HRI

Instruments

internationaux relatifs

aux droits de l’homme

Distr.GÉNÉRALE

HRI/CORE/FJI/200614 mars 2007

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

DOCUMENT DE BASE FAISANT PARTIE DES RAPPORTS DES ÉTATS PARTIES

FIDJI*

[20 juin 2006]

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes Page

I.LES FIDJI EN BREF1 − 93

II.CONTEXTE HISTORIQUE10 − 405

III.POPULATION41 − 6111

IV.LE TERRITOIRE62 − 8116

V.STRUCTURE POLITIQUE GÉNÉRALE82 − 11222

VI.L’ÉCONOMIE113 − 12629

VII.CADRE JURIDIQUE GÉNÉRAL DE LA PROTECTIONDES DROITS DE L’HOMME127 − 17835

I. LES FIDJI EN BREF

Le territoire

1.Les Fidji sont situées au milieu de l’océan Pacifique, à égale distance de l’équateur et du pôle Sud, entre 175° de longitude O et 178° de longitude E et 15 et 22° de latitude S. La zone économique exclusive des Fidji compte environ 330 îles, dont à peu près le tiers sont habitées. Elle s’étend sur environ 1,3 million de km2 dans le Pacifique Sud, la superficie terrestre totale des Fidji étant de 18 333 km2. Les deux plus grandes îles sont Viti Levu (10 429 km2) et Vanua Levu (5 556 km2). Les autres grandes îles sont Taveuni (470 km2), Kadavu (411 km2), Gau (140 km2) et Koro (104 km2).

2.Environ 86 % des terres relèvent du régime traditionnel de la propriété des Fidjiens de souche, 2 % sont du domaine de l’État et 8 % sont détenues en pleine propriété. Les terres cultivables, qui représentent seulement 16 % du territoire, sont principalement situées le long des plaines côtières, dans les deltas et les vallées. Les deux villes du pays se trouvent sur l’île principale de Viti Levu.

Le climat

3.Les Fidji jouissent d’un climat maritime tropical typique des mers du Sud, qui ne connaît pas de variations extrêmes chaudes ou froides. Les îles sont situées dans une zone traversée de temps à autre par des cyclones tropicaux, le plus souvent entre novembre et avril. Chaque décennie, 10 à 12 cyclones en moyenne frappent une partie ou une autre de l’archipel, dont deux ou trois peuvent être très violents. En toute saison, les vents dominants sont les alizés qui soufflent dans une direction est-sud-est. Toutefois, des brises marines diurnes soufflent sur les côtes ouest et est de Viti Levu et Vanua Levu.

4.En général, les Fidji sont soumises à des vents légers à modérés, surtout dans la période de juillet à décembre. La température moyenne − environ 22 °C (72 °F) pendant la période la plus fraîche (de mai à octobre) − s’élève pendant la saison chaude (de novembre à avril) qui donne lieu à de lourdes averses. Le régime des pluies est extrêmement variable, la pluviosité moyenne augmentant progressivement du littoral vers l’intérieur. Les pluies sont généralement plus fréquentes entre décembre et avril, en particulier sur les grandes îles, mais sont souvent insuffisantes en mai et octobre, en particulier dans la zone sèche de l’ouest et du nord des grandes îles.

Taille de l’archipel: 332 îles (dont environ un tiers sont habitées)

a)Superficie totale: 18 333 km² (Viti Levu – 10 429 km2; Vanua Levu – 5 556 km2)

b)Zone maritime (en milliers de km2): 1 290

Capitale: Suva

Aéroport international: Nadi

Population: 815 013 en 2001 (dernier recensement)

Fidjiens (53 %)

Indiens (40 %)

Autres (7 %)

Population urbaine (en % du total)

Fidjiens: 21,8

Indiens: 20,5

Population rurale (en % du total)

Fidjiens: 30,9

Indiens: 20,1

Population rurale (en % du total): 52,9 %

Nombre d’habitants au km 2: 44

Appartenance religieuse

Chrétiens: 58 %

Hindouistes: 34 %

Musulmans: 7 %

Autres: 1 %

Espérance de vie à la naissance: 66,6 ans

Hommes: 64,5 ans

Femmes: 68,7 ans

Fidjiens: 68,1 ans

Indiens: 69 ans

Fécondité cumulée: 2,49

●Fidjiens: 3,16

Indiens: 1,71

Mortalité infantile: 20,5 ‰ naissances vivantes

Garçons: 21,2 ‰

Filles: 19,8 ‰

Pourcentage de la population âgée de moins de 15 ans: 31,8 %

Pourcentage de la population âgée de plus de 65 ans: 4,2 %

Pourcentage de la population âgée de plus de 15 ans et de moins de 65 ans: 64 %

Langues

Il existe trois langues officielles aux Fidji, l’anglais qui a été introduit par les anciens colonisateurs britanniques, le fidjien, parlé par les Fidjiens de souche, et l’hindi, parlé principalement par les Indo-Fidjiens.

5.Certains dialectes fidjiens s’écartent nettement du bau officiel et seraient considérés comme des langues à part entière s’ils étaient dotés d’une grammaire codifiée ou s’inscrivaient dans une tradition littéraire. Le rotuman est parlé par les habitants de l’île de Rotuma et s’apparente davantage au polynésien qu’au fidjien.

6.Même si l’hindi est la langue la plus couramment pratiquée par les Indo-Fidjiens, l’ourdou est aussi enseigné dans les écoles musulmanes. Parmi la communauté indo-fidjienne, il existe une petite communauté de langue gudjarati et quelques Indo-Fidjiens âgés parlent encore le télougou et le tamoul, d’autres, moins nombreux, le bihari, le bengali ou d’autres langues encore.

7.D’autres langues sont parlées par des groupes minoritaires, comme les Chinois et les personnes originaires d’autres groupes d’îles du Pacifique qui ont leur propre langue.

8.L’anglais est la langue vernaculaire, mais le fidjien et l’hindi (et l’ourdou dans les écoles musulmanes) sont aussi enseignés dans le cadre des programmes scolaires.

Religion

9.Les Fidji sont un pays multiracial, multireligieux et multiculturel au sein duquel la plupart des religions du monde sont représentées. La population fidjienne est chrétienne à plus de 50 % (58 %), hindouiste à 34 %, musulmane à 7 %, 1 % de la population pratiquant d’autres religions.

Fuseau horaire: GMT + 12.

II. CONTEXTE HISTORIQUE

10.Les découvertes archéologiques montrent que les Fidji ont été colonisées pour la première fois il y a environ 3 500 ans. Les premiers habitants sont appelés les «Lapitas», du nom d’un type particulier de poterie fine qu’ils fabriquaient et dont des vestiges ont été trouvés dans la quasi-totalité des îles du Pacifique, à l’est de la Nouvelle-Guinée, à l’exception toutefois de la Polynésie orientale.

11.Les données linguistiques semblent indiquer que les Lapitas venaient du nord ou du centre de Vanuatu, ou des Îles Salomon orientales. Rapidement, ils se sont déplacés et ont colonisé Rotuma au nord et Tonga et Samoa à l’est. À partir de là, ils ont couvert de grandes distances pour achever la colonisation du Pacifique vers Hawaii au nord, Rapanui (île de Pâques) à l’est et Aotearoa (Nouvelle-Zélande) au sud.

12.Au contraire des îles de Polynésie, qui ont connu une évolution culturelle continue à partir de l’occupation initiale, les Fidji semblent avoir connu au moins deux périodes de bouleversements culturels rapides à l’époque préhistorique. Cette caractéristique peut être due à l’arrivée de nouvelles vagues d’immigrants, probablement originaires de l’ouest. Les préhistoriens ont constaté qu’une éruption volcanique importante, qui s’était produite dans le sud de Vanuatu au XIIe siècle, avait coïncidé avec la disparition d’un style particulier de poterie dans cette région et son apparition soudaine aux Fidji.

Mythes fidjiens et société traditionnelle

13.Avant d’avoir des contacts avec l’Occident, la population des Fidji, soit environ 140 000 personnes, était divisée en tribus ou clans, sans autorité centrale. Par tradition, la société fidjienne était dirigée par une caste de chefs, dotée d’un mana personnel considérable, qui leur venait de leur affinité généalogique avec les dieux. Les prêtres renforçaient la légitimité du puissant mana des chefs grâce à des cérémonies religieuses. La reconnaissance de leur parenté avec les divinités assurait la fertilité des terres et la prospérité du peuple. Ces attributs surnaturels sanctifiaient le pouvoir politique des chefs.

14.En théorie, chacun connaissait sa place dans la société et le peuple ne pouvait faire partie de l’élite établie; toutefois, au sein même de la classe des chefs, il arrivait souvent que des hommes importants se battent pour des titres en cas de succession incertaine et entraînent leur groupe de descendants dans de fréquentes guerres fratricides.

15.Les chefs contrôlaient également l’économie de la société fidjienne. Ils prenaient les décisions, déléguaient les responsabilités et contrôlaient la répartition des ressources agricoles et des biens matériels dans le cadre de cérémonies complexes dans lesquelles chacun jouait un rôle satisfaisant. L’arrivée de commerçants et d’aventuriers européens, au début du XIXe siècle, se traduisit par l’apparition de nouvelles armes et de nouveaux articles de luxe destinés à tenter l’aristocratie. Les îles acquirent rapidement une réputation de cannibalisme et de foyers de guerres tribales, aggravées par la présence européenne. Les armes à feu devinrent des articles précieux, qui, échangés contre du bois de santal et des bêche-de-mer, permettaient aux tribus côtières de s’attaquer aux tribus isolées de l’intérieur du pays pour s’emparer de leurs ressources plus monnayables.

16.Il y avait aux Fidji plusieurs puissantes confédérations autochtones, dirigées chacune par un chef attitré. Cakobau, homme férocement ambitieux, devint le chef de Bau, petite île d’une grande importance stratégique au large de Viti Levu. Combattant intraitable et grand tacticien, il utilisa son pouvoir pour obtenir un tribut des régions périphériques. Son pouvoir et sa puissance furent contestés par d’autres chefs coutumiers mais il put se renforcer grâce à un précieux stock d’armes obtenues dans le cadre des échanges qu’il réalisait avec les commerçants.

17.Le principal rival de Cakobau aux Fidji était Henele Maafu, un Tongan de haut rang arrivé jeune aux Fidji, comme de nombreux guerriers tongans en quête de gloire et de notoriété au combat. Maafu fit des alliances importantes dans la moitié orientale du groupe et étendit son pouvoir par la guerre, justifiant ses conquêtes par la nécessité de propager le méthodisme wesleyen, dont il était adepte. Maafu bénéficia de l’appui du Roi George Tupou Ier (Taufa’hau) de Tonga jusqu’à ce que les pressions américaines et britanniques aient raison de sa convoitise des Fidji. Tupou fut forcé d’abandonner ses vassaux mais Maafu réussit à s’emparer du gouvernorat de Lau, groupe d’îles riches en coprah, où il s’installa. Il exerça une influence considérable sur de grands chefs fidjiens, tout en étant détesté à cause de ses origines étrangères.

18.Malgré tout le succès qu’il a rencontré, Cakobau n’a jamais cessé d’être manipulé par les Européens avec lesquels il traitait. Miné par les dettes, il participa à des tractations manigancées par les colons blancs à leur propre profit. Il finit par céder aux pressions et par livrer les Fidji à la Grande‑Bretagne. Non sans réticence, Cakobau pensait que l’archipel était trop faible pour résister à la domination occidentale et se lamentait de ce que, sans changement, les Fidji ne seraient plus qu’un morceau de bois ballotté par l’océan, à la merci du premier venu.

19.Maafu partageait l’inquiétude croissante de Cakobau quant aux intentions des colons européens et, après avoir examiné cette question avec les commissaires britanniques, il finit par signer avec d’autres chefs les documents de cession, dont son rival, Cakobau, était à l’origine. Ces chefs fidjiens, qui avaient passé leur vie à guerroyer, savaient que leur autorité dépendrait de l’importance de leur nouveau rôle au sein du conseil des chefs, instance officialisée par le Gouverneur, Sir Arthur Gordon, qui s’était engagé à ce que le peuple fidjien soit gouverné, dans la mesure du possible, conformément aux pratiques traditionnelles. Le Gouverneur estimait que «les races autochtones avaient été honteusement exploitées dans d’autres régions de l’Empire colonial britannique». Une politique protectrice en matière de travail fut mise en œuvre pour garantir aux Fidjiens qu’ils n’auraient pas à travailler pour l’empire. Une solution fondée sur l’exemple d’autres colonies britanniques en Afrique et dans les Caraïbes fut trouvée: le recrutement à long terme de travailleurs engagés indiens.

Main-d’œuvre sous contrat

20.Les premiers Indiens arrivèrent aux Fidji à bord du Leonidas le 14 mai 1879. Le recrutement prit fin en 1916. Les Indiens apportaient la réponse au problème d’une offre de main‑d’œuvre en recul. De 1879 à 1919, 87 navires ont acheminé des travailleurs indiens aux Fidji, où ils effectuaient leurs cinq ans d’esclavage sous contrat. Les conditions de vie dans les plantations de canne à sucre étaient épouvantables. Après leurs cinq années de servitude, les Indiens recevaient un permis de résidence et ce n’est qu’au bout de cinq autres années qu’ils étaient en droit de regagner leur pays sans avoir à payer leur voyage. Ils étaient autorisés à louer aux Fidjiens de souche de petits lopins de terre sur lesquels ils cultivaient de la canne à sucre ou des légumes alors que d’autres devenaient marchands ambulants et montaient de petits commerces.

21.Les Indiens menaient une vie rude même après avoir achevé leur contrat, mais beaucoup d’entre eux mettaient leur savoir-faire traditionnel à profit pour gagner leur vie. Sur les 60 000 travailleurs indiens acheminés aux Fidji, 40 % environ retournèrent en Inde à l’expiration de leur contrat.

Politique coloniale de ségrégation

22.Pour éviter tout conflit dû au mécontentement des Fidjiens face à l’afflux de nouveaux immigrants, le gouvernement colonial institua une politique de séparation physique entre les Indiens et la population fidjienne. Des règles limitant les zones dans lesquelles les Indiens pouvaient s’installer sont restées en vigueur jusque dans les années 20.

23.L’administration coloniale encourageait le développement économique séparé des différentes communautés fidjiennes. Les Fidjiens étaient dissuadés de se lancer dans la production agricole commerciale, alors que les colons employaient des travailleurs indiens. L’administration coloniale s’est employée à concilier des objectifs contradictoires, à savoir protéger les intérêts des Fidjiens de souche tout en encourageant le développement à l’aide d’une main‑d’œuvre et de capitaux étrangers, d’où une profonde fracture ethnique qui continue de contrarier la vie politique fidjienne. Le recours à de la main-d’œuvre indienne sous contrat a permis d’exclure les Fidjiens de l’économie de plantation. Alors que de nombreux Indiens finirent par se retrouver à la tête d’exploitations agricoles, devinrent entrepreneurs et commerçants ou travailleurs intellectuels, la plupart des Fidjiens ont continué de vivre de l’agriculture de subsistance au sein de communautés rurales.

Le XX e siècle

24.Au XXe siècle, les Fidji font l’expérience de changements économiques majeurs et d’une maturation du système politique. C’est l’époque de la constitution d’une importante industrie sucrière, d’une industrie de traitement du coprah, de l’apparition du tourisme et d’industries secondaires. Aujourd’hui, au fur et à mesure de la diversification de l’économie et de la création de petites entreprises, l’économie s’affermit et les nouvelles sources de revenus permettent de développer les travaux publics, les infrastructures, les services de santé et l’éducation.

25.Les mutations récentes des communications et des transports maritimes et aériens ont renforcé la situation centrale du pays dans la région. À l’heure actuelle, les Fidji jouent un rôle prépondérant dans les affaires régionales et sont considérées comme un relais dans le Pacifique Sud.

Les Fidji, État démocratique

26.La République des Fidji est un État démocratique souverain. Colonie britannique depuis leur cession en 1874 jusqu’en 1970, année au cours de laquelle elles obtiennent leur indépendance, les Fidji deviennent une république en 1987 après deux coups d’État. En 1987, l’armée, sous la direction du lieutenant‑colonel Sitiveni Rabuka, s’empare du Parlement, un mois après l’instauration du premier gouvernement multiracial issu des urnes. Les chefs fidjiens de souche engagent alors des négociations afin de former un nouveau gouvernement plus acceptable; mais en novembre de la même année, Rabuka intervient de nouveau et prend le titre de premier ministre.

27. En 1990, le gouvernement de Rabuka promulgue une nouvelle constitution, qualifiée de raciste car elle pérennisait la domination du Parlement par les Fidjiens de souche. Elle prévoyait malgré tout le rétablissement d’une dose de démocratie et des élections sont alors organisées en 1992 et 1994. En même temps, et il y a lieu de le porter à son crédit, le Premier Ministre Rabuka met en place une commission de trois membres chargée de réviser la Constitution de 1990 et de mener des consultations sur l’ensemble du territoire.

28. La Commission de révision de la Constitution a soumis son rapport en 1996 et une nouvelle constitution, fondée sur ses recommandations, est adoptée en 1997, avec l’appui unanime du Parlement. Cette constitution est assortie d’une solide déclaration des droits. Elle institue un régime électoral plus équitable et exige le partage du pouvoir entre les principaux partis politiques. Les constitutionalistes internationaux la rangent parmi les constitutions les plus modernes du monde.

29.Mais lors des premières élections générales à se tenir depuis l’adoption de la nouvelle constitution, en 1999, le Parti de Rabuka et le principal parti d’opposition voient leur électorat s’effriter considérablement. C’est ainsi que de nouveaux dirigeants politiques sont apparus et que, pour la première fois, un Indo‑Fidjien, Mahendra Chaudhry, chef d’une coalition multiethnique, est élu Premier Ministre. Le gouvernement est renversé un an après son élection.

Tentative de coup d’État de mai 2000

30.Le 19 mai 2000 a lieu une tentative de coup d’état civil, appuyé par quelques militaires de l’unité anti‑insurrectionnelle des forces armées de la République des Fidji qui envahissent le Parlement et prennent en otage le Premier Ministre, Mahendra Chaudhry, et les membres de son gouvernement. Le Président déclare l’état d’urgence et entend proroger le Parlement pour une durée de six mois en vertu du paragraphe 2 de l’article 59 de la Constitution.

31.Le 29 mai, le commandant en chef des forces armées de la République des Fidji abroge la Constitution et prend le pouvoir. Le Président, Ratu Sir Kamisese Mara, est invité à se retirer. Le Vice‑Président, Tui Vuda Ratu Josefa Iloilo, est nommé Président par intérim. Un gouvernement provisoire, composé de 20 ministres et de 8 vice‑ministres, est constitué et Laisenia Qarase nommé Premier Ministre par intérim.

32.Le Grand Conseil des chefs se réunit pendant trois jours les 8, 9 et 13 mars 2001. Il nomme Ratu Josefa Iloilo Président et le chef Ratu Jope Seniloli de Bau Vice‑Président. Le 15 mars 2001, Tui Vuda Ratu Josefa Iloilo prête serment en qualité de troisième Président et de commandant en chef des forces armées des Fidji.

Gouvernement chargé d’expédier les affaires courantes et élections d’août 2001

33.Avant même que le gouvernement provisoire n’entre en fonction, une action tendant à en contester la légitimité a été engagée en justice par un agriculteur indo‑fidjien, Chandrika Prasad, qui avait fui son exploitation de peur d’être attaqué par des pillards fidjiens de souche.

34.Le 4 juillet 2000, Prasad attaque l’État en justice devant la High Court. Il demande que des engagements soient pris en faveur du maintien en vigueur de la Constitution de 1997 et que le gouvernement mis en place avant le coup d’État sous la direction de Mahendra Chaudhry demeure le gouvernement légal des Fidji. En novembre 2000, la Cour se prononce en faveur de Prasad. Elle est d’avis que la Constitution n’a pas été abrogée, mais que l’application en est temporairement suspendue, et ordonne le rétablissement du gouvernement Chaudhry. L’État fait recours devant la cour d’appel mais, en mars 2001, celle‑ci confirme la décision de la High Court.

35.Le gouvernement provisoire convoque des élections générales pour août et septembre 2001. Le Parti de Qarase, le Soqosoqo Ni Duavata Ni Lewenivanua (SDL), obtient la majorité des voix et Qarase retrouve le poste de Premier Ministre.

Suites judiciaires du coup d’État

36.Des dizaines de personnes ont été inculpées, jugées et condamnées pour des atteintes aux droits de l’homme et d’autres infractions commises à l’occasion du coup d’État et de la mutinerie de 2000.

37.Parmi les dirigeants autochtones les plus en vue inculpés en 2003 pour leur rôle dans le coup d’État figurent le Vice‑Président, Ratu Jope Seniloli, le Ministre, Isireli Leweniqila et le Vice‑Président du Parlement, Ratu Rakuita Vakalalabure. Un dirigeant régional, Ratu Inoke Takiveikata, est inculpé d’incitation à la mutinerie à l’état‑major de l’armée, suite au coup d’État.

38.George Speight, le dirigeant fidjien du coup d’État, est condamné à mort mais voit sa peine commuée en réclusion à perpétuité. Le Président, Ratu Josefa Iloilo, signe un décret portant commutation de la peine capitale infligée à Speight en réclusion à perpétuité après que celui‑ci, qui était accusé de trahison, eût plaidé coupable devant la High Court au début de son procès à Suva.

39.En juin 2004, l’ancien homme politique Timoci Silatolu et un journaliste, Jo Nata, accusés de trahison pour le rôle qu’ils avaient joué dans le coup d’État, sont condamnés à la réclusion à perpétuité. Les auteurs d’autres crimes commis à l’occasion du coup d’État continuent de jouir de l’impunité.

40.Les personnes qui ont participé aux attaques lancées contre les Indiens de Muaniweni lors du coup d’État de 2000 ont toutes été inculpées. Cependant, en février 2004, un magistrat a acquitté neuf Fidjiens de souche de la région de Muaniweni qui avaient été accusés de certaines des agressions racistes les plus violentes et les mieux documentées dont des familles indo‑fidjiennes avaient été victimes pendant le coup d’État. Les intéressés auraient été acquittés faute de preuves après que des témoins eurent soi‑disant subi des intimidations. Dix Fidjiens de souche soupçonnés d’avoir trempé dans le coup d’État sont acquittés pour des considérations tenant aux droits de l’homme parce qu’un témoin à charge cité par le procureur militaire ne s’est pas présenté à la barre.

III. POPULATION

41.La population se répartit comme suit: Fidjiens de souche, Rotumans (1,2 %), soit 53 % de l’ensemble de la population, et Indo‑Fidjiens, 40 %.

Bureau de statistique des îles Fidji – Principales statistiques (mars 2005)

2.4 Population estimative par origine ethnique, sexe et âge, au 31 décembre 2001

Groupe d'âge (en année)

Fidjiens

Indiens

Autres

Total

En %

Hommes

Femmes

Total

Hommes

Femmes

Total

Hommes

Femmes

Total

Hommes

Femmes

Total

0-1 an

5 488

5 130

10 618

2 380

2 293

4 673

508

431

939

8 376

7 854

16 230

2,0

1-2 ans

5 693

5 269

10 962

3 001

2 689

5 690

524

420

944

9 218

8 378

17 596

2,2

2-3 ans

5 331

5 014

10 345

2 601

2 481

5 082

476

434

910

8 408

7 929

16 337

2,0

3-4 ans

5 340

5 034

10 374

2 573

2419

4 992

463

395

858

8 376

7 848

16 224

2,0

4-5 ans

5 217

4 931

10 148

2 698

2 608

5 306

498

438

936

8 413

7 977

16 390

2,0

5-9 ans

26 167

24 575

50 742

16 221

15 376

31 597

2 687

2 534

5 221

45 075

42 485

87 560

10,7

10-14 ans

25 339

23 712

49 051

17 656

16 850

34 506

2 607

2 371

4 978

45 602

42 933

88 535

10,9

15-19 ans

23 035

21 803

44 838

18 010

16 893

34 903

2 478

2 423

4 901

43 523

41 119

84 642

10,4

20-24 ans

19 810

19 364

39 174

16 754

15 074

31 828

2 618

2 308

4 926

39 182

36 746

75 928

9,3

25-29 ans

17 034

16 957

33 991

14 394

13 060

27 454

2 550

2 317

4 867

33 978

32 334

66 312

8,1

30-34 ans

15 528

15 463

30 991

13 279

12 348

25 627

2 527

2 175

4 702

31 334

29 986

61 320

7,5

35-39 ans

14 268

13 933

28 201

12 736

12 215

24 951

2 321

1 967

4 288

29 325

28 115

57 440

7,0

40-44 ans

12 455

12 082

24 537

11 716

11 422

23 138

2 110

1 629

3 739

26 281

25 133

51 414

6,3

45-49 ans

10 290

10 020

20 310

9 806

9 872

19 678

1 831

1 417

3 248

21 927

21 309

43 236

5,3

50-54 ans

8 265

8 171

16 436

7 653

7 888

15 541

1 565

1 187

2 752

17 483

17 246

34 729

4,3

55-59 ans

6 590

6 676

13 266

5 489

5 979

11 468

1 174

901

2 075

13 253

13 556

26 809

3,3

60-64 ans

5 120

5 323

10 443

3 791

4 311

8 102

787

648

1 435

9 698

10 282

19 980

2,5

65-69 ans

3 671

3 995

7 666

2 440

2 935

5 375

514

449

963

6 625

7 379

14 004

1,7

70-74 ans

2 411

2 810

5 221

1 515

1 924

3 439

380

335

715

4 306

5 069

9 375

1,2

Plus de 75 ans

2 616

3 561

6 177

1 553

2 350

3 903

408

464

872

4 577

6 375

10 952

1,3

Total

219 668

213 823

433 491

166 266

160 987

327 253

29 026

25 243

54 269

414 960

400 053

815 013

100

Source: Bureau de statistique.

Fidjiens de souche

42.Les Fidjiens de souche, qui représentent actuellement 53 % de la population, constituent le groupe ethnique le plus nombreux des Fidji. Cette communauté est toutefois loin d’être homogène. Elle se compose de plusieurs ensembles ethnolinguistiques distincts, divisés en nombre de communautés, groupes et clans. Le développement inégal des zones rurales et des zones urbaines, des îles centrales et des îles éloignées a conduit à d’importantes disparités économiques au sein de la communauté autochtone. Périodiquement, des Fidjiens de souche de différentes régions arguent de leurs spécificités historiques et économiques pour demander davantage d’autonomie. Cette situation pose des problèmes considérables aux dirigeants politiques autochtones qui prônent la solidarité ethnique.

43.L’impression s’est répandue que les Fidjiens de souche constituaient le groupe le plus défavorisé du pays. Dans de nombreux domaines, qu’il s’agisse de la qualité des résultats scolaires, du commerce et d’autres secteurs économiques, les Fidjiens de souche sont sous‑représentés.

Les Indo ‑Fidjiens

44.Les Indo‑Fidjiens constituent la deuxième communauté ethnique du pays. Comme la communauté autochtone, la communauté indo‑fidjienne est loin d’être uniforme. Les premiers immigrants indiens sont arrivés aux Fidji comme travailleurs sous contrat. À la fin de leur contrat, nombre d’entre eux y sont restés comme fermiers à bail, cultivant la canne à sucre, tandis que ceux qui en avaient les moyens ont abandonné l’agriculture et sont devenus salariés, ont monté une petite affaire ou ont entrepris des études en vue d’exercer une profession intellectuelle. Pendant l’entre‑deux‑guerres est arrivé un nouveau groupe composé d’Indiens aisés originaires du Gudjarat, à la recherche de perspectives économiques. Dès la fin des années 60, les Indiens du Gudjarat disputaient aux Européens les rênes de l’économie. Les Indo‑Fidjiens qui vivent actuellement aux Fidji se considèrent généralement comme des membres de la communauté gudjarati ou comme des individus dont les familles sont arrivées comme travailleurs sous contrat. Il arrive que les deux groupes aient peu de considération l’un pour l’autre. La religion accentue les divisions au sein de la communauté indo‑fidjienne. Si la majorité des Indo‑Fidjiens sont hindouistes, cette communauté comprend aussi des chrétiens et des musulmans. La supériorité numérique des hindouistes crée une certaine tension. Les musulmans qui descendent d’immigrants originaires de l’Inde coloniale demandent périodiquement une représentation politique séparée.

La communauté banabane

45.La communauté banabane possède l’île Rabi, au large de Vanua Levu, où vivent la majorité de ses membres. Les Banabans sont originaires de l’île Océan (Banaba) située dans la colonie britannique des îles Gilbert et Ellice. Ils sont d’abord arrivés comme colons (1 003 personnes) en décembre 1945. La Commission britannique des phosphates, avec des fonds provenant du Banaban Trust Fund (Fonds d’affectation spéciale pour les Banabans), a acheté l’île Rabi au gouvernement colonial britannique des Fidji en vue d’y réinstaller les Banabans. De 1945 à 1995, la population de l’île Rabi est passée de 1 003 à plus de 5 000 personnes.

46.La situation critique des Banabans aux Fidji a son origine dans l’un des pires exemples d’exploitation coloniale du Pacifique Sud. La Pacific Islands Company (PIC) ayant découvert des phosphates à Banaban en 1900, a persuadé le Gouvernement britannique d’annexer cette île. En 1912, elle a acheté des terres à des prix extrêmement bas pour exploiter les phosphates. Elle a également créé le Banaban Trust Fund dans lequel elle déposait les redevances destinées à la communauté banabane. En 1916, l’île Océan (Banaba) a été rattachée à la colonie des îles Gilbert et Ellice sans consultation ni le consentement de la population. En 1920, les Gouvernements australien, britannique et néo‑zélandais ont acquis des participations dans la PIC à Banaba; l’industrie des phosphates a ensuite été gérée commercialement par la Commission britannique des phosphates. Au fil du temps, la PIC a étendu sa zone d’exploitation minière, détruisant les moyens de subsistance de la communauté, à laquelle elle a versé des indemnités extrêmement faibles.

47.Plus tard, des représentants britanniques et des chefs banabans ont signé une déclaration d’intention dans laquelle ils déclaraient que les Banabans vivraient dans l’île Rabi, aux îles Fidji. À la suite de cette déclaration, a été promulguée l’ordonnance de 1945 sur l’installation des Banabans qui prévoyait que l’île Rabi serait administrée par le Conseil de l’île de Rabi. Les Banabans résidant à Rabi étaient désormais assujettis à l’impôt fidjien et avaient droit aux services fournis par le Gouvernement des Fidji. La Commission britannique des phosphates a étendu son bail à toute l’île. L’ordonnance qui portait également création du Conseil d’administration du Banaban Trust Fund, a été remplacée par la loi sur l’installation des Banabans lorsque les Fidji ont accédé à l’indépendance.

48.Un accord de dédommagement n’ayant pu être trouvé, la communauté banabane a intenté une action en justice contre la Commission britannique des phosphates et le Gouvernement britannique. Les tribunaux ont reconnu le Gouvernement britannique coupable de négligence morale. Ce jugement obligeait le Gouvernement britannique et la Commission des phosphates à négocier un accord. Les Banabans ont reçu 10 millions de dollars fidjiens qui ont été placés dans un fonds réglementé par la loi sur l’installation des Banabans, garantie par la Constitution de 1997.

49.Disposant de ses propres fonds de développement, cette communauté minoritaire a, de ce fait, été dans une large mesure exclue du processus de développement général. Depuis les années 80, tous les indicateurs concernant le bien‑être social de cette communauté sont nettement à la baisse.

La communauté chinoise

50.La présence chinoise aux Fidji remonte au milieu du XVIIIe siècle lorsque des Chinois à la recherche de bêche‑de‑mer et de santal, produits très prisés en Chine, atteignirent la région. Le nombre de Chinois présents aux Fidji a augmenté au lendemain de la Première Guerre mondiale. Dans les années 20 et 30, les nouveaux arrivants ont fourni la main‑d’œuvre de l’industrie d’exportation de la banane alors en pleine expansion. Nombre d’entre eux se sont mis par la suite à cultiver la banane et d’autres produits sur des terres louées à bail. Une autre vague d’immigrés chinois est arrivée aux Fidji dans les années 30 et 40. Pour la première fois, de nombreux Chinois ont demandé la nationalité fidjienne. À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la communauté chinoise s’est agrandie progressivement. Toutefois, l’indépendance des Fidji ayant suscité chez de nombreux Chinois un sentiment d’insécurité, près de 20 % d’entre eux ont quitté l’archipel entre 1968 et 1974.

51.Dès les années 40, les Chinois ont commencé à pénétrer le secteur du commerce, principalement comme commerçants indépendants. Au milieu des années 70, la communauté était fermement établie dans le commerce de détail et dans d’autres secteurs. Des Chinois ont aussi réussi dans des emplois salariés. En 1996, plus de 40 % des membres économiquement actifs de la communauté étaient employés comme rédacteurs de textes normatifs, travailleurs intellectuels, cadres et techniciens supérieurs, contre 15 % des Fidjiens de souche et 22 % des Indo‑Fidjiens.

52.Ces résultats reflètent le niveau d’études élevé des Chinois, par rapport à celui des Fidjiens de souche et des Indo‑Fidjiens. En 1996 par exemple, 18,5 % des Chinois adultes étaient titulaires d’un diplôme d’études supérieures contre 6,5 % des Indo‑Fidjiens et moins de 5 % des Fidjiens de souche, les familles chinoises portant un vif intérêt aux études supérieures.

53.Malgré sa réussite économique générale, la communauté chinoise reste politiquement marginalisée, ce qui explique en partie ses très forts taux d’émigration. Toutefois, depuis le début des années 90, on estime que 2 500 Chinois ont immigré aux Fidji. D’une manière générale, le statut de la communauté chinoise est différent de celui des autres petites communautés. Sa réussite dans les études et les affaires lui a ouvert des possibilités d’émigration. La communauté chinoise jouit certes d’une représentation politique au mieux marginale, mais elle dispose de revenus élevés et gère ses propres établissements d’enseignement et institutions culturelles. Sa position économique relativement meilleure que celle des autres communautés et un taux d’émigration supérieur ont été des soupapes de sécurité pendant les périodes de troubles politiques. Si l’on veut que la société fidjienne dans son ensemble tire parti des énergies et des ressources des membres de cette communauté dynamique, la Constitution et l’action publique devraient encourager leur sentiment d’appartenance en tant que citoyens à part entière.

La communauté rotumane

54.Rotuma est une île excentrée qui se trouve approximativement à 500 km au nord de Viti Levu et de Suva. Elle a été officiellement cédée à la Grande‑Bretagne en 1881 après qu’eurent éclaté des «guerres» religieuses entre deux groupes: les catholiques romains et les méthodistes wesleyens. Cela a amené les chefs rotumans à demander à la Grande‑Bretagne d’annexer l’île. La Grande‑Bretagne a toutefois décidé, en 1881, que Rotuma serait administrée par l’intermédiaire du Colonial Office des Fidji. À cause des perspectives limitées sur les plans économique et éducatif, les Rotumans ont débarqué à Viti Levu dès le début de l’ère coloniale pour y étudier et y chercher du travail. En 1981, la population rotumane totale comptait 8 078 individus, dont 2 578 seulement, soit 32 %, vivaient à Rotuma contre 3 235, soit 56 %, en 1966. La proportion de Rotumans vivant à l’extérieur de l’île ne cesse d’augmenter.

55.Les mouvements migratoires ont toutefois changé. Dans les années 30, les Rotumans quittaient Rotuma principalement pour travailler dans les mines d’or. Depuis peu, ils quittent leur île pour faire des études supérieures à Viti Levu et exercer des professions hautement qualifiées. En 1996, près du tiers des Rotumans exerçaient une profession en rapport avec le droit, avec la technique ou encore une profession intellectuelle, soit bien plus que les Indo‑Fidjiens et les Fidjiens de souche. Il est à noter que les Rotumans sont proportionnellement plus nombreux que les Fidjiens de souche à achever des études supérieures. Les Rotumans ont toutefois l’impression que les gouvernements qui se sont succédé ont négligé leur communauté. Ils invoquent l’irrégularité des liaisons maritimes avec l’île, l’insuffisance des infrastructures et le manque de perspectives économiques et éducatives qui en découle, certains de ces éléments étant dus à l’influence marginale de l’île sur le processus national de prise de décisions.

56.La Constitution de 1997 prévoit plusieurs mécanismes grâce auxquels la communauté peut élargir son influence politique. Elle garantit aux Rotumans un siège au Parlement et prévoit la nomination d’un sénateur rotuman. En outre, les sièges non réservés donnent l’occasion aux membres de la communauté qui vivent sur les îles principales d’influer sur le résultat des élections. Par ailleurs, la loi sur Rotuma et la loi sur les terres des Rotumans ont été garanties par la Constitution. Enfin, les dispositions de la Constitution relatives à la justice sociale prévoient des mesures visant à améliorer la protection sociale et la situation économique des personnes les plus défavorisées de la communauté, notamment celles qui vivent à Rotuma.

Les communautés européenne et d’origine en partie européenne

57.L’origine des communautés européenne et d’origine en partie européenne aux Fidji remonte au début du XIXe siècle, lorsque des colons ont commencé à y établir des comptoirs. Après la colonisation, ces communautés ont vu leur nombre s’accroître à mesure que les perspectives commerciales se développaient. Pendant toute la période coloniale, elles ont joui d’une situation relativement privilégiée grâce à leur position dominante dans le commerce et l’administration coloniale. Elles ont joui également d’une représentation directe au sein de l’Assemblée législative coloniale.

58.La Constitution de 1970 a garanti à la communauté européenne un niveau de représentation politique démesuré par rapport à son importance démographique. Depuis, les Européens ont surtout soutenu le Parti de l’Alliance et leurs élus ont été bien représentés au sein du Gouvernement à des postes de responsabilité. La Constitution de 1990 a réduit la représentation de la communauté européenne, ce qui a suscité parmi ses membres des préoccupations quant à leur identité et leur appartenance.

59.Globalement, la communauté européenne continue d’avoir les revenus les plus élevés. Près de la moitié de la population européenne et d’origine en partie européenne économiquement active exerce une profession en rapport avec le droit, avec la technique ou encore une profession intellectuelle bien rémunérée. Les taux d’émigration des Européens, qui suivent la tendance des communautés chinoise et indo‑fidjienne, sont les plus élevés de toutes les communautés minoritaires.

Les communautés mélanésiennes

60.Les communautés mélanésiennes se composent de descendants d’habitants des Îles Salomon et de l’archipel de Vanuatu amenés aux Fidji au début du XIXe siècle pour y travailler comme esclaves. La plupart des Mélanésiens vivent dans des communautés relativement fermées à Suva, Lautoka et Levuka. Plus de 60 % des ménages mélanésiens vivent au‑dessous du seuil officiel de pauvreté. Un tout petit nombre de personnes seulement exercent des activités bien rémunérées, sont titulaires d’un diplôme d’études supérieures ou sont hautement qualifiées.

L’émigration récente des personnes qualifiées

61.La nation souffre beaucoup de l’émigration récente de travailleurs intellectuels spécialisés. Les chiffres donnés par le Bureau de statistique sont présentés ci‑dessous.

Émigration de ressortissants fidjiens, par professionde 1997 à août 2004

Profession

1977

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

Travailleurs intellectuels, technicienset assimilés

502

578

658

823

977

802

795

414

Employés administratifs etgestionnaires

230

290

258

371

398

368

384

269

Employés de bureau, superviseurs etassimilés

349

464

425

479

544

521

518

309

Vendeurs

137

116

139

140

151

127

134

118

Personnel de service

94

95

115

109

119

128

119

93

Agriculteurs, éleveurs, agents forestiers et pêcheurs

74

112

98

102

111

90

85

66

Agents de production, des transports,opérateurs de machines et ouvriers

486

476

451

469

554

489

570

409

Travailleurs inclassables

2 621

2 698

2 693

2 782

3 462

2 955

3 166

2 188

Total

4 493

4 829

4 837

5 275

6 316

5 480

5 771

3 866

Migration nette

2003

Janvier−juin 2004

Fidjiens

-1,603

-205

Indiens

-7,160

-908

Autres

-2,373

1,492

Total

-11,136

379

Source: Bureau de statistique, 2002, 2005.

IV. LE TERRITOIRE

Administration des terres

62.Le régime foncier des Fidji résulte de l’Acte de cession (Deed of Cession), dont la partie concernant la propriété foncière se lit comme suit:

«Que le droit de propriété absolu sur toutes les terres dont rien n’indique qu’elles sont devenues par aliénation la propriété légitime d’Européens ou d’autres étrangers ou qu’elles sont utilisées ou occupées effectivement par un chef ou une tribu ou qu’elles sont réellement nécessaires pour assurer l’existence et l’entretien futurs d’un chef ou d’une tribu, appartient en vertu du présent Acte, à Sa Majesté, ses héritiers et ses successeurs.».

63.En vertu de l’Acte de cession, la Couronne était le propriétaire absolu ou le «dernier héritier» de toutes les terres des Fidji, à l’exception des terres privées détenues en pleine propriété et des terres autochtones définies comme étant des terres utilisées ou occupées effectivement par des chefs et leurs sujets, ainsi que des terres dont les chefs et leurs sujets peuvent effectivement avoir besoin de temps en temps pour assurer leur existence et leur entretien. La Commission des terres, créée peu après la cession, a établi un état de la propriété foncière qui a fort peu changé depuis. Elle a statué sur les revendications formées par les Européens et les autres étrangers qui, avant la cession, avaient acquis des terres de bonne foi. Elle a également reconnu le régime de protection de la propriété foncière autochtone − la principale unité de propriété foncière de la société fidjienne correspondant aux terres d’un clan ou mataqali.

64.Aux Fidji, 8 % seulement (167 945 hectares) des terres sont détenues en pleine propriété à titre privé, 2 % appartiennent à l’État (elles sont toujours qualifiées de terres de la Couronne), les 90 % restants étant des terres autochtones. À cet égard, la situation des Fidji contraste avec celle de nombreux autres pays où les propriétaires autochtones ont été dépossédés de leurs terres par la colonisation.

65.Les terres autochtones sont administrées par le Conseil d’administration des terres autochtones (Native Lands Trust Board) (NLTB) créé en 1940 par la loi sur l’administration des terres autochtones. Les terres autochtones ne peuvent être aliénées par une vente. Le NLTB administre les terres dont les membres d’un mataqali n’ont pas besoin et est habilité à louer les terres sans le consentement du mataqali. Certaines terres excédentaires ont été utilisées historiquement pour la canne à sucre et d’autres cultures, généralement par les descendants des travailleurs engagés indiens. Plus récemment, des terres côtières ont été utilisées à des fins touristiques.

66.En avril 2002, le Parlement a adopté des amendements à la loi sur les terres autochtones et à la loi sur l’administration des terres autochtones. Ces amendements facilitent le transfert de terres de l’État au Conseil d’administration des terres autochtones pour le compte des Fidjiens sans terres, appelés à recevoir des terres qui n’ont pas été réclamées lors de la cession, et le transfert aux unités de propriété foncière tribales (yavusa) des terres claniques plus petites des mataqali qui étaient complètement éteints au moment de la cession. Ces deux textes de loi prévoyant le transfert au NLTB des terres publiques A et B ont été déposés par le gouvernement SVT de Sitiveni Rabuka (en février 1999) et étaient examinés par la Commission parlementaire mixte en mai 1999 au moment des élections générales. Ils avaient également été soumis au Parlement par le gouvernement de coalition de Mahendra Chaudhry, en octobre 1999, et étaient examinés par la Commission parlementaire mixte lorsqu’a eu lieu la tentative de coup d’État.

67.Les terres publiques A sont des terres qui appartenaient à des mataqali éteints et qui étaient contrôlées et administrées par l’État. Lorsque l’ordonnance relative aux terres autochtones a été promulguée en 1880, la Couronne avait déjà prévu le cas où un mataqali s’éteindrait. L’article 13 se lisait comme suit:

«Si un mataqali cesse d’exister du fait de son extinction, les terres en déshérence échoient à la Couronne qui les attribue au qali dont elles faisaient partie ou à tout autre groupe de personnes qui pourrait y prétendre, les conserve ou en dispose comme le Gouverneur le juge utile.».

La Commission foncière a établi que certaines terres, qui étaient inoccupées lors de la cession, n’avaient fait l’objet d’aucune revendication valable. Après la cession, l’administration coloniale britannique, au nom de la Couronne britannique, a adopté d’emblée une attitude bienveillante. Les Fidjiens ont reçu l’assurance que «leurs terres étaient à eux et ne leur seraient jamais enlevées». La Couronne n’a pas revendiqué cette catégorie de terres mais, pour des raisons administratives, elle s’est vu confier le soin de contrôler les terres B car il n’y avait à l’époque pas d’autre organe qui puisse veiller sur les intérêts des propriétaires des terres autochtones.

68.Le transfert aide l’État à s’acquitter pleinement et rapidement de l’obligation qui lui incombe en vertu du paragraphe 1 de l’article 18 de la loi sur l’administration des terres autochtones. Cet article dispose que «[s]i le Président est convaincu que les terres appartenant à un mataqali sont insuffisantes pour l’usage et l’entretien de ses membres, il peut, par proclamation, lui réserver les terres de la Couronne ou les terres acquises pour le compte ou au nom de Fidjiens, dont il estime qu’elles sont nécessaires à l’usage et à l’entretien de ce mataqali. Toutes les terres mises ainsi de côté seront considérées comme constituant une réserve autochtone». Toutes les revendications qui portent sur les terres de mataqali éteintsou des terres inoccupées, émanant de Fidjiens sans terres ou n’ayant pas assez de terres pour subvenir à leurs besoins, peuvent dès lors être traitées par un seul organisme, le NLTB et non plus, comme c’était le cas jusqu’à présent, par le NLTB et le Ministère des terres.

69.Après la promulgation, en 1940, de la loi sur l’administration des terres autochtones (ch. 134) et la création du Conseil d’administration des terres autochtones (NLTB), il aurait été raisonnable que la Couronne transfère au NLTB le soin d’administrer les terres publiques A et B. Tel n’a pas été le cas, d’où une anomalie dans l’administration des terres, à laquelle le transfert devrait maintenant remédier. Ces terres seront attribuées par le NLTB aux Fidjiens qui n’ont pas assez de terres pour subvenir à leurs besoins et aux Fidjiens sans terres. D’après les dossiers de la Commission des terres autochtones, quelque 223 tokatoka et mataqali répartis dans sept provinces des Fidji ne possèdent pas de terres. Le tableau ci‑dessous donne des précisions à ce sujet:

Renseignements sur les mataqali sans terres

Province

Nombre de tokatoka/mataqali

Hommes

Femmes

Total

Cakaudrove

1

3

0

3

Macuata

10

124

100

224

Lomaiviti

98

1 290

1 190

2 480

Rewa

1

3

11

14

Nadroga

12

117

121

238

Ba

59

872

784

1 656

Ra

42

454

451

905

Total

223

2 863

2 657

5 520

70.Les autochtones restent propriétaires des terres autochtones et les terres agricoles sont administrées conformément à la loi de 1976 sur les propriétaires et locataires de terres agricoles. Quelques terres autochtones ont été louées à bail à des fins agricoles pour une durée de neuf cent quatre‑vingt‑dix‑neuf ans ans. Les terres de l’État sont régies par la loi sur les terres de la Couronne et administrées par le Département des terres et des relevés du Ministère des terres. Toutefois, les «terres autochtones» ne sont pas la propriété des Fidjiens autochtones au sens d’un droit de pleine propriété tel qu’on l’entend dans la société contemporaine. Elles sont simplement administrées pour le compte de la communauté, ce qui signifie qu’un Fidjien ordinaire ne peut les vendre ou les affecter à la garantie d’un prêt. Elles ne sont pas détenues à titre individuel et ne peuvent jamais être considérées comme un bien personnel car aucun titre individuel de propriété ne s’y attache.

71.Aux Fidji, comme dans d’autres sociétés de par le monde, la terre occupe une place spéciale. Les Fidjiens ont le sentiment d’appartenir à la terre (vanua) et d’être en interaction avec elle. Dans la langue fidjienne, les Fidjiens se désignent par le terme taukei, et kai vanua signifie littéralement «peuple de la terre» et «propriétaire». Comme tant d’autres groupes autochtones, les Fidjiens considèrent que la terre est sacrée et empreinte de spiritualité. Philosophiquement et spirituellement, les Fidjiens sont profondément convaincus qu’ils doivent prendre soin de la terre. Ils considèrent qu’une génération a, à l’égard de la terre, une responsabilité liée à l’esprit de ses ancêtres et aux attentes de ses descendants, sans parler de ses propres besoins.

72.Quelque 420 000 hectares de terres autochtones sont loués à 24 700 personnes qui les utilisent à des fins agricoles, commerciales ou industrielles.

Province

Terres en pleine propriété

Terres administrées par l’État

Terres autochtones

Terres autochtones louées

Total

Superficies

Pourcentages

Ba

10 323

34 525

203 505

77 706

38

248 354

Bua

17 725

286

117 086

33 144

28

135 097

Cakaudrove

50 512

4 483

216 454

22 711

10

271 449

Kadavu

1 717

51,05

45 328

2 188

5

47 096

Lau

4 490

315,65

44 933

1 133

3

49 738

Lomaiviti

5 583

678

29 903

2 551

9

36 164

Macuata

12 595

4 054

178 230

67 475

38

194 880

Nadroga/Navosa

6 205

3 752

206 578

45 236

22

216 536

Naitisiri

7 343

4 290

144 414

21 000

15

156 047

Namosi

386

11 241

52 894

3 945

7

64 521

Ra

5 815

2 145

98 682

29 289

30

106 642

Rewa

2 661

344

21 380

1 483

7

24 385

Serua

12 297

98,62

45 303

28 553

63

57 699

Tailevu

4 437

1 364

86 434

23 059

27

92 234

Source: Conseil d’administration des terres autochtones, cité sur le site http://www.nltb.com.fj.

Note: Les terres autochtones louées ne comprennent pas les concessions d’exploitation forestière qui représentent une superficie d’environ 304 000 hectares. Données mises à jour en 2004.

73.Les terres agricoles étaient louées à bail pour trente ans conformément à la loi sur les propriétaires et locataires de terres agricoles, le loyer étant fixé à 6 % de la valeur monétaire brute des terres. Quelque 13 140 baux agricoles devaient expirer à partir de 1997 et la majorité d’entre eux (3 459) ont effectivement expiré entre 1999 et 2000. Sous le gouvernement de coalition dirigé par Mahendra Chaudhry en 1999, la loi sur les propriétaires et locataires de terres agricoles est devenue la cause de vives controverses car certains propriétaires autochtones ont cherché à récupérer leurs terres. Le gouvernement a offert aux fermiers dont les baux avaient expiré et qui ne souhaitaient pas être réinstallés une indemnité de 28 000 dollars. Cette somme a suscité des objections car elle était bien souvent sensiblement supérieure à la somme des loyers perçus par les propriétaires pendant les trente dernières années des baux de cinquante ans.

74.Des terres autochtones ont également été mises à la disposition de grandes entreprises hôtelières et autres qui créent des sources de revenus pour des milliers de personnes. Des propriétaires ont également retiré un avantage de la location de leurs terres. Le montant des loyers s’élève actuellement à plus de 12 millions de dollars par an et devrait encore augmenter dans les années à venir.

75.L’incertitude due à la compétition foncière entraîne une situation politique instable et explosive, une certaine insécurité concernant la propriété foncière, l’environnement et, partant, les institutions. Cette incertitude, conjuguée à d’autres problèmes, est à l’origine du coup d’État avorté de George Speight qui a eu lieu le 19 mai 2000. Les efforts déployés par le gouvernement de coalition de Mahendra Chaudhry pour conserver la loi sur les propriétaires et les locataires de terres agricoles contre le vœu de nombreux propriétaires autochtones à qui le NLTB conseillait de réclamer des modalités de location plus équitables et plus souples en vertu de la loi sur l’administration des terres autochtones ont favorisé les événements qui ont conduit au coup d’État. La période précédant le coup d’État a donné lieu à de nombreuses diatribes enflammées et mal informées. Le gouvernement soutenait naïvement une solution proposée par les locataires, tandis que les propriétaires considéraient la loi sur les propriétaires et les locataires de terres agricoles comme une menace pour leurs droits de propriété. Ils avaient légitimement le droit et la prérogative de récupérer leurs terres. Les propriétaires ont estimé que le gouvernement Chaudhry cherchait à remettre leurs droits en cause et s’efforçait de maintenir autocratiquement le statu quo favorable aux locataires (aux Indiens en l’occurrence).

76.Pour sortir de l’impasse actuelle et remédier aux problèmes que posent les contrats de location de terres agricoles passés en vertu de la loi sur les propriétaires et les locataires de terres agricoles consacrées à la canne à sucre, deuxième source de recettes d’exportation des Fidji, qui est cultivée principalement par des fermiers indo‑fidjiens, il faut trouver un équilibre entre, d’une part, les besoins des unités de propriété foncière fidjiennes dont les terres sont actuellement louées pour produire de la canne à sucre et, d’autre part, les besoins des fermiers locataires de terres autochtones dont les baux expirent entre 1997 et 2024.

77.Le gouvernement a constitué une équipe spéciale, composée de représentants des différentes parties prenantes dans l’industrie sucrière, à savoir le Conseil d’administration des terres autochtones, le Conseil des cultivateurs de canne à sucre et la Société sucrière des Fidji, dont le principal objectif est de parvenir à un arrangement amiable qui permette de sortir de l’impasse créée par la loi sur les propriétaires et les locataires de terres agricoles et à la loi sur l’administration des terres autochtones.

78.Un sous‑comité de l’équipe spéciale a également été constitué afin de s’acquitter des tâches suivantes:

Faciliter l’élaboration rapide de contrats de bail;

Accorder dans les meilleurs délais des contrats pour la culture de la canne à sucre;

Établir les formulaires de candidature pour bénéficier du programme d’aide à l’agriculture;

Sensibiliser davantage les propriétaires fonciers et les anciens locataires au titre de la loi sur les propriétaires et les locataires de terres agricoles aux programmes d’aide à l’agriculture et de réinstallation.

79.Le Gouvernement est résolu à faire en sorte que la solution mise au point soit acceptable, juste et équitable à la fois pour les propriétaires et pour les exploitants.

80.À cette fin, le Département a organisé en octobre 2001 trois réunions de consultation avec les parties prenantes, notamment le Conseil d’administration des terres autochtones, le Bureau des affaires fidjiennes, le Roko Tuis, le service de développement régional, le Ministère de l’agriculture, du sucre et de la réinstallation, la jeunesse et les sports, et la Société sucrière des Fidji, par circonscription administrative, afin de mettre au point un mécanisme qui permettrait au Bureau des affaires fidjiennes/Roko Tuis de jouer un rôle de chef de file dans la mise sur pied d’équipes spéciales provinciales chargées de prendre des initiatives pour régler la question liée à l’expiration des baux conclus en vertu de la loi susmentionnée et faire mieux connaître aux communautés rurales les programmes d’aide à l’agriculture et de réinstallation. Cette action contribuera à apaiser le sentiment d’insécurité qui préoccupe actuellement notre secteur agricole.

81.La loi sur la conservation et l’amélioration des terres prévoit la création d’un conseil de la conservation des terres, chargé principalement d’exercer une supervision générale sur les ressources foncières et les ressources en eau des Fidji. Cette loi est très importante car elle atteste de la volonté des Fidji d’œuvrer aux niveaux global et régional pour assurer l’utilisation durable de leurs terres et de leurs ressources en eau. C’est dans cet esprit que les Fidji ont signé divers accords et conventions internationaux tels que la Déclaration de Rio, l’Agenda 21, la Convention‑cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique. Le Ministère de l’agriculture assure la coordination des mesures prises dans le cadre des Nations Unies pour lutter contre la désertification et la dégradation des sols aux Fidji. Le Ministère des ressources foncières et minérales est très attaché à l’action positive et à l’utilisation durable des ressources foncières et des ressources en eau, comme en témoigne son programme de planification participative de l’utilisation des sols qui respecte les limites ancestrales des tikina ou des districts. Il s’agit de favoriser la participation et l’appui des unités de propriété foncière à la planification, à la prise de décisions et à l’utilisation durable de leurs ressources afin qu’elles en tirent le meilleur parti possible. Pour aboutir à un plan participatif d’utilisation des sols bien conçu, il faut au préalable analyser diverses données biophysiques et socioéconomiques. L’accent est actuellement mis sur le projet pilote de plan participatif d’utilisation des sols du tikina de Nagonenicolo.

V. STRUCTURE POLITIQUE GÉNÉRALE

A. Le pouvoir législatif

La Constitution

82.La loi de 1997 portant modification de la Constitution de 1990 est entrée en vigueur le 25 juillet 1998. L’adoption de la nouvelle Constitution en octobre 1997 a permis aux Fidji d’être réadmises au sein du Commonwealth, dont elles avaient été exclues à la suite des deux coups d’État de 1987, et de rétablir des relations stables avec de nombreux partenaires commerciaux et diplomatiques. La Constitution de 1997 attache une importance considérable aux droits fondamentaux, aux libertés et à la représentation et est conforme aux principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits fonciers, aux coutumes, aux traditions et au patrimoine culturel.

Textes constitutionnels adoptés depuis l’indépendance

83.Depuis qu’elles ont obtenu leur indépendance du Royaume‑Uni en 1970, les Fidji ont eu trois constitutions. Le premier de ces textes figure en annexe de l’ordonnance de 1970 sur l’indépendance prise le 30 septembre 1970 par la Reine en Conseil des ministres, après l’adoption par le Parlement britannique, le 23 juillet 1970, de la loi de 1970 sur l’indépendance des Fidji. Les constitutions revêtent une plus grande importance dans les sociétés pluralistes, comme c’est le cas aux Fidji, qu’ailleurs; en effet, au cours de la période de formation de la nation, elles fixent un cadre général pour le développement de relations entre les divers groupes communautaires et, surtout, elles sont révélatrices du mode de pensée et des attitudes de la communauté autochtone majoritaire (qui estime avoir un droit inhérent d’exercer une domination politique) à l’égard des autres communautés, ainsi que des problèmes inhérents au communautarisme et à l’édification de la nation. La Constitution de 1970 a été rédigée alors que, d’après le recensement de 1966, les Fidjiens représentaient 42,4 % de la population, soit moins, à l’époque, que les Indo‑Fidjiens.

84.À ce moment‑là, les Indiens détenaient, comme aujourd’hui, la plus grande part du pouvoir économique et commercial. On craignait qu’ils ne prennent le contrôle du pays s’ils obtenaient l’égalité des droits politiques. Cette crainte fut prise en compte par les responsables coloniaux britanniques qui instaurèrent un système fondé sur la division, la représentation communautaire et des listes électorales communautaires. À l’époque comme à l’heure actuelle, les différentes communautés étaient représentées par des personnes qui en sont issues.

85.L’une des caractéristiques importantes de la Constitution de 1970 réside dans le fait qu’elle contient des dispositions visant à protéger ce qui touche aux terres et aux coutumes des Fidjiens de tout empiètement parlementaire. En vertu de l’article 68 de la Constitution de 1970, les neuf lois qui régissent les terres et les institutions autochtones ne peuvent être modifiées que par un amendement adopté à la majorité des trois quarts par la Chambre des représentants et, si l’amendement concerne les terres, les coutumes ou les droits coutumiers des Fidjiens, par au moins six des huit sénateurs désignés par le Bose Levu Vakaturaga.

86.La Constitution de 1970 a été abrogée à l’occasion d’un coup d’État sans épanchement de sang du 14 mai 1987 organisé par le lieutenant‑colonel Sitiveni Rabuka.

87.La deuxième Constitution a été promulguée le 25 juillet 1990 en vertu d’un décret pris par Ratu Sir Penaia Ganilau, premier Président de la République des Fidji. Elle était censée rétablir le régime parlementaire après les coups d’État militaires de 1987. En vertu des dispositions mêmes de la Constitution, elle devait être révisée dans un délai de sept ans à compter de la date de sa promulgation; en 1995, le Président nomma une commission de révision composée de trois membres. Sir Paul Reeves, ancien Gouverneur général de la Nouvelle‑Zélande et archevêque anglican, fut nommé Président de cette commission, également composée de M. Tomasi Vakatora, Fidjien de souche et ancien Président du Parlement des Fidji, et de M. Brij Lal, Indo‑Fidjien et professeur à l’Australian National University.

La Commission de révision de la Constitution

88.La Commission de révision de la Constitution avait reçu pour mandat de réviser la Constitution «afin de promouvoir l’harmonie raciale et l’unité nationale, ainsi que le progrès économique et social de toutes les communautés», compte tenu des normes internationales relatives aux droits de l’homme. Le 6 septembre 1996, la Commission présenta au Président de la République son rapport intitulé «Les îles Fidji: vers l’avenir dans l’union». Dans ce rapport, elle recommandait le maintien des 70 sièges au Parlement, dont 45 devaient toutefois pouvoir être brigués par des représentants de toutes les races. Elle recommandait aussi de réserver 12 sièges à la communauté fidjienne, 10 aux Indiens, 2 aux électeurs divers et 1 aux Rotumans.

89.Le 10 septembre 1996, le Premier Ministre a créé une commission parlementaire mixte spéciale, composé de 25 membres, afin d’examiner le rapport de la Commission de révision. La commission parlementaire a adopté 577 des 694 recommandations contenues dans le rapport de la Commission, en a modifié 40 et rejeté 77.

Le Parlement

90.Le Parlement fidjien fonctionne, dans une large mesure, selon les règles et les coutumes du régime parlementaire britannique. Les trois constitutions prévoient un parlement bicaméral, composé d’une chambre des représentants élue et d’un sénat nommé. La composition actuelle de la Chambre des représentants est dictée par la composition ethnique et la répartition de la population. À cet égard, la Commission électorale, établie en vertu de l’article 75 de la Constitution de 1997, fixe les limites des circonscriptions électorales pour l’élection des titulaires des sièges communautaires et des sièges non réservés.

91.Le Président nomme les 32 sénateurs. Le Sénat n’a pas l’initiative des lois et ne peut s’opposer à l’adoption d’un texte législatif; il n’est habilité qu’à débattre des projets de loi dont il peut retarder l’adoption. Quatorze sénateurs sont des Fidjiens de souche nommés sur avis du Grand Conseil des chefs, 9 le sont sur avis du Premier Ministre, 8 sur avis du chef de l’opposition, et 1 sénateur est un Rotuman nommé sur avis du Conseil de l’île de Rotuma.

Le Parlement issu de la Constitution de 1970

92.En vertu de la Constitution de1970, la Chambre des représentants se composait de 52 membres élus, soit 12 Fidjiens, 12 Indiens et 3 députés élus par les électeurs divers (élusrespectivement sur les listes électorales fidjienne, indienne et celle des électeurs divers) et10 Fidjiens, 10 Indiens et 5 membres élus par les électeurs divers (élus sur les listes électorales nationales).

93.Le Sénat se composait de 22 membres, dont 8 étaient désignés par le Bose Levu Vakaturaga, 1 par le Conseil de Rotuma, 7 par le Premier Ministre et 6 par le chef de l’opposition.

Le Parlement issu de la Constitution de 1990

94.La Chambre des représentants constituée en vertu de la Constitution de 1990 comptait 72 membres, soit un de plus que la Chambre prévue par la Constitution de 1997. Elle était composée comme suit: 37 Fidjiens (dont 32 élus dans lescirconscriptions rurales et 5 dans les centres urbains), 27 Indiens, 1 Rotuman et 5 élus appartenant à d’autres groupes ethniques. Le Sénat était composé de 34 membres, dont 24 nommés par le Bose Levu Vakaturaga, 1 par le Conseil de Rotuma et 9 par le Président. Enfait,ces neuf membres appartenaient à d’autres groupes ethniques.

Le Parlement issu de la Constitution de 1997

95.La Chambre des représentants se compose de 71 membres, dont 25 sont élus sur des listes électorales ouvertes et 46 sur des listes électorales communautaires (ethniques). Les candidats aux 25 sièges non réservés peuvent appartenir à n’importe quel groupe ethnique. Les 46 sièges communautaires sont attribués comme suit: 23 à des Fidjiens,19 à des Indiens, 1 à unRotuman et 3 aux électeurs divers. Les membres de la Chambre Haute, ou Sénat, sont nommés par lePrésident comme suit: 14 membres sur avis du Bose Levu Vakaturaga, 9 sur avis du Premier Ministre, 8 sur avis du chef de l’opposition et 1 sur avis du Conseil de l’île de Rotuma.

B. Le pouvoir judiciaire

96.Le pouvoir judiciaire, qui ne peut recevoir d’instructions ni subir aucun contrôle de la part d’un ministère ou du Gouvernement, est indépendant du pouvoir exécutif dans l’exercice de ses fonctions. La Constitution garantit l’indépendance du pouvoir judiciaire en prévoyant que le Président nomme les magistrats après consultation de la Commission indépendante de la magistrature et desservices juridiques. Les membres de la magistrature sont inamovibles sauf àrecourir à un système complexe de poids et contrepoids.

97.Le pouvoir judiciaire s’exerce selon plusieurs degrés de juridiction. Lajuridiction la plus élevée est la Cour suprême, créée par la Constitution, alors que les Magistrates Courts constituent le premier degré de juridiction dont les décisions peuvent faire l’objet de recours devant la High Court. Les décisions de celle-ci peuvent faire l’objet de recours devant la cour d’appel, puis la Cour suprême.

98.Les Magistrates Courts exercent une compétence limitée en matière civile et pénale dans la circonscription où ils sont situés et sur les eaux territoriales adjacentes. La répartition des dossiers entre différents tribunaux au sein d’une même circonscription relève du Chief Justice. À l’heure actuelle, on compte un Chief Magistrate et 14 juges résidents dans les principales villes du pays.

99.En1991, le décret portant création des tribunaux des litiges mineurs a transféré la compétence pour ce type de litiges des Magistrates Courts à ces nouveaux tribunaux. En vertu de ce décret, ceux-ci relèvent des Magistrates Courts. Ils peuvent connaître de tout litige dont l’enjeu n’excède pas 2 000 dollars et de toute autre affaire qui relève de leur compétence en vertu de toute autre loi.

100.La Constitution de1997 donne compétence à la High Court pour connaître en première instance de toute question relative à la protection des droits fondamentaux et des libertés garantis par la Déclaration des droits (chap. IV de la Constitution). La High Court a également compétence de pleine juridiction en première instance pour connaître de toute question civile ou pénale. De même, elle a compétence de pleine juridiction pour connaître des recours formés enmatière pénale et civile contre les décisions des tribunaux inférieurs. La cour d’appel, quant à elle, connaît, d’une manière générale, des recours formés par toute personne reconnue coupable d’un crime ou délit par la High Court. La juridiction de dernier ressort est la Cour suprême qui, en vertu de la Constitution, statue sur tout recours contre une décision ou un arrêt définitifs de la cour d’appel. Elle est également compétente pour réexaminer, modifier, annuler ou confirmer toute décision ou arrêt, si elle l’estime nécessaire dans l’intérêt de la justice.

C. Le pouvoir exécutif

Les organes exécutifs

101.En vertu de la Constitution de1997, le pouvoir exécutif de l’État est exercé par le Président, qui est le chef de l’État et commandant en chef des forces armées, et symbolise l’unité de l’État. Le Président est nommé pour un mandat de cinq ans par le Bose Levu Vakaturaga (Grand Conseil des chefs) après des consultations entre le Conseil et le premier ministre. Il est rééligible uneseule fois pour un second mandat de même durée. Il est assisté par le Gouvernement, dirigé par le Premier Ministre. Ladésignation, au poste de premier ministre, du membre de la Chambre desreprésentants qui semble le mieux à même d’obtenir le soutien d’une majorité au Parlement, est laissée à la libre appréciation du Président.

102.La Constitution de1997 prévoit le partage du pouvoir puisque tout parti qui a obtenu huit sièges au moins au Parlement est tenu de participer au Gouvernement en proportion du nombre de sièges obtenus.

Le Gouvernement

103.Le Gouvernement se compose du Premier Ministre et d’autres ministres, y compris l’Attorney General. Les politiques publiques sont mises en œuvre par le Gouvernement etdes sous‑commissions spéciales coordonnent et planifient les activités des pouvoirs publics. Le Gouvernement conseille le Président pour ce qui touche à la conduite des affaires publiques et est responsable devant le Parlement des conseils qu’il donne au Président. Les décisions du Gouvernement sontmises en œuvre par les ministres et chacun d’entre eux exerce un pouvoir discrétionnaire considérable dans la gestion des affaires courantes de son département. Ces départements emploient des fonctionnaires de carrière qui ne perdent pas leur emploi en cas de changement de gouvernement. La nouvelle réforme du secteur public vise à améliorer la qualité des services assurés par la fonction publique.

Les départements ministériels

104.Environ 17 ministères ou départements ministériels conduisent les affaires publiques. Chaque ministre qui se trouve à la tête d’un département est responsable de ses activités devant leParlement. Les départements emploient des fonctionnaires de carrière, qui ne perdent pas leur poste en cas de changement de gouvernement. La Commission du service public a réalisé de grands progrès en termes de réforme de la fonction publique grâce à la planification interne qui a joué un rôle primordial dans la clarification des objectifs et des tâches des départements ministériels. Au début de l’année, la Commission a délégué les pouvoirs qu’elle tirait de la Constitution et des lois aux secrétaires permanents et aux chefs des départements qui avaient signé des contrats d’objectifs pour leurs départements respectifs. Par ailleurs, en consultation avec les ministères et les associations du personnel, elle est en train de mettre au point un nouveau système de suivi du comportement professionnel, qui établira un lien entre les augmentations de traitement et de salaire et le comportement professionnel et la productivité du secteur public.

105.Le pays dispose d’un système bien développé de collectivités locales. Les conseils municipaux sont sous la tutelle du Ministère du logement, de l’urbanisme et de l’environnement. Suva et Lautoka sont dotées d’un conseil de grande ville (city council), alors que Nadi, Ba, Tavua, Sigatoka, Rakiraki, Labasa, Nausori, Levuka, Savusavu et Lami sont dotées d’un conseil de petite ville (town council). Les conseils municipaux sont habilités à lever des taxes afin de financer leurs dépenses de fonctionnement etd’équipement. Le Gouvernement soutient les collectivités locales à l’aide de services techniques, de services d’urbanisme, de subventions et de prêts. Chaque conseil municipal est dirigé parun maire et composé de conseillers élus.

L’administration fidjienne

106.Le régime d’administration coloniale établi aux Fidji après la cession visait à confier despostes de responsabilité administrative aux chefs autochtones. Contrairement à ce qui s’estpassé dans les colonies françaises et autres du Pacifique à la fin du XIXe siècle, où les institutions politiques autochtones ont été simplement ignorées, on a réellement essayé, auxFidji, de conserver l’esprit des institutions autochtones. Sir Arthur Gordon et John B. Thurston, respectivement premier et deuxième Gouverneurs, ont réellement pris le peuple fidjien en sympathie et ont cherché à identifier et à préserver les aspects de la société etde l’organisation traditionnelles qu’ils estimaient précieux. Le Grand Conseil des chefs était l’élément clef de l’administration autochtone qu’ils ont mise sur pied. Les travaux de codification et de réexamen des coutumes fidjiennes accomplis par le Conseil ont permis de conserver les modes de vie villageois, de perpétuer l’autorité des chefs dans les affaires internes fidjiennes etde préserver le caractère spécifique de la culture et de l’économie fidjiennes en dépit des changements venus de l’extérieur.

Le Bose Levu Vakaturaga (Grand Conseil des chefs)

107.Aujourd’hui, le Bose Levu Vakaturaga, ou Grand Conseil des chefs, est l’assemblée suprême des chefs traditionnels des Fidji; il compte également en son sein un petit nombre de roturiers hautement qualifiés et se réunit au moins une fois par an pour examiner des questions intéressant le peuple fidjien.

108.Le Grand Conseil des chefs est un organe constitutionnel de la République des îles Fidji, créé en vertu de l’article 116 de la Constitution de 1997. En fait il préexistait depuis longtemps à la Constitution puisqu’il avait été créé par les colonisateurs britanniques en tant qu’organe consultatif en 1876, deux ans après que la Grande-Bretagne eût annexé les Fidji. La Constitution ne fait qu’officialiser et codifier des fonctions que le Conseil exerce depuis longtemps. Le Conseil n’a jamais cessé d’exister mais sa composition et ses fonctions ont changé au fil des ans.

109.D’après la Constitution, le Grand Conseil des chefs est doté d’un double pouvoir:

Il fait office de collège électoral chargé d’élire le Président et le Vice-Président des Fidji pour un mandat de cinq ans. Dans certaines circonstances, définies par la Constitution, il peut révoquer le Président ou le Vice-Président en cas d’infraction grave, d’incompétence, de manquement à leurs devoirs ou s’ils sont dans l’incapacité d’exercer les devoirs que leur confère la Constitution;

Il choisit 14 des 32 membres du Sénat. Bien que les sénateurs soient nommés officiellement par le Président, le Président joue un rôle de pure forme: la Constitution lui fait obligation d’accepter et de nommer les 14 candidats du Conseil, ainsi que les 18 sénateurs dont la candidature est présentée par d’autres institutions (le Premier Ministre: 9, le chef de l’opposition: 8, le Conseil de Rotuma: 1). En occupant près de la moitié des sièges du Sénat, les candidats du Grand Conseil des chefs jouissent d’un pouvoir de veto effectif s’ils votent en bloc car il est pratiquement sûr que d’autres sénateurs se joindront à eux en nombre suffisant pour obtenir une majorité. Il reste qu’ils ne votent pas toujours en bloc, les chefs fidjiens constituant un corps fort peu homogène. Dans la pratique, le Grand Conseil des chefs délègue son pouvoir de nomination aux 14 conseils provinciaux, chaque province sélectionnant un sénateur.

110.Outre ces fonctions prévues par la Constitution, le Grand Conseil des chefs a d’autres attributions, prévues parfois par la loi. Par ailleurs, le Gouvernement est pratiquement tenu de le consulter et d’obtenir son approbation avant d’apporter des modifications majeures à la Constitution, bien que celle-ci soit muette sur ce point.

MINISTÈRE DES AFFAIRES FIDJIENNES

111.Le Ministère des affaires fidjiennes facilite la liaison entre le Gouvernement, le Conseil desaffaires fidjiennes et le Grand Conseil des chefs, ainsi que d’autres institutions apparentées en matière d’élaboration des politiques, d’assistance législative, de décisions budgétaires et de mise en œuvre de programmes visant à améliorer le bien‑être et la bonne gouvernance des Fidjiens de souche. Il se compose de plusieurs départements dont:

a)La Commission des terres et des pêcheries autochtones qui détermine quelles terres sont la propriété légitime et héréditaire des Fidjiens en vertu des dispositions de la loi sur lesterres autochtones (chap. 133), des us et coutumes fidjiens et des dispositions de la loi surlespêcheries (chap. 158);

b)Le service pour l’éducation fidjienne qui veille à ce que les ressources prévues pour l’éducation soient utilisées de manière à améliorer les chances des Fidjiens d’obtenir des qualifications universitaires ou professionnelles. Il finance également l’achat de manuels scolaires par les écoles primaires et secondaires;

c)L’Institut de la langue et de la culture fidjiennes qui veille à ce que les travaux de recherche en vue de la publication du dictionnaire monolingue fidjien soient menés à bien, à ce que les groupes intéressés soient consultés et à ce que les travaux en la matière soient présentés à diverses instances pour approbation. En outre, il effectue des travaux de recherche et de documentation sur tous les aspects dela culture autochtone à l’aide tant des médias audiovisuels que de publications écrites;

d)Le Centre pour les technologies appropriées et le développement qui propose des cours de formation technique et professionnelle de courte ou de longue durée, des séminaires etdes ateliers destinés à des participants originaires du milieu rural;

e)Les organismes officiels, à savoir le Conseil des affaires fidjiennes et le Conseil desterres autochtones.

112.Les Fidji sont divisées en 14 provinces qui se composent elles‑mêmes de plus petites unités administratives, dont l’unité de base est le village (koro). À la tête du village se trouve le turaga ‑ni ‑koro, élu ou nommé par les villageois. Plusieurs koro forment une tikina, sous‑unité administrative de la province, et la province (yasana) se compose d’un certain nombre de tikina. Chaque province est administrée par un conseil, à la tête duquel se trouve un chef (roko tui) dont la nomination doit être approuvée par le Conseil des affaires fidjiennes, lequel doit également approuver toutes les taxes et les réglementations appliquées par le conseil provincial. Le Conseil des affaires fidjiennes est considéré comme le garant du système administratif fidjien et de bien d’autres aspects des coutumes fidjiennes. Ce système d’administration locale est exclusivement fidjien.

VI. L’ÉCONOMIE

113.L’économie fidjienne se porte bien depuis 2001 grâce à la politique suivie en matière fiscale et monétaire. Au cours des quatre dernières années, elle a enregistré un taux moyen de croissance de 3,5 %. Le taux de croissance du PIB est estimé pour l’année écoulée à 4,1 %*. La croissance, impulsée par l’augmentation soutenue du nombre de touristes et la forte demande intérieure, a touché tous les secteurs de l’économie. Une croissance inférieure à 2 % est malgré tout prévue pour 2005 et 2006 en raison de l’expiration des arrangements commerciaux préférentiels dans l’industrie de la confection et du sucre.

114.Le secteur productif continue de reposer sur le tourisme, l’agriculture, la confection, la construction et l’industrie minière. Le tourisme, qui occupe une place de choix depuis des années, a enregistré des chiffres records en 2004 avec un peu plus de 500 000 visiteurs accueillis aux Fidji, grâce notamment à la percée des transporteurs à bas coût et à l’intensification de la stratégie commerciale des principaux acteurs de ce secteur.

115.L’industrie sucrière s’est redressée pour atteindre un niveau inespéré en 2004, avec une production supérieure à celle de 2003. Mais elle n’a pas réglé tous ses problèmes, causés notamment par le non-renouvellement des baux ruraux, la baisse de la qualité et de la quantité de la canne suite à la sécheresse, le mauvais fonctionnement des moulins à canne et l’abandon des prix préférentiels du sucre pratiqués jusque-là par l’Union européenne. Cela dit, elle a mis des réformes en train et compte que la restructuration lui permettra de surmonter ces difficultés.

116.L’industrie de la confection était en plein essor, devançant le sucre comme principale source de recettes d’exportation depuis 1997. En 2004, le prêt-à-porter représentait 22 % des exportations. Mais ce secteur se heurte désormais à une concurrence internationale de plus en plus forte, en particulier depuis l’expiration au 1er janvier 2005 des arrangements commerciaux préférentiels avec les États-Unis, et spécialement à la concurrence acharnée des pays d’Asie. On prévoit cette année, en raison de la fermeture de la plus grande usine de confection du pays, une baisse de la production proche de 40 %.

117.Le secteur de la construction est passé à la vitesse supérieure depuis 2002, stimulé essentiellement par des projets touristiques dans le secteur privé. Sous l’impulsion de la multiplication des projets de construction, les niveaux d’investissement se sont quelque peu relevés pour, estime-t-on, dépasser légèrement 16 % du PIB en 2004. À ces résultats s’ajoute la forte croissance d’autres indicateurs partiels d’investissement, comme l’importation de biens d’équipement, les prêts à des fins d’investissement et les ventes de ciment sur le marché intérieur.

118.La production d’or a augmenté grâce essentiellement à la meilleure qualité du minerai extrait, ce qui, conjugué au niveau élevé des cours internationaux de l’or, s’est traduit en 2004 par une augmentation des recettes d’exportation. Mais cette année l’industrie minière rencontre de gros problèmes et la production devrait baisser considérablement. La mine a cependant entrepris une restructuration de grande envergure pour ramener la production à des niveaux souhaitables.

119.La demande intérieure, reflet de l’optimisme des consommateurs, est restée forte de 2001 à 2004. Les ventes de détail n’ont cessé de croître au fil des ans et les recettes nettes tirées de la taxe à la valeur ajoutée ont atteint des niveaux records. L’augmentation des transferts de fonds de l’étranger, le gonflement de la masse monétaire en circulation et le développement des prêts au commerce de gros et de détail comme aux ménages ont contribué au dynamisme de la consommation. Les importations de biens de consommation sont restées à un niveau relativement élevé pendant la période considérée.

Secteur financier

120.Parallèlement aux bonnes performances du secteur réel au cours des quatre dernières années, le secteur financier a lui aussi engrangé des résultats positifs, comme l’illustrent surtout l’expansion de l’intermédiation financière entre les institutions financières, les entreprises et les ménages et, par conséquent, l’augmentation sensible des agrégats monétaires et de crédit pendant la période considérée.

121.La politique monétaire accommodante suivie par la Banque de réserve depuis 2001 a contribué à faire baisser les taux d’intérêt et a soutenu la reprise économique. Les taux d’intérêt sont actuellement à leur plus bas niveau historique et, conjugués à la concurrence que se livrent les institutions financières, ont été l’un des principaux facteurs qui ont pesé sur la demande de financement de l’économie. La somme des actifs du système financier a augmenté régulièrement depuis 2000 et les résultats en termes d’indicateurs prudentiels, comme la qualité des actifs et le niveau de fonds propres, sont en général positifs.

122.Les taux de change, le dollar des Fidji étant aligné sur les devises de nos cinq principaux partenaires commerciaux (dollar australien, dollar néo-zélandais, dollar des É.-U., euro de la zone euro et yen japonais), ont connu une certaine stabilité au cours des quatre dernières années.

123.En 2003, le Fiji National Provident Fund (FNPF), principale institution financière des Fidji en termes d’actifs, a été placé sous la surveillance de la Banque de réserve, de sorte que la banque centrale exerce désormais sa supervision sur 92 % du système financier.

Marché du travail

124.Dans l’ensemble, le marché du travail s’est remis du marasme de 2000. Les indicateurs partiels de l’emploi, dont les petites annonces, ont pour la plupart été revus à la hausse entre 2001 et 2003, grâce à la reprise de la croissance ces années-là. Les centres des impôts n’ont jamais enregistré autant de nouveaux contribuables qu’en 2004. Selon certaines enquêtes, il semblerait que les employeurs aient aussi l’intention de recruter davantage dans l’année. Il est à noter que l’année dernière la croissance de l’emploi a touché tous les secteurs de l’économie et s’est accompagnée d’un ralentissement des chiffres de l’émigration, du personnel hautement qualifié en particulier. Pour l’instant, la situation du marché du travail est ferme même si des indicateurs partiels signalent une baisse de régime.

Inflation

125.Les Fidji continuent de jouir d’un taux d’inflation stable et peu élevé qui se situe en moyenne autour de 2,9 % pour la période allant de 2001 à 2004. En 2004, il était à 3,3 %, soit légèrement inférieur à l’année précédente, l’impact d’un taux de TVA supérieur en 2003 n’ayant pas été pris en compte. Jusqu’ici cette année, il va de 1,3 à 3,5 % parce que les effets des cours élevés du pétrole ont été compensés en partie par la baisse des prix des biens et services produits aux Fidji. Le taux d’inflation devrait osciller entre 3 et 4 % pour la fin de l’année.

Réserves en devises

126.Les réserves en devises sont restées à des niveaux confortables ces dernières années. En 2004, elles s’élevaient à 1 046 000 dollars, soit l’équivalent de 4,7 mois d’importations de biens et services non facteurs ou 7,1 mois d’importations de marchandises seulement. Pendant l’année, elles ont chuté, surtout à cause de la hausse du coût des importations de pétrole et de l’achat de biens d’équipement importants. Néanmoins, fin septembre 2005, elles demeuraient à un niveau satisfaisant, soit 940 millions de dollars, suffisant pour couvrir 3,9 mois d’importations de biens et services non facteurs ou 5,3 mois d’importations de marchandises seulement.

L’économie – principaux indicateurs financiers

Produit intérieur brut

2000

2001

2002

Produit intérieur brut (à prix courants) par habitant

3 764,00

3 926,00

4 168,00

Produit intérieur brut (à prix constants) par habitant

3 221,60

3 288,20

3 383,80

Produit intérieur brut (à prix courants) (en million de F$)

3 049,10

3 199,50

3 442,90

Produit intérieur brut (à prix constants 1995) (en million de F$)

2 609,50

2 679,90

2 795,00

Marché du travail

Hommes

Femmes

Rédacteurs de textes normatifs, hauts fonctionnaires et administrateurs

3 497

714

Travailleurs intellectuels

7 591

7 988

Techniciens et assimilés

6 606

2 734

Employés de bureau

6 790

8 117

Personnel de service, vendeurs en magasin et sur les marchés

9 730

4 945

Ouvriers agricoles et des pêcheries qualifiés

890

23

Artisans et assimilés

10 914

1 589

Ouvriers d’usine, opérateurs de machines et monteurs

9 942

8 065

Activités élémentaires

13 623

4 212

Forces armées

3 131

32

Indice des prix à la consommation

Taux d’inflation moyen par an

Tous postes confondus

1994

0,6

100,8

1995

2,2

103,0

1996

3,1

106,1

1997

3,4

109,7

1998

5,7

116,0

1999

2,0

118,3

2000

1,1

119,6

2001

4,3

124,7

2002

0,8

125,6

2003

4,2

130,9

2004

2,8

134,6

Finances publiques

2001

2002

2003

2004

(en million de dollars)

Montant total des recettes et des aides

833,4 (r)

973,2

1 001,9

1 106,6

Montant total des dépenses (à l’exclusion du remboursement des prêts)

1 053,3 (r)

1 136,2

1 065,1

1 231,8

Balance nette affichée

-219,9 (r)

-163,0

-63,2

-125,2

Balance des paiements (en million de F$)

Par an

Par trimestre

2004

2000

2001

2002

2003 [p]

Premier trimestre

Deuxième trimestre

Compte de transactions courantes – récapitulatif

Balance commerciale

-394,6

-425,3

-586,4

-802,7

-255

-261,3

Exportations (FOB)

1 170,90

1 133,20

1 112,30

1 156,80

227,80

252,80

Importations (FOB)

1 565,50

1 558,50

1 698,70

1 959,50

482,80

514,10

Balance des services

339,8

383,8

567,5

882,7

138,1

133,9

Exportations

1 008,90

1 023,10

1 174,90

1 439,40

290,4

315,6

Importations

669,10

639,30

607,40

556,70

152,30

181,70

Balance des revenus

-128,10

-198,60

-163,20

-170,80

-57,4

-62,20

Revenus provenant de non-résidents

123

48,8

34

43,70

15,30

17,50

Revenus versés à des non-résidents

251,10

247,40

197,20

214,50

72,70

79,7

Balance des transferts courants

213,60

276,20

312,60

347,40

49,10

113,90

Transferts courants (entrées)

268,20

336,90

370,10

432,30

71,10

132.50

Transferts courants (sorties)

54,60

60,7

57,50

84,9

22

18,6

Balance des comptes courants

30,7

36,10

130,50

256,60

-125,20

-75,70

Compte de capital − récapitulatif

Balance du compte de capital

-33,8

-11

-4,4

18,4

3,3

6,2

Transferts de capitaux (entrées)

18,1

34,8

30,3

60,8

14,5

15,4

Transferts de capitaux (sorties)

51,9

45,8

34,7

42,4

11,2

9,2

Compte financier − récapitulatif

Balance du compte financier

18,2

103,1

123,4

14,6

-13,4

23,7

Investissements des Fidji à l’étranger

45,8

52,1

67,5

102,7

15,9

35,7

Investissements directs

-4,8

-6

-3,8

-7,1

0,2

-0,1

Investissements de portefeuille

27,4

-9,1

-2,5

-8

47,2

20,5

Autres investissements

23,2

67,2

73,8

117,8

-31,5

15,3

Investissements étrangers aux Fidji

71,8

20,8

-32,5

-88,4

-33,4

18,3

Investissements directs

76.,2

98,4

39,3

43,2

-27,3

19,2

Investissements de portefeuille

9,6

12,1

4,9

2,2

3,4

2,4

Autres investissements

-14

-89,7

-76,7

-133,8

-9,5

-3,3

Avoirs de réserve

-99,4

30,2

88,4

0,3

4,1

-30,3

Erreurs et omissions – net

Erreurs et omissions – net

-15,1

-128,2

-249,5

-289,6

135,3

45,8

Monnaie et crédit

(en million de dollars)

2001

2002

2003

2004

Masse monétaire

620,9

711,9

899,9

1 018,0

Quasi-monnaie

846,0

870,5

1 080,5

1 167,7

Crédit intérieur

1 332,2

1 391,7

1 662,8

1 871,2

Taux de change (moyenne annuelle pour un dollar des Fidji)

Dollar des É.-U.

0,43760

0,4741

0,5605

0,5977

Livre sterling

0,30440

0,3186

0,3387

0,3215

Taux d’intérêt (en %, par an)

Taux prêteur

8,19

7,89

7,39

7,03

Taux d’intérêt (en %, par an)

2001

2002

2003

2004

Taux d’intérêt sur les dépôts d’épargne

0,78

0,57

0,45

0,36

Taux d’intérêt sur les dépôts à terme

2,43

2,17

1,70

1,77

Taux à 91 jours de la Banque de réserve des Fidji (valeur comptable)

1,25

1,25

1,19

1,75

Réserves en devises

Réserves brutes en devises (en million de dollars)

994,4

902,1

943,6

1 045,6

Mois d’importations (biens et services non facteurs)

5,1

4,4

4,2

4,7

Encours de la dette extérieure (fin d’exercice)

Total (en million de dollars)

520,0

501,0

466,9

462,6

Ratio du service de la dette (%)

2,0

1,9

1,7

1,4

Source: Bureau de statistique des îles Fidji et Banque de réserve des Fidji.

VII. CADRE JURIDIQUE GÉNÉRAL DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME

A. Le droit fidjien − nature et composition

Histoire juridique

127.Jusqu’au milieu du XIXe siècle, les Fidji, comme d’autres pays de la région du Pacifique Sud, n’avaient jamais constitué une entité politique unie rassemblant l’ensemble ou même une partie importante de leur territoire. À cette époque, de nombreuses communautés distinctes mais ayant la même origine raciale habitaient les Fidji qui n’avaient jamais été unifiées politiquement. Ces communautés séparées avaient chacune à leur tête leur propre dirigeant ou chef et étaient régies par des coutumes et pratiques bien établies, et, en partie, par les ordres et instructions de leurs chefs. Au cours du XIXe siècle, des dirigeants dotés de talents et d’une intelligence exceptionnels ont si bien réussi à imposer leur domination à d’importantes parties du territoire qu’ils pouvaient considérer ces dernières comme étant soumises à leur autorité. Pour contrôler ce territoire étendu, ces chefs dominants ou suprêmes ne pouvaient plus se reposer sur les coutumes et pratiques des différentes communautés ni sur la bonne volonté des différents chefs ou les accords oraux conclus avec ces derniers. En conséquence, la plupart d’entre eux, suivant les suggestions de leurs conseillers européens, ont promulgué des constitutions et lois écrites applicables sur toute l’étendue de leur vaste royaume.

128.En 1867, Ratu Seru Cakobau, grand chef de Bau et de certaines parties de Viti Levu, et les grands chefs de Bua, Cakaudrove et Lau, ont promulgué des constitutions et des lois écrites. En 1871, Cakobau a éducté une constitution ambitieuse qui était censée s’appliquer à toutes les îles Fidji, les Tui Lau et Tui Nayau promulguant de leur côté une constitution écrite rivale pour le Royaume de Lau, dans les îles de la partie orientale. En 1873, Cakobau a adopté pour l’ensemble du pays une nouvelle constitution écrite qui a été aussi éphémère que la précédente, et a expiré quand le pays a été cédé à la Grande‑Bretagne à titre de colonie, le 10 octobre 1974.

129.Pendant que le territoire était colonie britannique, des lois constituantes pour les îles Fidji ont été promulguées dans une lettre patente, des décrets en Conseil et des instructions royales de la Couronne britannique qui ont été modifiés ultérieurement par des amendements appropriés. Par ailleurs le Gouverneur a adopté des lois locales, dénommées «ordonnances». Lorsqu’il est devenu évident que la colonie évoluait vers l’autonomie ou l’indépendance, la Grande‑Bretagne a adopté des lois constituantes visant à élargir l’autonomie. Des constitutions écrites tendant à élargir le régime d’autonomie ont été promulguées en 1963 et 1966 par des décrets en Conseil de la Grande‑Bretagne.

130.L’ordonnance sur l’indépendance des Fidji a été adoptée en 1970 par la Reine en Conseil, la Constitution écrite (Constitution de 1970) ayant été rédigée à Londres par de hauts fonctionnaires britanniques après des discussions approfondies avec les dirigeants locaux et mise en vigueur en vertu d’un décret en Conseil de la Reine. La législation en vigueur n’a pas été immédiatement abrogée au moment de l’accession à l’indépendance. Les Fidji l’ont «conservée» à titre transitoire afin d’éviter de créer un vide juridique tant que de nouvelles lois «locales» n’auraient pas été adoptées par la nouvelle législature. Étaient notamment conservées:

a)Les lois en vigueur en Angleterre à une certaine date;

b)La common law et l’equity;

c)Les lois «coloniales», à savoir les ordonnances promulguées par le Gouverneur général avant l’indépendance.

131.Un coup d’État militaire a été organisé avec succès en 1987, méthode radicale de révocation de la Constitution de 1970. Le Gouvernement militaire a abrogé la Constitution et gouverné par décret. En 1990, une constitution écrite a été mise en vigueur par décret du Président sur l’avis du Conseil des ministres. En 1997, ce texte a été remplacé par une constitution adoptée par le Parlement, qui est entrée en vigueur le 17 juillet 1998.

132.Le paragraphe 2 d) de l’article 195 de la loi de 1997 portant amendement de la Constitution a maintenu toutes les lois écrites en vigueur au même titre que si elles avaient été adoptées conformément à ladite loi. Le paragraphe 3 de ce même article dispose que les lois anglaises doivent être interprétées avec les modifications qui peuvent être nécessaires pour les mettre en conformité avec la Constitution. En vertu de l’ordonnance de 1975 portant création de la Cour suprême, les lois en vigueur comprennent:

Les lois d’application générale qui étaient en vigueur en Angleterre à la date où la colonie a obtenu l’institution d’une législature locale, c’est‑à‑dire au 2 janvier 1875, sous réserve des dispositions de l’article 37 de la présente ordonnance … (art. 35);

Toutes les lois impériales dont l’application a été étendue à la colonie en vertu de la présente ordonnance ou toute ordonnance future y seront en vigueur pour autant seulement que la situation de la colonie et de ses habitants et les limites de la juridiction coloniale le permettent, sous réserve de toute ordonnance existante ou future de la législature coloniale, et en vue de faciliter l’application desdites lois, tout tribunal est habilité à donner de ces lois, sans en altérer la teneur, l’interprétation orale nécessaire pour les rendre applicables à l’affaire dont il est saisi … (art. 37).

133.Telles qu’elles ont été définies par la Cour suprême, les lois d’application générale «établissent une distinction entre les lois publiques qui ne s’appliquent pas nécessairement à l’ensemble de la population, par exemple la loi sur les sociétés ou la loi sur les sociétés mutualistes, d’une part, et les lois publiques qui lient tout un chacun, par exemple la loi sur les atteintes aux personnes ou d’autres lois analogues, d’autre part». Se pose également la question connexe de savoir à qui incombe la charge de prouver qu’une loi est «d’application générale». La Cour suprême a admis la présomption d’applicabilité générale, en conséquence de quoi la charge de la preuve incombe à la partie qui conteste l’applicabilité d’une loi. Pour ce qui est du rang hiérarchique des lois d’application générale par rapport à d’autres types de lois, il est clair que les lois impériales sont inférieures à la Constitution.

Sources du droit

134.Le droit de la République des Fidji tel qu’il est constitué aujourd’hui comprend:

a)Les lois adoptées par le Parlement dans le cadre des pouvoirs qui lui sont attribués par la Constitution, ainsi que les textes réglementaires ou les lois subsidiaires adoptés en vertu desdites lois;

b)Les décrets promulgués par le Gouvernement provisoire entre 1987 et 1990;

c)La common law fidjienne, élaborée à partir de la common law anglaise et interprétée et énoncée par les tribunaux;

d)Les textes subsidiaires promulgués par les ministres, les autorités locales et les autorités légales.

135.Comme il a été indiqué plus haut, les Fidji ont connu deux coups d’État militaires en 1987. Pendant cette période, il existait trois sources de droit: a) les décrets promulgués par le Gouverneur général pendant l’état d’exception, entre le 14 mai et septembre 1987; b) les décrets promulgués par le chef du gouvernement militaire provisoire; et c) les décrets promulgués par le Président de la République des Fidji.

136.Dans l’affaire State v. Afasio Mua et Ors, le Chief Justice a estimé que toutes les lois en vigueur avant l’avènement du gouvernement militaire ainsi que la déclaration de la République restaient pleinement en vigueur, à l’exception de celles qui avaient été spécifiquement abrogées ou amendées ultérieurement par décret.

Droit coutumier

137.La loi sur les terres autochtones (chap. 133), dispose expressément que les coutumes ou le droit coutumier sont le fondement du droit qui doit être pris en considération pour établir les droits relatifs aux terres coutumières, c’est‑à‑dire les terres détenues conformément aux coutumes, par les tribunaux compétents. L’article 3 dispose que «les terres autochtones sont détenues par les Fidjiens de souche conformément aux coutumes autochtones attestées par les usages et les traditions». Il est aussi arrivé que les tribunaux appliquent indirectement ou subsidiairement le droit coutumier sans y être expressément habilités, c’est‑à‑dire dans des cas où ils tenaient la coutume ou le droit coutumier comme un facteur à prendre en considération dans le cadre des lois en vigueur. À titre d’exemple, lorsque le tribunal est légalement habilité à exercer son pouvoir d’appréciation, il lui est souvent utile de se reporter à une coutume ou une loi coutumière. La Cour suprême en a jugé ainsi dans l’affaire R. vVodo Vuli.

Common law et equity

138.Les principes de la common law et de l’equity ont été introduits en même temps que les lois anglaises d’application générale dans tous les pays du Pacifique Sud qui relevaient de la Grande‑Bretagne ou des colonies britanniques d’Australie et de Nouvelle‑Zélande pendant la période coloniale. L’ordonnance de 1875 portant création de la Cour suprême, qui est encore en vigueur après avoir été prorogée par la Constitution de 1997, dispose ce qui suit:

La common law, les règles d’equity et les lois d’application générale qui étaient en vigueur en Angleterre à la date où la colonie a obtenu l’institution d’une législature locale, c’est‑à‑dire à compter du 2 janvier 1875, sont en vigueur dans la colonie (art. 35);

Toutes les lois impériales dont l’application pourrait être étendue à la colonie par la présente ordonnance ou toute ordonnance future y seront en vigueur pour autant seulement que la situation de la colonie et de ses habitants et les limites de la juridiction coloniale le permettent, sous réserve de toute ordonnance existante ou future de la législature coloniale … (art. 37).

139.Toutefois, l’ordonnance de 1875 portant création de la Cour suprême n’indique pas explicitement si la date de référence (c’est‑à‑dire la date à laquelle la common law et l’equity ont été introduites, dont il découle que les changements apportés à la common law et à l’equity en Angleterre ou ailleurs ne lient pas les Fidji) fixée à l’article 35 ne concerne que les lois anglaises d’application générale ou si elle s’applique également à la common law ou à l’equity. Les tribunaux fidjiens ont estimé que la date de référence s’appliquait tant aux lois d’application générale qu’à la common law et à l’equity. Cela semble vouloir dire que tout changement qui aurait pu être apporté à la common law et à l’equity postérieurement à la date de référence ne lierait pas le pays, encore qu’il pût naturellement être pris en considération.

140.En ce qui concerne leur statut par rapport à d’autres sources de droit, il est évident que la common law et l’equity sont subordonnées à la Constitution et peuvent être modifiées ou abolies en vertu de dispositions explicites de celle‑ci. La Constitution étant la loi suprême du pays, les principes de la common law ou de l’equity qui sont contraires à ses dispositions doivent être considérés comme étant modifiés ou abolis. Étant donné que rien dans l’ordonnance de 1875 n’indique que cette relation ait changé en Angleterre − à savoir que la common law et l’equity peuvent être modifiées ou abolies par des dispositions explicites de la législation ou de lois subsidiaires − aux Fidji, les principes de la common law et de l’equity sont subordonnés à la législation et aux lois subsidiaires et peuvent être modifiés ou abolis en vertu de dispositions explicites de ces dernières.

L’Attorney général

141.L’Attorney général est le principal conseiller juridique du Gouvernement et représente l’État dans toutes les affaires civiles. Il a rang ministériel. Depuis que le pays est devenu indépendant du Royaume‑Uni, il est également chargé du Ministère de la justice. En tant que Directeur des poursuites publiques, il est responsable de l’application de la loi pénale. La Constitution garantit l’indépendance de ses services, lesquels relèvent toutefois, à des fins administratives, du Ministère de la justice. Le Directeur des poursuites publiques doit engager et appliquer certains types de procédures pénales, tâche dont il doit s’acquitter de façon indépendante, sans céder à l’influence d’autres membres du Gouvernement.

142.Le Ministre de la justice est chargé de l’administration des tribunaux, des prisons et des registres fonciers. Le Département des prisons, qui relève du Ministère de la justice, est responsable de la politique pénitentiaire et de l’administration des centres de détention provisoire. Il est dirigé par le Directeur de l’administration pénitentiaire, nommé par la Commission de la magistrature et des services juridiques. Le Ministre nomme dans chaque établissement pénitentiaire un conseil de visiteurs des prisons représentant la communauté locale, qui doivent contrôler l’état des locaux pénitentiaires, l’administration et le traitement des détenus. Les visiteurs doivent signaler au Ministre tout abus ou tout problème dont ils ont connaissance. Les prisons peuvent être inspectées par des magistrats nommés par le Ministre auquel ils rendent compte directement. Tous les rapports, y compris ceux qui sont critiques, sont pris très sérieusement en considération par le Ministre et le Directeur de l’administration pénitentiaire.

143.Les responsabilités relatives au traitement des délinquants âgés de moins de 18 ans sont partagées entre le Ministère de la protection sociale et le Ministère de la justice.

144.Conformément à la Constitution, la Commission sur l’exercice du droit de grâce, qui est composée de l’Attorney général, qui la préside, et de deux membres de la communauté, est chargée d’indiquer au Président s’il existe des raisons exceptionnelles d’exercer le droit de grâce en faveur d’un condamné ou de lui accorder une remise de peine partielle ou totale.

La loi pénale

145.La décision initiale d’engager une procédure pénale incombe normalement à la police une fois établi le chef d’accusation. Il appartient aux fonctionnaires de police judiciaire d’engager des poursuites dans le cas de certains délits «mineurs» et au Directeur des poursuites publiques de les engager dans les autres cas. Les particuliers ont eux aussi la faculté d’engager des poursuites pénales dans un petit nombre de cas, mais l’exercent très rarement dans la pratique.

La procédure pénale – les procès

146.Les procès criminels prennent la forme d’un débat contradictoire entre le ministère public et la défense. Étant donné que, selon la Constitution, l’accusé est présumé innocent tant que sa culpabilité n’a pas été établie, le ministère public ne bénéficie d’aucun avantage, apparent ou réel, par rapport à la défense. Le défendeur (ou l’accusé) a le droit d’engager un conseil juridique et peut bénéficier d’une aide juridictionnelle financée sur les fonds publics, par l’intermédiaire de la Commission d’aide juridictionnelle. S’il a été placé en détention provisoire, l’intéressé peut recevoir la visite d’un conseil juridique pour préparer convenablement sa défense.

147.Le ministère public, sauf s’il s’agit d’un délit mineur, doit, spontanément ou à la demande de la défense, informer celle‑ci de tous les éléments de preuve à charge qu’il compte utiliser. En outre, il doit divulguer tout autre élément se rapportant à l’affaire en cause.

148.Les affaires pénales sont généralement jugées en audience publique. Les règles de la preuve (tendant à établir les faits) sont suivies scrupuleusement, faute de quoi, le jugement peut être infirmé en appel. Pendant le procès, l’accusé a le droit d’entendre tous les témoins à charge, puis de procéder à leur contre‑interrogatoire, normalement par l’intermédiaire de son avocat; il peut citer des témoins à décharge, lesquels, s’ils ne comparaissent pas de leur plein gré, peuvent y être légalement contraints; il peut s’adresser au tribunal personnellement ou par l’intermédiaire de son avocat, la défense ayant toujours le droit de prendre la parole en dernier. L’accusé ne peut être lui‑même interrogé que s’il consent à témoigner sous serment en sa faveur. En pareil cas, il ne peut être soumis à un contre‑interrogatoire sur sa moralité ou autres aspects de sa personnalité qu’en des circonstances exceptionnelles; en règle générale, le ministère public n’est pas autorisé à produire de tels éléments de preuve.

Le droit civil

149.Aux Fidji, les principales branches du droit civil sont le droit de la famille, le droit de la propriété, le droit des contrats et le droit de la responsabilité quasi délictuelle (law of torts) (qui traite du préjudice subi par une personne du fait d’autrui, indépendamment de l’existence d’un contrat liant les intéressés, et notamment du manquement d’une personne à ses devoirs, de la diffamation et de l’atteinte aux droits d’autrui). Les autres branches du droit civil sont notamment le droit administratif (qui traite particulièrement de l’usage qui est fait du pouvoir exécutif), le droit commercial et le droit du travail.

La procédure civile

150.L’action civile est engagée par la personne qui s’estime lésée. Une enquête préliminaire sur la validité de la plainte n’est pas nécessaire. Les actions devant la High Court sont généralement déclenchées par un ordre de comparaître signifié au défendeur par le plaignant, précisant la nature de la plainte. Si le défendeur entend contester le bien‑fondé de la plainte, il en informe le tribunal. Les différentes pièces exposant les faits du litige sont ensuite communiquées au tribunal.

151.Dans la mesure où elle touche au domaine privé, une procédure civile peut être, à tout moment, abandonnée ou close suite à un règlement amiable. Les jugements rendus en matière civile sont exécutoires en vertu de l’autorité du tribunal. La plupart prévoient le versement d’une somme d’argent et peuvent être exécutés, en cas de défaut de paiement, par la saisie des biens du débiteur ou par une décision de justice enjoignant à un employeur de verser périodiquement au tribunal une certaine somme d’argent, retenue sur le salaire du débiteur. D’autres jugements peuvent prendre la forme d’une ordonnance de s’abstenir d’un acte illégal. Quiconque refuse de se plier à un jugement peut encourir une peine de prison pour outrage à magistrat. Il n’est procédé à la contrainte par corps que sur mandat judiciaire. Le tribunal condamne généralement le perdant aux dépens.

B. Les droits de l’homme fondamentaux protégés par la loi

152.En vertu de la Constitution, tout membre de notre société possède automatiquement des droits et des libertés qui ne peuvent être limités qu’en vertu d’une décision démocratique du Parlement. En conséquence, le rôle du Parlement n’est pas d’octroyer des droits mais de déterminer s’il est nécessaire de les restreindre, en prenant également en compte les besoins de la société et ceux de l’individu. On trouvera décrits dans les paragraphes ci‑dessous les mécanismes et les garanties légales qui permettent de protéger les droits de l’homme aux Fidji.

La protection constitutionnelle des droits de l’homme

La Constitution de 1970

153.Les dispositions relatives à la protection des libertés et des droits fondamentaux de la Constitution de 1970 octroyées à l’indépendance sont proches de celles de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de 1953, et définissent de façon très détaillée les droits et libertés et les exceptions qui s’y rapportent. L’article 3 dispose que toute personne, quels que soient sa race, son lieu d’origine, ses opinions politiques, sa couleur, ses convictions ou son sexe, a droit, sous réserve des droits d’autrui et de l’intérêt public, à la vie, à la liberté, à la sécurité de la personne, à la protection de la loi, à la liberté de conscience, de religion, de réunion et d’association et à la protection de sa vie privée, ainsi que le droit de ne pas être privée de ses biens sans indemnisation. Sont également protégés le droit de ne pas être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants, le droit d’être protégé contre l’esclavage et le travail forcé, la liberté d’expression, la liberté de circulation et les droits des personnes détenues en vertu de lois d’exception.

154.L’article 15 de la Constitution de 1970 interdisait expressément toute discrimination prévue par la loi ou pratiquée par une autorité publique à l’encontre d’un individu en raison de sa race, de son lieu d’origine, de ses opinions politiques, de sa couleur ou de ses convictions. Curieusement, le sexe ne figurait pas parmi les motifs pour lesquels toute discrimination était interdite, alors qu’il figurait parmi les motifs pour lesquels l’exercice d’autres droits politiques ne pouvait être refusé, à savoir le droit à la vie, à la liberté, à la sécurité de la personne, à la protection de la loi, à la liberté de conscience, de religion, de réunion et d’association et à la protection de sa vie privée, ainsi que le droit de ne pas être privé de ses biens sans indemnisation.

155.Au sens du paragraphe 2 de l’article 15, le terme «discriminatoire» s’entend de tout traitement préférentiel. Toutefois, il peut être dérogé à l’interdiction d’un tel traitement en matière de répartition des recettes, de loi relative au mariage, au divorce et à l’adoption, dans les situations d’exception ou lorsqu’une dérogation semble raisonnable dans une société démocratique.

156.L’article 17 dispose qu’une personne lésée qui pense que l’une quelconque des dispositions du chapitre II ont été violées par une mesure gouvernementale peut former un recours devant la Cour suprême, juridiction compétente pour connaître en premier ressort de telles questions. Toutefois, le paragraphe 6 de l’article 17 dispose que la Cour suprême peut décider de classer l’affaire si elle estime que le recours engagé est futile ou abusif. Les dispositions de la Constitution de 1970 relatives aux libertés et droits fondamentaux ont rarement été attaquées en justice. Concernant le passage du préambule dans lequel il est stipulé que, «attendu que» le peuple fidjien a certains droits, les dispositions de cet instrument ont «par conséquent» pour but de protéger ces droits et libertés, la Cour suprême a estimé, dans l’affaire Fiji Waterside Workers Union v. Reginam, que cette disposition s’appliquait et apportait à la disposition relative au droit fondamental à la liberté d’expression une restriction concernant «l’intérêt public» qui ne figurait pas dans l’article protégeant expressément la liberté d’expression.

157.Dans l’affaire R. v. Butadroka, le tribunal a estimé qu’une interdiction des déclarations raciales incendiaires ne portait pas atteinte aux droits constitutionnels à la liberté d’expression, de réunion et d’association. Font également jurisprudence, en ce qui concerne les libertés et droits fondamentaux, l’affaire Veitata v. R. qui portait sur le droit d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial garanti au paragraphe 1 de l’article 10, l’affaire Sundarjee Bros. vCoulter, qui concernait le droit à la liberté de circulation prévu à l’article 14, l’affaire Fiji Waterside Workers Union v. Reginam qui concernait également le droit à la liberté de réunion et d’association garanti à l’article 13, ainsi que le droit à la liberté d’expression, énoncé à l’article 12.

La Constitution de 1990

158.La Constitution de 1990 a repris l’interdiction de toute discrimination consacrée par la Constitution de 1970, à savoir toute discrimination fondée sur la race, la couleur et le lieu d’origine. Pour la première fois, toute discrimination liée au sexe était aussi interdite aux Fidji sauf dans les cas suivants:

a)Les situations d’exception;

b)Les dotations budgétaires;

c)Les nominations dans la fonction publique;

d)L’exercice du pouvoir judiciaire;

e)L’application des lois en vigueur avant le 23 septembre 1966;

f)L’application des règlements adoptés en vertu de l’article 6 de la loi sur les affaires fidjiennes dans l’intérêt de la paix, de l’ordre, du bien‑être et de la bonne gouvernance des Fidjiens.

159.L’article 18 permettait de déroger aux dispositions de toute loi relatives à l’égalité si le but recherché était d’améliorer la situation de personnes ou de groupes défavorisés, notamment au motif de leur race. Les dispositions de la Constitution de 1990 relatives aux droits fondamentaux ont, elles aussi, été rarement invoquées devant les tribunaux. L’article 156 de la Constitution de 1990 tentait de donner une définition assez sommaire des termes «Fidjien», «Rotuman» et «Indien».

160.L’appareil judiciaire a été restructuré en vertu de la Constitution de 1990, à l’effet de faire de la Cour suprême la juridiction d’appel la plus élevée. Outre cette restructuration formelle, l’article 122 de la Constitution de 1990 portait création de tribunaux dont la compétence et les attributions seraient fixées par le Parlement. Toutefois, ces dispositions n’ont pas été mises en œuvre.

La Constitution de 1997

161.Les droits protégés par la Déclaration des droits de la Constitution de 1997 sont:

La liberté de la personne;

Le droit de ne pas être soumis à la servitude ou au travail forcé;

Le droit de ne pas être soumis à un traitement cruel ou dégradant;

Le droit de ne pas être soumis à des fouilles et confiscations abusives;

Les droits des personnes arrêtées ou détenues;

Les droits des accusés;

Le droit d’accès à la justice;

La liberté d’expression;

La liberté de réunion;

La liberté d’association;

Les droits liés aux relations du travail;

La liberté de circulation;

La liberté de religion et de conviction;

Le droit de voter à bulletin secret;

Le droit au respect de sa vie privée;

Le droit à l’égalité;

Le droit à l’éducation;

Le droit de ne pas faire l’objet d’une expropriation.

162.Les dispositions de l’article 38 relatives à l’égalité ont étendu les motifs de discrimination interdits à l’origine ethnique et à la première langue (ou langue maternelle) en plus de la race, de la couleur et du lieu d’origine. En conséquence, toute discrimination au motif de la race, de l’origine ethnique, de la couleur ou du lieu d’origine est illégale en vertu de la Constitution.

Exceptions au droit à l’égalité prévues dans la Constitution de 1997

163.L’article 38 définit dans son paragraphe 2 les motifs de discrimination illégaux, lesquels sont assortis d’exceptions, prévues dans quatre autres paragraphes: les paragraphes 2 b), 6), 7) et 9). Il convient de signaler qu’au paragraphe 9, il prévoit des mesures tendant à assurer la bonne gouvernance des Fidjiens et des Rotumans.

164.Aux termes du paragraphe 9 de l’article 38, une loi ou une mesure administrative prise en vertu d’une loi peut limiter le droit à l’égalité aux fins de l’application des coutumes fidjiennes ou rotumanes ou de la communauté banabane en ce qui concerne a) la détention, l’utilisation ou la transmission de droits fonciers ou de droits de pêche ou la distribution des produits tirés de la terre ou de la pêche; b)le droit d’une personne au titre ou rang de chef; et c) aux fins de l’imposition de restrictions à l’aliénation de droits fonciers ou de droits de pêche détenus conformément aux coutumes fidjiennes, rotumanes ou banabanes, ou de l’autorisation de l’aliénation temporaire de ces terres ou droits sans l’accord des propriétaires.

165.Dans les limites fixées au paragraphe 10 de l’article 38, une loi ou une mesure administrative prise en vertu d’une loi peut restreindre un droit ou une liberté garantis à l’article 38 en vue d’assurer la bonne gouvernance (non souligné dans le texte original) des Fidjiens ou des Rotumans ou de la communauté banabane et d’autres membres d’une communauté fidjienne, rotumane ou banabane. À la suite des événements du 19 mai 2000, certains commentateurs ont qualifié de désastreuse l’inclusion de cette disposition dans le décret sur les libertés et les droits fondamentaux de 2000 promulgué par le Gouvernement militaire provisoire alors que cette disposition n’était pas totalement nouvelle mais reprenait à la lettre le texte de la Déclaration des droits figurant dans la Constitution de 1997.

166.Le paragraphe 10 de l’article 38 stipule: «Les restrictions prévues au paragraphe 9 ne sont valides que dans les conditions suivantes:

i)Si elles reconnaissent à toutes les personnes auxquelles elles s’appliquent le droit à l’égalité devant la loi sans aucune discrimination pour un motif autre que la race ou l’origine ethnique;

ii)Si elles ne portent pas atteinte à un droit ou à une liberté énoncés dans le présent chapitre.» (chap. IV − Déclaration des droits).

167.Il faut savoir que les Fidji ont une Constitution écrite qui exprime, dans son style propre, l’esprit de la Convention relative aux droits de l’enfant. La discrimination raciale étant interdite par la Constitution, il ne peut y avoir de loi ou de politique qui soient incompatibles avec cette interdiction, car telles sont la politique et la loi nationales relatives à la Convention quel que soit le parti politique au pouvoir, aussi longtemps que les dispositions constitutionnelles pertinentes restent en vigueur.

168.Étant donné que l’adhésion des Fidji à la Convention est sujette aux réserves et déclarations mentionnées plus haut, la vaste gamme de droits fondamentaux garantis à l’individu par la Constitution quelle que soit sa race, doit s’entendre compte tenu desdites réserves et déclarations. En conséquence, il n’est absolument pas possible, dans le contexte fidjien, de considérer que les lois et les régimes électoraux, fonciers et relatifs à l’éducation seraient racistes ou auraient pour effet de perpétuer la discrimination raciale. La Constitution elle‑même contient des dispositions concernant l’application effective des droits fondamentaux reconnus à l’individu par la High Court. L’individu dispose quant à lui d’éléments très solides pour engager une action en justice, ne serait-ce que pour le simple risque de violation de l’un quelconque de ces droits. Les autres textes de loi interdisant la discrimination sont notamment:

a)La loi no 10 de 1999 sur la Commission des droits de l’homme;

b)La loi sur l’ombudsman;

c)La loi sur l’ordre public;

d)Le Code pénal;

e)La loi sur l’immigration;

f)La loi sur l’éducation.

La loi sur la Commission des droits de l’homme

169.La loi sur la Commission des droits de l’homme interdit de façon générale toute discrimination en matière d’emploi, d’éducation, d’affiliation à un syndicat ou une organisation d’employeurs et d’offre de formation et d’agrémentation professionnelles, de marchandises, de prestations, de services, de locaux, de logement et d’hébergement. En outre, cette loi interdit toute «discrimination indirecte», c’est‑à‑dire toute exigence ou condition qui est imposée également à tous les groupes raciaux mais à laquelle un petit nombre de personnes seulement, appartenant à un certain groupe, peuvent satisfaire. L’application de cette loi peut être assurée par la voie d’une procédure de conciliation de la Commission ou d’une procédure civile contre des personnes ou des organisations.

La loi de 1969 sur l’ordre public

170.Ce texte a pour but le maintien de l’ordre public. Il érige en infraction l’«incitation à la haine ou au mépris d’une catégorie de personnes» ou «à la haine d’une race ou d’une communauté».

Le Code pénal

171.D’après la définition donnée par le Code pénal, la sédition s’entend de «… la publication ou la diffusion d’écrits séditieux … ayant (apparemment) pour objet de susciter un sentiment d’hostilité entre différentes classes ou races de la communauté…».

La loi de 1998 sur l’ombudsman

172.Ce texte régit les attributions de l’ombudsman, dont la fonction est prévue dans la Constitution de 1997 (ainsi qu’au chapitre IX de la Constitution de 1970 et au chapitre X de la Constitution de 1990). L’ombudsman est habilité à enquêter sur toute mesure qui, prétendument ou apparemment, porte atteinte aux libertés et droits fondamentaux garantis à la personne par la Constitution. Saisi d’une telle plainte, il peut recommander que les instances intéressées réexaminent la question qui fait l’objet de la plainte, ou que l’omission soit réparée ou la décision rapportée, renversée ou modifiée, ou encore que la loi pertinente soit réexaminée.

C. La Commission fidjienne des droits de l’homme

173.La Commission fidjienne des droits de l’homme a été créée conformément à l’article 42 de la Constitution de 1997 en vertu de laquelle elle est chargée de sensibiliser la population aux droits de l’homme et d’adresser au Gouvernement des recommandations sur des questions touchant au respect des droits de l’homme, et s’acquitte des autres fonctions qui peuvent lui être confiées par le Parlement.

174.La protection contre la discrimination raciale fait également l’objet de la loi no 10 de 1999 sur la Commission des droits de l’homme qui, au paragraphe 2 de son article 17, interdit entre autres la discrimination raciale dans certains domaines de la vie publique.

175.La Commission est chargée de sensibiliser la population aux droits de l’homme, d’enquêter et de statuer sur les plaintes pour discrimination arbitraire conformément à la loi no 10 de 1999, et d’enquêter sur les allégations de violation de la Déclaration des droits (chap. 4) dont la Constitution de 1997 est assortie. Toute discrimination est illégale dans les domaines suivants:

a)L’emploi;

b)L’éducation;

c)La formation professionnelle;

d)Les partenariats professionnels;

e)L’agrémentation commerciale ou professionnelle;

f)L’affiliation aux syndicats et aux organisations patronales;

g)Le logement et l’hébergement;

h)La fourniture de biens et services, notamment en matière de prêts et d’assurance;

i)L’accès aux lieux publics.

176.La création et le maintien en fonction de la Commission en tant qu’institution indépendante reflètent l’attachement des Fidji à la protection des principes internationaux relatifs aux droits de l’homme.

F. Le bureau de l’ombudsman

177.Le bureau de l’ombudsman a été chargé d’enquêter sur les plaintes déposées à l’encontre de fonctionnaires pour mauvaise administration. Des informations détaillées figurent à ce sujet dans le rapport présenté au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale. La loi portant amendement de la Constitution de 1997 contient un certain nombre de dispositions nouvelles relatives à l’ombudsman, qui visent à étendre sa compétence aux plaintes contre le Conseil d’administration des terres autochtones et les conseils des îles de Banaba et Rotuma, dont il n’était pas question dans la Constitution de 1990. La Constitution de 1997 dispose que l’ombudsman, à la différence du Président, est nommé par la Commission des postes institués par la Constitution, conformément aux dispositions de la Constitution de 1990, et fixe l’âge du départ à la retraite de l’ombudsman à 65 ans. Le bureau de l’ombudsman doit respecter la liberté de l’information et les règles de déontologie prévues dans la Constitution de 1997. En 1998 est entrée en vigueur la loi sur l’ombudsman qui définit les modalités des enquêtes qu’il est appelé à mener, accorde l’immunité à l’ombudsman, ainsi qu’à ses collaborateurs, et habilite le ministre compétent à prendre des règlements.

G. Le Ministre des affaires étrangères et du commerce extérieur

178.Le Ministre des affaires étrangères et du commerce extérieur ratifie les traités au nom du Gouvernement fidjien et coordonne la rédaction et la présentation des rapports périodiques des Fidji destinés aux organes des Nations Unies créés en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

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