Nations Unies

HRI/2019/1

Instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme

Distr. générale

14 mai 2020

Français

Original : anglais

Déclaration sur les droits de l’homme et les changements climatiques

Déclaration conjointe du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, du Comité des droits de l’enfant et du Comité des droits des personnes handicapées

1.Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, le Comité des droits de l’enfant et le Comité des droits des personnes handicapées saluent la tenue du Sommet sur l’action pour le climat, organisé en septembre 2019 à l’initiative du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, en vue de favoriser des plans et des mesures plus ambitieux de réduction des émissions. Les Comités exhortent tous les États à prendre en considération leurs obligations relatives aux droits de l’homme dans l’examen de leurs engagements climatiques.

2.Les Comités saluent également les travaux menés par la communauté scientifique internationale pour mieux comprendre les conséquences des changements climatiques et les solutions qui pourraient contribuer à en éviter les effets les plus dangereux. Ils se félicitent en particulier du rapport publié en 2018 par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat sur les conséquences d’un réchauffement planétaire supérieur à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels.

3.Le rapport en question confirme que les changements climatiques risquent de gravement compromettre l’exercice des droits de l’homme protégés par la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention relative aux droits de l’enfant et la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Les effets néfastes recensés dans le rapport menacent, entre autres, les droits à la vie, à une alimentation adéquate, à un logement convenable, à la santé et à l’eau, ainsi que les droits culturels. Ces effets négatifs transparaissent aussi dans les dommages subis par les écosystèmes, qui compromettent eux-mêmes l’exercice des droits de l’homme. Le risque de préjudice est particulièrement élevé pour les secteurs de la population tels que les femmes, les enfants, les personnes handicapées, les peuples autochtones et les habitants des zones rurales, qui sont déjà en situation de marginalisation ou de vulnérabilité ou qui, du fait de la discrimination et des inégalités préexistantes, n’ont guère accès à la prise des décisions et aux ressources. Les enfants courent un risque particulièrement élevé pour leur santé en raison de leur immaturité physiologique.

4.Comme l’indique le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes dans sa recommandation générale no 37 (2018) relative aux aspects liés au genre de la réduction des risques de catastrophe dans le contexte des changements climatiques, les changements climatiques et les catastrophes ne touchent pas les femmes et les hommes ou les filles et les garçons de la même façon, de nombreuses femmes et filles étant exposées à des risques et à des effets disproportionnés pour leur santé, leur sécurité et leurs moyens d’existence. Les situations de crise accentuent les inégalités préexistantes entre les hommes et les femmes et aggravent la discrimination croisée que subissent de manière disproportionnée les groupes de femmes et de filles défavorisées, en particulier les femmes et les filles handicapées. En outre, les changements climatiques et les catastrophes, y compris les pandémies, influent sur la prévalence, la répartition et la gravité des maladies nouvelles et résurgentes. La susceptibilité des femmes et des filles à la maladie est augmentée du fait des inégalités qu’elles subissent dans l’accès à l’alimentation, à la nutrition et aux soins de santé, et du rôle social attendu des femmes consistant à ce que ce soit elles principalement qui s’occupent des enfants, des personnes âgées et des malades.

5.Ces conséquences négatives pour les droits de l’homme sont déjà une réalité avec 1°C de réchauffement de la planète ; chaque élévation supplémentaire des températures compromettra davantage la réalisation des droits. Dans son rapport, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat spécifie que pour éviter le risque d’effets systémiques irréversibles et à grande échelle, il faut d’urgence engager une action résolue en faveur du climat.

6.Dans son rapport, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat souligne également que la mise en œuvre de mesures adaptées pour atténuer les changements climatiques apporterait d’importants avantages sociaux, environnementaux et économiques. Il met en garde contre le risque de dommages sociaux et environnementaux que comporteraient des mesures climatiques mal conçues, soulignant ainsi qu’il importe d’appliquer les normes relatives aux droits de l’homme à chaque étape du processus décisionnel des politiques climatiques.

7.Comme l’a rappelé le Comité des droits économiques, sociaux et culturels dans sa déclaration de 2018 concernant les changements climatiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, les mécanismes des droits de l’homme ont un rôle essentiel à jouer en veillant à ce que les États ne prennent pas de mesures pouvant accélérer les changements climatiques et à ce qu’ils mobilisent autant que faire se peut les ressources disponibles pour adopter des mesures propres à atténuer ces changements. Dans sa déclaration, le Comité a aussi salué le fait qu’au niveau national, les systèmes judiciaires et les institutions des droits de l’homme veillent de plus en plus à ce que les États s’acquittent de l’obligation qui leur est faite par les instruments relatifs aux droits de l’homme de lutter contre les changements climatiques.

Capacité d’action et action climatique

8.Les femmes, les enfants et d’autres personnes, comme les personnes handicapées, ne devraient pas être perçus seulement comme des victimes ou sous l’angle de la vulnérabilité. Ils doivent être reconnus comme des agents du changement et des partenaires essentiels dans les initiatives locales, nationales et internationales face aux changements climatiques. Les Comités soulignent que les États doivent garantir le droit fondamental qu’ont ces personnes de participer à l’élaboration des politiques climatiques et que, devant l’ampleur et la complexité du défi climatique, les États doivent veiller à adopter une approche multipartite inclusive qui mobilise les idées, l’énergie et l’ingéniosité de toutes les parties prenantes.

9.Les Comités accueillent avec intérêt la coopération internationale engagée face aux changements climatiques sous les auspices de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et de l’Accord de Paris, et le fait que tous les États se sont engagés et contribuent, au niveau national, à atténuer ces changements. Ils se réjouissent également de ce que la société civile, en particulier les femmes, les enfants et les jeunes, se mobilise pour exhorter les gouvernements à une action climatique plus ambitieuse. Cependant, les Comités notent avec une vive préoccupation que les engagements actuels que les États ont souscrits en vertu de l’Accord de Paris sont insuffisants pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels, et que nombre d’États ne sont pas en bonne voie pour respecter leurs engagements. De ce fait, les États exposent leurs populations et les générations futures aux graves menaces pour les droits de l’homme qui sont associées à une élévation plus forte des températures.

Obligations des États en matière de droits de l’homme

10.Au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, de la Convention relative aux droits de l’enfant et de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, les États sont tenus, y compris à l’échelle extraterritoriale, de respecter, de protéger et de mettre en œuvre tous les droits de l’homme pour tous. Il serait contraire à cette obligation de ne pas prévenir des atteintes prévisibles aux droits de l’homme provoquées par les changements climatiques ou de ne pas réglementer les activités qui contribuent à de telles atteintes.

11.Pour s’acquitter de leurs obligations relatives aux droits de l’homme et atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, les États doivent adopter et mettre en œuvre des politiques visant à réduire les émissions. Ces politiques doivent correspondre au niveau d’ambition le plus élevé possible, promouvoir la résilience aux changements climatiques et faire en sorte que les investissements publics et privés soient compatibles avec un profil d’évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques.

12.Dans le cadre des efforts qu’ils déploient pour réduire les émissions, les États parties devraient contribuer efficacement à l’abandon progressif des combustibles fossiles, à la promotion des énergies renouvelables et à la réduction des émissions du secteur foncier, notamment en luttant contre la déforestation. En outre, les États doivent réglementer les acteurs privés, y compris en leur demandant des comptes pour les dommages qu’ils causent à l’intérieur et à l’extérieur de leurs frontières. Ils devraient également mettre fin aux incitations financières ou aux investissements destinés aux activités et infrastructures qui ne sont pas compatibles avec un profil d’évolution à faible émission de gaz à effet de serre, qu’ils soient d’origine publique ou privée, à titre de mesure d’atténuation pour éviter des dommages et des risques supplémentaires.

13.Les États doivent, dans le cadre de la réduction des émissions et de l’adaptation aux effets des changements climatiques, s’efforcer de lutter contre toutes les formes de discrimination et d’inégalité, notamment en favorisant une égalité réelle entre les hommes et les femmes, en protégeant les droits des peuples autochtones et des personnes handicapées, et en tenant compte de l’intérêt supérieur de l’enfant.

14.De plus en plus de personnes sont contraintes de migrer parce que leur État d’origine ne peut leur assurer des conditions de vie convenables, en raison de l’augmentation des catastrophes hydrométéorologiques, des évacuations de zones à haut risque, de la dégradation de l’environnement et des catastrophes à évolution lente, de la disparition de petits États insulaires due à l’élévation du niveau de la mer, voire de l’apparition de conflits liés à l’accès aux ressources. La migration est une stratégie d’adaptation normale face aux effets des changements climatiques et des catastrophes naturelles, et constitue la seule solution pour des populations entières. Les migrations liées aux changements climatiques doivent être traitées par l’Organisation des Nations Unies et les États comme une nouvelle forme de migration et de déplacement interne.

15.Les États doivent donc s’attaquer aux effets des changements climatiques, de la dégradation de l’environnement et des catastrophes naturelles en tant que cause de migration et faire en sorte qu’ils n’empêchent pas l’exercice, par les migrants et les membres de leur famille, de leurs droits humains. En outre, les États devraient mettre en place, à l’intention des travailleurs migrants déplacés d’un pays à l’autre dans le contexte des changements climatiques ou de catastrophes et qui ne peuvent pas rentrer dans leur pays, des mécanismes de protection complémentaires et des dispositifs de protection ou de séjour temporaire.

16.Lorsqu’ils conçoivent et mettent en œuvre leurs politiques climatiques, les États doivent également respecter, protéger et réaliser les droits de tous, notamment en imposant une diligence raisonnable pour ce qui est des droits de l’homme et en garantissant l’accès à l’éducation, aux activités de sensibilisation et à l’information environnementale, ainsi que la participation du public à la prise de décisions. En particulier, ils sont tenus de protéger et de défendre efficacement les droits des défenseurs des droits de l’homme qui militent pour l’environnement, y compris des femmes, des autochtones et des enfants défenseurs de l’environnement.

Coopération internationale

17.Dans le cadre de l’assistance et de la coopération internationales déployées pour réaliser les droits de l’homme, les États à revenu élevé devraient soutenir les efforts d’adaptation et d’atténuation menés dans les pays en développement, en facilitant le transfert de technologies vertes et en contribuant au financement des mesures d’atténuation des changements climatiques et d’adaptation à ces changements. En outre, ils doivent coopérer de bonne foi pour apporter une riposte mondiale aux pertes et préjudices subis par les pays les plus vulnérables en raison des changements climatiques, en accordant une attention particulière à la protection des droits des personnes particulièrement exposées aux dommages liés au climat, et en luttant contre les conséquences dévastatrices des perturbations climatiques, y compris pour les femmes, les enfants, les personnes handicapées et les peuples autochtones.

Rôle des Comités

18.Les Comités continueront d’examiner, dans le cadre de leurs travaux futurs, les effets des changements et des catastrophes climatiques sur les titulaires de droits protégés par leurs instruments respectifs. Ils continueront également de conseiller les États parties sur les moyens de s’acquitter des obligations découlant de ces instruments en ce qui concerne l’atténuation des changements climatiques et l’adaptation à ces changements.