NATIONS UNIES

HRI

Instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme

Distr.GÉNÉRALE

HRI/GEN/1/Rev.9 (Vol.II)27 mai 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

INSTRUMENTS INTERNATIONAUX RELATIFS AUX DROITS DE L’HOMME

Volume II

RÉCAPITULATION DES OBSERVATIONS GÉNÉRALES OU RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES ADOPTÉES PAR LES ORGANES CRÉÉS EN VERTU D’INSTRUMENTS INTERNATIONAUX RELATIFS AUX DROITS DE L’HOMME

Note du secrétariat

Le présent document contient une récapitulation des observations ou recommandations générales adoptées, respectivement, par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, le Comité des droits de l’homme, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, le Comité contre la torture et le Comité des droits de l’enfant. Le Comité des droits des travailleurs migrants n’a pas encore adopté d’observation générale.

TABLE DES MATIÈRES

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III.RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES ADOPTÉES PAR LE COMITÉPOUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE6

Recommandation générale I concernant les obligations des États parties (art. 4 de la Convention)7

Recommandation générale II concernant les obligations des États parties8

Recommandation générale III concernant les rapports des États parties9

Recommandation générale IV concernant les rapports des États parties (art. 1 de la Convention)10

Recommandation générale V concernant les obligations des États parties de faire rapport (art. 7 de la Convention)11

Recommandation générale VI concernant la non‑présentation de rapports13

Recommandation générale VII concernant l’application de l’article 4 de la Convention14

Recommandation générale VIII concernant l’interprétation et l’application des paragraphes 1 et 4 de l’article premier de la Convention15

Recommandation générale IX concernant l’application du paragraphe 1 de l’article 8 de la Convention16

Recommandation générale X concernant l’assistance technique17

Recommandation générale XI concernant les non‑ressortissants18

Recommandation générale XII concernant les États successeurs19

Recommandation générale XIII concernant la formation des responsablesde l’application des lois à la protection des droits de l’homme20

Recommandation générale XIV concernant le paragraphe 1 de l’article premier de la Convention21

Recommandation générale XV concernant l’article 4 de la Convention22

Recommandation générale XVI concernant l’application de l’article 9de la Convention24

Recommandation générale XVII concernant la création d’organismes nationaux pour faciliter l’application de la Convention25

Recommandation générale XVIII concernant la création d’un tribunal international chargé de poursuivre les auteurs présumés de crimes contre l’humanité26

Recommandation générale XIX concernant l’article 3 de la Convention27

TABLE DES MATIÈRES (suite)

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Recommandation générale XX concernant l’article 5 de la Convention28

Recommandation générale XXI concernant le droit à l’autodétermination29

Recommandation générale XXII concernant l’article 5 et les réfugiés et personnes déplacées31

Recommandation générale XXIII concernant les droits des populations autochtones32

Recommandation générale XXIV concernant l’article premier de la Convention34

Recommandation générale XXV concernant la dimension sexiste de la discrimination raciale35

Recommandation générale XXVI concernant l’article 6 de la Convention37

Recommandation générale XXVII concernant la discriminationà l’égard des Roms38

Recommandation générale XXVIII concernant le suivi de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée44

Recommandation générale XXIX concernant la discrimination fondée sur l’ascendance (art. 1, par. 1, de la Convention)47

Recommandation générale XXX concernant la discrimination contre les non‑ressortissants53

Recommandation générale XXXI concernant la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale59

IV.RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES ADOPTÉES PAR LE COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES71

Recommandation générale no 1: Rapports des États parties72

Recommandation générale no 2: Rapports des États parties73

Recommandation générale no 3: Programmes d’éducation et d’information74

Recommandation générale no 4: Réserves75

Recommandation générale no 5: Mesures temporaires spéciales76

Recommandation générale no 6: Mécanismes nationaux et publicité efficaces77

Recommandation générale no 7: Ressources78

TABLE DES MATIÈRES (suite)

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Recommandation générale no 8: Application de l’article 8 de la Convention79

Recommandation générale no 9: Données statistiques concernant la situation des femmes80

Recommandation générale no 10: Dixième anniversaire de l’adoption de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes81

Recommandation générale no 11: Services consultatifs techniques pour permettre aux pays de s’acquitter de leurs obligations en matière de rapports82

Recommandation générale no 12: Violence contre les femmes83

Recommandation générale no 13: Égalité de rémunération pour un travail de valeur égale84

Recommandation générale no 14: L’excision85

Recommandation générale no 15: Non‑discrimination à l’égard des femmes dans les stratégies nationales de prévention du syndrome d’immunodéficience acquise (sida) et de lutte contre cette pandémie87

Recommandation générale no 16: Femmes travaillant sans rémunérationdans des entreprises familiales88

Recommandation générale no 17: Évaluation et quantification du travail ménager non rémunéré des femmes et prise en compte dudit travail dans le produit national brut89

Recommandation générale no 18: Les femmes handicapées90

Recommandation générale no 19: Violence à l’égard des femmes91

Recommandation générale no 20: Réserves à l’égard de la Convention98

Recommandation générale no 21: Égalité dans le mariage et les rapports familiaux99

Recommandation générale no 22: Modification de l’article 20 de la Convention109

Recommandation générale no 23: La vie politique et publique111

Recommandation générale no 24: Article 12 de la Convention(Les femmes et la santé)123

Recommandation générale no 25: Paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention (Mesures temporaires spéciales)131

TABLE DES MATIÈRES (suite)

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V.OBSERVATION GÉNÉRALE ADOPTÉE PAR LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE140

Observation générale no 1: Application de l’article 3 de la Convention contre la torture (Refoulement) dans le contexte de l’article 22 (Communications)141

Observation générale no 2: Application de l’article 2par les États parties143

VI.OBSERVATIONS GÉNÉRALES ADOPTÉES PAR LE COMITÉDES DROITS DE L’ENFANT151

Observation générale no 1: Les buts de l’éducation151

Observation générale no 2: Le rôle des institutions nationales indépendantes de défense des droits de l’homme dans la protection et la promotion des droits de l’enfant160

Observation générale no 3: Le VIH/sida et les droits de l’enfant168

Observation générale no 4: La santé et le développement de l’adolescentdans le contexte de la Convention relative aux droits de l’enfant183

Observation générale no 5: Mesures d’application générales de la Conventionrelative aux droits de l’enfant (art. 4, 42 et 44, par. 6)196

Observation générale no 6: Traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine218

Observation générale no 7: Mise en œuvre des droits de l’enfant dans la petite enfance245

Observation générale no 8: Le droit de l’enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments (art. 19, 28 (par. 2) et 37, entre autres)267

Observation générale no 9: Les droits des enfants handicapés282

Observation générale no 10: Les droits de l’enfant dansle système de justice pour mineurs305

III. RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES ADOPTÉES PAR LE COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Conformément à l’article 9, paragraphe 2, de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, le Comité peut faire des suggestions et des recommandations d’ordre général fondées sur l’examen des rapports et des renseignements reçus des États parties. Il porte ces suggestions et recommandations d’ordre général à la connaissance de l’Assemblée générale avec, le cas échéant, les observations des États parties. Le Comité a adopté jusqu’à présent 18 recommandations générales.

Cinquième session (1972)*

Recommandation générale I concernant les obligations des États parties (art. 4 de la Convention)

En examinant, au cours de sa cinquième session, les rapports présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, le Comité a établi que les normes prévues aux alinéas a et b de l’article 4 de ladite convention et dont l’application (tenant dûment compte des principes formulés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et des droits expressément énoncés à l’article 5 de la Convention) est obligatoire, conformément à la Convention, pour tous les États parties, faisaient défaut dans la législation de plusieurs États.

Le Comité recommande, en conséquence, que les États parties dont la législation présente ces lacunes examinent la possibilité de la compléter, conformément à leur procédure législative, en y incorporant les normes prévues aux alinéas a et b de l’article 4 de la Convention.

Cinquième session (1972)*

Recommandation générale II concernant les obligations des États parties

Le Comité a examiné plusieurs rapports d’États parties qui ont exprimé l’avis ou laissé entendre que les renseignements mentionnés dans la communication du Comité en date du 28 janvier 1970 (CERD/C/R.12, document A/8027, annexe III) n’ont pas à être soumis par les États parties sur le territoire desquels la discrimination raciale n’existe pas.

Cependant, dans la mesure où, aux termes du paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention internationale sur toutes les formes de discrimination raciale, tous les États parties s’engagent à présenter des rapports sur les mesures qu’ils ont arrêtées et qui donnent effet aux dispositions de la Convention, et étant donné que toutes les catégories de renseignements énumérés dans la communication du Comité en date du 28 janvier 1970 visent les obligations assumées par les États parties aux termes de la Convention, ladite communication est adressée à tous les États parties sans distinction, que la discrimination raciale existe ou non sur leurs territoires respectifs. Le Comité aimerait que tous les États parties qui ne l’ont pas encore fait fassent figurer dans leurs rapports les renseignements nécessaires conformément à toutes les rubriques énoncées dans la communication susmentionnée du Comité.

Sixième session (1972)*

Recommandation générale III concernant l es rapports des États parties

Le Comité a examiné certains rapports des États parties contenant des renseignements sur les mesures visant à appliquer les résolutions des organes de l’Organisation des Nations Unies concernant les relations avec les régimes racistes en Afrique australe.

Le Comité prend note du fait qu’aux termes du dixième alinéa du préambule de la Convention, les États parties se sont déclarés «résolus» notamment «à édifier une communauté internationale affranchie de toutes les formes de ségrégation et de discrimination raciales».

Il note également qu’à l’article 3 de la Convention, «les États parties condamnent spécialement la ségrégation raciale et l’apartheid».

En outre, le Comité note que dans la section III de sa résolution 2784 (XXVI), l’Assemblée générale, immédiatement après avoir pris acte avec satisfaction du deuxième rapport annuel du Comité et après avoir fait siennes certaines opinions et recommandations formulées par le Comité, a demandé à «tous les partenaires commerciaux de l’Afrique du Sud de s’abstenir de tout acte de nature à encourager l’Afrique du Sud et le régime illégal de la Rhodésie du Sud à continuer à violer les principes et objectifs de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale».

Le Comité exprime l’avis que les mesures adoptées sur le plan national pour donner effet aux dispositions de la Convention sont en étroite relation avec les mesures prises au niveau international pour encourager en tous lieux le respect des principes de la Convention.

Le Comité serait heureux que tout État partie désireux de le faire incorpore dans les rapports soumis en application du paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention des renseignements concernant l’état de ses relations diplomatiques, économiques et autres avec les régimes racistes d’Afrique australe.

Huitième session (1973)*

Recommandation générale IV concernant les rapports des États parties (art. 1 de la Convention)

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,

Ayant examiné les rapports présentés par des États parties conformément à l’article 9 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale à ses septième et huitième sessions,

Conscient de ce que les rapports envoyés par les États parties au Comité doivent être une source d’informations aussi complète que possible,

Invite les États parties à s’efforcer d’inclure dans leurs rapports présentés conformément à l’article 9 des renseignements pertinents sur la composition démographique de la population visée dans les dispositions de l’article premier de la Convention.

Quinzième session (1977)*

Recommandation générale V concernant les obligations des États parties de faire rapport (art. 7 de la Convention)

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,

Gardant présentes à l’esprit les dispositions des articles 7 et 9 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale,

Persuadé que combattre les préjugés qui aboutissent à la discrimination raciale, favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre les groupes raciaux et ethniques et propager les principes et les buts de la Charte des Nations Unies et des déclarations et autres instruments pertinents adoptés par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies dans le domaine des droits de l’homme sont des moyens importants et efficaces d’éliminer la discrimination raciale,

Considérant que les obligations qu’impose l’article 7 de la Convention et par lesquelles tous les États parties sont tenus, y compris ceux qui déclarent que la discrimination raciale n’est pas pratiquée sur le territoire relevant de leur juridiction, doivent être remplies par eux, et que, par conséquent, tous les États parties doivent inclure des renseignements sur l’application des dispositions de cet article dans les rapports qu’ils présentent conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention,

Constatant avec regret que peu d’États parties ont inclus, dans les rapports qu’ils ont présentés conformément à l’article 9 de la Convention, des renseignements sur les mesures qu’ils ont adoptées et qui donnent effet aux dispositions de l’article 7 de la Convention et que les renseignements fournis ont souvent été généraux et superficiels,

Rappelant que, conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention, le Comité peut demander des renseignements complémentaires aux États parties,

1.Prie tous les États parties qui ne l’ont pas encore fait d’inclure − dans le prochain rapport qu’ils présenteront conformément à l’article 9 de la Convention, ou dans un rapport spécial communiqué avant la date à laquelle ils doivent présenter leur prochain rapport périodique − des renseignements adéquats sur les mesures qu’ils ont adoptées et qui donnent effet aux dispositions de l’article 7 de la Convention;

2.Appelle l’attention des États parties sur le fait que, conformément à l’article 7 de la Convention, les renseignements auxquels se rapporte le paragraphe précédent doivent porter notamment sur les «mesures immédiates et efficaces» qu’ils ont adoptées «dans les domaines de l’enseignement, de l’éducation, de la culture et de l’information», aux fins de:

a)«Lutter contre les préjugés conduisant à la discrimination raciale»;

b)«Favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre nations et groupes raciaux ou ethniques»; et

c)«Promouvoir les buts et principes de la Charte des Nations Unies, de la Déclaration universelle des droits de l’homme, de la Déclaration des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale», ainsi que de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Vingt ‑cinquième session (1982)*

Recommandation générale VI concernant la non ‑présentation de rapports

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,

Reconnaissant le fait qu’un nombre considérable d’États ont ratifié la Convention internationale sur toutes les formes de discrimination raciale ou y ont adhéré,

Considérant néanmoins que la ratification à elle seule ne permet pas le fonctionnement efficace du système de contrôle mis en place par la Convention,

Rappelant que l’article 9 de la Convention fait obligation aux États parties de présenter des rapports initiaux et périodiques sur les mesures qui donnent effet aux dispositions de la Convention,

Déclarant qu’à cette date, pas moins de 89 rapports attendus de 62 États n’ont pas été présentés, que 42 de ces rapports sont attendus de 15 États, dont chacun est en retard pour présenter deux rapports ou plus, et que 4 rapports initiaux qui devaient être présentés entre 1973 et 1978 n’ont pas été reçus,

Notant avec regret que ni les rappels envoyés aux États parties par l’intermédiaire du Secrétaire général, ni l’insertion des renseignements pertinents dans les rapports annuels à l’Assemblée générale n’ont eu l’effet désiré, dans tous les cas,

Invite l’Assemblée générale:

a)À prendre note de la situation;

b)À user de son autorité pour faire en sorte que le Comité puisse s’acquitter plus efficacement des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention.

Trente ‑deuxième session (1985)*

Recommandation générale VII concernant l’application de l’article 4 de la Convention

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,

Ayant examiné les rapports périodiques des États parties depuis 16 ans, et dans plus de 100 cas les sixièmes, septièmes et huitièmes rapports périodiques des États parties,

Rappelant et réaffirmant sa recommandation générale I du 24 février 1972 et sa décision 3 (VII) du 4 mai 1973,

Notant avec satisfaction que, dans un certain nombre de rapports, les États parties ont fourni des renseignements sur des cas précis d’application de l’article 4 de la Convention qui traite des actes de discrimination raciale,

Notant cependant que dans un certain nombre d’États parties aucune législation visant à donner effet à l’article 4 de la Convention n’est entrée en vigueur et que de nombreux États parties ne se sont pas encore conformés à toutes les prescriptions des alinéas a et b de l’article 4 de la Convention,

Rappelant que, conformément au chapeau de l’article 4, les États parties «s’engagent à adopter immédiatement des mesures positives destinées à éliminer toute incitation à une telle discrimination ou tous actes de discrimination» en tenant dûment compte des principes formulés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et des droits expressément énoncés à l’article 5 de la Convention,

Considérant les aspects préventifs de l’article 4 qui visent à décourager le racisme et la discrimination raciale ainsi que les activités qui incitent à la discrimination raciale et l’encouragent,

1.Recommande que les États parties dont la législation ne satisfait pas aux dispositions des alinéas a et b de l’article 4 de la Convention prennent les mesures nécessaires afin de se conformer aux prescriptions impératives de cet article;

2.Demande que dans leurs rapports périodiques, les États parties qui ne l’ont pas encore fait indiquent plus complètement au Comité de quelle manière et dans quelle mesure les dispositions des alinéas a et b de l’article 4 sont effectivement appliquées et citent les passages pertinents des textes dans leurs rapports;

3.Demande en outre aux États parties qui ne l’ont pas encore fait de s’efforcer de fournir dans leurs rapports périodiques davantage de renseignements concernant les décisions prises par les tribunaux nationaux compétents et autres institutions d’État concernant les actes de discrimination raciale, plus particulièrement les infractions visées aux alinéas a et b de l’article 4.

Trente ‑huitième session (1990)*

Recommandation générale VIII concernant l’interprétation et l’application des paragraphes 1 et 4 de l’article premier de la Convention

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,

Ayant examiné des rapports d’États parties où figuraient des renseignements sur les moyens permettant d’identifier les individus comme appartenant à un groupe ou à des groupes raciaux ou ethniques particuliers,

Est d’avis que cette identification doit, sauf justification du contraire, être fondée sur la manière dont s’identifie lui‑même l’individu concerné.

Trente ‑huitième session (1990)*

Recommandation générale IX concernant l’application du paragraphe 1 de l’article 8 de la Convention

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,

Considérant que le respect de l’indépendance des experts est essentiel pour que les droits de l’homme et les libertés fondamentales soient eux‑mêmes pleinement respectés,

Rappelant le paragraphe 1 de l’article 8 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale,

Alarmé par la tendance des représentants d’États, d’organisations et de groupes à faire pression sur les experts, en particulier sur ceux qui font office de rapporteur pour tel ou tel pays,

Recommande vivement qu’ils fassent preuve d’un respect absolu pour le statut de ses membres en tant qu’experts indépendants connus pour leur impartialité et siégeant à titre individuel.

Trente ‑neuvième session (1991)*

Recommandation générale X concernant l’assistance technique

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,

Prenant note de la recommandation de la troisième réunion des présidents d’organes créés en application d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, approuvée par l’Assemblée générale à sa quarante‑cinquième session, tendant à organiser une série de séminaires et d’ateliers au niveau national dans le but de former les rédacteurs des rapports d’États parties,

Préoccupé par le fait que certains États parties à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ne satisfont toujours pas aux obligations qui leur incombent en matière de présentation de rapports en vertu de la Convention,

Estimant que des cours de formation et des ateliers organisés au niveau national pourraient être d’une aide inestimable aux responsables de la rédaction des rapports d’États parties,

1.Prie le Secrétaire général d’organiser au plus tôt, en consultation avec les États parties concernés, des cours de formation et des ateliers appropriés au niveau national pour les responsables de la rédaction de ces rapports;

2.Recommande de recourir, le cas échéant, aux services du personnel du Centre pour les droits de l’homme et des experts du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale pour conduire ces cours de formation et ateliers.

Quarante ‑deuxième session (1993)*

Recommandation générale XI concernant les non ‑ressortissants

1.La discrimination raciale est définie au paragraphe 1 de l’article premier de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Le paragraphe 2 du même article indique que cette définition ne s’applique pas aux mesures prises par un État partie, ayant pour effet d’établir des distinctions entre les ressortissants et les non‑ressortissants. Le paragraphe 3 précise le paragraphe 2 en déclarant qu’en ce qui concerne les non‑ressortissants, les États parties ne doivent pas prendre de dispositions discriminatoires à l’égard d’une nationalité particulière.

2.Le Comité a noté qu’à certaines occasions, le paragraphe 2 de l’article premier a été interprété comme dégageant les États parties de toute obligation de fournir des informations sur les lois relatives aux étrangers. Le Comité affirme par conséquent que les États parties ont l’obligation de fournir des renseignements complets sur les lois en question et leur application.

3.Le Comité affirme en outre que le paragraphe 2 de l’article premier ne saurait être interprété de manière à porter atteinte de quelque façon que ce soit aux droits et aux libertés reconnus et énoncés dans d’autres instruments, en particulier la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Quarante ‑deuxième session (1993)*

Recommandation générale XII concernant les États successeurs

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,

Soulignant l’importance de l’adhésion universelle des États à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale,

Considérant l’avènement d’États successeurs résultant de la dissolution d’États,

1.Encourage les États successeurs qui ne l’ont pas encore fait à confirmer au Secrétaire général, en tant que dépositaire de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, qu’ils continuent d’être liés par les obligations découlant de la Convention si les États prédécesseurs étaient parties à la Convention;

2.Invite les États successeurs qui ne l’ont pas encore fait à adhérer à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale si les États prédécesseurs n’étaient pas parties à la Convention;

3.Invite les États successeurs à étudier la nécessité de faire la déclaration conformément au paragraphe 1 de l’article 14 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, par laquelle ils reconnaissent la compétence du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale pour recevoir et examiner des communications émanant de telles ou telles personnes.

Quarante ‑deuxième session (1993)*

Recommandation générale XIII concernant la formation des responsables de l’application des lois à la protection des droits de l’homme

1.Le paragraphe 1 de l’article 2 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale dispose que les États parties s’engagent à faire en sorte que toutes les autorités publiques et les institutions publiques, nationales et locales ne se livrent à aucune pratique de discrimination raciale; les États parties se sont, en outre, engagés à garantir à chacun, sans distinction de race, de couleur ou d’origine nationale ou ethnique, les droits énoncés à l’article 5 de la Convention.

2.Le respect de ces obligations dépend dans une très large mesure des responsables nationaux, de l’application des lois qui exercent des pouvoirs de police, en particulier des pouvoirs de détention et d’arrestation, et de la mesure dans laquelle ils sont informés des obligations contractées par leur État au titre de la Convention. Les responsables de l’application des lois devraient recevoir une formation approfondie qui leur permette, dans l’exécution de leurs fonctions, de respecter et de protéger la dignité humaine et de défendre et faire respecter les droits de l’homme de tous sans distinction de race, de couleur ou d’origine nationale ou ethnique.

3.En ce qui concerne l’application de l’article 7 de la Convention, le Comité engage les États parties à évaluer et à améliorer la formation des responsables de l’application des lois afin que les normes établies par la Convention ainsi que le Code de conduite pour les responsables de l’application des lois (1979) soient intégralement appliqués. Ils devraient par ailleurs faire figurer dans leurs rapports périodiques des renseignements à ce sujet.

Quarante ‑deuxième session (1993)*

Recommandation générale XIV concernant le paragraphe 1 de l’article premier de la Convention

1.La non‑discrimination ainsi que l’égalité devant la loi et l’égale protection de la loi sans distinction constituent un principe fondamental en matière de protection des droits de l’homme. Le Comité tient à appeler l’attention des États parties sur certains éléments de la définition de la discrimination raciale donnée au paragraphe 1 de l’article premier de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Il lui apparaît que, dans la version anglaise, les termes «based on» n’ont pas un sens différent des termes «on the grounds of» utilisés au septième alinéa du préambule. Toute distinction est contraire à la Convention si elle a pour objet ou pour effet de porter atteinte à certains droits ou à certaines libertés. Cela est confirmé par l’obligation faite aux États parties à l’alinéa c du paragraphe 1 de l’article 2 d’annuler toute loi et toute disposition réglementaire ayant pour effet de créer la discrimination raciale ou de la perpétuer.

2.Le Comité fait observer qu’un traitement différencié ne constitue pas un acte de discrimination si, comparés aux objectifs et aux buts de la Convention, les critères de différenciation sont légitimes ou conformes aux dispositions du paragraphe 4 de l’article premier de la Convention. En examinant les critères qui auront pu être appliqués, le Comité prendra acte que certaines mesures peuvent avoir plusieurs objectifs. Pour savoir si une mesure a un effet contraire à la Convention, il se demandera si elle a une conséquence distincte abusive sur un groupe différent par la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique.

3.Le paragraphe 1 de l’article premier de la Convention vise également les domaines politique, économique, social et culturel et les droits et libertés correspondants sont énoncés à l’article 5.

Quarante ‑deuxième session (1993)*

Recommandation générale XV concernant l’article 4 de la Convention

1.Au moment de l’adoption de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, l’article 4 était considéré comme une disposition capitale dans la lutte contre la discrimination raciale. À cette époque, on craignait beaucoup une renaissance des idéologies autoritaires. L’interdiction de la diffusion d’idées fondées sur la supériorité raciale et d’activités organisées susceptibles d’inciter à la violence raciale était jugée à juste titre essentielle. Depuis lors, le Comité a reçu des preuves de violences organisées fondées sur l’origine ethnique et l’exploitation politique de différences ethniques. C’est pourquoi l’application de l’article 4 revêt une importance accrue.

2.Le Comité rappelle sa Recommandation générale VII dans laquelle il a expliqué que les prescriptions de l’article 4 sont impératives. Pour y satisfaire, les États parties doivent non seulement promulguer des lois appropriées mais aussi s’assurer qu’elles sont effectivement appliquées. Étant donné que les menaces et les actes de violence raciale mènent aisément à d’autres actes de même nature et créent une atmosphère d’hostilité, une intervention prompte est indispensable pour satisfaire à l’obligation d’agir efficacement.

3.En vertu de l’alinéa a de l’article 4, les États parties sont tenus de punir quatre catégories de délits: i) la diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale; ii) l’incitation à la discrimination raciale; iii) les actes de violence dirigés contre toute race ou tout groupe de personnes d’une autre couleur ou d’une autre origine ethnique; iv) l’assistance à des activités de cette nature.

4.Le Comité est d’avis que l’interdiction de la diffusion de toute idée fondée sur la supériorité ou la haine raciale est compatible avec le droit à la liberté d’opinion et d’expression, tel qu’il est énoncé dans la Déclaration universelle des droits de l’homme (art. 19) et rappelé à l’alinéa viii) du paragraphe d) de l’article 5 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Le rapport entre ce droit et l’article 4 est indiqué dans l’article lui‑même. Son exercice comporte pour tout citoyen les devoirs et les responsabilités spéciales précisés au paragraphe 2 de l’article 29 de la Déclaration universelle, notamment l’interdiction de diffuser des idées racistes, qui revêt une importance particulière. Le Comité appelle en outre l’attention des États parties sur l’article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui stipule que tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence est interdit par la loi.

5.L’alinéa a de l’article 4 prévoit que les États parties déclarent punissable par la loi le financement d’activités racistes, ce qui, de l’avis du Comité, inclut toutes les activités mentionnées au paragraphe 3 ci‑dessus, c’est‑à‑dire les activités motivées par des différences ethniques et raciales. Le Comité engage les États parties à vérifier si leur législation nationale et son application sont conformes à cette prescription.

6.Certains États ont affirmé que leur système juridique ne permettait pas de déclarer une organisation illégale avant que ses membres aient poussé ou incité à la discrimination raciale. Le Comité est d’avis qu’en vertu de l’alinéa b de l’article 4, ces États doivent s’attacher davantage à agir le plus promptement possible à l’encontre de ces organisations. Ils doivent déclarer illégales et interdire les organisations ainsi que les activités de propagande organisées de cette nature. La participation à ces organisations doit être également considérée comme un délit punissable.

7.L’alinéa c de l’article 4 précise les obligations des autorités publiques. Ce paragraphe s’impose aux autorités publiques à tous les niveaux de l’administration, y compris à celui des municipalités. Le Comité est d’avis que les États parties doivent s’assurer qu’elles respectent ces obligations et fournir des renseignements à ce sujet.

Quarante ‑deuxième session (1993)*

Recommandation générale XVI concernant l’application de l’article 9 de la Convention

1.L’article 9 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale dispose que les États parties s’engagent à présenter au Secrétaire général de l’ONU, pour examen par le Comité, des rapports sur les mesures qu’ils ont prises et qui donnent effet aux dispositions de la Convention.

2.Au sujet de cette obligation faite aux États parties, le Comité a constaté qu’il est arrivé que des rapports traitent de situations intéressant d’autres États.

3.Le Comité tient donc à rappeler aux États parties les dispositions de l’article 9 de la Convention concernant le contenu de leurs rapports tout en leur signalant l’article 11, qui est la seule procédure dont ils disposent pour appeler l’attention du Comité sur des situations qui leur donnent à penser que d’autres États n’appliquent pas les dispositions de la Convention.

Quarante ‑deuxième session (1993)*

Recommandation générale XVII concernant la création d’organismes nationaux pour faciliter l’application de la Convention

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,

Considérant la pratique des États parties concernant l’application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale,

Convaincu de la nécessité de continuer à encourager la création d’organismes nationaux pour faciliter l’application de la Convention,

Soulignant la nécessité de renforcer encore l’application de la Convention,

1.Recommande que les États parties, compte tenu, mutatis mutandis, des Principes concernant le statut des institutions nationales figurant en annexe à la résolution 1992/54 du 3 mars 1992 de la Commission des droits de l’homme, créent des commissions nationales ou d’autres organismes appropriés entre autres pour atteindre les objectifs suivants:

a)Promouvoir le respect sans aucune discrimination de la jouissance des droits de l’homme, tels qu’ils sont expressément énoncés à l’article 5 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale;

b)Examiner les politiques gouvernementales concernant la protection contre la discrimination raciale;

c)S’assurer de la conformité de la législation avec les dispositions de la Convention;

d)Informer le public sur les obligations des États parties découlant de la Convention;

e)Assister le gouvernement dans l’élaboration des rapports à présenter au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale;

2.Recommande également que, lorsque de telles commissions sont créées, elles soient associées à l’établissement des rapports et éventuellement fassent partie des délégations des gouvernements afin de favoriser le dialogue entre le Comité et l’État partie concerné.

Quarante ‑quatrième session (1994)*

Recommandation générale XVIII concernant la création d’un tribunal international chargé de poursuivre les auteurs présumés de crimes contre l’humanité

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,

Alarmé par le nombre croissant de massacres et d’atrocités à motivation raciale et ethnique commis dans différentes régions du monde,

Convaincu que l’impunité des auteurs est un facteur qui contribue pour beaucoup à la perpétration et à la répétition de ces crimes,

Convaincu de la nécessité de créer au plus tôt un tribunal international généralement compétent pour connaître du génocide, des crimes contre l’humanité et des infractions graves aux Conventions de Genève de 1949 et aux Protocoles additionnels de 1977 y relatifs,

Prenant en considération les travaux déjà réalisés sur cette question par la Commission du droit international et les encouragements que l’Assemblée générale lui a adressés à cet égard dans sa résolution 48/31 du 9 décembre 1993,

Prenant également en considération la résolution 872 (1993) du Conseil de sécurité du 25 mai 1993 portant création d’un tribunal international dans le but de juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit humanitaire international commises sur le territoire de l’ex‑Yougoslavie,

1.Estime qu’il faudrait créer de toute urgence un tribunal international généralement compétent pour connaître du génocide, des crimes contre l’humanité, y compris du meurtre, de l’emprisonnement, de la torture, du viol, des persécutions commis pour des raisons politiques, raciales ou religieuses, et des autres actes inhumains commis à l’encontre de toute population civile, ainsi que des infractions graves aux Conventions de Genève de 1949 et aux Protocoles additionnels de 1977 y relatifs;

2.Prie instamment le Secrétaire général de porter la présente recommandation à l’attention des instances et organes compétents des Nations Unies, y compris du Conseil de sécurité;

3.Demande au Haut‑Commissaire aux droits de l’homme de veiller à ce que le Centre pour les droits de l’homme collecte systématiquement toutes les informations pertinentes se rapportant aux crimes visés au paragraphe 1, de façon à pouvoir les mettre rapidement à la disposition du tribunal international dès qu’il sera créé.

Quarante ‑septième session (1995)*

Recommandation générale XIX concernant l’article 3 de la Convention

1.Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale appelle l’attention des États parties sur la formulation de l’article 3, selon lequel les États parties s’engagent à prévenir, à interdire et à éliminer toutes les pratiques de ségrégation raciale et d’apartheid sur les territoires relevant de leur juridiction. La référence à l’apartheid peut avoir visé exclusivement l’Afrique du Sud, mais l’article, tel qu’il a été adopté, interdit toute forme de ségrégation raciale dans tous les pays.

2.Le Comité considère que l’obligation d’éliminer toutes les pratiques de cette nature inclut l’obligation d’éliminer les conséquences des pratiques adoptées ou tolérées par des gouvernements précédents de l’État partie, ou imposées par des forces extérieures à l’État partie.

3.Le Comité constate que si une situation de ségrégation raciale complète ou partielle peut, dans certains pays, avoir été créée par les politiques gouvernementales, une situation de ségrégation partielle peut également être le résultat non intentionnel d’actions de personnes privées. Dans de nombreuses villes, les différences de revenu entre les groupes sociaux influent sur la répartition des habitants par quartiers et ces différences se conjuguent parfois aux différences de race, de couleur, d’ascendance et d’origine nationale ou ethnique, de sorte que les habitants peuvent être victimes d’un certain ostracisme et que les personnes subissent une forme de discrimination dans laquelle les motifs raciaux se combinent à d’autres motifs.

4.En conséquence, le Comité affirme qu’une situation de ségrégation raciale peut également survenir sans que les autorités en aient pris l’initiative ou y contribuent directement. Il invite les États parties à contrôler toutes les tendances susceptibles de provoquer la ségrégation raciale, à œuvrer pour éliminer toutes les conséquences négatives qui en découlent, et à décrire toute action de ce type dans leurs rapports périodiques.

Quarante ‑huitième session (1996)*

Recommandation générale XX concernant l’article 5 de la Convention

1.L’article 5 de la Convention énonce l’obligation pour les États parties de garantir la jouissance des droits et libertés civils, politiques, économiques, sociaux et culturels sans discrimination raciale. Il conviendrait de noter que les droits et libertés mentionnés à l’article 5 ne constituent pas une liste exhaustive. En tête de ces droits et libertés figurent ceux qui découlent de la Charte des Nations Unies et de la Déclaration universelle des droits de l’homme, comme le rappelle le préambule de la Convention. La plupart de ces droits ont été développés dans les Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme. Les États parties sont donc tenus de reconnaître les droits de l’homme et d’en protéger la jouissance, mais la façon dont ces obligations se traduisent dans l’ordre juridique interne peut varier d’un État partie à l’autre. L’article 5 de la Convention, s’il demande la garantie que les droits de l’homme s’exercent à l’abri de toute discrimination raciale, ne crée pas en soi de droits civils, politiques, économiques, sociaux ou culturels, mais suppose l’existence et la reconnaissance de ces droits. La Convention fait obligation aux États d’interdire et d’éliminer la discrimination raciale dans la jouissance de ces droits de l’homme.

2.Si un État impose à l’exercice de l’un des droits énumérés à l’article 5 de la Convention une restriction qui s’applique en apparence à toutes les personnes relevant de sa juridiction, il doit veiller à ce que cette restriction ne soit, ni dans son objet ni dans son effet, incompatible avec l’article premier de la Convention en tant qu’il fait partie intégrante des normes internationales relatives aux droits de l’homme. Pour déterminer ce qu’il en est, le Comité est tenu de s’informer plus avant afin de s’assurer qu’une restriction de cet ordre n’entraîne pas de discrimination raciale.

3.Nombre des droits et libertés mentionnés à l’article 5, tel que le droit à l’égalité de traitement devant les tribunaux, intéressent toutes les personnes vivant dans un État donné; mais d’autres, tels que le droit de participer aux élections, de voter et de se porter candidat appartiennent aux citoyens.

4.Il est recommandé aux États parties de faire rapport sur la mise en œuvre sans discrimination de chacun des droits et libertés visés à l’article 5.

5.Un État partie doit assurer la protection des droits et libertés visés à l’article 5 et de tous droits similaires. Cette protection peut être assurée de différentes manières, que ce soit par le canal des institutions publiques ou des activités d’institutions privées. En tout état de cause, il est fait obligation à l’État partie concerné de veiller à la mise en œuvre effective de la Convention et de faire rapport à ce sujet au titre de l’article 9 de la Convention. Au cas où des institutions privées influent sur l’exercice des droits ou sur les chances offertes, l’État partie doit s’assurer que cela n’a ni pour objet ni pour effet d’opérer ou de perpétuer une discrimination raciale.

Quarante ‑huitième session (1996)*

Recommandation générale XXI concernant le droit à l’autodétermination

1.Le Comité note que les groupes ou minorités ethniques ou religieuses mentionnent fréquemment le droit à l’autodétermination comme fondement de la revendication d’un droit à la sécession. À cet égard, le Comité souhaite exprimer les opinions ci‑après.

2.Le principe du droit à l’autodétermination des peuples est un principe fondamental du droit international. Il est consacré à l’Article premier de la Charte des Nations Unies, à l’article premier du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et à l’article premier du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que dans d’autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques consacre le droit des peuples à l’autodétermination, outre le droit qu’ont les minorités ethniques, religieuses ou linguistiques de jouir de leur propre culture, de professer et pratiquer leur propre religion et d’employer leur propre langue.

3.Le Comité souligne que, selon la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies, approuvée par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970, les États ont le devoir de promouvoir le droit à l’autodétermination des peuples. Néanmoins, l’application du principe de l’autodétermination suppose que chaque État encourage, par une action conjointe et individuelle, le respect et la mise en œuvre universels des droits de l’homme et des libertés fondamentales conformément à la Charte des Nations Unies. À cet égard, le Comité appelle l’attention des gouvernements sur la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, adoptée par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/135 du 18 décembre 1992.

4.En ce qui concerne l’autodétermination des peuples, deux aspects doivent être distingués. Le droit à l’autodétermination comporte un aspect intérieur, qui est le droit de tous les peuples de poursuivre librement leur développement économique, social et culturel sans ingérence extérieure. À cet égard, il existe un lien avec le droit de tout citoyen de prendre part à la conduite des affaires publiques à tous les échelons, conformément au paragraphe c) de l’article 5 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. En conséquence, les gouvernements doivent représenter l’ensemble de la population, sans distinction de race, de couleur, d’origine ou d’appartenance nationale ou ethnique. L’aspect extérieur de l’autodétermination est que tous les peuples ont le droit de déterminer librement leur statut politique et leur place dans la communauté internationale sur la base du principe de l’égalité des droits et ainsi que l’illustrent la libération des peuples du colonialisme et l’interdiction de la soumission des peuples à la sujétion, la domination et l’exploitation étrangères.

5.Afin de respecter pleinement les droits de tous les peuples au sein d’un État, les gouvernements sont de nouveau invités à adhérer aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et à les appliquer pleinement, en particulier la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Le souci de la protection des droits individuels, sans discrimination fondée sur des motifs raciaux, ethniques, tribaux, religieux ou autres, doit guider les politiques des gouvernements. Conformément à l’article 2 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et aux dispositions d’autres instruments internationaux pertinents, les gouvernements devraient être sensibles aux droits des personnes appartenant à des groupes ethniques, en particulier à leur droit de mener une vie digne, de préserver leur culture, de bénéficier d’une part équitable des fruits de la croissance nationale et de jouer leur rôle dans l’administration des pays dont elles sont des citoyens. Les gouvernements devraient également envisager, dans leurs cadres constitutionnels respectifs, de reconnaître aux personnes appartenant à des groupes ethniques ou linguistiques constitués de leurs citoyens, si cela est approprié, le droit de se livrer à toute activité intéressant particulièrement la préservation de l’identité de ces personnes ou de ces groupes.

6.Le Comité souligne que, conformément à la Déclaration sur les relations amicales, aucune de ses initiatives ne doit être interprétée comme autorisant ou encourageant une action quelconque de nature à porter atteinte, en tout ou en partie, à l’intégrité territoriale ou à l’unité politique d’États souverains et indépendants qui se conduisent de façon conforme au principe de l’égalité de droits et de l’autodétermination des peuples et sont dotés d’un gouvernement représentant l’ensemble de la population du territoire, sans distinction de race, de croyance ou de couleur. De l’avis du Comité, le droit international ne reconnaît pas de droit général des peuples de déclarer unilatéralement faire sécession par rapport à un État. À cet égard, le Comité adhère aux opinions exprimées dans l’Agenda pour la paix (par. 17 et suiv.), à savoir que toute fragmentation d’États risque de nuire à la protection des droits de l’homme, ainsi qu’à la préservation de la paix et de la sécurité. Cela n’exclut pas cependant la possibilité de conclure des arrangements par libre accord entre toutes les parties concernées.

Quarante ‑neuvième session (1996)*

Recommandation générale XXII concernant l’article 5 et les réfugiés et personnes déplacées

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,

Conscient du fait que, dans de nombreuses parties du monde, des conflits transfrontières militaires, non militaires et/ou interethniques ont provoqué des flux massifs de réfugiés et le déplacement de personnes sur la base de critères ethniques,

Considérant que la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale proclament que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits et que chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans lesdits instruments, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, d’ascendance ou d’origine nationale ou ethnique,

Rappelant la Convention de 1951 et le Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, lesquels constituent le principal fondement du système international pour la protection des réfugiés en général,

1.Appelle l’attention des États parties sur l’article 5 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ainsi que sur sa Recommandation générale XX (48) relative à l’article 5, et réaffirme que la Convention fait obligation aux États parties d’interdire et d’éliminer la discrimination raciale dans la jouissance des droits et libertés civils, politiques, économiques, sociaux et culturels;

2.Souligne à cet égard que:

a)Tous les réfugiés et personnes déplacées susmentionnés ont le droit de retourner librement dans leurs foyers d’origine en toute sécurité;

b)Les États parties sont tenus de veiller à ce que le retour des réfugiés et personnes déplacées susmentionnés soit librement consenti et de respecter le principe du non‑refoulement et de la non‑expulsion des réfugiés;

c)Tous les réfugiés et personnes déplacées susmentionnés ont, une fois de retour dans leurs foyers d’origine, le droit de se voir restituer les biens dont ils ont été dépouillés au cours du conflit et d’être dûment indemnisés pour ceux qui ne peuvent leur être restitués. Tout engagement pris ou déclaration faite sous la contrainte en ce qui concerne ces biens est nul et non avenu;

d)Tous les réfugiés et personnes déplacées ont, une fois de retour dans leurs foyers d’origine, le droit de participer pleinement et à égalité aux affaires publiques à tous les niveaux, d’avoir accès à égalité aux services publics et de recevoir une aide à la réadaptation.

Cinquante et unième session (1997)*

Recommandation générale XXIII concernant les droits des populations autochtones

1.Dans la pratique du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, notamment à l’occasion de son examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la situation des populations autochtones a toujours fait l’objet d’une attention et d’une préoccupation particulières. Depuis toujours, le Comité n’a cessé d’affirmer que la discrimination envers les populations autochtones entrait dans le champ d’application de la Convention et que tous les moyens appropriés devraient être mis en œuvre pour lutter contre cette discrimination et l’éliminer.

2.Notant que l’Assemblée générale a proclamé la Décennie internationale des populations autochtones du monde à partir du 10 décembre 1994, le Comité réaffirme que les dispositions de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale s’appliquent aux populations autochtones.

3.Le Comité est conscient du fait que, dans de nombreuses régions du monde, les populations autochtones ont été l’objet de discrimination, qu’elles continuent de l’être, et qu’elles ont été privées de leurs droits de l’homme et de leurs libertés fondamentales, notamment qu’elles ont perdu leurs terres et leurs ressources aux mains des colons, des sociétés commerciales et des entreprises d’État. Aujourd’hui comme par le passé la préservation de leur culture et de leur identité historique en est menacée.

4.Le Comité demande en particulier aux États parties:

a)De reconnaître que la culture, l’histoire, la langue et le mode de vie propres des populations autochtones enrichissent l’identité culturelle d’un État, de les respecter en tant que telles, et de promouvoir leur préservation;

b)De veiller à ce que les membres des populations autochtones soient libres et égaux en dignité et en droit et ne fassent l’objet d’aucune discrimination, notamment la discrimination fondée sur l’origine ou l’identité autochtone;

c)D’offrir aux populations autochtones un environnement se prêtant à un développement économique et social durable, qui soit compatible avec leurs caractéristiques culturelles;

d)De veiller à ce que les membres des populations autochtones jouissent de droits égaux en ce qui concerne la participation effective à la vie publique et qu’aucune décision directement liée à leurs droits et à leurs intérêts ne soit prise sans leur consentement informé;

e)De veiller à ce que les collectivités autochtones puissent exercer leurs droits d’observer et de revitaliser leurs traditions culturelles et leurs coutumes, ainsi que de préserver et d’utiliser leurs langues.

5.Le Comité demande tout spécialement aux États parties de reconnaître et de protéger le droit des populations autochtones de posséder, de mettre en valeur, de contrôler et d’utiliser leurs terres, leurs ressources et leurs territoires communaux et, lorsqu’ils ont été privés des terres et territoires qui, traditionnellement, leur appartenaient ou, sinon, qu’ils habitaient ou utilisaient, sans leur consentement libre et informé, de prendre des mesures pour que ces terres et ces territoires leur soient rendus. Ce n’est que dans les cas où il est factuellement impossible de le faire que le droit à la restitution devrait être remplacé par le droit à une indemnisation juste, équitable et rapide. Cette indemnisation devrait, dans la mesure du possible, se faire sous forme de terres et de territoires.

6.Le Comité demande en outre aux États parties dont les territoires comptent des populations autochtones de faire figurer dans leurs rapports périodiques tous les renseignements voulus sur la situation de ces populations, compte tenu de toutes les dispositions pertinentes de la Convention.

Cinquante ‑cinquième session (1999)*

Recommandation générale XXIV concernant l’article premier de la Convention

1.Le Comité souligne que, conformément à la définition donnée au paragraphe 1 de l’article premier de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention englobe toutes les personnes qui font partie de races ou de groupes nationaux ou ethniques différents ou de populations autochtones. Il est indispensable, pour permettre au Comité d’examiner dûment les rapports périodiques des États parties, que ceux‑ci lui fournissent dans toute la mesure possible des renseignements sur la présence de pareils groupes sur leur territoire.

2.Il ressort des rapports périodiques présentés au Comité en vertu de l’article 9 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et d’autres renseignements reçus par le Comité qu’un certain nombre d’États parties font état de la présence sur leur territoire de certains groupes nationaux ou ethniques ou de populations autochtones, sans mentionner la présence d’autres groupes. Certains critères devraient être appliqués de manière uniforme à tous les groupes, en particulier le nombre des intéressés et le fait qu’ils sont d’une race, couleur, ascendance ou origine nationale ou ethnique différentes de celles de la majorité de la population ou d’autres groupes composant celle‑ci.

3.Certains États parties, qui ne recueillent pas des données concernant l’origine ethnique ou nationale de leurs ressortissants ou d’autres personnes vivant sur leur territoire, décident à leur propre convenance quels sont les groupes qui constituent des groupes ethniques ou des populations autochtones à reconnaître et à traiter comme tels. Pour le Comité, il existe une norme internationale concernant les droits spécifiques des personnes appartenant à de tels groupes, norme qui va de pair avec les normes généralement reconnues concernant l’égalité des droits de tous et la non‑discrimination, notamment les normes énoncées dans la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Parallèlement, le Comité appelle l’attention des États parties sur le fait que l’application de critères différents pour la détermination des groupes ethniques ou des populations autochtones, qui amène à reconnaître certains d’entre eux et à refuser d’en reconnaître d’autres, peut aboutir à traiter différemment les divers groupes qui composent la population vivant dans le pays.

4.Le Comité rappelle la Recommandation générale IV qu’il a adoptée а sa huitième session en 1973 et le paragraphe 8 des directives générales concernant la présentation et la teneur des rapports à présenter par les États parties en application du paragraphe l de l’article 9 de la Convention (CERD/C/70/Rev.3), qui invite les États parties à s’efforcer de donner dans leurs rapports périodiques des renseignements pertinents concernant la composition démographique de leur population, eu égard aux dispositions de l’article premier de la Convention, c’est‑à‑dire, le cas échéant, des renseignements concernant la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique.

Cinquante ‑sixième session (2000)

Recommandation générale XXV concernant la dimension sexiste de la discrimination raciale

1.Le Comité note que la discrimination raciale n’affecte pas toujours pareillement ou de la même manière les hommes et les femmes. Dans certaines circonstances, la discrimination raciale vise seulement ou essentiellement les femmes ou a des effets différents ou d’un degré différent sur les femmes que sur les hommes. Une telle discrimination raciale échappe souvent à la détection et il n’y a aucune prise en considération ou reconnaissance explicite des disparités que présente le vécu des hommes et des femmes dans la sphère de la vie publique aussi bien que privée.

2.Certaines formes de discrimination raciale peuvent être dirigées spécifiquement contre les femmes en tant que femmes, par exemple: les violences sexuelles commises en détention ou en temps de conflit armé sur la personne de femmes appartenant à des groupes raciaux ou ethniques particuliers; la stérilisation forcée de femmes autochtones; les abus perpétrés à l’encontre de travailleuses du secteur informel ou d’employés domestiques travaillant à l’étranger, par leurs employeurs. Certaines des conséquences de la discrimination raciale peuvent affecter essentiellement ou uniquement les femmes, par exemple une grossesse résultant d’un viol motivé par un préjugé racial. Dans certaines sociétés, les femmes victimes d’un tel viol risquent de surcroît d’être frappées d’ostracisme. Les femmes peuvent en outre pâtir d’un accès insuffisant aux mécanismes de recours ou de plaintes contre la discrimination raciale du fait d’obstacles liés à leur sexe, tels qu’un biais antifemmes dans le système juridique ou une discrimination à l’égard des femmes dans le domaine de la vie privée.

3.Constatant que certaines formes de discrimination raciale font sentir leurs effets exclusivement et spécifiquement sur les femmes, dans ses travaux le Comité s’emploiera à tenir compte des facteurs ou problèmes liés au sexe susceptibles d’être en corrélation avec la discrimination raciale. Le Comité pense que pour ce faire il ne peut que bénéficier de la définition, en collaboration avec les États parties, d’une démarche plus systématique et cohérente s’agissant d’évaluer et de surveiller la discrimination raciale à l’encontre des femmes ainsi que les désavantages, obstacles et difficultés tenant à la race, à la couleur, à l’ascendance, ou à l’origine nationale ou ethnique, auxquels se heurtent les femmes pour réaliser et exercer pleinement leurs droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels.

4.En conséquence, le Comité entend s’employer énergiquement à intégrer une perspective et un élément analytique sexospécifiques et à encourager l’emploi d’une terminologie non sexiste dans ses travaux de session consacrés à l’examen des formes de discrimination raciale, à savoir pendant l’examen des rapports présentés par les États parties, dans les conclusions, dans le cadre des mécanismes d’alerte avancée et des procédures d’action urgente et dans les recommandations générales.

5.Sur le plan méthodologique, pour assurer pleinement la prise en considération de la dimension sexiste de la discrimination raciale, le Comité fera une place dans ses travaux de session à l’analyse des liens entre sexisme et discrimination raciale, en se montrant particulièrement attentif aux éléments suivants:

a)Forme et manifestation de la discrimination raciale;

b)Circonstances dans lesquelles se produit la discrimination raciale;

c)Conséquences de la discrimination raciale;

d)Existence et accessibilité de mécanismes de recours et de plaintes contre la discrimination raciale.

6.Constatant que bien souvent les rapports présentés par les États parties ne contiennent pas, ou pas assez, de renseignements précis sur la manière dont la Convention est appliquée en faveur des femmes, les États parties sont invités à exposer, autant que possible en termes quantitatifs et qualitatifs, les facteurs intervenant et les difficultés rencontrées dans l’action menée pour assurer aux femmes l’exercice sur un pied d’égalité, en l’absence de toute discrimination raciale, des droits consacrés par la Convention. Des données ventilées par race ou origine ethnique puis désagrégées en fonction du sexe permettraient aux États parties comme au Comité tant de dépister certaines formes de discrimination raciale à l’égard des femmes, qui autrement passeraient inaperçues ou resteraient sans réponse, que de procéder à des comparaisons et de prendre des dispositions pour y remédier.

1391 e  séance 20 mars 2000

Cinquante ‑sixième session (2000)

Recommandation générale XXVI concernant l’article 6 de la Convention

1.Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale pense que l’on sous‑estime souvent la gravité de l’atteinte que des actes de discrimination raciale ou des insultes raciales porte à l’opinion que la partie lésée se fait de sa valeur et de sa réputation.

2.Le Comité fait valoir aux États parties, qu’à son sens, le droit pour une personne − consacré par l’article 6 de la Convention −de demander satisfaction ou réparation juste et adéquate pour tout dommage dont elle pourrait être victime par suite d’une telle discrimination n’est pas forcément réalisé exclusivement par l’imposition d’une sanction à l’auteur de la discrimination. Les tribunaux et autres autorités compétentes devraient dans le même temps envisager, chaque fois qu’il y a lieu, d’accorder à la victime une indemnisation financière pour le dommage, matériel ou moral subi.

1399 e  séance 24 mars 2000

Cinquante ‑septième session (2000)

Recommandation générale XXVII concernant la discrimination à l’égard des Roms

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,

Considérant les communications des États parties à la Convention internationale pour l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, les rapports périodiques qu’ils présentent conformément à l’article 9 de la Convention ainsi que les conclusions adoptées par le Comité après examen des rapports périodiques des États parties,

Ayant organisé un débat sur le thème de la discrimination à l’égard des Roms et reçu des contributions de membres du Comité, d’experts d’organismes des Nations Unies et d’autres organes conventionnels, ainsi que d’organisations régionales,

Ayant également reçu d’organisations non gouvernementales intéressées des contributions, tant oralement, lors de la réunion informelle à leur intention, que sous forme de renseignements écrits,

Tenant compte des dispositions de la Convention,

Recommande que les États parties à la Convention, eu égard à leur situation particulière, adoptent en faveur des membres de communautés roms, entre autres, tout ou partie des mesures suivantes, s’il y a lieu.

1. Mesures d’ordre général

1.Réviser et amender la législation, ou en adopter une, au besoin, aux fins d’éliminer toutes les formes de discrimination raciale à l’égard des Roms ainsi qu’à l’égard des autres personnes ou groupes, conformément à la Convention.

2.Adopter et mettre en œuvre des stratégies et programmes nationaux et manifester une volonté politique et exercer un magistère moral sans faille dans le souci d’améliorer la situation des Roms et de renforcer leur protection contre toute discrimination de la part d’organes publics ainsi que de tout particulier ou de toute organisation.

3.Respecter les souhaits des Roms quant à l’appellation qu’ils veulent se voir appliquer et au groupe auquel ils veulent appartenir.

4.Veiller à ce que la législation relative à la nationalité et à la naturalisation n’ait pas un effet discriminatoire à l’égard des membres des communautés roms.

5.Prendre toutes mesures nécessaires pour éviter toute forme de discrimination à l’égard des immigrants ou demandeurs d’asile d’origine rom.

6.Prendre en considération, dans tous les programmes et projets prévus ou mis en œuvre et toutes les mesures adoptées, la situation des femmes roms, qui sont souvent victimes d’une double discrimination.

7.Prendre des mesures appropriées pour assurer aux membres des communautés roms des recours efficaces et faire en sorte que justice soit pleinement et rapidement rendue dans les affaires concernant des violations de leurs droits et libertés fondamentaux.

8.Définir et promouvoir des modalités appropriées de communication et de dialogue entre les communautés roms et les autorités centrales et locales.

9.S’employer, en encourageant un véritable dialogue, des consultations ou d’autres moyens appropriés, à améliorer les relations entre les communautés roms et non roms, en particulier à l’échelon local, dans le souci de promouvoir la tolérance et de surmonter les préjugés et stéréotypes négatifs existant d’un côté comme de l’autre, de favoriser les efforts d’ajustement et d’adaptation et d’éviter la discrimination, et de veiller à ce que tous les individus jouissent pleinement de leurs droits de l’homme et libertés.

10.Reconnaître que durant la seconde guerre mondiale les communautés roms ont été victimes de déportation et d’extermination et réfléchir aux moyens de réparer le mal qui leur a été ainsi fait.

11.Prendre les mesures nécessaires, en coopération avec la société civile, et mettre en route des projets tendant à développer la culture politique et à inculquer à l’ensemble de la population un esprit de non‑discrimination, de respect d’autrui et de tolérance, en particulier à l’égard des Roms.

2. Mesures de protection contre la violence raciale

12.Préserver la sécurité et l’intégrité des Roms, en l’absence de toute discrimination, en adoptant des mesures propres à prévenir les violences à motivation raciale à leur encontre; veiller à une prompte intervention de la police, du parquet et des juges aux fins d’enquêter sur de tels actes et de les réprimer; faire en sorte que les auteurs, qu’il s’agisse d’agents publics ou d’autres personnes, ne bénéficient d’aucune impunité.

13.Prendre des mesures pour empêcher tout recours illicite à la force par des policiers à l’encontre de Roms, en particulier en cas d’arrestation ou de détention.

14.Promouvoir des modalités appropriées de communication et de dialogue entre la police et les communautés et associations roms, dans le souci de prévenir les conflits fondés sur le préjugé racial et de combattre les actes de violence à motivation raciale contre les membres de ces communautés, ainsi que contre d’autres personnes.

15.Encourager le recrutement de membres des communautés roms dans la police et les autres organismes chargés de l’application des lois.

16.Promouvoir une action des États parties et des autres États ou autorités responsables visant à prévenir dans les zones au sortir d’un conflit la violence contre les membres des communautés roms et leur déplacement contre leur gré.

3. Mesures dans le domaine de l’éducation

17.Soutenir l’intégration dans le système éducatif de tous les enfants d’origine rom et œuvrer à réduire le taux d’abandon scolaire, en particulier des filles roms et coopérer activement avec les parents, associations et communautés locales roms à cette fin.

18.Prévenir et éviter autant que possible la ségrégation des élèves roms, tout en laissant ouverte la possibilité d’un enseignement bilingue ou en langue maternelle; à cette fin, s’attacher à améliorer la qualité de l’enseignement dispensé dans toutes les écoles ainsi qu’à relever le niveau des résultats scolaires des élèves de la minorité rom, à recruter du personnel scolaire appartenant aux communautés roms et à promouvoir une éducation interculturelle.

19.Envisager l’adoption de mesures en faveur des enfants roms dans le domaine de l’éducation, en coopération avec leurs parents.

20.Intervenir avec détermination pour éliminer toute discrimination ou harcèlement à caractère racial à l’égard des élèves roms.

21.Faire le nécessaire pour instituer un dispositif propre à assurer l’éducation de base des enfants roms appartenant à des communautés nomades, notamment en les admettant à titre temporaire dans les écoles locales, en constituant des classes provisoires dans leurs lieux de campement ou en tirant parti des nouvelles techniques d’enseignement à distance.

22.Veiller à ce que dans leurs programmes, projets et campagnes en rapport avec l’éducation il soit tenu compte de la situation défavorisée des filles et femmes roms.

23.Prendre des mesures urgentes et soutenues en faveur de la formation d’enseignants, d’éducateurs et d’assistants choisis parmi les apprenants roms.

24.Œuvrer à améliorer le dialogue et les communications entre le corps enseignant et les enfants, communautés et parents roms, en faisant plus souvent appel à des assistants choisis parmi les Roms.

25.Définir des modalités et dispositifs d’enseignement adaptés aux membres des communautés roms ayant dépassé l’âge de la scolarisation en vue d’accroître la proportion d’adultes roms alphabétisés.

26.Incorporer dans les manuels de tous les niveaux des chapitres sur l’histoire et la culture des Roms et encourager et soutenir la publication et la diffusion de livres et autres documents imprimés ainsi que la retransmission d’émissions de télévision et de radio, s’il y a lieu, concernant leur histoire et leur culture, en particulier dans les langues qu’ils parlent.

4. Mesures tendant à améliorer les conditions de vie

27.Adopter, ou la rendre plus efficace, une législation interdisant la discrimination dans l’emploi et toutes les pratiques discriminatoires sur le marché de l’emploi visant les membres des communautés roms, et les protéger contre de telles pratiques.

28.Prendre des mesures spéciales destinées à promouvoir l’emploi des Roms dans l’administration et les institutions publiques, ainsi que dans les entreprises privées.

29.Adopter et mettre en œuvre, dans la mesure du possible, aux échelons central et local, des mesures spéciales en faveur des Roms en matière d’emplois publics, notamment dans le cadre de la passation de contrats publics et d’autres activités entreprises par les pouvoirs publics ou financées par eux ou par la fourniture aux Roms d’une formation préparant à divers domaines et métiers.

30.Définir et mettre en œuvre des politiques et projets tendant à éviter la ségrégation des communautés roms en matière de logement; faire participer les communautés et associations roms en qualité de partenaires, à côté des autres parties intéressées, à la construction, la réfection et l’entretien de logements.

31.Intervenir avec fermeté contre toutes pratiques discriminatoires visant les Roms, principalement de la part des autorités locales et des propriétaires privés, en ce qui concerne l’acquisition du statut de résident et l’accès au logement; intervenir avec fermeté contre toutes dispositions locales refusant la résidence aux Roms ou aboutissant à leur expulsion illicite, et s’abstenir de reléguer les Roms à la périphérie des zones peuplées dans des lieux de campement isolés et dépourvus d’accès aux soins de santé et autres facilités.

32.Prendre les mesures nécessaires, s’il y a lieu, pour mettre à la disposition des groupes de Roms nomades et autres gens du voyage des emplacements équipés de toutes les facilités voulues pour leurs caravanes.

33.Assurer aux Roms l’égalité d’accès aux soins de santé et aux prestations sociales et éliminer toutes pratiques discriminatoires à leur égard dans ce domaine.

34.Formuler et exécuter des programmes et projets dans le domaine de la santé en faveur des Roms, principalement des femmes et des enfants, compte tenu de la situation défavorisée qui est la leur en raison tant de leur pauvreté extrême et de leur faible degré d’instruction que des différences culturelles; faire participer les associations et communautés roms ainsi que leurs représentants, en particulier les femmes, à la conception et à la mise en œuvre de programmes et projets en rapport avec la santé intéressant les groupes roms.

35.Prévenir, éliminer et sanctionner de manière adéquate toute pratique discriminatoire en matière d’accès des membres des communautés roms à tous les lieux et services à usage public, notamment les restaurants, hôtels, théâtres et cabarets, discothèques et autres.

5. Mesures dans le domaine des médias

36.Œuvrer, s’il y a lieu, à purger les médias de toutes idées véhiculant la supériorité raciale ou ethnique, la haine raciale et l’incitation à la discrimination et à la violence à l’égard des Roms, conformément aux dispositions de la Convention.

37.Favoriser la prise de conscience par les professionnels de tous les médias de la responsabilité particulière leur incombant de ne pas propager les préjugés et d’éviter de dépeindre des incidents mettant en cause des individus appartenant à la communauté rom sous un jour tendant à en rejeter la responsabilité sur l’ensemble de cette communauté.

38.Monter des campagnes éducatives et médiatiques destinées à sensibiliser le public à la vie, la société et la culture des Roms ainsi qu’à l’importance d’édifier une société intégratrice mais respectueuse des droits fondamentaux et de l’identité des Roms.

39.Encourager et faciliter l’accès des Roms aux médias − journaux, émissions de télévision, émissions de radio − et la création de médias roms, ainsi que la formation de journalistes roms.

40.Encourager les médias à se doter d’un dispositif d’autosurveillance, par exemple un code de conduite à leur intention, tendant à proscrire l’emploi d’expressions à connotation raciale, discriminatoire ou péjorative.

6. Mesures concernant la participation à la vie publique

41.Prendre les mesures nécessaires, y compris des dispositions spéciales, pour assurer aux minorités ou groupes roms l’égalité de chances en matière de participation à l’ensemble des organes d’État à l’échelon central et local.

42.Mettre au point des modalités et structures de consultation avec les partis politiques, associations et représentants roms, aux échelons central et local, pour l’examen de questions et l’adoption de décisions relatives à des sujets intéressant les communautés roms.

43.Faire participer les communautés et associations roms et leurs représentants, et ce dès les premiers stades, à la définition et à la mise en œuvre des politiques et programmes les concernant et conférer à ces politiques et programmes suffisamment de transparence.

44.Promouvoir une prise de conscience accrue par les membres des communautés roms de la nécessité de participer plus activement à la vie publique et sociale et de promouvoir leurs intérêts propres, par exemple en veillant à l’éducation de leurs enfants et en suivant une formation professionnelle.

45.Organiser des programmes de formation à l’intention des fonctionnaires et représentants roms, ainsi que des candidats potentiels à ces types de responsabilités, en vue d’améliorer leurs compétences en matière de politique, de prise de décisions et d’administration publique.

Le Comité recommande également ce qui suit:

46.Les États parties devraient inclure dans leurs rapports périodiques, sous une forme appropriée, des données relatives aux communautés roms relevant de leur juridiction, en particulier des statistiques ventilées par sexe sur la participation des Roms à la vie politique et sur leur situation économique, sociale et culturelle ainsi que des informations sur la mise en œuvre de la présente recommandation générale.

47.Les organisations intergouvernementales devraient s’intéresser dans leurs projets de coopération et d’assistance aux divers États parties, s’il y a lieu, à la situation des communautés roms et favoriser leur progrès économique, social et culturel.

48.Le Haut‑Commissariat aux droits de l’homme devrait se doter d’une structure spécialisée dans les questions relatives aux Roms.

Le Comité recommande en outre ce qui suit:

49.La Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée devrait accorder l’attention voulue aux recommandations ci‑dessus, vu que les Roms comptent parmi les communautés les plus défavorisées et les plus exposées à la discrimination dans le monde contemporain.

1424 e  séance 16 août 2000

Soixantième session (2002)

Recommandation générale XXVIII concernant le suivi de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,

Accueillant avec satisfaction l’adoption de la Déclaration et du Programme d’action de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, ainsi que les dispositions de la résolution 56/266 de l’Assemblée générale qui entérinent ces documents ou visent à en assurer le suivi,

Se félicitant que les instruments adoptés à Durban réaffirment avec force l’ensemble des valeurs et normes fondamentales de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale,

Rappelant que la Déclaration et le Programme d’action de Durban mentionnent la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale en tant que principal instrument visant à lutter contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée,

Notant en particulier qu’il est affirmé dans la Déclaration de Durban qu’une adhésion universelle à la Convention et l’application stricte de cet instrument revêtent une importance primordiale pour la promotion de l’égalité et de la non‑discrimination dans le monde,

Exprimant sa gratitude pour la reconnaissance du rôle et de la contribution du Comité dans la lutte contre la discrimination raciale,

Conscient de ses responsabilités propres dans le suivi de la Conférence mondiale ainsi que de la nécessité de renforcer sa capacité à assumer ces responsabilités,

Soulignant le rôle essentiel des organisations non gouvernementales dans la lutte contre la discrimination raciale et se félicitant de leur contribution durant la Conférence mondiale,

Prenant note de la reconnaissance par la Conférence mondiale du rôle important joué par les institutions nationales de protection et de promotion des droits de l’homme dans la lutte contre le racisme et la discrimination raciale, et de la nécessité de renforcer ces institutions et de leur fournir davantage de ressources,

1.Recommande aux États:

I. MESURES TENDANT À RENFORCER LA MISE EN ŒUVRE DE LA CONVENTION

a)D’adhérer, s’ils ne l’ont pas encore fait, à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, en vue de sa ratification universelle d’ici à 2005;

b)D’envisager, s’ils ne l’ont pas encore fait, de faire la déclaration facultative prévue à l’article 14 de la Convention;

c)D’honorer les obligations qui leur incombent en matière d’établissement de rapports en vertu de la Convention en soumettant leurs rapports dans les délais et en se conformant aux directives pertinentes;

d)D’envisager de retirer leurs réserves à la Convention;

e)D’amplifier les efforts visant à informer la population de l’existence du mécanisme de plainte prévu à l’article 14 de la Convention;

f)De tenir compte des passages pertinents de la Déclaration et du Programme d’action de Durban lors de la mise en œuvre de la Convention dans l’ordre juridique interne, s’agissant en particulier des articles 2 à 7 de la Convention;

g)D’inclure dans leurs rapports périodiques des renseignements sur les plans d’action ou autres mesures qu’ils ont pris pour mettre en œuvre à l’échelon national la Déclaration et le Programme d’action de Durban;

h)De diffuser la Déclaration et le Programme d’action de Durban de manière appropriée et de fournir au Comité, dans la section de leurs rapports périodiques relative à l’article 7 de la Convention, des renseignements sur les efforts entrepris dans ce sens;

II. MESURES TENDANT À RENFORCER LE FONCTIONNEMENT DU COMITÉ

i)D’envisager de mettre en place des mécanismes nationaux appropriés de contrôle et d’évaluation pour faire en sorte que toutes les dispositions nécessaires soient prises pour s’assurer que la suite voulue a été donnée aux conclusions et recommandations générales du Comité;

j)D’inclure dans leurs rapports périodiques au Comité des renseignements appropriés sur la suite donnée à ces conclusions et recommandations;

k)De ratifier l’amendement au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième réunion des États parties à la Convention et entériné par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111 du 15 décembre 1992;

l)De poursuivre leur coopération avec le Comité en vue de promouvoir la bonne mise en œuvre de la Convention;

2.Le Comité recommande en outre:

a)Que les institutions nationales de protection et de promotion des droits de l’homme aident leurs États respectifs à honorer les obligations qui leur incombent en matière d’établissement de rapports et surveillent de près la suite donnée aux conclusions et recommandations du Comité;

b)Que les organisations non gouvernementales continuent à fournir en temps utile au Comité des informations pertinentes afin de renforcer leur coopération avec lui;

c)Que le Haut‑Commissariat aux droits de l’homme poursuive ses efforts visant à faire mieux connaître les travaux du Comité;

d)Que les organismes concernés des Nations Unies affectent au Comité des ressources suffisantes pour lui permettre de s’acquitter pleinement de son mandat;

3.Le Comité se déclare disposé:

a)À coopérer pleinement avec tous les organismes pertinents du système des Nations Unies, en particulier le Haut‑Commissariat aux droits de l’homme, aux fins du suivi de la Déclaration et du Programme d’action de Durban;

b)À coopérer avec les cinq éminents experts indépendants qui seront désignés par le Secrétaire général pour faciliter la mise en œuvre des recommandations formulées dans la Déclaration et le Programme d’action de Durban;

c)À coordonner ses activités avec les autres organes créés en application d’instruments relatifs aux droits de l’homme afin de parvenir à un suivi plus efficace de la Déclaration et du Programme d’action de Durban;

d)À prendre en considération tous les passages de la Déclaration et du Programme d’action de Durban en rapport avec l’exercice de son propre mandat.

1517 e  séance 19 mars 2002

Soixante et unième session (2002)

Recommandation générale XXIX concernant la discrimination fondée sur l’ascendance (art. 1, par. 1, de la Convention)

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,

Rappelant les termes de la Déclaration universelle des droits de l’homme selon lesquels tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits et peuvent se prévaloir de tous les droits qui y sont proclamés sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’origine sociale, de naissance ou de toute autre situation,

Rappelant également les termes de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne, adoptés lors de la Conférence mondiale sur les droits de l’homme, selon lesquels il est du devoir des États, quel qu’en soit le système politique, économique et culturel, de promouvoir et de protéger tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales,

Réaffirmant sa recommandation générale no XXVIII dans laquelle le Comité a souscrit sans réserve à la Déclaration et au Programme d’action de Durban, adoptés lors de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée,

Réaffirmant également la condamnation de la discrimination à l’encontre des personnes d’ascendance asiatique, africaine et autochtone et autre énoncée dans la Déclaration et le Programme d’action de Durban,

Se fondant sur les dispositions de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale qui a pour but l’élimination de la discrimination fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique,

Confirmant l’opinion constante du Comité selon laquelle le terme «ascendance» figurant au paragraphe 1 de l’article premier de la Convention ne se réfère pas uniquement à la «race» et a un sens et une application qui complètent les autres motifs pour lesquels toute discrimination est interdite,

Réaffirmant fermement que la discrimination fondée sur «l’ascendance» comprend la discrimination contre les membres des communautés reposant sur des formes de stratification sociale telles que la caste et les systèmes analogues de statut héréditaire qui empêchent ou entravent leur jouissance égale des droits de l’homme,

Notant que l’existence de telles distinctions est devenue évidente à l’issue de l’examen des rapports soumis au Comité par un certain nombre d’États parties à la Convention,

Ayant organisé un débat thématique sur la discrimination fondée sur l’ascendance et reçu les apports de membres du Comité ainsi que de certains États et de membres d’autres organes de l’Organisation des Nations Unies, notamment d’experts de la Sous‑Commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme,

Ayant reçu des informations d’un grand nombre d’organisations non gouvernementales et de particuliers concernés oralement et par écrit, qui ont apporté au Comité des preuves supplémentaires de l’ampleur et de la persistance de la discrimination fondée sur l’ascendance dans différentes régions du monde,

Estimant qu’il est nécessaire de faire de nouveaux efforts et d’intensifier les efforts en cours dans le domaine du droit et des pratiques internes en vue d’éliminer le fléau de la discrimination fondée sur l’ascendance et de renforcer les moyens des communautés touchées,

Saluant les efforts des États qui ont pris des mesures en vue d’éliminer la discrimination fondée sur l’ascendance et de remédier à ses conséquences,

Encourageant fermement les États touchés qui n’ont pas encore reconnu l’existence de ce phénomène et qui ne se sont pas encore occupés à prendre des mesures pour le faire,

Rappelant l’esprit positif dans lequel s’est déroulé le dialogue entre le Comité et les gouvernements, concernant la question de la discrimination fondée sur l’ascendance et en attendant de nouvelles occasions de dialogue constructif,

Attachant la plus haute importance à l’action qu’il mène pour combattre toutes les formes de discrimination fondée sur l’ascendance,

Condamnant fermement la discrimination fondée sur l’ascendance, notamment en raison de la caste et de systèmes analogues de statut héréditaire, comme une violation de la Convention,

Recommande que les États parties, compte tenu de leur situation particulière, adoptent toutes les mesures suivantes ou certaines d’entre elles:

1. Mesures de caractère général

a)Prendre des mesures en vue d’identifier les communautés fondées sur l’ascendance relevant de leur juridiction qui subissent des discriminations, notamment en raison de la caste et de systèmes analogues de statut héréditaire, et dont l’existence est reconnaissable à différents facteurs parmi lesquels figurent tous les suivants ou certains d’entre eux: incapacité ou capacité limitée de modifier le statut héréditaire; restrictions sociales impératives contre le fait de contracter mariage avec une personne étrangère à sa propre communauté; ségrégation dans les domaines privé et public, notamment en matière de logement et d’éducation, d’accès à des lieux publics, à des lieux de culte et à des sources publiques de nourriture et d’eau; limitation de la liberté de refuser des professions héréditaires ou dégradantes ou des travaux dangereux; soumission au servage pour dettes; exposition à des propos déshumanisants évoquant la pollution ou l’intouchabilité; manque généralisé de respect pour leur dignité et leur égalité en tant qu’êtres humains;

b)Envisager d’incorporer une disposition interdisant explicitement toute discrimination fondée sur l’ascendance dans la Constitution nationale;

c)Réviser et promulguer ou modifier la législation en vue d’interdire toutes les formes de discrimination fondée sur l’ascendance, conformément à la Convention;

d)Mettre en œuvre résolument les lois et les autres mesures en vigueur;

e)Formuler et appliquer une stratégie nationale globale avec la participation des membres des communautés touchées, y compris les mesures spéciales énoncées aux articles 1 et 2 de la Convention, afin d’éliminer toute discrimination contre les membres des groupes fondée sur l’ascendance;

f)Adopter des mesures spéciales en faveur des groupes et communautés fondés sur l’ascendance afin de s’assurer qu’ils jouissent des droits de l’homme et des libertés fondamentales, notamment en ce qui concerne l’accès à des fonctions, à des emplois et à l’enseignement publics;

g)Mettre en place des mécanismes officiels, en renforçant les institutions existantes ou en créant des institutions spécialisées, afin de promouvoir le respect de l’égalité des droits de l’homme des membres des communautés fondées sur l’ascendance;

h)Sensibiliser le grand public à l’importance des programmes de mesures axées sur la situation des victimes de la discrimination fondée sur l’ascendance;

i)Encourager le dialogue entre les membres des communautés fondées sur l’ascendance et les membres d’autres groupes sociaux;

j)Faire des enquêtes périodiques sur la discrimination fondée sur l’ascendance et inclure dans leurs rapports au Comité des informations détaillées sur la répartition géographique et la situation économique et sociale des communautés fondées sur l’ascendance, en tenant compte des aspects sexospécifiques;

2. Les discriminations multiples contre les femmes membres de communautés fondées sur l’ascendance

k)Tenir compte, dans tous les programmes et projets envisagés et exécutés et dans les mesures adoptées de la situation des femmes membres des communautés, en tant que victimes de discriminations multiples, de l’exploitation sexuelle et de la prostitution forcée;

l)Prendre toutes les mesures nécessaires en vue d’éliminer les discriminations multiples, notamment la discrimination fondée sur l’ascendance à l’encontre des femmes, en particulier dans les domaines de la sécurité personnelle, de l’emploi et de l’éducation;

m)Fournir des données détaillées sur la situation des femmes touchées par la discrimination fondée sur l’ascendance;

3. Ségrégation

n)Surveiller les tendances qui sont à l’origine de la ségrégation à l’encontre des communautés fondées sur l’ascendance et fournir des informations à ce sujet, et œuvrer pour l’élimination des conséquences négatives de ladite ségrégation;

o)Prendre des mesures en vue de prévenir, d’interdire et d’éliminer les pratiques ségrégationnistes dirigées contre les membres des communautés fondées sur l’ascendance, notamment dans le logement, l’éducation et l’emploi;

p)Garantir à chacun le droit à l’accès à tout lieu ou service destiné à l’usage du public dans des conditions d’égalité et sans aucune discrimination;

q)Prendre des mesures en vue de promouvoir des communautés mixtes dans lesquelles les membres des communautés touchées vivent dans un cadre intégré avec d’autres éléments de la société et veiller à ce que les services fournis à ces établissements humains soient accessibles à tous sur un pied d’égalité;

4. Diffusion d’incitations à la haine, notamment par les médias et Internet

r)Prendre des mesures contre toute diffusion d’idées prônant la supériorité ou l’infériorité liée à la caste ou tentant de justifier la violence, la haine ou la discrimination à l’encontre de communautés fondées sur l’ascendance;

s)Prendre des mesures strictes contre toute incitation à la discrimination, à la violence contre les communautés, y compris par l’Internet;

t)Prendre des mesures pour sensibiliser les professionnels des médias à la nature et aux conséquences de la discrimination fondée sur l’ascendance;

5. Administration de la justice

u)Prendre les mesures nécessaires pour garantir un accès égal à la justice à tous les membres des communautés fondées sur l’ascendance, notamment en leur fournissant une aide juridictionnelle, en facilitant l’examen des plaintes émanant de groupes et en encourageant les organisations non gouvernementales à défendre les droits des communautés;

v)S’assurer, selon qu’il conviendra, que les décisions judiciaires et les mesures officielles prennent pleinement en considération l’interdiction de toute discrimination fondée sur l’ascendance;

w)Veiller à ce que les personnes qui commettent des crimes contre les membres des communautés fondées sur l’ascendance soient poursuivies et à ce que les victimes de ces crimes soient dûment indemnisées;

x)Encourager le recrutement de membres des communautés fondées sur l’ascendance dans la police et d’autres organes chargés de faire respecter les lois;

y)Organiser des programmes de formation destinés aux fonctionnaires publics et aux organes chargés de faire respecter les lois en vue de prévenir les injustices liées à des préjugés contre les communautés fondées sur l’ascendance;

z)Encourager et faciliter un dialogue constructif entre la police et d’autres organes chargés de faire respecter les lois et les membres des communautés;

6. Droits civils et politiques

aa)Veiller à ce que les autorités du pays concernées, à tous les niveaux, associent les membres des communautés fondées sur l’ascendance aux décisions qui les touchent;

bb)Prendre des mesures spéciales et concrètes en vue de garantir aux membres des communautés fondées sur l’ascendance le droit de participer aux élections, de voter et de se présenter à des élections sur la base du suffrage égalitaire et universel, et d’être représentés dûment dans les organes gouvernementaux et législatifs;

cc)Inciter les membres des communautés à prendre conscience de l’importance que revêt leur participation à la vie publique et politique et éliminer les obstacles entravant cette participation;

dd)Organiser des programmes de formation en vue d’améliorer les compétences en matière de prises de décisions politiques et d’administration publique des fonctionnaires publics et des représentants politiques appartenant aux communautés fondées sur l’ascendance;

ee)Prendre des mesures pour identifier les zones sujettes à des violences motivées par l’ascendance afin de les empêcher de se reproduire;

ff)Prendre des mesures énergiques pour garantir le droit des membres des communautés fondées sur l’ascendance qui le souhaitent de se marier à des personnes étrangères à leur communauté;

7. Droits économiques et sociaux

gg)Élaborer, adopter et appliquer des plans et programmes de développement économique et social fondés sur l’égalité et la non‑discrimination;

hh)Prendre des mesures substantielles et efficaces afin d’éliminer la pauvreté dans les communautés fondées sur l’ascendance et combattre leur exclusion ou leur marginalisation sociales;

ii)Collaborer avec les organisations intergouvernementales, notamment les institutions financières internationales, pour s’assurer que les projets de développement ou d’assistance qu’elles appuient tiennent compte de la situation économique et sociale des membres des communautés fondées sur l’ascendance;

jj)Prendre des mesures spéciales afin de promouvoir l’emploi des membres des communautés touchées dans les secteurs publics et privés;

kk)Élaborer des lois et pratiques interdisant expressément toutes les pratiques discriminatoires fondées sur l’ascendance dans l’emploi et le marché du travail ou préciser celles qui existent;

ll)Prendre des mesures contre les organismes publics, les sociétés privées et autres associations qui recherchent des informations sur l’ascendance de demandeurs d’emploi;

mm)Prendre des mesures contre les pratiques discriminatoires des autorités locales ou des propriétaires privés en matière de résidence et d’accès à un logement adéquat, à l’encontre des membres des communautés touchées;

nn)Garantir un accès égal aux soins médicaux et aux services de sécurité sociale aux membres des communautés fondées sur l’ascendance;

oo)Associer les communautés touchées à la conception et à la mise en œuvre de programmes et de projets relatifs à la santé;

pp)Prendre des mesures en vue de remédier à la vulnérabilité particulière des enfants appartenant aux communautés fondées sur l’ascendance à l’exploitation du travail des enfants;

qq)Prendre des mesures résolues pour éliminer le servage pour dettes et les conditions dégradantes de travail associés à la discrimination fondée sur l’ascendance;

8. Droit à l’éducation

rr)Veiller à ce que les systèmes d’éducation public et privé accueillent les enfants de toutes les communautés et n’excluent aucun enfant au motif de son ascendance;

ss)Réduire le taux d’abandons scolaires des enfants de toutes les communautés, en particulier celui des enfants des communautés touchées, en attachant une attention spéciale à la situation des filles;

tt)Combattre la discrimination commise par les organismes publics ou privés et tout acte de harcèlement à l’encontre d’élèves membres de communautés fondées sur l’ascendance;

uu)Prendre les mesures nécessaires en coopération avec la société civile en vue d’inculquer à l’ensemble de la population un esprit de non‑discrimination et de respect à l’égard des communautés soumises à des discriminations fondées sur l’ascendance;

vv)Réviser tous les passages des ouvrages scolaires qui véhiculent des images, des expressions, des noms ou des opinions stéréotypés ou dégradants à l’égard des communautés fondées sur l’ascendance et les remplacer par des images, des expressions, des noms et des opinions qui affirment la dignité inhérente à tous les êtres humains et leur égalité en tant qu’êtres humains.

Soixante-cinquième session (2005)

Recommandation générale XXX concernant la discrimination contre les non ‑ressortissants

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,

Rappelant les termes de la Charte des Nations Unies et de la Déclaration des droits de l’homme, selon lesquels tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits et peuvent se prévaloir de tous les droits qui y sont proclamés sans distinction aucune, et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale,

Rappelant les termes de la Déclaration de Durban dans laquelle la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée a constaté que la xénophobie dont les non‑ressortissants, en particulier les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile, sont l’objet est l’une des grandes sources du racisme contemporain et que les violations des droits fondamentaux de ces groupes relèvent pour la plupart de pratiques discriminatoires, xénophobes et racistes,

Constatant, eu égard à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et aux recommandations générales XI et XX, qu’il ressort de façon évidente de l’examen des rapports des États parties à la Convention que d’autres groupes que les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile suscitent des préoccupations, notamment les non‑ressortissants sans papiers et les personnes qui ne sont pas en mesure d’établir qu’elles possèdent la nationalité de l’État sur le territoire duquel elles vivent, même lorsqu’elles y ont vécu toute leur vie,

Ayant organisé un débat thématique sur la question de la discrimination à l’encontre des non‑ressortissants et reçu les contributions de membres du Comité et d’États parties, ainsi que des contributions provenant d’experts d’autres organes ou institutions spécialisées des Nations Unies et d’organisations non gouvernementales,

Conscient de la nécessité de donner des éclaircissements sur les responsabilités des États parties à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale à l’égard des non‑ressortissants,

Se fondant sur les dispositions de la Convention, en particulier l’article 5 aux termes duquel les États parties sont tenus d’interdire et d’éliminer la discrimination raciale fondée sur la race, la couleur, l’ascendance et l’origine nationale ou ethnique dans l’exercice par tous des droits et libertés civils, politiques, économiques, sociaux et culturels,

Affirme ce qui suit:

I. RESPONSABILITÉS DES ÉTATS PARTIES À LA CONVENTION

1.Le paragraphe 1 de l’article premier de la Convention définit la discrimination raciale. Le paragraphe 2 de l’article premier permet d’établir une distinction entre les ressortissants et les non‑ressortissants. Le paragraphe 3 de l’article premier déclare que, en matière de nationalité, de citoyenneté ou de naturalisation, les dispositions légales des États parties ne doivent pas être discriminatoires à l’égard d’une nationalité particulière;

2.Le paragraphe 2 de l’article premier doit être interprété de manière à éviter d’affaiblir l’interdiction fondamentale de la discrimination et, par conséquent, de diminuer de quelque façon que ce soit les droits et libertés reconnus et énoncés en particulier dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques;

3.L’article 5 de la Convention prévoit que les États parties ont l’obligation d’interdire et d’éliminer la discrimination dans la jouissance des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Quoique certains de ces droits, tels que le droit de participer aux élections, de voter et d’être candidat, puissent être réservés aux ressortissants, les droits de l’homme doivent être, en principe, exercés par tous. Les États parties sont tenus de garantir un exercice égal de ces droits par les ressortissants et les non‑ressortissants dans toute la mesure prévue par le droit international;

4.Aux termes de la Convention, l’application d’un traitement différent fondé sur le statut quant à la citoyenneté ou à l’immigration constitue une discrimination si les critères de différenciation, jugés à la lumière des objectifs et des buts de la Convention, ne visent pas un but légitime et ne sont pas proportionnés à l’atteinte de ce but. Une différenciation située dans les limites fixées au paragraphe 4 de l’article premier de la Convention, relatives à des mesures spéciales, n’est pas considérée comme étant discriminatoire;

5.Les États parties sont tenus de fournir des informations complètes sur la législation relative aux non‑ressortissants et sur sa mise en œuvre. En outre, les États parties devraient faire figurer dans leurs rapports, d’une manière appropriée, des données socioéconomiques sur les non‑ressortissants soumis à leur juridiction, notamment des données ventilées selon le sexe et l’origine nationale ou ethnique;

Recommande, en se fondant sur ces principes généraux, que les États parties à la Convention, compte tenu de leur situation particulière, adoptent les mesures suivantes:

II. MESURES DE CARACTÈRE GÉNÉRAL

6.Réexaminer et réviser la législation, selon qu’il conviendra, afin de la rendre pleinement conforme à la Convention, concernant en particulier la jouissance effective, sans discrimination, des droits énoncés à l’article 5;

7.Veiller à ce que les protections légales contre la discrimination raciale s’appliquent aux non‑ressortissants indépendamment de leur statut quant à l’émigration et à ce que la mise en œuvre de la législation n’ait pas d’effet discriminatoire sur les non‑ressortissants;

8.Accorder une attention plus importante à la question des discriminations multiples auxquelles sont confrontés les non‑ressortissants, en ce qui concerne notamment les enfants et les conjoints des travailleurs non ressortissants, s’abstenir d’appliquer des règles différentes aux conjointes non ressortissantes de ressortissants et aux conjoints non ressortissants de ressortissantes, soumettre des renseignements sur de telles pratiques, et prendre toutes les mesures nécessaires pour y remédier;

9.Veiller à ce que les politiques d’immigration n’aient pas d’effet discriminatoire sur les personnes en raison de leur race, leur couleur, leur ascendance ou origine nationale ou ethnique;

10.Veiller à ce que les mesures prises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ne soient pas discriminatoires par leur but ou par leurs effets en fonction de la race, de la couleur, de l’ascendance ou de l’origine nationale ou ethnique, et à ce que les non‑ressortissants ne fassent pas l’objet de profils ou stéréotypes raciaux ou ethniques;

III. PROTECTION CONTRE L’INCITATION À LA HAINE ET LA VIOLENCE RACIALES

11.Prendre des mesures pour lutter contre les attitudes et les comportements xénophobes à l’égard des non‑ressortissants, en particulier l’incitation à la haine et la violence raciales, et promouvoir une meilleure compréhension du principe de non‑discrimination en ce qui concerne la situation des non‑ressortissants;

12.Prendre des mesures énergiques pour combattre toute tendance à viser, stigmatiser, stéréotyper ou caractériser par leur profil les membres de groupes de population «non‑ressortissants» sur la base de la race, la couleur, l’ascendance et l’origine nationale ou ethnique, en particulier de la part des politiciens, des responsables, des éducateurs et des médias, sur Internet, dans d’autres réseaux de communication électroniques et dans la société en général;

IV. ACCÈS À LA CITOYENNETÉ

13.Veiller à ce que des groupes particuliers de non‑ressortissants ne subissent pas des discriminations en matière d’accès à la citoyenneté ou de naturalisation, et accorder l’attention requise aux éventuels obstacles à la naturalisation des résidents de longue date ou des résidents permanents;

14.Reconnaître que la privation de citoyenneté en raison de la race, de la couleur, de l’ascendance ou de l’origine nationale ou ethnique est une violation des obligations des États parties d’assurer la jouissance sans discrimination du droit à une nationalité;

15.Prendre en considération le fait que, dans certains cas, la privation de citoyenneté de résidents de longue date ou de résidents permanents peut les placer dans une situation désavantageuse en matière d’accès à l’emploi et aux prestations sociales, en violation des principes antidiscriminatoires énoncés dans la Convention;

16.Réduire le nombre d’apatrides, en particulier parmi les enfants, en encourageant par exemple leurs parents à demander la citoyenneté en leur nom et en autorisant les deux parents à transmettre leur citoyenneté à leurs enfants;

17.Régulariser le statut des anciens ressortissants d’États prédécesseurs qui vivent actuellement sous la juridiction de l’État partie;

V. ADMINISTRATION DE LA JUSTICE

18.Veiller à ce que les non‑ressortissants jouissent d’une protection et d’une reconnaissance égales en vertu de la loi; à cet égard, prendre des mesures contre la violence raciste et veiller à ce que les victimes aient accès à des recours juridiques utiles et le droit de demander une indemnisation juste et adéquate pour tout préjudice causé par de telles violences;

19.Assurer la sécurité des non‑ressortissants, en particulier face à la détention arbitraire, et veiller à ce que les conditions de vie dans les centres d’accueil des réfugiés et des demandeurs d’asile soient conformes aux normes internationales;

20.S’assurer que les non‑citoyens détenus ou arrêtés dans le cadre de la lutte contre le terrorisme soient correctement protégés par des lois internes conformes au droit international relatif aux droits de l’homme, aux instruments relatifs aux réfugiés et au droit humanitaire;

21.Combattre les mauvais traitements et la discrimination contre les non‑ressortissants du fait de la police, d’autres organes chargés de l’application des lois et des fonctionnaires publics, en appliquant strictement les lois et les dispositions pertinentes et en veillant à ce que tous les fonctionnaires s’occupant des non‑ressortissants reçoivent une formation spéciale portant en particulier sur les droits de l’homme;

22.Inscrire dans la loi pénale une disposition prévoyant que le fait de commettre une infraction comportant des motivations ou des buts racistes constitue une circonstance aggravante passible d’une peine plus lourde;

23.Veiller à ce que les plaintes pour discrimination raciale émanant de non‑ressortissants fassent l’objet d’une enquête approfondie et à ce que les plaintes déposées contre des fonctionnaires, notamment celles concernant un comportement discriminatoire ou raciste, fassent l’objet d’un examen indépendant et sérieux;

24.Aménager la charge de la preuve dans les procès civils concernant une discrimination fondée sur la race, la couleur, l’ascendance et l’origine nationale ou ethnique, de telle manière que, dès lors qu’un non‑ressortissant a établi à première vue qu’il a été victime d’une discrimination de cette nature, il incombe au défendeur d’apporter la preuve qu’il existait une raison objective et raisonnable d’appliquer un traitement différent;

VI. EXPULSION ET REFOULEMENT DES NON ‑RESSORTISSANTS

25.Veiller à ce que les lois relatives au refoulement ou à toute autre mesure tendant à soustraire des non‑ressortissants à la juridiction de l’État partie ne causent pas, par leur but ou par leurs effets, une discrimination entre les non‑ressortissants, fondée sur la race, la couleur ou l’origine ethnique ou nationale, et à ce que les non‑ressortissants aient un accès égal à des recours efficaces, notamment le droit de contester une mesure d’expulsion, et qu’ils soient autorisés à utiliser ces recours effectivement;

26.Veiller à ce que les non‑ressortissants ne fassent pas l’objet d’une expulsion collective, en particulier lorsqu’il n’est pas établi de façon suffisante que la situation personnelle de chacune des personnes concernées a été prise en compte;

27.Veiller à ce que les non‑ressortissants ne soient pas renvoyés ou rapatriés dans un pays ou un territoire où ils risquent d’être soumis à des violations graves des droits de l’homme, notamment à la torture et à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

28.S’abstenir de procéder à toute expulsion de non‑ressortissants, en particulier de résidents de longue date, qui se traduirait par une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale;

VII. DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

29.Supprimer les obstacles empêchant ou limitant l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels par les non‑ressortissants, notamment dans les domaines de l’éducation, du logement, de l’emploi et de la santé;

30.Veiller à ce que les établissements d’enseignement public soient ouverts aux non‑ressortissants et aux enfants des immigrants sans papiers résidant sur le territoire de l’État partie;

31.S’abstenir d’appliquer aux non‑ressortissants des systèmes de scolarisation fondés sur la ségrégation et des normes différentes en raison de leur race, couleur, ascendance et origine nationale ou ethnique dans l’enseignement élémentaire et secondaire et en matière d’accès à l’enseignement supérieur;

32.Garantir la jouissance égale du droit à un logement adéquat pour les ressortissants et les non‑ressortissants, notamment en évitant la ségrégation dans le logement et en veillant à ce que les organismes de logement s’abstiennent de recourir à des pratiques discriminatoires;

33.Prendre des mesures en vue d’éliminer la discrimination à l’encontre des non‑ressortissants dans le domaine des conditions de travail et des exigences professionnelles, en ce qui concerne notamment les règles et pratiques relatives à l’emploi discriminatoires par leur but ou par leurs effets;

34.Prendre des mesures concrètes pour prévenir et régler les problèmes graves auxquels les travailleurs non ressortissants sont généralement confrontés, en particulier les travailleurs domestiques non ressortissants, notamment le servage pour dettes, la rétention du passeport, l’enfermement illégal, le viol et les violences physiques;

35.Considérer que, s’il est vrai que les États parties peuvent refuser d’offrir des emplois aux non‑ressortissants démunis de permis de travail, tous les individus doivent pouvoir jouir de droits relatifs au travail et à l’emploi, notamment le droit à la liberté de réunion et d’association, dès le début et jusqu’à la fin d’une relation d’emploi;

36.Veiller à ce que les États parties respectent le droit des non‑ressortissants de jouir d’un niveau de santé physique et mentale adéquat en s’abstenant, entre autres, d’empêcher ou de limiter leur accès à des services de santé préventifs, curatifs et palliatifs;

37.Prendre les mesures nécessaires pour prévenir les pratiques qui privent les non‑ressortissants de leur identité culturelle, telles que les exigences légales ou de fait obligeant les non‑ressortissants à changer de nom pour obtenir la citoyenneté, et prendre des mesures en vue de permettre aux non‑ressortissants de préserver et de développer leur culture;

38.Garantir le droit des non‑ressortissants, sans discrimination fondée sur la race, la couleur, l’ascendance et l’origine nationale ou ethnique, d’avoir accès à tous lieux ou services destinés à l’usage du public tels que les moyens de transport, les hôtels, les restaurants, les cafés, les spectacles et les parcs;

39.La présente recommandation générale remplace la recommandation générale XI (1993).

Soixante-cinquième session (2005)

Recommandation générale XXXI concernant la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,

Rappelant la définition de la discrimination raciale qui est inscrite dans l’article premier de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale,

Rappelant les dispositions de l’article 5a)de la Convention, qui obligent les États parties à garantir le droit de chacun à l’égalité devant la loi sans discrimination de race, de couleur ou d’origine nationale ou ethnique, notamment dans la jouissance du droit a un traitement égal devant les tribunaux et tout autre organe administrant la justice,

Rappelant que, selon l’article 6 de la Convention, les États parties assureront à toute personne soumise à leur juridiction une protection et une voie de recours effectives devant les tribunaux nationaux et autres organismes d’État compétents, contre tous les actes de discrimination raciale, ainsi que le droit de demander à ces tribunaux satisfaction ou réparation juste et adéquate pour tout dommage dont elle pourrait être victime par suite d’une telle discrimination,

Se référant au paragraphe 25 de la Déclaration adoptée par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, tenue à Durban (Afrique du Sud) en 2001, qui a exprimé sa «profonde répugnance pour le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, qui persistent dans certains États dans le fonctionnement du système pénal et l’application de la loi, ainsi que dans les décisions et le comportement des autorités de police et agents de la force publique, en particulier lorsque cela contribue au fait que certains groupes sont surreprésentés parmi les personnes en détention provisoire ou emprisonnées»,

Se référant aux travaux de la Commission des droits de l’homme et de la Sous‑Commission pour la promotion et la protection des droits de l’homme (voir E/CN.4/Sub.2/2005/7) concernant la discrimination dans le système de justice pénale,

Tenant compte des rapports du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée,

Se référant à la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés, notamment à son article 16 aux termes duquel «un réfugié doit avoir un libre accès aux tribunaux sur le territoire de tous les États contractants»,

Tenant compte des observations relatives au fonctionnement de la justice qui figurent dans les conclusions du Comité concernant les rapports des États parties et dans les recommandations générales XXVII (2000) sur la discrimination à l’égard des Roms, XXIX (2002) sur la discrimination fondée sur l’ascendance et XXX (2004) sur la discrimination contre les non‑ressortissants,

Convaincu que, même si la justice peut être regardée, en général, comme impartiale et non suspecte de racisme, les discriminations raciales et la xénophobie dans l’administration et le fonctionnement de la justice, lorsqu’elles existent, représentent une atteinte particulièrement grave à la règle de droit, au principe de l’égalité devant la loi, à l’équité du procès et au droit à un tribunal indépendant et impartial, en affectant directement des personnes appartenant à des groupes que la justice a précisément pour mission de protéger,

Considérant qu’aucun pays n’est à l’abri de phénomènes de discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement de la justice pénale, quelle que soit la famille juridique du droit appliqué et quel que soit le système processuel en vigueur, qu’il soit accusatoire, inquisitoire ou mixte,

Considérant que les risques de discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement de la justice pénale se sont accrus ces dernières années, d’une part sous l’effet de l’augmentation de l’immigration et des mouvements de population, qui ont suscité dans certaines couches de la population et chez certains agents chargés de l’application des lois, des préjugés et des sentiments de xénophobie ou d’intolérance, d’autre part sous l’effet des politiques de sécurité et des mesures contre le terrorisme adoptées ces dernières années par de nombreux États, qui ont favorisé, dans plusieurs pays, l’apparition d’attitudes xénophobes, notamment de sentiments anti‑Arabes ou antimusulmans ou, par réaction, de sentiments antisémites,

Résolu à combattre toutes les discriminations dans l’administration et le fonctionnement de la justice pénale dont peuvent être victimes, dans l’ensemble des pays du monde, les personnes appartenant à des groupes raciaux ou ethniques, notamment les non‑ressortissants − incluant les immigrés, les réfugiés, les demandeurs d’asile, les apatrides − les roms/tziganes, les peuples autochtones, les populations déplacées, les personnes discriminées à raison de leur ascendance, ainsi que les autres groupes vulnérables particulièrement exposés à l’exclusion, à la marginalisation et à la non‑intégration dans la société, en portant une attention particulière à la situation des femmes et des enfants des groupes précités, susceptibles d’être l’objet d’une double discrimination à raison de leur race et à raison de leur sexe ou de leur âge,

Formule les recommandations suivantes à l’intention des États parties:

I. MESURES D’ORDRE GÉNÉRAL

A. Mesures à prendre en vue de mieux évaluer l’existence et l’étendue de la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement de la justice pénale: la recherche d’indicateurs de cette discrimination

1. Indicateurs factuels

1.Les États parties devraient prêter la plus grande attention aux indicateurs possibles de discrimination raciale qui suivent:

a)Le nombre et le pourcentage de personnes appartenant aux groupes mentionnés dans le dernier paragraphe du préambule qui sont victimes d’agressions ou d’autres infractions, notamment lorsqu’elles sont commises par des agents de la police ou d’autres agents de l’État;

b)L’absence ou la rareté des plaintes, des poursuites et des jugements concernant des actes de discrimination raciale dans le pays. Une telle donnée ne devrait pas, en effet, être regardée comme nécessairement positive, contrairement à ce que pensent certains États. Elle peut aussi révéler, soit une information insuffisante des victimes sur leurs droits, soit la peur d’une réprobation sociale ou de représailles, soit la crainte du coût et de la complexité des procédures judiciaires de la part de victimes dont les ressources sont limitées, soit un manque de confiance à l’égard des autorités de police et de justice, soit une insuffisante attention ou sensibilisation de ces autorités à l’égard des infractions de racisme;

c)L’absence ou l’insuffisance de renseignements sur le comportement des agents chargés de l’application des lois vis‑à‑vis des personnes appartenant aux groupes mentionnés dans le dernier paragraphe du préambule;

d)Les taux proportionnellement plus élevés de délinquance imputés aux personnes appartenant à ces groupes, notamment en matière de petite délinquance de la rue et d’infractions liées à la drogue et à la prostitution, en tant qu’indicateurs d’exclusion ou de non‑intégration de ces personnes dans la société;

e)Le nombre et le pourcentage de personnes appartenant à ces groupes qui sont retenues en détention pénale ou administrative, y compris dans des centres de rétention administrative, des centres pénitentiaires, des établissements psychiatriques ou des zones d’attente dans les aéroports;

f)Le prononcé par les tribunaux de peines plus sévères ou inadaptées à l’égard des personnes appartenant à ces groupes;

g)La proportion insuffisante de personnes appartenant à ces groupes dans les effectifs de la police, de la justice, y compris les magistrats et les jurés, et dans les autres services chargés de l’application des lois.

2.Pour que ces indicateurs factuels puissent être connus et exploités, les États parties devraient procéder à des collectes d’informations régulières et publiques auprès des autorités policières, judiciaires, pénitentiaires et des services d’immigration, dans le respect des normes relatives à la confidentialité, à l’anonymat et à la protection des données à caractère personnel.

3.Les États parties devraient pouvoir disposer notamment de renseignements complets, statistiques ou autres, sur les plaintes, les poursuites, les jugements concernant les actes de racisme et de xénophobie, ainsi que les réparations allouées aux victimes de tels actes, que ces réparations soient prises en charge par les auteurs des infractions ou par des plans d’indemnisation étatiques, financés par des fonds publics.

2. Indicateurs législatifs

4.Devraient être regardés comme des indicateurs de causes de discriminations raciales potentielles:

a)Les lacunes pouvant exister dans la législation nationale concernant la discrimination raciale. À cet égard, les États parties devraient se conformer pleinement aux exigences de l’article 4 de la Convention et incriminer pénalement tous les actes de racisme couverts par cet article, qui doivent être érigés en délits punissables, notamment la diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale, les incitations à la haine raciale, les violences ou incitations à la violence raciale, mais aussi les activités de propagande raciste et les organisations racistes. Les États parties, en outre, sont encouragés à instituer dans leur législation pénale une circonstance aggravante générale tenant à la motivation raciale des infractions;

b)Les effets discriminatoires indirects que peuvent avoir certaines législations nationales, en particulier les législations concernant le terrorisme, l’immigration, la nationalité, les peines prévoyant l’interdiction ou l’éloignement du territoire national contre des non‑ressortissants, ainsi que les législations ayant pour effet de pénaliser certains groupes ou l’appartenance à certaines communautés sans motif légitime. Les États devraient veiller à éliminer les effets discriminatoires de telles législations et à respecter en tout cas le principe de proportionnalité dans leur application à l’égard des personnes appartenant aux groupes mentionnés dans le dernier paragraphe du préambule.

B. Stratégies à développer pour prévenir les discriminations raciales dans l’administration et le fonctionnement de la justice pénale

5.Les États parties devraient mettre en œuvre des stratégies nationales ayant notamment les objectifs suivants:

a)Éliminer les lois ayant un effet discriminatoire au plan racial, en particulier celles qui visent indirectement certains groupes en pénalisant des actes qui ne peuvent être commis que par des personnes appartenant à ces groupes, ou celles qui ne s’appliquent qu’aux non‑ressortissants, sans motif légitime ou sans respecter le principe de proportionnalité;

b)Développer, par des enseignements appropriés, la formation aux droits de l’homme, à la tolérance, à l’entente interraciale ou interethnique, ainsi que la sensibilisation aux relations interculturelles, pour les agents chargés de l’application des lois: personnels de la police, de la gendarmerie, de la justice, des établissements pénitentiaires, des établissements psychiatriques, des services sociaux, médicaux et autres;

c)Promouvoir le dialogue et la concertation entre les autorités de police et de justice et les représentants des différents groupes mentionnés dans le dernier paragraphe du préambule, afin de combattre les préjugés et d’établir des relations de confiance;

d)Favoriser une représentation adéquate des personnes appartenant aux groupes raciaux et ethniques au sein de la police et de la justice;

e)Veiller au respect et à la reconnaissance des systèmes traditionnels de justice des peuples autochtones, en conformité avec le droit international des droits de l’homme;

f)Apporter les adaptations nécessaires au régime pénitentiaire des détenus appartenant aux groupes mentionnés dans le dernier paragraphe du préambule, afin de tenir compte notamment de leurs pratiques culturelles et religieuses;

g)Mettre en place, dans les situations de déplacements massifs de population, les moyens et les dispositifs intérimaires nécessaires au fonctionnement de la justice pour tenir compte de la situation particulièrement vulnérable des personnes déplacées, en instituant notamment des tribunaux ou des chambres décentralisées sur les lieux où séjournent les personnes déplacées ou en organisant des juridictions itinérantes;

h)Instaurer, dans les périodes postconflictuelles, des plans de reconstruction du système judiciaire et de rétablissement de l’état de droit sur l’ensemble des territoires des pays concernés, en faisant appel notamment à l’assistance technique internationale des entités compétentes des Nations Unies;

i)Mettre en œuvre des stratégies ou des plans d’action nationaux en vue d’éliminer la discrimination raciale de manière structurelle. Ces stratégies à long terme devraient inclure des objectifs définis, des actions spécifiques et des indicateurs permettant de mesurer les progrès. Elles devraient notamment inclure des lignes directrices relatives à la prévention, l’enregistrement, les enquêtes et les poursuites concernant les incidents racistes ou xénophobes, l’évaluation du niveau de satisfaction de toutes les communautés dans leurs relations avec la police et la justice, le recrutement et la promotion dans le système judiciaire des personnes appartenant aux divers groupes raciaux ou ethniques;

j)Charger une institution nationale indépendante de suivre, de contrôler et de mesurer les progrès accomplis dans le cadre des plans d’action nationaux et des directives contre la discrimination raciale, de déceler des phénomènes non révélés de discrimination raciale et de faire des recommandations et des propositions d’amélioration.

II. MESURES À PRENDRE EN VUE DE PRÉVENIR LES DISCRIMINATIONS RACIALES POUR CE QUI CONCERNE LES VICTIMES DU RACISME

A. Accès au droit et à la justice

6.Conformément à l’article 6 de la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, les États parties ont pour obligation de garantir sur leur territoire le droit de toute personne à un recours effectif contre les auteurs d’actes de discrimination raciale, sans aucune discrimination, que ces actes soient commis par des personnes privées ou des agents de l’État, ainsi que le droit de demander une réparation juste et adéquate du préjudice subi.

7.Afin de faciliter l’accès à la justice des victimes du racisme, les États parties devraient s’efforcer de fournir l’information juridique nécessaire aux personnes appartenant aux groupes sociaux les plus vulnérables, qui sont souvent dans l’ignorance de leurs droits.

8.À cet égard, les États parties devraient promouvoir dans les secteurs où vivent ces personnes des institutions telles que des permanences gratuites d’assistance et de conseil juridique, des centres d’information juridique, des maisons de justice ou des boutiques du droit ouverts à tous.

9.Les États parties devraient aussi développer en ce domaine leur coopération avec les associations d’avocats, les institutions universitaires, les centres d’information juridique et les organisations non gouvernementales spécialisées dans la défense des droits des communautés marginalisées et dans la prévention de la discrimination.

B. Saisine des autorités compétentes pour recueillir les plaintes

10.Les États parties devraient prendre les mesures nécessaires pour que les services de police soient suffisamment présents et accessibles dans les quartiers, les régions, les installations collectives ou les camps, où vivent les personnes appartenant aux groupes mentionnés dans le dernier paragraphe du préambule, afin que les plaintes de ces personnes puissent être dûment recueillies.

11.Des instructions devraient être adressées aux services compétents pour que les victimes d’actes de racisme soient accueillies de façon satisfaisante dans les commissariats de police, pour que les plaintes soient enregistrées immédiatement, pour que les enquêtes soient diligentées sans retard, de manière effective, indépendante et impartiale, et pour que les dossiers en relation avec des incidents racistes ou xénophobes soient conservés et exploités dans des bases de données.

12.Tout refus de recueillir une plainte pour acte de racisme par un fonctionnaire de police devrait faire l’objet de sanctions disciplinaires ou pénales, et ces sanctions devraient être aggravées en cas de corruption.

13.À l’inverse, tout fonctionnaire de police ou tout agent de l’État devrait avoir le droit et le devoir de refuser de suivre des ordres ou des instructions lui demandant de commettre des violations des droits de l’homme, en particulier celles motivées par la discrimination raciale. Les États parties devraient garantir la liberté de tout agent de se prévaloir de ce droit sans risquer de sanctions.

14.En cas d’allégations de tortures, de mauvais traitements ou d’exécutions, les enquêtes devraient être menées conformément aux Principes relatifs à la prévention efficace des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires et aux moyens d’enquêter efficacement sur ces exécutions et aux Principes relatifs aux moyens d’enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants pour établir la réalité des faits.

C. Saisine de la justice

15.Les États parties devraient rappeler aux procureurs et aux membres du ministère public l’intérêt général qui s’attache à la poursuite des actes racistes, y compris des infractions mineures inspirées par des motifs racistes, car toute infraction à motivation raciste porte atteinte à la cohésion sociale et à la société tout entière.

16.Préalablement à l’intervention de la justice, les États parties pourraient aussi encourager, dans le respect des droits des victimes, le recours à des modalités parajudiciaires de solution des conflits, incluant des modalités coutumières compatibles avec les droits de l’homme, la médiation ou la conciliation, qui peuvent constituer des voies utiles et moins stigmatisantes pour les victimes d’actes de racisme.

17.Afin de faciliter la saisine de la justice par les victimes d’actes de racisme, les mesures suivantes devraient notamment être envisagées par les États parties:

a)L’octroi d’un statut procédural pour les victimes et les associations de défense des victimes du racisme et de la xénophobie, tel que la faculté de se constituer partie civile ou d’autres modalités similaires qui puissent leur permettre de faire valoir leurs droits dans le procès pénal, sans frais de leur part;

b)L’octroi aux victimes d’une aide juridictionnelle et judiciaire effective, comprenant le bénéfice de l’assistance gratuite d’un avocat et d’un interprète;

c)L’organisation d’une information des victimes sur le déroulement du procès;

d)L’assurance d’une protection accordée à la victime ou à ses proches contre toute forme d’intimidation ou de représailles;

e)La possibilité de suspendre de leurs fonctions, pendant la durée de l’enquête, les agents de l’État contre lesquels ont été déposées des plaintes.

18.Dans les pays où il existe des plans d’aide et d’indemnisation pour les victimes, les États parties devraient veiller à ce que ces plans soient ouverts à toutes les victimes sans aucune discrimination et indépendamment de leur nationalité ou de leur statut de résident.

D. Fonctionnement de la justice elle ‑même

19.Les États parties devraient veiller à ce que la justice:

a)Accorde une place suffisante à la victime, ainsi qu’à ses proches et aux témoins, tout au long de la procédure, en permettant au plaignant d’être entendu par les juges dans le cadre de l’instruction et à l’audience, d’avoir accès aux informations, d’être confronté aux témoins qui lui sont défavorables, de contester les preuves, d’être informé sur la marche de la procédure;

b)Traite sans discrimination ni préjugé et dans le respect de leur dignité les victimes de discriminations raciales, en s’assurant en particulier que les auditions, les interrogatoires ou les confrontations soient menés avec la sensibilité nécessaire en matière de racisme;

c)Garantisse à la victime un jugement dans un délai raisonnable;

d)Garantisse une réparation juste et adéquate de la victime pour le préjudice matériel et moral qu’elle a subi du fait de la discrimination raciale dont elle a été l’objet.

III. MESURES À PRENDRE EN VUE DE PRÉVENIR LES DISCRIMINATIONS RACIALES EN CE QUI CONCERNE LES PERSONNES POURSUIVIES EN JUSTICE

A. Interpellation, interrogation et arrestation des personnes

20.Les États parties devraient prendre les mesures nécessaires pour exclure les interpellations, les arrestations et les fouilles fondées de facto exclusivement sur l’apparence physique de la personne, sa couleur, son faciès, son appartenance à un groupe racial ou ethnique, ou tout «profilage» qui l’expose à une plus grande suspicion;

21.Les États parties devraient prévenir et sanctionner avec une grande sévérité les violences, les actes de torture, les traitements cruels, inhumains ou dégradants et toutes les violations des droits de l’homme à l’encontre des personnes appartenant aux groupes mentionnés dans le dernier paragraphe du préambule, commis par des agents de l’État, notamment les agents de la police, de l’armée, des douanes, des aéroports, des établissements pénitentiaires, des services sociaux, médicaux et psychiatriques.

22.Les États parties devraient veiller à ce que soit respecté le principe général de proportionnalité et de stricte nécessité dans le recours à la force à l’encontre des personnes appartenant aux groupes mentionnés dans le dernier paragraphe du préambule, conformément aux Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois.

23.Les États parties devraient, en outre, garantir à toute personne arrêtée, quelle que soit son appartenance raciale, nationale ou ethnique, la jouissance des droits fondamentaux de la défense consacrés par les instruments internationaux pertinents relatifs aux droits de l’homme (notamment la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques), en particulier le droit de ne pas être arrêté ou détenu de manière arbitraire, le droit d’être informé des raisons de son arrestation, le droit au concours d’un interprète, le droit à l’assistance d’un avocat, le droit d’être traduit dans un bref délai devant un juge ou une autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires, le droit à la protection consulaire garantie par l’article 36 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires, le droit de contacter le Haut‑Commissariat des Nations Unies aux réfugiés pour ce qui concerne les réfugiés.

24.S’agissant des personnes qui sont placées dans des centres de rétention administrative ou dans des zones d’attente des aéroports, les États parties devraient veiller à ce qu’elles jouissent de conditions de vie suffisamment décentes.

25.Enfin, pour tout ce qui concerne l’interpellation et l’arrestation des personnes appartenant aux groupes mentionnés dans le dernier paragraphe du préambule, les États parties devraient tenir compte des précautions particulières à prendre à l’égard des femmes et des mineurs, en raison de leur vulnérabilité spécifique.

B. Détention provisoire

26.Tenant compte des données qui font apparaître un nombre excessivement élevé de non‑ressortissants et de personnes appartenant aux groupes mentionnés dans le dernier paragraphe du préambule parmi les détenus avant jugement, les États parties devraient s’assurer:

a)Que la simple appartenance raciale ou ethnique ou l’appartenance à l’un des groupes précités ne soit pas une raison suffisante, de jure ou de facto, pour placer une personne en détention provisoire avant son jugement, seuls des motifs objectifs prévus par la loi pouvant justifier cette détention provisoire, tel le risque que la personne s’enfuie, qu’elle détruise les preuves ou qu’elle influence les témoins, ou le risque d’un trouble grave à l’ordre public;

b)Que l’exigence d’une caution ou d’une garantie financière pour obtenir la liberté avant jugement soit appliquée de façon adaptée à la situation des personnes appartenant à ces groupes, qui sont souvent en situation de précarité économique, afin d’éviter que cette exigence ne conduise à discriminer ces personnes;

c)Que les garanties de représentation, souvent demandées aux prévenus avant jugement comme condition de leur maintien en liberté (domicile fixe, travail déclaré, attaches familiales stables), soient appréciées en tenant compte de la situation de précarité qui peut résulter de leur appartenance à ces groupes, en particulier lorsqu’il s’agit de femmes et de mineurs;

d)Que les personnes appartenant à ces groupes qui sont incarcérées avant jugement jouissent de tous les droits reconnus aux détenus par les normes internationales pertinentes, notamment les droits spécialement adaptés à leur situation: le droit au respect de leurs traditions religieuses, culturelles et alimentaires, le droit aux relations avec leur famille, le droit à l’assistance d’un interprète, le droit à l’assistance consulaire, le cas échéant.

C. Procès et jugement

27.Préalablement au procès, les États parties pourraient favoriser, le cas échéant, le recours à la déjudiciarisation ou à des modes parajudiciaires de réaction au délit, en tenant compte du milieu culturel ou coutumier de l’auteur de l’infraction, notamment lorsqu’il s’agit de personnes appartenant à des peuples autochtones.

28.D’une façon générale, les États parties devraient assurer aux personnes appartenant aux groupes mentionnés dans le dernier paragraphe du préambule, comme à toute personne, la jouissance de l’ensemble des garanties du procès équitable et de l’égalité devant la loi, telles que consacrées par les instruments internationaux pertinents relatifs aux droits de l’homme, et notamment:

1. Le droit à la présomption d’innocence

29.La garantie de ce droit implique que l’interdiction soit faite aux autorités policières, aux autorités judiciaires et autres autorités publiques d’exprimer en public leur opinion sur la culpabilité des prévenus avant le jugement et, a fortiori, de jeter la suspicion d’avance sur les membres d’un groupe racial ou ethnique déterminé. Ces mêmes autorités ont l’obligation de veiller à ce que les médias ne diffusent pas des informations susceptibles de stigmatiser certaines catégories de personnes, notamment celles appartenant aux groupes énumérés dans le dernier paragraphe du préambule;

2. Le droit à l’assistance d’un conseil et le droit à un interprète

30.La garantie effective de ces droits implique que les États parties mettent en place un système de désignation gratuite d’avocats et d’interprètes, ainsi que des services d’aide, de conseil juridique et d’interprétation au profit des personnes appartenant aux groupes mentionnés dans le dernier paragraphe du préambule;

3. Le droit à un tribunal indépendant et impartial

31.Les États parties devraient veiller avec fermeté à l’absence de tout préjugé racial ou xénophobe de la part des magistrats, des jurés et des autres personnels de la justice.

32.Ils devraient éviter toute influence directe des groupes de pression, des idéologies, des religions, des églises, sur le fonctionnement de la justice et sur les décisions des juges, pouvant avoir des effets discriminatoires à l’égard de certains groupes.

33.Les États parties pourraient, à cet égard, tenir compte des «Principes de Bangalore sur la déontologie judiciaire» adoptés en 2002 (E/CN.4/2003/65, annexe), qui recommandent notamment:

Que les juges soient conscients de la diversité de la société et des différences liées aux origines, en particulier raciales,

Qu’ils ne manifestent aucune partialité, par leur parole ou leur comportement, envers des personnes ou des groupes de personnes sur la base de leur origine raciale ou autre,

Qu’ils s’acquittent de leurs tâches avec la considération appropriée à l’égard de toutes les personnes, telles que les parties, les témoins, les avocats, le personnel du tribunal et leurs collègues, sans différenciation injustifiée,

Qu’ils s’opposent à ce que les personnes sous leur direction et les avocats manifestent des préjugés ou adoptent un comportement discriminatoire envers une personne ou un groupe de personnes sur la base de leur couleur, de leur origine raciale, nationale ou religieuse, de leur sexe ou sur une autre base non pertinente.

D. Garantie d’une sanction équitable

34.Les États parties devraient veiller à cet égard à ce que ne soient pas appliquées des peines plus sévères pour la seule raison de l’appartenance du prévenu à un groupe racial ou ethnique déterminé.

35.Une attention toute particulière devrait être portée à cet égard, d’une part au système de peines minimales et de détention obligatoire appliquées à certaines infractions, d’autre part à la peine capitale dans les pays qui ne l’ont pas abolie, eu égard aux informations faisant apparaître que cette peine est plus souvent prononcée et exécutée à l’encontre de personnes appartenant à des groupes raciaux ou ethniques déterminés.

36.En ce qui concerne les personnes appartenant à des peuples autochtones, les États parties devraient favoriser l’application de peines alternatives à l’emprisonnement et le recours à d’autres sanctions mieux adaptées à leurs coutumes leur système juridique, en tenant compte notamment de la Convention no 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants.

37.Par ailleurs, les peines visant exclusivement les non‑nationaux et s’ajoutant aux sanctions de droit commun, telles que les peines d’éloignement, d’expulsion ou d’interdiction du territoire national, ne devraient être prononcées qu’à titre exceptionnel de façon proportionnée, pour des motifs graves d’ordre public prévus par la loi et dans le respect de la vie privée et familiale des intéressés et de la protection internationale qui leur est due.

E. Exécution des peines

38.Lorsque des personnes appartenant aux groupes mentionnés dans le dernier paragraphe du préambule exécutent une peine d’emprisonnement, les États parties devraient:

a)Garantir à ces personnes la jouissance de tous les droits reconnus aux détenus par les normes internationales pertinentes, en particulier les droits spécialement adaptés à leur situation: le droit au respect de leurs pratiques religieuses et culturelles, le droit au respect de leurs habitudes alimentaires, le droit aux relations avec leur famille, le droit à l’assistance d’un interprète, le droit aux prestations sociales élémentaires, le droit à l’assistance consulaire, le cas échéant; par ailleurs, les services médicaux, psychologiques ou sociaux offerts aux détenus devraient tenir compte de leur culture;

b)Garantir à tout détenu dont les droits ont été violés le droit à un recours effectif devant une autorité indépendante et impartiale;

c)Se conformer, à cet égard, aux normes des Nations Unies en la matière, notamment à l’«Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus», aux «Principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus», à l’«Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement»;

d)Permettre à ces personnes de bénéficier, le cas échéant, des dispositions de la législation interne et des conventions internationales ou bilatérales relatives au transfèrement des détenus étrangers, leur ouvrant la possibilité d’accomplir la peine d’emprisonnement dans leurs pays d’origine.

39.En outre, les autorités indépendantes chargées, dans les États parties, de contrôler les établissements pénitentiaires devraient comprendre des membres ayant une expertise en matière de discrimination raciale et une bonne connaissance des problèmes des groupes raciaux et ethniques et des autres groupes vulnérables visés dans le dernier paragraphe du préambule; ces autorités de contrôle devraient être dotées d’un mécanisme efficace de visites et de plaintes, le cas échéant.

40.Lorsque sont prononcées des peines d’éloignement, d’expulsion ou d’interdiction du territoire national à l’encontre de non‑ressortissants, les États parties devraient respecter pleinement les obligations de non‑refoulement découlant des normes internationales relatives aux réfugiés et aux droits de l’homme et s’assurer que ces personnes ne seront pas renvoyées vers un pays ou un territoire où elles risquent d’être l’objet de graves atteintes aux droits de l’homme.

41.Enfin, s’agissant des femmes et des enfants appartenant aux groupes mentionnés dans le dernier paragraphe du préambule, les États parties devraient veiller avec la plus grande attention à ce qu’ils bénéficient du régime particulier d’exécution des peines auquel ils ont droit, en tenant compte des difficultés spécifiques auxquelles sont confrontées les mères de famille et les femmes appartenant à certaines communautés, notamment les communautés autochtones.

IV. RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES ADOPTÉES PAR LE COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES

Conformément à l’article 21, paragraphe 1, de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le Comité peut formuler des suggestions et des recommandations générales fondées sur l’examen des rapports et des renseignements reçus des États parties. Ces suggestions et recommandations sont incluses dans le rapport du Comité, accompagnées, le cas échéant, des observations des États parties. Le Comité a adopté jusqu’à présent 20 recommandations générales.

Cinquième session (1986)*

Recommandation générale n o  1: Rapports des États parties

Les rapports initiaux soumis en application de l’article 18 de la Convention devraient porter sur la période allant jusqu’à la date de leur présentation. Les rapports ultérieurs devraient être soumis quatre ans après la date d’échéance du premier rapport et devraient indiquer pleinement les obstacles rencontrés dans l’application de la Convention et les mesures adoptées pour les surmonter.

Sixième session (1987)*

Recommandation générale n o  2: Rapports des États parties

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Considérant que le Comité a rencontré des difficultés dans ses travaux parce que des rapports initiaux présentés par des États parties en application de l’article 18 de la Convention ne traduisaient pas bien les renseignements disponibles dans l’État partie concerné, selon qu’il est prévu dans les directives,

Recommande:

a)Que les États parties, lorsqu’ils établiront leurs rapports en application de l’article 18 de la Convention, suivent les directives générales adoptées en août 1983 (CEDAW/C/7) régissant la forme, la teneur et la date des rapports;

b)Que les États parties suivent la recommandation générale adoptée en 1986 dans les termes ci‑après:

«Les rapports initiaux soumis en application de l’article 18 de la Convention devraient porter sur la période allant jusqu’à la date de leur présentation. Les rapports ultérieurs devraient être soumis quatre ans après la date d’échéance du premier rapport et devraient indiquer pleinement les obstacles rencontrés dans l’application de la Convention et les mesures adoptées pour les surmonter.»;

c)Que la documentation supplémentaire complétant le rapport d’un État partie soit adressée au secrétariat trois mois au moins avant la session à laquelle le rapport doit être examiné.

Sixième session (1987)*

Recommandation générale n o  3: Programmes d’éducation et d’information

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Considérant qu’il a examiné 34 rapports d’États parties depuis 1983,

Considérant en outre que ces rapports, bien qu’ils proviennent d’États qui en sont à des stades différents de développement, témoignent tous à des degrés divers de l’existence de conceptions stéréotypées des femmes imputables à des facteurs socioculturels, qui perpétuent la discrimination fondée sur le sexe et entravent l’application de l’article 5 de la Convention,

Invite instamment tous les États parties à adopter effectivement des programmes d’éducation et d’information qui contribuent à faire disparaître les préjugés et les pratiques actuels qui s’opposent à la pleine application du principe de l’égalité sociale des femmes.

Sixième session (1987)*

Recommandation générale n o  4: Réserves

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Ayant examiné les rapports des États parties à ses sessions,

Exprimant sa préoccupation devant le nombre important de réserves qui semblaient incompatibles avec l’objet de la Convention,

Se félicite de la décision des États parties d’examiner ces réserves à sa prochaine session à New York en 1988 et, à cette fin, suggère que tous les États parties intéressés les réexaminent en vue de les lever.

Septième session (1988)*

Recommandation générale n o  5: Mesures temporaires spéciales

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Notant que les rapports, les remarques liminaires et les réponses des États parties, s’ils indiquent que des progrès sensibles ont été accomplis s’agissant de l’abrogation ou de la modification de lois discriminatoires, révèlent qu’il demeure nécessaire d’agir pour pleinement appliquer la Convention grâce à la mise en œuvre de mesures visant à favoriser l’égalité de fait entre hommes et femmes,

Rappelant le paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention,

Recommande aux États parties de recourir davantage à des mesures temporaires spéciales telles qu’une action positive, un traitement préférentiel ou un contingentement pour favoriser l’intégration des femmes à l’éducation, à l’économie, à l’activité politique et à l’emploi.

Septième session (1988)*

Recommandation générale n o  6: Mécanismes nationaux et publicité efficaces

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Ayant examiné les rapports des États parties à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,

Notant la résolution 42/60 de l’Assemblée générale des Nations Unies, du 30 novembre 1987,

Recommande aux États parties:

1.De créer ou de renforcer des mécanismes, institutions et dispositifs nationaux efficaces à un échelon gouvernemental élevé en les dotant des ressources, du mandat et des pouvoirs voulus pour:

a)Donner des avis sur les incidences à l’égard des femmes de toutes les politiques gouvernementales;

b)Suivre de façon exhaustive la situation des femmes;

c)Aider à formuler de nouvelles politiques et à mettre effectivement en œuvre des stratégies et des mesures tendant à mettre un terme à la discrimination;

2.De prendre les mesures voulues pour assurer la diffusion de la Convention, des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 et des rapports du Comité dans la langue des États intéressés;

3.De s’assurer le concours du Secrétaire général et du Département de l’information pour faire traduire la Convention et les rapports du Comité;

4.De rendre compte dans leurs rapports initiaux, et dans leurs rapports périodiques, de la suite qui aura été donnée à la présente recommandation.

Septième session (1988)*

Recommandation générale n o  7: Ressources

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Prenant note des résolutions 40/39 et 41/108 de l’Assemblée générale et, notamment, du paragraphe 14 de sa résolution 42/60, par lesquels l’Assemblée a invité le Comité et les États parties à examiner la question de la tenue de futures sessions du Comité à Vienne,

Tenant compte de la résolution 42/105 et, notamment, du paragraphe 11 de cette résolution, par lesquels l’Assemblée générale prie le Secrétaire général de renforcer la coordination entre le Centre des Nations Unies pour les droits de l’homme et le Centre pour le développement social et les affaires humanitaires du secrétariat pour ce qui est de la mise en œuvre des instruments relatifs aux droits de l’homme et du service des organes créés en vertu desdits instruments,

Recommande aux États parties:

1.De continuer à appuyer les propositions visant à renforcer la coordination entre le Centre pour les droits de l’homme à Genève et le Centre pour le développement social et les affaires humanitaires à Vienne, pour ce qui est d’assurer le service du Comité;

2.D’appuyer les propositions tendant à ce que le Comité se réunisse à New York et à Vienne;

3.De prendre toutes les dispositions voulues pour que le Comité dispose de ressources et de services adéquats de nature à l’aider à s’acquitter de ses attributions aux termes de la Convention et, notamment, pour que le Comité dispose à plein temps de fonctionnaires qui l’aident à préparer ses sessions et à les mener à bien;

4.De veiller à ce que les rapports et la documentation complémentaires parviennent au secrétariat en temps utile pour être traduits dans les langues officielles de l’Organisation des Nations Unies de sorte qu’ils soient distribués à temps et examinés par le Comité.

Septième session (1988)*

Recommandation générale n o  8: Application de l’article 8 de la Convention

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Ayant examiné les rapports soumis par les États parties en application de l’article 18 de la Convention,

Recommande aux États parties de continuer à s’employer directement, conformément à l’article 4 de la Convention, à assurer la pleine application de l’article 8 de la Convention et à veiller à ce que les femmes, dans des conditions d’égalité avec les hommes et sans discrimination aucune, aient la possibilité de représenter leur gouvernement à l’échelon international et de participer aux travaux des organisations internationales.

Huitième session (1989)*

Recommandation générale n o  9: Données statistiques concernant la situation des femmes

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Considérant que des données statistiques sont absolument nécessaires pour comprendre la situation réelle des femmes dans chacun des États parties à la Convention,

Ayant constaté qu’un bon nombre des États parties qui présentent leur rapport à l’examen du Comité ne fournissent pas de données statistiques,

Recommande que les États parties n’épargnent aucun effort pour veiller à ce que les services statistiques nationaux chargés de planifier les recensements nationaux et autres enquêtes sociales et économiques formulent leurs questionnaires de telle façon que les données puissent être ventilées par sexe, tant en ce qui concerne les chiffres absolus que les pourcentages, de façon que les utilisateurs intéressés puissent facilement obtenir des renseignements sur la situation des femmes dans le secteur particulier qui les concerne.

Huitième session (1989)*

Recommandation générale n o  10: Dixième anniversaire de l’adoption de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Considérant que le 18 décembre 1989 marque le dixième anniversaire de l’adoption de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,

Considérant en outre qu’au cours de ces dix années la Convention s’est révélée être l’un des instruments les plus efficaces que l’Organisation des Nations Unies ait adoptés pour promouvoir l’égalité entre les sexes dans les sociétés de ses États Membres,

Rappelant les dispositions de la Recommandation générale no 6 adoptée à sa septième session, en 1988, au sujet de mécanismes nationaux et publicité efficaces,

Recommande qu’à l’occasion du dixième anniversaire de l’adoption de la Convention, les États parties envisagent:

1.D’entreprendre des programmes, y compris des conférences et des séminaires, pour faire connaître, dans les principales langues, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et de fournir des renseignements sur la Convention dans leurs pays respectifs;

2.D’inviter leurs associations féminines nationales à coopérer aux campagnes de publicité en ce qui concerne la Convention et l’application de cet instrument et d’encourager les organisations non gouvernementales aux niveaux national, régional et international à faire connaître la Convention et son application;

3.D’encourager les activités visant à assurer l’application intégrale des principes de la Convention, et en particulier ceux de l’article 8 qui concerne la participation des femmes à tous les niveaux d’activité de l’Organisation des Nations Unies et du système des Nations Unies;

4.De prier le Secrétaire général de célébrer le dixième anniversaire de l’adoption de la Convention en publiant et en diffusant, avec la coopération des institutions spécialisées, des documents et autres matériels concernant la Convention et son application dans toutes les langues officielles de l’Organisation des Nations Unies, de réaliser des documentaires télévisés au sujet de la Convention et de mettre les ressources nécessaires à la disposition de la Division de la promotion de la femme du Centre pour le développement social et les affaires humanitaires de l’Office des Nations Unies à Vienne afin de préparer une analyse des renseignements fournis par les États parties en vue de mettre à jour et de publier le rapport du Comité (A/CONF.116/13), qui a été publié pour la première fois à l’intention de la Conférence mondiale chargée d’examiner et d’évaluer les résultats de la Décennie des Nations Unies pour la femme: égalité, développement et paix, tenue à Nairobi en 1985.

Huitième session (1989)*

Recommandation générale n o  11: Services consultatifs techniques pour permettre aux pays de s’acquitter de leurs obligations en matière de rapports

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Ayant présent à l’esprit que, à la date du 3 mars 1989, 96 États ont ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,

Tenant compte du fait qu’à cette date 60 rapports initiaux et 19 deuxièmes rapports périodiques ont été reçus,

Notant que 36 rapports initiaux et 36 deuxièmes rapports périodiques auraient dû être reçus le 3 mars 1989 et ne l’ont pas encore été,

Se félicite de la demande contenue au paragraphe 9 de la résolution 43/115 de l’Assemblée générale, selon laquelle le Secrétaire général devrait organiser, dans la limite des ressources disponibles et eu égard aux priorités du programme de services consultatifs, de nouveaux cours de formation à l’intention des pays qui rencontrent les plus graves difficultés pour s’acquitter de l’obligation qui leur incombe, en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, de communiquer des rapports,

Recommande aux États parties d’encourager les projets de services consultatifs techniques, y compris les séminaires de formation, de les appuyer et d’y participer de façon à aider les États parties, sur leur demande, à s’acquitter de l’obligation qu’ils ont contractée, en vertu de l’article 18 de la Convention, de présenter des rapports.

Huitième session (1989)*

Recommandation générale n o  12: Violence contre les femmes

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Considérant que les articles 2, 5, 11, 12 et 16 de la Convention obligent les États parties à prendre des mesures pour protéger les femmes contre les violences de toutes sortes se produisant dans la famille, sur le lieu de travail et dans tout autre secteur de la vie sociale,

Tenant compte de la résolution 1988/27 du Conseil économique et social,

Recommande aux États parties d’inclure, dans leurs rapports périodiques au Comité, des renseignements sur:

1.La législation en vigueur pour protéger les femmes contre l’incidence des violences de toutes sortes dans la vie quotidienne (y compris la violence sexuelle, les mauvais traitements dans la famille, le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, etc.);

2.Les autres mesures adoptées pour éliminer cette violence;

3.L’existence de services d’appui à l’intention des femmes qui sont victimes d’agressions ou de mauvais traitements;

4.Les données statistiques sur l’incidence de la violence sous toutes ses formes qui s’exerce contre les femmes et sur les femmes qui sont victimes de violences.

Huitième session (1989)*

Recommandation générale n o  13: Égalité de rémunération pour un travail de valeur égale

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Rappelant la Convention no 100 de l’Organisation internationale du Travail concernant l’égalité de rémunération entre la main‑d’œuvre masculine et la main‑d’œuvre féminine pour un travail de valeur égale que, dans leur grande majorité, les États parties à la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ont ratifiée,

Rappelant aussi que, depuis 1983, il a examiné 51 rapports initiaux et 5 deuxièmes rapports périodiques d’États parties,

Considérant que, s’il ressort des rapports des États parties que le principe de l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale a été intégré à la législation de nombreux pays, des progrès restent à faire pour veiller à l’application de ce principe dans la pratique, de façon à empêcher la ségrégation par sexe sur le marché du travail,

Recommande aux États parties à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes:

1.D’envisager de ratifier la Convention no 100 de l’OIT s’ils ne l’ont pas encore fait afin d’assurer la pleine application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes;

2.D’envisager d’étudier, d’élaborer et d’adopter des systèmes d’évaluation des emplois fondés sur des critères ne tenant pas compte du sexe, ce qui faciliterait la comparaison entre les emplois de caractère différent dans lesquels les femmes sont actuellement majoritaires et ceux dans lesquels les hommes sont actuellement majoritaires, et de rendre compte des résultats qu’ils auront obtenus dans leurs rapports au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes;

3.D’appuyer, dans la mesure du possible, la mise en place de mécanismes d’application et d’encourager, le cas échéant, les efforts déployés par les partenaires des conventions collectives pour assurer l’application du principe de l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale.

Neuvième session (1990)*

Recommandation générale n o  14: L’excision

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Préoccupé de constater que certaines pratiques traditionnelles préjudiciables à la santé des femmes, comme l’excision, demeurent en usage,

Notant avec satisfaction que les gouvernements des pays où ces pratiques existent, des organisations féminines nationales, des organisations non gouvernementales, des organismes du système des Nations Unies comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), ainsi que la Commission des droits de l’homme et son organe subsidiaire, la Sous‑Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités, demeurent saisis de la question et ont notamment reconnu que des pratiques traditionnelles telles que l’excision ont des conséquences graves, notamment sur le plan de la santé, pour les femmes et les enfants,

Prenant acte avec intérêt de l’étude du Rapporteur spécial sur les pratiques traditionnelles affectant la santé des femmes et des enfants ainsi que du rapport du Groupe de travail sur les pratiques traditionnelles,

Reconnaissant que les femmes prennent d’importantes initiatives pour identifier les pratiques préjudiciables à leur santé et à leur bien‑être, ainsi qu’à ceux des enfants et pour lutter contre celles‑ci,

Convaincu qu’il est nécessaire que les gouvernements soutiennent et encouragent les importantes initiatives prises par les femmes et par tous les groupes intéressés,

Notant avec une profonde inquiétude que des pressions d’ordre culturel, historique et économique continuent à s’exercer et aident à perpétuer des pratiques nuisibles, telles que l’excision,

Recommande aux États parties:

a)De prendre des mesures appropriées et efficaces aux fins d’abolir la pratique de l’excision, notamment:

Faire en sorte que les universités, les associations de personnel médical ou infirmier, les organisations nationales féminines ou d’autres organismes réunissent des données de base concernant ces pratiques traditionnelles;

Soutenir aux niveaux national et local les organisations féminines qui œuvrenten vue de l’élimination de l’excision et d’autres pratiques nuisibles pour les femmes;

Encourager le personnel politique, les membres des professions libérales, les dirigeants religieux et les animateurs de collectivité, à tous les niveaux, y compris dans les médias et les arts, à coopérer et à faire jouer leur influence auprès du public pour que l’excision soit abolie;

Introduire des programmes d’enseignement appropriés et organiser des séminaires éducatifs et de formation fondés sur les recherches relatives aux problèmes dus à l’excision;

b)D’inclure dans leur politique nationale de santé des stratégies visant l’abolition de la pratique de l’excision dans les services de santé publique. Ces stratégies devraient mettre l’accent sur la responsabilité particulière qui incombe au personnel sanitaire, y compris aux accoucheuses traditionnelles, d’expliquer les effets nuisibles de l’excision;

c)D’inviter les organismes compétents des Nations Unies а dispenser assistance, information et conseils pour soutenir et faciliter les efforts actuellement déployés en vue d’éliminer les pratiques traditionnelles nuisibles;

d)D’inclure, dans les rapports qu’ils soumettent au Comité au titre des articles 10 et 12 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, des renseignements concernant les mesures prises pour éliminer l’excision.

Neuvième session (1990)*

Recommandation générale n o  15: Non ‑discrimination à l’égard des femmes dans les stratégies nationales de prévention du syndrome d’immunodéficience acquise (sida) et de lutte contre cette pandémie

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Ayant examiné les informations portées à son attention à propos des incidences que la pandémie mondiale du syndrome d’immunodéficience acquise (sida) et les stratégies de lutte contre cette pandémie pourraient avoir sur l’exercice par les femmes de leurs droits,

Considérant les rapports et documents établis par l’Organisation mondiale de la santé et d’autres organisations, organes et organismes des Nations Unies à propos du virus d’immunodéficience humaine (VIH) et, en particulier, la note adressée par le Secrétaire général à la Commission de la condition de la femme sur les effets du syndrome d’immunodéficience acquise (sida) sur la promotion de la femme et le Document final de la Consultation internationale sur le sida et les droits de l’homme tenue du 26 au 28 juillet 1989 à Genève,

Notant la résolution WHA 41.24 de l’Assemblée mondiale de la santé, en date du 13 mai 1988, relative à la non‑discrimination à l’égard des personnes infectées par le VIH et des sidéens, la résolution 1989/11 de la Commission des droits de l’homme, en date du 2 mars 1989, relative à la non‑discrimination dans le domaine de la santé et, en particulier, la Déclaration de Paris sur les femmes, les enfants et le Sida, en date du 30 novembre 1989,

Notant que l’Organisation mondiale de la santé a annoncé que le thème de la Journée mondiale du sida, le 1er décembre 1990, sera «Les femmes et le sida»,

Recommande:

a)Que les États parties redoublent d’efforts pour diffuser les informations permettant de sensibiliser davantage l’opinion publique aux risques d’infection par le VIH et de sida, en particulier chez les femmes et les enfants, et aux incidences de ces risques sur ces deux groupes;

b)Que les programmes de lutte contre le Sida fassent une place particulière aux droits et besoins des femmes et des enfants, ainsi qu’aux aspects relatifs au rôle procréateur des femmes et à leur situation d’infériorité dans certaines sociétés, qui les rendent particulièrement vulnérables à l’infection par le VIH;

c)Que les États parties assurent la participation active des femmes aux soins de santé primaires et prennent des mesures en vue de renforcer leur rôle en tant que prestataires de soins, agents sanitaires et éducatrices dans la prévention de l’infection par le VIH;

d)Que tous les États parties incorporent dans les rapports qu’ils présentent en vertu de l’article 12 de la Convention des informations sur les incidences du sida sur la situation des femmes et sur les mesures prises pour répondre aux besoins des femmes infectées et empêcher une discrimination spécifique à l’égard des femmes en réaction au sida.

Dixième session (1991)*

Recommandation générale n o  16: Femmes travaillant sans rémunération dans des entreprises familiales

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Ayant présents à l’esprit l’article 2 c) et l’article 11 c), d) et e) de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, et la Recommandation no 9 (huitième session, 1989) sur les statistiques concernant la situation des femmes,

Tenant compte du fait que, dans les États parties, un pourcentage élevé de femmes travaillent sans bénéficier d’une rémunération, de la sécurité sociale ni d’autres avantages sociaux dans des entreprises appartenant habituellement à un homme membre de leur famille,

Notant que les rapports présentés au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes n’abordent généralement pas la question des femmes travaillant sans rémunération dans des entreprises familiales,

Affirmant que le travail non rémunéré constitue une forme d’exploitation des femmes contraire à la Convention,

Recommande aux États parties:

a)D’inclure, dans les rapports qu’ils présentent au Comité, des renseignements sur la situation juridique et sociale des femmes travaillant sans rémunération dans des entreprises familiales;

b)De recueillir des données statistiques sur les femmes qui travaillent sans bénéficier d’une rémunération, de la sécurité sociale ni d’autres avantages sociaux dans des entreprises appartenant à un membre de leur famille et de faire figurer ces données dans leur rapport au Comité;

c)De prendre les mesures nécessaires pour garantir une rémunération, la sécurité sociale et d’autres avantages sociaux aux femmes qui travaillent dans des entreprises appartenant à des membres de leur famille sans recevoir ces avantages.

Dixième session (1991)*

Recommandation générale n o  17: Évaluation et quantification du travail ménager non rémunéré des femmes et prise en compte dudit travail dans le produit national brut

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Ayant à l’esprit l’article 11 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,

Rappelant le paragraphe 120 des Stratégies prospectives d’action pour la promotion de la femme de Nairobi,

Affirmant que l’évaluation et la quantification du travail ménager non rémunéré des femmes, qui contribue au développement de chaque pays, aideront à mettre en lumière le rôle économique réel des femmes,

Convaincu que cette évaluation et cette quantification constituent le point de départ pour l’élaboration de nouvelles politiques de promotion de la femme,

Prenant note des discussions à la Commission de statistique, à sa vingt‑cinquième session, sur l’actuelle révision du Système de comptabilité nationale et sur l’établissement de statistiques sur les femmes,

Recommande que les États parties:

a)Encouragent et appuient les recherches et les études expérimentales visant à évaluer le travail ménager non rémunéré des femmes: par exemple en procédant à des enquêtes sur l’emploi du temps dans le cadre des programmes nationaux d’enquête auprès des ménages et en recueillant des statistiques désagrégées par sexe sur le temps consacré aux activités au foyer et sur le marché du travail;

b)Prennent, conformément aux dispositions de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et aux Stratégies prospectives d’action de Nairobi pour la promotion de la femme, des mesures pour quantifier et prendre en compte le travail ménager non rémunéré des femmes dans le produit national brut;

c)Incluent, dans les rapports qu’ils présentent en vertu de l’article 18 de la Convention, des renseignements sur les recherches et sur les études expérimentales entreprises en vue de mesurer et d’évaluer le travail ménager non rémunéré ainsi que sur les progrès réalisés dans la prise en compte du travail ménager non rémunéré des femmes dans la comptabilité nationale.

Dixième session (1991)*

Recommandation générale n o  18: Les femmes handicapées

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Considérant en particulier l’article 3 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,

Ayant examiné plus de 60 rapports périodiques d’États parties, et ayant constaté qu’ils contiennent peu d’informations sur les femmes handicapées,

Préoccupé par la situation des femmes handicapées et des femmes âgées, qui souffrent d’une double discrimination en raison de leur sexe et de leurs conditions de vie particulières,

Rappelant le paragraphe 296 des Stratégies prospectives d’action de Nairobi pour la promotion de la femme, où les femmes handicapées sont considérées comme un groupe vulnérable sous la rubrique «cas particuliers»,

Affirmant son appui au Programme d’action mondial concernant les personnes handicapées (1982),

Recommande que les États parties à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes incluent dans leurs rapports périodiques des renseignements sur la situation des femmes handicapées et sur les mesures prises pour faire face à leur situation particulière, notamment les mesures particulières prises pour veiller à ce qu’elles aient un accès égal à l’éducation et à l’emploi, aux services de santé et à la sécurité sociale, et pour faire en sorte qu’elles puissent participer à tous les domaines de la vie sociale et culturelle.

Onzième session (1992)*

Recommandation générale n o  19: Violence à l’égard des femmes

Généralités

1.La violence fondée sur le sexe est une forme de discrimination qui empêche sérieusement les femmes de jouir des droits et libertés au même titre que les hommes.

2.En 1989, le Comité a recommandé aux États d’inclure dans leurs rapports des renseignements sur la violence et sur les mesures adoptées pour l’éliminer (Recommandation générale no 12, huitième session).

3.À sa dixième session, en 1991, le Comité a décidé de consacrer une partie de sa onzième session à l’examen et à l’étude de l’article 6 et des autres articles relatifs à la violence contre les femmes et au harcèlement sexuel ainsi qu’à l’exploitation des femmes. Ce sujet a été choisi en prévision de la Conférence mondiale sur les droits de l’homme de 1993, convoquée par l’Assemblée générale dans sa résolution 45/155 du 18 décembre 1990.

4.Le Comité a conclu que les rapports des États parties ne reflètent pas tous suffisamment le lien étroit qui existe entre la discrimination à l’égard des femmes, la violence fondée sur le sexe et les violations des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Pour appliquer intégralement la Convention, les États doivent prendre des mesures constructives visant à éliminer toutes les formes de violence à l’égard des femmes.

5.Le Comité a recommandé aux États parties, lorsqu’ils réexaminent leur législation et leurs politiques et fournissent des renseignements au titre de la Convention, de tenir compte des observations suivantes du Comité concernant la violence fondée sur le sexe.

Observations générales

6.L’article premier de la Convention définit la discrimination à l’égard des femmes. Cette définition inclut la violence fondée sur le sexe, c’est‑à‑dire la violence exercée contre une femme parce qu’elle est une femme ou qui touche spécialement la femme. Elle englobe les actes qui infligent des tourments ou des souffrances d’ordre physique, mental ou sexuel, la menace de tels actes, la contrainte ou autres privations de liberté. La violence fondée sur le sexe peut violer des dispositions particulières de la Convention, même si ces dispositions ne mentionnent pas expressément la violence.

7.La violence fondée sur le sexe, qui compromet ou rend nulle la jouissance des droits individuels et des libertés fondamentales par les femmes en vertu des principes généraux du droit international ou des conventions particulières relatives aux droits de l’homme, constitue une discrimination, au sens de l’article premier de la Convention. Parmi ces droits et libertés, on peut citer notamment:

a)Le droit à la vie;

b)Le droit à ne pas être soumis à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

c)Le droit à l’égalité de protection qu’assurent les normes humanitaires en temps de conflit armé, national ou international;

d)Le droit à la liberté et à la sécurité de la personne;

e)Le droit à l’égalité de protection de la loi;

f)Le droit à l’égalité dans la famille;

g)Le droit au plus haut niveau possible de santé physique et mentale;

h)Le droit à des conditions de travail justes et favorables.

8.La Convention s’applique à la violence perpétrée par les autorités publiques. Outre qu’ils contreviennent à la Convention, de tels actes de violence peuvent également transgresser les obligations qui incombent aux États en vertu des principes généraux du droit international en matière de droits de l’homme et d’autres conventions.

9.Il convient de souligner toutefois que la discrimination au sens de la Convention n’est pas limitée aux actes commis par les gouvernements ou en leur nom (voir art. 2 e), 2 f) et 5). Par exemple, aux termes de l’article 2 e) de la Convention, les États parties s’engagent à prendre toutes mesures appropriées pour éliminer la discrimination pratiquée à l’égard des femmes par une personne, une organisation ou une entreprise quelconque. En vertu du droit international en général et des pactes relatifs aux droits de l’homme, les États peuvent être également responsables d’actes privés s’ils n’agissent pas avec la diligence voulue pour prévenir la violation de droits ou pour enquêter sur des actes de violence, les punir et les réparer.

Observations concernant certaines dispositions de la Convention

Articles 2 et 3

10.Les articles 2 et 3 établissent une obligation globale quant à l’élimination de la discrimination sous toutes ses formes, venant s’ajouter aux obligations spécifiques prévues aux articles 5 à 16.

Articles 2 f), 5 et 10 c)

11.Les attitudes traditionnelles faisant de la femme un objet de soumission ou lui assignant un rôle stéréotypé perpétuent l’usage répandu de la violence ou de la contrainte, notamment les violences et les sévices dans la famille, les mariages forcés, les meurtres d’épouses pour non‑paiement de la dot, les attaques à l’acide, l’excision. De tels préjugés et de telles pratiques peuvent justifier la violence fondée sur le sexe comme forme de protection ou de contrôle sur la femme. Cette violence qui porte atteinte à l’intégrité physique et mentale des femmes les empêche de jouir des libertés et des droits fondamentaux, de les exercer et d’en avoir connaissance au même titre que les hommes. Tandis que cette observation a trait surtout à la violence effective ou aux menaces de violence, ces conséquences sous‑jacentes de la violence fondée sur le sexe contribuent à enfermer les femmes dans des rôles subordonnés et à maintenir leur faible niveau de participation politique, d’éducation, de qualification et d’emploi.

12.Ces attitudes contribuent également à propager la pornographie, à exploiter à des fins commerciales et à dépeindre la femme comme objet sexuel plutôt que comme être humain. La violence fondée sur le sexe en est d’autant plus encouragée.

Article 6

13.Les États sont requis, au titre de l’article 6, de prendre des mesures pour supprimer, sous toutes leurs formes, le trafic des femmes et l’exploitation de la prostitution des femmes.

14.La pauvreté et le chômage accroissent les possibilités de trafic des femmes. Outre les formes habituelles de trafic, l’exploitation sexuelle prend de nouvelles formes, telles que le tourisme sexuel, le recrutement d’employées de maison dans les pays en développement pour travailler dans le monde développé et les mariages organisés entre femmes des pays en développement et étrangers. Ces pratiques sont incompatibles avec une égalité de jouissance des droits et avec le respect des droits et de la dignité des femmes. Elles exposent particulièrement les femmes aux violences et aux mauvais traitements.

15.La pauvreté et le chômage forcent de nombreuses femmes, y compris des jeunes filles, à se prostituer. Les prostituées sont particulièrement vulnérables à la violence du fait que leur situation parfois illégale tend à les marginaliser. Elles doivent être protégées contre le viol et la violence dans la même mesure que les autres femmes.

16.Les guerres, les conflits armés et l’occupation de territoires provoquent souvent une augmentation de la prostitution, de la traite des femmes et des violences sexuelles contre les femmes, ce qui nécessite des mesures spécifiques sur le plan de la protection et de la répression.

Article 11

17.L’égalité dans l’emploi peut être gravement compromise lorsque les femmes sont soumises à la violence fondée sur le sexe, tel le harcèlement sexuel sur le lieu de travail.

18.Le harcèlement sexuel se manifeste par un comportement inopportun déterminé par des motifs sexuels, consistant notamment à imposer des contacts physiques, à faire des avances et des remarques à connotation sexuelle, à montrer des ouvrages pornographiques et à demander de satisfaire des exigences sexuelles, que ce soit en paroles ou en actes. Une telle conduite peut être humiliante et peut poser un problème sur le plan de la santé et de la sécurité; elle est discriminatoire lorsque la femme est fondée à croire que son refus la désavantagerait dans son emploi, notamment pour le recrutement ou la promotion ou encore lorsque cette conduite crée un climat de travail hostile.

Article 12

19.Les États sont requis au titre de l’article 12 de prendre des mesures pour assurer l’égalité d’accès aux soins de santé. La violence exercée contre les femmes met en danger leur santé et leur vie.

20.Il existe dans certains États des pratiques traditionnelles et culturelles qui nuisent à la santé des femmes et des enfants. Ces pratiques incluent notamment les restrictions alimentaires imposées aux femmes enceintes, la préférence pour les enfants mâles, l’excision ou la mutilation des organes génitaux féminins.

Article 14

21.Les femmes rurales sont exposées à la violence fondée sur le sexe étant donné la persistance dans de nombreuses communautés d’attitudes traditionnelles leur assignant un rôle subalterne. Les jeunes filles des zones rurales risquent particulièrement d’être victimes de violences et d’être exploitées sexuellement lorsqu’elles quittent leur campagne pour chercher du travail en ville.

Article 16 (et art. 5)

22.La stérilisation ou l’avortement obligatoire nuisent à la santé physique et mentale des femmes et compromettent leur droit de décider du nombre et de l’espacement des naissances.

23.La violence dans la famille est l’une des formes les plus insidieuses de violence exercée contre les femmes. Elle existe dans toute société. Dans le cadre des relations familiales, des femmes de tous âges sont soumises à toutes sortes de violences, notamment sévices, viol, autres formes d’agressions sexuelles, violence psychologique et formes de violence décrites à l’article 5, qui sont perpétuées par la tradition. La dépendance économique oblige grand nombre de femmes à vivre dans des situations de violence. Les hommes qui ne s’acquittent plus de leurs responsabilités familiales peuvent aussi exercer de cette façon une forme de violence ou de contrainte. Cette violence met la santé des femmes en péril et compromet leur capacité de participer à la vie familiale et à la vie publique sur un pied d’égalité.

Recommandations concrètes

24.Tenant compte de ces observations, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes recommande:

a)Que les États parties prennent des mesures appropriées et efficaces pour éliminer toutes formes de violence fondée sur le sexe, qu’il s’agisse d’un acte public ou d’un acte privé;

b)Que les États parties veillent à ce que les lois contre la violence et les mauvais traitements dans la famille, le viol, les sévices sexuels et autres formes de violence fondée sur le sexe assurent à toutes les femmes une protection suffisante, respectent leur intégrité et leur dignité. Des services appropriés de protection et d’appui devraient être procurés aux victimes. Il est indispensable pour la bonne application de la Convention de fournir au corps judiciaire, aux agents de la force publique et aux autres fonctionnaires une formation qui les sensibilise aux problèmes des femmes;

c)Que les États parties encouragent l’établissement de statistiques et les recherches sur l’ampleur, les causes et les effets de la violence ainsi que sur l’efficacité des mesures visant à prévenir la violence et à la combattre;

d)Que des mesures efficaces soient prises pour que les médias respectent et incitent à respecter la femme;

e)Que les États parties précisent dans leurs rapports la nature et l’ampleur des attitudes, coutumes et pratiques qui perpétuent la violence à l’égard des femmes et fournissent des informations sur le type de violence qui en résulte. Ils devraient indiquer quelles mesures ont été prises pour éliminer la violence et quels ont été leurs effets;

f)Que des mesures efficaces soient prises pour mettre fin à ces pratiques et changer ces attitudes. Les États devraient adopter des programmes d’éducation et d’information afin de contribuer à éliminer les préjugés qui entravent l’égalité de la femme (Recommandation no 3, 1987);

g)Que les États parties prennent les mesures préventives et répressives nécessaires pour supprimer la traite des femmes et leur exploitation sexuelle;

h)Que les États parties indiquent dans leurs rapports l’ampleur de ces problèmes et les mesures, y compris les dispositions pénales, les mesures préventives et les mesures de réinsertion, qui ont été prises pour protéger les femmes qui pratiquent la prostitution ou qui sont victimes du trafic ou d’autres formes d’exploitation sexuelles. Il faudrait aussi préciser l’efficacité de ces mesures;

i)Que les États parties prévoient une procédure de plainte et des voies de recours efficaces, y compris pour le dédommagement;

j)Que les États parties incluent dans leurs rapports des informations sur le harcèlement sexuel ainsi que sur les mesures adoptées pour protéger les femmes contre la violence, la contrainte et le harcèlement sexuel sur le lieu de travail;

k)Que les États parties prennent des mesures pour créer ou appuyer des services destinés aux victimes de violences dans la famille, de viols, de violences sexuelles et d’autres formes de violence fondée sur le sexe (notamment refuges, personnel médical spécialement formé, services de réinsertion et de conseil);

l)Que les États parties prennent des mesures pour éliminer ces pratiques et tiennent compte de la recommandation du Comité concernant l’excision (Recommandation no 14) dans leurs rapports sur les questions relatives à la santé;

m)Que les États parties veillent à ce que les femmes puissent décider sans entraves de leur fécondité et ne soient pas forcées de recourir à des pratiques médicales dangereuses, telles que l’avortement clandestin, faute de services leur permettant de contrôler leur fécondité;

n)Que les États parties précisent dans leurs rapports l’étendue de ces problèmes et indiquent les mesures prises ainsi que leurs effets;

o)Que les États parties veillent à ce que les services destinés aux victimes de violences soient accessibles aux femmes rurales et à ce que des services spéciaux soient, le cas échéant, offerts aux communautés isolées;

p)Que, pour protéger les femmes rurales, les États parties leur assurent notamment des possibilités de formation et d’emploi et contrôlent les conditions dans lesquelles les gens de maison travaillent;

q)Que les États parties communiquent des informations sur les risques que courent les femmes rurales, sur l’étendue et la nature des violences et des mauvais traitements qu’elles subissent et sur leurs besoins en matière de services d’appui et autres et leur accès à ces services ainsi que sur l’efficacité des mesures prises pour combattre la violence;

r)Que, parmi les mesures qui sont nécessaires pour éliminer la violence dans la famille, on cite les suivantes:

Sanctions pénales si nécessaire et recours civils en cas de violence dans la famille;

Législation visant à supprimer la défense de l’honneur comme motif légitimant les actes de violence ou le meurtre commis contre l’épouse;

Services visant à assurer la sûreté et la sécurité des victimes de violences dans la famille, notamment des refuges et des programmes de conseil et de réinsertion;

Programmes de réinsertion pour les personnes ayant commis des actes de violence dans la famille;

Services d’appui destinés aux familles où l’inceste ou des sévices sexuels ont été commis;

s)Que les États parties communiquent des informations sur l’ampleur de la violence dans la famille et des sévices sexuels, ainsi que sur les mesures préventives, correctives et répressives qui ont été prises à cet égard;

t)Que les États parties prennent toutes les mesures juridiques et autres nécessaires pour assurer aux femmes une protection efficace contre la violence fondée sur le sexe, notamment:

Des mesures juridiques efficaces, comprenant sanctions pénales, recours civils et mesures de dédommagement visant à protéger les femmes contre tous les types de violence, y compris notamment la violence et les mauvais traitement dans la famille, les violences sexuelles et le harcèlement sexuel sur le lieu de travail;

Des mesures préventives, notamment des programmes d’information et d’éducation visant à changer les attitudes concernant le rôle et la condition de l’homme et de la femme;

Des mesures de protection, notamment des refuges et des services de conseil, de réinsertion et d’appui pour les femmes victimes de violence ou courant le risque de l’être;

u)Que les États parties signalent dans leurs rapports toutes les formes de violence fondée sur le sexe et y incluent toutes les données disponibles sur l’incidence de chaque forme de violence ainsi que leurs conséquences pour les femmes qui en sont victimes;

v)Que dans leurs rapports, les États parties fournissent des renseignements concernant les dispositions juridiques, ainsi que les mesures de prévention et de protection qui ont été prises pour éliminer la violence à l’égard des femmes et l’efficacité de cette action.

Onzième session (1992)*

Recommandation générale n o  20: Réserves à l’égard de la Convention

1.Le Comité a rappelé la décision des États parties à leur quatrième réunion sur les réserves formulées à l’égard de la Convention, au titre de l’article 28.2, décision qui a été approuvée par le Comité dans sa Recommandation générale no 4.

2.Le Comité a recommandé que, dans le cadre des préparatifs de la Conférence mondiale de 1993 sur les droits de l’homme les États parties:

a)Soulèvent la question de la validité et des conséquences juridiques des réserves formulées à l’égard de la Convention, dans le cadre des réserves concernant les instruments relatifs aux droits de l’homme;

b)Réexaminent ces réserves en vue de renforcer l’application de tous les instruments relatifs aux droits de l’homme;

c)Envisagent d’établir, en ce qui concerne les réserves à l’égard de la Convention, une procédure analogue à celle qui est prévue pour les autres instruments relatifs aux droits de l’homme.

Treizième session (1994)*

Recommandation générale n o  21: Égalité dans le mariage et les rapports familiaux

1.La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (résolution 34/180 de l’Assemblée générale, annexe) affirme l’égalité des droits fondamentaux des hommes et des femmes dans la société et dans la famille. Cette convention occupe une place importante parmi les traités internationaux de protection de ces droits fondamentaux.

2.Il existe d’autres instruments qui confèrent beaucoup d’importance à la famille et reconnaissent à la femme une grande place à l’intérieur de la cellule familiale: la Déclaration universelle des droits de l’homme (résolution 217 A (III) de l’Assemblée générale, annexe), le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (résolution 2200 A (XXI), annexe), la Convention sur la nationalité des femmes mariées (résolution 1040 (XI), annexe), la Convention sur le consentement au mariage, l’âge minimum du mariage et l’enregistrement du mariage (résolution 1763 A (XVII), annexe) et la Recommandation ultérieure (résolution 2018 (XX)) et les Stratégies prospectives d’action de Nairobi pour la promotion de la femme.

3.Comme les instruments cités ci‑dessus, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes rappelle les droits inaliénables des femmes, mais elle va plus loin, car elle tient compte de l’influence que la culture et les traditions exercent sur les comportements et les mentalités de la collectivité, restreignant considérablement l’exercice par les femmes de leurs droits fondamentaux.

Généralités

4.L’Assemblée générale ayant décidé (résolution 44/82) que l’année 1994 serait l’Année internationale de la famille, le Comité souligne qu’un bon moyen de soutenir et d’encourager les manifestations qui auront lieu dans les pays est de respecter au sein des familles les droits fondamentaux des femmes.

5.Ayant décidé de marquer l’Année internationale de la famille, le Comité souhaite analyser trois articles de la Convention qui se rapportent plus particulièrement à ce sujet:

Article 9

1.Les États parties accordent aux femmes des droits égaux à ceux des hommes en ce qui concerne l’acquisition, le changement et la conservation de la nationalité. Ils garantissent en particulier que ni le mariage avec un étranger, ni le changement de nationalité du mari pendant le mariage ne change automatiquement la nationalité de la femme, ni ne la rend apatride, ni ne l’oblige à prendre la nationalité de son mari.

2.Les États parties accordent à la femme des droits égaux à ceux de l’homme en ce qui concerne la nationalité de leurs enfants.

Observations

6.La nationalité est capitale pour une complète insertion dans la société. Un État confère généralement sa nationalité aux personnes nées sur son sol. La nationalité peut aussi être conférée du fait que la personne intéressée s’est établie dans le pays, ou accordée pour des raisons humanitaires, par exemple à des apatrides. Une femme qui n’a pas la nationalité ou la citoyenneté du pays où elle vit n’est pas admise à voter ou à postuler à des fonctions publiques et peut se voir refuser les prestations sociales et le libre choix de son lieu de résidence. La femme adulte devrait pouvoir changer de nationalité, qui ne devrait pas lui être arbitrairement retirée en cas de mariage ou de dissolution de mariage ou parce que son mari ou son père change lui‑même de nationalité.

Article 15

1.Les États parties reconnaissent à la femme l’égalité avec l’homme devant la loi.

2.Les États parties reconnaissent à la femme, en matière civile, une capacité juridique identique à celle de l’homme et les mêmes possibilités pour exercer cette capacité. Ils lui reconnaissent en particulier des droits égaux en ce qui concerne la conclusion de contrats et l’administration des biens et leur accordent le même traitement à tous les stades de la procédure judiciaire.

3.Les États parties conviennent que tout contrat et tout autre instrument privé, de quelque type que ce soit, ayant un effet juridique visant à limiter la capacité juridique de la femme doit être considéré comme nul.

4.Les États parties reconnaissent à l’homme et à la femme les mêmes droits en ce qui concerne la législation relative au droit des personnes à circuler librement et à choisir leur résidence et leur domicile.

Observations

7.Une femme n’a pas d’autonomie juridique lorsqu’elle n’est admise en aucune circonstance à passer de contrat, ou qu’elle ne peut obtenir de prêt, ou qu’elle ne peut le faire qu’avec l’accord ou la caution de son mari ou d’un homme de sa famille. Dans ces conditions, elle ne peut pas avoir de droit de propriété exclusif sur des biens, n’est pas juridiquement maîtresse de ses propres affaires et ne peut conclure aucune forme de contrat. Cette situation restreint considérablement les moyens dont dispose la femme pour pourvoir à ses besoins et à ceux des personnes à sa charge.

8.Dans certains pays, la femme peut difficilement ester en justice, soit parce que la loi elle‑même limite ses droits à cet égard, soit parce qu’elle ne peut obtenir des conseils juridiques ou demander réparation aux tribunaux. Il arrive aussi que le tribunal accorde moins de foi ou de poids au témoignage ou à la déposition d’une femme qu’à ceux d’un homme. Des règles juridiques ou coutumières de cette nature font que la femme peut difficilement obtenir ou conserver une part égale des biens et que la collectivité ne la valorise pas comme un membre indépendant et capable de responsabilités. Un pays qui limite dans sa législation la capacité juridique de la femme ou tolère que des personnes ou des organismes restreignent cette capacité dénie aux femmes le droit à l’égalité avec les hommes et leur ôte autant de moyens de pourvoir à leurs besoins et à ceux des personnes dont elles ont la charge.

9.Dans les pays de common law, le domicile est le pays dans lequel la femme a l’intention de résider et à la juridiction duquel elle sera soumise. Le domicile de l’enfant est celui de ses parents, mais le domicile de l’adulte est le pays où cette personne a sa résidence ordinaire et a l’intention de s’établir en permanence. De même que pour la nationalité, on constate dans les rapports des États parties que les lois nationales ne donnent pas toujours à la femme le droit de choisir le lieu de son domicile. La femme adulte devrait pouvoir, quelle que soit sa situation de famille, changer à volonté de domicile, comme de nationalité. Toute restriction faisant qu’une femme ne peut pas choisir son domicile aussi librement qu’un homme peut limiter les possibilités qu’a cette femme d’accéder aux tribunaux du pays ou l’empêcher d’entrer dans un pays ou de le quitter librement et indépendamment.

10.Les femmes migrantes qui habitent et travaillent temporairement dans un autre pays devraient pouvoir comme les hommes faire venir leur conjoint, compagnon ou enfants auprès d’elles.

Article 16

1.Les États parties prennent toutes les mesures nécessaires pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans toutes les questions découlant du mariage et dans les rapports familiaux et, en particulier, assurer, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme:

a)Le même droit de contracter mariage;

b)Le même droit de choisir librement son conjoint et de ne contracter mariage que de son libre et plein consentement;

c)Les mêmes droits et les mêmes responsabilités au cours du mariage et lors de sa dissolution;

d)Les mêmes droits et les mêmes responsabilités en tant que parents, quel que soit leur état matrimonial, pour les questions se rapportant à leurs enfants; dans tous les cas, l’intérêt des enfants sera la considération primordiale;

e)Les mêmes droits de décider librement et en toute connaissance de cause du nombre et de l’espacement des naissances et d’avoir accès aux informations, à l’éducation et aux moyens nécessaires pour leur permettre d’exercer ces droits;

f)Les mêmes droits et responsabilités en matière de tutelle, de curatelle, de garde et d’adoption des enfants, ou d’institutions similaires, lorsque ces concepts existent dans la législation nationale; dans tous les cas, l’intérêt des enfants sera la considération primordiale;

g)Les mêmes droits personnels au mari et à la femme, y compris en ce qui concerne le choix du nom de famille, d’une profession et d’une occupation;

h)Les mêmes droits à chacun des époux en matière de propriété, d’acquisition, de gestion, d’administration, de jouissance et de disposition des biens, tant à titre gratuit qu’à titre onéreux;

2.Les fiançailles et les mariages d’enfants n’auront pas d’effets juridiques, et toutes les mesures nécessaires, y compris des dispositions législatives, seront prises afin de fixer un âge minimal pour le mariage et de rendre obligatoire l’inscription du mariage sur un registre officiel.

Observations

Vie sociale et vie domestique

11.La vie sociale et la vie domestique ont toujours été considérées comme des sphères différentes et régies en conséquence. Dans toutes les sociétés, les activités privées ou domestiques, traditionnellement réservées aux femmes, sont depuis longtemps considérées comme inférieures.

12.Ces activités étant pourtant indispensables à la survie de la société, il est absolument injustifiable de les régir autrement que les autres, par des lois ou des coutumes différentes ou discriminatoires. Les rapports des États parties révèlent que certains pays n’ont pas encore établi l’égalité de droit entre les sexes: la femme ne peut pas disposer des ressources au même titre que l’homme et n’est pas considérée comme l’égale de celui‑ci, ni dans la famille, ni dans la société. Même dans les sociétés où cette égalité est établie par la loi, les femmes se voient toujours assigner des rôles différents de ceux des hommes et considérés comme inférieurs. Cela contrevient aux principes de justice et d’égalité énoncés dans la Convention, en particulier à l’article 16, mais aussi aux articles 2, 5 et 24.

Diverses formes de la famille

13.La notion de famille et la forme que peut prendre la cellule familiale ne sont pas identiques dans tous les pays et varient parfois d’une région à l’autre à l’intérieur d’un même pays. Mais quelle que soit la forme que prend la famille, quels que soient le système juridique, la religion ou la tradition du pays, les femmes doivent, dans la loi et dans les faits, être traitées dans la famille selon les principes d’égalité et de justice consacrés par l’article 2 de la Convention et qui s’appliquent à tous les individus.

Polygamie

14.On constate dans les rapports des États parties qu’un certain nombre de pays conservent la pratique de la polygamie. La polygamie est contraire à l’égalité des sexes et peut avoir de si graves conséquences affectives et financières pour la femme et les personnes à sa charge qu’il faudrait décourager et même interdire cette forme de mariage. Il est inquiétant de constater que certains États parties, dont la Constitution garantit pourtant l’égalité des droits des deux sexes, autorisent la polygamie, soit par conviction, soit pour respecter la tradition, portant ainsi atteinte aux droits constitutionnels des femmes et en infraction à la disposition 5 a) de la Convention.

Article 16, paragraphe 1, alinéas a et b

15.Si la plupart des pays se conforment à la Convention dans leur constitution et leur législation nationales, dans le concret en revanche, ils contreviennent à cet instrument par leurs coutumes et traditions et par les carences dans l’application de la loi.

16.Il est capital pour la vie d’une femme et pour sa dignité d’être humain à l’égal des autres que cette femme puisse choisir son époux et se marier de sa propre volonté. Il ressort des rapports des États parties que certains pays, pour respecter la coutume, les convictions religieuses ou les idées traditionnelles de communautés particulières, tolèrent les mariages ou remariages forcés. Dans d’autres pays, les mariages sont arrangés contre paiement ou avantages, ou bien encore les femmes, pour fuir la pauvreté, se trouvent dans la nécessité d’épouser des étrangers qui leur offrent une sécurité financière. Sauf lorsqu’il existe un motif contraire valable, par exemple l’âge prématuré de la femme ou des raisons de consanguinité, la loi doit protéger le droit qu’a la femme de choisir ou non le mariage, quand elle le veut et avec qui elle veut, et assurer l’exercice concret de ce droit.

Article 16, paragraphe 1, alinéa c

17.Il ressort des rapports que de nombreux États parties établissent juridiquement les droits et responsabilités des conjoints en se fondant sur les principes de la common law, le droit religieux ou le droit coutumier et non pas sur les principes énoncés dans la Convention. Ces divergences avec les principes de la Convention, dans le droit et dans les faits, ont de multiples conséquences pour les femmes, ayant invariablement pour effet d’amoindrir leur statut et leurs responsabilités dans le mariage. Ces restrictions aux droits des femmes font que l’époux est souvent considéré comme le chef de famille et que c’est d’abord à lui que reviennent les décisions; elles sont par conséquent contraires aux dispositions de la Convention.

18.De plus, l’union libre n’est en général pas protégée du tout par la loi. La législation devrait assurer à la femme dans cette situation l’égalité avec l’homme, dans la famille et dans le partage des revenus et des biens. La femme vivant en union libre devrait aussi avoir les mêmes droits et les mêmes responsabilités que l’homme en ce qui concerne l’éducation des enfants à charge ou lorsqu’il faut s’occuper de membres de la famille.

Article 16, paragraphe 1, alinéas  d et  f

19.Comme le prévoit le paragraphe b) de l’article 5, la plupart des États reconnaissent le partage des responsabilités des parents à l’égard de leurs enfants, aussi bien en ce qui concerne les soins et la protection que l’entretien. Le principe selon lequel «l’intérêt supérieur de l’enfant sera la considération primordiale» figure dans la Convention relative aux droits de l’enfant (résolution 44/25 de l’Assemblée générale, annexe) et semble être maintenant universellement accepté. Toutefois, dans la pratique, certains pays n’appliquent pas le principe consistant à accorder à des parents non mariés le même statut. Les enfants nés de telles unions ne jouissent pas toujours du même statut que ceux nés dans le mariage et, lorsque les mères sont divorcées ou séparées, de nombreux pères n’assument pas leur part de la responsabilité des soins, de la protection et de l’entretien de leurs enfants.

20.Les droits et responsabilités partagés énoncés dans la Convention devraient être garantis par la loi et, selon le cas, par des notions juridiques de tutelle, curatelle, garde et adoption. Les États parties devraient incorporer dans leur législation des dispositions établissant l’égalité des droits et responsabilités des deux parents, indépendamment de leur statut matrimonial, vis‑à‑vis de leurs enfants, qu’ils vivent avec eux ou non.

Article 16, paragraphe 1, alinéa  e

21.Le fait de porter et d’élever des enfants limite l’accès des femmes à l’éducation, à l’emploi et à d’autres activités d’épanouissement personnel. Il leur impose également une charge de travail disproportionnée. Le nombre et l’espacement des naissances ont la même incidence sur la vie des femmes et affectent leur santé physique et mentale comme celle de leurs enfants. Les femmes ont donc le droit de décider du nombre et de l’espacement des naissances.

22.Certains rapports font état de pratiques coercitives qui ont de graves conséquences pour les femmes, telles que la procréation, l’avortement ou la stérilisation forcés. La décision d’avoir ou non des enfants, même si elle doit de préférence être prise en consultation avec le conjoint ou le partenaire, ne peut toutefois être limitée par le conjoint, un parent, le partenaire ou l’État. Pour pouvoir décider en connaissance de cause d’avoir recours à des mesures de contraception sans danger et efficaces, les femmes doivent être informées des moyens de contraception et de leur utilisation et avoir un accès garanti à l’éducation sexuelle et aux services de planification de la famille, comme le prévoit le paragraphe h) de l’article 10 de la Convention.

23.Il est largement admis que l’existence de moyens appropriés de régulation volontaire des naissances accessibles à tous est bénéfique pour la santé, le développement et le bien‑être de tous les membres de la famille. Ces services contribuent en outre à améliorer la qualité générale de la vie et la santé de la population, à préserver l’environnement, par le biais de la limitation volontaire de l’accroissement démographique, et à instaurer un développement économique et social durable.

Article 16, paragraphe 1, alinéa  g

24.Une famille stable est celle qui est fondée sur l’équité, la justice et l’épanouissement individuel de chacun de ses membres. Chaque partenaire doit donc avoir le libre choix d’exercer une profession ou un emploi correspondant à ses propres intérêts, aptitudes, qualifications et aspirations, comme le prévoient les alinéas a et c de l’article 11 de la Convention. De même, chaque partenaire devrait pouvoir choisir son propre nom, préservant ainsi son individualité, son identité personnelle dans la communauté et le distinguant des autres membres de la société. Lorsque, en cas de mariage ou de divorce, la loi ou la coutume oblige une femme à changer de nom, cette dernière est privée de ces droits.

Article 16, paragraphe 1, alinéa  h

25.Les droits visés à cet alinéa recoupent et complètent ceux qui sont énoncés au paragraphe 2 de l’article 15, qui impose aux États l’obligation de donner à la femme les mêmes droits de conclure des contrats et d’administrer des biens.

26.Le paragraphe 1 de l’article 15 garantit l’égalité des femmes et des hommes devant la loi. Le droit de posséder, de gérer des biens, d’en jouir et d’en disposer est un élément essentiel du droit pour la femme de jouir de son indépendance financière et, dans bien des pays, ce droit sera indispensable pour lui permettre de se doter de moyens d’existence et d’assurer un logement et une alimentation suffisante pour elle‑même et pour sa famille.

27.Dans les pays qui ont mis en œuvre une réforme agraire ou un programme de redistribution des terres, il conviendrait de respecter rigoureusement le droit de la femme de posséder à égalité avec l’homme et, indépendamment de son statut marital, une part des terres ainsi redistribuées.

28.Dans la plupart des pays, une proportion importante de femmes sont célibataires ou divorcées et ont parfois une famille à charge. Toute discrimination dans la répartition des biens, qui serait fondée sur le postulat que l’homme est seul responsable d’assurer la subsistance des femmes et des enfants qui composent sa famille et qu’il est apte et résolu à s’acquitter honorablement de cette responsabilité, n’est évidemment pas réaliste. En conséquence, toute loi ou coutume qui accorde à l’homme le droit d’avoir une part plus grande des biens à la fin du mariage ou à la cessation d’une union de fait, ou à la mort d’un parent, est discriminatoire et aura une incidence sérieuse sur la possibilité pratique pour la femme de divorcer, de subvenir à ses besoins ou ceux de sa famille et de vivre dignement en personne indépendante.

29.Tous ces droits devraient être garantis quelle que soit la situation matrimoniale de la femme.

Biens matrimoniaux

30.Il y a des pays qui ne reconnaissent pas le droit des femmes de posséder une part égale des biens avec l’époux durant le mariage ou une union de fait et lorsque ce mariage ou cette union prend fin. De nombreux pays reconnaissent ce droit, mais la possibilité pratique pour la femme de l’exercer peut être limitée par la jurisprudence ou la coutume.

31.Même lorsque ces droits sont reconnus à la femme et que les tribunaux les appliquent, les biens possédés par la femme durant le mariage ou au moment du divorce peuvent être administrés par l’homme. Dans de nombreux pays, y compris ceux qui appliquent un régime de communauté des biens, il n’y a pas d’obligation légale de consultation de la femme lorsque les biens possédés par l’une et l’autre partie pendant le mariage ou l’union de fait sont vendus ou qu’il en est disposé de toute autre façon. Cette disposition limite la possibilité pour la femme de contrôler la disposition des biens ou le revenu qui en découle.

32.Dans certains pays, en ce qui concerne la répartition des biens matrimoniaux, l’accent est placé davantage sur les contributions financières à l’acquisition de biens pendant le mariage, et d’autres contributions telles que l’éducation des enfants, les soins aux parents âgés et les dépenses du ménage sont minimisées. Souvent, les contributions non pécuniaires de la femme permettent à l’époux de s’assurer un revenu et d’augmenter les avoirs. Les contributions financières et non pécuniaires devraient avoir le même poids.

33.Dans de nombreux pays, les biens acquis au cours d’une union de fait ne sont pas traités par la loi de la même façon que ceux acquis au cours du mariage. Invariablement, si cette union cesse, la femme reçoit une part bien inférieure à celle de son partenaire. Les lois et coutumes relatives à la propriété qui prévoient une telle discrimination à l’encontre des femmes, mariées ou non, avec ou sans enfants, devraient être annulées et découragées.

Succession

34.Les rapports des États parties devraient comporter des commentaires sur les dispositions légales ou coutumières relatives à la succession ayant une incidence sur le statut des femmes, conformément aux dispositions de la Convention et à la résolution 884 D (XXXIV) du Conseil économique et social, qui recommande aux États de veiller à ce que les hommes et les femmes, au même degré de parenté avec une personne décédée, aient droit à des parts égales de l’héritage et à un rang égal dans l’ordre de succession. Cette disposition n’a pas été largement appliquée.

35.Il existe de nombreux pays où la législation et la pratique en matière de succession et de propriété engendrent une forte discrimination à l’égard des femmes. En raison de cette inégalité de traitement, les femmes peuvent recevoir une part plus faible des biens de l’époux ou du père à son décès que ne recevrait un veuf ou un fils. Dans certains cas, les femmes ont des droits limités et contrôlés et ne reçoivent qu’un revenu provenant des biens du défunt. Souvent, les droits à l’héritage pour les veuves ne sont pas conformes aux principes de la propriété égale des biens acquis durant le mariage. Ces pratiques sont contraires à la Convention et devraient être éliminées.

Article 16 2)

36.Dans la Déclaration et le Programme d’action de Vienne adoptés par la Conférence sur les droits de l’homme, tenue à Vienne du 14 au 25 juin 1993, il est demandé aux États d’abroger les lois et règlements en vigueur et d’éliminer les coutumes et pratiques qui sont discriminatoires et préjudiciables à l’endroit des filles. L’article 16, à son paragraphe 2, et les dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant interdisent aux États parties d’autoriser un mariage entre des personnes mineures ou d’accorder la validité à un tel mariage. La Convention stipule qu’«un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de 18 ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable». En dépit de cette définition, et compte tenu des dispositions de la Déclaration de Vienne, le Comité estime que l’âge légal pour le mariage devrait être de 18 ans pour l’homme et la femme. Lorsque les hommes et les femmes se marient, ils assument d’importantes responsabilités. Ils ne devraient donc pas pouvoir se marier avant d’être en pleine maturité et capacité d’agir. Selon l’OMS, lorsque les mineurs, en particulier les filles, se marient et ont des enfants, leur santé peut en souffrir, ainsi que leur éducation, ce qui réduit leur autonomie économique.

37.Le mariage précoce a non seulement des répercussions sur l’équilibre personnel des femmes, mais aussi sur le développement de leurs capacités et leur indépendance, et il réduit leur accès à l’emploi, ce qui a des répercussions négatives pour leur famille et leur communauté.

38.Certains pays fixent un âge différent pour le mariage de l’homme et de la femme. Étant donné qu’elles partent du principe erroné que les femmes se développent à un rythme différent des hommes sur le plan intellectuel ou que le stade de leur développement physique et intellectuel est sans importance, ces dispositions devraient être abrogées. Dans d’autres pays, les fiançailles des filles et les engagements pris par les membres de leur famille en leur nom sont autorisés. Ces pratiques sont contraires aux dispositions de la Convention, ainsi qu’au droit de la femme de choisir librement un partenaire.

39.Les États parties doivent rendre l’enregistrement de tous les mariages obligatoire, qu’ils soient contractés civilement ou suivant la coutume ou un rite religieux. Les États seraient ainsi en mesure de faire respecter les dispositions de la Convention et les lois qui garantissent l’égalité entre les partenaires ainsi qu’un âge légal pour le mariage et qui interdisent la bigamie ou la polygamie et qui garantissent la protection des droits des enfants.

Recommandations

La violence à l’égard des femmes

40.S’agissant de la place qu’occupe la femme dans la vie de la famille, le Comité tient à souligner que les dispositions de la Recommandation générale no 19 (onzième session) concernant la violence à l’égard des femmes revêtent une grande importance en ce qui concerne l’aptitude des femmes à jouir des droits et libertés dans les mêmes conditions que les hommes. Les États parties sont instamment priés de se conformer à cette recommandation générale pour faire en sorte que, dans la vie publique et dans la vie de famille, les femmes soient affranchies de la violence qui s’exerce contre elles et qui entrave si gravement leurs droits et libertés individuels.

Réserves

41.Le Comité a noté avec inquiétude qu’un grand nombre d’États parties avaient formulé des réserves à l’égard de certains paragraphes ou de l’ensemble de l’article 16 et qu’ils les avaient assorties d’une réserve à l’égard de l’article 2, parce que ses dispositions n’étaient pas compatibles avec leur conception générale de la famille compte tenu notamment de la culture, de la religion, de la situation économique et des institutions politiques de leur pays.

42.Beaucoup de ces pays sont attachés à une conception patriarcale de la famille qui attribue au père, au mari ou au fils un rôle prédominant. Dans certains pays, où des idées fondamentalistes ou d’autres idées extrémistes ou la crise économique ont favorisé un retour aux valeurs et traditions du passé, la place des femmes dans la famille s’est nettement dégradée. Dans d’autres, où il a été reconnu qu’une société moderne devait, pour le progrès économique et le bien‑être général de la communauté, associer tous les adultes sur un pied d’égalité sans considération de sexe, ces tabous et idées réactionnaires ou extrémistes ont été progressivement découragés.

43.Conformément aux articles 2, 3 et 24 en particulier, le Comité demande que tous les États parties favorisent une évolution progressive en décourageant résolument la notion d’inégalité des femmes au sein de la famille, pour en arriver à retirer leurs réserves concernant notamment les articles 9, 15 et 16 de la Convention.

44.Les États parties devraient décourager résolument toute notion d’inégalité entre les hommes et les femmes, consignée dans les lois et pratiques réglementaires, coutumières ou religieuses et parvenir à un stade où les réserves, notamment à l’article 16, seront retirées.

45.Le Comité a noté, en examinant les rapports périodiques initiaux et les rapports ultérieurs, que dans certains États parties à la Convention qui l’avaient ratifiée ou y avaient adhéré sans faire de réserves, certaines lois, en particulier celles qui ont trait à la famille, ne sont pas vraiment conformes aux dispositions de la Convention.

46.Ces lois prévoient encore de nombreuses mesures discriminatoires envers les femmes, qui sont fondées sur des normes, des coutumes et des préjugés socioculturels. Ces États, qui sont dans une situation particulière en ce qui concerne ces articles, ne facilitent pas au Comité sa tâche d’évaluation et de compréhension de la condition des femmes.

47.En s’appuyant particulièrement sur les articles 1 et 2 de la Convention, le Comité demande à ces États parties de s’efforcer dûment d’examiner la situation de fait dans ce domaine et d’introduire les mesures nécessaires dans leur législation nationale si celle‑ci contient toujours des dispositions discriminatoires envers les femmes.

Rapports

48.Compte tenu des observations figurant dans la présente recommandation générale, les États parties devraient dans leur rapport:

a)Indiquer à quelle étape du processus devant aboutir au retrait de toutes les réserves concernant la Convention, et en particulier à l’article 16, le pays est arrivé.

b)Indiquer si leurs lois sont conformes aux principes énoncés aux articles 9, 15 et 16 et les cas où les lois et pratiques religieuses, réglementaires ou coutumières rendent impossible le respect du droit ou des dispositions de la Convention.

Législation

49.Les États parties devraient promulguer et faire appliquer les lois nécessaires pour respecter les dispositions de la Convention et en particulier les articles 9, 15 et 16.

Promotion du respect de la Convention

50.Compte tenu des observations figurant dans la présente recommandation générale et comme l’exigent les articles 2, 3 et 24, les États parties devraient prendre des mesures pour encourager le respect intégral des principes de la Convention, notamment lorsque les lois et pratiques réglementaires, coutumières ou religieuses vont à leur encontre.

Quatorzième session (1995)*

Recommandation générale n o  22: Modification de l’article 20 de la Convention

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Notant que les États parties à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, sur la demande de l’Assemblée générale, se réuniront dans le courant de 1995 pour envisager de modifier l’article 20 de la Convention,

Rappelant la décision qu’il a prise précédemment, lors de sa dixième session, pour faire en sorte que ses travaux soient efficaces et éviter qu’il ne s’accumule un arriéré trop important de rapports des États parties en attente d’examen,

Rappelant que la Convention est l’un des instruments internationaux relatifs aux droits individuels qui ont été ratifiés par le plus grand nombre d’États parties,

Considérant que les articles de la Convention visent les droits fondamentaux de la femme dans tous les aspects de sa vie quotidienne et dans tous les domaines de la société et des affaires publiques,

Préoccupé par la charge de travail qui résulte pour le Comité du nombre croissant de ratifications et de l’arriéré des rapports restant à examiner, comme on peut le voir à l’annexe I,

Préoccupé aussi par la longueur des délais qui s’écoulent entre la présentation des rapports par les États parties et l’examen de ces rapports, qui oblige les États à fournir des informations complémentaires pour actualiser ces rapports,

Conscient que le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes est le seul organe créé en vertu d’instruments relatifs aux droits de l’homme dont les sessions soient limitées dans leur durée par la Convention, et que de tous les organes créés en vertu de traités relatifs aux droits de l’homme, il dispose du temps de réunion le plus court, comme on peut le voir à l’annexe II,

Notant que les limites imposées à la durée des sessions par la Convention constituent désormais un grave obstacle qui empêche le Comité de s’acquitter efficacement des fonctions qui lui sont imparties par la Convention,

1.Recommande que les États parties envisagent sous un jour favorable la modification éventuelle de l’article 20 de la Convention en ce qui concerne la durée des réunions du Comité, afin qu’il puisse se réunir tous les ans pendant la durée nécessaire pour s’acquitter efficacement des fonctions qui lui sont imparties par la Convention, sans restrictions expresses autres que celles dont déciderait l’Assemblée générale;

2.Recommande également que l’Assemblée générale, en attendant la fin du processus de modification de l’article 20, autorise le Comité, à titre exceptionnel, à tenir en 1996 deux sessions d’une durée de trois semaines chacune, qui seraient précédées chacune de réunions de groupes de travail de présession;

3.Recommande en outre que le Président du Comité explique oralement à la réunion des États parties les difficultés auxquelles se heurte le Comité dans l’exercice de ses fonctions;

4.Recommande que le Secrétaire général mette à la disposition de tous les États parties, lors de leur réunion, tous les renseignements voulus sur la charge de travail du Comité et, aux fins de comparaison, des informations relatives aux autres organes créés en vertu de traités sur les droits de l’homme.

Seizième session (1997)*

Recommandation générale n o  23: La vie politique et publique

Les États parties prennent toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans la vie politique et publique du pays et, en particulier, leur assurent, dans des conditions d’égalité avec les hommes, le droit:

a)De voter à toutes les élections et dans tous les référendums publics et être éligibles à tous les organismes publiquement élus;

b)De prendre part à l’élaboration de la politique de l’État et à son exécution, occuper des emplois publics et exercer toutes les fonctions publiques à tous les échelons du gouvernement;

c)De participer aux organisations et associations non gouvernementales s’occupant de la vie publique et politique du pays.

Vue d’ensemble

1.La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes met tout particulièrement l’accent sur la participation des femmes à la vie publique de leur pays. Le préambule de la Convention dispose notamment ce qui suit:

«Rappelant que la discrimination à l’encontre des femmes viole les principes de l’égalité des droits et du respect de la dignité humaine, qu’elle entrave la participation des femmes, dans les mêmes conditions que les hommes, à la vie politique, sociale, économique et culturelle de leur pays, qu’elle fait obstacle à l’accroissement du bien‑être de la société et de la famille et qu’elle empêche les femmes de servir leur pays et l’humanité dans toute la mesure de leurs possibilités.».

2.La Convention réaffirme en outre dans son préambule l’importance de la participation des femmes à la prise de décisions, comme suit:

«Convaincus que le développement complet d’un pays, le bien‑être du monde et la cause de la paix demandent la participation maximale des femmes, à égalité avec les hommes, dans tous les domaines.».

3.En outre, l’article premier de la Convention dispose que

«L’expression “discrimination à l’égard des femmes” vise toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil et dans tout autre domaine.».

4.D’autres conventions, déclarations et analyses internationales accordent une grande importance à la participation des femmes à la vie publique et constituent un cadre de normes internationales en matière d’égalité. Il s’agit notamment de la Déclaration universelle des droits de l’homme, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de la Convention sur les droits politiques de la femme, de la Déclaration de Vienne, du paragraphe 13 de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing et des Recommandations nos 5 et 8 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, de l’Observation générale no 25 adoptée par le Comité des droits de l’homme, de la recommandation adoptée par le Conseil de l’Union européenne sur la participation des femmes et des hommes, dans des proportions équilibrées, au processus de prise de décisions, et du document de la Commission européenne sur la façon d’établir l’équilibre entre les sexes dans la prise de décisions politiques.

5.L’article 7 fait obligation aux États parties de prendre toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans la vie politique et publique et à faire en sorte qu’elles soient sur un pied d’égalité avec les hommes dans tous les aspects de ladite vie. Cette obligation s’étend à tous les domaines et ne se limite pas à ceux mentionnés aux paragraphes a), b) et c). La vie politique et publique d’un pays est un vaste concept qui, d’une part, recouvre l’exercice du pouvoir politique, notamment législatif, judiciaire, exécutif et administratif et concerne tous les aspects de l’administration publique ainsi que la formulation et la mise en œuvre des politiques aux niveaux international, national, régional et local et, d’autre part, englobe les nombreuses activités de la société civile − conseils publics et organisations telles que partis politiques, syndicats, associations professionnelles, organismes féminins et communautaires et autres entités jouant un rôle dans la vie publique et politique.

6.Pour que cette égalité devienne réalité, la Convention insiste sur la nécessité de disposer d’un système politique permettant à tous les citoyens de voter et d’être élus lors d’authentiques élections tenues périodiquement et basées sur le suffrage universel au scrutin secret, garantissant la libre expression de la volonté de l’électorat, ainsi que le prévoient les instruments internationaux concernant les droits de l’homme, notamment l’article 21 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et l’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

7.L’accent mis par la Convention sur l’importance de l’égalité des chances et d’une participation égale à la vie publique et à la prise de décisions a amené le Comité à revoir l’article 7 et à suggérer aux États parties de tenir compte des observations et recommandations ci‑après lorsqu’ils examineraient leurs lois et politiques et feraient rapport au titre de la Convention.

Observations

8.Les sphères publique et privée de l’activité humaine ont toujours été considérées comme distinctes et ont été réglementées en conséquence. Invariablement, les femmes se sont vu assigner les tâches relevant du domaine privé ou familial, liées à la reproduction et à l’éducation des enfants et, dans toutes les sociétés, ces tâches ont été considérées comme inférieures. À l’inverse, les activités publiques, qui sont variées, respectées et honorées ne relèvent pas du domaine privé ou familial. Les hommes ont toujours dominé la vie publique et exercé le pouvoir afin de tenir les femmes à l’écart de la sphère publique et dans un état de subordination en les reléguant au domaine privé.

9.Malgré le rôle central joué par les femmes au niveau de la famille et de la société et leur contribution au développement, elles ont été exclues de la vie politique et du processus de prise de décisions qui déterminent pourtant leur mode de vie quotidien et l’avenir des sociétés. En période de crise tout particulièrement, cette situation d’exclusion a empêché les femmes de s’exprimer et rendu invisibles leur contribution et leurs expériences.

10.Dans tous les pays, ce sont le cadre culturel de valeurs et de croyances religieuses, l’absence de services et la non‑participation des hommes aux tâches ménagères et aux soins et à l’éducation des enfants qui ont le plus empêché les femmes de participer à la vie publique. Dans tous les pays, les traditions culturelles et les convictions religieuses ont contribué à limiter les femmes à des activités d’ordre privé et à les empêcher de participer activement à la vie publique.

11.Alléger quelque peu le fardeau des tâches ménagères qui incombent aux femmes permettrait à ces dernières de participer davantage à la vie de leur communauté. La dépendance économique des femmes vis‑à‑vis des hommes les empêche souvent de prendre des décisions politiques importantes et de participer activement à la vie publique. Le double fardeau que représentent pour elles le travail et la dépendance économique, ainsi que les longues heures de travail et la rigidité des horaires inhérentes aux activités publiques et politiques les empêchent d’être plus actives.

12.Les stéréotypes, notamment ceux perpétués par les médias, limitent les femmes jouant un rôle dans la vie politique à des questions telles que l’environnement, les enfants, la santé, et leur enlèvent toute responsabilité dans les domaines financier, budgétaire et du règlement des conflits. La faible représentativité des femmes dans les professions qui sont une pépinière de politiciens peut constituer un autre obstacle. Dans les pays où les femmes exercent un pouvoir, ce fait est parfois attribuable à l’influence d’un père, d’un mari ou de tout autre membre de leur famille de sexe masculin plutôt qu’à un succès électoral qu’elles auraient remporté elles‑mêmes.

Les systèmes politiques

13.Le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes est inscrit dans la constitution et la législation de la plupart des pays et dans tous les instruments internationaux. Il n’en reste pas moins que, ces 50 dernières années, les femmes ne sont pas parvenues à l’égalité avec les hommes et que l’inégalité dont elles sont traditionnellement victimes s’est aggravée en raison de leur faible degré de participation à la vie publique et politique. Les politiques et les décisions, lorsqu’elles sont exclusivement le fait des hommes, ne témoignent que d’une partie de l’expérience et des possibilités de l’espèce humaine. Il faut donc, pour organiser la société avec justice et efficacité, que tous et toutes participent activement à la vie publique.

14.Or, aucun système politique ne confère aux femmes à la fois le droit et les moyens d’y participer dans des conditions d’égalité. Les systèmes démocratiques leur offrent bien davantage de possibilités qu’auparavant de participer à la vie politique mais les nombreux obstacles économiques, sociaux et culturels auxquels elles continuent de se heurter les empêchent dans une très large mesure de le faire. Même les démocraties historiquement stables ne sont pas parvenues à tenir pleinement compte des opinions et des intérêts de la moitié féminine de la population. Une société dans laquelle les femmes sont exclues de la vie publique et de la prise de décisions ne peut être tenue pour démocratique. Le concept de démocratie n’aura de signification réelle et dynamique et d’effet durable que lorsque les décisions politiques seront prises à la fois par les femmes et par les hommes et tiendront également compte des intérêts des unes et des autres. L’examen des rapports soumis par les États parties montre que lorsqu’il y a pleine participation des femmes à la vie publique et à la prise de décisions, leurs droits sont mieux appliqués et la Convention mieux respectée.

Les mesures temporaires spéciales

15.L’élimination des obstacles juridiques, bien que nécessaire, ne suffit pas. Le fait que les femmes ne participent pas pleinement et à égalité avec les hommes à la vie publique ne résulte pas nécessairement d’une volonté délibérée de les en empêcher mais peut découler de pratiques et de procédures dépassées qui favorisent les hommes sans qu’on y prenne garde. Aux termes de l’article 4, la Convention encourage le recours à des mesures temporaires spéciales afin de donner plein effet aux articles 7 et 8. Dans les pays qui se sont dotés de stratégies temporaires visant à permettre aux femmes de participer à la vie publique dans des conditions d’égalité, une large gamme de mesures ont été prises, qui consistent notamment à recruter, aider financièrement et former les candidates à des élections, à modifier le mode de scrutin, à organiser des campagnes promouvant l’égalité des femmes avec les hommes dans la vie publique, à fixer des objectifs quantitatifs et des quotas et à nommer des femmes à des postes publics dans l’administration judiciaire et dans d’autres secteurs professionnels jouant un rôle de premier plan dans la vie sociale. L’élimination de ces obstacles et l’adoption de mesures temporaires spéciales visant à favoriser la participation des femmes et des hommes à la vie publique dans des proportions égales sont des conditions préalables indispensables à une authentique égalité politique. Toutefois, si l’on veut effacer des siècles de domination masculine dans les affaires publiques, il faut que tous les secteurs de la société encouragent et aident les femmes à sortir de l’ornière et que les États parties à la Convention ainsi que les partis politiques et les personnalités publiques ouvrent la voie dans ce domaine. Les États parties sont tenus de s’assurer que les mesures temporaires spéciales qu’ils prennent sont expressément conçues pour favoriser le respect du principe d’égalité et donc conformes aux principes constitutionnels garantissant l’égalité de tous les citoyens.

Résumé

16.Comme l’a souligné le Programme d’action de Beijing5, le problème crucial est le fossé qu’il y a entre la situation de droit et la situation de fait, c’est‑à‑dire entre le droit des femmes de participer à la vie politique et à la vie publique en général et la réalité. Des études montrent que lorsque la participation des femmes atteint 30 à 35 % (ce que l’on appelle généralement la «masse critique»), la manière de faire de la politique et la teneur des décisions s’en trouvent modifiées et la vie politique prend un nouvel essor.

17.Pour pouvoir être largement représentées dans la vie publique, les femmes doivent jouir de la pleine égalité avec les hommes dans l’exercice du pouvoir politique et économique; elles doivent prendre part pleinement et dans des conditions d’égalité à la prise de décisions à tous les niveaux, tant nationaux qu’internationaux, afin de pouvoir contribuer à la réalisation des objectifs que sont l’égalité, le développement et l’instauration de la paix. C’est dans une perspective non sexiste qu’il faut agir si l’on veut atteindre ces objectifs et garantir l’existence d’une démocratie authentique. Autrement dit, il est indispensable de faire participer les femmes à la vie publique si l’on veut bénéficier de leur contribution, protéger effectivement leurs intérêts et faire en sorte que chacun(e) puisse effectivement exercer ses droits fondamentaux sans distinction de sexe. La pleine participation des femmes à la vie publique est la condition indispensable non seulement de leur démarginalisation mais aussi du progrès de la société dans son ensemble.

Le droit de voter et d’être éligible (art. 7, par. a))

18.La Convention fait obligation aux États parties de modifier leur constitution ou leur législation afin que les femmes, sur la base de l’égalité avec les hommes, puissent exercer le droit de voter à toutes les élections et dans tous les référendums publics, qui doit leur être reconnu aussi bien de jure que de facto.

19.L’examen des rapports soumis par les États parties montre que si la quasi‑totalité de ces derniers ont adopté des dispositions constitutionnelles ou juridiques garantissant aux femmes et aux hommes le même droit de voter à toutes les élections et dans tous les référendums publics, les femmes n’en continuent pas moins d’éprouver des difficultés à exercer ce droit dans de nombreux pays.

20.Les facteurs qui font obstacle à l’exercice du droit de vote des femmes sont notamment les suivants:

a)Les femmes sont souvent moins bien informées que les hommes sur les candidats, les programmes des partis politiques et le mode de scrutin, du fait que les pouvoirs publics et les partis politiques ne leur fournissent pas les renseignements voulus. Parmi les autres facteurs importants qui empêchent les femmes d’exercer pleinement leur droit de vote dans des conditions d’égalité, on peut citer leur manque d’instruction, leur ignorance et leur incompréhension des systèmes politiques, et le fait qu’elles ne soient pas en mesure d’évaluer les incidences des programmes politiques et des politiques elles‑mêmes sur leur vie. De même, n’étant pas toujours au fait des droits, des responsabilités et des possibilités de changement que leur confère le droit de vote, elles ne sont pas toujours inscrites sur les registres électoraux;

b)En raison de la double charge de travail qui pèse sur elles et de problèmes d’argent, les femmes n’ont guère le temps ou les moyens de suivre les campagnes électorales et d’exercer tout à fait librement leur droit de vote;

c)Dans de nombreux pays, les traditions et cultures et les stéréotypes culturels et sociaux découragent les femmes d’exercer ce droit. Nombreux sont les hommes qui influencent les choix électoraux des femmes ou les leur imposent, soit par la persuasion, soit directement, y compris en votant en leur nom. Il convient d’empêcher de telles pratiques;

d)Parmi les autres facteurs qui, dans certains pays, empêchent les femmes de participer à la vie publique ou politique de leur communauté figurent les restrictions apportées à leur liberté de mouvement ou à leur droit de participer, les attitudes négatives que suscite généralement par participation des femmes à la vie politique ainsi que le manque de confiance de l’électorat vis‑à‑vis des femmes qui se portent candidates et le peu d’appui qu’il leur porte. Certaines femmes considèrent en outre que la participation à la vie politique est une faute de goût et évitent de participer aux campagnes politiques.

21.Ces facteurs expliquent en partie au moins le paradoxe selon lequel les femmes, bien que représentant la moitié de tous les électorats, n’exercent pas de pouvoir politique et ne constituent pas de formations chargées de défendre leurs intérêts ou d’infléchir les politiques adoptées par les pouvoirs publics, y compris celles qui sont discriminatoires à leur égard.

22.Le mode de scrutin, la répartition des sièges au Parlement, le choix de la circonscription ont des incidences importantes sur la proportion des femmes élues au Parlement. Les partis politiques doivent adopter les principes de l’égalité de chance et de la démocratie et s’efforcer d’équilibrer le nombre de candidatures d’hommes et de femmes.

23.L’exercice, par les femmes, du droit de vote ne devrait pas être soumis à des restrictions ou à des conditions qui ne s’appliquent pas aux hommes ou qui ont des répercussions disproportionnées sur elles. Par exemple, limiter le droit de vote aux personnes qui ont un certain niveau d’instruction, qui ont un minimum de qualifications ou qui savent lire et écrire n’est pas seulement déraisonnable parce que cela peut constituer une violation des droits fondamentaux mais aussi parce que cela peut avoir des répercussions disproportionnées sur les femmes et, par là même, être contraire aux dispositions de la Convention.

Le droit de prendre part à l’élaboration de la politique de l’État (art. 7, par. b))

24.La participation des femmes à l’élaboration de la politique de l’État reste généralement faible. Bien que d’importants progrès aient été accomplis et que l’égalité soit maintenant assurée dans certains pays, dans nombre d’entre eux cette participation s’est en fait réduite.

25.L’article 7, paragraphe b), stipule également que les États parties sont tenus d’assurer aux femmes le droit de prendre part à la formulation de la politique de l’État et d’être représentées dans tous les secteurs et à tous les échelons. Cela permettrait d’intégrer une démarche qui tienne compte de l’égalité des sexes dans l’élaboration de la politique de l’État.

26.Les États parties ont le devoir, dans les domaines qui sont de leur ressort, à la fois de nommer des femmes à des postes où des décisions sont prises à un niveau élevé et de consulter systématiquement les groupes qui représentent largement les vues et les intérêts des femmes en tenant compte de leur avis.

27.Les États parties ont en outre l’obligation de s’attacher à identifier et éliminer les obstacles à la pleine participation des femmes à la formulation de la politique de l’État, y compris la complaisance à l’égard de nominations qui ont un caractère purement symbolique et à l’égard de traditions et de coutumes qui découragent la participation des femmes. Si les femmes ne sont pas largement représentées aux échelons les plus élevés du gouvernement ou sont très peu consultées, voire pas du tout, l’action menée par l’État ne sera ni complète ni efficace.

28.Si les États parties sont généralement en mesure de nommer des femmes à des postes de haut niveau au sein des ministères et des administrations, les partis politiques ont de leur côté le devoir de veiller à ce que des femmes soient inscrites sur les listes des partis et présentées comme candidates à des élections dans des circonscriptions où elles ont de bonnes chances d’être élues. Les États parties devraient aussi dans la mesure du possible veiller à ce que des femmes soient recrutées dans les organismes consultatifs gouvernementaux, sur un pied d’égalité avec les hommes, et à ce que ces organismes tiennent compte, s’il y a lieu, de l’opinion des associations féminines représentatives. Les gouvernements ont une responsabilité fondamentale: appuyer ces initiatives afin d’éclairer et de guider l’opinion publique et de changer les attitudes qui impliquent une discrimination à l’égard des femmes ou découragent leur participation à la vie politique et publique.

29.Parmi les mesures adoptées par divers États parties en vue d’assurer aux femmes une participation égale, à des postes ministériels ou administratifs et comme membres d’organes consultatifs gouvernementaux, aux travaux des pouvoirs publics, on peut citer l’adoption d’une règle selon laquelle, lorsque des candidats potentiels ont les mêmes qualifications, la préférence devrait être donnée à une femme; l’adoption d’une règle selon laquelle la représentation de chacun des deux sexes ne devrait pas être inférieure à 40 % dans la composition d’un organisme public; la fixation de quotas pour les femmes ministres et celles occupant des emplois publics; la consultation d’organisations féminines pour assurer la présentation de candidatures de femmes compétentes à des postes dans des administrations et à des emplois publics et l’établissement et la tenue de registres de candidates afin de faciliter ce processus. Pour les organes consultatifs dont les membres sont nommés parmi des candidats désignés par des organisations privées, les États parties devraient encourager les organisations en question à soumettre des candidatures de femmes compétentes, aptes à siéger dans ces organes.

Le droit d’exercer des fonctions publiques à tous les échelons du gouvernement (art. 7, par. b))

30.L’examen des rapports périodiques des États parties montre que les femmes se voient refuser l’accès aux postes des échelons les plus élevés du gouvernement, de l’administration et de la fonction publiques, de la magistrature et de l’appareil judiciaire. Les femmes ne sont que rarement nommées à des postes de rang élevé et de responsabilité et, bien que dans certains pays leurs effectifs s’accroissent aux échelons inférieurs et dans des fonctions généralement associées au foyer ou à la famille, elles ne sont qu’une très faible minorité à occuper des postes de décision dans les domaines de la politique économique et du développement, des affaires politiques, de la défense, des missions de maintien de la paix ou de règlement des conflits, ou encore de l’interprétation et de l’élaboration du droit constitutionnel.

31.L’examen des rapports des États parties montre également que, dans certains cas, la loi empêche les femmes d’exercer les pouvoirs royaux, d’occuper la fonction de juge dans des tribunaux religieux ou traditionnels qui exercent leur juridiction au nom de l’État, ou d’être membres à part entière des forces armées. Ces dispositions constituent une discrimination à l’égard des femmes, empêchent la société de tirer parti des avantages qu’offrent leur participation et leurs aptitudes dans ces domaines de la vie communautaire et vont à l’encontre des principes de la Convention.

Le droit de participer aux organisations et associations non gouvernementales s’occupant de la vie publique et politique du pays (art. 7, par. c))

32.L’examen des rapports des États parties − dans les rares cas où ils contiennent des renseignements sur les partis politiques − montre que les femmes sont sous‑représentées ou cantonnées dans des rôles moins importants que ceux dévolus aux hommes. Les partis politiques jouant un rôle important dans la prise de décisions, les gouvernements devraient les encourager à examiner dans quelle mesure les femmes participent pleinement et sur un pied d’égalité à leurs activités et, si tel n’est pas le cas, à identifier les raisons de cette situation. Il convient d’encourager les partis politiques à adopter des mesures efficaces, notamment en fournissant des informations, des moyens financiers et autres ressources, pour éliminer les facteurs qui font obstacle à la pleine participation et à la juste représentation des femmes et garantir aux femmes dans la pratique la même possibilité de remplir des fonctions au sein des partis et d’être désignées comme candidates à des élections.

33.Les mesures adoptées par certains partis politiques consistaient notamment à réserver un certain nombre ou pourcentage minimum de postes à pourvoir par des femmes dans leurs organes directeurs, à établir un équilibre numérique entre les hommes et les femmes désignés pour les candidatures à des élections et à faire en sorte que les femmes ne soient pas systématiquement reléguées dans des circonscriptions moins favorables ou placées en fin de liste. Les États parties devraient veiller à autoriser expressément l’adoption de mesures temporaires répondant spécialement à ces objectifs dans le cadre des législations antidiscriminatoires ou d’autres mécanismes constitutionnels garantissant l’égalité.

34.D’autres organisations, notamment les syndicats et les partis politiques, ont l’obligation de montrer qu’ils sont attachés au principe de l’égalité des sexes dans leurs statuts, dans l’application de ces règles et dans la composition de leurs effectifs, et doivent compter sur une représentation équilibrée au sein de leur conseil d’administration afin de bénéficier de la participation totale et en toute équité de tous les secteurs de la société et de tirer parti de la contribution apportée par les deux sexes. Ces organisations, au même titre que les organisations non gouvernementales, peuvent également permettre aux femmes d’acquérir une formation fort utile qu’elles pourront mettre à profit pour jouer un rôle dans la vie politique, participer à toutes les activités et occuper des postes de responsabilité.

Article 8 (à l’échelon international)

Les États parties prennent toutes les mesures appropriées pour que les femmes, dans des conditions d’égalité avec les hommes et sans aucune discrimination, aient la possibilité de représenter leur gouvernement à l’échelon international et de participer aux travaux des organisations internationales.

Observations

35.Aux termes de l’article 8, les gouvernements sont tenus d’assurer la présence des femmes sur la scène internationale, à tous les niveaux et dans tous les domaines. Les femmes doivent notamment pouvoir s’occuper de questions économiques et militaires, de diplomatie multilatérale et bilatérale et faire partie des délégations officielles aux conférences internationales et régionales.

36.Il ressort de l’examen des rapports présentés par les États parties que les femmes sont gravement sous‑représentées dans les services diplomatiques de la plupart des gouvernements, en particulier aux niveaux les plus élevés. Il est fréquent que les femmes soient nommées dans des ambassades ne revêtant pas une importance capitale pour leur pays. Dans certains cas, les femmes font l’objet d’une discrimination au niveau des nominations à cause de leur situation matrimoniale. Dans d’autres cas, les prestations familiales dont bénéficient les diplomates de sexe masculin ne sont pas accordées aux femmes ayant des fonctions similaires. Lorsqu’il s’agit de carrières internationales, préférence est souvent donnée aux hommes car l’on suppose que les femmes ont des responsabilités familiales, notamment qu’elles devront s’occuper elles‑mêmes de leur famille et que cela les empêchera d’accepter le poste.

37.De nombreuses missions permanentes auprès de l’Organisation des Nations Unies et d’autres organisations internationales ne comptent pas de femmes parmi leurs diplomates et très peu aux niveaux les plus élevés. La situation est similaire lors des réunions d’experts et conférences qui définissent priorités, objectifs et programmes d’action internationaux et mondiaux. Les organismes des Nations Unies et diverses entités économiques, politiques et militaires de niveau régional sont devenus d’importants employeurs publics internationaux, mais là encore, les femmes restent une minorité reléguée aux postes subalternes.

38.La possibilité pour les femmes de représenter leur gouvernement à l’échelon international et de participer aux travaux des organisations internationales dans des conditions d’égalité avec les hommes se trouve fréquemment limitée faute de critères objectifs et de processus équitables de nomination et de promotion aux postes pertinents et dans les délégations officielles.

39.La mondialisation contemporaine fait de l’intégration des femmes et de leur participation aux travaux des organisations internationales, sur un pied d’égalité avec les hommes, une question de plus en plus importante. Il est impératif que les gouvernements et l’ensemble des organismes internationaux adoptent une perspective égalitaire et prennent en compte les droits des femmes. De nombreuses décisions essentielles sur des questions de portée mondiale, telles que le rétablissement de la paix et le règlement des conflits, les dépenses militaires et le désarmement nucléaire, le développement et l’environnement, l’aide étrangère et la restructuration économique, sont prises sans qu’y participent vraiment les femmes qui, par contre, apportent leur contribution au niveau non gouvernemental dans ces mêmes domaines.

40.La présence d’une «masse critique» de femmes dans les négociations internationales et les activités de maintien de la paix, à tous les niveaux de la diplomatie préventive, de la médiation, de l’assistance humanitaire et de la réconciliation sociale, dans les négociations de paix et au sein du système de justice criminelle internationale pourra changer les choses. S’agissant des conflits, notamment des conflits armés, il est nécessaire de prendre en compte les sexospécificités et de procéder à des analyses afin d’en comprendre les répercussions sur les intéressés en fonction de leur sexe.

Recommandations

Articles 7 et 8

41.Les États parties devraient faire en sorte que leur constitution et leur législation soient conformes aux principes de la Convention et, en particulier, à ceux énoncés aux articles 7 et 8.

42.Les États parties sont tenus de prendre toutes les mesures appropriées et, en particulier, de promulguer des lois conformes à leur constitution pour que des entités comme les partis politiques et les syndicats, qui ne sont pas toujours soumis directement à l’obligation de respecter la Convention, n’exercent pas de discrimination à l’égard des femmes et respectent les principes énoncés aux articles 7 et 8.

43.Les États parties devraient élaborer et mettre en œuvre des mesures temporaires spéciales qui garantissent aux femmes une représentation égale à celle des hommes dans tous les domaines stipulés aux articles 7 et 8.

44.Les États parties qui formulent des réserves aux articles 7 et 8 devraient expliquer la raison et l’effet de ces réserves, préciser si elles sont liées à des attitudes traditionnelles, coutumières ou stéréotypées concernant le rôle des femmes dans la société et indiquer les mesures qu’ils prennent pour modifier ces attitudes. Ils devraient aussi vérifier régulièrement si le maintien desdites réserves est justifié et inclure, dans leurs rapports, un calendrier indiquant les dates auxquelles ils prévoient de les retirer.

Article 7

45.S’agissant du paragraphe a) de l’article 7, les mesures à mettre en œuvre et dont il faudra assurer systématiquement le suivi doivent notamment viser à:

a)Faire en sorte que les femmes et les hommes occupent des emplois publics dans des proportions équilibrées;

b)Faire en sorte que les femmes comprennent la signification et l’importance du droit de vote et sachent comment l’exercer;

c)Faire en sorte de lever les obstacles à l’égalité entre les sexes, notamment ceux liés à l’analphabétisme, la langue et la pauvreté, et ceux qui s’opposent à la liberté de mouvement des femmes;

d)Aider les femmes qui se heurtent à de tels obstacles à exercer leur droit de voter et d’être éligible.

46.S’agissant du paragraphe b) de l’article 7, ces mesures doivent notamment viser à:

a)Garantir aux femmes une représentation égale à celle des hommes dans les instances chargées de formuler les politiques de l’État;

b)Faire en sorte que les femmes exercent effectivement leur droit d’occuper des emplois publics dans des conditions d’égalité;

c)Mettre en place des procédures de recrutement axées sur les femmes qui soient ouvertes et dont les résultats puissent être remis en question.

47.S’agissant du paragraphe c) de l’article 7, ces mesures doivent viser notamment à:

a)Promulguer des lois interdisant la discrimination à l’égard des femmes qui soient efficaces;

b)Encourager les organisations non gouvernementales et les associations civiles et politiques à se doter de stratégies visant à inciter les femmes à se faire représenter en leur sein et à participer à leurs travaux.

48.Lorsqu’ils rendent compte de l’application de l’article 7, les États parties devraient:

a)Décrire les mesures juridiques donnant effet aux droits qui y sont énoncés;

b)Fournir des précisions sur toute restriction apportée à l’exercice de ces droits, qu’elle résulte de dispositions juridiques ou de pratiques traditionnelles, religieuses ou culturelles;

c)Décrire les mesures prises en vue de vaincre les obstacles à l’exercice de ces droits;

d)Fournir des données statistiques ventilées par sexe indiquant la proportion de femmes exerçant effectivement ces droits;

e)Décrire les politiques à la formulation desquelles les femmes participent, y compris celles intéressant les programmes de développement, et préciser à quel niveau et dans quelle proportion intervient cette participation;

f)S’agissant du paragraphe c) de l’article 7, indiquer dans quelle proportion les femmes adhèrent aux organisations non gouvernementales de leur pays, notamment les organisations de femmes;

g)Examiner dans quelle mesure l’État partie fait en sorte que ces organisations soient consultées et étudier l’impact des conseils qu’elles fournissent à toutes les étapes de la formulation et de la mise en œuvre des politiques gouvernementales;

h)Fournir des informations sur la sous‑représentation des femmes dans les partis politiques et leurs instances dirigeantes, dans les syndicats et dans les organisations et associations professionnelles et analyser les facteurs qui y contribuent.

Article 8

49.S’agissant de cet article, les mesures qu’il faudrait élaborer et mettre en œuvre et dont il faudrait assurer le suivi afin d’en vérifier l’efficacité doivent viser à établir un meilleur équilibre entre les sexes dans la composition de tous les organes des Nations Unies − dont les grandes commissions de l’Assemblée générale, le Conseil économique et social et les organes spécialisés, parmi lesquels ceux créés en vertu de traités − et lorsqu’il s’agit de nommer les membres de groupes de travail indépendants ou des rapporteurs spéciaux chargés d’étudier la situation dans les pays ou traitant de questions thématiques.

50.Lorsqu’ils rendent compte de l’application de l’article 8, les États parties devraient:

a)Fournir des statistiques ventilées par sexe indiquant la proportion de femmes qui occupent un emploi dans les services gouvernementaux installés à l’étranger, représentent leur gouvernement à l’échelle internationale ou travaillent en son nom − dans le cadre de délégations nationales auprès de conférences internationales et d’opérations de maintien de la paix ou de tentatives de règlement de conflits − et préciser l’ancienneté de ces femmes dans ce secteur;

b)Décrire les efforts qui sont faits en vue d’établir des critères et des procédures de nomination et de promotion des femmes dans le secteur susmentionné qui soient objectifs;

c)Décrire les mesures prises pour diffuser largement les informations touchant les engagements pris par les gouvernements à l’échelle internationale au sujet des femmes et les documents officiels publiés par des instances multilatérales, en particulier auprès des organes gouvernementaux et non gouvernementaux chargés de la promotion de la femme;

d)Fournir des informations sur la discrimination exercée à l’égard des femmes en raison de leurs activités politiques, que ce soit à titre personnel ou en leur qualité de membres d’organisations de femmes ou d’autres organisations.

Vingtième session (1999)*

Recommandation générale n o  24: Article 12 de la Convention (Les femmes et la santé)

1.Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, affirmant que l’accès aux soins de santé, notamment en matière de reproduction, est un droit fondamental consacré par la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, a décidé à sa vingtième session, en application de l’article 21, d’élaborer une recommandation générale concernant l’article 12 de la Convention.

Considérations générales

2.Le respect par les États parties de l’article 12 de la Convention est essentiel à la santé et au bien‑être des femmes. Cet article exige que les États éliminent la discrimination à l’égard des femmes pour ce qui est de l’accès aux services médicaux tout au long de leur vie, en particulier ceux qui concernent la planification familiale et ceux qui doivent être fournis pendant la grossesse et pendant et après l’accouchement. L’examen des rapports que les États parties ont présentés en application de l’article 18 de la Convention révèle que l’accès des femmes aux soins de santé est considéré comme une question qui doit tout particulièrement retenir l’attention si l’on veut favoriser la santé et le bien‑être des femmes. Élaborée à l’intention des États parties et de tous ceux qui s’intéressent particulièrement aux questions ayant trait à la santé des femmes, la présente recommandation générale précise l’interprétation que le Comité donne à l’article 12 et suggère les mesures à prendre pour éliminer la discrimination de façon que les femmes puissent, comme elles en ont le droit, jouir de la meilleure santé possible.

3.Ces objectifs ont également été examinés lors des conférences mondiales qui ont eu lieu récemment sous les auspices de l’Organisation des Nations Unies. Pour élaborer la présente recommandation générale, le Comité a pris en compte les programmes d’action pertinents adoptés lors de ces conférences, et en particulier ceux de la Conférence mondiale sur les droits de l’homme (1993), de la Conférence internationale sur la population et le développement (1994) et de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes (1995). Il a aussi tenu compte des travaux de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) et d’autres organismes des Nations Unies. Il a collaboré avec un grand nombre d’organisations non gouvernementales spécialisées dans les questions touchant la santé des femmes.

4.Le Comité note l’accent que d’autres instruments élaborés sous les auspices de l’Organisation des Nations Unies mettent sur le droit à la santé et sur les conditions qui permettent d’y parvenir. Parmi ces instruments, on peut citer la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention relative aux droits de l’enfant et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

5.Le Comité se réfère également à ses recommandations générales antérieures concernant la mutilation des organes génitaux de la femme, le VIH/sida, les femmes handicapées, la violence à l’égard des femmes et l’égalité dans les relations familiales, qui toutes abordent des questions essentielles à la mise en œuvre pleine et entière de l’article 12 de la Convention.

6.S’il existe des différences biologiques entre hommes et femmes qui peuvent être à l’origine de disparités entre les uns et les autres en matière de santé, il existe aussi des facteurs sociétaux qui influent sur la santé des hommes et des femmes et dont les effets peuvent varier d’une femme à l’autre. C’est pourquoi il faut accorder une attention particulière aux besoins et aux droits en matière de santé des femmes qui appartiennent aux groupes vulnérables et défavorisés, telles que les migrantes, les réfugiées et les déplacées, les fillettes et les femmes âgées, les prostituées, les femmes autochtones et les femmes handicapées physiques ou mentales.

7.Le Comité note que pour que les femmes puissent pleinement jouir de leur droit à la santé, il faudra que les États parties s’acquittent de l’obligation qu’ils ont de respecter, protéger et promouvoir le droit fondamental de la femme au bien‑être nutritionnel toute sa vie durant en mettant à sa disposition une alimentation sûre, nutritive et adaptée à la situation locale. À cette fin, les États parties doivent prendre des mesures pour faciliter l’accès, notamment des femmes rurales, aux ressources productives et, par ailleurs, veiller à ce que les besoins nutritionnels particuliers de toutes les femmes relevant de leur juridiction soient satisfaits.

Article 12

8.L’article 12 est libellé comme suit:

«1.Les États parties prennent toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans le domaine des soins de santé en vue de leur assurer, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, les moyens d’accéder aux services médicaux, y compris ceux qui concernent la planification de la famille.

2.Nonobstant les dispositions du paragraphe 1 ci‑dessus, les États parties fournissent aux femmes pendant la grossesse, pendant l’accouchement et après l’accouchement, des services appropriés et, au besoin, gratuits, ainsi qu’une nutrition adéquate pendant la grossesse et l’allaitement.»

Les États parties sont engagés à prendre les mesures voulues pour assurer la santé des femmes leur vie durant. Aux fins de la présente recommandation générale, le terme «femme» englobe donc aussi la fillette et l’adolescente. Dans cette recommandation, le Comité analyse les éléments clefs de l’article 12.

Éléments clefs

Article 12 1)

9.Ce sont les États parties eux‑mêmes qui sont les mieux placés pour rendre compte des questions les plus importantes concernant la santé des femmes dans chacun d’entre eux. Ainsi donc, afin de permettre au Comité de déterminer si les mesures prises pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans le domaine des soins de santé sont appropriées, les États parties doivent fonder leurs législation, plans et politiques sanitaires applicables aux femmes sur des données fiables, ventilées par sexe, concernant la fréquence et la gravité des maladies qui frappent les femmes et des problèmes de santé et de nutrition qu’elles rencontrent ainsi que les mesures préventives et curatives disponibles et leur coût‑efficacité. Les rapports soumis au Comité doivent montrer que la législation, les plans et les politiques sanitaires reposent sur des recherches scientifiques et éthiques et sur une juste évaluation de l’état de santé et des besoins des femmes dans le pays, et prennent en compte les spécificités ethniques, régionales ou communautaires, ou les pratiques fondées sur la religion, la tradition ou la culture.

10.Les États parties sont engagés à inclure dans les rapports qu’ils présentent des informations sur les maladies ou les problèmes de santé propres aux femmes ou à certains groupes de femmes, ou moins courants chez les hommes que chez les femmes, ainsi que des informations sur les mesures éventuelles prises à cet égard.

11.Les mesures prises pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes sont jugées inappropriées si un système de soins de santé ne dispose pas des services voulus pour prévenir, détecter et traiter les maladies spécifiquement féminines. Il est discriminatoire pour un État partie de refuser de légaliser certains actes concernant la reproduction. Par exemple, si les professionnels de la santé n’acceptent pas de pratiquer de tels actes parce qu’ils vont à l’encontre de leurs convictions, des mesures doivent être prises pour faire en sorte que les femmes soient renvoyées à des professionnels de la santé n’ayant pas les mêmes objections.

12.Les États parties devraient expliquer comment les politiques et mesures relatives aux soins de santé tiennent compte des droits des femmes et prennent en compte leurs intérêts et leurs spécificités par rapport aux hommes, notamment:

a)Les caractéristiques biologiques des femmes, telles que le cycle menstruel, leur fonction en matière de procréation et la ménopause ou encore le fait que les femmes sont plus exposées aux maladies sexuellement transmissibles;

b)Les facteurs socioéconomiques ayant spécifiquement une incidence sur les femmes en général et sur certains groupes de femmes en particulier. Par exemple, le fait que les femmes disposent de moins de pouvoir que les hommes à la maison et sur le lieu de travail peut avoir des répercussions négatives sur leur nutrition et leur santé. Les femmes peuvent aussi être la cible de formes de violence spécifiques. Les fillettes et les adolescentes sont souvent exposées à des violences sexuelles exercées par des hommes adultes ou des membres de leur famille, et risquent donc des traumatismes physiques et psychologiques ainsi que des grossesses non voulues ou prématurées. Certaines pratiques culturelles ou traditionnelles, telles que la mutilation des organes génitaux de la femme, entraînent souvent le décès ou l’invalidité des victimes;

c)Les facteurs psychosociaux spécifiquement féminins ou plus répandus chez les femmes que chez les hommes: par exemple, la dépression en général et la dépression post‑partum en particulier, ainsi que d’autres conditions psychologiques, notamment celles qui débouchent sur des troubles alimentaires tels que l’anorexie et la boulimie;

d)Si le non‑respect de la confidentialité affecte tant les hommes que les femmes, celles‑ci risquent plus d’hésiter à consulter et à se faire soigner, ce qui a des répercussions sur leur santé et leur bien‑être. Elles seront, par exemple, moins disposées à consulter un médecin en cas de maladie affectant les organes génitaux, ou pour obtenir des moyens de contraception ou encore en cas de tentative d’avortement ayant échoué et lorsqu’elles ont été victimes de violences sexuelles ou physiques.

13.L’obligation qu’ont les États parties d’assurer aux femmes, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, les moyens d’accéder aux services médicaux et aux services d’information et d’éducation en matière de santé implique celles de respecter, de protéger et de garantir la réalisation des droits des femmes en matière de soins de santé. Il incombe aux États parties de veiller à ce que leur législation, leurs politiques et les décisions de leurs tribunaux n’aillent à l’encontre d’aucune de ces trois obligations. Ils doivent également mettre en place un système qui assure que les décisions des tribunaux soient suivies d’effet. Dans le cas contraire, il y aurait violation de l’article 12.

14.L’obligation de respecter les droits des femmes implique que les États parties s’abstiennent de faire obstacle aux actions engagées par des femmes dans le but d’atteindre leurs objectifs en matière de santé. Les États parties devraient indiquer comment les professionnels de la santé du secteur public ou du secteur privé s’acquittent de leur obligation de respecter les droits des femmes en matière d’accès aux soins de santé. Par exemple, les États parties ne devraient pas empêcher les femmes d’avoir accès à certains services de santé ou aux établissements de soins au motif qu’elles n’ont pas l’autorisation de leur mari, de leur partenaire, de leurs parents ou des autorités sanitaires, ou parce qu’elles ne sont pas mariées*, ou tout simplement parce que ce sont des femmes. Les lois qui criminalisent certaines procédures médicales dont seules les femmes ont besoin et qui répriment les femmes sur lesquelles celles‑ci sont pratiquées font aussi obstacle à l’accès des femmes à des soins de santé appropriés.

15.L’obligation de protéger les droits relatifs à la santé des femmes implique que les États parties, leurs représentants et leurs fonctionnaires prennent des mesures pour empêcher la violation de ces droits par des personnes ou des organismes privés et répriment de telles violations. La violence sexiste constituant un problème majeur pour les femmes, les États devraient:

a)Promulguer des lois et veiller à leur application effective et formuler des politiques, notamment des protocoles en matière de soins de santé et des procédures hospitalières de nature à lutter contre la violence à l’égard des femmes et les sévices sexuels infligés aux fillettes et la fourniture de services de santé appropriés;

b)Organiser une formation qui tienne compte des sexospécificités afin que les professionnels de la santé puissent détecter et gérer les conséquences, pour la santé, de la violence fondée sur le sexe;

c)Mettre en place, pour entendre les plaintes, des procédures équitables qui assurent la protection des plaignants et imposer des sanctions appropriées aux professionnels de la santé coupables d’abuser sexuellement de leurs patientes;

d)Promulguer des lois qui interdisent la mutilation génitale des femmes et le mariage des fillettes et veiller à l’application effective de ces lois.

16.Les États parties doivent veiller à ce qu’une protection et des services de santé adéquats, y compris des traitements et des conseils en cas de traumatisme, soient assurés aux femmes se trouvant dans des situations particulièrement difficiles, notamment celles qui se trouvent piégées dans des conflits armés et les réfugiées.

17.Pour que les femmes puissent exercer leurs droits en matière de soins de santé, il faut que les États parties mobilisent les ressources dont ils disposent et prennent les mesures législatives, judiciaires, administratives, budgétaires, économiques et autres qui s’imposent. L’ampleur, de par le monde, des taux de mortalité et de morbidité liés à la maternité que révèlent les études sur le sujet, et le grand nombre de couples qui souhaiteraient avoir moins d’enfants mais qui n’ont pas accès à la contraception ou n’y ont pas recours, montrent bien que tous les États parties ne s’acquittent pas de leur obligation d’assurer aux femmes l’accès aux soins de santé. Le Comité prie les États parties d’indiquer ce qu’ils ont fait pour redresser la situation sur le plan de la santé des femmes, et en particulier les mesures de prévention qu’ils ont prises pour éviter des maladies telles que la tuberculose ou le VIH/sida. Le Comité constate avec préoccupation que les États ont de plus en plus tendance à renoncer à leurs obligations en la matière au fur et à mesure qu’ils transfèrent les fonctions qui étaient les leurs dans le domaine de la santé à des organismes privés. Les États parties ne peuvent se décharger de toute responsabilité dans ces domaines en déléguant ou en transférant ces pouvoirs aux organismes du secteur privé. Ils devraient par conséquent indiquer les moyens qu’ils ont mis en œuvre pour mettre en place des processus gouvernementaux et des structures permettant aux pouvoirs publics de promouvoir et de protéger la santé de femmes. Ils devraient également rendre compte de l’action concrète menée pour limiter les violations des droits des femmes par des tiers et protéger leur santé ainsi que des mesures appliquées pour garantir la prestation de tels services.

18.S’agissant des droits des femmes et des adolescentes à l’hygiène sexuelle, l’infection par le VIH/sida et les autres maladies sexuellement transmissibles constituent des problèmes majeurs. Dans de nombreux pays, cette catégorie de population n’a pas suffisamment accès à l’information et aux services nécessaires pour exercer ces droits. Compte tenu des rapports de force inégaux fondés sur le sexe, les femmes et les adolescentes sont souvent dans l’incapacité de refuser les rapports sexuels ou d’imposer des pratiques sexuelles responsables et sans risque. Les pratiques traditionnelles préjudiciables telles que les mutilations génitales, la polygamie et le viol conjugal augmentent le risque pour les adolescentes et les femmes de contracter le VIH/sida et autres maladies sexuellement transmissibles. Les femmes qui se livrent à la prostitution sont également particulièrement vulnérables à ces maladies. Les États parties devraient garantir, sans préjugé ou discrimination, aux femmes et aux adolescentes, y compris aux victimes de la traite des femmes, le droit à l’information, à l’éducation et aux services en matière d’hygiène sexuelle, même si elles ne résident pas légalement dans le pays. Ils devraient notamment veiller à ce que les droits des adolescentes et des adolescents à une éducation en matière d’hygiène sexuelle et de santé de la procréation dispensée par du personnel convenablement formé, sous forme de programmes élaborés à cet effet et tenant compte de leurs droits à la vie privée et à la confidentialité, soient respectés.

19.Les États devraient préciser dans leurs rapports quels moyens ils utilisent pour déterminer si les femmes ont le même accès que les hommes aux soins de santé, afin de démontrer qu’ils appliquent bien l’article 12. À cet égard, ils devraient garder à l’esprit les dispositions de l’article premier de la Convention. Les rapports devraient donc comprendre des observations relatives à l’impact sur les femmes, par rapport aux hommes, des politiques, procédures, lois et protocoles en matière de santé.

20.Les femmes ont le droit d’être pleinement informées, par du personnel convenablement formé, des possibilités qui leur sont offertes lorsqu’elles consentent à un traitement ou se prêtent à des tests, et notamment des avantages probables et des inconvénients éventuels des procédures proposées ainsi que des solutions de rechange.

21.Les États parties devraient rendre compte des mesures prises pour lever les obstacles auxquels se heurtent les femmes en matière d’accès aux services de santé ainsi que des mesures adoptées pour garantir aux femmes un accès rapide et peu coûteux à ces services. Ces obstacles peuvent prendre la forme de critères ou de conditions qui empêchent les femmes de se faire soigner, comme des honoraires trop élevés, l’obligation de présenter une autorisation du conjoint, d’un parent ou des autorités hospitalières, l’éloignement des établissements et l’absence de transports publics pratiques et abordables.

22.Les États parties devraient aussi rendre compte des mesures prises pour garantir l’accès à des services de santé de qualité, par exemple en veillant à ce qu’ils soient acceptables par les femmes. Un service est acceptable lorsque l’on s’assure que la femme donne son consentement en connaissance de cause, que l’on respecte sa dignité, que l’on garantit la confidentialité et que l’on tient compte de ses besoins et de ses perspectives. Les États parties ne devraient autoriser aucune forme de coercition, notamment la stérilisation non consensuelle, le dépistage obligatoire des maladies sexuellement transmissibles et les tests de grossesse obligatoires comme condition d’emploi, autant de pratiques qui violent le droit des femmes à la dignité et leur droit de donner leur consentement en pleine connaissance de cause.

23.Les États parties devraient également signaler les mesures adoptées pour garantir un accès rapide aux services liés à la planification familiale en particulier, et à la santé sexuelle et la santé en matière de reproduction en général. Une attention particulière devrait être accordée à l’éducation des adolescents en matière de santé, y compris aux informations et conseils à leur donner sur les méthodes de planification familiale*.

24.Le Comité se préoccupe aussi de la situation des services de santé offerts aux femmes âgées, non seulement parce que les femmes vivent souvent plus longtemps que les hommes et ont plus de chances de souffrir de maladies débilitantes et dégénératives chroniques, telles que l’ostéoporose et la sénilité, mais aussi parce qu’elles doivent souvent s’occuper d’un conjoint plus âgé. C’est pourquoi, les États parties devraient prendre des mesures appropriées pour assurer aux femmes âgées l’accès à des services de santé adaptés aux handicaps et infirmités dont s’accompagne le vieillissement.

25.Les femmes handicapées, quel que soit leur âge, éprouvent souvent des difficultés physiques pour accéder à des services de santé. Les femmes handicapées mentales sont particulièrement vulnérables, car dans l’ensemble on comprend mal le large éventail de risques pour la santé mentale auxquels les femmes sont exposées de façon disproportionnée du fait de la discrimination à leur égard, de la violence, de la pauvreté, des conflits armés, de bouleversements divers et d’autres formes de privations sociales. Les États parties devraient prendre des mesures appropriées pour faire en sorte que les services de santé soient sensibles aux besoins des femmes invalides et respectueux de leurs droits fondamentaux et de leur dignité.

Article 12 2)

26.Les rapports devraient aussi faire état des mesures adoptées par les États parties pour offrir aux femmes des services appropriés pendant la grossesse, pendant l’accouchement et après l’accouchement. Ils devraient également indiquer la proportion dans laquelle ces mesures ont permis de faire baisser les taux de mortalité et de morbidité maternelles dans le pays en général et dans les groupes, régions et communautés vulnérables en particulier.

27.Les États parties devraient en outre indiquer comment ils offrent des services gratuits au besoin pour garantir le bon déroulement de la grossesse, de l’accouchement et de la période post‑partum. Nombre de femmes meurent ou restent invalides suite à une grossesse car elles n’ont pas les moyens d’obtenir les soins nécessaires avant, pendant et après l’accouchement. Le Comité note que les États parties ont l’obligation de respecter le droit des femmes à une maternité sans risques et à des services obstétriques d’urgence et qu’ils devraient consacrer à ces services le maximum des ressources disponibles.

Autres articles pertinents

28.Dans leurs rapports relatifs aux mesures prises au titre de l’article 12, les États parties sont instamment priés de tenir compte de la relation qui existe entre cet article et les autres articles de la Convention qui intéressent la santé des femmes. Ces articles sont notamment l’article 5 b), au titre duquel les États parties doivent faire en sorte que l’éducation familiale contribue à faire bien comprendre que la maternité est une fonction sociale; l’article 10, au titre duquel ils doivent garantir aux femmes et aux hommes les mêmes possibilités d’accès à l’éducation, qui a pour effet de faciliter l’accès des femmes aux soins de santé, et faire baisser les taux d’abandon des études chez les femmes, qui quittent souvent le système scolaire en raison de grossesses précoces; l’article 10 h), qui stipule que les États parties doivent garantir aux femmes et aux filles l’accès à des renseignements spécifiques d’ordre éducatif tendant à assurer la santé et le bien‑être des familles, y compris l’information et les conseils relatifs à la planification de la famille; l’article 11, qui concerne en partie la protection de la santé et de la sécurité des femmes sur le lieu de travail, y compris la sauvegarde de la fonction de reproduction, l’octroi d’une protection spéciale aux femmes enceintes dont le travail est nocif, et l’octroi de congés de maternité payés; le paragraphe 2, alinéa b, de l’article 14, au titre duquel les États parties doivent permettre aux femmes des zones rurales d’avoir accès à des services de santé adéquats, y compris aux informations, conseils et services en matière de planification de la famille, et h, qui oblige les États parties à prendre toutes les mesures appropriées pour que les femmes bénéficient de conditions de vie convenables, notamment en ce qui concerne le logement, l’assainissement, l’approvisionnement en électricité et en eau, les transports et les communications, ce qui est essentiel pour prévenir les maladies et permettre l’offre de soins de santé de qualité; et le paragraphe 1, alinéa e de l’article 16, qui oblige les États parties à veiller à ce qu’hommes et femmes aient les mêmes droits de décider librement et en toute connaissance de cause du nombre et de l’espacement des naissances et d’avoir accès aux informations, à l’éducation et aux moyens nécessaires pour leur permettre d’exercer ces droits. Le paragraphe 2 de l’article 16 interdit en outre les fiançailles et les mariages d’enfants, ce qui est essentiel pour prévenir les dommages physiques et psychologiques que peuvent provoquer des grossesses précoces.

Recommandations aux gouvernements

29.Les États parties devraient mettre en œuvre une stratégie nationale dont le but d’ensemble serait de protéger la santé des femmes durant toute leur vie. Cette stratégie devrait inclure des interventions de médecine préventive et curative contre toutes les maladies qui touchent les femmes, ainsi que des moyens de lutter contre la violence à l’égard des femmes, et elle devrait également assurer l’accès de toutes les femmes à un ensemble complet de soins de qualité et d’un coût abordable, ainsi qu’aux services de santé en matière de sexualité et de reproduction.

30.Les États parties devraient affecter des ressources budgétaires, humaines et administratives suffisantes à la protection de la santé des femmes, de façon que les hommes et les femmes, compte tenu de leurs besoins médicaux différents, soient traités de façon comparable dans le budget de santé publique.

31.Les États parties devraient en outre, en particulier:

a)Veiller à ce que la parité entre les sexes figure en très bonne place dans toutes les politiques et tous les programmes qui ont des effets sur la santé des femmes, et faire participer les femmes à la conception, la mise en œuvre et le suivi de ces politiques et programmes et à l’organisation des soins de santé dispensés aux femmes;

b)Veiller à éliminer tous les facteurs qui restreignent l’accès des femmes aux soins, à l’éducation et à l’information, notamment dans le domaine de la santé en matière de sexualité et de reproduction, et en particulier affecter des ressources suffisantes aux programmes, destinés aux adolescents des deux sexes, pour la prévention et le traitement des maladies sexuellement transmissibles, notamment l’infection par le VIH et le sida;

c)Donner une place prioritaire à la prévention des grossesses non désirées, par la planification familiale et l’éducation sexuelle, et réduire les taux de mortalité maternelle par des services de maternité sans risques, et d’assistance prénatale. Le cas échéant, il faudrait amender la législation qui fait de l’avortement une infraction pénale et supprimer les peines infligées aux femmes qui avortent;

d)Suivre de près la fourniture des soins de santé que des organismes publics, des organisations non gouvernementales ou des entreprises privées dispensent aux femmes, pour que les hommes et les femmes aient également accès à des soins de même qualité;

e)Veiller à ce que tous les soins dispensés respectent les droits de la femme, notamment le droit à l’autonomie, à la discrétion et à la confidentialité, et la liberté de faire des choix et de donner son consentement en connaissance de cause;

f)Veiller à ce que la formation des soignants comprenne des enseignements obligatoires, détaillés et attentifs à la parité des sexes, sur la santé et les droits fondamentaux des femmes, en particulier sur la question de la violence entre les sexes.

Trentième session (2004)

Recommandation générale n o  25: Paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention (Mesures temporaires spéciales)

I. INTRODUCTION

1.À sa vingtième session (1999), le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a décidé, en application de l’article 21 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, de formuler une recommandation générale relative au paragraphe 1 de l’article 4 de cet instrument. Cette nouvelle recommandation s’inspirerait, entre autres sources, des précédentes recommandations, notamment la no 5 (septième session, 1988) sur les mesures temporaires spéciales, la no 8 (id.) sur l’application de l’article 8 de la Convention et la no 23 (seizième session, 1997) sur la participation des femmes à la vie publique, ainsi que des rapports des États parties à la Convention et des observations finales faites par le Comité sur ces rapports.

2.Par la présente recommandation générale, le Comité entend préciser la nature et le sens du paragraphe 1 de l’article 4 afin qu’il soit pleinement appliqué lors de la mise en œuvre de la Convention. Le Comité encourage les États parties à traduire cette recommandation générale dans leurs langues nationales et locales et à la diffuser largement auprès des organes législatifs, exécutifs et judiciaires de l’État, y compris leurs administrations ainsi que dans la société civile, notamment auprès des médias, des établissements universitaires et des organismes de défense des droits de l’homme et des associations financières.

II. OBSERVATIONS GÉNÉRALES: OBJET ET BUT DE LA CONVENTION

3.La Convention est un instrument évolutif. Depuis l’adoption de cette dernière en 1979, le Comité et d’autres parties intéressées aux niveaux national et international ont contribué, en adoptant un raisonnement progressiste, à lever certaines ambiguïtés et à mieux faire comprendre la teneur de ses articles et la nature particulière de la discrimination à l’égard des femmes et des instruments destinés à la combattre.

4.La portée et le sens du paragraphe 1 de l’article 4 doivent être interprétés à la lumière de l’objectif et du but général de la Convention, à savoir l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes en vue d’instaurer une égalité de droit et de fait entre hommes et femmes dans la jouissance effective des libertés et des droits fondamentaux. Les États parties à la Convention sont juridiquement tenus de respecter, protéger, promouvoir et garantir le droit à la non‑discrimination et de veiller à la promotion et à l’amélioration de la condition de la femme afin de la rapprocher de l’égalité de droit et de fait avec celle de l’homme.

5.La Convention va au‑delà de la notion de discrimination évoquée dans de nombreux textes normatifs nationaux et internationaux. Alors que ceux‑ci interdisent la discrimination fondée sur le sexe et protègent tant les hommes que les femmes contre tout traitement fondé sur des distinctions arbitraires, injustes et/ou injustifiables, la Convention vise essentiellement la discrimination à l’égard des femmes, soulignant qu’elles ont souffert et continuent de souffrir de diverses formes de discrimination simplement à cause de leur sexe.

6.De la lecture en parallèle des articles 1 à 5 et 24, qui constituent le cadre interprétatif général de l’ensemble des articles de fond de la Convention, il ressort que trois obligations fondamentales sont au centre de la lutte des États contre la discrimination à l’égard des femmes. Ces obligations devraient être accomplies de manière intégrée et vont au‑delà de simples obligations formelles d’égalité de traitement.

7.La première de ces obligations est de garantir l’absence de toute discrimination directe ou indirecte dans la loi et de faire protéger les femmes de toute discrimination − de la part des autorités, du pouvoir judiciaire, des organismes, des entreprises et des particuliers − dans le domaine public ou privé, par des tribunaux compétents, des sanctions et des voies de recours. La deuxième obligation est d’améliorer la condition féminine de fait par des politiques et des programmes concrets et la troisième d’aménager les relations qui prédominent entre les sexes et de lutter contre la persistance des stéréotypes fondés sur le sexe qui sont préjudiciables aux femmes et dont les effets se manifestent non seulement au niveau des comportements individuels mais également dans la législation, les structures juridiques et sociales et les institutions.

8.De l’avis du Comité, une approche purement formelle, qu’elle soit juridique ou programmatique, ne peut parvenir à instaurer entre hommes et femmes l’égalité de fait, c’est‑à‑dire, au sens du Comité, une égalité réelle (ou concrète). En outre, la Convention exige que les femmes bénéficient de chances égales au départ et d’un environnement propice pour aboutir à l’égalité de résultats. Il ne suffit pas de garantir un traitement identique des femmes et des hommes. Il faut plutôt tenir compte des différences biologiques entre les hommes et les femmes et de celles qui sont le résultat d’une production culturelle et sociale. Dans certains cas, il n’est pas possible de traiter de la même façon les hommes et les femmes du fait de ces différences. Pour atteindre cet objectif d’égalité réelle, il est également indispensable de suivre effectivement une stratégie de lutte contre la sous‑représentation des femmes et de redistribution des ressources et des responsabilités entre les hommes et les femmes.

9.L’égalité de résultats est le corollaire logique de l’égalité de fait ou égalité réelle. Les résultats peuvent être quantitatifs ou qualitatifs, à savoir qu’un même nombre de femmes et d’hommes exercent leurs droits dans différents domaines, bénéficient des mêmes niveaux de revenus, prennent les décisions sur un pied d’égalité et disposent de la même influence politique et, pour ce qui est des femmes, sont à l’abri de la violence.

10.La condition féminine ne pourra s’améliorer tant que les causes sous‑jacentes de la discrimination et de l’inégalité de traitement ne seront pas éliminées. Il faut envisager la vie des femmes et des hommes dans leur contexte et adopter des mesures susceptibles de favoriser une réelle mutation des perspectives d’avenir, des institutions et des systèmes pour que les femmes puissent se libérer des paradigmes masculins du pouvoir et des modes de vie historiquement déterminés.

11.Il faudrait établir une distinction entre le vécu et les besoins permanents des femmes liés à leur condition biologique et ceux qui résultent d’un traitement discriminatoire passé ou présent imposé par des acteurs individuels, de l’idéologie sexiste dominante ou de ses manifestations au niveau des structures et des institutions sociales et culturelles. Au fur et à mesure que des mesures sont mises en place pour éliminer cette discrimination, les besoins des femmes peuvent évoluer ou disparaître, ou se confondre avec ceux des hommes. Ainsi, il faut continuellement suivre les lois, les programmes et les pratiques visant à instaurer l’égalité de fait ou réelle pour éviter la perpétuation d’un traitement différentiel de plus en plus difficile à justifier.

12.Certaines femmes, outre la discrimination à laquelle elles sont soumises en tant que telles, peuvent être confrontées à divers types de discrimination fondée sur d’autres caractéristiques telles que la race, l’ethnie, la religion, le handicap, l’âge, la classe, la caste ou d’autres considérations. Cette discrimination frappe surtout certains groupes de femmes, ou, parfois, des hommes aussi, mais de manière ou à des degrés différents. Les États parties doivent envisager de prendre des mesures temporaires spéciales pour éliminer ce type de discrimination et la combinaison d’effets préjudiciables qu’elle engendre.

13.En plus de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, certains autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et certains documents directifs adoptés dans le cadre des Nations Unies prévoient des mesures temporaires spéciales pour favoriser l’instauration de l’égalité. La terminologie utilisée dans ces textes n’est pas homogène et le sens et l’interprétation de ces mesures diffèrent également. Le Comité espère que la présente recommandation générale relative au paragraphe 1 de l’article 4 contribuera à préciser cette terminologie.

14.La Convention vise les aspects discriminatoires des configurations sociales et culturelles passées et présentes qui entravent l’exercice par les femmes de leurs libertés et de leurs droits fondamentaux. Elle a pour objet d’éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, notamment les causes et les conséquences de leur inégalité de facto ou réelle. Par conséquent, les mesures temporaires spéciales envisagées dans la Convention sont un moyen d’instaurer l’égalité de facto ou réelle, plutôt qu’une exception aux règles de la non‑discrimination et de l’égalité.

III. SENS ET PORTÉE DES MESURES TEMPORAIRES SPÉCIALES VISÉES DANS LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES

Paragraphe 1 de l’article 4

L’adoption par les États parties de mesures temporaires spéciales visant à accélérer l’instauration d’une égalité de fait entre les hommes et les femmes n’est pas considérée comme un acte de discrimination tel qu’il est défini dans la présente Convention, mais ne doit en aucune façon avoir pour conséquence le maintien de normes inégales ou distinctes; ces mesures doivent être abrogées dès que les objectifs en matière d’égalité de chances et de traitement ont été atteints.

Paragraphe 2 de l’article 4

L’adoption par les États parties de mesures spéciales, y compris de mesures prévues dans la présente Convention, qui visent à protéger la maternité n’est pas considérée comme un acte discriminatoire.

A. Lien entre les paragraphes 1 et 2 de l’article 4

15.L’objet des «mesures spéciales» visées au paragraphe 1 de l’article 4 diffère nettement de celui du paragraphe 2 du même article. Le paragraphe 1 a pour but d’accélérer l’amélioration de la condition de la femme pour instaurer l’égalité de fait ou réelle avec les hommes et d’encourager l’évolution structurelle, sociale et culturelle nécessaire pour éliminer les formes et les effets passés et présents de la discrimination à l’égard des femmes et offrir à celles‑ci les moyens de la compenser. Il s’agit de mesures temporaires.

16.Le paragraphe 2 de l’article 4 dispose que, de par leurs différences biologiques, les femmes ne peuvent pas être traitées de la même façon que les hommes. Il s’agit de mesures permanentes, au moins tant que les connaissances scientifiques et techniques visées au paragraphe 3 de l’article 11 n’en justifient pas la révision.

B. Terminologie

17.Différents termes ont été utilisés lors des travaux préparatoires à la Convention pour désigner les «mesures temporaires spéciales» dont parle le paragraphe 1 de l’article 4. Le Comité lui‑même, dans ses précédentes recommandations générales, a employé des termes variés. Certains États parties utilisent souvent l’expression «mesures spéciales» − au sens de mesures correctives, compensatoires et incitatives −, comme l’équivalent des expressions «affirmative action», «action positive», «mesures positives», «discrimination à rebours» ou «positive». Ces termes sont issus des débats et des pratiques ayant cours dans différents contextes nationaux. Dans la présente recommandation générale et conformément à la pratique telle qu’elle ressort de l’examen des rapports présentés par les États parties, le Comité utilise l’expression «mesures temporaires spéciales», comme le veut le paragraphe 1 de l’article 4.

C. Éléments fondamentaux du paragraphe 1 de l’article 4

18.Les mesures prises par les États parties en application du paragraphe 1 de l’article 4 devraient avoir pour but d’accélérer l’instauration d’une égale participation des femmes et des hommes à la vie politique, économique, sociale, culturelle, civile ou autre. Le Comité considère que l’application de ces mesures n’est pas tant une exception à la règle de la non‑discrimination, qu’une façon de souligner que les mesures temporaires spéciales font partie intégrante de la stratégie que les États parties doivent adopter pour instaurer l’égalité de fait ou réelle entre les sexes en ce qui concerne l’exercice des libertés et des droits fondamentaux. Alors que les mesures temporaires spéciales sont souvent un moyen de remédier aux effets de la discrimination passée à l’égard des femmes, l’obligation que la Convention fait aux États parties d’améliorer la condition de la femme pour instaurer l’égalité de fait ou réelle avec les hommes existe indépendamment de toute preuve de discrimination passée. Le Comité estime que l’adoption et l’application par les États parties des mesures visées dans la Convention n’ont pas pour objet d’imposer une discrimination aux hommes.

19.Les États parties devraient distinguer clairement les mesures temporaires spéciales visées au paragraphe 1 de l’article 4 pour accélérer la réalisation d’un objectif concret en faveur des femmes, à savoir leur égalité de fait ou réelle, des autres politiques sociales générales adoptées pour améliorer la situation des femmes et des filles. Toutes les mesures qui sont potentiellement favorables aux femmes ou qui le seront effectivement ne sont pas des mesures temporaires spéciales. Les conditions générales instaurées pour garantir aux femmes et aux filles l’exercice de leurs droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels et les conditions d’une vie digne et exempte de discrimination ne peuvent être qualifiés de mesures temporaires spéciales.

20.Le paragraphe 1 de l’article 4 qualifie explicitement de «temporaires» les mesures spéciales. Elles ne doivent pas être considérées comme nécessaires à tout jamais, même si leur caractère « temporaire » peut, dans les faits, se traduire par une application de très longue durée. Cette durée devrait être déterminée sur la base des résultats de la mesure en réponse à un problème concret et en fonction de délais prédéterminés. Les mesures en question peuvent être rapportées dès que le résultat escompté a été obtenu depuis un certain temps.

21.Le terme «spéciales», bien que conforme à la terminologie des droits de l’homme, doit aussi être expliqué en détail. Qualifiant des mesures applicables aux femmes et autres groupes faisant l’objet d’une discrimination, il donne à entendre souvent qu’il s’agit de personnes faibles et vulnérables qui ont besoin de mesures supplémentaires ou «spéciales» pour vivre dans la société en participantes ou en concurrentes. Toutefois, dans la formule du paragraphe 1 de l’article 4, le terme est employé pour préciser que les mesures dont il s’agit sont prises aux fins de la réalisation d’un objectif particulier.

22.Le terme «mesures» couvre un large éventail de politiques, de pratiques et d’instruments législatifs, exécutifs, administratifs et réglementaires, comme les programmes de solidarité ou d’assistance, l’affectation et/ou la redistribution de ressources, le traitement préférentiel, le recrutement, l’embauche et la promotion ciblés, les objectifs chiffrés assortis de délais, et les contingentements. Le choix d’une «mesure» particulière dépend du contexte dans lequel le paragraphe 1 de l’article 4 est appliqué et de l’objectif particulier qu’il s’agit d’atteindre.

23.L’adoption et l’application de mesures temporaires spéciales peuvent donner lieu à controverse quant aux qualifications et aux mérites du groupe ou des personnes concernés, et alimenter l’argumentation à l’encontre du traitement préférentiel accordé aux femmes, censées être moins qualifiées que les hommes dans des domaines tels que la politique, l’éducation et l’emploi. Étant donné que les mesures temporaires spéciales ont pour objectif d’accélérer l’instauration de l’égalité de fait ou réelle, il importe de réexaminer soigneusement la question des qualifications et du mérite du point de vue de la discrimination fondée sur le sexe, notamment en ce qui concerne l’emploi dans les secteurs public et privé, car cette question est circonscrite de déterminations normatives et culturelles. En ce qui concerne la nomination, la sélection ou l’élection de candidats à des fonctions politiques ou à des charges publiques, des facteurs autres que les qualifications et le mérite peuvent également jouer un rôle, en particulier le respect des règles démocratiques et le choix des électeurs.

24.Le paragraphe 1 de l’article 4, interprété à la lumière des articles 1, 2, 3, 5 et 24, doit aussi s’appliquer compte tenu des articles 6 à 16, qui prévoient que les États parties prendront «toutes les mesures appropriées». En conséquence, le Comité estime que les États parties sont tenus par ces articles d’adopter et d’appliquer des mesures temporaires spéciales quand ces mesures se révèlent indispensables et appropriées pour accélérer l’instauration de la pleine égalité de fait ou réelle des femmes, qu’il s’agisse d’un objectif général ou d’un objectif particulier.

IV. RECOMMANDATIONS AUX ÉTATS PARTIES

25.Dans leurs rapports, les États parties devraient faire figurer des informations sur l’adoption, ou l’absence d’adoption, de mesures temporaires selon le paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et utiliser de préférence l’expression «mesures temporaires spéciales» pour éviter toute confusion.

26.Les États parties devraient distinguer clairement les mesures temporaires spéciales visant à accélérer la réalisation d’un objectif concret s’agissant de l’égalité de fait ou réelle des femmes, et les autres politiques sociales de caractère général mises en œuvre pour améliorer la condition de la femme et des filles. Ils devraient se rappeler que toutes les mesures qui sont potentiellement ou effectivement favorables aux femmes ne sont pas nécessairement des mesures temporaires spéciales.

27.Les États parties devraient analyser le contexte dans lequel s’inscrit la condition féminine dans toutes les sphères de la vie, ainsi que dans les domaines particuliers qui visent les mesures temporaires spéciales pour accélérer l’instauration de l’égalité de fait ou réelle. Ils devraient évaluer l’effet potentiel de ces mesures au regard d’un objectif particulier dans le contexte national et adopter celles qu’ils estiment les plus propres à accélérer l’instauration de l’égalité de fait ou réelle des femmes.

28.Les États parties devraient expliquer pourquoi ils choisissent tel type de mesure plutôt que tel autre. La justification de leur choix devrait inclure une description détaillée de la situation concrète des femmes, notamment les circonstances et les facteurs qui conditionnent leur vie et les possibilités qui s’offrent à elles − ou celles d’un groupe particulier de femmes soumises à divers types de discrimination − et la position que l’État partie entend adopter pour améliorer au plus vite cette situation par l’application des mesures considérées. Le lien existant entre celles‑ci et les mesures et les efforts d’ensemble engagés pour améliorer la condition féminine devrait être précisé.

29.Les États parties devraient expliquer pourquoi, le cas échéant, ils n’ont pas adopté de mesures temporaires spéciales. Pour justifier cette omission, il ne leur suffit pas d’invoquer l’impuissance, ni d’expliquer leur inertie par la puissance des forces du marché ou des forces politiques, celles par exemple qui caractérisent le secteur privé, les associations et les partis politiques. Ils se souviendront qu’en vertu de l’article 2 de la Convention, qui doit être interprété à la lumière de tous les autres articles, c’est à l’État partie qu’incombe la responsabilité de ce que font ces divers intervenants.

30.Les États parties peuvent rendre compte au titre de plusieurs articles des mesures temporaires spéciales qu’ils appliquent. En vertu de l’article 2, ils sont invités à rendre compte des fondements juridiques ou autres de l’application de ces mesures et à justifier le choix de tel ou tel angle d’approche. Ils sont aussi invités à fournir des détails sur la législation prévoyant éventuellement des mesures temporaires spéciales, en précisant si elle est de nature contraignante ou d’application volontaire.

31.Les États parties devraient inscrire la possibilité d’adopter des mesures temporaires spéciales dans leur constitution ou législation nationale. Le Comité rappelle aux États parties qu’un texte législatif − loi générale interdisant la discrimination, loi sur l’égalité des chances, décret sur l’égalité des femmes... − peut fournir des orientations quant au type de mesures temporaires spéciales à adopter pour atteindre un objectif défini ou plusieurs dans des domaines donnés. Les législations sur l’emploi ou l’éducation peuvent également donner ce genre d’orientation. Les lois fixant expressément l’interdiction de la discrimination et arrêtant les mesures temporaires spéciales devraient également s’appliquer aux acteurs publics ainsi qu’aux associations et entreprises privées.

32.Le Comité appelle l’attention des États parties sur le fait que les mesures temporaires spéciales peuvent également être fondées sur les décrets, les directives de politiques générales ou les circulaires administratives que les organes nationaux, régionaux ou locaux du pouvoir exécutif appliquent aux secteurs publics de l’emploi et de l’éducation. Elles peuvent notamment concerner la fonction publique, la sphère politique ainsi que les secteurs privés de l’emploi et de l’éducation. Il fait aussi remarquer aux États parties que ces mesures peuvent être négociées entre les partenaires sociaux du secteur privé ou public de l’emploi, ou être appliquées volontairement par les entreprises, les associations et institutions publiques ou privées et les partis politiques.

33.Le Comité réaffirme la nécessité de concevoir des programmes de mesures temporaires spéciales, d’en assurer le suivi et d’en évaluer les résultats compte tenu du contexte national particulier et de la spécificité du problème qu’il s’agissait de régler. Il recommande aux États parties de fournir dans leurs rapports des détails sur tout plan d’action visant à favoriser l’accès des femmes à certaines catégories professionnelles pour qu’elles y soient représentées, à redistribuer les ressources et les responsabilités dans certains domaines ou à amorcer un changement institutionnel afin de mettre un terme à la discrimination, passée ou présente, et accélérer l’instauration de l’égalité de fait. Les rapports devraient également expliquer si les plans d’action prévoient l’examen des effets secondaires indésirables qui résulteraient éventuellement des mesures et les moyens qui pourraient être mis en œuvre pour en protéger les femmes. Les États parties devraient également décrire dans leurs rapports les résultats des mesures temporaires spéciales et évaluer les causes de tout échec éventuel de ces mesures.

34.En vertu de l’article 3, les États parties sont invités à faire rapport sur l’institution ou les institutions chargées de concevoir, exécuter, suivre, évaluer et faire appliquer les mesures temporaires spéciales. Cette responsabilité peut incomber à des institutions nationales déjà en place ou envisagées, par exemple les ministères de la condition de la femme, le département ministériel chargé de la condition féminine ou les services de la présidence, les médiateurs, les juridictions ou autres entités institutionnelles publiques ou privées expressément chargées de suivre l’application des mesures et d’en évaluer les effets et les résultats. Le Comité recommande que les États parties veillent à ce que l’ensemble des femmes, et les groupes de femmes concernés en particulier, soient associés à la conception, à l’exécution et à l’évaluation de ces plans d’action. Il est particulièrement recommandé de collaborer avec la société civile et les organisations non gouvernementales représentant divers groupes de femmes et de les consulter.

35.Le Comité rappelle et réaffirme sa recommandation no 9 relative aux données statistiques sur la condition de la femme et recommande que les États parties fournissent des données ventilées par sexe pour mesurer les progrès de l’égalité de fait ou réelle et l’efficacité des mesures temporaires spéciales.

36.Les États parties devraient faire rapport sur le type de mesures temporaires spéciales qu’ils ont prises dans des domaines particuliers en application d’un article ou de plusieurs articles de la Convention. Pour chaque article, ils devraient indiquer les objectifs concrets visés, les échéances et l’institution chargée de suivre l’application des mesures et d’évaluer les progrès accomplis, et expliquer pourquoi c’est cette institution qui a été choisie. Ils sont également priés de fournir des données chiffrées sur les femmes concernées par une mesure donnée, sur celles qui auront pu accéder ou participer aux activités d’un domaine particulier grâce à cette mesure ou sur le montant des ressources et l’importance des responsabilités ainsi redistribuées, en précisant le nombre de femmes concernées et les délais.

37.Le Comité réaffirme ses recommandations générales nos 5, 8 et 23, dans lesquelles il préconise l’application de mesures temporaires spéciales en faveur des femmes dans les domaines de l’éducation, de l’économie et de l’emploi, dans la vie politique − y compris la représentation de leur pays à l’échelon international et dans les organisations internationales − et dans la vie publique. Les États parties devraient renforcer, dans leur contexte national, leur action en ce sens, en ce qui concerne notamment l’éducation sous tous ses aspects et tous les niveaux de la formation, de l’emploi et de la représentation dans la vie publique et politique. Le Comité rappelle que dans tous les cas, mais surtout dans le domaine de la santé, les États parties devraient faire nettement la distinction entre les mesures constantes et permanentes et les mesures de nature temporaire.

38.Il est rappelé aux États parties que les mesures temporaires spéciales doivent être appliquées pour faire rapidement évoluer ou disparaître les pratiques culturelles, les attitudes et les comportements stéréotypés qui sont discriminatoires à l’égard des femmes ou qui les défavorisent. Elles devraient d’autre part s’appliquer dans le domaine du crédit et des prêts, dans ceux des sports, de la culture et des loisirs et dans le cadre des programmes d’initiation aux réalités juridiques. Le cas échéant, elles devraient viser les femmes soumises à divers types de discrimination, notamment les femmes des zones rurales.

39.Même s’il est impossible de prévoir des mesures temporaires spéciales au titre de chaque article de la Convention, le Comité recommande d’envisager d’en adopter chaque fois qu’il s’agit d’accélérer la participation des femmes à égalité avec les hommes et la redistribution des responsabilités et des ressources, dans tous les cas où elles s’avèrent nécessaires et quand les circonstances y engagent.

V. OBSERVATION GÉNÉRALE ADOPTÉE PAR LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE

À sa seizième session, le Comité contre la torture a décidé, le 10 mai 1996, de constituer un groupe de travail chargé d’examiner les questions liées aux articles 3 et 22 de la Convention. Le Comité avait constaté que la plupart des communications de particuliers reçues au cours des dernières années au titre de l’article 22 de la Convention portaient sur des affaires de personnes sous le coup d’une décision d’expulsion, de refoulement ou d’extradition affirmant risquer d’être soumises à la torture en cas d’expulsion, de refoulement ou d’extradition. Le Comité a estimé que des directives devaient être adressées aux États parties et aux auteurs de communications pour les aider à appliquer correctement les dispositions de l’article 3 dans le contexte de la procédure prévue à l’article 22 de la Convention. Le 21 novembre 1997, le Comité a adopté l’Observation générale sur l’application de l’article 3 dans le contexte de l’article 22 de la Convention (A/53/44, par. 258).

Seizième session (1996)*

Observation générale n o  1: Application de l’article 3 de la Convention contre la torture (Refoulement) dans le contexte de l’article 22 (Communications)

Compte tenu des dispositions du paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention, qui dispose que «le Comité examine les communications reçues en vertu de l’article 22 en tenant compte de toutes les informations qui lui sont soumises par ou pour le compte du particulier et par l’État partie intéressé»,

Compte tenu des implications des dispositions du paragraphe 3 de l’article 111 du Règlement intérieur (CAT/C/3/Rev.2), et

Compte tenu de la nécessité de disposer de directives précises pour l’application de l’article 3, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 22,

À sa dix‑neuvième session, le Comité contre la torture a adopté, à sa 317e séance, le 21 novembre 1997, l’Observation générale ci‑après devant guider les États parties et les auteurs de communications:

1.L’article 3 s’applique uniquement dans les cas où il y a des motifs sérieux de croire que l’auteur d’une communication risque d’être soumis à la torture telle qu’elle est définie à l’article premier de la Convention.

2.Le Comité est d’avis qu’à l’article 3 l’expression «autre État» désigne l’État vers lequel la personne concernée va être expulsée, refoulée ou extradée aussi bien que tout État vers lequel l’auteur peut être expulsé, refoulé ou extradé ultérieurement.

3.En application de l’article premier de la Convention, le critère énoncé au paragraphe 2 de l’article 3, à savoir l’existence «d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives», vise uniquement les violations commises par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite.

Recevabilité

4.Le Comité est d’avis que c’est à l’auteur qu’il incombe d’établir qu’à première vue sa communication est recevable au titre de l’article 22 de la Convention, en remplissant chacune des conditions énoncées à l’article 107 du Règlement intérieur.

Examen au fond

5.Pour ce qui est de l’application de l’article 3 de la Convention à l’examen d’un cas quant au fond, c’est à l’auteur qu’il incombe de présenter des arguments défendables. En d’autres termes, sa position doit être étayée par des faits suffisamment solides pour qu’une réponse de l’État partie soit nécessaire.

6.Étant donné que l’État partie et le Comité sont tenus de déterminer s’il y a des motifs sérieux de croire que l’auteur risque d’être soumis à la torture s’il est expulsé, refoulé ou extradé, l’existence d’un tel risque doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable.

7.L’auteur doit prouver qu’il risque d’être soumis à la torture et que les motifs de croire que ce risque existe sont aussi sérieux qu’il est décrit plus haut et que le risque est encouru personnellement et actuellement. Chacune des deux parties peut soumettre toute information pertinente à l’appui de ses affirmations.

8.Les éléments suivants, qui ne constituent pas une liste exhaustive d’indicateurs applicables, seront pris en compte:

a)Y a‑t‑il dans l’État intéressé des preuves de l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives (voir par. 2 de l’article 3)?

b)L’auteur a‑t‑il été torturé ou maltraité dans le passé par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite? Dans l’affirmative, s’agit‑il d’un passé récent?

c)Existe‑t‑il des éléments de preuve de nature médicale ou d’autres éléments de preuve de sources indépendantes à l’appui des allégations de l’auteur qui affirme avoir été torturé ou maltraité dans le passé? La torture a‑t‑elle laissé des séquelles?

d)La situation visée à l’alinéa a ci‑dessus a‑t‑elle changé? La situation interne en ce qui concerne les droits de l’homme a‑t‑elle changé?

e)L’auteur s’est‑il livré, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’État intéressé, à des activités politiques qui font qu’il court un risque particulier d’être soumis à la torture s’il est renvoyé, refoulé ou extradé dans l’État en question?

f)Existe‑t‑il des preuves de la crédibilité de l’auteur?

g)Existe‑t‑il des incohérences factuelles dans ce que l’auteur affirme? Si tel est le cas, ont‑elles une incidence sur le fond?

9.Étant donné que le Comité contre la torture n’est pas un organe d’appel ni un organe juridictionnel ou administratif, mais qu’il est un organe de surveillance créé par les États parties à la Convention eux-mêmes, doté uniquement de pouvoirs déclaratoires:

a)Le Comité accordera un poids considérable, dans l’exercice de ses compétences en application de l’article 3 de la Convention, aux constatations de fait des organes de l’État partie intéressé; toutefois,

b)Le Comité contre la torture n’est pas lié par de telles constatations et est, au contraire, habilité, en vertu du paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention, à apprécier librement les faits en se fondant sur l’ensemble des circonstances de chaque affaire.

Trente-neuvième session (2007)

Observation générale n o  2: Application de l’article 2 par les États parties

I. INTRODUCTION

1.La présente Observation générale porte sur les trois paragraphes de l’article 2, dont chacun expose des principes fondamentaux distincts mais interdépendants qui étayent l’interdiction absolue de la torture énoncée dans la Convention. Depuis l’adoption de la Convention, le caractère absolu et intangible de cette interdiction s’est progressivement inscrit dans le droit international coutumier. Les dispositions de l’article 2 renforcent cette norme impérative et constituent la base juridique sur laquelle le Comité se fonde pour mettre en œuvre des moyens efficaces de prévention, y compris, mais sans s’y limiter, les mesures énoncées dans les articles 3 à 16 compte tenu de l’évolution des menaces, problèmes et pratiques.

2.Les dispositions du paragraphe 1 de l’article 2 obligent chaque État à prendre des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres qui renforceront l’interdiction de la torture et doivent, en fin de compte, être efficaces pour prévenir les actes de torture. Pour que soient effectivement prises des mesures réputées empêcher les actes de torture ou les réprimer, la Convention énonce dans les articles suivants les obligations de l’État partie en la matière.

3.L’obligation de prévenir la torture consacrée à l’article 2 est de portée large. Cette obligation et celle de prévenir les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ci‑après «mauvais traitements»), énoncée au paragraphe 1 de l’article 16, sont indissociables, interdépendantes et intimement liées. Dans la pratique, l’obligation de prévenir les mauvais traitements recoupe celle d’empêcher que des actes de torture ne soient commis et lui est dans une large mesure équivalente. En identifiant les moyens de prévenir les mauvais traitements, l’article 16 met l’accent «en particulier» sur les mesures énoncées aux articles 10 à 13, mais sans s’y limiter, comme l’a expliqué le Comité, par exemple, à propos de l’indemnisation visée à l’article 14. Dans la pratique, la ligne de démarcation entre les mauvais traitements et la torture est souvent floue. L’expérience montre que les circonstances qui sont à l’origine de mauvais traitements ouvrent souvent la voie à la torture; les mesures requises pour empêcher la torture doivent donc aussi s’appliquer à la prévention des mauvais traitements. C’est pourquoi le Comité a considéré que l’interdiction des mauvais traitements était elle aussi intangible en vertu de la Convention et que leur prévention devait être efficace et ne souffrir aucune exception.

4.Les États parties sont tenus de supprimer tous les obstacles, juridiques ou autres, qui empêchent l’élimination de la torture et des mauvais traitements et prendre des mesures positives effectives pour prévenir efficacement de telles pratiques et empêcher qu’elles ne se reproduisent. Ils sont également tenus d’effectuer un examen régulier de leur législation et de la mise en œuvre de la Convention et, si besoin est, de les améliorer, conformément aux observations finales du Comité et aux constatations adoptées au sujet de communications individuelles. Si les mesures prises par les États parties ne parviennent pas à éradiquer les actes de torture, la Convention impose de les réviser et/ou d’en adopter de nouvelles qui soient plus efficaces. De même, les mesures que le Comité considère comme efficaces et recommande d’adopter sont en constante évolution comme le sont aussi, malheureusement, les méthodes de torture et de mauvais traitements.

II. INTERDICTION ABSOLUE

5.Le paragraphe 2 de l’article 2 dispose que l’interdiction de la torture est absolue et qu’il est impossible d’y déroger. Il précise qu’aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, ne peut être invoquée par un État partie pour justifier la torture dans tout territoire sous sa juridiction. La Convention cite entre autres circonstances exceptionnelles l’état de guerre ou de menace de guerre, l’instabilité politique intérieure ou tout autre état d’exception. Cela inclut toute menace d’acte terroriste ou de crime violent ainsi que le conflit armé, international ou non international. Le Comité rejette catégoriquement la pratique profondément préoccupante consistant pour les États à tenter de justifier la torture ou les mauvais traitements par la nécessité de protéger la sécurité publique ou d’éviter une situation d’urgence, que ce soit dans les situations susmentionnées ou dans toute autre situation. Il rejette également l’invocation de motifs fondés sur la religion ou les traditions pour justifier une dérogation à cette interdiction absolue. Il considère qu’une amnistie ou tout autre obstacle juridique qui empêcherait que les auteurs d’actes de torture ou de mauvais traitements fassent rapidement l’objet de poursuites et de sanctions équitables, ou qui exprimerait une réticence à cet égard, violerait le principe d’intangibilité.

6.Le Comité rappelle à tous les États parties à la Convention qu’il leur est impossible de déroger aux obligations auxquelles ils ont souscrit en ratifiant la Convention. Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, il a précisé que les obligations énoncées aux articles 2 (selon lequel «aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, … ne peut être invoquée pour justifier la torture»), 15 (qui interdit d’invoquer des aveux obtenus sous la torture comme élément de preuve dans une procédure, si ce n’est contre l’auteur des actes de torture) et 16 (qui interdit les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants) doivent être respectées en toutes circonstances. Le Comité considère que les obligations énoncées dans les articles 3 à 15 s’appliquent indifféremment à la torture et aux mauvais traitements. Il reconnaît que les États parties peuvent choisir les mesures par lesquelles ils s’acquittent de ces obligations pour autant qu’elles soient efficaces et conformes à l’objet et au but de la Convention.

7.Le Comité considère également que la notion de «territoire sous sa juridiction», étroitement liée au principe d’intangibilité, s’entend de tout territoire ou établissement et doit être appliquée sans discrimination d’aucune sorte de manière à protéger quiconque, ressortissant ou non‑ressortissant, relève de droit ou de fait d’un État partie. Il souligne que l’obligation de l’État de prévenir la torture s’applique aussi à quiconque agit, de droit ou de fait, au nom de l’État partie ou en liaison avec lui ou encore à sa demande. Il est urgent que chaque État partie suive de près ses agents et quiconque agit à sa demande et repère tout acte de torture ou tout mauvais traitement résultant notamment de mesures antiterroristes et en rende compte au Comité, en lui indiquant les mesures prises pour enquêter sur les actes de cette nature, et les punir et les prévenir à l’avenir, en accordant une attention particulière à la responsabilité légale des auteurs directs et des supérieurs hiérarchiques, que les actes aient été commis à leur instigation ou avec leur consentement explicite ou tacite.

III. TENEUR DE L’OBLIGATION DE PRENDRE DES MESURES EFFICACES

8.Les États parties doivent ériger la torture en infraction passible de sanctions pénales. Pour cela, ils doivent se fonder à tout le moins sur la définition de la torture figurant à l’article premier de la Convention, et sur les dispositions de l’article 4.

9.Si la définition de la torture en droit interne est trop éloignée de celle énoncée dans la Convention, le vide juridique réel ou potentiel qui en découle peut ouvrir la voie à l’impunité. Dans certains cas, même si les termes utilisés sont les mêmes, le sens peut en être restreint par le droit interne ou par la jurisprudence; c’est pourquoi le Comité appelle chaque État partie à veiller à ce que toutes les branches de son gouvernement se conforment à la définition de la Convention pour définir les obligations de l’État. En même temps, le Comité reconnaît que les définitions de portée plus vaste inscrites dans les lois nationales servent également l’objet et le but de la Convention pour autant, à tout le moins, qu’elles contiennent les normes énoncées dans la Convention et qu’elles soient mises en œuvre conformément à ces normes. Il souligne en particulier que les critères d’intention et d’objectif énoncés à l’article premier ne supposent pas une analyse subjective des motivations de l’auteur et doivent être déterminés de manière objective compte tenu des circonstances. Il est essentiel d’enquêter et d’établir la responsabilité des personnes appartenant à la chaîne de commandement autant que celle des auteurs directs.

10.Le Comité reconnaît que la plupart des États parties identifient ou définissent certains actes comme des mauvais traitements dans leur Code pénal. Comparés aux actes de torture, les mauvais traitements peuvent différer par l’intensité de la douleur et des souffrances infligées et le fait qu’il ne doit pas nécessairement être prouvé qu’ils servent des fins illicites. Le Comité souligne que le fait d’engager des poursuites pour mauvais traitements seulement alors qu’il existe des éléments constitutifs de torture serait une violation de la Convention.

11.Le Comité estime que les États parties, en définissant une infraction de torture qui soit distincte des voies de fait ou d’autres infractions, serviront directement l’objectif général de la Convention qui consiste à prévenir la torture et les mauvais traitements. Le fait de nommer et de définir ce crime contribuera à la réalisation de l’objectif de la Convention, entre autres en appelant l’attention de chacun − notamment les auteurs, les victimes et le public − sur la gravité particulière du crime de torture. Le fait de codifier ce crime permettra également: a) de souligner la nécessité de prévoir un châtiment approprié qui tienne compte de la gravité de l’infraction, b) de renforcer l’effet dissuasif qu’a en soi l’interdiction de la torture, c) d’améliorer l’aptitude des fonctionnaires responsables à repérer l’infraction particulière de torture, et d) permettra au public, en lui en donnant les moyens, de surveiller et, si nécessaire, de contester l’action de l’État ou son inaction lorsque celle-ci viole la Convention.

12.L’examen des rapports successifs des États parties et des communications individuelles ainsi que le suivi des progrès enregistrés ont permis au Comité, dans ses observations finales, d’expliquer ce qu’il considérait comme des mesures efficaces, dont l’essentiel est exposé ici. Qu’il s’agisse des principes d’application générale énoncés à l’article 2 ou de l’interprétation de certains articles de la Convention, le Comité a recommandé aux États parties des actions concrètes qui visent à les aider à adopter rapidement et efficacement les mesures nécessaires et adaptées pour prévenir la torture et les mauvais traitements et, partant, à rendre leur législation et leur pratique pleinement conformes à la Convention.

13.Certaines garanties fondamentales des droits de l’homme s’appliquent à toutes les personnes privées de liberté. Plusieurs sont précisées dans la Convention et le Comité demande systématiquement aux États parties de s’y reporter. Les recommandations du Comité au sujet des mesures efficaces visent à préciser sa position actuelle et ne sont pas exhaustives. Ces garanties comprennent, notamment, la tenue d’un registre officiel des détenus, le droit des détenus d’être informés de leurs droits, de bénéficier promptement d’une assistance juridique et médicale indépendante ainsi que de prendre contact avec leur famille, la nécessité de mettre en place des mécanismes impartiaux pour l’inspection des lieux de détention et d’internement, et la possibilité pour les détenus et les personnes qui risquent d’être victimes d’actes de torture et de mauvais traitements d’avoir accès à des recours judiciaires et autres qui leur permettent de bénéficier rapidement d’un examen impartial de leur plainte, de défendre leurs droits et de contester la légalité de leur détention ou de leur traitement.

14.Depuis l’entrée en vigueur de la Convention, l’expérience a renforcé la connaissance qu’a le Comité de la portée et de la nature de l’interdiction de la torture, des méthodes de torture, des situations dans lesquelles ces actes se produisent ainsi que de l’évolution des mesures efficaces pour prévenir la torture dans différents contextes. Par exemple, le Comité a souligné l’importance du fait que les gardiens soient du même sexe que les détenus afin de protéger l’intimité des personnes. À mesure que de nouvelles méthodes de prévention (par exemple, l’enregistrement vidéo de tous les interrogatoires, l’utilisation de procédures d’enquête telles que celles proposées dans le Protocole d’Istanbul de 1999 ou de nouvelles méthodes d’éducation du public ou de protection des mineurs) sont découvertes, mises en œuvre et jugées efficaces, l’article 2 permet de s’appuyer sur les autres articles et d’élargir le champ des mesures requises pour prévenir la torture.

IV. PORTÉE DES OBLIGATIONS ET DE LA RESPONSABILITÉ DE L’ÉTAT

15.La Convention impose des obligations aux États parties et non aux particuliers. La responsabilité internationale des États est engagée par les actes ou omissions de leurs fonctionnaires et de leurs agents, ainsi que de toute personne agissant à titre officiel, au nom de l’État ou en liaison avec celui-ci, sous sa direction ou son contrôle, ou encore au nom de la loi. En conséquence, chaque État partie doit interdire, prévenir et réparer les actes de torture et mauvais traitements dans toutes les situations de garde ou de surveillance, notamment dans les prisons, les hôpitaux, les écoles, les institutions chargées de la protection de l’enfance, des personnes âgées, des malades mentaux ou des handicapés, et autres institutions, dans le cadre du service militaire ainsi que dans les situations dans lesquelles la non-intervention des autorités renforce et accroît le risque que des individus portent atteinte à autrui. Toutefois, la Convention ne restreint pas la responsabilité internationale encourue, en vertu du droit international coutumier et d’autres traités, par les États ou les particuliers qui commettent un acte de torture ou infligent des mauvais traitements.

16.Le paragraphe 1 de l’article 2 impose à tout État partie de prendre des mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture ne soient commis non seulement sur son propre territoire mais aussi «dans tout territoire sous sa juridiction». Le Comité considère que le «territoire» s’étend à toutes les régions sur lesquelles l’État partie exerce de fait ou de droit, directement ou indirectement, en tout ou en partie, un contrôle effectif, conformément au droit international. Il considère que la référence à «tout territoire», à l’article 2 comme aux articles 5, 11, 12, 13 et 16, concerne les infractions commises, non seulement à bort d’un navire ou d’un aéronef immatriculé sur le registre d’un État partie, mais aussi pendant une occupation militaire ou des opérations de maintien de la paix et dans des lieux tels qu’une ambassade, une base militaire, des locaux de détention ou tout autre espace sur lequel un État partie exerce un contrôle effectif. Le Comité note qu’une telle interprétation renforce les dispositions du paragraphe 1 b) de l’article 5, qui imposent à tout État partie de prendre les mesures nécessaires pour établir sa compétence «quand l’auteur présumé de l’infraction est un ressortissant dudit État». Le Comité considère également que la notion de «territoire» à l’article 2 doit s’étendre en outre aux situations dans lesquelles l’État partie exerce, directement ou indirectement, de fait ou de droit, un contrôle sur des détenus.

17.Le Comité fait observer que les États parties sont tenus d’adopter des mesures efficaces pour empêcher que des agents publics ou toute autre personne agissant à titre officiel ne commettent personnellement des actes de torture tels qu’ils sont définis par la Convention, ne poussent ou n’incitent quiconque à les commettre, ne soient impliqués dans des actes de cette nature ou y participent, ou encore ne les encouragent ou n’y consentent. Les États parties sont donc tenus d’adopter des mesures efficaces pour empêcher que ces fonctionnaires ou autres agents de l’État agissant à titre officiel ou au nom de la loi ne donnent leur consentement exprès ou tacite à tout acte de torture. Le Comité a conclu que lorsqu’ils manquent à ces obligations, les États parties contreviennent à la Convention. Par exemple, lorsqu’un centre de détention est géré ou détenu par une entreprise privée, le Comité considère que ses personnels agissent à titre officiel en ce sens qu’ils se substituent à l’État en s’acquittant des obligations qui lui incombent et qu’ils ne sont pas dispensés de l’obligation qui incombe aux agents de l’État d’être vigilants et de prendre toutes mesures efficaces pour prévenir la torture et les mauvais traitements.

18.Le Comité a clairement indiqué que si les autorités de l’État ou toute autre personne agissant à titre officiel ou au nom de la loi savent ou ont des motifs raisonnables de penser que des actes de torture ou des mauvais traitements sont infligés par des acteurs non étatiques ou du secteur privé et n’exercent pas la diligence voulue pour prévenir de tels actes, mener une enquête ou engager une action contre leurs auteurs afin de les punir conformément à la Convention, l’État partie est tenu pour responsable et ses agents devraient être considérés comme les auteurs, les complices ou les responsables d’une quelconque autre manière, en vertu de la Convention, pour avoir consenti, expressément ou tacitement, à la commission d’actes interdits. Le fait que l’État n’exerce pas la diligence voulue pour mettre un terme à ces actes, les sanctionner et en indemniser les victimes a pour effet de favoriser ou de permettre la commission, en toute impunité, par des agents non étatiques, d’actes interdits par la Convention, l’indifférence ou l’inaction de l’État constituant une forme d’encouragement et/ou de permission de fait. Le Comité a appliqué ce principe lorsque les États parties n’ont pas empêché la commission de divers actes de violence à motivation sexiste, dont le viol, la violence dans la famille, les mutilations génitales féminines et la traite des êtres humains, et n’ont pas protégé les victimes.

19.En outre, dans les cas où un individu doit être transféré ou dirigé à des fins de garde ou de surveillance vers une personne ou une institution, publique ou privée, dont on sait qu’elle a été impliquée dans des actes de torture ou des mauvais traitements ou qu’elle n’a pas mis en place de garanties suffisantes, l’État est tenu pour responsable, et ses agents passibles de sanctions pour avoir ordonné ce transfert, l’avoir autorisé ou y avoir participé, ce qui constitue un manquement de l’État à son obligation d’adopter des mesures efficaces pour empêcher, conformément au paragraphe 1 de l’article 2, que des actes de torture ne soient commis. Le Comité a dit sa préoccupation devant le fait que des États parties envoient des personnes dans des établissements de ce type au mépris des garanties requises par les articles 2 et 3.

V. PROTECTION DES INDIVIDUS ET DES GROUPES RENDUS VULNÉRABLES PAR LA DISCRIMINATION OU LA MARGINALISATION

20.Le principe de non-discrimination, qui est un principe général de base en matière de protection des droits de l’homme, est fondamental pour l’interprétation et l’application de la Convention. Il est inscrit dans la définition même de la torture énoncée au paragraphe 1 de l’article premier de la Convention, qui interdit expressément certains actes lorsque ceux-ci sont commis «pour tout motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit…». Le Comité met l’accent sur le fait que le recours discriminatoire à des violences ou à des mauvais traitements mentaux ou physiques est un critère important permettant de conclure à l’existence d’un acte de torture.

21.La protection de certaines personnes ou populations minoritaires ou marginalisées particulièrement exposées au risque de torture fait partie de l’obligation qui incombe à l’État de prévenir la torture et les mauvais traitements. Pour s’acquitter de leurs obligations en vertu de la Convention, les États parties doivent veiller à ce que leurs lois soient dans la pratique appliquées à tous, sans distinction fondée sur la race, la couleur, l’origine ethnique, l’âge, la croyance ou l’appartenance religieuse, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, le sexe, les préférences sexuelles, l’identité transgenre, un handicap mental ou autre, l’état de santé, la situation économique ou la condition d’autochtone, le motif pour lequel la personne est détenue, y compris les personnes accusées d’avoir commis des infractions politiques ou des actes de terrorisme, les demandeurs d’asile, les réfugiés ou toute autre personne placée sous protection internationale, ou sur toute autre condition ou particularité. Les États parties devraient en conséquence garantir la protection des membres de groupes particulièrement exposés à la torture, en poursuivant et en punissant les auteurs de tous les actes de violence ou mauvais traitements à l’encontre de ces personnes et en veillant à la mise en œuvre d’autres mesures positives de prévention et de protection, y compris, mais sans s’y limiter, celles énoncées plus haut.

22.Les rapports des États parties ne fournissent généralement pas assez d’informations précises sur la mise en œuvre de la Convention à l’égard des femmes. Des données ventilées par sexe − croisées avec d’autres données personnelles telles que la race, la nationalité, la religion, les préférences sexuelles, l’âge ou encore le statut d’immigré − sont cruciales pour déterminer dans quelle mesure les femmes et les filles sont soumises ou exposées à la torture et aux mauvais traitements et quelles en sont les conséquences. Les situations dans lesquelles les femmes sont exposées à un risque incluent la privation de liberté, les traitements médicaux, en particulier en cas de décisions concernant la procréation, et les violences exercées en privé, dans la communauté ou au foyer. Les hommes sont eux aussi victimes de violations de la Convention qui visent en général les femmes, notamment de viols et de violences et atteintes sexuelles. Les hommes comme les femmes, adultes ou enfants, peuvent être victimes de violations de la Convention en raison de leur non-respect − réel ou supposé − du rôle dévolu à leur sexe par la société. Les États parties sont tenus de faire le point sur ces actes discriminatoires et d’exposer dans leurs rapports les mesures prises pour les empêcher et punir leurs auteurs.

23.Une évaluation régulière de la situation est donc indispensable pour que les mesures soient efficaces. Le Comité recommande systématiquement aux États parties de présenter dans leurs rapports des données ventilées par âge, sexe et autres facteurs clefs afin qu’il puisse évaluer de manière appropriée la mise en œuvre de la Convention. Ces données permettent aux États parties et au Comité de repérer l’existence de traitements discriminatoires qui pourraient passer inaperçus et ne susciter aucune réaction, de procéder à des comparaisons et de prendre des mesures pour y remédier. Il est demandé aux États parties de décrire, dans la mesure du possible, les facteurs qui influent sur l’incidence et la prévention de la torture et des mauvais traitements, ainsi que les difficultés rencontrées dans le cadre de la prévention de la torture et des mauvais traitements dont sont victimes des groupes particuliers de la population dont il y a lieu de se préoccuper tels que les minorités, les victimes de la torture, les enfants et les femmes, en tenant compte des diverses formes que ces actes peuvent prendre.

24.Il est fondamental d’éliminer la discrimination dans l’emploi et d’organiser régulièrement des activités de sensibilisation dans les cas où des actes de torture ou des mauvais traitements risquent d’être commis si l’on veut prévenir ce type de violations et instaurer des attitudes de respect à l’égard des femmes et des minorités. Les États sont encouragés à promouvoir l’embauche de membres de minorités et de femmes, en particulier dans les domaines de la santé et de l’éducation, dans les prisons et les lieux de détention, dans la police ainsi que dans les professions judiciaires et juridiques, et ce au sein des institutions tant publiques que privées. Les États parties devraient rendre compte dans leurs rapports des progrès enregistrés en la matière, en présentant des données ventilées par sexe, race, origine nationale ou autre caractéristique pertinente.

VI. AUTRES MESURES DE PRÉVENTION REQUISES DANS LA CONVENTION

25.Les articles 3 à 15 de la Convention définissent les mesures de prévention spécifiques que les États parties ont jugées essentielles pour prévenir la torture et les mauvais traitements, notamment en cas de garde à vue ou de détention. Le Comité insiste sur le fait que l’obligation de prendre des mesures de prévention efficaces va au-delà des éléments énumérés expressément dans la Convention ou des exigences énoncées dans la présente observation générale. Par exemple, il est important que l’ensemble de la population soit sensibilisé à l’histoire, à la portée et à la nécessité de l’interdiction intangible de la torture et des mauvais traitements et que les agents des services de répression, notamment, apprennent à repérer et à prévenir les actes de torture et les mauvais traitements. De la même façon, fort d’une longue expérience de l’examen et de l’évaluation de rapports d’États ayant trait à la torture et aux mauvais traitements infligés par les autorités d’un État ou sanctionnés par elles, le Comité souligne qu’il importe d’adapter les modalités de surveillance de la torture et des mauvais traitements aux situations où la violence est infligée dans la sphère privée. Les États parties devraient veiller à faire figurer dans leurs rapports au Comité des informations détaillées sur la mise en œuvre des mesures de prévention, ventilées par catégorie pertinente.

VII. ORDRES D’UN SUPÉRIEUR

26.Le fait qu’il est impossible de déroger à l’interdiction de la torture s’appuie sur le principe ancien consacré au paragraphe 3 de l’article 2, selon lequel l’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique ne peut jamais être invoqué pour justifier la torture. Ainsi, un subordonné ne peut se retrancher derrière un supérieur hiérarchique et doit être tenu pour responsable personnellement. Dans le même temps, les supérieurs hiérarchiques − y compris les agents de l’État − ne peuvent se soustraire à l’obligation de s’expliquer ni à leur responsabilité pénale pour des actes de torture ou des mauvais traitements commis par des subordonnés lorsqu’ils savaient ou auraient dû savoir que ceux-ci commettaient, ou étaient susceptibles de commettre, ces actes inadmissibles et qu’ils n’ont pas pris les mesures de prévention raisonnables qui s’imposaient. Le Comité juge primordial qu’une enquête en bonne et due forme soit menée par des autorités judiciaires et des autorités de poursuites compétentes, indépendantes et impartiales, sur les actes de torture ou les mauvais traitements commis à l’instigation d’un haut fonctionnaire ou avec son consentement exprès ou tacite, ou encore encouragés par lui, afin de déterminer sa responsabilité. Les personnes qui se refusent à exécuter ce qu’elles considèrent être un ordre illégitime ou qui coopèrent dans le cadre d’une enquête portant sur des actes de torture ou des mauvais traitements, commis notamment par des hauts fonctionnaires, doivent être protégées contre les représailles de toute nature.

27.Le Comité réaffirme que la présente Observation générale doit être considérée sans préjudice de tout instrument international ou texte de loi national offrant un degré de protection supérieur, pour autant qu’ils renferment, au minimum, les normes consacrées par la Convention.

VI. OBSERVATIONS GÉNÉRALES ADOPTÉES PAR LE COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Vingt ‑sixième session (2001)

Observation générale n o  1: Les buts de l’éducation

Sens du paragraphe 1 de l’article 29

1.Le paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention relative aux droits de l’enfant a une portée très large. Les objectifs de l’éducation qui y sont énoncés, auxquels ont adhéré tous les États parties, tendent à promouvoir, appuyer et protéger la valeur essentielle proclamée dans la Convention, soit la dignité humaine inhérente à chaque enfant, qui est doté de droits égaux et inaliénables. Ces buts, énoncés dans les cinq alinéas du paragraphe 1 de l’article 29 sont tous directement liés au respect de la dignité humaine et des droits de l’enfant, compte tenu des besoins spéciaux de l’enfant dans son développement et de ses diverses capacités d’évolution. Les buts sont le développement global du plein potentiel de l’enfant (par. 1 a) de l’article 29), y compris l’acquisition de la notion de respect des droits de l’homme (par. 1 b)), un sens profond de l’identité et de l’appartenance (par. 1 c)) et la socialisation et l’interaction avec autrui (par. 1 d)) et avec le milieu (par. 1 e)).

2.Les dispositions du paragraphe 1 de l’article 29 non seulement ajoutent au droit à l’éducation énoncé à l’article 28 une dimension qualitative reflétant les droits et la dignité inhérente de l’enfant, mais soulignent également clairement qu’il importe que l’éducation soit axée sur l’enfant, adaptée à ses besoins et autonomisante et sur le fait que les processus d’éducation doivent être fondés sur les principes mêmes qui y sont énoncés. L’éducation à laquelle chaque enfant a droit est une éducation qui vise à doter l’enfant des aptitudes nécessaires à la vie, à développer sa capacité à jouir de l’ensemble des droits de la personne et à promouvoir une culture imprégnée des valeurs appropriées relatives aux droits de l’homme. L’objectif est de développer l’autonomie de l’enfant en stimulant ses compétences, ses capacités d’apprentissage et ses autres aptitudes, son sens de la dignité humaine, l’estime de soi et la confiance en soi. Dans ce contexte, «l’éducation» dépasse de loin les limites de l’enseignement scolaire formel et englobe toute la série d’expériences de vie et des processus d’apprentissage qui permettent aux enfants, individuellement et collectivement, de développer leur propre personnalité, leurs talents et leurs capacités et de vivre une vie pleine et satisfaisante au sein de la société.

3.Le droit de l’enfant à l’éducation n’est pas seulement une question d’accès à l’éducation (art. 28), mais concerne également le contenu de l’éducation. L’éducation dont le contenu est fermement ancré dans les valeurs énoncées au paragraphe 1 de l’article 29 constituera pour chaque enfant un outil indispensable lui permettant d’apporter au cours de sa vie une réponse équilibrée et respectueuse des droits de l’homme aux défis liés à la période de changements fondamentaux dus à la mondialisation, aux nouvelles technologies et aux phénomènes connexes. Ces défis sont liés notamment aux antagonismes entre le mondial et le local, l’individuel et le collectif, la tradition et la modernité, les considérations à long et à court terme, la concurrence et l’égalité des chances, l’élargissement des connaissances et la capacité à les assimiler, et le spirituel et le matériel. Pourtant, dans les programmes et politiques nationaux et internationaux d’éducation qui occupent véritablement une place importante, les éléments énoncés au paragraphe 1 de l’article 29 semblent être trop souvent soit largement absents, soit ajoutés superficiellement pour la forme.

4.Conformément au paragraphe 1 de l’article 29, les États parties conviennent que l’éducation doit viser toute une série de valeurs. L’engagement ainsi pris dépasse les frontières des religions, des nations et des cultures qui sont établies dans de nombreuses régions du monde. À première vue, certaines des diverses valeurs énoncées au paragraphe 1 de l’article 29 pourraient sembler être en conflit les unes avec les autres dans certaines situations. Ainsi, le but qui consiste à promouvoir la compréhension, la tolérance et l’amitié entre tous les peuples, énoncé au paragraphe 1 d), peut ne pas être toujours automatiquement compatible avec les politiques visant, conformément au paragraphe 1 c), à inculquer à l’enfant le respect de son identité, de sa langue et de ses valeurs culturelles, ainsi que le respect des valeurs nationales du pays dans lequel il vit, du pays duquel il peut être originaire et des civilisations différentes de la sienne. En réalité, néanmoins, l’importance de cette disposition réside en partie précisément dans le fait qu’elle repose sur la nécessité d’une approche équilibrée de l’éducation, qui permette de concilier diverses valeurs grâce au dialogue et au respect de la différence. De plus, les enfants peuvent jouer un rôle privilégié dans la réconciliation d’un grand nombre de différences qui ont de longue date séparé les groupes de population les uns des autres.

Rôle du paragraphe 1 de l’article 29

5.Le paragraphe 1 de l’article 29 n’est pas qu’une simple énumération ou présentation des différents objectifs que l’éducation devrait permettre d’atteindre. Il sert à mettre en évidence, dans le contexte général de la Convention, les éléments décrits ci‑après.

6.Tout d’abord, ce paragraphe souligne le caractère nécessairement interdépendant des diverses dispositions de la Convention. Il repose sur toute une série d’autres dispositions, les renforce, les intègre et les complète et ne peut pas être interprété isolément de ces autres dispositions. Outre les principes généraux de la Convention − non‑discrimination (art. 2), intérêt supérieur de l’enfant (art. 3), droit à la vie, à la survie et au développement (art. 6) et droit de l’enfant d’exprimer des opinions et droit à ce qu’il en soit tenu compte (art. 12) −, un grand nombre d’autres dispositions peuvent être mentionnées, notamment, mais non pas seulement, celles qui concernent les droits et les responsabilités des parents (art. 5 et 18), la liberté d’expression (art. 13), la liberté de pensée (art. 14), le droit à l’information (art. 17), les droits des enfants handicapés (art. 23), le droit à l’éducation pour la santé (art. 24), le droit à l’éducation (art. 28) et les droits linguistiques et culturels des enfants appartenant à des groupes minoritaires (art. 30).

7.Les droits des enfants ne sont pas des valeurs séparées ou isolées privées de tout contexte, mais se situent dans un large cadre éthique qui est décrit en partie dans le paragraphe 1 de l’article 29 et dans le préambule de la Convention. Dans cette disposition se trouvent les réponses précises à un grand nombre des critiques qui ont été formulées à l’égard de la Convention. Ainsi, par exemple, l’article souligne l’importance du respect pour les parents, de la nécessité de considérer les droits dans leur cadre général éthique, moral, spirituel, culturel ou social et du fait que la plupart des droits des enfants, loin d’être imposés de l’extérieur, sont ancrés dans les valeurs des communautés locales.

8.Deuxièmement, une place importante est donnée dans l’article au processus de promotion du droit à l’éducation. Ainsi, les efforts visant à encourager l’exercice d’autres droits ne doivent pas être entravés mais doivent être encouragés grâce aux valeurs inculquées dans le cadre du processus d’éducation. Il s’agit à cet égard non seulement du contenu des programmes scolaires, mais également des processus d’éducation, des méthodes pédagogiques et du milieu dans lequel l’éducation est dispensée, qu’il s’agisse de la maison, de l’école ou d’un autre cadre. Les enfants ne sont pas privés de leurs droits fondamentaux du seul fait qu’ils franchissent les portes de l’école. Ainsi, par exemple, l’éducation doit être dispensée dans le respect de la dignité inhérente de l’enfant et doit permettre à l’enfant d’exprimer ses opinions librement conformément au paragraphe 1 de l’article 12 et de participer à la vie scolaire. L’éducation doit également être dispensée dans le respect des limites strictes de la discipline conformément au paragraphe 2 de l’article 28 et de façon à encourager la non‑violence dans le milieu scolaire. Le Comité a indiqué clairement à maintes reprises dans ses observations finales que le recours aux châtiments corporels allait à l’encontre du respect de la dignité inhérente de l’enfant et des limites strictes de la discipline scolaire. Le respect des valeurs énoncées au paragraphe 1 de l’article 29 suppose clairement que les établissements scolaires soient accueillants pour les enfants dans le plein sens du terme et qu’ils respectent à tous égards la dignité de l’enfant. Il importe d’encourager la participation des enfants à la vie scolaire, de créer des collectivités scolaires et des conseils d’élèves, de mettre en place des systèmes d’éducation et d’orientation par les pairs et de faire participer les enfants aux mesures de discipline scolaire, dans le cadre du processus d’apprentissage et d’expérimentation de la réalisation des droits.

9.Troisièmement, alors que l’article 28 vise les obligations des États parties pour ce qui est la mise en place de systèmes d’éducation et de la garantie de l’accès à l’éducation, le paragraphe 1 de l’article 29 souligne le droit individuel de chaque enfant à une qualité donnée d’éducation. Conformément à l’accent placé dans la Convention sur l’importance d’agir dans l’intérêt supérieur de l’enfant, cet article repose sur la notion d’éducation axée sur l’enfant, à savoir que l’objectif fondamental de l’éducation est le développement de la personnalité individuelle des dons et des aptitudes de l’enfant, reconnaissant le fait que chaque enfant a des caractéristiques, des intérêts, des aptitudes et des besoins d’apprentissage qui lui sont propres. En conséquence, les programmes scolaires doivent être pleinement adaptés au milieu social, culturel, environnemental et économique de l’enfant ainsi qu’à ses besoins présents et futurs et doivent être conçus en fonction de l’évolution des capacités de l’enfant; les méthodes d’enseignement doivent être adaptées aux différents besoins de chaque catégorie d’enfants. L’éducation doit également avoir pour but de veiller à ce que chaque enfant acquière les compétences essentielles à la vie et qu’aucun enfant n’achève sa scolarité sans avoir acquis les moyens de faire face aux défis auxquels il sera confronté au cours de sa vie. Les compétences essentielles ne se limitent pas à la capacité de lire, écrire et compter, mais consistent également en compétences propres à la vie, soit la capacité de prendre des décisions rationnelles, de résoudre les conflits de façon non violente et de suivre un mode de vie sain, d’établir des liens sociaux appropriés, de faire preuve du sens des responsabilités, d’une pensée critique, de créativité et d’autres aptitudes donnant aux enfants les outils leur permettant de réaliser leurs choix dans la vie.

10.La discrimination fondée sur toute considération visée à l’article 2 de la Convention, qu’elle soit déclarée ou dissimulée, est un affront à la dignité humaine de l’enfant et peut saper ou même anéantir ses moyens de bénéficier des possibilités d’éducation. Si le fait de refuser à un enfant l’accès aux possibilités d’éducation est une question relevant essentiellement de l’article 28 de la Convention, le non‑respect des principes énoncés au paragraphe 1 de l’article 29 peut de nombreuses façons avoir un effet analogue. À titre d’exemple extrême, la discrimination fondée sur le sexe peut être encore accrue par des pratiques telles que le non‑respect dans les programmes scolaires du principe de l’égalité entre les garçons et les filles, par des dispositions restreignant les bénéfices que les filles peuvent tirer des possibilités d’éducation offertes et par des conditions d’insécurité ou d’hostilité qui dissuadent les filles de poursuivre leur scolarité. La discrimination à l’encontre des enfants handicapés est également largement répandue dans de nombreux systèmes d’éducation institutionnalisés et dans un très grand nombre de cadres informels d’éducation, notamment dans les familles. Les enfants touchés par le VIH/sida sont également victimes d’une forte discrimination dans les deux cas. Toutes ces pratiques discriminatoires sont directement contraires aux dispositions du paragraphe 1 a) de l’article 29, selon lesquelles l’éducation doit viser à favoriser l’épanouissement de la personnalité de l’enfant et le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques dans toute la mesure de leurs potentialités.

11.Le Comité souligne également les liens existant entre les objectifs fixés au paragraphe 1 de l’article 29 et la lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée. Le racisme et les phénomènes qui y sont associés se développent surtout du fait de l’ignorance, des craintes infondées face aux différences raciales, ethniques, religieuses, culturelles, linguistiques et autres, de l’exploitation des préjugés ou de l’enseignement ou de la propagation de valeurs faussées. Un moyen fiable et durable de remédier à cet état de choses regrettable consiste à dispenser une éducation propre à promouvoir la compréhension et l’appréciation des valeurs énoncées au paragraphe 1 de l’article 29, notamment le respect des différences, et à lutter contre toutes les formes de discrimination et de préjugés. L’éducation doit donc faire l’objet d’une des plus hautes priorités dans toutes les campagnes de lutte contre les fléaux que sont le racisme et les phénomènes qui y sont associés. L’accent doit également être placé sur l’importance de l’enseignement concernant le racisme tel qu’il a existé au cours de l’histoire et en particulier tel qu’il se manifeste ou s’est manifesté au sein de certaines communautés. Le comportement raciste n’est pas le fait uniquement «des autres». C’est pourquoi il importe d’axer l’enseignement des droits de la personne et de l’enfant et du principe de la non‑discrimination sur la communauté à laquelle l’enfant appartient. Un tel enseignement peut contribuer efficacement à prévenir et à éliminer le racisme, la discrimination ethnique, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée.

12.Quatrièmement, le paragraphe 1 de l’article 29 met l’accent sur une approche holistique de l’éducation, visant à ce que les possibilités d’éducation offertes reflètent un équilibre approprié entre la promotion des aspects physiques, mentaux, spirituels et affectifs de l’éducation, des valeurs intellectuelles, sociales et concrètes et des aspects touchant l’enfance et la vie entière. L’objectif général de l’éducation est de développer au maximum le potentiel de l’enfant et de lui offrir un maximum de chances de participer pleinement et de façon responsable à la vie d’une société libre. Il convient de souligner que le type d’enseignement qui vise essentiellement à accumuler des connaissances, incitant à la rivalité et imposant une charge excessive de travail aux enfants risque d’entraver sérieusement le développement harmonieux de l’enfant dans toute la mesure de ses dons et de ses aptitudes. L’éducation doit être adaptée aux besoins de l’enfant, le stimuler et le motiver personnellement. Les établissements scolaires devraient favoriser un climat d’humanité et permettre aux enfants de s’épanouir selon l’évolution de leurs capacités.

13.Cinquièmement, le paragraphe 1 de l’article 29 met l’accent sur la nécessité de veiller à ce que l’éducation soit conçue et dispensée de façon à promouvoir et à renforcer toutes les valeurs éthiques particulières consacrées dans la Convention, notamment l’éducation pour la paix, la tolérance et le respect du milieu naturel, d’une façon intégrée et holistique. Il faudra à cette fin adopter une approche pluridisciplinaire. La promotion et le renforcement des valeurs énoncées au paragraphe 1 de l’article 29 sont non seulement nécessaires en raison des problèmes qui se posent dans d’autres domaines, mais doivent en priorité être axés sur les problèmes existant au sein de la communauté à laquelle l’enfant appartient. L’éducation à cet égard doit se faire au sein de la famille, mais les établissements scolaires et les communautés ont également un rôle important à jouer. Par exemple, pour inculquer le respect du milieu naturel, l’éducation doit souligner le lien qui existe entre les questions d’environnement et de développement durable et les questions économiques, socioculturelles et démographiques. De même, le respect du milieu naturel devrait être enseigné aux enfants dans la famille, à l’école et au sein de la communauté; les enfants devraient être initiés aux problèmes tant nationaux qu’internationaux et devraient pouvoir participer aux projets locaux, régionaux ou mondiaux concernant l’environnement.

14.Sixièmement, le paragraphe 1 de l’article 29 souligne le rôle vital des chances appropriées d’éducation dans la promotion de l’ensemble des droits de l’homme et dans la prise de conscience de leur caractère indissociable. L’aptitude de l’enfant à participer pleinement et de façon responsable à la vie d’une société libre peut être diminuée ou entravée non seulement si l’enfant est directement privé d’accès à l’éducation mais aussi si aucun effort n’est fait pour promouvoir la prise de conscience des valeurs consacrées dans cet article.

Éducation dans le domaine des droits de l’homme

15.Les dispositions du paragraphe 1 de l’article 29 peuvent également être considérées comme une source d’inspiration pour les divers programmes d’éducation dans le domaine des droits de l’homme préconisés par la Conférence mondiale sur les droits de l’homme tenue à Vienne en 1993 et encouragés par les institutions internationales. Toutefois, les droits de l’enfant n’ont pas toujours occupé la place centrale qu’ils doivent avoir dans le cadre de ces programmes. L’éducation dans le domaine des droits de l’homme devrait consister à faire connaître la teneur des instruments relatifs aux droits de l’homme. Néanmoins, les enfants devraient également faire l’apprentissage des droits de l’homme en constatant l’application dans la pratique des normes dans ce domaine, tant dans la famille qu’à l’école et au sein de la communauté. L’éducation dans le domaine des droits de l’homme devrait être un processus global s’étendant sur toute une vie et avoir pour point de départ la concrétisation des valeurs relatives aux droits de l’homme dans la vie quotidienne et l’apprentissage des enfants.

16.Les valeurs énoncées au paragraphe 1 de l’article 29 concernent les enfants vivant dans des régions en paix, mais sont encore plus importantes pour les enfants vivant dans des situations de conflit ou d’urgence. Comme il est souligné dans le Cadre d’action de Dakar, il importe, dans le contexte de systèmes éducatifs subissant le contrecoup de situations de conflit, de catastrophes naturelles et d’instabilité, que les programmes d’éducation soient appliqués selon des méthodes qui soient de nature à promouvoir la paix, la compréhension mutuelle et la tolérance et à prévenir la violence et les conflits. L’éducation dans le domaine du droit international humanitaire constitue également un aspect important, mais trop souvent négligé, des efforts visant à donner effet au paragraphe 1 de l’article 29.

Mise en œuvre, surveillance et examen

17.Les objectifs et les valeurs visés au paragraphe 1 de l’article 29 sont énoncés en termes relativement généraux et leur portée est potentiellement très étendue. Il semble que ce fait ait conduit un grand nombre d’États parties à considérer qu’il était inutile, ou même inapproprié, de veiller à ce que les principes dont il s’agit soient inscrits dans la législation ou dans les directives administratives. Cette considération est injustifiée. S’ils ne sont pas formellement inscrits dans la législation ou les politiques nationales, il semble peu probable que ces principes soient ou seront appliqués pour inspirer véritablement les politiques en matière d’éducation. C’est pourquoi le Comité demande à tous les États parties de prendre les mesures nécessaires pour incorporer formellement ces principes dans leurs politiques et leur législation en matière d’éducation à tous les niveaux.

18.La mise en œuvre effective du paragraphe 1 de l’article 29 nécessite un profond remaniement des programmes scolaires pour tenir compte des divers buts de l’éducation, et une révision systématique des manuels scolaires et des matériaux et techniques d’enseignement, ainsi que les politiques en matière scolaire. La méthode qui consiste uniquement à superposer au système existant les buts et les valeurs énoncés dans l’article sans tenter d’apporter des changements plus profonds est clairement inappropriée. Les valeurs pertinentes ne peuvent être intégrées efficacement dans les programmes d’enseignement et être ainsi adaptées à ces programmes que si les personnes qui doivent les transmettre, les promouvoir et les enseigner et, dans la mesure du possible, les illustrer, sont elles‑mêmes convaincues de leur importance. Ainsi, il est essentiel de mettre en place, à l’intention des enseignants, des gestionnaires de l’éducation et d’autres responsables de l’éducation des enfants, des plans de formation avant l’emploi et en cours d’emploi, permettant de promouvoir les principes énoncés au paragraphe 1 de l’article 29. Il importe également que les méthodes d’enseignement appliquées dans les établissements scolaires soient fidèles à l’esprit de la Convention relative aux droits de l’enfant et à la conception de l’éducation qui y est énoncée ainsi qu’aux buts de l’éducation cités au paragraphe 1 de l’article 29.

19.En outre, le milieu scolaire lui‑même doit ainsi être le lieu où s’expriment la liberté et l’esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d’égalité entre les sexes et d’amitié entre tous les peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux, et avec les personnes d’origine autochtone, comme le prévoient les alinéas b et d du paragraphe 1 de l’article 29. Les établissements scolaires qui tolèrent le harcèlement ou d’autres pratiques violentes et l’exclusion ne respectent pas les prescriptions du paragraphe 1 de l’article 29. L’expression «éducation dans le domaine des droits de l’homme» est trop souvent employée dans un sens très réducteur. L’important, outre l’éducation formelle dans le domaine des droits de l’homme, est de promouvoir des valeurs et des politiques favorables au respect des droits de l’homme, non seulement dans les établissements scolaires et les universités, mais également au sein de la communauté dans son ensemble.

20.De façon générale, les diverses mesures que les États parties sont tenus de prendre pour s’acquitter de leurs obligations en vertu de la Convention manqueront de fondement si le texte de la Convention lui‑même n’est pas largement diffusé, conformément aux dispositions de l’article 42. Des mesures dans ce sens permettront également aux enfants de mieux s’acquitter de leur rôle de promoteurs et de défenseurs des droits des enfants dans leur vie quotidienne. Pour faciliter une diffusion plus large, les États parties devraient faire rapport sur les mesures qu’ils ont adoptées pour atteindre cet objectif et le Haut‑Commissariat aux droits de l’homme devrait constituer une base de données globale des versions de la Convention qui existent dans les diverses langues.

21.Les médias, entendus au sens large, ont également un rôle central à jouer, à la fois pour promouvoir les valeurs et les buts énoncés au paragraphe 1 de l’article 29 et pour veiller à ce que leurs activités n’aillent pas à l’encontre des efforts déployés par ailleurs dans la promotion de ces objectifs. Les Gouvernements sont tenus, en vertu de l’article 17 a) de la Convention, de prendre toutes les mesures appropriées pour encourager les médias «à diffuser une information et des matériels qui présentent une utilité sociale et culturelle pour l’enfant».

22.Le Comité demande aux États parties d’accorder davantage d’attention à l’éducation en tant que processus dynamique et à concevoir des moyens permettant d’évaluer les changements intervenus dans le temps pour ce qui est de l’application du paragraphe 1 de l’article 29. Chaque enfant a le droit de recevoir une éducation de bonne qualité, ce qui nécessite une concentration de l’attention sur la qualité du milieu d’apprentissage, de l’enseignement et des processus et matériaux ainsi que des résultats de l’enseignement. Le Comité note l’importance des enquêtes qui peuvent être l’occasion d’évaluer les progrès réalisés, compte tenu de l’analyse des opinions exprimées par tous les acteurs impliqués dans le processus, y compris les enfants en cours de scolarité ou ayant quitté l’école, les enseignants et les animateurs de jeunes, les parents et les gestionnaires et cadres du domaine de l’éducation. À cet égard, le Comité souligne le rôle des mécanismes de surveillance au niveau national, dont l’objectif est de veiller à ce que les enfants, les parents et les enseignants participent à la prise de décisions concernant l’éducation.

23.Le Comité demande aux États parties de mettre au point un plan d’action national global pour la promotion et la surveillance de la réalisation des objectifs énoncés au paragraphe 1 de l’article 29. Si un tel plan est élaboré dans le contexte plus large d’un plan d’action national pour l’enfance, d’un plan d’action national pour les droits de l’homme ou d’une stratégie nationale pour l’éducation dans le domaine des droits de l’homme, le Gouvernement doit veiller à ce que ce plan porte néanmoins sur toutes les questions faisant l’objet du paragraphe 1 de l’article 29 et ceci dans une perspective axée sur les droits de l’enfant. Le Comité demande instamment que les organismes des Nations Unies et les autres instances internationales s’intéressant aux politiques en matière d’éducation et à l’éducation dans le domaine des droits de l’homme s’efforcent d’assurer une meilleure coordination afin de veiller à une mise en œuvre plus efficace des dispositions du paragraphe 1 de l’article 29.

24.L’élaboration et la mise en œuvre de programmes visant à promouvoir les valeurs énoncées dans cet article devraient faire partie des mesures prises régulièrement par les Gouvernements face à la plupart des situations dans lesquelles un ensemble de violations des droits de l’homme a été commis. Ainsi, par exemple, lorsqu’il se produit des incidents graves de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d’intolérance qui y est associée impliquant des jeunes de moins de 18 ans, il est probable que le Gouvernement n’a pas pris toutes les mesures qu’il aurait dû prendre pour promouvoir les valeurs énoncées dans la Convention en général et dans le paragraphe 1 de l’article 29 en particulier. Il conviendra en conséquence d’adopter d’autres mesures appropriées au titre du paragraphe 1 de l’article 29, concernant notamment l’examen et l’adoption de toutes techniques d’éducation qui pourrait avoir une incidence positive sur la réalisation des droits énoncés dans la Convention.

25.Les États parties devraient également envisager de mettre en place une procédure d’examen pour donner suite aux plaintes selon lesquelles les politiques ou les pratiques suivies ne sont pas conformes aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 29. De telles mesures ne supposent pas nécessairement la création de nouveaux organes judiciaires, administratifs ou du domaine de l’éducation. Ces procédures d’examen peuvent également être confiées aux institutions nationales de défense des droits de l’homme ou aux organismes administratifs existants. Le Comité demande à chaque État partie, lorsqu’il fait rapport sur l’application de cet article, de décrire les véritables possibilités qui existent aux niveaux national ou local d’obtenir un examen des pratiques qui sont dénoncées comme incompatibles avec les dispositions de la Convention. Des informations devraient être fournies sur les modalités selon lesquelles de tels examens peuvent être entrepris et sur le nombre de procédures d’examen engagées au cours de la période visée dans le rapport.

26.Afin de mieux centrer la procédure d’examen des rapports des États parties concernant l’application du paragraphe 1 de l’article 29 et conformément aux dispositions de l’article 44 selon lesquelles les rapports doivent indiquer les facteurs et les difficultés empêchant l’application de la Convention, le Comité demande à chaque État partie de donner dans ses rapports périodiques une description détaillée de ce qu’il considère comme étant les plus grandes priorités dans sa juridiction et des mesures qui appellent un effort plus concerté afin de promouvoir les valeurs énoncées dans ces dispositions, et de décrire le programme d’activités qu’il envisage d’entreprendre dans les cinq années suivantes afin de remédier aux problèmes constatés.

27.Le Comité demande aux organes et institutions des Nations Unies et aux autres organes compétents dont le rôle est souligné à l’article 45 de la Convention de contribuer plus activement et plus systématiquement aux travaux du Comité concernant l’application du paragraphe 1 de l’article 29.

28.La mise en œuvre de plans d’action nationaux d’ensemble visant à mettre en œuvre les dispositions du paragraphe 1 de l’article 29 nécessitera des ressources humaines et financières qui devraient être disponibles dans toute la mesure du possible, conformément à l’article 4 de la Convention. En conséquence, le Comité estime que les contraintes en matière de ressources ne peuvent pas justifier qu’un État partie ne prenne pas ou pas suffisamment de mesures dans ce sens. À cet égard et compte tenu des obligations faites aux États parties de promouvoir et d’encourager la coopération internationale à la fois en termes généraux (art. 4 et 45 de la Convention) et pour ce qui est de l’éducation (par. 3 de l’article 28), le Comité demande instamment aux États parties apportant leur coopération pour le développement de veiller à ce que leurs programmes soient conçus de façon à tenir pleinement compte des principes énoncés au paragraphe 1 de l’article 29.

Trente et unième session (2002)

Observation générale n o  2: Le rôle des institutions nationales indépendantes de défense des droits de l’homme dans la protection et la promotion des droits de l’enfant

1.En vertu de l’article 4 de la Convention relative aux droits de l’enfant, les États parties sont tenus de «prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres qui sont nécessaires pour mettre en œuvre les droits reconnus dans la présente Convention». Les institutions nationales indépendantes de défense des droits de l’homme (INDH) constituent un mécanisme propre à contribuer de manière importante à promouvoir et assurer la mise en œuvre de la Convention, et le Comité des droits de l’enfant considère que la mise en place de tels organes entre dans le champ de l’engagement pris par les États parties lors de la ratification de la Convention de s’attacher à la mettre en œuvre et d’œuvrer à la réalisation universelle des droits de l’enfant. Dans cette optique, le Comité a accueilli avec satisfaction la mise en place dans un certain nombre d’États parties d’INDH et de médiateurs ou commissaires pour les enfants et autres organes indépendants de cet ordre aux fins de la promotion et de la surveillance de l’application de la Convention.

2.Le Comité publie la présente observation générale tant pour encourager les États parties à se doter d’une institution indépendante chargée de promouvoir et surveiller l’application de la Convention que pour les soutenir dans cette entreprise en indiquant les caractéristiques essentielles de ces institutions ainsi que les activités qu’elles devraient mener. Le Comité appelle ceux des États parties qui possèdent déjà des institutions de ce type à engager une réflexion sur leur statut et leur efficacité dans le souci de promouvoir et protéger les droits de l’enfant tels qu’ils sont consacrés par la Convention relative aux droits de l’enfant et les autres instruments internationaux pertinents.

3.La Conférence mondiale sur les droits de l’homme, tenue en 1993, a réaffirmé dans la Déclaration et le Programme d’action de Vienne «… le rôle important et constructif que jouent les institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme» et a encouragé «… la création et le renforcement d’institutions nationales». L’Assemblée générale et la Commission des droits de l’homme ont appelé à maintes reprises à la création d’institutions nationales de défense des droits de l’homme, en soulignant le rôle important que jouent les INDH pour ce qui est de promouvoir et protéger les droits de l’homme et d’y sensibiliser l’opinion. Dans ses directives générales concernant les rapports périodiques, le Comité demande aux États parties de fournir des renseignements sur «tout organe indépendant créé pour promouvoir et protéger les droits de l’enfant…», et il aborde donc systématiquement cette question à l’occasion de son dialogue avec les États parties.

4.Les INDH devraient être mises en place en se conformant aux principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme («Principes de Paris») que l’Assemblée générale a adoptés en 1993 − ces principes lui ayant été transmis par la Commission des droits de l’homme en 1992. Cet ensemble de règles minimales porte sur la création, les compétences et attributions, la composition et les garanties d’indépendance et de pluralisme, les modalités de fonctionnement, et les activités à caractère quasi juridictionnel de ces organes nationaux.

5.Tant les adultes que les enfants ont besoin d’INDH pour protéger leurs droits fondamentaux, mais des raisons supplémentaires existent de veiller à ce que les droits fondamentaux des enfants bénéficient d’une attention spéciale. À leur nombre figurent les faits suivants: l’état de développement des enfants les rend particulièrement vulnérables aux violations des droits de l’homme; leurs opinions sont rarement prises en considération; la plupart des enfants ne votent pas et ne peuvent jouer de rôle significatif dans le processus politique déterminant l’action du gouvernement dans le domaine des droits de l’homme; les enfants éprouvent de grandes difficultés à recourir au système judiciaire pour protéger leurs droits ou obtenir réparation en cas de violation de leurs droits; l’accès des enfants aux organismes susceptibles de protéger leurs droits est en général limité.

6.Le nombre d’États parties dotés d’institutions indépendantes spécialisées dans la défense des droits fondamentaux des enfants ou d’un médiateur ou commissaire pour les droits de l’enfant est en augmentation. Là où les ressources disponibles sont limitées, il faut s’attacher à les utiliser le plus efficacement possible aux fins de promouvoir et protéger les droits fondamentaux de tous les individus, dont les enfants, et, dans pareil contexte, la mise en place d’une institution nationale généraliste de défense des droits de l’homme dotée d’une structure spécialisée dans les droits de l’enfant constitue sans doute la meilleure démarche. Dans la structure d’une institution nationale généraliste de défense des droits de l’homme, une place devrait ainsi être faite soit à un commissaire expressément chargé des droits de l’enfant soit à une section ou division spéciale responsable des droits de l’enfant.

7.Le Comité estime que chaque État a besoin d’une institution nationale de défense des droits de l’homme investie de la responsabilité de promouvoir et protéger les droits des enfants. Son principal souci est que cette institution − quelle qu’en soit la forme − ait la capacité de surveiller, promouvoir et protéger les droits de l’enfant dans l’indépendance et avec efficacité. Il est indispensable de réserver une place centrale à la promotion et à la protection des droits de l’enfant et de veiller à ce que toutes les institutions des droits de l’homme en place dans un pays collaborent étroitement à cette fin.

Mandat et pouvoirs

8.Les INDH devraient, si possible, faire l’objet d’une disposition constitutionnelle et être au minimum investies d’un mandat inscrit dans un texte législatif. Le Comité est d’avis que le champ de leur mandat devrait, dans un souci de promotion et de protection des droits de l’homme, être aussi large que possible et s’étendre à la Convention relative aux droits de l’enfant, à ses Protocoles facultatifs et aux autres instruments internationaux pertinents relatifs aux droits de l’homme − couvrant ainsi efficacement tous les droits fondamentaux des enfants, en particulier leurs droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. La législation devrait comporter des dispositions fixant avec précision les fonctions, pouvoirs et devoirs en rapport avec les enfants eu égard à la Convention relative aux droits de l’enfant et à ses Protocoles facultatifs. Là où une INDH a été mise en place avant l’adoption de la Convention ou sans y faire expressément référence, les mesures nécessaires − dont l’adoption d’un texte législatif ou sa révision − devraient être prises afin de mettre en conformité le mandat de ladite institution avec les principes et dispositions de la Convention.

9.Les INDH devraient être investies des pouvoirs nécessaires pour leur permettre de s’acquitter efficacement de leur mandat, notamment du pouvoir d’entendre tout individu et d’obtenir toute information ou tout document nécessaire pour apprécier les situations entrant dans leur champ de compétence. Ces pouvoirs devraient englober la promotion et la protection des droits de tous les enfants placés sous la juridiction de l’État partie, à l’égard non seulement de l’État mais de toutes les entités publiques et privées pertinentes.

Processus de mise en place

10.Le processus de mise en place des INDH devrait être consultatif, inclusif et transparent, être mis en route et soutenu par les échelons les plus élevés du gouvernement et mettre en jeu toutes les composantes pertinentes de l’État, l’appareil législatif et la société civile. Leur indépendance et leur bon fonctionnement passent par une dotation adéquate en infrastructures, en ressources financières (y compris des fonds affectés spécialement aux droits de l’enfant dans le cas des institutions généralistes), en personnel et en locaux, ainsi que par l’absence de toute forme de contrôle financier susceptible de compromettre leur indépendance.

Ressources

11.Tout en ayant conscience qu’il s’agit là d’une question très délicate et que l’ampleur des ressources économiques disponibles varie selon les États parties, le Comité estime, eu égard à l’article 4 de la Convention, qu’il incombe aux États d’affecter des ressources financières d’un montant raisonnable au fonctionnement des institutions nationales de défense des droits de l’homme. En effet, si ces institutions ne sont pas pourvues des moyens nécessaires pour fonctionner efficacement et s’acquitter de leur mission, leur mandat et pouvoirs risquent d’être réduits à néant ou l’exercice de leurs pouvoirs d’être restreint.

Représentation pluraliste

12.Les INDH devraient veiller à ce que leurs structures reflètent la pluralité des différents pans de la société civile engagés dans la promotion et la protection des droits de l’homme. Elles devraient s’employer à associer à leurs travaux les acteurs suivants: les organisations non gouvernementales (ONG) de défense des droits de l’homme, les ONG luttant contre la discrimination et les ONG œuvrant en faveur des droits de l’enfant, y compris les organisations de jeunes et d’enfants; les syndicats; les organisations sociales et professionnelles (de médecins, d’avocats, de journalistes, de scientifiques, etc.); les universitaires et experts, notamment les experts en droits de l’enfant. Les entités gouvernementales ne devraient intervenir qu’à titre consultatif. Les INDH devraient adopter des procédures de recrutement judicieuses et transparentes, faisant notamment une place à un processus de sélection ouvert par voie de concours.

Voies de recours en cas d’atteintes aux droits de l’enfant

13.Les INDH doivent être investies du pouvoir de connaître des plaintes et requêtes individuelles, dont celles soumises au nom d’un enfant ou directement par un enfant, et d’effectuer les investigations nécessaires. Afin d’être à même de mener efficacement lesdites investigations, elles doivent être investies du pouvoir de citer et d’interroger des témoins, avoir accès aux éléments pertinents de preuves par documents et avoir accès aux lieux de détention. Il leur faut en outre veiller à ce qu’en cas d’atteinte − quelle qu’elle soit − à leurs droits les enfants bénéficient de recours efficaces sous forme d’avis indépendant, d’action de plaidoyer et de dispositif de plainte. En cas de plainte, les INDH devraient, en fonction des circonstances, engager une action de médiation ou de conciliation.

14.Les INDH devraient être investies du pouvoir d’apporter un soutien aux enfants portant leurs griefs devant la justice, notamment du pouvoir: a) de se saisir en leur qualité d’INDH d’affaires concernant des questions relatives aux enfants et b) d’intervenir dans les affaires portées devant la justice pour informer le tribunal des questions en jeu touchant aux droits de l’homme en l’espèce.

Accessibilité et participation

15.Les INDH devraient être accessibles géographiquement et physiquement à tous les enfants. Dans l’esprit de l’article 2 de la Convention, elles devraient adopter une démarche proactive en direction de tous les groupes d’enfants, en particulier les groupes les plus vulnérables et défavorisés, tels que (entre autres) les enfants placés ou détenus, les enfants appartenant à des groupes minoritaires et des groupes autochtones, les enfants handicapés, les enfants vivant dans la pauvreté, les enfants réfugiés et migrants, les enfants de la rue et les enfants ayant des besoins spéciaux dans des domaines comme la culture, la langue, la santé et l’éducation. Il faudrait inscrire dans la législation relative aux INDH le droit de ces institutions d’avoir un accès en toute confidentialité à tous les enfants faisant l’objet d’une mesure de protection de remplacement et d’avoir accès à tous les établissements accueillant des enfants.

16.Les INDH ont un rôle déterminant à jouer pour ce qui est de promouvoir le respect par le gouvernement et l’ensemble de la société des opinions des enfants dans tous les domaines les concernant, conformément à l’article 12 de la Convention. Ce principe général devrait s’appliquer à la mise en place, à l’organisation et aux activités des institutions nationales de défense des droits de l’homme. Ces institutions doivent s’employer à établir des contacts directs avec les enfants et à les impliquer et à les consulter de manière appropriée. Dans le souci de faciliter la participation des enfants aux affaires les concernant, on pourrait − par exemple − créer des conseils d’enfants appelés à servir d’organe consultatif aux INDH.

17.Les INDH devraient concevoir des programmes de consultation adaptés et des stratégies originales de communication pour assurer le plein respect de l’article 12 de la Convention. Il faudrait mettre en place un ensemble de filières appropriées permettant aux enfants de communiquer avec ces institutions.

18.Les INDH doivent être investies du droit de faire rapport − directement, indépendamment et séparément − sur la situation des droits de l’enfant à l’opinion publique et aux instances parlementaires. À cet égard, les États parties doivent instaurer dans le cadre du Parlement un débat annuel destiné à donner aux parlementaires la possibilité d’examiner le travail des INDH en faveur des droits de l’enfant et le degré de respect de la Convention par l’État.

Activités recommandées

19.La liste ci‑après indique de manière non restrictive les types d’activités que les INDH devraient mener aux fins de la réalisation des droits de l’enfant eu égard aux principes généraux de la Convention. Elles devraient:

a)Procéder, dans les limites de leur mandat, à des investigations − suite à une plainte ou de leur propre initiative − sur toute affaire de violation des droits de l’enfant;

b)Réaliser des enquêtes sur les questions relatives aux droits de l’enfant;

c)Élaborer et diffuser des avis, recommandations et rapports − de leur propre initiative ou à la demande des autorités nationales − concernant tous sujets touchant à la promotion et à la protection des droits de l’enfant;

d)Surveiller l’adéquation et l’efficacité de la législation et des pratiques relatives à la protection des droits de l’enfant;

e)Promouvoir l’harmonisation de la législation, de la réglementation et des pratiques nationales avec la Convention relative aux droits de l’enfant et ses Protocoles facultatifs ainsi qu’avec les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme en rapport avec les droits de l’enfant et promouvoir leur mise en œuvre effective, notamment en fournissant aux structures publiques et privées des avis sur l’interprétation et l’application de la Convention;

f)Veiller à ce que les responsables de la politique économique nationale tiennent compte des droits de l’enfant dans la formulation et l’évaluation des plans nationaux concernant l’économie et le développement;

g)Dresser et faire connaître le bilan du gouvernement en ce qui concerne la mise en œuvre et la surveillance de l’évolution de la situation des droits de l’enfant, en insistant sur la nécessité de recueillir des statistiques ventilées de manière appropriée et de procéder à la collecte régulière d’autres informations afin de déterminer ce qui doit être fait pour donner effet aux droits de l’enfant;

h)Encourager la ratification de tous les instruments internationaux pertinents relatifs aux droits de l’homme ou l’adhésion à de tels instruments;

i)Veiller à ce que les conséquences des lois et politiques pour les enfants soient soigneusement prises en considération du stade de leur élaboration et à celui de leur mise en œuvre et au‑delà, conformément à l’article 3 de la Convention aux termes duquel dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale;

j)Veiller, conformément à l’article 12, à ce que les enfants puissent exprimer leurs opinions et à ce que ces opinions soient prises en considération dans les affaires touchant à leurs droits fondamentaux et dans le traitement des questions relatives à leurs droits;

k)Préconiser et favoriser une véritable participation des ONG œuvrant en faveur des droits de l’enfant − y compris les organisations d’enfants − à l’élaboration de la législation interne et des instruments internationaux portant sur des questions ayant des incidences sur les enfants;

l)Promouvoir la compréhension et la connaissance par la population de l’importance que revêtent les droits de l’enfant et, à cet effet, collaborer étroitement avec les médias et entreprendre ou parrainer des travaux de recherche et des activités éducatives dans ce domaine;

m)Sensibiliser le gouvernement, les organismes publics et le grand public aux dispositions de la Convention et surveiller la manière dont l’État s’acquitte de ses obligations en la matière, conformément à l’article 42 de la Convention en vertu duquel les États parties s’engagent «à faire largement connaître les principes et les dispositions de la présente Convention, par des moyens actifs et appropriés, aux adultes comme aux enfants»;

n)Concourir à la formulation de programmes ayant pour objet de dispenser un enseignement et de mener des recherches concernant les droits de l’enfant ainsi que de faire une place aux droits de l’enfant tant dans les programmes d’enseignement scolaire et universitaire que dans la formation à l’intention de certaines catégories professionnelles;

o)Mener une action éducative relative aux droits de l’être humain axée spécifiquement sur les enfants (s’ajoutant à une action de promotion visant à promouvoir la connaissance par le grand public de l’importance que revêtent les droits de l’enfant);

p)Intenter des actions en justice pour faire valoir les droits des enfants dans l’État partie ou fournir une assistance juridique aux enfants;

q)Engager, en fonction des circonstances, un processus de médiation ou de conciliation avant de saisir la justice;

r)Fournir aux tribunaux, dans les affaires s’y prêtant, des services d’expert sur les droits de l’enfant − en qualité d’amicus curiae ou d’intervenant;

s)Inspecter les foyers pour délinquants juvéniles (et tous les lieux où des enfants sont détenus pour réadaptation ou pour purger une peine) et les institutions de prise en charge en vue de rendre compte de la situation y régnant et de formuler des recommandations quant aux améliorations à apporter, conformément à l’article 3 de la Convention en vertu duquel les États parties s’engagent à veiller «à ce que le fonctionnement des institutions, services et établissements qui ont la charge des enfants et assurent leur protection soit conforme aux normes fixées par les autorités compétentes, particulièrement dans le domaine de la sécurité et de la santé et en ce qui concerne le nombre et la compétence de leur personnel ainsi que l’existence d’un contrôle approprié»;

t)Entreprendre toutes autres activités connexes aux activités susmentionnées.

Soumission de rapports au Comité des droits de l’enfant et coopération entre les INDH et les organismes et mécanismes des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies

20.Les INDH devraient contribuer de manière indépendante au processus de soumission et d’examen des rapports prévu par la Convention et les autres instruments internationaux pertinents et apprécier la sincérité des rapports soumis par les gouvernements aux organismes créés en application de traités internationaux en ce qui concerne les droits de l’enfant, notamment dans le cadre d’un dialogue avec le Comité des droits de l’enfant à l’occasion de son groupe de travail de présession et avec d’autres organes conventionnels pertinents.

21.Le Comité demande aux États parties de fournir dans leurs rapports au Comité des renseignements détaillés sur le statut législatif, le mandat et les principales activités pertinentes des INDH. Il est approprié que les États parties consultent les institutions indépendantes de défense des droits de l’homme au titre de l’élaboration des rapports destinés au Comité. Cela étant, les États parties doivent respecter l’indépendance de ces institutions, en particulier dans l’exercice de leur fonction de pourvoyeuses de renseignements au Comité. Il est inapproprié de déléguer aux INDH l’élaboration des rapports ou d’inclure un de leurs membres dans la délégation gouvernementale envoyée pour procéder à l’examen du rapport avec le Comité.

22.Les INDH devraient en outre coopérer avec les procédures spéciales de la Commission des droits de l’homme, dont les mécanismes de pays et les mécanismes thématiques, en particulier le Rapporteur spécial sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants et le Représentant spécial du Secrétaire général pour la question des enfants et des conflits armés.

23.L’Organisation des Nations Unies met en œuvre depuis longtemps un programme destiné à aider à mettre en place des institutions nationales de défense des droits de l’homme ou à les renforcer. Ce programme, qui relève du Haut‑Commissariat aux droits de l’homme (HCDH), sert à fournir une assistance technique et à faciliter la coopération régionale et mondiale ainsi que les échanges entre institutions nationales de défense des droits de l’homme. Les États parties devraient, au besoin, recourir à cette assistance. Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) offre également des services d’expert et mène une coopération technique dans ce domaine.

24.Comme il est disposé à l’article 45 de la Convention, le Comité peut aussi, s’il le juge nécessaire, transmettre aux institutions spécialisées des Nations Unies et aux autres organismes compétents tout rapport des États parties contenant une demande ou indiquant un besoin de conseils ou d’assistance techniques concernant la mise en place d’institutions nationales de défense des droits de l’homme.

Les INDH et les États parties

25.C’est l’État qui ratifie la Convention relative aux droits de l’homme et souscrit à l’obligation de la mettre en œuvre dans son intégralité. Les INDH ont quant à elles pour rôle de surveiller en toute indépendance à quel point l’État se conforme à la Convention et accomplit des progrès dans sa mise en œuvre ainsi que de faire leur possible pour assurer le plein respect des droits des enfants. Même si ces institutions peuvent être ainsi amenées à formuler des projets tendant à renforcer la promotion et la protection des droits de l’enfant, le gouvernement ne saurait déléguer aux institutions nationales ses obligations en matière de surveillance. Il est essentiel que ces institutions conservent la totale liberté de fixer leur plan de travail et de déterminer leurs propres activités.

Les INDH et les ONG

26.Les organisations non gouvernementales jouent un rôle crucial dans la promotion des droits de l’homme et des droits de l’enfant. Le rôle revenant aux INDH, qui sont dotées d’une assise législative et de pouvoirs spécifiques, est complémentaire. Il est essentiel que ces institutions collaborent étroitement avec les ONG et que les gouvernements respectent l’indépendance des INDH comme des ONG.

Coopération régionale et internationale

27.Des processus et mécanismes régionaux et internationaux sont susceptibles de renforcer et de conforter les INDH, par le canal d’échange de données d’expérience et de compétences, puisqu’elles sont confrontées dans leurs pays respectifs à des problèmes communs dans le domaine de la protection et de la promotion des droits de l’homme.

28.À cet égard, les INDH devraient avoir des consultations portant sur les questions relatives aux enfants avec les organes et organismes nationaux, régionaux et internationaux compétents et coopérer avec eux en la matière.

29.Les questions relatives aux droits fondamentaux des enfants dépassent les frontières nationales et il est toujours plus nécessaire de définir aux échelons régional et international des réponses adaptées à toute une série de questions relatives aux droits de l’enfant (la traite des femmes et des enfants, la pornographie à caractère pédophile, les enfants soldats, le travail des enfants, la maltraitance à enfant, les enfants réfugiés et migrants − entre autres). Il faut encourager les mécanismes et échanges internationaux et régionaux car ils offrent aux INDH la possibilité de tirer parti de leurs données d’expérience respectives, de renforcer collectivement leurs positions mutuelles et de contribuer à remédier à certains problèmes en rapport avec les droits de l’homme se posant à l’échelon du pays et de la région.

Trente ‑deuxième session (2003)

Observation générale n o  3: Le VIH/sida et les droits de l’enfant

I. INTRODUCTION

1.L’épidémie de VIH/sida a radicalement changé le monde dans lequel vivent les enfants. Des millions d’enfants ont été infectés ou sont décédés et un plus grand nombre encore sont gravement touchés par la propagation du VIH dans leurs familles et leurs communautés. Cette épidémie a des répercussions sur la vie quotidienne des jeunes enfants et elle accroît la victimisation et la marginalisation des enfants, spécialement des enfants vivant dans des conditions particulièrement difficiles. Le VIH/sida n’est pas un problème limité à certains pays mais il concerne le monde entier. Pour pouvoir maîtriser ses conséquences sur les enfants, des efforts concertés et soigneusement ciblés doivent être déployés par tous les pays, quel que soit leur stade de développement.

À l’origine on pensait que les enfants n’étaient que marginalement touchés par l’épidémie. Or, la communauté internationale s’est rendu compte que malheureusement les enfants sont au cœur du problème. Selon le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA), l’évolution récente est alarmante: dans la plupart des régions du monde, la majorité des nouveaux cas d’infection concernent des jeunes âgés de 15 à 24 ans, voire plus jeunes encore. Les femmes et les jeunes filles sont elles aussi de plus en plus touchées. Dans la plupart des régions du monde, la grande majorité des femmes infectées ne connaissent pas leur état et peuvent sans le savoir transmettre l’infection à leurs enfants. C’est ainsi que de nombreux États ont récemment enregistré une augmentation de leur taux de mortalité infanto‑juvénile. Les adolescents sont aussi vulnérables au VIH/sida du fait qu’ils connaissent parfois leur première expérience sexuelle sans avoir eu accès à des informations et à des conseils appropriés. Les jeunes toxicomanes sont particulièrement exposés.

Néanmoins, tous les enfants peuvent devenir vulnérables pour diverses raisons, notamment a) les enfants qui sont eux‑mêmes infectés par le VIH; b) les enfants qui ont perdu un parent ou un enseignant ou ceux dont la famille ou la communauté est fortement touchée par les effets de l’épidémie; et c) les enfants particulièrement exposés à l’infection ou à ses conséquences.

II. OBJECTIFS DE LA PRÉSENTE OBSERVATION GÉNÉRALE

2.La présente observation générale a pour objectifs:

a)De mettre davantage en évidence et de faire mieux comprendre tous les droits des enfants vivant dans un monde marqué par le VIH/sida;

b)De promouvoir la réalisation des droits des enfants dans le contexte du VIH/sida, tels qu’ils sont garantis en vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant (ci‑après dénommée «la Convention»);

c)De recenser les mesures et les bonnes pratiques qui devraient permettre aux États de mieux assurer l’exercice des droits liés à la prévention du VIH/sida et au soutien, aux soins et à la protection des enfants infectés ou touchés par cette pandémie;

d)De contribuer à l’élaboration et à la promotion de plans d’action, de stratégies, de mesures législatives, de politiques et de programmes axés sur les besoins des enfants et visant à enrayer la propagation du VIH/sida et à atténuer ses conséquences aux niveaux national et international.

III. LA CONVENTION ET LE VIH/SIDA: L’APPROCHE HOLISTIQUE AXÉE SUR LES DROITS DE L’ENFANT

3.Les effets du VIH/sida sur les enfants sont principalement envisagés sous l’angle médical ou du point de vue de la santé alors qu’en réalité ils comportent de multiples aspects. Certes, dans ce domaine, le droit à la santé (art. 24 de la Convention) occupe une place centrale. Cependant, le VIH/sida a de telles répercussions sur la vie de tous les enfants qu’il peut toucher tous leurs droits − civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Les droits consacrés dans les principes généraux de la Convention, le droit à la non‑discrimination (art. 2), le droit de l’enfant à ce que son intérêt soit une considération primordiale (art. 3), le droit à la vie, à la survie et au développement (art. 6) et le droit de l’enfant à ce que ses opinions soient dûment prises en considération (art. 12), devraient par conséquent être des thèmes privilégiés dans l’examen des différents stades de la lutte contre le VIH/sida: prévention, traitements, soins et soutien.

4.Les mesures efficaces de lutte contre le VIH/sida ne peuvent être adoptées que si les droits des enfants et des adolescents sont pleinement respectés. Les droits les plus importants à cet égard, outre ceux qui sont énumérés au paragraphe 5 ci‑dessus, sont les suivants: le droit d’avoir accès à une information et à des matériels visant à promouvoir leur bien‑être social, spirituel et moral ainsi que leur santé physique et mentale (art. 17); le droit à des soins de santé préventifs et à l’accès à l’éducation sexuelle et aux services de planification familiale (art. 24 f)); le droit à un niveau de vie suffisant (art. 27); le droit au respect de la vie privée (art. 16); le droit des enfants de ne pas être séparés de leurs parents (art. 9); le droit d’être protégés contre la violence (art. 19); le droit à une protection et une aide spéciales de l’État (art. 20); les droits des enfants handicapés (art. 23); le droit à la santé (art. 24); le droit à la sécurité sociale, y compris les assurances sociales (art. 26); le droit à l’éducation et aux loisirs (art. 28 et 31); le droit d’être protégés contre l’exploitation économique, contre l’usage illicite de stupéfiants et contre l’exploitation et la violence sexuelles (art. 32, 33, 34 et 36); le droit d’être protégés contre l’enlèvement, la vente ou la traite, ainsi que contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 35 et 37); et le droit à la réadaptation physique et psychologique et à la réinsertion sociale (art. 39). L’exercice des droits susmentionnés est sérieusement remis en cause du fait de l’épidémie. La Convention et en particulier ses quatre principes généraux qui préconisent une approche globale constituent un cadre solide pour les efforts visant à limiter les répercussions négatives de la pandémie sur la vie des enfants. L’approche holistique et axée sur les droits que requiert la mise en œuvre de la Convention est le meilleur moyen de s’attaquer aux multiples questions soulevées par les efforts de prévention, de traitements et de soins.

a) Le droit à la non ‑discrimination (art. 2)

5.La discrimination accroît la vulnérabilité des enfants face au VIH et au sida et a de sérieuses répercussions sur la vie des enfants touchés par le VIH/sida ou infectés par le virus. Les enfants des deux sexes dont les parents vivent avec le VIH/sida sont souvent victimes de stigmatisation et de discrimination car on a tendance à penser qu’ils sont aussi infectés. En conséquence de la discrimination, ils sont privés d’accès à l’information, à l’éducation (voir l’Observation générale no 1 du Comité sur les buts de l’éducation), aux services de santé ou aux services sociaux, et de participation à la vie sociale de leur communauté. Dans les cas extrêmes, il arrive que des enfants infectés par le VIH soient abandonnés par leur famille, rejetés par la communauté ou mis au ban de la société. En outre, la discrimination alimente l’épidémie en rendant les enfants plus vulnérables à l’infection, et en particulier ceux qui appartiennent à certains groupes comme les populations vivant dans des zones reculées ou rurales, qui ont moins facilement accès aux services. Ces enfants sont ainsi doublement victimes.

6.L’un des phénomènes particulièrement préoccupants est celui de la discrimination fondée sur le sexe qui s’accompagne de tabous, d’attitudes négatives ou de préjugés relatifs à l’activité sexuelle des filles, et empêche bien souvent ces dernières d’avoir accès à des mesures de prévention et à d’autres services. La discrimination fondée sur les préférences sexuelles est aussi préoccupante. Dans le cadre de l’élaboration de stratégies de lutte contre le VIH/sida et conformément aux obligations qui leur incombent en vertu de la Convention, les États parties doivent prêter une attention particulière aux normes sociales en matière de sexe appliquées dans la société dans le but d’éliminer la discrimination fondée sur le sexe car ces normes ont des répercussions sur la vulnérabilité des filles comme des garçons face au VIH/sida. Les États parties devraient notamment reconnaître que la discrimination associée au VIH/sida est souvent plus forte à l’égard des filles par rapport aux garçons.

7.Toutes les pratiques discriminatoires susmentionnées constituent des violations des droits de l’enfant énoncés dans la Convention. L’article 2 de la Convention fait obligation aux États parties de garantir le respect de tous les droits énoncés dans la Convention, sans distinction aucune, «indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou autre, de l’enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation». Selon le Comité, l’expression «ou de toute autre situation» figurant à l’article 2 de la Convention s’applique notamment à la situation de l’enfant, de ses parents ou de l’un de ses parents vis‑à‑vis du VIH/sida. Les lois, politiques, stratégies et pratiques doivent viser à éliminer toutes les formes de discrimination qui contribuent à aggraver les effets de l’épidémie. Des stratégies doivent aussi être mises en place pour encourager les activités d’éducation et de formation visant spécialement à éliminer les comportements discriminatoires et la stigmatisation associés au VIH/sida.

b) L’intérêt supérieur de l’enfant (art. 3)

8.Les politiques et programmes de lutte contre le VIH/sida concernant la prévention, les soins et les traitements sont habituellement conçus à l’intention des adultes, peu d’attention étant accordée au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant en tant que considération primordiale. Selon les termes du paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention, «dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait d’institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale». Les obligations liées à ce droit sont fondamentales pour guider l’action des États dans le contexte du VIH/sida. L’enfant doit être placé au centre de l’action menée pour enrayer la pandémie et les stratégies doivent être adaptées en fonction de ses droits et de ses besoins.

c) Le droit à la vie, à la survie et au développement (art. 6)

9.Les enfants ont le droit de ne pas être arbitrairement privés de la vie et de bénéficier des politiques économiques et sociales visant à leur permettre de devenir des adultes et à favoriser leur développement dans le sens le plus large. L’obligation faite aux États d’assurer le droit à la vie, à la survie et au développement met en outre en lumière la nécessité de prêter une attention vigilante à la sexualité ainsi qu’aux comportements et aux modes de vie des enfants, même s’ils ne sont pas conformes à ce que la société qualifie d’acceptable dans le contexte des normes culturelles en vigueur pour un groupe d’âge particulier. À cet égard, les filles sont souvent soumises à des pratiques traditionnelles préjudiciables comme les mariages précoces ou forcés, qui portent atteinte à leurs droits et les rendent plus vulnérables à l’infection par le VIH, notamment parce que ces pratiques ont souvent pour effet de les priver de l’accès à l’éducation et à l’information. Pour être efficaces, les programmes de prévention doivent nécessairement tenir compte des particularités de la vie des adolescents et viser à assurer aux enfants des deux sexes l’accès sur un pied l’égalité à l’information nécessaires, aux connaissances de base et aux mesures de prévention.

d) Le droit de l’enfant d’exprimer son opinion et le droit à ce que ses opinions soient prises en considération (art. 12)

10.Les enfants sont détenteurs de droits et ont notamment le droit de participer, en fonction du niveau de développement de leurs capacités, aux activités de sensibilisation en donnant leur avis sur les effets du VIH/sida sur leur vie et en étant associés à l’élaboration de politiques et de programmes de lutte contre le VIH/sida. On a constaté que les interventions étaient particulièrement efficaces auprès des enfants lorsque ces derniers étaient invités à participer activement à l’évaluation des besoins, à la recherche de solutions, à l’élaboration et à la mise en place de stratégies, et non pas simplement considérés comme des objets sans pouvoir de décision. Dans ce contexte, il convient d’encourager activement le système de l’éducation par les pairs, tant à l’intérieur qu’en dehors des établissements scolaires. Les États, les institutions internationales et les organisations non gouvernementales doivent offrir aux enfants un environnement favorable pour leur permettre de faire preuve d’initiatives et de participer pleinement, tant au niveau local qu’au niveau national, à la conceptualisation, à la mise au point, à l’application, à la coordination, à la surveillance et à l’examen de politiques et de programmes concernant le VIH. Diverses approches seront probablement nécessaires pour assurer la participation des enfants de tous les secteurs de la société ainsi que la mise en place de mécanismes qui encouragent les enfants, d’une manière qui corresponde au développement de leurs capacités, à exprimer leurs opinions et garantissent que les opinions de l’enfant sont dûment prises en considération eu égard à leur âge et à leur degré de maturité (art. 12, par. 1). Dans certains cas, il peut être très utile que les enfants vivant avec le VIH/sida participent aux efforts de sensibilisation en faisant partager leur expérience à d’autres enfants, car cela peut à la fois renforcer l’efficacité des mesures de prévention et faire diminuer la stigmatisation et la discrimination. Les États parties doivent veiller à ce que les enfants qui participent à ces activités le fassent de leur propre initiative, après avoir été conseillés, et qu’ils bénéficient du soutien social et de la protection juridique nécessaires pour leur permettre de vivre une vie normale pendant et après leur intervention.

e) Obstacles

11.L’expérience a montré que l’efficacité des mesures de prévention, de la prestation de services de soins et de l’appui aux initiatives locales dans le domaine du VIH/sida est souvent limitée par de nombreux obstacles qui sont généralement d’ordre culturel, structurel et financier. Le refus d’admettre l’existence d’un problème, les pratiques et les attitudes d’origine culturelle, et notamment les tabous et la stigmatisation, la pauvreté et les attitudes condescendantes à l’égard des enfants ne sont qu’un petit nombre des obstacles possibles à l’engagement politique et individuel nécessaire pour assurer l’efficacité des programmes. En ce qui concerne les ressources financières, techniques et humaines, le Comité est conscient du fait qu’elles ne sont peut‑être pas immédiatement disponibles. Toutefois, à ce propos, il souhaite rappeler aux États parties les obligations qui leur incombent en vertu de l’article 4. Il souligne en outre que les États ne doivent pas invoquer des contraintes de ressources pour justifier l’absence ou l’insuffisance des mesures techniques ou financières nécessaires. Enfin, le Comité tient à souligner à cet égard le rôle essentiel de la coopération internationale.

IV. PRÉVENTION, SOINS, TRAITEMENT ET APPUI

12.Le Comité tient à souligner que les mesures de prévention, de soins, de traitement et de soutien exercent entre elles une action synergique et assurent la continuité et l’efficacité de la lutte contre le VIH/sida.

a) Information sur la prévention contre le VIH et sensibilisation

13.Conformément aux obligations qu’ils ont souscrites en ce qui concerne les droits à la santé et à l’information (art. 24, 13 et 17), les États parties doivent garantir aux enfants l’accès à une information appropriée concernant la prévention et le traitement du VIH/sida, par les voies officielles (structures éducatives et médias s’adressant aux enfants) et les voies informelles (visant les enfants des rues, les enfants placés en établissement ou les enfants vivant dans des circonstances difficiles). Le Comité rappelle aux États parties l’importance de dispenser suffisamment tôt aux enfants une information pertinente et appropriée qui tienne compte de leurs niveaux de compréhension respectifs et soit adaptée à leur âge et à leurs capacités, pour leur permettre de gérer leur sexualité d’une manière responsable afin de pouvoir se protéger contre l’infection par le VIH. Il souligne qu’une prévention efficace du VIH/sida suppose que les États s’abstiennent de censurer, de retenir ou de déformer intentionnellement les informations concernant la santé, et notamment l’éducation et l’information en matière sexuelle et que, conformément à leur obligation d’assurer le droit à la vie, à la survie et au développement de l’enfant (art. 6), les États parties doivent veiller à ce que les enfants aient les moyens d’acquérir les connaissances et les compétences nécessaires pour se protéger et protéger autrui dès qu’ils commencent à avoir des expériences sexuelles.

14.Le dialogue avec les membres de la communauté et de la famille et l’échange d’expériences avec d’autres enfants, de même que l’enseignement des connaissances de base dans le cadre de l’école, qui consiste notamment à apprendre aux enfants à parler ouvertement des questions de sexualité et de santé, se sont révélés des moyens utiles de diffuser des messages de prévention du VIH auprès des filles et des garçons, même s’il peut être préférable d’utiliser des techniques d’approche différentes selon les groupes d’enfants. Les États parties doivent s’attaquer au problème de l’inégalité entre les sexes qui peut avoir des répercussions sur l’accès des enfants aux messages de prévention et veiller à ce que ces messages soient adaptés à leurs destinataires même s’ils sont confrontés à des problèmes de langue, de religion, d’incapacité ou d’autres facteurs de discrimination. Ils doivent veiller en particulier à sensibiliser davantage les populations difficiles à atteindre. À cet égard, le rôle des médias et de la tradition orale qui permettent aux enfants d’avoir accès à une information et à des matériels, conformément à l’article 17 de la Convention, est décisif non seulement en diffusant des informations utiles mais aussi en luttant contre la stigmatisation et la discrimination. Les États parties doivent encourager la surveillance et l’évaluation régulières des campagnes de sensibilisation au problème du VIH/sida afin de s’assurer de leur efficacité pour ce qui est de dispenser l’information nécessaire et de faire reculer la stigmatisation et la discrimination et de dissiper les craintes et les préjugés parmi les enfants et les adolescents au sujet du VIH et de son mode de transmission.

b) Le rôle de l’éducation

15.L’éducation joue un rôle essentiel dans la communication aux enfants d’informations pertinentes et appropriées concernant le VIH/sida, qui peuvent contribuer à faire mieux connaître et comprendre à la population l’importance de cette pandémie et à prévenir les attitudes négatives à l’égard des victimes du VIH/sida (voir aussi l’Observation générale no 1 du Comité sur les buts de l’éducation). En outre, l’éducation peut et doit donner aux enfants les moyens de se protéger contre le risque d’infection par le VIH. À cet égard, le Comité rappelle aux États parties leur obligation de veiller à ce que tous les enfants aient accès à l’enseignement primaire, y compris les enfants infectés, rendus orphelins ou touchés d’une autre manière par le VIH/sida. Dans de nombreuses communautés durement frappées par le VIH, il est très difficile pour les enfants des familles touchées, et notamment les filles, de poursuivre leur scolarité, et la perte d’enseignants et d’autres personnels employés dans les écoles, due au Sida, entrave et menace d’interdire l’accès des enfants à l’éducation. Les États parties doivent prendre des dispositions garantissant la possibilité pour les enfants touchés par le VIH/sida de continuer à fréquenter l’école en assurant le remplacement des enseignants malades par du personnel qualifié pour éviter toute interruption de l’enseignement et pour que le droit à l’éducation (art. 28) de tous les enfants vivant dans ces communautés soit pleinement protégé.

16.Les États parties doivent déployer tous les efforts possibles pour garantir la sécurité des enfants dans les écoles en veillant à ce qu’elles ne contribuent pas à accroître leur vulnérabilité à l’infection par le VIH. En application de l’article 34 de la Convention, les États parties sont tenus de prendre toutes les mesures appropriées pour empêcher notamment que des enfants ne soient incités ou contraints à se livrer à une activité sexuelle illégale.

c) Services de santé adaptés aux besoins des enfants et des adolescents

17.Le Comité est préoccupé par le fait que, d’une manière générale, les services de santé ne sont pas encore suffisamment adaptés aux besoins des jeunes de moins de 18 ans, et en particulier des adolescents. Ainsi qu’il l’a souligné à de nombreuses occasions, les enfants font plus volontiers appel à des services qui font preuve de compréhension et sont disposés à les aider, qui proposent toutes sortes de services et d’informations, sont attentifs à leurs besoins, leur offrent la possibilité de participer aux décisions relatives à leur santé, et qui sont accessibles, abordables, confidentiels et neutres, n’exigent pas l’autorisation des parents et n’exercent aucune discrimination. Dans le contexte du VIH/sida et compte tenu du développement des capacités de l’enfant, les États parties sont encouragés à veiller à ce que les services de santé emploient du personnel dûment formé, qui respecte pleinement le droit des enfants à la protection de leur vie privée (art. 16) et leur droit à la non‑discrimination, en leur donnant accès à des informations sur le VIH, à des services de dépistage et de conseils volontaires, aux résultats de leurs examens sérologiques vis‑à‑vis du VIH, à des services de santé sexuelle et génésique confidentiels et à des méthodes et des services de contraception gratuits ou peu coûteux ainsi que, le cas échéant, à des soins et traitements liés au VIH, y compris pour prévenir et soigner des maladies associées au VIH/sida comme la tuberculose et les infections opportunistes.

18.Dans certains pays, même lorsqu’il existe des services de santé spécialisés dans le VIH adaptés aux besoins des enfants et des adolescents, ces derniers ne sont pas toujours accessibles aux enfants handicapés, autochtones, appartenant à des minorités, vivant dans des zones rurales, vivant dans l’extrême pauvreté ou socialement marginalisés pour toute autre raison. Dans d’autres pays, où le système de santé a déjà atteint les limites de ses capacités, les enfants vivant avec le VIH se voient systématiquement refuser l’accès aux soins de santé de base. Les États parties doivent veiller à ce que les services bénéficient, dans toute la mesure possible, à tous les enfants vivant sur leur territoire, sans discrimination, en veillant à ce qu’ils tiennent dûment compte des différences liées au sexe et à l’âge des enfants, ainsi qu’au contexte social, économique, culturel et politique dans lequel ils vivent.

d) Services de dépistage et conseils

19.L’accès à des services confidentiels et libres de conseils et de dépistage du VIH, compte tenu du développement des capacités de l’enfant, est indispensable pour les droits et la santé des enfants. De tels services sont essentiels pour que les enfants soient mieux protégés contre le risque de contracter ou de transmettre le VIH, qu’ils aient accès aux soins, aux traitements et au soutien nécessaires et puissent mieux planifier leur avenir. Conformément à l’obligation qui leur est faite en vertu de l’article 24 de la Convention de garantir qu’aucun enfant ne soit privé du droit d’avoir accès aux services médicaux nécessaires, les États parties doivent faire en sorte que tous les enfants aient accès à des services de dépistage et de conseils libres et confidentiels.

20.Le Comité tient à souligner que, puisque le premier devoir des États parties est d’assurer la protection des droits de l’enfant, ces derniers doivent s’abstenir de soumettre les enfants à des dépistages obligatoires en toutes circonstances et les protéger contre ces pratiques. Si le développement des capacités de l’enfant doit être le critère déterminant pour décider de l’opportunité de requérir le consentement de ses parents ou tuteurs ou de s’adresser directement à lui, dans tous les cas, les États parties doivent respecter le droit de l’enfant d’être informé, qui est énoncé aux articles 13 et 17 de la Convention, et s’assurer qu’avant d’être soumis à un test de dépistage du VIH l’enfant soit suffisamment informé des risques et des avantages de cet examen par les prestataires de soins de santé auxquels il s’est adressé pour une autre raison médicale, ou d’une autre manière, afin qu’il puisse prendre une décision en connaissance de cause.

21.Les États parties doivent protéger la confidentialité des résultats des tests de dépistage du VIH, conformément à l’obligation qui leur est faite (à l’article 16) de protéger le droit de l’enfant au respect de sa vie privée, notamment dans le cadre de la protection sanitaire et sociale, et les informations relatives à l’état sérologique de l’enfant vis‑à‑vis du VIH ne peuvent pas être divulguées à des tiers, y compris aux parents, sans l’autorisation de ce dernier.

e) Transmission mère ‑enfant

22.La transmission mère‑enfant est à l’origine de la majorité des infections par le VIH chez les nourrissons et les jeunes enfants. Ces derniers peuvent être infectés par le VIH in utero, pendant l’accouchement, à la naissance ou par le lait maternel. Les États parties doivent veiller à la mise en œuvre des stratégies recommandées par les institutions des Nations Unies, visant à prévenir l’infection des nourrissons et des jeunes enfants par le VIH, qui concernent notamment: a) la prévention primaire de l’infection chez les futurs parents; b) la prévention des grossesses non désirées chez les femmes infectées par le VIH; c) la prévention de la transmission du VIH d’une femme infectée à ses enfants en bas âge; et d) la fourniture de soins, d’un traitement et d’un soutien aux femmes infectées par le VIH ainsi qu’à leurs enfants en bas âge et aux autres membres de leur famille.

23.Pour prévenir la transmission du VIH de la mère à l’enfant, les États parties doivent prendre certaines mesures et notamment assurer la fourniture de médicaments essentiels comme les antirétroviraux, de soins appropriés avant, pendant et après l’accouchement, et mettre à disposition à l’intention des femmes enceintes et de leurs partenaires des services de conseils et de dépistage volontaire. Le Comité reconnaît que l’administration d’antirétroviraux à une femme au cours de la grossesse ou de l’accouchement et, dans certains cas, à son enfant, permet de réduire de façon significative le risque de transmission de la mère à l’enfant. Toutefois les États parties devraient en outre offrir un soutien aux mères et aux enfants, et notamment en les renseignant sur les différents modes d’alimentation des nourrissons. Le Comité rappelle que les services de conseils destinés aux mères atteintes par le VIH doivent porter, entre autres, sur les risques et les avantages des différents modes d’alimentation des nourrissons et les aider à choisir celui qui est le mieux adapté à leur cas. Les femmes doivent aussi bénéficier d’un suivi pour pouvoir mener à bien l’option qu’elles ont choisie dans des conditions de sécurité maximum.

24.Même dans les populations à forte prévalence du VIH, la majorité des nouveau‑nés sont mis au monde par des femmes qui ne sont pas infectées par le VIH. Pour les enfants dont la mère est séronégative ou ne connaît pas son statut sérologique vis‑à‑vis du VIH, le Comité tient à souligner qu’en application des articles 6 et 24 de la Convention l’allaitement au sein demeure le mode d’alimentation le plus approprié. Pour les nourrissons dont la mère est infectée par le VIH, il semble, d’après l’état actuel des connaissances, que l’allaitement au sein peut augmenter le risque de transmission du VIH de 10 à 20 %. Toutefois, s’ils ne sont pas nourris au sein, ces enfants sont exposés à un risque plus élevé de malnutrition ou de maladies infectieuses autres que le VIH. Les organismes des Nations Unies recommandent à toutes les mères infectées par le VIH de renoncer à allaiter leur enfant dans la mesure où elles ont les moyens d’opter pour un mode d’alimentation de substitution satisfaisant, économique, acceptable, durable et sans danger. Dans les autres cas, l’allaitement exclusif est recommandé pendant les premiers mois de la vie et doit être remplacé par un autre mode d’alimentation du nourrisson dès que possible.

f) Traitement et soins

25.La Convention impose aux États parties, entre autres obligations, celle d’assurer à tous les enfants sans distinction un accès durable, dans des conditions d’égalité, à l’ensemble des possibilités de traitement et de soins, de même qu’aux médicaments, biens et services nécessaires pour lutter contre le VIH. Il est désormais généralement admis qu’un protocole complet de traitement et de soins comprend des antirétroviraux et d’autres médicaments, des méthodes diagnostiques et autres technologies adaptées au traitement du VIH/sida, des infections opportunistes et autres maladies associées, mais aussi une bonne alimentation et un soutien social, spirituel et psychologique, ainsi que l’accès à des soins dans le cadre de la famille ou de la communauté et à domicile. À cet égard, les États parties doivent négocier avec les industries pharmaceutiques pour garantir la disponibilité des médicaments nécessaires au moindre coût. En outre, il est demandé aux États parties de reconnaître la nécessité de faire participer la population à la fourniture de l’ensemble des soins et traitements nécessaires anti‑VIH/sida et de soutenir et faciliter cette participation, tout en s’acquittant de leurs propres obligations au titre de la Convention. Les États parties sont invités à combattre tout particulièrement au sein de la population les éléments qui font obstacle à l’égalité d’accès au traitement, aux soins et au soutien de tous les enfants.

g) Participation des enfants aux activités de recherche

26.Conformément à l’article 24 de la Convention, les États parties doivent veiller à ce que les activités de recherche consacrées au VIH/sida comportent des études spécifiques visant à renforcer l’efficacité de la prévention, des soins et du traitement et à limiter l’impact du VIH sur les enfants. Néanmoins, ils doivent veiller à ce que les enfants ne soient pas utilisés comme sujets d’expérience jusqu’à ce qu’une intervention ait été dûment testée sur des adultes. Des problèmes juridiques et des problèmes d’éthique ont été soulevés dans le cadre des activités de recherche biomédicale sur le VIH/sida, des actions de lutte contre le VIH/sida et de la recherche sociale, culturelle et comportementale. Des enfants ont été soumis à des recherches inutiles ou mal conçues, sans qu’ils aient eu la possibilité de refuser ou d’accepter d’y participer. En fonction du développement de ses capacités, il convient de s’assurer du consentement de l’enfant et, le cas échéant, de celui de ses parents ou tuteurs, mais dans tous les cas les intéressés doivent être pleinement informés au préalable des risques et des avantages de ces recherches pour l’enfant. Le Comité rappelle en outre aux États parties qu’il leur incombe, en application de l’article 16 de la Convention, de protéger les enfants contre toute atteinte au respect de leur vie privée dans le cadre des activités de recherche, et de veiller à ce que les renseignements personnels les concernant obtenus dans le cadre de ces recherches ne soient en aucune circonstance utilisés à d’autres fins que celles pour lesquelles le consentement a été donné. Les États parties doivent mettre tout en œuvre pour que les enfants et, en fonction du développement de leurs capacités, leurs parents ou tuteurs soient associés aux décisions portant sur les priorités de recherche, et que les enfants participant à ces recherches bénéficient d’une structure de soutien.

V. ENFANTS VULNÉRABLES AU VIH ET ENFANTS AYANT BESOIN D’UNE PROTECTION SPÉCIALE

27.On constate généralement que les enfants devenus particulièrement vulnérables à l’égard du VIH/sida, en raison de facteurs politiques, économiques, sociaux, culturels et autres, risquent d’être privés d’un soutien suffisant pour faire face aux répercussions du VIH/sida sur leurs familles et leurs communautés, sont exposés au risque d’infection, font l’objet de recherches non fondées ou n’ont pas accès au traitement, aux soins et au soutien nécessaires s’ils sont infectés par le VIH. Les plus vulnérables d’entre eux sont ceux qui vivent dans des camps de réfugiés et de personnes déplacées à l’intérieur de leur pays, les enfants détenus ou placés dans des établissements, ou encore les enfants vivant dans l’extrême pauvreté, les enfants vivant dans des situations de conflit armé, les enfants soldats, les enfants exploités sur le plan économique et sexuel et les enfants handicapés, migrants, appartenant à des minorités ou à des groupes autochtones, ainsi que les enfants des rues. Cependant, tous les enfants peuvent devenir vulnérables selon les circonstances particulières de leur vie. Le Comité tient à souligner que même en période de grave pénurie de ressources les droits des membres vulnérables de la société doivent être protégés et que de nombreuses mesures peuvent être mises en place avec un minimum de ressources. Pour réduire la vulnérabilité à l’égard du VIH/sida, il importe tout d’abord de permettre aux enfants, à leurs familles et à leurs communautés de participer en connaissance de cause à l’élaboration des décisions, mesures et politiques les concernant dans le domaine du VIH/sida.

a) Enfants touchés et rendus orphelins par le VIH/sida

28.Une attention spéciale doit être portée aux enfants rendus orphelins en raison du sida et aux enfants dont les familles sont touchées, notamment aux enfants chefs de famille, qui sont particulièrement vulnérables à l’infection par le VIH. La stigmatisation et le rejet social dont font l’objet les enfants de familles touchées par le VIH/sida peuvent être aggravés par le non‑respect ou la violation de leurs droits et notamment par la discrimination exercée à leur encontre qui a pour effet de limiter ou de supprimer leurs possibilités d’accès à l’éducation et aux services médicaux et sociaux. Le Comité tient à souligner la nécessité d’accorder une protection juridique, économique et sociale à ces enfants pour leur permettre d’exercer leurs droits à l’éducation, à l’héritage et au logement, d’avoir accès aux services sociaux et de pouvoir révéler sans crainte leur statut de séropositivité et celui des membres de leur famille s’ils le jugent bon. À cet égard, il est rappelé aux États parties que ces mesures sont indispensables pour assurer aux enfants la jouissance de leurs droits et pour leur apporter les compétences et le soutien nécessaires afin qu’ils soient moins vulnérables et moins exposés aux risques d’infection.

29.Le Comité tient à souligner l’importance pour les enfants affectés par le VIH/sida de pouvoir apporter la preuve de leur identité car c’est le seul moyen de garantir la reconnaissance de leur personnalité juridique, de sauvegarder la protection de leurs droits, notamment en matière d’héritage, d’éducation et d’accès aux services de santé ainsi qu’à d’autres services sociaux, et de les rendre moins vulnérables aux mauvais traitements et à l’exploitation, surtout s’ils sont séparés de leur famille pour des raisons de maladie ou de décès. À cet égard, l’enregistrement des naissances est indispensable pour assurer le respect des droits des enfants et il est en outre nécessaire pour limiter au maximum les répercussions du VIH/sida sur les vies des enfants touchés. C’est pourquoi le Comité rappelle aux États parties l’obligation qui leur est faite à l’article 7 de la Convention de faire en sorte que tous les enfants soient enregistrés à la naissance ou immédiatement après.

30.Le VIH/sida représente souvent pour les enfants dont les parents sont malades ou décédés un traumatisme fréquemment aggravé par les effets de la stigmatisation et de la discrimination dont ils font l’objet. À cet égard, il est rappelé aux États parties qu’il leur incombe de faire en sorte que tant la législation que la pratique soutiennent les droits à l’héritage et les droits de propriété des orphelins, en prêtant une attention particulière à la discrimination sexuelle sous‑jacente qui peut entraver l’exercice de ces droits. Conformément aux obligations qui leur incombent en vertu de l’article 27 de la Convention, les États parties doivent aussi soutenir les familles des enfants rendus orphelins par le sida et les communautés dans lesquelles ils vivent et les doter de moyens renforcés afin d’assurer à ces enfants un niveau de vie suffisant pour garantir leur développement physique, mental, spirituel, moral, économique et social, y compris l’accès à des soins psychosociaux si nécessaire.

31.Pour assurer au mieux la protection des orphelins, il est préférable de ne pas séparer les membres d’une même fratrie et d’en confier la garde à des proches parents ou à des membres de la famille. En l’absence d’autres solutions, il est peut‑être moins traumatisant pour des orphelins d’être recueillis par des membres de la famille élargie qui bénéficient du soutien de l’entourage. Une aide doit être fournie en vue de garantir que, dans la mesure du possible, les enfants puissent demeurer au sein des structures familiales existantes. Cette solution n’est pas toujours possible en raison des répercussions que le VIH/sida peut avoir sur la famille élargie. En pareil cas, les États parties doivent s’efforcer de proposer une structure de remplacement de type familial (comme le placement dans une famille). Les États parties sont encouragés à fournir une assistance financière ou autre, si nécessaire, aux enfants chefs de famille. Leurs stratégies doivent tenir compte du fait que les collectivités locales sont concernées au premier chef dans la lutte contre le VIH/sida et qu’elles ont besoin d’assistance pour déterminer quelle est la meilleure manière d’apporter un soutien aux orphelins.

32.Bien que le placement en établissement ait parfois des effets préjudiciables sur le développement de l’enfant, les États parties peuvent privilégier cette solution à titre provisoire dans le cas des enfants rendus orphelins par le VIH/sida qui ne peuvent pas être pris en charge dans une structure familiale dans leur propre communauté. Le Comité est d’avis que le placement d’enfants en établissements ne devrait être qu’une mesure de dernier ressort et que tout doit être fait pour protéger les droits des enfants et les préserver de toutes formes de mauvais traitements et d’exploitation. Conformément au droit de l’enfant à une protection et à une assistance spéciales dans ce type d’établissement, et en application des articles 3, 20 et 25 de la Convention, des mesures strictes doivent être prises pour garantir que ces établissements satisfont à des normes précises concernant les soins et qu’ils offrent toutes les garanties en matière de protection juridique. Il est rappelé aux États parties que la durée du placement dans ces établissements doit être limitée et qu’ils doivent mettre au point des programmes d’assistance à l’intention des enfants ainsi placés, qu’ils soient infectés ou touchés par le VIH/sida, afin de faciliter leur réintégration dans leurs communautés.

b) Victimes d’exploitation sexuelle et économique

33.Les enfants des deux sexes qui se trouvent privés de moyens de survie et de développement, et en particulier ceux qui ont été rendus orphelins par le sida, peuvent être exposés à diverses formes d’exploitation sexuelle et économique et incités par exemple à échanger des services sexuels ou des travaux à risque contre de l’argent pour survivre, pour soutenir leurs parents malades ou mourants et leurs jeunes frères et sœurs, ou pour payer les frais de scolarité. Les enfants infectés ou directement touchés par le VIH/sida peuvent être exposés à une double discrimination en raison de leur statut social et économique marginal et à cause de leur statut de séropositivité ou de celui de leurs parents. En application des droits de l’enfant énoncés dans les articles 32, 34, 35 et 36 de la Convention et afin de limiter leur vulnérabilité au VIH/sida, les États parties sont tenus de protéger les enfants contre toutes les formes d’exploitation économique et sexuelle, et notamment de veiller à ce qu’ils ne tombent pas dans les filets de la prostitution et ne soient pas contraints de se livrer à des travaux préjudiciables à leur éducation, à leur santé ou à leur développement physique, mental, spirituel, moral ou social. Les États parties doivent agir résolument pour protéger les enfants contre toute forme d’exploitation, de traite et de vente à des fins sexuelles et économiques et, en application des droits énoncés à l’article 39, offrir aux enfants qui ont été victimes de ces pratiques des possibilités d’accès aux services d’assistance et de soins mis en place par l’État et par des organisations non gouvernementales pour résoudre ces problèmes.

c) Victimes de violences et de mauvais traitements

34.Les enfants peuvent être exposés à diverses formes de violence et de mauvais traitements qui risquent de les rendre encore plus vulnérables à l’infection par le VIH, mais ils peuvent aussi être exposés à la violence du fait qu’ils sont infectés ou touchés par le VIH/sida. Des actes de violence, notamment des viols et d’autres formes de sévices sexuels, peuvent se produire au sein même de la famille ou du foyer d’accueil ou être perpétrés par le personnel d’encadrement, notamment les enseignants ou les employés des établissements qui travaillent avec les enfants, comme les établissements pénitentiaires et les institutions psychiatriques ou autres centres pour enfants handicapés. Conformément aux droits de l’enfant énoncés à l’article 19 de la Convention, les États parties ont le devoir de protéger les enfants contre toutes formes de violence et de mauvais traitements susceptibles de se produire au foyer, à l’école ou dans d’autres établissements, ou au sein de la communauté. Les programmes doivent être spécifiquement adaptés à l’environnement dans lequel évoluent les enfants, à leur capacité à reconnaître et faire savoir qu’ils sont victimes de mauvais traitements, et à leurs capacités individuelles ainsi qu’à leur degré d’autonomie. Le Comité considère qu’une attention spéciale doit être portée aux relations entre le VIH/sida et la violence ou les mauvais traitements auxquels les enfants sont exposés en période de guerre et de conflit armé. Il est essentiel que les États parties prennent des mesures visant à prévenir les actes de violence et les mauvais traitements dans ce genre de situation et veillent à ce que les questions liées au VIH/sida et aux droits de l’enfant soient prises en considération dans les solutions et les mesures d’assistance adoptées à l’égard des enfants − des deux sexes − qui ont été utilisés par le personnel de l’armée ou d’autres personnels en uniforme pour des tâches domestiques ou des services sexuels, ou qui ont été déplacés ou vivent dans des camps de réfugiés. Conformément aux obligations qui leur incombent, notamment en vertu des articles 38 et 39 de la Convention, les États parties doivent mettre en place dans les régions touchées par les conflits et les catastrophes des campagnes d’information actives et des services d’orientation destinés aux enfants, ainsi que des mécanismes de prévention et de dépistage précoces de la violence et des mauvais traitements, qui doivent être intégrés dans les stratégies nationales et locales de lutte contre le VIH/sida.

Abus de drogues

35.La consommation de substances psychoactives comme l’alcool et les drogues peut réduire la capacité des enfants de contrôler leur comportement sexuel et, par conséquent, les rendre plus vulnérables à l’infection par le VIH. L’usage de matériels d’injection non stérilisés accroît en outre le risque de transmission du VIH. Le Comité souligne la nécessité de mieux comprendre les comportements toxicomaniaques des enfants, et notamment l’incidence du non‑respect et des violations de leurs droits à cet égard. La plupart des pays ne disposent pas encore de programmes pragmatiques de prévention du VIH axés sur le problème de la toxicomanie et, lorsqu’ils existent, ces programmes sont surtout destinés aux adultes. Le Comité tient à souligner que les politiques et programmes visant à faire reculer la consommation de drogues et la transmission du VIH doivent tenir compte des sensibilités et des modes de vie spécifiques des enfants et des adolescents dans l’optique de la prévention du VIH/sida. Conformément aux droits de l’enfant énoncés aux articles 33 et 24 de la Convention, les États parties sont tenus d’assurer la mise en œuvre de programmes visant à limiter les incitations à la toxicomanie et de programmes de traitement et d’assistance destinés aux enfants toxicomanes.

VI. RECOMMANDATIONS

36.Le Comité réaffirme ci‑après les recommandations qui ont été formulées lors de la journée de débat général sur la question des enfants vivant dans un monde marqué par le VIH/sida (CRC/C/80) et exhorte les États parties à:

1.Adopter et mettre en œuvre à l’échelon national et local des politiques concernant le VIH/sida, et notamment des plans d’action, des stratégies et des programmes efficaces, axés sur l’enfant et ses droits tels qu’ils sont énoncés dans la Convention, en prenant en considération les recommandations formulées dans les paragraphes précédents de la présente observation générale et celles qui ont été adoptées à la session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies consacrée aux enfants (2002);

2.Allouer des ressources financières, techniques et humaines, dans toutes les limites des ressources dont ils disposent, pour soutenir l’action entreprise aux niveaux national et communautaire (art. 4) et, s’il y a lieu, dans le cadre de la coopération internationale (voir par. 41 ci‑après);

3.Passer en revue la législation en vigueur ou adopter de nouvelles mesures législatives en vue d’assurer la pleine mise en œuvre de l’article 2 de la Convention et, notamment, interdire expressément la discrimination motivée par une infection réelle ou supposée par le VIH/sida afin de garantir à tous les enfants l’égalité d’accès à tous les services pertinents, en prêtant particulièrement attention au droit de l’enfant au respect de sa vie privée, et à la confidentialité des renseignements le concernant, ainsi qu’à d’autres recommandations formulées par le Comité dans les paragraphes précédents qui ont trait à la législation;

4.Inclure des plans d’action, des stratégies, des politiques et des programmes se rapportant au VIH/sida dans les activités des organismes nationaux chargés de surveiller et de coordonner la mise en œuvre des droits de l’enfant et envisager de mettre en place un mécanisme d’examen des plaintes relatives au non‑respect ou à la violation des droits de l’enfant dans le contexte du VIH/sida, en créant à cet effet un nouvel organe législatif ou administratif ou en confiant ce mandat à une institution nationale existante;

5.Réexaminer leur système de collecte et d’évaluation des données concernant le VIH afin de s’assurer que celles‑ci couvrent bien les enfants tels qu’ils sont définis dans la Convention, qu’elles sont ventilées par âge et par sexe et si possible réparties en cinq groupes d’âge, et qu’elles englobent, dans la mesure du possible, les enfants appartenant à des groupes vulnérables et ceux qui nécessitent une protection spéciale;

6.Inclure dans les rapports qu’ils soumettent en application de l’article 44 de la Convention des informations sur les politiques et les programmes nationaux de lutte contre le VIH/sida et, dans la mesure du possible, sur l’établissement des budgets et l’allocation de ressources aux niveaux national, régional et local, en précisant la part respective de ces crédits allouées aux activités de prévention, de soins, de recherche et de réduction de l’impact. Ils devront préciser en particulier dans quelle mesure ces programmes et politiques se réfèrent explicitement aux enfants (en tenant compte du développement de leurs capacités) et à leurs droits, et dans quelle mesure les droits de l’enfant dans le contexte du VIH sont visés dans les textes législatifs et pris en considération dans les politiques et les pratiques, en accordant une attention particulière à la discrimination exercée à l’encontre des enfants en raison de leur situation face au VIH ou du fait que leurs parents sont morts du sida ou vivent avec le VIH/sida. Le Comité demande aux États parties d’indiquer de façon détaillée dans leurs rapports les questions qui leur paraissent prioritaires sur le territoire national dans le contexte des enfants face au VIH/sida, et de préciser le programme d’activités qu’ils ont l’intention d’entreprendre dans les cinq années à venir pour résoudre les problèmes recensés. Cela permettra d’évaluer progressivement les résultats obtenus.

7.En vue de promouvoir la coopération internationale, le Comité demande à l’UNICEF, à l’OMS, au FNUAP, à l’ONUSIDA et à d’autres instances, organisations et institutions internationales pertinentes d’apporter systématiquement leur contribution aux efforts déployés par les gouvernements pour garantir la jouissance des droits des enfants dans le contexte du VIH/sida, et de continuer à travailler avec le Comité à l’amélioration de la situation des droits de l’enfant dans ce contexte. De plus, il invite instamment les États parties qui participent à la coopération internationale pour le développement à faire en sorte que les droits de l’enfant soient dûment pris en considération dans les stratégies de lutte contre le VIH/sida.

8.Les organisations non gouvernementales, de même que les groupes communautaires et d’autres acteurs de la société civile comme les mouvements de jeunes, les organisations d’inspiration religieuse, les associations de femmes et les chefs traditionnels, y compris les dignitaires religieux et culturels, ont tous un rôle crucial à jouer dans la lutte contre la pandémie de VIH/sida. Les États parties sont invités à favoriser la participation d’entités de la société civile en encourageant la collaboration et la coordination entre les différents acteurs, et à apporter à ces entités le soutien nécessaire pour leur permettre de travailler de façon efficace et sans entrave. À cet effet, les États parties sont particulièrement encouragés à associer pleinement les personnes vivant avec le VIH/sida, et tout spécialement les enfants, aux activités de prévention, de soins, de traitement et de soutien dans le domaine du VIH/sida.

Trente ‑troisième session (2003)

Observation générale n o  4: La santé et le développement de l’adolescent dans le contexte de la Convention relative aux droits de l’enfant

Introduction

Selon les termes de la Convention relative aux droits de l’enfant: «un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de 18 ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable» (art. 1). De ce fait, les adolescents qui n’ont pas atteint l’âge de 18 ans révolus jouissent de tous les droits garantis par la Convention; ils peuvent bénéficier des mesures de protection spéciale et exercer progressivement leurs droits d’une manière qui corresponde au développement de leurs capacités (art. 5).

L’adolescence est une période caractérisée par une évolution rapide sur les plans physique, intellectuel et social, y compris dans le domaine des relations sexuelles et de la capacité de procréer, du fait que l’acquisition progressive de la capacité à assumer des comportements et des rôles propres aux adultes implique de nouvelles responsabilités qui nécessitent l’acquisition de connaissances et de compétences nouvelles. Si les adolescents sont généralement considérés comme un groupe de population en bonne santé, ils se trouvent à une période de leur vie où leur santé ou leur épanouissement peuvent être sérieusement compromis car ils sont relativement vulnérables et incités par la société, et notamment par leurs pairs, à adopter des comportements à risque. Ils doivent en outre construire leur personnalité et gérer leur sexualité. Ce passage à l’âge adulte correspond aussi, en général, à une période de changements positifs favorisés par la grande capacité d’apprentissage dont ils font preuve, par leur aptitude à découvrir des situations nouvelles et variées, à façonner et à exercer leur sens critique, à prendre goût à la liberté, à faire preuve de créativité et à se faire des amis.

Le Comité des droits de l’enfant note avec préoccupation que les États parties n’accordent pas une attention suffisante dans l’exécution des obligations qui leur incombent en vertu de la Convention aux difficultés rencontrées par les adolescents dans l’exercice de leurs droits et à la nécessité de promouvoir leur santé et leur développement. Cette constatation l’a incité à adopter la présente observation générale afin de sensibiliser l’opinion à ce problème et d’orienter et soutenir les efforts déployés par les États parties pour garantir le respect et la protection des droits des adolescents, notamment par la formulation de stratégies et de politiques spécifiques.

Le Comité interprète les concepts de «santé et de développement» dans un sens plus large que celui des dispositions des articles 6 et 24 de la Convention qui se rapportent respectivement au droit à la vie, à la survie et au développement et au droit à la santé. L’un des objectifs de la présente observation générale est précisément de définir les principaux droits de l’homme qu’il convient de promouvoir et de protéger afin de permettre aux adolescents d’atteindre le niveau de santé le plus élevé possible, de se développer de façon équilibrée et d’être correctement préparé à entrer dans l’âge adulte et à assumer un rôle décisif dans leurs communautés respectives et dans la société au sens large. Cette observation générale doit être lue en parallèle avec la Convention et ses deux protocoles facultatifs concernant l’un la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et l’autre l’implication d’enfants dans des conflits armés, de même que d’autres normes internationales pertinentes dans le domaine des droits de l’homme.

I. PRINCIPES FONDAMENTAUX ET AUTRES OBLIGATIONS DES ÉTATS PARTIES

1.Le caractère indissociable et l’interdépendance des droits de l’enfant ont été reconnus par la Conférence mondiale sur les droits de l’homme (1993) et réaffirmés à plusieurs reprises par le Comité. Outre les articles 6 et 24, d’autres dispositions et principes de la Convention présentent une importance cruciale pour garantir aux adolescents le plein exercice de leurs droits à la santé et au développement.

Le droit à la non ‑discrimination

2.Les États parties s’engagent à garantir à tout être humain âgé de moins de 18 ans l’exercice de tous les droits énoncés dans la Convention, sans distinction aucune (art. 2), indépendamment de toute considération de «race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinions politiques ou autres … de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation». Cette liste de motifs englobe aussi les préférences sexuelles et l’état de santé des adolescents (et notamment leur statut à l’égard du VIH/sida et leur santé mentale). Les adolescents victimes de discrimination sont davantage exposés aux mauvais traitements et à d’autres types de violence et d’exploitation et leur santé et leur épanouissement sont plus compromis. C’est pourquoi ils méritent de faire l’objet d’une attention et d’une protection spéciales de tous les groupes de la société.

Une orientation et des conseils appropriés à l’exercice des droits

3.La Convention reconnaît la responsabilité, le droit et le devoir qu’ont les parents ou d’autres personnes juridiquement responsables d’un enfant de «donner à celui‑ci d’une manière qui corresponde au développement de ses capacités, l’orientation et les conseils appropriés à l’exercice des droits que lui reconnaît la présente Convention» (art. 5). Le Comité pense que les parents ou les autres personnes juridiquement responsables d’un enfant doivent s’acquitter soigneusement de leurs droits et de leur responsabilité de donner à leur enfant adolescent une orientation et des conseils appropriés à l’exercice de ses droits. Ils ont l’obligation de tenir compte de ses opinions, en fonction de son âge et de son degré de maturité, et de lui assurer un environnement salubre et propice à son épanouissement. Les adolescents ont besoin d’être reconnus par les membres de leur famille comme des personnes titulaires de droits, qui ont la capacité de devenir des citoyens à part entière et, à ce titre, d’assumer pleinement leurs responsabilités, pour autant qu’ils bénéficient d’une orientation et de conseils appropriés.

Respect des opinions de l’enfant

4.Le droit d’exprimer librement son opinion et le droit à ce que celle‑ci soit dûment prise en considération (art. 12) est aussi indispensable pour garantir le droit des adolescents à la santé et au développement. Les États parties doivent veiller à ce que les adolescents aient vraiment l’occasion d’exprimer librement leurs opinions sur toutes questions les intéressant, et en particulier au sein de la famille, à l’école et dans leur entourage. Afin que ces derniers puissent exercer ce droit de façon pleine et entière et dans des conditions de sécurité, les pouvoirs publics, les parents et d’autres adultes qui travaillent pour ou avec des enfants doivent instaurer un climat de confiance, favoriser l’échange d’informations, être à l’écoute des jeunes et leur prodiguer de bons conseils de manière à les inciter à prendre part, dans des conditions d’égalité, à la vie sociale et notamment aux processus de décision.

Mesures et processus d’ordre législatif et judiciaire

5.En vertu de l’article 4 de la Convention «les États parties s’engagent à prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres qui sont nécessaires pour mettre en œuvre les droits reconnus dans la présente Convention». Dans le contexte des droits des adolescents à la santé et au développement, les États parties doivent veiller à ce que les dispositions juridiques spécifiques concernant les adolescents soient garanties dans le droit interne, notamment en ce qui concerne la définition d’un âge minimum pour le consentement à des relations sexuelles, pour le mariage et la possibilité de suivre un traitement médical sans le consentement des parents. Ces dispositions doivent s’appliquer également aux garçons et aux filles (art. 2 de la Convention) et refléter clairement la reconnaissance des droits garantis aux personnes de moins de 18 ans d’une manière qui corresponde au développement de leurs capacités et eu égard à leur âge et à leur degré de maturité (art. 5 et 12 à 17). En outre, les adolescents doivent avoir facilement accès à des mécanismes d’examen des plaintes et à des procédures de recours judiciaire et non judiciaire dans lesquels soit garanti le respect d’une procédure équitable et régulière, et spécialement le respect de leur droit à la vie privée (art. 16).

Libertés et droits civils

6.Les libertés et droits civils des enfants et des adolescents sont définis aux articles 13 à 17 de la Convention qui représentent des dispositions essentielles en ce sens qu’elles garantissent le droit des adolescents à la santé et à l’épanouissement. L’article 17 dispose que l’enfant doit avoir «accès à une information et à des matériels provenant de sources nationales et internationales diverses, notamment ceux qui visent à promouvoir son bien‑être social, spirituel et moral ainsi que sa santé physique et mentale». L’accès aux informations nécessaires est un aspect fondamental de l’obligation qui incombe aux États parties de promouvoir des mesures efficaces et d’un coût abordable notamment en adoptant des lois, des politiques et des programmes dans toutes sortes de domaines liés à la santé et notamment ceux visées dans les articles 24 et 33 comme la planification familiale, la prévention des accidents, la protection contre les pratiques traditionnelles préjudiciables à leur santé, comme les mariages précoces et les mutilations sexuelles féminines, ainsi que l’abus d’alcool, de tabac et d’autres substances nocives.

7.Afin de promouvoir la santé et le développement des adolescents, les États parties sont aussi encouragés à respecter strictement leur droit à la vie privée et à la confidentialité, notamment en ce qui concerne les avis et les conseils qu’ils reçoivent sur les questions de santé (art. 16). Le personnel de santé est tenu d’assurer la confidentialité des informations médicales se rapportant aux adolescents, conformément aux principes fondamentaux de la Convention. Ces informations ne peuvent être divulguées qu’avec le consentement de l’adolescent ou dans des cas justifiant le non‑respect de la confidentialité, y compris pour les adultes. Les adolescents jugés suffisamment mûrs pour recevoir des conseils sans la présence d’un parent ou d’une autre personne ont droit au respect de la confidentialité de ces entretiens et peuvent exiger la confidentialité des services, y compris des traitements qui leur sont administrés.

Protection contre toutes les formes de mauvais traitements, de négligence, de violence ou d’exploitation

8.Les États parties doivent prendre toutes les mesures appropriées pour protéger les adolescents contre toute forme de violence, de mauvais traitements, de négligence et d’exploitation (art. 19, 32 à 36 et 38) et prêter une attention accrue aux formes particulières de mauvais traitements, de négligence, de violence et d’exploitation auxquels sont exposés les jeunes de ce groupe d’âge. Ils doivent, en particulier, adopter des mesures spéciales pour protéger l’intégrité physique, sexuelle et mentale des adolescents handicapés, qui sont particulièrement exposés à la violence et à la négligence. Les États parties doivent aussi veiller à ce que les adolescents sans ressources, qui vivent en marge de la société, ne soient pas pénalisés. À cet égard, il convient de consacrer des ressources financières et humaines à des recherches qui pourraient s’avérer utiles pour l’adoption de dispositions législatives, de politiques et d’activités efficaces à l’échelle locale et nationale. Les politiques et stratégies devraient être régulièrement examinées et révisées en conséquence. En adoptant ces mesures, les États parties doivent prendre en considération l’évolution des capacités des adolescents et les impliquer dans la mesure du possible dans l’élaboration de mesures, y compris de programmes destinés à les protéger. Dans ce contexte, le Comité met l’accent sur les effets bénéfiques de l’éducation par les pairs et sur l’importance de l’exemple donnée par les célébrités, notamment dans le monde des arts et lettres, du spectacle et des sports.

Collecte de données

9.Un système de collecte de données est nécessaire pour que les États parties puissent surveiller la santé et l’épanouissement des adolescents. Ils doivent pour cela adopter des systèmes qui permettent de ventiler les données par sexe, âge, origine et statut socioéconomique afin de pouvoir suivre la situation de certains groupes spécifiques comme les adolescents appartenant à des minorités ethniques ou à des peuples autochtones, les adolescents migrants ou réfugiés, ceux qui sont handicapés, ceux qui travaillent, etc. Le cas échéant, les adolescents peuvent être invités à participer à l’analyse de ces données pour s’assurer qu’elles soient bien interprétées et utilisées d’une manière conforme à leurs intérêts.

II. MISE EN PLACE D’UN ENVIRONNEMENT SAIN ET FAVORABLE

10.La santé et le développement des adolescents sont fortement influencés par l’environnement dans lequel ils vivent. Pour leur garantir un environnement sain et favorable, il faut à la fois agir sur les comportements des personnes qui se trouvent dans leur entourage immédiat: famille, copains, milieu scolaire et services et, à une échelle plus large, influencer les élus locaux et les chefs religieux, mais aussi les médias et les politiques et les dispositions législatives en vigueur à l’échelon national et local. Pour garantir le droit des adolescents à la santé et au développement, il est indispensable d’assurer la promotion et l’application des dispositions et des principes de la Convention, et en particulier des articles 2 à 6, 12 à 17, 24, 28, 29 et 31. Les États parties devraient prendre des mesures pour faire mieux connaître ces dispositions et favoriser ou réglementer leur application en formulant des politiques ou en adoptant des mesures législatives et des programmes d’activités spécialement conçues pour les adolescents.

11.Le Comité souligne l’importance de l’environnement familial, y compris les membres de la famille élargie et de la communauté ou les autres personnes juridiquement responsables d’un enfant ou d’un adolescent (art. 5 et 18). Si la plupart des adolescents grandissent dans un climat familial favorable, cela n’est pas le cas pour certains d’entre eux.

12.Le Comité demande aux États parties d’élaborer et de mettre en œuvre, d’une manière qui corresponde au développement des capacités de l’adolescent, des mesures législatives, des politiques et des programmes visant à promouvoir la santé et le développement des adolescents a) en assurant à leurs parents (ou à leur représentant légal) l’assistance dont ils ont besoin par la mise en place d’institutions, d’équipements et de services chargés de veiller au bien‑être des adolescents ainsi que, si nécessaire, par la fourniture d’une assistance matérielle en ce qui concerne l’alimentation, les vêtements et le logement (par. 3 de l’article 27); b) en fournissant les informations et l’appui nécessaires aux parents pour favoriser l’instauration d’une relation de confiance qui permette d’aborder ouvertement par exemple des questions de sexualité, de comportements sexuels et de modes de vie à risque, et de trouver des solutions acceptables compatibles avec le respect des droits des adolescents (par. 3 de l’article 27); c) en dispensant aux adolescents des deux sexes qui ont déjà des enfants un soutien et des conseils tant pour leur propre bien que pour celui de leurs enfants (par. 2 f) de l’article 24 et par. 2 et 3 de l’article 27); d) en prêtant une attention spéciale et en prodiguant des conseils et une assistance aux adolescents et à leurs parents (ou représentants légaux) dont les traditions et les normes diffèrent parfois de celles de la société dans laquelle ils vivent, dans le respect des valeurs et des normes des minorités ethniques et autres; et e) en veillant à ce que les interventions visant à protéger les adolescents qui consistent, dans certains cas, à les séparer de leur famille, notamment en cas de mauvais traitements et de négligence, soient conformes aux dispositions législatives et aux procédures pertinentes. Il convient d’examiner ces dispositions législatives et ces procédures pour s’assurer qu’elles sont en conformité avec les principes de la Convention.

13.L’école joue un rôle important dans la vie de nombreux adolescents en leur offrant des possibilités d’acquérir des connaissances, de s’épanouir et de s’ouvrir à la vie sociale. Le paragraphe 1 de l’article 29 prévoit que l’éducation doit viser à «favoriser l’épanouissement de la personnalité de l’enfant et le développement et de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités». En outre, selon les termes de l’Observation générale no 1 sur les buts de l’éducation: «l’éducation doit également avoir pour but de veiller à ce que … aucun enfant n’achève sa scolarité sans avoir acquis les moyens de faire face aux défis auxquels il sera confronté au cours de sa vie. Les compétences essentielles … consistent également … capacité de prendre des décisions rationnelles, de résoudre les conflits de façon non violente et de suivre un mode de vie sain [et] d’établir des liens sociaux appropriés…». Compte tenu de l’importance d’une éducation bien conçue pour la santé et l’épanouissement actuels et futurs des adolescents ainsi que pour leurs enfants, le Comité demande instamment aux États parties, en application des articles 28 et 29 de la Convention, a) d’assurer un enseignement primaire obligatoire de bonne qualité et gratuit pour tous et de garantir l’accès de tous les adolescents à un enseignement secondaire et supérieur; b) de créer des établissements primaires et des équipements récréatifs de bonne qualité et assurant des conditions favorables à la santé des écoliers, notamment du point de vue de l’eau et de l’assainissement et des transports scolaires; c) de prendre les mesures nécessaires pour prévenir et interdire toute forme de violences et de mauvais traitements, y compris les violences sexuelles, les châtiments corporels et tout autre traitement ou châtiment inhumain, dégradant ou humiliant, dans le cadre de l’école, de la part du personnel ou entre les étudiants eux‑mêmes; d) de mettre en place des mesures et d’encourager des comportements et des activités susceptibles de promouvoir un comportement sain en intégrant des thèmes pertinents dans les programmes scolaires.

14.Pendant l’adolescence, un nombre croissant de jeunes quittent l’école et commencent à travailler pour soutenir financièrement leur famille ou pour gagner leur vie, dans le secteur structuré ou non structuré de l’économie. Le fait d’exercer une activité professionnelle dans le respect des normes internationales, dans la mesure où cela n’entrave pas l’exercice de leurs autres droits, y compris leurs droits à la santé et à l’éducation, peut être favorable à l’épanouissement des adolescents. Le Comité demande instamment aux États parties de prendre toutes les mesures nécessaires pour abolir toutes les formes de travail des enfants, en commençant par les pires d’entre elles, d’examiner continuellement la réglementation nationale relative à l’âge minimum d’admission à l’emploi afin de garantir sa compatibilité avec les normes internationales et de réglementer l’environnement de travail et les conditions applicables aux adolescents qui travaillent (conformément aux dispositions de l’article 32 de la Convention et des Conventions nos 138 et 182 de l’OIT) afin de s’assurer qu’ils sont pleinement protégés et qu’ils ont accès aux procédures de recours judiciaires.

15.Le Comité souligne en outre que, conformément au paragraphe 3 de l’article 23 de la Convention, il est nécessaire de prendre en compte les droits spéciaux des enfants et des adolescents handicapés et de leur fournir une assistance pour qu’ils aient effectivement accès à un enseignement de bonne qualité. Les États devraient reconnaître le principe de l’égalité des chances en matière d’éducation aux niveaux primaire, secondaire et tertiaire, pour les enfants ou les adolescents handicapés et, de préférence, dans des établissements généraux.

16.Le Comité est préoccupé par le nombre de mariages et de grossesses précoces qui sont à l’origine d’un grand nombre de pathologies liées à la santé sexuelle et génésique, y compris le VIH/sida. L’âge minimum requis pour contracter mariage tout comme l’âge réel du mariage sont très bas dans plusieurs États parties, en particulier chez les filles. Cette situation n’a pas seulement des répercussions sur la santé des adolescents: les enfants qui se marient, et en particulier les filles, sont souvent obligés de quitter l’école et se retrouvent exclus des activités sociales. De plus, dans certains États parties, les enfants mariés sont considérés comme des adultes sur le plan juridique, même s’ils ont moins de 18 ans et n’ont pas droit aux mesures de protection spéciale au titre de la Convention. Le Comité recommande vivement aux États parties de revoir et, si nécessaire, de modifier la législation et la pratique, pour porter à 18 ans l’âge minimum du mariage, avec ou sans le consentement des parents, tant pour les garçons que pour les filles. Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a formulé une recommandation similaire (Observation générale no 21 de 1994).

17.Dans la plupart des pays, les traumatismes accidentels ou les lésions consécutives à des voies de fait sont l’une des principales causes de décès ou d’incapacité permanente chez les adolescents. À cet égard, le Comité est préoccupé par la proportion excessive d’adolescents qui sont blessés ou tués dans des accidents de la route. Les États parties devraient adopter et mettre en œuvre des mesures législatives et des activités visant à améliorer la sécurité routière, en instaurant notamment des cours de conduite et un système d’examen pour les adolescents et en adoptant ou renforçant des mesures législatives ayant fait leurs preuves, qui consistent notamment à instaurer l’obligation pour les conducteurs d’être en possession d’un permis de conduire valide, à imposer le port de la ceinture de sécurité et du casque et à prévoir des espaces protégés pour piétons.

18.Le Comité est aussi très préoccupé par le taux élevé de mortalité par suicide dans la population de ce groupe d’âge. Les troubles mentaux et les maladies psychosociales sont relativement courants chez les adolescents. Dans bien des pays, les troubles tels que la dépression, l’anorexie et les comportements autodestructeurs qui incitent parfois les gens à s’automutiler ou à se suicider sont en augmentation. Ces comportements peuvent être consécutifs, notamment, à des violences, des mauvais traitements, des sévices et de la négligence, y compris des violences sexuelles, des attentes irréalistes et/ou des brimades ou du bizutage dans le cadre et en dehors de l’école. Les États parties devraient offrir à ces adolescents tous les services dont ils ont besoin.

19.La violence résulte de l’interaction subtile de divers facteurs d’ordre individuel, familial, communautaire et social. Les adolescents vulnérables, tels que ceux qui sont sans abri, qui sont placés dans des institutions, qui appartiennent à des bandes ou qui ont été recrutés comme enfants soldats, sont particulièrement exposés à la violence tant institutionnelle qu’interpersonnelle. En application de l’article 19 de la Convention, les États parties doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir et éliminer a) la violence à laquelle sont exposés les adolescents placés dans des établissements, notamment en adoptant des dispositions législatives et des mesures administratives applicables aux établissements publics et privés fréquentés par les adolescents (écoles, institutions pour adolescents handicapés, maisons de redressement, etc.) et par des activités de formation et de surveillance du personnel de ces établissements et de toutes les personnes qui sont en contact avec les enfants de par leur profession, y compris le personnel de la police; et b) la violence interpersonnelle entre adolescents, en s’efforçant entre autres de favoriser des solutions satisfaisantes en matière d’adoption et des possibilités de développement social et éducatif dans la petite enfance, d’encourager le respect des normes et des valeurs culturelles non violentes (ainsi que le prévoit l’article 29 de la Convention) d’imposer un contrôle sévère des armes à feu et de limiter l’accès à l’alcool et aux stupéfiants.

20.En application des articles 3, 6, 12 et 19 et du paragraphe 3 de l’article 24 de la Convention, les États parties prennent toutes les mesures nécessaires pour faire cesser les actes et activités qui menacent le droit à la vie des adolescents, y compris les crimes d’honneur. Le Comité invite instamment les États parties à élaborer et mettre en œuvre des campagnes de sensibilisation, des programmes d’éducation et des dispositions législatives visant à faire évoluer les mentalités et à modifier les rôles traditionnellement dévolus aux hommes et aux femmes et les stéréotypes qui favorisent la persistance de pratiques traditionnelles préjudiciables à la santé. En outre, les États parties devraient favoriser la mise en place de centres d’information et de conseils pluridisciplinaires concernant les dangers de certaines pratiques traditionnelles, y compris les mariages précoces et les mutilations sexuelles féminines.

21.Le Comité est préoccupé de constater que les comportements des adolescents en matière de santé sont influencés par la promotion de produits et de modes de vie dangereux pour la santé. En vertu de l’article 17 de la Convention, il demande instamment aux États parties de protéger les adolescents des informations préjudiciables à leur santé et à leur épanouissement, et de veiller à ce qu’ils aient accès à une information et à des matériels provenant de sources nationales et internationales diverses. À cette fin, il invite les États parties à réglementer ou interdire la promotion de substances telles que l’alcool et le tabac et l’information y relative, en particulier lorsque ces activités prennent pour cible les enfants et les adolescents.

III. INFORMATION, DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES, ACTIVITÉS DE CONSEIL ET SERVICES DE SANTÉ

22.Les adolescents ont le droit d’avoir accès aux informations nécessaires à leur santé et à leur épanouissement et susceptibles de favoriser leur pleine participation à la vie sociale. Les États parties ont pour obligation de veiller à ce que tous les adolescents, filles ou garçons, scolarisés ou non, aient accès sans réserve à une information précise et bien conçue sur la manière de protéger leur santé et leur épanouissement et d’adopter des comportements favorables à la santé. Il s’agit notamment d’informations relatives à la consommation et à l’abus de tabac, d’alcool et d’autres substances, aux comportements sexuels sans danger et aux comportements sociaux respectueux d’autrui, au régime alimentaire et à l’activité physique.

23.Afin de pouvoir utiliser cette information dans la pratique, les adolescents doivent acquérir les compétences nécessaires, pour être capable de prendre en main leur santé, de prévoir et préparer des repas équilibrés sur le plan nutritionnel et de respecter les règles d’hygiène et de faire face à des situations sociales particulières dans lesquelles il importe de savoir communiquer, prendre des décisions et gérer des situations de stress et de conflit. Les États parties doivent encourager et soutenir les diverses possibilités de transmettre ces compétences, notamment par l’intermédiaire des programmes d’éducation et de formation de type scolaire et non scolaire, des associations de jeunes et des médias.

24.En vertu des articles 3, 17 et 24 de la Convention, les États parties doivent assurer aux adolescents l’accès à une information en matière de santé sexuelle et génésique, notamment sur l’importance de la planification familiale et les méthodes de contraception, les risques liés aux grossesses précoces, la prévention du VIH/sida et la prévention ainsi que le traitement des maladies sexuellement transmissibles (MST). En outre, les États parties doivent leur assurer l’accès à ces informations indépendamment de leur situation matrimoniale et du consentement de leurs parents ou tuteurs. Les moyens et méthodes utilisés pour fournir cette information doivent être adaptés aux besoins et tenir compte des droits spécifiques des adolescents et des adolescentes. C’est pourquoi les États parties sont encouragés à faire en sorte que cette information soit élaborée et diffusée avec la participation active d’adolescents, par toutes sortes de circuits autres que l’école, notamment les associations de jeunes, les groupes religieux, communautaires et autres et les médias.

25.En application de l’article 24 de la Convention, le Comité demande instamment aux États parties d’assurer aux adolescents atteints de troubles mentaux un traitement médical et des services de rééducation adaptés à leur handicap, d’informer la population des premiers symptômes permettant de dépister ces troubles mentaux et de la gravité de ces maladies et de protéger les adolescents de toutes pressions excessives, y compris du stress psychosocial. Les États parties sont aussi instamment invités à lutter contre la discrimination et l’ostracisme à l’égard des personnes souffrant de troubles mentaux, en application des dispositions contenues à l’article 2. Tous les adolescents atteints de troubles mentaux ont le droit de bénéficier d’un traitement et de soins, dans la mesure du possible dans leur environnement familier. Si l’hospitalisation ou le séjour dans un établissement psychiatrique est jugé nécessaire, cette décision doit être prise dans le respect du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. En cas d’hospitalisation ou de placement en établissement psychiatrique, il convient d’accorder aux patients, dans la mesure du possible, l’exercice de tous les droits qui sont reconnus dans la Convention, et notamment du droit à l’éducation et à des activités récréatives. Le cas échéant, il convient de séparer les adolescents des adultes. Les États parties doivent veiller à ce que les adolescents puissent faire appel à une personne extérieure à la famille pour représenter leurs intérêts, lorsque cela est nécessaire et utile. Conformément à l’article 25 de la Convention, il incombe aux États parties de procéder à un examen périodique de la situation des adolescents hospitalisés ou placés dans des établissements psychiatriques.

26.Les adolescents des deux sexes sont vulnérables à l’infection par les maladies sexuellement transmissibles, y compris le VIH/sida et susceptibles d’être affectés par ces maladies. Les États doivent faire en sorte que le matériel, les services et les informations nécessaires à la prévention et au traitement des MST, y compris du VIH/sida soient disponibles et accessibles. À cette fin, ils sont instamment priés a) d’élaborer des programmes de prévention efficaces, y compris des mesures visant à faire évoluer les mentalités en ce qui concerne les besoins des adolescents en matière de contraception et de prévention des MST et à lutter contre les tabous culturels et autres associés à la sexualité des adolescents; b) d’adopter des dispositions législatives pour lutter contre les pratiques susceptibles soit d’augmenter le risque d’infection chez les adolescents, soit de contribuer à la marginalisation des adolescents infectés par des MST, y compris par le VIH; et c) à adopter des mesures en vue de lever tous les obstacles qui entravent l’accès des adolescents à l’information, aux mesures de prévention comme l’emploi du préservatif et aux soins.

27.Les adolescentes doivent avoir accès à l’information sur les dangers des mariages et des grossesses précoces et, si elles tombent enceintes, à des services de santé respectueux de leurs droits et attentifs à leurs besoins spécifiques. Les États parties doivent prendre des mesures pour réduire la morbidité et la mortalité chez les adolescentes, qui sont essentiellement dues aux grossesses précoces et aux pratiques d’avortement à risque et pour venir en aide aux adolescents qui deviennent parents. Les jeunes mères ont parfois tendance à être dépressives et anxieuses, en particulier lorsqu’elles sont livrées à elles‑mêmes, et elles ont du mal à s’occuper de leur enfant. Le Comité demande instamment aux États parties a) d’élaborer et de mettre en œuvre des programmes visant à faciliter l’accès des adolescents à des services de santé sexuelle et génésique, y compris des services de planification familiale, des méthodes contraceptives et des techniques d’avortement sans danger, lorsque l’avortement est autorisé par la loi, des soins obstétricaux adéquats et complets et des services d’orientation; b) d’encourager la tolérance à l’égard des adolescents des deux sexes qui deviennent parents; et c) de faire en sorte que les mères adolescentes puissent poursuivre leurs études.

28.Avant de solliciter l’autorisation des parents, il faut permettre aux adolescents d’exprimer librement leurs opinions et celles‑ci doivent être dûment prises en considération, conformément à l’article 12 de la Convention. Toutefois, en fonction du degré de maturité de l’adolescent, on peut s’adresser directement à lui pour obtenir son consentement en connaissance de cause et informer ensuite les parents, si cela paraît plus conforme à «l’intérêt supérieur de l’enfant» (art. 3).

29.S’agissant du respect de la vie privée et de la confidentialité ainsi que de la question annexe du consentement donné en connaissance de cause, les États parties devraient a) adopter des dispositions législatives ou réglementaires garantissant aux adolescents l’accès à des conseils confidentiels concernant le traitement envisagé, afin qu’ils puissent donner leur consentement en connaissance de cause et ces dispositions devraient préciser l’âge minimum à partir duquel cette procédure est possible; et b) dispenser au personnel de santé une formation aux droits des adolescents au respect de leur vie privée et de la confidentialité des informations les concernant, et à leur droit d’être informés du traitement prévu et de donner leur consentement en connaissance de cause à ce sujet.

IV. VULNÉRABILITÉ ET RISQUES

30.Pour garantir le respect des droits des adolescents à la santé et au développement, il importe de prendre en considération non seulement les comportements individuels, mais aussi les influences extérieures qui expliquent leur vulnérabilité et les risques auxquels ils sont exposés. Les éléments extérieurs tels que les conflits armés ou l’exclusion sociale rendent les adolescents encore plus vulnérables aux mauvais traitements et à d’autres formes de violence et d’exploitation, ce qui compromet sérieusement leur aptitude à adopter des comportements et à faire des choix favorables à la santé. Par exemple, en choisissant de se livrer à des pratiques sexuelles à risque, ils mettent leur santé en danger.

31.Conformément à l’article 23 de la Convention, les adolescents mentalement ou physiquement handicapés ont, au même titre que les autres enfants, le droit de jouir du niveau de santé physique et mentale le plus élevé possible. Les États parties sont tenus de fournir aux adolescents handicapés les moyens nécessaires pour qu’ils soient en mesure d’exercer leurs droits. Les États parties doivent a) garantir l’accès de tous les adolescents handicapés aux établissements, matériels et services de santé en vue d’encourager leur autonomie et leur participation active dans la communauté; b) veiller à ce qu’ils disposent du matériel et de l’assistance nécessaires pour pouvoir se déplacer, participer et communiquer; c) prêter une attention particulière aux besoins spécifiques des adolescents handicapés en matière de sexualité; et d) éliminer les obstacles à la réalisation des droits des adolescents handicapés.

32.Les États parties sont tenus d’accorder une protection spéciale aux adolescents sans abri, y compris à ceux qui travaillent dans le secteur non structuré. En effet, ces derniers sont particulièrement exposés à la violence, aux mauvais traitements et à l’exploitation sexuelle de la part des autres ainsi qu’à des comportements autodestructeurs, à la toxicomanie et aux troubles mentaux. À cet égard, les États parties sont priés a) d’élaborer des politiques et d’adopter et de faire appliquer des mesures législatives visant à protéger ces adolescents contre la violence, notamment de la part des responsables de l’application des lois; et b) d’élaborer des stratégies en vue de leur assurer des possibilités d’éducation appropriées, l’accès aux soins de santé et des possibilités d’acquérir des compétences leur permettant d’accéder à l’autosuffisance.

33.Les adolescents exploités sur le plan sexuel, notamment à des fins de prostitution et de pornographie, sont particulièrement exposés aux MST, au VIH/sida, à des grossesses non désirées et à des avortements à risque ainsi qu’à la violence et à la détresse psychologique. Ils ont droit à des mesures de réadaptation physique et psychologique et de réinsertion sociale dans des conditions qui leur soient favorables sur le plan de la santé, du respect de soi et de la dignité (art. 39). Les États parties ont l’obligation d’adopter et de faire appliquer des lois interdisant toutes formes d’exploitation sexuelle et de traite des êtres humains, de collaborer avec d’autres États parties pour mettre fin à la traite internationale et de fournir des services de santé et de conseil appropriés aux adolescents qui ont été victimes d’exploitation sexuelle, en veillant à ce qu’ils soient considérés comme des victimes et non comme des délinquants.

34.En outre, les adolescents vivant dans la pauvreté ou confrontés aux conflits armés, à toutes formes d’injustice, à l’éclatement de la cellule familiale, à l’instabilité politique, sociale et économique, à tous les types de migration sont particulièrement vulnérables. Ces conditions peuvent compromettre gravement leur santé et leur épanouissement. En investissant massivement dans les politiques et des mesures de prévention, les États parties peuvent considérablement atténuer la vulnérabilité de ces adolescents et les facteurs de risque auxquels ils sont exposés, permettant ainsi à la société d’aider à peu de frais les adolescents à se développer harmonieusement dans une société libre.

V. NATURE DES OBLIGATIONS DE L’ÉTAT

35.Dans l’exercice des obligations qui leur incombent de favoriser la santé et l’épanouissement des adolescents, les États parties doivent toujours tenir pleinement compte des quatre principes généraux de la Convention. De l’avis du Comité, les États parties doivent prendre toutes les mesures nécessaires d’ordre législatif, administratif ou autres, pour garantir aux adolescents l’exercice de leur droit à la santé et à l’épanouissement qui est reconnu dans la Convention et veiller à son application. À cette fin, les États parties doivent notamment s’acquitter des obligations ci‑après:

a)Offrir aux adolescents un environnement sain et favorable, notamment au sein de la famille, à l’école, dans des établissements de toutes sortes dans lesquels ils ont été placés, sur leur lieu de travail et/ou au sein de la société;

b)Garantir aux adolescents l’accès aux informations indispensables à leur santé et à leur épanouissement et la possibilité de prendre part aux décisions qui affectent leur santé (notamment par la procédure du consentement donné en connaissance de cause et par le respect du droit à la confidentialité), d’acquérir des compétences pratiques, d’obtenir des informations utiles et adaptées à leur âge et d’adopter des comportements favorables à la santé;

c)Veiller à ce que tous les adolescents aient accès à des établissements, matériels et services de santé de bonne qualité et attentifs ou correspondant aux besoins des adolescents, y compris aux services de conseil et de soins de santé mentale et génésique;

d)Donner aux adolescents des deux sexes la possibilité de participer activement à la planification et à la programmation de leur santé et de leur épanouissement;

e)Protéger les adolescents contre toutes formes de travail susceptibles de compromettre l’exercice de leurs droits, notamment en abolissant toutes les formes de travail des enfants et en réglementant l’environnement et les conditions de travail conformément aux normes internationales;

f)Protéger les adolescents contre toute forme de traumatisme intentionnel et non intentionnel, y compris ceux qui sont provoqués par la violence ou consécutifs à des accidents de la route;

g)Protéger les adolescents contre toutes les pratiques traditionnelles dangereuses telles que les mariages précoces, les crimes d’honneur et les mutilations sexuelles féminines;

h)Veiller à ce que les adolescents appartenant à des groupes particulièrement vulnérables ne soient pas laissés pour compte dans la satisfaction de toutes les obligations susmentionnées;

i)Mettre en œuvre des mesures visant à prévenir les maladies mentales et à promouvoir la santé mentale des adolescents.

36.Le Comité appelle l’attention des États parties sur l’Observation générale no 14 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels sur le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint, dans laquelle on peut lire que: «Les États parties doivent prévoir à l’intention des adolescents un environnement sain et favorable leur donnant la possibilité de participer à la prise des décisions concernant leur santé, d’acquérir des connaissances élémentaires, de se procurer des informations appropriées, de recevoir des conseils et de négocier les choix qu’ils opèrent en matière de comportement dans l’optique de la santé. La réalisation du droit des adolescents à la santé est fonction de la mise en place de soins de santé tenant compte des préoccupations des jeunes et respectant la confidentialité et l’intimité, y compris des services appropriés de santé sexuelle et génésique.».

37.En application des articles 24 et 39 ainsi que d’autres dispositions pertinentes de la Convention, les États parties doivent veiller à ce que les services de santé prennent en considération les besoins et les droits spécifiques des adolescents en s’attachant aux caractéristiques suivantes:

a)Disponibilité. Il faut prévoir dans le cadre des soins de santé primaires des services axés sur les besoins des adolescents, notamment en matière de santé sexuelle et génésique et de santé mentale;

b)Accessibilité. Il convient de porter à la connaissance de tous les adolescents l’existence d’établissements, de matériels et de services de santé et de leur en faciliter l’accès (sur les plans économique, géographique et social). Le respect de la confidentialité doit être assuré le cas échéant;

c)Acceptabilité. Tout en respectant pleinement les dispositions et les principes de la Convention, tous les établissements, matériels et services de santé doivent respecter les valeurs culturelles, les sexospécificités, les principes d’éthique médicale et être acceptables tant pour les adolescents que pour les communautés dans lesquelles ils vivent;

d)Qualité. Les services de santé et le matériel médical doivent répondre aux exigences scientifiques et médicales, ce qui implique du personnel formé aux soins aux adolescents, des installations adéquates et des méthodes scientifiquement acceptées.

38.Les États parties doivent, si possible, adopter une stratégie multisectorielle pour la promotion et la protection de la santé des adolescents et de leur épanouissement en s’efforçant d’établir des liens et des partenariats efficaces et durables entre toutes les Parties intéressées. Au niveau national, cette stratégie nécessite une étroite collaboration et une coordination systématique entre les services pertinents de l’État afin de garantir leur participation. Les services de santé publique et autres services utilisés par les adolescents devraient aussi être incités et encouragés à travailler en collaboration, notamment, avec des praticiens privés et/ou des tradipraticiens, des associations professionnelles, des pharmaciens et des organisations qui s’occupent de groupes d’adolescents vulnérables.

39.Une stratégie multisectorielle pour la promotion et la protection de la santé des adolescents et de leur épanouissement ne saurait être efficace sans une coopération internationale. Par conséquent, les États parties doivent, le cas échéant, chercher à établir une coopération avec les institutions spécialisées, les programmes et les organes du système des Nations Unies, des organisations non gouvernementales internationales et des organismes d’aide bilatérale, ainsi qu’avec des associations professionnelles internationales et d’autres intervenants qui n’agissent pas au nom de l’État.

Trente ‑quatrième session (2003)

Observation générale n o  5: Mesures d’application générales de la Convention relative aux droits de l’enfant (art. 4, 42 et 44, par. 6)

Avant ‑propos

1.Le Comité des droits de l’enfant a établi la présente observation générale pour définir l’obligation qu’ont les États de concevoir ce qu’il a appelé «des mesures d’application générales». Les différents éléments du concept sont complexes et le Comité tient à souligner qu’il adoptera probablement en temps voulu, pour approfondir la présente définition, des observations générales plus détaillées sur chaque élément. Son Observation générale no 2 (2002) intitulée «Le rôle des institutions nationales indépendantes de défense des droits de l’homme dans la protection et la promotion des droits de l’enfant» avait déjà approfondi le concept.

Article 4

«Les États s’engagent à prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres qui sont nécessaires pour mettre en œuvre les droits reconnus dans la présente Convention. Dans le cas des droits économiques, sociaux et culturels, ils prennent ces mesures dans toutes les limites des ressources dont ils disposent et, s’il y a lieu, dans le cadre de la coopération internationale.».

I. INTRODUCTION

2.Lorsqu’un État ratifie la Convention relative aux droits de l’enfant, il s’engage en vertu du droit international à l’appliquer. L’application est le processus par lequel les États parties prennent des mesures pour assurer l’exercice de tous les droits consacrés par la Convention à tous les enfants relevant de leur juridiction. L’article 4 fait obligation aux États parties de prendre «toutes les mesures législatives, administratives et autres qui sont nécessaires» pour assurer l’application des droits contenus dans la Convention. C’est l’État qui assume des obligations en vertu de la Convention, mais sa tâche en matière d’application − de réalisation des droits fondamentaux de l’enfant − nécessite l’engagement de tous les secteurs de la société et, bien entendu, des enfants eux‑mêmes. Il est essentiel de faire en sorte que la législation nationale soit pleinement compatible avec la Convention et que les principes et les dispositions de cet instrument puissent être directement et correctement appliqués. Le Comité des droits de l’enfant a recensé un vaste éventail de mesures nécessaires pour assurer l’application effective de la Convention, notamment la mise en place de structures spéciales et de moyens de surveillance et le lancement d’activités de formation et autres à tous les niveaux dans l’administration, au parlement et dans l’appareil judiciaire.

3.En examinant périodiquement les rapports présentés par les États parties en vertu de la Convention, le Comité accorde une attention particulière à ce qu’il a appelé les «mesures d’application générales». Dans les observations finales qu’il publie à l’issue de l’examen de chaque rapport, il formule des recommandations concrètes concernant ces mesures. Il attend des États parties qu’ils décrivent dans leurs rapports périodiques suivants les mesures qu’ils auront prises en application de ces recommandations. Les directives du Comité concernant l’établissement des rapports répartissent les articles de la Convention en plusieurs groupes, le premier étant intitulé «mesures d’application générales», et placent l’article 4 dans le même groupe que l’article 42 (obligation de faire largement connaître la Convention aux enfants et aux adultes; voir le paragraphe 66 ci‑dessous) et l’article 44, paragraphe 6 (obligation d’assurer aux rapports une large diffusion dans le pays; voir le paragraphe 71 ci‑dessous).

4.En plus de celles qui sont énoncées dans ces dispositions, d’autres obligations au titre des mesures d’application générales figurent à l’article 2: «Les États parties s’engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune…».

5.En outre, en vertu du paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention, «Les États parties s’engagent à assurer à l’enfant la protection et les soins nécessaires à son bien‑être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées.».

6.Le droit international relatif aux droits de l’homme comporte des dispositions énonçant des obligations générales en matière d’application similaires à celles qui figurent à l’article 4 de la Convention; il s’agit notamment de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Le Comité des droits de l’homme et le Comité des droits économiques, sociaux et culturels ont adopté des observations générales au sujet de ces dispositions qui doivent être considérées comme un complément à la présente observation générale et auxquelles il est fait référence ci‑dessous.

7.Tout en indiquant les obligations générales qui incombent aux États parties en matière d’application, l’article 4 fait apparaître, dans sa seconde phrase, une distinction entre les droits civils et politiques et les droits économiques, sociaux et culturels: «Dans le cas des droits économiques, sociaux et culturels, ils [les États parties] prennent ces mesures dans toutes les limites des ressources dont ils disposent et, s’il y a lieu, dans le cadre de la coopération internationale.». Il n’y a pas de division simple ou faisant autorité en ces deux catégories des droits de l’homme en général ou des droits énoncés dans la Convention. Les directives du Comité concernant l’établissement des rapports regroupent les articles 7, 8, 13 à 17 et 37 a), sous la rubrique «Libertés et droits civils», mais il ressort du contexte que ces dispositions ne renferment pas les seuls droits civils et politiques consacrés par la Convention. Il est clair, en effet, que de nombreux autres articles, notamment les articles 2, 3, 6 et 12 de la Convention, contiennent des éléments qui constituent des droits civils/politiques, ce qui met en évidence l’interdépendance et l’indivisibilité de tous les droits de l’homme. La jouissance des droits économiques, sociaux et culturels est intimement liée à la jouissance des droits civils et politiques. Comme cela est indiqué au paragraphe 25 ci‑dessous, le Comité estime qu’aussi bien les droits civils et politiques que les droits économiques, sociaux et culturels doivent être considérés comme justiciables.

8.La seconde phrase de l’article 4 traduit l’acceptation réaliste du fait que le manque de ressources − financières et autres − peut entraver la pleine application des droits économiques, sociaux et culturels dans certains États; d’où le concept de «réalisation progressive» de ces droits: les États doivent pouvoir prouver qu’ils appliquent ces droits «dans toutes les limites des ressources dont ils disposent» et qu’ils ont, s’il y a lieu, fait appel à la coopération internationale. Lorsque les États ratifient la Convention, ils assument non seulement l’obligation de la mettre en œuvre sur leur territoire, mais aussi celle de contribuer, par le biais de la coopération internationale, à son application à l’échelle mondiale (voir le paragraphe 60 ci‑dessous).

9.Le libellé de la seconde phrase de l’article 4 est similaire à celui figurant dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et le Comité s’accorde entièrement avec le Comité des droits économiques, sociaux et culturels pour affirmer que «même s’il est démontré que les ressources disponibles sont insuffisantes, l’obligation demeure, pour un État partie, de s’efforcer d’assurer la jouissance la plus large possible des droits pertinents dans les circonstances qui lui sont propres…». Quelle que soit leur situation économique, les États sont tenus de prendre toutes les mesures possibles en vue de mettre en œuvre les droits de l’enfant en accordant une attention particulière aux groupes les plus défavorisés.

10.Les mesures d’application générales relevées par le Comité et décrites dans la présente observation générale visent à promouvoir la pleine jouissance par tous les enfants de tous les droits énoncés dans la Convention, au moyen de la législation, par la mise en place d’organes de coordination et de surveillance − gouvernementaux et indépendants −, la collecte de données dans tous les domaines, la sensibilisation et la formation, et la conception et la mise en œuvre des politiques, services et programmes requis. Une des conséquences positives de l’adoption et de la ratification quasi universelle de la Convention est le lancement au niveau national d’un vaste éventail d’organes, de structures et d’activités axés sur les enfants et adaptés à leurs besoins − cellules de promotion de l’enfant au sein des plus hautes instances de l’État, ministères de l’enfance, comités interministériels chargés des enfants, comités parlementaires, mécanismes d’étude d’impact sur les enfants, budgets axés sur les enfants et rapports sur l’«état des droits de l’enfant», coalitions d’ONG en faveur des droits de l’enfant, médiateurs pour les enfants, commissaires aux droits de l’enfant, etc.

11.Bien que l’on puisse penser qu’il s’agit là essentiellement de mesures cosmétiques, leur simple existence dénote un changement dans la perception de la place des enfants dans la société, une volonté d’accorder une plus grande priorité sur le plan politique à l’enfant et une prise de conscience croissante de l’impact de l’action des pouvoirs publics sur les enfants et leurs droits fondamentaux.

12.Le Comité tient à souligner que, dans le contexte de la Convention, les États sont tenus de considérer leur rôle comme consistant à s’acquitter d’obligations juridiques claires envers chaque enfant. La mise en œuvre des droits fondamentaux des enfants ne doit pas être perçue comme un acte de charité envers eux.

L’émergence d’une démarche fondée sur les droits de l’enfant dans toutes les instances gouvernementales, parlementaires et judiciaires est nécessaire si l’on veut appliquer d’une manière effective et intégralement la Convention, en particulier, dans l’optique des dispositions suivantes qui ont été mises en évidence par le Comité en tant que principes généraux:

Article 2: Obligation pour les États de respecter les droits qui sont énoncés dans la Convention et de les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans discrimination aucune. Ce principe de non‑discrimination fait obligation aux États de s’efforcer d’identifier les enfants et les groupes d’enfants qui ont des droits dont la reconnaissance et la réalisation peuvent nécessiter des mesures spéciales. Par exemple, le Comité souligne, en particulier, la nécessité de recueillir des données ventilées afin que la discrimination ou la discrimination potentielle puissent être repérées. Pour faire face à la discrimination, il peut s’avérer nécessaire d’opérer des changements dans la législation, dans l’administration et dans la répartition des ressources, et de prendre des mesures éducatives pour changer les attitudes. Il convient de souligner que l’application du principe antidiscrimination qu’est l’accès aux droits sur un pied d’égalité ne signifie pas un traitement identique pour tous. À cet égard, le Comité des droits de l’homme a souligné, dans une observation générale, qu’il était important de prendre des mesures spéciales afin d’éliminer les conditions à l’origine de la discrimination ou d’en réduire l’ampleur.

Article 3 1): L’intérêt supérieur de l’enfant en tant que considération primordiale dans toutes les décisions concernant les enfants. Cet article vise les décisions prises par «les institutions publiques ou privées de protection sociale, les tribunaux, les autorités administratives ou les organes législatifs». Le principe énoncé requiert des mesures d’intervention de la part de toutes les instances gouvernementales, parlementaires et judiciaires. Chaque institution ou organe législatif, administratif ou judiciaire est tenu de se conformer au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant en se demandant systématiquement comment les droits et les intérêts de l’enfant seront affectés par ses décisions et ses actes − par exemple, par une loi ou une politique proposée ou déjà en vigueur, une mesure administrative ou une décision judiciaire, y compris celles qui n’intéressent pas directement les enfants mais peuvent avoir des répercussions sur eux.

Article 6: Droit inhérent de tout enfant à la vie et obligation pour les États parties d’assurer dans toute la mesure possible la survie et le développement de l’enfant. Le Comité attend des États qu’ils interprètent le terme «développement» au sens le plus large et en tant que concept global, embrassant le développement physique, mental, spirituel, moral, psychologique et social. Les mesures d’application devraient viser à assurer le développement optimal de tous les enfants.

Article 12: Droit de l’enfant d’exprimer librement son opinion sur «toute question l’intéressant» et à ce que ses opinions soient dûment prises en considération. Ce principe, qui met en exergue le rôle de l’enfant en tant que participant actif à la protection et à la surveillance de ses propres droits, s’applique également à toutes les mesures adoptées par l’État pour appliquer la Convention.

Associer les enfants au processus de prise de décisions par les pouvoirs publics est une tâche positive à laquelle, selon le Comité, les États s’attellent de plus en plus. Il y a d’autant plus lieu d’assurer le respect par les autorités et le Parlement des opinions de l’enfant non encore émancipé que rares sont les États qui ont ramené l’âge du vote au‑dessous de 18 ans. Si l’on veut que la consultation soit utile, il convient de rendre les documents et les procédures plus accessibles. S’il est facile de donner l’impression d’«écouter les enfants», accorder le poids voulu à leurs opinions nécessite en revanche un véritable changement. Le fait d’écouter les enfants ne doit pas être considéré comme un objectif en soi mais plutôt comme un moyen pour les États de faire en sorte que leur interaction avec les enfants et leur action en leur faveur soient davantage axées sur l’application des droits de l’enfant.

Des activités ponctuelles ou régulières telles que les parlements d’enfants peuvent être stimulantes et favoriser une prise de conscience générale. Cela dit, l’article 12 requiert des arrangements cohérents et permanents. En associant les enfants et en les consultant, il convient d’éviter que le processus soit purement symbolique et de veiller à repérer les opinions représentatives. L’accent mis au paragraphe 1 de l’article 12 sur le droit de l’enfant d’exprimer son opinion sur «toute question l’intéressant» implique qu’il faut s’assurer des opinions de groupes particuliers d’enfants sur certaines questions − par exemple de l’opinion des enfants qui ont une expérience du système de justice pour mineurs sur les projets de réforme de la législation dans ce domaine ou encore celle des enfants adoptés et des enfants appartenant à des familles adoptives sur la législation et la politique en matière d’adoption. Il importe que les pouvoirs publics établissent une relation directe avec les enfants et ne se contentent pas de contacts par le biais d’organisations non gouvernementales ou d’organismes de défense des droits de l’homme. Au cours des premières années de la Convention, ces organisations ont joué un rôle notable en prenant l’initiative d’une démarche associant l’enfant mais il est dans l’intérêt des gouvernements comme dans celui des enfants d’établir les liens directs voulus.

II. RÉEXAMEN DES RÉSERVES

13.Dans la section relative aux mesures d’application générales de ses directives concernant l’établissement des rapports, le Comité invite d’emblée les États parties à indiquer s’ils jugent nécessaire de maintenir les réserves qu’ils ont pu formuler ou s’ils ont l’intention de les retirer. Les États parties à la Convention sont habilités à émettre des réserves au moment de la ratification ou de l’adhésion (art. 51). L’objectif du Comité consistant à assurer un respect total et absolu des droits fondamentaux de l’enfant ne peut être assuré que si les États retirent leurs réserves. Quand il examine les rapports des États parties, il recommande systématiquement que les réserves soient réexaminées et retirées. Lorsque, après examen, un État décide de maintenir une réserve, le Comité demande qu’une explication complète soit fournie dans le rapport périodique suivant. Le Comité signale à cet égard que la Conférence mondiale sur les droits de l’homme a encouragé les États à revoir et à retirer leurs réserves.

14.L’article 2 de la Convention de Vienne sur le droit des traités définit le mot «réserve» comme «une déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un État quand il signe, ratifie, accepte ou approuve un traité ou y adhère, par laquelle il vise à exclure ou à modifier l’effet juridique de certaines dispositions du traité, dans leur application à cet État». Il est stipulé dans la Convention de Vienne que les États peuvent au moment de ratifier un traité ou d’y adhérer, formuler une réserve, à moins qu’elle «ne soit incompatible avec l’objet et le but du traité» (art. 19).

15.Le paragraphe 2 de l’article 51 de la Convention relative aux droits de l’enfant reprend cette disposition en ces termes: «Aucune réserve incompatible avec l’objet et le but de la présente Convention n’est autorisée.». Le Comité est profondément préoccupé par le fait que certains États ont formulé des réserves qui vont manifestement à l’encontre du paragraphe 2 de l’article 51 en déclarant, par exemple, que le respect de la Convention était subordonné à la Constitution de l’État ou à la législation en vigueur, y compris dans certains cas au droit religieux. Or l’article 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités stipule ce qui suit: «Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non‑exécution d’un traité.».

16.Le Comité note que, dans certains cas, des États parties ont officiellement émis des objections à des réserves de vaste portée de ce type formulées par d’autres États parties. Il se félicite de toute action susceptible de garantir le respect total de la Convention par tous les États parties.

III. RATIFICATION DES AUTRES PRINCIPAUX INSTRUMENTS INTERNATIONAUX RELATIFS AUX DROITS DE L’HOMME

17.Compte tenu des principes de l’indivisibilité et de l’interdépendance des droits de l’homme, le Comité exhorte constamment, pendant l’examen des mesures d’application générales, les États parties, qui ne l’ont pas encore fait, à ratifier les deux Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant (concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants) et les six autres principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Au cours de son dialogue avec les États parties, le Comité les encourage souvent à songer à ratifier d’autres instruments internationaux pertinents. Une liste non exhaustive de ces instruments, que le Comité mettra périodiquement à jour, est jointe en annexe à la présente observation générale.

IV. MESURES LÉGISLATIVES

18.Le Comité estime qu’un examen complet au niveau national de toute la législation interne et des directives administratives connexes pour les rendre pleinement conformes à la Convention est une obligation. Il ressort de l’examen par le Comité non seulement des rapports initiaux mais aussi des deuxième et troisième rapports périodiques présentés par les États Parties que ce processus a, dans la plupart des cas, commencé mais doit devenir plus méthodique. Il est nécessaire d’examiner la Convention non seulement article par article mais aussi globalement pour tenir compte de l’interdépendance et de l’indivisibilité des droits de l’homme. L’examen doit être continu plutôt que ponctuel et porter à la fois sur les lois qui sont proposées et celles qui sont déjà en vigueur. S’il est important que ce processus d’examen devienne partie intégrante des activités de tous les ministères compétents, il serait également bon de prévoir dans le même temps un examen indépendant qui serait effectué, par exemple par le Parlement (commissions et auditions parlementaires), par des organismes de défense des droits de l’homme, par des ONG, des universitaires, des enfants et des jeunes concernés et d’autres parties.

19.Les États parties doivent agir, par tous les moyens appropriés, pour faire en sorte que les dispositions de la Convention soient intégrées dans l’ordre juridique interne, objectif que de nombreux États n’ont pas encore atteint. Particulièrement importante est la nécessité de déterminer clairement le degré d’applicabilité de la Convention dans les États où le principe de «l’application directe» est en vigueur et dans ceux où il est affirmé que la Convention «a rang constitutionnel» ou a été incorporée à l’ordre juridique interne.

20.Le Comité se félicite de l’incorporation de la Convention au droit interne qui constitue la méthode traditionnelle de mise en œuvre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme dans certains États mais pas dans tous. L’incorporation devrait signifier que les dispositions de la Convention peuvent être directement invoquées devant les tribunaux et appliquées par les autorités nationales et que c’est la Convention qui prime en cas de conflit avec la législation nationale ou la pratique courante. L’incorporation en elle‑même ne dispense pas de l’obligation de faire en sorte que toute la législation interne applicable, y compris le droit local ou coutumier le cas échéant, soit mise en conformité avec la Convention. En cas de conflit avec la législation la primauté doit toujours être accordée à la Convention conformément à l’article 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. Lorsqu’un État délègue des pouvoirs législatifs à des autorités fédérées régionales ou territoriales, il doit exiger de ces autorités qu’elles légifèrent dans les limites de la Convention et qu’elles assurent l’application effective de cet instrument (voir aussi les paragraphes 40 et suivants ci‑dessous).

21.Certains États ont fait valoir qu’il suffisait de garantir dans leur Constitution les droits de «chacun» pour assurer le respect de ces droits dans le cas des enfants. La question qui se pose alors est celle de savoir si les droits en question sont véritablement assurés aux enfants et peuvent être invoqués directement devant les tribunaux. Le Comité se félicite de l’incorporation dans les constitutions nationales de sections consacrées aux droits de l’enfant qui sont l’expression des principes clefs de la Convention, démarche qui contribue à faire ressortir le message principal de la Convention selon lequel les enfants sont, comme les adultes, détenteurs de droits fondamentaux. Or une telle mesure ne garantit pas automatiquement le respect des droits de l’enfant. Afin de promouvoir la pleine application de ces droits, y compris, le cas échéant, l’exercice des droits par les enfants eux‑mêmes, des mesures additionnelles législatives et autres peuvent s’avérer nécessaires.

22.Le Comité tient à souligner en particulier qu’il est important de faire en sorte que le droit interne exprime les principes généraux énoncés dans la Convention (art. 2, 3, 6 et 12: voir le paragraphe 12 ci‑dessus). Il accueille avec satisfaction l’élaboration de codes relatifs aux droits de l’enfant qui peuvent mettre en évidence et souligner les principes énoncés dans la Convention. Il tient toutefois à affirmer qu’il est en outre capital que toutes les lois «sectorielles» (sur l’enseignement, la santé, la justice etc.) rendent compte d’une manière cohérente des principes et des normes consacrés par la Convention.

23.Conformément à l’article 41 de la Convention, le Comité encourage tous les États parties à adopter et à appliquer sur leur territoire des dispositions législatives qui soient plus propices à la réalisation des droits de l’enfant que celles qui figurent dans la Convention. Il souligne à cet égard que les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme s’appliquent à toutes les personnes âgées de moins de 18 ans.

V. JUSTICIABILITÉ DES DROITS

24.Pour que les droits aient un sens il faut pouvoir disposer de moyens de recours utiles pour obtenir réparation en cas de violation. Cette condition, qui figure d’une manière implicite dans la Convention, est systématiquement mentionnée dans les six autres principaux instruments relatifs aux droits de l’homme. Le statut spécial des enfants et leur dépendance font qu’ils ont beaucoup de mal à se prévaloir des recours disponibles en cas de violation de leurs droits. En conséquence, les États doivent veiller tout particulièrement à ce que les enfants et leurs représentants disposent de mécanismes efficaces adaptés aux besoins de l’enfant. Il convient notamment de veiller à ce que les enfants obtiennent des informations et des conseils adaptés à leur situation, à ce que leur cause soit défendue ou à ce qu’ils soient aidés à la défendre eux‑mêmes et à ce qu’ils aient accès à des mécanismes indépendants d’examen de plaintes et aux tribunaux en bénéficiant de toute l’assistance dont ils ont besoin, notamment sur le plan juridique. Lorsqu’il est établi que des droits ont été violés une réparation appropriée doit être assurée, notamment sous forme d’indemnisation, et si nécessaire des mesures doivent être prises pour faciliter la réadaptation physique et psychologique de la victime et sa réinsertion, comme l’exige l’article 39.

25.Le Comité tient à souligner, comme cela a été noté au paragraphe 6 ci‑dessus, qu’aussi bien les droits civils et politiques que les droits économiques sociaux et culturels doivent être considérés comme justiciables. Il est essentiel que la législation interne définisse les droits d’une manière suffisamment détaillée pour que les recours disponibles en cas de non‑respect soient efficaces.

VI. MESURES ADMINISTRATIVES ET AUTRES

26.Le Comité ne peut énoncer d’une façon détaillée les mesures que chaque État jugera appropriées pour assurer l’application effective de la Convention. Mais, grâce à l’expérience qu’il a acquise dans le cadre de l’examen des rapports des États parties au cours des 10 dernières années ainsi que de son dialogue continu avec les gouvernements, l’Organisation des Nations Unies, les organismes du système des Nations Unies, les ONG et d’autres organismes compétents, il est en mesure de prodiguer aux États parties quelques conseils clefs.

27.Le Comité est d’avis qu’une application efficace de la Convention requiert une coordination intersectorielle tangible − en vue de la reconnaissance et de la mise en œuvre des droits de l’enfant dans tout l’appareil de l’État − entre les pouvoirs publics à tous les niveaux et entre ceux‑ci et la société civile − en particulier, les enfants et les jeunes eux‑mêmes. Invariablement, de nombreux ministères et autres organismes publics ou quasi publics influent sur la vie des enfants et sur l’exercice de leurs droits. Rares, si tant est qu’il y en ait, sont les ministères qui n’ont aucune incidence directe ou indirecte sur la vie des enfants. Un contrôle rigoureux de l’application de la Convention est nécessaire; il doit à la fois faire partie de l’administration des affaires publiques à tous les niveaux et être exercé de manière indépendante par des institutions nationales de défense des droits de l’homme, des ONG et d’autres parties.

A. Élaboration d’une stratégie nationale globale ancrée dans la Convention

28.Si l’État pris globalement et ses instances à tous les niveaux entendent promouvoir et respecter les droits de l’enfant, ils doivent procéder dans leur action d’une stratégie nationale unificatrice, complète et axée sur les droits, qui soit ancrée dans la Convention.

29.Le Comité préconise l’élaboration d’une stratégie nationale ou d’un plan d’action national de vaste portée en faveur des enfants. Il attend des États qu’ils tiennent compte, lorsqu’ils établissent et/ou revoient leurs stratégies nationales, des recommandations formulées dans les observations finales qu’il adopte à l’issue de l’examen de leurs rapports périodiques. Si l’on veut que de telles stratégies soient efficaces, il faut qu’elles soient en prise directe avec la situation de tous les enfants et avec tous les droits consacrés par la Convention. Elle devra être élaborée par le biais d’un processus de consultation associant les enfants et les jeunes ainsi que les personnes qui vivent et travaillent avec eux. Comme cela a déjà été noté ci‑dessus (par. 12), une véritable consultation nécessite des matériels et des méthodes adaptés à la situation des enfants; il ne s’agit pas simplement de leur appliquer des méthodes conçues pour les adultes.

30.Il faudra veiller particulièrement à repérer les groupes d’enfants marginalisés et défavorisés et à leur accorder la priorité. Le principe de non‑discrimination de la Convention exige que tous les droits garantis par cet instrument soient reconnus à tous les enfants relevant de la juridiction de l’État partie. Comme cela a déjà été noté ci‑dessus (par. 12), le principe de non‑discrimination n’empêche pas l’adoption de mesures spéciales pour combattre la discrimination.

31.Pour que la stratégie ait le poids voulu, il est nécessaire de la faire approuver par les plus hautes autorités de l’État. Il convient également de la rattacher au processus national de planification du développement et de l’intégrer dans le budget de l’État; faute de cela, elle risque de rester en marge des principaux processus de prise de décisions.

32.La stratégie ne doit pas se réduire à une liste de bonnes intentions; elle doit contenir les éléments d’une action durable pour la réalisation des droits des enfants sur tout le territoire de l’État partie; elle doit aller au‑delà des déclarations de politique générale et de principe pour fixer des objectifs concrets et réalistes pour tout l’éventail des droits économiques, sociaux et culturels et les droits civils et politiques de tous les enfants. La stratégie nationale globale envisagée peut revêtir la forme d’une série de plans d’action nationaux sectoriels − par exemple, dans le domaine de l’enseignement et de la santé − et prévoir à cet effet des objectifs concrets, des mesures d’application ciblées et une répartition des ressources financières et humaines. Elle devra inévitablement fixer des priorités mais il ne faut pas qu’elle néglige ou érode de quelque manière que ce soit les obligations détaillées que les États parties ont assumées en vertu de la Convention. Il faudra en outre doter la stratégie des ressources humaines et financières voulues.

33.L’élaboration d’une stratégie nationale n’est pas une tâche ponctuelle. Une fois établie, celle‑ci devra faire l’objet d’une large diffusion auprès de toutes les instances gouvernementales et du public, y compris des enfants (et être adaptée pour qu’elle soit accessible aux enfants et traduite dans les langues et les formes voulues). Il faudra également qu’elle soit assortie de mécanismes de suivi et d’examen continu de façon qu’elle soit régulièrement mise à jour et que des rapports périodiques soient présentés au Parlement et au public.

34.Les «plans d’action nationaux» que les États ont été encouragés à élaborer à l’issue du premier Sommet mondial pour les enfants, tenu en 1990, avaient trait aux engagements particuliers définis par les nations qui avaient participé au Sommet. En 1993, dans la Déclaration et le Programme d’action de Vienne, adoptés par la Conférence mondiale sur les droits de l’homme, les États ont été priés d’intégrer la Convention relative aux droits de l’enfant dans leurs plans d’action nationaux.

35.D’autre part, le document final de la session extraordinaire de l’Assemblée générale consacrée aux enfants, tenue en 2002, fait obligation aux États d’établir ou de renforcer «à titre d’urgence, si possible d’ici à la fin de 2003, des plans d’action nationaux, et, lorsqu’il conviendra, régionaux comportant une série d’objectifs et de cibles spécifiques, assortis de délais, et mesurables, inspirés du présent plan d’action…». Le Comité se félicite des engagements pris par les États pour ce qui est de réaliser les objectifs fixés lors de la session extraordinaire consacrée aux enfants dans le document final intitulé Un monde digne des enfants. Il tient toutefois à souligner que le fait pour les États parties de prendre tel ou tel engagement dans le cadre de conférences mondiales ne réduit nullement les obligations juridiques qui leur incombent en vertu de la Convention. De même, l’élaboration de plans d’action concrets en application du document final de la session extraordinaire de l’Assemblée générale ne rend pas moins nécessaire l’établissement d’une stratégie d’application globale pour la Convention. Les États devraient donc intégrer les mesures qu’ils prennent comme suite à la session extraordinaire de 2002 et à d’autres conférences mondiales dans leur stratégie générale d’application de la Convention prise globalement.

36.Le document final encourage en outre les États parties à «envisager d’inclure dans leurs rapports au Comité des droits de l’enfant, des informations sur les mesures prises et les résultats obtenus dans l’application du présent plan d’action». Le Comité approuve cette recommandation; il est attaché au principe de l’évaluation des progrès accomplis vers la réalisation des engagements pris lors de la session extraordinaire et fournira des conseils à ce sujet dans ses directives révisées pour l’établissement de rapports périodiques au titre de la Convention.

B. Coordination des mesures d’application des droits de l’enfant

37.En examinant les rapports des États parties, le Comité a presque toujours été amené à inciter les gouvernements à une meilleure coordination en vue de garantir l’application effective des politiques: coordination entre les ministères de l’administration centrale, entre les diverses provinces et régions, entre les autorités nationales et les autres niveaux d’administration et entre le gouvernement et la société civile. La coordination a pour but de garantir le respect de tous les principes et normes de la Convention pour tous les enfants relevant de la compétence de l’État et de garantir que les obligations découlant de l’adhésion à la Convention ou de la ratification de celle‑ci soient honorées non seulement par les grands ministères dont l’action a des effets importants sur les enfants (éducation, santé ou bien‑être notamment) mais aussi par toutes les entités gouvernementales, y compris par exemple les ministères des finances, de la planification, de l’emploi et de la défense, à tous les niveaux.

38.Le Comité estime qu’il ne lui appartient pas, en tant qu’organe conventionnel, de proposer des arrangements détaillés pour des systèmes de gouvernement très différents selon les États parties. Il existe de nombreux moyens, officiels ou autres, de parvenir à une coordination efficace, notamment en créant des comités interministériels pour l’enfance. Le Comité suggère aux États parties qui ne l’ont pas encore fait d’examiner leurs structures gouvernementales du point de vue de la mise en œuvre de la Convention et en particulier des quatre articles où sont énoncés les principes généraux (voir par. 12 ci‑dessus).

39.De nombreux États parties ont créé, avec profit, un département ou un service spécifique, proche du cœur du gouvernement, dans certains cas dans les services de la présidence ou du Premier Ministre ou au sein du Cabinet, dans le but de coordonner la mise en œuvre des politiques relatives à l’enfance. Ainsi qu’il a été noté ci‑dessus, les politiques de la quasi‑totalité des ministères ont des effets sur la vie des enfants. De confier à un seul ministère la responsabilité de l’ensemble des services à l’enfance n’est pas réalisable et risquerait de toute façon de marginaliser davantage les enfants au sein du gouvernement. Mais un service spécial, ayant de l’influence et faisant directement rapport au Premier Ministre, au Président ou à un comité ministériel de l’enfance, par exemple, peut être à la fois un moyen permettant d’accroître, d’une manière générale, la visibilité des questions relatives à l’enfance au sein du gouvernement et un instrument de coordination veillant au respect des droits de l’enfant dans tous les secteurs et à tous les niveaux du gouvernement. Ce genre de service peut être chargé d’élaborer la stratégie globale pour les enfants, d’en surveiller l’application et de coordonner les activités d’établissement de rapports conformément à la Convention.

C. Décentralisation, fédéralisation et délégation

40.Le Comité a tenu à faire observer à de nombreux États que la décentralisation, par attribution de fonctions ou délégation de pouvoirs, ne déchargeait en rien le gouvernement de l’État partie de sa responsabilité directe quant à ses obligations envers tous les enfants relevant de sa juridiction, quelle que soit la structure de l’État.

41.Le Comité réaffirme que l’État qui a ratifié la Convention ou y a adhéré est tenu, en toutes circonstances, de veiller à ce qu’elle soit pleinement appliquée dans les territoires relevant de sa juridiction. Lors de tout transfert de pouvoir, l’État partie doit s’assurer que les autorités concernées disposent des ressources financières, humaines et autres nécessaires pour s’acquitter effectivement des tâches que nécessite l’application de la Convention. Les gouvernements des États parties doivent conserver des moyens d’action pour faire pleinement appliquer la Convention par les administrations ou autorités locales concernées et créer des mécanismes de surveillance permanents chargés de veiller au respect et à l’application de la Convention pour tous les enfants relevant de la juridiction de l’État partie, sans discrimination. En outre, des dispositions doivent être prises pour garantir que la décentralisation ou le transfert de pouvoirs ne sera pas source de discrimination pour les enfants, en ce qui concerne la jouissance de leurs droits dans les différentes régions.

D. Privatisation

42.Le processus de privatisation des services peut avoir des répercussions importantes sur la reconnaissance et l’exercice des droits de l’enfant. Pour sa journée de débat général en 2002, le Comité a choisi le thème suivant: «Le secteur privé en tant que prestataire de services et son rôle dans la mise en œuvre des droits de l’enfant» en précisant que le secteur privé englobait les entreprises, les organisations non gouvernementales et autres associations privées à but lucratif et non lucratif. À l’issue de cette journée de débat général, le Comité a adopté des recommandations détaillées sur lesquelles il appelle l’attention des États parties.

43.Le Comité souligne que les États parties à la Convention ont l’obligation légale de respecter et de garantir les droits de l’enfant, tels qu’ils sont énoncés dans la Convention, ce qui comprend l’obligation de veiller à ce que les prestataires de services non étatiques en respectent les dispositions, créant ainsi une obligation indirecte pour ces acteurs.

44.Le Comité souligne que le fait de confier au secteur privé le soin de fournir des services, de diriger des établissements, etc., n’enlève rien à l’obligation qu’a l’État de veiller à ce que tous les enfants relevant de sa juridiction bénéficient de la pleine reconnaissance et du plein exercice de l’ensemble des droits reconnus dans la Convention (par. 1 de l’article 2 et par. 2 de l’article 3). Au paragraphe 1 de l’article 3, il est stipulé que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait d’institutions publiques ou privées. Le paragraphe 3 de l’article 3 exige que des normes appropriées soient fixées par les autorités compétentes (autorités ayant la compétence juridique voulue), en particulier dans le domaine de la santé et en ce qui concerne le nombre et la compétence de leur personnel. Ceci entraîne la nécessité de procéder à des contrôles rigoureux pour garantir le respect de la Convention. Le Comité propose la mise en place d’un mécanisme ou d’un processus de surveillance permanent ayant pour objet de faire en sorte que tous les prestataires de services étatiques ou non étatiques respectent la Convention.

E. Mise en œuvre d’un processus de surveillance − nécessité d’analyser et d’évaluer les effets des décisions sur les enfants

45.Pour garantir que l’intérêt supérieur de l’enfant est une considération primordiale dans toutes les décisions qui concernent les enfants (par. 1 de l’article 3) et que toutes les dispositions de la Convention sont respectées dans la législation et au stade de l’élaboration et de l’exécution des politiques à tous les niveaux de gouvernement, il faut qu’existe un processus permanent d’analyse des effets des décisions sur les enfants (qui prévoie les effets de toute proposition de loi, de politique ou de crédits budgétaires touchant les enfants et l’exercice de leurs droits) et d’évaluation de ces effets (évaluation des effets concrets de l’application des décisions). Ce processus doit être intégré dans le gouvernement à tous les niveaux et le plus précocement possible dans les dispositifs d’élaboration des politiques.

46.Les gouvernements doivent s’astreindre à une autosurveillance et à une auto-évaluation. Mais le Comité juge également indispensable que soit mis en place un suivi indépendant des progrès réalisés sur la voie de la mise en œuvre de la Convention assuré, par exemple, par des comités parlementaires, des ONG, des établissements universitaires, des associations professionnelles, des groupes de jeunes et des institutions indépendantes de protection des droits de l’homme (voir par. 65 ci‑dessous).

47.Le Comité félicite les États qui ont adopté des textes législatifs exigeant la réalisation et la présentation d’études d’impact officielles au Parlement et/ou au public. Chaque État devrait réfléchir à la façon dont il peut garantir l’application du paragraphe 1 de l’article 3 d’une manière qui favorise l’intégration visible des enfants dans l’élaboration des politiques et la prise en compte de leurs droits.

F. Recueil et analyse de données et élaboration d’indicateurs

48.Le recueil de données exhaustives et fiables sur les enfants, ventilées de manière à faire apparaître les discriminations et/ou disparités existantes concernant l’exercice de leurs droits, est un élément indispensable de la mise en œuvre de la Convention. Le Comité rappelle aux États parties que les données recueillies doivent porter sur toute la période de l’enfance, jusqu’à l’âge de 18 ans. Le recueil des données doit également faire l’objet d’une coordination à l’échelle du territoire pour permettre l’élaboration d’indicateurs applicables à l’échelon national. Les États devraient collaborer avec des instituts de recherche compétents et donner une image complète des progrès réalisés sur la voie de la mise en œuvre de la Convention, en élaborant des études qualitatives et quantitatives. Conformément aux directives concernant l’élaboration des rapports périodiques, des statistiques et autres informations détaillées et ventilées portant sur tous les domaines relevant de la Convention doivent être fournies. Il convient non seulement d’établir des systèmes efficaces de recueil de données, mais aussi de veiller à ce que les données recueillies soient évaluées et utilisées pour analyser les progrès réalisés dans le domaine de l’application de la Convention, pour identifier les problèmes et élaborer les politiques concernant les enfants. L’évaluation nécessite la mise au point d’indicateurs pour tous les droits garantis par la Convention.

49.Le Comité félicite les États parties qui publient annuellement des rapports détaillés sur la situation des droits de l’enfant sur l’ensemble de leur territoire. La publication de ce type de rapports, leur diffusion à grande échelle et leur examen, notamment au Parlement, peut inciter le public à participer massivement à l’application de la Convention. La traduction des rapports et leur publication sous une forme accessible aux enfants sont indispensables si l’on veut que les enfants et les groupes minoritaires s’associent au processus.

50.Le Comité souligne que, dans de nombreux cas, seuls les enfants eux‑mêmes peuvent dire si leurs droits sont pleinement reconnus et s’ils les exercent sans entrave. Pour savoir, par exemple, dans quelle mesure les droits civils des enfants, y compris le droit fondamental énoncé à l’article 12, c’est‑à‑dire le droit à exprimer leur opinion et à ce que celle‑ci soit dûment prise en considération, sont respectés au sein de la famille et à l’école entre autres, on pourra notamment interroger les enfants et les utiliser comme enquêteurs (avec les garanties qui s’imposent).

G. Visibilité des ressources affectées aux politiques relatives à l’enfance dans les budgets

51.Dans ses directives sur l’établissement des rapports des États parties et lors de l’examen de ceux‑ci, le Comité a accordé une grande attention à l’identification et à l’analyse des ressources pour l’enfance dans les budgets nationaux et autres. Aucun État ne peut dire si les besoins des enfants sont satisfaits sur les plans économique, social et culturel «dans toutes les limites des ressources dont il dispose», conformément à l’article 4 de la Convention, s’il ne peut identifier la part des ressources inscrites au budget national ou autre au titre du secteur social et, à l’intérieur de celui‑ci, des politiques relatives à l’enfance à la fois directement et indirectement. Certains États ont affirmé ne pas pouvoir analyser les budgets nationaux de cette manière. Mais d’autres l’ont fait et publient annuellement des budgets relatifs à l’enfance. Le Comité tient à être informé des mesures qui sont prises à tous les échelons du gouvernement pour garantir que la planification économique et sociale, la prise des décisions et les décisions budgétaires tiennent compte des intérêts supérieurs de l’enfant de manière primordiale et que les enfants, y compris notamment les groupes d’enfants marginalisés et défavorisés, sont préservés des effets négatifs de la politique économique ou des difficultés financières.

52.Soulignant que les effets de la politique économique sur les droits de l’enfant ne sont jamais neutres, le Comité exprime les vives préoccupations que lui inspirent les effets souvent négatifs des programmes d’ajustement structurel et de la transition vers l’économie de marché sur les enfants. L’application des dispositions de l’article 4 de la Convention, entre autres, exige un suivi rigoureux des effets de ces changements et un ajustement des politiques afin de protéger les droits économiques, sociaux et culturels des enfants.

H. Formation et renforcement des capacités

53.Le Comité souligne que les États ont l’obligation d’intensifier leurs efforts dans le domaine de la formation et du renforcement des capacités de toutes les personnes impliquées dans le processus de mise en œuvre de la Convention, à savoir les fonctionnaires, les parlementaires et les membres du pouvoir judiciaire, ainsi que de toutes celles qui s’occupent d’enfants, et notamment les dirigeants des communautés, les chefs religieux, les enseignants, les travailleurs sociaux et d’autres professionnels, y compris ceux qui travaillent avec les enfants dans des établissements et centres de détention, la police et l’armée, y compris les forces de maintien de la paix, ceux qui travaillent dans les médias et beaucoup d’autres personnes. La formation (formation initiale et recyclage) doit être systématique et permanente. Son but est de mettre en lumière le statut de l’enfant en tant que détenteur de droits fondamentaux, de faire mieux connaître et mieux comprendre la Convention et de favoriser le respect effectif de toutes ses dispositions. Le Comité compte que la Convention sera prise en considération dans les programmes de formation professionnelle, les codes de conduite et les programmes d’études à tous les niveaux. Il convient, bien sûr, de faire en sorte que les enfants eux‑mêmes sachent et comprennent ce que sont les droits de l’homme et, notamment, d’inscrire la question dans les programmes scolaires (voir également le paragraphe 69 ci‑dessous ainsi que l’Observation générale no 1 (2001) du Comité sur les buts de l’éducation).

54.Dans ses directives sur l’établissement des rapports périodiques, le Comité évoque de nombreux aspects de la formation, notamment la formation spécialisée, qui sont indispensables pour que tous les enfants jouissent de leurs droits. L’importance de la famille est soulignée dans le préambule et dans de nombreux articles de la Convention. Il est particulièrement important que la promotion des droits de l’enfant soit intégrée dans la préparation du rôle parental et du métier de parents.

55.Il conviendrait d’évaluer périodiquement l’efficacité des formations en examinant non seulement les connaissances que les intéressés ont de la Convention et de ses dispositions mais aussi la mesure dans laquelle la Convention a contribué à l’adoption de comportements et de pratiques qui favorisent activement l’exercice par les enfants de leurs droits.

I. Coopération avec la société civile

56.La mise en œuvre de la Convention est une obligation pour les États parties mais elle doit concerner tous les secteurs de la société, y compris les enfants eux‑mêmes. Le Comité considère que les responsabilités, en ce qui concerne le respect et la réalisation des droits de l’enfant, incombent dans la pratique non seulement à l’État et aux services et institutions de l’État, mais aussi aux enfants, aux parents, à la famille élargie, à d’autres adultes et à des services et organisations non étatiques. Le Comité partage par exemple l’avis exprimé par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels au paragraphe 42 de son Observation générale no 14 (2000) sur le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint lorsqu’il dit: «Seuls des États peuvent être parties au Pacte et donc assumer en fin de compte la responsabilité de le respecter, mais tous les membres de la société − les particuliers (dont les professionnels de la santé), les familles, les communautés locales, les organisations intergouvernementales et non gouvernementales, les organisations représentatives de la société civile et le secteur des entreprises privées − ont une part de responsabilité dans la réalisation du droit à la santé. Les États parties devraient donc instaurer un environnement propre à faciliter l’exercice de ces responsabilités.».

57.Ainsi qu’il a déjà été souligné (voir par. 12 ci‑dessus), l’article 12 de la Convention stipule qu’il convient de prendre dûment en considération les opinions de l’enfant sur toute question l’intéressant, ce qui inclut évidemment la mise en œuvre de «sa» convention.

58.L’État doit collaborer étroitement avec les ONG au sens le plus large, tout en respectant leur autonomie, et notamment les ONG qui s’occupent de la défense des droits de l’homme, les organisations dirigées par des enfants et des jeunes et les groupes de jeunes, les groupes de parents et de familles, les groupes confessionnels, les institutions universitaires et les associations professionnelles. Les ONG ont joué un rôle capital dans l’élaboration de la Convention et leur participation au processus de mise en œuvre de celle‑ci est essentielle.

59.Le Comité se félicite de la formation de coalitions et d’alliances d’ONG engagées dans la promotion, la protection et la surveillance des droits fondamentaux des enfants et invite instamment les gouvernements à leur apporter un soutien non directif et à établir avec elles des relations positives, officielles ou autres. La participation au processus d’élaboration des rapports d’ONG, répondant à la définition des «organismes compétents» mentionnés à l’article 45 a), a, dans de nombreux cas, imprimé un véritable élan au processus de mise en œuvre de la Convention et d’établissement des rapports. Le Groupe des ONG pour la Convention relative aux droits de l’enfant a une action puissante et efficace très appréciée sur l’établissement des rapports et d’autres aspects du travail du Comité. Le Comité souligne dans ses directives concernant les rapports que le processus d’établissement d’un rapport «devrait être de nature à encourager et à faciliter la participation populaire et l’examen public des politiques suivies par les gouvernements». Les médias peuvent être des partenaires précieux dans le processus de mise en œuvre de la Convention (voir également le paragraphe 70).

J. Coopération internationale

60.Il est stipulé à l’article 4 que la mise en œuvre de la Convention est un exercice de coopération entre tous les États du monde. Cet article et d’autres encore insistent sur la nécessité d’une coopération à l’échelon international. La Charte des Nations Unies (art. 55 et 56) identifie les objectifs généraux de la coopération économique et sociale internationale et les membres se sont engagés, en vertu de la Charte, «à agir, tant conjointement que séparément, en coopération avec l’Organisation» pour atteindre ces buts. Dans la Déclaration du Millénaire ainsi qu’à des réunions internationales, y compris lors de la session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies consacrée aux enfants, les États se sont engagés à coopérer pour éliminer la pauvreté.

61.Le Comité conseille aux États parties d’utiliser la Convention comme cadre pour définir l’aide internationale au développement liée directement ou indirectement aux enfants et les invite à faire en sorte que les programmes des pays donateurs soient fondés sur le respect des droits. Il invite instamment les États à réaliser les objectifs fixés au niveau international, y compris l’objectif en matière d’aide internationale au développement fixé par l’ONU à 0,7 % du produit intérieur brut. Cet objectif a été réaffirmé, ainsi que d’autres, dans le Consensus de Monterrey, issu de la Conférence internationale sur le financement du développement de 2002. Le Comité encourage les États parties qui reçoivent une aide internationale à utiliser une part importante de celle‑ci pour les enfants. Le Comité attend des États parties qu’ils soient en mesure d’indiquer, sur une base annuelle, le montant et le pourcentage de l’aide internationale consacrée à l’application des droits de l’enfant.

62.Le Comité approuve les objectifs de la formule 20/20 qui a pour but la mise à la disposition de tous des services sociaux de base de qualité, de manière durable, la responsabilité étant partagée par les pays en développement et les pays donateurs. Il fait observer que les réunions internationales organisées pour examiner les progrès réalisés dans ce domaine ont permis de constater que de nombreux États allaient avoir des difficultés à garantir l’exercice des droits économiques et sociaux fondamentaux si des ressources complémentaires n’étaient pas allouées et si les ressources n’étaient pas mieux réparties. Le Comité prend note des efforts déployés pour réduire la pauvreté dans les pays les plus lourdement endettés, efforts qui sont décrits dans le Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), et les encourage. En tant que stratégies centrales mises au point par les pays pour atteindre les objectifs de développement du Millénaire, les documents de stratégie de réduction de la pauvreté doivent mettre fortement l’accent sur les droits de l’enfant. Le Comité invite instamment les gouvernements, les donateurs et la société civile à veiller à ce que les enfants soient une priorité majeure dans l’élaboration des documents de stratégie de réduction de la pauvreté ainsi que dans les approches sectorielles en matière de développement. Il convient de faire en sorte que tant les documents de stratégie de réduction de la pauvreté que les approches sectorielles reposent sur les principes inhérents aux droits de l’enfant, reflètent une conception intégrée et centrée sur l’enfant, qui considère celui‑ci comme un titulaire de droits, et intègrent des objectifs de développement et des objectifs en rapport avec les enfants.

63.Le Comité encourage les États à fournir et à utiliser, en tant que de besoin, une assistance technique pour mettre en œuvre la Convention. Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), le Haut‑Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) ainsi que d’autres institutions de l’ONU ou reliées à l’ONU peuvent fournir une assistance technique pour de nombreux aspects de la mise en œuvre de la Convention. Les États parties sont invités à faire part de leur intérêt en matière d’assistance technique dans les rapports établis conformément à la Convention.

64.Pour ce qui concerne les questions relatives à la coopération internationale et à l’assistance technique, toutes les institutions de l’ONU et les organisations apparentées devraient s’inspirer des principes de la Convention et intégrer les droits de l’enfant dans leurs activités. Elles devraient s’efforcer de garantir dans leur sphère d’influence que la coopération internationale vise à aider les États à honorer les obligations qu’ils ont contractées en vertu de la Convention. De la même façon, le Groupe de la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et l’Organisation mondiale du commerce devraient faire en sorte que leurs activités en matière de coopération internationale et de développement économique fassent une place primordiale à l’intérêt supérieur de l’enfant et favorisent la pleine application de la Convention.

K. Institutions indépendantes de défense des droits de l’homme

65.Dans son Observation générale no 2 (2002) intitulée «Le rôle des institutions nationales indépendantes de défense des droits de l’homme dans la protection et la promotion des droits de l’enfant», le Comité déclare qu’il «considère que la mise en place de tels organes entre dans le champ de l’engagement pris par les États parties lors de la ratification de la Convention de s’attacher à la mettre en œuvre et d’œuvrer à la réalisation universelle des droits de l’enfant». Les institutions indépendantes de défense des droits de l’homme et les structures gouvernementales s’occupant des questions relatives à l’enfance sont complémentaires. La caractéristique essentielle de ces institutions est leur indépendance: «Le rôle des institutions nationales des droits de l’homme est de surveiller en toute indépendance à quel point l’État se conforme à la Convention et accomplit des progrès dans sa mise en œuvre et de faire leur possible pour assurer le plein respect des droits de l’enfant. Même si ces institutions peuvent être ainsi amenées à formuler des projets tendant à renforcer la promotion et la protection des droits de l’enfant, le Gouvernement ne saurait déléguer aux institutions nationales ses obligations en matière de surveillance. Il est essentiel que ces institutions conservent la totale liberté de fixer leurs plans de travail et de déterminer leurs propres activités». Dans l’Observation générale no 2, le Comité donne des directives détaillées concernant la création et les modalités de fonctionnement des institutions indépendantes de défense des droits fondamentaux des enfants.

Article 42: Faire connaître la Convention aux adultes et aux enfants

«Les États parties s’engagent à faire largement connaître les principes et les dispositions de la présente Convention, par des moyens actifs et appropriés, aux adultes comme aux enfants.».

66.Les individus doivent savoir quels sont leurs droits. Dans la plupart des sociétés, sinon toutes, les enfants n’étaient pas jusqu’à présent considérés comme des titulaires de droits. Ainsi, l’article 42 revêt une importance particulière. Si les adultes qui entourent l’enfant, ses parents et d’autres membres de sa famille, ses enseignants et tous ceux qui s’occupent de lui ne comprennent pas quelles sont les implications de la Convention et, surtout, que celle‑ci confirme l’égalité de l’enfant en tant que sujet de droits, il est peu probable que les droits énoncés dans la Convention deviennent réalité pour bon nombre d’enfants.

67.Le Comité propose aux États d’élaborer une stratégie globale visant à faire connaître la Convention dans l’ensemble de la société. Il importe aussi qu’ils donnent des informations sur les organismes, gouvernementaux et indépendants, qui interviennent dans l’application de la Convention et la surveillance de celle‑ci, ainsi que sur la façon de les contacter. Au niveau le plus élémentaire, le texte de la Convention doit être largement diffusé dans toutes les langues (à cet égard, le Comité se félicite de ce que le HCDH ait collecté les traductions officielles et non officielles de la Convention). Il conviendra d’établir une stratégie pour diffuser la Convention auprès des analphabètes. L’UNICEF et des ONG de nombreux États ont mis au point des versions de la Convention adaptées aux enfants d’âges divers, démarche que le Comité approuve et encourage; il conviendrait également d’informer les enfants des sources d’aide et de conseils existantes.

68.Les enfants doivent savoir quels sont leurs droits et le Comité considère qu’il est tout particulièrement important d’intégrer l’enseignement de connaissances sur la Convention et les droits de l’homme en général dans les programmes d’études à tous les niveaux. L’Observation générale no 1 (2001) du Comité, intitulée «Les buts de l’éducation», concernant en particulier le sens du paragraphe 1 de l’article 29, doit être lue à la lumière de ceci. Il est stipulé au paragraphe 1 de l’article 29 que l’éducation de l’enfant doit viser à «… inculquer à l’enfant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales…». Le Comité souligne ce qui suit dans son Observation générale: «L’éducation dans le domaine des droits de l’homme devrait consister à faire connaître la teneur des instruments relatifs aux droits de l’homme. Néanmoins, les enfants devraient également faire l’apprentissage des droits de l’homme en constatant l’application dans la pratique des normes dans ce domaine, tant dans la famille qu’à l’école et au sein de la communauté. L’éducation dans le domaine des droits de l’homme devrait être un processus global s’étendant sur toute une vie et avoir pour point de départ la concrétisation des valeurs relatives aux droits de l’homme dans la vie quotidienne et l’apprentissage des enfants.».

69.De même, l’enseignement de connaissances au sujet de la Convention doit être intégré dans la formation initiale et dans la formation en cours d’emploi de toutes les personnes qui s’occupent d’enfants (voir par. 53 ci‑dessus). Le Comité rappelle aux États parties les recommandations qu’il a faites à l’issue de la réunion sur les mesures générales d’application, organisée pour célébrer le dixième anniversaire de l’adoption de la Convention, dans lesquelles il a rappelé que «les campagnes d’information et de sensibilisation concernant les droits de l’enfant sont plus efficaces si elles sont menées dans le cadre d’un processus d’évolution sociale, d’interaction et de dialogue, plutôt que par le biais d’exposés formels. La sensibilisation devrait se faire avec la participation de tous les secteurs de la société, y compris les enfants et les jeunes. Les enfants et les adolescents ont le droit de participer aux campagnes de sensibilisation concernant leurs droits, au maximum de leurs capacités selon leur niveau de maturité».

«Le Comité recommande que toutes les mesures prises pour dispenser une formation relative aux droits de l’enfant soient concrètes, systématiques et intégrées aux programmes ordinaires de formation professionnelle, afin que cette formation ait un maximum d’effet et de durabilité. La formation dans le domaine des droits de l’homme devrait être inspirée des principes de la participation et les professionnels devraient pouvoir acquérir les compétences et les comportements leur permettant d’interagir avec les enfants et les jeunes sans porter atteinte à leurs droits, à leur dignité et à leur respect d’eux‑mêmes.»

Les médias peuvent jouer un rôle essentiel dans la diffusion de la Convention et des connaissances s’y rapportant et dans la compréhension de celle‑ci et le Comité les encourage à s’engager dans cette direction, avec le soutien des gouvernements et des ONG.

Article 44 (par. 6): Large diffusion des rapports établis en vertu de la Convention

«… Les États parties assurent à leurs rapports une large diffusion dans leur propre pays.».

70.Pour que les rapports établis en vertu de la Convention jouent un rôle important dans le processus de mise en œuvre de celle‑ci au niveau national, il faut que le processus soit connu des adultes et des enfants dans l’ensemble du pays. Ce processus constitue une façon unique de rendre compte au niveau international de la façon dont les États traitent les enfants et leurs droits. Mais il ne peut avoir d’effet véritable sur la vie des enfants que si les rapports sont diffusés et examinés de manière constructive au niveau national.

71.Il est stipulé explicitement dans la Convention que les États doivent diffuser largement leurs rapports auprès du public; ceci doit se faire au moment où les rapports sont présentés au Comité. Les rapports doivent être véritablement accessibles et être notamment traduits dans toutes les langues, sous des formes qui conviennent aux enfants et aux personnes handicapées, entre autres. L’Internet est un moyen qui peut grandement aider à la diffusion et gouvernements et parlements sont invités instamment à mettre ces rapports sur leur site Web.

72.Le Comité invite instamment les États à diffuser largement tous les autres documents liés à l’examen de leurs rapports afin de favoriser des débats constructifs et le processus de mise en œuvre à tous les niveaux. En particulier, les observations finales du Comité devraient être diffusées auprès du public, y compris les enfants, et faire l’objet d’un débat approfondi au Parlement. Les institutions indépendantes de défense des droits de l’homme et les ONG peuvent jouer un rôle essentiel dans les efforts visant à garantir un débat de grande ampleur. Les comptes rendus analytiques des séances auxquelles les représentants de gouvernement sont interrogés par le Comité aident à comprendre le processus et les exigences du Comité et devraient également être diffusés et examinés.

Annexe I

RATIFICATION D’AUTRES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX CLEFS RELATIFS AUX DROITS DE L’HOMME

Ainsi qu’il a été noté au paragraphe 17 de la présente observation générale, le Comité des droits de l’enfant invite régulièrement, dans le cadre de son examen des mesures d’application générales et à la lumière des principes d’indivisibilité et d’interdépendance des droits de l’homme, les États parties qui ne l’ont pas encore fait, à ratifier les deux protocoles facultatifs se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant (concernant l’implication dans les conflits armés et la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants) et les six autres principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Lors de son dialogue avec les États parties, le Comité les encourage souvent à envisager de ratifier d’autres instruments internationaux pertinents. La liste non exhaustive de ces instruments est jointe en annexe. Le Comité la mettra régulièrement à jour.

Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques;

Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort;

Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes;

Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement;

Convention no 29 de l’OIT sur le travail forcé, 1930;

Convention no 105 de l’OIT sur l’abolition du travail forcé, 1957;

Convention no 138 de l’OIT concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi, 1973;

Convention no 182 de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants, 1999;

Convention no 183 de l’OIT sur la protection de la maternité, 2000;

Convention relative au statut des réfugiés de 1951, telle que modifiée par le Protocole relatif au statut des réfugiés de 1967;

Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui (1949);

Convention relative à l’esclavage (1926);

Protocole amendant la convention relative à l’esclavage (1953);

Convention supplémentaire relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage (1956);

Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (2000);

Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre;

Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I);

Protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II);

Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction;

Statut de Rome de la Cour pénale internationale;

Convention (de La Haye) sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale;

Convention (de La Haye) sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants;

Convention (de La Haye) concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants (1996).

Trente-neuvième session (2005)

Observation générale n o  6: Traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes

I.Objectifs de l’Observation générale1 − 4

II.Structure et champ de l’Observation générale5 − 6

III.Définition7 − 11

IV.principes applicables12 − 30

a)Obligations juridiques des États parties à l’égard des enfants non accompagnés ou séparés se trouvant sur leur territoire etmesures de mise en œuvre de ces obligations12 − 17

b)Non‑discrimination (art. 2)18

c)Intérêt supérieur de l’enfant en tant que considérationprimordiale dans la recherche de solutions à court et à longterme (art. 3)19 − 22

d)Droit à la vie, à la survie et au développement (art. 6)23 − 24

e)Droit de l’enfant d’exprimer librement son opinion (art. 12)25

f)Respect du principe de non‑refoulement26 − 28

g)Confidentialité29 − 30

V.Réponse aux besoins généraux et particuliers en matière de protection31 − 63

a)Évaluation et mesures initiales31 − 32

b)Désignation d’un tuteur ou conseiller et d’un représentant légal(art. 18 2) et 20 1))33 − 38

c)Dispositions en matière de prise en charge et d’hébergement(art. 20 et 22)39 − 40

d)Plein accès à l’éducation (art. 28, 29 1) c), 30 et 32)41 − 43

e)Droit à un niveau de vie suffisant (art. 27)44 − 45

f)Droit de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficierde services médicaux et de rééducation (art. 23, 24 et 39)46 − 49

TABLE DES MATIÈRES (suite)

Paragraphes

g)Prévention de la traite et de l’exploitation sexuelle et des autresformes d’exploitation, de la maltraitance et de la violence(art. 34, 35 et 36)50 − 53

h)Prévention de l’enrôlement dans les forces armées et protectioncontre les effets de la guerre (art. 38 et 39)54 − 60

i)Prévention de la privation de liberté et traitement en cas deprivation de liberté61 − 63

VI.Accès à la procédure de demande d’asile, garanties juridiques et droits en matière d’asile64 − 78

a)Généralités64 − 65

b)Accès à la procédure de demande d’asile, sans considérationde l’âge66 − 67

c)Garanties de procédures et mesures d’appui (art. 3 3))68 − 73

d)Évaluation adaptée à la sensibilité de l’enfant des besoinsen matière de protection, compte tenu des formes depersécution visant spécifiquement les enfants74 − 75

e)Plein exercice de tous les droits découlant du droit internationaldes réfugiés et du droit international des droits de l’homme parles enfants admis au bénéfice du statut de réfugié (art. 22)76

f)Admission des enfants au bénéfice des formes complémentairesde protection77 − 78

VII.Réunification familiale, retour et autres formes de solutions durables79 − 94

a)Généralités79 − 80

b)Réunification familiale81 − 83

c)Retour dans le pays d’origine84 − 88

d)Intégration locale89 − 90

e)Adoption internationale (art. 21)91

f)Réinstallation dans un pays tiers92 − 94

VIII.Formation, données et statistiques95 − 100

a)Formation du personnel s’occupant d’enfants non accompagnésou séparés95 − 97

b)Données et statistiques relatives aux enfants séparés ou nonaccompagnés98 − 100

I. OBJECTIFS DE L’OBSERVATION GÉNÉRALE

1.La présente observation générale a pour objectifs d’appeler l’attention sur la vulnérabilité particulière des enfants non accompagnés ou séparés, d’exposer dans leurs grandes lignes les diverses tâches auxquels les États et les autres acteurs sont confrontés pour faire en sorte que ces enfants puissent avoir accès à leurs droits et en jouir, ainsi que de fournir des orientations relatives à la protection, à la prise en charge et au traitement approprié des enfants non accompagnés ou séparés reposant sur l’ensemble du cadre juridique institué par la Convention relative aux droits de l’enfant (ci‑après dénommée la «Convention»), en se référant plus particulièrement aux principes de non‑discrimination, d’intérêt supérieur de l’enfant et de droit de l’enfant d’exprimer librement son opinion.

2.C’est l’accroissement du nombre des enfants en pareilles situations que le Comité a constaté qui l’a amené à publier la présente observation générale. Un enfant peut être non accompagné ou séparé pour des raisons aussi diverses que nombreuses, dont les suivantes: persécution de l’enfant ou de ses parents; conflit international ou guerre civile; traite dans divers contextes et sous diverses formes, y compris la vente par les parents; recherche de meilleures possibilités économiques.

3.La publication de la présente observation générale est en outre motivée par le fait que le Comité a mis en évidence des carences en termes de protection dans le traitement réservé à ces catégories d’enfants, qui sont davantage exposés à certains risques, en particulier l’exploitation sexuelle et les abus sexuels, l’enrôlement dans les forces armées, le travail (y compris pour leur famille d’accueil) et la détention. Ces enfants sont souvent victimes de discrimination et se voient refuser l’accès à la nourriture, à un abri, au logement, aux services de santé et à l’éducation. Les filles non accompagnées ou séparées sont particulièrement vulnérables aux risques de violence sexiste, y compris de violence domestique. Dans certains cas, ces enfants sont dépourvus d’accès à un système adapté et adéquat d’identification, d’enregistrement et de détermination de l’âge, à des documents, à un mécanisme de recherche de leur famille, à un dispositif de tutelle ou à un conseil juridique. Dans de nombreux pays, les enfants non accompagnés ou séparés se voient fréquemment refuser l’entrée ou sont placés en détention par les fonctionnaires de la police aux frontières ou de l’immigration. Dans d’autres cas, ils sont admis sur le territoire mais se voient refuser l’accès à la procédure de demande d’asile ou bien leurs demandes d’asile ne sont pas traitées d’une manière tenant compte de leur âge et de leur sexe. Plusieurs pays interdisent aux enfants séparés admis au bénéfice du statut de réfugié de solliciter la réunification familiale; d’autres pays autorisent la réunification familiale mais en imposant des conditions si restrictives qu’elles la rendent pratiquement impossible. De nombreux enfants de ces catégories ne bénéficient que d’un statut temporaire qui prend fin lorsqu’ils ont 18 ans révolus, et il existe peu de programmes efficaces de rapatriement.

4.Les préoccupations de cet ordre ont conduit le Comité à aborder fréquemment les questions liées aux enfants non accompagnés ou séparés dans ses observations finales. La présente observation générale a pour objet de compiler et regrouper les diverses normes élaborées, notamment dans le cadre de l’effort de suivi du Comité, et tend donc à fournir des indications précises aux États concernant les obligations découlant de la Convention à l’égard de ce groupe particulièrement vulnérable d’enfants. Pour appliquer lesdites normes, les États parties doivent bien percevoir leur caractère évolutif et avoir donc conscience que leurs obligations pourraient finir par aller au‑delà des normes ici exposées. Ces normes ne sauraient en rien amoindrir les droits ou avantages de plus grande ampleur que reconnaissent aux enfants non accompagnés ou séparés les instruments régionaux relatifs aux droits de l’homme ou les systèmes nationaux, le droit international et régional des réfugiés ou le droit international humanitaire.

II. STRUCTURE ET CHAMP DE L’OBSERVATION GÉNÉRALE

5.La présente observation générale s’applique aux enfants non accompagnés ou séparés se trouvant en dehors du pays dont ils ont la nationalité (conformément à l’article 7) ou bien, s’ils sont apatrides, en dehors de leur pays de résidence habituelle. L’observation générale s’applique à tous ces enfants sans considération de leur statut en matière de résidence et des raisons pour lesquelles ils se trouvent à l’étranger − qu’ils soient non accompagnés ou séparés. Elle ne s’applique en revanche pas aux enfants qui n’ont pas franchi de frontière internationale, même si le Comité sait que les enfants non accompagnés ou séparés qui sont déplacés à l’intérieur de leur propre pays éprouvent de nombreuses difficultés similaires et a conscience que nombre des indications fournies ci‑après présentent également un grand intérêt dans l’optique de ces enfants; il encourage donc vigoureusement les États à s’inspirer des aspects pertinents de la présente observation générale pour les adapter à la protection, à la prise en charge et au traitement des enfants non accompagnés et séparés qui sont déplacés à l’intérieur de leur propre pays.

6.Le mandat du Comité se cantonne certes à sa fonction de supervision concernant la Convention, mais ses efforts d’interprétation doivent être menés en tenant compte de l’intégralité des normes internationales relatives aux droits de l’homme applicables, et l’observation générale participe donc d’une approche holistique de la question du traitement approprié des enfants non accompagnés ou séparés. Cette approche repose sur le constat selon lequel tous les droits de l’homme, dont ceux énoncés dans la Convention, sont indissociables et interdépendants. L’importance que les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme revêtent pour la protection des enfants est du reste soulignée dans le préambule de la Convention.

III. DÉFINITION

7.Par «enfant non accompagné» (également appelé mineur non accompagné), on entend un enfant, au sens de l’article premier de la Convention, qui a été séparé de ses deux parents et d’autres membres proches de sa famille et n’est pas pris en charge par un adulte investi de cette responsabilité par la loi ou la coutume.

8.Par «enfant séparé», on entend un enfant, au sens de l’article premier de la Convention, qui a été séparé de ses deux parents ou des personnes qui en avaient la charge à titre principal auparavant en vertu de la loi ou de la coutume, mais pas nécessairement d’autres membres de sa famille. Un enfant séparé peut donc être accompagné par un autre membre adulte de sa famille.

9.Par «enfant au sens de l’article premier de la Convention», on entend «tout être humain âgé de moins de 18 ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable» − ce qui signifie qu’aucun instrument régissant les enfants dans le territoire d’un État ne peut donner une définition de l’enfant s’écartant des normes déterminant l’âge de la majorité dans ledit État.

10.Sauf indication contraire, les lignes directrices ci‑après s’appliquent aussi bien aux enfants non accompagnés qu’aux enfants séparés.

11.Par «pays d’origine», on entend le pays dont l’enfant a la nationalité ou, dans le cas d’un enfant apatride, son pays de résidence habituelle.

IV. PRINCIPES APPLICABLES

a) Obligations juridiques des États parties à l’égard des enfants non accompagnés ou séparés se trouvant sur leur territoire et mesures de mise en œuvre de ces obligations

12.Les obligations qui incombent à un État partie en vertu de la Convention s’appliquent à tout enfant se trouvant sur son territoire et à tout enfant relevant de sa juridiction (art. 2). Ces obligations ne peuvent être restreintes arbitrairement et unilatéralement, que ce soit en excluant certaines zones ou régions du territoire de l’État ou en définissant des zones ou régions particulières comme ne relevant pas ou ne relevant que partiellement de la juridiction de l’État. En outre, les obligations qui incombent à un État en vertu de la Convention s’appliquent à l’intérieur de ses frontières, y compris à l’égard des enfants qui passent sous sa juridiction en tentant de pénétrer sur son territoire. La jouissance des droits énoncés dans la Convention n’est donc pas limitée aux enfants de l’État partie et doit dès lors impérativement, sauf indication contraire expresse de la Convention, être accessible à tous les enfants − y compris les enfants demandeurs d’asile, réfugiés ou migrants −, sans considération de leur nationalité, de leur statut au regard de l’immigration ou de leur apatridie.

13.Tous les organes − exécutifs, législatifs et judiciaires − de l’État sont liés par les obligations découlant de la Convention à l’égard des enfants non accompagnés ou séparés, dont l’obligation de mettre en place une législation nationale et des structures administratives, ainsi que de mener les activités de recherche, d’information, de compilation des données et de formation exhaustives nécessaires à l’appui de ces mesures. Ces obligations juridiques comprennent des obligations de ne pas faire et des obligations de faire, requérant donc des États de prendre des mesures visant à garantir l’exercice de ces droits sans discrimination mais aussi de s’abstenir de prendre certaines mesures attentatoires aux droits de ces enfants. Le champ de ces responsabilités ne se limite pas à la fourniture d’une protection et d’une assistance aux enfants déjà non accompagnés ou séparés mais s’étend à une action de prévention de la séparation (notamment la mise en œuvre de mesures de sauvegarde en cas d’évacuation). Le versant positif de ces obligations en matière de protection englobe l’obligation pour l’État de prendre aussitôt que possible toutes les mesures nécessaires pour déterminer si un enfant est non accompagné ou est séparé, notamment à la frontière, de s’attacher à rechercher les parents de l’enfant et − si possible et si tel est l’intérêt supérieur de l’enfant − de regrouper dès que possible avec leur famille les enfants séparés ou non accompagnés.

14.Comme le Comité l’a réaffirmé dans son observation générale no 5 (2003) (par. 18 à 23), les États parties à la Convention doivent veiller à ce que les dispositions et principes de cet instrument soient pleinement reflétés dans la législation interne pertinente et se voient conférer un effet juridique. En cas de conflit avec le droit interne, la primauté doit toujours être accordée à la Convention, conformément à l’article 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités.

15.Dans l’optique de la mise en place d’un environnement juridique propice, et eu égard à l’article 41 b) de la Convention, les États parties sont en outre encouragés à ratifier d’autres instruments internationaux traitant de questions liées aux enfants non accompagnés ou séparés, dont les deux Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant (se rapportant respectivement à l’implication d’enfants dans les conflits armés et à la vente d’enfants, la prostitution d’enfants et la pornographie mettant en scène des enfants), la Convention contre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Convention relative au statut des réfugiés («la Convention de 1951 relative aux réfugiés») et le Protocole se rapportant au statut des réfugiés, la Convention sur la réduction des cas d’apatridie, la Convention relative au statut des apatrides, la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, la Convention de La Haye concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants, les quatre Conventions de Genève du 12 août 1949, le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I) du 8 juin 1977, le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II) du 8 juin 1997. Le Comité encourage de plus les États parties à la Convention et les autres à tenir compte des principes directeurs du Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés concernant la protection et l’assistance (1994) et les principes directeurs interagences relatifs aux enfants non accompagnés ou séparés de leur famille.

16.Eu égard au caractère absolu des obligations découlant de la Convention et de leur caractère de lex specialis, le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ne saurait s’appliquer à l’égard des enfants non accompagnés ou séparés. En application de l’article 4 de la Convention, la vulnérabilité particulière des enfants non accompagnés ou séparés, expressément reconnue à l’article 20 de la Convention, doit être prise en considération et se traduire par l’affectation à titre prioritaire des ressources disponibles à ces enfants. Il est attendu des États qu’ils acceptent et facilitent la fourniture de l’assistance proposée au titre de leurs mandats respectifs par le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et d’autres organismes (par. 2 de l’article 22 de la Convention) dans le souci de répondre aux besoins des enfants non accompagnés ou séparés.

17.Le Comité estime que les réserves à la Convention formulées par les États parties ne devraient en rien limiter les droits des enfants non accompagnés ou séparés. Comme le Comité le recommande systématiquement aux États parties au cours du processus d’examen des rapports, eu égard à la Déclaration et au Programme d’action de Vienne adoptés lors de la Conférence mondiale sur les droits de l’homme de 1993 , les réserves tendant à limiter les droits des enfants non accompagnés ou séparés devraient faire l’objet d’un réexamen par les États parties en vue de leur retrait.

b) Non ‑discrimination (art. 2)

18.Le principe de non‑discrimination, sous tous ses aspects, s’applique à tous les stades du traitement des enfants séparés ou non accompagnés. Ce principe interdit en particulier toute discrimination fondée sur le fait qu’un enfant est non accompagné ou séparé, réfugié, demandeur d’asile ou migrant. Ce principe, s’il est bien compris, n’exclut pas et requiert même une différenciation en fonction des besoins spécifiques en matière de protection, tels que ceux découlant de l’âge et/ou du sexe. En outre, des mesures devraient être prises pour remédier à tout préjugé défavorable à l’égard des enfants non accompagnés ou séparés dans la société ou toute stigmatisation de ces enfants. Les mesures policières et autres en rapport avec l’ordre public visant les enfants non accompagnés ou séparés ne sont permises que si elles sont prescrites par la loi, reposent sur une évaluation individuelle plutôt que collective, respectent le principe de proportionnalité et constituent l’option la moins intrusive. Afin de ne pas violer l’interdiction de toute discrimination, pareilles mesures ne sauraient donc en aucun cas être appliquées à un groupe ou à titre collectif.

c) Intérêt supérieur de l’enfant en tant que considération primordiale dans la recherche de solutions à court et à long terme (art. 3)

19.Le paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention dispose: «Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale.». Dans le cas d’un enfant déplacé, le principe doit être respecté à tous les stades du cycle du déplacement. À chacun de ces stades, il convient de constituer un dossier permettant de déterminer quel est l’intérêt supérieur de l’enfant pour servir de support à toute décision aux conséquences cruciales pour la vie de l’enfant non accompagné ou séparé.

20.Déterminer quel est l’intérêt supérieur d’un enfant suppose d’avoir une idée précise et complète de l’identité de l’enfant, notamment de sa nationalité, de son éducation, de son origine ethnique, culturelle et linguistique, de ses éléments particuliers de vulnérabilité et de ses besoins en termes de protection. Autoriser un enfant à entrer sur le territoire constitue une condition préalable à ce processus initial d’évaluation. Ce processus d’évaluation devrait être mené dans une atmosphère amicale et sûre par des professionnels qualifiés maîtrisant des techniques d’entretien adaptées à l’âge et au sexe de l’enfant.

21.Les stades ultérieurs, tels que la désignation, aussitôt que possible, d’un tuteur compétent, constituent une garantie de procédure fondamentale allant dans le sens du respect de l’intérêt supérieur d’un enfant non accompagné ou séparé. Un tel enfant ne devrait donc être orienté vers une procédure d’asile ou autre qu’après la désignation d’un tuteur. Tout enfant séparé ou non accompagné dirigé vers une procédure d’asile ou toute autre procédure administrative ou judiciaire, devrait en outre être doté d’un représentant légal en plus de son tuteur.

22.Le respect de l’intérêt supérieur suppose également que les États parties reconnaissent à l’enfant qui a été placé par les autorités compétentes pour recevoir des soins, une protection ou un traitement physique ou mental le droit à un examen périodique dudit traitement et de toute autre circonstance relative à son placement (art. 25 de la Convention).

d) Droit à la vie, à la survie et au développement (art. 6)

23.En vertu de l’article 6, un État partie est investi de l’obligation de protéger, dans la mesure du possible, l’enfant contre toute violence et toute exploitation susceptibles de compromettre son droit à la vie, à la survie et au développement. Les enfants séparés ou non accompagnés sont exposés à divers phénomènes susceptibles de porter atteinte à leur vie, à leur survie et à leur développement, comme la traite aux fins d’une exploitation sexuelle ou autre ou encore la participation à des activités criminelles susceptibles de mettre en danger l’enfant ou même, dans des cas extrêmes, de provoquer sa mort. L’article 6 requiert en conséquence des États parties de faire preuve de diligence en la matière, en particulier lorsque la criminalité organisée est en cause. La question de la traite d’enfants n’entre pas dans le champ de la présente observation générale, mais le Comité constate qu’il existe souvent un lien entre la traite et le fait qu’un enfant est séparé ou non accompagné.

24.Le Comité estime que, pour protéger les enfants des risques susmentionnés, des mesures pratiques s’imposent à tous les échelons, en particulier les suivantes: procédure prioritaire pour les enfants victimes de traite; désignation rapide d’un tuteur; communication d’informations à l’enfant sur les risques auxquels il est susceptible d’être confronté; adoption de mesures visant à assurer le suivi des enfants particulièrement exposés à un risque. Ces mesures devraient faire l’objet d’une évaluation régulière afin d’en assurer l’efficacité.

e) Droit de l’enfant d’exprimer librement son opinion (art. 12)

25.Conformément à l’article 12 de la Convention, lors de la détermination des mesures à adopter à l’égard d’un enfant non accompagné ou séparé, il faut s’enquérir et tenir compte des opinions et souhaits de l’intéressé (par. 1 de l’article 12). Afin de permettre à l’enfant d’exprimer ses opinions et souhaits en connaissance de cause, il est impératif de lui fournir tous les renseignements pertinents concernant, entre autres, ses droits et les services disponibles − moyens de communication, procédure d’asile, recherche de la famille, situation dans le pays d’origine, etc. (art. 13 et 17 et par. 2 de l’article 22). Il faut également tenir compte de l’opinion de l’enfant dans les affaires de tutelle, de prise en charge et d’hébergement, ainsi que de représentation juridique. Les informations fournies à l’enfant doivent l’être d’une manière adaptée à son degré de maturité et à sa capacité de compréhension. La participation étant tributaire de la fiabilité des communications, un interprète devrait être au besoin mis à la disposition de l’intéressé à tous les stades de la procédure.

f) Respect du principe de non ‑refoulement

26.Pour réserver un traitement approprié aux enfants non accompagnés ou séparés, les États doivent pleinement respecter leurs obligations en matière de non‑refoulement, découlant du droit international des droits de l’homme, du droit international humanitaire et du droit international des réfugiés; les États sont en particulier tenus de respecter les obligations codifiées dans l’article 33 de la Convention de 1951 relative aux réfugiés et l’article 3 de la Convention contre la torture.

27.Pour s’acquitter de leurs obligations découlant de la Convention, les États sont en outre tenus de ne pas renvoyer un enfant dans un pays s’il y a des motifs sérieux de croire que cet enfant sera exposé à un risque réel de dommage irréparable, comme ceux, non limitativement, envisagés dans les articles 6 et 37 de la Convention, dans ledit pays ou dans tout autre pays vers lequel l’enfant est susceptible d’être transféré ultérieurement. Les obligations en matière de non‑refoulement s’appliquent également si les risques de violation grave des droits énoncés dans la Convention sont imputables à des acteurs non étatiques et que ces violations soient délibérées ou la conséquence indirecte d’une action ou d’une inaction. Le risque de violation grave devrait être apprécié eu égard à l’âge et au sexe de l’intéressé, par exemple en tenant compte des conséquences particulièrement graves pour les enfants d’une alimentation insuffisante ou d’une carence des services de santé.

28.Étant donné que le recrutement de mineurs et leur participation à des hostilités comportent un risque élevé de dommage irréparable attentatoire à leurs droits fondamentaux, en particulier le droit à la vie, les obligations des États découlant de l’article 38 de la Convention, lu en conjonction avec les articles 3 et 4 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, revêtent une dimension extraterritoriale et les États doivent s’abstenir de renvoyer de quelque manière que ce soit un enfant vers les frontières d’un État où il court le risque réel d’être recruté − en tant que combattant ou pour fournir des services sexuels à des militaires − ou d’être amené à participer directement ou indirectement aux hostilités − en tant que combattant ou en accomplissant d’autres tâches à caractère militaire.

g) Confidentialité

29.Les États parties sont tenus de protéger la confidentialité des informations reçues relatives à un enfant non accompagné ou séparé, ce en vertu de l’obligation qui est la leur de protéger les droits de l’enfant, y compris le droit à la vie privée (art. 16). Cette obligation s’applique à tous les domaines, dont la santé et la protection sociale. Des dispositions doivent être prises pour veiller à ce que les informations recueillies et légitimement mises en commun à une fin ne soient utilisées de façon inappropriée à une autre.

30.Le souci de confidentialité s’étend également au respect des droits d’autrui. Par exemple, il faut veiller tout particulièrement à ce que les informations obtenues, échangées et conservées au sujet d’un enfant non accompagné ou séparé ne compromettent le bien‑être de personnes se trouvant encore dans le pays d’origine de l’enfant, en particulier des membres de sa famille. Les informations relatives au lieu où se trouve l’enfant peuvent en outre ne pas être communiquées aux parents si la sécurité de l’enfant l’exige ou si tel est par ailleurs l’intérêt supérieur de l’enfant.

V. RÉPONSE AUX BESOINS GÉNÉRAUX ET PARTICULIERS EN MATIÈRE DE PROTECTION

a) Évaluation et mesures initiales

31.L’intérêt supérieur de l’enfant doit également être un principe directeur dans la détermination du degré de priorité des besoins en matière de protection et du calendrier des mesures à appliquer à l’enfant non accompagné ou séparé. Cet indispensable processus initial d’évaluation suppose en particulier ce qui suit:

i)Déterminer à titre prioritaire si un enfant est séparé ou non accompagné − à son arrivée à un point d’entrée ou dès que les autorités prennent connaissance de sa présence dans le pays (art. 8). Cette détermination requiert, entre autres, d’évaluer l’âge − opération qui ne devrait pas se fonder uniquement sur l’apparence physique de l’individu mais aussi sur son degré de maturité psychologique. Cette évaluation doit en outre être menée scientifiquement, dans le souci de la sécurité de l’enfant, de manière adaptée à son statut d’enfant et à son sexe et équitablement, afin de prévenir tout risque de violation de l’intégrité physique de l’enfant; cette évaluation doit en outre se faire avec tout le respect dû à la dignité humaine et, en cas d’incertitude persistante, le bénéfice du doute doit être accordé à l’intéressé − qu’il convient de traiter comme un enfant si la possibilité existe qu’il s’agisse effectivement d’un mineur;

ii)Procéder rapidement à l’enregistrement de l’enfant à l’issue d’un entretien initial mené dans une langue qu’il comprend selon des modalités appropriées à son âge et à son sexe − cet entretien étant confié à des professionnels qualifiés chargés de recueillir des données biographiques sur l’enfant et sur son milieu social afin d’établir son identité et, si possible, l’identité de ses deux parents et de ses frères et sœurs, ainsi que la nationalité de l’enfant, de ses frères et sœurs et de ses parents;

iii)Recueillir, dans le prolongement du processus d’enregistrement, des informations supplémentaires afin de répondre aux besoins particuliers de l’enfant, portant en particulier sur:

Les raisons pour lesquelles l’enfant est séparé ou non accompagné;

Les éléments spécifiques de vulnérabilité appelant une protection (d’ordre sanitaire, psychosocial, matériel ou autre, y compris ceux en rapport avec la violence domestique, la traite ou un traumatisme);

Rassembler toutes les informations disponibles pour déterminer si l’enfant a éventuellement besoin d’une protection internationale au regard en particulier des critères suivants: la crainte éprouvée avec raison «d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques» dans le pays d’origine de l’enfant (art. 1 A 2) de la Convention de 1951 relative aux réfugiés); la crainte découlant «d’une agression, d’une occupation extérieure, d’une domination étrangère ou d’événements troublant gravement l’ordre public (art. 1 2)) de la Convention régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique); la crainte inspirée par les effets aveugles d’une violence généralisée;

iv)Délivrer aussitôt que possible aux enfants non accompagnés ou séparés un titre individuel d’identité;

v)Engager aussitôt que possible la recherche des membres de la famille (art. 22 2), 9 3) et 10 2)).

32.Toutes les décisions ultérieures relatives à la résidence et à d’autres aspects de la situation de l’enfant sur le territoire de l’État concerné devraient reposer sur les conclusions d’une évaluation initiale réalisée dans l’optique de la protection conformément aux modalités exposées plus haut. Les États devraient s’abstenir d’orienter les enfants non accompagnés ou séparés vers la procédure d’asile si leur présence sur le territoire n’est pas liée à un besoin de protection internationale en qualité de réfugié − ce sans préjudice de l’obligation incombant aux États d’orienter les enfants non accompagnés ou séparés vers les procédures pertinentes de protection, dont celles instituées par la législation relative à la protection de l’enfance.

b) Désignation d’un tuteur ou conseiller et d’un représentant légal (art. 18 2) et 20 1))

33.Les États sont tenus d’instituer le cadre juridique fondamental requis et de prendre les mesures nécessaires pour assurer la bonne représentation de tout enfant non accompagné ou séparé, dans le souci de son intérêt supérieur. Les États devraient donc désigner un tuteur ou un conseiller dès que l’enfant non accompagné ou séparé est identifié en tant que tel et reconduire ce dispositif jusqu’à ce que l’enfant atteigne l’âge de la majorité ou quitte le territoire et/ou cesse de relever de la juridiction de l’État à titre permanent, conformément à la Convention et à d’autres obligations internationales. Le tuteur devrait être consulté et informé au sujet de toutes les décisions prises en rapport avec l’enfant. Le tuteur devrait être habilité à participer en personne à tous les stades du processus de planification et de prise de décisions, notamment aux audiences devant les autorités de l’immigration ou les organes d’appel, à la définition des dispositions concernant la prise en charge et à tous les efforts en vue de la recherche d’une solution durable. Le tuteur ou conseiller devrait posséder les compétences nécessaires dans le domaine de la prise en charge des enfants afin de veiller à ce que l’intérêt supérieur de l’enfant soit préservé et que ses besoins d’ordre juridique, social, sanitaire, psychologique, matériel et éducatif soient satisfaits de manière appropriée − le tuteur assurant, entre autres, la liaison entre l’enfant et les organismes spécialisés/les spécialistes fournissant toute la gamme de soins dont l’intéressé a besoin. Les organismes ou particuliers dont les intérêts sont susceptibles d’entrer en conflit avec ceux de l’enfant ne devraient pas être habilités à exercer une tutelle. Par exemple, un adulte n’ayant pas de lien de sang avec l’enfant et dont la relation principale avec lui est une relation d’employeur à employé ne devrait pas avoir la possibilité d’être nommé tuteur.

34.La tutelle d’un enfant séparé devrait normalement être attribuée à un membre adulte de sa famille l’accompagnant ou à la personne non membre de sa famille chargée de subvenir à ses besoins, à moins que des éléments ne donnent à penser que tel ne serait pas l’intérêt supérieur de l’enfant − par exemple si l’adulte accompagnant l’enfant a abusé de lui. Si un enfant est accompagné par un adulte ou gardien n’appartenant pas à sa famille, son aptitude à exercer la tutelle doit être examinée d’encore plus près. Si une telle personne a la capacité et le désir d’assurer des soins au quotidien mais est incapable de représenter de manière adéquate l’intérêt supérieur de l’enfant dans tous les domaines et à tous les stades de la vie de l’enfant, des mesures supplémentaires (telles que la désignation d’un conseiller ou d’un représentant légal) doivent être prises.

35.Des mécanismes de réexamen doivent être institués pour veiller à la qualité de l’exercice de la tutelle en termes de prise en considération de l’intérêt supérieur de l’enfant dans l’ensemble du processus décisionnel et, en particulier, pour éviter des abus.

36.Tout enfant partie à une procédure de demande d’asile ou à une procédure administrative ou judiciaire devrait bénéficier, outre des services d’un tuteur, d’une représentation légale.

37.L’enfant devrait être en tout temps informé des dispositions prises relatives à sa tutelle et à sa représentation légale et ses opinions devraient être prises en considération.

38.En cas de situation d’urgence à grande échelle, vu la difficulté de mettre en place un dispositif individualisé de tutelle, les droits et l’intérêt supérieur des enfants séparés devraient être protégés par l’État et les organisations œuvrant en faveur des enfants.

c) Dispositions en matière de prise en charge et d’hébergement (art. 20 et 22)

39.Les enfants non accompagnés ou séparés sont des mineurs privés à titre temporaire ou permanent de leur milieu familial et, en tant que tels, sont les bénéficiaires des obligations incombant aux États en vertu de l’article 20 de la Convention: ils ont donc droit à une protection et à une assistance spéciales de la part de l’État concerné.

40.Les mécanismes institués en application de la législation nationale en vue d’assurer une protection de remplacement aux enfants, conformément à l’article 22 de la Convention, doivent également couvrir les enfants non accompagnés ou séparés se trouvant en dehors de leur pays d’origine. Un large éventail d’options s’offrent en matière de prise en charge et d’hébergement et elles sont expressément mentionnées au paragraphe 3 de l’article 20 dans les termes suivants: «…peut notamment avoir la forme du placement dans une famille, de la kafalah de droit islamique, de l’adoption ou, en cas de nécessité, du placement dans un établissement pour enfants approprié». Dans le choix d’une de ces options, il faut tenir compte des éléments de vulnérabilité particuliers de l’enfant considéré qui, outre le fait qu’il a perdu le contact avec sa famille, se trouve en dehors de son pays d’origine, ainsi que de son âge et de son sexe. En particulier, il faut tenir dûment compte de la nécessité d’une certaine continuité dans l’éducation de l’enfant, ainsi que de son origine ethnique, religieuse, culturelle et linguistique, telle que déterminée dans tout processus d’identification, d’enregistrement et d’établissement d’une pièce d’identité. Les dispositions en matière de prise en charge et d’hébergement devraient respecter les paramètres suivants:

Les enfants ne devraient pas, en règle générale, être privés de liberté;

Afin d’assurer la continuité des soins et de tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, les changements de résidence des enfants non accompagnés ou séparés devraient être limités aux cas où ces changements sont dans l’intérêt supérieur de l’intéressé;

Conformément au principe d’unité de la famille, les frères et sœurs devraient être maintenus ensemble;

Un enfant qui arrive avec des membres adultes de sa famille, ou dont des membres adultes de sa famille vivent déjà dans le pays d’asile, devrait être autorisé à rester avec eux, à moins que cette mesure ne soit contraire à son intérêt supérieur. Eu égard aux éléments particuliers de vulnérabilité de l’enfant, les agents de la protection sociale devraient procéder à des évaluations régulières;

Quel que soit le type de prise en charge retenu pour un enfant non accompagné ou séparé, une supervision et une évaluation devraient être assurées régulièrement par du personnel qualifié afin de veiller à la santé physique et psychosociale de l’enfant, à sa protection contre la violence domestique ou l’exploitation et à son accès à des moyens et possibilités d’éducation et de formation;

Les États et les diverses organisations sont tenus de prendre des mesures pour assurer la protection effective des droits des enfants séparés ou non accompagnés vivant dans un ménage dirigé par un enfant;

En cas de situation d’urgence à grande échelle, une prise en charge provisoire des enfants non accompagnés doit être assurée pour une période d’une durée aussi courte que nécessaire. Cette prise en charge provisoire doit permettre d’assurer leur sécurité et leur bien‑être physique et émotif dans un milieu propice à leur développement général;

Les enfants doivent être tenus au courant des dispositions envisagées pour assurer leur prise en charge et leur opinion doit être prise en considération.

d) Plein accès à l’éducation (art. 28, 29 1) c), 30 et 32)

41.Les États devraient veiller à assurer la continuité de l’accès à l’éducation durant toutes les phases du cycle de déplacement. Tout enfant non accompagné ou séparé, sans considération de son statut, doit avoir pleinement accès à l’éducation dans le pays dans lequel il est entré, conformément aux articles 28, 29 1) c), 30 et 32 de la Convention et aux principes généraux dégagés par le Comité. Cet accès devrait être accordé sans discrimination et, en particulier, les filles séparées ou non accompagnées doivent jouir de l’égalité d’accès à l’éducation formelle et informelle, y compris à tous les niveaux de la formation professionnelle. L’accès à une éducation de qualité devrait également être garanti aux enfants ayant des besoins spéciaux, en particulier aux enfants handicapés.

42.Les enfants non accompagnés ou séparés devraient être enregistrés auprès des autorités scolaires compétentes aussitôt que possible et bénéficier d’une assistance visant à maximiser leurs possibilités d’apprentissage. Tous les enfants non accompagnés ou séparés ont le droit de préserver leur identité et leurs valeurs culturelles, y compris le droit de conserver et de perfectionner leur langue maternelle. Tous les adolescents devraient être autorisés à suivre une formation ou un enseignement technique ou professionnel, et des possibilités d’apprentissage ou d’éducation et des programmes d’apprentissage préprimaire devraient être offerts aux enfants en bas âge. Les États devraient veiller à ce que les enfants non accompagnés ou séparés reçoivent des attestations scolaires ou d’autres documents indiquant leur degré d’instruction, notamment en prévision d’un changement de résidence, d’une réinstallation ou d’un rapatriement.

43.Les États, en particulier ceux dont le gouvernement ne dispose que de moyens réduits, doivent accepter et faciliter l’assistance offerte au titre de leurs mandats respectifs par l’UNICEF, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), le HCR et d’autres organismes des Nations Unies, ainsi que, au besoin, par d’autres organisations intergouvernementales ou organisations non gouvernementales compétentes (art. 22 2)) dans le souci de répondre aux besoins éducatifs des enfants non accompagnés ou séparés.

e) Droit à un niveau de vie suffisant (art. 27)

44.Les États parties devraient veiller à ce que les enfants séparés ou non accompagnés jouissent d’un niveau de vie suffisant pour permettre leur développement physique, mental, spirituel, moral et social. Comme l’indique le paragraphe 3 de l’article 27 de la Convention, les États parties doivent offrir une assistance matérielle et des programmes d’appui, notamment en ce qui concerne l’alimentation, le vêtement et le logement.

45.Les États, en particulier ceux dont le gouvernement ne dispose que de moyens réduits, doivent accepter et faciliter l’assistance offerte au titre de leurs mandats respectifs par l’UNICEF, l’UNESCO, le HCR et d’autres organismes des Nations Unies, ainsi que, au besoin, par d’autres organisations intergouvernementales ou organisations non gouvernementales compétentes (art. 22 2)) afin d’assurer un niveau de vie suffisant aux enfants non accompagnés ou séparés.

f) Droit de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation (art. 23, 24 et 39)

46.S’agissant de la mise en œuvre du droit de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation, les États parties sont tenus de veiller à ce que les enfants non accompagnés ou séparés bénéficient du même accès aux soins de santé que les enfants ressortissants.

47.Pour garantir cet accès, les États doivent tenir compte du sort et des éléments de vulnérabilité propres à ces enfants en vue d’y remédier. Les États parties devraient en particulier avoir conscience que les enfants non accompagnés souffrent du fait d’être séparés des membres de leur famille et ont, en outre, à des degrés divers, subi une perte, un traumatisme, des bouleversements et des violences. Nombre de ces enfants, en particulier les enfants réfugiés, ont en outre connu la violence diffuse et la tension régnant dans un pays en proie à la guerre. Ces éléments sont susceptibles de susciter un profond sentiment d’impuissance et d’amoindrir la confiance des enfants en autrui. En outre, les filles sont particulièrement exposées à la marginalisation, à la pauvreté et aux souffrances en temps de conflit armé et beaucoup d’entre elles ont été la cible d’une violence sexiste dans le contexte d’un conflit armé. Le traumatisme profond subi par de nombreux enfants de ces catégories appelle une prévenance et une attention spéciales dans leur prise en charge et leur réadaptation.

48.L’article 39 de la Convention énonce l’obligation pour les États parties de mettre des services de réadaptation à la disposition de tout enfant victime de toute forme de négligence, d’exploitation ou de sévices, de torture ou de toute autre forme de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou de conflit armé. Afin de faciliter cette réadaptation et cette réinsertion, des soins de santé mentale adaptés et modulés en fonction du sexe devraient être mis au point et des conseillers psychosociaux qualifiés mis à disposition.

49.Les États, en particulier ceux dont le gouvernement ne dispose que de moyens réduits, doivent accepter et faciliter l’assistance offerte au titre de leurs mandats respectifs par l’UNICEF, l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Programme commun des Nations Unies contre le VIH/sida (ONUSIDA), le HCR et d’autres organismes (art. 22 2)), ainsi que, au besoin, par d’autres organisations intergouvernementales ou des organisations non gouvernementales compétentes, afin de répondre aux besoins des enfants non accompagnés ou séparés en matière de santé et de soins de santé.

g) Prévention de la traite et de l’exploitation sexuelle et des autres formes d’exploitation, de la maltraitance et de la violence (art. 34, 35 et 36)

50.Les enfants non accompagnés ou séparés se trouvant dans un pays autre que leur pays d’origine sont particulièrement vulnérables à l’exploitation et aux abus. Les filles sont particulièrement exposées au risque d’être victimes de traite, notamment aux fins d’exploitation sexuelle.

51.Les articles 34 à 36 de la Convention doivent être lus en conjonction avec son article 20, qui énonce les obligations en matière de protection et d’assistance spéciales, afin de protéger les enfants non accompagnés ou séparés contre la traite, l’exploitation sexuelle et les autres formes d’exploitation, les abus et la violence.

52.La traite, ou «la traite secondaire» pour ceux d’entre eux déjà victimes de traite, constitue un des nombreux dangers auxquels sont confrontés les enfants non accompagnés ou séparés. La traite des enfants menace l’exercice de leur droit à la vie, à la survie et au développement (art. 6). Conformément à l’article 35 de la Convention, les États parties devraient prendre toutes les mesures appropriées sur les plans national, bilatéral et multilatéral pour empêcher la traite, notamment les suivantes: identifier les enfants non accompagnés ou séparés en tant que tels; s’enquérir régulièrement du lieu où ils se trouvent; mener des campagnes d’information adaptées à l’âge et au sexe des destinataires dans une langue et sur un support compréhensibles pour eux. Il faut en outre adopter une législation idoine et mettre en place des mécanismes efficaces pour assurer l’application de la réglementation relative au travail et au franchissement des frontières.

53.Les enfants qui ont déjà été victimes de traite et se sont ainsi retrouvés non accompagnés ou séparés courent de grands risques et ne devraient pas être traités comme des délinquants mais, au contraire, recevoir une assistance en tant que victimes d’une grave atteinte à leurs droits fondamentaux. Certains enfants victimes de traite pourraient être admissibles au bénéfice du statut de réfugié en vertu de la Convention de 1951 et les États devraient veiller à ce que les enfants séparés ou non accompagnés victimes de traite qui souhaitent demander l’asile, ou au sujet desquels on dispose d’indications selon lesquelles des besoins de protection internationale existent, aient accès à la procédure de demande d’asile. Les enfants qui risquent d’être à nouveau victimes de traite ne devraient pas être renvoyés dans leur pays d’origine, à moins que ce ne soit dans leur intérêt supérieur et que des mesures appropriées soient prises pour assurer leur protection. Les États devraient envisager des formes complémentaires de protection en faveur des enfants victimes de traite si leur rapatriement n’est pas dans leur intérêt supérieur.

h) Prévention de l’enrôlement dans les forces armées et protection contre les effets de la guerre (art. 38 et 39)

Prévention de l’enrôlement

54.Les obligations incombant aux États en vertu de l’article 38 de la Convention et des articles 3 et 4 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflit armés s’appliquent aux enfants non accompagnés ou séparés. Un État est tenu de prendre toutes les mesures voulues pour prévenir l’enrôlement de ces enfants ou leur emploi par toute partie à un conflit. Ces dispositions s’appliquent également aux anciens enfants soldats qui ont fait défection et ont besoin d’une protection contre un possible réenrôlement.

Dispositions en matière de prise en charge

55.Les dispositions en matière de prise en charge des enfants non accompagnés ou séparés doivent être prises de manière à prévenir leur enrôlement, réenrôlement ou emploi par toute partie à un conflit. La tutelle ne devrait pas être attribuée à une personne ou à une organisation directement ou indirectement liée à un conflit.

Anciens enfants soldats

56.Les enfants soldats devraient être considérés avant tout comme victimes d’un conflit armé. Les anciens enfants soldats, qui se retrouvent souvent non accompagnés ou séparés à la cessation d’un conflit ou suite à une défection, doivent bénéficier de tous les services d’appui nécessaires pour leur permettre de retourner à la vie normale, y compris les indispensables services de conseil psychosocial. Ces enfants doivent être recensés et démobilisés à titre prioritaire durant toute opération d’identification et de séparation. Les enfants soldats, en particulier non accompagnés ou séparés, ne devraient en principe pas être internés, mais bénéficier au contraire de mesures spéciales de protection et d’assistance, en particulier dans l’optique de leur démobilisation et de leur réadaptation. Des efforts particuliers s’imposent en vue de soutenir et de faciliter la réintégration des filles qui ont été associées à des unités militaires, en qualité de combattantes ou à tout autre titre.

57.L’internement à titre exceptionnel d’un enfant soldat âgé de plus de 15 ans est inévitable dans certaines circonstances, par exemple s’il fait peser une grave menace sur la sécurité, mais pareille mesure est compatible avec le droit international des droits de l’homme et le droit international humanitaire si les conditions de son internement sont conformes aux normes internationales, dont l’article 37 de la Convention et les dispositions relatives à la justice pour mineurs; l’internement d’un tel enfant ne devrait en outre pas exclure un effort de recherche de sa famille ni sa participation à titre prioritaire aux programmes de réadaptation.

Non ‑refoulement

58.Étant donné que le recrutement d’un mineur et sa participation à des hostilités lui font courir un grand risque de subir un dommage irréparable attentatoire à certains droits élémentaires de l’être humain, notamment le droit à la vie, les obligations incombant aux États parties en vertu de l’article 38 de la Convention, lues en conjonction avec les articles 3 et 4 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, revêtent un caractère extraterritorial, et les États doivent s’abstenir de renvoyer de quelque manière que ce soit un enfant vers la frontière d’un État où il court un risque réel d’être enrôlé bien qu’il soit mineur ou de participer directement ou indirectement à des hostilités.

Formes et manifestations de persécution visant spécifiquement les enfants

59.Rappelant aux États la nécessité de se doter d’une procédure de demande d’asile adaptée à l’âge et au sexe des requérants et d’interpréter la définition du réfugié en tenant compte de l’âge et du sexe du requérant, le Comité souligne que l’enrôlement de mineurs (y compris de filles pour la fourniture de services sexuels à des militaires ou un mariage forcé avec un militaire) de même que la participation directe ou indirecte à des hostilités constituent une grave violation des droits de l’homme, et donc une persécution, et devraient amener à accorder le statut de réfugié lorsque la crainte éprouvée avec raison d’un tel enrôlement ou d’une telle participation à des hostilités repose sur un risque de persécution du fait de la race, de la religion, de la nationalité, de l’appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques (art. 1 A 2); Convention de 1951 relative aux réfugiés).

Réadaptation et rétablissement

60.Les États doivent, si nécessaire, élaborer, en coopération avec les organismes internationaux et les ONG, un système global de soutien psychologique et d’assistance qui soit adapté à l’âge et au sexe des destinataires en faveur des enfants non accompagnés ou séparés affectés par un conflit armé.

i) Prévention de la privation de liberté et traitement en cas de privation de liberté

61.En application de l’article 37 de la Convention et du principe d’intérêt supérieur de l’enfant, les enfants non accompagnés ou séparés ne devraient pas, en règle générale, être placés en détention. La détention ne saurait être justifiée par le seul fait que l’enfant est séparé ou non accompagné, ni par son seul statut au regard de la législation relative à l’immigration ou à la résidence ou l’absence d’un tel statut. Quand une détention se justifie à titre exceptionnel pour d’autres raisons, elle doit se dérouler conformément à l’article 37 b) de la Convention qui dispose que la détention doit être en conformité avec la loi, n’être qu’une mesure de dernier ressort et être d’une durée aussi brève que possible. En conséquence, aucun effort ne devrait être négligé, notamment en vue de l’accélération de la procédure pertinente, pour permettre la libération immédiate d’un enfant non accompagné ou séparé retenu en détention et le placer dans un lieu d’hébergement approprié.

62.S’ajoutant aux dispositions nationales, les obligations internationales font partie intégrante des dispositions juridiques régissant la détention. En ce qui concerne les enfants non accompagnés ou séparés demandeurs d’asile, les États sont tenus, plus particulièrement, de respecter les obligations leur incombant en vertu du paragraphe 1 de l’article 31 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Les États devraient en outre tenir compte du fait que l’entrée illégale ou le séjour illégal dans un pays d’un enfant non accompagné ou séparé est susceptible de se justifier au regard des principes généraux de droit − si cette entrée ou ce séjour constitue le seul moyen d’empêcher une violation des droits fondamentaux de l’intéressé. Plus généralement, lors de l’élaboration de mesures intéressant des enfants non accompagnés ou séparés, dont les enfants victimes de traite et d’exploitation, les États devraient veiller à ce que ces enfants ne soient pas traités comme des délinquants du seul fait de leur entrée ou présence illégale dans le pays.

63.En cas de détention, à titre de mesure exceptionnelle, les conditions de détention doivent être commandées par l’intérêt supérieur de l’enfant et respecter pleinement les alinéas a et c de l’article 37 de la Convention et les autres obligations internationales. Des dispositions spéciales doivent être prises pour mettre en place des quartiers adaptés aux enfants permettant de les séparer des adultes, à moins qu’il ne soit pas dans l’intérêt supérieur de l’enfant de procéder de la sorte. La démarche sous‑jacente d’un tel programme devrait être la «prise en charge» et non la «détention». Les installations ne devraient pas être situées dans des zones isolées, ni être dépourvues d’accès à des ressources communautaires appropriées culturellement et d’accès à une assistance juridictionnelle. Les enfants devraient avoir la possibilité d’entretenir des contacts réguliers et de recevoir la visite d’amis, de parents, de leur conseiller religieux, social ou juridique et de leur tuteur. Ils devraient également avoir la possibilité de se procurer tous les articles de première nécessité, ainsi que de bénéficier, au besoin, d’un traitement médical et de conseils psychologiques appropriés. Durant leur détention, les enfants ont le droit à l’éducation, laquelle devrait dans l’idéal être dispensée en dehors des locaux de détention afin de faciliter la poursuite de l’éducation à la libération. Les enfants ont également le droit aux loisirs et au jeu, conformément à l’article 31 de la Convention. Afin d’assurer l’exercice effectif des droits consacrés par l’alinéa d de l’article 37 de la Convention, les enfants non accompagnés ou séparés privés de liberté doivent bénéficier d’un accès rapide et gratuit à une assistance juridique ou autre appropriée, notamment en se voyant désigner un représentant légal.

VI. ACCÈS À LA PROCÉDURE DE DEMANDE D’ASILE, GARANTIES JURIDIQUES ET DROITS EN MATIÈRE D’ASILE

a) Généralités

64.L’obligation découlant de l’article 22 de la Convention, c’est-à-dire de prendre «les mesures appropriées» pour qu’un enfant − accompagné ou non − qui cherche à obtenir le statut de réfugié bénéficie de la protection voulue, suppose, entre autres, l’existence d’un système opérationnel de demande d’asile et, plus particulièrement, l’adoption de dispositions législatives régissant le traitement particulier à réserver aux enfants non accompagnés ou séparés, ainsi que la mise en place des moyens nécessaires pour assurer ce traitement conformément aux dispositions juridiques applicables codifiées dans la Convention et d’autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, les instruments relatifs à la protection des réfugiés et les instruments humanitaires auxquels l’État est partie. Les États éprouvant des difficultés à mobiliser les ressources nécessaires pour mener cet effort de développement des capacités sont vigoureusement encouragés à solliciter une assistance internationale, notamment celle du HCR.

65.Compte tenu de la complémentarité des obligations énoncées à l’article 22 et des obligations découlant du droit international des réfugiés, ainsi que du caractère souhaitable d’une consolidation des normes, les États devraient appliquer l’article 22 de la Convention en fonction de l’évolution des normes internationales relatives aux réfugiés.

b) Accès à la procédure de demande d’asile, sans considération de l’âge

66.Les enfants demandeurs d’asile, dont les enfants non accompagnés ou séparés, doivent avoir accès, sans considération de leur âge, à la procédure de demande d’asile et aux mécanismes complémentaires prestataires de protection internationale. Si au cours du processus d’identification et d’enregistrement les autorités prennent connaissance de faits donnant à penser que l’enfant pourrait éprouver une crainte fondée ou − si l’enfant est incapable d’exprimer expressément une crainte concrète − que l’enfant risque objectivement d’être persécuté en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social particulier ou de ses opinions politiques, ou encore qu’il a besoin d’une protection internationale, cet enfant devrait être dirigé vers la procédure de demande d’asile et/ou, si besoin, vers un mécanisme prestataire d’une protection complémentaire en application du droit international et du droit interne.

67.Les enfants non accompagnés ou séparés dont aucun élément n’indique qu’ils ont besoin d’une protection internationale ne devraient pas être orientés automatiquement vers la procédure de demande d’asile, mais bénéficier de la protection offerte par un mécanisme pertinent de protection de l’enfance du type de ceux prévus par la législation relative à l’action sociale en faveur de la jeunesse.

c) Garanties de procédures et mesures d’appui (art. 3 3))

68.Les mesures appropriées préconisées au paragraphe 1 de l’article 22 de la Convention doivent être prises en tenant compte des éléments de vulnérabilité particuliers des enfants non accompagnés ou séparés, ainsi que du cadre juridique et des conditions du pays. Ces mesures devraient être définies en se fondant sur les considérations ci-après.

69.Un enfant demandeur d’asile devrait être représenté par un adulte ayant une bonne connaissance des origines de l’enfant et possédant les compétences et les capacités voulues pour en préserver l’intérêt supérieur (voir section V b): «Désignation d’un tuteur ou conseiller et d’un représentant légal»). L’enfant non accompagné ou séparé devrait également, dans tous les cas, avoir accès gratuitement à un représentant légal qualifié, y compris lorsque la demande d’admission au bénéfice du statut de réfugié est examinée selon la procédure normalement applicable aux adultes.

70.La demande d’admission au statut de réfugié déposée par un enfant non accompagné ou séparé doit être traitée à titre prioritaire et tout devrait être fait pour rendre une décision rapide et équitable.

71.Parmi les garanties minimales de procédure devrait figurer l’examen de la demande par une autorité compétente pleinement qualifiée dans les affaires d’asile et de réfugiés. Quand l’âge et le degré de maturité de l’enfant l’autorisent, l’enfant devrait bénéficier de la possibilité d’un entretien personnel avec un fonctionnaire qualifié avant la prise de la décision finale. Si l’enfant est incapable de communiquer directement avec le fonctionnaire qualifié faute de langue commune, il doit être fait appel à un interprète qualifié. Un enfant devrait de plus avoir le droit au «bénéfice du doute» en cas de contestation de la véracité de son histoire, ainsi qu’à la possibilité de former un recours pour un réexamen officiel de la décision.

72.Les entretiens devraient être menés par des représentants de l’autorité chargée de se prononcer sur l’admission au statut de réfugié, laquelle devrait prendre en considération la situation particulière de l’enfant non accompagné lors de son examen de la demande d’admission au statut de réfugié et recueillir les éléments nécessaires pour comprendre l’histoire, la culture et les origines de l’intéressé. Le processus d’évaluation devrait comporter un examen au cas par cas de la combinaison unique de facteurs caractérisant chaque enfant, notamment ses origines personnelles, familiales et culturelles. Tous les entretiens devraient se dérouler en présence du tuteur et du représentant légal.

73.En cas de mouvement de réfugiés à grande échelle, phénomène durant lequel la détermination à titre individuel du statut de réfugié est impossible, les États pourraient accorder le statut de réfugié à tous les membres d’un groupe déterminé. En pareille éventualité, tous les enfants non accompagnés ou séparés sont habilités à se voir attribuer le même statut que les autres membres du groupe considéré.

d) Évaluation adaptée à la sensibilité de l’enfant des besoins en matière de protection, compte tenu des formes de persécution visant spécifiquement les enfants

74.Pour déterminer si un enfant non accompagné ou séparé qui affirme être un réfugié l’est effectivement, les États devraient tenir compte de l’évolution du droit international des droits de l’homme et du droit international des réfugiés et de la relation formative existant entre les deux, notamment des prises de position du HCR dans l’exercice des fonctions de supervision dont il est investi en vertu de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. En particulier, la définition du terme réfugié figurant dans cette convention doit être interprétée en étant attentif à l’âge et au sexe de l’intéressé, en tenant compte des raisons, formes et manifestations spécifiques de persécution visant les enfants, telles que persécution de membres de la famille, enrôlement de mineurs, trafic d’enfants à des fins de prostitution, exploitation sexuelle ou autre, imposition de mutilations génitales féminines − qui sont susceptibles de justifier l’attribution de statut de réfugié si elles se rattachent à l’un des motifs énumérés par la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Les États devraient donc prêter la plus grande attention à ces formes et manifestations de persécution visant spécifiquement les enfants, ainsi qu’à la violence sexiste, dans la procédure nationale de détermination du statut de réfugié.

75.Les agents intervenant dans le traitement des demandes d’admission au statut de réfugié émanant d’enfants, en particulier d’enfants non accompagnés ou séparés, devraient suivre une formation sur une mise en œuvre du droit international et national relatif aux réfugiés qui soit attentive à l’âge, à la culture et au sexe de l’intéressé. Afin d’évaluer de manière idoine les demandes d’asile soumises par des enfants, les gouvernements devraient faire une place à la collecte d’informations sur les enfants, dont ceux appartenant à des minorités ou à des groupes marginalisés, dans les efforts qu’ils déploient en vue de recueillir des informations sur les pays d’origine.

e) Plein exercice de tous les droits découlant du droit international des réfugiés et du droit international des droits de l’homme par les enfants admis au bénéfice du statut de réfugié (art. 22)

76.Les enfants non accompagnés ou séparés qui obtiennent le statut de réfugié et bénéficient de l’asile ne jouissent pas uniquement des droits énoncés dans la Convention de 1951 relative aux réfugiés; ils sont en outre habilités à bénéficier dans leur intégralité de tous les autres droits fondamentaux reconnus aux enfants vivant sur le territoire de l’État ou relevant de sa juridiction − y compris les droits conditionnés par la régularité du séjour sur le territoire.

f) Admission des enfants au bénéfice des formes complémentaires de protection

77.Si les conditions nécessaires pour obtenir le statut de réfugié en vertu de la Convention de 1951 relative aux réfugiés ne sont pas remplies, l’enfant non accompagné ou séparé doit bénéficier de toutes les formes disponibles de protection complémentaires à l’aune de ses besoins de protection. La mise en œuvre de ces formes complémentaires de protection n’exonère pas un État de l’obligation de répondre aux besoins particuliers de protection des enfants non accompagnés ou séparés. Les enfants bénéficiaires des formes complémentaires de protection sont donc habilités à jouir dans leur intégralité de tous les droits fondamentaux garantis aux enfants se trouvant sur le territoire de l’État ou relevant de sa juridiction − dont les droits conditionnés par la régularité du séjour sur le territoire.

78.Dans l’esprit des principes généraux applicables et, en particulier, des principes relatifs aux responsabilités de l’État à l’égard des enfants non accompagnés ou séparés se trouvant sur leur territoire, les enfants n’ayant pas obtenu le statut de réfugié et non admis au bénéfice de formes complémentaires de protection jouissent néanmoins de la protection découlant de l’ensemble des normes consacrées par la Convention aussi longtemps qu’ils demeurent de fait sur le territoire de l’État ou continuent à relever de sa juridiction.

VII. RÉUNIFICATION FAMILIALE, RETOUR ET AUTRES FORMES DE SOLUTIONS DURABLES

a) Généralités

79.Le but ultime de la prise en charge d’un enfant non accompagné ou séparé est de définir une solution durable qui permette de répondre à tous ses besoins en matière de protection, tienne compte de l’opinion de l’intéressé et, si possible, mette un terme à la situation de non‑accompagnement ou de séparation. Les efforts tendant à définir une solution durable pour un enfant non accompagné ou séparé devraient être déployés sans retard, si possible immédiatement après le constat du fait qu’un enfant est non accompagné ou séparé. La recherche d’une solution durable, qui participe de l’approche fondée sur les droits, commence avec l’étude de la possibilité d’une réunification familiale.

80.La recherche de la famille constitue une composante essentielle de toute recherche d’une solution durable et elle devrait être prioritaire, sauf si la recherche de la famille ou la manière dont elle est menée risque d’être contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant ou de compromettre les droits fondamentaux des personnes dont on recherche la trace. En tout état de cause, la recherche de la famille devrait être menée sans référence au statut de l’enfant en tant que demandeur d’asile ou réfugié. Sous réserve de toutes ces conditions, les efforts de recherche devraient se poursuivre tout au long de la procédure de demande d’asile. Une solution durable doit être trouvée pour tous les enfants de ces catégories se trouvant sur le territoire de l’État, que ce soit sur la base de l’asile, au titre de formes complémentaires de protection ou en raison de l’existence d’obstacles juridiques ou factuels divers s’opposant à leur renvoi.

b) Réunification familiale

81.Afin de s’acquitter pleinement de l’obligation qui leur incombe en vertu de l’article 9 de la Convention de veiller à ce qu’un enfant ne soit pas séparé de ses parents contre son gré, tout devrait être fait pour restituer à ses parents un enfant non accompagné ou séparé, sauf si la poursuite de la séparation est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’intéressé, compte tenu du droit de l’enfant d’exprimer son opinion (art. 12) (voir également la section IV e): «Droit de l’enfant d’exprimer librement son opinion»). Si les considérations énumérées dans la deuxième phrase du paragraphe 1 de l’article 9 (lorsque les parents maltraitent ou négligent l’enfant) peuvent exclure une réunification en quelque lieu que ce soit, d’autres considérations touchant l’intérêt supérieur de l’enfant peuvent faire obstacle à une réunification mais seulement en un certain lieu.

82.La réunification familiale dans le pays d’origine de l’enfant n’est pas dans son intérêt supérieur et ne devrait pas être imposée s’il existe un «risque raisonnable» que ce retour débouche sur la violation de droits fondamentaux de l’enfant. Ce risque est établi de manière irréfutable par l’attribution du statut de réfugié ou par une décision de l’autorité compétente sur l’application des obligations en matière de non‑refoulement (y compris les obligations découlant de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et des articles 6 et 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques). L’attribution du statut de réfugié constitue dès lors un obstacle juridiquement contraignant au retour dans le pays d’origine et, par conséquent, à la réunification familiale dans ledit pays. Si la situation dans le pays d’origine présente un degré moindre de risque mais que l’on craint, par exemple, que l’enfant ne soit affecté par les effets aveugles d’une violence généralisée, ce risque doit être examiné avec toute l’attention voulue et être mis en regard avec les autres considérations liées aux droits, y compris les conséquences d’une prolongation de la séparation. Dans ce contexte, il convient de rappeler que la survie de l’enfant revêt une importance primordiale et constitue une condition préalable à l’exercice de tous les autres droits qui lui sont reconnus.

83.Quand la réunification familiale dans le pays d’origine est impossible, que cette situation soit imputable à des obstacles juridiques au retour ou au fait que la prise en considération de l’intérêt supérieur milite contre cette option, les obligations énoncées aux articles 9 et 10 de la Convention prennent effet et devraient guider les décisions du pays d’accueil concernant une réunification familiale dans ledit pays d’accueil. À ce propos, il est rappelé plus particulièrement aux États que «toute demande faite par un enfant ou ses parents en vue d’entrer dans un État partie ou de le quitter aux fins de réunification familiale est considérée par les États parties dans un esprit positif, avec humanité et diligence» et que la présentation d’une telle demande «n’entraîne pas de conséquences fâcheuses pour les auteurs de la demande et les membres de leur famille» (art. 10 1)). Les pays d’origine doivent respecter «le droit qu’ont l’enfant et ses parents de quitter tout pays, y compris le leur, et de revenir dans leur propre pays» (art. 10 2)).

c) Retour dans le pays d’origine

84.Le retour dans le pays d’origine n’est pas une option s’il présente «un risque raisonnable» de déboucher sur une violation des droits fondamentaux de l’enfant et, en particulier, si le principe de non‑refoulement s’applique. Le retour dans le pays d’origine ne doit en principe être organisé que s’il est dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Pour déterminer si tel est le cas, il faut notamment se baser sur les critères suivants:

La situation en matière de sûreté, de sécurité et autre, notamment socioéconomique, attendant l’enfant à son retour, à déterminer au moyen d’une enquête sociale, si nécessaire, réalisée par des organisations du réseau social;

Les possibilités de prise en charge de l’enfant considéré;

L’opinion exprimée par l’enfant dans l’exercice du droit qui lui est reconnu à l’article 12 et les opinions des personnes subvenant à ses besoins;

Le degré d’intégration de l’enfant dans le pays d’accueil et la durée de l’éloignement de son pays d’origine;

Le droit de l’enfant de «préserver son identité, y compris sa nationalité, son nom et ses relations familiales» (art. 8);

La «nécessité d’une certaine continuité dans l’éducation de l’enfant, ainsi que son origine ethnique, religieuse, culturelle et linguistique» (art. 20).

85.En l’absence de possibilité de prise en charge par des proches parents ou des membres de la famille élargie, le retour d’un enfant dans son pays d’origine ne devrait en principe pas être organisé sans avoir au préalable mis en place un dispositif sûr et concret de prise en charge et défini les responsabilités en matière de garde à son retour dans le pays d’origine.

86.Le retour dans le pays d’origine peut être organisé, à titre exceptionnel, après avoir mis en regard avec soin l’intérêt supérieur de l’enfant et d’autres considérations − si lesdites considérations sont en rapport avec les droits et priment sur l’intérêt supérieur de l’enfant. Tel peut être le cas si un enfant représente un risque grave pour la sécurité de l’État ou de la société. Les arguments non liés aux droits, tels que ceux relatifs au contrôle général des migrations, ne peuvent l’emporter sur les considérations en rapport avec l’intérêt supérieur de l’enfant.

87.Dans tous les cas, les mesures de retour doivent être mises en œuvre dans la sûreté et d’une manière adaptée à l’enfant et tenant compte de son sexe.

88.Dans ce contexte, les pays d’origine doivent avoir à l’esprit les obligations leur incombant en vertu de l’article 10 de la Convention, en particulier l’obligation de respecter «le droit qu’ont l’enfant et ses parents de quitter tout pays, y compris le leur, et de revenir dans leur propre pays».

d) Intégration locale

89.L’intégration locale est l’option première si le retour dans le pays d’origine est impossible pour des raisons d’ordre juridique ou factuel. L’intégration locale doit reposer sur un statut juridique sûr (y compris le statut de résidence) et être régie par les droits que consacre la Convention, qui sont pleinement applicables à tous les enfants restant dans le pays − parce qu’ils ont obtenu le statut de réfugié, parce que des obstacles d’ordre juridique s’opposent à un retour dans leur pays d’origine ou parce que la prise en considération de l’intérêt supérieur de l’enfant a fait pencher la balance contre un retour.

90.Une fois établi qu’un enfant séparé ou non accompagné est appelé à rester dans la communauté, les autorités compétentes devraient procéder à une évaluation de la situation, puis, en consultation avec l’enfant et son tuteur, déterminer les dispositions à long terme requises avec la communauté locale et définir les autres mesures nécessaires pour faciliter l’intégration. Le placement à long terme devrait être décidé dans l’intérêt supérieur de l’enfant et, à ce stade, le placement en institution devrait, si possible, ne constituer qu’une option de dernier recours. L’enfant séparé ou non accompagné devrait bénéficier du même accès aux droits (dont les droits à l’éducation, à la formation, à l’emploi et aux soins de santé) que les enfants ressortissants du pays d’accueil. Afin de garantir le plein exercice de ses droits par un enfant non accompagné ou séparé, le pays d’accueil peut être amené à porter une attention spéciale aux mesures supplémentaires nécessaires pour remédier à la vulnérabilité particulière de l’enfant, notamment, par exemple, en le faisant bénéficier de cours de soutien pour acquérir la maîtrise de la langue du pays.

e) Adoption internationale (art. 21)

91.Dans les affaires d’adoption d’un enfant non accompagné ou séparé, les États sont tenus de respecter pleinement les conditions préalables énumérées à l’article 21 de la Convention, ainsi que les divers instruments internationaux pertinents, en particulier la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale et la recommandation de 1994 concernant son application aux enfants réfugiés et aux autres enfants déplacés internationalement. Les États devraient en particulier être guidés par les critères suivants:

L’adoption d’un enfant non accompagné ou séparé ne devrait être envisagée qu’une fois établi que l’enfant est adoptable, ce qui dans la pratique signifie, entre autres, que les efforts menés en vue de retrouver sa famille et de procéder à une réunification familiale n’ont pas abouti ou que les parents ont consenti à l’adoption. Le consentement des parents de même que le consentement des autres personnes et des institutions et autorités nécessaires aux fins d’une adoption doivent être donnés librement et en connaissance de cause, ce qui suppose notamment que ce consentement n’ait pas été obtenu moyennant paiement ou une compensation de quelque sorte que ce soit et n’ait pas été retiré;

Un enfant non accompagné ou séparé ne saurait être adopté à la sauvette au paroxysme d’une situation d’urgence;

Toute adoption doit s’effectuer dans l’intérêt supérieur de l’enfant et se dérouler en conformité avec les dispositions juridiques internes, internationales et coutumières pertinentes;

Dans toutes les procédures d’adoption, l’opinion de l’enfant devrait être recueillie eu égard à son âge et à son degré de maturité et être prise en considération. Cette exigence suppose que l’enfant ait reçu des conseils, ait été dûment informé des conséquences de l’adoption et ait donné son consentement à l’adoption − si ce consentement est requis. Le consentement doit avoir été donné librement et ne pas avoir été obtenu moyennant paiement ou compensation de quelque sorte que ce soit;

La priorité doit être accordée à l’adoption par des parents dans le pays de résidence. Quand cette option est inexistante, la préférence doit aller à l’adoption dans la communauté dont est originaire l’enfant ou, pour le moins, par des personnes de même culture;

L’adoption d’un enfant ne devrait pas être envisagée:

S’il existe un espoir raisonnable de voir aboutir les efforts menés en vue de retrouver sa famille et si la réunification familiale est dans l’intérêt supérieur de l’intéressé;

Si elle va à l’encontre des souhaits exprimés par l’enfant ou les parents;

Tant que ne s’est pas écoulé un laps de temps d’une durée raisonnable pendant lequel toutes les dispositions possibles pour retrouver la trace des parents ou d’autres membres survivants de la famille ont été prises. Cette durée peut varier selon les circonstances, en particulier en fonction de la capacité à procéder de manière appropriée à la recherche de la famille; le processus de recherche de la famille doit cependant être mené à son terme dans un laps de temps raisonnable;

L’adoption dans un pays d’asile ne devrait pas être envisagée s’il existe une possibilité de rapatriement librement consenti à brève échéance dans des conditions de sécurité et de dignité.

f) Réinstallation dans un pays tiers

92.La réinstallation dans un pays tiers peut constituer une solution durable pour un enfant non accompagné ou séparé dans l’incapacité de retourner dans son pays d’origine ou pour lequel aucune solution durable n’est envisageable dans le pays d’accueil. La décision de réinstaller un enfant non accompagné ou séparé doit reposer sur une évaluation à jour, globale et approfondie de l’intérêt supérieur de l’intéressé, compte tenu, en particulier, de ses besoins présents en matière de protection internationale ou autre. La réinstallation est particulièrement indiquée s’il s’agit du seul moyen de protéger efficacement et durablement un enfant contre le refoulement ou contre des persécutions ou d’autres violations des droits de l’homme dans le pays de séjour. La réinstallation est également dans l’intérêt supérieur d’un enfant non accompagné ou séparé si elle permet une réunification familiale dans le pays de réinstallation.

93.Pour déterminer l’intérêt supérieur d’un enfant avant de prendre une décision de réinstallation, il convient également de tenir compte d’autres facteurs, tels que: le temps raisonnablement nécessaire pour surmonter les obstacles juridiques ou autres au retour de l’enfant dans son pays d’origine; le droit de l’enfant de préserver son identité, y compris sa nationalité et son nom (art. 8); l’âge, le sexe, l’état affectif, l’éducation et l’origine familiale de l’enfant; la continuité/discontinuité de la prise en charge dans le pays d’accueil; la nécessité d’une certaine continuité dans l’éducation de l’enfant, ainsi que son origine ethnique, religieuse, culturelle et linguistique (art. 20); le droit de l’enfant de préserver ses relations familiales (art. 8) et les possibilités connexes à court, moyen et long terme de réunification familiale dans le pays d’origine, dans le pays d’accueil ou dans le pays de réinstallation. Les enfants non accompagnés ou séparés ne devraient jamais être réinstallés dans un pays tiers si cette mesure est de nature à contrarier ou gravement entraver la possibilité d’une réunification familiale ultérieure.

94.Les États sont encouragés à offrir des possibilités de réinstallation afin de répondre à tous les besoins en matière de réinstallation d’enfants non accompagnés ou séparés.

VIII. FORMATION, DONNÉES ET STATISTIQUES

a) Formation du personnel s’occupant d’enfants non accompagnés ou séparés

95.Une attention particulière devrait être portée à la formation des fonctionnaires travaillant avec des enfants séparés ou non accompagnés et traitant leurs dossiers. Une formation spécialisée est tout aussi importante pour les représentants légaux, les tuteurs, les interprètes et autres agents s’occupant d’enfants séparés ou non accompagnés.

96.Cette formation devrait être adaptée spécialement aux besoins et aux droits des groupes concernés. Certains éléments clefs devraient toutefois figurer dans tous les programmes de formation, en particulier les suivants:

Principes et dispositions de la Convention;

Connaissance du pays d’origine de l’enfant séparé ou non accompagné;

Maîtrise de techniques d’entretien adaptées;

Développement et psychologie de l’enfant;

Conscience des différences culturelles et communication interculturelle.

97.Les programmes de formation initiale devraient être complétés régulièrement par des activités de recyclage, notamment par le canal de la formation en cours d’emploi et de réseaux professionnels.

b) Données et statistiques relatives aux enfants séparés ou non accompagnés

98.Le Comité a constaté d’expérience que les données et statistiques recueillies au sujet des enfants non accompagnés ou séparés tendent à se borner au nombre d’arrivées et/ou au nombre de demandes d’asile. Pareilles données sont insuffisantes pour une analyse détaillée de l’exercice de leurs droits par les enfants de ces catégories. De plus, les données et les statistiques sont souvent recueillies par différents ministères ou organismes − ce qui peut entraver toute analyse ultérieure tout en suscitant des inquiétudes quant à la confidentialité et au droit de l’enfant à la vie privée.

99.L’élaboration d’un système intégré de collecte de données détaillées sur les enfants non accompagnés ou séparés constitue donc un préalable à la mise au point de mesures efficaces en faveur de la mise en œuvre des droits des enfants de ces catégories.

100.Dans l’idéal, les données recueillies grâce à un tel système devraient notamment être les suivantes: données biographiques de base relatives à chaque enfant (âge, sexe, pays d’origine et nationalité, groupe ethnique, etc.); nombre total d’enfants non accompagnés ou séparés essayant d’entrer dans le pays et nombre d’entre eux auxquels l’entrée a été refusée; nombre de demandes d’asile; nombre de représentants légaux et de tuteurs attribués aux enfants de cette catégorie; statut juridique au regard de l’immigration (demandeurs d’asile, réfugiés, titulaires d’un permis de résidence temporaire); cadre de vie (placement en institution, placement familial ou autonomie de vie); inscription dans une école ou un établissement de formation; réunification familiale; nombre d’enfants retournés dans leur pays d’origine. Les États parties devraient de surcroît envisager de recueillir des données qualitatives qui leur permettraient d’analyser certains points encore insuffisamment traités, par exemple les disparitions d’enfants non accompagnés ou séparés et l’impact de la traite.

Quarantième session (2006)

Observation générale n o 7 : Mise en œuvre des droits de l’enfant dans la petite enfance

I. INTRODUCTION

1.La présente observation générale est inspirée par un constat que le Comité a souvent l’occasion de faire lors de l’examen des rapports présentés par les États parties. Dans de nombreux cas, les renseignements relatifs à la petite enfance sont très succincts et se limitent essentiellement à la mortalité infantile, à l’enregistrement des naissances et aux soins de santé. Le Comité a jugé nécessaire d’examiner les incidences au sens plus large de la Convention relative aux droits de l’enfant sur les jeunes enfants. C’est pour cette raison qu’en 2004 il a consacré sa journée de débat général au thème «Mise en œuvre des droits de l’enfant dans la petite enfance». Ce débat a abouti à une série de recommandations (voir document CRC/C/143, sect. VII) ainsi qu’à la décision d’élaborer une observation générale sur cet important sujet. Par la présente observation générale, le Comité souhaite encourager les États parties à reconnaître que les jeunes enfants jouissent de tous les droits garantis par la Convention et que la petite enfance est une période déterminante pour la réalisation de ces droits. D’après la définition pratique établie par le Comité, l’expression «petite enfance» recouvre toutes les périodes de la vie du jeune enfant: naissance et première enfance; période préscolaire; et période de transition avec l’entrée à l’école (voir par. 4 ci-après).

II. OBJECTIFS DE LA PRÉSENTE OBSERVATION GÉNÉRALE

2.La présente observation générale a pour objectifs:

a)De mieux faire comprendre les droits fondamentaux de tous les jeunes enfants et d’appeler l’attention des États parties sur les obligations qui leur incombent à l’égard de cette catégorie d’enfants;

b)De décrire les caractéristiques spécifiques de la petite enfance qui ont des incidences sur la réalisation des droits;

c)D’inciter à considérer les jeunes enfants dès le début de leur vie comme des membres de la société ayant des intérêts, des capacités et des vulnérabilités spécifiques et à reconnaître qu’ils ont besoin d’être protégés, conseillés et soutenus pour exercer leurs droits;

d)De mettre en lumière les différentes situations des jeunes enfants à prendre en considération lors de la mise en œuvre de la Convention, pour ce qui est notamment des événements vécus par les jeunes enfants, de la qualité de leurs expériences et des influences qui déterminent leur développement;

e)De mettre en évidence le fait que les attentes et attitudes à l’égard des enfants varient suivant les cultures et, notamment, selon les coutumes et pratiques locales qui doivent être respectées, sauf si elles sont contraires aux droits de l’enfant;

f)De souligner la vulnérabilité des jeunes enfants face à la pauvreté, la discrimination, l’éclatement de la famille et diverses autres difficultés qui portent préjudice à leurs droits et à leur bien-être;

g)De contribuer à la réalisation des droits de tous les jeunes enfants par l’élaboration et la promotion d’un ensemble de politiques, de lois, de programmes, de pratiques, d’actions de formation et d’études axés spécifiquement sur les droits de l’enfant dans la petite enfance.

III. DROITS DE L’HOMME ET JEUNES ENFANTS

3.Les jeunes enfants ont des droits. Aux termes de la Convention relative aux droits de l’enfant, «un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de 18 ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable» (art. 1). En conséquence, les jeunes enfants jouissent de tous les droits garantis par la Convention. Ils bénéficient de mesures spéciales de protection et, en fonction du développement de leurs capacités, ils exercent progressivement les droits qui sont les leurs. Le Comité est préoccupé par le fait que, lorsqu’il s’agit de remplir les obligations qui leur incombent en vertu de la Convention, les États parties n’accordent pas une place suffisante aux jeunes enfants en tant que titulaires de droits ni aux lois, politiques et programmes permettant de réaliser ces droits pendant cette période bien spécifique de l’enfance. Le Comité réaffirme que la Convention relative aux droits de l’enfant doit être appliquée dans une perspective holistique dans la petite enfance, en se fondant sur le principe de l’universalité, de l’indivisibilité et de l’interdépendance de tous les droits de l’homme.

4.Définition de la petite enfance. La définition de la petite enfance varie suivant les pays, les régions, les traditions locales et l’organisation du système d’enseignement primaire. Dans certains pays, les enfants passent de la période préscolaire à la période scolaire dès l’âge de 4 ans. Dans d’autres pays, ce passage a lieu vers l’âge de 7 ans. Pour le Comité, la notion de droits de l’enfant dans la petite enfance devrait couvrir toutes les périodes de la vie du jeune enfant: naissance et première enfance; période préscolaire; et période de transition avec l’entrée à l’école. Par conséquent, le Comité propose de retenir comme définition pratique de la petite enfance la tranche d’âge comprise entre la naissance et 8 ans et il engage les États parties à considérer leurs obligations à l’égard des jeunes enfants en tenant compte de cette définition.

5.Un programme constructif pour la petite enfance. Le Comité encourage les États parties à mettre au point un programme constructif de promotion des droits des jeunes enfants. Cela implique l’abandon des stéréotypes traditionnels selon lesquels la petite enfance n’est qu’une période de socialisation qui conduit un être humain immature à la maturité de l’adulte. La Convention dispose que les enfants, y compris les tout‑petits, doivent être respectés en tant que personnes à part entière. Les jeunes enfants devraient être considérés comme des membres actifs de la famille, de la communauté et de la société, avec leurs préoccupations, leurs intérêts et leurs opinions propres. Pour exercer leurs droits, les jeunes enfants ont particulièrement besoin d’être réconfortés physiquement, entourés d’affection et encadrés avec sensibilité, et ils ont besoin aussi de temps et d’espace pour jouer avec les autres, découvrir et apprendre. Le meilleur moyen de satisfaire ces besoins passe par un ensemble de lois, de politiques et de programmes en faveur de la petite enfance, notamment un plan d’application et de suivi indépendant prévoyant par exemple la nomination d’un commissaire aux droits de l’enfant, en déterminant aussi quelles sont les conséquences de ces lois et politiques pour les enfants (voir l’Observation générale no 2 (2002) sur le rôle des institutions nationales indépendantes de défense des droits de l’homme, par. 19).

6.Caractéristiques de la petite enfance.La petite enfance est une période critique pour la réalisation des droits de l’enfant. En effet:

a)La petite enfance correspond à la phase de croissance et de transformation plus rapide de l’existence humaine, pour ce qui est de la maturation du corps et du système nerveux, du développement de la mobilité, des facultés de communiquer et des capacités intellectuelles, ainsi que de l’évolution des intérêts et aptitudes;

b)Les jeunes enfants s’attachent fortement à leurs parents ou aux autres personnes qui s’occupent d’eux et ils ont besoin d’être entourés, soignés, encadrés et protégés, dans le respect de leur personnalité et de l’évolution de leurs capacités;

c)Les jeunes enfants nouent des liens importants avec d’autres enfants du même âge, ainsi qu’avec des enfants plus jeunes ou plus âgés qu’eux. Grâce à ces relations, ils apprennent à négocier et organiser des activités communes, résoudre des conflits, tenir des engagements et assumer des responsabilités pour d’autres enfants;

d)Les jeunes enfants s’efforcent activement de comprendre les aspects physiques, sociaux et culturels du monde dans lequel ils vivent, en tirant progressivement des enseignements de leurs activités et de leurs interactions avec d’autres personnes, qu’il s’agisse d’enfants ou d’adultes;

e)Les premières années de la vie des jeunes enfants sont fondamentales pour leur santé physique et mentale, leur sécurité affective, leur identité culturelle et personnelle et leurs capacités de développement;

f)La croissance et le développement des jeunes enfants varient selon leur nature, leur sexe, leurs conditions de vie, leur structure familiale, le cadre de prise en charge et le système éducatif;

g)La croissance et le développement des jeunes enfants sont fortement influencés par les conceptions culturelles quant à leurs besoins, à la façon dont il convient de les traiter et à leur rôle actif au sein de la famille et de la communauté.

7.Le respect de la spécificité des intérêts, des expériences et des difficultés de chaque jeune enfant constitue le point de départ de la réalisation des droits de l’enfant pendant cette période cruciale de l’existence.

8.Études sur la petite enfance. Le Comité note que de plus en plus d’études théoriques et de travaux de recherche confirment que les jeunes enfants doivent être considérés comme des acteurs sociaux dont la survie, le bien-être et le développement dépendent de liens affectifs étroits. Ces liens sont généralement noués avec un nombre restreint de personnes essentielles qui sont généralement les parents, les membres de la famille élargie et les enfants du même âge, ainsi que les personnes qui s’occupent des jeunes enfants et autres professionnels de la petite enfance. En outre, les études menées sur les dimensions sociales et culturelles de la petite enfance montrent que les façons de concevoir et de favoriser le développement du jeune enfant varient, notamment les attentes vis-à-vis de ce dernier et les systèmes de prise en charge et d’éducation. L’une des caractéristiques de la société actuelle est qu’un nombre croissant de jeunes enfants grandissent au sein de communautés multiculturelles et dans un contexte marqué par de rapides mutations sociales, qui entraînent avec elles une évolution des conceptions et des attentes relatives aux jeunes enfants, avec notamment une plus grande reconnaissance de leurs droits. Les États parties sont encouragés à se fonder sur les croyances et les connaissances concernant la petite enfance, en tenant compte de la situation au plan local et de l’évolution des pratiques, et à respecter les valeurs traditionnelles pour autant que celles‑ci ne soient pas discriminatoires (art. 2 de la Convention), ne portent pas préjudice à la santé et au bien-être des enfants (art. 24, par. 3) et ne soient pas contraires à leur intérêt supérieur (art. 3). Enfin, les études menées dans le domaine de la petite enfance mettent en lumière les risques particuliers que représentent pour les jeunes enfants la malnutrition, les maladies, la pauvreté, la négligence des parents, l’exclusion sociale et toute une série d’autres facteurs. Elles montrent que des stratégies adéquates de prévention et d’intervention dans la petite enfance peuvent avoir des retombées positives sur le bien-être actuel des jeunes enfants et sur leurs perspectives futures. La réalisation des droits de l’enfant dans la petite enfance constitue donc un moyen efficace de prévenir l’apparition de problèmes d’ordre personnel, social et scolaire dans la moyenne enfance et à l’adolescence (voir l’Observation générale no 4 (2003) sur la santé et le développement de l’adolescent).

III. PRINCIPES GÉNÉRAUX ET DROITS DU JEUNE ENFANT

9.Le Comité a établi que les articles 2, 3, 6 et 12 de la Convention contenaient des principes généraux (voir l’Observation générale no 5 (2003) sur les mesures d’application générales de la Convention). Chaque principe a des incidences sur les droits du jeune enfant.

10.Droit à la vie, à la survie et au développement.L’article 6 de la Convention porte sur le droit inhérent de tout enfant à la vie et l’obligation pour les États parties d’assurer dans toute la mesure possible la survie et le développement de l’enfant. Les États parties sont exhortés à prendre toutes les mesures possibles pour améliorer les soins périnatals aux mères et aux nourrissons, réduire la mortalité infanto-juvénile et créer des conditions propres à assurer le bien‑être de tous les jeunes enfants pendant cette période décisive de leur vie. La malnutrition et les maladies évitables demeurent des obstacles majeurs à la concrétisation des droits des jeunes enfants. Assurer la survie et protéger la santé publique sont certes des priorités, mais les États parties doivent garder à l’esprit que l’article 6 englobe tous les aspects du développement et que la santé et le bien-être psychosocial du jeune enfant sont interdépendants à maints égards. L’une et l’autre peuvent être compromis par des conditions de vie difficiles, la négligence, l’indifférence, les mauvais traitements et des possibilités limitées d’épanouissement. Les jeunes enfants qui sont élevés dans des conditions particulièrement difficiles doivent bénéficier d’une attention spéciale (voir sect. VI ci-après). Le Comité rappelle aux États parties (et aux autres parties prenantes) que le droit à la survie et au développement ne peut être réalisé que de manière holistique, en mettant en œuvre toutes les autres dispositions de la Convention, notamment droits à la santé, à une alimentation adéquate, à la sécurité sociale, à un niveau de vie suffisant, à un environnement sain et sûr et à l’éducation et aux loisirs (art. 24, 27, 28, 29 et 31), ainsi qu’en respectant les responsabilités des parents et en assurant une aide et des services de qualité (art. 5 et 18). Très tôt déjà, les enfants devraient participer à des activités tendant à promouvoir une alimentation correcte et un mode de vie sain favorisant la prévention des maladies.

11.Droit à la non-discrimination. L’article 2 de la Convention garantit des droits à tout enfant sans discrimination aucune. Le Comité prie instamment les États parties de tenir compte des incidences de ce principe sur la réalisation des droits du jeune enfant. En effet:

a)L’article 2 de la Convention signifie que les jeunes enfants en général ne doivent pas faire l’objet de discrimination pour quelque motif que ce soit, ce qui serait par exemple le cas si une loi ne protégeait pas tous les enfants contre la violence et ne s’appliquait pas aux jeunes enfants. Les enfants en bas âge sont particulièrement vulnérables face à la discrimination car ils n’ont pratiquement aucun moyen de se défendre et dépendent d’autres personnes pour faire respecter leurs droits;

b)Cet article signifie aussi que certains groupes de jeunes enfants doivent être protégés contre la discrimination, qui peut se manifester sous diverses formes, notamment alimentation insuffisante, soins et encadrement inadéquats, possibilités limitées de loisirs, d’apprentissage et d’éducation; ou interdiction d’exprimer librement ses sentiments et ses opinions. La discrimination peut également se manifester sous la forme d’une sévérité et d’exigences exagérées, qui peuvent être assimilables à de l’exploitation ou à des sévices. Par exemple:

i)La discrimination contre les fillettes constitue une violation grave des droits de l’enfant en ce qu’elle affecte leur survie et tous les aspects de leur existence, tout en limitant leur capacité d’apporter une contribution utile à la société. Ces fillettes sont susceptibles d’être victimes d’avortements sélectifs, de mutilations génitales, de négligence et d’infanticide, notamment en étant sous‑alimentées pendant la petite enfance. Elles peuvent être chargées de responsabilités familiales excessives et privées d’accès à l’éducation préscolaire et primaire;

ii)La discrimination contre les enfants handicapés réduit les perspectives de survie de ces derniers et leur qualité de vie. Ces enfants ont droit à des soins, à l’alimentation, à un soutien affectif et à des encouragements comme les autres enfants. Ils peuvent en outre avoir besoin d’une assistance spéciale favorisant leur intégration et la réalisation de leurs droits;

iii)La discrimination contre les enfants contaminés ou touchés par le VIH/sida les prive de l’aide et du soutien dont ils ont cruellement besoin. Cette forme de discrimination peut être présente dans des politiques des pouvoirs publics, notamment s’agissant de la fourniture des services et de l’accès à ces derniers, ainsi que dans des pratiques de la vie de tous les jours qui portent atteinte aux droits de ces enfants (voir aussi par. 27 ci‑après);

iv)La discrimination fondée sur l’origine ethnique, l’appartenance à une classe sociale ou à une caste, la situation et le mode de vie personnels ou les convictions politiques ou religieuses (de l’enfant ou de ses parents) empêche les enfants qui en sont victimes de participer pleinement à la vie sociale. Elle empêche les parents d’assumer toutes leurs responsabilités à l’égard de leurs enfants. Elle réduit les perspectives de ces derniers et leur confiance en eux, tout en provoquant de l’animosité et des tensions entre enfants et adultes;

v)Les jeunes enfants qui sont victimes de multiples formes de discrimination (à cause de leur origine ethnique, de leur statut social et culturel, de leur sexe ou d’un handicap) sont particulièrement vulnérables.

12.Les jeunes enfants peuvent également subir les conséquences d’une discrimination dirigée contre leurs parents, par exemple, s’ils sont nés hors mariage ou dans des circonstances qui ne correspondent pas aux valeurs traditionnelles de la société, ou si leurs parents sont des réfugiés ou des demandeurs d’asile. Les États parties ont pour responsabilité de surveiller et de combattre la discrimination sous quelque forme que ce soit et quel qu’en soit le contexte – au sein de la famille ou de la communauté, à l’école ou dans le cadre d’autres institutions. La discrimination potentielle pour ce qui est de l’accès des jeunes enfants à des services de qualité est particulièrement préoccupante, en particulier lorsqu’on ne trouve pas partout des services de santé, des écoles, des services sociaux et d’autres services et que les services en question sont assurés conjointement par l’État, le secteur privé et des organisations caritatives. Le Comité encourage les États parties à vérifier dans un premier temps si des services de qualité favorisant la survie et le développement des jeunes enfants sont disponibles et accessibles, notamment en collectant systématiquement des données ventilées selon les principales variables se rapportant à l’origine et à la situation des enfants et de leur famille. Dans un deuxième temps, ils pourraient prendre des mesures afin de garantir à tous les enfants les mêmes possibilités d’accès aux services disponibles. De façon plus générale, les États parties devraient sensibiliser l’opinion au problème de la discrimination contre les jeunes enfants dans leur ensemble et, en particulier, contre ceux qui appartiennent à un groupe vulnérable.

13.Intérêt supérieur de l’enfant. L’article 3 de la Convention consacre le principe selon lequel l’intérêt supérieur de l’enfant est une considération primordiale dans toutes les décisions concernant les enfants. En raison de leur manque relatif de maturité, les jeunes enfants dépendent des autorités compétentes pour définir leurs droits et leur intérêt supérieur et les représenter lorsqu’elles prennent des décisions et des mesures affectant leur bien-être, tout en tenant compte de leur avis et du développement de leurs capacités. Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant est mentionné à de nombreuses reprises dans la Convention (notamment aux articles 9, 18, 20 et 21, qui sont les plus pertinents pour la petite enfance). Ce principe s’applique à toutes les décisions concernant les enfants et doit être accompagné de mesures efficaces tendant à protéger leurs droits et à promouvoir leur survie, leur croissance et leur bien‑être ainsi que de mesures visant à soutenir et aider les parents et les autres personnes qui ont la responsabilité de concrétiser au jour le jour les droits de l’enfant:

a)Intérêt supérieur de l’enfant en tant qu’individu. Dans toute décision concernant notamment la garde, la santé ou l’éducation d’un enfant, dont les décisions prises par les parents, les professionnels qui s’occupent des enfants et autres personnes assumant des responsabilités à l’égard d’enfants, le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant doit être pris en considération. Les États parties sont instamment priés de prendre des dispositions pour que les jeunes enfants soient représentés de manière indépendante, dans toute procédure légale, par une personne agissant dans leur intérêt et pour que les enfants soient entendus dans tous les cas où ils sont capables d’exprimer leurs opinions ou leurs préférences;

b)Intérêt supérieur des jeunes enfants en tant que groupe ou partie prenante. Dans toute initiative concernant les enfants, telle qu’élaboration de lois et de politiques, prise de décisions administratives ou judiciaires et prestation de services, le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant doit être pris en compte. Il s’agit notamment des mesures touchant directement les enfants (par exemple, services de santé, systèmes de prise en charge ou écoles) ainsi que des mesures ayant des conséquences indirectes pour les jeunes enfants (notamment celles prises dans le domaine de l’environnement, du logement et des transports).

14.Respect des opinions et de la sensibilité du jeune enfant. L’article 12 de la Convention dispose que l’enfant a le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant et que ses opinions soient dûment prises en considération. Cette disposition renforce le statut du jeune enfant en tant que participant actif à la promotion, la protection et la surveillance de ses droits. Or, trop souvent, on néglige ou refuse de tenir compte du rôle que peuvent jouer les jeunes enfants − en tant que membres de la famille, de la communauté et de la société − au motif qu’ils sont trop petits et immatures. Dans beaucoup de pays et de régions, au nom des valeurs traditionnelles, on met l’accent sur le fait que le jeune enfant a besoin d’apprendre et de se socialiser. Il est considéré comme sous-développé et dépourvu des capacités élémentaires de compréhension, de communication et de décision. Il n’a aucun poids au sein de la famille et est souvent muet et invisible dans la société. Le Comité tient à souligner que l’article 12 s’applique aussi bien aux jeunes enfants qu’aux enfants plus âgés. Étant donné que tous les enfants ont des droits, même les tout‑petits peuvent exprimer leur avis, «les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité» (art. 12, par. 1). Les jeunes enfants sont extrêmement sensibles à leur environnement et parviennent très rapidement à reconnaître les personnes, lieux et habitudes qui constituent leur cadre familier, tout en prenant conscience de leur identité propre. Ils font des choix et communiquent leurs émotions, idées et désirs de diverses manières bien avant d’être capables de communiquer par le langage conventionnel oral ou écrit. En conséquence:

a)Le Comité encourage les États parties à prendre toutes les mesures utiles pour assurer le respect du principe selon lequel l’enfant est un être doté de droits, jouissant notamment de la liberté d’exprimer ses opinions et du droit d’être consulté sur les questions l’intéressant et pour que ce principe soit appliqué très tôt déjà, compte dûment tenu des capacités du jeune enfant, de son intérêt supérieur et de son droit à une protection contre les expériences nuisibles;

b)Le droit d’exprimer ses opinions et ses émotions devrait être pleinement respecté dans la vie quotidienne de l’enfant à la maison (y compris, le cas échéant, au sein de la famille élargie) et au sein de sa communauté; dans l’ensemble des services de santé, garderies et établissements d’enseignement pour la petite enfance, ainsi que dans le cadre des procédures judiciaires; et lors de l’élaboration de politiques et de la mise en place de services, par le biais notamment d’études et de consultations;

c)Les États parties devraient prendre toutes les mesures voulues pour promouvoir la participation active des parents, des spécialistes et des autorités compétentes à la création de possibilités pour les jeunes enfants d’exercer activement et progressivement leurs droits dans leurs activités quotidiennes et dans tous les contextes pertinents, notamment en proposant des formations permettant d’acquérir les compétences nécessaires. Pour que les droits de l’enfant en matière de participation soient respectés, les adultes doivent se centrer sur les jeunes enfants, les écouter et respecter leur dignité et leur point de vue personnel. En outre, les adultes doivent faire preuve de patience et de créativité en adaptant leurs attentes aux intérêts, capacités de compréhension et modes de communication préférés des jeunes enfants.

IV. RESPONSABILITÉS PARENTALES ET AIDE ACCORDÉE PAR LES ÉTATS PARTIES

15.Le rôle crucial des parents et des autres personnes qui ont la charge d’un enfant à titre principal.Normalement, les parents du jeune enfant jouent un rôle crucial dans la réalisation de ses droits, de même que les autres membres de la famille, la famille élargie ou la communauté, y compris les tuteurs légaux, suivant les cas. Ce principe est pleinement reconnu dans la Convention (en particulier à l’article 5), ainsi que l’obligation incombant aux États parties d’accorder une aide aux parents, notamment en mettant en place des services de qualité chargés de veiller au bien-être des enfants (voir en particulier l’article 18). Dans le préambule de la Convention, la famille est décrite comme l’«unité fondamentale de la société et le milieu naturel pour la croissance et le bien-être de tous ses membres et en particulier des enfants». Le Comité considère que le terme «famille» recouvre là toute une série de structures permettant d’assurer la prise en charge, l’éducation et le développement des jeunes enfants, dont la famille nucléaire, la famille élargie et d’autres systèmes traditionnels ou modernes fondés sur la communauté, pour autant qu’ils soient compatibles avec les droits et l’intérêt supérieur de l’enfant.

16.Les parents et les autres personnes qui ont la charge d’un enfant à titre principal et l’intérêt supérieur de l’enfant.La responsabilité assumée par les parents et les autres personnes qui ont la charge d’un enfant à titre principal est liée à l’obligation d’agir dans l’intérêt supérieur de l’enfant. L’article 5 de la Convention dispose que les parents ont pour rôle de donner à l’enfant l’orientation et les conseils appropriés à «l’exercice des droits que lui reconnaît la […] Convention». Cela vaut aussi bien pour les jeunes enfants que pour les autres. Les nourrissons et les enfants en bas âge dépendent complètement des autres, mais ils ne sont pas des bénéficiaires passifs de soins, d’orientations et de conseils. Ils sont des acteurs sociaux actifs qui ont besoin, pour leur survie, leur croissance et leur bien‑être, d’être protégés, réconfortés et compris par leurs parents et les autres personnes qui s’occupent d’eux. Les nouveau-nés sont capables de reconnaître leurs parents (ou les autres personnes qui s’occupent d’eux) très peu de temps après la naissance et commencent à communiquer activement de façon non verbale. Normalement, les jeunes enfants créent des liens affectifs intenses et réciproques avec leurs parents ou les personnes qui en ont la charge à titre principal. Grâce à ces liens, ils bénéficient d’une sécurité physique et affective et reçoivent soins et attention constants. En outre, ces relations les aident à forger leur propre identité et à acquérir des capacités, des connaissances et des attitudes appréciées dans leur culture. Ainsi, les parents (et les autres personnes qui s’occupent de l’enfant) sont généralement les principaux intermédiaires grâce auxquels les jeunes enfants peuvent exercer leurs droits.

17.Le développement des capacités en tant que principe de base. Le concept de «développement des capacités» mentionné à l’article 5 de la Convention renvoie aux processus de maturation et d’apprentissage par lesquels passent les enfants pour acquérir progressivement des connaissances, des compétences et la capacité de comprendre, notamment la conscience de leurs droits et des meilleurs moyens de les exercer. Le respect du développement des capacités des jeunes enfants est déterminant pour la réalisation de leurs droits, particulièrement dans la petite enfance, étant donné la rapidité avec laquelle se transforment leur corps, leur appareil cognitif et leurs rapports sociaux et affectifs depuis le début de cette période jusqu’à leur entrée à l’école. L’article 5 consacre le principe selon lequel les parents (et les autres personnes concernées) doivent constamment adapter la façon dont ils aident et encadrent leur enfant. Ces ajustements prennent en compte les intérêts et les désirs de l’enfant ainsi que ses capacités à prendre des décisions de manière autonome et à comprendre quel est son intérêt supérieur. Bien qu’un jeune enfant ait généralement davantage besoin d’être encadré qu’un enfant plus âgé, les parents doivent également tenir compte des différences individuelles de capacités entre enfants du même âge et de leurs diverses manières de réagir dans des situations données. Le développement des capacités devrait être vu comme un processus constructif et qui favorise l’évolution de l’enfant, et non comme la justification de pratiques autoritaires limitant l’autonomie de l’enfant et ses possibilités d’expression, sous prétexte généralement de l’immaturité relative des enfants et de leur besoin d’apprendre à vivre en société. Les parents (et les autres personnes concernées) devraient être encouragés à donner «l’orientation et les conseils» en se centrant sur l’enfant, en utilisant le dialogue et l’exemple et en renforçant les capacités des jeunes enfants à exercer leurs droits, dont celui d’exprimer leur opinion sur toute question les intéressant (art. 12) et le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (art. 14).

18.Respect du rôle parental. L’article 18 de la Convention dispose que la responsabilité d’assurer le développement et le bien-être de l’enfant incombe au premier chef aux parents ou à ses représentants légaux, qui doivent être guidés avant tout par l’intérêt supérieur de l’enfant (art. 18, par. 1, et 27, par. 2). Les États parties devraient tenir compte du rôle primordial des parents (mère et père) de l’enfant, ce qui suppose le respect de l’obligation de ne pas séparer un enfant de ses parents, sauf si une telle mesure est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant (art. 9). Les jeunes enfants sont particulièrement vulnérables au traumatisme des séparations en raison des liens de dépendance physique et affective qu’ils ont avec leurs parents ou les personnes qui s’occupent d’eux à titre principal. Ils sont en outre moins à même de comprendre les causes d’une séparation. Les facteurs qui sont les plus susceptibles d’affecter les jeunes enfants sont la négligence et la privation de soins parentaux adéquats; le fait que les parents connaissent d’importantes difficultés matérielles ou psychologiques ou souffrent de déficience mentale; le fait que la personne qui élève l’enfant est livrée à elle‑même; une éducation incohérente ou marquée par les conflits conjugaux ou de la violence contre les enfants; et les événements qui perturbent les relations (notamment les séparations forcées) ou la prise en charge de l’enfant en institution dans de mauvaises conditions. Le Comité demande instamment aux États parties de prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer que les parents soient à même de s’acquitter au premier chef de leur devoir vis‑à‑vis de leurs enfants; d’aider les parents à accomplir leur devoir, notamment en atténuant les manques, perturbations et déséquilibres susceptibles d’affecter l’enfant et d’intervenir lorsque le bien‑être de l’enfant pourrait être menacé. Les États parties devraient viser en général à faire diminuer le nombre des enfants abandonnés ou orphelins et celui des enfants nécessitant un placement en institution ou d’autres formes de prise en charge à long terme, sauf dans les cas où il en va de l’intérêt supérieur de l’enfant (voir également la section VI ci-après).

19.Tendances sociales et rôle de la famille.La Convention prévoit que «les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d’élever l’enfant et d’assurer son développement», le même statut étant accordé au père et à la mère en matière d’éducation de l’enfant (art. 18, par. 1). Le Comité note que, dans la pratique, les schémas familiaux varient et évoluent dans bien des régions du monde, de même que la disponibilité de réseaux informels d’aide aux parents, la tendance globale étant à la diversification croissante de la taille des familles, des rôles parentaux et des systèmes d’éducation des enfants. Cette évolution revêt une importance particulière pour les jeunes enfants, dont l’épanouissement physique, personnel et psychologique est optimal lorsqu’ils peuvent entretenir des liens durables avec un certain nombre de personnes dévouées. Généralement, ces liens impliquent un groupe de personnes: mère, père, frères et sœurs, grands‑parents et autres membres de la famille élargie, ainsi que des personnes spécialisées dans la prise en charge et l’éducation des enfants. Le Comité considère que chacun de ces liens peut contribuer à sa manière à la réalisation des droits énoncés dans la Convention et que différents schémas familiaux peuvent être compatibles avec la promotion du bien-être de l’enfant. Dans certains pays et certaines régions, l’évolution de l’attitude de la société en termes de famille, de mariage et d’éducation a des retombées sur la façon dont le jeune enfant vit la période de la petite enfance, notamment en cas de séparation ou de reconstitution d’une nouvelle cellule familiale. Les problèmes économiques ne sont pas non plus sans conséquences sur la vie des jeunes enfants, par exemple, lorsque leurs parents sont contraints de travailler loin de leur famille et de leur communauté. Dans d’autres pays ou régions, la maladie et le décès dus au VIH/sida de l’un ou des deux parents ou d’autres membres de la famille sont désormais des événements qui font partie de la petite enfance. À cause de ces facteurs et de bien d’autres, les parents ne peuvent pas toujours assumer leurs responsabilités à l’égard de leurs enfants. De manière plus générale, en cas d’évolution sociale accélérée, les pratiques traditionnelles ne peuvent plus être maintenues ni justifiées eu égard à la nouvelle situation et au nouveau mode de vie des parents, sans que par ailleurs suffisamment de temps se soit écoulé pour que de nouvelles pratiques puissent être assimilées et que de nouvelles compétences parentales soient comprises et reconnues à leur juste valeur.

20.Aide aux parents. Les États parties sont tenus d’accorder une aide appropriée aux parents, aux représentants légaux et aux membres de la famille élargie dans l’exercice de la responsabilité qui leur incombe d’élever l’enfant (art. 18, par. 2 et 3), et notamment d’aider les parents à assurer les conditions de vie nécessaires au développement de l’enfant (art. 27, par. 2), et de garantir à l’enfant la protection et les soins nécessaires (art. 3, par. 2). Le Comité est préoccupé par le fait que les États parties ne prennent pas toute la mesure des ressources, des compétences et de l’engagement personnel exigés des parents et des autres personnes qui s’occupent de jeunes enfants, en particulier dans les pays où le mariage et la procréation précoces sont encore tolérés et où les jeunes mères/pères célibataires sont nombreux. La petite enfance est la période durant laquelle les responsabilités des parents sont les plus lourdes par rapport à tous les aspects du bien-être des enfants couverts par la Convention: survie, santé, sécurité physique et affective, niveau de vie et de soins, possibilités de jeu et d’apprentissage et liberté d’expression. Par conséquent, la réalisation des droits de l’enfant dépend dans une large mesure du bien-être et des ressources des personnes qui sont responsables de lui. La prise de conscience de ces rapports d’interdépendance constitue un bon point de départ pour planifier l’aide et les services à fournir aux parents, aux tuteurs ou aux autres personnes qui s’occupent d’un enfant. Par exemple:

a)Une approche intégrée pourrait inclure des mesures renforçant indirectement les capacités des parents à promouvoir l’intérêt supérieur de l’enfant (impôts et prestations, logement adéquat, horaires de travail, etc.) ainsi que des mesures ayant des effets plus directs (par exemple, services de santé périnatals pour la mère et l’enfant, éducation des parents, visites à domicile d’assistants sociaux);

b)Pour accorder une aide adéquate aux parents, il convient de tenir compte des nouvelles responsabilités et compétences attendues d’eux ainsi que de l’évolution des exigences et des attentes au cours de la petite enfance, par exemple, lorsque l’enfant acquiert davantage de mobilité, se met à communiquer verbalement et a davantage de compétences sociales, et lorsqu’il commence à participer à des activités de prise en charge et d’éducation;

c)L’aide accordée aux parents devrait comporter une formation à l’art d’être parent, des services de conseil et d’autres services de qualité à l’intention des mères, pères, frères et sœurs, grands-parents et des autres personnes qui sont ponctuellement chargées de veiller à l’intérêt supérieur de l’enfant;

d)Il faudrait en outre offrir un soutien aux parents et aux autres membres de la famille en vue d’encourager la formation de relations constructives et respectueuses avec les jeunes enfants et de favoriser une meilleure compréhension des droits et de l’intérêt supérieur de l’enfant.

21.Le meilleur moyen d’apporter une aide aux parents est de le faire dans le cadre de politiques globales en faveur de la petite enfance (voir la section V ci-après), notamment en prévoyant des mesures dans le domaine de la santé, des soins et de l’éducation pour les tout‑petits. Les États parties devraient veiller à ce que les parents reçoivent une aide adéquate qui leur permette de faire participer pleinement leurs enfants à ces programmes, en particulier lorsqu’ils appartiennent aux groupes les plus défavorisés et vulnérables. À ce propos, il est reconnu au paragraphe 3 de l’article 18 de la Convention que beaucoup de parents ont une activité économique, dans un domaine souvent mal rémunéré, qu’ils doivent concilier avec leurs responsabilités parentales. En vertu dudit article, les États parties sont tenus de prendre toutes les mesures appropriées pour assurer aux enfants dont les parents travaillent le droit de bénéficier des services de garde d’enfants, des mesures de protection maternelle et des établissements pour lesquels ils remplissent les conditions requises. À cet égard, le Comité recommande aux États parties de ratifier la Convention (no 183) sur la protection de la maternité adoptée en 2000 par l’Organisation internationale du Travail.

V. POLITIQUES ET PROGRAMMES GLOBAUX EN FAVEUR DE LA PETITE ENFANCE, À L’INTENTION EN PARTICULIER DES ENFANTS VULNÉRABLES

22.Stratégies multisectorielles fondées sur les droits.Dans de nombreux pays et régions, le développement de services de qualité en faveur de la petite enfance bénéficie d’un faible degré de priorité. Ces services sont souvent fragmentés. Ils relèvent fréquemment de la responsabilité de plusieurs départements du gouvernement aux niveaux central et local, et leur planification est souvent parcellaire et sans coordination. Dans certains cas, ils sont aussi en grande partie fournis par le secteur privé et par des bénévoles, sans les ressources, la réglementation ou l’assurance qualité adéquates. Il est instamment demandé aux États parties d’élaborer des stratégies coordonnées et multisectorielles fondées sur les droits, afin de garantir que l’intérêt supérieur de l’enfant est toujours au centre des activités de planification et de fourniture des services. Celles-ci devraient être fondées sur une approche systématique et intégrée pour élaborer des lois et des politiques couvrant tous les enfants jusqu’à l’âge de 8 ans, et il conviendrait de mettre en place un cadre global pour les structures, prestations et services en faveur de la petite enfance, complété par des systèmes d’information et de contrôle. Les services globaux seront coordonnés avec l’aide fournie aux parents et tiendront dûment compte de leurs responsabilités, de leur situation et de leurs obligations (conformément aux articles 5 et 18 de la Convention, voir la section IV plus haut). Les parents devraient également être consultés et participer à la planification des services globaux.

23.Normes applicables aux programmes et formation professionnelle appropriée en fonction de l’âge des enfants.Le Comité souligne qu’une stratégie globale en faveur de la petite enfance doit aussi tenir compte de la maturité et de la personnalité de chaque enfant, en reconnaissant en particulier les priorités de développement des différents groupes d’âge (par exemple, nourrissons, tout-petits, enfants d’âge préscolaire et enfants entrant à l’école primaire) et ce que cela implique en termes de normes applicables aux programmes et de critères de qualité. Les États parties doivent veiller à ce que les institutions, services et structures responsables de la petite enfance se conforment aux normes de qualité, en particulier aux normes relatives à la santé et à la sécurité, et faire en sorte que les personnels concernés possèdent les qualités psychologiques appropriées et soient qualifiés, suffisamment nombreux et bien formés. La fourniture de services adaptés à la situation, à l’âge et à la personnalité des jeunes enfants nécessite que tous les personnels soient formés pour travailler avec ce groupe d’âge. Le travail avec de jeunes enfants devrait être valorisé socialement et rémunéré convenablement, afin d’attirer une main-d’œuvre hautement qualifiée et des deux sexes. Il est essentiel que ces personnes aient une bonne compréhension théorique et pratique des questions relatives aux droits et au développement des enfants et de l’état des connaissances dans ce domaine (voir également par. 41); qu’elles adoptent des pratiques en matière de soins, des programmes et des pédagogies appropriés axés sur l’enfant; et qu’elles aient accès à des ressources professionnelles et à l’appui de spécialistes, notamment à un système de supervision et de contrôle des programmes, des institutions et des services publics et privés.

24.Accès aux services, en particulier pour les plus vulnérables.Le Comité appelle les États parties à veiller à ce que, pour tous les jeunes enfants (et ceux qui ont la responsabilité essentielle de leur bien-être), il soit garanti un accès à des services appropriés et efficaces, y compris des programmes de santé, de soins et d’éducation spécialement conçus pour assurer le bien-être de l’enfant. Une attention particulière devrait être accordée aux groupes de jeunes enfants les plus vulnérables et à ceux qui risquent d’être l’objet d’une discrimination (art. 2), c’est-à-dire les filles, les enfants vivant dans la pauvreté, les enfants handicapés, les enfants appartenant à des groupes autochtones ou à des minorités, les enfants de familles de migrants, les orphelins ou les enfants privés de soins parentaux pour d’autres raisons, les enfants placés en institution, les enfants vivant avec leur mère en prison, les enfants réfugiés et les enfants demandeurs d’asile, les enfants infectés ou affectés par le VIH/sida, et les enfants dont les parents sont alcooliques ou toxicomanes (voir également la section VI).

25.Enregistrement des naissances. Les services globaux en faveur de la petite enfance commencent à la naissance. Le Comité note que l’enregistrement de tous les enfants à la naissance reste un défi majeur pour beaucoup de pays et de régions. Cette situation peut donner à l’enfant le sentiment qu’il ne possède pas d’identité personnelle, ou l’empêcher de bénéficier des prestations de base auxquelles il a droit en matière de santé, d’éducation et de protection sociale. Comme première étape pour garantir le droit à la survie, au développement et à l’accès à des services de qualité pour tous les enfants (art. 6), le Comité recommande que les États parties prennent toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que tous les enfants soient enregistrés à la naissance. Cet objectif peut être réalisé en mettant en place un système d’enregistrement universel bien géré et accessible à tous gratuitement. Pour être efficace, le système doit être flexible et adapté à la situation des familles, par exemple, en recourant à des équipes mobiles d’enregistrement en cas de besoin. Le Comité relève que, dans certaines régions, les enfants malades ou handicapés sont moins susceptibles d’être enregistrés et souligne que tous les enfants devraient être enregistrés à la naissance, sans distinction aucune (art. 2). Le Comité rappelle en outre aux États parties l’importance qu’il y a à faciliter l’enregistrement ultérieur des enfants non enregistrés à leur naissance et à faire en sorte que les enfants, y compris ceux qui n’ont pas été enregistrés, bénéficient d’un accès égal aux soins de santé, à l’éducation et autres services sociaux.

26.Niveau de vie et sécurité sociale. Les jeunes enfants ont droit à un niveau de vie suffisant pour permettre leur développement physique, mental, spirituel, moral et social (art. 27). Le Comité note avec préoccupation que le niveau de vie même le plus élémentaire n’est pas garanti pour des millions de jeunes enfants, alors que les conséquences dommageables de la pauvreté sont largement reconnues. Pour l’enfant, grandir dans une pauvreté relative compromet son bien-être, nuit à son insertion sociale, amoindrit l’estime qu’il se porte et réduit ses chances d’apprentissage et de développement. Il est vivement demandé aux États parties de mettre en œuvre des stratégies systématiques de réduction de la pauvreté affectant la petite enfance, ainsi que de lutter contre les effets négatifs de la pauvreté sur le bien-être des enfants. Tous les moyens possibles devraient être employés, notamment «une assistance matérielle et des programmes d’appui» destinés aux enfants et aux familles (art. 27, par. 3), afin de garantir aux jeunes enfants un niveau de vie élémentaire conforme à leurs droits. La mise en vigueur du droit de l’enfant de bénéficier de la sécurité sociale, y compris les assurances sociales, est un élément important de cette stratégie (art. 26).

27.Fourniture de soins de santé. Les États parties devraient faire en sorte que tous les enfants jouissent du meilleur état de santé et de nutrition possible pendant leurs premières années, afin de réduire la mortalité infantile et de permettre aux enfants de prendre un bon départ dans la vie (art. 24). En particulier:

a)Les États parties ont la responsabilité de garantir l’accès à l’eau potable, à des installations sanitaires adéquates, à un programme de vaccination approprié, à une bonne alimentation et à des services médicaux de qualité, qui sont essentiels à la santé des jeunes enfants, de même que l’est un environnement dépourvu de stress. La malnutrition et la maladie ont un impact à long terme sur la santé et le développement physique des enfants. Elles affectent leur état mental, en inhibant l’apprentissage et la participation sociale et en réduisant leurs perspectives de se réaliser pleinement. Il en est de même de l’obésité et des modes de vie malsains;

b)Les États parties ont la responsabilité de réaliser le droit des enfants à la santé en favorisant l’éducation à la santé et au développement de l’enfant, y compris en informant la population sur les avantages de l’allaitement maternel, d’une bonne alimentation, de l’hygiène et des soins. La priorité devrait également être donnée à la fourniture de soins prénatals et postnatals appropriés pour les mères et les nourrissons afin qu’il s’établisse des relations saines entre l’enfant et sa famille et en particulier entre l’enfant et sa mère (ou autre personne ayant la charge de l’enfant à titre principal) (art. 24, par. 2). Les jeunes enfants sont eux-mêmes capables d’agir en faveur de leur propre santé et d’encourager des modes de vie sains parmi leurs pairs, par exemple, quand ils participent à des programmes appropriés d’éducation à la santé axés sur l’enfance;

c)Le Comité souhaite attirer l’attention des États parties sur les problèmes spécifiques liés au VIH/sida auxquels est confrontée la petite enfance. Toutes les mesures nécessaires devraient être prises pour: i) prévenir l’infection des parents et des jeunes enfants spécialement en intervenant dans les chaînes de transmission, en particulier d’un parent à l’autre et de la mère à son bébé; ii) fournir des diagnostics précis, des traitements efficaces et d’autres formes de soutien aux parents et aux jeunes enfants infectés par le virus (notamment en administrant des antirétroviraux); et iii) garantir une prise en charge extraparentale adéquate aux orphelins ayant perdu en raison du VIH/sida leurs parents ou autres personnes en ayant la charge à titre principal, qu’il s’agisse d’enfants en bonne santé ou infectés (voir également l’Observation générale no 3 (2003) sur le VIH/sida et les droits de l’enfant).

28.Éducation de la petite enfance. La Convention reconnaît le droit de l’enfant à l’éducation et il faudrait rendre l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous (art. 28). Le Comité relève avec satisfaction que certains États parties prévoient l’accès gratuit pour tous les enfants à une année d’enseignement préscolaire. Le Comité considère que le droit à l’éducation durant la petite enfance commence à la naissance et qu’il est étroitement lié au droit des jeunes enfants à un développement maximal (art. 6, par. 2). Le lien entre éducation et développement est explicité à l’article 29, paragraphe 1: «Les États parties conviennent que l’éducation de l’enfant doit viser à: a) favoriser l’épanouissement de la personnalité de l’enfant et le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités». Dans l’Observation générale no 1 sur les buts de l’éducation, il est expliqué que l’objectif est de «développer l’autonomie de l’enfant en stimulant ses compétences, ses capacités d’apprentissage et ses autres aptitudes, son sens de la dignité humaine, l’estime de soi et la confiance en soi» et de le faire d’une façon qui soit axée sur l’enfant, adaptée à ses besoins et qui reflète les droits et la dignité inhérente de l’enfant (par. 2). Il est rappelé aux États parties que le droit à l’éducation est reconnu pour tous les enfants et que les filles doivent pouvoir en bénéficier sans discrimination aucune (art. 2).

29.Responsabilité des parents et de l’État dans l’éducation de la petite enfance. Le principe selon lequel les parents (et autres personnes qui ont la charge d’un enfant à titre principal) sont les premiers éducateurs de l’enfant est bien établi et repris dans la Convention, qui souligne la responsabilité des parents (voir la section IV plus haut). Ces derniers doivent fournir des orientations et conseils avisés aux jeunes enfants dans l’exercice de leurs droits, et assurer un environnement de relations fiables et affectueuses fondées sur le respect et la compréhension (art. 5). Le Comité invite les États parties à inscrire ce principe au centre de leurs activités en matière de planification de l’éducation de la petite enfance, en veillant à deux aspects:

a)Pour fournir l’aide appropriée aux parents dans l’exercice de la responsabilité qui leur incombe d’élever l’enfant (art. 18, par. 2), les États parties devraient prendre toutes les mesures voulues pour mieux faire comprendre aux parents leur rôle dans l’éducation de leurs jeunes enfants et encourager les pratiques éducatives axées sur l’enfant, sur le respect de sa dignité et sur les possibilités de développer la compréhension, l’estime de soi et la confiance en soi de l’enfant;

b)Pour élaborer des plans en faveur de la petite enfance, les États parties devraient systématiquement chercher à fournir des programmes qui complètent le rôle des parents et soient élaborés autant que possible en partenariat avec eux, y compris par une coopération active entre les parents, les professionnels et les autres parties prenantes en vue de développer la personnalité de l’enfant, ses dons et ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités (art. 29, par. 1 a)).

30.Le Comité appelle les États parties à faire en sorte que tous les jeunes enfants reçoivent une éducation au sens le plus large du terme (comme souligné plus haut au paragraphe 28), dans laquelle les parents, la famille élargie et la communauté jouent un rôle de premier plan et à laquelle contribuent les programmes éducatifs destinés à la petite enfance proposés par l’État, la communauté ou des institutions de la société civile. Les études démontrent l’impact positif que des programmes éducatifs de qualité peuvent avoir sur les jeunes enfants, en termes d’entrée réussie à l’école primaire, de résultats scolaires et d’insertion sociale sur le long terme. Aujourd’hui, de nombreux pays et régions dispensent aux jeunes enfants dès l’âge de 4 ans une éducation globale, intégrée dans certains pays à la prise en charge des enfants dont les parents travaillent. Partant du constat que les distinctions traditionnelles entre services de «soins» et d’«éducation» ne jouent pas toujours en faveur de l’intérêt supérieur de l’enfant, on se réfère parfois au concept de «soins éducatifs» pour rendre compte d’une évolution vers des services intégrés et faire ressortir le besoin d’une approche multisectorielle, holistique et coordonnée de la petite enfance.

31.Programmes à assise communautaire. Le Comité recommande que les États parties soutiennent les programmes de développement de la petite enfance, y compris des programmes d’éducation préscolaire à domicile ou à assise communautaire, ayant pour principale caractéristique la capacitation et l’éducation des parents (et des autres personnes qui s’occupent de l’enfant). Les États parties ont un rôle clef à jouer s’agissant d’établir un cadre législatif pour la fourniture de services de qualité dotés de fonds suffisants, et de faire respecter des normes adaptées à la situation d’individus et de groupes spécifiques et aux priorités en matière de développement des différents groupes d’âge, des nourrissons jusqu’aux enfants qui entrent à l’école. Ils sont invités à élaborer des programmes de grande qualité, adaptés au développement et respectueux des spécificités culturelles, en collaborant avec les autorités locales plutôt qu’en imposant une approche standardisée en ce qui concerne les soins et l’éducation de la petite enfance. Le Comité recommande également que les États parties soient plus attentifs et apportent un soutien actif à une approche des programmes en faveur de la petite enfance fondée sur les droits, y compris à des initiatives visant à préparer l’entrée à l’école primaire propres à assurer la continuité et la progression et à renforcer la confiance des enfants, leur aptitude à communiquer et leur enthousiasme pour les études, à travers leur participation active, notamment, à l’organisation des activités.

32.Le secteur privé en tant que prestataire de services. Eu égard aux recommandations qu’il a adoptées lors de sa journée de débat général de 2002 consacrée au thème «Le secteur privé en tant que prestataire de services et son rôle dans la réalisation des droits de l’enfant» (voir CRC/C/121, par. 630 à 653), le Comité recommande que les États parties soutiennent les activités du secteur non gouvernemental en tant que vecteur de la mise en œuvre de programmes. Le Comité appelle en outre tous les prestataires de services non étatiques (à but lucratif ou non) à respecter les principes et dispositions de la Convention et, à ce propos, rappelle aux États parties l’obligation leur incombant au premier chef de veiller à son application. Les professionnels de la petite enfance − des secteurs public et non public − devraient bénéficier d’une préparation approfondie, d’une formation permanente et d’une rémunération adéquate. Dans ce contexte, il incombe aux États parties de fournir des services en faveur du développement de la petite enfance. Le rôle de la société civile devrait compléter celui de l’État et non s’y substituer. Quand les services non étatiques jouent un rôle majeur, le Comité rappelle aux États parties qu’ils ont l’obligation de contrôler et de réglementer la qualité des prestations pour garantir que les droits de l’enfant sont respectés et que son intérêt supérieur est pris en compte.

33.Éducation aux droits de l’homme dans la petite enfance. À la lumière de l’article 29 et de l’Observation générale no 1 du Comité (2001), le Comité recommande également que les États parties inscrivent un enseignement relatif aux droits de l’homme dans les programmes d’éducation de la petite enfance. Cet enseignement devrait être participatif et responsabilisant pour les enfants, c’est-à-dire leur offrir des occasions pratiques d’exercer leurs droits et leurs responsabilités d’une façon qui soit adaptée à leurs intérêts, à leurs préoccupations et au développement de leurs capacités. L’éducation aux droits fondamentaux devrait être ancrée dans le quotidien des jeunes enfants, c’est-à-dire à la maison, dans les garderies, dans les programmes d’éducation précoce et divers autres cadres communautaires.

34.Droit au repos, aux loisirs et au jeu. Le Comité note l’attention insuffisante que les États parties et autres parties concernées portent à la mise en œuvre des dispositions de l’article 31 de la Convention, qui reconnaît à l’enfant «le droit au repos et aux loisirs, de se livrer au jeu et à des activités récréatives propres à son âge et de participer librement à la vie culturelle et artistique». Le jeu est l’une des caractéristiques les plus distinctives de la petite enfance. Par le jeu, les enfants se divertissent en mobilisant leurs capacités, qu’ils jouent seuls ou avec d’autres. La valeur des jeux créatifs et d’exploration est largement reconnue dans l’éducation des jeunes enfants. Cependant, l’exercice du droit au repos, aux loisirs et au jeu est souvent entravé faute de possibilités pour les jeunes enfants de se rencontrer, de jouer et d’interagir dans un environnement sécurisé, favorable, stimulant, dépourvu de stress et conçu pour eux. Les espaces de jeu où exercer ce droit présentent des risques certains dans de nombreux sites urbains où la conception et la densité des logements, des centres commerciaux et des systèmes de transport, ainsi que le bruit, la pollution et toutes sortes de risques, créent un environnement dangereux pour les jeunes enfants. Le droit des enfants au jeu peut également être compromis s’il leur est imposé trop de tâches domestiques (surtout pour les filles) ou de travail scolaire. Par conséquent, le Comité appelle les États parties, les organisations non gouvernementales et les opérateurs privés à identifier et à éliminer les obstacles potentiels à l’exercice de ces droits par les jeunes enfants, y compris dans le cadre de stratégies de réduction de la pauvreté. Dans l’aménagement urbain et la planification des infrastructures de loisirs et de jeu, on devrait prendre en compte le droit des enfants d’exprimer leur opinion (art. 12), par des consultations appropriées. Pour toutes ces questions, les États parties sont encouragés à porter une plus grande attention et à affecter davantage de ressources (humaines et financières) à la mise en œuvre du droit au repos, aux loisirs et au jeu.

35.Technologies de communication modernes et petite enfance. L’article 17 reconnaît l’importance des médias traditionnels sur support imprimé et des médias modernes fondés sur les technologies de l’information s’agissant de contribuer à la réalisation des droits des enfants. La petite enfance représente un marché spécialisé pour les éditeurs et les producteurs de médias, qui devraient être encouragés à diffuser des matériels qui soient adaptés aux capacités et aux intérêts des jeunes enfants, favorisent leur bien-être social et culturel et reflètent les diversités nationales et régionales, en termes de situation, de culture et de langue, des enfants. Une importance particulière devrait être accordée aux besoins des groupes minoritaires pour qu’ils aient accès à des médias qui fassent progresser leur reconnaissance et leur insertion sociale. Dans l’article 17 e), il est aussi fait référence au rôle des États parties pour protéger les enfants contre les matériels inappropriés et potentiellement nuisibles. La diversification rapide et l’accessibilité grandissante des technologies modernes, y compris des médias fondés sur l’Internet, sont une cause de préoccupation particulière. Les jeunes enfants sont particulièrement en danger s’ils sont exposés à des médias inappropriés ou nuisibles. Il est instamment demandé aux États parties de réglementer les activités de production et de diffusion des médias de façon à protéger les jeunes enfants et à aider les parents ou autres personnes qui s’occupent de l’enfant dans l’exercice de la responsabilité qui leur incombe d’élever l’enfant (art. 18).

VI. JEUNES ENFANTS NÉCESSITANT UNE PROTECTION PARTICULIÈRE

36.Vulnérabilité des jeunes enfants. Tout au long de la présente observation générale, le Comité relève que de nombreux jeunes enfants grandissent dans des circonstances difficiles, dans lesquelles leurs droits sont fréquemment violés. Les jeunes enfants sont particulièrement affectés quand leurs relations avec leurs parents ou les personnes qui s’occupent d’eux manquent de fiabilité et d’harmonie, quand ils grandissent dans une pauvreté et un dénuement extrêmes, lorsqu’ils se trouvent au cœur de conflits et de violences ou expulsés de leur foyer en tant que réfugiés, ou face à toute autre adversité préjudiciable à leur bien-être. Les jeunes enfants sont moins à même de comprendre ces difficultés ou d’en supporter les conséquences sur leur santé ou sur leur développement physique, mental, spirituel, moral ou social. Ils sont particulièrement en danger quand leurs parents ou les personnes qui s’occupent d’eux ne sont pas capables de leur offrir une protection adéquate pour cause de maladie, de décès ou de bouleversements dans la famille ou la communauté. Quelles que soient les situations difficiles, les jeunes enfants nécessitent une attention particulière en raison de la rapidité de leur évolution; ils sont plus vulnérables face aux maladies, aux traumatismes ou autres facteurs pouvant perturber leur développement; ils sont relativement désarmés quand il s’agit d’éviter les difficultés ou de les affronter; enfin, ils dépendent d’autres personnes qui seules peuvent leur offrir une protection et préserver leurs intérêts. Dans les paragraphes suivants, le Comité attire l’attention des États parties sur les principales situations difficiles mentionnées dans la Convention et ayant des implications évidentes pour les droits des jeunes enfants. Cette liste n’est pas exhaustive et les enfants peuvent aussi être confrontés à des dangers multiples. En général, l’objectif des États parties devrait être de faire en sorte que tout enfant, dans toute situation, reçoive une protection adéquate conformément à ses droits:

a)Brutalités et abandon (art. 19). Les jeunes enfants sont fréquemment victimes d’abandon, de mauvais traitements et de brutalités, y compris des violences physiques ou mentales. Les brutalités surviennent très souvent au sein des familles, ce qui peut avoir un effet particulièrement destructeur. Les jeunes enfants sont les moins capables d’éviter ces difficultés ou d’y résister, d’appréhender les situations où ils se trouvent et de demander une protection. Il est clairement démontré que le traumatisme résultant de l’abandon et des brutalités a un impact négatif sur le développement et, notamment pour les plus jeunes, des effets mesurables sur les processus de maturation cérébrale. Compte tenu de la fréquence des brutalités et de l’abandon pendant la petite enfance et de leurs répercussions avérées à long terme, les États parties devraient prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les jeunes enfants en situation de risque et offrir une protection aux enfants victimes de brutalités, en les aidant à surmonter leur traumatisme tout en évitant qu’ils soient montrés du doigt en raison des violences qu’ils ont subies;

b)Enfants sans famille (art. 20 et 21). Le droit de l’enfant au développement est sérieusement compromis quand l’enfant est orphelin, abandonné ou privé de soins familiaux, ou en cas de bouleversements ou de séparations durables affectant les relations (par exemple, en raison de catastrophes naturelles ou autres situations d’urgence, d’épidémies comme celle de VIH/sida, de l’incarcération des parents, de conflits armés, de guerres ou de migrations forcées). Ces situations d’adversité auront un impact différent sur les enfants selon leur capacité d’adaptation, leur âge, leur situation et leurs possibilités de bénéficier d’un autre soutien et d’une prise en charge extraparentale. Les études donnent à penser que le placement de l’enfant dans une institution de piètre qualité ne favorise pas son développement physique et psychologique harmonieux et peut rendre difficile son insertion à long terme dans la société, si l’enfant placé à moins de 5 ans, et encore plus s’il a moins de 3 ans. Dans la mesure où une prise en charge extraparentale est nécessaire, un placement rapide dans une structure familiale ou de même type sera généralement plus bénéfique pour les jeunes enfants. Les États parties sont encouragés à soutenir et à financer des formes de prise en charge extraparentale qui puissent garantir la sécurité et la continuité des soins et de l’affection et permettent aux jeunes enfants de nouer des liens durables fondés sur la confiance et le respect mutuels, par exemple, à travers le parrainage, l’adoption et le soutien à la famille élargie. Quand l’adoption est envisagée, «l’intérêt supérieur de l’enfant est la considération primordiale en la matière» (art. 21) et pas seulement «une considération primordiale» (art. 3), ce qui implique la prise en compte et le respect systématiques de tous les droits de l’enfant et obligations des États parties pertinents énoncés dans d’autres dispositions de la Convention et rappelés dans la présente observation générale;

c)Réfugiés (art. 22). Les jeunes enfants réfugiés sont le plus souvent désorientés, car ayant perdu beaucoup de leurs points de repère dans leurs relations et leur environnement au quotidien. Ils ont droit, tout comme leurs parents, à un accès égal aux soins de santé, à l’éducation et aux autres services. Les enfants non accompagnés ou séparés de leur famille sont particulièrement exposés. Le Comité a fourni des directives détaillées sur les soins et la protection à offrir à ces enfants dans son Observation générale no 6 (2005) sur le «traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine»;

d)Enfants handicapés (art. 23). La petite enfance est la période au cours de laquelle les handicaps sont généralement repérés et où leur impact sur le bien-être et le développement de l’enfant est reconnu. Les jeunes enfants ne devraient jamais être placés en institution au seul motif qu’ils sont handicapés. Il est essentiel de faire en sorte qu’ils aient des chances égales de participer pleinement aux activités éducatives et à la vie de la communauté, y compris en supprimant les obstacles à la réalisation de leurs droits. Les jeunes enfants handicapés ont droit à une assistance spécialisée appropriée, ce qui inclut un soutien à leurs parents (ou aux autres personnes qui s’occupent de l’enfant). Les enfants handicapés devraient en toutes circonstances être traités avec dignité et de façon à encourager leur autonomie (voir également les recommandations formulées par le Comité à l’issue de la journée de débat général tenue en 1997 sur le thème «Les droits des enfants handicapés», présentées dans le document CRC/C/69);

e)Travail nuisant à la santé (art. 32). Dans certains pays et régions, les enfants travaillent dès le plus jeune âge, exerçant même des activités potentiellement dangereuses dans lesquelles ils sont exploités et qui compromettent leur santé, leur éducation et leurs perspectives à long terme. Par exemple, les jeunes enfants peuvent être initiés aux travaux domestiques ou agricoles, ou aider leurs parents ou leurs frères et sœurs à accomplir des tâches comportant des risques. Même les tout-petits peuvent être victimes d’exploitation économique, par exemple, quand ils sont utilisés ou prêtés à des fins de mendicité. L’exploitation des jeunes enfants dans l’industrie du spectacle, notamment télévision, cinéma, publicité et autres médias modernes, suscite également des préoccupations. Les États parties ont des responsabilités particulières en ce qui concerne les formes extrêmes de travail comportant des risques pour les enfants au sens de la Convention de 1999 (no 182) de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants;

f)Consommation de substances illicites (art. 33). Si les très jeunes enfants ne sont que rarement susceptibles de consommer des substances illicites, ils peuvent nécessiter des soins médicaux spécialisés s’ils sont nés d’une mère alcoolique ou toxicomane, et une protection quand des membres de leur famille consomment de telles substances et qu’ils risquent eux‑mêmes d’y être exposés. Ils peuvent aussi souffrir des répercussions de l’alcoolisme ou de la toxicomanie sur le niveau de vie de la famille et la qualité de prise en charge qu’elle assure, et courent également le danger d’être amenés précocement à consommer de telles substances;

g)Violence sexuelle et exploitation sexuelle (art. 34). Les jeunes enfants, en particulier les filles, sont très tôt susceptibles d’être victimes de violence sexuelle et d’exploitation sexuelle au sein et à l’extérieur de la famille. Les jeunes enfants en situation précaire, par exemple, les filles employées comme domestiques, sont particulièrement exposés. Les jeunes enfants peuvent également être victimes de producteurs de matériels pornographiques; cette question est traitée dans le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants de 2002;

h)Vente, traite et enlèvement d’enfants (art. 35). Le Comité s’est fréquemment alarmé de la pratique avérée, à des fins diverses, de la vente et de la traite des enfants abandonnés ou séparés. Pour les plus jeunes, la finalité peut être entre autres l’adoption, en particulier par des étrangers (mais pas uniquement). Outre le Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale de 1993 fournit un cadre et un mécanisme visant à prévenir les abus dans ce domaine, et le Comité a toujours encouragé vivement tous les États parties reconnaissant et/ou permettant l’adoption à ratifier ce traité ou à y adhérer. L’enregistrement universel des naissances, en plus de la coopération internationale, peut contribuer à lutter contre cette violation des droits;

i)Comportements déviants et infractions à la loi (art. 40). En aucun cas les jeunes enfants (c’est-à-dire les enfants âgés de moins de 8 ans, voir par. 4), ne devraient être visés dans les définitions légales de l’âge minimum de la responsabilité pénale. Les jeunes enfants qui se comportent mal ou violent la loi ont besoin d’aide et de compréhension, dans l’objectif d’augmenter leurs capacités d’autocontrôle, d’empathie sociale et de résolution des conflits. Les États parties devraient faire en sorte que les parents ou autres personnes qui s’occupent de l’enfant bénéficient d’une formation et d’un soutien à la mesure de leurs responsabilités (art. 18) et que les jeunes enfants aient accès à une éducation et à des soins de qualité et (si nécessaire) à un suivi ou à des thérapies spécifiques.

37.Dans chacune de ces situations et face à toutes les autres formes d’exploitation (art. 36), le Comité exhorte les États parties à prendre en compte la situation particulière des jeunes enfants dans l’ensemble de leurs textes de loi, politiques et interventions pour faciliter la réadaptation physique et psychologique et la réinsertion sociale dans des conditions qui favorisent la dignité et le respect de soi (art. 39).

VII. RENFORCEMENT DES CAPACITÉS EN FAVEUR DE LA PETITE ENFANCE

38.Affectation de ressources en faveur de la petite enfance. Afin de garantir le plein respect des droits des jeunes enfants pendant cette période cruciale de leur vie (et considérant l’impact des expériences vécues dans la petite enfance pour l’avenir à long terme), les États parties sont invités à adopter en faveur de la petite enfance des plans d’ensemble et des plans stratégiques avec un calendrier précis, dans le cadre d’une approche fondée sur les droits. Il est nécessaire pour cela d’accroître les ressources humaines et financières affectées aux services et programmes en faveur de la petite enfance (art. 4). Le Comité reconnaît que les États parties qui mettent en œuvre les droits de la petite enfance le font à partir de situations très différentes si l’on considère les infrastructures existantes en matière de politiques, de services et de formation professionnelle concernant la petite enfance, ainsi que le niveau des ressources potentiellement disponibles en faveur de la petite enfance. Le Comité reconnaît également que les États parties doivent parfois choisir entre différentes priorités quand il s’agit de mettre en œuvre les droits reconnus tout au long de l’enfance, par exemple, quand il n’existe pas encore de services de santé et d’instruction primaire pour tous. Il importe toutefois de réaliser des investissements publics d’un montant adéquat dans les services, les infrastructures et les ressources globales en faveur de la petite enfance, pour les nombreuses raisons évoquées dans la présente observation générale. À ce propos, les États parties sont encouragés à établir des partenariats énergiques et équitables entre gouvernements, services d’utilité publique, organisations non gouvernementales, secteur privé et familles en vue de financer un ensemble de services pour promouvoir les droits de la petite enfance. Enfin, le Comité souligne que s’il y a décentralisation des services, elle ne doit pas se faire au détriment des jeunes enfants.

39.Collecte et gestion de données. Le Comité rappelle l’importance que revêtent des données quantitatives et qualitatives globales et actualisées concernant tous les aspects de la petite enfance aux fins de la formulation, de la surveillance et de l’évaluation des progrès accomplis ainsi que de la détermination des retombées des politiques mises en œuvre. Le Comité sait qu’il manque, dans de nombreux États parties, un système national adapté de collecte de données relatives à la petite enfance portant sur de nombreux domaines couverts par la Convention et, en particulier, qu’il est difficile d’obtenir des renseignements désagrégés sur les jeunes enfants. Le Comité demande instamment à tous les États parties de se doter d’un système de collecte de données et d’indicateurs répondant aux impératifs de la Convention et désagrégés, par sexe, âge, structure familiale, lieu de résidence urbain ou rural, et autres catégories pertinentes. Ce système devrait couvrir toutes les personnes jusqu’à l’âge de 18 ans, un accent particulier étant mis sur les jeunes enfants, en particulier les enfants appartenant aux groupes vulnérables.

40.Renforcement des capacités de recherche dans le domaine de la petite enfance. Le Comité a noté plus haut dans la présente observation générale que des travaux de recherche approfondis avaient été menés sur des aspects de la santé, de la croissance et du développement cognitif, social et culturel des enfants, sur l’influence de facteurs positifs et négatifs sur leur bien-être, et sur l’impact potentiel des programmes de soins et d’éducation en faveur de la petite enfance. Il est aussi consacré de plus en plus d’études à la question de la petite enfance dans l’optique des droits de l’homme et notamment aux moyens de faire respecter le droit de l’enfant à la participation, y compris au processus de recherche. Les théories et les résultats issus des travaux de recherche sur la petite enfance peuvent apporter beaucoup pour l’élaboration des politiques et des pratiques, le suivi et l’évaluation des initiatives, et l’éducation et la formation de toutes les personnes responsables du bien-être des jeunes enfants. Mais le Comité attire également l’attention sur les limites de la recherche actuelle, axée sur la petite enfance, qui est essentiellement limitée à un certain nombre de contextes et de régions du monde. Lors de l’élaboration de plans en faveur de la petite enfance, le Comité encourage les États parties à renforcer les capacités de recherche nationales et locales sur la petite enfance, en particulier dans une optique fondée sur les droits.

41.Formation aux droits de la petite enfance. Les connaissances et les compétences dans le domaine de la petite enfance ne sont pas figées, mais évoluent dans le temps. Cela est dû à la fois aux tendances sociales ayant un impact sur la vie des jeunes enfants, de leurs parents ou des autres personnes qui s’occupent d’eux, à l’évolution des politiques et des priorités en matière de soins et d’éducation, aux innovations concernant la pédagogie, les programmes et la prise en charge des enfants, ainsi qu’aux résultats de nouveaux travaux de recherche. La mise en œuvre des droits de l’enfant au cours de la petite enfance représente un défi pour toutes les parties prenantes responsables des enfants et aussi pour les enfants eux-mêmes, qui prennent alors conscience de leur rôle au sein de la famille, à l’école et dans la communauté. Les États parties sont encouragés à mener des actions systématiques de formation aux droits de l’enfant à l’intention des enfants et de leurs parents, ainsi qu’en direction de tous les professionnels travaillant pour ou avec les enfants, en particulier les parlementaires, les juges, les procureurs, les avocats, les responsables de l’application des lois, les fonctionnaires, les membres du personnel des établissements et lieux de détention pour enfants, les enseignants, les personnels de santé, les travailleurs sociaux et les dirigeants locaux. En outre, le Comité demande instamment aux États parties de mener des campagnes de sensibilisation en direction du grand public.

42.Aide internationale. Constatant le manque de ressources auquel sont confrontés de nombreux États parties qui s’efforcent de mettre en œuvre les dispositions générales évoquées dans la présente observation générale, le Comité recommande que les institutions et les organismes donateurs, dont la Banque mondiale, d’autres organismes des Nations Unies et les donateurs bilatéraux, apportent un soutien financier et technique aux programmes en faveur du développement de la petite enfance et en fassent un des objectifs principaux de l’aide au développement durable dans les pays bénéficiant d’une aide internationale. Une coopération internationale efficace permettra également de renforcer les capacités en faveur de la petite enfance, en termes d’élaboration de politiques et de programmes, de travaux de recherche et de formation professionnelle.

43.Perspectives. Le Comité engage tous les États parties, les organisations intergouvernementales, les ONG, les universitaires, les groupes professionnels et les communautés de base à continuer de plaider pour l’établissement d’institutions indépendantes pour les droits de l’enfant et à poursuivre un dialogue au niveau décisionnel le plus élevé et des travaux de recherche, aux niveaux international, national, régional et local, sur l’importance déterminante des aspects qualitatifs du développement de la petite enfance.

Quarante-deuxième session (2006)

Observation générale n o 8: Le droit de l’enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments (art. 19, 28 (par. 2) et 37, entre autres)

I. OBJECTIFS

1.Dans le prolongement des deux journées de débat général qu’il a consacrées à la violence contre les enfants, en 2000 et 2001 respectivement, le Comité des droits de l’enfant avait décidé de publier une série d’observations générales, dont la présente est la première, concernant l’élimination de la violence contre les enfants. Le Comité vise à aider les États parties à comprendre les dispositions de la Convention qui ont trait à la protection des enfants contre toutes les formes de violence. La présente observation générale est axée sur les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments, qui sont à l’heure actuelle des types largement acceptés et répandus de violence contre les enfants.

2.La Convention relative aux droits de l’enfant et d’autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme reconnaissent à l’enfant le droit au respect de sa dignité humaine et de son intégrité physique, de même qu’à une protection égale par la loi. Le Comité publie la présente observation générale afin de mettre en lumière l’obligation incombant à tous les États parties de prendre rapidement des dispositions aux fins d’interdire et d’éliminer tous les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments à l’égard des enfants et d’exposer dans leurs grandes lignes les mesures législatives, les autres mesures de sensibilisation et les mesures éducatives qu’il appartient aux États de prendre.

3.S’attaquer au problème de la large acceptation ou tolérance à l’égard des châtiments corporels contre les enfants et les éliminer, tant dans la famille qu’à l’école ou dans tout autre contexte, est non seulement une obligation incombant aux États parties en vertu de la Convention, mais aussi un moyen stratégique déterminant sur la voie de la réduction et de la prévention de toutes les formes de violence dans la société.

II. RAPPEL

4.Dès ses premières sessions, le Comité a été particulièrement soucieux de faire valoir le droit des enfants à une protection contre toutes les formes de violence. Lors de l’examen des rapports d’États parties et, plus récemment, dans le contexte de l’étude du Secrétaire général de l’ONU sur la violence contre les enfants, le Comité a noté avec une grande préoccupation la légalité généralisée et l’acceptation sociale persistante des châtiments corporels et autres châtiments cruels ou dégradants à l’égard des enfants. Dès 1993, dans le rapport sur sa quatrième session, le Comité «a estimé qu’il ne fallait pas négliger la question des châtiments corporels si l’on voulait améliorer le système de promotion et de protection des droits de l’enfant et il a décidé de continuer à tenir compte de cette question lorsqu’il examinerait les rapports des États parties».

5.Depuis qu’il a commencé à examiner des rapports d’États parties, le Comité a recommandé à plus de 130 États des différents continents d’interdire tout châtiment corporel, au sein de la famille comme dans les autres contextes. Le Comité constate avec satisfaction que les États parties sont toujours plus nombreux à prendre des mesures législatives ou autres pour faire valoir le droit de l’enfant au respect de sa dignité humaine et de son intégrité physique, ainsi qu’à une égale protection par la loi. Le Comité croit savoir qu’à ce jour, en 2006, plus d’une centaine d’États ont interdit les châtiments corporels à l’école et dans le système pénal pour enfants. Un nombre grandissant d’États parties ont édicté l’interdiction de tels châtiments au domicile et dans la famille, ainsi que dans toutes les catégories d’institutions de protection de remplacement.

6.En septembre 2000, le Comité a tenu la première de ses deux journées de débat général consacrées au problème de la violence contre les enfants. Axée sur la violence d’État contre les enfants, elle a débouché sur l’adoption de recommandations détaillées, préconisant en particulier l’interdiction de tous les châtiments corporels et le lancement de campagnes d’information du public «pour sensibiliser davantage l’opinion à la gravité des violations des droits fondamentaux dans ce domaine et à leurs incidences néfastes sur les enfants ainsi que pour lutter contre l’acceptation culturelle de la violence contre les enfants et inciter plutôt à un “niveau zéro” de tolérance de la violence».

7.En avril 2001, le Comité a adopté sa première observation générale, concernant les «buts de l’éducation», et a réaffirmé que les châtiments corporels étaient incompatibles avec la Convention, dans les termes suivants: «Les enfants ne sont pas privés de leurs droits fondamentaux du seul fait qu’ils franchissent les portes de l’école. Ainsi, par exemple, l’éducation doit être dispensée dans le respect de la dignité inhérente de l’enfant et doit permettre à l’enfant d’exprimer ses opinions librement conformément au paragraphe 1 de l’article 12 et de participer à la vie scolaire. L’éducation doit également être dispensée dans le respect des limites strictes de la discipline conformément au paragraphe 2 de l’article 28 et de façon à encourager la non‑violence dans le milieu scolaire. Le Comité a indiqué clairement à maintes reprises dans ses observations finales que le recours aux châtiments corporels allait à l’encontre du respect de la dignité inhérente de l’enfant et des limites strictes de la discipline scolaire…».

8.Dans les recommandations qu’il a adoptées à l’issue de la seconde journée de débat général, consacrée aux «violences contre les enfants au sein de la famille et à l’école» et tenue en septembre 2001, le Comité a demandé instamment aux États parties «de prendre des mesures d’urgence pour promulguer des lois ou abroger les textes existants, selon les besoins, afin d’interdire toutes les formes de violence, aussi légères soient‑elles, au sein de la famille et à l’école, y compris en tant que mesure disciplinaire, comme l’exigent les dispositions de la Convention…».

9.Les journées de débat général organisées par le Comité en 2000 et 2001 ont de plus débouché sur la formulation d’une recommandation selon laquelle il convenait de demander au Secrétaire général de l’ONU, par l’intermédiaire de l’Assemblée générale, de réaliser une enquête internationale approfondie sur la violence contre les enfants. L’Assemblée générale des Nations Unies a donné effet à cette recommandation en 2001. Dans le contexte de l’étude des Nations Unies, menée de 2003 à 2006, la nécessité d’interdire toutes les formes actuellement légales de violence contre les enfants a été soulignée, de même que la profonde préoccupation des enfants eux-mêmes face à la prévalence quasi universelle des châtiments corporels au sein de la famille et la persistance dans de nombreux États de sa légalité à l’école et dans d’autres institutions, ainsi que dans le système pénal pour les enfants en conflit avec la loi.

III. DÉFINITIONS

10.La Convention définit les «enfants» dans ces termes «tout être humain âgé de moins de 18 ans sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable».

11.Le Comité définit les châtiments «corporels» ou «physiques» comme tous châtiments impliquant l’usage de la force physique et visant à infliger un certain degré de douleur ou de désagrément, aussi léger soit-il. La plupart de ces châtiments donnent lieu à l’administration d’un coup («tape», «gifle», «fessée») à un enfant, avec la main ou à l’aide d’un instrument − fouet, baguette, ceinture, chaussure, cuillère de bois, etc. Ce type de châtiment peut aussi consister à, par exemple, donner un coup de pied, secouer ou projeter un enfant, le griffer, le pincer, le mordre, lui tirer les cheveux, lui «tirer les oreilles» ou bien encore à forcer un enfant à demeurer dans une position inconfortable, à lui infliger une brûlure, à l’ébouillanter ou à le forcer à ingérer quelque chose (par exemple, laver la bouche d’un enfant avec du savon ou l’obliger à avaler des épices piquantes). De l’avis du Comité, tout châtiment corporel ne peut être que dégradant. En outre, certaines formes non physiques sont également cruelles et dégradantes et donc incompatibles avec la Convention. À leur nombre figurent, par exemple: les châtiments tendant à rabaisser, humilier, dénigrer, prendre pour bouc émissaire, menacer, effrayer ou ridiculiser l’enfant.

12.L’administration de châtiments corporels et d’autres formes cruelles ou dégradantes de châtiment à des enfants intervient dans différents cadres, à savoir le domicile et la famille, les différents types d’institutions de protection de remplacement, les écoles et autres établissements d’enseignement, le système de justice − tant sous forme de condamnation par un tribunal que de châtiments infligés dans les établissements pour peine ou autres − dans le cadre du travail des enfants et dans la communauté.

13.En rejetant toute justification de la violence et des humiliations en tant que formes de châtiment à l’encontre des enfants, le Comité ne rejette en rien le concept positif de discipline. Le développement sain des enfants suppose que les parents et les autres adultes concernés fournissent les orientations et les indications nécessaires, en fonction du développement des capacités de l’enfant, afin de contribuer à une croissance les conduisant à une vie responsable dans la société.

14.Le Comité reconnaît que l’exercice des fonctions parentales et l’administration de soins aux enfants, en particulier aux bébés et aux jeunes enfants, exigent fréquemment des actions et interventions physiques destinées à les protéger mais elles sont très différentes du recours délibéré à la force en vue d’infliger un certain degré de douleur, de désagrément ou d’humiliation à des fins punitives. En tant qu’adultes, nous connaissons par nous‑mêmes la différence entre une action physique de protection et des voies de fait punitives; il n’est pas plus difficile d’établir une distinction en ce qui concerne les actions mettant en jeu des enfants. Dans tous les États, la loi autorise, expressément ou non, le recours à la force non punitive nécessaire pour protéger les gens.

15.Le Comité reconnaît qu’il existe certaines circonstances exceptionnelles dans lesquelles des enseignants et d’autres personnes, par exemple celles qui travaillent avec des enfants en institution ou avec les enfants en conflit avec la loi, sont susceptibles d’être confrontés à un comportement dangereux qui justifie l’usage d’un degré raisonnable pour le contrôler. Là aussi, il existe une distinction manifeste entre l’usage de la force motivée par la nécessité de protéger un enfant ou d’autres personnes et l’usage de la force à des fins punitives. Le principe d’usage aussi réduit que possible de la force pour une durée aussi brève que possible doit toujours s’appliquer. Des orientations précises et une formation s’imposent également, tant pour réduire au minimum la nécessité de faire usage de la contrainte que pour veiller à ce que toutes les méthodes utilisées soient sans danger et proportionnées à la situation et ne donnent pas lieu à l’infliction délibérée d’une douleur en tant que moyen de contrôle.

IV. NORMES RELATIVES AUX DROITS DE L’HOMME ET ADMINISTRATION DE CHÂTIMENTS CORPORELS AUX ENFANTS

16.Avant même l’adoption de la Convention relative aux droits de l’enfant, la Déclaration internationale des droits de l’homme − c’est‑à‑dire la Déclaration des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels − garantissait le droit de «chacun» au respect de sa dignité humaine et de son intégrité physique, ainsi qu’à une égale protection de la loi. Lorsqu’il insiste sur l’obligation incombant aux États d’interdire et d’éliminer tous les châtiments corporels et toutes les autres formes de châtiments dégradants, le Comité fait valoir que la Convention relative aux droits de l’enfant repose sur ces fondements. La dignité de chaque individu est le principe directeur fondamental du droit international des droits de l’homme.

17.Le préambule de la Convention relative aux droits de l’enfant proclame, conformément aux principes énoncés dans la Charte des Nations Unies et réaffirmés dans le préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme, que «la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine ainsi que l’égalité et le caractère inaliénable de leurs droits sont le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde». Dans ce même préambule il est rappelé que dans la Déclaration universelle les Nations Unies «ont proclamé que l’enfance a droit à une aide et à une assistance spéciales».

18.En vertu de l’article 37 de la Convention, les États sont tenus de veiller à ce que «nul enfant ne soit soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants». Cette disposition est complétée et élargie par l’article 19, qui fait obligation de prendre «toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant contre toutes formes de violence, d’atteinte ou de brutalité physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu’il est sous la garde de ses parents ou de l’un d’eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié». L’expression «toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales» est dépourvue de toute ambiguïté et ne laisse aucune place à un quelconque degré de violence à caractère légal contre les enfants. Les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments sont des types de violence et les États sont donc tenus de prendre toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour les éliminer.

19.En outre, en vertu du paragraphe 2 de l’article 28 de la Convention, qui renvoie à la discipline scolaire, les États parties sont tenus de prendre «toutes les mesures appropriées pour veiller à ce que la discipline scolaire soit appliquée d’une manière compatible avec la dignité de l’enfant en tant qu’être humain et conformément à la présente Convention».

20.L’article 19 et le paragraphe 2 de l’article 28 ne mentionnent pas expressément les châtiments corporels. Dans le Recueil des travaux préparatoires de la Convention ne figure aucune mention d’un débat consacré aux châtiments corporels dans le cadre des sessions de rédaction. Comme tous les instruments relatifs aux droits de l’homme, la Convention doit cependant être conçue comme un instrument vivant, dont l’interprétation évolue dans le temps. Depuis que la Convention a été adoptée, voilà dix-sept ans, le phénomène des châtiments corporels infligés aux enfants chez eux, à l’école et dans diverses autres institutions a acquis davantage de visibilité grâce au processus d’examen des rapports présentés en application de la Convention et aux travaux de recherche et actions de sensibilisation menés, entre autres, par les institutions nationales des droits de l’homme et les organisations non gouvernementales (ONG).

21.Cette visibilité accrue fait clairement apparaître que cette pratique est directement attentatoire au droit égal et inaliénable des enfants au respect de leur dignité humaine et de leur intégrité physique. La singularité des enfants, leur dépendance initiale, leur état de développement, de même que leur potentiel humain unique et leur vulnérabilité sont autant de considérations militant en faveur d’un supplément de protection juridique et autre contre toutes les formes de violence.

22.Le Comité souligne qu’éliminer les châtiments violents et humiliants à l’égard des enfants par la voie d’une réforme législative et d’autres mesures nécessaires constitue une obligation immédiate et inconditionnelle des États parties. Il note en outre que d’autres organes conventionnels, à savoir le Comité des droits de l’homme, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels et le Comité contre la torture ont exprimé la même opinion dans des observations finales adoptées à l’issue de l’examen de rapports d’États parties soumis en application des instruments pertinents et recommandent l’interdiction des châtiments corporels et l’adoption d’autres mesures contre ces châtiments à l’école, dans le système pénal et, dans certains cas, dans la famille. Pareillement, dans son Observation générale no 13 de 1999 sur «le droit à l’éducation», le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a indiqué: «De l’avis du Comité, les châtiments corporels sont incompatibles avec un des principes directeurs clefs du droit international relatif aux droits de l’homme, inscrit au préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme et des deux Pactes, à savoir la dignité humaine. D’autres règles disciplinaires peuvent l’être aussi, par exemple l’humiliation en public.».

23.Les châtiments corporels ont aussi été condamnés par des mécanismes régionaux de défense des droits de l’homme. La Cour européenne des droits de l’homme a condamné progressivement dans une série de jugements les châtiments corporels contre les enfants − d’abord dans le système pénal, puis dans les écoles, y compris les écoles privées, et, plus récemment, au domicile. Le Comité européen des droits sociaux, qui surveille le respect par les États membres du Conseil de l’Europe de la Charte sociale européenne et de la Charte sociale révisée, a estimé que le respect de ces chartes passait par l’interdiction par voie législative de toute forme de violence à l’égard des enfants, que ce soit à l’école ou dans d’autres institutions, à leur domicile ou bien où que ce soit.

24.Dans une opinion consultative relative au statut juridique des droits de l’enfant (2002) la Cour interaméricaine des droits de l’homme a estimé que les États parties à la Convention interaméricaine des droits de l’homme «sont liés par l’obligation … d’adopter toutes les mesures positives requises pour assurer la protection des enfants contre les mauvais traitements, que ce soit dans leurs relations avec les autorités publiques ou dans leurs relations avec d’autres individus ou avec des organismes non gouvernementaux». La Cour cite les dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant, les observations finales du Comité des droits de l’enfant et des jugements de la Cour européenne des droits de l’homme concernant l’obligation incombant aux États de protéger les enfants contre la violence, y compris au sein de la famille. La Cour interaméricaine a conclu: «L’État a le devoir d’adopter des mesures positives pour donner pleinement effet à l’exercice des droits de l’enfant.».

25.La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, qui surveille l’application de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, a estimé dans une décision en date de 2003, relative à une communication individuelle dénonçant la condamnation d’élèves à des «coups de fouet», que ce type de châtiment violait l’article 5 de la Charte africaine − qui interdit les châtiments cruels, inhumains ou dégradants. La Cour a demandé au gouvernement concerné de modifier la loi, d’abolir la peine de flagellation et de prendre les dispositions voulues pour indemniser les victimes. Dans sa décision, la Commission a estimé: «Il n’existe pas pour les individus, en particulier pour les agents publics d’un État, de droit d’infliger une violence physique à un individu pour le punir d’une infraction. Un tel droit reviendrait à faire justifier la torture d’État par la Convention, contrairement à la nature même de cet instrument relatif aux droits de l’homme.». Le Comité des droits de l’enfant note avec satisfaction que les cours constitutionnelles ou autres juridictions supérieures de nombreux pays ont rendu des décisions condamnant les châtiments corporels contre les enfants dans certains cadres ou dans tous et se sont, dans la plupart des cas, référées à la Convention relative aux droits de l’enfant.

26.Lorsque le Comité a abordé la question de l’élimination des châtiments corporels avec certains États durant l’examen de leurs rapports, des représentants de gouvernement ont fait valoir que des châtiments corporels d’un degré «raisonnable» ou «modéré» pouvaient se justifier dans l’«intérêt supérieur» de l’enfant. Le Comité a dégagé un principe général important, à savoir l’obligation que fait la Convention de faire de l’intérêt supérieur de l’enfant une considération primordiale dans toutes les décisions qui concernent les enfants (par. 1 de l’article 3). La Convention dispose en outre, en son article 18, que les parents doivent être guidés avant tout par l’intérêt supérieur de l’enfant. L’interprétation de l’intérêt supérieur de l’enfant doit toutefois être compatible avec l’ensemble de la Convention, en particulier l’obligation de protéger l’enfant contre toutes les formes de violence et la nécessité de prendre dûment en considération les opinions de l’enfant eu égard à son âge et à son degré de maturité; l’intérêt supérieur ne saurait servir à justifier certaines pratiques, dont les châtiments corporels et autres formes cruelles de châtiments, attentatoires à la dignité humaine de l’enfant et au droit à l’intégrité physique de sa personne.

27.Dans le préambule de la Convention, il est affirmé que la famille constitue l’unité fondamentale de la société et le milieu naturel pour la croissance et le bien‑être de tous ses membres et en particulier des enfants. La Convention fait obligation aux États parties de respecter et de soutenir les familles. Il n’y a pas le moindre conflit avec l’obligation incombant aux États de veiller à ce que la dignité humaine et l’intégrité physique des enfants, de même que des autres membres de la famille, bénéficient d’une protection entière dans la famille.

28.En vertu de l’article 5 de la Convention, les États sont tenus de respecter la responsabilité, le droit et le devoir qu’ont les parents de donner à leur enfant, d’une manière qui corresponde au développement de ses capacités, l’orientation et les conseils appropriés à l’exercice des droits que lui reconnaît la Convention. Là encore, l’interprétation de l’expression «l’orientation et les conseils appropriés» doit être compatible avec l’ensemble de la Convention et ne laisse pas la moindre place à une quelconque justification de formes de discipline violentes ou d’autres formes de discipline cruelles ou dégradantes.

29.Certains avancent des arguments liés à la foi pour justifier les châtiments corporels, faisant valoir que certaines interprétations des textes religieux non seulement justifient leur usage mais imposent le devoir d’en faire usage. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (art. 18) garantit à chacun la liberté de conscience religieuse, mais la pratique d’une religion ou d’une conviction doit être compatible avec le respect de la dignité humaine et de l’intégrité physique d’autrui. La liberté de pratiquer sa religion ou ses convictions peut être légitimement restreinte dans le souci de protéger les libertés et droits fondamentaux d’autrui. Le Comité a relevé que dans certains États des enfants, parfois dès un très jeune âge ou à compter du moment où ils sont considérés pubères, sont susceptibles d’être condamnés à des châtiments d’une violence extrême, notamment la lapidation et l’amputation, que prescrivent certaines interprétations du droit religieux. Pareils châtiments sont à l’évidence contraires à la Convention et aux autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, comme l’ont aussi souligné le Comité des droits de l’homme et le Comité contre la torture, et doivent être interdits.

V. MESURES ET MÉCANISMES NÉCESSAIRES POUR ÉLIMINER LES CHÂTIMENTS CORPORELS ET LES AUTRES FORMES DE CHÂTIMENTS CRUELS OU DÉGRADANTS

1. Mesures législatives

30.L’article 19 de la Convention, qui prolonge son article 4, dispose clairement que les États sont tenus de prendre des mesures législatives ou autres pour s’acquitter de l’obligation qui est la leur de protéger les enfants contre toutes les formes de violence. Le Comité a noté avec satisfaction que de nombreux États ont incorporé dans leur droit interne la Convention ou ses principes. Tous les États sont dotés de dispositions pénales protégeant les individus contre toutes voies de fait. De nombreux États possèdent une constitution et/ou une législation reflétant les normes internationales relatives aux droits de l’homme, dont l’article 37 de la Convention relative aux droits de l’enfant, qui énoncent le droit de «chacun» de ne pas être soumis à la torture ni à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. De nombreux États ont en outre introduit dans leur législation relative à la protection de l’enfance des dispositions érigeant en infraction «la maltraitance», «les abus» ou «la cruauté». L’examen des rapports des États parties a toutefois enseigné au Comité que de pareilles dispositions législatives ne garantissent en général pas la protection effective des enfants contre les châtiments corporels et les autres formes de châtiments cruels ou dégradants, au sein de la famille et dans les autres contextes.

31.Lors de l’examen des rapports, le Comité a noté que dans de nombreux États le Code pénal et/ou le Code civil (ou de la famille) contiennent des dispositions juridiques fournissant aux parents ou autres personnes ayant la garde d’un enfant une argumentation ou une justification en faveur de l’usage d’un certain degré de violence aux fins de faire respecter la discipline. Parexemple, depuis des siècles dans la common law anglaise est retenu l’argument de châtiments ou de correction «licite», «raisonnable» ou «modérée», tandis que le droit français reconnaît un «droit de correction». À un moment ou à un autre, ce même argument a pu être avancé dans de nombreux États pour justifier le châtiment d’une épouse par son mari ou d’un esclave, d’un domestique ou d’un apprenti par son maître. Le Comité souligne que la Convention suppose l’élimination de toute disposition (en système de droit civil comme en common law) autorisant l’usage d’un certain degré de violence à l’égard des enfants (par exemple une correction «raisonnable» ou «modérée») à leur domicile/dans leur famille ou dans tout autre cadre.

32.Dans certains États, les châtiments corporels sont expressément autorisés à l’école et dans d’autres institutions et des règles précisent leurs modalités d’administration et quelles personnes sont habilitées à les administrer. En outre, dans une minorité d’États les tribunaux demeurent habilités à condamner un enfant délinquant à un châtiment corporel sous la forme de coups de trique ou de fouet. Comme le Comité l’a affirmé à maintes reprises, la Convention requiert l’abrogation de toutes dispositions de cet ordre.

33.Le Comité a constaté que dans certains États l’attitude traditionnelle à l’égard des enfants amène à estimer que les châtiments corporels sont permis même si la législation ne comporte aucune disposition les défendant ou les justifiant expressément. Cette attitude transparaît parfois dans des décisions de justice (décision d’acquittement de parents, d’enseignants ou d’autres prestataires de soins coupables de voies de fait ou de mauvais traitements au motif de l’exercice du droit ou de la liberté à administrer une «correction» modérée).

34.Face à l’acceptation traditionnelle de l’usage de formes de châtiments violents ou humiliants à l’encontre des enfants, un nombre grandissant d’États ont reconnu que la simple abolition de l’autorisation d’administrer des châtiments corporels et de toutes dispositions les justifiant ne suffisait pas et qu’il fallait aller au-delà en interdisant expressément les châtiments corporels et les autres formes de châtiments cruels ou dégradants, dans leur législation civile ou pénale, afin d’indiquer sans la moindre équivoque qu’il est tout aussi illégal de frapper, «gifler» ou «fesser» un enfant qu’un adulte, et que la législation pénale relative aux voies de fait s’applique également à cette catégorie de violence − qu’elle soit qualifiée de «discipline» ou de «correction raisonnable».

35.Dès lors que la législation pénale s’applique pleinement aux voies de fait contre les enfants, ils sont protégés contre les châtiments corporels quelle qu’en soit la nature et quelle que soit la personne les administrant. Le Comité est en outre d’avis que vu l’acceptation traditionnelle des châtiments corporels, il est essentiel que la législation sectorielle applicable (par exemple le droit de la famille, la loi relative à l’éducation, la loi relative à toutes les formes de protection de remplacement et au système judiciaire, la loi sur l’emploi) interdise clairement leur usage dans les contextes pertinents. En outre, il est très utile que les codes de déontologie professionnels, les directives à l’intention des enseignants, des prestataires de soins et d’autres personnes, ainsi que les règlements ou statuts des institutions insistent sur l’illégalité des châtiments corporels et des autres formes de châtiment cruel ou dégradant.

36.Le Comité prend également note avec préoccupation des informations selon lesquelles des châtiments corporels et d’autres formes de châtiments cruels ou dégradants sont administrés à des travailleurs enfants, en particulier à des enfants employés de maison. Le Comité réaffirme que la Convention et les autres instruments pertinents relatifs aux droits de l’homme protègent l’enfant contre l’exploitation économique et contre tout travail susceptible d’être dangereux pour lui, de contrarier son éducation ou de nuire à son développement, et exigent certaines garanties propres à assurer la mise en œuvre effective de cette protection. Le Comité souligne qu’il est essentiel que l’interdiction des châtiments corporels et des autres formes de châtiments cruels et/ou dégradants soit respectée à l’égard de tous les travailleurs enfants.

37.L’article 39 de la Convention fait obligation aux États de prendre toutes les mesures appropriées pour faciliter la réadaptation physique et psychologique et la réinsertion sociale de tout enfant victime de «toute forme de négligence, d’exploitation ou de sévices, de torture ou de toute autre forme de peine ou traitement cruel, inhumain…». Les châtiments corporels et les autres formes de châtiments dégradants sont susceptibles de nuire gravement au développement physique, psychologique et social des enfants, au point de rendre nécessaires une prise en charge et des soins de santé ou autres. Cette prise en charge et ces soins doivent s’inscrire dans un environnement propice au rétablissement intégral, au respect de soi et à la dignité de l’enfant et s’étendre le cas échéant au groupe familial de l’enfant. La planification et la prestation de cette prise en charge et de ces soins devraient participer d’une démarche interdisciplinaire, une formation spécialisée étant dispensée aux membres des groupes professionnels concernés. Les opinions de l’enfant intéressé sur tous les aspects de son traitement devraient être dûment prises en considération, de même que lors de son réexamen.

2. Mise en œuvre de l’interdiction des châtiments corporels et des autres formes de châtiments cruels ou dégradants

38.Le Comité estime que la mise en œuvre de l’interdiction de tous les châtiments corporels passe par une action de sensibilisation, d’orientation et de formation (voir plus loin le paragraphe 45 et suiv.) en direction de toutes les personnes concernées. Cette action doit aboutir à faire appliquer la loi dans l’intérêt supérieur des enfants concernés − en particulier quand les parents ou d’autres membres de la famille proche sont les auteurs des faits. L’impératif primordial d’une révision législative destinée à interdire les châtiments corporels à l’égard des enfants dans leur famille est la prévention: il s’agit de prévenir la violence contre les enfants en faisant évoluer les attitudes et la pratique, en insistant sur le droit des enfants à une égale protection et en instituant un cadre dépourvu d’ambiguïté pour la protection de l’enfant et la promotion de formes positives, non violentes et participatives d’éducation des enfants.

39.La mise en œuvre d’une interdiction claire et inconditionnelle de tous les châtiments demandera des réformes juridiques variées dans les différents États parties. Elle pourra requérir l’adoption de dispositions spécifiques dans des textes sectoriels relatifs à l’éducation, à la justice pour mineurs et aux différentes formes de protection de remplacement. Il conviendrait toutefois d’indiquer expressément que les dispositions de la législation pénale relative aux voies de fait s’appliquent aussi à tous les châtiments corporels, y compris dans la famille. Une disposition supplémentaire interdisant le recours à toutes les formes de violence, y compris les châtiments corporels, pourrait être introduite à cet effet dans le Code pénal de l’État partie ou bien dans le Code civil ou encore dans le Code de la famille. Pareille disposition ferait clairement ressortir que les parents et les autres prestataires de soins ne sauraient plus longtemps avancer des arguments traditionnels à leur décharge, à savoir leur droit d’administrer des châtiments corporels («de manière raisonnable» ou «avec modération») en cas de poursuites pénales. Le Code de la famille devrait également indiquer de manière positive que, parmi les responsabilités des parents, figure la fourniture d’une orientation et de conseils appropriés aux enfants sans recours à une quelconque forme de violence.

40.Le principe de protection égale des enfants et des adultes contre les voies de fait, y compris dans la famille, ne signifie pas que tous les cas de châtiments corporels administrés par des parents à leurs enfants qui sont signalés devraient aboutir à l’ouverture de poursuites contre les parents. En vertu du principe de minimis − à savoir que la loi ne s’intéresse pas aux peccadilles − les voies de fait simples entre adultes ne donnent lieu qu’à titre très exceptionnel à une action judiciaire; ce même constat s’appliquera aux voies de fait simples à l’égard d’enfants. Les États doivent mettre au point des mécanismes efficaces de signalement et d’instruction. Tous les signalements de violence à enfant devraient donner lieu à des investigations et à une protection de l’intéressé contre tout préjudice notable, le but devant être d’empêcher les parents de recourir à des châtiments violents, cruels ou dégradants en mettant en œuvre des interventions d’accompagnement et de soutien plutôt que des mesures punitives.

41.Le statut de dépendance des enfants et l’intimité spécifiques unissant les membres d’une famille exigent que la décision de poursuivre les parents, ou d’intervenir officiellement dans la famille selon d’autres modalités, soit prise avec le plus grand soin. Dans la plupart des cas, il est improbable que l’ouverture de poursuites contre les parents soit dans l’intérêt supérieur de leurs enfants. Le Comité est d’avis que l’ouverture de poursuites et d’autres types d’interventions officielles (par exemple, l’éloignement de l’enfant ou l’éloignement de l’auteur des faits répréhensibles) ne devraient être envisagés que si pareille mesure apparaît nécessaire pour protéger l’enfant contre un préjudice notable et conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant affecté. Les opinions de l’enfant affecté devraient être dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité.

42.Cette approche de l’application de la loi devrait être mise en avant dans les conseils et la formation dispensés à toutes les parties intervenant dans le système de protection de l’enfance, en particulier la police, les autorités chargées des poursuites et les tribunaux. Dans les directives, l’accent devrait également être mis sur le fait que l’article 9 de la Convention dispose qu’un enfant ne doit être séparé de ses parents que si cette séparation est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant et qu’une décision dans ce sens doit faire l’objet d’un examen par l’autorité judiciaire, conformément au droit et aux procédures applicables, avec toutes les parties intéressées représentées, y compris l’enfant. Quand la séparation se justifie, des solutions autres que le placement de l’enfant en dehors de sa famille devraient être envisagées, notamment l’éloignement de l’auteur des faits en cause, une condamnation à une peine avec sursis, etc.

43.Si, en dépit de l’interdiction et des programmes positifs d’éducation et de formation, des affaires de châtiments corporels sont mises à jour en dehors du domicile familial (à l’école, dans d’autres institutions ou dans le cadre des diverses formes de protection de remplacement, par exemple), l’ouverture de poursuites est susceptible de constituer une réaction raisonnable. Le fait pour l’auteur des faits en cause d’être menacé d’une action disciplinaire ou d’une mise à pied pourrait également avoir un effet fortement dissuasif. Il est essentiel que l’interdiction de tous les châtiments corporels et des autres châtiments cruels ou dégradants, de même que les sanctions susceptibles d’être prononcées contre les auteurs de tels actes, soient portées à la connaissance des enfants et de toutes les personnes travaillant avec ou pour les enfants dans tous les cadres. La surveillance des dispositifs disciplinaires et du traitement réservé aux enfants doit impérativement faire partie intégrante du processus de supervision continue de toutes les institutions et de tous les types de placement que préconise la Convention. Les enfants et leurs représentants dans le cadre de ces différents types de placement doivent avoir un accès immédiat et confidentiel à des structures de conseil, de plaidoyer et de plaintes adaptées à la sensibilité des enfants et, au bout du compte, aux tribunaux − en bénéficiant de l’assistance juridique ou autre nécessaire. L’obligation de signaler les incidents violents et de les examiner devrait être instaurée dans les institutions.

3. Mesures éducatives et autres

44.L’article 12 de la Convention souligne l’importance qu’il y a à prendre dûment en considération les opinions de l’enfant, disposition qui vaut pour l’élaboration et la mise en œuvre des mesures éducatives et autres visant à éliminer les châtiments corporels et les autres formes de châtiments cruels ou dégradants.

45.Eu égard à la large acceptation traditionnelle des châtiments corporels, une interdiction ne peut à elle seule suffire à induire le changement nécessaire des attitudes et des pratiques. Une action globale de sensibilisation au droit de l’enfant d’être protégé et aux lois destinées à donner effet à ce droit s’impose. Par l’article 42 de la Convention, les États parties s’engagent à faire largement connaître les principes et les dispositions de la Convention, par des moyens actifs et appropriés, aux adultes comme aux enfants.

46.En outre, il faut que les États s’attachent à promouvoir systématiquement auprès des parents, des prestataires de soins, des enseignants et des autres personnes travaillant avec les enfants et les familles la nécessité de relations et d’une éducation positives et non violentes. Le Comité souligne que la Convention prescrit l’élimination non seulement des châtiments corporels, mais de tous les châtiments cruels ou dégradants contre les enfants. La Convention n’a pas pour objet de prescrire en détail quel type de relation les parents devraient entretenir avec leurs enfants ou comment ils devraient les orienter. La Convention définit en revanche un corps de principe devant régir les relations des membres de la famille et des enseignants, des prestataires de soins et des autres personnes concernées avec les enfants. Les besoins des enfants en termes de développement doivent être respectés. Les enfants s’inspirent des actes et non des paroles des adultes pour apprendre. Quant les adultes avec lesquels un enfant entretient les relations les plus étroites font usage de violence et de traitements humiliants dans leurs rapports avec cet enfant, ils affichent leur manque de respect pour les droits de l’homme et dispensent un enseignement aussi nocif que dangereux à l’enfant en lui donnant à penser qu’il s’agit de moyens légitimes à mettre en œuvre pour tenter de régler un conflit ou d’obtenir un changement de comportement.

47.La Convention consacre le statut de l’enfant en tant qu’individu et titulaire de droits fondamentaux. L’enfant n’est pas un objet appartenant à ses parents ou à l’État, ni un simple objet de préoccupation. Dans cet esprit, l’article 5 requiert des parents, ou le cas échéant des membres de la famille élargie ou de la communauté, de donner à l’enfant, d’une manière qui corresponde au développement de ses capacités, l’orientation et les conseils appropriés à l’exercice des droits que lui reconnaît la Convention. L’article 18, qui souligne que la responsabilité d’élever un enfant et d’assurer son développement incombe au premier chef à ses parents ou, le cas échéant, à ses représentants légaux, dispose: «ceux-ci doivent être guidés avant tout par l’intérêt supérieur de l’enfant».

48.Le Comité note qu’il existe à présent de nombreux exemples de matériels et programmes destinés à promouvoir des formes positives et non violentes de parentalité et d’éducation auprès des parents, des autres prestataires de soins et des enseignants, lesquels ont été élaborés par des gouvernements, des organismes des Nations Unies, des ONG et d’autres organismes. Ces instruments sont susceptibles d’être adaptés de manière appropriée aux fins d’utilisation dans différents États et différentes situations. Les médias peuvent jouer un rôle très utile de sensibilisation et d’éducation de la population. Remettre en cause la dépendance traditionnelle à l’égard des châtiments corporels et des autres formes cruelles ou dégradantes de discipline exige une action soutenue. La promotion de formes non violentes de parentalité et d’éducation devrait s’effectuer à tous les points de contact entre l’État, les parents et les enfants, dans les services de santé, d’action sociale et d’éducation, y compris dans les institutions pour jeunes enfants, les garderies de jour et les écoles. Ces instruments devraient en outre être utilisés dans la formation initiale et continue des enseignants et de toutes les personnes travaillant avec les enfants dans les systèmes de prise en charge et dans l’appareil judiciaire.

49.Le Comité pense que certains États pourraient souhaiter demander une assistance technique à l’UNICEF et à l’UNESCO, entre autres, concernant la sensibilisation, l’éducation et la formation de la population aux fins de la promotion de méthodes non violentes.

4. Suivi et évaluation

50.Dans son Observation générale no5 sur «Les mesures d’application générales de la Convention relative aux droits de l’enfant (art. 4, 42 et 44, par. 6)», le Comité a souligné la nécessité pour les États parties de suivre systématiquement la réalisation des droits de l’enfant, en mettant au point des indicateurs appropriés et en recueillant des données suffisantes et fiables.

51.Les États parties devraient donc suivre les progrès accomplis sur la voie de l’élimination des châtiments corporels et des autres formes de châtiments cruels et dégradants et donner ainsi effet aux droits des enfants à une protection. Il est essentiel de mener des travaux de recherche faisant appel à des entretiens avec des enfants, leurs parents et d’autres prestataires de soins, dans des conditions de confidentialité et avec des garanties éthiques appropriées, afin de déterminer avec précision la prévalence de cette forme de violence dans la famille et les attitudes à leur égard. Le Comité encourage tous les États parties à procéder à de telles recherches, autant que possible auprès de groupes représentatifs de l’ensemble de la population, afin de recueillir des informations de base, puis de procéder par la suite régulièrement à des évaluations visant à déterminer les progrès accomplis. Les résultats de ces travaux de recherche peuvent également apporter des indications précieuses en vue de la mise au point de campagnes universelles et ciblées de sensibilisation et d’activités de formation à l’intention des professionnels travaillant avec les enfants ou pour les enfants.

52.Dans son Observation générale no 5, le Comité souligne en outre qu’il est indispensable de mettre en place un suivi indépendant des progrès réalisés, par exemple par des comités parlementaires, des ONG, des établissements universitaires, des associations professionnelles, des groupes de jeunes et des institutions indépendantes de protection des droits de l’homme (voir également l’Observation générale no2 du Comité sur «Le rôle des institutions indépendantes nationales de défense des droits de l’homme dans la protection et la promotion des droits de l’enfant»). Toutes ces entités sont susceptibles de jouer un grand rôle dans l’appréciation des progrès accomplis sur la voie de la réalisation du droit des enfants à une protection contre tous les châtiments corporels et les autres formes de châtiments cruels ou dégradants.

VI. PRÉSENTATION DE RAPPORTS AU TITRE DE LA CONVENTION

53.Le Comité attend des États parties qu’ils incorporent dans les rapports périodiques qu’ils soumettent en application de la Convention des informations sur les mesures prises pour interdire et prévenir tous les châtiments corporels et les autres formes de châtiments cruels ou dégradants au sein de la famille et dans tous les autres contextes, et en particulier des informations sur les activités de sensibilisation à cet effet et sur la promotion de relations positives et non violentes, ainsi que sur l’évaluation par l’État des progrès accomplis sur la voie du respect total du droit de l’enfant à une protection contre toutes les formes de violence. Le Comité encourage en outre les organismes des Nations Unies, les institutions nationales des droits de l’homme, les ONG et les autres entités compétentes à lui fournir des informations pertinentes sur le statut juridique et la prévalence des châtiments corporels et sur les progrès accomplis sur la voie de leur élimination.

Quarante-troisième session (2006)

Observation générale n o 9 : Les droits des enfants handicapés

I. INTRODUCTION

A. Pourquoi une observation générale sur les enfants handicapés?

1.On estime qu’il y a entre 500 et 650 millions de personnes handicapées dans le monde, soit environ 10 % de la population mondiale; 150 millions d’entre elles sont des enfants. Plus de 80 % vivent dans des pays en développement et n’ont, au mieux, qu’un accès limité aux services. La majorité des enfants handicapés des pays en développement ne sont pas scolarisés et sont complètement analphabètes. Il est reconnu que la plupart des causes de handicap, comme la guerre, la maladie et la pauvreté, pourraient être prévenues, tout comme on pourrait aussi prévenir ou limiter les conséquences du handicap, qui résultent souvent d’une intervention trop tardive. Par conséquent, il faudrait s’employer à susciter la volonté politique nécessaire et à créer un réel engagement pour définir et appliquer les mesures les plus efficaces afin de prévenir les handicaps, avec la participation de l’ensemble de la société.

2.Au cours des dernières décennies, une attention accrue a été accordée aux personnes handicapées en général, et aux enfants en particulier. Cela s’explique en particulier par le fait que les personnes handicapées et les organisations non gouvernementales internationales et nationales qui défendent leur cause se font de mieux en mieux entendre, mais aussi par le fait que les instruments relatifs aux droits de l’homme et les organes conventionnels des Nations Unies s’intéressent davantage au handicap. Les organes conventionnels offrent un énorme potentiel pour la promotion des droits des personnes handicapées mais ils sont généralement sous‑utilisés. Lorsqu’elle a été adoptée, en novembre 1989, la Convention relative aux droits de l’enfant (ci‑après «la Convention») était le premier instrument relatif aux droits de l’homme à faire explicitement référence au handicap (art. 2 sur la non‑discrimination) et à consacrer entièrement un article (l’article 23) aux droits et aux besoins des enfants handicapés. Depuis que la Convention est entrée en vigueur, le 2 septembre 1990, le Comité des droits de l’enfant (ci‑après «le Comité») consacre une attention soutenue et constante à la discrimination fondée sur le handicap, tandis que d’autres organes conventionnels abordent la discrimination fondée sur le handicap sous l’expression «toute autre situation» dans le cadre d’articles de leurs conventions respectives sur la non‑discrimination. En 1994, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a publié son Observation générale no 5 sur les personnes souffrant d’un handicap, précisant au paragraphe 15: «C’est dans les domaines de l’éducation, de l’emploi, du logement, des transports, de la vie culturelle et en ce qui concerne l’accessibilité des lieux et services publics que les effets de cette discrimination se font particulièrement sentir.». Le Rapporteur spécial de la Commission du développement social chargé d’étudier la situation des handicapés, nommé en 1994, a été chargé de suivre l’application des Règles pour l’égalisation des chances des handicapés, adoptées par l’Assemblée générale à sa quarante‑huitième session en 1993 (A/RES/48/96, annexe), et de faire progresser la situation des personnes handicapées dans le monde entier. Le 6 octobre 1997, le Comité a consacré sa journée de débat général aux enfants handicapés et a adopté une série de recommandations (CRC/C/66, par. 310 à 339), dans lesquelles il a envisagé la possibilité de rédiger une observation générale sur les enfants handicapés. Le Comité prend note avec satisfaction du travail du Comité spécial chargé d’élaborer une convention internationale globale et intégrée pour la protection et la promotion des droits et de la dignité des personnes handicapées et de l’adoption, à sa huitième session, tenue à New York le 25 août 2006, d’un projet de convention relative aux droits des personnes handicapées, devant être présenté à l’Assemblée générale à sa soixante et unième session (A/AC.265/2006/4, annexe II).

3.En examinant les rapports des États parties, le Comité a accumulé de nombreuses informations sur la situation des enfants handicapés dans le monde. Il a constaté que, dans la grande majorité des pays, il fallait formuler des recommandations spécifiques concernant ces enfants. Les problèmes constatés et traités vont de l’exclusion des processus décisionnels à des formes graves de discrimination, voire au meurtre des enfants handicapés. La pauvreté étant à la fois une cause et une conséquence du handicap, le Comité a souligné à plusieurs reprises que les enfants handicapés et leur famille avaient le droit à un niveau de vie suffisant, y compris à une alimentation, à des vêtements et à un logement adaptés, et à l’amélioration constante de leurs conditions de vie. Pour améliorer la situation des enfants handicapés vivant dans la pauvreté, il faudrait allouer des ressources budgétaires suffisantes et veiller à ce que ces enfants aient accès à des programmes de protection sociale et de lutte contre la pauvreté.

4.Le Comité note qu’aucun État partie n’a formulé de réserve ou fait de déclaration au sujet de l’article 23 de la Convention.

5.Le Comité note également que les enfants handicapés connaissent encore de graves difficultés et se heurtent à différents obstacles dans l’exercice des droits consacrés par la Convention. Le Comité souligne que la difficulté ne vient pas du handicap en soi mais plutôt d’un ensemble d’obstacles sociaux, culturels, comportementaux et physiques auxquels se heurtent quotidiennement les enfants handicapés. Pour promouvoir leurs droits, il faut donc prendre les mesures nécessaires pour lever ces obstacles. Tout en reconnaissant l’importance des articles 2 et 23 de la Convention, le Comité tient à établir d’emblée que l’application de la Convention aux enfants handicapés ne saurait se limiter à ces seuls articles.

6.La présente observation générale a pour objet d’offrir une aide et des conseils aux États parties pour mettre en œuvre les droits des enfants handicapés de manière à couvrir l’ensemble des dispositions de la Convention. Le Comité formulera donc tout d’abord des observations concernant directement les articles 2 et 23 puis insistera sur la nécessité de prêter une attention particulière aux enfants handicapés et de les inclure explicitement dans les mesures générales adoptées en vue de la mise en œuvre de la Convention. Ces observations seront suivies de commentaires sur le sens et l’application des différents articles de la Convention (regroupés en modules conformément à la pratique du Comité) pour les enfants handicapés.

B. Définition

7.En vertu du paragraphe 2 de l’article premier du projet de convention sur les droits des personnes handicapées, «par personnes handicapées on entend des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres» (A/AC.265/2006/4, annexe II).

II. DISPOSITIONS CLEFS CONCERNANT LES ENFANTS HANDICAPÉS (art. 2 et 23)

A. Article 2

8.En vertu de l’article 2, les États parties sont tenus de veiller à ce que tous les enfants relevant de leur juridiction jouissent de tous les droits consacrés par la Convention, sans discrimination aucune. Ils doivent donc prendre toutes les mesures appropriées pour prévenir toutes les formes de discrimination, y compris celles fondées sur «l’incapacité». La Convention est l’unique instrument faisant explicitement mention du handicap en tant que motif de discrimination. Cela peut s’expliquer par le fait que les enfants handicapés figurent parmi les groupes d’enfants les plus vulnérables. Dans de nombreux cas, des formes multiples de discrimination, fondées sur une conjugaison de différents facteurs (fillettes autochtones handicapées, enfants handicapés vivant en zone rurale, etc.), accroissent la vulnérabilité de certains groupes. Il a donc semblé nécessaire de mentionner expressément le handicap dans l’article sur la non‑discrimination. Différents aspects de la vie et du développement des enfants handicapés se heurtent à la discrimination, souvent de fait. Ainsi, la discrimination sociale et la stigmatisation conduisent à la marginalisation et à l’exclusion de ces enfants, voire menacent leur survie et leur développement si elles vont jusqu’à la violence physique ou psychologique. La discrimination relative à la fourniture de services exclut les enfants de l’éducation et les empêche d’accéder à des services sanitaires et sociaux de qualité. L’absence d’instruction et de formation professionnelle adaptées constitue une discrimination dans la mesure où elle les exclut de certains emplois. La stigmatisation sociale, les peurs, la surprotection, les attitudes négatives, les idées fausses et les préjugés restent très présents dans de nombreuses communautés et conduisent à la marginalisation et à l’aliénation des enfants handicapés. Le Comité reviendra plus en détail sur ces questions par la suite.

9.En général, dans le cadre des efforts déployés pour prévenir et éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des enfants handicapés, les États parties devraient adopter les mesures suivantes:

a)Inclure explicitement le handicap comme motif interdit de discrimination dans les dispositions constitutionnelles relatives à la non‑discrimination et/ou inclure l’interdiction spécifique de la discrimination fondée sur le handicap dans les lois ou dispositions juridiques antidiscrimination;

b)Prévoir des recours effectifs en cas de violation des droits des enfants handicapés et veiller à ce que ces recours soient facilement accessibles aux enfants et à leurs parents et/ou les personnes prenant soin d’eux;

c)Mener des campagnes de sensibilisation et d’éducation à l’intention du grand public et de groupes professionnels spécifiques, afin de prévenir et d’éliminer la discrimination de fait à l’égard des enfants handicapés.

10.Les filles handicapées sont encore plus susceptibles d’être victimes de discrimination en raison de leur sexe. C’est pourquoi les États parties sont invités à leur prêter une attention particulière en prenant les mesures nécessaires, et si besoin des mesures supplémentaires, afin de veiller à ce qu’elles soient bien protégées, à ce qu’elles aient accès à tous les services et à ce qu’elles soient pleinement intégrées dans la société.

B. Article 23

11.Le paragraphe 1 de l’article 23 devrait être considéré comme énonçant le principe de base pour l’application de la Convention concernant les enfants handicapés: leur permettre de mener une vie pleine et décente, dans des conditions qui garantissent leur dignité, favorisent leur autonomie et facilitent leur participation active à la vie de la collectivité. Les mesures prises par les États parties concernant la réalisation des droits des enfants handicapés devraient tendre vers ce but. Le message clef de ce paragraphe est que les enfants handicapés devraient être intégrés à la société. Les mesures prises en vue de la mise en œuvre des droits consacrés par la Convention concernant les enfants handicapés, par exemple dans les domaines de l’éducation et de la santé, devraient explicitement viser à l’intégration maximale de ces enfants dans la société.

12.En vertu du paragraphe 2 de l’article 23, les États parties reconnaissent le droit des enfants handicapés de bénéficier de soins spéciaux et encouragent et assurent, dans la mesure des ressources disponibles, l’octroi, sur demande, aux enfants handicapés remplissant les conditions requises et à ceux qui en ont la charge, d’une aide adaptée à l’état de l’enfant et à la situation de ses parents ou de ceux à qui il est confié. Le paragraphe 3 du même article énonce des règles supplémentaires concernant le coût des mesures et précise l’objectif de l’assistance apportée aux enfants.

13.Afin de satisfaire aux prescriptions de l’article 23, les États parties doivent élaborer et appliquer une politique globale s’appuyant sur un plan d’action qui non seulement vise la pleine application des droits consacrés par la Convention, sans discrimination aucune, mais garantit aussi qu’un enfant handicapé et ses parents et/ou les personnes qui en ont la charge reçoivent les soins et l’assistance auxquels ils ont droit en vertu de la Convention.

14.Concernant les dispositions des paragraphes 2 et 3 de l’article 23, le Comité fait les observations suivantes:

a)La fourniture de soins spéciaux et d’une assistance est soumise à la disponibilité des ressources et gratuite chaque fois qu’il est possible. Le Comité engage les États parties à faire de la fourniture de soins spéciaux et d’une assistance aux enfants handicapés une question hautement prioritaire et d’investir au maximum les ressources disponibles dans l’élimination de la discrimination à l’égard des enfants handicapés et dans leur intégration maximale dans la société;

b)Les soins et l’assistance doivent être conçus de telle sorte que les enfants aient effectivement accès à l’éducation, à la formation, aux soins de santé, à la rééducation, à la préparation à l’emploi et aux activités récréatives et bénéficient de ces services. Lorsqu’il traitera d’articles spécifiques de la Convention, le Comité se penchera sur les mesures à prendre pour atteindre cet objectif.

15.En ce qui concerne le paragraphe 4 de l’article 23, le Comité note que l’échange international d’informations entre les États parties dans les domaines de la prévention et du traitement est très limité. Il recommande aux États parties de prendre des mesures efficaces, et le cas échéant ciblées, pour promouvoir activement l’information, conformément au paragraphe 4 de l’article 23, afin de permettre aux États parties d’améliorer leurs capacités et leurs compétences dans les domaines de la prévention et du traitement des handicaps chez les enfants.

16.Il est souvent malaisé de déterminer de quelle manière et jusqu’à quel degré les besoins des pays en développement sont pris en compte, conformément au paragraphe 4 de l’article 23. Le Comité recommande fermement aux États parties de veiller à ce que, dans le cadre de l’assistance bilatérale ou multilatérale au développement, une attention particulière soit accordée aux enfants handicapés et à leur survie et leur développement, conformément aux dispositions de la Convention, par exemple en élaborant et en appliquant des programmes spécialement conçus pour faciliter leur intégration dans la société et en allouant des crédits spécifiques à cet effet. Les États parties sont invités à fournir des informations dans leurs rapports au Comité sur les activités entreprises dans le cadre de la coopération internationale et sur les résultats obtenus.

III. MESURES D’APPLICATION GÉNÉRALES (art. 4, 42 et 44, par. 6)

A. Législation

17.Outre les mesures législatives recommandées en ce qui concerne la non‑discrimination (voir par. 9 ci‑dessus), le Comité recommande aux États parties d’entreprendre un examen complet de toute la législation interne et des directives administratives afin de veiller à ce que toutes les dispositions de la Convention soient applicables à tous les enfants, y compris aux enfants handicapés, qui devraient être explicitement mentionnés, le cas échéant. La législation et les directives administratives nationales devraient comporter des dispositions claires et explicites sur la protection et l’exercice des droits spécifiques des enfants handicapés, en particulier de ceux consacrés par l’article 23 de la Convention.

B. Politiques et plans d’action nationaux

18.La nécessité de mettre en place un plan d’action national qui intègre toutes les dispositions de la Convention est largement reconnue et a souvent figuré parmi les recommandations du Comité aux États parties. Les plans d’action doivent être globaux, comprendre des plans et des stratégies pour les enfants handicapés et avoir des résultats mesurables. Le projet de convention relative aux droits des personnes handicapées, au paragraphe 1 c) de son article 4, souligne l’importance de cette question en indiquant que les États parties doivent «prendre en compte la protection et la promotion des droits de l’homme des personnes handicapées dans toutes les politiques et dans tous les programmes» (A/AC.265/2006/4, annexe II). Il est également essentiel que tous les programmes soient dotés de ressources financières et humaines suffisantes et comprennent des mécanismes de suivi intégrés, faisant par exemple appel à des indicateurs permettant de mesurer avec exactitude les résultats obtenus. On ne saurait trop souligner qu’il importe d’inclure tous les enfants handicapés dans les politiques et programmes. Certains États parties ont lancé d’excellents programmes mais n’y ont pas intégré tous les enfants handicapés.

C. Données et statistiques

19.Afin de s’acquitter de leurs obligations, les États parties doivent créer et développer des mécanismes pour collecter des données qui soient exactes et normalisées, qui puissent être ventilées et qui rendent compte de la situation effective des enfants handicapés. Cette question est souvent négligée et n’est pas considérée comme une priorité alors qu’elle a un impact non seulement sur les mesures de prévention à prendre mais aussi sur la répartition des précieuses ressources nécessaires pour financer les programmes. L’un des principaux obstacles à l’obtention de statistiques exactes est l’absence de définition claire et largement reconnue des handicaps. Les États parties sont encouragés à élaborer une définition adaptée qui garantisse l’inclusion de tous les enfants handicapés, de façon que ces enfants bénéficient de la protection et des programmes spéciaux qui ont été mis en place pour eux. Des efforts supplémentaires sont souvent nécessaires pour collecter des données sur les enfants handicapés parce qu’ils sont fréquemment cachés par leurs parents ou les personnes qui s’en occupent.

D. Budget

20.Allocations budgétaires: en vertu de l’article 4, les États parties «prennent ces mesures dans toutes les limites des ressources dont ils disposent». Bien que la Convention ne contienne pas de recommandation spécifique quant au pourcentage du budget de l’État qui devrait être consacré aux services et aux programmes destinés aux enfants, elle souligne que ces derniers doivent être une priorité. La mise en œuvre de ce droit est source de préoccupation pour le Comité, car de nombreux États parties non seulement n’affectent pas de ressources suffisantes à l’enfance mais ont aussi réduit le budget alloué aux enfants au fil des ans. Cette tendance a de nombreuses et lourdes conséquences, en particulier pour les enfants handicapés qui figurent souvent − quand ils y figurent − au bas de la liste des priorités. Par exemple, si un État partie n’alloue pas de ressources suffisantes pour garantir un enseignement obligatoire, gratuit et de qualité pour tous les enfants, il y a peu de chances qu’il affecte des ressources à la formation d’enseignants qui se consacreront aux enfants handicapés ou qu’il prévoie un budget pour le matériel pédagogique et les moyens de transports nécessaires pour ces enfants. La décentralisation et la privatisation des services sont aujourd’hui des moyens de réforme économique. Cela étant, il ne faudrait pas oublier qu’il appartient à l’État partie de s’assurer que des ressources suffisantes sont affectées aux enfants handicapés et de définir des directives strictes pour la fourniture de services. Les ressources allouées aux enfants handicapés doivent être suffisantes − et leur être spécifiquement réservées afin de ne pas pouvoir être utilisées à d’autres fins − pour couvrir tous leurs besoins, y compris pour financer des programmes destinés à former les professionnels amenés à travailler avec ces enfants (enseignants, physiothérapeutes et décideurs, par exemple), l’organisation de campagnes de sensibilisation, la fourniture d’un appui financier aux familles, le maintien des revenus, la sécurité sociale, les appareils pour handicapés et les services connexes. En outre, il faut aussi financer d’autres programmes destinés à intégrer les enfants handicapés dans les écoles ordinaires, notamment en rénovant les établissements scolaires pour les rendre accessibles à ces enfants.

E. Organe de coordination: «Centre de coordination pour les handicaps»

21.Les services destinés aux enfants handicapés sont souvent fournis par différentes institutions gouvernementales ou non gouvernementales et, la plupart du temps, sont fragmentés et non coordonnés, ce qui entraîne des chevauchements de fonctions et des lacunes. Par conséquent, il devient essentiel de mettre en place un mécanisme de coordination adapté. Il devrait être multisectoriel et regrouper toutes les organisations, publiques ou privées. Il doit être doté des pouvoirs nécessaires et être appuyé par le gouvernement au plus haut niveau possible, afin de fonctionner au maximum de ses capacités. Un organe de coordination pour les enfants handicapés, qui ferait partie d’un système plus large de protection des droits de l’enfant ou d’un mécanisme national de coordination pour les personnes handicapées, présenterait l’avantage de travailler au sein d’un système préétabli, pour autant que le système en question fonctionne bien et soit capable de dégager les ressources financières et humaines nécessaires. D’un autre côté, un système de coordination distinct pourrait contribuer à concentrer l’attention sur les enfants handicapés.

F. Coopération interne et assistance technique

22.Afin de permettre à l’information de circuler librement entre les États parties et de cultiver une atmosphère de partage des connaissances concernant, notamment, la prise en charge et la réadaptation des enfants handicapés, les États parties devraient reconnaître l’importance de la coopération internationale et de l’assistance technique. Il faudrait prêter une attention particulière aux pays en développement qui ont besoin d’assistance pour la mise sur pied et/ou le financement de programmes de protection et de promotion des droits des enfants handicapés. Ces pays ont de plus en plus de mal à mobiliser les ressources nécessaires pour répondre aux besoins urgents des personnes handicapées et auraient grand besoin d’une assistance pour prévenir les handicaps, fournir des services, notamment de réadaptation, et favoriser l’égalisation des chances. Toutefois, pour répondre à ces besoins croissants, la communauté internationale devrait envisager de nouvelles façons de lever des fonds, y compris d’accroître sensiblement des ressources, et prendre les mesures nécessaires de suivi pour mobiliser les ressources. Par conséquent, les contributions volontaires des gouvernements, l’augmentation de l’assistance régionale et bilatérale et les contributions de sources privées devraient aussi être encouragées. L’UNICEF et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont contribué pour une très large part à aider les pays en développement à mettre en place et à appliquer des programmes pour les enfants handicapés. L’échange d’informations permet aussi de diffuser des connaissances médicales et des bonnes pratiques, comme la détection précoce et les approches communautaires de l’intervention précoce et de l’appui aux familles, et de trouver des solutions aux problèmes communs.

23.Les pays qui ont connu, ou continuent de connaître, un conflit interne ou externe, au cours duquel des mines terrestres ont été déposées, se heurtent à un problème particulier. Souvent, les États parties ne connaissent pas les plans des sites où ont été placées des mines ou des munitions non explosées et le coût du déminage est très élevé. Le Comité souligne l’importance de la coopération internationale, conformément à la Convention de 1997 sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, afin de prévenir les blessures et les décès provoqués par les mines terrestres et les munitions non explosées qui sont toujours présentes. À cet égard, le Comité recommande aux États parties de coopérer étroitement afin d’enlever complètement toutes les mines terrestres et les munitions non explosées dans les zones de conflit armé, actuel ou passé.

G. Mécanisme indépendant de surveillance

24.La Convention comme les Règles pour l’égalisation des chances des handicapés reconnaissent l’importance de la mise en place d’un système de surveillance adapté. Le Comité a souvent fait référence aux «Principes de Paris» (A/RES/48/134) comme étant les directives auxquelles les institutions de défense des droits de l’homme devraient se conformer (voir l’Observation générale no 2 (2002) du Comité sur le rôle des institutions nationales indépendantes de défense des droits de l’homme dans la protection et la promotion des droits de l’enfant). Les institutions nationales de défense des droits de l’homme peuvent prendre de nombreuses formes, comme celle d’un médiateur ou d’un commissaire et peuvent être généralistes ou spécifiques. Quel que soit le mécanisme choisi, il doit:

a)Être indépendant et doté de ressources humaines et financières suffisantes;

b)Être bien connu des enfants handicapés et de ceux qui s’occupent d’eux;

c)Être accessible physiquement et permettre aussi aux enfants handicapés de faire part de leurs plaintes ou de leurs problèmes facilement et en toute confidentialité;

d)Avoir l’autorité juridique pour recevoir, instruire et traiter les plaintes des enfants handicapés en faisant preuve de tact, eu égard à leur âge et à leur handicap.

H. Société civile

25.Bien que l’État ait obligation de s’occuper des enfants handicapés, ce sont souvent les ONG qui assument cette responsabilité, sans bénéficier de l’appui, du financement ou de la reconnaissance qu’ils devraient obtenir des gouvernements. Les États parties sont donc invités à appuyer les ONG et à coopérer avec elles pour leur permettre de contribuer à fournir des services aux enfants handicapés et veiller à ce qu’elles respectent pleinement les dispositions et les principes de la Convention. À cet égard, le Comité appelle l’attention des États parties sur les recommandations adoptées à l’issue de sa journée de débat général sur le secteur privé en tant que prestataire de services, tenue le 20 septembre 2002 (CRC/C/121, par. 630 à 653).

I. Diffusion des connaissances et formation des professionnels

26.La connaissance de la Convention et de ses dispositions spécifiquement consacrées aux enfants handicapés est un outil nécessaire et efficace pour la réalisation des droits de ces enfants. Les États parties sont encouragés à diffuser les connaissances, notamment en organisant des campagnes systématiques de sensibilisation, en élaborant des documents appropriés, comme une version de la Convention adaptée aux enfants, disponible aussi en braille, et en recourant aux médias pour favoriser l’adoption d’attitudes positives vis-à-vis des enfants handicapés.

27.Les professionnels travaillant avec et pour les enfants handicapés devraient, pour obtenir leur qualification, être tenus de suivre des programmes de formation comprenant des modules ciblés axés spécifiquement sur les droits de ces enfants. Ces professionnels sont notamment, mais non exclusivement, les décideurs, les juges, les avocats, les membres des forces de l’ordre, les éducateurs, le personnel de santé, les travailleurs sociaux et le personnel des médias.

IV. PRINCIPES GÉNÉRAUX

Article 2 − Non-discrimination

28.Voir paragraphes 8 à 10 ci-dessus.

Article 3 − Intérêt supérieur de l’enfant

29.«Dans toutes les décisions qui concernent les enfants […] l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale.» Par son caractère large, cet article vise à couvrir tous les aspects de la prise en charge et de la protection des enfants dans tous les contextes. Il porte sur l’action du législateur chargé de mettre en place le cadre juridique pour la protection des droits des enfants handicapés ainsi que sur les processus décisionnels relatifs à ces enfants. L’article 3 devrait constituer la base des programmes et des politiques et devrait être dûment pris en compte pour tous les services fournis aux enfants handicapés et pour toute décision les concernant.

30.La prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant est particulièrement importante dans les institutions et autres établissements qui fournissent des services aux enfants handicapés, car ils doivent se conformer aux normes et règlements et avoir pour considérations premières la sécurité et la protection des enfants et les soins à leur apporter. Ces considérations devraient primer sur toute autre et dans toutes circonstances, par exemple lors de l’affectation des budgets.

Article 6 − Droit à la vie, à la survie et au développement

31.Le droit inhérent à la vie, à la survie et au développement est un droit qui mérite une attention particulière en ce qui concerne les enfants handicapés. Dans de nombreux pays, les enfants handicapés sont victimes de pratiques qui compromettent totalement ou partiellement l’exercice de ce droit. Ils sont plus susceptibles de faire l’objet d’infanticide et, dans certaines cultures, ils sont considérés comme un mauvais présage qui pourrait nuire au «pedigree familial» et, par conséquent, une personne désignée par la communauté tue systématiquement ces enfants. Les coupables de ces crimes restent souvent impunis, ou ne sont condamnés qu’à des peines réduites. Les États parties sont instamment invités à prendre toutes les mesures qui s’imposent pour mettre fin à ces pratiques, notamment en sensibilisant le public, en adoptant une législation appropriée et en faisant appliquer des lois pour sanctionner comme il se doit tous ceux qui violent, directement ou indirectement, le droit à la vie, à la survie et au développement des enfants handicapés.

Article 12 − Respect de l’opinion de l’enfant

32.La plupart du temps, ce sont les adultes, handicapés ou non, qui adoptent les politiques et les décisions relatives aux enfants handicapés, sans que ceux-ci soient consultés. Il est essentiel que les enfants handicapés soient entendus dans toutes les procédures les concernant et leurs vues soient respectées, en tenant compte du développement de leurs capacités. Pour faire respecter ce principe, il faut que les enfants soient représentés dans différents organes comme les parlements, les comités et autres forums où ils peuvent faire entendre leur voix et participer à la prise de décisions les concernant en tant qu’enfants en général et en tant qu’enfants handicapés en particulier. Faire participer les enfants à la prise de décisions permet non seulement de veiller à ce que les politiques répondent bien à leurs besoins et à leurs souhaits mais aussi de favoriser leur intégration, le processus étant ainsi participatif. Les enfants devraient avoir accès à tout mode de communication leur permettant d’exprimer leur opinion plus facilement. En outre, les États parties devraient appuyer la formation des familles et des professionnels à la promotion et au respect du développement des capacités des enfants, afin que ceux‑ci puissent prendre de plus en plus de responsabilités dans la prise de décisions concernant leur propre existence.

33.Les enfants handicapés ont souvent besoin de services spécialisés dans les domaines de la santé et de l’éducation pour pouvoir tirer pleinement parti de leurs capacités. Cette question sera examinée plus en détail ci-après. Cela étant, il convient de noter que le bien-être et le développement spirituel, émotionnel et culturel des enfants handicapés sont très souvent négligés. La participation de ces enfants à des manifestations et à des activités favorisant ces aspects essentiels de la vie d’un enfant est soit nulle, soit minimale. En outre, lorsqu’ils sont invités à participer à des activités, il s’agit souvent d’activités spécialement conçues pour eux. Cette pratique ne fait qu’accroître la marginalisation des enfants handicapés et aggraver leur sentiment d’isolement. Les programmes et activités conçus pour le développement culturel et le bien-être spirituel de l’enfant devraient s’adresser à tous les enfants, handicapés ou non, en les impliquant de manière intégrée et participative.

V. LIBERTÉS ET DROITS CIVILS (art. 7, 8, 13 à 17, et 37 a))

34.Le droit à un nom et à une nationalité, à la préservation de l’identité, à la liberté d’expression, à la liberté de pensée, de conscience et de religion, à la liberté d’association et de réunion pacifique, à la protection de la vie privée, à ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et à ne pas être privé de liberté de façon illégale sont autant de libertés et droits civils qui doivent être respectés, protégés et promus pour tous, y compris pour les enfants handicapés. Il convient de prêter une attention particulière aux domaines dans lesquels les droits des enfants handicapés risquent le plus d’être bafoués ou dans lesquels il faudrait mettre en place des programmes spéciaux pour les protéger.

A. Enregistrement des naissances

35.Les enfants handicapés sont beaucoup plus susceptibles que les autres de ne pas être enregistrés à la naissance. Non enregistrés, ils ne sont pas reconnus par la loi et deviennent invisibles dans les statistiques gouvernementales. Le non-enregistrement a des conséquences profondes pour la réalisation de leurs droits, notamment en matière de nationalité et d’accès aux services sociaux et sanitaires et à l’éducation. Les enfants handicapés qui ne sont pas enregistrés à la naissance courent un risque plus élevé de négligence, de placement en institution, ou même de mort.

36.À la lumière de l’article 7 de la Convention, le Comité recommande aux États parties d’adopter toutes les mesures appropriées pour garantir l’enregistrement des enfants handicapés à la naissance. Ces mesures devraient comprendre l’élaboration et l’application d’un système efficace d’enregistrement, la suppression des frais d’enregistrement, l’introduction de bureaux mobiles d’enregistrement et, pour les enfants qui n’ont pas encore été enregistrés, la création d’unités d’enregistrement dans les écoles. Dans ce contexte, les États parties devraient veiller à ce que les dispositions de l’article 7 soient pleinement appliquées, conformément aux principes de non-discrimination (art. 2) et de respect de l’intérêt supérieur de l’enfant (art. 3).

B. Accès à une information appropriée et aux médias

37.L’accès à l’information et aux modes de communication, y compris aux systèmes et technologies de l’information et de la communication, permet aux enfants handicapés de vivre de façon indépendante et de participer pleinement à tous les aspects de la vie. Les enfants handicapés et les personnes qui s’occupent d’eux devraient avoir accès à l’information concernant leur handicap, afin d’être dûment informés sur le handicap, notamment ses causes, la façon de le gérer et le pronostic. Ces connaissances sont extrêmement précieuses car elles permettent aux enfants non seulement de s’adapter et de vivre mieux avec leur handicap mais aussi de s’impliquer davantage et de prendre des décisions informées concernant les soins à entreprendre. Les enfants handicapés devraient aussi avoir accès à des technologies appropriées et d’autres services ainsi qu’à des langues, comme le braille et la langue des signes, qui leur permettraient d’accéder aux médias sous toutes leurs formes, y compris la télévision, la radio et la presse écrite, ainsi que les nouveaux systèmes et technologies de l’information et de la communication, comme Internet.

38.Parallèlement, les États parties doivent protéger tous les enfants, y compris les enfants handicapés, contre les informations préjudiciables, notamment les documents pornographiques et les documents qui incitent à la xénophobie ou à toute autre forme de discrimination et qui pourraient renforcer les préjugés.

C. Accessibilité des transports et des bâtiments publics

39.L’inaccessibilité physique des transports et des bâtiments publics, y compris des administrations, des commerces et des équipements récréatifs, est un facteur essentiel de la marginalisation et de l’exclusion des enfants handicapés et compromet grandement leur accès aux services, notamment en matière de santé et d’éducation. Si l’accessibilité est en grande partie prise en compte dans les pays développés, elle est encore largement négligée dans le monde en développement. Tous les États parties sont instamment invités à élaborer des politiques et des procédures appropriées pour rendre les transports publics sûrs, facilement accessibles aux enfants handicapés et gratuits, chaque fois qu’il est possible, compte tenu des ressources financières des parents ou des personnes à qui ces enfants sont confiés.

40.Tous les nouveaux bâtiments publics devraient être conformes aux spécifications internationales concernant l’accès des personnes handicapées et les bâtiments existants, notamment les écoles, les établissements sanitaires, les administrations et les commerces, devraient être aménagés pour faciliter autant que possible l’accès des personnes handicapées.

VI. MILIEU FAMILIAL ET PROTECTION DE REMPLACEMENT (art. 5, 9 à 11, 18, par. 1 et 2, 19 à 21, 25, 27, par. 4, et 39)

A. Appui aux familles et responsabilités des parents

41.Les familles sont les mieux à même de pourvoir à l’entretien et à l’éducation des enfants handicapés pour autant qu’elles disposent des moyens nécessaires. Il est possible de leur venir en aide de plusieurs manières: en expliquant aux parents et aux frères et sœurs non seulement la nature et la cause du handicap de l’enfant mais aussi ses besoins physiques et mentaux particuliers; en leur offrant un appui psychologique tenant compte du stress et des difficultés auxquelles ces familles sont confrontées; en leur enseignant un moyen de communiquer avec la personne handicapée, par exemple le langage des signes; en leur offrant un soutien matériel sous forme d’allocations spéciales, de produits de consommation et d’équipements (mobilier spécial et dispositifs d’aide au déplacement, par exemple) permettant aux enfants handicapés de vivre d’une manière digne et autonome et de participer pleinement à la vie de la famille et aux activités sociales. À cet égard, il faudrait aussi fournir une assistance aux enfants qui sont sous la garde d’une personne handicapée. Par exemple, lorsque l’un des parents ou la personne qui s’occupe d’un enfant souffre d’un handicap, ce dernier devrait bénéficier d’un soutien de façon à préserver ses droits et lui permettre de continuer à vivre avec cette personne, si cela est dans son intérêt. Les mesures d’assistance devraient aussi comprendre différentes formes de prise en charge ponctuelle (par exemple, aide à domicile ou accès à des services de garderie d’enfants dans le voisinage). Ces services permettent aux parents de travailler et les déchargent du stress dans lequel ils vivent, tout en préservant un climat familial harmonieux.

B. Sévices ou délaissement

42.Les enfants handicapés sont particulièrement exposés à la violence, qu’elle soit psychologique, physique ou sexuelle, et ce, aussi bien dans le cadre de la famille qu’à l’école, dans les établissements privés ou publics, notamment dans les structures de protection de remplacement, sur le lieu de travail ou dans leur quartier. On dit souvent que les enfants handicapés courent cinq fois plus de risques d’être victimes de violences. Chez eux comme en institution, les enfants handicapés sont souvent victimes de brutalités physiques et de cruauté mentale ainsi que de sévices sexuels et ils sont en outre particulièrement exposés au délaissement du fait qu’ils représentent une charge physique et financière supplémentaire pour la famille. En outre, en l’absence d’un mécanisme efficace d’examen des plaintes et de surveillance, ces mauvais traitements deviennent systématiques. Les brimades à l’école sont une forme particulière de violence à laquelle sont exposés les enfants et qui touche plus fréquemment les enfants handicapés, pour les raisons suivantes:

a)Le fait qu’ils ne puissent pas entendre, se déplacer, s’habiller, aller aux toilettes et se laver tout seuls les expose davantage à des atteintes à leur intimité ou à des sévices;

b)S’ils sont séparés de leurs parents, de leurs frères et sœurs, d’autres membres de la famille et de leurs amis, ils sont davantage exposés à des violences;

c)Ceux d’entre eux qui présentent des problèmes de communication ou des déficiences intellectuelles suscitent parfois l’indifférence, la méfiance ou l’incompréhension lorsqu’ils se plaignent des abus dont ils ont été victimes;

d)Les parents ou les autres personnes qui s’occupent de l’enfant sont parfois extrêmement tendus ou stressés en raison des problèmes d’ordre physique, financier et psychologique que pose l’éducation de cet enfant. Des études ont montré que les personnes stressées ont davantage tendance à se montrer violentes;

e)Les enfants handicapés sont souvent considérés à tort comme dépourvus de sexualité et peu conscients de leur propre corps et sont, par conséquent, exposés à des mauvais traitements et en particulier à des sévices sexuels.

43.Dans les efforts qu’ils déploient pour lutter contre la violence et les mauvais traitements, les États parties sont instamment invités à prendre toutes les mesures de prévention nécessaires pour protéger les enfants handicapés, notamment:

a)Sensibiliser les parents et les autres personnes ayant la charge de ces enfants aux risques auxquels ces derniers sont exposés et leur apprendre à repérer les signes évocateurs de mauvais traitements;

b)Encourager les parents à se montrer très circonspects dans le choix des personnes et des établissements auxquels ils confient leur enfant et leur apprendre à déceler les signes de maltraitance;

c)Favoriser la création d’associations de soutien aux parents, aux frères et sœurs et aux personnes qui ont la charge d’enfants handicapés pour les aider à les élever et à faire face à leur handicap;

d)Faire prendre conscience aux enfants et aux personnes qui s’occupent d’eux que l’enfant a le droit d’être traité avec dignité et respect et qu’il a le droit de se plaindre aux autorités compétentes de toute violation de ce droit;

e)Veiller à ce que les établissements scolaires s’efforcent par tous les moyens de lutter contre les brimades et prêtent une attention particulière aux enfants handicapés, en leur assurant la protection nécessaire pour qu’ils puissent demeurer dans le système d’enseignement ordinaire;

f)Veiller à ce que le personnel employé par les établissements qui accueillent des handicapés bénéficie d’une formation spécialisée conforme aux normes en vigueur, à ce que ces établissements fassent l’objet d’une surveillance et d’une évaluation régulières et à ce qu’ils soient dotés de mécanismes d’examen des plaintes accessibles et à l’écoute des enfants;

g)Mettre sur pied un mécanisme d’examen des plaintes accessible et à l’écoute des enfants ainsi qu’un mécanisme opérationnel de surveillance, conformément aux Principes de Paris (voir par. 24 ci‑dessus);

h)Adopter toutes les mesures législatives nécessaires pour que les personnes qui maltraitent un enfant soient sanctionnées et éloignées du domicile, de manière à ce que l’enfant ne soit pas privé de sa famille et continue de vivre dans un environnement sûr et sain;

i)Assurer le traitement et la réinsertion des victimes de mauvais traitements, en mettant l’accent sur les programmes complets de réadaptation.

44.Dans ce contexte, le Comité souhaite aussi appeler l’attention des États parties sur le rapport de l’expert indépendant chargé de l’étude des Nations Unies sur la violence à l’encontre des enfants (A/61/299) qui décrit les enfants handicapés comme un groupe d’enfants particulièrement exposés à la violence. Il encourage les États parties à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les recommandations − générales et particulières − contenues dans ce rapport.

C. Protection de remplacement de type familial

45.La famille élargie, qui demeure l’une des structures essentielles pour l’éducation des enfants dans de nombreux pays et que l’on considère comme la meilleure solution de remplacement, doit être renforcée et dotée de moyens accrus pour venir en aide à l’enfant et à ses parents ou aux autres personnes qui prennent soin de lui.

46.Si les familles d’accueil représentent une solution de remplacement reconnue et utilisée dans un grand nombre d’États parties, force est de constater qu’elles répugnent bien souvent à assumer la garde d’enfants handicapés, qui, bien souvent, s’avère problématique en raison des soins supplémentaires dont certains d’entre eux ont besoin et des difficultés particulières que présente leur éducation sur le plan physique, psychologique et mental. Les organisations qui s’occupent du placement des enfants dans des familles d’accueil doivent par conséquent s’efforcer d’offrir à ces familles la formation et les encouragements nécessaires et leur fournir un appui pour leur permettre de s’occuper correctement des enfants handicapés.

D. Établissements

47.Le Comité s’est déclaré à maintes reprises préoccupé par le placement d’un nombre élevé d’enfants handicapés dans des établissements et par le fait que cette formule est la solution privilégiée dans de nombreux pays. La qualité des prestations assurées dans ces établissements, que ce soit dans le domaine de l’éducation, des soins de santé ou de la réadaptation, y est bien souvent largement insuffisante, soit parce qu’il n’existe pas de normes précises en la matière, soit parce qu’elles ne sont pas appliquées ou que leur application ne fait l’objet d’aucun contrôle. Ces établissements constituent en outre un contexte particulier dans lequel les enfants handicapés sont davantage exposés à des actes de cruauté mentale, des brutalités ou des sévices sexuels ou autres et au délaissement (voir par. 42 à 44 ci‑dessus). En conséquence, le Comité demande instamment aux États parties de ne considérer le placement en établissement que comme une mesure de dernier recours, à utiliser uniquement si elle est absolument nécessaire et conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant. Il leur recommande de veiller à ce que cette mesure ne soit pas adoptée dans le simple but de restreindre la liberté de l’enfant ou de limiter ses déplacements. Il préconise en outre une restructuration des établissements existants au profit de petites unités centrées sur les droits et les besoins de l’enfant, ainsi que l’élaboration de normes nationales applicables aux prestations fournies dans ces établissements et la mise en place de procédures rigoureuses de contrôle et de surveillance pour garantir l’application de ces normes.

48.Le Comité déplore que les enfants handicapés ne soient pas souvent entendus dans les procédures de séparation et de placement et que, d’une manière générale, le processus de prise de décisions n’attache pas suffisamment d’importance aux enfants en tant que partenaires, même si ces décisions ont d’importantes répercussions sur leur vie et leur avenir. En conséquence, il recommande à toutes les parties prenantes de poursuivre et d’intensifier leurs efforts pour prendre en considération les opinions des enfants handicapés et faciliter leur participation à toutes les affaires les concernant dans la procédure d’évaluation, de séparation et de placement dans une structure de protection en dehors du milieu familial et au cours du processus de transition. Il recommande que les enfants soient entendus tout au long de la procédure des mesures de protection, avant que la décision ne soit prise, pendant que la décision est appliquée et aussi après son application. À cette fin, il appelle l’attention des États parties sur les recommandations qu’il a adoptées à l’issue de sa journée de débat général consacrée aux enfants sans protection parentale, le 16 septembre 2005 (CRC/C/153, par. 636 à 689).

49.Les États parties sont par conséquent instamment priés d’élaborer des programmes de désinstitutionnalisation des enfants handicapés, en vue de les replacer au sein de leur famille ou de la famille élargie ou dans des familles d’accueil. Les parents et les autres membres de la famille élargie doivent systématiquement recevoir l’assistance et la formation nécessaires pour s’occuper d’un enfant handicapé, pour permettre à ces enfants de retourner vivre dans leur milieu familial.

E. Examen périodique du placement

50.Quelle que soit la formule choisie par les autorités compétentes pour le placement d’un enfant handicapé, il importe de mettre en place un examen périodique du traitement dont il fait l’objet et de toute autre circonstance relative à son placement, dans le souci de garantir son bien‑être.

VII. SANTÉ ET BIEN ‑ÊTRE (art. 6, 18, par. 3, 23, 24, 26 et 27, par. 1 à 3)

A. Droit à la santé

51.Le droit de jouir du meilleur état de santé possible et celui d’avoir accès à des soins de santé de qualité et financièrement accessibles sont des droits naturels et légitimes pour tous les enfants. Les enfants handicapés sont souvent privés de l’exercice de ces droits fondamentaux en raison des divers obstacles auxquels ils sont confrontés: discrimination, manque d’information et/ou de moyens financiers, problèmes de transport, éloignement géographique des établissements de santé et difficultés d’accès à ces établissements. Il faut mentionner aussi l’absence de programmes de soins de santé ciblés sur les besoins spécifiques de ces enfants. Les politiques sanitaires doivent prendre en considération l’ensemble des problèmes et favoriser un dépistage précoce des incapacités, une intervention rapide associant un traitement psychologique et physique et des mesures de réadaptation au moyen notamment d’appareillage, comme des prothèses de membres, des dispositifs d’aide à la marche, des appareils acoustiques et des aides visuelles.

52.Les services de santé destinés aux enfants handicapés devraient être fournis dans le cadre du même système que celui qui prend en charge les enfants non handicapés et devraient être gratuits, dans la mesure du possible, et qu’ils soient aussi modernes que possible. L’utilité des stratégies visant à fournir une assistance et permettre la réadaptation au sein de la communauté doit être prise en considération dans la fourniture de services de santé aux enfants handicapés. Les États parties doivent s’assurer que les professionnels de la santé qui travaillent avec des enfants handicapés ont reçu la meilleure formation possible et qu’ils possèdent une grande expérience dans ce domaine. À cette fin, bon nombre d’entre eux tireraient grand profit d’une coopération avec des organisations internationales et d’autres États parties.

B. Prévention

53.Les causes de handicap sont multiples et les activités de prévention doivent être adaptées en conséquence. Dans certaines sociétés où la pratique des mariages consanguins est répandue, il est possible de prévenir les maladies héréditaires qui sont souvent à l’origine d’incapacités, par une meilleure information du public et la promotion du dépistage préconceptionnel. Les maladies transmissibles restent à l’origine d’un grand nombre d’infirmités dans le monde et les programmes de vaccination doivent être intensifiés en vue d’atteindre l’objectif de la vaccination universelle contre toutes les maladies transmissibles évitables. La malnutrition a des effets à long terme sur le développement de l’enfant et peut être à l’origine de handicaps comme la cécité liée à la carence en vitamine A. Le Comité recommande aux États parties de renforcer les soins prénatals pour les enfants et de veiller à la qualité des soins prodigués pendant l’accouchement. Il leur recommande en outre de mettre en place des services de soins de santé postnatals et d’organiser des campagnes d’information destinées aux parents et aux autres personnes qui s’occupent d’enfants sur les soins de santé de base et les questions de nutrition et, à cet égard, de continuer à coopérer avec des organisations comme l’OMS et l’UNICEF et de solliciter leur assistance technique si nécessaire.

54.Les accidents domestiques et les accidents de la circulation étant à l’origine d’un très grand nombre de handicaps dans certains pays, il importe d’adopter et de faire appliquer des mesures de prévention, telles que des lois sur le port de la ceinture et la sécurité routière. Certains comportements néfastes tels que la consommation excessive d’alcool et de drogues pendant la grossesse, sont aussi une cause de handicap évitable et, dans certains pays, le syndrome d’alcoolisme fœtal est un grave sujet de préoccupation. Il est possible de prévenir ces causes d’incapacité par un certain nombre de mesures comme celles qui consistent à éduquer la population ou à recenser et soutenir les femmes enceintes qui ont tendance à abuser de ces substances. De nombreux handicaps sont aussi attribuables aux produits toxiques présents dans l’environnement, comme par exemple le plomb, le mercure et l’amiante, que l’on trouve couramment dans la plupart des pays. Les pays devraient élaborer et mettre en œuvre des politiques visant à prévenir la pollution de l’environnement, notamment par l’interdiction du rejet de substances dangereuses. Ils devraient aussi adopter des directives et des garanties très strictes pour prévenir les irradiations accidentelles.

55.Les conflits armés et leurs retombées telles que la facilité d’accès à des armes légères sont aussi une source importante d’incapacités. Les États parties sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les enfants des effets délétères des conflits et de la violence armée et pour que les enfants touchés par un conflit armé puissent bénéficier de services de santé et de protection sociale appropriés, notamment pour leur réadaptation psychosociale et leur réintégration sociale. Le Comité insiste en particulier sur l’importance d’informer les enfants, les parents et l’ensemble de la population des dangers représentés par les mines terrestres et les munitions non explosées, en vue de prévenir des blessures et des décès. Il invite instamment les États parties à poursuivre leurs activités de détection des mines terrestres et des munitions non explosées, à prendre des mesures pour tenir les enfants éloignés des zones à risque et à renforcer leurs activités de déminage, en sollicitant le cas échéant un appui technique et financier d’une structure de coopération internationale, y compris d’organismes des Nations Unies. (Se reporter également au paragraphe 23 supra consacré aux mines terrestres et aux munitions non explosées et au paragraphe 78 ci‑après consacré aux conflits armés dans le cadre des mesures de protection spéciales.)

C. Dépistage précoce

56.Les handicaps sont souvent détectés tardivement chez les enfants, rendant le traitement et la réadaptation impossibles. Pour pouvoir dépister les handicaps de manière précoce, les professionnels de la santé, les parents, le personnel enseignant et les autres professionnels qui travaillent avec des enfants doivent être extrêmement bien informés. Ils doivent être capables de reconnaître les premiers signes d’une incapacité et de diriger l’enfant vers les services compétents pour l’établissement du diagnostic et l’administration du traitement. C’est pourquoi le Comité recommande aux États parties de mettre en place un système de dépistage précoce et d’intervention rapide dans le cadre des services de santé, ainsi qu’un système d’enregistrement des naissances et des procédures permettant de suivre les progrès accomplis par un enfant atteint d’un handicap qui a été détecté très tôt. Les services doivent être proposés au niveau de la collectivité et à domicile et être aisément accessibles. En outre, les services d’intervention rapide doivent travailler en collaboration avec les établissements préscolaires et scolaires pour faciliter la transition.

57.Lorsqu’une incapacité a été décelée, les structures compétentes doivent mettre rapidement en place un traitement et des mesures de réadaptation en fournissant tous les appareils nécessaires pour assurer la pleine capacité fonctionnelle de l’enfant handicapé (dispositifs d’aide à la mobilité, appareils acoustiques, aides visuelles et prothèses). Il importe en outre que ces prestations soient, dans la mesure du possible, fournies gratuitement, sans donner lieu à des démarches longues et fastidieuses.

D. Soins pluridisciplinaires

58.Les enfants handicapés souffrent très souvent de multiples problèmes de santé dont le traitement doit être envisagé de façon globale. Ils sont très souvent obligés de consulter de nombreux spécialistes parmi lesquels des neurologues, des psychologues, des psychiatres, des chirurgiens orthopédistes et des kinésithérapeutes. L’idéal serait que ces professionnels établissent collectivement un plan de prise en charge des enfants handicapés afin de garantir une efficacité maximale.

E. Santé et développement de l’adolescent

59.Le Comité note que les enfants handicapés ont beaucoup de difficultés à établir des relations avec les enfants de leur âge, notamment pendant l’adolescence, et qu’ils sont particulièrement vulnérables sur le plan de la santé procréative. Il recommande par conséquent aux États parties de leur donner les informations, les conseils et l’orientation nécessaires pour gérer leur handicap et de se conformer pleinement à ses Observations générales no 3 (2003) sur le VIH/sida et les droits de l’enfant et no 4 (2003) sur la santé et le développement de l’adolescent dans le contexte de la Convention relative aux droits de l’enfant.

60.Le Comité est profondément préoccupé par la pratique de la stérilisation forcée des enfants handicapés, et surtout des filles, qui constitue une grave violation du droit de l’enfant à l’intégrité physique et dont les conséquences, tant sur les plans physique que psychologique, perdurent tout au long de la vie. Il demande instamment aux États parties d’édicter des lois interdisant la stérilisation forcée des enfants handicapés.

F. Recherche

61.Les causes, la prévention et la prise en charge des incapacités ne reçoivent pas l’attention qu’elles méritent dans les programmes de recherche nationaux et internationaux. Les États parties sont invités à inscrire cette question dans leurs priorités nationales et à financer et suivre de près la recherche axée sur l’incapacité, en se préoccupant tout particulièrement de ses répercussions sur le plan éthique.

VIII. ÉDUCATION ET LOISIRS (art. 28, 29 et 31)

A. Éducation de qualité

62.Les enfants handicapés ont droit à l’éducation au même titre que tous les autres enfants et l’exercice de ce droit doit leur être assuré sans discrimination et sur la base de l’égalité des chances, ainsi que le prévoit la Convention. À cette fin, les États parties doivent veiller à ce que les enfants handicapés aient effectivement accès à l’éducation pour favoriser «l’épanouissement de la personnalité de l’enfant et le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leur potentialité (voir art. 28 et 29 de la Convention et l’Observation générale no 1 (2001) du Comité sur les buts de l’éducation). La Convention reconnaît la nécessité de modifier les pratiques scolaires et de dispenser une formation aux enseignants pour les préparer à enseigner à des enfants qui ont différentes compétences et à obtenir d’eux de bons résultats scolaires.

63.Étant donné que les enfants handicapés sont très différents les uns des autres, les parents, les enseignants et les autres professionnels spécialisés doivent aider chaque enfant à mettre au point ses propres techniques de communication et son propre langage, et à trouver les méthodes d’interaction, d’orientation et de résolution des problèmes les mieux adaptées à ses possibilités. Chacune des personnes qui s’efforce d’améliorer les compétences, les capacités et l’autonomie d’un enfant doit suivre de près son évolution et être attentive à ses messages verbaux et émotionnels, afin de soutenir du mieux possible son éducation et son épanouissement.

B. Estime de soi et confiance en soi

64.L’éducation d’un enfant handicapé doit absolument viser à améliorer l’image qu’il a de lui‑même, en faisant en sorte qu’il se sente respecté par les autres, en tant qu’être humain dans toute sa dignité. Il doit être à même de s’apercevoir que les autres le respectent et reconnaissent ses libertés et ses droits fondamentaux. L’intégration d’un enfant handicapé au milieu d’autres enfants dans une classe montre à l’enfant qu’il est reconnu dans son identité et qu’il appartient à la communauté des élèves, à celle des enfants de son âge et à l’ensemble des citoyens. L’utilité du soutien par les pairs pour développer l’estime que les enfants handicapés ont d’eux-mêmes devrait être plus largement reconnue. L’éducation devrait aussi autonomiser l’enfant en lui apprenant le contrôle et en lui permettant de réussir, dans la mesure de ses moyens.

C. Éducation dans le système scolaire

65.L’éducation préscolaire est particulièrement importante pour les enfants handicapés car c’est souvent à ce stade que l’on découvre leurs incapacités et leurs besoins spéciaux. Il est extrêmement important d’intervenir le plus tôt possible afin d’aider les enfants à développer tout leur potentiel. Lorsque le handicap ou le retard de développement d’un enfant est dépisté très tôt, ce dernier a beaucoup plus de chance de bénéficier d’une éducation préscolaire adaptée à ses besoins. Les programmes éducatifs destinés à la petite enfance proposés par l’État, la communauté ou des institutions de la société civile peuvent grandement contribuer au bien‑être et au développement de tous les enfants handicapés (voir l’Observation générale no 7 (2005) du Comité sur la mise en œuvre des droits de l’enfant dans la petite enfance). L’éducation élémentaire, qui recouvre l’enseignement primaire, et dans bon nombre d’États parties, l’enseignement secondaire, doit être dispensée gratuitement aux enfants handicapés. Les établissements scolaires ne doivent présenter aucun obstacle à la communication ou à l’accès des enfants à mobilité réduite. De même, l’accès à l’enseignement supérieur, qui se fait sur la base des capacités, doit être possible pour les adolescents handicapés possédant le niveau requis. Afin de pouvoir exercer pleinement leur droit à l’éducation, beaucoup d’enfants ont besoin d’une assistance individuelle, et en particulier d’enseignants formés aux méthodes et techniques d’enseignement spécialisé, comme les langages spéciaux et à d’autres modes de communication, qui soient capables de s’adapter à des enfants atteints de diverses incapacités et d’utiliser des stratégies d’enseignement individualisées ainsi que des matériels didactiques, équipements et dispositifs d’assistance que les États parties doivent mettre à leur disposition dans toutes les limites des ressources dont ils disposent.

D. Éducation intégratrice

66.L’éducation des enfants handicapés doit être axée sur leur intégration. Les modalités de cette intégration dépendent des besoins éducatifs individuels de l’enfant, puisque l’éducation de certains enfants handicapés nécessite des mesures d’assistance qui ne sont pas forcément proposées dans le système scolaire ordinaire. Le Comité prend note de l’engagement explicite en faveur de l’objectif de l’éducation intégratrice qui transparaît dans le projet de convention relative aux droits des personnes handicapées, lequel fait obligation aux États de veiller à ce que les personnes handicapées, y compris les enfants, ne soient pas exclues du système d’enseignement général sur le fondement de leur handicap et qu’elles bénéficient, au sein du système d’enseignement général, de l’accompagnement nécessaire pour faciliter leur éducation effective. Il encourage les États parties qui ne l’ont pas encore fait à introduire les mesures nécessaires pour mettre en place un programme d’intégration. Toutefois, il souligne que les modalités de cette intégration peuvent varier. D’autres options doivent être proposées lorsqu’il n’est pas possible d’offrir une éducation pleinement intégrée dans un avenir immédiat.

67.Si le concept de l’éducation intégrée est très en vogue depuis quelques années, il n’a pas toujours la même signification. Le concept repose sur une série de valeurs, de principes et de pratiques ayant pour objectif l’instauration d’un mode d’éducation cohérent, efficace et de qualité qui tienne compte de la diversité des conditions et des besoins d’apprentissage, non seulement des enfants handicapés mais aussi de tous les élèves. Plusieurs formules peuvent être adoptées pour atteindre cet objectif en respectant la diversité des enfants. L’intégration peut aller du placement à plein temps de tous les enfants handicapés dans une classe ordinaire au placement pour certains cours seulement, complété par un enseignement spécialisé. Il importe de souligner que l’intégration ne peut en aucune façon être comprise ni appliquée comme le simple fait d’intégrer les enfants handicapés dans le système ordinaire sans tenir compte de leurs problèmes et de leurs besoins particuliers. Une étroite coopération est indispensable entre les enseignants spécialisés et les enseignants généralistes. Il convient de revoir les programmes scolaires et de les réadapter pour répondre aux besoins des enfants, handicapés ou non. Les programmes de formation des enseignants et autres personnels qui participent au système éducatif doivent être modifiés afin de prendre en considération la philosophie de l’éducation intégratrice.

E. L’éducation, y compris la formation et l’orientation professionnelles

68.Toutes les personnes handicapées, quel que soit leur âge, doivent bénéficier d’une orientation et d’une formation professionnelles. Il faut impérativement commencer cette préparation à un très jeune âge parce qu’un parcours professionnel se commence très tôt et se poursuit tout au long de la vie. Le fait d’inculquer aux enfants des aspirations et une formation professionnelles le plus tôt possible dès le début de l’enseignement élémentaire leur permet de faire de meilleurs choix professionnels plus tard dans la vie. L’orientation professionnelle à l’école élémentaire ne signifie pas que les enfants sont utilisés pour accomplir des travaux en ouvrant la voie à l’exploitation économique. Dans un premier temps, les élèves choisissent les objectifs en fonction de leurs capacités naissantes puis, dans le secondaire, un programme fonctionnel devrait leur inculquer des compétences et leur offrir l’accès à une expérience professionnelle, sous la surveillance conjointe et systématique de l’école et de l’employeur.

69.L’orientation et la formation professionnelles devraient faire partie du programme scolaire. Il convient d’inculquer aux enfants un intérêt pour la vie professionnelle et des compétences professionnelles pendant les années d’enseignement obligatoire. Dans les pays où seules les années d’enseignement élémentaire sont obligatoires, une formation professionnelle devrait être rendue obligatoire après l’enseignement élémentaire pour les enfants handicapés. Les gouvernements doivent mettre en place des politiques et consacrer un budget suffisant à cet effet.

F. Activités récréatives et culturelles

70.La Convention garantit à l’article 31 le droit de l’enfant d’avoir des activités récréatives et culturelles adaptées à son âge. Cet article doit être interprété comme faisant référence à l’âge et aux capacités de l’enfant sur les plans mental, psychologique et physique. Le jeu est reconnu comme le meilleur moyen d’acquérir diverses aptitudes, y compris celle de vivre en société. Les enfants handicapés s’intègrent parfaitement dans la société lorsqu’on leur offre la possibilité et le temps de jouer en compagnie d’autres enfants (handicapés ou non) ainsi que des lieux ad hoc. Des activités récréatives et ludiques devraient être enseignées aux enfants handicapés d’âge scolaire.

71.Il faut offrir aux enfants handicapés des chances égales de participer à diverses activités culturelles et artistiques mais aussi sportives. Ces activités doivent être considérées à la fois comme un moyen de s’exprimer et un moyen d’atteindre une qualité de vie satisfaisante.

G. Sports

72.Dans toute la mesure possible, il convient d’associer les enfants handicapés à des activités sportives, compétitives ou non. Plus exactement, dans la mesure où un enfant handicapé est capable de se mesurer à un enfant non handicapé, il faut l’encourager dans cette voie. Cela dit, étant donné que le sport est axé sur des performances physiques, il est souvent nécessaire d’organiser des jeux et des activités réservés aux enfants handicapés pour qu’ils puissent s’affronter dans des conditions d’égalité et de sécurité. Il faut toutefois souligner que, lorsque de telles manifestations sont organisées, les médias devraient jouer leur rôle en leur assurant la même couverture que les compétitions sportives pour enfants non handicapés.

IX. MESURES DE PROTECTION SPÉCIALES (art. 22, 32 à 36, 37 b), c) et d), 38, 39 et 40)

A. Administration de la justice pour mineurs

73.Conformément à l’article 2, les États parties sont tenus de veiller à ce que les enfants handicapés en conflit avec la loi (tels que les cas décrits au paragraphe 1 de l’article 40) soient protégés non seulement par les dispositions de la Convention qui se rapportent expressément à la justice pour mineurs (art. 37, 39 et 40) mais aussi par toutes les autres dispositions et garanties contenues dans la Convention, par exemple dans le domaine de la santé et de l’éducation. En outre, les États parties devraient prendre, le cas échéant, des mesures spéciales pour garantir aux enfants handicapés l’exercice des droits susmentionnés et la protection conférée par ces droits.

74.S’agissant des droits consacrés à l’article 23 et compte tenu du niveau élevé de vulnérabilité des enfants handicapés, le Comité recommande − en complément de la recommandation générale qu’il a faite au paragraphe 73 ci‑dessus − que soient pris en compte les éléments ci‑après concernant le traitement des enfants handicapés (réputés être) en conflit avec la loi:

a)L’interrogatoire d’un enfant handicapé qui entre en conflit avec la loi doit être conduit dans la langue appropriée et par des professionnels tels que des policiers, avocats, agents des services sociaux, procureurs et/ou juges, dûment formés à cette fin;

b)Les gouvernements doivent élaborer et mettre en œuvre une série de mesures susceptibles d’être adaptées à la situation de chaque enfant, qui permettent de ne pas recourir à des poursuites judiciaires. Il convient d’éviter au maximum de soumettre un enfant handicapé en conflit avec la loi à une procédure officielle/juridique et de réserver cette solution aux cas où elle s’avère nécessaire dans l’intérêt de l’ordre public. Dans cette éventualité, il faut s’efforcer d’expliquer à l’enfant les modalités de la procédure judiciaire impliquant des mineurs et l’informer de ses droits;

c)Les enfants handicapés en conflit avec la loi ne devraient pas être placés dans un centre de détention pour jeunes délinquants au stade de la détention avant jugement ni à titre de sanction. La privation de liberté ne devrait être imposée que dans la mesure où elle est nécessaire pour assurer à l’enfant un traitement adapté aux problèmes qui sont à l’origine de l’infraction commise et celui‑ci doit être placé dans un établissement disposant de personnels spécialement formés et des équipements nécessaires à son traitement. L’autorité compétente à qui incombe cette décision doit veiller à ce que les droits de l’homme et les garanties légales soient pleinement respectés.

B. Exploitation économique

75.Les enfants handicapés sont plus exposés que les autres à différentes formes d’exploitation économique, notamment aux pires formes de travail des enfants, au trafic de drogues et à la mendicité. Le Comité recommande en conséquence aux États parties qui ne l’ont pas encore fait de ratifier les Conventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT) no 138 concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi et no182 concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination. Dans la mise en œuvre de ces conventions, les États parties sont invités à s’intéresser tout particulièrement à la vulnérabilité et aux besoins des enfants handicapés.

C. Enfants des rues

76.Les enfants handicapés, et en particulier ceux qui souffrent d’incapacité physique, finissent souvent dans la rue pour toutes sortes de raisons, notamment économiques et sociales. Il convient d’assurer aux enfants handicapés qui vivent ou travaillent dans la rue ce qu’il leur faut comme nourriture, habillement, logement, soins de santé et possibilités d’éducation, y compris l’apprentissage des compétences nécessaires dans la vie courante et de les protéger contre les dangers auxquels ils sont exposés et notamment contre l’exploitation économique et sexuelle. À cet égard, une approche individualisée est nécessaire pour prendre en compte les besoins et les capacités propres à chaque enfant. Le Comité s’inquiète en particulier de ce que les enfants handicapés sont parfois exploités à des fins de mendicité dans la rue ou ailleurs, certains étant même rendus infirmes à cette fin. Les États parties sont invités à prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir et pénaliser expressément cette forme d’exploitation, et faire en sorte que les coupables soient traduits en justice.

D. Exploitation sexuelle

77.Le Comité s’est souvent déclaré gravement préoccupé par le nombre croissant d’enfants victimes de prostitution infantile et de pornographie impliquant des enfants. Les enfants handicapés sont plus exposés que les autres. Les gouvernements sont instamment invités à mettre en œuvre le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et, dans l’exercice des obligations qui leur incombent en vertu de cet instrument, à accorder une attention particulière à la protection des enfants handicapés compte tenu de leur grande vulnérabilité.

E. Enfants touchés par des conflits armés

78.Les conflits armés, ainsi qu’on l’a déjà dit plus haut, sont l’une des principales causes d’incapacité pour les enfants, qu’ils participent ou non aux hostilités. Dans ce contexte, les gouvernements sont instamment priés de ratifier et mettre en œuvre le Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en prêtant une attention spéciale à la réadaptation et à la réinsertion sociale des enfants rendus infirmes par des conflits armés. Le Comité recommande en outre aux États parties d’interdire expressément l’enrôlement d’enfants dans les forces armées et de prendre les mesures nécessaires, d’ordre législatif et autres, pour assurer la pleine mise en œuvre de cette interdiction.

F. Enfants réfugiés ou déplacés à l’intérieur de leur pays, enfants appartenant à des minorités et enfants autochtones

79.Certaines incapacités résultent directement d’événements comme des catastrophes naturelles ou provoquées par l’homme, qui sont responsables de la situation dans laquelle se trouvent des personnes réfugiées ou déplacées à l’intérieur de leur pays. Ainsi, des enfants réfugiés ou déplacés à l’intérieur de leur pays, tout comme ceux qui appartiennent à la population résidente, continuent d’être blessés ou tués par des mines terrestres ou des munitions non explosées, de nombreuses années après la fin d’un conflit armé. Les enfants réfugiés ou déplacés à l’intérieur de leur pays qui sont handicapés sont exposés à des multiples formes de discrimination, et en particulier les filles, qui sont la cible privilégiée de violences, notamment sexuelles, de délaissement et d’exploitation. Le Comité insiste tout particulièrement sur le fait que les enfants handicapés réfugiés ou déplacés doivent bénéficier en priorité d’une assistance spéciale, notamment en vue de les soustraire à de tels risques, de leur faciliter l’accès à des services de santé et de protection sociale appropriés, notamment pour leur réadaptation psychosociale et leur réintégration. Le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a fait des enfants sa priorité et adopté plusieurs documents pour orienter ses activités dans ce domaine, et notamment les Principes directeurs concernant les enfants réfugiés, publiés en 1988, qui font partie de sa politique concernant les enfants réfugiés. Le Comité recommande en outre aux États parties de prendre en considération son Observation générale no 6 (2005) sur le traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine.

80.Il convient de tenir compte, dans toutes les mesures prises pour protéger et promouvoir les droits des enfants handicapés, de la vulnérabilité et des besoins particuliers des enfants appartenant à des minorités et des enfants autochtones, qui sont souvent déjà marginalisés dans leur propre communauté. Les programmes et politiques doivent toujours tenir compte des questions culturelles et ethniques.

Quarante-quatrième session (2007)

Observation générale n o 10: Les droits de l’enfant dans le système de justice pour mineurs

I. INTRODUCTION

1.Dans les rapports qu’ils soumettent au Comité des droits de l’enfant (ci‑après dénommé le Comité), les États parties consacrent souvent une section assez détaillée aux droits des enfants suspectés, accusés ou convaincus d’infraction à la loi pénale, également qualifiés d’«enfants en conflit avec la loi». Eu égard aux directives générales du Comité concernant les rapports périodiques, les informations que fournissent les États parties portent principalement sur la mise en œuvre des articles 37 et 40 de la Convention relative aux droits de l’enfant (ci‑après dénommée la Convention). Le Comité prend note avec satisfaction des nombreux efforts entrepris en vue de mettre en place un système d’administration de la justice pour mineurs conforme à la Convention. Il est cependant aussi clair que de nombreux États parties ont encore beaucoup à faire pour respecter pleinement la Convention, par exemple en ce qui concerne les droits procéduraux, la définition et l’application de mesures permettant de traiter les enfants en conflit avec la loi sans recourir à la procédure judiciaire, et l’usage de la privation de liberté uniquement en tant que mesure de dernier ressort.

2.Le Comité s’inquiète aussi du manque de renseignements sur les mesures que les États parties ont prises pour éviter que les enfants n’entrent en conflit avec la loi. Cela pourrait être imputable à l’absence de politique globale dans le domaine de la justice pour mineurs. Cette dernière pourrait aussi expliquer pourquoi de nombreux État parties ne fournissent que très peu de données statistiques sur le traitement des enfants en conflit avec la loi.

3.Les enseignements tirés de l’examen des résultats obtenus par les États parties dans le domaine de la justice pour mineurs sont à l’origine de la présente observation générale, par laquelle le Comité entend adresser aux États parties des directives et recommandations plus élaborées concernant les efforts qu’ils déploient pour instituer un système d’administration de la justice pour mineurs conforme à la Convention. Pareil système, qui devrait notamment promouvoir l’utilisation de mesures de substitution telles que la déjudiciarisation et la justice réparatrice, donnera aux États parties les moyens de s’occuper des enfants en conflit avec la loi d’une manière efficace correspondant tant à l’intérêt supérieur de ces enfants qu’aux intérêts à court et à long terme de la société dans son ensemble.

II. OBJECTIFS DE LA PRÉSENTE OBSERVATION GÉNÉRALE

4.Le Comité tient d’emblée à souligner qu’en vertu de la Convention les États parties sont tenus de formuler et d’appliquer une politique globale en matière de justice pour mineurs. Cette approche globale ne saurait se borner à la seule application des dispositions précises énoncées aux articles 37 et 40 de la Convention, mais doit aussi tenir compte des principes généraux que consacrent les articles 2, 3, 6 et 12 de la Convention, ainsi que tous les autres articles pertinents de la Convention, dont les articles 4 et 39. La présente observation générale vise donc à:

Encourager les États parties à formuler et appliquer une politique globale en matière de justice pour mineurs tendant à prévenir et à maîtriser la délinquance juvénile en se fondant sur la Convention et en la respectant, et à solliciter à cet égard les conseils et le soutien du Groupe de coordination interinstitutions dans le domaine de la justice pour mineurs, qui a été créé en application de la résolution 1997/30 du Conseil économique et social et où siègent des représentants du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et d’organisations non gouvernementales;

Formuler à l’intention des États parties des conseils et des recommandations concernant tant la teneur d’une politique globale en matière de justice pour mineurs, une attention particulière étant portée à la prévention de la délinquance juvénile, à l’introduction de mesures de substitution permettant de faire face à la délinquance juvénile sans recourir à la procédure judiciaire, que l’interprétation et l’application de toutes les autres dispositions énoncées aux articles 37 et 40 de la Convention;

Favoriser l’incorporation, dans la politique nationale globale en matière de justice pour mineurs, des diverses autres normes internationales, en particulier: l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté (Règles de La Havane) et les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad).

III. JUSTICE POUR MINEURS: PRINCIPES CONDUCTEURS D’UNE POLITIQUE GLOBALE

5.Avant d’aborder plus en détail les prescriptions de la Convention, le Comité tient en premier lieu à exposer les principes conducteurs d’une politique globale en matière de justice pour mineurs. Dans l’administration de la justice pour mineurs, les États parties sont tenus d’appliquer systématiquement les principes généraux énoncés dans les articles 2, 3, 6 et 12 de la Convention, ainsi que les principes fondamentaux de la justice pour mineurs énoncés aux articles 37 et 40.

Non ‑discrimination (art. 2)

6.Les États parties sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer l’égalité de traitement à tous les enfants en conflit avec la loi. Une attention particulière doit être portée à la discrimination et aux disparités de fait, qui pourraient être imputables à l’absence de politique cohérente et concernent les groupes vulnérables d’enfants, dont les enfants des rues, les enfants appartenant à une minorité raciale, ethnique, religieuse ou linguistique, les enfants autochtones, les filles, les enfants handicapés et les enfants en conflit de manière récurrente avec la loi (récidivistes). La formation de tous les professionnels intervenant dans l’administration de la justice pour mineurs revêt de l’importance à cet égard (voir plus loin par. 97), de même que l’adoption de normes, règles ou protocoles propres à conforter l’égalité de traitement pour les enfants délinquants et à garantir voies de recours, réparation et indemnisation.

7.De nombreux enfants en conflit avec la loi sont en outre victimes de discrimination, par exemple en matière d’accès à l’éducation ou au marché du travail. Il faut prendre des mesures pour prévenir la discrimination, en particulier apporter aux enfants ex‑délinquants un soutien et une assistance adaptés en vue de favoriser les efforts qu’ils déploient pour se réinsérer dans la société, et mener des campagnes en direction de la population pour la sensibiliser au droit de ces enfants à assumer un rôle constructif au sein de la société (art. 40 1)).

8.Il est assez courant que le Code pénal contienne des dispositions incriminant divers problèmes comportementaux des enfants, tels que le vagabondage, l’absentéisme scolaire, la fugue et certains autres actes, alors qu’ils sont fréquemment imputables à des difficultés psychologiques ou socioéconomiques. Il est particulièrement préoccupant que des filles et des enfants des rues soient bien souvent traités à ce titre comme des criminels. Les actes en cause, qualifiés de délits d’état, ne constituent pas une infraction s’ils sont commis par des adultes. Le Comité recommande aux États parties d’abolir les dispositions relatives aux délits d’état afin d’assurer l’égalité de traitement entre enfants et adultes devant la loi. Le Comité renvoie en outre à ce propos à l’article 56 des Règles de Riyad qui se lit comme suit: «Pour prévenir toute stigmatisation, victimisation et criminalisation ultérieures des jeunes, il faudrait adopter des textes disposant que les actes non considérés comme délictuels ou pénalisés s’ils sont commis par un adulte ne devraient pas être sanctionnés s’ils sont commis par un jeune.».

9.Des conduites comme le vagabondage, l’errance dans les rues ou la fugue devraient de surcroît être traitées en mettant en œuvre des mesures propres à protéger ces enfants, en particulier sous la forme d’un soutien efficace à leurs parents et/ou gardiens, ainsi que des mesures tendant à remédier aux causes profondes de ces conduites.

Intérêt supérieur de l’enfant (art. 3)

10.L’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions prises au titre de l’administration de la justice pour mineurs. Les enfants diffèrent des adultes par leur degré de développement physique et psychologique, ainsi que par leurs besoins affectifs et éducatifs. Ces différences constituent le fondement de la responsabilité atténuée des enfants en conflit avec la loi. Ces différences, et d’autres, justifient l’existence d’un système distinct de justice pour mineurs et requièrent un traitement différencié pour les enfants. La protection de l’intérêt supérieur de l’enfant signifie, par exemple, que les objectifs traditionnels de la justice pénale, comme la répression/rétribution, doivent céder la place à des objectifs de réadaptation et de justice réparatrice dans le traitement des enfants délinquants. Cela est conciliable avec le souci d’efficacité dans le domaine de la sécurité publique.

Droit à la vie, à la survie et au développement (art. 6)

11.Ce droit inhérent de tout enfant devrait inciter et amener les États parties à formuler des politiques et programmes nationaux efficaces de prévention de la délinquance juvénile, compte tenu des répercussions très négatives qu’exerce à l’évidence la délinquance sur le développement de l’enfant. Ce droit fondamental devrait en outre orienter vers une politique de riposte à la délinquance juvénile recourant à des moyens favorables au développement de l’enfant. L’article 37 a) de la Convention (voir plus loin par. 75 à 77) interdit expressément de condamner un enfant à la peine capitale ou à la prison à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle. L’usage de la privation de la liberté compromet grandement le développement harmonieux de l’enfant et entrave gravement sa réinsertion dans la société. À cet égard, l’article 37 b) de la Convention dispose expressément que la privation de liberté, notamment par l’arrestation, la détention et l’incarcération ne doit être qu’une mesure de dernier ressort et être d’une durée aussi brève que possible, afin que le droit de l’enfant au développement soit pleinement respecté et exercé (voir plus loin par. 78 à 88).

Droit d’être entendu (art. 12)

12.Le droit de l’enfant d’exprimer librement ses opinions dans toutes les affaires le concernant doit être pleinement respecté et exercé à tous les stades du système de justice pour mineurs (voir plus loin par. 43 à 45). Le Comité note que la voix des enfants ayant affaire au système de justice pour mineurs devient un instrument toujours plus puissant porteur d’améliorations et de réformes, ainsi que du respect de leurs droits.

Dignité (art. 40 1))

13.La Convention énonce un ensemble de principes fondamentaux relatifs au traitement à réserver aux enfants en conflit avec la loi:

Le traitement doit être de nature à favoriser le sens de la dignité et de la valeur personnelle de l’enfant. Ce principe reflète un droit fondamental de l’être humain que consacre l’article premier de la Déclaration universelle des droits de l’homme, aux termes duquel tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ce droit inhérent à la dignité et à la valeur de la personne humaine, auquel renvoie expressément le préambule de la Convention, doit être respecté et protégé durant la totalité du processus de traitement de l’enfant, dès le premier contact avec les organismes chargés de l’application des lois et pendant toute la durée de la mise en œuvre de l’ensemble des mesures de traitement de l’enfant;

Le traitement doit renforcer le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales d’autrui chez l’enfant. Ce principe est en conformité avec la considération figurant dans le préambule selon laquelle un enfant doit être élevé dans l’esprit des idéaux proclamés dans la Charte des Nations Unies. Cela signifie aussi que, dans le système de justice pour mineurs, le traitement et l’éducation des enfants doivent être orientés vers le développement du respect des droits et libertés de l’être humain (art. 29 1) b) de la Convention et Observation générale no 1 sur les buts de l’éducation). Ce principe de la justice pour mineurs suppose à l’évidence le plein respect et l’application des garanties concernant le droit à un procès équitable, que consacre le paragraphe 2 de l’article 40 (voir plus loin les paragraphes 40 à 67). Si les protagonistes de la justice pour mineurs, à savoir les policiers, les procureurs, les juges et les agents de probation ne respectent pas pleinement ni ne protègent ces garanties, comment s’attendre à ce que d’aussi piètres exemples amènent l’enfant à respecter les droits de l’homme et les libertés fondamentales d’autrui;

Un traitement qui tienne compte de l’âge de l’enfant ainsi que de la nécessité de faciliter sa réintégration dans la société et de lui faire assumer un rôle constructif au sein de celle ‑ci. Ce principe doit être appliqué, observé et respecté durant la totalité du processus de traitement de l’enfant, dès le premier contact avec les organismes chargés de l’application des lois et pendant toute la durée de la mise en œuvre de l’ensemble des mesures de traitement de l’enfant. Ce principe exige que les membres de tous les groupes professionnels intervenant dans l’administration de la justice civile possèdent les connaissances requises concernant le développement de l’enfant, la croissance dynamique et continue des enfants, ce qui est bon pour leur bien‑être et les multiples formes de violence auxquelles sont exposés les enfants;

Le respect de la dignité de l’enfant suppose que toutes les formes de violence dans le traitement des enfants en conflit avec la loi soient interdites et empêchées. Selon des informations reçues par le Comité, des violences se produisent à tous les stades du processus de la justice pour mineurs, dès le premier contact avec la police, au cours de la détention avant jugement et pendant le séjour dans une institution de traitement ou autre pour enfants condamnés à une peine privative de liberté. Le Comité appelle les États parties à prendre des mesures efficaces en vue de prévenir pareilles violences et à faire en sorte que les auteurs de ces violences soient traduits en justice, ainsi qu’à donner une suite concrète aux recommandations formulées dans le rapport relatif à l’étude des Nations Unies sur la violence à l’encontre des enfants présenté à l’Assemblée générale en octobre 2006 (A/61/299).

14.Tout en convenant que la préservation de la sécurité publique est un but légitime du système de justice, le Comité estime que le meilleur moyen d’y parvenir consiste à respecter et appliquer pleinement les principes conducteurs et généraux relatifs au système de justice pour mineurs tels qu’ils sont énoncés dans la Convention.

IV. JUSTICE POUR MINEURS: ÉLÉMENTS ESSENTIELS D’UNE POLITIQUE GLOBALE

15.Une politique globale en matière de justice pour mineurs doit intégrer les éléments essentiels suivants: prévention de la délinquance juvénile; interventions sans recours à la procédure judiciaire et interventions au titre de la procédure judiciaire; fixation d’un âge minimum de la responsabilité pénale et d’un âge plafond pour bénéficier du système de justice pour mineurs; garanties relatives à un procès équitable; privation de liberté (détention avant jugement et incarcération après jugement).

A. Prévention de la délinquance juvénile

16.Un des grands objectifs de l’application de la Convention est de favoriser l’épanouissement intégral et harmonieux de la personnalité de l’enfant et le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques (préambule et art. 6 et 29). L’enfant devrait être préparé à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre (préambule et art. 29) au sein de laquelle il puisse assumer un rôle constructif en ce qui concerne le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales (art. 29 et 40). À cet égard, les parents sont investis de la responsabilité de donner à l’enfant, d’une manière qui corresponde au développement de ses capacités, l’orientation et les conseils appropriés à l’exercice des droits que lui reconnaît la Convention. À la lumière de ces dispositions de la Convention et de certaines autres, il n’est manifestement pas dans l’intérêt supérieur de l’enfant de grandir dans un cadre susceptible d’induire un risque accru ou grave de sombrer dans des activités criminelles. Diverses mesures devraient être prises pour assurer la mise en œuvre intégrale et égale du droit à un niveau de vie suffisant (art. 27), du droit de jouir du meilleur état de santé possible et d’avoir accès aux services médicaux (art. 24), du droit à l’éducation (art. 28 et 29), du droit à la protection contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales (art. 19) et du droit à une protection contre l’exploitation économique ou sexuelle (art. 32 et 34), ainsi que du droit à d’autres services adéquats de prise en charge ou de protection de l’enfance.

17.Comme il est indiqué plus haut, non assortie d’un ensemble de mesures visant à prévenir la délinquance juvénile, une politique en matière de justice pour mineurs présente de graves carences. Les États parties devraient pleinement intégrer dans leur politique nationale globale en matière de justice pour mineurs les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad), que l’Assemblée générale a adoptés par sa résolution 45/112 du 14 décembre 1990.

18.Le Comité souscrit sans réserve aux Principes directeurs de Riyad et convient qu’il faut privilégier des politiques de prévention propres à faciliter une socialisation et une intégration réussie de tous les enfants − spécialement par le biais de la famille, de la communauté, de groupes de pairs, de l’école, de la formation professionnelle et du monde du travail et par le recours à des organisations bénévoles. Cela signifie, notamment, que des programmes de prévention devraient être axés sur le soutien des familles particulièrement vulnérables, la participation des écoles à l’enseignement des valeurs de base (y compris la diffusion d’informations sur les droits et les responsabilités des enfants et des parents au regard de la loi) et la prise en compte de la nécessité de fournir des soins spéciaux et d’accorder une attention particulière aux jeunes à risque. Une attention particulière devrait en outre être accordée aux enfants qui abandonnent l’école ou n’achèvent pas leurs études. Le soutien par le groupe de pairs et la participation énergique des parents sont des instruments à recommander. Les États parties devraient de plus mettre au point des services et des programmes à assise communautaire qui répondent aux besoins et préoccupations des jeunes, en particulier des jeunes en conflit avec la loi, et leur dispensent, ainsi qu’à leur famille, des orientations et conseils adaptés.

19.La Convention confirme, dans ses articles 18 et 27, l’importance que revêt la responsabilité incombant aux parents d’élever leurs enfants, tout en faisant obligation aux États parties d’accorder une aide appropriée aux parents et représentants légaux aux fins de l’exercice des responsabilités parentales. Les mesures d’assistance ne devraient pas être axées uniquement sur la prévention des situations défavorables mais aussi, et davantage, tendre à promouvoir le potentiel social des parents. On dispose d’une masse d’informations sur les programmes de prévention à domicile et à caractère familial, dont les activités de formation des parents, les programmes tendant à renforcer l’interaction parents‑enfants et les programmes de visite à domicile, qui peuvent être mis sur pied en faveur d’enfants encore très jeunes. Une corrélation a été établie entre accès à une éducation dès la petite enfance et taux ultérieurs moindres de violence et de criminalité. Des résultats positifs ont été obtenus avec des programmes communautaires tels que Communities that Care (Des communautés soucieuses) − stratégie de prévention axée sur les risques.

20.Les États parties devraient favoriser et soutenir pleinement la participation à l’élaboration et à l’exécution de programmes de prévention des enfants, conformément à l’article 12 de la Convention, de même que celle des parents, des animateurs communautaires et d’autres acteurs clefs (dont les représentants d’ONG, les agents de probation et les travailleurs sociaux). La qualité de cette participation conditionne grandement la réussite de ces programmes.

21.Le Comité recommande que les États parties sollicitent, dans le cadre des efforts qu’ils déploient pour mettre au point des programmes efficaces de prévention, le soutien et les conseils du Groupe de coordination interinstitutions dans le domaine de la justice pour mineurs.

B. Interventions/ d éjudiciarisation (voir également plus loin la section E)

22.Les autorités de l’État peuvent employer deux types d’intervention pour traiter les enfants suspectés, accusés ou convaincus d’infraction à la loi pénale: les mesures ne recourant pas à la procédure judiciaire et les mesures s’inscrivant dans le cadre de la procédure judiciaire. Le Comité rappelle aux États parties qu’il faut s’attacher avec le plus grand soin à faire respecter et protéger pleinement les droits fondamentaux de l’enfant et les garanties légales en sa faveur.

23.Les enfants en conflit avec la loi, en particulier récidivistes, ont droit à un traitement de nature à favoriser leur réinsertion dans la société et à leur faire assumer un rôle constructif au sein de celle‑ci (art. 40 1) de la Convention). L’arrestation, la détention ou l’emprisonnement ne doit être qu’une mesure de dernier ressort (art. 37 b)). Dans le cadre d’une politique globale en matière de justice pour mineurs, il y a donc lieu de formuler et d’appliquer une large gamme de mesures propres à assurer aux enfants un traitement conforme à leur bien‑être et proportionné à leur situation et à l’infraction. Ces mesures devraient notamment englober les soins, l’orientation et la supervision, les conseils, la probation, le placement familial et les programmes d’éducation générale et professionnelle, ainsi que diverses solutions autres qu’institutionnelles (art. 40 4)).

Interventions sans recours à la procédure judiciaire

24.Aux termes du paragraphe 3 de l’article 40 de la Convention, les États doivent s’efforcer de promouvoir l’adoption de mesures pour traiter les enfants soupçonnés, accusés ou convaincus d’infraction à la loi pénale sans recourir à la procédure judiciaire, chaque fois qu’une telle solution est adaptée et souhaitable. Vu que la majorité des enfants délinquants ne commettent que des infractions légères, le recours à un vaste ensemble de mesures tendant à leur épargner la procédure pénale/le système de justice pour mineurs en les orientant vers des filières (services sociaux) de remplacement (déjudiciarisation) devrait constituer une pratique bien établie pouvant et devant être mise en œuvre dans la plupart des cas.

25.Le Comité considère que l’obligation pour les États parties de promouvoir des mesures tendant à traiter les enfants en conflit avec la loi sans recourir à la procédure judiciaire s’applique, sans en rien se limiter à eux, aux enfants ayant commis des infractions légères, du type vol à l’étalage et autres atteintes aux biens occasionnant un préjudice modeste, et aux mineurs primo‑délinquants. Les statistiques indiquent que dans de nombreux États une forte proportion, la majorité souvent, des infractions commises par des enfants entrent dans cette catégorie. Conformément aux principes énoncés au paragraphe 1 de l’article 40 de la Convention, il convient de traiter les affaires de ce type sans recourir aux procédures pénales judiciaires. Outre qu’elle évite la stigmatisation, cette démarche donne de bons résultats, tant pour les enfants que pour l’intérêt de la sécurité publique, et elle s’est révélée plus rentable.

26.Les États parties devraient intégrer dans leur système de justice pour mineurs des mesures pour traiter les enfants en conflit avec la loi sans recourir à la procédure judiciaire et veiller à faire pleinement respecter et protéger les droits fondamentaux de ces enfants et les garanties légales en leur faveur (art. 40 3) b)).

27.Il est laissé à la discrétion des États parties de déterminer la nature et la teneur exactes des mesures permettant de traiter les enfants en conflit avec la loi sans recourir à la procédure judiciaire, ainsi que de prendre les mesures législatives et autres nécessaires à leur application. Les informations fournies par certains États parties dans leurs rapports indiquent qu’ont été mis au point divers programmes à assise communautaire, du type services communautaires, supervision et orientation par des travailleurs sociaux ou des agents de probation, par exemple, organisation de conférences familiales et autres formes de justice réparatrice, y compris la restitution et l’indemnisation en faveur des victimes. D’autres États parties devraient s’inspirer de ces expériences. Au sujet du plein respect des droits fondamentaux et des garanties légales, le Comité renvoie aux parties pertinentes de l’article 40 de la Convention et insiste sur ce qui suit:

−Il ne faudrait recourir à la déjudiciarisation (à savoir des mesures tendant à traiter les enfants soupçonnés, accusés ou convaincus d’infraction à la loi pénale sans recourir à la procédure judiciaire) que: si des éléments probants indiquent que l’enfant en cause a commis l’infraction qui lui est imputée; s’il reconnaît librement et volontairement sa responsabilité; s’il a avoué sans avoir fait l’objet d’actes d’intimidation ou de pression; si son aveu n’est pas exploité à son détriment dans une éventuelle poursuite judiciaire;

−L’enfant doit donner librement et volontairement par écrit son consentement à la mesure de déjudiciarisation envisagée, ce consentement devant reposer sur des informations suffisantes et précises quant à la nature, à la teneur et à la durée de ladite mesure, ainsi que sur les conséquences d’une non‑coopération ou de l’inexécution ou de l’inachèvement de la mesure de sa part. Pour renforcer la participation des parents, les États parties pourraient aussi envisager de requérir le consentement des parents, surtout dans le cas d’un enfant de moins de 16 ans;

−La loi doit contenir des dispositions précisant dans quels cas la déjudiciarisation est possible; en outre les pouvoirs revenant à la police, aux procureurs et aux autres organismes en ce qui concerne les décisions en la matière devraient être réglementés et donner lieu à réexamen, en particulier dans le souci de protéger les enfants contre la discrimination;

−L’enfant doit pouvoir obtenir une assistance judiciaire, ou autre, adéquate pour l’aider à déterminer si la mesure de déjudiciarisation que lui proposent les autorités compétentes est adaptée et souhaitable et si cette mesure est sujette à réexamen;

−Le respect par l’enfant de la mesure de déjudiciarisation jusqu’à son terme doit se solder par un classement total et définitif de l’affaire. Même si des archives confidentielles concernant cette mesure de déjudiciarisation peuvent être conservées à des fins administratives ou de réexamen, elles ne sauraient être considérées comme un «casier judiciaire» et un enfant ayant bénéficié d’une mesure de déjudiciarisation ne saurait être considéré comme ayant fait l’objet d’une condamnation antérieure. Si l’événement est consigné, l’accès à cette information doit être réservé exclusivement et pour une durée limitée, par exemple un an au maximum, aux autorités compétentes habilitées à traiter les enfants en conflit avec la loi.

Interventions au titre de la procédure judiciaire

28.Quand les autorités compétentes (habituellement le procureur) ouvrent une procédure judiciaire, les principes de jugement équitable et juste doivent être respectés (voir plus loin la section D). Cela étant, le système de justice pour mineurs devrait offrir de vastes possibilités de traiter les enfants en conflit avec la loi en recourant à des mesures d’ordre social et/ou éducatif, et restreindre rigoureusement le recours à la privation de liberté, en particulier à la détention avant jugement, en tant que mesure de dernier ressort. Au stade décisionnel de la procédure, la privation de liberté ne doit être utilisée que comme une mesure de dernier ressort et être aussi brève que possible (art. 37 b)), ce qui signifie que les États parties devraient être dotés d’un service de probation pourvu d’un personnel très qualifié dans le souci de garantir l’utilisation maximale et efficace d’options comme l’orientation et les ordonnances de supervision, la mise à l’épreuve, la surveillance par la communauté, l’obligation de se présenter chaque jour à un centre, et prévoir la possibilité de libération anticipée.

29.Le Comité rappelle aux États parties que, conformément au paragraphe 1 de l’article 40 de la Convention, la réinsertion exige l’absence de tout comportement susceptible d’entraver la pleine participation de l’enfant à la vie de sa communauté, tel que la stigmatisation, l’isolement social ou le dénigrement de l’enfant. Traiter un enfant en conflit avec la loi de manière à promouvoir sa réinsertion exige que toutes les actions concourent à l’aider à devenir un membre à part entière et constructif de la société.

C. Seuils d’âge et enfants en conflit avec la loi

Âge minimum de la responsabilité pénale

30.Les rapports soumis par les États parties montrent que l’âge minimum de la responsabilité pénale varie grandement d’un pays à l’autre, allant d’âge très bas, 7 ou 8 ans, à un âge plus recommandable de 14 ou 16 ans. Un assez grand nombre d’États parties fixent deux seuils pour la responsabilité pénale. Les enfants en conflit avec la loi qui ont plus que l’âge minimum inférieur mais moins que l’âge minimum supérieur au moment où ils commettent une infraction ne sont considérés pénalement responsables que s’ils présentent le degré de maturité le justifiant. L’appréciation du degré de maturité revient au tribunal/juge, souvent sans qu’il lui faille consulter un expert en psychologie, et aboutit dans la pratique à l’application de l’âge minimum inférieur en cas d’infraction grave. Ce système de double âge minimum est déroutant et laisse de surcroît beaucoup à la discrétion du tribunal/du juge, ce qui peut se traduire par des pratiques discriminatoires. Face au large éventail des âges minima de la responsabilité pénale, le Comité estime nécessaire de fournir aux États parties des orientations et recommandations claires concernant l’âge minimum de la responsabilité pénale.

31.Le paragraphe 3 de l’article 40 de la Convention prescrit aux États parties de s’efforcer de promouvoir l’établissement d’un âge minimum au‑dessous duquel les enfants sont présumés n’avoir pas la capacité d’enfreindre la loi pénale, sans pour autant indiquer un âge précis en la matière. Le Comité comprend cette disposition comme faisant obligation aux États parties de fixer un âge minimum pour la responsabilité pénale. Cet âge minimum signifie que:

−Les enfants qui commettent une infraction à un âge inférieur au minimum ne peuvent être tenus pénalement responsables. Même de (très) jeunes enfants ayant toutefois la capacité d’enfreindre la loi pénale, s’ils commettent une infraction alors qu’ils ont moins que l’âge minimum de la responsabilité pénale il existe la présomption irréfragable selon laquelle ils ne peuvent faire l’objet de poursuites et être tenus pénalement responsables dans le cadre d’une procédure. Des mesures spéciales de protection peuvent au besoin être prises en faveur de ces enfants dans le souci de leur intérêt supérieur;

−Les enfants qui ont l’âge minimum de la responsabilité pénale ou l’ont dépassé quand ils commettent une infraction (ou un manquement à la loi pénale), mais ont moins de 18 ans (voir aussi plus loin les paragraphes 35 à 38) peuvent être officiellement inculpés et faire l’objet de poursuites pénales, mais ces poursuites, y compris leur aboutissement, doivent être pleinement conformes aux principes et dispositions de la Convention tels que précisés dans la présente observation générale.

32.L’article 4 des Règles de Beijing prescrit, dans les systèmes juridiques qui reconnaissent la notion de seuil de responsabilité pénale, de ne pas fixer ce seuil trop bas eu égard aux problèmes de maturité affective, psychologique et intellectuelle. Conformément à cette règle, le Comité a recommandé à des États parties de ne pas fixer à un niveau trop bas l’âge minimum de la responsabilité pénale ou bien de relever cet âge minimum, là où il est trop faible, pour le porter à un niveau acceptable sur le plan international. Il ressort de ces recommandations que le Comité considère comme inacceptable sur le plan international de fixer l’âge minimum de la responsabilité pénale en dessous de 12 ans. Des États parties sont encouragés à relever l’âge trop bas de la responsabilité pénale pour le porter à 12 ans, âge qui constitue un minimum absolu, et à continuer de le relever progressivement.

33.Le Comité appelle, le cas échéant, les États parties à ne pas abaisser leur âge minimum de la responsabilité pénale pour le ramener à 12 ans. Un âge minimum de la responsabilité pénale plus élevé, 14 ou 16 ans par exemple, contribue à un système de justice pour mineurs permettant, conformément au paragraphe 3 b) de l’article 40 de la Convention, de traiter les enfants en conflit avec la loi sans recourir à la procédure judiciaire et en veillant au plein respect des droits fondamentaux et des garanties légales en faveur de ces enfants. Dans leur rapport, les États parties devraient, à ce propos, fournir au Comité des données précises et détaillées sur la manière dont sont traités, en application de leurs dispositions législatives, les enfants n’ayant pas l’âge minimum de la responsabilité pénale mais suspectés, accusés ou convaincus d’infraction pénale, ainsi que sur les types de garanties légales en place pour veiller à ce que leur traitement soit aussi équitable et juste que le traitement réservé aux enfants ayant l’âge minimum de la responsabilité pénale ou plus.

34.Le Comité tient à exprimer son inquiétude face à la pratique consistant à tolérer des exceptions à la règle de l’âge minimum de la responsabilité pénale en permettant d’appliquer un âge minimum plus faible, par exemple quand un enfant est accusé d’avoir commis une infraction grave ou est considéré posséder un degré de maturité suffisant pour être tenu pénalement responsable. Le Comité recommande vigoureusement que les États parties fixent un âge minimum de la responsabilité pénale sans prévoir d’exception.

35.Si, faute de preuve, il ne peut être établi qu’un enfant a l’âge minimum de la responsabilité pénale ou plus, il n’est pas tenu pénalement responsable (voir aussi plus loin le paragraphe 39).

Âge plafond d’admissibilité au bénéfice de la justice pour mineurs

36.Le Comité souhaite aussi appeler l’attention des États parties sur l’âge limite supérieur d’admissibilité au bénéfice des règles de la justice pour mineurs. Ces règles particulières − en matière de procédure comme en matière de déjudiciarisation et de mesures spéciales − doivent s’appliquer à tous les individus qui, au moment où ils ont commis l’infraction qui leur est imputée (ou l’acte délictueux en vertu de la loi pénale), avaient moins de 18 ans mais plus que l’âge minimum de la responsabilité pénale fixé dans le pays considéré.

37.Le Comité tient à rappeler aux États parties qu’ils ont reconnu le droit de chaque enfant suspecté, accusé ou convaincu d’infraction à la loi pénale d’être traité conformément aux dispositions de l’article 40 de la Convention, ce qui signifie que tout individu, qui avait moins de 18 ans au moment où il a commis l’infraction qui lui est imputée, doit être traité conformément aux règles de la justice pour mineurs.

38.Le Comité recommande donc aux États parties, qui restreignent l’applicabilité des règles de la justice pour mineurs aux enfants âgés de moins de 16 ans (ou plus jeunes encore) ou autorisent à titre exceptionnel que des enfants âgés de 16 ou 17 ans soient traités comme des délinquants adultes, modifient leur loi en vue d’assurer une application intégrale et non discriminatoire de leurs règles relatives à la justice pour mineurs à toutes les personnes âgées de moins de 18 ans. Le Comité note avec satisfaction que des États parties autorisent, en règle générale ou à titre exceptionnel, l’application des normes et règles de la justice pour mineurs à des personnes âgées de 18 ans révolus et plus, habituellement jusqu’à l’âge de 21 ans.

39.Le Comité tient enfin à souligner qu’il est crucial pour la pleine application de l’article 7 de la Convention, qui exige notamment que tout enfant soit enregistré dès sa naissance, de fixer des âges plancher ou plafond, comme c’est le cas pour tous les États parties. Un enfant qui ne peut produire d’élément probant de la date de sa naissance est extrêmement vulnérable à tous les types d’abus et d’injustice dans sa famille, ainsi qu’en matière de conditions d’emploi, d’éducation et d’accès au travail et, plus particulièrement, que dans le système de justice pénale. Un extrait d’acte de naissance doit être délivré gratuitement à tout enfant qui en a besoin pour prouver son âge. À défaut de la preuve de son âge, l’enfant a le droit à un examen médical fiable ou à une enquête sociale propre à déterminer son âge et, en cas d’éléments non concluants ou divergents, a le droit au bénéfice du doute.

D. Garanties d’un procès équitable

40.Le paragraphe 2 de l’article 40 de la Convention dresse une liste importante de droits et de garanties qui visent à ce que tout enfant suspecté ou accusé d’infraction à la loi pénale ait droit à un traitement et à un procès équitables. La plupart de ces garanties sont également consacrées par l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que le Comité des droits de l’homme a examiné en profondeur dans son Observation générale no 13 (1984) (Administration de la justice), qui est en cours de révision. L’application de ces garanties aux enfants présente toutefois des particularités qui sont traitées dans la présente section. Avant de poursuivre, le Comité tient à souligner que la mise en œuvre pleine et effective de ces droits ou garanties dépend avant tout de la qualité des personnes qui interviennent dans l’administration de la justice pour mineurs. La formation des professionnels, tels que les agents de police, les procureurs, les représentants légaux et autres de l’enfant, les juges, les agents de probation, les travailleurs sociaux et d’autres, est essentielle et doit être systématique et continue. Ces professionnels doivent avoir une bonne connaissance de la situation de l’enfant et, en particulier, du développement physique, psychologique, mental et social de l’adolescent, ainsi que des besoins particuliers des enfants les plus vulnérables, tels que les enfants handicapés, les enfants déplacés, les enfants des rues, les enfants réfugiés et demandeurs d’asile et les enfants appartenant à des minorités raciales, ethniques, religieuses, linguistiques ou autres (voir plus haut les paragraphes 6 à 9). Les filles ne représentant qu’un petit groupe dans le système de justice pour mineurs et passant donc souvent inaperçues, une attention particulière doit être prêtée à leurs besoins particuliers, par exemple un passé de maltraitance ou des besoins spéciaux en matière de santé. Les professionnels et personnels doivent agir, en toutes circonstances, d’une manière conforme à la dignité et à la valeur personnelle de l’enfant, qui renforce son respect pour les droits de l’homme et les libertés fondamentales d’autrui et qui facilite sa réintégration dans la société et lui fasse assumer un rôle constructif au sein de celle‑ci (art. 40 1)). Toutes les garanties énoncées au paragraphe 2 de l’article 40, examinées ci‑après, sont des garanties minimales, ce qui signifie que les États parties peuvent et doivent s’efforcer de définir et d’appliquer des normes plus strictes, par exemple dans les domaines de l’assistance juridique et de la participation de l’enfant et de ses parents à la procédure judiciaire.

Pas de justice rétroactive pour les mineurs (art. 40 2 a))

41.Aux termes du paragraphe 2 a) de l’article 40 de la Convention, le principe selon lequel nul ne sera convaincu d’infraction à la loi pénale en raison d’actions ou d’omissions qui n’étaient pas interdites par le droit national ou international au moment où elles ont été commises s’applique également aux enfants (voir aussi l’article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques). Cela signifie qu’aucun enfant ne peut être accusé ou convaincu d’infraction à la loi pénale pour des actions ou omissions qui, au moment où elles ont été commises, n’étaient pas interdites par le droit national ou international. De nombreux États parties ayant récemment renforcé et/ou élargi leur législation pénale pour prévenir et combattre le terrorisme, le Comité recommande aux États parties de s’assurer que ces changements n’amènent pas à sanctionner rétroactivement ou involontairement des enfants. Le Comité souhaite également rappeler aux États parties que le principe défini à l’article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, selon lequel il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise, est, au regard de l’article 41 de la Convention, applicable aux enfants dans les États parties au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Aucun enfant ne doit faire l’objet d’une peine plus forte que celle qui était applicable au moment où il a commis l’infraction pénale en cause. Si une modification de la loi après la commission de l’acte prévoit une peine plus légère, l’enfant doit en bénéficier.

Présomption d’innocence (art. 40 2 b) i))

42.Essentielle pour la protection des droits fondamentaux de l’enfant en conflit avec la loi, la présomption d’innocence signifie que la charge de la preuve incombe à l’accusation. L’enfant suspecté ou accusé d’infraction à la loi pénale jouit du bénéfice du doute et n’est reconnu coupable que si les charges qui pesaient contre lui ont été prouvées au‑delà de tout doute raisonnable. L’enfant a le droit d’être traité conformément à ce principe et il est donc du devoir de toutes les autorités publiques ou autres parties concernées de s’abstenir de préjuger de l’issue d’un procès. Les États parties doivent diffuser des informations sur le développement de l’enfant pour faire respecter le principe de présomption d’innocence dans la pratique. Par ignorance de la procédure, par immaturité, par crainte ou pour d’autres motifs, l’enfant peut agir de manière suspecte mais les autorités ne doivent pas présumer qu’il est coupable tant que la culpabilité n’a pas été établie au‑delà de tout doute raisonnable.

Droit d’être entendu (art. 12)

43.Le paragraphe 2 de l’article 12 de la Convention dispose que l’enfant doit avoir la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’un organisme approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale.

44.Pour l’enfant suspecté, accusé ou convaincu d’infraction à la loi pénale, le droit d’être entendu est à l’évidence fondamental dans le cadre d’un procès équitable. Il est tout aussi évident que l’enfant a le droit d’être entendu directement, et non pas seulement par l’intermédiaire d’un représentant ou d’un organisme approprié, si tel est son intérêt supérieur. Il faut respecter scrupuleusement ce droit à tous les stades de la procédure, à commencer par la phase précédant le procès durant laquelle l’enfant a le droit de garder le silence et le droit d’être entendu par la police, l’accusation et le juge d’instruction. Ce droit s’applique aussi à la phase du jugement et à celle de l’exécution des mesures imposées. En d’autres termes, l’enfant doit avoir la possibilité d’exprimer librement ses vues, lesquelles doivent être dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité (par. 1 de l’article 12) tout au long du processus de justice pour mineurs. Cela signifie que l’enfant, pour pouvoir participer effectivement à la procédure, doit être informé non seulement des accusations portées contre lui (voir plus loin les paragraphes 47 et 48) mais aussi du processus de justice pour mineurs et des mesures qui peuvent être prises.

45.L’enfant doit avoir la possibilité d’exprimer ses vues concernant les mesures (de substitution) susceptibles d’être prononcées et il faut prendre dûment en considération les souhaits ou préférences spécifiques qu’il peut avoir à ce sujet. Conclure à la responsabilité pénale de l’enfant suppose que l’intéressé soit juridiquement apte et puisse participer effectivement aux décisions concernant la réponse la plus appropriée aux allégations de violation du droit pénal (voir le paragraphe 46 ci‑après). C’est aux juges compétents qu’il appartient de prendre les décisions. Cela étant, le fait de traiter l’enfant comme un objet passif ne permet pas de reconnaître ses droits ni de trouver une réponse appropriée à ses agissements. Cela est également valable pour l’exécution des mesures imposées, l’expérience montrant que la participation active de l’enfant dans ce domaine donne la plupart du temps de bons résultats.

Droit de participer effectivement à la procédure (art. 40 2 b) iv))

46.Un procès équitable suppose que l’enfant suspecté ou accusé d’infraction à la loi pénale puisse participer effectivement au procès et, partant, comprendre les accusations portées contre lui, ainsi que les conséquences et sanctions éventuelles, afin de fournir des instructions à son représentant légal, de confronter les témoins, de présenter sa version des faits et de prendre des décisions appropriées concernant les éléments de preuve, les témoignages et les mesures à prononcer. En vertu de l’article 14 des Règles de Beijing, la procédure doit se dérouler dans un climat de compréhension, permettant à l’enfant d’y participer et de s’exprimer librement. Il peut également se révéler nécessaire de modifier les procédures d’audience en fonction de l’âge et du degré de maturité de l’enfant.

Droit d’être informé dans le plus court délai et directement des accusations (art. 40 2 b) ii))

47.Tout enfant suspecté ou accusé d’infraction à la loi pénale a le droit d’être informé dans le plus court délai et directement des accusations portées contre lui, ce qui signifie qu’il doit en être informé dès que possible, à savoir dès que le procureur ou le juge prennent les premières mesures de procédure à l’encontre de l’enfant. De même, lorsque les autorités décident de s’occuper de l’affaire sans recourir à la procédure judiciaire, l’enfant doit être informé des accusations qui peuvent justifier cette démarche, conformément au paragraphe 3 b) de l’article 40 de la Convention en vertu duquel les garanties légales doivent être pleinement respectées. L’enfant doit être informé dans une langue qu’il comprend, ce qui suppose éventuellement de lui soumettre les informations dans une langue étrangère, mais aussi de lui «traduire» en des termes qu’il peut comprendre le jargon juridique officiel bien souvent utilisé dans les procédures pénales pour mineurs.

48.Présenter un document officiel à l’enfant ne suffit pas, il est souvent nécessaire de lui fournir une explication orale. Les autorités ne doivent pas en la matière s’en remettre aux parents ou aux tuteurs légaux de l’enfant ou bien encore à l’assistance juridique ou toute autre assistance. Il est du devoir des autorités (par exemple d’un policier, d’un procureur ou d’un juge) de s’assurer que l’enfant comprend chaque accusation portée contre lui. Le Comité estime qu’informer les parents ou tuteurs de l’enfant ne saurait remplacer le fait d’informer l’enfant en personne. Le mieux est de s’assurer que l’enfant et ses parents ou tuteurs légaux comprennent les accusations et leurs conséquences éventuelles.

Droit de bénéficier d’une assistance juridique ou de toute autre assistance appropriée (art. 40 2 b) ii))

49.L’enfant doit bénéficier d’une assistance juridique ou de toute autre assistance appropriée pour la préparation et la présentation de sa défense. La Convention exige que l’enfant bénéficie d’une assistance qui, si elle n’est pas forcément juridique, doit être appropriée. Les modalités de fourniture de l’assistance sont laissées à l’appréciation des États parties mais, en tout état de cause, l’assistance doit être gratuite. Le Comité recommande aux États parties de fournir autant que possible une assistance juridique adaptée, notamment par l’intermédiaire d’avocats ou d’auxiliaires juridiques dûment formés. Une assistance appropriée peut aussi être apportée par d’autres personnes (par exemple un travailleur social) mais ces personnes doivent alors avoir une connaissance et une compréhension suffisantes des différents aspects juridiques du processus de justice pour mineurs et être formées pour travailler avec des enfants en conflit avec la loi.

50.Conformément au paragraphe 3 b) de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’enfant et la personne chargée de l’aider doivent disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense. La confidentialité des communications entre l’enfant et cette personne, qu’elles soient écrites ou orales, doit être pleinement respectée, conformément aux garanties prévues au paragraphe 2 b) vii) de l’article 40 de la Convention, et au droit de l’enfant à être protégé contre toute immixtion dans sa vie privée et sa correspondance (art. 16 de la Convention). Un certain nombre d’États parties ont formulé des réserves à l’égard des dispositions du paragraphe 2 b) ii) de l’article 40 de la Convention, estimant apparemment qu’elles entraînaient l’obligation exclusive de fournir une assistance juridique et, partant, les services d’un avocat. Tel n’est pas le cas et ces réserves peuvent et doivent être levées.

Droit d’être entendu sans retard et en présence des parents (art. 40 2 b) iii))

51.Le consensus international est que pour les enfants en conflit avec la loi le délai entre la commission de l’infraction et la sanction finale doit être aussi court que possible. Plus le temps passe, plus la sanction perd de sa valeur pédagogique et plus l’enfant est stigmatisé. À cet égard, le Comité renvoie aussi à l’article 37 d) de la Convention, qui dispose que l’enfant privé de liberté a droit à ce qu’une décision rapide soit prise afin de pouvoir contester la légalité de sa privation de liberté. Le terme «rapide» est plus fort − ce à juste titre vu la gravité d’une mesure de privation de liberté − que l’expression «sans retard» employée au paragraphe 2 b) iii) de l’article 40 de la Convention et elle-même plus forte que l’expression «sans retard excessif» utilisée au paragraphe 3 c) de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

52.Le Comité recommande aux États parties de fixer et de faire respecter des délais maxima entre la commission de l’infraction et l’achèvement de l’enquête policière, la décision du procureur (ou tout autre organe compétent) d’inculper l’enfant et le prononcé du jugement par le tribunal ou tout autre organe judiciaire compétent. Ces délais doivent être sensiblement plus courts que pour les adultes. Toutefois, si les décisions doivent être adoptées avec diligence, elles doivent résulter d’un processus durant lequel les droits fondamentaux de l’enfant et les garanties légales en sa faveur sont pleinement respectés. Une assistance juridique ou toute autre assistance appropriée doit aussi être fournie, non seulement à l’audience de jugement devant un tribunal ou tout autre organe judiciaire, mais à tous les stades du processus, à commencer par l’interrogatoire de l’enfant par la police.

53.Les parents ou tuteurs légaux doivent aussi participer à la procédure car ils peuvent fournir une assistance générale, psychologique et affective à l’enfant. La présence des parents ne signifie pas qu’ils peuvent défendre l’enfant ou participer à la prise de décisions. Le juge ou l’autorité compétente peut cependant décider de limiter, restreindre ou refuser la participation des parents à la procédure, à la demande de l’enfant ou de la personne chargée de lui fournir une assistance juridique ou toute autre assistance appropriée, ou parce que cela n’est pas dans l’intérêt supérieur de l’enfant (art. 3 de la Convention).

54.Le Comité recommande aux États parties de garantir expressément par la loi la participation la plus large possible des parents ou tuteurs légaux à la procédure dont l’enfant fait l’objet. En règle générale, cette participation contribue à trouver une réponse appropriée à l’infraction pénale commise par l’enfant. Afin de favoriser leur participation, les parents doivent être informés dès que possible de l’arrestation de leur enfant.

55.Parallèlement, le Comité déplore la tendance de certains pays à sanctionner les parents pour les infractions commises par leurs enfants. Si dans certains cas, limités, la responsabilité civile des parents peut être engagée en raison des dommages causés par leurs enfants, en particulier les plus jeunes (de moins de 16 ans par exemple), la criminalisation des parents ne contribuera guère à faire d’eux des partenaires actifs dans la réinsertion sociale de leur enfant.

Droit d’être entendu sans retard et en présence des parents (art. 40 2 b) iii))

56.Dans le même esprit que le paragraphe 3 g) de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention dispose que l’enfant ne peut être contraint de témoigner ou de s’avouer coupable, ce qui signifie en fait que tout acte de torture ou tout traitement cruel, inhumain ou dégradant visant à extorquer des aveux à un enfant constitue une grave violation de ses droits (art. 37 a) de la Convention) et est fondamentalement inacceptable. Aucune déclaration ni aucun aveu ainsi obtenu ne peut être retenu comme élément de preuve (art. 15 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants).

57.De nombreux autres moyens, moins violents, permettent de contraindre ou d’amener l’enfant à faire des aveux ou à s’avouer coupable. L’expression «contraint de» doit s’interpréter au sens large et ne pas se limiter à la force physique ou à toute autre violation flagrante des droits de l’homme. L’âge de l’enfant, son degré de développement, la durée de son interrogatoire, son incompréhension, sa crainte de conséquences inconnues ou d’une possibilité d’emprisonnement peuvent le conduire à faire des aveux mensongers. C’est encore plus probable si on fait miroiter à l’enfant des promesses telles que «tu pourras rentrer chez toi dès que tu nous auras dit ce qui s’est vraiment passé», des sanctions plus légères ou une remise en liberté.

58.L’enfant interrogé doit avoir accès à un représentant légal ou tout autre représentant approprié et pouvoir demander sa présence pendant l’interrogatoire. Un contrôle indépendant doit être exercé sur les méthodes d’interrogatoire afin de s’assurer que les éléments de preuve ont été fournis volontairement, et non sous la contrainte, compte tenu de l’ensemble des circonstances, et sont fiables. Lorsqu’il s’agit de déterminer le caractère volontaire et la fiabilité des déclarations ou aveux faits par l’enfant, le tribunal ou tout autre organe judiciaire doit tenir compte de l’âge de l’enfant, de la durée de la garde à vue et de l’interrogatoire, ainsi que de la présence du conseil juridique ou autre, du/des parent(s), ou des représentants indépendants de l’enfant. Les agents de police et autres personnes chargés de l’interrogatoire doivent être dûment formés pour apprendre à éviter les techniques et pratiques risquant de déboucher sur des aveux ou témoignages peu fiables ou obtenus sous la contrainte.

Comparution et interrogatoire des témoins (art. 40 2 b) iv))

59.Les garanties prévues au paragraphe 2 b) iv) de l’article 40 de la Convention montrent bien que le principe de l’égalité des armes (égalité ou parité entre la défense et l’accusation) doit être respecté dans le système de justice pour mineurs. L’expression «interroger ou faire interroger» renvoie aux distinctions qui existent entre les systèmes juridiques, en particulier entre les procès accusatoires et les procès inquisitoires. Dans ce dernier cas, l’accusé a souvent la possibilité d’interroger les témoins même s’il use rarement de ce droit, laissant ce soin à l’avocat ou, dans le cas d’enfants, à un autre organe approprié. Il n’en reste pas moins important que l’avocat ou tout autre représentant informe l’enfant qu’il a la possibilité d’interroger les témoins et d’exprimer ses vues à cet égard, vues qui doivent être dûment prises en considération eu égard à l’âge et au degré de maturité de l’enfant (art. 12 de la Convention).

Droit de faire appel (art. 40 2 b) v))

60.L’enfant a le droit de faire appel de la décision de culpabilité et des mesures imposées en conséquence. Une autorité ou instance judiciaire supérieure compétente, indépendante et impartiale, en d’autres termes, une instance qui répond aux mêmes normes et exigences que celle ayant examiné l’affaire en première instance, statue sur cet appel. Ce droit est semblable à celui défini au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le droit de faire appel ne se limite pas aux infractions les plus graves.

61.C’est sans doute pourquoi de nombreux États parties ont émis des réserves visant cette disposition, leur intention étant de limiter aux infractions les plus graves et/ou aux peines d’emprisonnement le droit de l’enfant de faire appel. Le Comité rappelle aux États parties au Pacte international relatif aux droits civils et politiques qu’une disposition du même ordre figure au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. À la lumière de l’article 41 de la Convention, cela signifie que cet article reconnaît à tout enfant jugé le droit de faire appel. Le Comité recommande aux États parties de lever leurs réserves au paragraphe 2 b) v) de l’article 40.

Droit de se faire assister gratuitement d’un interprète (art. 40 2 vi))

62.S’il ne comprend ou ne parle pas la langue utilisée dans le système de justice pour mineurs, l’enfant a le droit de se faire assister gratuitement d’un interprète. Cette assistance doit être fournie tant lors du procès qu’aux autres stades du processus de justice pour mineurs. Il importe aussi que l’interprète ait été formé à travailler avec les enfants, ces derniers n’utilisant pas et ne comprenant pas forcément leur langue maternelle comme les adultes. L’ignorance et/ou l’inexpérience de l’enfant peut l’empêcher de bien comprendre les questions posées et d’exercer son droit à un procès équitable et à une participation effective. Le «s’il» figurant dans l’expression «s’il ne comprend ou ne parle pas la langue utilisée» signifie que l’enfant d’origine étrangère ou ethnique par exemple, qui, outre sa langue maternelle, comprend et parle la langue officielle, n’a pas à se faire assister gratuitement d’un interprète.

63.Le Comité souhaite aussi appeler l’attention des États parties sur les enfants atteints de troubles de la parole ou d’autres handicaps. Dans l’esprit du paragraphe 2 vi) de l’article 40 et conformément aux mesures de protection spéciales prévues pour les enfants handicapés à l’article 23, le Comité recommande aux États parties de s’assurer que les enfants atteints de troubles de la parole ou d’autres handicaps bénéficient de l’assistance adéquate et effective de professionnels dûment formés, par exemple dans la langue des signes, s’ils font l’objet d’une procédure de justice (à ce sujet voir également l’Observation générale no 9 (Les droits de l’enfant handicapé) du Comité des droits de l’enfant).

Droit au plein respect de sa vie privée (art. 16 et art. 40 2 b) vii))

64.Le droit de l’enfant au plein respect de sa vie privée à tous les stades de la procédure fait écho au droit à la protection de la vie privée que consacre l’article 16 de la Convention. L’expression «à tous les stades de la procédure» signifie que la vie privée doit être respectée dès le premier contact avec les forces de l’ordre (par exemple lors d’une demande d’informations et d’identification) jusqu’à ce qu’une autorité compétente prenne une décision finale ou que l’enfant soit relâché (qu’il ait été placé en surveillance, en garde à vue ou en détention). Dans ce contexte précis, il s’agit d’éviter de porter préjudice à l’enfant par une publicité inutile et par la qualification pénale. Aucune information pouvant conduire à l’identification de l’enfant délinquant ne doit être publiée car elle pourrait aboutir à sa stigmatisation, l’empêcher d’avoir accès à l’éducation, au travail ou au logement ou compromettre sa sécurité. Les autorités publiques doivent donc se montrer très prudentes avec les communiqués de presse relatifs à des infractions imputées à des enfants et n’y avoir recours qu’à titre très exceptionnel. Elles doivent veiller à ce que l’identité des enfants ne puisse être révélée par de tels communiqués. Les journalistes qui violent le droit à la vie privée de l’enfant en conflit avec la loi doivent faire l’objet de sanctions disciplinaires voire, au besoin (en cas de récidive par exemple), pénales.

65.Afin de protéger la vie privée de l’enfant, la plupart des États parties imposent, à de rares exceptions près, que le procès ou l’audition de l’enfant accusé d’infraction à la loi pénale se tienne à huis clos. Peuvent toutefois être présents les experts ou d’autres professionnels ayant une autorisation spéciale du tribunal. Dans le système de justice pour mineurs, les audiences publiques ne doivent être possibles que dans des cas bien précis et sur décision écrite du tribunal, l’enfant devant avoir la possibilité de faire appel de cette décision.

66.Le Comité recommande à tous les États parties d’adopter la règle selon laquelle le procès ou l’audition de l’enfant en conflit avec la loi se tient à huis clos. Les exceptions à cette règle doivent être très limitées et clairement définies par la loi. Le verdict/le jugement doit être prononcé en public lors d’une audience du tribunal de telle sorte que l’identité de l’enfant ne soit pas divulguée. Le droit à la vie privée (art. 16) impose que tous les professionnels intervenant dans l’exécution des mesures décrétées par le tribunal ou toute autre autorité compétente respectent, dans le cadre de leurs contacts extérieurs, la confidentialité de toutes les informations risquant de permettre l’identification de l’enfant. Le droit à la vie privée signifie en outre que les archives concernant les jeunes délinquants doivent être considérées strictement confidentielles et incommunicables à des tiers, hormis les personnes directement concernées par l’enquête et le jugement de l’affaire. Afin d’éviter toute stigmatisation et/ou tout jugement préconçu, il ne peut être fait état des antécédents d’un jeune délinquant dans des poursuites ultérieures contre des adultes dans une affaire impliquant ce même délinquant (voir les Règles de Beijing, art. 21.1 et 21.2) ou pour alourdir toute condamnation ultérieure.

67.Le Comité recommande également aux États parties d’adopter des règles permettant de supprimer automatiquement du casier judiciaire le nom de l’enfant délinquant lorsqu’il atteint l’âge de 18 ans. Pour certaines infractions graves, la suppression est possible à la requête de l’enfant, si nécessaire sous certaines conditions (par exemple ne pas avoir commis d’infraction dans les deux ans suivant la dernière condamnation).

E. Mesures (voir également plus haut chap. IV, sect. B)

Mesures de substitution à la détention avant jugement

68.La décision d’engager une procédure pénale officielle ne signifie pas nécessairement qu’au final, l’enfant doit faire l’objet d’une condamnation judiciaire proprement dite. Conformément aux observations formulées plus haut à la section B, le Comité tient à souligner que les autorités compétentes − dans la plupart des États, le bureau du Procureur général − devraient régulièrement étudier les alternatives possibles à la condamnation judiciaire. En d’autres termes, il conviendrait de poursuivre les efforts visant à clore le dossier de manière appropriée, en prévoyant des mesures du type de celles exposées dans la section B. Les mesures que décide l’autorité de poursuite peuvent, de par leur nature et leur durée, nécessiter un surcroît d’efforts, ce qui implique que l’enfant bénéficie d’une assistance, juridique ou autre, adaptée. L’exécution d’une telle mesure devrait être présentée à l’enfant comme une manière de suspendre la procédure pénale ou de justice pour mineurs, qui sera close si la mesure est exécutée de manière satisfaisante.

69.Dans cette volonté d’offrir d’autres options que la condamnation judiciaire au niveau de l’autorité de poursuites, les droits fondamentaux de l’enfant et les garanties légales en sa faveur devraient être pleinement respectés. À ce propos, le Comité renvoie aux recommandations figurant plus haut au paragraphe 27, qui s’appliquent également en l’espèce.

Décisions des tribunaux et juges pour enfants

70.Au terme d’un procès juste et équitable pleinement conforme aux dispositions de l’article 40 de la Convention (voir plus haut chap. IV, sect. D), une décision est prise quant aux mesures à prononcer contre l’enfant reconnu coupable d’une infraction. La législation doit offrir au tribunal, au juge ou à toute autre instance judiciaire ou autorité compétente, indépendante et impartiale, diverses options autres que le placement en institution et la privation de liberté, énumérées non limitativement au paragraphe 4 de l’article 40 de la Convention, afin que la privation de liberté ne soit qu’une mesure de dernier ressort et d’une durée aussi brève que possible (art. 37 b) de la Convention).

71.Le Comité tient à souligner que la réaction à une infraction devrait toujours être proportionnée non seulement aux circonstances et à la gravité du délit, mais aussi à l’âge, à la culpabilité atténuée, aux circonstances et aux besoins de l’enfant, ainsi qu’aux besoins de la société à long terme. Une approche exclusivement répressive n’est pas conforme aux principes conducteurs de la justice pour mineurs exposés au paragraphe 1 de l’article 40 de la Convention (voir plus haut par. 5 à 14). Le Comité réaffirme que les châtiments corporels en tant que sanction constituent une violation de ces principes et des dispositions de l’article 37, qui interdit toutes les formes de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (voir également l’Observation générale no 8 du Comité (Le droit de l’enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments) (2006)). Dans les cas de délits graves commis par des enfants, on peut envisager des mesures proportionnées à la situation du délinquant et à la gravité de la faute mais tenant compte du besoin de sécurité publique et de sanctions. Dans le cas d’un enfant, le bien‑être et l’intérêt supérieur de l’intéressé, ainsi que la promotion de sa réinsertion, doivent toujours l’emporter sur ces considérations.

72.Le Comité note que, si une disposition pénale est liée à l’âge de l’enfant et que la preuve de cet âge n’est pas établie de manière certaine, l’enfant a le droit au bénéfice du doute (voir aussi plus haut les paragraphes 35 et 39).

73.Les enseignements tirés de l’expérience acquise en matière de recours aux diverses options autres que la privation de liberté et le placement en institution et à leur application sont nombreux. Les États parties devraient s’en inspirer pour élaborer et mettre en œuvre des solutions de remplacement adaptées à leur culture et à leur tradition. Les mesures du type travail forcé, torture ou traitement inhumain ou dégradant doivent bien entendu être expressément interdites et les personnes responsables de telles pratiques illégales devraient être traduites en justice.

74.Après ces remarques d’ordre général, le Comité tient à appeler l’attention sur les mesures qu’interdit l’article 37 a) de la Convention et sur la privation de liberté.

Interdiction de la peine de mort

75.L’article 37 a) de la Convention réaffirme la norme acceptée sur le plan international (voir par exemple le paragraphe 5 de l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques) selon laquelle il est interdit d’imposer une sentence de mort à une personne qui avait moins de 18 ans au moment où elle a commis l’infraction en cause. Le texte a beau être clair, certains États parties estiment que cette règle ne fait qu’interdire l’exécution des personnes âgées de moins de 18 ans. La norme dispose pourtant que le seul et unique critère décisif est l’âge au moment de la commission de l’infraction. Cela signifie que la peine capitale ne peut être prononcée contre une personne qui avait moins de 18 ans au moment où elle a commis l’infraction qui lui est reprochée, quel que soit son âge à la date du procès, du verdict ou de l’exécution de la sanction.

76.Le Comité recommande aux quelques États parties ne l’ayant pas encore fait d’abolir la peine de mort pour toutes les infractions commises par des personnes âgées de moins de 18 ans et d’instituer un moratoire sur l’exécution de toutes les peines capitales prononcées à leur encontre jusqu’à ce que les mesures législatives nécessaires à l’abolition de la peine de mort pour les enfants soient adoptées. Toute peine de mort déjà prononcée devrait être commuée en une sanction conforme aux dispositions de la Convention.

Pas de peine d’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle

77.Aucune personne âgée de moins de 18 ans au moment où elle a commis une infraction ne devrait être condamnée à la prison à perpétuité sans possibilité de libération, y compris conditionnelle. Pour toutes les peines prononcées à l’encontre d’enfants, la possibilité d’une libération conditionnelle devrait être bien réelle et examinée périodiquement. À ce propos, le Comité renvoie à l’article 25 de la Convention, qui confère le droit à un examen périodique à tous les enfants placés pour recevoir des soins, une protection ou un traitement. Le Comité rappelle aux États parties qui condamnent des enfants à de la prison à vie avec la possibilité d’être libérés, y compris conditionnellement, que cette sanction doit être pleinement conforme aux objectifs de la justice pour mineurs exposés au paragraphe 1 de l’article 40 de la Convention et viser à leur réalisation. Cela signifie notamment que l’enfant condamné à une telle peine d’emprisonnement devrait recevoir une éducation, un traitement et des soins dans l’optique de sa libération, de sa réinsertion et de son aptitude à assumer un rôle constructif dans la société. Cela nécessite aussi d’examiner périodiquement le développement et les progrès de l’enfant afin de décider de son éventuelle libération. Comme il est probable que l’imposition d’une peine d’emprisonnement à perpétuité à un enfant rende très difficile, voire empêche la réalisation des objectifs de la justice pour mineurs, en dépit même de la possibilité de libération, le Comité recommande instamment aux États parties d’abolir toutes les formes d’emprisonnement à vie pour des infractions commises par des personnes âgées de moins de 18 ans.

F. Privation de liberté, y compris la détention avant

jugement et l’incarcération après jugement

78.L’article 37 de la Convention porte sur les principes conducteurs du recours à la privation de liberté, les droits procéduraux de tout enfant privé de liberté et les dispositions relatives au traitement et aux conditions de détention des enfants privés de liberté.

Principes fondamentaux

79.Les principes conducteurs du recours à la privation de liberté sont que: a) l’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’un enfant doit être en conformité avec la loi, n’être qu’une mesure de dernier ressort et être d’une durée aussi brève que possible; b) nul enfant ne doit être privé de liberté de façon illégale ou arbitraire.

80.Le Comité note avec inquiétude que dans de nombreux pays les enfants sont maintenus en détention avant jugement pendant des mois, voire des années, ce qui constitue une grave violation de l’article 37 b) de la Convention. Les États parties doivent disposer d’un ensemble efficace de solutions de remplacement (voir plus haut chap. IV, sect. B) pour s’acquitter de l’obligation qui est la leur, en vertu de l’article 37 b) de la Convention, dene recourir à la privation de liberté qu’en dernier ressort. Le recours à ces mesures de substitution doit être organisé soigneusement dans le souci de réduire le nombre de décisions de détention avant jugement sans risquer de multiplier le nombre d’enfants sanctionnés du fait de «l’élargissement de la nasse». Les États parties devraient en outre prendre des mesures législatives ou autres propres à réduire le recours à la détention avant jugement. Recourir à la détention avant jugement à titre de sanction viole la présomption d’innocence. La loi devrait clairement indiquer les conditions encadrant le placement ou le maintien en détention avant jugement d’un enfant, notamment la garantie de sa présence au procès, le fait qu’il représente un danger immédiat pour lui‑même ou pour autrui. La durée de la détention avant jugement devrait être limitée par la loi et faire l’objet d’un examen périodique.

81.Le Comité recommande aux États parties de veiller à ce qu’un enfant puisse être sorti de détention avant jugement au plus tôt, si nécessaire sous certaines conditions. Les décisions relatives à la détention avant jugement, en particulier sa durée, devraient être prises par une autorité ou une instance judiciaire compétente, indépendante et impartiale, et l’enfant devrait pouvoir bénéficier d’une assistance juridique ou de toute autre assistance appropriée.

Droits procéduraux (art. 37 d))

82.Les enfants privés de liberté ont le droit d’avoir accès rapidement à l’assistance juridique ou à toute autre assistance appropriée, de contester la légalité de leur privation de liberté devant un tribunal ou une autre autorité compétente, indépendante et impartiale, et à la prise rapide d’une décision en la matière.

83.Tout enfant arrêté et privé de liberté devrait, dans les vingt‑quatre heures, être présenté à une autorité compétente chargée d’examiner la légalité (de la poursuite) de la privation de liberté. Le Comité recommande aussi aux États parties de garantir, par des dispositions juridiques strictes, le réexamen périodique, dans l’idéal toutes les deux semaines, de la légalité d’une décision de mise en détention avant jugement. Si la libération conditionnelle de l’enfant, par exemple au titre de mesures de substitution, n’est pas possible, il doit être officiellement inculpé des faits qui lui sont reprochés et comparaître devant un tribunal ou une autre autorité ou instance judiciaire compétente, indépendante et impartiale, dans les trente jours suivant la prise d’effet de sa détention avant jugement. Face à la pratique de l’ajournement, souvent répété, des audiences, le Comité engage les États parties à adopter les dispositions légales nécessaires pour garantir que les tribunaux et les juges pour mineurs ou autre autorité compétente rendent une décision finale sur les charges dans les six mois suivant leur présentation.

84.Le droit de contester la légalité de la privation de liberté s’entend non seulement du droit de faire appel, mais aussi du droit d’accéder à un tribunal ou une autre autorité ou instance judiciaire compétente, indépendante et impartiale, lorsque la privation de liberté découle d’une décision administrative (par exemple, de la police, du procureur ou de toute autre autorité compétente). Le droit à une décision rapide signifie que la décision doit être rendue dès que possible, par exemple dans les deux semaines suivant le recours.

Traitement et conditions de détention (art. 37 c))

85.Tout enfant privé de liberté doit être séparé des adultes. Un enfant privé de liberté ne doit pas être placé dans un centre de détention ou autre établissement pour adultes. De nombreux éléments indiquent que le placement d’un enfant dans une prison pour adultes compromet sa sécurité fondamentale, son bien‑être et son aptitude ultérieure à ne pas replonger dans la criminalité et à se réinsérer. La seule exception admise à la séparation des enfants et des adultes, énoncée à l’article 37 c) de la Convention («à moins que l’on estime préférable de ne pas le faire dans l’intérêt supérieur de l’enfant»), devrait être interprétée au sens strict; l’intérêt supérieur de l’enfant ne peut pas être invoqué par commodité par les États parties. Ces derniers devraient se doter d’établissements séparés pour les enfants privés de liberté, mettant en œuvre du personnel, des politiques et des pratiques différents axés sur l’enfant.

86.Cette règle ne signifie pas qu’un enfant placé dans un établissement pour enfants doit être transféré dans un établissement pour adultes dès ses 18 ans. Il devrait pouvoir rester dans le même établissement si tel est son intérêt et si cela ne nuit pas à l’intérêt supérieur des enfants plus jeunes placés dans cet établissement.

87.Tout enfant privé de liberté a le droit de rester en contact avec sa famille par la correspondance et par des visites. Pour faciliter ces visites, l’enfant devrait être placé dans un établissement aussi proche que possible du domicile de sa famille. Les circonstances exceptionnelles susceptibles de limiter ces contacts devraient être clairement exposées dans la législation et ne pas être laissées à l’appréciation discrétionnaire des autorités compétentes.

88.Le Comité appelle l’attention des États parties sur les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté, adoptées par l’Assemblée générale dans sa résolution 45/113 du 14 décembre 1990. Le Comité exhorte les États parties à appliquer pleinement ces règles, tout en tenant compte, dans la mesure du possible, de l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (voir aussi l’article 9 des Règles de Beijing). À cet égard, le Comité recommande aux États parties d’intégrer ces règles dans leur législation et réglementation nationales et de les rendre accessibles, dans la langue nationale ou régionale, à tous les professionnels, ONG et bénévoles intervenant dans l’administration de la justice pour mineurs.

89.Le Comité tient à souligner que dans tous les cas de privation de liberté, il convient, entre autres, d’observer les principes et règles suivants:

Les enfants devraient bénéficier d’un environnement physique et de logements conformes à l’objectif de réadaptation assigné au traitement des mineurs détenus, compte dûment tenu de leurs besoins d’intimité et de stimulants sensoriels, se voir offrir des possibilités d’association avec leurs semblables et pouvoir se livrer à des activités sportives, d’exercice physique et de loisirs;

Tout enfant d’âge scolaire a le droit de recevoir une éducation adaptée à ses besoins et aptitudes et tendant à le préparer à son retour dans la société; en outre, tout enfant devrait, au besoin, recevoir une formation professionnelle propre à le préparer à la vie active;

Tout enfant a le droit d’être examiné par un médecin dès son admission dans un établissement de détention ou de redressement, et de recevoir, tout au long de son séjour, des soins médicaux qui devraient être dispensés, dans la mesure du possible, par des services de santé, notamment ceux de la communauté;

Les employés de l’établissement devraient encourager et faciliter des contacts fréquents entre l’enfant et l’extérieur, notamment les communications avec sa famille, ses amis, ainsi qu’avec des membres ou représentants d’organisations extérieures de bonne réputation, ainsi que la possibilité de se rendre chez lui et chez sa famille;

La contrainte ou la force ne peut être utilisée qu’en cas de menace imminente de voir l’enfant se blesser ou blesser autrui et après épuisement de tous les autres moyens de contrôle. L’usage de la contrainte ou de la force − moyens physiques, mécaniques et chimiques compris − devrait être surveillé directement et de près par un médecin et/ou un psychologue. Il ne doit jamais s’agir d’un moyen de sanction. Le personnel de l’établissement devrait recevoir une formation sur les normes applicables et il faudrait sanctionner de manière appropriée les employés qui recourent à la contrainte ou à la force en violation de ces règles et principes;

Toute mesure disciplinaire doit être compatible avec le respect de la dignité inhérente du mineur et les objectifs fondamentaux du traitement en établissement; les mesures disciplinaires violant l’article 37 de la Convention, telles que les châtiments corporels, la réclusion dans une cellule obscure, dans un cachot ou à l’isolement, et toute punition qui peut être préjudiciable à la santé physique ou mentale ou le bien‑être de l’enfant concerné doivent être strictement interdites;

Tout enfant devrait avoir le droit d’adresser, sans censure quant au fond, une requête ou une plainte à l’administration centrale des établissements pour mineurs, à l’autorité judiciaire ou à d’autres autorités compétentes indépendantes, et d’être informé sans délai de leur réponse; les enfants doivent avoir connaissance de ces mécanismes et pouvoir y accéder facilement;

Des inspecteurs indépendants et qualifiés devraient être habilités à procéder à des inspections régulières et à entreprendre de leur propre initiative des inspections non annoncées; ils devraient s’attacher tout particulièrement à parler, dans un cadre confidentiel, avec les enfants placés en établissement.

V. ORGANISATION DE LA JUSTICE POUR MINEURS

90.La pleine mise en œuvre des principes et des droits précisés dans les paragraphes précédents nécessite d’organiser efficacement l’administration de la justice pour mineurs et un système complet de justice pour mineurs. Comme le prescrit le paragraphe 3 de l’article 40 de la Convention, les États parties doivent s’efforcer de promouvoir l’adoption de lois et de procédures, ainsi que la mise en place d’autorités et d’institutions spécialement conçues pour les enfants en conflit avec la loi pénale.

91.La présente observation générale a pour objet d’exposer les dispositions fondamentales de pareilles lois et procédures. D’autres dispositions et procédures sont laissées à la discrétion des États parties, notamment quant à la forme. Elles peuvent être énoncées dans des chapitres spéciaux de la législation pénale et procédurale générale ou rassemblées en une loi spécifique sur la justice pour mineurs.

92.Un système complet de justice pour mineurs passe en outre par la création de services spécialisés au sein de la police, de l’appareil judiciaire, des tribunaux, des bureaux de procureur, ainsi que par la nomination de défenseurs spécialisés ou autres représentants apportant à l’enfant une assistance juridique ou toute autre forme d’assistance appropriée.

93.Le Comité recommande aux États parties d’instituer des tribunaux pour mineurs en tant qu’entités séparées ou en tant que sous‑division des tribunaux régionaux ou de district existants. Si c’est irréalisable dans l’immédiat pour des raisons pratiques, les États parties devraient procéder à la nomination de juges ou magistrats spécialisés chargés de traiter les affaires relevant de la justice pour mineurs.

94.Il faudrait en outre créer des services spécialisés (de probation, de conseil, de supervision, etc.) et des établissements spécialisés, par exemple des centres de traitement ambulatoire, et, au besoin, des établissements de soins et de traitement pour jeunes délinquants. Dans pareil système de justice pour mineurs, il faudrait encourager en permanence la coordination efficace des activités de tous ces départements, services et établissements spécialisés.

95.Les rapports de nombreux États parties montrent clairement que les organisations non gouvernementales peuvent jouer, et jouent un grand rôle, tant dans la prévention de la délinquance juvénile à proprement parler que dans l’administration de la justice pour mineurs. C’est pourquoi le Comité recommande aux États parties de favoriser la participation active de ces organisations à l’élaboration et l’application de leur politique globale en matière de justice pour mineurs et de leur fournir les ressources nécessaires à cet effet.

VI. SENSIBILISATION ET FORMATION

96.Les enfants qui commettent des infractions ont souvent mauvaise presse, ce qui favorise les stéréotypes discriminatoires et renforce la stigmatisation de ces enfants, et souvent, des enfants en général. Cette stigmatisation des jeunes délinquants, souvent fondée sur une déformation et/ou une interprétation erronée des causes de la délinquance juvénile, conduit régulièrement à des appels en faveur d’une ligne plus dure (par exemple, la tolérance zéro, le carton rouge après trois délits, les peines obligatoires, le jugement devant un tribunal pour adultes et autres mesures essentiellement répressives). Afin de créer un environnement favorable à la compréhension des causes profondes de la délinquance juvénile et d’adopter une approche de ce problème social fondée sur les droits, les États parties devraient organiser, promouvoir et/ou soutenir les campagnes d’information et autres visant à sensibiliser à la nécessité et à l’obligation de traiter conformément à l’esprit et à la lettre de la Convention les enfants accusés d’avoir violé la loi pénale. À cet égard, les États parties devraient solliciter une participation active et positive des parlementaires, des ONG et des médias et soutenir leurs efforts en faveur d’une meilleure compréhension de l’approche fondée sur les droits dont doivent bénéficier les enfants qui ont été ou sont en conflit avec la loi pénale. Il est capital que les enfants, en particulier ceux ayant une expérience du système de justice pour mineurs, soient associés à ces efforts de sensibilisation.

97.Il est essentiel pour la qualité de l’administration de la justice pour mineurs que tous les professionnels concernés, en particulier ceux intervenant dans l’application des lois et l’appareil judiciaire, reçoivent une formation adaptée sur le contenu et la signification des dispositions de la Convention, en général, et sur celles directement pertinentes dans le cadre de leur pratique quotidienne, en particulier. Cette formation devrait être organisée de manière systématique et en continu sans se réduire à la présentation des dispositions nationales et internationales applicables. Elle devrait servir à diffuser, entre autres, des informations sur les causes sociales et autres de la délinquance juvénile, les aspects psychologiques et autres du développement de l’enfant, et porter une attention spéciale aux filles et aux enfants appartenant à une minorité ou autochtones, à la culture et aux tendances des jeunes, à la dynamique des activités de groupe et aux mesures dont on dispose pour s’occuper d’enfants en conflit avec la loi pénale, en particulier les mesures permettant de ne pas recourir à la procédure judiciaire (voir plus haut chap. IV, sect. B).

VII. COLLECTE DE DONNÉES, ÉVALUATION ET TRAVAUX DE RECHERCHE

98.Le Comité est profondément préoccupé par l’absence de données ventilées, même élémentaires, en particulier sur le nombre et la nature des infractions commises par des enfants, le recours à la détention avant jugement et sa durée moyenne, le nombre d’enfants bénéficiaires de mesures autres que judiciaires (déjudiciarisation), le nombre d’enfants condamnés et la nature des sanctions imposées. Le Comité appelle les États parties à recueillir systématiquement des données ventilées pertinentes aux fins d’information sur la pratique de l’administration de la justice pour mineurs, de telles données étant indispensables à la formulation, à l’application et à l’évaluation des politiques et programmes visant à prévenir la délinquance juvénile et à y faire face efficacement, dans le respect des principes et dispositions de la Convention.

99.Le Comité recommande aux États parties de procéder périodiquement, de préférence par l’intermédiaire d’institutions universitaires indépendantes, à l’évaluation de leur pratique en matière de justice pour mineurs, en particulier de l’efficacité des mesures prises, dont celles concernant la non‑discrimination, la réinsertion et la récidive. Des travaux de recherche, par exemple ceux relatifs aux disparités dans l’administration de la justice pour mineurs susceptibles d’être considérées comme discriminatoires, et les faits nouveaux concernant la situation en matière de délinquance juvénile, tels que les programmes de déjudiciarisation efficaces ou les tendances les plus récentes en matière d’infractions commises par des mineurs, permettront de mettre en évidence les grands domaines de réussite ou d’inquiétude. Il importe d’associer les enfants, en particulier ceux qui ont été en contact avec la justice pour mineurs, à ces travaux d’évaluation et de recherche. La vie privée de ces enfants et la confidentialité de leur coopération devraient être pleinement respectées et protégées. À cet égard, le Comité renvoie les États parties aux directives internationales existantes relatives à la participation d’enfants à des travaux de recherche.