NATIONS UNIES

HRI

Instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme

Distr.GÉNÉRALE

HRI/CORE/MCO/20088 avril 2009

Original: FRANÇAIS

DOCUMENT DE BASE FAISANT PARTIE INTÉGRANTE DES RAPPORTS DES ÉTATS PARTIES

MONACO*

[27 mai 2008]

TABLE DES MATIÈRES

Chapitre Paragraphes Page

I.TERRITOIRE ET POPULATION1 − 144

II.STRUCTURE POLITIQUE GÉNÉRALE15 − 2407

A.Aperçu de l’histoire politique de la Principauté15 − 227

B.Le cadre institutionnel23 − 899

1.Le pouvoir exécutif28 − 519

2.Le pouvoir législatif52 − 6014

3.Le pouvoir judiciaire61 − 7915

4.La Commune80 − 8417

5.Les organes consultatifs85 − 8918

C.Le cadre juridictionnel90 − 24018

1.Généralités90 − 11418

2.Les autorités judiciaires115 − 24021

III.CADRE JURIDIQUE GÉNÉRAL DE LA PROTECTIONDES DROITS DE L’HOMME241 − 26635

A.Autorités compétentes en matière de droits de l’homme243 − 25135

B.Recours dont dispose une personne qui prétendque ses droits ont été violés et systèmes d’indemnisationet de réhabilitation252 − 25537

C.Protection des droits prévus dans les divers instrumentsinternationaux relatifs aux droits de l’homme256 − 26038

D.Modalités d’incorporation des instruments relatifs aux droitsde l’homme au droit interne et modalités d’invocationde ces instruments devant les instances judiciaires261 − 26339

E.Institutions ou organismes nationaux chargés de veillerau respect des droits de l’homme264 − 26640

IV.INFORMATION ET PUBLICITÉ267 − 27540

ANNEXES

I. Constitution de 1962 telle que modifiée par la loi n o 1.249 du 2 avril 2002 et la loi n o 1.249 du 2 avril 2002 portant révision de la Constitution du 17 décembre 1962

II. Lois et ordonnances souveraines

Loi no 1.276 du 22 décembre 2003 modifiant la loi no 1.155 du 18 décembre 1992 relative à la nationalité

Loi no 1.296 du 12 mai 2005 relative à la transmission de la nationalité par les mères ayant opté en vertu des dispositions de l’article 3 de la loi no 572 du 18 novembre 1952, abrogé

Loi no 1.327 du 22 décembre 2006 relative à la procédure de révision en matière pénale

Loi no 1.343 du 26 décembre 2007 justice et liberté portant modification de certaines dispositions du Code de procédure pénale

Ordonnance souveraine no 408 du 15 février 2006 rendant exécutoire la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ouverte à la signature le 4 novembre 1950 et telle qu’amendée par le Protocole no 1

Ordonnance souveraine no 461 du 23 mars 2006 relative à l’assistance aux victimes de spoliations de biens subies à Monaco durant la Seconde Guerre mondiale ou à leurs ayants droit

Ordonnance souveraine no 573 du 29 juin 2006 portant modification de l’ordonnance souveraine no 3.851 du 14 août 1967 relative à la désignation des membres du Tribunal du travail, modifiée

Ordonnance souveraine no 813 du 21 novembre 2006 majorant le nombre de membres du Conseil économique et social

III. Divers

Circulaire no 2007-05 du 16 juillet 2007 relative au salaire minimum interprofessionnel de croissance à compter du 1er juillet 2007

Discours de S.A.S. le Prince Rainier III à l’occasion de l’adhésion de la Principauté de Monaco au Conseil de l’Europe, mardi 5 octobre 2004

Ambassades de Monaco accréditées près les puissances étrangères

Corps consulaires de Monaco à l’étranger

Corps consulaires étrangers dans la Principauté de Monaco

I. TERRITOIRE ET POPULATION

1.État indépendant et souverain, la Principauté de Monaco couvre une superficie de 2,02 km², dont près de 0,40 ont été gagnés sur la mer au cours des trois dernières décennies. La Principauté de Monaco ne forme qu’une seule ville, Monaco, dont les limites se confondent avec celles de l’État. Par conséquent, la population est urbaine à 100 %. Son territoire est enclavé dans celui de la République française et possède une ouverture sur la mer Méditerranée. Depuis la Convention franco-monégasque du 16 février 1984, les eaux territoriales sur lesquelles la Principauté de Monaco exerce sa souveraineté représentent une superficie de 71 km² et les espaces maritimes situés au‑delà (le plateau continental, sur lequel Monaco détient des droits souverains) s’étendent sur un corridor d’une largeur de 3,160 km et d’une longueur de 88 km.

2.Le français est la langue officielle, mais l’italien et l’anglais sont aussi communément compris et parlés. La langue traditionnelle, le monégasque, est pratiquée par les «anciens» et également enseignée aux plus jeunes dès la 9e (CE2) dans les écoles de Monaco. Elle peut être choisie comme option facultative au baccalauréat.

3.La religion catholique, apostolique et romaine est la religion d’État, mais l’article 23 de la Constitution garantit la liberté des cultes. Ainsi, il existe des lieux de culte protestant, anglican, orthodoxe grec et israélite sur le territoire monégasque.

4.Vu les relations monétaires existant entre la Principauté de Monaco et la République française entérinées par l’ordonnance souveraine du 4 janvier 1925, modifiée le 17 juillet 1928, qui donne cours légal aux monnaies et billets de l’État français sur le territoire de la Principauté de Monaco, le Gouvernement princier a introduit l’euro sur son territoire à partir du 1er janvier 1999, en adoptant un calendrier identique au calendrier français, et en fixant au plan interne les modalités juridiques nécessaires. La Principauté de Monaco, État tiers à l’Union européenne, a été autorisée à donner cours légal à l’euro sur son territoire (décision du Conseil des ministres de l’Union européenne en date du 31 décembre 1998). En outre, des pièces libellées en euro et comportant une face monégasque ont été frappées et sont acceptées légalement dans tous les États de la zone euro.

5.Au dernier recensement général de la population effectué en juillet 2000, la Principauté de Monaco comptait 32 020 habitants (15 544 hommes et 16 476 femmes), ce qui représente une progression de 7 % par rapport à 1990. Depuis 1968, la population résidant à Monaco a augmenté de plus de 31 % et elle a doublé depuis le début du XXe siècle. Le nouveau quartier de Fontvieille (gagné sur la mer) absorbe en très large partie cet accroissement de la population, tandis que les quartiers plus anciennement urbanisés (Monaco-Ville et le quartier de la Condamine) voient leur population décroître très légèrement.

6.Quelque 126 nationalités composent la population de Monaco, parmi lesquelles 8 039 Monégasques (24,5 %), 8 831 Français (36,8 %), 5 521 Italiens (23 %) et 2 054 Britanniques (6,2 %). Les communautés suisse, allemande, belge, portugaise et nord‑américaine (États-Unis d’Amérique et Canada) sont également bien représentées.

7.La population de nationalité monégasque résidant à Monaco a vu son nombre augmenter de près de 75 % en trente ans (3 489 en 1968, 7 175 en 2000, 7 842 en 2005). Cet accroissement considérable a plusieurs origines:

a)La possibilité offerte depuis 1992 à toute mère née monégasque (ou à toute Monégasque naturalisée possédant un ascendant de la même branche qui soit né monégasque) de transmettre cette nationalité à ses enfants (loi no 1.155 du 18 décembre 1992 relative à la nationalité modifiée par la loi no 1.276 du 22 décembre 2003 qui permet, entre autres, aux femmes naturalisées de transmettre la nationalité à leurs enfants indépendamment de la nationalité de ses ascendants de la même branche);

b)De plus, la loi no 1.296 du 12 mai 2005 permet en son article premier «à toute personne née d’une mère ayant, préalablement à sa naissance, acquis la nationalité monégasque en vertu de l’article 3 de la loi no 572 du 18 novembre 1952, [...] [d’]acquérir la nationalité monégasque par déclaration dans l’année qui suit la publication de la présente loi, à la condition de justifier d’une résidence effective dans la Principauté à la date de cette publication ou d’y avoir effectivement résidé pendant au moins dix-huit années»;

c)La faculté pour toute femme étrangère épousant un monégasque d’acquérir la nationalité par déclaration (art. 3 de la loi susmentionnée);

d)La faculté constitutionnelle que possède le Prince souverain d’accorder la nationalité monégasque par voie de naturalisation.

8.La répartition de la population monégasque par tranche d’âge fait apparaître une pyramide des âges en forme «d’as de pique». L’espérance de vie à la naissance est de 78,4 ans (74,7 ans pour les hommes et 83,6 ans pour les femmes). En 2000, les personnes âgées de plus de 65 ans représentent 7 181 personnes, soit 22,4 % de la population totale. Ce taux relativement élevé est stable depuis trente ans, la Principauté de Monaco attirant historiquement une population retraitée aisée. La proportion des jeunes de 0 à 14 ans se maintient également (13,2 %). À ce titre, le taux de fécondité demeure inchangé depuis dix ans avec 1,7 enfant par femme en âge de procréer. En revanche, les 15‑24 ans ne représentent que 8 % de la population et les 25‑64 ans plus de 56 %.

9.Les principaux indicateurs en matière de santé indiquent que Monaco a atteint des niveaux particulièrement satisfaisants dans ce domaine:

a)Une espérance de vie à la naissance proche des meilleurs standards mondiaux (78,4 ans);

b)Un taux brut de mortalité de 17 ‰, avec près de 30 % des décès dus au cancer (37,8 % en 2005), plus de 40 % dus à des maladies de l’appareil circulatoire (35,1 % en 2005) et moins de 10 % dus à des maladies de l’appareil respiratoire (6,3 % en 1999);

c)Un taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans de 7 ‰ pour les filles et de 9 ‰ pour les garçons, similaire aux standards des pays industrialisés.

10.Le produit intérieur brut (PIB) a été calculé pour la première fois en 2005. Le montant du PIB 2006, qui vient d’être calculé, est exprimé, comme pour le PIB 2005, en valeur en prix courants, donc sans prise en compte de l’inflation estimée par l’INSEE à 1,6 %, en France, en 2006. L’approche retenue pour la définition de la population de référence prend en compte, comme pour le calcul 2005, la population résidente, d’une part, et la population salariée non résidente, d’autre part. Le calcul de cet agrégat économique pour la deuxième année consécutive permet de connaître le premier taux de croissance de l’économie monégasque (non corrigé de l’inflation), qui est de 6,5 %. Le PIB 2005 a été revu à la hausse, lors du calcul du PIB 2006, compte tenu de l’intégration dans l’Excédent Brut d’Exploitation (E.B.E.) global, de l’E.B.E. des administrations, qui n’avait pas été pris en compte en 2005.

11.Les résultats obtenus sont présentés dans le tableau ci-après:

2005

2006

Variations

Rémunérations des salariés

+ 1 759 819 893 €

+ 1 885 286 465 €

+ 7,13 %

Excédent Brut d’Exploitation

+ 1 459 113 675 €

+ 1 534 545 089 €

+ 5,38 %

Impôt sur la production

+ 428 55 613 €

+ 463 941 595 €

+ 8,26 %

Subventions

- 156 679 677 €

- 169 315 501 €

+ 8,06 %

PIB

3 490 804 504 €

3 717 457 647 €

+ 6,49 %

Population retenue

68 973 personnes

70 741 personnes

+ 2,17 %

PIB per capita (en €)

50 611 €

52 752 €

+ 4,23 %

Source: Direction de l’expansion économique.

12.L’activité économique s’apprécie également en fonction du chiffre d’affaires que dégagent les entreprises de la place chaque année. En 2007, ce dernier atteint près de 15,4 milliards d’euros et est en progression d’environ 17 % par rapport à l’année précédente. La Principauté de Monaco est caractérisée par un tissu économique d’une grande diversité. Les principaux secteurs d’activité en termes de chiffre d’affaires sont le commerce de gros et de détail (près de 45 % du chiffre d’affaires de 2007), les banques et activités financières (19 % du chiffre d’affaires de 2007) et les secteurs immobilier/travaux publics et de l’industrie (chacun des deux secteurs représente environ 6 % du chiffre d’affaires de 2007).

13.Le taux horaire du salaire minimum est revalorisé chaque année au 1er juillet sur des bases identiques au SMIC français, 8,44 euros de l’heure, soit 1 426,36 euros par mois en 2007 (voir annexe). Par ailleurs, les rémunérations minimales doivent être majorées d’une indemnité exceptionnelle de 5 % de leur montant. En pratique, le «5 % monégasque» est appliqué pour tous les salaires versés dans la Principauté de Monaco.

14.La population salariée est estimée à 45 636 personnes au 1er janvier 2007. Depuis 2003, elle a progressé de 11,28 %. Le taux de chômage, traditionnellement bas, se situe à un niveau de 0,73 % au 31 janvier 2008. Le secteur public emploie 8,68 % de la population salariée, tandis que le secteur privé représente 91,32 % avec 41 674 actifs. Parmi ces derniers, 16,04 % sont domiciliés à Monaco, 75,16 % constituent des travailleurs frontaliers, provenant essentiellement des communes limitrophes et du département des Alpes-Maritimes et 8,80 % de l’Italie (distante de 12 km). Les hommes représentent 58,01 % des salariés du secteur privé et les femmes 41,99 %. Le secteur tertiaire (services) absorbe 83,34 % de la main‑d’œuvre, tandis que le secondaire (industrie) représente 16,60 %. Le secteur primaire est quasi inexistant (0,06 %), car hormis les 39 hectares d’espaces verts, le territoire monégasque est entièrement urbanisé.

II. STRUCTURE POLITIQUE GÉNÉRALE

A. Aperçu de l ’ histoire politique de la Principauté

15.Dès les plus anciennes époques de la préhistoire et la plus haute antiquité, le Rocher de Monaco et le port naturel servent de refuge aux populations primitives puis à des navigateurs venant d’Orient. Au VIe siècle avant J.-C., une tribu ligure habite la région qui aurait donné son nom à Monaco. Après une période de présence phénicienne, les Romains s’installent dans la région du IIe siècle avant J.-C. au Ve siècle de notre ère. Ils utilisent la rade de Monaco qui a pris le nom de Portus Herculis Monoeci (Port Hercule). Du début du VIe siècle à la fin du Xe siècle la région subit de nombreuses invasions et ce n’est qu’en l’an 975 que le comte de Provence réussit à repousser les Sarrasins marquant ainsi le début d’une ère nouvelle.

16.En 1162, Gênes voit son autorité reconnue par l’Empereur Frédéric Ier Barberousse sur la côte ligure, jusqu’à Monaco. Les Génois installent une colonie sur le Rocher et construisent un château fort (1215), qui devient le poste frontière à l’ouest de la République. En 1270, une guerre civile à Gênes met aux prises les Guelfes, partisans du pape, et les Gibelins, partisans de l’Empereur romain germanique. À la suite d’une victoire de ces derniers, de nombreuses familles guelfes sont exilées parmi lesquelles celle des Grimaldi.

17.En réaction contre l’exil imposé aux Guelfes, le château de Monaco est pris par surprise le 8 janvier 1297 par certains d’entre eux sous la conduite de François Grimaldi dit «Malizia». Cette date marque la naissance de la souveraineté des Grimaldi sur Monaco. En 1346 et en 1355, les Grimaldi font l’acquisition des seigneuries et fiefs de Menton et Roquebrune. Ces seigneuries, avec celle de Monaco, constitueront le territoire de la Principauté jusqu’en 1861. Avant de mourir en 1454, Jean Ier prend des dispositions testamentaires fondamentales, qui vont constituer, pendant cinq siècles, la base du règlement successoral dans la Maison de Monaco. Il édicta que la succession se ferait dans sa descendance directe et légitime, par ordre de primogéniture avec priorité des descendants mâles au même degré de parenté; à défaut seulement, les femmes seraient appelées, à la condition que leurs descendants prennent le nom et les armes des Grimaldi.

18.Au cours du XVe siècle, la Seigneurie sera reconnue notamment par le duc de Savoie, et en 1512 par le Roi de France Louis XII, qui reconnaît que Lucien, Seigneur de Monaco de 1481 à 1523, ne tient la Seigneurie de Monaco que «de Dieu et de son épée». À cette époque, toute vassalité disparaît vis-à-vis de Gênes. Les alliances conduiront les seigneurs de Monaco à être proches de la France, à lutter contre Naples, à être sous la protection de l’Espagne de 1524 à 1641, avant que, par le Traité de Péronne (1641), Louis XIII, Roi de France, replace définitivement la Principauté dans la sphère d’influence française, tout en réaffirmant la liberté et la souveraineté du Prince de Monaco. Le Traité de Péronne prononce l’attribution des fiefs du Valentinois, de Carladès, des Baux, de Saint-Rémy au Prince Honoré II et à son fils. Louis Ier promulgue, en décembre 1678, les statuts juridiques de la Principauté ou «Code Louis». Durant la Révolution française, la Principauté est rattachée au territoire de la République en 1793 sous le nom de «Fort Hercule» jusqu’en 1814, où le Traité de Paris rétablit les Grimaldi dans leurs droits et prérogatives, en les plaçant sous protection du Roi de Sardaigne.

19.En 1848, Menton et Roquebrune se proclament «villes libres» et sont placées sous protection sarde. Les droits souverains sur ces deux villes seront officiellement cédés à la France par Charles III dans le Traité du 2 février 1861 signé avec Napoléon III (Monaco perd alors plus des neuf dixièmes de son territoire et des six septièmes de sa population), lequel assure à nouveau l’indépendance de Monaco. Selon des articles secrets du Traité, le Prince s’engage pour lui et ses descendants à n’aliéner aucun de ses droits de souveraineté, si ce n’est en faveur de la France. Il n’accepte éventuellement un protectorat que de la France. Par ailleurs, une clause du Traité prévoit la création d’une union douanière entre les deux États, laquelle sera conclue en 1865. Le 5 janvier 1911, le Prince Albert Ier dote pour la première fois Monaco d’une organisation constitutionnelle effective qui règle l’organisation des pouvoirs publics et le fonctionnement des institutions.

20.Le 17 juillet 1918 est signé le «Traité fixant les rapports de la France avec la Principauté de Monaco». Par ce traité, la France assure la défense de l’indépendance et de la souveraineté ainsi que l’intégrité du territoire de la Principauté. En retour, l’expression de cette souveraineté ne peut s’effectuer qu’en parfaite conformité avec les intérêts politiques, militaires, navals et économiques de la France. De même, les mesures concernant les relations internationales de la Principauté devront toujours faire l’objet d’une entente préalable entre le Gouvernement princier et le Gouvernement français. Ce traité fait actuellement l’objet d’une renégociation.

21.Le 9 mai 1949, le Prince Rainier III monte sur le trône. Son règne est l’un de ceux qui ont le plus transformé la Principauté. Il intensifie et diversifie les actions mises en œuvre pendant les trois règnes précédents, aussi bien dans les domaines politique, diplomatique, international, économique et socialque dans ceux de l’éducation et du sport, de la santé, de la science, de la culture et de la communication. Il y ajoute une dimension industrielle. Le 17 décembre 1962, il promulgue une nouvelle Constitution qui consacre la séparation des pouvoirs et l’état de droit. En 1993, il obtient l’admission de Monaco comme État Membre de l’Organisation des Nations Unies et en 2004 Monaco est admis au sein du Conseil de l’Europe.

22.Le jeudi 31 mars 2005, conformément aux statuts de la Famille souveraine, le Conseil de la Couronne, saisi par le Secrétaire d’État, après en avoir informé S.A.S. le Prince héréditaire Albert, a constaté l’empêchement pour S.A.S. le Prince Rainier III d’exercer ses hautes fonctions, suite à son hospitalisation au Centre cardio-thoracique le 7 mars 2005. Dès lors, la régence fut assurée par S.A.S. le Prince héréditaire Albert. Le 6 avril 2005, S.A.S. le Prince Albert II succède à son père, le Prince Rainier III, qui décède ce jour-là. S.A.S. le Prince Albert II introduit son discours d’avènement le 12 juillet 2005.

B. Le cadre institutionnel

23.Le régime politique et institutionnel de la Principauté de Monaco est régi par la Constitution du 17 décembre 1962 (modifiée par la loi no 1.249 du 2 avril 2002). Loi fondamentale de l’État, celle-ci définit la nature du Gouvernement, l’organisation des pouvoirs publics et leurs rapports. Elle consacre aussi les droits et les libertés publics reconnus aux Monégasques et aux étrangers.

24.La Principauté de Monaco est une monarchie héréditaire et constitutionnelle qui affirme la primauté du droit sur toutes les institutions et qui assure la séparation des pouvoirs.

25.La Principauté de Monaco est une monarchie héréditaire et constitutionnelle. La primauté du droit est reconnue sur l’ensemble des institutions et la séparation des grandes fonctions de l’État se trouve renforcée et précisée. La Constitution consacre la souveraineté et l’indépendance de la Principauté de Monaco «dans le cadre des principes généraux du droit international et des conventions particulières avec la France».

26.La Constitution déclare par ailleurs que «la Principauté est un État de droit attaché au respect des libertés et droits fondamentaux». Ceux-ci sont énumérés dans le titre III et correspondent à de nombreux droits figurant dans les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et notamment la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.

27.La Constitution ne peut faire l’objet d’aucune suspension. Sa révision totale ou partielle est subordonnée au commun accord du Prince et d’une assemblée élue, le Conseil national.

1. Le pouvoir exécutif

a) Le chef de l ’ État

28.Le Prince souverain est le chef de l’État monégasque:

a)Le pouvoir exécutif relève de sa haute autorité;

b)Le pouvoir législatif est exercé conjointement par le Prince et le Conseil national;

c)Le pouvoir judiciaire est délégué par le Prince aux cours et aux tribunaux.

29.La succession au trône, ouverte par suite de décès ou d’abdication, s’opère dans la descendance directe et légitime du Prince régnant, par ordre de primogéniture avec priorité masculine au même degré de parenté.

30.À défaut de descendance directe et légitime, la succession s’opère au profit des frères et sœurs du Prince régnant et de leurs descendants directs et légitimes, par ordre de primogéniture avec priorité masculine au même degré de parenté.

31.Si l’héritier qui aurait été appelé à monter sur le trône en vertu des alinéas précédents est décédé ou a renoncé avant l’ouverture de la succession, la dévolution s’opère au profit de ses propres descendants directs et légitimes, selon l’ordre de primogéniture avec priorité masculine au même degré de parenté.

32.Si l’application des paragraphes ci-dessus ne permet pas de pourvoir à la vacance du trône, la succession s’opère au profit d’un collatéral désigné par le Conseil de la Couronne sur avis conforme du Conseil de régence. Les pouvoirs princiers sont provisoirement exercés par le Conseil de régence.

33.La succession au trône ne peut s’opérer qu’au profit d’une personne ayant la nationalité monégasque au jour de l’ouverture de la succession.

34.Les modalités d’application du présent article sont fixées, en tant que de besoin, par les statuts de la Famille souveraine, pris par ordonnance souveraine.

35.Le Prince représente la Principauté de Monaco dans ses rapports avec les puissances étrangères. Cela s’est traduit par le développement de la représentation diplomatique monégasque à l’étranger: 11 ambassadeurs accrédités auprès de 23 pays et d’organisations internationales (ONU, Union européenne et Conseil de l’Europe), 113 missions consulaires ouvertes dans 62 États en Europe, en Asie, en Afrique ainsi qu’en Amérique du Nord, centrale et du Sud, ainsi qu’au travers de la représentation consulaire étrangère à Monaco: 73 pays sont représentés par un consulat. Au titre des rapports avec les puissances étrangères, le Prince peut conclure des accords bilatéraux de coopération, d’entraide, d’extradition, sectoriels, etc.

36.Mais l’article 14 de la Constitution précise que certains traités ne peuvent être ratifiés qu’en vertu d’une loi, c’est le cas:

a)Des traités et accords internationaux affectant l’organisation constitutionnelle;

b)Des traités et accords internationaux dont la ratification entraîne la modification de dispositions législatives existantes;

c)Des traités et accords internationaux qui emportent adhésion de la Principauté à une organisation internationale dont le fonctionnement implique la participation de membres du Conseil national;

d)Des traités et accords internationaux dont l’exécution a pour effet de créer une charge budgétaire relative à des dépenses dont la nature ou la destination n’est pas prévue par la loi de budget.

37.Le Prince signe et ratifie, après consultation du Conseil de la Couronne, les traités et conventions internationales. Il les communique au Conseil national par l’intermédiaire du Ministre d’État avant leur ratification. Il a également permis l’adhésion de Monaco à de nombreux organismes internationaux et a favorisé l’établissement dans la Principauté de Monaco des sièges d’organisations internationales à caractère scientifique, telles la Commission internationale pour l’exploration scientifique de la mer Méditerranée, l’Organisation hydrographique internationale, ainsi que du Laboratoire de l’environnement marin de l’Agence internationale de l’énergie atomique…

38.Le Prince, après consultation du Conseil de la Couronne exerce le droit de grâce et d’amnistie, ainsi que le droit de naturalisation et de réintégration dans la nationalité.

b) Le Gouvernement

39.Le Gouvernement est exercé, sous la haute autorité du Prince, par un Ministre d’État et cinq conseillers de Gouvernement nommés par le Prince et responsables devant lui. Le Ministre d’État et les conseillers de Gouvernement composent le Conseil de Gouvernement, qui se réunit généralement une fois par semaine. Le Conseil est présidé, avec voix prépondérante, par le Ministre d’État.

c) Le Ministre d ’ État

40.Le Ministre d’État représente le Prince. Il exerce la direction des services exécutifs et dispose de la force publique. Il prend les arrêtés nécessaires à l’application des lois et des ordonnances souveraines.

41.Certains services administratifs lui sont directement rattachés: Contrôle général des dépenses, Secrétariat général du Ministère d’État, Direction des affaires juridiques, Direction de la fonction publique et des ressources humaines, Centre d’informations administratives, Service des archives centrales, Journal de Monaco, Service informatique, Centre de presse.

d) Les conseillers de gouvernement

42.Les conseillers de gouvernement dirigent les cinq départements ministériels, dont les attributions sont les suivantes:

i) Le Département de l ’ intérieur

43.Ce département a en charge de conduire les politiques publiques ayant trait aux domaines suivants:

a)Éducation nationale;

b)Jeunesse et sports;

c)Sécurité publique et établissement des personnes;

d)Affaires culturelles;

e)Protection civile.

44.Il assure le suivi et la tutelle des associations, fédérations et fondations ainsi que les relations avec les cultes de la Principauté de Monaco.

45.Il lui appartient d’assurer le suivi de toutes les questions intéressant la Commune de Monaco.

ii) Le Département des finances et de l ’ économie

46.Le Département des finances et de l’économie possède un champ d’action très étendu, toute question à traduction budgétaire lui étant soumise. Une grande variété de services lui sont rattachés pour lesquels il assure le pilotage des actions. Il est en charge de conduire les politiques publiques ayant trait aux domaines suivants:

a)Budget;

b)Trésorerie;

c)Économie et commerce;

d)Tourisme;

e)Logement;

f)Domaine de l’État;

g)Contrôle des jeux;

h)Contrôle des circuits financiers;

i)Innovation et nouvelles technologies;

j)Services à caractère commercial (Régie des tabacs et Office des émissions de timbres‑poste).

iii) Le Département de l ’ équipement, de l ’ environnement et de l ’ urbanisme

47.Les attributions du Département de l’équipement, de l’environnement et de l’urbanisme se répartissent comme suit:

a)Équipement public;

b)Développement urbain;

c)Construction immobilière;

d)Environnement, espaces verts et cadre de vie;

e)Entretien du domaine de l’État;

f)Transports terrestre, maritime, aérien;

g)Services publics destinés à la collectivité.

iv) Le Département des affaires sociales et de la santé

48.Il est en charge de conduire les politiques publiques ayant trait aux domaines suivants:

a)L’emploi;

b)Les relations du travail;

c)La médecine du travail;

d)Les assurances sociales du secteur privé et du secteur public;

e)La santé publique;

f)L’action sociale;

g)La famille, les personnes âgées et les personnes handicapées, à travers l’action quotidienne de la Direction du travail, de la Direction de l’action sanitaire et sociale, du Service des prestations médicales de l’État, du Secrétariat du Tribunal du travail, et des établissements publics placés sous sa tutelle que sont le Centre hospitalier Princesse Grace, l’Office de protection sociale.

Il appartient aussi au Département des affaires sociales et de la santé d’assurer le suivi et l’évolution des accords internationaux concernant la protection sociale et, notamment, les conventions bilatérales de sécurité sociale passées avec la France et l’Italie.

v) Le Département des relations extérieures

49.Il a en charge de conduire les politiques publiques ayant trait aux domaines suivants:

a)Immunités, gestion diplomatique et affaires consulaires;

b)Affaires européennes;

c)Affaires internationales et multilatérales;

d)Environnement international, à travers l’action quotidienne de la Direction de la coopération internationale, de la Direction des affaires internationales, de la Direction des relations diplomatiques et consulaires ainsi que par le truchement des ambassades et des représentations de Monaco à l’étranger et auprès des organisations internationales.

50.Chaque conseiller de gouvernement est assisté d’un directeur général et dispose d’un secrétariat et de services administratifs placés sous l’autorité d’un directeur ou d’un chef de service.

51.Les fonctionnaires sont nommés par ordonnance souveraine. Leurs obligations, droits et garanties fondamentaux, ainsi que leur responsabilité, sont fixés par la loi no 975 du 12 juillet 1975, portant statut des fonctionnaires de l’État.

2. Le pouvoir législatif

a) Le Conseil national

52.Le Conseil national comprend 24 membres, élus pour cinq ans au scrutin de liste sur un seul tour avec possibilité de panachage et sans vote préférentiel. Sont électeurs tous les Monégasques majeurs des deux sexes âgés de 18 ans au moins et jouissant de leurs droits civiques.

53.Sont éligibles les électeurs de l’un ou l’autre sexe âgés d’au moins 25 ans, possédant la nationalité monégasque depuis cinq ans au moins et non frappés d’inéligibilité pour l’une des causes prévues par la loi no 839 sur les élections nationales et communales du 23 février 1968 (voir annexe).

54.Le Prince peut, après avoir pris l’avis du Conseil de la Couronne (voir sup ra, par. 37), prononcer la dissolution de l’Assemblée. Il est procédé, dans ce cas, à de nouvelles élections dans un délai de trois mois.

55.Le Conseil national exerce le pouvoir législatif avec le Prince; chaque année, au cours de la session de novembre, il vote le budget de l’État; aucune contribution directe ne peut être établie que sur son vœu ou avec son assentiment. Le budget est voté et promulgué sous forme de loi. Le contrôle de son exécution et de la gestion financière de l’État, de la Commune et des établissements publics est assuré par une Commission supérieure des comptes.

56.Le Bureau du Conseil national, réélu chaque année, comprend un président et un vice‑président, désignés par l’assemblée parmi ses membres. Le Ministre d’État et les conseillers de gouvernement assistent aux séances de l’assemblée.

b) La loi et l ’ o rdonnance souveraine

57.La l oi: Le Prince a seul l’initiative des lois. Le Conseil national a néanmoins la faculté de présenter des propositions de loi qui, si elles sont acceptées par le Gouvernement, sont présentées par celui‑ci au Prince sous forme de projets, en vue de leur approbation. Ces projets sont ensuite soumis par le Ministre d’État au Conseil national, auquel appartiennent la délibération et le vote des lois. Une collaboration s’établit alors, au sein des commissions de l’assemblée qui procèdent à l’étude du projet, entre les conseillers nationaux et les représentants du Gouvernement. Lorsque la loi est votée, sa sanction appartient au Prince qui peut soit la promulguer, soit s’abstenir de le faire. La loi est opposable aux tiers à compter du lendemain de sa publication au Journal de Monaco (Journal officiel).

58.L ’ o rdonnance souveraine: Délibérées en Conseil de gouvernement, les ordonnances souveraines sont présentées au Prince qui les signe et leur donne ainsi force exécutoire. Elles sont opposables aux tiers dans les mêmes conditions que les lois, c’est‑à‑dire à compter du lendemain de leur publication au Journal de Monaco.

59.Les ordonnances souveraines sont fréquemment des actes ayant pour objet de déterminer les modalités d’application des lois. Elles peuvent également porter sur des matières relevant de la compétence autonome du Prince, au titre de son pouvoir réglementaire. Ne sont en outre pas soumises à la délibération préalable du Conseil de gouvernement les ordonnances souveraines ayant pour objet les affaires relevant de la Direction des services judiciaires, la nomination des membres de la Maison souveraine, du corps diplomatique et consulaire, du Ministre d’État et des conseillers de gouvernement ainsi que des magistrats, la délivrance de l’exequatur aux représentants consulaires étrangers à Monaco, la dissolution du Conseil national et les distinctions honorifiques.

60.Enfin, les ordonnances souveraines rendent exécutoires à Monaco les traités internationaux auxquels la Principauté de Monaco est partie ou déterminent leurs conditions d’application. Le Prince a en effet l’initiative et la conduite des négociations diplomatiques, et ratifie, après consultation du Conseil de la Couronne, les conventions internationales que ses plénipotentiaires ont signées. Seuls les traités affectant l’organisation constitutionnelle doivent être ratifiés en vertu d’une loi.

3. Le pouvoir judiciaire

61.Selon le premier alinéa de l’article 88 de la Constitution, le pouvoir judiciaire appartient au Prince qui en délègue le plein exercice aux cours et tribunaux rendant la justice en son nom.

62.Au plan fonctionnel, la justice est administrée par la Direction des services judiciaires, département monégasque de la justice.

63.Régie par une ordonnance souveraine du 9 mars 1918, elle constitue une administration indépendante du Gouvernement princier à la tête de laquelle se trouve le Directeur des services judiciaires.

64.Le Directeur des services judiciaires détient des pouvoirs similaires à ceux exercés, dans d’autres pays, par les ministres de la justice ou les gardes des sceaux.

65.Il veille à la bonne administration de la justice dont il est responsable devant le Prince seul. À ce titre, il dispose, dans le champ de l’administration judiciaire, de compétences comparables à celles dévolues au Ministre d’État pour l’administration générale du pays.

66.Le Directeur des services judiciaires est également une autorité hiérarchique et disciplinaire à l’égard des fonctionnaires administratifs relevant de son autorité. À ce titre, il assure ses compétences dans des conditions similaires à celles régissant leur exercice par le Ministre d’État ou les chefs de service de l’administration gouvernementale, prévues par la loi no 975 (art. 74). En matière disciplinaire, il peut notamment adresser un avertissement ou un blâme à un fonctionnaire ou convoquer, par arrêté, le conseil de discipline en vue du prononcé d’une sanction plus grave par ordonnance souveraine. À titre de mesure conservatoire, il peut également suspendre provisoirement de ses fonctions un fonctionnaire fautif, avec ou sans retenue de traitement.

67.S’agissant de magistrats, le Directeur des services judiciaires peut notamment, en vertu de l’ordonnance du 9 mars 1918 (art. 10), les rappeler à la règle ou les blâmer en raison de leurs actes publics ou privés.

68.Enfin, conformément aux dispositions prévues au deuxième alinéa de l’article 139 du Code de procédure civile, le Directeur des services judiciaires assure la représentation de l’État devant les juridictions lorsque la puissance publique est mise en cause à raison du fonctionnement de la justice.

69.Les attributions proprement judiciaires du Directeur des services judiciaires ont essentiellement trait à la matière pénale.

70.Ainsi, l’ordonnance du 9 mars 1918 (art. 20) prévoit qu’il dirige l’action publique − à savoir les poursuites pénales à l’égard d’auteurs présumés d’infractions de toute nature − sans l’exercer directement ni pouvoir l’arrêter ou en suspendre le cours. À ce titre, il est habilité à donner des instructions aux officiers du ministère public, principalement le Procureur général et ses substituts, regroupés dans le corps du parquet général. Celui‑ci est plus particulièrement en charge de l’exercice de ces poursuites.

71.Par ailleurs, le Directeur des services judiciaires peut, par arrêté, accorder le bénéfice de la libération conditionnelle des condamnés, dans les conditions prévues par l’ordonnance souveraine no 4.035 du 17 mai 1968.

72.Enfin, son avis peut être recueilli par le Prince sur toute question concernant la justice.

73.Les services dont la Direction des services judiciaires assure l’administration comprennent:

a)Le secrétariat général de la Direction;

b)Le parquet général;

c)Les juridictions;

d)Le greffe général;

e)L’administration pénitentiaire.

74.Le secrétariat général est le service plus particulièrement appelé à administrer les services judiciaires, sous l’autorité du directeur. À sa tête, se trouve un secrétaire général chargé de seconder le directeur pour tout ce qui concerne l’administration de la justice.

75.Il comprend en outre des personnels d’encadrement et de conception (catégorie A) qui peuvent être affectés à un emploi administratif ou des fonctionnaires soumis au statut général de la fonction publique tel qu’il résulte de la loi no 975 du 12 juillet 1975.

76.En pratique, le secrétariat général gère au quotidien l’administration de la justice, dont les questions budgétaires et financières, les ressources humaines et les questions relatives aux carrières.

77.Par ailleurs, il assure, d’une part, la gestion des procédures de naturalisation monégasques et, d’autre part, l’exercice des compétences dévolues à la Direction des services judiciaires comme autorité centrale pour l’application de diverses conventions de droit international privé. À ce titre, le secrétariat général coordonne la phase administrative des adoptions internationales d’enfants, délivre les apostilles et traite des cas d’enlèvement international d’enfants.

78.La Direction des services judiciaires a également une compétence dans la transmission et communication des demandes d’entraide judiciaire (actes judiciaires, commissions rogatoires internationales).

79.Il va sans dire que la gestion judiciaire interne des juridictions relève des chefs de cours ou de juridictions et non de la Direction des services judiciaires.

4. La Commune

80.Le territoire de la Principauté de Monaco forme une seule commune. Celle‑ci est administrée par un Conseil communal composé de 15 membres élus pour quatre ans au suffrage universel direct et au scrutin de liste plurinominal majoritaire à deux tours par tous les citoyens majeurs qui ne sont pas privés du droit de vote. Sauf les cas d’exclusion prévus par la loi, tous les électeurs sont éligibles. Le Conseil communal désigne, parmi ses membres, un maire et des adjoints, qui forment la municipalité. Il peut être dissous par un arrêté motivé du Ministre d’État, après avis du Conseil d’État.

81.Les attributions de la Commune: on doit distinguer, à cet égard, les compétences qui sont dévolues au maire en tant que représentant de l’autorité supérieure, les attributions d’ordre consultatif exercées par le Conseil communal et les missions qui incombent à la Commune en tant que collectivité publique décentralisée.

82.Le maire, en tant qu’agent de l’administration, est chargé de veiller à l’exécution des lois et règlements et d’exercer les pouvoirs de police municipale, notamment en ce qui concerne l’hygiène urbaine et la circulation. Il donne son avis sur les demandes de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité monégasque. Il assure, sous la surveillance du Procureur général, les fonctions d’officier d’état civil (tenant, à ce titre, les registres) et d’officier de police judiciaire (ayant pouvoir pour collaborer à la recherche des crimes, délits et contraventions, en dresser procès‑verbal, recevoir plaintes et dénonciations).

83.Le Conseil communal est obligatoirement consulté par le Ministre d’État sur les projets de plans d’urbanisme, les projets importants de travaux publics, les projets de construction d’immeubles par l’État ou des particuliers (projets importants ou nécessitant des dérogations, notamment à Monaco‑Ville), les projets de création ou de suppression de zones vertes et les projets susceptibles de modifier l’aspect ou l’esthétique de la ville ou la circulation urbaine.

84.La Commune, enfin, en tant que collectivité publique décentralisée a, dans ses attributions la gestion des biens immeubles communaux, l’organisation et l’organigramme des services communaux, l’organisation des festivités municipales et l’animation de la ville, l’hygiène et la pollution urbaines, la dénomination des voies publiques, la création, l’aménagement ou la suppression de zones vertes, le cimetière, …

5. Les organes consultatifs

a) Le Conseil de la Couronne

85.Il est composé de sept membres de nationalité monégasque, nommés par le Prince pour une durée de trois ans. Le Président et trois membres sont directement désignés par le Prince, les trois autres étant nommés sur présentation du Conseil national et hors de son sein. Le Conseil se réunit au moins deux fois par an sur convocation du Prince.

86.Sa mission est de donner un avis sur les questions que le Prince lui soumet touchant aux intérêts supérieurs de l’État. Il est obligatoirement consulté sur la signature et la ratification des traités internationaux, la dissolution du Conseil national, les demandes de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité monégasque, les grâces et les amnisties. Il peut présenter au Prince ses suggestions sur les affaires dont il a lui‑même entrepris l’étude.

b) Le Conseil d ’ État

87.Le Conseil d’État est de droit présidé par le Directeur des services judiciaires et comprend 12 membres nommés par le Prince. Il est chargé de donner un avis sur les projets de loi et d’ordonnance souveraine ou tout autre projet. Le projet de budget de l’État lui est soumis au cas où le vote des crédits par le Conseil national n’est pas intervenu avant le 31 décembre et où le report des crédits correspondant aux services votés lors de l’exercice précédent est décidé par le Gouvernement.

c) Le Conseil économique et social

88.Il est composé de 36 membres, nommés pour trois ans par ordonnance souveraine (voir annexe):

a)12 sont présentés par le Gouvernement en raison de leur compétence;

b)12 sont choisis par le Gouvernement sur une liste de 20 noms dressée par l’Union des syndicats ouvriers;

c)12, enfin, sont choisis par le Gouvernement sur une liste de 20 noms dressée par la Fédération patronale monégasque.

89.Les membres, qui peuvent être de nationalité monégasque ou étrangère, doivent être âgés de 21 ans au moins. Le Président est obligatoirement de nationalité monégasque. Assemblée consultative, le Conseil économique et social est appelé à donner un avis sur les problèmes sociaux, financiers, touristiques, hôteliers, commerciaux, industriels, fonciers et d’urbanisme qui intéressent, d’une façon générale, la vie économique du pays.

C. Le cadre juridictionnel

1. Généralités

90.La Constitution du 17 décembre 1962 comporte un titre X consacré à la «justice», qui regroupe les principes sur lesquels se fonde l’organisation judiciaire.

91.Les dispositions du titre X de la Constitution consacrent notamment le principe de la justice déléguée en vertu duquel le pouvoir judiciaire appartient au Prince, qui en délègue le plein exercice aux cours et tribunaux. Ceux‑ci rendent la justice en son nom (art. 88). Cette délégation est conforme à un autre principe de base de tout État de droit, celui de la séparation des fonctions administrative, législative et judiciaire, également consacré par la Constitution (art. 6).

92.Du fait de l’application combinée de ces dispositions constitutionnelles, l’institution judiciaire est totalement indépendante du pouvoir exécutif pour ce qui est des procédures et décisions juridictionnelles, mais aussi de l’administration de la justice.

93.Pour cette raison, le Gouvernement princier ne comporte aucun conseiller pour la justice. L’administration judiciaire est, au contraire, assurée par une direction indépendante, la Direction des services judiciaires.

94.À sa tête, le Directeur des services judiciaires détient, en son champ de compétence, des pouvoirs comparables, dans leur nature et leur étendue, à ceux dévolus, pour l’administration générale du pays, au Ministre d’État. À l’instar de celui‑ci, il est responsable de sa mission devant le Prince seul.

95.De même, le principe de l’indépendance des juges est garanti par la Constitution (art. 88). Cette disposition concerne plus particulièrement les magistrats exerçant les fonctions du siège, à savoir ceux appelés − par une décision collégiale ou individuelle − à trancher les litiges qui leur sont soumis par les parties dans les conditions déterminées par la loi.

96.En application de ce principe, les juges du siège bénéficient de l’inamovibilité en vertu de laquelle ils ne peuvent être révoqués, suspendus ni déplacés.

97.Aux fins de garantir l’indépendance de la justice, la Constitution énonce que l’organisation, la compétence et le fonctionnement des tribunaux, ainsi que le statut des juges, sont fixés par la loi (art. 88). Ils ne peuvent donc émaner du pouvoir réglementaire, sauf en application de la loi, ce qui constitue une garantie importante.

98.En matière judiciaire, les seules prérogatives appartenant au Prince sont la grâce et l’amnistie (art. 15 de la Constitution).

99.L’inamovibilité ne s’applique ni aux magistrats du parquet général, qui appartiennent à un corps hiérarchisé à la tête duquel se trouve le Procureur général, ni aux juges suppléants. Les fonctions de juge suppléant sont les premières exercées dans la hiérarchie judiciaire monégasque.

100.Le droit monégasque est, dans son ensemble, largement inspiré du droit français. Ceci s’explique par l’étroitesse et l’ancienneté des relations privilégiées unissant les deux pays.

101.Ainsi, de 1793 à 1816, les codes français promulgués sous le Premier Empire furent appliqués à Monaco. Pour pallier dans certaines matières l’inadaptation de la législation française aux particularités de la Principauté, des codes spécifiquement monégasques furent ultérieurement promulgués, tels le Code de commerce le 5 novembre 1866, le Code pénal le 19 décembre 1874 et le Code civil le 21 décembre 1880. Par la suite, le Prince Albert Ier décida de confier au baron de Rolland, magistrat français, la rédaction de deux nouveaux codes, le Code de procédure civile et le Code de procédure pénale, lesquels furent respectivement promulgués en 1896 et en 1904.

102.Ces cinq codes représentèrent, jusqu’au début des années 60, l’essentiel du droit positif monégasque.

103.Le 26 mai 1954, le Prince souverain ordonna la création d’une Commission de mise à jour des codeschargée précisément de proposer les révisions nécessaires de la législation monégasque à l’effet de l’adapter aux besoins nouveaux des justiciables et aux normes contemporaines. Cet organisme a été présidé, dès sa création, par le Directeur des services judiciaires, également Président du Conseil d’État. Ses travaux aboutirent à la promulgation, en 1963, d’un nouveau Code de procédure pénale, puis en 1967, d’un Code pénal. Sa composition est aujourd’hui complétée par des professeurs de droit, des magistrats d’autres juridictions monégasques, un membre du barreau et deux représentants du Conseil national (ainsi qu’un membre du Gouvernement).

104.À ce jour, en dépit de l’inspiration française, de nombreuses particularités du droit monégasque sont tout à fait notables, dans des domaines très divers: le droit de la famille, de la nationalité, des sociétés, les procédures collectives de règlement du passif, le droit pénal, la procédure pénale, le droit administratif, etc.

105.Les fonctions dévolues au ministère public, qui tendent à l’application de la loi ainsi qu’à la préservation et à la défense des intérêts supérieurs de la société, sont exercées par un corps unique de magistrats, le parquet général.

106.Les justiciables peuvent être représentés par des avocats‑défenseurs ou des avocats appartenant au barreau monégasque. Ils peuvent également l’être par des avocats étrangers autorisés à plaider par le Président de la juridiction concernée et assistés, sauf exceptions en matière pénale, par un confrère monégasque sur les questions de forme et de procédure.

107.Pour le reste, l’organisation et la procédure judiciaires monégasques sont fondées sur les principes suivants:

a)La collégialité des juridictions;

b)Le double degré de juridiction;

c)La possibilité d’un recours en cassation;

d)La séparation des fonctions de poursuite et de jugement en matière répressive.

108.Les principes souffrent de rares exceptions qui seront énoncées dans le développement qui suivra.

109.L’instruction consécutive aux crimes et à certains délits est confiée à un juge d’instruction.

110.Le jugement est assuré, pour les contraventions, par le juge de paix siégeant en tribunal de police, pour les délits, par le tribunal de première instance, siégeant en tribunal correctionnel et pour les crimes, par le tribunal criminel, à savoir une juridiction où, à l’instar des cours d’assises françaises, des personnes de la société civile désignées par tirage au sort prennent part à la décision. L’organisation judiciaire, telle que ci‑dessus décrite, est largement inspirée de celle en vigueur en France. Plusieurs spécificités méritent néanmoins d’être relevées.

111.S’agissant en premier lieu du contentieux commercial, il est à noter qu’il n’existe pas à Monaco de juridiction consulaire associant des magistrats professionnels à des juges commerçants désignés par leurs pairs. Le droit commercial, tel qu’il résulte en particulier du Code de commerce, est appliqué par le juge de droit commun.

112.Pour ce qui est, en deuxième lieu, du contentieux administratif, la compétence n’appartient pas à un ordre juridictionnel particulier, comme en France. La Principauté connaît en effet un autre type de répartition: le contentieux de l’excès de pouvoir, à savoir l’annulation des actes administratifs pour illégalité, est confiée au Tribunal suprême, et le plein contentieux (responsabilité de la puissance publique, contrats administratifs, affaires fiscales, etc.) est jugé par le juge de droit commun.

113.Il est à noter que le juge de droit commun (siégeant au tribunal de première instance et à la cour d’appel, notamment) applique, en la matière, des règles proches de celles dégagées par les juridictions administratives françaises.

114.En ce qui concerne, en troisième lieu, le contentieux constitutionnel, on soulignera que le Tribunal suprême, saisi par toute personne physique ou morale, monégasque ou étrangère, justifiant d’un intérêt, peut annuler un texte législatif ou réglementaire au motif d’une méconnaissance des droits et libertés constitutionnels. Cet accès direct du justiciable au juge constitutionnel est une spécificité de la Principauté.

2. Les autorités judiciaires

a) Les juridictions

i) Le Tribunal suprême

115.Le Tribunal suprême de Monaco, créé par la Constitution du 5 janvier 1911, occupe historiquement une place importante. Grâce à cette Constitution octroyée par le Prince souverain Albert Ier et préparée par des juristes et internationalistes français célèbres (Louis Renault, André Weiss, Jules Roche), la Principauté de Monaco devint une monarchie constitutionnelle effective.

116.Elle était fondée sur des principes démocratiques d’organisation des pouvoirs publics (existence d’un parlement élu et d’un gouvernement, d’une municipalité, de cours et tribunaux indépendants) et consacrait, en son titre II, des libertés et des droits fondamentaux.

117.Afin de protéger et de garantir ces droits et libertés, la Constitution de 1911 instituait en outre une juridiction supérieure, le Tribunal suprême, considérée comme la plus ancienne cour constitutionnelle d’Europe sinon du monde.

118.La nouvelle Constitution monégasque adoptée en 1962 confirme l’existence de droits et de libertés fondamentaux en ajoutant aux droits classiques du type de ceux consacrés en 1911 (liberté et sûreté individuelles; légalité des crimes, des délits et des peines; droit au respect de la vie privée et familiale et secret de la correspondance; droit de propriété; abolition de la peine de mort) des droits économiques et sociaux dont la liberté d’association (art. 30), le droit d’action syndicale (art. 28), la liberté du travail (art. 25) et le droit de grève (art. 28).

119.Fort logiquement, elle confirme également en son article 90 (voir infra), l’institution du Tribunal suprême. Des règles d’organisation et de fonctionnement plus élaborées sont fixées par une ordonnance souveraine no 2.984 du 16 avril 1963.

120.Composition: Le Tribunal suprême est composé de cinq membres titulaires et de deux membres suppléants, nommés par le Prince, pour une durée de quatre ans, sur proposition du Conseil national, du Conseil d’État, du Conseil de la Couronne, de la cour d’appel et du tribunal de première instance. Ces institutions proposent toutes un membre titulaire; seuls le Conseil national et le Conseil d’État proposent de surcroît un suppléant. Pour chaque siège, qu’il s’agisse d’un titulaire ou d’un suppléant, deux noms doivent être présentés.

121.La nomination des membres du Tribunal suprême est prononcée par une ordonnance souveraine qui désigne en outre, parmi lesdits membres, le président de la juridiction ainsi que le vice-président chargé d’assurer sa suppléance en cas d’absence ou d’empêchement.

122.L’article 2 de l’ordonnance souveraine no 2.984 du 16 avril 1963 précitée dispose que ces membres doivent être âgés d’au moins 40 ans et «choisis parmi des juristes particulièrement compétents». En pratique, les intéressés sont soit d’éminents professeurs de droit public, soit de hauts magistrats français du Conseil d’État ou de la Cour de cassation.

123.Compétences: La compétence du Tribunal suprême est à la fois d’ordre administratif et constitutionnel. Elle est fixée par l’article 90 de la Constitution.

124.En matière constitutionnelle, le Tribunal suprême statue sur les recours en annulation, en appréciation de validité et en indemnité ayant pour objet une atteinte aux droits et libertés constitutionnels, résultant principalement de la loi, à savoir le texte législatif exprimant, aux termes de l’article 66 de la Constitution, l’accord des volontés du Prince et du Conseil national.

125.À ce sujet, deux particularités du droit public monégasque méritent d’être soulignées.

126.S’agissant, en premier lieu, du recours en indemnité, la Constitution a institué cette voie de droit très spécifique devant le Tribunal suprême, en dérogation à la règle selon laquelle les actions en réparation dirigées contre les personnes publiques ressortissent, conformément à la loi no 783 du 15 juillet 1965 portant organisation judiciaire, à la compétence du juge de droit commun, lorsqu’il s’agit de réparer un préjudice résultant d’une loi déclarée non conforme par le Tribunal (comme d’ailleurs d’un acte administratif illégal).

127.Il doit de plus être souligné que l’article 90-A-2 employant l’expression «recours en indemnité ayant pour objet une atteinte aux libertés et droits […]», il n’est pas nécessaire qu’une loi ou un acte juridique soit en cause. Il suffit que l’atteinte résulte d’un acte matériel d’une autorité publique, c’est-à-dire d’une voie de fait. Ainsi, à Monaco, la voie de fait ne relève pas du juge judiciaire mais du juge constitutionnel.

128.Pour ce qui est, en second lieu, du recours en appréciation de validité, il permet au justiciable d’user de l’exception d’inconstitutionnalité de la loi.

129.On notera enfin que le Tribunal suprême est accessoirement également compétent pour statuer sur la constitutionnalité et/ou la légalité du règlement intérieur du Conseil national, les décisions en la matière ayant été rendues dans la période qui a suivi la Constitution de 1962.

130.En matière administrative, le Tribunal suprême est appelé à statuer sur les recours en annulation pour excès de pouvoir formés contre les décisions des diverses autorités administratives et les ordonnances souveraines prises pour l’exécution des lois, ainsi que sur l’octroi des indemnités qui en résultent. En pratique, la majeure partie des décisions du Tribunal sont rendues à la suite de tels recours.

131.Accessoirement, il a compétence pour connaître:

a)Des recours en cassation formés contre les décisions des juridictions administratives statuant en dernier ressort;

b)Des recours en interprétation et des recours en appréciation de validité des décisions des diverses autorités administratives et des ordonnances souveraines prises pour l’exécution des lois;

c)Des conflits de compétence juridictionnelle.

132.Procédure: L’ordonnance souveraine no 2.984 du 16 avril 1963 fixe les règles de la procédure devant le Tribunal suprême. Celles-ci s’apparentent à celles en vigueur devant les juridictions administratives françaises. L’essentiel de ces règles peut être résumé comme suit.

133.L ’ introduction de l ’ instance: Le Tribunal peut être saisi par toute personne, physique ou morale, ayant qualité et justifiant d’un intérêt, en matière administrative comme en matière constitutionnelle.

134.Ainsi notamment, toute loi peut être annulée, pour inconstitutionnalité, à l’initiative d’un justiciable, personne physique ou morale, Monégasque ou étranger. Cette particularité mérite d’autant plus d’être soulignée qu’un accès direct du justiciable au juge constitutionnel, par voie d’action, voire par voie d’exception, est assez peu répandu dans les États de droit.

135.En matière administrative, le recours pour excès de pouvoir peut être précédé d’un recours administratif préalable, soit devant l’auteur de la décision − le recours est alors dit gracieux −, soit devant son supérieur − le recours est alors dit hiérarchique.

136.Les cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir sont:

a)Les vices de la légalité externe: incompétence, vice de forme;

b)Les vices de la légalité interne: violation de la loi, illégalité des motifs, détournement de pouvoir.

137.L ’ audience: Le Tribunal siège au Palais de Justice de Monaco. Ses audiences sont publiques. En matière constitutionnelle, le Tribunal siège obligatoirement en assemblée plénière.

138.Le Procureur général remplit les fonctions du ministère public près le Tribunal suprême; il conclut à l’audience.

139.La décision: Elle doit être lue en audience publique par un membre du Tribunal au plus tard dans les quinze jours suivant les débats. Elle doit comprendre diverses mentions obligatoires et être motivée.

140.Lorsqu’il est saisi d’une demande d’indemnité en réparation d’un préjudice résultant de l’inconstitutionnalité d’une loi ou de l’illégalité d’un acte administratif, le Tribunal, s’il prononce l’annulation, doit statuer sur l’indemnité dans la même décision.

141.Le Tribunal peut également, par décision avant de dire droit, ordonner toutes mesures d’instruction utiles. Les décisions du Tribunal sont adressées au Ministre d’État par le Président et donnent lieu à publication au Journal de Monaco. Elles peuvent faire l’objet d’un recours en tierce opposition. Cette action n’est recevable que si elle émane d’une personne dont les droits ont été méconnus, à l’exception des personnes appelées, en cours d’instance, à intervenir par le Président. Aucune autre voie de recours n’est admise, sinon pour rectification d’une erreur matérielle.

142.Contrôle des actes: En matière constitutionnelle, il peut être souligné que, sur la base textuelle de l’article 90 de la Constitution de 1962 qui mentionne, comme objet des recours, les «atteintes aux libertés et droits consacrés par le titre III de la Constitution», le Tribunal exerce un contrôle de constitutionnalité relativement étendu.

143.De même, dans une décision du 1er février 1994 rendue dans le même domaine, le Tribunal évoque le «principe constitutionnel d’égalité de tous devant les charges publiques». Cette décision a été commentée par le doyen Georges Vedel qui a souligné que, si le principe d’égalité devant la loi figure effectivement à l’article 17 de la Constitution monégasque, le principe d’égalité devant les charges publiques, même s’il en est dérivé, correspond à une création prétorienne du Tribunal.

144.En matière administrative, il apprécie la légalité des actes qui lui sont soumis sur la base de principes et au moyen de techniques comparables à celles utilisées par le juge français. Il en est, en particulier, ainsi pour ce qui est du contrôle de l’exercice du pouvoir administratif discrétionnaire à l’occasion duquel le Tribunal suprême n’hésite pas, par exemple, à recourir à l’erreur manifeste d’appréciation.

ii) La Cour de révision

145.La Cour de révision se situe au sommet de la pyramide judiciaire monégasque. Sauf le cas où la loi en dispose autrement, elle statue en toute matière pour violation de la loi, sur les pourvois formés contre toute décision rendue en dernier ressort et passée en force de chose jugée.

146.Elle n’est pas un troisième degré de juridiction, mais un juge du droit seul.

147.En pratique, la majorité des décisions qui lui sont soumises sont des arrêts rendus par la cour d’appel, en matière civile, pénale, commerciale et administrative, mais on note également une part non négligeable de jugements du tribunal de première instance en qualité de juridiction d’appel du Tribunal du travail ou du juge de paix.

148.La Cour de révision est composée de huit magistrats: un premier président, un vice‑président et cinq conseillers appelés à siéger suivant l’ordre de leur nomination. Les membres de la Cour de révision sont nommés par ordonnance souveraine. Ils sont généralement choisis parmi des magistrats honoraires de la Cour de cassation française. La Cour statue toujours au nombre de trois membres au moins.

149.La Cour a la possibilité d’examiner hors session, c’est-à-dire selon une procédure uniquement écrite, les pourvois considérés comme urgents. Elle peut également être saisie d’un pourvoi dans l’intérêt de la loi. Il s’agit d’un pourvoi en révision intenté, même hors délai, par le Procureur général sur ordre donné par le Directeur des services judiciaires.

150.Les arrêts de la Cour de révision peuvent rejeter les pourvois, annuler les décisions qui lui sont déférées et/ou renvoyer l’affaire pour qu’elle soit rejugée au fond, à une session ultérieure, après conclusions additionnelles des parties. Dans ce cas, c’est une autre formation de la Cour de révision qui sera conduite à juger le fond.

151.Il est à noter que si le Tribunal suprême est, en matière administrative, le juge de l’excès de pouvoir et de ses conséquences dommageables, ce sont les juges judiciaires, donc aussi la Cour de révision, qui connaissent pour le surplus du contentieux de responsabilité de l’État et des administrations, qui ne bénéficient donc d’aucun privilège de juridiction.

152.En matière pénale, peuvent être déférés à la Cour de révision les jugements ou arrêts rendus en matière criminelle, correctionnelle ou de police, en dernier ressort et définitifs sur le fond, pour violation de la loi ou des règles de compétence, ou pour inobservation des formes substantielles.

153.Sont considérées comme telles les formes constitutives de la juridiction ou de la décision et celles prescrites pour garantir l’exercice de l’action publique et les droits de la défense.

154.La Cour examine les pourvois uniquement sur pièces.

155.La Cour de révision peut également connaître des pourvois formés dans l’intérêt de la loi. Elle statue, de même, sur les demandes en reprise de procès en cas d’erreur de fait commise par une juridiction.

156.Depuis le vote de la loi no 1.327 du 22 décembre 2006 (parue au Journal de Monaco le 29 décembre 2006), la Cour de révision juge désormais elle-même au fond une affaire, en matière pénale, après cassation (nouvel article 496 du Code de procédure pénale). Ainsi, la Cour de révision, lorsqu’elle casse un arrêt en matière pénale, doit se saisir de l’affaire, pour jugement au fond par une autre formation de la Cour.

157.À ce jour, la Cour de révision joue un rôle central dans la procédure disciplinaire engagée à l’encontre des magistrats, telle que prévue par le titre IV de la loi no 783 du 15 juillet 1965 portant sur l’organisation judiciaire.

158.De fait, si les deux sanctions les moins graves (le rappel à la règle et le blâme) peuvent être prononcées par le Directeur des services judiciaires, la censure, la censure avec réprimande et la suspension temporaire (de quinze jours à six mois) ne peuvent l’être que par la Cour de révision statuant en Chambre du conseil.

159.La procédure disciplinaire est contradictoire. Les fonctions du ministère public sont exercées par le parquet général. La décision disciplinaire de la Cour est motivée, signée de tous les magistrats qui y ont pris part puis transcrite sur un registre spécial tenu au greffe général. Suivant les circonstances et la gravité des cas, la Cour peut proposer au Prince souverain la révocation du magistrat poursuivi.

160.Il est à noter qu’un projet de loi portant statut de la magistrature, déposé au Conseil national, par le Gouvernement, en mai 2004, a prévu la mise en place d’un Haut Conseil de la magistrature qui aura compétence en matière disciplinaire.

161.La Cour de révision, par sa jurisprudence, très largement publiée et parfois commentée, contribue notablement à l’élaboration du droit monégasque de même qu’à son rayonnement au travers de l’association des hautes cours de cassation ayant en partage l’usage du français (AHJUCAF) dont elle est membre, mais aussi par l’Association des cours constitutionnelles ayant en partage l’usage du français (ACCPUF). Cette association a été créée en 1997 afin de renforcer les liens entre les États membres de l’espace francophone. Lieu de rencontres et d’échanges entre les institutions membres, l’ACCPUF s’attache à publier et à créer des instruments de droit comparé directement utilisables comme notamment la base de données CODICES regroupant les principales décisions de justice constitutionnelles, à la suite de la signature d’accords avec la Commission de Venise du Conseil de l’Europe. Cette base permet une meilleure diffusion de la jurisprudence constitutionnelle francophone et favorise l’accès des juges aux décisions des cours homologues.

iii) La cour d ’ appel

162.La cour d’appel constitue le second degré de juridiction en matière civile, pénale, commerciale ou administrative. Elle se compose d’un premier président, d’un vice-président et de conseillers au nombre de deux au moins.

163.En toute matière, elle statue au nombre de trois membres au moins. Lorsqu’elle ne peut se constituer avec ses propres membres, elle peut être complétée par un magistrat du tribunal n’ayant pas connu de la cause en première instance, par le juge de paix et, à défaut, par l’avocat‑défenseur ou l’avocat le plus ancien à la barre ou par un notaire.

164.L ’ appel en matière civile, commerciale ou administrative: La cour d’appel connaît de l’appel des jugements rendus par le tribunal de première instance. Le délai d’appel est de trente jours à compter de la signification du jugement, sauf dispositions particulières de la loi. Il est formé par exploit, à savoir par un acte dressé par un huissier de justice. L’appel suspend l’exécution du jugement à moins que l’exécution provisoire n’ait été prononcée. Toutefois, celle‑ci peut être rapportée par arrêt préalable de la cour lorsqu’elle a été prononcée par le tribunal hors les cas où elle est autorisée.

165.Les parties appelantes et intimées ne peuvent comparaître que par des avocats-défenseurs inscrits au tableau de l’ordre des avocats monégasques, ce qui ne fait bien entendu pas obstacle à ce qu’elles confient la charge du conseil et de la plaidoirie à des avocats étrangers.

166.La cour siégeant en Chambre du conseil peut connaître des décisions du tribunal de première instance également prises selon cette procédure, ainsi que de l’appel des ordonnances du Président du tribunal de première instance rendues sur requête et de celles du juge tutélaire.

167.Elle connaît aussi des appels des décisions de la commission arbitrale des loyers et de la commission arbitrale des loyers commerciaux.

168.L ’ appel en matière pénale: Les condamnés, les personnes reconnues civilement responsables, le Procureur général ou les parties civiles peuvent interjeter appel des jugements du tribunal correctionnel.

169.L’appel est jugé sur le rapport d’un conseiller et dans les formes établies pour le tribunal correctionnel, tant en ce qui concerne l’instruction à l’audience et l’administration des preuves que le prononcé et la rédaction du jugement (art. 413 du Code de procédure pénale).

170.La cour d’appel ne statue que sur les chefs de jugement qui lui sont déférés. Sur l’appel du ministère public, elle peut soit confirmer le jugement, soit l’infirmer en tout ou en partie.

171.En revanche, elle ne peut aggraver le sort de l’appelant si celui-ci est le prévenu ou le civilement responsable. De même, elle ne peut, sur le seul appel de la partie civile, modifier le jugement dans un sens défavorable à celle-ci.

172.En matière pénale, la Chambre du conseil de la cour d’appel a pour rôle de statuer sur les mises en accusation. Si le fait dont elle est saisie est qualifié de crime par la loi et si elle estime les charges suffisantes pour motiver la mise en accusation, elle ordonne le renvoi de l’inculpé devant le tribunal criminel.

173.Elle est également saisie de l’appel des ordonnances rendues par le juge d’instruction ou le juge tutélaire. Elle doit par ailleurs formuler un avis dans les procédures d’extradition.

174.Les audiences de la Chambre du conseil ne sont pas publiques, seule la présence du ministère public est obligatoire. Le conseil de la partie civile et le défenseur de l’inculpé y sont convoqués et ces parties peuvent y assister sur leur demande.

175.Après avoir délibéré hors la présence du ministère public, la Chambre du conseil de la cour d’appel statue dans le moindre délai sur les demandes contenues dans les mémoires que les conseils de l’inculpé ou de la partie civile sont admis à produire au plus tard la veille de l’audience.

176.Les attributions particulières du premier P résident: La position du premier Président de la cour d’appel, dans le système judiciaire de la Principauté, est particulière en raison de compétences et prérogatives spécifiques qui lui sont conférées par la loi.

177.En matière protocolaire, il est responsable de la cérémonie de rentrée des cours et tribunaux qui a lieu le 1er octobre de chaque année. Il prend rang immédiatement après le premier Président de la Cour de révision.

178.Mais le premier Président de la cour d’appel est surtout une instance de contrôle de l’activité de divers acteurs ou organes de la vie judiciaire. À ce titre, peuvent être cités les cabinets d’instruction et les greffiers.

179.À ces compétences personnelles, doivent s’ajouter celles que le premier Président exerce en application de l’article 434 du Code de procédure civile pour statuer par voie de référé sur les difficultés d’exécution des arrêts de la cour d’appel, et celles qu’il détient à raison de la présidence de la Chambre du conseil de la cour, siégeant en qualité de juridiction disciplinaire.

180.Saisie par le Procureur général, celle-ci peut en effet, sans préjudice de l’issue de poursuites pénales éventuellement engagées, prononcer diverses sanctions disciplinaires à l’encontre des greffiers, des officiers de police judiciaire, des avocats-défenseurs, avocats et avocats stagiaires et des huissiers.

181.Au sein de la justice monégasque, la cour d’appel jouit d’une situation à bien des égards remarquable en raison de sa fonction de régulation à la fois juridique et judiciaire.

182.Sur le strict plan juridique, il est, en premier lieu, à noter que nombre de ses arrêts constituent des références jurisprudentielles fixant l’état du droit monégasque.

183.À ce titre, on citera, par exemple, l’arrêt du 25 juin 1974, Ministre d ’ État, Administrateur des Domaines et Trésorier général des Finances c. Mathyssens et Dame Bureau Sénac, qui a posé le principe d’une responsabilité de la puissance publique distincte de la responsabilité civile de droit commun. Cette caractéristique distingue la Principauté des pays voisins où la normalisation juridique est principalement le fait des hautes juridictions de cassation.

184.Sur le plan judiciaire, en second lieu, force est de relever que la cour d’appel, au travers de ses attributions de contrôle et de discipline, contribue significativement, aux côtés du Directeur des services judiciaires et du Procureur général, à garantir au justiciable, le respect, par l’institution de justice, non seulement de la loi mais aussi de la déontologie qui lui est indispensable.

iv) Le tribunal de première instance

185.Le tribunal de première instance, institution pivot de l’organisation judiciaire, est une juridiction collégiale siégeant à trois magistrats. Il est composé d’un président, d’un ou deux vice-présidents, d’un ou plusieurs premiers juges, de juges et de juges suppléants. Le Président peut déléguer ses pouvoirs à l’un de ses Vice-Présidents ou même à un juge, selon les nécessités du service.

186.Il siège en matières civile et pénale. Pour le jugement des délits, le tribunal correctionnel est composé des mêmes juges que le tribunal de première instance. Tous les magistrats du tribunal ont donc vocation à siéger aussi bien au civil qu’au pénal.

187.Compétence s: Le tribunal de première instance connaît:

a)En premier ressort, de toutes les actions civiles ou commerciales qui n’entrent pas, en raison de leur nature ou de leur valeur, dans la compétence du juge de paix;

b)En premier ressort également, comme juge de droit commun en matière administrative, de toutes les actions autres que celles dont la connaissance est attribuée par la Constitution ou la loi au Tribunal suprême ou à une autre juridiction;

c)En appel, des jugements rendus en premier ressort par le juge de paix et des sentences arbitrales prononcées en matière civile ou commerciale, ainsi que des jugements dont la connaissance lui est réservée par la loi.

188.Le tribunal correctionnel connaît:

a)En premier ressort, de toutes les infractions qualifiées de délits et qui sont punies de peines correctionnelles en général limitées à cinq années d’emprisonnement et jusqu’à 90 000 euros d’amende;

b)De contraventions en cas de connexité avec un délit;

c)En matière criminelle, des infractions commises par des mineurs de 18 ans; cette compétence suppose que le mineur n’est pas poursuivi en même temps que des majeurs;

d)En appel, des jugements rendus par le juge de police.

189.Afin que chaque individu, même les plus démunis, puisse accéder à la justice, le droit monégasque prévoit un système d’aide judiciaire.

190.Toute personne qui est dans l’impossibilité de faire l’avance des frais de la procédure, sans entamer les ressources nécessaires pour son entretien et celui de sa famille, peut réclamer l’assistance judiciaire.

191.Les demandes d’assistance judiciaire sont adressées au Procureur général, sur papier libre. La décision est notifiée au requérant par les soins du Procureur général; elle n’est susceptible d’aucun recours.

192.L’assistance judiciaire, accordée en vue d’une instance, n’aura d’effet que pour la juridiction devant laquelle cette instance devra être suivie, sauf les cas d’appel ou de pourvoi en révision formé par l’adversaire de l’assisté. En matière pénale, tout prévenu peut demander à bénéficier d’un avocat commis d’office qui est alors désigné par le Procureur général ou le Président de la juridiction.

v) Le tribunal de simple police et la justice de paix

193.Le juge de paix qui siège en qualité de juge unique et constitue une juridiction du premier degré a, ainsi que le laisse présager sa dénomination, pour première tâche en matière civile, dans la mesure du possible, de concilier les parties et de régler les litiges dont l’intérêt ne dépasse pas une certaine somme actuellement fixée à 4 600 euros.

194.Entrent également dans sa compétence la présidence du bureau de jugement du Tribunal du travail (art. 33 de la loi no 446 du 16 mai 1946), les contestations relatives aux élections des délégués du personnel (loi no 459 du 19 juillet 1947) et l’apposition de scellés (art. 853 et suiv. du Code de procédure civile).

195.En matière pénale, il préside le tribunal de simple police qui connaît des contraventions de police, c’est‑à‑dire les infractions punies d’une amende inférieure à 600 euros et/ou d’un emprisonnement maximum d’un à cinq jours.

196.Les jugements du tribunal de simple police peuvent être contestés par la voie de l’appel, devant le tribunal correctionnel.

vi) Le t ribunal criminel

197.Le tribunal criminel est une juridiction non permanente, compétente, pour juger des faits qualifiés de crimes par la loi. Juridiction composite, il se compose de membres professionnels et non professionnels, à savoir:

a)Trois magistrats, dont:

i)Un président pris parmi les magistrats du siège de la cour d’appel;

ii)Deux juges assesseurs issus du siège de la cour d’appel, du tribunal de première instance ou de la justice de paix;

b)Trois jurés pris sur une liste établie tous les trois ans par arrêté ministériel, de 30 Monégasques majeurs et n’ayant jamais été condamnés à une peine criminelle ou correctionnelle.

198.Outre les infractions qualifiées de crimes proprement dits, le tribunal criminel est également compétent pour connaître des infractions criminelles commises par les mineurs avec la participation d’un majeur.

199.Depuis l’abolition de la peine de mort par la Constitution du 17 décembre 1962 modifiée, la peine la plus sévère encourue par l’accusé est la réclusion à perpétuité.

200.Les débats devant le tribunal criminel sont en principe publics et ce, à peine de nullité, et l’oralité des débats constitue un autre principe fondamental régissant la procédure devant le tribunal criminel.

201.Le tribunal criminel est une juridiction souveraine dont les décisions ne sont pas susceptibles d’appel. Toutefois, les parties (condamné, partie civile et ministère public) peuvent se pourvoir en révision, soit:

a)Pour violation des règles de compétence;

b)Pour inobservation des formalités substantielles;

c)Pour violation de la loi.

202.Si la Cour de révision annule la décision du tribunal criminel, l’affaire est renvoyée devant le tribunal, autrement composé, en vue d’être rejugée.

vii) Les magistrats spécialisés

203.Outre les juridictions de droit commun, l’organisation judiciaire de la Principauté comprend des magistrats exerçant des fonctions spécialisées dans le règlement de certains conflits ou dans la protection de certains droits. Ces fonctions sont plus particulièrement les suivantes:

204.Le juge tutélaire: Les fonctions de juge tutélaire sont exercées par un magistrat du tribunal de première instance, désigné pour une période de trois ans par arrêté du Directeur des services judiciaires.

205.Un juge tutélaire suppléant peut être désigné dans les mêmes formes. Il est compétent pour statuer, dans les cas prévus par la loi, sur les difficultés auxquelles peuvent donner lieu les rapports familiaux.

206.En matière pénale, en application du régime spécial institué en 1963 au bénéfice des mineurs délinquants, il se substitue, à l’égard de ceux‑ci, au juge d’instruction et prend, en ses lieu et place, toutes mesures qu’il estime utiles (enquêtes, placement du mineur dans un centre d’observation surveillée, renoncement à toute constitution de partie civile, prononcé d’une ordonnance de non‑lieu, d’une mesure de mise en liberté surveillée).

207.En cas de renvoi par le juge tutélaire du mineur délinquant devant le tribunal correctionnel, cette juridiction prendra sa décision sur la base du rapport présenté oralement par ce magistrat à l’audience.

208.En toutes matières, les ordonnances du juge tutélaire doivent être motivées et peuvent être déférées devant la cour d’appel, qui statue en chambre du conseil dans le mois de l’appel.

209.Le juge d ’ instruction: La charge de juge d’instruction se rattache exclusivement à la matière pénale.

210.L’instruction (ou information) consiste, pour un magistrat du siège, à rechercher l’existence d’infractions, à déterminer les circonstances dans lesquelles elles ont été perpétrées, à en identifier les auteurs présumés et, si des charges suffisantes sont retenues à l’égard des intéressés, à prononcer leur inculpation puis à les renvoyer devant la juridiction de jugement.

211.Le juge d’instruction est saisi soit par les réquisitions du ministère public, soit par une plainte d’une partie lésée (contre inconnu ou avec constitution de partie civile). Il peut également intervenir au cours de la procédure de crime ou de délit flagrant. Tout crime donne nécessairement lieu à l’ouverture d’une information.

212.Dans le cadre de sa mission, le juge d’instruction est habilité à prendre toutes les mesures qu’il estime utiles à la manifestation de la vérité. À cet effet, il peut:

a)Se déplacer sur les lieux pour dresser des procès‑verbaux constatant le corps du délit, l’état des lieux et recevoir les déclarations des témoins;

b)Ordonner ou opérer lui-même des perquisitions;

c)Désigner un ou plusieurs experts pour effectuer les expertises judiciaires requises;

d)Auditionner les personnes dont la déposition lui paraît utile;

e)Décerner des mandats de comparution, d’amener, voire d’arrêt.

213.Les juridictions de jugement monégasques sont également compétentes pour émettre des commissions rogatoires internationales.

214.Le juge d’instruction a seul le pouvoir de décider, durant l’instruction, de laisser l’inculpé en liberté, de le placer sous contrôle judiciaire ou en détention. Le juge d’instruction prend ses décisions sous la forme d’ordonnances motivées.

215.Conformément à la règle du double degré de juridiction, le Procureur général peut, dans tous les cas, interjeter appel des ordonnances prises par le juge d’instruction. Une telle voie de recours est également ouverte aux inculpés et aux parties civiles, lorsqu’ils y ont intérêt, dans les conditions prévues par le Code de procédure pénale.

216.Sur un plan plus général, le premier Président de la cour d’appel s’assure du bon fonctionnement des cabinets d’instruction:

a)Il veille à ce que les procédures ne subissent aucun retard;

b)Il vérifie la situation des personnes placées en détention préventive;

c)Il est destinataire d’un état détaillé des procédures en cours que lui adresse chaque juge d’instruction au cours de la première semaine de chaque trimestre.

217.Un juge d’instruction peut être dessaisi au profit d’un autre juge d’instruction, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, par le Président du tribunal de première instance, sur requête motivée du Procureur général agissant soit spontanément, soit à la demande des parties.

218.S’il doit siéger dans une formation de jugement, le juge d’instruction ne peut connaître d’une affaire qu’il a instruite.

219.Le juge des libertés a été créé par la loi no 1.343 du 26 décembre 2007 «justice et liberté» qui porte modification de certaines dispositions du Code de procédure pénale. En effet, le nouvel article 60‑4 dudit Code précise qu’en cas de prolongation d’une garde à vue de vingt‑quatre heures, pour un nouveau délai de vingt‑quatre heures: «le procureur général ou le juge d’instruction doit requérir l’approbation de la prolongation de la garde à vue par le juge des libertés, en joignant à sa demande tous documents utiles. Le juge des libertés est un magistrat du siège désigné par le Président du tribunal de première instance, qui peut établir un tableau de roulement à cet effet. Il statue par ordonnance motivée immédiatement exécutoire.».

220.Le juge chargé des accidents du travail: Cette fonction a été instituée non pas par un code mais par la législation sociale, en l’occurrence la loi no 636 du 11 janvier 1958, modifiée, tendant à modifier et à coordonner la législation sur la déclaration, la réparation et l’assurance des accidents du travail.

221.Il est investi d’une mission de conciliation au sujet de tous les litiges susceptibles de s’élever entre la victime d’un accident du travail, ses représentants et ses ayants droit et la compagnie d’assurance de l’employeur ou l’employeur lui-même. Il est à noter que la législation monégasque sur le travail ne confère aucune compétence en la matière aux caisses de sécurité sociale mais oblige chaque employeur à contracter une police particulière auprès d’une compagnie d’assurance, qualifiée en pratique d’«assureur‑loi», afin de garantir les conséquences des accidents du travail.

222.Le juge chargé des accidents du travail procède, s’il y a lieu, à des enquêtes et recherches estimées nécessaires à l’effet de déterminer les causes, la nature et les circonstances de l’accident. À défaut de conciliation, il renvoie l’affaire devant le tribunal de première instance.

223.Un juge de l ’ application des peines est commis chaque année par le Directeur des services judiciaires à l’effet de suivre l’exécution des condamnations pénales, et en particulier dans les cas suivants:

a)En matière de liberté avec mise à l’épreuve, sous ce régime, il est sursis à l’exécution de la peine pendant un délai de trois à cinq ans, à charge pour la personne condamnée de satisfaire à des mesures d’assistance ou de surveillance prévues par la loi;

b)En matière d’exécution fractionnée d’une peine d’emprisonnement, quand la peine prononcée en matière correctionnelle n’excède pas trois mois, il en fixe les modalités et peut en retirer le bénéfice au condamné qui n’exécute pas ses obligations;

c)En matière de libération conditionnelle, le juge de l’application des peines contrôle les mesures d’assistance qui ont pour objet de susciter et de renforcer les efforts du libéré conditionnel en vue de son reclassement social et de sa réadaptation familiale et professionnelle. La faculté d’accorder la libération conditionnelle appartient au Directeur des services judiciaires, dans des conditions de forme et de délai prévues par les articles 409 et suivants du Code pénal et de l’ordonnance souveraine no 4.035 du 17 mai 1968.

224.Les ordonnances du juge de l’application des peines ne sont pas susceptibles de voies de recours.

225.Le juge-commissaire en matière de faillite: La charge de juge‑commissaire se rattache exclusivement à la matière des procédures collectives de règlement du passif, plus communément appelées faillites.

226.Ce magistrat est désigné par le tribunal de première instance, statuant en matière commerciale dans le jugement qui prononce la cessation des paiements ou la liquidation des biens.

227.Le juge chargé du contrôle des expertises: Ce magistrat est commis, soit par le juge des référés, soit par le tribunal de première instance, pour suivre et contrôler les procédures d’expertise décidées par ces juridictions.

228.Le juge conciliateur en matière de divorce ou de séparation de corps: Le juge conciliateur connaît des requêtes dans ces matières. Il a pour rôle de tenter de réconcilier les époux en s’entretenant personnellement avec chacun d’eux séparément avant de les réunir en sa présence.

229.Si ces démarches s’avèrent infructueuses, il rend une ordonnance de non-conciliation et autorise le demandeur à assigner en divorce devant le tribunal de première instance.

230.Par cette même ordonnance, il fixe les mesures provisoires régissant la résidence des époux, les effets personnels, les demandes de provision pour les frais de l’instance, les demandes d’aliments, la garde provisoire, le droit de visite et les conditions d’éducation des enfants.

viii) Les juridictions d ’ exception

231.Les juridictions dites d’exception interviennent exclusivement dans le domaine des rapports économiques et sociaux. Leur originalité tient, en particulier, à ce qu’elles associent des non‑professionnels à des magistrats professionnels à l’effet de régler au mieux divers litiges, opposant notamment des employeurs à leurs salariés, des bailleurs à leurs locataires.

232.Ces juridictions sont les suivantes:

233.Le Tribunal du t ravail, institué par la loi no 446 du 16 mai 1946, connaît des conflits nés à l’occasion de l’exécution de contrats de travail ou de leur rupture quel que soit le montant des sommes ou indemnités réclamées. Il est également compétent pour statuer sur les différends nés entre salariés à l’occasion du travail et sur les recours exercés à l’encontre des décisions rendues par la commission de classement (art. 11‑1 de la loi no 739).

234.Il est composé de 24 membres salariés et 24 membres employeurs conformément aux dispositions de l’ordonnance souveraine no 3.851 du 14 août 1967, modifiée par l’ordonnance souveraine no 573 du 29 juin 2006. Ses membres sont désignés par ordonnance souveraine pour une durée de six ans sur proposition des syndicats professionnels patronaux et ouvriers.

235.La Cour supérieure d ’ arbitrage est une juridiction particulière susceptible d’être saisie en vue du règlement de conflits collectifs du travail. Elle est instituée par la loi no 473 du 4 mars 1948qui traite des conflits collectifs du travail non susceptibles d’être résolus directement, soit amiablement, soit par application des dispositions des conventions collectives ou par des procédures spécifiques de conciliation ou d’arbitrage.

236.La procédure de conciliation et d’arbitrage s’engage par la transmission, par la partie la plus diligente, d’une requête au Ministre d’État aux fins de conciliation.

237.La Commission arbitrale des loyers, instituée par la loi no 1.235 du 28 décembre 2000, statue sur les litiges qui interviennent entre propriétaires et locataires relativement au montant du loyer stipulé au titre de baux ou de renouvellement de baux portant sur certains locaux à usage d’habitation construits ou achevés avant le 1er septembre 1947.

238.Elle tente de concilier les parties sur le montant du loyer et, à défaut d’accord, en fixe le montant. Elle peut, si nécessaire, ordonner à cet effet une expertise. Les décisions rendues par la Commission arbitrale sont motivées et susceptibles d’être déférées à la cour d’appel dans les délais et conditions fixés par le Code de procédure civile. L’arrêt peut donner lieu à un pourvoi en révision.

239.La Commission arbitrale des loyers commerciaux, instituée par la loi no 490 du 24 novembre 1948, a pour mission de régler les litiges qui opposent les propriétaires et les locataires sur les conditions de renouvellement et de révision des baux commerciaux.

240.Les décisions de la Commission arbitrale sont motivées et peuvent être frappées d’appel. L’arrêt peut donner lieu à un pourvoi en révision.

III. CADRE JURIDIQUE GÉNÉRAL DE LA PROTECTION DES DROITS DE L ’ HOMME

241.L’ensemble du système juridique monégasque est conçu de manière à garantir le respect des droits de l’homme. En vertu de l’article 19 de la Constitution, nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi et nul ne peut être arbitrairement détenu: une arrestation ne peut être effectuée qu’en vertu de l’ordonnance motivée d’un juge (ou dans les vingt‑quatre heures suivant celle-ci).

242.Les lois, essentiellement regroupées au sein des Codes pénal, civil, de procédure pénale et de procédure civile, déterminent les conditions de mise en œuvre et de protection de ces droits. Les tribunaux en assurent l’application.

A. Autorités compétentes en matière de droit s de l ’ homme

243.La Commission de contrôle des informations nominatives (CCIN), instituée par la loi no 1.165 du 23 décembre 1993 et opérationnelle depuis 2000, est chargée de recevoir les déclarations de mise en œuvre de traitements automatisés d’informations nominatives effectuées par les personnes physiques ou les personnes morales de droit privé. Elle doit également donner son avis lorsque des traitements doivent être mis en œuvre par des personnes morales de droit public. Dans le prolongement de cet enregistrement (ou des mises à jour) des déclarations de traitement, la CCIN peut se faire communiquer tous les documents, pièces ou informations qu’elle juge utiles auprès des opérateurs économiques ou des tiers concernés. Les enquêteurs de la CCIN peuvent contrôler le fonctionnement des traitements automatisés et signaler les irrégularités relevées; ils peuvent procéder à la convocation et à l’audition des intéressés. La CCIN instruit les pétitions et réclamations qui lui sont adressées et présente au Ministre d’État ses propositions. Lorsque des irrégularités sont relevées à l’encontre de personnes physiques ou de personnes morales de droit privé, le Ministre d’État met en demeure la personne responsable de mettre fin aux irrégularités ou d’en supprimer les effets. Si la mise en demeure est restée infructueuse, le Président du tribunal de première instance, saisi par le Ministre d’État et statuant comme en matière de référé, ordonne toutes les mesures (éventuellement avec astreinte) propres à faire cesser les irrégularités, sans préjudice des sanctions pénales encourues. Lorsque des irrégularités sont observées dans la mise en œuvre de traitements par des services dépendant d’une personne morale de droit public, le Ministre d’État, également saisi par le Président de la CCIN, prend toutes mesures pour qu’il soit mis fin aux irrégularités constatées ou que leurs effets soient supprimés.

244.Lors de son adhésion au Conseil de l’Europe en octobre 2004, la Principauté de Monaco a signé la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l’homme) et a mis en place depuis l’année 2005 une Cellule des droits de l ’ homme, qui assure les fonctions d’une commission nationale assurant le respect des droits fondamentaux garantis tant par le Pacte que par la Convention européenne des droits de l’homme. Ce type de structure est souvent le relais entre les États, les organisations non gouvernementales (ONG) et les justiciables. Dans la Principauté de Monaco, il n’existe pas à ce jour d’ONG spécialisées dans les atteintes aux droits de l’homme.

245.Cette cellule a pour mission de:

a)Apprécier l’adéquation de la législation monégasque aux droits et libertés fondamentaux et de proposer des réformes;

b)Étudier des conventions du Conseil de l’Europe et d’assurer le suivi des recommandations du Commissaire aux droits de l’homme;

c)Assurer des formations, une fois tous les trois mois, à l’intention de tous ceux qui sont amenés à appliquer la Convention européenne des droits de l’homme, et en particulier les magistrats de la Principauté. Des actions de formation au niveau des lycées et de la police sont actuellement à l’étude;

d)Effectuer une mission «d’assistance»: elle est naturellement à la disposition des différentes autorités monégasques pour apporter une aide dans le domaine des droits fondamentaux, elle peut jouer le rôle de conseiller juridique permanent pour ces autorités relativement à des questions touchant aux droits de l’homme;

e)Défendre la Principauté devant la Cour européenne des droits de l’homme: cette entité, dont le responsable est également «l’Agent du Gouvernement», sera naturellement chargée de défendre la Principauté devant cette Cour lorsque des recours seront exercés contre elle.

246.La Principauté de Monaco étant devenue membre du Conseil de l’Europe et la Convention européenne des droits de l’homme ayant été rendue exécutoire par l’ordonnance souveraine no 408 du 15 février 2006, il est désormais possible de porter une affaire devant cette Cour.

247.Les juges nationaux, par conséquent les juges monégasques, ont l’obligation d’appliquer les règles issues de la Convention européenne des droits de l’homme même si celles-ci sont en contradiction avec les textes de droit interne ou dans l’absence de texte en droit interne sur le sujet.

248.Tout État contractant (requête étatique) ou tout particulier s’estimant victime d’une violation de la Convention (requête individuelle) peut, après épuisement des voies de recours internes, adresser directement à la Cour de Strasbourg une requête alléguant une violation par un État contractant de l’un des droits garantis par la Convention.

249.L’ordonnance souveraine no 461 du 23 mars 2006 relative à l’assistance aux victimes de spoliations de biens subies à Monaco durant la Seconde Guerre mondiale ou à leurs ayants droit, a institué, auprès du Ministre d’État, une commission chargée d’examiner les demandes de personnes physiques tendant à la réparation, au bénéfice des victimes ou de leurs ayants droit, de préjudices matériels ou financiers consécutifs aux spoliations de biens intervenues à Monaco, lors de la Seconde Guerre mondiale, durant l’occupation de la Principauté.

250.Cette commission a été créée pour «rechercher et proposer les mesures d’indemnisation ou d’autres modalités de réparation appropriées» (art. 2). À cette fin, elle peut soumettre les termes d’une conciliation aux personnes établissant avoir subi un préjudice et à celles qui pourraient être tenues de le réparer.

251.La loi no 1.343 du 26 décembre 2007 «justice et liberté» portant modification de certaines dispositions du Code de procédure pénale a instauré un régime d’indemnisation particulier du dommage résultant d’une détention provisoire injustifiée (nouveaux articles 202 à 202-4 du Code de procédure pénale).

B. Recours dont dispose une personne qui prétend que ses droits ont été violés et systèmes d ’ indemnisation et de réhabilitation

252.Tout texte législatif ou réglementaire, toute décision administrative portant atteinte aux droits et libertés fondamentales de la personne peut faire l’objet d’un recours devant le Tribunal suprême, lequel peut annuler une telle décision (art. 90 de la Constitution). Cette annulation a l’autorité absolue de la chose jugée et s’impose à tous, y compris à l’administration qui est tenue d’exécuter les arrêts rendus (Tribunal suprême, 20 février 1969, Hoirs AUREGLIA et autres, recueil à sa date).

253.Toute personne qui constate une infraction dans le traitement automatisé d’informations nominatives le concernant peut saisir la Commission de contrôle des informations nominatives, qui fera procéder aux contrôles nécessaires et saisira, le cas échéant, le Ministre d’État pour y mettre fin selon la procédure décrite ci-dessus.

254.Si une décision administrative litigieuse a causé un dommage, la victime peut rechercher la responsabilité de l’État et obtenir l’allocation d’une indemnité en cas de préjudice spécial et anormal (Tribunal suprême, 1er février 1994, Association des propriétaires de Monaco, recueil à sa date). Le Code pénal a prévu des sanctions spécifiques en cas de violations commises par des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions (art. 106 à 136).

255.Si la violation des droits et libertés est le fait d’une personne privée, la victime pourra saisir les tribunaux répressifs en cas d’infraction ou les tribunaux civils en cas de faute. Dans tous les cas, si cette violation est avérée, la juridiction saisie accordera une indemnisation du préjudice subi par la victime.

C. Protection des droits prévus dans les divers instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homm e

256.La Principauté de Monaco est partie à la plupart des instruments relatifs aux droits de l’homme. Elle a adhéré aux deux Pactes internationaux relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels et aux droits civils et politiques, à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et à la Convention relative aux droits de l’enfant. La Constitution du 17 septembre 1962, révisée le 2 avril 2002, souligne, à ce titre, que la Principauté est un État de droit attaché au respect des libertés et des droits fondamentaux. Ceux‑ci sont énumérés dans le détail au titre III de la Constitution et reprennent la grande majorité des droits prévus dans les divers instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

257.Droits garantis par la Constitution: Le titre III de la Constitution détermine précisément les droits et libertés fondamentaux (art. 17 à 32), lesquels regroupent à la fois des droits d’ordre personnel et des libertés publiques, dont:

L’égalité devant la loi (art. 17);

La liberté et la sûreté des personnes (art. 19 et 20);

La légalité des peines et la non-rétroactivité des lois pénales (art. 20, al. 1);

Le droit au respect de la personnalité et de la dignité (art. 20, al. 2);

L’abolition de la peine de mort (art. 20, al. 3);

L’inviolabilité du domicile (art. 21);

Le droit au respect de la vie privée et familiale et au secret de la correspondance (art. 22);

La liberté des cultes (art. 23);

La liberté d’opinion (art. 23);

Le droit de propriété (art. 24);

La liberté du travail (art. 25);

Le droit à l’aide de l’État en cas d’indigence, chômage, maladie, invalidité, vieillesse et maternité (art. 26);

Le droit à l’instruction gratuite, primaire et secondaire (art. 27);

Le droit à l’action syndicale (art. 28);

La reconnaissance du droit de grève (art. 28, al. 2);

Le droit de réunion (art. 29);

Le droit d’association (art. 30);

Le droit de pétition aux autorités publiques (art. 31).

258.Aux termes de l’article 93 de la Constitution, celle-ci ne peut faire l’objet d’aucune mesure de suspension, garantissant ainsi la permanence des droits énoncés ci-dessus.

259.Droits garantis par la loi et la jurisprudence: Le législateur est également intervenu aux plans législatif et réglementaire pour garantir la défense des droits fondamentaux. Ainsi des textes protègent l’action syndicale et sanctionnent pénalement toute entrave à son libre exercice (loi no 417 du 7 juin 1945 sur la protection du droit syndical, modifiée par la loi no 1.005 du 4 juillet 1978, et loi no 957 du 18 juillet 1974), garantissent la liberté d’association (loi no 1.072 du 27 juin 1984) ou le droit de grève (loi no 1.025 du 1er juillet 1980). De plus, la loi no 1.165 du 23 décembre 1993 réglemente les traitements d’informations nominatives et prévoit que ceux-ci ne doivent pas porter atteinte aux libertés et droits fondamentaux consacrés par le titre III de la Constitution. Ainsi personne − à l’exception des autorités judiciaires, administratives, sanitaires ou médicales dûment autorisées − ne peut collecter, enregistrer ou utiliser des informations nominatives à caractère médical, concernant des infractions, des condamnations ou des mesures de sûreté ou encore faisant apparaître des opinions ou des appartenances politiques, raciales, religieuses, philosophiques ou syndicales, sauf acceptation écrite et expresse de la personne intéressée. Celle-ci peut à tout moment revenir sur cette acceptation et solliciter de l’auteur ou de l’utilisateur du traitement la destruction ou l’effacement des informations la concernant.

260.La jurisprudence a précisé les divers droits consacrés par la Constitution, comme par exemple: le principe d’égalité (Tribunal suprême, 31 janvier 1975, Weill, recueil à sa date), la liberté d’expression des opinions (Tribunal suprême, 13 août 1931, Chiabaut, recueil à sa date), le droit de propriété (Tribunal suprême, 3 juin 1970, S.C.I. Patricia, recueil à sa date), le droit d’action syndicale (Tribunal suprême, 14 juin 1983, Syndicat du personnel hospitalier du Centre Hospitalier Princesse Grace, recueil à sa date).

D. Modalités d ’ incorporation des instruments relatifs aux droits de l ’ homme au droit interne et modalités d ’ invocation de ces instruments devant les instances judiciaires

261.Comme tous les traités internationaux, les instruments relatifs aux droits de l’homme doivent être signés et ratifiés par le Prince (art. 14 de la Constitution). Ils sont ensuite rendus exécutoires par ordonnance souveraine. Dans le cas où l’instrument international ratifié et rendu exécutoire nécessite une modification du droit interne monégasque, le Prince peut prendre, en vertu de l’article 68 de la Constitution, les ordonnances nécessaires pour l’application dudit instrument ou recourir à une loi. Toutefois, en vertu de l’article 14 de la Constitution, une loi s’avère nécessaire dans le cas où le traité affecte l’organisation constitutionnelle.

262.Ce n’est qu’après avoir été rendues exécutoires à Monaco (les lois et ordonnances souveraines ne sont opposables aux tiers qu’à compter du lendemain de leur publication au Journal de Monaco) que les dispositions d’un instrument international peuvent être invoquées devant les autorités administratives ou les instances judiciaires de la Principauté.

263.Ainsi, par un arrêt en date du 30 août 2001, la cour d’appel de Monaco a confirmé le principe de l’application directe au droit monégasque du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

E. Institutions ou organismes nationaux chargés de veiller au respect des droits de l ’ homme

264.Outre les autorités judiciaires et administratives compétentes en matière de droits de l’homme décrites dans la section A ci-dessus et qui sont, chacune dans leur domaine, chargées de veiller à leur respect, il n’existe pas à Monaco d’institutions ou d’organismes indépendants spécialement créés à cet effet. Cette absence de structure s’explique notamment par la petite taille du pays et le fait que le contrôle juridictionnel très large opéré par le Tribunal suprême permet à tout individu de défendre directement une atteinte à l’un de ses droits fondamentaux.

265.L’assistance judiciaire constitue cependant une institution qui joue un rôle primordial quant à l’effectivité de la garantie du respect des droits de l’homme. Elle permet la prise en charge des frais de procès pour toute personne − monégasque ou étrangère − étant dans l’impossibilité de faire l’avance des frais de procédure sans entamer les ressources nécessaires pour son entretien et celui de sa famille. Outre les frais de procédure, le bénéfice de l’assistance judiciaire inclut la dispense des sommes dues aux officiers ministériels et aux avocats-défenseurs pour droits, émoluments et honoraires ainsi que la dispense, le cas échéant, de la caution pour le paiement des frais et dommages-intérêts résultant du procès. Enfin, l’assistance judiciaire s’étend à la signification du jugement et aux actes d’exécution des décisions de justice obtenues avec son aide.

266.Le champ d’application de l’assistance judiciaire concerne les contentieux civils et administratifs (art. 38 à 56 du Code de procédure civile), pénaux (art. 167 et 399 du Code de procédure pénale) ainsi que certains contentieux relevant de juridictions spécialisées comme le Tribunal du travail (art. 52 de la loi no 446 du 16 mars 1946 portant création du Tribunal du travail et art. 32 de la loi no 790 du 18 août 1965, relative aux accidents du travail).

IV. INFORMATION ET PUBLICITÉ

267.Lorsque la Principauté de Monaco envisage de devenir partie à un traité juridiquement contraignant, les autorités monégasques concernées par le texte se réunissent à l’effet d’étudier la compatibilité des stipulations conventionnelles au regard du droit interne monégasque.

268.Cette étude est présentée en Conseil de gouvernement afin que le Prince souverain puisse, en connaissance de cause, décider de la possibilité pour Monaco de devenir ou non partie à ce texte. En effet, les dispositions constitutionnelles lui confèrent la signature et la ratification des accords internationaux (art. 14).

269.Si l’accord international relève des cas énumérés à l’alinéa 2 de l’article 14, le traité ne pourra être ratifié qu’en vertu d’une loi d’autorisation de ratification votée par le Conseil national. Le cas échéant, le Gouvernement princier communique à cette assemblée son intention de devenir partie au texte.

270.In fine, les représentants de la Principauté de Monaco auprès des organismes internationaux à l’origine de ces textes recevront des instructions afin de déposer les instruments de ratification du texte en question.

271.Les autorités monégasques s’attachent à informer la population des différentes étapes de la procédure de ratification des textes internationaux par le biais de communiqués de presse largement relayés par la presse locale.

272.Les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, comme tous les autres textes, une fois ratifiés conformément aux articles 14 et 68 de la Constitution, sont publiés au Journal de Monaco. Les textes internationaux sont accessibles sur le site du Conseil national et sur le site du Gouvernement princier.

273.La publicité des conventions relatives aux droits de l’homme fait l’objet d’une attention particulière dans la Principauté de Monaco. En effet, la société civile et le Gouvernement princier jouent un grand rôle dans leur diffusion, dans le pays comme à l’étranger, que ce soit par le biais de publications, séminaires, conférences ou d’actions destinées à sensibiliser l’opinion publique.

274.Les rapports adressés aux organes de contrôle des conventions des droits de l’homme sont préparés par le Département des relations extérieures. Si les rapports ne font pas l’objet d’un débat public avant leur présentation, les services intéressés sont systématiquement consultés. Des commentaires et des suggestions sont émis et permettent ainsi d’affiner la rédaction de ces documents.

275.Après examen des rapports auprès des comités ad hoc, les résultats et recommandations de leurs membres sont portés à la connaissance du public par voie de presse et sont disponibles via Internet.

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