si ceux-ci sont réputés inutiles. Il note que d’autres demandeurs ont contesté sans succès la constitutionnalité de cette loi, que les constatations qu’il a formulées précédemment dans des affaires analogues n’ont pas été suivies d’effet et que malgré ces constatations, la Cour constitutionnelle a réaffirmé la constitutionnalité de la loi relative à la restitution de biens. Rappelant sa jurisprudence, le Comité conclut que tout autre recours de l’auteur aurait été inutile et qu’elle ne disposait d’aucun recours utile.

6.4Le Comité a noté en outre que l’État partie contestait la recevabilité de la communication ratione temporis. Il rappelle sa jurisprudence et considère que même si la confiscation s’est produite avant l’entrée en vigueur du Pacte et du Protocole facultatif pour la République tchèque la loi, qui exclut les demandes émanant de personnes n’ayant pas la nationalité tchèque, continue de produire ses effets depuis l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour la République tchèque, ce qui pourrait entraîner une discrimination, en violation de l’article 26 du Pacte.

6.5En ce qui concerne l’argument de l’État partie, qui objecte que la communication constitue un abus du droit de plainte en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif, le Comité note que la plus récente décision − et la seule qui ait été contestée par l’auteur − est celle du tribunal de district no 5 de Prague en date du 17 août 1999, par laquelle le tribunal a rejeté la plainte de l’auteur pour défaut manifeste de fondement. Le Comité note également que, contrairement à ce qu’affirme l’auteur, la décision du tribunal de district no 5 de Prague, en date du 16 janvier 2002, ne traite que du fond concernant la plainte analogue présentée par le frère de l’auteur, K. S. Cette même décision fait de l’affaire de Mme K. une affaire distincte, ce que l’auteur n’a pas contesté. Il s’est donc écoulé huit ans et deux cent cinquante-six jours avant que l’auteur ne soumette sa communication au Comité, le 30 avril 2008.

6.6En ce qui concerne la présente communication, le Comité suit sa jurisprudence qui établit qu’une communication peut constituer un abus lorsqu’elle est présentée après un délai exceptionnellement long, sans raisons suffisantes pour justifier ce retard. À ce sujet, le Comité constate que l’auteur lui a soumis sa communication huit ans et deux cent cinquante-six jours après la décision du tribunal de district no5 de Prague. Il souligne qu’il appartient à l’auteur de faire preuve de diligence. Il prend note de l’argument avancé par l’auteur pour justifier le retard dans la présentation de sa communication et considère que, dans les circonstances particulières de l’espèce, elle n’a pas fourni d’explication valable pour le retard. Le Comité conclut donc que ce retard est déraisonnable et excessif au point de constituer un abus du droit de présenter une communication, et que la communication est irrecevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur de la communication.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

I.Communication no 1848/2008, D. V.  et H. V. c. République tchèque(Décision adoptée le 23 juillet 2012, 105e session)*

P résentée par:

D. V. et H. V. (non représentés par un conseil)

Au nom de:

Les auteurs

État partie:

République tchèque

Date de la communication:

7 septembre 2006 (date de la lettre initiale)

Objet:

Discrimination fondée sur la nationalité

Questions de procédure:

Non-épuisement des recours internes; abus du droit de présenter une communication

Questions de fond:

Égalité devant la loi

Article du Pacte:

26

Article du Protocole facultatif:

3

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 23 juillet 2012,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.Les auteurs de la communication sont D. V. et Mme H. V., devenus citoyens des États-Unis d’Amérique par naturalisation, nés à Modrany, dans l’ancienne Tchécoslovaquie, le 31 octobre 1933 et le 8 décembre 1938, respectivement. Ils se déclarent victimes d’une violation par la République tchèque des droits qu’ils tiennent de l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ils ne sont pas représentés par un conseil.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1Les auteurs ont fui la Tchécoslovaquie pour des raisons politiques en 1964 et ont émigré aux États-Unis d’Amérique, où ils vivent depuis lors. En 1970, ils ont obtenu la nationalité américaine et ont perdu leur nationalité tchécoslovaque.

2.2Comme ils avaient quitté la Tchécoslovaquie sans autorisation, les auteurs ont été condamnés par défaut à un emprisonnement de deux ans et d’un an et six mois, respectivement, assorti de la confiscation de leurs biens, dont leur maison familiale située à Modrany.

2.3À la suite de la promulgation de la loi no 119/1990, les auteurs ont été rétablis dans leurs droits et leurs condamnations ont été annulées. Ils ont ensuite demandé la réintégration dans la nationalité tchèque, qui leur a été accordée le 5 juin 2001, c’est-à-dire après la date limite fixée pour la présentation des demandes de restitution de biens par la loi no 87/1991, en vertu de laquelle les requérants doivent avoir la nationalité tchèque et avoir leur résidence permanente en République tchèque afin de pouvoir prétendre à la restitution de leurs biens.

2.4Lorsqu’ils ont tenté de recouvrer la propriété de leurs biens, en 2006, les auteurs ont été informés par le Département des relations de propriété du Ministère des finances, dans une lettre datée du 10 août 2006, qu’ils ne remplissaient pas les conditions pour la restitution des biens puisqu’ils n’avaient pas la nationalité tchèque entre le 1er avril et le 31 octobre 1993. Les auteurs affirment qu’ils n’ont pas fait appel de cette décision devant les tribunaux nationaux, considérant que ce serait inutile en raison de l’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle de la République tchèque le 4 juin 1997, par lequel la Cour avait refusé de supprimer la condition de nationalité prévue dans les lois relatives à la restitution, dans un cas analogue au leur.

2.5Les auteurs font valoir qu’en tout état de cause aucun recours utile ne leur est ouvert et qu’ils n’ont pas à épuiser des recours internes qui sont inopérants.

Teneur de la plainte

3.Les auteurs affirment qu’ils sont victimes de discrimination et font valoir que la condition de nationalité exigée par la loi no 87/1991 aux fins de la restitution de leurs biens est contraire à l’article 26 du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans une note verbale du 21 mai 2009, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication. Il note que les auteurs ont émigré de Tchécoslovaquie et se sont installés à l’étranger. Ils ont obtenu la nationalité américaine le 17 juillet 1970 et ont de ce fait perdu la nationalité tchécoslovaque en vertu du Traité relatif à la naturalisation conclu le 16 juillet 1928 entre la République tchécoslovaque et les États‑Unis d’Amérique. Ils ont été réintégrés dans la citoyenneté tchèque le 5 juin 2001.

4.2L’État partie a demandé au Bureau tchèque des levés, de la cartographie et du cadastre des informations sur les biens qui appartenaient aux auteurs − une maison avec une parcelle à bâtir située à l’adresse Cholupicka 105, Prague 4 − Modrany. Toutefois, le Bureau a indiqué qu’il n’y avait pas de maison portant le numéro 105 ou enregistrée sous le numéro 105 dans la rue en question.

4.3L’État partie note en outre que les auteurs n’ont pas épuisé les recours internes pour ce qui est de la procédure en restitution, car ils n’ont jamais intenté d’action en justice en vue de recouvrer leurs biens. Il rappelle que, en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte, le Comité ne peut examiner aucune communication d’un particulier sans s’être assuré que tous les recours internes disponibles ont été épuisés.

4.4À ce propos, l’État partie fait observer qu’il existe en République tchèque un système de justice comprenant plusieurs degrés de juridiction, la Cour constitutionnelle étant au sommet de ce système. Il note que les auteurs de la communication ne donnent que les informations strictement indispensables sur les biens qui auraient été confisqués. Par conséquent, puisque les auteurs n’ont pas utilisé les recours internes que leur offrait le système de justice national et notamment n’ont pas saisi la Cour constitutionnelle, certains faits importants relatifs aux circonstances de leur communication n’ont pas pu être vérifiés au niveau national et les tribunaux tchèques n’ont pas eu la possibilité d’examiner le fond du grief de discrimination formulé par les auteurs, au sens de l’article 26 du Pacte.

4.5L’État partie affirme en outre que la communication devrait être déclarée irrecevable parce qu’elle constitue un abus du droit de présenter une communication en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif. Il note que le Protocole facultatif ne fixe pas de date limite pour le dépôt d’une communication et que le simple fait de ne pas avoir soumis rapidement une communication ne constitue pas en soi un abus du droit de présenter une communication. Toutefois, en l’espèce, les auteurs ont présenté leur communication au Comité avec un retard de plus de dix ans, sans apporter d’argument raisonnable pour justifier ce retard; la communication peut donc être considérée comme constituant un abus du droit de plainte.

4.6L’État partie ajoute qu’en l’absence de toute décision des juridictions internes dans le cas des auteurs, il faut conclure que le dernier fait juridiquement pertinent est l’expiration du délai accordé par la loi no 87/1991 (c’est-à-dire le 1er avril 1995) pour notifier la requête à la personne responsable qui possédait les biens litigieux. En outre, au moment où le délai a expiré, la loi relative à la restitution a cessé d’être utilisable par les auteurs et si, comme ils l’affirment, la loi était discriminatoire à leur égard, la situation de discrimination a cessé d’exister à compter de ce moment. En conséquence, l’État partie affirme que le délai pour notifier la demande de restitution à la personne devenue propriétaire du bien réclamé a expiré le 1er avril 1995 en vertu de la loi no 87/1991. Or les auteurs ne se sont adressés au Comité que le 16 septembre 2006, c’est-à-dire plus de dix ans après l’expiration du délai fixé par la loi relative à la restitution, ce qui constitue un retard excessif.

4.7Compte tenu de ce qui précède, l’État partie propose que le Comité adopte l’approche de la Cour européenne des droits de l’homme, qui rejette toute demande soumise après l’expiration du délai de six mois à partir de la date de la décision interne définitive, conformément au paragraphe 1 de l’article 35 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du Conseil de l’Europe.

4.8L’État partie estime approprié de demander aux auteurs d’apporter pour justifier le retard une explication raisonnable, qui ait un fondement objectif et soit satisfaisante. Pour considérer qu’il n’y a pas abus du droit de soumettre une communication ou, en d’autres termes, que l’obligation de défendre ses droits, reconnue dans un certain nombre de systèmes juridiques, est respectée, on ne peut pas tenir compte uniquement de la mesure dans laquelle l’auteur, ex post facto, après avoir laissé s’écouler une longue période, arrive à croire subjectivement qu’il a la possibilité de saisir le Comité.

4.9L’État partie ajoute que les décisions du Comité concernant la recevabilité de diverses communications au regard du temps écoulé semblent manquer de cohérence et ne vont pas dans le sens de la sécurité juridique.

4.10À la lumière de ce qui précède, l’État partie affirme que, en s’adressant au Comité très longtemps après le 1er avril 1995 (voir plus haut, par. 4.6) sans apporter la moindre explication objective et raisonnable, les auteurs ont abusé du droit de soumettre une communication au Comité.

4.11Sur le fond, l’État partie note que les auteurs n’ont pas démontré, tant auprès des autorités nationales que dans la communication, qu’ils étaient propriétaires du bien dont la propriété a été transférée à l’État dans les conditions prévues par la loi no 87/1991 relative à la réparation par voie non judiciaire. L’État partie réaffirme que, selon les renseignements fournis par ses autorités du cadastre, les biens mentionnés par les auteurs ne figurent pas au registre. D’après l’État partie, si les auteurs ne peuvent pas démontrer qu’ils possédaient les biens transférés à l’État et que le seul motif pour lequel la décision de ne pas leur restituer ces biens était que quand ils ont demandé la restitution ils n’étaient pas citoyens tchèques, alors il n’est pas possible de conclure qu’ils n’ont pas bénéficié du droit à une égale protection de la loi et qu’ils ont fait l’objet d’une discrimination. Par conséquent, l’État partie affirme que la communication devrait être déclarée insuffisamment étayée.

4.12L’État partie fait observer que le droit consacré par l’article 26 du Pacte, que les auteurs invoquent à l’appui de leurs griefs, est un droit autonome, indépendant de tout autre droit garanti par le Pacte. Il renvoie à la jurisprudence du Comité et rappelle que celui-ci a affirmé à maintes reprises que les différences de traitement n’étaient pas toutes discriminatoires et qu’une différenciation fondée sur des motifs objectifs et raisonnables ne constituait pas une violation de l’article 26.

4.13L’article 26 n’implique pas que l’État est tenu de réparer une injustice passée, compte tenu en particulier du fait que le Pacte n’était pas applicable à l’époque de l’ancien État communiste de Tchécoslovaquie. L’État partie renvoie aux observations qu’il a faites précédemment dans des affaires analogues et réaffirme qu’il n’est pas possible de remédier à toutes les injustices passées et que dans l’exercice de ses prérogatives légitimes le législateur, faisant usage de sa marge d’appréciation, a dû déterminer sur quels domaines factuels il allait légiférer et dans quel sens, de façon à atténuer les préjudices. L’État partie conclut qu’il n’a pas commis de violation de l’article 26 en l’espèce.

Commentaires des auteurs sur les observations de l’État partie

5.1Dans des commentaires du 5 août 2011, les auteurs expliquent qu’ils n’ont pas saisi les tribunaux civils de la République tchèque parce que les informations accessibles au public et l’expérience d’autres émigrés tchèques les portaient à croire qu’une action n’aurait aucune chance d’aboutir. Ils reconnaissent qu’ils auraient pu engager d’autres procédures en vertu de la loi no 87/1991 pour recouvrer leurs biens, mais insistent sur le fait que la loi exigeait des demandeurs qu’ils aient la nationalité tchèque à cette époque afin de pouvoir prétendre à la restitution des biens confisqués. Les auteurs ne pouvaient pas bénéficier de l’application de cette loi car ils n’avaient pas la nationalité tchèque et qu’il était impossible pour les auteurs de l’obtenir à l’époque considérée. En conséquence, toute action aurait été inutile.

5.2En ce qui concerne l’argument de l’État partie qui affirme que leurs biens ne figurent pas au cadastre, les auteurs indiquent que leur maison avec terrain à bâtir située à l’adresse Cholupicka 105, Prague 4 − Modrany, n’existe plus en effet car elle a été démolie vers 1973, après avoir été confisquée et probablement vendue, en même temps que d’autres maisons, par les autorités qui avaient besoin de faire de la place pour une nouvelle rue et des immeubles d’habitation. Toutefois, l’un des deux auteurs est né dans cette maison et y a vécu pendant trente et un ans. En outre, l’adresse Cholupicka 105, Prague 4 − Modrany apparaît sur divers documents, dont son certificat de naissance, son certificat de mariage et son permis de conduire.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.2Le Comité a pris note de l’argument de l’État partie qui affirme que la communication doit être déclarée irrecevable au motif que les recours internes n’ont pas été épuisés. Il rappelle que, selon sa jurisprudence constante, il n’est pas nécessaire, aux fins du Protocole facultatif, d’épuiser des recours internes qui sont réputés inopérants. Le Comité relève qu’en raison des conditions préalables fixées par la loi no 87/1991, les auteurs ne pouvaient pas présenter à l’époque une demande de restitution puisqu’ils n’avaient pas la nationalité tchèque. Le Comité note à ce propos que d’autres demandeurs ont contesté sans succès la constitutionnalité de cette loi, que les constatations qu’il a formulées précédemment dans des affaires analogues n’ont pas été suivies d’effet et que, malgré ces plaintes, la Cour constitutionnelle a confirmé la constitutionnalité de la loi relative à la restitution des biens. Le Comité conclut donc que les auteurs n’étaient pas tenus d’épuiser les recours ouverts au niveau national.

6.3Pour ce qui est de l’argument de l’État partie qui objecte que la communication constitue un abus du droit de présenter des communications, selon les dispositions de l’article 3 du Protocole facultatif, le Comité note que les auteurs lui ont adressé la communication près de quinze ans après l’entrée en vigueur de la loi contestée (loi no 87/1991). À ce sujet, il fait observer que les auteurs n’ont avancé pour toute explication que le fait qu’ils n’étaient pas en mesure à l’époque de recouvrer la nationalité tchèque. Le Comité note en outre que les auteurs ont affirmé qu’ils connaissaient la loi no 87/1991 et les conditions qu’elle fixait, mais n’ont pas expliqué pourquoi ils ont saisi le Comité quinze ans après l’entrée en vigueur de la loi et près de onze ans après que la loi en question a cessé d’être applicable.

6.4Pour l’examen de la communication, le Comité suit sa jurisprudence qui établit qu’une communication peut constituer un abus lorsqu’elle est présentée après un délai exceptionnellement long sans raison suffisante pour justifier ce retard. Le Comité rappelle que les auteurs lui ont adressé la présente communication près de quinze ans après l’entrée en vigueur de la loi contestée (loi no 87/1991) et près de onze ans après que ladite loi a cessé d’être applicable. Le Comité fait observer que les auteurs n’ont avancé pour toute explication que le fait qu’ils n’étaient pas en mesure à l’époque de recouvrer la nationalité tchèque. En l’espèce, alors que l’État partie a soulevé la question de ce retard constitutif d’un abus du droit de plainte, les auteurs n’ont pas expliqué ni justifié pourquoi ils avaient attendu près de quinze ans avant de soumettre leur plainte au Comité. À la lumière de ces éléments, pris ensemble, et compte tenu du fait que la décision du Comité dans l’affaire Simunekremonte à 1995, le Comité conclut que le retard est déraisonnable et excessif au point de constituer un abus du droit de présenter une communication et, dans les circonstances particulières de l’espèce, il déclare la communication irrecevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

6.5En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et aux auteurs de la communication.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

J.Communication no 1849/2008, M. B. c. République tchèque(Décision adoptée le 29 octobre 2012, 106e session)*

P résentée par:

M. B. (non représentée par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

République tchèque

Date de la communication:

24 avril 2006 (date de la lettre initiale)

Objet:

Discrimination fondée sur la nationalité

Questions de procédure:

Non-épuisement des recours internes; abus du droit de présenter une communication

Questions de fond:

Égalité devant la loi

Article du Pacte:

26

Article du Protocole facultatif:

3

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 29 octobre 2012,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication est M. B., de nationalité américaine par naturalisation, née en 1933 en ex-Tchécoslovaquie. Elle affirme être victime d’une violation par la République tchèque du droit consacré par l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Elle n’est pas représentée par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur a quitté la Tchécoslovaquie pour des raisons politiques, en 1976, et a émigré aux États-Unis d’Amérique, où elle vit depuis. En 1987, elle a obtenu la nationalité américaine et a perdu sa nationalité tchécoslovaque.

2.2L’auteur fait valoir que lorsqu’elle est partie, elle a laissé derrière elle une maison en brique dans la région cadastrale de Petrov, avec un grenier et une cave. La maison jouissait de tout le confort nécessaire parce que la famille de l’auteur avait l’intention d’en faire son lieu de résidence principale une fois à la retraite. L’auteur ayant quitté le pays sans autorisation, son bien a été confisqué par décision d’un tribunal à une date non précisée. Elle estime la valeur actuelle de ce bien à 2,5 millions de couronnes tchèques.

2.3À une date non précisée, à la suite de l’adoption de la loi no 119/1990 sur la réhabilitation judiciaire, l’auteur et son mari ont été réhabilités et la décision par laquelle le tribunal avait confisqué le bien de l’auteur a été annulée.

2.4L’auteur a fait plusieurs démarches pour recouvrer son bien. Elle a d’abord pris contact avec un avocat et, le 28 février 1991, a été informée que l’Assemblée fédérale de la République tchèque et slovaque avait adopté le 21 février 1991 une loi sur la réhabilitation judiciaire (entrée en vigueur le 1er avril 1991). Conformément à l’article 3 de cette loi, une personne pouvant prétendre à la restitution d’un bien dont la propriété a été transférée à l’État était une personne qui avait la nationalité de la République fédérale tchèque et slovaque et qui avait sa résidence permanente dans le pays. Par conséquent, si l’auteur souhaitait recouvrer son bien, elle devait satisfaire aux conditions ci-dessus.

2.5L’auteur a ensuite pris contact avec le Bureau du Président de la République fédérale tchèque et slovaque et, le 31 octobre 1991, a été informée que l’Assemblée fédérale, dans le but d’atténuer les injustices commises entre 1948 et 1989, avait adopté plusieurs lois sur la restitution, notamment la loi no 119/1990 sur la réhabilitation judiciaire, la loi no 87/1991 sur la réhabilitation extrajudiciaire et la loi no 92/1991 sur le transfert de biens appartenant à l’État à d’autres personnes. Elle a en outre été informée que dans les préambules de ces lois sur la restitution, il était indiqué que ces dispositions ne répareraient que quelques préjudices, que les diverses injustices dont avaient été plus ou moins victimes tous les citoyens honnêtes de l’État concerné ne pourraient jamais être entièrement réparées et que les procédures juridiques engagées avaient pour but de réparer au moins les plus grands préjudices et d’empêcher que de tels agissements ne se reproduisent. Enfin, l’auteur a été informée que l’article 3 de la loi no 87/1991 disposait que les nationaux de la République tchèque et slovaque qui avaient leur résidence permanente dans le pays avaient droit à la restitution de leurs biens.

2.6À une date non précisée, l’auteur a demandé au Bureau tchèque de topographie, cartographie et cadastre de Prague-Ouest de lui transférer la propriété de son bien. Cependant, le 10 octobre 1995, elle a été informée que, pour recouvrer ses droits de propriété, elle devait satisfaire aux conditions préalables prévues par la loi no 87/1991.

2.7À une date non précisée, l’auteur a demandé à être rétablie dans sa nationalité tchèque, ce qui lui a été accordé le 22 janvier 2002, soit après la date limite de présentation des demandes de restitution de biens en vertu de la loi no 87/1991.

2.8L’auteur soutient qu’en tout état de cause, aucun recours utile ne lui était ouvert et que compte tenu de la décision du 4 juin 1997 par laquelle la Cour constitutionnelle avait jugé que la condition de nationalité prévue par la loi no 87/1991 était compatible avec la Constitution tchèque, elle n’a aucun recours utile à épuiser.

Teneur de la plainte

3.L’auteur affirme qu’elle est victime de discrimination et fait valoir que la condition de nationalité prévue par la loi no 87/1991 pour la restitution de son bien constitue une violation de l’article 26 du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Par une note verbale du 21 mai 2009, l’État partie a fait part de ses observations sur la recevabilité et le fond de la communication. Il note que l’auteur a émigré de Tchécoslovaquie et s’est installée à l’étranger. L’auteur a obtenu la nationalité américaine le 10 juillet 1987 et, en conséquence, a perdu sa nationalité tchécoslovaque conformément au traité relatif à la naturalisation conclu entre les États-Unis d’Amérique et la Tchécoslovaquie le 16 juillet 1928. Elle a de nouveau obtenu la nationalité tchèque le 22 janvier 2002.

4.2L’État partie a demandé au Bureau tchèque de topographie, cartographie et cadastre de Prague-Ouest des informations sur le bien qui appartenait autrefois à l’auteur − une maison de vacances no 1167 dans la région cadastrale de Petrov. Cependant, le Bureau a indiqué que ce bien n’était pas inscrit au registre foncier de la région cadastrale de Petrov.

4.3L’État partie note en outre que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes en ce qui concerne sa demande de restitution, car elle n’a jamais engagé d’action judiciaire en vue d’être réintégrée dans la propriété du bien en question. Il rappelle que conformément au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte, le Comité n’examine aucune communication d’un particulier sans s’être assuré que tous les recours internes ont été épuisés.

4.4À ce sujet, l’État partie fait valoir que le système judiciaire de la République tchèque se compose de plusieurs degrés de juridiction, dont la Cour constitutionnelle est le plus élevé. Il note que l’auteur de la présente communication ne mentionne que le strict minimum d’informations sur le bien qui aurait été confisqué. En conséquence, étant donné que l’auteur n’a pas utilisé les recours internes disponibles dans le système judiciaire national, notamment en déposant une plainte auprès de la Cour constitutionnelle, certains faits importants relatifs aux circonstances de sa communication n’ont pas été vérifiés au niveau national et les tribunaux de la République tchèque n’ont pas eu l’occasion d’examiner le bien-fondé de sa plainte pour discrimination au sens de l’article 26 du Pacte.

4.5L’État partie souligne que des lettres à un conseil, au Président de la République ou au bureau du cadastre ne sauraient être considérées comme l’exercice d’un recours, seule une action en vue de la remise d’une chose engagée devant un tribunal compétent pouvant être considérée comme tel. L’État partie estime donc que la communication devrait être déclarée irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

4.6L’État partie affirme en outre que la communication devrait être déclarée irrecevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif car elle constitue un abus du droit de présenter une communication. Il relève que le Protocole facultatif ne fixe aucun délai précis pour la présentation d’une communication et qu’un simple retard dans la présentation d’une communication n’est pas en soi constitutif d’un abus. Néanmoins, l’État partie considère que le fait que des auteurs saisissent le Comité dans un délai qui est manifestement déraisonnable et sans aucune justification raisonnable de ce retard peut constituer un abus du droit de présenter une communication au Comité.

4.7L’État partie note que le Pacte ne prévoit ni le droit à la jouissance paisible de ses biens ni le droit à réparation pour des injustices passées, mais que l’auteur dirige ses critiques contre la loi sur la restitution. Il estime qu’en l’absence de toute décision des tribunaux nationaux concernant l’affaire de l’auteur, il convient de conclure que le dernier fait juridiquement pertinent est, en l’espèce, l’expiration du délai accordé par les lois sur la restitution pour notifier la requête à la personne responsable qui possède actuellement le bien litigieux. En fait, au moment où ce délai a expiré, les lois sur la restitution ont cessé d’être applicables, et si ces lois étaient discriminatoires à son égard, comme l’auteur l’affirme, la situation de discrimination a pris fin. L’État partie note en outre qu’il n’est guère possible de fonder sa pensée sur l’espoir que les lois seront modifiées, cet espoir n’étant pas une perspective protégée par le droit.

4.8En l’espèce, le délai pour notifier la requête à la personne responsable et lui demander de restituer le bien litigieux avait expiré, en vertu de la loi no 87/1991, le 1er avril 1995. Or l’auteur n’a présenté sa communication au Comité que le 24 avril 2006, soit plus de onze ans après l’expiration des délais normaux pour entreprendre des démarches au titre des lois sur la restitution.

4.9Compte tenu de ce qui précède, l’État partie suggère au Comité d’adopter l’approche de la Cour européenne des droits de l’homme, qui rejette toute requête n’ayant pas été présentée dans un délai de six mois à compter de la date de la décision interne définitive, conformément au paragraphe 1 de l’article 35 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

4.10De plus, selon l’État partie, il convient d’exiger de l’auteur qu’elle fournisse, en ce qui concerne le retard, une explication raisonnable qui ait un fondement objectif et qui soit rationnelle. L’absence d’abus du droit de présenter une communication, ou, en d’autres termes, le respect de l’obligation de faire valoir ses droits, qui existe dans un certain nombre d’ordres juridiques, ne peut pas dépendre uniquement de la mesure dans laquelle un auteur, a posteriori, croit subjectivement qu’il n’a eu la possibilité de saisir le Comité qu’après un long délai.

4.11L’État partie fait valoir en outre que les conclusions du Comité sur la recevabilité de différentes communications au regard de la longueur du délai écoulé semblent plutôt contradictoires et loin de la sécurité juridique.

4.12Compte tenu de ce qui précède, l’État partie réaffirme qu’en saisissant le Comité de nombreuses années après le 1er avril 1995 (voir par. 4.8) sans fournir d’explication objective et raisonnable, l’auteur a abusé du droit de présenter une communication au Comité.

4.13Sur le fond, l’État partie note que l’auteur n’a pas démontré, ni en République tchèque ni dans la présente communication, qu’elle était propriétaire du bien qui est devenu propriété de l’État dans les conditions prévues par la loi sur la réhabilitation judiciaire. Il rappelle que, selon les informations fournies par les autorités compétentes en matière de cadastre, le bien indiqué par l’auteur n’est pas inscrit au cadastre. Selon l’État partie, si l’auteur ne peut pas démontrer qu’elle était effectivement propriétaire du bien qui est devenu propriété de l’État, il ne peut donc pas être conclu qu’elle n’a pas bénéficié d’une égale protection de la loi nationale et qu’elle a été victime de discrimination parce qu’il lui a été impossible de recouvrer son bien présumé. En conséquence, l’État partie affirme que la communication devrait être déclarée non étayée et manifestement mal fondée.

4.14En tout état de cause, l’État partie fait observer que le droit consacré par l’article 26, que l’auteur invoque à l’appui de ses griefs, est un droit autonome, indépendant de tout autre droit garanti par le Pacte. Il renvoie à la jurisprudence du Comité et rappelle que celui-ci a affirmé à maintes reprises que les différences de traitement n’étaient pas toutes discriminatoires et qu’une différenciation fondée sur des motifs objectifs et raisonnables ne constituait pas une discrimination interdite au sens de l’article 26.

4.15Selon l’État partie, l’article 26 ne signifie pas que l’État est tenu de réparer une injustice passée, compte tenu en particulier du fait que le Pacte n’était pas applicable à l’époque de l’ancien État de Tchécoslovaquie. L’État partie renvoie à ses observations antérieures dans des affaires analogues et réaffirme qu’il n’est pas possible de remédier à toutes les injustices passées et que, dans le cadre de ses prérogatives légitimes, le législateur, exerçant sa marge de pouvoir discrétionnaire, a dû déterminer dans quels domaines factuels il allait légiférer, et dans quel sens, afin d’atténuer les préjudices. L’État partie conclut qu’il n’y a pas eu de violation de l’article 26 dans le cas d’espèce.

4.16Malgré la pratique du Comité en matière de prise de décisions, l’État partie est toujours convaincu qu’en énonçant les conditions dans lesquelles certaines injustices passées seraient partiellement réparées ou atténuées, le législateur disposait d’une marge de pouvoir discrétionnaire qui lui permettait de prévoir aussi une condition de nationalité pour les personnes qui demandent la restitution de biens. Toutefois, il ne souhaite pas répéter tous les arguments à l’appui de cette assertion, qui figurent dans plusieurs de ses précédentes observations sur la recevabilité et le fond des communications présentées au Comité et qu’il a exposés lors de son dialogue constructif avec le Comité à l’occasion de l’examen des rapports périodiques de l’État partie sur le respect des obligations qui lui incombent en vertu du Pacte.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans une lettre du 6 septembre 2009, l’auteur joint plusieurs documents attestant que le bien litigieux, situé au 1 rue Stepanska − 11000, Prague, appartenait à son mari, M. B., ou aux deux conjoints. Elle indique que son mari est décédé le 3 mai 1993 et que depuis, elle essaie de recouvrer la propriété de leur bien par ses propres moyens.

5.2L’auteur explique en outre qu’à la suite des changements politiques qui s’étaient produits en 1989, son mari et elle s’étaient rendus à plusieurs reprises à Prague pour tâcher d’être rétablis dans la propriété du bien litigieux, mais que plusieurs conseils leur avaient dit qu’ils n’avaient pas le droit de recouvrer la propriété du bien en question. Ils avaient ensuite sollicité l’avis du Chancelier de Prague et du Bureau du Président de la République fédérale tchèque et slovaque, en vain.

5.3En 1992, l’auteur et son mari s’étaient de nouveau rendus à Prague pour demander la nationalité tchèque afin d’être habilités à demander la restitution de leur bien. Cependant, on leur a dit qu’ils devaient attendre car au moment des faits les autorités ne rétablissaient dans leur nationalité que ceux qui revenaient s’établir en Tchécoslovaquie.

5.4Après que l’auteur a été rétablie dans sa nationalité tchèque le 22 janvier 2002, elle a été informée par des conseils et par les autorités de l’État qu’il était trop tard pour recouvrer son bien conformément à la loi no 87/1991, car tous les délais avaient expiré.

Observations complémentaires de l’État partie

6.1Dans une lettre du 7 janvier 2010, l’État partie a reconnu, compte tenu des informations complémentaires présentées par l’auteur, que l’auteur et son mari étaient propriétaires, avant d’émigrer de Tchécoslovaquie, de la maison de vacances no 1167 située dans la région cadastrale de Petrov.

6.2L’État partie fait valoir que les allégations de l’auteur, qui affirme n’avoir pas pu obtenir la nationalité tchèque en 1991 (ou même avant) ne sont pas fondées. Au contraire, malgré le traité relatif à la naturalisation conclu entre les États-Unis et la Tchécoslovaquie, entre autres, les personnes souhaitant recouvrer des biens pouvaient acquérir la nationalité tchèque à partir de 1990 en présentant une demande ainsi que dans le délai fixé pour la soumission des demandes de restitution. Le Ministère de l’intérieur de la République fédérale tchèque et slovaque avait accordé toutes les demandes de nationalité tchèque qui avaient été soumises de 1990 à 1992 par d’anciens Tchèques (ou Tchécoslovaques) qui avaient acquis la nationalité américaine. L’État partie indique à titre d’exemple qu’en 1991, 72 personnes sont devenues des nationaux tchèques par cette voie.

6.3Enfin, l’État partie réaffirme que la présente communication devrait être déclarée irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes et/ou pour abus du droit de présenter une communication, et partiellement irrecevable ratione temporis. Ou, en tout état de cause, le Comité devrait déclarer que, dans le cas d’espèce, la République tchèque n’a pas commis de violation de l’article 26 du Pacte.

Délibérations du Comité

7.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

7.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.3Le Comité a pris note des observations de l’État partie qui fait valoir que la communication doit être déclarée irrecevable pour non-épuisement des recours internes. Il rappelle que, selon sa jurisprudence établie, l’auteur d’une communication n’a pas besoin, aux fins du Protocole facultatif, d’épuiser les recours internes lorsque ceux-ci sont réputés inutiles. Il relève qu’en raison des conditions préalables prévues par la loi no 87/1991, l’auteur ne pouvait pas présenter à l’époque une demande de restitution parce qu’elle n’avait pas la nationalité tchèque. Le Comité note à ce propos que d’autres demandeurs ont contesté sans succès la constitutionnalité de cette loi, que les constatations qu’il a formulées précédemment dans des affaires analogues n’ont pas été suivies d’effet et que, malgré ces plaintes, la Cour constitutionnelle a réaffirmé la constitutionnalité de la loi relative à la réhabilitation judiciaire. Le Comité en conclut que l’auteur n’était pas tenue d’épuiser tous les recours au niveau national.

7.4Le Comité a également pris note de l’argument de l’État partie selon lequel la soumission de la communication au Comité constitue, en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif, un abus du droit de présenter des communications. Dans l’examen de la présente communication, le Comité suit sa jurisprudence qui établit qu’une communication peut constituer un abus lorsqu’elle est présentée après un délai exceptionnellement long, sans raisons suffisantes pour justifier ce retard. À ce sujet, il relève que l’auteur lui a soumis la présente communication près de quinze ans après que la loi no 87/1991 qui est attaquée est entrée en vigueur et près de onze ans après que cette loi a cessé de s’appliquer. Il note que l’auteur n’a pas donné pour justifier ce retard d’autre explication que la simple affirmation qu’à l’époque, elle n’avait pas pu être rétablie dans sa nationalité tchèque. En l’espèce, bien que l’État partie ait soulevé la question du retard qui, d’après lui, constitue un abus du droit de présenter une communication, l’auteur n’a pas expliqué ni justifié pourquoi elle avait attendu près de quinze ans avant de soumettre sa communication au Comité. Compte tenu de ces éléments, considérés dans leur ensemble, et étant donné que la décisiondu Comité dans l’affaireSimunek (première communication relative aux questions de propriété visant la République tchèque) a été rendue en 1995, le Comité considère ce retard comme déraisonnable et excessif au point de constituer un abus du droit de présenter une communication. Par conséquent, dans les circonstances particulières de l’espèce, il déclare la communication irrecevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

7.5En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

K.Communication no 1857/2008, A. P. c. Fédération de Russie(Décision adoptée le 25 mars 2013, 107e session)*

P résentée par:

A. P. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Fédération de Russie

Date de la communication:

20 mai 2008 (date de la lettre initiale)

Objet:

Entraves à la possibilité d’être enregistré comme candidat individuel à des élections; contrainte visant à faire accepter une idéologie; limitation de la personnalité juridique; déni du droit à la détermination des droits de caractère civil par un tribunal compétent, indépendant et impartial établi par la loi

Questions de procédure:

Fondement des griefs

Questions de fond:

Droit d’être élu

Articles du Pacte:

14 (par. 1) lu conjointement avec l’article 2, 16, 18 (par. 2), 25 a) et b)

Article du Protocole facultatif:

2

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 28 mars 2013,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur est A. P., de nationalité russe, né en 1969. Il se déclare victime de violations par la Fédération de Russie des droits qu’il tient du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques lu conjointement avec l’article 2, l’article 16, du paragraphe 2 de l’article 18 et de l’article 25 a) et b). L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 12 septembre 2007, l’auteur a présenté au Président de la Commission électorale centrale de la Fédération de Russie (CEC) une demande d’enregistrement de sa candidature aux élections à venir à la Douma d’État (chambre basse) de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie.

2.2Le 18 septembre 2007, l’auteur a reçu d’un membre de la CEC une réponse expliquant que, conformément à la première partie de l’article 37 de la loi fédérale relative à l’élection des députés à la Douma d’État de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie (loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État), au plus tard trois jours à compter de la publication officielle de la décision d’organiser les élections des députés à la Douma d’État, tout citoyen de la Fédération de Russie apte à être élu qui n’est membre d’aucun parti politique peut adresser une demande à la section régionale d’un parti politique afin d’être inscrit sur la liste fédérale des candidats proposés par ce parti politique. La CEC n’est pas habilitée à décider de l’inscription de citoyens sur la liste fédérale des candidats.

2.3Le 4 octobre 2007, l’auteur a déposé un recours auprès de la Cour suprême contre le refus de la CEC d’enregistrer sa candidature, affirmant que cette décision contrevenait à plusieurs dispositions constitutionnelles.

2.4Le 8 octobre 2007, la Cour suprême a rejeté le recours en vertu de l’article 28 de la loi fédérale relative aux garanties fondamentales des droits électoraux et au droit des citoyens de la Fédération de Russie de participer à un référendum (loi fédérale sur le droit de participer à un référendum), qui dispose que la Cour suprême examine uniquement les recours contestant les décisions de la CEC qui ont été prises collégialement et sont signées par le Président et le Secrétaire de la Commission. La réponse de la CEC envoyée à l’auteur le 18 septembre 2007, qui ne comportait qu’une signature, ne constituait pas une telle «décision» et ne pouvait pas faire l’objet d’un recours devant la Cour suprême.

2.5Le 8 octobre 2007, l’auteur a adressé un recours à la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie, dans lequel il demandait de déterminer si les articles 3, 4, 7 et 37 de la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État étaient compatibles avec les dispositions des articles 3, 13, 19 et 30 de la Constitution. Le même jour, l’auteur a envoyé par voie électronique une lettre ouverte au Président de la Fédération de Russie lui demandant de soumettre à la Cour constitutionnelle une demande d’examen de la constitutionnalité de la loi fédérale sur les élections des députés à la Douma d’État.

2.6Le 10 octobre 2007, la lettre ouverte a été affichée sur plusieurs sites Internet de médias et d’organisations de la société civile.

2.7Le 18 octobre 2007, l’auteur a déposé un recours contre le refus de la CEC d’enregistrer sa candidature auprès du tribunal du district de Tver de la ville de Moscou, auquel il a demandé d’ordonner à la CEC de l’enregistrer. Le 19 octobre 2007, le tribunal du district de Tver a rejeté le recours en indiquant que la CEC n’était pas habilitée à décider de l’inscription de citoyens de la Fédération de Russie sur la liste fédérale des candidats (en vertu de la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État). Le 25 octobre 2007, l’auteur a fait appel de la décision du tribunal du district de Tver auprès du tribunal municipal de Moscou.

2.8Le 19 octobre 2007, l’auteur a de nouveau demandé au Président de la CEC d’examiner sa demande du 12 septembre 2007 à la session ordinaire de la CEC. Le 26 octobre 2007, le Secrétaire de la CEC a expliqué à l’auteur, dans une lettre, la procédure d’enregistrement des candidats aux élections de la Douma, telle que prévue par la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État. Le Secrétaire a explicitement indiqué que l’inscription sur la liste fédérale des candidats devait se faire par l’intermédiaire d’un parti politique, mais que le candidat n’était pas tenu d’être membre de ce parti. Pour être candidat, l’auteur aurait dû déposer auprès de la section régionale d’un parti politique une demande d’inscription sur la liste fédérale des candidats, avant la date limite du 8 octobre 2007.

2.9Le 25 octobre 2007, l’auteur a reçu une réponse du Premier Conseiller du Département du fondement constitutionnel des organes du pouvoir et de la structure fédérale de la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie, indiquant que le recours formé par l’auteur le 8 octobre 2007 ne remplissait pas les conditions énoncées au paragraphe 4 de l’article 125 de la Constitution et aux articles 3 (première partie, par. 3), 96 et 97 de la loi fédérale sur la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie, qui disposent que la Cour constitutionnelle vérifie la constitutionnalité de la loi appliquée ou susceptible d’être appliquée dans une affaire concrète, conformément aux procédures établies par la loi fédérale. Le Premier Conseiller concluait que la réponse d’un membre de la CEC, en date du 18 septembre 2007, était de nature informative et qu’il ne ressortait pas du recours déposé par l’auteur le 8 octobre 2007 que les articles 3, 4, 7 et 37 de la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État avaient été appliqués dans son affaire particulière. Le 30 octobre 2007, l’auteur a adressé au Président de la Cour constitutionnelle un mémoire contestant la réponse datée du 25 octobre 2007.

2.10Le 31 octobre et le 1er novembre 2007, l’auteur a écrit au Président, aux Présidents des deux chambres de l’Assemblée fédérale, au chef du Gouvernement et au Président de la Cour suprême, en les priant de demander à la Cour constitutionnelle de vérifier la constitutionnalité de la loi fédérale sur les élections des députés à la Douma d’État.

2.11À une date non précisée, l’auteur a reçu un appel téléphonique d’un agent de l’État qui l’a informé que le Gouvernement n’avait pas compétence pour renvoyer des affaires devant la Cour constitutionnelle. Le 3 novembre 2007, l’auteur a été informé par le chef du Département de l’information et de la documentation du Conseil de la Fédération (chambre haute du Parlement) que sa lettre du 31 octobre 2007 avait été transmise au Comité de la législation constitutionnelle.

2.12Le 11 décembre 2007, l’auteur a reçu de la Cour suprême une réponse indiquant qu’elle pouvait soumettre à la Cour constitutionnelle une demande d’examen de la constitutionnalité d’une loi fédérale appliquée dans une affaire précise, mais qu’elle n’était à cette heure saisie d’aucune affaire de ce type. L’auteur affirme toutefois qu’à l’époque en question une plainte, qu’il avait déposée le 13 novembre 2007, était en instance devant la Cour suprême (voir plus bas par. 2.15).

2.13Le 2 novembre 2007, l’auteur a reçu une réponse de l’Administration présidentielle, datée du 26 octobre 2007 (voir plus haut par. 2.6), indiquant qu’il n’y avait pas motif à adresser à la Cour constitutionnelle une demande d’examen de la constitutionnalité de la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État. Le 6 novembre 2007, l’auteur a soumis un mémoire à l’intention du Président, contestant la réponse du 26 octobre 2007.

2.14Le 6 novembre 2007, l’auteur a formé un recours auprès de la Cour suprême contre la réponse de la CEC en date du 26 octobre 2007 (voir plus haut par. 2.8). Le 9 novembre 2007, un juge de la Cour suprême lui a retourné sa plainte au motif que la CEC n’avait pas compétence pour inscrire des candidats sur les listes fédérales et que par conséquent, conformément à la première partie de l’article 134 du Code de procédure civile, sa plainte ne pouvait pas être examinée dans le cadre d’une procédure civile.

2.15Le 13 novembre 2007, l’auteur a attaqué devant la Cour suprême la décision rendue par celle-ci le 9 novembre 2007. Le 27 décembre 2007, la chambre d’appel de la Cour suprême a confirmé la décision du 9 novembre 2007. Le 5 février 2008, l’auteur a demandé au Présidium de la Cour suprême d’examiner, dans le cadre d’une procédure de contrôle, la décision rendue le 9 novembre 2007. Le 24 mars 2008, sa demande a été rejetée.

2.16Dans une lettre du 1er novembre 2007, le Premier Conseiller du Département de l’Administration présidentielle chargé des requêtes des citoyens a répondu à la lettre de l’auteur datée du 31 octobre 2007 (voir plus haut par. 2.10). L’auteur était informé que ni le Président ni son administration ne pouvaient s’ingérer dans le fonctionnement de la justice. Le 13 novembre 2007, l’auteur a demandé au chef de l’Administration présidentielle que ses arguments écrits contestant la réponse du 1er novembre 2007 soient transmis directement au Président. Le 23 novembre 2007, l’auteur a reçu de l’Administration présidentielle une réponse dans laquelle il était réaffirmé qu’il n’y avait pas motif à soumettre à la Cour constitutionnelle une demande d’examen de la constitutionnalité du système électoral proportionnel de la Fédération de Russie.

2.17Le 20 novembre 2007, l’auteur a demandé au Président de la CEC de reporter les élections à la Douma d’État de l’Assemblée fédérale jusqu’à ce que la Cour constitutionnelle ait examiné sa plainte du 8 octobre 2007 (voir plus haut par. 2.5). En décembre, l’auteur a reçu une réponse du Secrétaire de la CEC, datée du 27 novembre 2007, qui l’informait qu’il n’y avait pas motif à reporter les élections.

2.18Le 20 novembre 2007, le tribunal municipal de Moscou a examiné la plainte déposée par l’auteur le 25 octobre 2007 (voir plus haut par. 2.7), a cassé la décision rendue par un juge du tribunal du district de Tver de la ville de Moscou le 19 octobre 2007 et a ordonné un nouvel examen de l’affaire. Le 30 novembre 2007, le tribunal du district de Tver a rejeté la demande en se fondant sur les articles 21 et 28 de la loi fédérale sur le droit de participer à un référendum et sur l’article 25 de la loi fédérale sur les élections des députés à la Douma d’État.

2.19Le 3 décembre 2007, l’auteur a fait appel devant le tribunal municipal de Moscou de la décision rendue le 30 novembre 2007 par le tribunal du district de Tver, en faisant observer que, selon les articles 25 (parties 9 et 12) et 44 (parties 1, 8 et 9) de la loi fédérale sur les élections des députés à la Douma d’État, c’était à la CEC et non aux partis politiques qu’appartenait la décision d’enregistrer ou de ne pas enregistrer la liste fédérale de candidats. L’auteur a déposé un appel supplémentaire le 5 décembre 2007. Le 13 décembre 2007, le tribunal municipal de Moscou a rejeté cet appel en vertu de l’article 75 de la loi fédérale sur le droit de participer à un référendum et de l’article 28 de la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État. À une date non précisée, l’auteur a demandé au tribunal du district de Tver de solliciter de la Cour constitutionnelle un avis sur la constitutionnalité de la loi fédérale sur les élections des députés à la Douma d’État et a adressé la même demande le 13 décembre 2007 au tribunal municipal de Moscou. Toutefois, selon lui, aucun des deux tribunaux n’y a donné suite.

2.20Le 6 février 2008, l’auteur a demandé au Présidium du tribunal municipal de Moscou d’engager une procédure de contrôle de la décision rendue le 30 novembre 2007 par le tribunal du district de Tver et de la décision rendue le 13 décembre 2007 par le tribunal municipal de Moscou. Il n’a reçu aucune réponse.

2.21À la fin de février 2008, l’auteur a reçu de la Cour constitutionnelle une décision d’irrecevabilité de sa plainte, datée du 18 décembre 2007. La Cour constitutionnelle déclarait que l’auteur contestait essentiellement le passage d’un système électoral majoritaire proportionnel à un système électoral proportionnel qui ne prévoyait pas l’application d’un mode de scrutin uninominal pour les élections des membres de la Douma d’État (députés), ni l’autodésignation des candidats. Dans le même temps, la loi fédérale sur les élections des députés à la Douma d’État n’excluait pas le droit pour un particulier non membre d’un parti politique d’être élu député à la Douma d’État, car il était possible d’être inscrit sur la liste fédérale des candidats d’un parti politique, soit de la propre initiative de l’intéressé, soit sur proposition du parti. Par conséquent, aucune des dispositions contestées par l’auteur (art. 3, 4, 7 et 37 de la loi fédérale sur les élections des députés à la Douma d’État) ne portait atteinte aux droits garantis par la Constitution.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que l’État partie a violé le droit garanti par l’article 25 a) et b) du Pacte de prendre part à la direction des affaires publiques et d’être élu au cours d’élections périodiques honnêtes parce que les articles 7 et 37 de la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État font dépendre des partis politiques l’exercice du droit d’être élu.

3.2Il se déclare de plus victime d’une violation du droit qu’il tient du paragraphe 2 de l’article 18 du Pacte, car nul ne peut être contraint d’adhérer à l’idéologie d’un parti politique pour pouvoir être inscrit sur la liste fédérale des candidats aux élections à la Douma d’État de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie.

3.3En outre, pour tous les citoyens russes qui ne sont membres d’aucun parti politique, dont l’auteur lui-même, la personnalité juridique est limitée, en violation des droits garantis par l’article 16 du Pacte.

3.4L’auteur soutient qu’en violation du droit qu’il tient du paragraphe 1 de l’article 14 lu conjointement avec l’article 2 du Pacte, les tribunaux lui ont de façon irrégulière refusé le droit de faire déterminer ses droits et obligations de caractère civil par un tribunal compétent, indépendant et impartial établi par la loi.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans une note du 31 mars 2009, l’État partie a contesté la recevabilité de la communication. Il relève que les procédures d’élection varient selon les pays du monde et sont généralement établies non pas par la Constitution mais par une loi. Il appartient à l’organe législatif de déterminer si le régime électoral est majoritaire, proportionnel ou semi-proportionnel. Le choix d’un régime particulier dépend de la situation sociopolitique. En Fédération de Russie, c’est l’Assemblée fédérale qui détermine le système.

4.2L’État partie ajoute, entre autres choses, que les garanties permettant aux citoyens d’exercer le droit d’être élus sont énoncées à l’article 37 de la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État. Conformément à cet article, tout citoyen de la Fédération de Russie apte à être élu qui n’est pas membre d’un parti politique peut pressentir la section régionale d’un parti politique régional et demander que son nom soit porté sur la liste fédérale des candidats proposés par ce parti. De plus, après avoir obtenu le consentement écrit de la personne en question, le parti politique peut l’inscrire sur la liste en tant que candidat même si elle n’est pas membre du parti.

4.3À ce sujet, l’État partie note que la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie a établi que la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État n’exclut pas le droit d’un citoyen qui n’est membre d’aucun parti politique d’être élu à la Douma − il ou elle pourrait être inscrit(e) sur la liste fédérale de candidats d’un parti politique de sa propre initiative ou sur désignation du parti. Or dans la présente affaire, il ressort du dossier que l’auteur n’a jamais demandé à une quelconque section régionale d’un parti politique de l’inscrire sur la liste fédérale des candidats. L’État partie explique que si un parti politique avait refusé de l’inscrire, l’auteur aurait pu s’adresser aux tribunaux pour contester la décision. Or l’auteur a contesté par la voie administrative et civile les actions de la CEC, qui n’était pas l’institution compétente dans de telles situations. Pour ces raisons, les tribunaux de l’État partie n’ont pas pu examiner les griefs de l’auteur sur le fond et ne pouvaient pas appliquer la loi qui ultérieurement aurait pu être soumise devant la Cour constitutionnelle afin d’obtenir une décision sur sa compatibilité avec la Constitution.

4.4Par conséquent, l’État partie objecte que l’auteur n’a jamais exprimé sa volonté d’exercer son droit d’être élu conformément à la procédure établie par la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État. Il précise que l’auteur a été informé plusieurs fois par différentes autorités nationales y compris par la CEC des démarches qu’il devait faire pour être inscrit sur la liste des candidats, le 18 septembre et le 27 novembre 2007 respectivement.

4.5De surcroît, la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État est parue au Journal officiel en mai 2005 et la campagne électorale a débuté en septembre 2007. Par conséquent, l’auteur avait la possibilité de faire les démarches nécessaires pour exercer son droit d’être élu.

4.6L’État partie réaffirme que l’auteur a contesté la légalité des décisions de la CEC par une procédure administrative et civile. Or les plaintes pour refus d’enregistrer un candidat ne sont pas du ressort d’une juridiction administrative ou civile. Si l’auteur avait essuyé un refus d’un parti quelconque il aurait pu contester ce refus en engageant une action en justice. Mais d’après le dossier l’auteur n’a même pas essayé de se faire enregistrer par un parti quel qu’il soit.

4.7À la lumière de ce qui précède, l’État partie fait valoir que la communication devrait être déclarée irrecevable car elle constitue un abus du droit de plainte. De plus, l’auteur n’a pas épuisé tous les recours internes disponibles. Par conséquent l’État partie affirme que la communication ne satisfait pas à tous les critères de recevabilité établis dans le Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans une lettre du 11 mai 2009 l’auteur dit qu’il ne comprend pas bien pourquoi l’État partie considère que la communication représente un abus du droit de plainte.

5.2La Cour suprême et la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie ont déjà statué sur l’affaire et il n’y a plus d’autres recours internes qui lui sont ouverts. L’auteur conteste l’argument de l’État partie qui relève qu’il n’a pas pressenti une section régionale d’un parti politique quelconque pour se faire inscrire sur la liste fédérale des candidats désignés par ce parti politique et objecte qu’en fait toutes les plaintes qu’il a déposées au niveau national et la communication qu’il a soumise au Comité sont fondées sur l’impossibilité dans laquelle il se trouve d’exercer le droit d’être élu par l’intermédiaire des «organes de pouvoir de l’État». Il cite l’article 3 de la Constitution de la Fédération de Russie qui dispose que: «1) Le peuple multinational est le détenteur de la souveraineté et la seule source du pouvoir en Fédération de Russie. 2) Le peuple de la Fédération de Russie exerce le pouvoir directement ainsi que par les organes de l’État et les organes des collectivités locales.». De plus, l’auteur rappelle qu’il a saisi la Cour constitutionnelle pour contester la compatibilité avec la Constitution des articles 3, 4, 7 et 37 de la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État. Il affirme que l’État partie a présenté au Comité une vision déformée de l’objet de sa plainte.

5.3L’auteur reconnaît qu’il appartient au pouvoir législatif de choisir le régime électoral (majoritaire, proportionnel ou semi-proportionnel). Toutefois quel que soit le régime retenu, il ne devrait pas compromettre l’exercice par les citoyens de leur droit d’être élu. L’auteur décrit les pesantes procédures à suivre par un particulier n’appartenant pas à un parti pour être désigné candidat à la Douma par un parti politique et pour la répartition des mandats parlementaires entre les candidats. Il fait valoir qu’en Fédération de Russie l’exercice par les particuliers qui n’appartiennent pas à un parti du droit d’être élu (97,5 % de tous les votants qui ont participé aux élections de 2007) dépend de la volonté des membres et des dirigeants des partis politiques. À l’appui de cet argument il fait remarquer qu’il n’y a pas un seul député à la Douma d’État dans sa composition actuelle qui n’appartienne pas à un parti.

5.4En réponse à l’argument de l’État partie qui objecte que les juridictions nationales ne pouvaient pas examiner son grief sur le fond et ne pouvaient pas appliquer la loi qui ensuite aurait pu être soumise à la Cour constitutionnelle, l’auteur dit qu’il doute que l’appareil judiciaire de l’État partie remplisse les conditions d’indépendance et d’impartialité énoncées au paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte. Conformément à l’article 128 de la Constitution, «les juges de la Cour constitutionnelle, de la Cour suprême et de la Cour supérieure d’arbitrage sont désignés par le Conseil de la Fédération sur proposition du Président de la Fédération de Russie. Les juges des autres tribunaux fédéraux sont désignés par le Président de la Fédération de Russie, selon les règles établies par la loi fédérale». En même temps, le Conseil de la Fédération a deux représentants de chaque entité constitutive de la Fédération de Russie: un représentant du pouvoir législatif et un autre du pouvoir exécutif. L’Assemblée législative de chaque entité constitutive est formée selon une procédure analogue à celle qui vaut pour la Douma d’État, alors que le représentant du pouvoir exécutif est désigné par un gouverneur, un maire ou un président de l’entité constitutive, qui est à son tour nommé par le Président de la Fédération de Russie. L’auteur ajoute que même si de jure l’appareil judiciaire est formé par le Président de la Fédération de Russie et par le Conseil de la Fédération, de facto l’initiative émane du Président de la Fédération de Russie et des dirigeants des partis politiques dominants.

5.5Pour toutes ces raisons, l’auteur considère que les juridictions de tous les degrés ne sont pas indépendantes et ne peuvent pas être impartiales dans l’examen de son cas.

Observations supplémentaires de l’État partie

6.1En date du 21 juillet 2009, l’État partie a réaffirmé que les allégations de l’auteur étaient dénuées de fondement. D’après la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État, les députés sont élus dans le district électoral fédéral proportionnellement au nombre de voix attribuées aux listes des candidats, qui ont été nommés et inscrits sur ces listes par le parti politique concerné, conformément à la loi fédérale relative aux partis politiques. Toutefois, si quelqu’un n’appartient pas à un parti politique, le droit pour lui d’être élu ainsi que la marche à suivre pour exercer ce droit sont énoncés à l’article 37 de la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État.

6.2L’État partie relève que l’auteur n’a pas suivi la procédure prévue à l’article 37 de cette loi afin de pouvoir exercer le droit d’être élu. Contrairement à la procédure établie, il a saisi la CEC d’une demande d’enregistrement comme candidat sur la liste des candidats députés à la Douma d’État. Par conséquent, sa demande ne pouvait pas être prise en considération.

6.3L’État partie note en outre que, d’après le dossier, l’auteur n’est pas satisfait de la procédure d’élection des députés à la Douma d’État, procédure qui a été déterminée par le législateur de la Fédération. De plus, le 26 octobre et le 23 novembre 2007, l’Administration présidentielle a informé l’auteur que la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie ne considérait pas que le système proportionnel était inconstitutionnel. Dans son arrêt du 18 décembre 2007 (affaire no 921-O-O), suite à l’action engagée par l’auteur, la Cour constitutionnelle a relevé que généralement les régimes électoraux étaient régis non pas par la Constitution mais par un texte de loi. Il appartient au législateur, et à lui seul, compte tenu de la situation sociopolitique et de la faisabilité politique, de déterminer si le régime électoral doit être majoritaire, proportionnel ou semi-proportionnel. De plus, la révision du 16 juillet 2007 de la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État a introduit des réformes au système électoral et le régime majoritaire-proportionnel a été remplacé par un système proportionnel. La Cour a fait remarquer que conformément à la législation nationale, les partis politiques, qui détiennent des fonctions publiques particulières, sont les seuls sujets du processus électoral.

6.4L’État partie réaffirme que conformément à l’arrêt de la Cour constitutionnelle mentionné, la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État n’exclut pas le droit d’un citoyen qui n’est membre d’aucun parti politique d’être élu député à la Douma. Les personnes dans ce cas peuvent être inscrites sur la liste fédérale des candidats d’un parti politique de leur propre initiative ou à l’initiative du parti. À ce propos, l’État partie note que l’auteur ne s’est jamais prévalu de cette possibilité. La loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État a été officiellement publiée en mai 2005. La campagne électorale pour la cinquième élection à la Douma d’État a débuté en septembre 2007. Par conséquent, et indépendamment de ses opinions politiques, l’auteur avait suffisamment de temps pour exercer son droit de se faire élire dans le cadre de la procédure établie à l’article 37 de la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État.

6.5De surcroît, l’État partie réaffirme que l’auteur n’a pas épuisé tous les recours disponibles avant d’adresser sa communication au Comité. En outre, les tribunaux lui avaient clairement expliqué que pour demander son enregistrement en tant que candidat, ce n’était pas à la CEC qu’il aurait fallu s’adresser mais à un parti politique. Par conséquent, étant donné que l’auteur n’avait jamais été inscrit dans un parti politique, il n’y avait pas de violation de son droit d’être élu.

6.6L’État partie réaffirme qu’à son avis la communication devrait être déclarée irrecevable étant donné que l’auteur n’a pas épuisé tous les recours internes disponibles. Elle constitue de plus un abus du droit de plainte. Par conséquent, l’État partie fait valoir que la communication ne répond pas aux critères de recevabilité énoncés à l’article 3 et au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

Commentaires supplémentaires de l’auteur

7.1Dans une lettre du 13 octobre 2009, l’auteur réaffirme que conformément à l’article 3 de la Constitution, «le peuple» est la seule source du pouvoir dans le pays. Le peuple exerce le pouvoir directement ainsi que par les organes de l’État et les organes des collectivités locales. Fort de ce principe démocratique, l’auteur a déposé auprès d’une institution de l’État une demande d’inscription sur la liste des candidats des députés à la Douma d’État. Il explique qu’il s’est adressé à la CEC parce que c’est l’organe autorisé à enregistrer les candidatures. Les partis politiques n’enregistrent pas les candidats. Ils ne font qu’établir des listes de candidats qu’ils soumettent ensuite à la CEC aux fins d’enregistrement. C’est pourquoi l’auteur a formé recours contre le refus de la CEC auprès de plusieurs institutions et juridictions nationales. Il a donc épuisé tous les recours internes disponibles.

7.2Pour ce qui est de l’arrêt de la Cour constitutionnelle en date du 18 décembre 2007, l’auteur affirme qu’en fait la Cour n’a pas examiné ses griefs concernant l’incompatibilité avec la Constitution des articles 3, 4, 7 et 37 de la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État. Il maintient par conséquent que la Cour constitutionnelle n’a pas confirmé la constitutionnalité de ces articles. À ce propos, il note que, indépendamment du fait qu’il approuve ou n’approuve pas les procédures d’élection des députés à la Douma d’État, la Cour aurait dû examiner ses griefs et n’aurait pas dû les écarter. De l’avis de l’auteur cette attitude démontre que le pouvoir judiciaire dans l’État partie n’est pas indépendant.

7.3Enfin, l’auteur fait remarquer que l’État partie n’a pas répondu à son grief de violation du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte.

Nouvelles observations de l’État partie

8.1En date du 19 août 2010, l’État partie a de nouveau souligné que la communication était irrecevable parce que l’auteur n’avait pas épuisé tous les recours internes disponibles et parce que la communication constituait un abus du droit de plainte.

8.2L’État partie réfute l’argument de l’auteur qui affirme qu’il n’a pas traité du grief de violation du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte et note que ses deux premières réponses sur la recevabilité concernent l’ensemble de la communication ainsi que chacun des griefs.

8.3L’État partie explique que toutes les procédures internes ont été menées par les autorités nationales compétentes avec la diligence voulue. Le fait que l’auteur ne soit pas satisfait des résultats ne montre pas en soi que l’appareil judiciaire manque d’indépendance ou de compétence. À ce sujet l’État partie fait valoir qu’une telle spéculation démontre que l’auteur commet un abus du droit de plainte au sens de l’article 3 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.4L’État partie réaffirme que l’auteur n’a pas épuisé tous les recours internes disponibles. Il relève que l’auteur a contesté la légalité des décisions de la CEC par la voie administrative et par la voie civile. Or l’examen de la plainte de l’auteur, c’est-à-dire le refus de l’inscrire comme candidat, n’est pas du ressort d’une juridiction administrative ou civile. Les tribunaux ont clairement expliqué à l’auteur que pour un grief relatif à l’enregistrement sur les listes des candidats il fallait s’adresser non pas à la CEC mais à un parti politique.

8.5Concernant l’allégation de violation du droit de se présenter aux élections, l’État partie réaffirme que l’auteur aurait pu exercer ce droit en application de l’article 37 de la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État. Or il n’a jamais tenté d’exercer ce droit.

8.6L’État partie note en outre que l’auteur conteste la constitutionnalité des dispositions régissant la procédure d’élection des députés à la Douma d’État. Il rappelle à ce sujet que cette question a déjà été examinée par la Cour constitutionnelle, le 20 novembre 1995, laquelle a établi que les dispositions contestées étaient bien compatibles avec la Constitution de la Fédération de Russie.

Nouveaux commentaires de l’auteur

9.1En date du 19 septembre 2010 l’auteur a répondu, au sujet de l’article 14 du Pacte, qu’il ne prétendait pas que le pouvoir judiciaire de l’État partie était incompétent et qu’il ne disait pas non plus qu’il n’était pas satisfait des résultats de la procédure engagée devant les juridictions nationales. Ce qu’il affirme c’est que l’appareil judiciaire n’est pas indépendant et que pour cette raison les griefs qu’il a portés devant les juridictions nationales n’ont pas été examinés avec objectivité ou équité. L’auteur rappelle que les magistrats sont nommés par le Président de la Fédération de Russie et par le Conseil de l’Assemblée fédérale. Par conséquent, l’appareil judiciaire ne pouvait pas examiner avec indépendance et objectivité ses griefs qui étaient de nature politique.

9.2L’auteur conteste en outre l’argument de l’État partie qui affirme que la CEC n’était pas l’organe approprié pour traiter de la demande d’inscription d’un particulier sur la liste des candidats députés. Il précise entre autres choses que, conformément à l’article 44 de la loi sur l’élection des députés à la Douma d’État, la CEC «rend sa décision sur l’enregistrement dans les dix jours après avoir reçu tous les documents nécessaires pour l’inscription sur la liste fédérale des candidats ou, si elle refuse l’inscription, elle expose ses motifs».

9.3Enfin, l’auteur souligne que dans un arrêt du 20 novembre 1995 la Cour constitutionnelle a rejeté la demande déposée notamment par un groupe de députés de la Douma d’État qui voulaient faire examiner la compatibilité avec la Constitution de la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État.

9.4En date du 18 septembre 2011, l’auteur a présenté une brève analyse de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 7 juillet 2011 concernant la constitutionalité du paragraphe 3 de l’article 23 de la loi fédérale relative aux principes généraux d’organisation des collectivités territoriales de la Fédération de Russie, et des paragraphes 2 et 3 de l’article 9 de la loi de la région de Tcheliabinsk relative aux élections municipales dans la région de Tcheliabinsk. Il fait remarquer que la Cour a conclu notamment que le fait qu’un particulier puisse pressentir un parti déterminé afin d’obtenir son inscription comme candidat n’aboutit pas nécessairement à son inscription sur la liste, car cette décision dépend de l’avis du parti politique rendu collectivement.

9.5À la lumière de ce qui précède, l’auteur conclut que, en 2007, le droit de se porter candidat à des élections garanti à l’article 25 du Pacte a été violé et que la Cour constitutionnelle, par son arrêt du 18 décembre 2007, n’a pas dûment examiné ses griefs, en violation du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte.

9.6En date du 5 octobre 2012, l’auteur a fait parvenir un rapport daté du 15 juillet 2012 intitulé «Comment garantir l’indépendance des magistrats en Russie» établi par l’Institut du droit, qui d’après l’auteur montre que le pouvoir judiciaire en Fédération de Russie n’est pas indépendant.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

10.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

10.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre procédure internationale d’enquête ou de règlement.

10.3Le Comité a pris note des observations de l’État partie selon lesquelles l’auteur n’a pas épuisé les recours internes disponibles en l’espèce. Le Comité constate que l’État partie n’a donné aucune explication au sujet des recours dont dispose l’auteur, en particulier eu égard au grief qu’il tire de l’article 25 du Pacte. À cet égard, le Comité considère que l’État partie n’a pas démontré que sa législation offre à l’auteur un recours utile concernant le grief de violation de l’article 25 du Pacte. En conséquence, et en l’absence de toute autre information utile dans le dossier, le Comité considère que, en l’espèce, le paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif ne l’empêche pas d’examiner la recevabilité de la communication.

10.4Pour ce qui est de l’allégation de violation du paragraphe 1 de l’article 14 lu conjointement avec l’article 2 du Pacte, le Comité note que l’auteur s’est limité à dénoncer un manque général d’indépendance du pouvoir judiciaire. En l’absence d’autres informations utiles dans le dossier, le Comité considère que ce grief n’est pas suffisamment étayé et déclare par conséquent qu’il est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

10.5En outre, en ce qui concerne le grief de violation de l’article 16 et du paragraphe 2 de l’article 18 du Pacte, le Comité note que l’auteur n’a pas donné de détail au sujet de ces allégations. Par conséquent, et à la lecture des renseignements figurant dans le dossier, le Comité estime que les allégations de violation de l’article 16 et du paragraphe 2 de l’article 18 du Pacte sont insuffisamment étayées et sont donc irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

10.6Le Comité a pris note des griefs de violation des paragraphes a) et b) de l’article 25 du Pacte, à savoir que l’auteur n’a pas pu prendre part à la direction des affaires publiques ou être élu au cours d’élections périodiques honnêtes, parce ce que le système électoral fédéral de l’État partie ne permettait à l’époque de se présenter en tant que candidat indépendant aux élections de la Douma qu’en étant inscrit sur la liste d’un parti politique enregistré pour les élections en question. À ce propos, l’auteur affirme qu’il ne voulait pas que son nom soit associé à l’un des partis existants car il n’adhérait à l’idéologie d’aucun d’entre eux, mais il ne fournit toutefois aucun détail supplémentaire à ce sujet. Le Comité note en outre que l’État partie a expliqué qu’il était possible, pour les candidats indépendants, d’être inscrits pour les élections fédérales sur la liste de l’un des partis enregistrés pour les élections en question. L’État partie a aussi expliqué que si l’un des partis enregistrés refusait d’inscrire un candidat indépendant sur sa liste, l’intéressé pouvait déposer une plainte auprès d’un tribunal. À ce sujet, l’État partie note toutefois que l’auteur ne pouvait pas saisir un tribunal car il n’avait fait aucune tentative de quelque nature que ce soit pour obtenir l’inscription de son nom sur la liste de l’un des partis existants en tant que candidat indépendant. Le dossier ne contient aucune information sur les raisons pour lesquelles l’auteur n’a pas pu créer son propre parti politique en s’associant à des personnes ayant des opinions politiques similaires et se présenter aux élections par l’intermédiaire de ce parti, ce qui est révélateur.

10.7Le Comité note que les informations dont il dispose ne lui permettent pas de vérifier si les restrictions imposées à l’auteur, en tant que candidat indépendant à des élections législatives fédérales, par les exigences du système électoral alors en vigueur, étaient conformes aux dispositions de l’article 25 du Pacte. À ce propos, le Comité note que les auteurs doivent fournir des informations suffisamment détaillées pour permettre au Comité de rendre une décision éclairée sur le fond de la plainte. Par conséquent, le Comité considère que la présente communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

11.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur de la communication.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

Appendice

Opinion individuelle (dissidente) de M. Yuval Shanyet de M. Konstantine Vardzelashvili

1.Le Comité a déclaré la communication irrecevable parce que l’auteur n’a pas étayé l’allégation de violation de l’article 25 du Pacte. Cette conclusion est fondée sur le principe selon lequel il incombe à l’auteur de prouver que la loi fédérale sur les élections des députés à la Douma d’État en vigueur à l’époque et telle qu’elle lui a été appliquée imposait des restrictions déraisonnables à son droit d’être élu.

2.Nous nous permettons de ne pas être d’accord avec l’avis de la majorité, puisque nous estimons que les informations dont dispose le Comité sont suffisantes pour inverser la charge de la preuve et demander à l’État partie de justifier les restrictions prévues par le cadre juridique de la loi fédérale sur les élections des députés à la Douma d’État, telle qu’elle a été appliquée à l’auteur. Ces informations comportent les éléments suivants:

Le texte de la loi fédérale sur les élections des députés à la Douma d’État (en vigueur à l’époque), qui exige des candidats qu’ils se présentent aux élections par l’intermédiaire des partis politiques existants;

L’argument de l’auteur, qui n’a pas été contesté, selon lequel la procédure d’inscription sur les listes de partis de personnes n’appartenant pas à ces partis est pesante et qu’aucune personne non membre d’un parti ne siégeait à la Douma lorsque les événements décrits dans la communication ont eu lieu;

La position adoptée par la Cour européenne des droits de l’homme dans son arrêt du 12 avril 2011, réaffirmée par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) dans l’avis qu’elle a adopté le 19 mars 2012, selon lequel les conditions d’enregistrement des nouveaux partis politiques en Fédération de Russie (et les conditions de maintien de l’enregistrement des partis existants) sont abusives;

Le rapport de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur l’observation des élections législatives de 2011 dans la Fédération de Russie, qui donne des détails sur le nombre élevé de membres que doivent compter les nouveaux partis en Fédération de Russie et le soutien dont ils doivent bénéficier pour pouvoir être enregistrés. Selon le rapport, «plusieurs tentatives d’enregistrement de partis politiques ont été menées depuis les élections de 2007 mais seul le parti “Juste cause” (Pravoe delo) a obtenu gain de cause pour le scrutin de 2011. Toutes les autres formations se sont vues refuser l’enregistrement».

3.En l’espèce, l’auteur se plaint de ne pas pouvoir se présenter aux élections en tant que candidat indépendant. L’État partie a fait observer que l’auteur pouvait demander à un parti existant de l’inscrire sur sa liste en tant que candidat même s’il n’était pas membre de ce parti. L’État partie ne fournit toutefois pas suffisamment de renseignements sur la question de savoir si cette démarche était réalisable dans la pratique, étant donné le pouvoir qu’ont les partis politiques d’établir leur propre liste de candidats et compte tenu de l’absence à la Douma, à l’époque, de députés non affiliés à un parti politique. Il n’a pas non plus fourni suffisamment de renseignements sur la question de savoir si une autre possibilité de se présenter aux élections, telle que celle consistant à créer un nouveau parti, était ouverte à l’auteur. Les informations dont dispose le Comité soulèvent des doutes sérieux quant au caractère réalisable de ces solutions et l’État partie n’a pas fourni suffisamment d’informations permettant de dissiper ces doutes.

4.En outre, l’État partie n’a pas apporté d’éclaircissements sur la question de savoir si le fait d’exiger que des particuliers se présentent aux élections par l’intermédiaire des partis politiques existants ne revenait pas à leur demander d’adhérer à ces partis. Il est évident qu’une telle obligation serait en conflit avec le paragraphe 17 de l’Observation générale no 25 (1996) du Comité concernant la participation aux affaires publiques, le droit de vote et le droit d’accéder dans des conditions d’égalité aux fonctions publiques, qui dispose que «le droit de se présenter à des élections ne devrait pas être limité de manière déraisonnable en obligeant les candidats à appartenir à des partis ou à un parti déterminé». La distinction entre le fait d’être officiellement membre d’un parti et le fait d’être inscrit sur une liste de candidats présentés par un parti, sur laquelle l’État partie semble s’appuyer, nous paraît être purement symbolique. On peut raisonnablement supposer que les candidats qui se présentent sur la liste d’un parti adhèrent à l’idéologie et au programme politique de ce parti et entretiennent avec celui-ci des relations encore plus étroites que les personnes qui en sont officiellement membres.

5.La combinaison des facteurs dans la présente affaire − c’est-à-dire la législation interne, qui exige de se présenter aux élections par l’intermédiaire des partis existants et qui rend manifestement la création de nouveaux partis extrêmement difficile − nous conduit à la conclusion que la loi fédérale sur les élections des députés à la Douma d’État (en vigueur à l’époque) et son application à l’auteur étaient à première vue incompatibles avec l’article 25 du Pacte. Si les États ont un pouvoir discrétionnaire étendu pour définir le système électoral, leur législation dans ce domaine devrait toujours viser à faciliter l’exercice des droits garantis par le Pacte plutôt qu’à le limiter de manière déraisonnable. Or, la loi et la pratique en matière d’enregistrement des candidatures individuelles et des partis politiques dans l’État partie, telles qu’appliquées à l’auteur, comportent de très importantes restrictions d’ordre juridique et pratique, qui semblent être en deçà des normes prescrites par le Pacte.

6.Nous estimons donc qu’un système qui, de fait, exige des candidats aux élections qu’ils se présentent par l’intermédiaire de partis politiques, qu’ils soient ou non membres desdits partis, va à l’encontre de l’objet et du but de l’article 25 du Pacte, qui vise à protéger le droit de chacun de se présenter aux élections et à assurer un degré élevé de démocratie et de pluralisme politique. Il n’est pas non plus conforme au principe selon lequel l’affiliation à un parti politique doit s’inscrire dans une démarche volontaire et nul ne devrait être contraint d’adhérer ou d’appartenir à une association contre sa volonté.

7.L’État partie n’ayant par fourni les informations nécessaires pour lever la préoccupation concernant l’incompatibilité prima facie de ses lois et de ses pratiques avec le Pacte, nous pensons que le Comité aurait dû conclure à une violation de l’article 25 et devrait avoir demandé à l’État partie de fournir à l’auteur un recours utile en prenant toutes les mesures nécessaires pour mettre sa législation relative aux élections en conformité avec le Pacte.

[Fait en anglais. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois, en espagnol, en français et en russe aux fins du présent rapport.]

L.Communication no 1886/2009, X c. Pays-Bas(Décision adoptée le 28 mars 2013, 107e session)*

P résentée par:

X (représentée par un conseil,Marcel Schuckink Kool)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Pays-Bas

Date de la communication:

22 octobre 2005 (date de la lettre initiale)

Objet:

Anonymat

Questions de procédure:

Griefs insuffisamment étayés

Questions de fond:

Impossibilité de faire examiner une condamnation par une juridiction supérieurepour des raisons d’anonymat

Article du Pacte:

14 (par. 5)

Article du Protocole facultatif:

2

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 28 mars 2013,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication est Mme X, de nationalité néerlandaise, née en 1968. Elle se déclare victime d’une violation par les Pays-Bas des droits énoncés au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Elle est représentée par un conseil, M. Marcel Schuckink Kool.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur affirme, sans donner davantage d’explications, qu’elle a été reconnue coupable d’une infraction le 22 avril 2005. Elle affirme qu’elle n’a pas fait appel de sa condamnation car elle refusait de dévoiler son identité dans le mémoire d’appel. Elle fait référence à un arrêt de la Cour suprême en date du 24 juin 2003, dans l’affaire no 01948/02, qui conclut que «il faut déduire des articles 449 à 452 du Code de procédure pénale, qui établit les règles de formation des recours, que le suspect qui est l’objet d’une décision de justice dans laquelle il a été identifié autrement que par son nom ne peut pas faire appel d’un jugement définitif si ce n’est en dévoilant son identité». L’auteur relève toutefois que son refus de dévoiler son identité dans l’affaire jugée en première instance n’a pas empêché le tribunal de la déclarer coupable. Elle ajoute que jusqu’à récemment il était possible de faire appel sans dévoiler son identité. Mais la législation a été modifiée et exclut désormais une telle possibilité, sans que ce soit catégorique.

2.2Étant donné qu’elle souhaitait rester anonyme dans le cadre de la procédure pénale et qu’elle estime que l’État partie peut l’identifier par la référence de l’affaire, l’auteur a décidé de ne pas dévoiler son identité au Comité non plus.

2.3Le 28 octobre, le 8 novembre et le 2 décembre 2005, l’auteur a demandé de nouveau que son identité reste cachée. En particulier, le 2 décembre 2005, elle a rappelé qu’il lui était impossible de faire appel de sa condamnation puisqu’elle refusait de dévoiler son identité, ce qui constituait d’après elle une violation des droits énoncés au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Elle ajoute qu’à son avis le droit de rester anonyme est directement lié au droit à un procès équitable, qui comprend le droit de ne pas s’avouer coupable.

2.4L’auteur rappelle que son souhait de rester anonyme n’empêche pas l’État partie de l’identifier, étant donné qu’elle avait indiqué les numéros d’identification pertinents et pouvait donc être aisément identifiée.

2.5Le 9 juin 2006, l’auteur a fait connaître son nom, à la condition qu’il serait tenu strictement confidentiel et ne serait pas communiqué à l’État partie.

Teneur de la plainte

3.L’auteur affirme être victime d’une violation des droits énoncés au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte parce qu’elle n’a pas pu faire appel de sa condamnation du fait qu’elle a refusé de dévoiler son nom.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.Par une note verbale du 27 août 2009, l’État partie a contesté la recevabilité de la communication. Il souligne que la communication est anonyme alors que l’article 3 du Protocole facultatif interdit expressément au Comité d’examiner les communications anonymes. Il note en outre qu’il ne comprend pas pourquoi cette communication a été portée à son attention en dépit des dispositions de l’article 3 du Protocole facultatif. De plus, d’après l’État partie, la communication elle-même ne contient aucune explication justifiant le maintien de l’anonymat.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans une réponse du 26 juillet 2011, l’auteur a rejeté les observations de l’État partie. En ce qui concerne la question de l’anonymat, elle explique que sa communication n’est pas anonyme, puisque l’État partie est en mesure de l’identifier. Elle ajoute que quoi qu’il en soit, son anonymat n’a pas empêché que l’action pénale engagée se poursuive.

5.2L’auteur rappelle ses commentaires du 2 décembre 2005, et renvoie aux conclusions de la Cour européenne des droits de l’homme dans la requête no 36378/02, Chama ï ev c. Géorgie et Russie, dans laquelle, selon elle, la Cour avait conclu que si les requérants avaient dissimulé leur identité pour des raisons compréhensibles, c’étaient bien des individus, qu’il était possible d’identifier grâce à des indications autres que leur nom.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité a relevé les objections de l’État partie qui conteste la recevabilité de la communication en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Il note en outre que, conformément à l’article 3 du Protocole facultatif ainsi qu’à l’alinéa a de l’article 96 du Règlement intérieur du Comité, «le Comité déclare irrecevable toute communication présentée en vertu du présent Protocole qui est anonyme (…)».

6.3Le Comité note que l’auteur souhaitait conserver l’anonymat à l’égard aussi bien du Comité que de l’État partie. Le 9 juin 2006, elle a dévoilé son identité au Comité; elle a toutefois insisté pour conserver l’anonymat vis-à-vis de l’État partie parce que, d’après elle, les autorités pouvaient facilement l’identifier. À ce sujet, le Comité fait observer que ni dans sa communication initiale ni dans les communications ultérieures l’auteur n’a indiqué pour quelles raisons elle ne voulait pas dévoiler son nom dans le contexte de la présente communication ni dans le cadre d’une procédure d’appel devant les juridictions nationales. Le Comité note que le paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte ne protège pas le droit des parties à une procédure de rester anonymes. Il découle au contraire de l’article 14 du Pacte qu’en l’absence de circonstances particulières toute procédure, y compris en appel, doit être publique.

6.4Compte tenu de ce qui précède, et en l’absence d’informations utiles supplémentaires concernant l’affaire, le Comité conclut que l’auteur n’a pas étayé suffisamment sa plainte, aux fins de la recevabilité, et déclare celle-ci irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et, pour information, à l’auteur de la communication.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

M.Communication no 1891/2009, J. A. B.  G. c. Espagne(Décision adoptée le 29 octobre 2012, 106e session)*

P résentée par:

J. A. B. G. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Espagne

Date de la communication:

9 mars 2009 (date de la lettre initiale)

Objet:

Étendue de l’examen en cassation par le Tribunal suprême espagnol

Questions de procédure:

Non-épuisement des recours internes;griefs non étayés

Questions de fond:

Droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation

Articles du Pacte:

14 (par. 3 c)) et 5

Articles du Protocole facultatif:

2 et 5 (par. 2 b))

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 29 octobre 2012,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication est J. A. B. G., de nationalité espagnole, né le 21 septembre 1944. Il affirme être victime d’une violation par l’Espagne des droits qui lui sont reconnus en vertu du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Il n’est pas représenté par un conseil. Quand il a envoyé sa communication, il se trouvait détenu au Centre pénitentiaire Madrid VI.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1En 1998, la chambre centrale d’instruction no 3 de l’Audiencia Nacional a engagé une action (procédure no 313/1998) à l’encontre de l’auteur, accusé d’avoir participé, de concert avec d’autres personnes, à la réalisation d’opérations bancaires et de transferts de fonds en provenance et à destination de l’Espagne, aux fins du blanchiment de capitaux obtenus par le trafic de stupéfiants.

2.2En 2001, la chambre centrale d’instruction no 5 a engagé une deuxième action à l’encontre de l’auteur. Celui-ci était accusé d’avoir tenté, dans le courant de l’année 1990, d’introduire dans le pays, de concert avec d’autres personnes, une importante quantité de cocaïne en provenance d’Amérique du Sud, en cherchant à cette fin des fournisseurs et un navire pour le transport de la marchandise jusqu’au territoire de l’État partie. L’auteur aurait contacté le propriétaire du navire et effectué plusieurs paiements aux fins du transport du chargement de drogues.

2.3Le 28 janvier 2004, l’Audiencia Nacional a reconnu l’auteur coupable de délit contre la santé publique et l’a condamné à une peine d’emprisonnement de quatre ans et à une amende de 600 000 euros. L’auteur s’est pourvu en cassation, affirmant qu’une erreur de fait avait été commise dans l’appréciation de la preuve et que des faits présentés dans le jugement comme ayant été prouvés, en réalité ne l’avaient pas été au cours du procès.

2.4Le 27 avril 2006, le Tribunal suprême a fait droit au pourvoi en cassation formé par l’auteur, annulant le jugement rendu par l’Audiencia Nacional le 28 janvier 2004 et acquittant l’auteur du délit contre la santé publique. Le Tribunal a examiné de manière approfondie l’appréciation des preuves faite par l’Audiencia Nacional et a établi que la condamnation se fondait essentiellement sur les preuves constituées par les déclarations des «repentis», faites cinq ans après les faits, et que l’on manquait d’éléments concrets ou factuels pour corroborer ou étayer les témoignages livrés.

2.5Le 27 juillet 2005, l’Audiencia Nacional a statué dans l’affaire no 313/1998 et a condamné l’auteur à une peine d’emprisonnement de trois ans et trois mois et à une amende de 1,8 million d’euros pour blanchiment de capitaux provenant du trafic de stupéfiants. En septembre 2005, l’auteur s’est pourvu en cassation devant le Tribunal suprême, alléguant qu’il y avait eu violation du droit au secret des correspondances téléphoniques et du droit à la présomption d’innocence, et application incorrecte des articles 301 et 302 du Code pénal relatifs au recel de fonds et au blanchiment de capitaux. Il a affirmé que les écoutes téléphoniques utilisées comme preuves à charge avaient été autorisées sans motif valable, que ni le titulaire de la ligne téléphonique ni les personnes chargées des écoutes n’étaient nommément indiqués dans l’ordonnance y relative, et qu’il n’avait pas pu interroger l’auteur de la dénonciation. Il a également affirmé que l’accusation n’avait pas prouvé, même au moyen de preuves indirectes, qu’il s’était effectivement rendu coupable de trafic de stupéfiants, ni qu’il avait eu connaissance des activités de blanchiment de capitaux provenant de faits illicites. Le parquet a également fait appel du jugement, faisant valoir la circonstance aggravante que constituait l’appartenance de l’auteur à une organisation.

2.6Le 25 avril 2007, le Tribunal suprême a rejeté le pourvoi en cassation formé par l’auteur dans l’affaire no 313/1998. S’agissant de la peine prononcée, il a accueilli le recours du parquet, qui avait dénoncé une erreur commise par l’Audiencia Nacional dans le calcul du nombre d’années de privation de liberté correspondant à l’infraction commise compte tenu des circonstances aggravantes, notamment de l’appartenance de l’auteur à une organisation. Il a donc porté la peine à quatre ans et sept mois d’emprisonnement pour blanchiment de capitaux provenant du trafic de stupéfiants. L’auteur joint une copie du jugement, dans lequel il est indiqué que le Tribunal suprême estime que la mesure de restriction du secret des correspondances téléphoniques était clairement et objectivement justifiée compte tenu des informations communiquées par la Garde civile, et notamment du témoignage livré par l’auteur de la dénonciation, lui-même impliqué dans l’opération de blanchiment, et que la non-divulgation de l’identité de celui-ci ainsi que le fait qu’il n’ait pas été possible de l’interroger ne portaient en aucun cas atteinte aux droits de l’auteur puisque ces informations n’avaient pas été examinées en tant qu’éléments de preuve mais uniquement prises en compte par la Garde civile et le juge d’instruction pour justifier les écoutes téléphoniques. Au sujet de l’inexistence de l’infraction, du non-respect du droit à la présomption d’innocence et de l’application incorrecte des articles 301 et 302 du Code pénal qui sanctionnent le blanchiment de capitaux avec la circonstance aggravante d’appartenance à une organisation, le Tribunal a relevé que, conformément à sa jurisprudence, pour prouver l’existence du délit de blanchiment de capitaux au sens de l’article 301 du Code pénal, il n’était pas nécessaire qu’il y ait eu une condamnation préalable pour trafic de stupéfiants, ni que la réalité de l’infraction ait été établie; il suffisait en effet de prouver qu’un lien existait entre l’auteur et des activités liées au trafic de drogues dont il pouvait être établi qu’elles étaient à l’origine des fonds, et que la connaissance de ces faits ou du moins de certaines informations permettait de déduire raisonnablement l’illégalité de la provenance des fonds, sans que l’intéressé puisse invoquer l’ignorance de faits qu’il n’avait à aucun moment cherché à élucider. À ce sujet, le Tribunal a fait observer que les faits prouvés démontraient que l’auteur avait effectué, avec d’autres personnes, des échanges de devises, des opérations bancaires sous une identité fictive ou usurpée, et avait procédé, de manière dissimulée, au transfert d’importantes sommes d’argent. Cette manière de procéder indique que l’auteur avait des faits une connaissance suffisante pour pouvoir déduire la provenance illicite des fonds.

2.7En juin 2007, l’auteur a formé un recours en amparo contre les décisions rendues par l’Audiencia Nacional et par le Tribunal suprême le 27 juillet 2005 et le 25 avril 2007, respectivement; il estimait que ses droits à la présomption d’innocence, au respect de la vie privée et à une procédure régulière avaient été violés et que ces décisions étaient arbitraires et portaient atteinte au principe de légalité; le procès pénal à l’issue duquel il avait été condamné avait en effet duré dix ans, se prolongeant indûment alors qu’il s’agissait d’une procédure abrégée. Le 29 septembre 2008, le Tribunal constitutionnel a décidé de rejeter le recours, l’auteur n’ayant pas démontré «l’importance constitutionnelle particulière» de celui-ci, et a ordonné le classement de l’affaire.

2.8L’auteur déclare qu’il a épuisé les recours internes et que la condition fixée au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif est donc remplie.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que l’Espagne a violé son obligation au titre du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Il demande au Comité de déterminer d’office si les faits présentés dans sa communication révèlent la violation d’autres droits énoncés dans le Pacte.

3.2L’auteur déclare avoir été privé du droit d’appel et du droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation prononcées à son encontre. Il a contesté, aussi bien dans le pourvoi en cassation que dans le recours en amparo, tous les éléments du jugement et n’a pas fait valoir uniquement les vices de forme. Il affirme avoir été néanmoins privé, dans la pratique, du droit de faire appel de la condamnation prononcée par l’Audiencia N acional.

3.3L’auteur se plaint de la durée excessive du procès à l’issue duquel sa responsabilité pénale a été établie; la procédure s’est en effet ouverte en 1998 et a pris fin le 27 septembre 2008, lorsque le recours en amparo formé contre le jugement rendu par l’Audiencia Nacionala été déclaré irrecevable. Cette procédure censée être abrégée a duré environ dix ans: cinq ans devant la chambre d’instruction, deux ans devant l’Audiencia Nacional,deux ans devant le Tribunal suprême, puis encore un an devant le Tribunal constitutionnel, avant que celui-ci rejette le recours en amparo. L’auteur ajoute que ces retards n’étaient en aucun cas justifiés.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans une note du 15 octobre 2009, l’État partie a présenté au Comité ses observations sur la recevabilité de la communication et a demandé que celle-ci soit déclarée irrecevable pour abus du droit de plainte, non-épuisement des recours internes et défaut de fondement, en vertu de l’article 3, du paragraphe 2 b) de l’article 5 et de l’article 2 du Protocole facultatif, respectivement.

4.2L’État partie fait observer que la présentation d’une communication dans laquelle il est demandé au Comité de relever, outre les violations expressément énoncées, d’éventuelles violations supplémentaires dans le récit des faits constitue un abus de droit. Dans le cadre de la procédure d’examen par le Comité de communications émanant de particuliers, il incombe à l’auteur de déterminer, à tout le moins de manière générale, les violations dont il pense avoir été victime, sans employer de termes génériques qui empêcheraient l’État partie d’assurer sa défense.

4.3Les recours internes disponibles n’ont pas été épuisés pour ce qui est du grief tiré du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, puisqu’aucune violation du droit au double degré de juridiction n’a été invoquée, ni dans le pourvoi en cassation ni dans le recours en amparo. Ce dernier était uniquement fondé sur une violation présumée du droit à la présomption d’innocence et du droit au respect de la vie privée. De même, les allégations relatives aux retards excessifs observés dans la procédure n’ont été formulées ni dans le pourvoi en cassation ni dans le recours en amparo. Ce recours a été jugé irrecevable en raison de l’impéritie de l’avocat de la défense, qui avait présenté une demande irrémédiablement insuffisante vu qu’il n’en n’avait pas démontré l’importance constitutionnelle, comme l’exige la législation de l’État partie.

4.4Les allégations de l’auteur relatives aux violations dont il dit être victime ne sont pas suffisamment étayées. La durée du procès n’implique pas en elle-même qu’il y ait eu des retards excessifs, contraires au paragraphe 3 c) de l’article 14; d’autres éléments doivent en effet être pris en compte, en particulier la complexité du dossier − caractéristique courante dans les affaires de blanchiment de capitaux. En tout état de cause, le Tribunal suprême a tenu compte de la durée du procès, au bénéfice de l’auteur.

4.5En ce qui concerne les allégations de l’auteur qui affirme qu’il a été victime d’une violation du droit à la présomption d’innocence, garanti par le paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte, l’État partie fait observer que le Tribunal suprême, saisi en cassation contre le jugement de l’Audiencia Nacional en date du 28 janvier 2004, a acquitté l’auteur du chef de délit contre la santé publique, jugeant insuffisantes les preuves retenues contre lui. S’il a ensuite pris en considération cette procédure pour l’examen du dossier no 313/1998, c’était dans l’unique but de déterminer s’il existait un lien ou une proximité entre l’auteur et le milieu de la drogue, sans que cela ait une incidence sur la détermination de la responsabilité pénale.

4.6Pour ce qui est du droit au double degré de juridiction énoncé au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, l’État partie fait observer que la décision du Tribunal suprême, qui a réexaminé la décision rendue par l’Audiencia Nacional le 28 janvier 2004 et acquitté l’auteur du délit d’atteinte à la santé publique, démontre que le système de cassation espagnol permet un réexamen complet des preuves produites devant les juridictions inférieures, garantissant ainsi le droit au double degré de juridiction et le droit à la présomption d’innocence. Le Tribunal suprême a donc toute compétence pour examiner les faits, l’administration de la preuve et l’application du droit dans les jugements rendus par les juridictions inférieures, au moyen du pourvoi en cassation.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partieconcernant la recevabilité

5.1En date du 3 février 2010, l’auteur a fait parvenir ses commentaires sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité.

5.2L’auteur affirme que sa communication porte uniquement sur la violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Toutefois, la peine prononcée pour blanchiment de capitaux a été alourdie par le Tribunal suprême et les retards observés dans la procédure n’ont jamais été pris en compte au bénéfice de l’auteur. L’auteur estime que ces retards doivent être appréciés au regard du paragraphe 3 c) de l’article 14 du Pacte.

5.3L’auteur réaffirme que le Tribunal suprême a utilisé des informations relatives au deuxième procès intenté contre lui pour atteinte à la santé publique, à l’issue duquel il avait finalement été acquitté. Il soutient que ces informations ont été utilisées pour établir sa responsabilité pénale. Le Tribunal a ainsi considéré un verdict d’acquittement comme une preuve; c’est pourquoi l’auteur demande au Comité de déterminer si cela peut emporter une violation du paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte.

5.4Pour ce qui est du grief de violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, l’auteur affirme n’avoir pu former contre le jugement de l’Audiencia Nacional qu’un pourvoi en cassation, qui ne saurait être considéré comme un recours en appel.

5.5Enfin, l’auteur réaffirme qu’il a épuisé les recours internes, bien qu’à son sens ceux-ci ne soient pas efficaces.

Observations de l’État partie sur le fond

6.1Le 11 février 2010, l’État partie a présenté ses observations sur le fond de la communication et a demandé au Comité de déclarer celle-ci irrecevable ou, à défaut, de constater qu’il n’y avait pas eu de violation du Pacte.

6.2Concernant le grief tiré du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, l’État partie fait valoir que l’auteur se contente d’énoncer des généralités sur les prétendues limites de l’examen des pourvois en cassation par le Tribunal suprême, sans préciser quels faits ou quels griefs n’ont pas été pris en compte lors de l’examen des pourvois qu’il a lui‑même formés.

6.3Les communications présentées au Comité par des particuliers ne peuvent pas renvoyer à des jugements abstraits et généraux sur le système de recours juridictionnels. Dans le cas présent, la communication ne contient pas suffisamment de références concrètes aux éléments ou aux faits prouvés qui sont réputés avoir été réexaminés mais qui, en réalité, ne l’auraient pas été. Il ressort de la jurisprudence du Comité que dans des communications précédentes portant sur la même question, celui-ci a reconnu que le système de cassation était suffisant pour garantir, dans une affaire donnée, le réexamen complet du jugement et de la condamnation conformément au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie concernant le fond

7.1Dans une réponse du 26 janvier 2011, l’auteur a fait parvenir ses commentaires sur les observations de l’État partie concernant le fond de la communication.

7.2L’auteur présente un résumé détaillé des origines du recours en appel et du pourvoi en cassation, des différences établies entre les deux par la doctrine juridique ainsi que de la manière dont ils sont régis par la législation de l’État partie et des défaillances qu’ils présenteraient. Il soutient que l’appel est un recours ordinaire, au moyen duquel l’appelant demande à une juridiction supérieure de modifier, conformément au droit, le jugement rendu par une juridiction inférieure sur tout point de fait ou de droit examiné pendant le procès. L’auteur estime que son recours ne saurait être considéré comme un appel, et que le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation prononcés à son encontre a donc été violé.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.3En ce qui concerne l’épuisement des recours internes, le Comité prend note des arguments de l’État partie, qui estime que la communication est irrecevable au regard du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif pour non-épuisement des recours internes, puisque le recours en amparo a été rejeté par le Tribunal constitutionnel en raison d’un défaut irrémédiable imputable à l’auteur qui n’avait pas montré dans son mémoire l’importance constitutionnelle du recours. De plus, l’État partie relève que dans ce recours et dans le pourvoi en cassation l’auteur n’a pas invoqué une violation du droit au double degré de juridiction. Le Comité rappelle sa jurisprudence constante et réaffirme que seuls les recours qui ont une chance raisonnable d’aboutir doivent être épuisés. Le recours en amparo n’avait pas de chance raisonnable d’aboutir en ce qui concerne une éventuelle violation du paragraphe 5 de l’article 14, étant donné que selon la jurisprudence du Tribunal constitutionnel l’amparo n’est pas un recours qui permet la révision de la condamnation et de la peine prononcées par les juridictions pénales. D’un autre côté, le Comité note que l’auteur a contesté les décisions rendues par l’Audiencia Nacional à l’issue des deux procès pénaux, en formant deux pourvois en cassation qui ont été rejetés en dernier ressort par le Tribunal suprême, le 27 avril 2006 et le 25 avril 2007 respectivement, et qu’il a ensuite présenté un recours en amparo contre ces jugements, recours qui a été rejeté par le Tribunal constitutionnel le 29 octobre 2008. Le Comité estime donc qu’aucun obstacle, au regard du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, ne l’empêche d’examiner la présente communication.

8.4Le Comité prend acte des allégations de l’auteur qui affirme avoir été privé des droits d’interjeter appel et de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation prononcées à son encontre vu que, n’ayant pu que se former en cassation devant le Tribunal suprême, il a dans la pratique été privé de son droit d’interjeter appel de la condamnation prononcée par l’Audiencia Nacional. Le Comité prend note également des arguments de l’État partie selon lesquels le pourvoi en cassation permet un réexamen complet des preuves produites devant la juridiction inférieure, puisqu’il permet de réviser le jugement rendu en procédant à un examen des faits et des preuves ainsi qu’à une vérification de la correcte application du droit.

8.5Le Comité relève qu’avant de statuer, le 25 avril 2007, sur l’affaire no 313/1998, le Tribunal suprême a procédé à un examen approfondi des motifs de cassation avancés par l’auteur, y compris le droit au secret de la correspondance et le droit à la présomption d’innocence ainsi que la qualification correcte du délit, sans se limiter aux éléments de forme du jugement rendu par l’Audiencia Nacional. L’infliction d’une peine plus lourde par le Tribunal suprême s’explique par une erreur de calcul de la part de l’Audiencia Nacional et ne modifie pas substantiellement la qualification du délit; elle reflète simplement le fait que l’appréciation par le Tribunal de la gravité des circonstances du délit justifiait d’infliger une peine plus lourde. Par conséquent, le Comité estime que les griefs soulevés au titre du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte n’ont pas été suffisamment étayés aux fins de la recevabilité et conclut qu’ils sont irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.6Le Comité prend note du grief de l’auteur concernant la durée excessive (près de dix ans) du procès à l’issue duquel sa responsabilité pénale a été établie; de tels retards seraient selon l’auteur contraires au paragraphe 3 c) de l’article 14 du Pacte. Toutefois, compte tenu des arguments de l’État partie qui met en avant la complexité du procès, arguments qui n’ont pas été réfutés par l’auteur, le Comité estime que celui-ci n’a pas suffisamment étayé son grief aux fins de la recevabilité. Par conséquent, il déclare ce grief irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.7Compte tenu de ce qui précède, le Comité estime que les allégations de l’auteur concernant une violation possible du paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte sont également sans fondement et qu’elles sont irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

9.En conséquence, le Comité décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.

[Adopté en espagnol (version originale), en anglais et en français. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

N.Communication no 1892/2009, J. J. U. B. c. Espagne(Décision le 29 octobre 2012, 106e session)*

P résentée par:

J. J. U. B. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Espagne

Date de la communication:

3 février 2009 (date de la lettre initiale)

Objet:

Étendue du réexamen effectué en cassation par le Tribunal suprême espagnol

Questions de procédure:

Non-épuisement des recours internes, allégations dénuées de fondement

Questions de fond:

Droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation

Article du Pacte:

14 (par. 5)

Articles du Protocole facultatif:

2 et 5 (par. 2 b))

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 29 octobre 2012,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication est J. J. U. B., de nationalité espagnole. Il prétend être victime d’une violation par l’Espagne du droit qui lui est reconnu par l’article 14, paragraphe 5, du Pacte. L’auteur est avocat et assure sa propre représentation devant le Comité.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur dispensait, à titre professionnel, des services de conseil juridique à plusieurs entreprises, dont Mercantil Sima ConstruccionesDeportivas S.A., depuis le 1er janvier 1996. Dans le cadre de ces prestations, il a déposé une plainte civile contre une autre entreprise au sujet d’une somme de 36 000 euros. Une juridiction de première instance d’Alicante a rendu un jugement par lequel l’entreprise en question a été condamnée à rembourser la somme de 42 176,36 euros à Mercantil Sima ConstruccionesDeportivas S.A. Par la suite, cette entreprise a accusé l’auteur d’avoir détourné la somme pour l’incorporer à son patrimoine privé et a porté plainte contre lui. Le juge d’instruction no 20 de Madrid a engagé contre l’auteur des poursuites pour détournement de fonds et a renvoyé l’affaire devant l’Audiencia Provincial de Madrid pour que celle-ci statue sur la question.

2.2Lors du procès devant l’Audiencia Provincial de Madrid, l’auteur a soulevé la question préalable de la suspension de la procédure tant que l’État partie n’aurait pas instauré un système d’appel ou un double degré de juridiction en matière pénale pour les infractions qui, comme dans l’affaire en cause, étaient jugées en première instance par une Audiencia Provincial. L’Audiencia Provincial de Madrid a rejeté cette requête au motif que l’allégation relative à l’absence de double degré de juridiction dans le système pénal espagnol n’avait aucune incidence sur la procédure de jugement dont elle-même était saisie, mais devait être examinée dans le cadre d’un pourvoi en cassation devant le Tribunal suprême.

2.3Le 24 janvier 2007, l’Audiencia Provincial de Madrid a jugé l’auteur coupable de détournement de fonds et l’a condamné à une peine de deux ans d’emprisonnement assortie d’une interdiction spéciale d’exercer son droit d’éligibilité pendant la même durée, à une amende et au paiement des dépens. Elle l’a également condamné à payer 12 176,36 euros de dommages-intérêts à Mercantil Sima Construcciones Deportivas S.A. En outre, elle a confirmé son avis concernant la question préalable soulevée par l’auteur pendant le procès au sujet de l’absence de système d’appel et indiqué que l’auteur avait la possibilité de contester le jugement rendu en première instance en formant un pourvoi en cassation.

2.4Le 9 mai 2007, l’auteur a formé devant le Tribunal suprême un pourvoi en cassation dans lequel il s’est plaint de l’absence de possibilité de saisir une juridiction supérieure compétente pour connaître de la déclaration de culpabilité et de la condamnation et les réviser en formant un recours en appel, conformément à l’article 14 du Pacte. Il a affirmé que la modification du pourvoi en cassation en matière pénale menée à bien par le Tribunal suprême afin d’élargir le réexamen des preuves ayant servi de base aux condamnations pénales prononcées par les Audiencias Provinciales ne respectait pas l’obligation énoncée dans les dispositions du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. L’auteur a également considéré qu’il y avait eu atteinte à la présomption d’innocence, erreur sur les faits et appréciation arbitraire des éléments de preuve, application abusive de la qualification d’escroquerie et de détournement de fonds et des normes relatives aux dommages-intérêts, et durée excessive de la procédure.

2.5Le 26 décembre 2007, le Tribunal suprême a rejeté le pourvoi en cassation. L’auteur a transmis le texte de l’arrêt au Comité. Dans cet arrêt, le Tribunal a indiqué que, bien que le Comité des droits de l’homme ait considéré par le passé dans certaines de ses conclusions que le pourvoi en cassation, dans le cadre de procédures pénales, ne garantissait pas l’exercice du droit à un double degré de juridiction, il reconnaissait dans ses décisions les plus récentes que le pourvoi en cassation offrait une possibilité effective de faire réviser la déclaration de culpabilité et la condamnation par une juridiction supérieure. Le pourvoi en cassation était donc bien une voie de recours utile permettant un double examen de la déclaration de culpabilité et de la condamnation. Il en était ainsi, indépendamment de la réforme de la loi organique sur le pouvoir judiciaire introduite par la loi no 19/2003 datée du 22 décembre qui garantit le double degré de juridiction et dont l’application dépend maintenant de l’adaptation des dispositions de procédure pertinentes.

2.6En outre, le Tribunal a examiné chacune des allégations sur lesquelles s’appuyait le recours formé par l’auteur, y compris celles concernant la valeur probatoire accordée à certains éléments de preuve et l’application concrète du droit pénal à l’affaire. Le Tribunal a conclu que les preuves dont il disposait étaient suffisantes pour confirmer l’appréciation des faits par l’Audiencia Provincial de Madrid, dont la sentence était dûment motivée, y compris pour ce qui était des arguments propres à conférer ou non une crédibilité à certains témoignages, appréciation qui était du reste fondée sur des données empiriques et concrètes. L’application de la forme aggravée de l’infraction énoncée au paragraphe 6 de l’article 250 du Code pénal, selon laquelle une fraude représentant un montant supérieur à 36 000 euros constitue une circonstance aggravante, a également été approuvée par le Tribunal. Toutefois, celui-ci a considéré que la motivation des condamnations prononcées n’avait pas été présentée de façon suffisamment détaillée par l’Audiencia Provincial de Madrid et a remédié à cette lacune en indiquant les critères qui motivaient la condamnation prononcée contre l’auteur, qu’il a jugée adéquate et proportionnelle à la gravité des faits. Quant aux allégations touchant la lenteur excessive de la procédure, le Tribunal a signalé que la plainte avait été déposée le 12 février 2004, que l’ordonnance de clôture de l’instruction avait été prise le 11 juin 2005 et eu pour effet de transformer la procédure en procédure abrégée et que le jugement de la juridiction de premier degré avait été prononcé le 24 février 2007, ce qui signifiait que la procédure n’avait pas connu d’interruption et ne pouvait être considérée comme ayant excédé des délais raisonnables.

2.7Le 10 mars 2008, l’auteur a formé un recours en amparo devant le Tribunal constitutionnel. Dans ce recours, il a contesté l’appréciation des éléments de preuve produits pendant le procès pénal qui s’est déroulé devant l’Audiencia Provincial de Madrid puis devant le Tribunal suprême, considérant qu’il s’agissait d’une atteinte au droit à la présomption d’innocence et au droit d’exiger la motivation des décisions judiciaires, consacrés à l’article 24.2 de la Constitution. L’auteur a également affirmé que le déroulement de la procédure pénale ne lui avait pas permis d’exercer son droit de faire réexaminer la déclaration de culpabilité et la condamnation le visant, conformément aux obligations inscrites dans le Pacte. Il a ajouté qu’il avait connaissance de la nouvelle jurisprudence, mais il était d’avis qu’elle allait néanmoins rester sans effet tant que les réformes législatives nécessaires n’auraient pas été adoptées pour que l’ordre juridique prenne totalement en compte le droit au double degré de juridiction en matière pénale.

2.8Le 15 décembre 2008, le Tribunal constitutionnel a rendu une ordonnance et rejeté le recours en amparo dans la mesure où l’auteur n’avait rempli la condition consistant à justifier l’importance constitutionnelle du recours, conformément au paragraphe 1 de l’article 41 de la loi organique sur le Tribunal constitutionnel (L.O 6/2007) datée du 24 mai.

2.9L’auteur déclare avoir épuisé tous les recours internes et remplir ainsi l’obligation faite au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que l’État partie n’a pas respecté l’obligation qui lui incombait au titre du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte dans la mesure où il ne lui a pas permis d’exercer son droit de présenter un recours et de faire réexaminer la déclaration de culpabilité et la condamnation par une juridiction supérieure. Dans le système juridique de l’État partie, l’Audiencia Provincial est une juridiction de première instance qui connaît des affaires pénales emportant des peines d’emprisonnement supérieures à six ans et un jour. On ne peut se pourvoir en cassation contre des condamnations prononcées par l’Audiencia Provincial que devant le Tribunal suprême. Cependant, l’accès au Tribunal suprême est limité car cette juridiction n’est pas pleinement habilitée à réexaminer l’ensemble des éléments sur lesquels l’Audiencia Provincial s’est fondée pour prononcer son jugement. Ainsi, dans la mesure où il n’est pas possible de former un recours en appel d’une condamnation prononcée en première instance, l’État partie a enfreint les dispositions énoncées au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte.

3.2L’auteur ajoute que la nécessité de garantir une véritable deuxième instance pénale est reconnue dans l’exposé des motifs de la loi organique 19/2003 du 23 décembre portant modification de la loi portant organisation du pouvoir judiciaire, et qu’il y est proposé que les chambres pénales des juridictions supérieures se prononcent en deuxième instance sur les jugements prononcés en première instance par les Audiencias Provinciales et que soit créée une chambre d’appel au sein de l’Audiencia Nacional. Cette modification visait à résoudre la controverse découlant de l’avis formulé par le Comité des droits de l’homme au sujet du système de cassation de l’État partie. Toutefois, au moment où la présente communication a été présentée, la loi n’avait pas encore été mise en œuvre faute de règlements d’application.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 5 octobre 2009, l’État partie a présenté au Comité ses observations sur la recevabilité et l’a prié de déclarer cette communication irrecevable au regard de l’article 2 et du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, pour défaut de fondement et pour non-épuisement des recours internes, respectivement.

4.2Les recours internes n’ont pas été épuisés en ce qui concerne le grief tiré du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte dans la mesure où le recours en amparo formé devant le Tribunal constitutionnel a été rejeté en raison d’un vice de procédure irréparable attribué à l’impéritie de l’auteur, qui n’avait pas exposé dans sa requête l’importance constitutionnelle spéciale du recours.

4.3Les allégations de l’auteur concernant le paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte ne sont pas suffisamment étayées, dans la mesure où le Tribunal suprême, dans le cadre du pourvoi en cassation formé par l’auteur, a examiné l’appréciation des éléments de preuve par l’Audiencia Provincial de Madrid et s’est penché plus particulièrement sur la question de savoir si cette juridiction avait apprécié certains faits de façon erronée ou avait omis d’en apprécier certains, indiquant dans son arrêt qu’en sa qualité de chambre de cassation, le Tribunal suprême «contrôle aussi bien la licéité de la preuve sur laquelle la décision est fondée que sa suffisance au regard des exigences découlant du droit à la présomption d’innocence et le bien-fondé des conclusions tirées, ainsi que la durée concrète de la peine prononcée». L’État partie ajoute que le Comité a précédemment considéré comme irrecevables des communications relatives à des violations du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte parce qu’elles étaient insuffisamment fondées.

5.1Le 11 février 2010, l’État partie a présenté au Comité ses observations sur le fond et l’a prié de déclarer la communication irrecevable ou, à défaut, de déclarer qu’il n’y avait eu aucune atteinte aux dispositions du Pacte.

5.2L’État partie réitère les arguments qu’il avait avancés au sujet de la recevabilité de la communication. Il ajoute que le Tribunal suprême, par son arrêt du 26 décembre 2007, a rejeté en partie le pourvoi en cassation car, à l’issue de l’examen des faits sur lesquels l’Audiencia Provincial avait fondé son jugement, il a considéré que le factum (exposé des faits) ayant servi à déterminer la responsabilité pénale de l’auteur devait être maintenu. Cela montre que le Tribunal suprême a procédé, dans le cadre de la cassation, à un examen approfondi du jugement et de la peine prononcés par la juridiction de première instance. Dans des cas similaires, le Comité a considéré que le réexamen effectué au moyen de la cassation avait été suffisant, en l’espèce, pour satisfaire aux exigences du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

6.1Le 15 mars 2010, l’auteur a commenté les observations faites par l’État partie sur la recevabilité de la communication.

6.2L’auteur affirme à nouveau que l’atteinte portée par l’État partie au droit au double degré de juridiction a été pleinement reconnue par le Comité en 2000, lorsque cet organe a considéré que le pourvoi en cassation ne satisfaisait pas aux exigences du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Par la suite, le 29 mars 2005, le Comité a confirmé cette position et considéré que l’ordre juridique de l’État partie ne garantissait pas le double degré de juridiction au pénal dans la juridiction militaire.

6.3L’auteur affirme qu’il a épuisé les recours internes. Il fait valoir que, n’étant pas une voie de recours utile, le recours en amparo ne fait pas partie des recours à épuiser. Le Comité a examiné sur le fond des communications similaires dont l’auteur n’avait pourtant pas déposé préalablement de recours en amparo, étant donné que le Tribunal suprême considérait, selon une jurisprudence constante qu’il continue de suivre, que le pourvoi en cassation satisfaisait aux dispositions du Pacte pour ce qui est du double degré de juridiction en matière pénale.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

7.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.3Le Comité prend note des arguments de l’État partie qui fait valoir que la présente communication est irrecevable au titre du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, car l’auteur n’a pas épuisé les recours internes étant donné que le recours en amparo constitutionnel a été rejeté par le Tribunal constitutionnel en raison d’un vice de procédure irréparable imputable à l’auteur, qui n’avait pas exposé dans sa requête l’importance constitutionnelle spéciale de son recours. Le Comité rappelle sa jurisprudence constante, selon laquelle seuls doivent être épuisés les recours internes ayant une chance raisonnable d’aboutir. En l’occurrence, le recours en amparo n’avait aucune chance raisonnable d’aboutir s’agissant d’une allégation de violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, compte tenu de la jurisprudence du Tribunal constitutionnel sur le pourvoi en cassation. C’est pourquoi le Comité considère que le paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif ne constitue pas un obstacle à l’examen de la présente communication.

7.4Le Comité prend note des allégations de l’auteur selon lesquelles il a été privé du droit de faire réexaminer la déclaration de culpabilité et la condamnation le visant par une juridiction supérieure car il a seulement pu former un pourvoi en cassation devant le Tribunal suprême, ce qui, dans la pratique, suppose une privation du droit de faire appel de la condamnation prononcée par l’Audiencia Provincial de Madrid. Il prend également note des arguments de l’État partie, qui, citant l’arrêt du Tribunal suprême daté du 26 décembre 2007, fait valoir que le pourvoi en cassation permet de procéder à un réexamen approfondi de la preuve administrée devant la juridiction inférieure, sachant que l’on peut réexaminer les décisions touchant les faits, les éléments de preuve et les points de droit.

7.5Le Comité note que, dans son arrêt daté du 26 décembre 2007, le Tribunal suprême a examiné le jugement de condamnation et la peine prononcés par l’Audiencia Provincial de Madrid et a estimé que les preuves suffisaient à confirmer l’appréciation des faits réalisée en première instance, que l’application de la forme aggravée de l’infraction énoncée au paragraphe 6 de l’article 250 du Code pénal était justifiée, et que l’Audiencia Provincial de Madrid n’avait pas présenté les motifs des peines prononcées de façon suffisamment détaillée, ce qui a conduit le Tribunal suprême à exposer les critères qui avaient servi à définir la peine, qu’il a approuvée et jugée adéquate et proportionnelle à la gravité des faits. Le Comité considère par conséquent que les allégations relatives au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte n’ont pas été suffisamment étayées aux fins de la recevabilité de la présente communication et conclut qu’elles sont irrecevables au titre de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.En conséquence, le Comité décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.

[Adopté en espagnol (version originale), en anglais et en français. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

O.Communication no1904/2009, D. T. T. c. Colombie(Décision adoptée le 25 mars 2013, 107e session)*

P résentée par:

D. T. T. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Colombie

Date de la communication:

18 février 2009 (date de la lettre initiale)

Objet:

Condamnation de l’auteur pour enrichissement illicite

Questions de procédure:

Épuisement des recours internes;fondement de la plainte

Questions de fond:

Droit d’être entendu équitablement et publiquement par un tribunal compétent et impartial; interdiction de l’application rétroactive de la loi

Articles du Pacte:

14 et 15

Articles du Protocole facultatif:

2 et 5 (par. 2 b))

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 25 mars 2013,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.1L’auteur de la communication est D. T. T., né le 6 juin 1952, de nationalité colombienne. Il affirme être victime d’une violation par la Colombie des droits qu’il tient des articles 14 et 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L’auteur, qui est avocat, assure lui-même sa représentation devant le Comité.

Exposé des faits

2.1L’auteur a occupé des fonctions de rang élevé dans l’État partie. Il a été précandidat à la présidence de la République pour le Parti libéral jusqu’au 13 mars 1994. Le 31 août 1994, il a été nommé Contrôleur général de la République. Après les élections présidentielles de 1994, des informations ont été publiées dénonçant le financement d’une partie des campagnes électorales par des narcotrafiquants notoires, ce qui a donné lieu à l’ouverture d’une enquête judiciaire, connue sous le nom d’«affaire 8000».

2.2Le 5 février 1998, le Procureur général de la nation a ordonné l’ouverture d’une enquête contre l’auteur, soupçonné d’avoir été le bénéficiaire ultime de sommes d’argent provenant du trafic de drogues, qu’il aurait reçues par l’intermédiaire de l’entreprise Export Café Ltda.

2.3Le 26 février 1998, le Procureur général a ordonné la mise en détention provisoire de l’auteur et, le 15 juillet de la même année, il a engagé des poursuites pour enrichissement illicite de particuliers (EIP) devant la Cour suprême de justice, seule juridiction compétente pour connaître de l’affaire en raison des fonctions de l’auteur. Le Procureur général affirmait que l’auteur ne pouvait pas justifier l’augmentation de son patrimoine d’un montant de 43,6 millions de pesos colombiens, que les opérations qu’il mentionnait pour justifier cette augmentation, comme la vente d’un terrain, ne pouvaient pas en réalité avoir été effectuées et que l’argent provenait du trafic illicite de drogues et avait été versé par un chèque tiré sur le compte de Export Café Ltda. Dans la pratique, cette entreprise n’exerçait aucune activité correspondant à son objet social et servait de société écran au cartel de Cali. Pour décider qu’il y avait matière à poursuivre, le Procureur général a pris en considération la déclaration d’un témoin, G. A. P. G., recueillie alors qu’il se trouvait en détention aux États-Unis dans le cadre d’une procédure ouverte contre un oncle de l’auteur pour des faits également liés au financement de campagnes électorales avec de l’argent provenant du narcotrafic. Ce témoin aurait déclaré que Export Café Ltda. était une entreprise écran du cartel de Cali, lequel avait financé la campagne d’un candidat à la présidence et de plusieurs membres du Congrès, et que l’auteur fréquentait le narcotrafiquant M. A. R. O. Selon les informations présentées par l’auteur, le Procureur général a considéré que le témoignage de G. A. P. G. était valable et que, comme le témoin se trouvait aux États-Unis en qualité de témoin protégé, l’interrogatoire devait être conforme à la réglementation en vigueur dans l’État où le témoignage était recueilli. De plus, la valeur de la preuve ne pouvait pas être contestée en invoquant le fait que la déposition avait été recueillie dans le cadre d’une autre procédure pénale. En outre, la déposition avait été versée au dossier de la procédure engagée contre l’auteur publiquement et selon les règles prescrites par la loi.

2.4Le 19 août 1998, le Congrès de la République a accepté la démission de l’auteur de sa charge de contrôleur général de la République. En conséquence la Cour suprême, n’étant plus compétente, a renvoyé le 27 août 1998 le procès au tribunal régional de Bogota, composé de juges sans visage.

2.5Devant le tribunal régional, l’auteur a demandé que soit prononcée la nullité de la procédure à partir de l’ouverture de l’instruction par le Procureur et a affirmé qu’il ne pouvait être détenu sans que le Congrès ait procédé au préalable à la suspension de ses fonctions, que sa détention s’était prolongée de manière excessive, que le procureur qui avait interrogé G. A. P. G. au sujet de l’auteur n’avait pas compétence pour le faire et que la procureure déléguée devant la Cour suprême, qui avait entendu sa déclaration, n’était pas compétente pour cela. Le tribunal régional a refusé de prononcer les nullités demandées et a ordonné, entre autres éléments de preuve, que soit recueillie sous serment la déclaration de G. A. P. G. afin que ce dernier précise sa déclaration antérieure et que l’auteur soit autorisé à procéder à un contre-interrogatoire dans l’exercice de son droit à une procédure contradictoire. Le 5 mars 1999, une commission rogatoire a été adressée aux autorités compétentes des États-Unis.

2.6Le 30 juin 1999, les tribunaux régionaux ont cessé de fonctionner et la loi no 504 (1999) est entrée en vigueur, portant création de tribunaux pénaux de circuit spécialisés, relevant de l’ordre judiciaire ordinaire, compétents pour connaître notamment des affaires d’enrichissement illicite de particuliers. La procédure engagée contre l’auteur a été confiée au tribunal pénal de circuit no 5 spécialisé de Bogota, qui a poursuivi l’administration des preuves et a pris des mesures pour que la déposition de G. A. P. G. puisse être recueillie aux États‑Unis.

2.7Le 29 décembre 1999, le tribunal no 5 a condamné l’auteur à soixante-dix mois d’emprisonnement, une amende de 43 579 952,70 pesos colombiens ainsi qu’à une peine accessoire d’interdiction d’exercer les droits civils et des fonctions publiques pendant la même période. D’après le jugement, joint par l’auteur, le tribunal a considéré que le délit d’enrichissement illicite devait être interprété conformément à la jurisprudence de la Cour constitutionnelle de 1996, qui en établissait le caractère autonome, et que cela ne portait pas atteinte au principe de la légalité et du bénéfice de la loi pénale favorable. Concernant le témoignage de G. A. P. G., le tribunal a conclu que ce dernier avait été recueilli conformément à la loi et qu’il s’agissait d’un simple élément de conviction parmi d’autres, dans la mesure où les affirmations du témoin coïncidaient avec d’autres preuves qui, ayant été appréciées conjointement, ne laissaient pas planer de doute sur la responsabilité pénale de l’auteur. À la lumière de l’ensemble des preuves produites, le jugement a établi également les raisons pour lesquelles le tribunal n’avait pas estimé nécessaire d’ordonner l’administration d’autres preuves demandées par l’auteur.

2.8L’auteur a interjeté appel devant le Tribunal supérieur de la circonscription judiciaire de Bogota, qui l’a rejeté en date du 14 février 2001. D’après le jugement, dont copie a été jointe par l’auteur, le Tribunal supérieur a confirmé la valeur probante des preuves administrées; il a estimé que les demandes de nullité présentées par l’auteur avaient été examinées et avaient déjà fait l’objet d’une décision et qu’il n’y avait pas eu violation du droit au juge naturel.

2.9L’auteur a formé un pourvoi en cassation devant la Cour suprême de justice. Le 19 juin 2003, la Cour a décidé de ne pas casser le jugement attaqué et a relevé, entre autres choses, que les décisions rendues en première et en deuxième instance étaient conformes aux prescriptions de la loi et remplissaient les critères de validité pour ce qui est des motifs et de la peine prononcée.

2.10L’auteur a déposé un recours en protection (amparo) devant le Conseil régional de la magistrature de Cundinamarca, en faisant valoir qu’il y avait eu atteinte à ses droits fondamentaux à un procès équitable − devant un tribunal impartial et indépendant −, à la défense, à un accès effectif à l’administration de la justice, ainsi qu’une atteinte à son honneur et à sa réputation, étant donné que le Procureur général de la nation avait jugé son affaire selon une procédure inappropriée, que le tribunal régional avait appliqué des règles prévues pour d’autres procédures et prolongé le délai de présentation des preuves, ce qui avait permis au Procureur d’apporter des preuves qu’il n’aurait pas pu présenter sans cela, que l’auteur avait été condamné en l’absence d’une appréciation adéquate et pondérée des preuves, que des preuves essentielles n’avaient pas été produites, et que les fonctionnaires ayant pris les décisions et rendu des avis préalables, comme les magistrats de la Cour suprême, ne s’étaient pas déclarés empêchés de connaître l’affaire. Le 26 avril 2004, le Conseil régional a rejeté le recours en amparo.

2.11L’auteur a présenté un appel devant le Conseil supérieur de la magistrature. Le 2 juin 2004, le Conseil supérieur a confirmé la décision de rejeter le recours en amparo rendue en première instance. L’auteur a formé un recours en révision devant la Cour constitutionnelle. En date du 2 février 2006, la Cour a déclaré la requête partiellement infondée en ce qui concernait, entre autres points, l’impartialité des magistrats de la Cour suprême, au motif que l’auteur n’avait pas récusé ces magistrats alors que la loi lui permettait de le faire. Dans son arrêt, dont le texte était joint par l’auteur, la Cour a indiqué que pour prononcer une condamnation pour délit d’enrichissement illicite, il n’était pas nécessaire de s’appuyer sur un jugement préalable déclarant illicites les activités à l’origine de l’augmentation du patrimoine, que le transfert du procès pénal de la Cour suprême au tribunal régional puis, ultérieurement, au tribunal ordinaire no 5 avait été régulier et conforme à la loi, que la Cour suprême avait accordé à toutes les parties au procès les délais requis pour l’audience publique, et que même si la désignation de la procureure déléguée de la Cour suprême de justice pour conduire le procès avait fait que celle-ci a remplacé le représentant du procureur devant les juridictions spécialisées du circuit de Bogota, ce qui avait constitué une infraction procédurale au droit d’être jugé par un tribunal préétabli et impartial, cela n’avait pas de conséquences du point de vue de la constitutionnalité. La Cour a également confirmé les jugements des juridictions inférieures concernant la validité des preuves, le rejet de certaines d’entre elles et l’appréciation de ces preuves. L’auteur a formé un recours en nullité pour atteinte aux droits à un procès équitable et à l’égalité. Le 25 juillet 2006, la chambre plénière de la Cour constitutionnelle a rejeté le recours en faisant valoir que par ce moyen l’auteur cherchait à obtenir la révision de l’arrêt du 2 février 2006 rendu par la huitième chambre de révision de la Cour constitutionnelle, comme s’il s’agissait d’un organe juridictionnel.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme être victime d’une violation des articles 14 et 15 du Pacte.

3.2En ce qui concerne l’article 14 du Pacte, l’auteur affirme que de graves irrégularités ont été commises dans la procédure pénale engagée contre lui, et qu’il a été porté atteinte à ses droits à la défense, à l’accès effectif à l’administration de la justice, à être jugé par un tribunal impartial et indépendant et à la présomption d’innocence.

3.3Il a été porté atteinte au droit à la défense parce que l’auteur n’a pas eu la possibilité de réfuter les preuves. Sa condamnation a reposé essentiellement sur le témoignage de G. A. P. G.; or l’auteur n’a pas pu contester cette preuve à charge, alors qu’il avait demandé à interroger le témoin. De surcroît, la déposition de ce témoin a été recueillie dans le cadre d’une autre action pénale, de manière irrégulière et sans l’intervention de l’auteur. De même, dans le cadre de la procédure engagée contre lui, des preuves avaient été recueillies, mais n’ont pas été produites au procès et d’autres preuves, demandées par l’auteur, n’ont pas été administrées alors qu’elles étaient fondamentales pour déterminer sa responsabilité pénale, ce qui est contraire au Pacte. De plus, l’auteur affirme que le tribunal régional était composé de juges sans visage et que pendant la procédure conduite par ce tribunal, des preuves ont été demandées, acceptées et rejetées sans que l’auteur puisse connaître l’identité du juge, ce qui a limité son droit à la défense.

3.4L’auteur affirme qu’il n’a pas été jugé par un tribunal compétent, indépendant et impartial. Le tribunal de circuit no 5 et le tribunal supérieur n’avaient pas la compétence territoriale pour connaître de l’affaire, qui aurait dû être jugée par un tribunal de la circonscription judiciaire dans laquelle avaient été émis le chèque et l’ordre de paiement inconditionnel, objet de l’enquête, c’est-à-dire par le tribunal pénal de la circonscription judiciaire de Cali. L’auteur affirme que, dans une autre procédure pénale semblable à la sienne, la Cour suprême a prononcé la nullité de tous les actes de la procédure et a ordonné le transfert du dossier aux tribunaux de Cali, et il a donc été porté atteinte à son droit d’être traité en pleine égalité par les tribunaux.

3.5Les tribunaux ont appliqué des règles de procédure valables pour des procès différents au lieu de se limiter à suivre les règles obligatoires, ce qui est une atteinte au droit à un procès équitable. Par exemple, lorsque le procès a été déféré au tribunal régional, ce dernier a continué à appliquer le délai de présentation des preuves fixé dans les règles de procédure prévues pour la Cour suprême, alors qu’il convenait d’appliquer les règles prévues pour les juridictions régionales. Cela a permis au Procureur de présenter des preuves en défaveur de l’auteur.

3.6En ce qui concerne l’article 15 du Pacte, l’auteur affirme qu’afin de le condamner la justice lui a appliqué rétroactivement l’interprétation de la Cour constitutionnelle du 18 juillet 1996 concernant l’enrichissement illicite de particuliers, qui a établi le caractère autonome de cette infraction. Néanmoins, les faits objet de la procédure engagée contre l’auteur se sont produits le 1er mai 1994, date à laquelle la Cour constitutionnelle s’était prononcée sur le sens de l’article qualifiant cette infraction de connexe ou dérivée, d’où il résultait qu’il devait exister une déclaration judiciaire d’illégalité des activités à l’origine de l’enrichissement. De surcroît, le 19 octobre 1995, dans le cadre d’une question de constitutionnalité portant sur cet article, la Cour constitutionnelle a estimé que ce point avait force de chose jugée. Il en découle qu’au moment de l’émission du chèque, l’auteur ne pouvait pas prévoir qu’il était en train de commettre une infraction. Par conséquent, l’interdiction de la rétroactivité de la loi pénale ne peut pas être entendue dans un sens étroit mais s’étend aussi aux interprétations faites par les tribunaux des qualifications pénales qui ont un effet défavorable pour un inculpé.

3.7L’auteur demande au Comité de constater l’existence des violations des droits qui lui sont reconnus aux articles 14 et 15 du Pacte et demande à l’État partie de lui assurer un recours utile ainsi qu’une indemnisation pour les préjudices économiques, moraux et familiaux qu’il a subis.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans sa réponse du 12 février 2009, l’État partie a fait part de ses observations sur la recevabilité de la communication et a demandé au Comité de la déclarer irrecevable au motif qu’il n’était pas compétent pour examiner une communication ayant pour objet l’appréciation des faits et des preuves présentés auparavant devant des autorités nationales, ainsi qu’en raison du non-épuisement des recours internes, conformément à l’article 3 et au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

4.2Dans sa communication, l’auteur explique qu’il conteste les jugements et arrêts rendus par le tribunal no 5, par le Tribunal supérieur et par la Cour suprême, le 29 décembre 1999, le 14 février 2001 et le 19 juin 2003 respectivement, en vertu desquels il a été condamné pour enrichissement illicite et cherche à obtenir du Comité qu’il agisse comme une juridiction d’appel. L’État partie rappelle qu’il n’appartient pas au Comité de substituer ses constatations aux décisions rendues par les tribunaux internes concernant l’appréciation des faits et des preuves dans une affaire donnée. Dans la procédure pénale engagée contre l’auteur, il n’y a pas de preuve portant à supposer que les tribunaux ont agi d’une manière arbitraire ou constituant un déni de justice. Les objections présentées par l’auteur ont été évaluées et les questions qu’elles soulevaient ont été tranchées conformément à l’ordre juridique. L’auteur a eu accès à plusieurs recours judiciaires et a obtenu des décisions de fond rendues dans le respect du droit. C’est pourquoi l’État partie a demandé au Comité de déclarer la communication irrecevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

4.3En ce qui concerne l’allégation de violation du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte, concernant le manque d’impartialité des tribunaux, l’État partie a demandé que cette allégation soit déclarée irrecevable pour non-épuisement des recours internes, conformément au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif. Si l’auteur estimait que certains magistrats de la Cour suprême qui ont examiné le pourvoi en cassation manquaient d’impartialité, il devait demander en temps opportun leur récusation, comme le permet la loi. C’est pour ce motif que cet élément de sa requête en protection a été déclaré dénué de fondement.

Observations de l’État partie sur le fond

5.1En date du 6 avril 2010, l’État partie a présenté au Comité ses observations sur le fond de la communication.

5.2L’État partie rend compte en détail de toutes les étapes de la procédure pénale, des recours formés et de l’ensemble des preuves obtenues et examinées par les autorités, ainsi que du recours en protection. Il fait savoir en outre que, le 20 mai 2004, la peine a été déclarée éteinte − peine principale et accessoire − et l’auteur a été remis en liberté.

5.3L’État partie indique que la procédure pénale engagée contre l’auteur n’a pas contrevenu à l’article 14 du Pacte et que les preuves administrées au procès ont démontré au-delà de tout doute raisonnable la responsabilité de ce dernier dans l’infraction. C’est pourquoi la condamnation et la peine prononcées ne peuvent pas être considérées comme arbitraires ni comme représentant un déni de justice. Même si l’auteur estime que les jugements rendus par les juridictions nationales ont été injustes, l’État partie réaffirme que le Comité ne saurait faire office de tribunal d’appel habilité à examiner de prétendues erreurs de droit ou de fait.

5.4L’État partie nie que des règles de procédure correspondant à d’autres procédures aient été appliquées à l’affaire de l’auteur, que leur application ait été faite au détriment de l’auteur et en violation du respect des garanties d’un procès équitable. Le délai de vingt jours ouvrables accordé par le tribunal régional pour produire et demander des preuves lorsque l’affaire a été transférée de la Cour suprême n’a pas porté atteinte au droit à une procédure régulière. Au contraire, le tribunal a retenu la règle qui régissait ce délai lorsque l’affaire était devant la Cour suprême parce qu’elle était plus favorable à l’auteur. Si l’on avait appliqué immédiatement les règles de procédure applicables à la justice régionale, l’auteur n’aurait disposé que de dix jours calendaires supplémentaires. De fait, pendant la période autorisée pour la présentation des preuves, le représentant de l’auteur a produit six preuves et a demandé l’administration de 24 autres. En outre, le même délai a été accordé à toutes les parties et aucune n’a été défavorisée.

5.5La transmission de l’affaire au tribunal no 5, après la disparition des juridictions régionales, n’a pas porté atteinte au droit au juge naturel. Les juges pénaux spécialisés, comme le juge du tribunal no 5, sont des fonctionnaires judiciaires qui font partie de l’ordre judiciaire ordinaire, et sont saisis de certaines affaires en raison de leur caractère spécialisé ou particulier, mais ne se constituent pas en juges extraordinaires. De plus, l’auteur n’a pas été jugé par des juges sans visage. Même si au début du procès le tribunal régional a entendu l’auteur et a procédé aux actes d’instruction nécessaires sans divulguer l’identité des juges, ce n’est pas le tribunal régional qui a apprécié les preuves recueillies ni qui a jugé l’auteur. En outre, au stade de l’instruction et de l’inculpation, l’auteur savait que le Procureur général de la nation était chargé de l’enquête, de l’instruction et de l’inculpation. De même, une fois que l’affaire a été transmise du tribunal régional au tribunal no 5, le procès est entré dans la phase des audiences publiques auxquelles ont participé les autorités, l’auteur et son représentant, conformément aux dispositions du Code de procédure pénale. Par conséquent, l’auteur connaissait l’identité du magistrat qui l’a jugé et condamné en première instance, ainsi que l’identité des magistrats des juridictions supérieures.

5.6En ce qui concerne les allégations de violation du droit à la défense, l’État partie indique qu’à la demande du tribunal régional, une commission rogatoire a été adressée aux autorités des États-Unis, où était détenu le témoin G. A. P. G., afin que ce dernier puisse être interrogé par l’avocat de la défense de l’auteur. Ultérieurement, le tribunal no 5 a accompli diverses formalités afin que la déposition de ce témoin puisse être reçue. Toutefois, la commission rogatoire est restée sans réponse et l’État partie n’avait aucun moyen de pression, étant donné que l’État requis a toute latitude pour accéder à la demande d’entraide judiciaire ou la rejeter. L’État partie affirme que l’on ne pouvait pas contester la valeur probante de la déposition que G. A. P. G. avait faite auparavant dans le cadre d’une autre procédure simplement parce que l’auteur n’avait pas pu l’interroger lui-même, d’autant plus que dans la procédure engagée contre l’auteur, cette déposition était considérée comme une preuve documentaire, versée au dossier du procès, et non comme une preuve testimoniale. En outre, la déposition a été prise en compte comme un élément de conviction de plus parmi l’ensemble des preuves démontrant la responsabilité pénale de l’auteur. De plus, dans la procédure au cours de laquelle la déposition a été recueillie, la formalité a été accomplie conformément aux règles établies par le Code pénal et par le Code de procédure pénale. Il ne s’agissait pas d’obtenir des informations contre l’auteur, mais les informations utiles sont apparues spontanément pendant l’interrogatoire, ce qui fait qu’il n’y a pas eu atteinte au principe du privilège de juridiction dont l’auteur bénéficiait à cette époque en sa qualité de Contrôleur général.

5.7L’auteur a pu assurer convenablement sa défense et contester chacune des preuves administrées. Les preuves demandées et administrées l’ont été conformément à la loi et en connaissance de l’auteur, avec la participation des représentants du Procureur général, du procureur délégué et du défenseur de l’auteur. Tous les actes de procédure accomplis à sa charge ont toujours été à la disposition de l’auteur, qui a reçu copie de tous les documents afférents à l’enquête, et son défenseur a pu participer aux interrogatoires. Toutes les preuves ont été appréciées chacune en détail et dans leur ensemble. L’autorité judiciaire a répondu aux requêtes des parties au procès et a ordonné l’administration des preuves qui pouvaient lui apporter la conviction et la certitude voulues sur l’affaire qu’elle devait juger. L’auteur a pu demander et produire des preuves à tous les stades du procès. Néanmoins, après un examen de l’ensemble, l’autorité judiciaire a rejeté les éléments qui étaient inutiles, ceux qui portaient sur des faits à l’évidence dénués de pertinence et ceux qui étaient manifestement superflus.

5.8En ce qui concerne les allégations de l’auteur, qui affirme avoir été jugé par des juges n’ayant pas compétence territoriale, en violation du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte, l’État partie affirme que ce sont les tribunaux de Bogota et non ceux de Cali qui étaient compétents pour juger l’auteur, étant donné que pour déterminer la compétence territoriale dans un procès pénal, ce n’est pas le lieu où le chèque a été tiré qui est pertinent, mais le lieu de destination des fonds constituant l’infraction pénale. En l’espèce, il est vrai que le chèque a été tiré initialement dans la ville de Cali mais l’augmentation du patrimoine de l’auteur s’est concrétisée dans la ville de Bogota.

5.9En ce qui concerne les allégations de violation de l’article 15 du Pacte, l’État partie indique qu’aucune disposition pénale n’a été appliquée rétroactivement. Les interprétations précédentes de la Cour constitutionnelle concernant la qualification pénale d’enrichissement illicite ne pouvaient pas être comprises comme créant une loi ou une règle de droit. C’est pourquoi le tribunal no 5 a estimé inappropriée l’approche de la défense qui demandait que les faits imputés à l’auteur soient examinés à la lumière des paramètres d’interprétation établis dans l’arrêt de la Cour constitutionnelle C-127 de 1993, sans prendre en compte les éléments introduits dans l’arrêt C-319 de 1996, en application des principes de la légalité et de l’application de la loi la plus favorable. Conformément à la Constitution de l’État partie, seule la loi peut définir les qualifications pénales. Dans le cas de l’auteur, les tribunaux ont retenu la qualification qui était en vigueur au moment où ont été commis les faits. Les interprétations de la Cour constitutionnelle n’ont pas modifié la qualification pénale. De ce fait, l’application des critères établis par la Cour constitutionnelle en 1996 n’a pas contrevenu à l’article 15 du Pacte. Ainsi, l’infraction d’enrichissement illicite est considérée comme une infraction autonome, qui n’est pas subordonnée à une condamnation préalable pour l’activité illicite à l’origine de l’enrichissement patrimonial.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

6.1En date du 24 septembre 2010, l’auteur a présenté ses commentaires sur les observations de l’État partie.

6.2L’auteur réitère les arguments formulés dans sa communication et maintient que sa communication n’a pas pour objectif d’obtenir que le Comité se prononce sur l’appréciation des faits et des preuves présentés au cours de la procédure interne comme s’il était une «quatrième instance». Il affirme avoir épuisé tous les recours internes disponibles, ayant formé tous les recours possibles dans le cadre de la procédure pénale et de la requête en protection.

6.3Dans le témoignage de G. A. P. G. recueilli pour un autre procès, l’identité de l’auteur n’est pas clairement indiquée puisqu’il était accompagné seulement d’une photocopie de photographie. Lorsque la déposition a été versée au dossier de la procédure visant l’auteur, la copie de la photographie en question n’a même pas été jointe. L’auteur réaffirme que sa condamnation était fondée essentiellement sur ce témoignage et que les autorités judiciaires n’ont procédé à aucune enquête pour déterminer l’origine de l’argent des comptes de l’entreprise Export Café Ltda.

6.4L’auteur réaffirme que le droit garanti par l’article 15 du Pacte a été violé étant donné que les actes prétendument illicites attribués à l’auteur ont été commis le 1er mai 1994. Néanmoins, on lui a appliqué de manière rétroactive et défavorable l’interprétation sur la question de l’infraction d’enrichissement illicite donnée par la Cour constitutionnelle dans son arrêt C-319 du 18 juillet 1996.

6.5Les actes d’instruction réalisés par le tribunal régional de Bogota ont été effectués devant des juges sans visage. Dans ce contexte, certaines preuves ont été administrées et d’autres ont été rejetées. En raison de ces irrégularités, il fallait prononcer l’annulation de toute l’instruction.

6.6L’auteur affirme que le jugement rendu à l’issue du procès pénal engagé contre son frère, J. F. T., a été utilisé pour le condamner lui aussi, alors que ce jugement ne figurait pas dans le dossier étant donné qu’il n’a jamais été inclus dans la procédure visant l’auteur ni porté à sa connaissance, ce qui a eu des conséquences sur son droit à la défense et son droit de contredire les preuves.

6.7Les règles de procédure suivies pendant son procès étaient celles qui régissent deux types de procès pénaux différents, ce qui a porté atteinte à son droit à un procès équitable. L’auteur affirme qu’il n’y avait pas lieu d’évaluer quelle était la procédure la plus favorable, afin de lui appliquer la règle la plus avantageuse puisqu’en principe toutes les procédures comportent les mêmes garanties. Par conséquent, l’auteur n’a pas été jugé en application de la procédure pénale expressément fixée par la loi colombienne.

6.8Il y a eu atteinte au droit à la défense du fait que l’auteur n’a pas eu la possibilité d’interroger G. A. P. G. suite au refus opposé par le Gouvernement des États-Unis. Cet élément a porté atteinte au principe de l’égalité des armes, qui imposait que l’auteur puisse interroger un témoin capital dans des conditions d’égalité afin de déterminer l’origine de l’argent figurant sur les comptes de la société Export Café Ltda.

6.9L’auteur réaffirme que le chèque en question était endossé au nom d’une autre personne. Or cette personne n’a pas fait l’objet d’une enquête. En outre, il n’a pas été tenu compte du fait que, quand le chèque a été encaissé le compte bancaire de la société Export Café Ltda. était à découvert, c’est-à-dire que le paiement a été effectué avec l’argent de la banque et non avec l’argent provenant du compte de la société. De plus, l’auteur signale que, même s’il ne détenait pas les droits de propriété stricto sensu sur le terrain qu’il a cédé à son oncle, A. F. T. S., plusieurs personnes ont attesté que l’auteur et A. C. en étaient les propriétaires depuis 1986. L’auteur ajoute qu’il a été ordonné de recueillir le témoignage de J. B. et de F. M., qui avaient signé en tant que témoins la promesse de vente entre l’épouse de l’auteur et A. F. T. S., mais que ces témoignages n’ont jamais été recueillis. De même, des expertises et des preuves importantes demandées par la défense n’ont pas été ordonnées.

6.10L’auteur affirme que, bien qu’il ait recouvré la liberté, il continue de pâtir des effets de sa condamnation étant donné que la Constitution lui interdit d’être candidat à un mandat électif.

7.En date du 8 octobre 2010, l’auteur a adressé des renseignements complémentaires au Comité. Il affirme que, étant donné que l’État partie ne pouvait pas exiger des États-Unis qu’ils exécutent la commission rogatoire envoyée par les autorités judiciaires afin de recueillir le témoignage de G. A. P. G., les déclarations de cette personne visant l’auteur faites dans le cadre d’une autre procédure ne pouvaient pas être utilisées. Il ajoute qu’à l’exception de cette déclaration, la police judiciaire n’avait pas pu établir que les fonds figurant sur le compte de la société Export Café Ltda. avaient une origine délictueuse, élément pourtant indispensable pour retenir la qualification pénale d’enrichissement illicite.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.3En ce qui concerne l’épuisement des recours internes, le Comité prend note de l’argument de l’État partie qui objecte que l’auteur n’a pas contesté en temps opportun le fait qu’il n’a pas été jugé par un tribunal impartial, étant donné qu’il n’a à aucun moment demandé la récusation des magistrats de la Cour suprême de justice qui étaient saisis du pourvoi en cassation ni d’aucune autre autorité intervenue dans les phases préalables de la procédure pénale, alors que la loi le permettait. Le Comité observe que l’impartialité des tribunaux qui sont intervenus dans la procédure pénale a été contestée uniquement dans l’action en protection présentée par l’auteur et que cet élément de sa demande a été rejeté au motif qu’effectivement l’auteur n’avait pas récusé les autorités judiciaires en temps opportun dans le cadre de la procédure pénale. En l’absence d’explication de la part de l’auteur concernant les raisons qui pouvaient l’empêcher de récuser les juges saisis de l’affaire, le Comité considère que cette partie de la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

8.4Le Comité note que l’auteur fait valoir qu’il n’a pas été jugé par un tribunal compétent établi par la loi, que le procès pénal aurait dû se dérouler devant les tribunaux de la ville de Cali, qu’en première instance le procès a eu lieu devant la Cour suprême, le tribunal régional de Bogota et le tribunal de circuit no 5, juridiction qui a finalement jugé l’affaire, et que lorsque l’affaire a été renvoyée au tribunal régional de Bogota, ce dernier a poursuivi la procédure en appliquant le même délai pour la présentation des preuves que celui accordé préalablement par la Cour suprême au lieu d’appliquer les règles de procédure prévues pour les procès devant le tribunal régional. Le Comité relève que la Cour suprême et la Cour constitutionnelle ont déterminé que, conformément à la loi de l’État partie, les tribunaux de Bogota étaient compétents pour connaître d’une affaire d’enrichissement illicite de particuliers, étant donné que le lieu où l’infraction soupçonnée avait été commise était la ville de Bogota. Le Comité observe également que le procès pénal a été déféré de la Cour suprême au tribunal régional à la suite de la démission de l’auteur de ses fonctions de Contrôleur général et de la perte du privilège de juridiction, pour être finalement transféré au tribunal no 5 en raison de la suppression des tribunaux régionaux et du fait que les juridictions compétentes pour connaître de l’infraction imputée à l’auteur étaient les juges pénaux de circuit spécialisé appartenant à l’ordre judiciaire ordinaire. Le Comité note également les observations de l’État partie qui affirme que l’application provisoire des règles régissant la procédure devant la Cour suprême par le tribunal régional ne s’est produite qu’au moment du transfert de la procédure, que le même délai a été accordé à toutes les parties au procès et que si les règles de procédure de la justice régionale avaient été appliquées immédiatement le délai imparti pour présenter les preuves aurait été plus court. Comme l’auteur n’a pas contesté ces affirmations, le Comité considère que les griefs tirés du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte n’ont pas été suffisamment étayés aux fins de la recevabilité et les déclare irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.5Le Comité prend note des allégations de l’auteur qui considère que, au tribunal régional de Bogota, les actes de procédure ont été effectués devant des juges sans visage. Le Comité note également les arguments de l’État partie qui affirme que l’enquête et les actes de procédure devant le tribunal régional ont eu lieu avec la participation de la procureure déléguée à la Cour suprême de justice, la participation du procureur délégué et du défenseur de l’auteur, que ce n’est pas ce tribunal qui a apprécié les preuves et condamné l’auteur, qu’à tous les autres stade du procès le droit de l’auteur à ce que sa cause soit entendue publiquement et à connaître l’identité de ceux qui le jugeaient a été garanti et que, avec ces garanties, l’auteur a eu la possibilité de demander le réexamen de la condamnation et de la peine par une juridiction supérieure et, ultérieurement, de se pourvoir en cassation. Le Comité rappelle que pour que soient respectés les droits de la défense garantis au paragraphe 3 de l’article 14, en particulier aux alinéas d et e, tout le procès pénal doit être en procédure orale, que l’accusé doit comparaître en personne ou être représenté par son avocat et pouvoir présenter des preuves et interroger des témoins. En l’espèce, le Comité observe que l’instruction conduite devant le tribunal régional était confiée à un juge sans visage. Néanmoins, par la suite, le procès a été déféré au tribunal de circuit no 5, et c’est ce dernier qui a finalement apprécié les preuves et prononcé le jugement de condamnation; devant cette juridiction, ainsi qu’en appel et en cassation, l’auteur a eu la possibilité d’être entendu publiquement, de produire des preuves et de contester celles qui étaient présentées au cours du procès et d’assurer sa défense. L’auteur connaissait également l’identité des autorités qui avaient conduit les phases précédentes de la procédure, devant le Procureur et la Cour suprême. En outre, le Comité considère que les informations dont il dispose ne montrent pas que les actes de procédure accomplis par le tribunal régional aient été déterminants pour condamner l’auteur ni que les irrégularités qui auraient pu éventuellement être commises en raison de la nature des juridictions régionales n’aient pas été corrigées ultérieurement au cours du procès. Dans ces circonstances, le Comité estime que les allégations de l’auteur n’ont pas été suffisamment étayées aux fins de la recevabilité, et les déclare irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.6Le Comité note que l’auteur affirme qu’il n’a pas pu assurer convenablement sa défense étant donné qu’il n’a pas pu contester des preuves essentielles, comme la déclaration de G. A. P. G., qu’il affirme aussi que les autorités judiciaires ont refusé d’administrer les preuves qu’il avait demandées et qui étaient à son avis déterminantes, ou n’ont pas apprécié correctement les preuves présentées par la défense; l’auteur affirme en outre que concrètement il a été condamné en l’absence de preuves concluantes établissant sa responsabilité pénale ce qui, conjugué aux autres violations du droit à un procès équitable, était manifestement arbitraire et constituait un déni de justice. Le Comité observe que ces griefs concernent l’appréciation des faits et des éléments de preuve par les tribunaux de l’État partie. Il rappelle sa jurisprudence et réaffirme qu’il appartient aux juridictions des États parties d’apprécier les faits et les preuves dans un cas d’espèce, ou l’application de la législation nationale, sauf s’il peut être établi que cette appréciation ou cette application a été manifestement arbitraire ou entachée d’irrégularités ou a représenté un déni de justice. Le Comité a examiné les éléments présentés par les parties, notamment le jugement du tribunal no 5 et les décisions rendues en appel et en cassation. Il considère que ces documents ne permettent pas d’établir que la procédure pénale dont l’auteur a été l’objet ait été entachée de telles irrégularités. Il estime par conséquent que l’auteur n’a pas suffisamment étayé son allégation de violation du droit de la défense garanti par l’article 14 du Pacte, ce qui la rend irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.7Concernant le paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte, le Comité prend note des allégations de l’auteur qui affirme que, afin de le condamner pour l’infraction d’enrichissement illicite particulier, la justice a appliqué rétroactivement l’interprétation donnée par la Cour constitutionnelle le 18 juillet 1996 au sujet de cette infraction, dont elle a établi le caractère autonome. Toutefois, les faits de la cause s’étaient produits le 1er mai 1994 et à cette date la Cour constitutionnelle s’était prononcée sur le caractère connexe ou dérivé de cette qualification pénale. Le Comité observe que l’infraction d’enrichissement illicite de particuliers a été sanctionnée par le décret no 1895 de 1989, devenu législation permanente en vertu du décret no 2266 de 1991. Le Comité observe également que l’interprétation faite par la Cour constitutionnelle en 1996 n’a pas modifié la qualification pénale de l’infraction; en effet, la Cour constitutionnelle n’a fait qu’interpréter le décret mentionné ainsi que sa jurisprudence précédente sur les éléments constitutifs de l’infraction, et a indiqué que l’infraction pouvait être retenue sans qu’il y ait eu une condamnation préalable pour l’activité illicite à l’origine de l’enrichissement, car il suffisait que les preuves apportées emportent la conviction du juge sur l’accroissement injustifié du patrimoine et son origine. Par conséquent, le Comité considère que les griefs tirés du paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte n’ont pas été suffisamment étayés aux fins de la recevabilité et les déclare irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

9.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 et du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.

[Adopté en espagnol (version originale), en anglais et en français. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

P.Communication no 1911/2009, T. J. c. Lituanie(Décision adoptée le 25 mars 2013, 107e session)*

P résentée par:

T. J. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Lituanie

Date de la communication:

12 septembre 2009 (date de la lettre initiale)

Objet:

Retard excessif dans la procédure

Questions de procédure:

Non-épuisement des recours internes

Questions de fond:

Longueur de la procédure pendant l’enquête préliminaire et le procès

Article du Pacte:

14 (par. 3 c))

Article du Protocole facultatif:

5 (par. 2 b))

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 25 mars 2013,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication est T. J., de nationalité lituanienne, né en 1963. Il affirme être victime d’une violation par la Lituanie des droits qu’il tient du paragraphe 3 c) de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il n’est pas représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 12 avril 1995, les activités de la société à responsabilité limitée de l’auteur, Skiedra JSC, ont été suspendues par les autorités et une enquête préliminaire pour fraude a été officiellement engagée contre l’auteur. Les autorités ont saisi les documents de la société.

2.2Le 10 avril 1996, le commissariat de police de la ville et du district d’Alytus a ouvert d’autres poursuites pénales contre l’auteur concernant l’utilisation inappropriée d’un emprunt bancaire contracté au nom de la société. Au cours de cette même année, plusieurs décisions contradictoires ont été prises au sujet de la poursuite ou de la clôture des poursuites pénales, ainsi que de la clôture ou de la reprise de l’enquête. Le 27 novembre 1996, trois affaires pénales visant l’auteur ont été jointes en un seul dossier. Dans ce contexte, le 28 novembre 1996, l’auteur a été arrêté et deux jours plus tard, il a été relâché.

2.3Le 5 août 1997, l’auteur a été informé que l’enquête préliminaire avait été menée à terme. Le 18 août 1997, la procédure pénale engagée en vertu du paragraphe 3 de l’article 275 du Code pénal a été portée devant les tribunaux.

2.4Entre 1999 et 2001, l’affaire a été renvoyée à plusieurs reprises pour complément d’enquête.

2.5Le 26 février 2003, le tribunal de comté du district d’Alytus a reconnu l’auteur coupable en vertu de l’article 35 et du paragraphe 3 de l’article 275 du Code pénal et l’a condamné à une peine d’emprisonnement de trois ans et demi, avec interdiction d’occuper un poste de responsabilité pendant quatre ans. Une amende d’un montant de 5 000 litai lituaniens (l’équivalent d’environ 1 450 euros à l’époque) lui a en outre été infligée et ses biens ont été confisqués.

2.6Le 17 mars 2003, l’auteur a fait appel du jugement rendu le 26 février 2003. Il a demandé que soit prononcée la clôture de la procédure pénale, affirmant que ses droits en vertu du Code pénal ainsi que du Code de procédure pénale avaient été violés. Par décision du 2 mars 2004, le tribunal régional de Kaunas a partiellement satisfait à la demande de l’auteur, en requalifiant les faits en vertu du paragraphe 2 de l’article 1845 du Code pénal de 2000 et non plus du paragraphe 3 de l’article 275 du Code pénal de 1961, et l’a condamné à une peine d’emprisonnement de deux ans et demi. Conformément au paragraphe 2 de l’article 3 d’une loi d’amnistie générale, la peine a été réduite de 20 %.

2.7Le 1er juin 2004, l’auteur a déposé un pourvoi en cassation devant la Cour suprême, au motif qu’il n’avait jamais été informé de la date et du lieu des audiences en appel étant donné qu’à ce moment-là il était en prison pour exécuter sa peine, et que la citation à comparaître lui avait été adressée à son domicile. Le 12 avril 2005, la Cour suprême a rejeté son recours. L’auteur, qui était incarcéré, n’était pas présent lorsque le recours a été examiné. Il a été libéré le 12 avril 2005. Il a reçu une copie de l’arrêt de la Cour suprême le 13 avril 2005.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient du paragraphe 3 c) de l’article 14 du Pacte, en ce que la procédure pénale a duré neuf ans et six mois. L’enquête préliminaire a duré deux ans et quatre mois; en première instance il a fallu attendre cinq ans et dix mois pour que le tribunal rende son jugement; la procédure devant la cour d’appel a duré près d’un an. La procédure engagée devant la Cour suprême a duré plus de quatre mois.

3.2L’auteur affirme que l’affaire ne pouvait pas être considérée comme complexe parce qu’elle portait sur des activités réalisées dans une période très courte (du 10 octobre 1994 au 29 juin 1995), qui n’avaient pas été menées par un groupe organisé, et dont la nature et le contenu étaient très clairs. Il déclare en outre que toutes les informations importantes étaient connues au début de l’enquête préliminaire. L’inertie et des négligences sont la cause de la durée excessive de l’enquête préalable et du procès.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans une note verbale du 12 janvier 2010, l’État partie a contesté la recevabilité de la communication en vertu de l’article 2 et du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte car, selon lui, les griefs de l’auteur étaient sans fondement. En outre, les griefs soulevés dans la communication n’avaient jamais été portés à l’attention des autorités de l’État partie et de ce fait les recours internes n’avaient pas été épuisés.

4.2L’État partie rappelle les faits de la cause: l’auteur − directeur d’une société dénommée Skiedra Ltd − était soupçonné de diverses infractions, notamment de fraude financière. Le 25 août 1995, des poursuites pénales pour fraude comptable ont été ouvertes en vertu de l’article 323 du Code pénal applicable à l’époque. Une autre action pénale a été ouverte le 10 avril 1996 pour utilisation inappropriée d’un emprunt contracté par la société, en application de l’article 314 du Code pénal. Le 14 novembre 1996, une troisième action pénale a été ouverte pour appropriation et détournement des biens de la société, en application de l’article 275 du Code pénal. Les trois affaires ont été fusionnées en une seule le 27 novembre 1996. Le 26 février 2003, l’auteur a été condamné par le tribunal du district d’Alytus et le jugement a été confirmé par le tribunal régional de Kaunas le 2 mars 2004. L’auteur a été condamné à une peine d’emprisonnement de deux ans et demi, qui a été réduite de 20 % en application d’une loi d’amnistie. Le 12 novembre 2004, la Cour suprême a rejeté le pourvoi en cassation de l’auteur.

4.3L’État partie fait observer que, conformément à un principe bien établi du droit international, consacré dans le Protocole facultatif se rapportant au Pacte, avant de recourir à des procédures internationales l’intéressé doit d’abord saisir la justice de son pays; or en l’espèce ce principe n’a pas été respecté. Selon l’État partie, l’auteur ne s’est jamais plaint devant les tribunaux de la durée de la procédure pénale et il n’a pas non plus appelé l’attention de la cour d’appel ou de la Cour suprême sur ce point. Dans ces circonstances, le Comité devrait rejeter la communication pour non‑épuisement des recours internes.

4.4L’État partie ajoute dans ce contexte que l’auteur pouvait porter plainte contre l’État au sujet de la durée, excessive selon lui, de la procédure pénale en invoquant les motifs courants de responsabilité pour dommages-intérêts. L’article 30 de la Constitution de la Lituanie dispose que «toute personne dont les droits constitutionnels ou les libertés ont été violés a le droit de se pourvoir en justice. La réparation pour les préjudices matériels et moraux causés est fixée par la loi».

4.5En outre, en vertu des articles 483 et 484 du Code civil en vigueur jusqu’au 1er juillet 2001 ou directement sur la base des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme ou du Pacte − puisque ces instruments internationaux font partie du droit interne lituanien depuis le 20 juin 1995 et le 20 février 1992, respectivement, date de leur entrée en vigueur pour la Lituanie −, l’auteur aurait pu demander réparation des préjudices causés par les actes illégaux du tribunal. Conformément au paragraphe 2 de l’article 138 de la Constitution, les instruments internationaux ratifiés par le Parlement font partie du système juridique.

4.6À ce sujet, l’État partie mentionne une action en réparation d’un préjudice engagée contre les autorités nationales, notamment pour retard injustifié; dans cette affaire (no 3K‑3‑1231/2000), la Cour suprême a rendu un arrêt, en date du 22 novembre 2000, dans lequel elle a appliqué directement les dispositions relatives au «délai raisonnable» de la Convention européenne des droits de l’homme, le paragraphe 1 de l’article 6. Dans le cadre de cette procédure civile, le demandeur avait invoqué le paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et fait valoir que sa demande de dommages-intérêts en raison des poursuites pénales et de la détention dont il avait été l’objet, qu’il estimait illégales, n’avait pas été traitée dans un délai raisonnable; il avait demandé des indemnités pour préjudice moral. La Cour suprême, après avoir apprécié toutes les circonstances particulières en l’espèce à la lumière des critères établis dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, avait rejeté la plainte.

4.7L’État partie souligne également qu’à compter du 1er juillet 2001 un nouveau Code civil est entré en vigueur qui, en vertu de ses articles 6.246 et 6.272, permet d’obtenir réparation pour des actes illégaux commis par les agents de l’État. Dans ce contexte, l’État partie mentionne un arrêt de la Cour constitutionnelle, en date du 19 août 2006, portant sur la compatibilité avec la Constitution du paragraphe 3 de l’article 3 (dans sa rédaction du 13 mars 2001) et du paragraphe 7 de l’article 7 (dans sa rédaction du 13 mars 2001) de la loi sur l’indemnisation pour préjudices causés par les actes illégaux des organes chargés des interrogatoires et des enquêtes, du Bureau du Procureur et des tribunaux. Dans cet arrêt, la Cour constitutionnelle a estimé que l’absence de réparation pour des préjudices causés par un acte illicite commis par un organisme public ou un agent de l’État (même si une telle réparation n’était pas prévue dans une loi) serait incompatible avec la Constitution de la République de Lituanie.

4.8Cette jurisprudence de la Cour constitutionnelle a été suivie par les juridictions internes notamment pour des questions liées à la lenteur des procédures. Par exemple, la Cour d’appel de Lituanie, dans un arrêt du 28 septembre 2006 (affaire no 2‑495/2006), a annulé la décision d’un tribunal de première instance qui avait rejeté la demande d’un plaignant. Elle avait relevé en particulier que la demande d’indemnisation pour le retard dans la procédure qui faisait grief était fondée à la fois sur la Constitution et sur la Convention européenne des droits de l’homme, deux textes directement applicables. Par conséquent la demande d’indemnisation pour lenteur de la procédure a été acceptée.

4.9Dans ce contexte, l’État partie fait aussi observer qu’il ressort clairement de la jurisprudence de ses tribunaux que des procédures pénales trop longues constituent de toute évidence un acte illicite causé par un organisme public ou un agent de l’État, et que l’État doit indemniser les personnes lésées, en vertu de l’article 6.272 du Code civil et de l’article 30 de la Constitution, ou par application directe du paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ou du paragraphe 3 c) de l’article 14 du Pacte.

4.10L’État partie ajoute que la Cour suprême a considéré, en date du 6 février 2007, que l’article 6.272 du nouveau Code civil était applicable rétroactivement à des retards qui s’étaient produits avant son entrée en vigueur (dans l’affaire dont la Cour suprême avait été saisie, la partie civile avait obtenu réparation pour les préjudices causés par des retards injustifiés dans la procédure pénale engagée contre elle, qui avait duré près de six ans). L’État partie donne aussi de nombreux autres exemples tirés de la jurisprudence nationale montrant que les tribunaux nationaux avaient accordé une indemnisation pour des procédures d’une durée excessive. En conclusion, il réaffirme que l’auteur avait eu l’occasion de se prévaloir d’un recours interne effectif offrant des perspectives raisonnables de succès selon la pratique du Comité des droits de l’homme, mais ne l’avait pas fait et n’avait donc pas épuisé les voies de recours internes, en violation des dispositions du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

4.11L’État partie ajoute que les griefs soulevés par l’auteur au titre du paragraphe 3 c) de l’article 14 du Pacte ne sont pas fondés et que la communication présentée doit être déclarée irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif également.

4.12L’État partie admet que la procédure pénale a duré relativement longtemps au stade de la procédure judiciaire, mais affirme que c’était en raison de la complexité de l’affaire, de la nature particulière des actes délictueux, du comportement de l’auteur et d’autres motifs objectifs, et non pas du fait de l’inefficacité ou du manque de diligence des autorités nationales.

4.13D’après l’État partie, l’obligation de respecter un délai pour mettre en pratique le droit d’être jugé sans retard excessif est d’une importance capitale en matière pénale, et en particulier lorsque l’intéressé est en détention.

4.14Dans sa réponse, l’État partie souligne que la période à prendre en considération va du 24 octobre 1995 − lorsque l’auteur a été interrogé pour la première fois − au 12 octobre 2004, lorsque la Cour suprême a rejeté son pourvoi en cassation. Cette période est donc de huit ans environ (si l’on exclut la période de onze mois environ qui est imputable à l’auteur lui‑même).

4.15L’État partie ajoute que le Comité évalue le caractère raisonnable de la durée d’une procédure à la lumière des circonstances particulières et de la complexité de chaque affaire et selon d’autres critères énoncés dans sa jurisprudence. Il met l’accent sur les éléments suivants: la complexité de l’affaire, le comportement de l’auteur, la conduite et les initiatives des autorités saisies de l’affaire ainsi que les menaces susceptibles de peser sur les intérêts de l’auteur et les incidences de la procédure judiciaire sur la situation de ce dernier pendant l’examen de l’affaire.

4.16Selon l’État partie, seuls les retards dus à des actes illicites ou au manque de diligence des autorités constituent une violation des dispositions du paragraphe 3 c) de l’article 14 du Pacte. Les retards causés par un particulier qui est partie à la procédure ne peuvent pas être directement imputés aux autorités. En outre, la justification de la durée de la procédure dépend de l’analyse des circonstances de chaque affaire.

4.17En ce qui concerne la longueur de l’enquête préliminaire, l’État partie fait observer que la période considérée a commencé à courir le 24 octobre 1995, lorsque l’auteur a été interrogé, et a pris fin le 18 août 1997, lorsque l’acte d’accusation a été établi.

4.18L’État partie indique ensuite que la durée de l’enquête préliminaire était raisonnable compte tenu de la complexité de l’affaire. Tout comme l’auteur, les deux comptables de la société ont également fait l’objet d’une enquête. L’État partie fait également remarquer que trois procédures distinctes visant l’auteur concernaient des actes délictueux de nature financière qui constituaient des infractions graves en vertu de la loi (art. 8 du Code pénal). En outre, s’agissant des affaires d’ordre économique ou financier, l’enquête et l’examen nécessitent objectivement beaucoup plus de temps. L’État partie fait valoir qu’un certain nombre d’actes ont été réalisés pendant l’enquête préliminaire, notamment l’examen de toutes les activités économiques et financières de l’entreprise, l’interrogatoire de 44 témoins, un audit financier, etc. Il insiste donc sur le fait que l’enquête a été menée avec efficacité et rapidement. Des investigations supplémentaires étaient nécessaires dans le seul but de garantir une enquête objective et approfondie portant sur toutes les circonstances de l’affaire. De plus les nouvelles enquêtes préliminaires ont été menées dans un délai raisonnable, c’est-à-dire en six mois ou quatre mois (du 3 juin au 4 décembre 1999 et du 4 septembre 2001 au 3 janvier 2002), ce qui ne peut pas être considéré comme une violation des dispositions du paragraphe 3 c) de l’article 14 du Pacte.

4.19En outre, dans la présente affaire l’auteur n’est resté détenu que deux jours (du 28 novembre 1996 au 30 novembre 1996) et ce n’est que le 1er juillet 1997 qu’il lui a été demandé de s’engager par écrit à ne pas quitter le pays.

4.20Quant à la durée de la procédure judiciaire, l’État partie réaffirme que l’affaire a été portée devant les tribunaux le 18 août 1997 et s’est achevée le 12 octobre 2004, lorsque la décision finale a été rendue, soit un total de cinq ans et quatre mois (si l’on exclut la période de onze mois environ imputable à l’auteur lui‑même et la période de dix mois pendant laquelle l’affaire avait été renvoyée pour complément d’enquête).

4.21De plus, l’examen de l’affaire a été ajourné à plusieurs reprises parce que l’auteur ou son avocat ne s’était pas présenté au tribunal. Ce retard, qui était imputable à l’auteur, correspond d’après l’État partie à une durée de onze mois environ.

4.22En ce qui concerne le comportement des autorités, l’État partie soutient que le tribunal de première instance a agi avec efficacité, diligence et célérité, afin d’assurer un examen équitable et approfondi du dossier pénal. S’ils doivent s’attacher à conduire la procédure judiciaire dans un délai raisonnable et se conformer aux dispositions du Code de procédure pénale, les tribunaux doivent aussi respecter les droits des parties, y compris les droits de la défense, conformément au paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte. Dans l’affaire considérée, il y avait 11 témoins. Le procès a dû être ajourné à plusieurs reprises, dans certains cas parce que l’accusé ou son représentant n’avaient pas comparu devant le tribunal, dans d’autres pour des raisons objectives, comme la défaillance d’un témoin ou du représentant d’un témoin ou de l’accusé, la maladie d’un juge ou d’un expert, etc. Néanmoins, le tribunal de première instance a tout mis en œuvre pour éviter de nouveaux retards. Par exemple, le 4 décembre 2000, il a pris une décision tendant à faire comparaître les témoins qui n’avaient pu se présenter à l’audience; le 9 mai 2001, il a pris une décision condamnant à une amende les témoins qui ne s’étaient pas présentés et les citant pour l’audience suivante; le 16 septembre 2002 il a pris une décision infligeant une amende aux témoins défaillants.

4.23En ce qui concerne l’examen de l’affaire en appel, l’État partie fait observer que la procédure a duré un an, mais que c’était pour des raisons objectives: la défaillance répétée d’un témoin ou la maladie du représentant de l’auteur.

4.24L’État partie conclut que la procédure pénale a été conforme aux prescriptions du paragraphe 3 c) de l’article 14 du Pacte, à savoir au droit d’être jugé «sans retard excessif». Selon lui, l’auteur n’a pas présenté d’arguments de fait et de droit suffisants pour démontrer le contraire et ses griefs de violation du paragraphe 3 c) de l’article 14 du Pacte sont sans fondement. En outre, l’auteur n’a pas épuisé les recours internes disponibles. Ainsi, la communication doit être déclarée irrecevable en vertu des articles 2 et 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1En date du 9 avril 2010, l’auteur a rejeté les observations de l’État partie. En ce qui concerne les recours internes, il fait observer que la disponibilité, l’adéquation et l’utilité des voies de recours doivent être évaluées non seulement à la lumière des faits concernant la législation et les procédures relatives aux recours en tant que tels, mais aussi dans le contexte de l’espèce. Pour déterminer si un recours est adéquat il faut par conséquent apprécier s’il est approprié pour réparer le type de violation auquel il s’applique, et s’il permet d’assurer la réparation recherchée. Si dans les circonstances d’une affaire donnée, une personne n’est pas en mesure de satisfaire aux conditions de fond exigées pour utiliser un recours particulier ou n’a pas la capacité juridique voulue, de fait ce recours n’est pas disponible.

5.2L’auteur énumère en outre plusieurs exceptions à l’obligation d’épuiser certains recours et donne une description générale de ces exceptions. Ainsi, il ne devrait pas être nécessaire d’introduire un recours si la procédure est d’une durée excessive ou s’il est peu probable qu’il donne satisfaction. À ce sujet l’auteur renvoie à la notion de «chance raisonnable d’aboutir», reconnue par le Comité dans sa jurisprudence. Il note en outre que l’utilité d’un recours doit être évaluée à la lumière des circonstances, avant de l’introduire (ex ante), plutôt qu’à la lumière de l’issue concrète de l’affaire. Il fait valoir que l’utilité d’un recours dépend de la nature de la violation; la corrélation entre un recours et la nature de la violation peut être évaluée en fonction de la nature du droit en jeu, de la gravité de la violation, de l’adéquation du recours pour permettre d’obtenir réparation et des circonstances particulières de l’affaire. Les éléments qui peuvent indiquer qu’un recours sera inefficace sont notamment des déficiences dans le fonctionnement du système judiciaire, l’existence de violations des droits de l’homme généralisées ou graves, le fait que le recours n’est pas adapté à un type particulier de violation et d’autres facteurs encore tendant à montrer l’inefficacité d’un recours d’une manière générale.

5.3L’auteur renvoie en outre à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui souligne que seuls les recours disponibles et efficaces doivent être épuisés et qu’il incombe aux États parties invoquant le critère du non-épuisement de démontrer que le recours en question était efficace, disponible et accessible.

5.4L’auteur fait valoir en outre que l’article 6.272 du Code civil prévoit que les préjudices résultant d’une mauvaise administration de la justice pénale ne sont indemnisés que dans le cas d’une condamnation illégale, d’une arrestation illégale à titre de mesure de contrainte ou d’une détention illégale, ou en cas de mesures procédurales illégales de contrainte ou d’arrestation pour infraction administrative illégale.

5.5En outre, l’auteur explique que d’après le Code de procédure pénale une affaire pénale ne peut être réexaminée que dans trois cas: si de nouvelles preuves ou circonstances sont apparues, si une personne est condamnée en vertu d’un article qui n’est pas applicable et dans le cas où la Cour européenne des droits de l’homme ou le Comité des droits de l’homme a établi que la procédure pénale était incompatible avec les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. L’auteur s’attarde longuement sur la portée de ces trois situations.

5.6L’auteur ajoute que, conformément à l’article 228 du Code de procédure pénale, un agent de l’État ou toute autre personne agissant à titre officiel peut être tenu pénalement responsable pour abus d’autorité ou pour excès de pouvoir si ses actes causent de graves préjudices à l’État, à un organisme public international, à une personne morale ou à une personne physique. L’auteur affirme que si la victime prouve que l’enquête préliminaire et le procès ont été excessivement longs mais ne parvient pas à prouver que les juges ou les enquêteurs chargés de l’enquête préliminaire ont commis délibérément une infraction, une affaire pénale peut ne pas être réexaminée.

5.7À la lumière de ce qui précède, l’auteur affirme qu’en l’espèce l’épuisement des recours internes indiqués par l’État partie ne lui aurait probablement pas permis d’obtenir réparation, car de tels recours n’auraient pas donné la possibilité de réexaminer l’affaire. Une constatation de violation par le Comité dans la présente communication servirait de fondement au réexamen de l’affaire par les juridictions nationales.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité prend note du grief de violation du paragraphe 3 c) de l’article 14 soulevé par l’auteur qui estime que la procédure pénale a subi des retards injustifiés au stade de l’enquête préliminaire et pendant toute la procédure judiciaire. Il relève en outre que l’État partie a contesté la recevabilité de la communication au motif que les recours internes n’avaient pas été épuisés puisque l’auteur ne s’était pas plaint de la durée de la procédure pendant l’enquête préliminaire ni pendant le procès et ultérieurement n’avait pas déposé devant les juridictions de droit commun, dans les délais légaux, une demande d’indemnisation pour le préjudice subi à raison de la durée de la procédure pénale. Il prend note également des objections de l’auteur au sujet de l’épuisement des recours, mais relève aussi les nombreux exemples de jurisprudence interne qui attestent la possibilité de présenter une telle demande devant les juridictions nationales cités par l’État partie. Il note enfin que l’auteur n’a pas avancé de raisons pour expliquer pourquoi il ne s’était pas plaint de la durée des procédures au cours de la procédure pénale, y compris au stade de l’appel et en cassation, et pourquoi il n’avait pas plus tard formé de recours pour faire valoir ces griefs devant les tribunaux ordinaires. Dans ces circonstances, le Comité considère que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes disponibles et déclare la communication irrecevable au titre de l’article 2 et du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 et du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’auteur et, pour information, à l’État partie.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

Q.Communication no 1921/2009, K.  S. c. Australie(Décision adoptée le 25 mars 2013, 107e session)*

P résentée par:

K. S. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Australie

Date de la communication:

16 avril 2009 (date de la lettre initiale)

Objet:

Modification des dispositions législatives concernant la fixation des peines introduiteaprès la commission d’une infraction

Questions de procédure:

Épuisement des recours internes

Questions de fond:

Violation présumée du paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte

Article du Pacte:

15 (par. 1)

Article du Protocole facultatif:

5 (par. 2 b))

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 25 mars 2013,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication, datée du 16 avril 2009, est K. S., de nationalité australienne, né le 30 juin 1966. Il se déclare victime d’une violation par l’Australie du paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte. Le Pacte et le Protocole facultatif s’y rapportant sont entrés en vigueur pour l’Australie le 13 août 1980 et le 25 septembre 1991, respectivement. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur a commis un crime le 8 novembre 1994 et a été inculpé d’homicide volontaire le 10 novembre 1994. Il a été reconnu coupable le 27 septembre 1995 et condamné à la réclusion à perpétuité le 21 novembre 1995, sans possibilité de libération conditionnelle avant d’avoir exécuté dix-sept ans de la peine. Le tribunal a prononcé la peine en vertu de l’article 40D2(d) de la loi de 1994 portant modification de la législation pénale, qui dispose:

«Le tribunal qui condamne un accusé à l’emprisonnement à vie pour homicide volontaire fixe une période incompressible de quinze ans au minimum et de dix-neuf ans au maximum que le condamné devra exécuter avant de pouvoir bénéficier d’une libération conditionnelle.».

2.2L’article 40D2(f) de la loi portant modification de la législation pénalefait au juge qui prononce un emprisonnement à vie obligation de fixer, selon le minimum et le maximum prévu, la date à laquelle la libération conditionnelle peut être demandée, que l’infraction ait été commise avant ou après l’entrée en vigueur de ladite loi. La loi de 1994 portant modification de la législation pénale est entrée en vigueur le 20 janvier 1995, avant la condamnation de l’auteur, mais après le meurtre.

2.3Avant le 20 janvier 1995, le texte régissant la condamnation était la loi de 1963 relative aux peines et à leur exécution (Offenders Community Corrections Act), qui fixait une période minimale de douze ans pendant laquelle le condamné ne pouvait pas prétendre à la libération conditionnelle. L’article 34 de cette loi disposait que le prisonnier qui exécutait une peine d’emprisonnement à vie prononcée à la date ou après la date d’entrée en vigueur en vertu des paragraphes a) ii) et c) ii) de l’article 282 du Code pénal, comme cela était le cas de l’auteur, pouvait obtenir qu’il soit statué sur sa demande de libération conditionnelle et qu’un rapport soit rendu le jour de l’expiration de la période de douze ans calculée à partir de la date de condamnation.

2.4L’auteur a souligné que l’article 10 de la loi de 1995 sur la fixation de la peine (Sentencing Act) dispose:

«Si la peine fixée par la loi pour une infraction déterminée est modifiée entre le moment où l’infraction a été commise et le moment où son auteur est condamné, la peine la moins sévère est prononcée.».

2.5En 2005, l’auteur a été informé qu’il pouvait faire recours contre sa condamnation en invoquant une application incorrecte de la loi. Il a donc adressé une lettre au Département des poursuites (DPP) pour contester la condamnation et le DPP a admis qu’il y avait peut-être une incohérence. En mars 2006, l’auteur a saisi la Cour suprême d’Australie occidentale pour demander que sa peine soit modifiée, par la voie administrative, en vertu de l’article 37 de la loi de 1995 sur la fixation de la peine, qui dispose:

«Si la condamnation prononcée par un tribunal n’est pas conforme à la présente loi ou à la loi écrite dans laquelle l’infraction commise est visée, le tribunal peut annuler le jugement et prononcer une condamnation conforme à la loi.».

2.6Le 17 mars 2006, la Cour suprême, eu égard à l’article 10 de la loi de 1995 sur la fixation de la peine, a réduit de dix-sept à douze ans la durée minimale de la période d’emprisonnement incompressible imposée à l’auteur. À ce moment-là le DPP ne s’est pas opposé à cette décision. Par conséquent l’auteur pouvait prétendre à une libération à la date du 20 novembre 2007.

2.7Plus tard le DPP a invoqué les dispositions de l’article 40D(2)(f) de la loi de 1994 portant modification de la législation pénale. Le 25 octobre 2007, il a saisi la Chambre d’appel d’Australie occidentale en vue de faire annuler la décision de la Cour suprême.

2.8Le 4 décembre 2007, la Chambre d’appel de la Cour suprême d’Australie occidentale a annulé la décision de la Cour suprême et a confirmé la condamnation initiale à l’emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant au minimum dix-sept ans. La Chambre d’appel a conclu qu’aucune des parties n’avait fait valoir que la condamnation initiale était irrégulière ou inappropriée, notant que «l’article 37, paragraphe 1, de la loi sur la fixation de la peine habilite les tribunaux à annuler une condamnation uniquement dans le cas où l’accusé a été condamné d’une manière qui n’est pas conforme aux dispositions de cette loi ou de la loi écrite dans laquelle l’infraction commise est visée» et que «cet article ne s’applique pas en l’espèce car l’intéressé a été régulièrement condamné conformément à la législation applicable à l’époque».

Teneur de la plainte

3.L’auteur affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient du paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte en appliquant une loi entrée en vigueur après qu’il avait commis l’infraction et qui avait pour effet de porter de douze à dix-sept ans la durée minimale d’emprisonnement à accomplir avant de pouvoir prétendre à une libération conditionnelle.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans une note verbale datée du 14 octobre 2011, envoyée après plusieurs rappels, l’État partie fait valoir que la communication n’est pas recevable pour deux motifs: l’auteur n’a pas montré qu’il était victime d’une violation du paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte et il n’a pas épuisé les recours internes.

4.2Concernant le premier motif, l’État partie fait valoir que l’auteur n’a pas démontré qu’il avait été victime d’une modification des conditions de sa peine (période de détention incompressible avant de pouvoir prétendre à une libération conditionnelle ou autre). Il explique que les deux régimes établissent des dispositifs différents pour l’appréciation de l’admission au bénéfice de la libération conditionnelle. Le régime précédent n’imposait pas au juge de fixer une durée indicative incompressible mais prévoyait qu’un rapport devait être établi au bout de douze ans de détention pour déterminer si le prisonnier remplissait les conditions de la libération conditionnelle, qui pouvait ensuite être accordée ou non. En revanche, selon le deuxième régime, le juge doit indiquer la période incompressible, qui ne peut pas être inférieure à quinze ans et qui, dans la présente affaire, a été fixée à dix‑sept ans.

4.3L’État partie souligne que la différence de fond entre les deux régimes est que le premier fixait à douze ans la durée minimale de détention avant que la libération conditionnelle puisse être envisagée, alors que selon le deuxième régime la durée minimale est de quinze ans. Toutefois, quand la durée minimale était de douze ans cela signifiait non pas que le détenu pouvait prétendre à une libération conditionnelle au bout de douze ans, mais seulement qu’un rapport serait établi à cette échéance afin d’évaluer la possibilité d’une libération conditionnelle. Pour ce faire, la commission des libérations conditionnelles doit tenir compte d’un ensemble d’éléments, notamment la gravité de l’infraction, le risque pour la collectivité et la conduite du détenu.

4.4L’État partie conclut que la différence qu’il aurait pu y avoir concernant la durée de détention de l’auteur entre le premier et le deuxième régime est purement hypothétique. Il se réfère aux observations du premier juge, en 1995, et aux commentaires du deuxième juge, saisi en 2006, qui mettent en évidence la gravité du crime commis par l’auteur, et fait valoir que rien ne permet d’affirmer que la période de détention incompressible aurait été plus courte si le juge du fond avait appliqué le premier régime de libération conditionnelle. L’auteur ne peut donc pas prétendre être victime d’une violation du paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte.

4.5Ensuite, l’État partie fait observer que l’auteur n’a pas épuisé les voies de recours ouvertes en Australie. Ainsi l’auteur aurait pu demander l’autorisation spéciale de former recours auprès de la Cour suprême d’Australie (High Court) mais il ne l’a pas fait et n’a pas donc épuisé les recours internes.

Commentaires de l’auteur à propos des observations de l’État partie sur la recevabilité

5.1Dans une lettre datée du 22 mai 2012, l’auteur répond qu’au terme de douze ans comme de dix-sept ans la possibilité de libération conditionnelle existe bien et que le fait de commencer le processus d’évaluation après douze ans ou après dix-sept ans constitue une grande différence, qui n’a rien d’hypothétique. Il conclut que l’objection de l’État partie qui affirme que les deux systèmes mettent simplement en place deux manières de déterminer si le prisonnier peut prétendre à la libération conditionnelle est inexacte; d’après lui la seule différence entre les deux régimes est la durée. Par conséquent l’auteur estime avoir montré qu’il était victime d’une violation du paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte.

5.2Pour ce qui est du second motif d’irrecevabilité, l’auteur conteste l’argument du non-épuisement des recours internes, dans la mesure où former un recours devant la Cour suprême d’Australie est financièrement impossible pour lui. Toutefois il ne donne aucun détail à ce sujet.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Pour ce qui est des dispositions de l’article 5, paragraphe 2 b), du Protocole facultatif, le Comité prend note de l’argument de l’État partie qui objecte que l’auteur n’a pas épuisé les recours internesétant donné qu’il n’a pas demandé l’autorisation spéciale de former recours auprès de la Cour suprême d’Australie contre la décision de la Chambre d’appel d’Australie occidentale. Le Comité prend note de l’argument de l’auteur qui affirme qu’il n’a pas les moyens financiers de se prévaloir de ce recours.Le Comité rappelle sa jurisprudence et réaffirme que des considérations financières ne dispensent pas, d’une manière générale, l’auteur d’une communication d’épuiser les voies de recoursinternes. Il conclut donc que les conditions prévues au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif ne sont pas remplies.

7.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

R.Communication no 1938/2010, Q. H. L. c. Australie(Décision adoptée le 25 mars 2013, 107e session)*

P résentée par:

Q. H. L. (représenté par un conseil, Kon Karapanagiotidis, du Centre de ressources pour les demandeurs d’asile)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Australie

Date de la communication:

19 avril 2010 (date de la lettre initiale)

Objet:

Expulsion vers la Chine

Questions de procédure:

Défaut de fondement; irrecevabilité ratione materiae; non-épuisement des voies de recours internes

Questions de fond:

Droit à la vie; droit à la protection contre les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; droit de ne pas être détenu arbitrairement; droit à un procès équitable; droit à la protection contre toute immixtion dans la famille et le domicile

Article s du Pacte:

6, 7, 9, 14 (par. 3 g)); 17 pris séparément et lu conjointement avec l’article 2 (par. 1)

Articles du Protocole facultatif:

1, 2, 3, 5 (par. 2 b))

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 25 mars 2013,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.1L’auteur de la communication est Q. H. L., de nationalité chinoise, né le 21 mai 1963. Il affirme être victime d’une violation par l’Australie des droits qu’il tient des articles 6 (par. 1), 7, 9 (par. 1), 14 (par. 3 g)) et 17, tous lus conjointement avec l’article 2 (par. 1) du Pacte. Il est représenté par un conseil, Kon Karapanagiotidis, du Centre de ressources pour les demandeurs d’asile.

1.2Le 21 avril 2010, le Président, agissant au nom du Comité, a demandé à l’État partie de ne pas expulser l’auteur vers la Chine tant que le Comité examinerait sa communication. Il a indiqué que la demande de mesures provisoires pourrait être examinée dès que les observations de l’État partie auraient été reçues.

Exposé des faits

2.1Le 17 septembre 1999, l’auteur est arrivé en Australie avec un groupe de touristes et a trouvé un emploi dans un restaurant. Le 6 septembre 2005, il a présenté une demande de visa de protection, faisant valoir qu’il craignait avec raison d’être persécuté du fait de ses opinions politiques en faveur du mouvement prodémocratique chinois et de ses tentatives de mettre un frein à la corruption.

2.2L’auteur indique qu’il avait exprimé ses opinions en faveur de la démocratie en Chine et qu’il a continué de participer à des activités prodémocratiques en Australie. Il déclare qu’alors qu’il travaillait à Foshan, en Chine, il avait publiquement soutenu le mouvement prodémocratique de 1989 dans le pays et accusé de corruption les responsables de son service. Il avait également encouragé ses collègues à dénoncer la corruption sur leur lieu de travail. En raison de ces activités, il aurait été persécuté par des agents de l’État, qui étaient aussi les responsables de son service, et qui avaient diminué son salaire, avaient mis des obstacles à son obtention d’un logement et ne l’avaient pas autorisé à passer un examen pour devenir chef de niveau 1. Il avait également été rétrogradé de son poste de chef dans le restaurant de l’hôtel pour être intégré au personnel de la cantine avec une réduction de salaire. Après son arrivée en Australie, il aurait été informé que ses anciens employeurs en voulaient à sa vie à cause de ses accusations de corruption. Il a néanmoins régulièrement continué d’envoyer de l’argent et des publications antigouvernementales à sa famille en Chine. Il affirme que l’argent envoyé a été confisqué par les autorités, que ses conversations téléphoniques avec sa famille ont été surveillées et que des membres du Bureau de la sécurité publique ont rendu visite à sa femme et l’ont mise en garde contre les documents antigouvernementaux qu’il lui adressait. Depuis décembre 2005, l’auteur assiste à des séminaires mensuels, au cours desquels les participants discutent du Parti communiste chinois et écoutent des conférenciers invités qui sont des dissidents du Parti.

2.3Le 23 septembre 2005, le Ministère de l’immigration et de la citoyenneté a refusé d’accorder à l’auteur un visa de protection. Le 24 janvier 2006, le Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés a confirmé la décision du Ministère, estimant que la peur d’un préjudice exprimée par l’auteur en raison de son soutien au mouvement prodémocratique de 1989 n’était pas fondée. Le refus du Tribunal reposait sur plusieurs raisons, notamment sur le fait que les convictions anticommunistes de l’auteur manquaient de crédibilité, en particulier parce qu’il ne connaissait pas le contenu des informations anticommunistes qu’il prétendait avoir lues ou avoir envoyées à sa famille, parce qu’il n’avait commencé à manifester un intérêt pour des activités politiques en Australie qu’après avoir demandé un visa de protection et parce qu’il avait attendu six ans avant de formuler cette demande. Tout en admettant les allégations de l’auteur qui affirmait avoir soutenu le mouvement prodémocratique de 1989, signalé des actes de corruption sur son lieu de travail et fait l’objet de discrimination dans son service, le Tribunal a estimé que cela ne pouvait donner lieu à des persécutions étant donné que les opinions politiques de l’auteur n’intéressaient pas les autorités chinoises quand il avait quitté la Chine et que, même si la crainte d’un préjudice de la part de ses anciens supérieurs équivalait à une discrimination, celle-ci n’avait pas la nature ou la portée d’une persécution et que l’auteur pouvait demander la protection de l’État si son ancien directeur cherchait à lui nuire. En ce qui concernait la difficulté de l’auteur à trouver un emploi public ou financé par les pouvoirs publics, le Tribunal a conclu qu’il ne s’agissait pas là d’une persécution car il existait d’autres possibilités d’emploi dans le secteur privé. Il a déclaré que l’auteur pouvait être brièvement réprimandé ou détenu et interrogé par les autorités chinoises pour avoir demandé l’asile en Australie, mais qu’il ne pouvait faire l’objet de persécutions pour cette seule raison. Le 22 mai 2006, la Cour fédérale de première instance a estimé que la décision du Tribunal n’était entachée d’aucune erreur et a rapidement classé l’affaire. Le 21 novembre 2006, le Ministre de l’immigration et de la citoyenneté a refusé d’intervenir dans cette affaire et n’a pas permis à l’auteur de formuler une deuxième demande de visa de protection. Le 2 avril et le 14 août 2007, il a une nouvelle fois refusé d’intervenir.

2.4Le 19 septembre 2007, l’auteur s’est rendu au consulat chinois avec un représentant de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et a présenté le document de voyage que lui avait délivré le consulat en août 2005. Le consulat lui a demandé pourquoi son départ avait été retardé. En fournissant une explication, la représentante de l’OIM a dévoilé son identité, ce qui aurait fait comprendre aux autorités chinoises que l’auteur cherchait à demander l’asile. Le 20 septembre 2007, le Ministère de l’immigration et de la citoyenneté a envoyé une lettre au consulat chinois pour apporter son soutien à la demande formulée par l’auteur en vue d’obtenir un document de voyage. Le 10 octobre 2007, l’auteur et un représentant de l’OIM se sont rendus au consulat chinois avec une copie de la lettre du Ministère. Par la suite, l’auteur a reçu un appel du consulat lui demandant de fournir une déclaration écrite sur son activité professionnelle en Australie au cours des années précédentes. Le 11 octobre 2007, un responsable du Ministère a conseillé à l’auteur de dire au consulat chinois qu’il attendait une décision concernant une demande de visa pour travailleur qualifié. Le représentant de l’OIM a suggéré qu’il indique au consulat qu’il avait essayé d’obtenir un visa pour conjoint. Ces deux propositions revenaient à fournir au consulat chinois des informations forgées de toutes pièces. Le 26 octobre 2007, l’auteur s’est rendu à l’ambassade de Chine accompagné de son conseil pour expliquer qu’il avait essayé d’obtenir un permis de séjour pour des raisons appuyées par son employeur, mais qu’il n’y était pas parvenu et qu’il souhaitait vivement rentrer dans son pays. Les fonctionnaires chinois lui ont dit qu’ils n’étaient pas convaincus par ses explications et qu’il ne recevrait pas de documents de voyage tant qu’il ne leur aurait pas donné une «explication franche» sur ses activités en Australie.

2.5Le 17 août 2009, sur instruction du Ministère de l’immigration et de la citoyenneté, l’auteur est retourné à l’ambassade de Chine pour demander que lui soient délivrés des documents de voyage pour retourner dans son pays. Il a toutefois été informé qu’aucun nouveau document de voyage ne lui serait délivré. Le 18 mars 2010, il a reçu une lettre par laquelle le Ministère lui transmettait une demande du consulat chinois l’engageant à répondre à une série de questions, et notamment à rédiger une déclaration écrite expliquant quelles étaient ses activités en Australie et pourquoi il avait formé un recours devant la Cour fédérale de première instance.

2.6Le 29 mars 2010, le Ministre de l’immigration et de la citoyenneté a de nouveau refusé d’intervenir, et a informé l’auteur que son visa relai de type E arriverait à expiration le 18 avril 2010.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur fait valoir que, malgré les persécutions qu’il a subies en Chine en raison de ses convictions anticommunistes et de sa lutte contre la corruption et le fait que le Ministère de l’immigration et de la citoyenneté ait, semble-t-il, appelé l’attention du consulat chinois sur sa demande d’asile, le Gouvernement australien lui a refusé l’asile. Il affirme qu’il sera en danger aux mains des autorités chinoises, en raison de ses convictions politiques et de son statut de demandeur d’asile débouté, qui l’exposent à un risque de torture et d’emprisonnement à son retour dans le pays. Il affirme en outre qu’il aura des difficultés à trouver un emploi en Chine parce qu’il a quitté le pays sans l’autorisation de son employeur, et que cela équivaudrait à une persécution.

3.2L’auteur considère en outre que les mesures prises par le Ministère de l’immigration et de la citoyenneté ont conduit à une nouvelle requête (demande de statut de réfugié sur place), lui faisant involontairement courir des risques en raison des relations nouées avec le consulat chinois. Il fait valoir que cela démontre clairement qu’il présente un intérêt pour les autorités chinoises et que celles-ci se méfient de ses activités en Australie. Il n’a jamais répondu aux questions qui lui étaient posées, car il pense que cela l’aurait mis encore plus en danger. Il soutient également que le consulat chinois ne lui délivrera pas de document de voyage, ce qui, juridiquement parlant, signifie qu’il est apatride.

3.3L’auteur affirme que s’il était renvoyé en Chine, il serait victime d’une violation des articles 6 (par. 1), 7, 9 (par. 1) et 17, lus conjointement avec le paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Le 24 novembre 2010, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et le fond. Il a ajouté des éléments aux faits présentés par l’auteur et indiqué que celui-ci avait été détenu le 12 juillet 2005 et avait volontairement signé une demande de renvoi (qui comprenait sa demande de passeport chinois) en vue de retourner en Chine. Le 10 août 2005, le consulat chinois a délivré un visa d’entrée qui était valide pendant trois mois. Ce document de voyage est ensuite devenu caduc car l’auteur a demandé le 6 septembre 2005 un visa de protection, qui a été refusé. Le 22 mai 2006, la Cour fédérale de première instance a confirmé le jugement du Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés. Le 16 août 2007, l’auteur a indiqué à un agent des services d’immigration qu’il souhaitait retourner volontairement en Chine, mais qu’il n’avait pas les moyens financiers de le faire. Lorsqu’il a déposé sa demande pour obtenir un nouveau passeport, il était assisté d’un représentant de l’OIM. Le 31 octobre 2007, un agent des services d’immigration s’est entretenu avec un fonctionnaire du consulat chinois. Celui-ci a indiqué qu’il fallait que l’auteur fasse une déclaration concernant le type de visa qu’il avait demandé en Australie, qu’il indique la procédure qu’il avait suivie, qu’il fasse une autre déclaration expliquant pourquoi il avait voulu rester en Australie et qu’il donne les raisons pour lesquelles il n’avait pas utilisé le document de voyage délivré en 2005. L’auteur a été informé de cette demande en conséquence et il lui a également été dit que l’agent des services d’immigration ne divulguerait aucune information au consulat chinois sans son consentement. Entre 2007 et 2010, avec le consentement de l’auteur, des agents des services d’immigration se sont entretenus avec le consulat chinois au sujet des documents de voyage de l’auteur; des retards ont été enregistrés à la suite de changements de personnel au consulat et de difficultés rencontrées dans le traitement des passeports en raison des Jeux olympiques de Beijing. En janvier 2010, une copie des questions posées par le consulat chinois a été communiquée à l’auteur, lequel devait expliquer ce qu’il avait fait en Australie au cours des dix années précédentes, pourquoi il n’avait pas quitté l’Australie en 2005 et pourquoi il avait formé un recours devant la Cour fédérale. L’auteur n’a fourni aucune réponse à ces questions.

4.2L’État partie affirme que l’auteur n’a pas épuisé les voies de recours internes car il n’a pas fait appel de la décision de la Cour fédérale de première instance en date du 22 mai 2006 devant la Cour fédérale et n’a pas exposé les raisons pour lesquelles il n’avait pas exercé ce recours.

4.3En ce qui concerne l’allégation de violation du paragraphe 1 de l’article 6 du Pacte, l’État partie rappelle qu’aux fins de l’article 2 du Protocole facultatif, une plainte est une allégation étayée par un certain nombre d’éléments de preuve et qu’il incombe à l’auteur d’établir que son affaire est à première vue recevable. L’État partie relève que la communication de l’auteur s’appuie sur une brève chronologie des événements et ne fait pas apparaître que la vie de l’intéressé serait en péril s’il était renvoyé en Chine. Il fait valoir que ses relations avec le consulat chinois pour obtenir des documents de voyage sont des relations normales et qu’il n’existe pas de preuve substantielle attestant d’une demande de statut de réfugié sur place, avec pour l’auteur un risque réel d’être arbitrairement privé de la vie, ce qui contreviendrait à l’article 6. Il estime donc que l’auteur n’a pas fourni de preuves suffisantes pour étayer ses griefs au titre de l’article 6.

4.4L’État partie fait valoir que si toutefois le Comité estimait que les griefs de l’auteur étaient recevables, ils devraient être déclarés sans fondement. Les informations sur le pays communiquées aux autorités nationales montrent que les autorités chinoises considèrent le fait de chercher à rester en Australie par le biais d’une demande de protection temporaire comme un comportement banal et non comme l’expression d’une dissidence politique. L’État partie indique en outre que le traitement susceptible d’être réservé à un demandeur d’asile chinois débouté consisterait en un entretien à l’arrivée et, éventuellement, en une surveillance ou en une détention de courte durée. Il fait valoir qu’il n’y a pas de preuve substantielle qui démontrerait que l’auteur présente un intérêt pour les autorités chinoises en raison de ses activités politiques en Australie. En outre, les autorités nationales ont estimé que la participation de l’auteur à des activités politiques avait pour but d’appuyer sa demande de visa de protection. L’État partie fait par ailleurs observer que l’allégation de l’auteur selon laquelle son précédent employeur en voulait à sa vie n’était pas un motif suffisant pour affirmer que sa vie serait en danger, étant donné en particulier qu’il pourrait demander la protection de l’État s’il avait des problèmes avec son ancien employeur. L’État partie prend note des conclusions du Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés selon lesquelles, bien que le comportement de son ancien employeur ait pu être discriminatoire, il ne constituait pas un préjudice suffisamment grave pour être assimilé à de la persécution au regard de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.

4.5Quant à l’allégation de violation de l’article 7, l’État partie fait valoir que l’auteur ne l’a pas suffisamment étayée car il n’a pas démontré que sa plainte était à première vue fondée en ce qui concernait sa crainte de faire l’objet de persécutions en raison de ses activités prodémocratiques en Australie et sa crainte que les autorités chinoises puissent découvrir son statut de demandeur d’asile débouté et décident en conséquence de l’emprisonner et de le torturer.

4.6Par ailleurs, l’État partie soutient que l’auteur n’a fourni aucune information nouvelle et pertinente concernant ses activités politiques qui n’ait déjà été prise en compte par les autorités nationales et qu’il n’existe aucune preuve substantielle attestant qu’il est considéré comme un adversaire actif ou déclaré du Gouvernement chinois. L’auteur n’a donc pas démontré qu’il existait pour lui un risque réel d’être torturé ou soumis à des traitements cruels, inhumains ou dégradants s’il était renvoyé en Chine.

4.7En ce qui concerne l’argument de l’auteur selon lequel il craint d’être placé en détention si les autorités chinoises découvrent qu’il a demandé l’asile en Australie, l’État partie fait valoir que son obligation de non-refoulement en vertu du Pacte ne s’applique qu’aux situations où il existe un risque réel de préjudice irréparable, comme cela est envisagé aux articles 6 et 7. Il fait donc valoir que le grief tiré par l’auteur de l’article 9 devrait être déclaré irrecevable ratione materiae et insuffisamment étayé.

4.8En ce qui concerne le bien-fondé du grief tiré de l’article 9, l’État partie rappelle que la détention est définie comme arbitraire non pas simplement lorsqu’elle est contraire à la loi, mais aussi lorsqu’elle comporte des éléments revêtant un caractère inapproprié, injuste et imprévisible. L’État partie rappelle les informations sur le pays qui ont été examinées par le Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés, dans lesquelles il a été noté que l’auteur pouvait être interrogé, réprimandé ou brièvement détenu par les autorités chinoises au sujet de sa demande de visa de protection; toutefois, de telles mesures ne sauraient être assimilées à des persécutions.

4.9Quant au grief tiré de l’article 17, l’État partie fait observer que son obligation de non-refoulement ne s’étend pas aux violations de cet article et que, par conséquent, cette partie du grief de l’auteur est irrecevable ratione materiae. Il fait également observer que le Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés doutait de la crédibilité des opinions et des activités politiques de l’auteur et n’était pas convaincu que l’auteur eût envoyé des informations dissidentes à sa famille. Sur le fond, l’État partie fait valoir que, au cours des audiences devant ledit tribunal, l’auteur n’a pas répondu lorsqu’il lui a été demandé pourquoi il croyait être surveillé par les autorités chinoises; de plus, il n’y avait pas suffisamment de preuves pour étayer ses allégations selon lesquelles l’argent envoyé à sa famille avait été volé par des agents de l’État.

4.10L’État partie affirme que les griefs tirés des articles 6, 7, 9 et 17 sont irrecevables pour non-épuisement des voies de recours internes et parce qu’ils ne sont pas suffisamment étayés. Les griefs tirés des articles 9 et 17 n’ont pas trait à l’obligation de non-refoulement et sont donc irrecevables ratione materiae. Par ailleurs, l’État partie soutient que les griefs de l’auteur ne sont pas fondés.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partieconcernant la recevabilité et le fond

5.1Dans une lettre datée du 1er avril 2011, l’auteur a fait part de ses commentaires sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond. Il apporte des renseignements complémentaires sur les faits tels qu’ils sont présentés et explique que, le 10 juin 2005, il a reçu un document de voyage chinois. Toutefois, la validité de ce document de voyage a expiré alors qu’il attendait la décision du Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés au sujet de sa demande de visa de protection. En ce qui concerne l’épuisement des recours internes, l’auteur réaffirme qu’il a épuisé tous les recours disponibles.

5.2Pour ce qui est des griefs tirés de l’article 6, l’auteur affirme que son soutien au mouvement prodémocratique de 1989 et ses efforts pour réduire la corruption sur son lieu de travail se sont soldés par des persécutions de la part des autorités, comme en ont témoigné la diminution de son salaire et son exclusion des programmes de logement. En Australie, l’auteur a continué de participer à des séminaires et rassemblements prodémocratiques, et il estime que plusieurs facteurs donnent à penser que ces activités ont été portées à l’attention du Gouvernement chinois, car son courrier et ses appels téléphoniques ont été surveillés. Il signale qu’un fonctionnaire chinois qui avait quitté son pays pour l’Australie en 2005 a affirmé que la Chine disposait d’un vaste réseau d’informateurs chargés de surveiller le Falun Gong et d’autres activités antichinoises. Il affirme donc que la demande que lui a adressée le Ministère de l’immigration et de la citoyenneté pour qu’il fournisse au consulat chinois un état de ses activités au cours des dix années passées laisse entendre que ses activités prodémocratiques avaient été relevées par les autorités chinoises. Il fait également observer que ledit ministère lui a conseillé d’expliquer au consulat chinois pourquoi il avait formé un recours devant la Cour fédérale de première instance, ce qui montre que le consulat chinois soupçonnait qu’il avait déposé une demande de visa de protection.

5.3L’auteur cite des informations d’organisations de défense des droits de l’homme sur l’ampleur de l’application de la peine de mort, ainsi que des données suggérant que les dissidents politiques qui n’ont pu obtenir l’asile en Australie sont exposés à des persécutions à leur retour en Chine. Il fait observer que les informations concernant la Chine sur lesquelles se fondent l’État partie sont dépassées (1995) et que des renseignements plus récents font apparaître qu’il n’est pas possible de trancher catégoriquement sur la façon dont les autorités chinoises traitent les rapatriés qui n’ont pu obtenir l’asile dans un autre pays. En outre, il soutient que les mesures prises par le représentant de l’OIM et le Ministère de l’immigration et de la citoyenneté ont révélé son statut de demandeur d’asile débouté au consulat chinois, lequel a alors demandé des précisions au sujet de son recours devant la Cour fédérale de première instance. À cet égard, il fait valoir que les procédures judiciaires garantissent la confidentialité des recours concernant les demandes d’asile et que l’instruction de communiquer des informations à ce sujet est en contradiction avec l’Observation générale du Comité concernant le droit au respect de la vie privée. Selon lui, le fait que le consulat chinois ait exigé la divulgation de cette information montre que les autorités chinoises s’intéressent à lui. Il affirme que les informations sur le pays et le manque de transparence concernant l’application de la peine de mort en Chine, à quoi s’ajoute la divulgation de son parcours migratoire par le Ministère de l’immigration et de la citoyenneté au consulat chinois, l’exposent à un risque de violation de l’article 6 s’il est renvoyé en Chine.

5.4En ce qui concerne les griefs tirés de l’article 7, l’auteur renvoie à ses arguments au titre de l’article 6 et affirme que son renvoi en Chine lui ferait courir un risque réel d’être torturé, en violation de l’article 7.

5.5Pour ce qui est de l’article 9, l’auteur fait valoir qu’une violation des droits qu’il tient des articles 6 et 7 entraînerait inévitablement un préjudice sous la forme d’une arrestation ou d’une détention arbitraire. Il indique que le Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés avait admis qu’il pourrait être arrêté à son retour en Chine. Renvoyant à l’Observation générale no 31 du Comité, l’auteur affirme que les références aux articles 6 et 7 sont des exemples de préjudice irréparable. Il estime que, comme le cas d’autres demandeurs d’asile déboutés l’a montré, il est probable qu’il serait placé en détention indéfiniment et au secret.

5.6En ce qui concerne le grief tiré de l’article 14, l’auteur cite les obligations de l’État partie en vertu du paragraphe 3 de cet article, en particulier du paragraphe 3 g), et fait valoir qu’une réponse franche aux questions posées par le Ministère de l’immigration et de la citoyenneté impliquerait qu’il divulgue sa participation à des activités politiques qui sont considérées comme illégales au regard du droit chinois. Il estime donc que ses réponses auxdites questions reviendraient à avouer cette infraction au regard de l’article 105 du Code pénal chinois.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel l’auteur n’a pas épuisé les voies de recours internes conformément au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, car il n’a pas fait appel de la décision de la Cour fédérale de première instance devant la Cour fédérale et n’a pas exposé les raisons pour lesquelles il n’avait pas exercé ce recours. Le Comité constate que l’auteur n’a avancé aucun élément pour contester cet argument. En l’absence d’informations communiquées par l’auteur sur les raisons pour lesquelles il n’a pas formé un recours devant la Cour fédérale, le Comité estime que l’auteur n’a pas épuisé tous les recours internes disponibles et utiles conformément au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif et déclare donc la communication irrecevable.

7.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

S.Communication no 1943/2010, H. P. N. c. Espagne(Décision adoptée le 25 mars 2013, 107e session)*

P résentée par:

H. P. N. (représenté par un conseil, Didier Rouget)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Espagne

Date de la communication:

3 février 2010 (date de la lettre initiale)

Objet:

Condamnation de l’auteur pour l’infraction qui avait déjà motivé sa condamnation antérieure

Questions de procédure:

Non-épuisement des recours internes;griefs non étayés

Questions de fond:

Interdiction des traitements cruels; objectif de réinsertion associé à la peine; droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation; interdiction d’une double condamnation pour le même fait

Articles du Pacte:

7, 10 et 14 (par. 5 et 7)

Articles du Protocole facultatif:

2 et 5 (par. 2 b))

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 25 mars 2013,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication est H. P. N., de nationalité française, né le 6 janvier 1948. Il affirme être victime de violations par l’Espagne des droits que lui confèrent les articles 7, 10 et 14 (par. 5 et 7) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il est représenté par un conseil, M. Didier Rouget. Au moment de la présentation de la communication, l’auteur était détenu au Centre pénitentiaire de Puerto III de Cádiz.

Rappel des faits exposés par l’auteur

2.1L’auteur, membre de l’organisation Euskadi Ta Askatasuna (ETA) et accusé d’avoir commis de nombreux attentats liés à cette organisation, a été arrêté par les autorités de l’État partie le 2 avril 1990 à Santiponce (Séville). Par la suite, il a été jugé et condamné à différentes dates pour 26 infractions, le total des peines prononcées atteignant cinq mille cent quarante-cinq années d’emprisonnement. En particulier, le 18 décembre 1990, l’Audiencia Nacional a condamné l’auteur à onze ans d’emprisonnement pour appartenance à une bande armée. En vertu du Code pénal de 1973, en vigueur au moment de la commission des infractions, la durée maximale d’exécution de la peine était de trente ans. Cette limitation, associée aux possibilités de réduction de peine prévues par la loi, signifiait que l’auteur devait être remis en liberté à la fin de 2009.

2.2En application des dispositions susmentionnées, 64 membres de l’organisation ETA qui avaient été condamnés à plus de trente ans d’emprisonnement ont été remis en liberté entre 1996 et 2004, ce qui a déclenché une vaste polémique au sein de la société espagnole. Face à cette situation, les autorités exécutives et judiciaires ont annoncé qu’elles prendraient toutes les mesures voulues pour empêcher que des personnes condamnées dans des circonstances similaires ne soient remises en liberté. D’après l’auteur, le Ministre de la justice a déclaré qu’il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour que de nouvelles accusations soient formulées contre ces personnes et éviter ainsi leur libération, dès lors qu’elles continuaient d’entretenir des liens avec l’organisation ETA.

2.3Le 26 novembre 2002, les autorités françaises ont perquisitionné un logement situé à Bergerac, en Dordogne (France), qui avait été occupé par J. A. O. G. et A. M. G., tous deux arrêtés et accusés d’avoir planifié des actes de terrorisme et d’autres infractions liées à l’ETA. Elles y ont trouvé une lettre qui avait été écrite par l’auteur depuis la prison et adressée à ces deux membres de la direction de l’ETA en France. À la suite de cela, le tribunal d’instruction no 5 de Madrid a engagé une procédure contre l’auteur pour «appartenance à une bande armée» et «conspiration ou sollicitation en vue de commettre des actes de terrorisme».

2.4Le 2 février 2007, l’Audiencia Nacional a acquitté l’auteur du chef de «conspiration ou sollicitation en vue de commettre des actes de terrorisme», mais a considéré qu’il avait renoué des liens avec la direction de l’organisation ETA et l’a condamné pour l’infraction d’«appartenance à une bande armée», avec la circonstance aggravante de récidive, lui infligeant une peine supplémentaire de onze ans d’emprisonnement. L’Audiencia Nacional a considéré que l’arrestation de l’auteur en 1990 avait mis fin, fût‑ce contre sa volonté, à sa participation active dans l’ETA. L’auteur était toutefois parvenu à rétablir ses liens avec l’organisation en 2001. D’après le jugement, la lettre saisie montrait que l’auteur avait repris son activité au sein de l’ETA, intervenant concrètement dans l’organisation et incitant à la commission d’attentats terroristes à la voiture piégée dans les années 2001 et 2002.

2.5L’auteur s’est pourvu en cassation devant le Tribunal suprême, dénonçant une violation de la loi pénale et de dispositions constitutionnelles et affirmant que le jugement rendu par l’Audiencia Nacional portait atteinte au principe fondamental de légalité en matière pénale, eu égard au principe non bis in idem, vu que dans sa jurisprudence le Tribunal suprême avait établi que l’infraction d’appartenance à une bande armée était de nature continue, sans limitation dans le temps. Pour que la même infraction puisse avoir été commise une nouvelle fois, il aurait fallu que la période d’appartenance au groupe armé ait pris fin et qu’une nouvelle décision d’intégrer l’organisation ait été prise, ce qui n’était pas le cas en l’espèce puisque l’auteur n’avait pas cessé d’être membre de l’ETA. La lettre saisie en France, sur laquelle était fondée la nouvelle accusation, ne pouvait être considérée que comme une preuve concrète des liens avec l’organisation pour lesquels l’auteur avait déjà été condamné. L’auteur a également affirmé que la nouvelle accusation visait principalement à empêcher sa libération et qu’il y avait eu violation de son droit à la présomption d’innocence, de son droit à la défense et de son droit à un procès assorti de toutes les garanties, vu qu’il avait été condamné en l’absence de preuves à charge suffisantes.

2.6Le 2 novembre 2007, le Tribunal suprême a rejeté le pourvoi en cassation. Dans sa décision, communiquée par l’auteur, le Tribunal suprême a fait observer que l’infraction d’appartenance à une bande armée pouvait être décomposée en trois éléments: un premier élément supposant l’existence d’une bande armée ou d’une organisation terroriste, un élément subjectif supposant la volonté d’appartenir à ce groupe ou de le rejoindre de façon permanente ou pour une période indéterminée, pendant laquelle le militant accepte d’œuvrer en faveur des buts poursuivis par l’association illégale, et un élément matériel ou objectif supposant la réalisation ou la possibilité de réaliser des activités de collaboration avec la bande qui aident celle-ci à parvenir à ses fins. Sur cette base, suivant le raisonnement de l’Audiencia Nacional, le Tribunal suprême a établi qu’au moment où l’auteur était entré en prison, il y a avait eu rupture physique de son lien avec l’ETA et que cette rupture avait été manifeste pendant un certain temps. Cette rupture «physique» ou matérielle avait été suivie de la rupture juridique, découlant de la condamnation pour appartenance à une bande armée, qui avait mis fin à une période d’association de l’auteur avec l’ETA. Du point de vue juridique, cela signifiait la fin d’une période d’activité criminelle au sein du groupe. Le Tribunal suprême ajoute que la volonté de l’auteur, manifestée par des actes de collaboration ou de coopération, de maintenir ses liens avec l’organisation terroriste, après avoir été condamné pour en avoir fait partie, a constitué une transgression supplémentaire et qu’il n’y a pas eu violation du principe non bis in idem. L’auteur a plutôt commis une autre infraction de la même nature, à travers des actes ou activités différents qui n’avaient pas encore été poursuivis. Le Tribunal suprême a également considéré que l’auteur avait eu la possibilité de se défendre contre toutes les accusations, lesquelles étaient fondées sur des faits objectifs et non sur des considérations personnelles ou inspirées par des raisons politiques, et que les preuves étaient valides et attestaient son appartenance à l’ETA. D’après le Tribunal suprême, la lettre saisie en France faisait référence à une correspondance antérieure, ce qui montrait que cet échange de l’auteur avec l’ETA n’était pas isolé et que l’auteur était parvenu à rétablir un canal de collaboration stable et actif avec l’organisation. En conséquence, le Tribunal suprême a maintenu la condamnation de l’auteur pour appartenance à une bande armée.

2.7Le 2 janvier 2008, l’auteur a introduit devant le Tribunal constitutionnel un recours enamparo contre les décisions de l’Audiencia Nacional et du Tribunal suprême, du 2 février et du 2 novembre 2007, respectivement, dénonçant des violations de son droit à une protection juridictionnelle effective, de son droit à la défense, de son droit d’être informé des accusations portées contre lui, de son droit à un procès public assorti de toutes les garanties et de son droit à l’égalité devant la loi, ainsi que des principes de légalité et de sécurité juridique. Le recours contenait une référence liminaire aux violations de ces deux derniers principes, faisant valoir que les peines de privation de liberté et les mesures de sécurité devaient avoir pour objectif la réadaptation et la réinsertion sociale des condamnés.

2.8Le 18 février 2009, le Tribunal constitutionnel a rejeté le recours en amparo au motif qu’il n’y était pas démontré en quoi ce recours revêtait une importance constitutionnelle spéciale, comme l’exigeait l’article 50.1b) de la loi organique sur le Tribunal constitutionnel.

2.9L’auteur affirme avoir épuisé tous les recours internes et ajoute qu’il n’existe pas de recours interne spécifique qui permettrait de contester le système de cumul des peines et les violations des articles 7 et 10 du Pacte qui en découlent.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que l’État partie a violé ses obligations au titre des articles 7, 10 et 14 (par. 5 et 7) du Pacte.

3.2Le régime de cumul des peines appliqué dans l’État partie fait qu’une personne peut être condamnée de manière symbolique à cent ans d’emprisonnement, alors que dans la pratique la durée maximale de la privation de liberté selon le Code pénal en vigueur, qui date de 1995, est de quarante ans Ce régime aboutit à un traitement inhumain contraire aux articles 7 et 10 du Pacte. Conformément au Pacte, nul ne doit être soumis à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et, dans tous les cas, le régime pénitentiaire doit avoir pour but essentiel l’amendement et le reclassement social des condamnés. Bien que le cumul des peines soit en fin de compte symbolique, une condamnation totale d’une durée supérieure à l’espérance de vie de l’intéressé nuit gravement à l’état psychologique de celui-ci et le maintient dans une situation de détresse morale, sans aucune perspective d’avenir, ce qui est à l’opposé d’un régime tendant vers la réinsertion sociale effective du condamné.

3.3L’auteur affirme que l’État partie a violé le paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, en ce qu’il a été privé de son droit de faire appel et de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la peine prononcées par l’Audiencia Nacional en 2007. La loi organique no 19/2003, qui a modifié la loi organique no 6/1985 sur le pouvoir judiciaire, ne garantit pas pleinement le droit à un double degré de juridiction en matière pénale. Les jugements de l’Audiencia Nacional peuvent être contestés en cassation devant le Tribunal suprême. Néanmoins, les pourvois devant le Tribunal suprême comportent des limitations, car le Tribunal suprême n’est pas habilité à réexaminer tous les éléments considérés au cours de la procédure ayant abouti au jugement de première instance. Ainsi, l’impossibilité de faire appel du jugement de première instance a constitué une violation par l’État partie du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte.

3.4Pour ce qui est du paragraphe 7 de l’article 14, l’auteur indique qu’après son arrestation en 1990, étant membre de l’ETA, il a été condamné pour «appartenance à une bande armée». Cependant, alors qu’il était toujours en prison, en 2005, il a été accusé une nouvelle fois de la même infraction et condamné le 2 février 2007 par l’Audiencia Nacional. L’auteur soutient qu’il ne pouvait être condamné une nouvelle fois pour son appartenance à l’ETA et que le jugement rendu par l’Audiencia Nacional en 2007 équivaut à une double condamnation contraire au principe non bis in idem, énoncé au paragraphe 7 de l’article 14 du Pacte. Dans sa jurisprudence, le Tribunal suprême lui-même établit que l’appartenance à un groupe armé ne constitue pas une infraction qui cesserait au moment de sa commission et qu’elle perdure par l’intention délictuelle de l’auteur aussi longtemps que la situation illégale ainsi créée persiste, cette infraction étant de nature continue, sans limitation dans le temps. La commission de l’infraction prend fin au moment où le sujet décide de mettre un terme à la situation illégale en quittant le groupe armé ou lorsqu’il en est expulsé. En conséquence, pour qu’une nouvelle infraction puisse être constatée sans qu’il y ait violation du principe non bis in idem, il faudrait qu’il soit mis fin à la période d’appartenance au groupe armé puis, dans un deuxième temps, qu’il y ait une nouvelle décision d’intégrer le groupe. L’auteur affirme que la nouvelle accusation portée contre lui visait à empêcher sa libération. Cela expliquerait pourquoi la procédure judiciaire a été engagée en 2005 alors que les faits ayant donné lieu au nouveau procès pénal, à savoir la saisie de la lettre en France, s’étaient produits à la fin de 2002. L’auteur nie avoir écrit la lettre datée du 1er juin 2001, censée être adressée à des membres de l’ETA. Il fait observer en outre que l’existence d’une nouvelle infraction est subordonnée à l’exécution d’actes concrets, qui n’a pas eu lieu en l’espèce. La simple expression d’un soutien idéologique à une organisation comme l’ETA, depuis l’intérieur d’une prison, ne peut être constitutive de l’infraction d’appartenance à une bande armée, et ne répond pas aux critères de cette qualification pénale.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Le 14 juillet 2010, l’État partie a présenté au Comité ses observations sur la recevabilité de la communication et a demandé que celle-ci soit déclarée irrecevable pour non-épuisement des recours internes et absence manifeste de fondement, en vertu de l’article 5 (par. 2 b)), de l’article 3 et de l’article 2 du Protocole facultatif, respectivement.

4.2Les recours internes n’ont pas été épuisés dans la mesure où le recours en amparo formé devant le Tribunal constitutionnel a été rejeté en raison d’un vice de forme irréparable imputable à l’impéritie de l’auteur, qui n’avait pas exposé dans sa requête l’importance constitutionnelle spéciale du recours.

4.3En ce qui concerne les articles 7 et 10 du Pacte, l’État partie soutient également que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes. Les allégations relatives au régime de cumul des peines et au traitement cruel, inhumain ou dégradant que ce régime engendrerait n’ont été formulées ni dans le pourvoi en cassation ni dans le recours en amparo. De plus, ces allégations ne sont pas suffisamment étayées, l’auteur faisant une référence générale au régime de cumul des peines sans préciser quels faits auraient constitué des violations. Le Code pénal de 1973, en vertu duquel l’auteur a été jugé pour les infractions qu’il avait commises avant son arrestation et son emprisonnement en 1991, établissait un régime de cumul des peines, mais dans la pratique la durée maximale d’emprisonnement était de trente ans. Par la suite, le Code pénal de 1995 a maintenu le régime en question en portant à quarante ans la durée maximale de la privation de liberté. L’État partie ajoute que dans le cadre d’une autre procédure engagée par l’auteur, le Tribunal suprême s’est prononcé sur l’exécution des peines cumulées et sur le critère permettant de déterminer la date de la fin de l’accomplissement de la peine compte tenu des réductions de peine ordinaires et supplémentaires obtenues par le travail. L’application de cette décision était contestée devant le Tribunal constitutionnel par l’auteur, ainsi que par d’autres personnes, au moment où l’État partie communiquait ses observations. Cependant, ces questions n’ont été abordées ni dans le jugement de l’Audiencia Nacional ni dans la décision du Tribunal suprême datant de 2007, qui sont pertinents au regard des faits exposés dans la présente communication. Par conséquent, l’auteur est mal fondé à contester la privation de liberté à laquelle il a été condamné précédemment, entre 1991 et 1996, par plusieurs jugements définitifs de l’Audiencia Nacional lui imposant des peines qui ont été cumulées conformément au Code pénal de 1973 et dont l’application ne fait pas l’objet des procédures judiciaires à l’origine de la présente communication.

4.4Pour ce qui est des allégations relatives au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, l’État partie indique également que les recours internes n’ont pas été épuisés, vu que dans aucun des recours qu’il a formés l’auteur n’a fait valoir que la déclaration de culpabilité et la peine prononcées par l’Audiencia Nacional ne pouvaient pas être réexaminées par une juridiction supérieure conformément au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Par ailleurs, cette affirmation n’est pas suffisamment étayée et consiste uniquement en une référence générale à de supposées limitations de la portée du réexamen effectué par le Tribunal suprême en cassation, sans préciser quels faits ou allégations n’auraient pas été pris en compte et examinés par le tribunal suprême lorsqu’il a été saisi du pourvoi en cassation formé par l’auteur. En réalité, ce pourvoi a permis au Tribunal suprême de procéder à un réexamen du jugement rendu par l’Audiencia Nacional tant du point de vue des faits et des éléments de preuve que sur le plan du droit. L’État partie rappelle que le Comité a déclaré irrecevables pour défaut de fondement des communications faisant état de violations du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte.

Observations de l’État partie sur le fond

5.1Le 16 novembre 2010, l’État partie a présenté ses observations sur le fond de la communication et a demandé au Comité de déclarer celle-ci irrecevable ou, à défaut, de constater qu’il n’y avait pas eu de violation du Pacte.

5.2L’État partie reprend les arguments avancés à propos de la recevabilité de la communication. Il indique par ailleurs que l’auteur a été arrêté le 2 avril 1990 dans une voiture chargée de 300 kilogrammes d’explosifs avec laquelle il comptait faire sauter le commissariat de police central de Séville et qu’il était déjà soupçonné de crimes graves, dont des attentats ayant fait 82 morts et plus de 200 blessés. L’auteur a été condamné pour assassinat, tentative d’assassinat, tentative de meurtre, coups et blessures graves, coups et blessures, terrorisme, dévastation, attentat, attentat ayant causé la mort, stockage d’armes, appartenance à une bande armée, falsification de documents d’identité, falsification de documents officiels, substitution et falsification de plaques d’immatriculation, utilisation illégale d’un véhicule à moteur et usage public d’un faux nom. La saisie de la lettre à Bergerac a été effectuée par la Police française en présence d’un juge d’instruction français et dans le respect de toutes les garanties de procédure. Bien que l’auteur ait nié avoir écrit et envoyé cette lettre, les expertises réalisées comme les détails qui y figuraient, notamment une description de la prison, des plans et des schémas, ne laissaient aucun doute quant à l’identité de la personne qui l’avait rédigée.

5.3Pour ce qui est des articles 7 et 10 du Pacte, dans le jugement à l’origine de la présente communication, l’Audiencia Nacional a uniquement condamné l’auteur à onze ans d’emprisonnement pour l’infraction d’appartenance à une bande armée, sans aborder aucune question en lien avec le total des condamnations précédemment prononcées. Ni le Code pénal de 1973, en vertu duquel l’auteur a été jugé initialement, ni celui de 1995 ne prévoient la réclusion à perpétuité. En cas de condamnations multiples pour différentes infractions, diverses règles permettent de limiter la durée maximale de la peine. Ainsi, l’article 70.2 du Code pénal de 1973 disposait que la durée maximale d’exécution ne pouvait excéder le triple de la peine la plus lourde ni une limite absolue de trente ans. Donc, toute personne se trouvant dans la situation de l’auteur sait d’emblée qu’elle va passer au maximum trente ans en prison, quel que soit le nombre d’infractions commises. Le Tribunal suprême a interprété cette disposition de manière très large, excluant uniquement la possibilité de cumuler les peines lorsqu’une déclaration de culpabilité a déjà été prononcée pour des infractions antérieures. Par ailleurs, le système pénitentiaire tend vers la réadaptation et la réinsertion des détenus, conformément à la Constitution et à la loi pénitentiaire générale.

5.4Quant aux griefs que l’auteur tire du paragraphe 5 de l’article 14, l’État partie indique que les règles relatives au pourvoi en cassation ont été soumises à l’interprétation du Tribunal constitutionnel, en partie eu égard à des constatations précédemment adoptées par le Comité. Il en est ressorti que le pourvoi en cassation contre un jugement de condamnation répond aux exigences du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. La juridiction supérieure peut vérifier la conduite du procès qui a eu lieu en première instance, non seulement du point de vue de l’application du droit mais aussi pour ce qui est de l’appréciation de la preuve. Dans le cas de l’auteur, le Tribunal suprême a réexaminé de manière approfondie la condamnation prononcée par l’Audiencia Nacional le 2 février 2007, tant en ce qui concerne les faits et les preuves qu’en ce qui concerne l’application du droit. Les allégations de l’auteur à ce sujet sont de caractère général. L’auteur conteste dans l’abstrait le système juridique de l’État partie, mais ne mentionne aucune question précise concernant les faits ou les preuves qui n’aurait pas pu être soulevée devant la juridiction supérieure.

5.5En ce qui concerne les griefs que l’auteur tire du paragraphe 7 de l’article 14, l’État partie fait observer que son système juridique interdit la double condamnation en matière pénale, eu égard au droit substantiel ou matériel, c’est-à-dire qu’un même sujet ne peut être condamné plus d’une fois pour la même accusation et à raison des mêmes faits − ainsi qu’au droit procédural ou formel − c’est-à-dire qu’il ne peut y avoir de deuxième procédure pénale lorsqu’il y a triple identité de sujet, de faits et de fondement. L’auteur a été condamné pour des faits délictueux commis entre le moment où il a rejoint l’ETA en 1978 et le moment où il a été arrêté en 1990. Dès son incarcération en 1990, l’auteur a été séparé de l’ETA et soumis à un régime pénitentiaire visant sa réadaptation. De cette date à 2002, rien n’a donné à penser que l’auteur était en contact avec l’organisation. Dans son jugement du 2 février 2007, confirmé par le Tribunal suprême en cassation, l’auteur a été condamné au motif qu’il était parvenu à renouer ses liens avec la direction de l’ETA et qu’il donnait des instructions et recommandations de stratégie criminelle depuis l’établissement pénitentiaire où il avait été placé. Plus particulièrement, les organes judiciaires de l’État partie ont déduit de la lettre saisie par les autorités françaises le 26 novembre 2002 que l’auteur était de nouveau membre actif de l’ETA, qu’il conseillait la direction de l’organisation à propos d’orientations stratégiques, de cibles possibles d’attentats terroristes et d’armes à utiliser, et que les dirigeants de l’ETA recevaient ces conseils et lui indiquaient même qu’ils avaient l’intention de les suivre. Ainsi, l’existence d’actes complètement distincts de ceux qui avaient été poursuivis entre 1991 et 1996 a été établie lors du procès et l’auteur a été condamné pour une nouvelle infraction d’appartenance à une bande armée.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

6.1Le 18 avril 2011, l’auteur a présenté ses commentaires sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond de la communication.

6.2L’auteur réaffirme qu’il a épuisé les recours internes en ce qui concerne toutes ses allégations avec la présentation du recours en amparo qui a été rejeté par le Tribunal constitutionnel le 18 février 2009. Le rejet de son recours ne peut être invoqué pour prétendre qu’il n’a pas épuisé les recours internes. Le fait que le Tribunal constitutionnel n’a pas reconnu l’importance constitutionnelle spéciale du recours en amparo ni approuvé le raisonnement exposé sur la violation des droits fondamentaux de l’auteur ne peut constituer un motif d’irrecevabilité pour le Comité, puisque la décision du Tribunal marque l’épuisement de tous les recours internes et, de surcroît, fait apparaître une violation du droit de l’auteur à une protection juridictionnelle effective. L’auteur ajoute que le système juridique de l’État partie ne comporte pas de mécanisme de recours spécifique conforme aux articles 7 et 10 du Pacte, et que la violation de ces droits est une conséquence du non-respect des garanties en faveur des justiciables et de la violation du droit à la défense, du principe d’égalité devant la loi et, en particulier, du droit à la liberté. Dans son cas, la violation de ces droits a engendré une différence de traitement qui a elle-même constitué un traitement cruel, inhumain et dégradant. Enfin, l’auteur affirme que toutes ses allégations relatives aux articles 7, 10 et 14 (par. 5 et 7) du Pacte ont été formulées au niveau interne et/ou ont constitué le fondement du pourvoi en cassation formé devant le Tribunal suprême comme du recours en amparo introduit devant le Tribunal constitutionnel.

6.3L’auteur réaffirme que les procédures qui ont abouti au deuxième procès pénal pour infraction d’appartenance à une bande armée n’ont pas été engagées en réponse à une infraction présumée mais dans le but d’éviter sa libération, qu’il n’a pas été établi lors du procès qu’il était l’auteur de la lettre saisie par les autorités françaises, ni que celle-ci soit parvenue aux dirigeants de l’ETA, que la saisie ou l’interception de ce document n’a pas été assortie de toutes les garanties de procédure prévues dans le système juridique français et qu’en outre, toute preuve obtenue à l’étranger devrait être appréciée conformément aux principes juridiques en vigueur dans l’État partie, raison pour laquelle la preuve présentée devrait être déclarée irrecevable. La lecture des procès-verbaux établis par les policiers français qui ont accompli les formalités relatives à la saisie ne suffisait pas pour établir les faits sur lesquels s’est fondée l’accusation ni pour conférer une valeur probante à ces documents. De plus, le refus du tribunal d’entendre directement le témoignage de ces policiers a constitué une violation du droit à la défense ainsi que des principes de contradiction et d’immédiateté. L’auteur affirme également que l’État partie a pris d’autres mesures arbitraires pour prolonger sa détention.

6.4L’auteur répète ses allégations relatives aux articles 7 et 10 du Pacte. Il affirme que la plainte le visant et la procédure engagée contre lui par l’Audiencia Nacional font partie des mesures prises par l’État partie pour transformer un système de droit pénal orienté vers la réadaptation et la réinsertion sociale des condamnés en un «système de satisfaction des victimes», en particulier dans les cas présumés de terrorisme. Ainsi, le nouveau Code pénal de 1995 a porté la durée maximale d’exécution d’une peine d’emprisonnement de trente à quarante ans, a établi que les peines devaient être exécutées en totalité et a supprimé les mesures favorisant les remises de peine sous la forme de crédits de réduction de peine. Comme ces dispositions ne pouvaient être appliquées aux détenus qui, comme l’auteur, avaient été jugés en vertu du Code pénal de 1973, les autorités ont cherché à justifier la prolongation de la détention en rejetant les demandes de fusion ou de cumul de toutes les condamnations antérieures pour accroître la durée maximale de la peine exécutée, réinterprétant d’une manière contraire à la pratique en vigueur à ce moment-là les règles relatives à l’octroi de crédits de réduction de peines qui étaient appliquées depuis douze ans, et en engageant de nouvelles procédures pénales dans le but d’empêcher la libération des intéressés. L’auteur affirme que dans le cadre d’une autre procédure qu’il a engagée au sujet de l’exécution des peines qui lui avaient été infligées précédemment pour d’autres infractions, l’Audiencia Nacional et le Tribunal suprême ont rejeté sa demande de fusion de deux condamnations, à trente années d’emprisonnement chacune, fusion qui lui aurait permis d’exécuter uniquement la peine maximale de trente ans prévue dans le Code pénal de 1973. Le Tribunal suprême a par ailleurs considéré que les crédits de réduction de peine devaient être calculés sur chacune des peines prononcées et non sur la durée maximale d’exécution de peine, de trente ans. Cette situation, associée au placement de l’auteur parmi les détenus de la première catégorie à son inscription sur la liste FIES (détenus devant faire l’objet d’une surveillance spéciale), au régime cellulaire qui lui a été imposé depuis son incarcération en 1990, aux changements constants d’établissement visant à l’empêcher de se stabiliser ainsi qu’à l’éloignement et l’isolement de son environnement familial et social, constituent un traitement cruel et une entrave à sa réinsertion sociale, en violation des articles 7 et 10 du Pacte.

6.5L’auteur réaffirme qu’il n’existe pas de juridiction de deuxième instance qui serait habilitée à examiner ou contester les faits considérés comme prouvés dans un jugement de l’Audiencia Nacional, conformément aux principes d’objectivité, d’égalité entre les parties et de neutralité, et qui serait capable de déterminer si la peine prononcée est juste et proportionnée. En conséquence, le système juridique de l’État partie ne respecte pas le droit reconnu au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte.

6.6La procédure pénale engagée contre l’auteur et la peine prononcée par l’Audiencia Nacional et confirmée par le Tribunal suprême, les 2 février et 2 novembre 2007, respectivement, constituent une violation du paragraphe 7 de l’article 14 du Pacte. L’auteur réaffirme qu’il avait déjà été condamné pour l’infraction d’appartenance à une bande armée, qu’il était en train d’exécuter sa peine et que celle-ci n’était pas terminée et que par conséquent une nouvelle condamnation pour le même fait constituait une nouvelle incrimination pénale. Lors du procès pénal, il a été démontré que l’appartenance de l’auteur à l’ETA avait été continue et permanente, ayant commencé avant son arrestation et s’étant poursuivie pendant son emprisonnement. Il ne pouvait donc y avoir de nouvelle accusation pour une «nouvelle adhésion» à l’ETA. Bien que le rapport du Service central de renseignement indique simplement que l’auteur était lié à l’ETA entre 1999 et 2004 depuis la prison, l’auteur affirme qu’il convient de tenir compte du fait que le même rapport explique également que les membres de l’ETA ne cessent pas d’être des militants, et de se considérer comme tels, uniquement parce qu’ils ont été arrêtés et mis en prison. Le régime pénitentiaire auquel il a été soumis et la catégorie de détenus dans laquelle il a été placé à son entrée en prison étaient fondés sur son appartenance à une bande armée. De plus, dans les observations de l’État partie, il est indiqué que l’auteur a été condamné pour «collaboration avec le groupe terroriste pour des faits totalement distincts de ceux qui ont motivé les peines prononcées dans les jugements de 1990 et 1996». Or il n’a pas été condamné pour collaboration mais pour appartenance, ce qui n’a aucune justification sur le plan juridique.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

7.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.3Le Comité prend note des arguments de l’État partie qui affirme que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif pour non-épuisement des recours internes, étant donné que le recours en amparo a été rejeté par le Tribunal constitutionnel en raison d’un vice irréparable attribué à l’auteur, qui n’avait pas exposé dans sa requête l’importance constitutionnelle spéciale du recours. Le Comité prend note également des allégations de l’auteur qui affirme que le fait que le Tribunal constitutionnel n’a pas discerné l’importance constitutionnelle spéciale de son recours et n’a pas approuvé les arguments qu’il a avancés à propos de la violation de ses droits fondamentaux ne peut être invoqué devant le Comité pour faire valoir le non‑épuisement des recours internes. Le Comité considère que le rejet du recours en amparo pour les motifs indiqués par le Tribunal constitutionnel ne signifie pas que l’auteur n’a pas satisfait aux critères formels établis par la loi pour le dépôt de ce type de recours et, par conséquent, ne constitue pas un obstacle à la recevabilité eu égard au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

7.4Le Comité prend note des allégations de l’auteur qui affirme qu’en raison du système de cumul des peines établi par le Code pénal de 1973, il a été condamné pour différentes infractions à cinq mille cent quarante-cinq années de prison, que bien que ce cumul soit symbolique et que dans la pratique la durée maximale de la peine soit de trente ans (quarante ans en vertu du Code pénal en vigueur), une condamnation totale d’une durée supérieure à l’espérance de vie de l’intéressé nuit gravement à l’état psychologique de celui-ci et se situe à l’opposé d’un régime tendant vers la réinsertion sociale effective du condamné, ce qui, avec les conditions de détention de l’auteur et la procédure pénale dont il a fait l’objet en 2007, constitue un traitement discriminatoire au regard de la loi et une violation des articles 7 et 10 du Pacte. Le Comité prend note également de l’affirmation de l’auteur qui indique que ces allégations ont constitué le fondement de son argumentation juridique lorsqu’il a dénoncé auprès des autorités judiciaires le non-respect des garanties en faveur des justiciables et la violation de son droit à la défense, du principe d’égalité devant la loi et, en particulier, du droit à la liberté.

7.5Le Comité constate qu’au cours de la procédure pénale visant l’auteur, qui s’est achevée par la décision du Tribunal suprême en date du 2 novembre 2012, le Tribunal suprême s’est borné à établir la responsabilité pénale pour les infractions d’appartenance à une bande armée et de conspiration ou sollicitation en vue de commettre des attentats terroristes. Vu que le dossier de la communication ne contient pas de copie du pourvoi en cassation, le Comité ne peut déterminer si les allégations relatives aux articles 7 et 10 du Pacte y ont été formulées par l’auteur. Le Comité constate également que l’exposé des motifs du recours en amparo introduit devant le Tribunal constitutionnel n’inclut pas les allégations que l’auteur présente devant le Comité au sujet des articles 7 et 10 du Pacte, et ne contient qu’une simple référence liminaire à de possibles violations découlant du fait que les peines privatives de liberté et les mesures de sécurité devraient avoir pour objectif la réadaptation et la réinsertion sociale du condamné, qui n’a pas été développée dans le cadre de ce recours. De plus, d’après les renseignements qui figurent dans le dossier, certaines de ces allégations ont trait à des procédures judiciaires engagées par l’auteur, différentes de celles qui font l’objet de la présente communication. En conséquence, le Comité considère que les recours internes n’ont pas été épuisés et déclare que les allégations formulées au titre des articles 7 et 10 du Pacte sont irrecevables en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

7.6Le Comité prend note des allégations de l’auteur qui affirme que le système juridique de l’État partie ne garantit pas le droit à la double juridiction pénale et ne garantit pas que les déclarations de culpabilité et les peines prononcées par l’Audiencia Nacional fassent l’objet d’un réexamen complet par une juridiction supérieure, puisque dans le cadre du pourvoi en cassation le Tribunal suprême n’est pas pleinement habilité à réexaminer tous les éléments considérés au cours de la procédure et exposés dans le jugement de première instance, tant en ce qui concerne les faits que l’application du droit.

7.7Le Comité constate que, dans sa décision du 2 novembre 2007, le Tribunal suprême a examiné de manière approfondie la déclaration de culpabilité et la peine prononcées par l’Audiencia Nacional et a conclu qu’il y avait suffisamment d’éléments de preuve pour confirmer l’appréciation des faits réalisée en première instance, que les preuves présentées étaient valides et qu’il n’y avait pas eu violation du droit de l’auteur à la défense, et que la condamnation de l’auteur pour appartenance à une bande armée était appropriée. Le Comité constate également que l’auteur n’a pas indiqué concrètement quels aspects de son recours n’avaient pas été réexaminés à cause des limitations du pourvoi en cassation. En conséquence, le Comité considère que les allégations relatives au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte n’ont pas été suffisamment étayées aux fins de la recevabilité et conclut qu’elles sont irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.8Le Comité prend note des allégations de l’auteur qui affirme que la condamnation et la peine prononcées par l’Audiencia Nacional le 2 février 2007 pour l’infraction d’appartenance à une bande armée constituent une violation du paragraphe 7 de l’article 14 du Pacte, vu que l’Audiencia Nacional avait déjà condamné l’auteur à onze ans d’emprisonnement pour la même infraction le 18 décembre 1990 et que l’auteur exécutait encore cette peine lorsqu’il a été condamné une nouvelle fois, et qu’une nouvelle condamnation pour cette infraction n’aurait été possible que si l’auteur avait mis fin à son appartenance à l’ETA et pris par la suite une nouvelle décision de devenir membre actif du groupe, ce qui n’a jamais été établi lors du procès puisque, contrairement à ce qu’ont affirmé les autorités espagnoles, avant d’être arrêté et pendant toute la durée de son séjour en prison, l’auteur a constamment entretenu des liens actifs avec l’ETA. Le Comité prend note également des arguments de l’État partie qui affirme qu’après son incarcération en 1990 l’auteur a été séparé de l’ETA, que jusqu’en 2002 rien ne donnait à penser que l’auteur avait des liens quelconques avec cette organisation, qu’au cours du procès pénal devant l’Audiencia Nacional en 2007 il a été prouvé que l’auteur était redevenu membre actif de l’ETA et que, par conséquent, la condamnation prononcée par l’Audiencia Nacional le 2 février 2007 pour appartenance à une bande armée portait sur des faits nouveaux, distincts de ceux qui avaient été poursuivis en 1990.

7.9Le Comité constate que les allégations formulées au titre du paragraphe 7 de l’article 14 ont trait principalement à l’appréciation des faits et des éléments de preuve par l’Audiencia Nacional et le Tribunal suprême. Le Comité rappelle sa jurisprudence et réaffirme que c’est aux juridictions des États parties qu’il appartient d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans une affaire donnée, ou la manière dont la législation interne a été appliquée, à moins qu’il ne soit établi que cette appréciation, ou cette application, a été clairement arbitraire ou manifestement entachée d’erreur ou a constitué un déni de justice. Le Comité a examiné les documents produits par les parties, dont la décision du Tribunal suprême sur le pourvoi en cassation formé par l’auteur. Le Comité considère que ces documents ne permettent pas d’établir que les procédures judiciaires en question ont été entachées de telles irrégularités. Il conclut que l’auteur n’a pas suffisamment étayé son grief de violation du paragraphe 7 de l’article 14 du Pacte, et déclare donc ce grief irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu des articles 2 et 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie ainsi qu’à l’auteur.

[Adopté en espagnol (version originale), en anglais et en français. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

T.Communication no 1962/2010, S. N. A. c. Cameroun(Décision adoptée le 25 mars 2013, 107e session)*

P résentée par:

S. N. A. (non représenté)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Cameroun

Date de la communication:

8 février 2008 (date de la lettre initiale)

Objet:

Arrestation et détention arbitraire d’une personne accusée d’appartenir à un mouvement de sécession

Questions de procédure:

Épuisement des recours internes

Questions de fond:

Droit à l’autodétermination; interdiction de la torture et des traitements cruels et inhumains, droit à la liberté et à la sécurité de la personne; respect de la dignité inhérente à la personne humaine; interdiction d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée; liberté d’expression

Articles du Pacte:

1, 7, 9, 10, 17 et 19

Article du Protocole facultatif:

5 (par. 2 b))

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 25 mars 2013,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.1L’auteur de la communication est S. N. A., de nationalité camerounaise, né le 23 septembre 1938 dans le Grand Babanki, province Nord, Cameroun. Il se considère victime d’une violation par le Cameroun des articles 1, 7, 9, 10, 17 et 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

1.2Le 18 octobre 2010, à la demande de l’État partie, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial sur les nouvelles communications et mesures provisoires, a décidé d’examiner la recevabilité séparément du fond.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1En tant que journaliste travaillant pour le journal «the Grass Landa», l’auteur a eu la tâche de couvrir les activités du Conseil national du Sud-Cameroun (Southern Cameroons National Council, SCNC), une organisation séparatiste anglophone, à l’occasion du quarantième anniversaire de sa création et ce, en date du 1eroctobre 2001. Alors qu’il effectuait sa mission à Bamenda, l’auteur a été arrêté sans mandat par les gendarmes qui l’ont torturé et détenu dans une cellule sur l’avenue commerciale de Bamenda. Ses outils de travail notamment son appareil d’enregistrement ont été confisqués par les autorités qui suspectaient qu’il pourrait servir comme transmetteurs pour communiquer avec le monde extérieur. Il s’est vu refuser le droit de communiquer avec sa famille ou ses amis. Après avoir été dénudé, il a été jeté dans une cellule sans ventilation où il est resté pendant plus de vingt-quatre heures sans nourriture ni accès à un avocat. Il a été transféré à la gendarmerie vers 14 heures le lendemain où il a subi un interrogatoire. Sur intervention de sa femme qui a pu justifier de la fonction de l’auteur en tant que journaliste, celui-ci a été libéré. Cette arrestation et l’interrogatoire subi ont sévèrement traumatisé l’auteur.

2.2Le 21 septembre 2005, alors que l’auteur accompagnait un certain nombre de collègues du SCNC pour une mission de renseignement à Fundong dans la Division de Boyo, il s’est arrêté sur la route de Belo pour rendre visite à un ami. Il venait de s’assoir chez cet ami lorsqu’une voiture officielle noire est entrée dans la propriété. M. Chili Abdou, sous-préfet de la localité de Belo, accompagné de deux gendarmes, un civil et le commandant de brigade de la gendarmerie de Belo ont demandé à l’auteur et ses amis de leur remettre leurs papiers d’identité. Ils ont ensuite été emmenés au poste de gendarmerie où ils ont été détenus pendant six jours. Ils ont dormi sur un sol en ciment froid qui dégageait une très forte odeur d’excréments et d’urine puisque les détenus urinaient et faisaient leurs besoins à même le sol. Le sixième jour, ils ont été déférés au Procureur de la République de Fundong pour l’initiation de la procédure judiciaire. Ils ont été mis en examen pour activités sécessionnistes. Malgré ces charges, ils ont été libérés sous caution. Les poursuites ont ensuite été abandonnées faute de preuve. Le juge n’a pour autant pas accordé de réparation pour l’arrestation arbitraire et les tortures subies.

2.3Le 29 décembre 2006, alors que l’auteur prenait un verre avec un ami dans un café du rond-point de l’hôpital de Bamenda, environ six fonctionnaires de police l’ont abordé en français et pointé du doigt disant qu’il était recherché. Ils l’ont enjoint de le suivre. Il a été conduit au commissariat de police du Groupement mobile d’intervention (GMI) no 6 de Bamenda où il a été sommé de montrer le contenu de la valise qu’il avait avec lui. Des documents historiques sur les revendications d’autodétermination du mouvement sécessionniste SCNC figuraient parmi les documents. Les policiers lui ont dit qu’il était en possession de documents provenant d’une organisation illégale ce qui constitue une violation de l’intégrité territoriale de la République du Cameroun. L’auteur a rétorqué qu’il était un journaliste qui avait le droit de rechercher, de recevoir et de communiquer des informations. Son téléphone portable a été saisi. Il a été jeté dans une cellule et n’a reçu aucune nourriture jusqu’au jour suivant. En revanche, sa famille et son avocat ont été tout de suite informés de son arrestation. Il a pu voir sa famille dès le lendemain. Le 30 décembre 2006, il a été transféré à la police judiciaire où il a été emprisonné avec une douzaine d’autres détenus. Il a été maintenu dans des conditions carcérales qu’il considère inhumaines jusqu’au 3 janvier 2007. Lors de sa détention, en effet, il n’a reçu aucune couverture ni drap et il dormait à même le sol. Sa famille lui a apporté des habits pour qu’il se couvre. Le 3 janvier 2007, il a été présenté au procureur de la République de Bamenda qui a signé son ordre de détention préventive. L’auteur a alors été transféré à la prison centrale de Bamenda. Le juge a prononcé une ordonnance de non-lieu le 2 octobre 2007 sans pour autant octroyer à l’auteur une quelconque indemnisation.

2.4L’auteur a rapporté les violations dont il avait été victime à la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés, qui n’a pu obtenir réparation. Estimant que le judiciaire n’est qu’un prolongement de l’exécutif et ne jouit d’aucune indépendance, l’auteur n’a pas saisi les cours compétentes. Les tribunaux au Cameroun ont examiné ses allégations lorsqu’il a été présenté devant le juge pendant sa détention mais aucune réparation n’a été octroyée.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur considère qu’il a épuisé les recours internes dans la mesure où en tant que membre de la SCNC, qui est un mouvement de libération qui lutte pour l’indépendance du Sud-Cameroun, il estime que ses démarches visant à obtenir compensation devant les instances judiciaires compétentes sont entravées.

3.2L’auteur considère que l’État partie a violé ses droits au titre des articles 1er, 7, 9, 10, 17 et 19 du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité de la communication

4.1Le 4 octobre 2010, l’État partie a contesté la recevabilité de la communication. Après un bref rappel des faits, l’État partie souligne que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes au titre du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

4.2En effet, l’auteur s’est borné à saisir la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés. Il n’a exercé aucun recours judiciaire pour solliciter la réparation des préjudices allégués et se borne à préjuger de l’absence d’indépendance des autorités judiciaires. L’État partie considère que l’argument de l’auteur selon lequel les recours judiciaires ne seraient pas disponibles n’est qu’un moyen utilisé pour s’exempter de l’obligation d’épuiser les recours internes alors même qu’il fournit à l’appui de sa communication une copie de l’ordonnance de non-lieu du 2 octobre 2007. À travers cette décision, le juge a bel et bien déclaré qu’il n’y avait pas lieu de poursuivre l’auteur du chef de sécession au titre des articles 74 et 111 du Code pénal camerounais. Cette affaire n’est pas isolée. D’autres affaires contre des activistes du SCNC poursuivis du même chef de sécession se sont également soldées par un non-lieu. Si l’accusation de manque d’indépendance du pouvoir judiciaire au Cameroun était fondée, on pourrait s’attendre à ce que tous les actes allégués de sécession soient punis et n’aboutissent pas à des ordonnances de non-lieu. Dans la présente affaire, les juges ont fait preuve d’indépendance en déboutant le ministère public des actions entreprises.

4.3L’État partie ajoute que les juridictions camerounaises ont à plusieurs reprises retenu des chefs d’inculpation contre des officiers de police pour des actes de torture et autres violences subies par des citoyens. L’État partie cite deux affaires en ce sens. L’auteur ne peut donc se borner à des supputations générales sur l’indépendance du pouvoir judiciaire pour s’exonérer de l’obligation d’épuiser les recours internes. Par ces motifs, l’État partie demande au Comité de déclarer la présente communication irrecevable au titre du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Le 10 décembre 2010, l’auteur a soumis ses commentaires sur la recevabilité de la communication.

5.2L’auteur rappelle brièvement l’histoire de la naissance du mouvement SCNC et explique que depuis la célébration par ce mouvement du 40e anniversaire de l’indépendance du Sud-Cameroun, les membres et sympathisants du SCNC ont vu se multiplier à leur encontre les actes de harcèlement, de détention arbitraire et de torture. L’auteur cite plusieurs exemples de membres qui ont souffert de telles violations.

5.3Il considère que la question qui est posée dans sa communication est de déterminer si le pouvoir judiciaire de l’État partie est indépendant des interférences de l’administration lorsqu’il s’agit de membres du SCNC suspectés d’actes ou de tentatives de sécession. L’auteur considère à ce titre que les recours internes pour de tels suspects et, partant, pour lui, ne sont pas disponibles et ne le seront jamais, ces personnes ayant été privées du droit à l’autodétermination. Les tribunaux établis par l’État central, qui sont à la fois juges et procureurs, ne pourraient pas être considérés comme des tribunaux indépendants ni habilités à exercer la justice pour les Camerounais du Sud. Il serait suicidaire pour les Camerounais du Sud d’avoir recours à cette justice alors qu’ils luttent pour le rétablissement de l’intégrité territoriale du Sud-Cameroun.

5.4Contrairement à l’argument de l’État partie, l’ordonnance de non-lieu prononcée le 2 octobre 2007 n’atteste pas l’indépendance de la justice; elle met plutôt en exergue le manque de diligence du ministère public dans le cadre de la procédure judiciaire exercée contre l’auteur. À ce titre, l’auteur cite une lettre adressée par la préfecture de Mezam au Procureur de la République de Bamenda en date du 23 juillet 2007 qui reconnaissait que l’auteur avait été arrêté sans mandat et que les gendarmes avaient agi sur ordre de la Division de Mezam mais précisait qu’une telle arrestation ne se reproduirait plus puisque le Préfet ne manquerait pas de demander des directives au Procureur avant de procéder à l’arrestation. L’auteur considère que cette lettre est une reconnaissance du manque d’indépendance de la justice.

5.5L’auteur ajoute que les relations entre le mouvement sécessionniste et l’État partie sont rompues et que les membres du SCNC ont besoin d’une protection spéciale et de la garantie de pouvoir exercer leurs droits librement. L’auteur considère que la justice est corrompue et intimement liée au pouvoir exécutif et qu’elle ne peut être considérée comme dispensatrice d’une justice accessible. L’auteur mentionne qu’il s’est plaint de la violation de ses droits auprès de la Commission nationale des droits de l’homme sans succès.

5.6Le 10 décembre 2010, l’organisation non gouvernementale ALL for Cameroun a exprimé son opinion sur la question de l’épuisement des recours internes dans la présente affaire et ce, à la demande de l’auteur. Elle souligne que le pouvoir judiciaire au Cameroun n’est pas indépendant puisque le chef de l’État est président du Conseil supérieur de la magistrature et que le Ministre de la justice agit comme vice-premier ministre.

5.7L’organisation non gouvernementale ajoute que bien qu’un juge puisse prononcer une ordonnance de non-lieu, il serait très difficile à l’inverse pour un juge de prendre une décision contre l’État central sans qu’il n’ait à craindre des représailles. En outre, le fait que des procès sont engagés contre des membres du SCNC pour actes de sécession démontre le climat de tension qui règne autour de cette question. Même si dans certains cas, les cours de justice peuvent considérer que des citoyens ont été victimes de violations des droits de l’homme, l’exécution de ces jugements est problématique et généralement inexistante.

5.8Bien que le juge ait prononcé le 2 octobre 2007 une ordonnance de non-lieu à l’égard de l’auteur, l’affaire n’a pas été rayée du rôle dans la mesure où le procureur peut à tout moment réengager des poursuites contre l’auteur. Celui-ci ne peut donc être considéré comme un homme libre, exempté de toute pression. Toute affaire engagée contre l’État partie prendrait des années avant d’aboutir et entraînerait, pour l’auteur, des dépenses exorbitantes en avocats et en frais procéduraux.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité note que selon l’État partie, l’auteur n’a pas épuisé les recours internes disponibles dans la mesure où il s’est borné à saisir la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés mais n’a exercé aucun recours judiciaire pour solliciter la réparation des préjudices allégués. Le Comité note, en outre, que selon l’État partie, l’auteur se limite à préjuger de l’absence d’indépendance des autorités judiciaires alors que cette même justice a rendu une ordonnance de non-lieu en faveur de l’auteur le 2 octobre 2007 et que cette décision n’est pas isolée puisque d’autres membres du SCNC ont bénéficié de tels non-lieu. Le Comité note les arguments de l’auteur selon lesquels les tribunaux établis par l’État central, qui sont à la fois juges et parties ne peuvent pas être considérés comme des tribunaux indépendants et habilités à exercer la justice pour les Camerounais du Sud; que toute affaire engagée contre l’État partie prendrait des années avant d’aboutir et entraînerait, pour l’auteur, des dépenses exorbitantes en avocats et en frais procéduraux.

6.3Le Comité constate que l’auteur rejette le système judiciaire de l’État partie dans son intégralité sur le fondement qu’il ne peut être compétent pour traiter des revendications et aspirations des Camerounais du Sud qui désirent la sécession de l’État central. L’auteur s’est donc limité à présumer le manque d’indépendance de la justice sans toutefois apporter la preuve d’un manque d’indépendance ou d’impartialité des autorités judiciaires dans son propre cas.

6.4Le Comité rappelle que même s’il a reconnu dans sa jurisprudence qu’il n’existe pas d’obligation d’épuiser les recours internes lorsque ceux-ci n’ont aucune chance d’aboutir, le simple fait de douter de leur efficacité ne dispense pas l’auteur d’une communication de l’obligation de les épuiser. En l’espèce, l’auteur n’a pas soumis au Comité des renseignements suffisants qui auraient permis de conclure à l’inefficacité des recours internes. Le Comité rappelle, en outre, que le paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif se réfère avant tout aux recours judiciaires lorsqu’il évoque «tous les recours internes disponibles». Dans ces circonstances, il s’ensuit que l’auteur de la présente communication a failli à son obligation d’épuiser les voies de recours internes. La communication est donc irrecevable au titre du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur de la communication, pour information.

[Adopté en français (version originale), en anglais et en espagnol. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

U.Communication no 2027/2011, Kusherbaev c. Kazakhstan(Décision adoptée le 25 mars 2013, 107e session)*

P résentée par:

Almas Kusherbaev (représenté par Nani Jansen, Media Legal Defence Initiative)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Kazakhstan

Date de la communication:

6 septembre 2010 (date de la lettre initiale)

Objet:

Journaliste déclaré coupable de diffamation à l’égard d’un homme politique et condamné à verser une indemnité importante

Questions de procédure:

Recevabilité ratione temporis

Questions de fond:

Droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial; restriction du droit à la liberté d’expression et d’opinion

Articles du Pacte:

14 (par. 1) et 19

Article du Protocole facultatif:

1er

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 25 mars 2013,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.1L’auteur de la communication est M. Almas Kusherbaev, de nationalité kazakhe, né en 1981. Il se déclare victime d’une violation par le Kazakhstan de ses droits au titre de l’article 4 (par. 1) et de l’article 19 du Pacte. Il est représenté par Mme Nani Jansen, de Media Legal Defence Initiative.

1.2Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 30 septembre 2009.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur travaillait comme journaliste au Taszha r gan, hebdomadaire indépendant d’Almaty. Le 24 avril 2008, il a publié dans ce journal un article intitulé «Le pauvre latifundiste Madinov» («Бедный Латифундист Мадинов» en russe), dans lequel il décrivait la situation du secteur agraire à la suite de la décision du Gouvernement d’interdire l’exportation de céréales et donnait son avis sur diverses questions revêtant à l’époque un intérêt public, telles que l’économie mondiale et la place qu’y occupait le Kazakhstan, la crise financière, le prix des denrées alimentaires de base, notamment des céréales, l’interdiction de l’exportation de céréales et les intérêts commerciaux d’un député au Parlement, Romin Madinov. L’article critiquait M. Madinov et laissait entendre qu’il y avait un conflit d’intérêts entre ses activités professionnelles et ses obligations en tant que député.

2.2En août 2008, en réponse à cet article, M. Madinov a engagé une procédure civile contre DAT-X Media Ltd. et contre l’auteur, réclamant des dommages-intérêts pour diffamation, la restitution des droits de propriété et une indemnité pour préjudice moral. Il accusait l’auteur d’avoir porté atteinte à son image en expliquant dans son article que ses intérêts commerciaux avaient bénéficié de son activité législative, et il réclamait 300 millions de tenges kazakhs (environ 2 millions de dollars É.-U.) à titre de dédommagement.

2.3Le 16 janvier 2009, le tribunal du district Medeu d’Almaty a déclaré l’auteur coupable de diffamation et accordé à M. Madinov 3 millions de tenges (18 420 euros), cette somme devant être versée conjointement par l’auteur et par le propriétaire de DAT-X Media Ltd.. Le tribunal a observé que l’auteur avait établi un parallèle entre M. Madinov et la «prédation d’entreprises» (à savoir la saisie par une partie d’un bien appartenant à une autre partie contre la volonté de cette dernière au moyen de menaces, de pressions, de violences, etc.) et était allé plus loin en comparant le parti politique dirigé par M. Madinov à un simple moyen de garder les profits de la privatisation. Le tribunal a également indiqué que, au mépris du principe de la présomption d’innocence, l’auteur avait accusé M. Madinov d’actes délictueux liés à la tentative de prise de contrôle et d’acquisition de «l’industrie céréalière», jetant un doute sur la légalité de ses activités. Le tribunal a d’autre part évoqué la vaine tentative faite par M. Madinov pour obtenir de l’hebdomadaire une rétractation, et considéré que l’article publié ne correspondait pas à la vérité. Notant en outre que l’auteur a indiqué que M. Madinov mettait ses pouvoirs de député à son service personnel en spéculant dans l’agriculture, le tribunal a conclu que les remarques sans fondement formulées dans l’article portaient atteinte au nom et à la réputation de M. Madinov et violaient des droits personnels non patrimoniaux garantis aux articles 17 et 18 de la Constitution.

2.4L’auteur a introduit un recours auprès du tribunal de la ville d’Almaty, arguant d’une violation de son droit à la liberté d’expression. M. Madinov a également fait appel, réclamant des dédommagements plus importants. Le 26 février 2009, le tribunal a rejeté l’appel de l’auteur, et a fait partiellement droit à la demande de M. Madinov, portant à 30 millions de tenges (environ 200 000 dollars É.-U.) le montant des dédommagements devant être versés conjointement par l’auteur et le propriétaire de DAT-X Media Ltd. Le tribunal a rejeté les conclusions de l’expertise linguistique de l’article de l’auteur au motif que celle-ci avait été effectuée par une organisation de défense de la liberté d’expression qui employait l’avocat de l’auteur pour des procédures internes, et n’était donc pas objective, et il a refusé la réalisation de toute autre analyse. L’auteur a demandé le 20 août 2009 un réexamen de l’affaire par la Cour suprême, invoquant notamment une violation de son droit à la liberté d’expression. Le 21 août 2009, la Cour suprême a confirmé la décision du tribunal de la ville d’Almaty. Suite à ce jugement, la police a enjoint l’auteur de payer les dommages-intérêts par mensualités de 7 200 tenges chacune (environ 50 dollars). L’auteur effectue depuis des versements mensuels. À ce rythme, il affirme qu’il paiera des dommages-intérêts jusqu’à la fin de sa vie et qu’il risque la prison s’il interrompt ses versements.

Teneur de la plainte

Allégations de violation de l’article 19 du Pacte

3.1L’auteur affirme que son article était protégé par l’article 19 du Pacte et que les dédommagements qui lui ont été imposés pour diffamation, le régime de paiement établi par la police et la mise à exécution de l’obligation de paiement sous peine d’emprisonnement constituent une violation persistante des droits que lui reconnaît l’article 19 du Pacte.

3.2L’auteur fait valoir que la liberté d’expression est universellement reconnue comme un droit de l’homme fondamental, notamment en raison de son rôle essentiel dans le fondement de la démocratie. Ainsi que l’a déclaré le Comité, «le droit à la liberté d’expression revêt une importance essentielle dans toute société démocratique». La garantie de la liberté d’expression s’applique avec une force particulière aux médias. La Cour européenne des droits de l’homme a régulièrement fait valoir «le rôle éminent de la presse dans un État de droit». Le Comité a également souligné qu’une presse libre était essentielle dans le processus politique: la communication libre des informations et des idées concernant des questions publiques et politiques entre les citoyens, les candidats et les représentants élus est essentielle. Cela exige une presse et d’autres organes d’information libres, en mesure de commenter toute question publique sans censure ni restriction, et capable d’informer l’opinion publique.

3.3Selon l’auteur, les médias ont non seulement le droit mais aussi le devoir de commenter et de relater des questions d’intérêt public. Les tribunaux internationaux ont fait valoir que le devoir de la presse allait au-delà de la simple présentation des faits: le devoir de la presse était d’interpréter les faits et les événements afin d’informer le public et de contribuer au débat sur des questions d’importance publique. Il n’y a guère de place pour des restrictions à la liberté d’expression dans le domaine du discours politique ou de la discussion de questions d’intérêt général.

3.4L’auteur rappelle en outre que le droit à la liberté d’expression protège les propos au caractère heurtant et insultant autant que ceux qui sont accueillis favorablement. L’un des principes fondamentaux qui se dégagent de la jurisprudence relative à la liberté d’expression est que le droit à la liberté d’expression «vaut non seulement pour les “informations” ou “idées” accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent: ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de “société démocratique”».

3.5L’auteur affirme que les tribunaux internationaux des droits de l’homme ont reconnu que les hommes politiques et les personnalités publiques devaient être ouverts aux critiques concernant leurs agissements publics. Cela signifie que les limites des critiques acceptables sont plus larges pour les hommes politiques que pour les personnes privées. Comme l’a déclaré la Cour européenne des droits de l’homme, les limites de la critique admissible sont donc plus larges à l’égard d’un homme politique, visé en cette qualité, que d’un simple particulier. À la différence du second, le premier s’expose inévitablement et consciemment à un contrôle attentif de ses faits et gestes tant par les journalistes que par la masse des citoyens; il doit, par conséquent, montrer une plus grande tolérance. Ce principe ne se limite pas à la critique des hommes politiques agissant en tant que personnes publiques. La question des intérêts privés ou professionnels peut également entrer en ligne de compte. La Cour européenne des droits de l’homme a par exemple estimé que «le fait qu’un homme politique se trouve dans une situation où ses activités professionnelles et politiques empiètent les unes sur les autres peut donner lieu à un débat public, même lorsque, à strictement parler, aucun problème d’incompatibilité de fonctions ne se pose en droit interne».

3.6L’auteur déclare en outre que le droit international des droits de l’homme exige que, dans les cas de diffamation, l’exposé des faits soit clairement distingué des jugements de valeur. La raison en est que l’existence de faits peut être démontrée alors que la vérité d’un jugement de valeur ne peut pas être prouvée. Dans l’affaire Dich and et autres c.Autriche, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé qu’il était impossible de prouver la vérité d’un jugement de valeur et qu’une telle exigence enfreignait la liberté d’opinion elle‑même, qui était un élément fondamental du droit à la liberté d’expression. La Cour a en outre déclaré, dans l’affaire Dalbanc. Roumanie, qu’on ne saurait admettre qu’un journaliste ne puisse formuler des jugements de valeur critiques qu’à la condition de pouvoir en démontrer la vérité. L’auteur affirme que les tribunaux nationaux n’ont pris en considération − ou même mentionné − aucun de ces principes fondamentaux et n’ont pas tenu compte du fait que son article portait sur une question de grande importance publique et concernait les activités professionnelles d’un homme politique.

3.7En outre, l’auteur affirme que son article analyse les problèmes économiques complexes liés à l’augmentation du prix des céréales et les mesures prises par le Gouvernement pour régler cette question. Dans ce contexte, il évoque le rôle de M. Madinov en tant qu’homme politique et homme d’affaires. L’article portait sur une question de grande importance publique qu’en tant que journaliste il avait non seulement le droit mais aussi le devoir de traiter. Le Kazakhstan est un grand producteur de céréales et la question intéressait la population; or les tribunaux n’ont tenu compte d’aucune de ces considérations.

3.8L’auteur déclare qu’il a été critiqué par les tribunaux nationaux pour n’avoir fourni aucun élément de preuve à l’appui des déclarations faites dans son article. Il affirme que les tribunaux ont qualifié à tort les déclarations en cause comme étant l’exposé de faits susceptibles d’être prouvés alors qu’elles auraient dû être considérées comme des déclarations d’opinion non susceptibles d’être prouvées, et que les quatre déclarations auxquelles les tribunaux se sont attachés sont des exemples typiques de déclarations d’opinion. Or les tribunaux ont considéré que les déclarations n’étaient pas étayées par des preuves et conclu qu’elles étaient diffamatoires. Certaines déclarations sont certes rédigées en termes énergiques, mais l’auteur affirme que les journalistes sont en droit de recourir à une certaine dose d’exagération et que les hommes politiques doivent tolérer les critiques portant sur leurs agissements, même lorsqu’elles sont durement formulées.

3.9L’auteur rappelle que toute restriction au droit à la liberté d’expression doit être justifiée comme étant strictement «nécessaire» au sens du paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte. Le critère de «nécessité» implique la proportionnalité, ce qui signifie que l’ampleur des restrictions imposées à la liberté d’expression doit être en rapport avec la valeur que ces restrictions visent à protéger, et cette condition s’applique aussi aux dédommagements imposés dans les affaires de diffamation. L’auteur se réfère à cet égard à l’affaire Tolstoy Miloslavsky c. Royaume-Uni, dans laquelle la Cour européenne des droits de l’homme a considéré qu’imposer le versement de dommages-intérêts excessifs dans les affaires de diffamation violait le critère de «nécessité» justifiant une restriction à la liberté d’expression. La Cour a expliqué que, selon la Convention, toute décision accordant des dommages-intérêts devait présenter un rapport raisonnable de proportionnalité avec l’atteinte causée à la réputation. Dans l’affaire Steel et Morris c. Royaume-Uni, la Cour a considéré que, lors de l’imposition de dommages-intérêts, il fallait tenir compte des conséquences probables d’une telle mesure pour le requérant, et a relevé que les montants auxquels les requérants avaient été condamnés étaient très substantiels si on les comparait aux revenus et aux moyens modestes des deux intéressés; elle a donc conclu à une violation du droit à la liberté d’expression.

3.10À cet égard, l’auteur affirme que les dommages-intérêts qui lui ont été imposés sont très disproportionnés et constituent donc une violation de son droit à la liberté d’expression. Il prétend que M. Madinov n’a pas démontré le préjudice exact qu’il avait subi du fait de son article, et constate qu’il est toujours député. Il affirme que le montant de 30 millions de tenges représentait à l’époque près de 200 fois son salaire mensuel, et 300 fois le revenu moyen dans le secteur de la communication au Kazakhstan. L’auteur s’oppose en outre à la prise en considération par le tribunal d’Almaty de la «déclaration subjective» de M. Madinov concernant le stress qu’il aurait subi. Outre qu’une telle déclaration est totalement invérifiable, son acceptation ouvrirait grand la porte à n’importe quelle évaluation subjective des préjudices, même les plus excessifs. L’auteur fait valoir que la confirmation de l’indemnité prohibitive qui lui a été imposée ne manquera pas de dissuader d’autres personnes de critiquer des responsables publics et limitera la libre circulation de l’information et des idées.

3.11En ce qui concerne la recevabilité ratione temporis, l’auteur affirme que le Protocole facultatif est entré en vigueur pour le Kazakhstan le 30 septembre 2009; le Comité a compétence pour examiner des communications concernant des mesures qu’ont prises (ou que n’ont pas prises) des autorités publiques ou concernant des textes réglementaires ou des décisions qu’elles ont adoptés à une date ultérieure. L’auteur affirme en outre que, selon la jurisprudence du Comité, celui-ci a compétence pour examiner des violations qui persistent après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif. Plus particulièrement, le Comité a considéré qu’une violation persistante s’entend de la prolongation, par des actes ou de manière implicite, après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif, de violations commises antérieurement par l’État partie. De plus, le Comité s’est déclaré à plusieurs reprises compétent pour examiner des violations présumées qui ont eu des conséquences équivalant en elles-mêmes à des violations après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif. L’auteur fait valoir que, dans l’affaire Paragac. Croatie, le Comité a considéré que les poursuites pour calomnie qui avaient été engagées avant l’entrée en vigueur du Protocole facultatif et n’avaient jamais été abandonnées plusieurs années durant se rapportaient à des incidents qui avaient des effets persistants pouvant constituer en eux-mêmes une violation du Pacte. Il affirme donc que le Comité est compétent pour examiner sa communication parce que les autorités veillent activement à l’exécution du versement des dommages-intérêts après le 30 septembre 2009, c’est-à-dire après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie. Comme suite à la décision de la Cour suprême, il a été convoqué au poste de police et s’est vu imposer un régime de versements mensuels qui fait l’objet d’un contrôle suivi. Il affirme que cela constitue une reconnaissance par une institution de l’État du jugement rendu et une violation persistante, à la fois par des actes et de manière implicite. En outre, ses paiements ayant été reçus par trois institutions publiques, la perception des versements par ces institutions après le 30 septembre 2009 constitue une claire reconnaissance par des institutions de l’État du jugement rendu, et donc une violation persistante.

3.12L’auteur déclare que sa condamnation pour diffamation a de graves effets qui perdurent après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif et qui constituent en eux-mêmes une violation de ses droits. Premièrement, du fait de cette condamnation, il ne peut plus être employé dans la presse et est donc dans l’incapacité d’exercer son droit à la liberté d’expression par le moyen de son choix, à savoir les médias. Il s’agit d’un effet de sa condamnation qui constitue en soi une violation de l’article 19 du Pacte. Deuxièmement, l’auteur continue de pâtir financièrement de sa condamnation. Il continue de verser des dommages-intérêts et, étant donné l’énormité de la somme à verser et de la modestie de ses moyens, continuera de le faire jusqu’à sa mort. C’est là un effet persistant de sa condamnation initiale qui constitue en soi une violation.

Allégations de violation de l’article 14 (par. 1) du Pacte

3.13L’auteur affirme que la procédure menée contre lui a été partiale, en violation de l’article 14 (par. 1) du Pacte. Il déclare qu’aucun des tribunaux nationaux n’a mentionné le fait que son article portait sur les activités d’un homme politique concernant une question d’intérêt public, que les médias devraient être autorisés à traiter. Il rappelle que le Comité a expliqué que l’exigence d’impartialité comprend deux aspects. Premièrement, les juges ne doivent pas laisser des partis pris ou des préjugés personnels influencer leur jugement ni nourrir d’idées préconçues au sujet de l’affaire dont ils sont saisis, ni agir de manière à favoriser indûment les intérêts de l’une des parties au détriment de l’autre. Deuxièmement, le tribunal doit aussi donner une impression d’impartialité à un observateur raisonnable. L’auteur affirme que les tribunaux nationaux n’ont respecté aucune de ces deux conditions.

3.14L’auteur affirme aussi que l’expertise (analyse linguistique de son article) effectuée pour son compte a été négligée par les tribunaux bien que le tribunal du district de Medeu (juridiction de première instance) l’ait dans un premier temps admise comme preuve; tout au long de la procédure, les représentants du requérant ont fait l’objet d’une déférence manifeste.

3.15L’auteur déclare qu’il a épuisé les recours internes. Il affirme qu’il serait vain pour lui de former un recours contre la mise à exécution de la décision de dédommagement et précise que cette question n’a été soumise à aucune autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

3.16L’auteur demande au Comité de déclarer que ses droits ont été violés au titre des articles 14 (par. 1) et 19 du Pacte, en établissant que le contenu de son article était protégé par l’article 19 du Pacte et que le montant du dédommagement qui lui a été imposé était disproportionné. Il lui demande en outre de prier l’État partie de modifier sa législation de façon à ce que les dispositions relatives à la diffamation soient conformes au Pacte, c’est-à-dire à ce que le droit interne admette l’expression d’opinions honnêtes sur des questions d’intérêt public et prévoie le plafonnement des dommages-intérêts imposables dans les affaires civiles de diffamation, et de le dédommager pour la violation de ses droits au titre du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.Dans une note verbale du 25 février 2012, l’État partie confirme que l’auteur a épuisé tous les recours internes et indique que le jugement rendu à son égard est entré en vigueur le 26 février 2009. Il rappelle que, lors de la ratification du Protocole facultatif, il a fait une déclaration limitant la compétence du Comité ratione temporis. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 30 septembre 2009, or les actes dont l’auteur se plaint dans sa communication ainsi que les décisions adoptées dans son affaire sont antérieurs à cette date. En conséquence, l’État affirme que la communication de l’auteur est irrecevable ratione temporis.

Commentaires de l’auteur sur la recevabilité

5.1Le 25 avril 2012, l’auteur réitère sa réclamation et note que l’objection opposée par l’État partie à la recevabilité de sa communication ne tient pas compte de la persistance de la violation à son égard. À ce propos, il répète les arguments formulés dans sa communication initiale (par. 3.11 et 3.12 ci-dessus) et maintient que le Comité a compétence pour examiner sa communication dans la mesure où: a) l’État partie a prolongé la violation commise antérieurement, à la fois par des actes et de manière implicite; b) la violation a persisté après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif et persiste encore; c) la violation a des conséquences qui en elles-mêmes et par elles-mêmes violent le Pacte.

5.2.L’auteur affirme que dans l’affaire Gueye et consortsc. France, le Comité a constaté une violation des droits des auteurs au titre du Pacte dans la mesure où la loi a eu des effets après la date de l’entrée en vigueur du Protocole facultatif à l’égard de l’État partie. Il a confirmé, dans l’affaire E. et A. K. c. Hongrie, qu’une violation persistante s’entend de la prolongation, par des actes ou de manière implicite, après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif, de violations commises antérieurement par l’État partie. Dans l’affaire J. L.c.Australie, le Comité a considéré le caractère persistant d’une violation du Pacte résultant d’audiences qui avaient eu lieu avant l’entrée en vigueur du Protocole facultatif à l’égard de l’Australie, et noté que les effets des décisions de la Cour ont persisté après l’entrée en vigueur du Protocole.

5.3L’auteur affirme que, comme dans ces affaires, la violation de ses droits au titre du Pacte a persisté après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif. Du fait de sa condamnation, il n’a pas pu trouver de travail comme journaliste ni d’emploi rémunérateur. Il a pâti financièrement des obligations de paiement qui lui ont été imposées, violation qui a persisté après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif. Ne s’acquittant pas de ces obligations, car étant dans l’incapacité de le faire, il risque en permanence l’emprisonnement, ce qui signifie que ses droits continuent d’être violés. L’auteur affirme en outre que le Comité a compétence pour examiner des violations au titre du Pacte qui ont des conséquences constituant en elles-mêmes une violation du Pacte après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif.

5.4L’auteur réaffirme que le jugement rendu à son égard par la Cour suprême du Kazakhstan le 20 août 2009 a eu des conséquences qui ont perduré après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour le Kazakhstan et qui durent encore. Ces effets persistants, à la fois en eux-mêmes et par eux-mêmes, violent le Pacte, puisque l’auteur ne peut pas trouver d’emploi rémunérateur du fait de sa condamnation et qu’il doit payer des dommages-intérêts énormes, et puisque, du fait de l’incapacité où il se trouve de s’acquitter de son obligation parce qu’il ne peut pas percevoir de salaire, il est menacé en permanence d’emprisonnement. Le fait que les paiements qu’il a effectués sont perçus par des institutions publiques constitue à la fois une nouvelle violation et une confirmation de sa condamnation antérieure.

Observations de l’État partie sur le fond

6.1Le 17 juillet 2012, l’État partie a soumis ses observations sur le fond et présenté un résumé des faits et des procédures dans l’affaire de l’auteur. Selon l’État partie, l’auteur, dans l’article qu’il a publié, a indiqué que M. Madinov profitait de ses fonctions officielles pour promouvoir ses intérêts personnels dans l’agriculture. Il a en outre déclaré que M. Madinov s’était «arrangé pour privatiser, ou plus précisément mettre la main (d’aucuns diraient par un acte de “prédation”) sur un vaste pan de l’industrie céréalière». L’État partie déclare que la notion de prédation renvoie à la saisie par une partie d’un bien appartenant à une autre partie contre la volonté de cette dernière au moyen de menaces, de pressions, de violences, etc. Ces remarques portent atteinte au nom et à la réputation professionnelle de M. Madinov, puisqu’elles l’accusent de comportement délictueux lié à la spéculation et à la tentative de prise de contrôle et d’acquisition de «l’industrie céréalière».

6.2Conformément au paragraphe 3 1) de l’article 77 de la Constitution du Kazakhstan, une personne est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie par une décision judiciaire passée en force de chose jugée. Selon l’article 65 du Code de procédure civile, toutes les parties sont tenues de fournir des éléments de preuve à l’appui des circonstances qu’elles invoquent dans leurs objections et réclamations. L’auteur n’a produit aucun élément prouvant que M. Madinov aurait acquis ses biens de manière illicite. Au cours de la procédure civile, l’auteur a soumis pour sa défense un avis établi par des philologues du Centre public d’expertise des questions d’information et de documentation, selon lequel les remarques faites dans son article ne portaient pas atteinte au nom et à la réputation professionnelle de M. Madinov. Ces conclusions ont été rejetées au motif que l’analyse linguistique en question avait été réalisée par une organisation de défense de la liberté d’expression qui employait également l’avocat de l’auteur dans des procédures internes, et qu’elle n’était donc pas objective.

6.3L’État partie fait de plus observer que l’auteur déclare dans son article que «le parlement monocaméral est dépourvu de personnalités remarquables ou présentant une valeur pour la société, ou capables de défendre les intérêts de l’État. Il se compose uniquement d’opportunistes, d’affairistes, de flagorneurs et de gagne-deniers, types de privilégiés et d’hommes d’affaires qui ne se servent du parlement que pour promouvoir leurs propres intérêts et protéger leurs affaires personnelles tout en feignant de temps à autre de s’intéresser au bien de l’État», et l’auteur poursuit: «M. Madinov pourrait parfaitement raisonnablement contester une telle critique, en demandant par exemple: “Pourquoi diable avoir formé ce parti si c’est seulement pour suivre le mouvement et soutenir le régime et, quand l’occasion se présente, ne pas en profiter?”». Selon l’État partie, de tels propos présentent publiquement M. Madinov comme un homme qui s’exprime grossièrement et semble manquer de manières, ce qui constitue également une diffamation à son égard.

6.4L’article 21 de la loi du Kazakhstan sur les médias interdit aux journalistes de publier des informations inexactes et leur impose de respecter les droits et les intérêts légitimes des personnes physiques et morales et de s’acquitter des autres devoirs que leur impose la législation kazakhe. Conformément au paragraphe 1 de l’article 143 du Code civil, un citoyen peut exiger en justice la rétractation d’informations portant atteinte à son nom et à sa réputation professionnelle si la personne publiant ces informations n’apporte pas la preuve que celles-ci correspondent à la vérité. Ainsi, conformément à cette disposition, le devoir de prouver la véracité de l’information publiée incombe-t-il au défendeur. Le demandeur doit seulement prouver que l’information diffamatoire a été publiée par le défendeur et peut aussi fournir des éléments prouvant que l’information diffamatoire est inexacte. L’auteur n’a pas présenté d’élément prouvant que l’information contenue dans son article était exacte et n’a pas vérifié l’exactitude de ces remarques (fait qu’il n’a pas réfuté à l’audience). L’information contenue dans l’article «Le pauvre latifundiste» portait donc atteinte au nom et à la réputation de M. Madinov et violait ses droits personnels non patrimoniaux garantis aux articles 17 et 18 de la Constitution.

6.5Conformément au paragraphe 4 de l’article 143 du Code civil, la demande faite à un média par une personne physique ou morale de publier une rétractation ou une mise au point est examinée par les tribunaux si le média en question refuse d’y accéder ou n’y accède pas dans un délai d’un mois, ou en cas de dissolution du média. Le 6 août 2008, M. Madinov a demandé au journal Taszhargan de publier une rétractation mais sa demande a été laissée sans suite. Conformément au paragraphe 6 de l’article 143 du Code civil, une personne physique ou morale dont le nom ou la réputation professionnelle ont été attaqués a non seulement le droit d’exiger une rétractation mais peut aussi demander la réparation et l’indemnisation du préjudice moral subi. À cet égard, le tribunal du district de Medeu d’Almaty (16 janvier 2009) et le tribunal de la ville d’Almaty (26 février 2009) ont ordonné à l’auteur et à DAT-X Media Ltd. de publier une rétractation et de verser des dommages‑intérêts d’un montant de 30 millions de tenges. Les décisions des tribunaux sont licites et pleinement conformes au paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte, selon lequel le droit à la liberté d’expression peut être soumis à certaines restrictions qui doivent être expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires au respect des droits ou de la réputation d’autrui.

6.6L’État partie déclare en outre que les allégations de l’auteur au titre de l’article 14 du Pacte ne sont pas fondées puisque l’auteur a fait appel des décisions adoptées à son égard auprès d’instances supérieures. L’État partie juge également non fondée l’allégation de l’auteur selon laquelle la législation interne n’est pas conforme au Pacte, dans la mesure où l’auteur n’indique pas les dispositions précises de la législation qui contreviennent au Pacte.

6.7L’État partie explique en outre que la législation nationale en vigueur ne prévoit aucune restriction quant au montant pouvant être accordé à titre de réparation d’un préjudice moral. L’article 951, paragraphe 1, du Code civil définit le préjudice moral comme une violation, un dénigrement ou la privation des avantages et droits non patrimoniaux personnels d’individus, y compris la souffrance morale ou physique résultant d’un acte illégal commis contre eux. L’article 952 du Code civil prévoit, pour le préjudice moral subi, une indemnisation pécuniaire dont le montant est décidé par le tribunal. Pour déterminer le montant pécuniaire de la réparation d’un préjudice moral, le tribunal se fonde sur la résolution no 6, adoptée le 18 décembre 1992 par la Cour suprême en session plénière, relative à l’application par les tribunaux de la législation sur l’atteinte au nom et à la réputation professionnelle des personnes physiques et morales, sur la résolution réglementaire adoptée le 21 juin 2001 par la Cour suprême, relative à l’application par les tribunaux de la législation sur les dédommagements pour préjudice moral, et sur les principes d’équité et de suffisance, en tenant compte de l’évaluation subjective que fait la partie lésée de la gravité des souffrances morales ou physiques subies ainsi que de données objectives attestant de ces souffrances, en particulier l’importance déterminante des droits non patrimoniaux personnels (droit, santé, liberté, inviolabilité du domicile, protection de la vie privée et de la vie familiale, honneur et réputation, etc.), l’étendue des souffrances morales et physiques subies, et la nature de la faute de l’auteur (malveillance, négligence) lorsque celle-ci doit être établie aux fins de la réparation du préjudice.

6.8En ce qui concerne l’allégation de l’auteur, selon laquelle il se trouve dans l’incapacité de trouver un emploi rémunérateur du fait de sa condamnation, l’État partie déclare que les tribunaux ne l’ont pas privé de son droit d’exercer le métier de journaliste. Il n’y a donc aucune raison découlant des décisions judiciaires qui soit susceptible d’empêcher l’auteur d’exercer une activité journalistique ou tout autre emploi rémunérateur.

6.9Quant à l’allégation de l’auteur concernant la menace constante d’emprisonnement qui pèse sur lui s’il n’exécute pas le jugement, l’État partie déclare qu’aucune poursuite pénale n’a été engagée contre l’auteur pour non-exécution de la décision judiciaire, et qu’il n’est actuellement pas question de poursuivre l’auteur à cet égard. Son affirmation selon laquelle il serait en permanence menacé d’emprisonnement en raison de son incapacité à verser les mensualités imposées n’est donc pas fondée. De plus, conformément à l’article 233 du Code de procédure civile, l’auteur peut saisir la justice pour demander une suspension ou un report de l’exécution du jugement.

Commentaires de l’auteur concernant les observations de l’État partie sur le fond

7.1Dans une lettre datée du 11 septembre 2012, l’auteur renouvelle ses griefs précédents et relève que l’État n’a pas vraiment répondu aux faits et arguments juridiques contenus dans sa communication. Il maintient que la sentence pour diffamation rendue à son égard et la menace d’exécution de cette sentence sous peine d’emprisonnement en cas de non-paiement constituent une violation persistante de l’article 19 du Pacte parce que les tribunaux nationaux n’ont pas pris en compte les principes fondamentaux relatifs au droit à la liberté d’expression en ne reconnaissant pas comme ils l’auraient dû que son article portait sur une question de grande importance publique, en qualifiant à tort son article comme exposant des faits alors qu’il exprimait une opinion, et en lui infligeant une sanction disproportionnée. L’État partie n’a traité ou contesté aucun de ces arguments dans ses observations.

7.2L’auteur fait en outre observer que l’État partie n’a pas répondu à ses arguments concernant la violation des droits que lui reconnaît l’article 14 du Pacte, déclarant que ses allégations n’étaient pas fondées sans présenter d’autre raison que le fait qu’il avait pu contester le jugement et qu’il l’avait effectivement contesté.

7.3En ce qui concerne les arguments de l’État partie selon lesquels l’auteur n’a pas indiqué les dispositions précises de la législation kazakhe qui étaient contraires au Pacte, il déclare qu’il a clairement demandé au Comité dans sa communication de recommander au Kazakhstan de modifier sa législation sur deux points: a) admettre l’expression d’une opinion honnête sur des questions d’intérêt public; b) plafonner le montant des dommages-intérêts imposables dans les actions civiles en diffamation.

7.4L’auteur note en outre que l’État partie reconnaît que la législation nationale en vigueur ne prévoit aucune limitation du montant pouvant être imposé à titre de réparation pour préjudice moral. Il affirme que le montant énorme des dommages-intérêts qu’il a été condamné à verser montre que les règles de la Cour suprême auxquelles l’État partie se réfère ne sont pas efficaces pour empêcher les tribunaux d’imposer des montants aussi excessifs. Cela signifie, soit que ces règles sont elles-mêmes mal conçues, soit qu’elles ont été en l’espèce mal interprétées ou mal appliquées par les tribunaux.

7.5L’auteur juge également difficile à comprendre l’argument de l’État partie concernant son incapacité à trouver un emploi rémunérateur du fait de sa condamnation. L’État partie prétend ne pas voir en quoi le jugement rendu contre lui l’empêcherait d’obtenir un autre emploi rémunérateur. L’auteur répète qu’il lui est impossible de trouver un emploi rémunérateur «puisqu’une partie de son salaire devra être reversée à l’État partie». Il lui est difficile non seulement de trouver du travail dans sa profession, mais aussi de trouver tout autre type d’emploi rémunérateur. Le fait qu’il ne puisse pas travailler comme journaliste l’empêche non seulement d’exercer son droit fondamental à la liberté d’expression mais a également des effets plus larges sur le respect des principes démocratiques consacrés dans le Pacte en général.

7.6Quant à l’affirmation de l’État partie selon laquelle les organismes chargés de l’application de la loi ne cherchent pas actuellement à faire exécuter la décision du tribunal à son égard, l’auteur affirme que cela vient à l’appui de son allégation selon laquelle, si la décision n’est pas actuellement mise à exécution, il se trouve en permanence sous la menace qu’une telle procédure d’exécution puisse être engagée. Bien que la mise à exécution ne soit actuellement pas recherchée (comme l’a indiqué l’État partie), elle est en permanence pendante à son égard. En ce qui concerne la déclaration de l’État partie affirmant qu’il peut demander une suspension d’exécution de sa sentence, l’auteur ne voit pas comment des tribunaux qui ont fait preuve d’une telle partialité à son égard lors des audiences ayant abouti à sa condamnation pourraient statuer de façon impartiale sur une éventuelle demande de suspension de sa part.

7.7À la lumière de ce qui précède, et compte tenu de ses soumissions initiales, l’auteur demande au Comité d’examiner sa communication sur le fond, de conclure que l’État partie a violé les articles 14 (par. 1) et 19 du Pacte, et de prier l’État partie de modifier sa législation relative à la diffamation et de le dédommager pour la violation de ses droits.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.2Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la communication est irrecevable ratione temporis, dans la mesure où les actes contestés par l’auteur, ainsi que les décisions adoptées dans son cas, portent sur des événements qui se sont produits avant le 30 septembre 2009, date de l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour le Kazakhstan. À cet égard, l’État partie invoque sa déclaration restreignant la compétence du Comité aux seuls faits postérieurs à l’entrée en vigueur du Protocole facultatif. Le Comité rappelle qu’il ne peut examiner les violations présumées du Pacte qui se sont produites avant l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie concerné, sauf si ces violations perdurent après cette date ou continuent d’avoir des effets qui, en soi, constituent une violation du Pacte. À cet égard, l’auteur affirme que le Comité est compétent pour examiner sa communication parce que le versement continu de dommages-intérêts après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif constitue une reconnaissance, par des actes ou de manière implicite, de la violation antérieure, et parce que la condamnation pour diffamation a des conséquences graves qui persistent après l’entrée en vigueur du Protocole et qui constituent elles-mêmes des violations de ses droits au titre du Pacte, puisqu’il ne peut plus trouver de travail dans la presse et n’est pas en mesure d’exercer sa liberté d’expression par le moyen de son choix, qu’il continue de pâtir financièrement de sa condamnation et qu’il est menacé en permanence d’emprisonnement pour non-exécution du jugement (voir par. 3.11, 3.12 et 5.1 à 5.4 ci-dessus).

8.3Le Comité observe que la publication de l’article de l’auteur, l’ouverture à l’égard de celui-ci d’une action civile en diffamation et la décision du tribunal lui ordonnant de verser des dommages-intérêts à la partie lésée se sont produites avant l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie. Le cas d’espèce est donc différent des circonstances de la communication Para gac. Croatie, sur laquelle l’auteur s’est appuyé, dans laquelle la procédure pour diffamation n’était pas terminée avant la date d’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie et s’est poursuivie après cette date. Le Comité considère que le simple fait que l’auteur continue de verser des dommages-intérêts pour diffamation après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie et continue de pâtir financièrement après cette date ne constitue pas la reconnaissance d’une violation antérieure ni n’équivaut en soi à des effets persistants constituant eux-mêmes une violation de l’un quelconque des droits de l’auteur au titre du Pacte. De plus, les éléments dont est saisi le Comité montrent que l’auteur n’a en aucune manière été privé de son droit de pratiquer le journalisme. Le Comité considère donc que le jugement initial n’a pas d’effets persistants constituant eux-mêmes une violation des droits reconnus à l’auteur par le Pacte. À la lumière de cette conclusion, le Comité n’a pas à se prononcer sur la question de savoir si la déclaration faite par le Kazakhstan lors de la ratification du Protocole facultatif doit être considérée comme une réserve ou comme une simple déclaration.

8.4En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable ratione temporisen vertu de l’article premier du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

V.Communication no 2169/2012, S. K. c. Bélarus(Décision adoptée le 31 octobre 2012, 106e session)*

P résentée par:

S. K. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Bélarus

Date de la communication:

5 décembre 2011 (date de la lettre initiale)

Objet:

Condamnation de l’auteur pour atteinteà l’ordre public

Questions de procédure:

Irrecevabilité pour défaut de fondement

Questions de fond:

Droit de chacun à un procès équitable devant un tribunal impartial; liberté d’expression

Articles du Pacte:

14, 19 et 26

Article du Protocole facultatif:

2

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 31 octobre 2012,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication datée du 5 décembre 2011 est S. K., de nationalité bélarussienne, né en 1975. Il se déclare victime de violations par le Bélarus des droits garantis par le paragraphe 1 de l’article 2, le paragraphe 1 de l’article 14, le paragraphe 2 de l’article 19 et l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour le Bélarus le 30 décembre 1992. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 7 janvier 2010, jour où les chrétiens orthodoxes célèbrent Noël, vers midi, l’auteur a grimpé au sommet d’un arbre de Noël situé sur la place Pobeda («Victoire») de la ville de Vitebsk pour y accrocher le drapeau blanc, rouge, blanc, qui était auparavant le drapeau national. Il a ensuite été arrêté et inculpé pour violation des articles 339 et 363 du Code pénal.

2.2L’auteur indique qu’il est membre du Parti chrétien conservateur du Front national du Bélarus, qui fait partie de l’opposition au régime actuel au Bélarus. Le drapeau blanc, rouge, blanc, qui était le drapeau national du Bélarus de 1991 à 1994, est actuellement considéré comme un symbole historique du pays. L’auteur fait valoir que le drapeau n’est pas interdit et qu’il a pour lui un sens sacré. En l’accrochant à l’arbre, il voulait exprimer son opinion politique.

2.3L’auteur affirme de plus que par ce geste il n’a enfreint aucune loi. Cette forme d’expression d’une opinion politique n’est pas susceptible de restrictions dans la mesure où elle ne porte pas atteinte à la sécurité nationale, ni à l’ordre public, ni à la santé ou à la moralité publiques, ni à la réputation d’autrui.

2.4L’auteur indique que le 14 mai 2010 le tribunal du district Oktyabrsky l’a reconnu coupable d’«actes dangereux pour le public», interdits par les articles 339 et 363 du Code pénal, et l’a condamné à une amende d’un montant de 3 500 000 roubles bélarussiens pour les dommages causés à l’arbre de Noël et aux illuminations. À l’audience, le tribunal n’a pas permis à l’auteur de citer des témoins à décharge.

2.5En date du 25 juin 2010, le tribunal régional de Vitebsk a rejeté le recours formé par l’auteur. La Cour suprême du Bélarus a rejeté son recours le 2 novembre 2011.

2.6L’auteur fait valoir qu’il a épuisé tous les recours internes utiles à sa disposition.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que son arrestation et son procès constituent des violations des droits qu’il tient des articles 19 et 26 du Pacte. D’après lui la décision de l’État partie ne reposait pas sur des préoccupations liées à la sécurité nationale, à l’ordre public, à la santé ou à la moralité publiques ou à la réputation d’autrui.

3.2L’auteur ajoute que le fait que la possibilité de citer des témoins à décharge lui ait été refusée constitue une violation des droits qu’il tient du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte.

Délibérations du Comité

4.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

4.2Le Comité fait observer que, bien que l’auteur invoque une violation du paragraphe 1 de l’article 14, ses griefs semblent relever du paragraphe 3 e) de l’article 14 du Pacte et ont trait principalement à l’appréciation des faits et des preuves. Il rappelle sa jurisprudence selon laquelle c’est généralement aux juridictions des États parties concernés et non à lui qu’il appartient d’examiner ou d’apprécier les faits et les preuves, à moins qu’il ne puisse être établi que la conduite du procès ou l’appréciation des faits et des preuves a été manifestement arbitraire ou a représenté un déni de justice. Le Comité fait observer que les éléments dont il est saisi, notamment les comptes rendus des audiences du tribunal, ne donnent pas à croire que l’impartialité du tribunal ait été douteuse, ni qu’il y ait eu violation du principe de l’égalité de moyens («égalité des armes») ou que l’équité du procès soit sujette à caution pour d’autres raisons. Il conclut donc que l’auteur n’a pas suffisamment étayé les griefs tirés du paragraphe 1 de l’article 14 aux fins de la recevabilité et déclare cette partie de la communication irrecevable au titre de l’article 2 du Protocole facultatif.

4.3Pour ce qui est des griefs tirés du paragraphe 1 de l’article 2 et des articles 19 et 26 du Pacte, le Comité note que les informations données par l’auteur ne les étayent en rien. Le Comité note de plus qu’en vertu des paragraphes 3 a) et 3 b) de l’article 19 du Pacte, le droit à la liberté d’expression peut faire l’objet de certaines restrictions, notamment afin de protéger l’ordre public. En ce qui concerne le grief de violation des droits protégés par l’article 26, l’auteur n’a pas expliqué en quoi il était distinct des griefs tirés de l’article 19. Il n’a par conséquent pas invoqué de motifs suffisants pour l’étayer aux fins de la recevabilité. Le Comité conclut donc que l’auteur n’a pas étayé les griefs tirés du paragraphe 1 de l’article 2 et des articles 19 et 26 du Pacte aux fins de la recevabilité, et déclare cette partie de la communication irrecevable au titre de l’article 2 du Protocole facultatif.

5.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur de la communication.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du présent rapport.]

XI.Activités de suivi au titre du Protocole facultatif

1.En juillet 1990, le Comité a adopté une procédure pour assurer le suivi des constatations qu’il adopte en application du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif et a créé à cet effet la fonction de rapporteur spécial chargé du suivi des constatations.

2.Depuis 1991, le Rapporteur spécial envoie aux États parties des demandes de renseignements sur la suite donnée aux constatations. Des informations ont été systématiquement demandées sur la suite donnée à toutes les constatations dans lesquelles le Comité a conclu à une violation des droits consacrés dans le Pacte. Dans 809 des 964 constatations adoptées depuis 1979, le Comité a établi qu’il y avait eu violation.

3.Le classement en catégories des réponses sur la suite donnée aux constatations est nécessairement subjectif et imprécis, de sorte qu’il est impossible de fournir des statistiques ventilées exactes. Une bonne partie des réponses reçues peuvent être considérées comme satisfaisantes en ce sens qu’elles montrent que l’État partie est prêt à donner effet aux recommandations du Comité ou à accorder réparation au plaignant. D’autres réponses ne peuvent pas être considérées comme satisfaisantes, soit parce qu’elles ne traitent pas les constatations du Comité, soit parce qu’elles n’en traitent que certains aspects. Certaines réponses indiquent simplement que la victime n’a pas présenté de demande d’indemnisation dans les délais légaux et donc qu’il ne peut pas lui être versé d’indemnité. D’autres enfin indiquent que, bien que l’État partie ne soit pas tenu par la loi d’accorder une réparation au plaignant, il en consentira une à titre gracieux.

4.Dans toutes les autres réponses, l’État partie conteste les constatations du Comité en invoquant des raisons de fait ou de droit, donne des informations très tardives sur le fond de l’affaire, promet d’ouvrir une enquête sur la question examinée par le Comité ou indique qu’il ne donnera pas suite, pour une raison ou une autre, aux recommandations du Comité.

5.Dans de nombreux cas, le secrétariat a aussi été informé par l’auteur de la communication qu’il n’avait pas été donné effet aux constatations du Comité. À l’inverse, il est arrivé dans de rares cas que l’auteur d’une communication informe le Comité que l’État partie avait donné suite à ses recommandations alors que celui-ci ne l’avait pas fait savoir lui-même.

6.Le tableau ci-dessous récapitule toutes les réponses reçues des États parties jusqu’à la 107e session (11-28 mars 2013) au sujet des communications dans lesquelles le Comité a conclu à une violation du Pacte. Il est précisé si la réponse est ou a été considérée comme satisfaisante ou insatisfaisante au regard de la recommandation du Comité, ou si le dialogue entre l’État partie et le Rapporteur spécial chargé du suivi des constatations reste ouvert. Les notes explicatives qu’il a été nécessaire d’ajouter pour un certain nombre d’affaires donnent une idée des difficultés que pose le classement en catégories des réponses sur la suite donnée aux constatations.

7.À sa 104e session, soucieux de faire en sorte que son évaluation de la suite donnée aux constatations soit présentée de manière plus complète, structurée et transparente, le Comité a décidé d’indiquer comment il évalue, à ce stade, la situation dans les cas où une réponse a été reçue pendant la période visée par le rapport. Les décisions d’arrêter ou de suspendre le dialogue sont également indiquées dans le tableau ci-après.

8.Les renseignements adressés par les États parties et par les auteurs des communications ou leurs représentants depuis le dernier rapport annuel (A/67/40) figurent au chapitre VI (vol. I) du présent rapport.

État partie et nombre d’affaires de violation

Numéro de la communication, auteur et rapport du Comité

Réponse reçue de l’État partie

Réponse satisfaisante

Réponse insatisfaisante

Pas de réponse

Dialogue en  cours

Afrique du Sud (1)

1818/2008, McCallumA/66/40

X

X

Algérie (20)

992/2001, BousroualA/61/40

X

X

1085/2002, TarightA/61/40

X

X

1172/2003, MadaniA/62/40

X

X

1173/2003, BenhadjA/62/40

X

X

1196/2003, BoucherfA/61/40

XA/64/40

X

1297/2004, MedjnouneA/61/40

XA/67/40

X

1327/2004, GriouaA/62/40

X

X

1328/2004, KimoucheA/62/40

X

X

1439/2005, AberA/62/40

X

X

1495/2006, MadouiA/64/40

X

X

1588/2007, BenazizaA/65/40

X

X

1753/2008, RakikA/68/40

X

X

1779/2008, Mezine,A/68/40

X

X

Algérie (suite)

1780/2008, Aouabdia et consortsA/66/40

XA/68/40

X

XA/68/40

1781/2008, BerzigA/67/40

X

1791/2008, SahbiA/68/40

X

1806/2008, SaadounA/68/40

X

1807/2008, MechaniA/68/40

X

1811/2008, Djebbar et ChihoubA/67/40

X

1905/2009, OuaghlissiA/67/40

X

Allemagne (1)

1482/2006, GerlachA/63/40

XA/64/40

X

Angola (2)

711/1996, DiasA/55/40

XA/61/40

XA/61/40

X

1128/2002, MarquesA/60/40

XA/61/40

XA/61/40

X

Argentine (4)

400/1990, Mónaco de GallichioA/50/40

XA/51/40

X

1458/2006, González et consortsA/66/40

X

1608/2007, L. M. R.A/66/40

X

1610/2007, L. N. P.A/66/40

XA/68/40

X

X

Australie (25)

560/1993, A.A/52/40

XA/53/40, A/55/40, A/56/40

X

X

900/1999, C.A/58/40

XA/58/40, CCPR/C/80/FU/1,A/60/40, A/62/40

X

930/2000, Winata et consortsA/56/40

XCCPR/C/80/FU/1, A/57/40, A/60/40, A/62/40, A/63/40

X

941/2000, YoungA/58/40

XA/58/40, A/60/40,A/62/40, A/63/40

X

X

1014/2001, Baban et consortsA/58/40

XA/60/40, A/62/40

X

X

1020/2001, Cabal et PasiniA/58/40

XA/58/40, CCPR/C/80/FU/1

X*

X

1036/2001, FaureA/61/40

XA/61/40

X

1050/2002, Rafie et SafdelA/61/40

XA/62/40, A/63/40

X

1069/2002, BakhitiyariA/59/40

XA/60/40, A/62/40

X

X

1157/2003, ColemanA/61/40

XA/62/40

X

1184/2003, BroughA/61/40

XA/62/40

X

1255, 1256, 1259, 1260, 1266, 1268, 1270 et 1288/2004, Shams , Atvan , Shahrooei , Saadat , Ramezani , Boostani , BehroozetSefedA/62/40

XA/63/40

X

Australie (suite)

1324/2004, ShafiqA/62/40

XA/62/40, A/63/40

X

1347/2005, DudkoA/62/40

XA/63/40, A/64/40

X

1442/2005, KwokA/65/40

Décision de clore l’examen: mise en œuvre satisfaisante de la recommandation (voir A/67/40, chap. VI)

XA/67/40

X

1629/2007, Fardo nA/65/40

XA/66/40, A/67/40

X

XA/68/40

1557/2007, Nystrom et consortsA/66/40

Décision de clore l’examen: mise en œuvre insatisfaisante de la recommandation (A/68/40)

X

X

X

1635/2007, TillmanA/65/40

XA/66/40, A/67/40

X

XA/68/40

Autriche (5)

415/1990, PaugerA/57/40

XA/47/40, A/52/40, A/66/40

X*

716/1996, PaugerA/54/40

XA/54/40, A/55/40, A/57/40, A/66/40,CCPR/C/80/FU/1

XA/67/40

965/2001, KarakurtA/57/40

XA/58/40, CCPR/C/80/FU/1, A/61/40

X

1086/2002, WeissA/58/40

XA/58/40, A/59/40,CCPR/C/80/FU/1, A/60/40, A/61/40

X

1454/2006, LederbauerA/62/40

XA/63/40

X

Azerbaïdjan (1)

1633/2007, AvadanovA/66/40

X

XA/68/40

Bélarus (40)

780/1997, LaptsevichA/55/40

XA/56/40,A/57/40

X

814/1998, PastukhovA/58/40

XA/59/40

X

886/1999, BondarenkoA/58/40

XA/59/40, A/62/40, A/63/40

X

887/1999, LyashkevichA/58/40

XA/59/40, A/62/40, A/63/40

X

921/2000, DergachevA/57/40

X

X

927/2000, SvetikA/59/40

XA/60/40, A/61/40, A/62/40

XA/62/40

1009/2001, ShchetkoA/61/40

X

X

1022/2001, VelichkinA/61/40

XA/61/40

X

1039/2001, Boris et consortsA/62/40

XA/62/40

X

1047/2002, Sinitsin , LeonidA/62/40

X

X

1100/2002, BandazhewskyA/61/40

XA/62/40

X

Bélarus (suite)

1178/2003, SmantserA/64/40

XA/65/40

XA/65/40

X

1207/2003, MalakhovskyA/60/40

XA/61/40

X

X

1226/2003, KorneenkoA/68/40

XA/68/40

1274/2004, KorneenkoA/62/40

XA/62/40

XA/62/40

1296/2004, BelyatskyA/62/40

XA/63/40

X

1311/2004, OsiyukA/64/40

X

X

1316/2004, GrybA/67/40

X

XA/68/40

1354/2005, SudalenkoA/66/40

X

X

1377/2005, KatsoraA/65/40

X

X

1383/2005, Katsora et consortsA/66/40

X

X

1390/2005, KorebaA/66/40

X

X

1392/2005, LukyanchikA/65/40

XA/66/40

X

1502/2006, MarinichA/65/40

XA/66/40

1553/2007, Korneenko et MilinkevichA/64/40

XA/65/40

XA/65/40

X

Bélarus (suite)

1604/2007, ZalesskayaA/66/40

X

X

1750/2008, SudalenkoA/67/40

X

X

1772/2008, BelyazekaA/67/40

X

X

1784/2008, SchumilinA/68/40

XA/68/40

1785/2008, OleshkevishA/68/40

X

1787/2008, Kovsh ( Abramova )A/68/40

X

1790/2008, Govsha et consortsA/68/40

XA/68/40

1820/2008, KrassovskayaA/67/40

XA/68/40

1830/2008, PivonosA/68/40

XA/68/40

1835-1837/2008, YasinovichA/68/40

X

1836/2008, KatsoraA/68/40

X

XA/68/40

1838/2008, TulzhenkovaA/67/40

X

XA/68/40

1867/2009, 1936, 1975,1977‑1891/2010, 2010/2010, LevinovA/68/40

XA/68/40

Bélarus (suite)

2065/2011, KvashaA/68/40

XA/68/40

2120/2011, KovalevA/68/40

XA/68/40

Belgique (1)

1472/2006, SayadiA/64/40

X

X

Bolivie (État plurinational de) (1)

176/1984, PeñarrietaA/43/40

XA/52/40

X

Bosnie-Herzégovine (1)

1917-1918-1925/2008,Prutina et consortsA/68/40

X

Bulgarie (1)

2073/2011, Naidenova et consorts

X

Cameroun (6)

458/1991, MukongA/49/40

XA/52/40

X

1134/2002, Gorji-DinkaA/60/40

XA/65/40

X

X

1186/2003, TitiahongoA/63/40

X

X

1353/2005, AfusonA/62/40

XA/65/40

X

X

1397/2005, EngoA/64/40

XA/67/40, A/68/40

X

XA/68/40

1813/2008, AkwangaA/66/40

X

XA/68/40

Canada (12)

27/1978, PinkneyQuatorzième sessionSélection de décisions, vol. 1

X

X

167/1984, Ominayak et consortsA/45/50

XA/59/40, A/61/40, A/62/40

XA/62/40

Canada (suite)

694/1996, WaldmanA/55/40

XA/55/40, A/56/40, A/57/40,A/59/40, A/61/40

X

X

829/1998, JudgeA/58/40

XA/59/40, A/60/40

XA/60/40, A/61/40

XA/60/40

1051/2002, AhaniA/59/40

XA/60/40, A/61/40

X

X*A/60/40

* Note: L’État partie a donné en partie suite aux constatations du Comité, qui n’a pas expressément dit que l’application étaitsatisfaisante.

1465/2006, KabaA/65/40

XA/66/40

X

1467/2006, DumontA/65/40

XA/66/40, A/67/40, A/68/40

XA/68/40

1544/2007, HamidaA/65/40

XA/66/40

X

1763/2008, Pillai et consorts

XA/67/40

Décision de clore l’examen:mise en œuvre satisfaisante de la recommandation (voir A/68/40)

1792/2008, DauphinA/64/40

XA/65/40

XA/65/40

X

1912/2009, ThuraisamyA/68/40

X

1959/2010, WarsameA/66/40

X

X

Colombie (16)

45/1979, Suárez de GuerreroQuinzième sessionSélection de décisions, vol. 1

XA/52/40, A/68/40

XA/68/40

46/1979, Fals BordaSeizième sessionSélection de décisions, vol. 1

XA/52/40

X

X

64/1979, Salgar de MontejoQuinzième sessionSélection de décisions, vol. 1

XA/52/40, A/68/40

X

XA/68/40

161/1983, Herrera RubioTrente et unième sessionSélection de décisions, vol. 2

XA/52/40, A/68/40

XA/68/40

181/1984, frères Sanjuán ArévaloA/45/40

XA/52/40, A/64/40, A/68/40

X

XA/68/40

195/1985, Delgado PáezA/45/40

XA/52/40, A/68/40

XA/68/40

514/1992, FeiA/50/40

XA/51/40, A/68/40

X

XA/68/40

612/1995, ArhuacosA/52/40

XA/68/40

XA/68/40

687/1996, Rojas GarcíaA/56/40

XA/58/40, A/59/40, A/68/40

XA/68/40

778/1997, Coronel et consortsA/58/40

XA/59/40, A/68/40

XA/68/40

848/1999, Rodríguez OrejuelaA/57/40

XA/58/40, A/59/40, A/68/40

X

XA/68/40

859/1999, Jiménez VacaA/57/40

XA/58/40, A/59/40, A/61/40,A/68/40

X

XA/68/40

Colombie (suite)

1298/2004, BecerraA/61/40

XA/62/40, A/68/40

XA/68/40

1361/2005, CasadiegoA/62/40

XA/63/40, A/68/40

XA/68/40

1611/2007, Bonilla LermaA/66/40

X

XA/68/40

1641/2007, Calderón BrugesA/67/40

XA/68/40

XA/68/40

Côte d’Ivoire (1)

1759/2008, TraoréA/67/40

X

X

Croatie (2)

727/1996, ParagaA/56/40

XA/56/40, A/58/40

X

1510/2006, VojnovićA/64/40

XA/65/40, A/66/40

X

Danemark (1)

1554/2007, El- HichouA/65/40

XA/66/40

X

Équateur (2)

277/1988, Terán JijónA/47/40

XA/59/40

X

X

319/1988, Cañón GarcíaA/47/40

X

X

Espagne (23)

493/1992, GriffinA/50/40

XA/59/40, A/58/40

X

526/1993, HillA/52/40

XA/53/40, A/56/40, A/58/40, A/59/40, A/60/40, A/61/40, A/64/40

XA/68/40

Espagne (suite)

701/1996, Gómez VásquezA/55/40

XA/56/40, A/57/40, A/58/40, A/60/40, A/61/40

X

864/1999, Ruiz AgudoA/58/40

XA/61/40

X

986/2001, SemeyA/58/40

XA/59/40, A/60/40, A/61/40

X

1006/2001, MuñozA/59/40

XA/61/40

X

1007/2001, Sineiro FernandoA/58/40

XA/59/40, A/60/40, A/61/40

X

1073/2002, Terón JesúsA/60/40

XA/61/40

X

1095/2002, GomarizA/60/40

XA/61/40

X

1101/2002, Alba CabriadaA/60/40

XA/61/40

XA/68/40

1104/2002, Martínez FernándezA/60/40

XA/61/40

XA/68/40

1122/2002, Lagunas CastedoA/64/40

X

X

1211/2003, OliveróA/61/40

X

X

1325/2004, CondeA/62/40

X

X

1332/2004, Garcia et consortsA/62/40

X

X

Espagne (suite)

1351 et 1352/2005, Hens et CorujoA/63/40

X

X

1363/2005, Gayoso MartínezA/65/40

XA/66/40, A/68/40

XA/68/40

1364/2005, CarpinteroA/64/40

XA/68/40

XA/68/40

1381/2005, HachuelA/62/40

X

X

1473/2006, Morales TornelA/64/40

XA/66/40, A/68/40

XA/68/40

1493/2006, Williams LecraftA/64/40

XA/65/40, A/66/40

X

1531/2006, Cunillera AriasA/66/40

X

1945/2010, AchabalA/68/40

X

Fédération de Russie (19)

712/1996, SmirnovaA/59/40

XA/60/40

X

763/1997, LantsovA/57/40

A/58/40, A/60/40

X

X

770/1997, GridinA/55/40

A/57/40, A/60/40

X

X

888/1999, TelitsinA/59/40

XA/60/40

X

815/1997, DuginA/59/40

XA/60/40

X

889/1999, ZheikovA/61/40

XA/62/40

XA/68/40

Fédération de Russie (suite)

1218/2003, PlatanovA/61/40

XA/61/40

X

1232/2003, PustovalovA/65/40

XA/66/40, A/67/40

X

X

1278/2004, ReshnetnikovA/64/40

X

X

1304/2004, KhoroshenkoA/66/40

X

XA/68/40

1310/2004, BabkinA/63/40

XA/64/40, A/66/40

X

1410/2005, Yevdokimov et RezanovA/66/40

X

X

1447/2006, AmirovA/64/40

XA/65/40, A/66/40

X

1548/2007, KholodovA/68/40

X

1577/2007, UsaevA/65/40

XA/66/40

X

1605/2007, ZyuskinA/66/40

X

XA/68/40

1628/2007, PavlyuchenkoA/68/40

X

1866/2009, ChebotarevaA/67/40

X

1932/2010, FedotovaA/68/40

X

Finlande (1)

779/1997, Äärelä et consortsA/57/40

XA/57/40, A/59/40

X

France (5)

1620/2007, J. O.A/66/40

XA/67/40

X

X

1760/2008, CochetA/66/40

X

XA/68/40

1852/2008, SinghA/68/40

X

1876/2009, SinghA/66/40

XA/68/40

XA/68/40

2002/2010, CasanovasA/66/40

X

X

Géorgie (3)

626/1995, GelbekhianiA/53/40

X A/54/40

X

X

627/1995, DokvadzeA/53/40

XA/54/40

X

X

975/2001, RatianiA/60/40

XA/61/40

X

Grèce (4)

1070/2002, KouldisA/61/40

XA/61/40

X

1486/2006, KalamiotisA/63/40

XA/64/40

X

1558/2007, KatsarisA/68/40

XA/68/40

X

1799/2008, Georgopoulos et consortsA/65/40

XA/66/40, A/67/40, A/68/40

XA/68/40

Guinée équatoriale (3)

414/1990, Primo EssonoA/49/40

A/62/40*

X

X

468/1991, Oló BahamondeA/49/40

A/62/40*

X

X

Guinée équatoriale(suite)

1152 et 1190/2003, Ndong et consorts etMic AbogoA/61/40

A/62/40*

X

X

*Note: L’État partie n’a pas répondu, mais ses représentants ont rencontré le Rapporteur spécial à plusieurs reprises.

Guyana (9)

676/1996, Yasseen et ThomasA/53/40

A/60/40*, A/62/40

XA/60/40

X

728/1996, SahadeoA/57/40

A/60/40*, A/62/40

XA/60/40

X

811/1998, MulaiA/59/40

A/60/40*, A/62/40

XA/60/40

X

812/1998, PersaudA/61/40

A/60/40*, A/62/40

X

X

862/1999, Hussain et HussainA/61/40

A/60/40*, A/62/40

X

X

838/1998, Hen d riksA/58/40

A/60/40*, A/62/40

XA/60/40

X

867/1999, SmarttA/59/40

A/60/40*, A/62/40

XA/60/40

X

912/2000, GangaA/60/40

A/60/40*, A/62/40

XA/60/40

X

913/2000, ChanA/61/40

A/60/40*, A/62/40

X

X

* Note: L’État partie n’a pas répondu, mais ses représentants ont rencontré le Rapporteur spécial à plusieurs reprises.

Hongrie (3)

410/1990, PárkányiA/47/40

X

X

X

521/1992, KulominA/51/40

XA/52/40

X

852/1999, BorisenkoA/58/40

XA/58/40, A/59/40

X

X

Islande (1)

1306/2004, Haraldsson et SveinssonA/62/40

XA/63/40, A/64/40, A/67/40

Décision de clore l’examen: mise en œuvre partiellement satisfaisante de la recommandation (voir A/67/40, chap. VI)

Italie (1)

699/1996, MalekiA/54/40

XA/55/40

X

X

Jamaïque (98)

92 affaires*

X

* Note: Voir A/59/40. Vingt-cinq réponses détaillées ont été reçues; dans 19, l’État partie signifiait qu’il n’appliquerait pas les recommandations du Comité; dans 2, il s’engageait à ouvrir une enquête; et dans 1 réponse, il annonçait la remise en liberté de l’auteur (592/1994 − Clive Johnson − voir A/54/40). Dans 36 réponses générales, le Comité était informé que la peine de mort avait été commuée; 31 demandes d’informations sont restées sans réponse.

695/1996, SimpsonA/57/40

XA/57/40, A/58/40, A/59/40, A/63/40, A/64/40

X

792/1998, HigginsonA/57/40

X

X

793/1998, PryceA/59/40

X

X

796/1998, ReeceA/58/40

X

X

797/1998, LobbanA/59/40

X

X

798/1998, HowellA/59/40

XA/61/40

X

Kazakhstan (1)

2024/2011, IsrailA/67/40

X

X

Kirghizistan (14)

1275/2004, Umetaliev et TashtanbekovaA/64/40

XA/65/40

X

1312/2004, LatifulinA/65/40

XA/66/40

X

1338/2005, KaldarovA/65/40

XA/66/40

XA/68/40

1369/2005, KulovA/65/40

XA/66/40

XA/68/40

1402/2005, KrasnovA/66/40

XA/66/40, A/67/40

X

X

1461, 1462, 1476 et 1477/2006, Maksudov, Rakhimov, Tashbaev, PirmatovA/63/40

XA/65/40

X

1470/2006, ToktakunovA/66/40

XA/67/40

Décision de clore l’examen:mise en œuvre satisfaisante de la recommandation (voir A/67/40, chap. VI)

1503/2006, AkhadovA/66/40

XA/67/40

X

X

1545/2007, GunanA/66/40

XA/67/40

X

X

1547/2007, TorobekovA/67/40

X

XA/68/40

1756/2008, Moidunov et ZhumbaevaA/66/40

XA/67/40, A/68/40

X

XA/68/40

Lettonie (2)

884/1999, IgnataneA/56/40

XA/57/40

X

1621/2007, RaihmanA/66/40

X

XA/68/40

Libye (14)

440/1990, El- MegreisiA/49/40

X

X

1107/2002, El GharA/60/40

XA/61/40, A/62/40

XA/68/40

1143/2002, DernawiA/62/40

X

X

1755/2008, El Hagog JumaaA/67/40

X

X

1782/2008, AboufaiedA/67/40

X

X

1880/2009, Nenova et consortsA/67/40

X

X

1295/2004, El AwaniA/62/40

X

X

1422/2005, El HassyA/63/40

X

X

1640/2007, El AbaniA/65/40

X

X

1751/2008, Aboussedra et consortsA/66/40

X

X

1776/2008, Ali Bashasha et Hussein BashashaA/66/40

X

X

Libye (suite)

1804/2008, Il KhwildyA/68/40

X

1805/2008, BenaliA/68/40

X

1913/2009, AbushalaA/68/40

X

Madagascar (4)

49/1979, MaraisDix-huitième sessionSélection de décisions, vol. 2

X*

X

* Note: L’auteur a fait savoir qu’il avait été libéré (voir A/52/40). Aucune information supplémentaire n’a été apportée.

115/1982, WightVingt-quatrième sessionSélection de décisions, vol. 2

X*

X

* Note: L’auteur a fait savoir qu’il avait été libéré (voir A/52/40). Aucune information supplémentaire n’a été apportée.

132/1982, JaonaVingt-quatrième sessionSélection de décisions, vol. 2

X

X

155/1983, HammelA/42/40 Sélection de décisions, vol. 2

X

X

Maurice (1)

1744/2007, Narrain et consortsA/68/40

XA/68/40

XA/68/40

Népal (4)

1469/2006, SharmaA/64/40

XA/64/40, A/66/40, A/67/40,A/68/40

XA/68/40

1761/2008, Giri et consortsA/66/40

XA/67/40

X

Népal (suite)

1863/2009, MaharjanA/68/40

X

1870/2009, SobhrajA/65/40

XA/66/40, A/67/40, A/68/40

XA/68/40

Nicaragua (1)

328/1988, Zelaya BlancoA/49/40

XA/56/40, A/57/40, A/59/40

X

Norvège (2)

1155/2003, LeirvagA/60/40

XA/61/40

X*A/61/40

X

* Note: Complément d’information attendu.

1542/2007, AboushanifA/63/40

XA/65/40

X

Nouvelle-Zélande (2)

1368/2005, BrittonA/62/40

XA/63/40

X

1512/2006, DeanA/64/40

XA/65/40

X

X

Ouzbékistan (32)

907/2000, SiragevA/61/40

XA/61/40

X

911/2000, NazarovA/59/40

XA/60/40

X

X

915/2000, RuzmetovA/61/40

X

X

917/2000, ArutyunyanA/59/40

XA/60/40

XA/60/40

X

931/2000, HudoyberganovaA/60/40

XA/60/40

XA/60/40

X

959/2000, BazarovA/61/40

XA/62/40

XA/62/40

Ouzbékistan (suite)

971/2001, ArutyuniantzA/60/40

XA/60/40

X

1017/2001, Strakhov et 1066/2002, FayzulaevA/62/40

X

X

1041/2002, TulayganovA/62/40

X

X

1043/2002, ChikiunovA/62/40

X

X

1057/2002, KorvetovA/62/40

XA/62/40

XA/62/40

1071/2002, AgabekovA/62/40

X

X

1140/2002, KhudayberganovA/62/40

X

X

1150/2002, UteevA/63/40

XA/64/40

X

X

1163/2003, Isaev et KarimovA/64/40

XA/65/40

X

1225/2003, EshonovA/65/40

XA/66/40

X

1280/2004, Tolipkhudz h aevA/64/40

XA/66/40

X

1284/2004, KodirovA/65/40

XA/66/40

X

1334/2004, Mavlonov et Sa’diA/64/40

X

X

1378/2005, KasimovA/64/40

X

X

Ouzbékistan (suite)

1382/2005, SalikhA/64/40

XA/65/40

X

1418/2005, IskiyaevA/64/40

XA/65/40

X

1449/2006, UmarovA/66/40

XA/66/40

X

1478/2006, KungurovA/66/40

X

X

1552/2007, Lyashkevi chA/65/40

XA/66/40

X

1585/2007, BatyrovA/64/40

XA/66/40

X

1589/2007, GapirjanovA/65/40

XA/66/40

X

1769/2008, IsmailovA/66/40

X

X

1914-1915-1916/2009, MusaevA/67/40

XA/68/40

XA/68/40

Panama (2)

289/1988, WolfA/47/40

XA/53/40

X

473/1991, BarrosoA/50/40

XA/53/40

X

Paraguay (3)

1407/2005, AsensiA/64/40

XA/65/40, A/66/40

XA/68/40

1828/2008, DomínguezA/67/40

XA/68/40

XA/68/40

1829/2008, Benítez GamarraA/67/40

XA/68/40

XA/68/40

Pays-Bas (5)

786/1997, VosA/54/40

XA/55/40

X

X

976/2001, DerksenA/59/40

XA/60/40

X

1238/2003, Jongenburger VeermanA/61/40

X

X

1564/2007, X. H. L.A/66/40

XA/68/40

XA/68/40

1797/2008, MennenA/65/40

X

X

Pérou (15)

202/1986, Ato del AvellanalA/44/40

XA/52/40, A/59/40,A/62/40, A/63/40

XA/68/40

203/1986, Muñoz HermosaA/44/40

XA/52/40, A/59/40, A/68/40

XA/68/40

263/1987, González del RíoA/48/40

XA/52/40, A/59/40

X

309/1988, Orihuela ValenzuelaA/48/40

XA/52/40, A/59/40

X

540/1993, Celis LaureanoA/51/40

XA/59/40, A/68/40

XA/68/40

577/1994, Polay CamposA/53/40

XA/53/40, A/59/40

X

678/1996, Gutiérrez VivancoA/57/40

XA/58/40, A/59/40, A/64/40,A/68/40

XA/68/40

688/1996, ArredondoA/68/40

XA/68/40

XA/68/40

Pérou (suite)

906/1999, Vargas- MachucaA/57/40

XA/58/40, A/59/40

X

981/2001, Gómez CasafrancaA/58/40

XA/59/40, A/68/40

XA/68/40

1058/2002, VargasA/61/40

XA/61/40, A/62/40

X

1125/2002, QuispeA/61/40

XA/61/40, A/68/40

XA/68/40

1126/2002, CarranzaA/61/40

XA/61/40, A/62/40, A/68/40

XA/68/40

1153/2003, K. N. L. H.A/61/40

XA/61/40, A/62/40, A/63/40

X

1457/2006, Poma PomaA/64/40

XA/65/40

XA/68/40

Philippines (11)

788/1997, CagasA/57/40

XA/59/40, A/60/40, A/61/40

X

868/1999, WilsonA/59/40

XA/60/40, A/61/40, A/62/40

XA/62/40

X

869/1999, Piandiong et consortsA/56/40

Xsans objet

X

1089/2002, RouseA/60/40

X

XA/68/40

1320/2004, Pimentel et consortsA/62/40

XA/63/40, A/64/40, A/66/40, A/67/40

Philippines (suite)

Le Comité a décidé d’arrêter le dialogue et de conclure àune mise en œuvre insatisfaisante dela recommandation (voir A/67/40, chap. VI)

1421/2005, LarrañagaA/61/40

X

XA/68/40

1466/2006, Lumanog et SantosA/63/40

XA/65/40, A/66/40

X

1559/2007, HernandezA/65/40

X

X

1560/2007, Marcellana et GumanoyA/64/40

X

X

1619/2007, PestañoA/65/40

XA/66/40

X

1815/2008, AdonisA/67/40

X

X

Portugal (1)

1123/2002, Correia de MatosA/61/40

XA/62/40, A/67/40

XA/68/40

République centrafricaine (1)

1587/2007, MamourA/64/40

X

X

République de Corée (120)

518/1992, SohnA/50/40

XA/60/40, A/62/40

X

574/1994, KimA/54/40

XA/60/40, A/62/40, A/64/40

X

628/1995, ParkA/54/40

XA/54/40, A/64/40

X

878/1999, KangA/58/40

XA/59/40, A/64/40

X

République de Corée (suite)

926/2000, ShinA/59/40

XA/60/40, A/62/40, A/64/40

X

1119/2002, LeeA/60/40

XA/61/40, A/64/40

X

1321 et 1322/2004, Yoon, Yeo- Bzum et Choi, Myung -JinA/62/40

XA/62/40, A/63/40, A/64/40

X

1593 à 1603/2007, Jung et consortsA/65/40

XA/66/40

X

1642-1741/2007, Jeong et consortsA/66/40

XA/67/40

X

XA/68/40

1786/2008, Kim et consortsA/68/40

X

République démocratique du Congo (14)*

* Note: Voir A/59/40 pour le détail des consultations.

16/1977, MbengeDix-huitième sessionSélection de décisions, vol. 2

X

X

90/1981, LuyeyeDix-neuvième sessionSélection de décisions, vol. 2

XA/61/40

X

124/1982, MutebaVingt-deuxième sessionSélection de décisions, vol. 2

XA/61/40

X

138/1983, Mpandanjila et consortsVingt-septième sessionSélection de décisions, vol. 2

XA/61/40

X

157/1983, Mpaka NsusuVingt-septième sessionSélection de décisions, vol. 2

XA/61/40

X

République démocratique du Congo (suite)

194/1985, MiangoTrente et unième sessionSélection de décisions, vol. 2

XA/61/40

X

241/1987, BirindwaA/45/40

XA/61/40

X

242/1987, TshisekediA/45/40

XA/61/40

X

366/1989, KananaA/49/40

XA/61/40

X

542/1993, TshishimbiA/51/40

XA/61/40

X

641/1995, GedumbeA/57/40

XA/61/40

XA/68/40

933/2000, Mundyo Busyo et consorts(68 magistrats)A/58/40

XA/61/40

X

962/2001, MuleziA/59/40

XA/61/40

X

1177/2003, Wenga et ShandweA/61/40

X

X

République dominicaine (2)

193/1985, GiryA/45/40

XA/52/40, A/59/40

X

X

449/1991, MojicaA/49/40

XA/52/40, A/59/40

X

X

République tchèque (27)*

* Note: Pour toutes ces affaires de propriété, voir également la réponse de l’État partie concernant la suite donnée aux observations finales dans A/59/40.

516/1992, Simunek et consortsA/50/40

XA/51/40, A/57/40, A/58/40, A/61/40, A/62/40

X

République tchèque (suite)

586/1994, AdamA/51/40

XA/51/40, A/53/40, A/54/40, A/57/40, A/61/40, A/62/40

X

747/1997, Des Fours WalderodeA/57/40

XA/57/40, A/58/40, A/61/40, A/62/40

X

757/1997, PezoldovaA/58/40

XA/60/40, A/61/40, A/62/40

X

765/1997, FábryováA/57/40

XA/57/40, A/58/40, A/61/40, A/62/40

X

823/1998, CzerninA/60/40

XA/62/40

X

857/1999, Blazek et consortsA/56/40

XA/62/40

X

945/2000, MarikA/60/40

XA/62/40

X

946/2000, PateraA/57/40

XA/62/40

X

1054/2002, KrizA/61/40

XA/62/40

X

1445/2006, PolacekA/62/40

X

X

1448/2006, KohoutekA/63/40

XA/66/40

X

1463/2006, GratzingerA/63/40

X

X

1479/2006, PersanA/64/40

X

X

République tchèque (suite)

1484/2006, LnenickaA/63/40

X

X

1485/2006, VlčekA/63/40

X

X

1488/2006, SüsserA/63/40

X

X

1491/2006, Fürst Blücher von WahlstattA/65/40

X

X

1497/2006, PreissA/63/40

X

X

1508/2006, AmundsonA/64/40

X

X

1586/2007, LangeA/66/40

X

X

1533/2006, OndrackaA/63/40

X

X

1563/2007, JünglingováA/67/40

X

X

1581/2007, DrdaA/66/40

X

X

1615/2007, ZavrelA/65/40

X

X

1742/2007, GschwindA/65/40

X

X

1847/2008, Klain et KlainA/67/40

X

X

Roumanie (1)

1158/2003, BlagaA/60/40

X

X

Saint-Vincent-et-les Grenadines (1)

806/1998, ThompsonA/56/40

XA/61/40

X

Serbie (1)

1556/2007, NovakovićA/66/40

XA/66/40, A/67/40, A/68/40

X

XA/68/40

Sierra Leone (3)

839/1998, Mansaraj et consortsA/56/40

XA/57/40, A/59/40

X

840/1998, Gborie et consortsA/56/40

XA/57/40, A/59/40

X

841/1998, Sesay et consortsA/56/40

XA/57/40, A/59/40

X

Sri Lanka (14)

916/2000, JayawardenaA/57/40

XA/58/40, A/59/40, A/60/40, A/61/40

X

950/2000, SarmaA/58/40

XA/59/40, A/60/40, A/63/40

X

909/2000, KankanamgeA/59/40

XA/60/40

X

1033/2001, NallaratnamA/59/40

XA/60/40, A/64/40

X

1189/2003, FernandoA/60/40

XA/61/40

XA/61/40

X

1249/2004, Immaculate Joseph et consortsA/61/40

XA/61/40

X

1250/2004, RajapakseA/61/40

X

X

Sri Lanka (suite)

1373/2005, DissanakyeA/63/40

X

X

1376/2005, BandaranayakeA/63/40

X

XA/68/40

1406/2005, WeerawanzaA/64/40

X

XA/68/40

1426/2005, Dingiri BandaA/63/40

X

X

1432/2005, GunaratnaA/64/40

X

X

1436/2005, SathasivamA/63/40

XA/65/40

X

1862/2009, Pathmini Peiris et consortsA/67/40

X

Suède (2)

1416/2005, AlzeryA/62/40

XA/62/40

X

1833/2008, X.A/67/40

XA/68/40

XA/68/40

Suriname (8)

146/1983, BaboeramVingt-quatrième sessionSélection de décisions, vol. 2

XA/51/40, A/52/40, A/53/40, A/55/40, A/61/40

X

148 à 154/1983, Kamperveen , Riedewald , Leckie , Demrawsingh , Sohansingh , Rahman , HoostVingt-quatrième sessionSélection de décisions, vol. 2

XA/51/40, A/52/40, A/53/40, A/55/40, A/61/40

X

Tadjikistan (22)

964/2001, SaidovA/59/40

XA/60/40, A/62/40, A/67/40

Le Comité a décidé d’arrêter le dialogue et de conclure àune mise en œuvre insatisfaisante de la recommandation (voir A/67/40, chap. VI)

973/2001, Khalilov aA/60/40

XA/60/40, A/62/40, A/67/40

Le Comité a décidé d’arrêter le dialogue et de conclure àune mise en œuvre insatisfaisante dela recommandation (voir A/67/40, chap. VI)

985/2001, AliboevA/61/40

A/62/40, A/67/40

Le Comité a décidé d’arrêter le dialogue et de conclure àune mise en œuvre insatisfaisante dela recommandation (voir A/67/40, chap. VI)

1042/2002, Bo i murudovA/61/40

XA/62/40, A/63/40, A/67/40

Le Comité a décidé d’arrêter le dialogue et de conclure àune mise en œuvre insatisfaisante dela recommandation (voir A/67/40, chap. VI)

Tadjikistan (suite)

1044/2002, NazrievA/61/40

XA/62/40, A/63/40

X

1096/2002, Kurbo novA/59/40

A/59/40, A/60/40, A/62/40, A/67/40

Le Comité a décidé d’arrêter le dialogue et de conclureà une mise en œuvre insatisfaisante de la recommandation (voir A/67/40, chap. VI)

1108 et 1121/2002, Karimov , Askarov et DavlatovA/62/40

XA/63/40, A/67/40

Le Comité a décidé de clore l’examen de l’affaire pour M. A. Davlatov. Il a décidé d’arrêter le dialogue et de conclure à une mise en œuvre insatisfaisante de la recommandation en ce qui concerne M. Karimov, M. Askarov et M. N. Davlatov (voir A/67/40, chap. VI)

1117/2002, Khomidov aA/59/40

XA/60/40, A/67/40

Le Comité a décidé d’arrêter le dialogue et de conclure àune mise en œuvre insatisfaisante dela recommandation (voir A/67/40, chap. VI))

1195/2003, DunaevA/64/40

X

X

Tadjikistan (suite)

1200/2003, SattorovaA/64/40

XA/65/40, A/67/40

Le Comité a décidé d’arrêter le dialogue et de conclure àune mise en œuvre insatisfaisante dela recommandation (voir A/67/40, chap. VI)

1208/2003, B. Kurb o novA/61/40

XA/62/40, A/67/40

Le Comité a décidé d’arrêter le dialogue et de conclure àune mise en œuvre insatisfaisante dela recommandation (voir A/67/40, chap. VI)

1209/2003, 1231/2003 et 1241/2004, Rakhmatov , Safarov et Salimov, et MukhammadievA/63/40

XA/67/40

Le Comité a décidé d’arrêter le dialogue et de conclure àune mise en œuvre insatisfaisante de la recommandation (voir A/67/40, chap. VI)

1263/2004 et 1264/2004,Khuseynov et ButaevA/64/40

XA/65/40, A/67/40

Le Comité a décidé d’arrêter le dialogue et de conclure àune mise en œuvre insatisfaisante de la recommandation (voir A/67/40, chap. VI)

Tadjikistan (suite)

1276/2004, IdievA/64/40

XA/65/40, A/67/40

Le Comité a décidé d’arrêter le dialogue et de conclure àune mise en œuvre insatisfaisante de la recommandation (voir A/67/40, chap. VI)

1348/2005, AshurovA/62/40

XA/67/40

Le Comité a décidé d’arrêter le dialogue et de conclure àune mise en œuvre insatisfaisante de la recommandation (voir A/67/40, chap. VI)

1401/2005, KirpoA/65/40

XA/66/40, A/67/40

Le Comité a décidé d’arrêter le dialogue et de conclure àune mise en œuvre insatisfaisante de la recommandation (voir A/67/40, chap. VI)

1499/2006, IskandarovA/66/40

1519/2006, KhostikoevA/65/40

XA/66/40, A/67/40

Le Comité a décidé d’arrêter le dialogue et de conclure àune mise en œuvre insatisfaisante de la recommandation (voir A/67/40, chap. VI)

Togo (4)

422 à 424/1990, Aduayom et consortsA/51/40

XA/56/40, A/57/40

XA/59/40

X

505/1992, AcklaA/51/40

XA/56/40, A/57/40

XA/59/40

X

Trinité-et-Tobago (23)

232/1987, PintoA/45/40et 512/1992, PintoA/51/40

XA/51/40, A/52/40, A/53/40

X

X

362/1989, SoogrimA/48/40

XA/51/40, A/52/40,A/53/40, A/58/40

X

X

434/1990, SeerattanA/51/40

XA/51/40, A/52/40, A/53/40

X

X

523/1992, NeptuneA/51/40

XA/51/40, A/52/40,A/53/40, A/58/40

X

X

533/1993, ElahieA/52/40

X

X

554/1993, La VendeA/53/40

X

X

555/1993, BickarooA/53/40

X

X

569/1996, MathewsA/43/40

X

X

580/1994, AshbyA/57/40

X

X

594/1992, PhillipA/54/40

X

X

Trinité-et-Tobago (suite)

672/1995, SmartA/53/40

X

X

677/1996, TeesdaleA/57/40

X

X

683/1996, WanzaA/57/40

X

X

684/1996, SahadathA/57/40

X

X

721/1996, BoodooA/57/40

X

X

752/1997, HenryA/54/40

X

X

818/1998, SextusA/56/40

X

X

845/1998, KennedyA/57/40

XA/58/40

X

899/1999, Francis et consortsA/57/40

XA/58/40

X

908/2000, EvansA/58/40

X

X

928/2000, SooklalA/57/40

X

X

938/2000, Siewpers aud et consortsA/59/40

XA/51/40,A/53/40

X

Turkménistan (4)

1450/2006, KomarovskyA/63/40

X

X

1460/2006, YklymovaA/64/40

X

Turkménistan (suite)

1530/2006, BozbeyA/66/40

X

1883/2009, OrazovaA/67/40

X

Turquie (2)

1853/2008 et 1854/2008,Atasoyet SarkutA/67/40

XA/68/40

XA/68/40

Ukraine (4)

781/1997, AlievA/58/40

XA/60/40

XA/60/40

X

1412/2005, ButovenkoA/66/40

X

XA/68/40

1535/2006, ShchetkaA/66/40

X

X

1803/2008, BulgakovA/68/40

X

Uruguay (39)

A. [5/1977, MasseraSeptième session

43/1979, CaldasDix-neuvième session

X43 réponses reçuesA/59/40*

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63/1979, AntonaccioQuatorzième session

73/1980, IzquierdoQuinzième session

80/1980, VasiliskisDix-huitième session

83/1981, MachadoVingtième session

84/1981, Dermit BarbatoDix-septième session

85/1981, RomeroVingt et unième session

88/1981, BequioDix-huitième session

Uruguay (suite)

92/1981, NietoDix-neuvième session

103/1981, ScaroneVingtième session

105/1981, CabreiraDix-neuvième session

109/1981, VoituretVingt et unième session

123/1982, LluberasVingt et unième session]

B. [103/1981, Scarone

73/1980, Izquierdo

92/1981, Nieto

85/1981, Romero]

C. [63/1979, Antonaccio

80/1980, Vasiliskis

123/1982, Lluberas]

D. [4/1977, RamirezQuatrième session

6/1977, SequeiroSixième session

25/1978, MassiottiSeizième session

28/1978, WeiszOnzième session

32/1978, TouronDouzième session

33/1978, CarballalDouzième session

37/1978, De BostonDouzième session

44/1979, PietraroiaDouzième session

Uruguay (suite)

52/1979, Lopez BurgosTreizième session

56/1979, CelibertiTreizième session

66/1980, SchweizerDix-septième session

70/1980, SimonesQuinzième session

74/1980, EstrellaDix-huitième session

110/1981, VianaVingt et unième session

139/1983, ConterisVingt-cinquième session

147/1983, GilboaVingt-sixième session

162/1983, AcostaTrente-quatrième session]

E. [30/1978, BleierQuinzième session

84/1981, Dermit BarbatoDix-septième session

107/1981, QuinterosDix-neuvième session]

* Note: Une réponse a été reçue le 17 octobre 1991 (non publiée).

Pour les affaires regroupées en A, l’État partie a fait valoir que, le 1ermars 1985, la compétence des juridictions civiles avait été rétablie. Tous les individus impliqués comme auteurs ou complices de crimes politiques ou de crimes commis à des fins politiques entre le 1erjanvier 1962 et le 1ermars 1985 ont bénéficié de la loi d’amnistie du 8 mars 1985. La loi a permis à tous lesindividus déclarés coupables d’homicide volontaire d’obtenir la révision de la déclaration de culpabilité ou la réduction de la peine. En vertu de l’article 10 de la loi d’apaisement, toutes les personnes emprisonnées au titre des «mesures de sécurité» ont été libérées. Dans les affaires qui ont été réexaminées, les juridictions d’appel ont soit acquitté soit condamné les intéressés. En vertu de la loi no15.783 du 20 novembre, toutes les personnes qui avaient auparavant occupé une fonction publique ont été autorisées àreprendre leur poste.

Pour les affaires regroupées en B, l’État partie indique que les intéressés ont été graciés en vertu de la loi no 15.737 et libérés le 10 mars 1985.

Pour les affaires regroupées en C, les intéressés ont été libérés le 14 mars 1985, la loi no 15.737 leur ayant été appliquée.

Pour les affaires regroupées en D, depuis le 1er mars 1985, toutes les victimes des violations des droits de l’homme perpétrées sous le gouvernement de facto ont la possibilité d’engager une action en dommages-intérêts. Depuis 1985, 36 actions civiles endommages-intérêts ont été engagées, dont 22 pour détention arbitraire et 12 pour obtenir la restitution de biens. Dans le cas deM.Lopez, le Gouvernement a réglé l’affaire en lui versant en date du 21 novembre 1990 une somme de 200 000 dollars des États-Unis. Le procès engagé par Mme Lilian Celiberti est toujours en cours. Outre les affaires susmentionnées, aucune autre victime n’a engagé d’action contre l’État pour obtenir une indemnisation.

Pour les affaires regroupées en E, le 22 décembre 1986 le Congrès a voté la loi no 15.848, dite «d’extinction de l’action publique», en vertu de laquelle l’État ne peut plus engager de poursuites pour des crimes commis avant le 1er mars 1985 par desmembres de l’armée ou de la police à des fins politiques ou en exécution des ordres reçus de leurs supérieurs. Il a été mis unterme à tous les procès en cours. Le 16 avril 1989, la loi a été confirmée par référendum; elle prescrivait que les juges d’instruction devaient renvoyer les rapports soumis aux autorités judiciaires concernant les victimes de disparition au Gouvernement, pour que celui-ci ouvre des enquêtes.

159/1983, CariboniA/43/40Sélection de décisions, vol. 2

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322/1988, RodríguezA/51/40, A/49/40

XA/51/40

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1887/2009, Peirano BassoA/66/40

XA/68/40

1637/2007, 1757/2008, et 1765/2008,Canessa Albareda et consortsA/67/40

XA/68/40

Venezuela (République bolivarienne du) (2)

156/1983, SolórzanoA/41/40Sélection de décisions, vol. 2

XA/59/40

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1940/2010, Eligio CedeñoA/68/40

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Zambie (6)

390/1990, LubutoA/51/40

XA/62/40

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821/1998, ChongweA/56/40

XA/56/40, A/57/40, A/59/40,A/61/40, A/64/40, A/66/40

XA/68/40

856/1999, ChambalaA/58/40

XA/62/40

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1132/2002, ChisangaA/61/40

XA/61/40, A/63/40, A/64/40, A/65/40

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1303/2004, ChitiA/68/40

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1859/2009, KamoyoA/67/40

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