Document de base commun faisant partie intégrante des rapports présentés par les États parties
Suisse * , **
[Date de réception : 10 janvier 2023]
Table des matières
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I.Introduction3
II.Informations générales sur la Suisse3
A.Caractéristiques géographiques, historiques, démographiques, sociales, culturelles, économiques et juridiques3
B.Système constitutionnel, politique et juridique12
III.Cadre général de la protection et de la promotion des droits de l’homme18
A.Acceptation des normes internationales relatives aux droits de l’homme18
B.Cadre juridique de la protection des droits de l’homme à l’échelon national30
C.Cadre de la promotion des droits de l’homme à l’échelon national37
D.Processus d’établissement des rapports nationaux42
IV.Informations concernant la non-discrimination et l’égalité ainsi que les recours effectifs43
A.Organisation des efforts du Gouvernement en vue de promouvoir l’égalité des droits et de prévenir la discrimination43
B.Recours effectifs48
I.Introduction
1.Ce document de base présente la Suisse dans sa diversité culturelle, historique, politique et juridique. Il contient des informations générales et des données statistiques, destinées à faciliter la compréhension du contexte politique, juridique, social et économique entourant la mise en œuvre des droits de l’homme en Suisse.
2.Ce document s’inspire des « directives harmonisées concernant l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme » du 3 juin 2009 (HRI/GEN/2/Rev.6), établies par le Secrétariat du Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU pour l’élaboration de la première partie des rapports étatiques. Le document est structuré en trois parties, selon le plan proposé dans les directives : Informations générales sur la Suisse (II.), Cadre général de la protection et de la promotion des droits de l’homme (III.), et Informations concernant la non-discrimination et l’égalité et les recours utiles (IV.).
3.Si aucune autre date n’est indiquée, l’état des informations fournies est juillet 2022.
II.Informations générales sur la Suisse
A.Caractéristiques géographiques, historiques, démographiques, sociales, culturelles, économiques et juridiques
1.Géographie
4.La Suisse, petit État au cœur de l’Europe, est un pays d’une grande diversité. La géographie du pays se caractérise par les contrastes et les particularités de son paysage. Une riche et fructueuse hétérogénéité culturelle reflète cette variété naturelle. Les différences marquées qui en résultent constituent unélément essentiel de l’identité suisse.
5.La Confédération Suisse est formée de 26 cantons et 2 145 communes, avec Berne comme ville fédérale. Ses pays voisins sont la France à l’ouest, l’Allemagne au nord, l’Autriche et la Principauté du Liechtenstein à l’est et l’Italie au sud. Elle totalise 1882 km de frontières avec ces cinq pays.
6.Le territoire suisse a une superficie de 41 285 km2. Les Alpes, le Plateau et le Jura constituent les trois grands espaces géographiques suisses. Les Alpes couvrent 60 % du territoire et ont depuis toujours modelé l’identité de la Suisse, bien que les principales activités économiques soient concentrées sur le Plateau. Seulement 11 % de la population vit dans les régions alpines. Les nombreux cols situés dans les Alpes suisses sont d’importants lieux de passage. 48 sommets dépassent les 4000 mètres d’altitude dans les Alpes suisses. Le plus haut se situe dans le massif du Mont Rose, à la pointe Dufour, à 4634m.
7.Les surfaces d’habitat et d’infrastructure occupent 7,9% du territoire suisse, les surfaces agricoles représentent 35,2% et les surfaces boisées 31,8%. Depuis 1985, les surfaces d’habitat et d’infrastructure ont augmenté de près d’un tiers. Neuf dixième de ces nouvelles surfaces ont remplacé des surfaces agricoles, presque exclusivement en plaine : 89% des nouvelles surfaces d’habitat et d’infrastructure se sont développées en-dessous de 1000m. Au-dessus de 1000m, les surfaces agricoles ont diminué de 454 km2, remplacées essentiellement par de la forêt. Depuis 1985, les glaciers ont perdu un tiers de leur surface. Ils couvrent encore une superficie de 1030 km2.
2.Histoire
8.Les institutions et l’organisation politique de la Suisse sont, en grande partie, le reflet de l’héritage d’une histoire longue de sept siècles. L’évolution des modes de gouvernement s’est opérée bien plus par agglomération et superposition, au gré de l’extension du territoire, que par des bouleversements, révolutions ou conquêtes armées. C’est en tant que nation fondée sur la volonté politique que la Suisse s’est développée. L’élément de base de l’identité suisse n’est pas, comme dans les États voisins, une langue nationale, ni une tradition culturelle ou ethnique homogène. Cette identité se fonde sur les convictions politiques que partage la population suisse, en dépit de ses différentes traditions linguistiques et culturelles. Les dénominateurs communs sont l’adhésion aux valeurs de l’État fédéraliste, de la démocratie directe et de la diversité culturelle et linguistique. Tel un fil conducteur, la notion d’autonomie régionale parcourt toute l’histoire de la Confédération. La neutralité que la Suisse a pratiquée depuis le XVIe siècle a largement contribué à sauvegarder sa cohésion interne multiculturelle et à protéger le pays contre les agressions du monde extérieur.
9.Jusqu’à la Révolution française, la Suisse a été une association d’États (les cantons) servant originairement à la défense commune de l’indépendance contre les prétentions territoriales des Habsbourg et, plus tard, à la conquête et à la soumission de certains territoires (pays sujets). Les relations entre les cantons n’étaient alors pas régies par une constitution mais par des traités d’alliance. Une politique commune des confédérés ne se développera que progressivement, car les divergences politiques et confessionnelles étaient tout d’abord insurmontables.
10.Après l’occupation de la Suisse par les troupes du Directoire en 1798, une République helvétique unitaire est créée sur le modèle français. Les privilèges des pays suzerains vis-à-vis des pays sujets sont abolis et les libertés de croyance et de presse garanties. En 1803, Napoléon Bonaparte met fin à la lutte qui oppose fédéralistes et centralistes en édictant une nouvelle Constitution, l’Acte de médiation, par lequel la Suisse redevient une confédération d’États. Les attributions de l’État central sont limitées à la politique étrangère et au maintien de l’ordre public, les cantons demeurant souverains dans tous les autres domaines.
11.Lors du Congrès de Vienne de 1815, l’indépendance et la neutralité de la Suisse sont reconnues comme des éléments importants de l’équilibre européen. La Suisse retrouve alors la forme d’une association de 22 cantons largement indépendants unis par un traité d’alliance. C’est alors que sont fixées ses frontières extérieures actuelles.
12.La Révolution française de juillet 1830 déclenche également un mouvement libéral en Suisse. Dans 12 cantons, les mouvements populaires imposent des constitutions libérales qui s’appuient sur les principes de la souveraineté populaire et de la démocratie représentative. Ces nouvelles constitutions violent le « Traité fédéral » de 1815 ; c’est pourquoi une révision du Traité, qui amène une consolidation du pouvoir central, devient inévitable. Le pas décisif conduisant d’une confédération d’États à un État fédéral est franchi grâce à la première Constitution fédérale de 1848, après que les cantons libéraux se sont imposés face aux cantons conservateurs catholiques à l’issue d’une brève guerre civile (la guerre du « Sonderbund »). En plein cœur de l’Europe des monarchies de la Restauration, surgit ainsi un État qui incarne les idées républicaines progressistes. La Constitution investit la Confédération de nouvelles compétences, notamment dans les domaines de la politique étrangère, des douanes, de la poste, de la monnaie et, en partie, de l’armée. L’organisation actuelle de l’État est alors instituée, sur la base du principe de la séparation des pouvoirs ; son système parlementaire bicaméral, qui s’inspire du modèle des États-Unis, cherche à instaurer un équilibre entre les tendances centralistes et fédéralistes.
13.La Constitution suisse a ensuite connu deux révisions totales : la première en 1874 a renforcé le pouvoir central et les droits des citoyens au détriment des cantons. La révision totale de 2000 a servi, d’une part, à adapter le texte constitutionnel suranné au droit constitutionnel matériel : les lacunes actuelles devaient être comblées, l’articulation améliorée, la densité normative réduite et la langue modernisée (dite « mise à jour »). Dans le cadre de cette mise à jour, un catalogue intégral de droits fondamentaux a également été ancré pour la première fois dans le texte de la Constitution (cf. ci-dessous chap. D 1). D’autre part, des innovations étaient nécessaires dans les domaines des autorités judiciaires et des droits populaires, afin d’assurer et de renforcer la capacité de décision et d’action de l’État dans la perspective des défis à venir. Toujours en 2000, le peuple suisse s’est prononcé en faveur des accords bilatéraux avec l’Union européenne (UE). Deux ans plus tard, il donnait son accord à l’adhésion à l’ONU.
14.La démocratie semi-directe (initiative populaire, référendum, Parlement), ancrée dans la Constitution, apporte une contribution essentielle à la coexistence pacifique des différentes cultures, en renforçant le rôle des minorités linguistiques et politiques dans les processus de prise de décision.
15.Le fédéralisme suisse doit aussi être examiné à la lumière de la délégation accrue des compétences au cours de l’histoire. Ne ressortissent à la Confédération que les compétences qui lui sont expressément attribuées par la Constitution ; les autres reviennent aux cantons. Les communes ont compétence pour les domaines qui leur sont explicitement délégués par le canton ou par la Confédération.
3.Démographie
16.La Suisse compte 8,7 millions d’habitants (état au 31.12.2021), dont 25,7 % sont des étrangers (chiffres clés concernant la population, cf. annexe 1). La Suisse est un État plurilingue. Elle compte quatre langues officielles, à savoir l’allemand, le français, l’italien et, partiellement, le romanche (cf. art. 70, al. 1, de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; ci-après « la Constitution »).
17.61,2 % des personnes habitant en Suisse sont de confession chrétienne (2020). Dans quatorze cantons, les catholiques représentent la majeure partie de la population, dans trois cantons, les protestants et, dans trois cantons, les personnes sans appartenance religieuse. Dans les autres cantons, la situation est relativement équilibrée. La religion ne joue pas un rôle majeur dans la vie quotidienne pour la plupart des habitants, qu’ils soient chrétiens, musulmans ou juifs. La proportion de personnes n’appartenant à aucune communauté religieuse est de 31 % (2020) et ne cesse de croître depuis des années. À cet égard, la Suisse peut être considérée comme un véritable « pays de minorités », tant sur le plan linguistique et culturel que sur le plan religieux.
4.Caractéristiques sociales et culturelles
Culture
18.Une grande diversité dans un espace restreint : le paysage culturel de la Suisse, caractérisé par la cohabitation de plusieurs communautés linguistiques et culturelles, ainsi que la petite superficie du pays ont donné naissance à une diversité culturelle remarquable. L’architecture, le design, l’art, la littérature, le cinéma, la musique, le théâtre et les coutumes sont richement développés en Suisse.
19.La Confédération suisse a été créée par l’association de 26 cantons possédant chacun un système juridique, une culture politique, linguistique et religieuse propre et une identité historique distincte. C’est pourquoi le respect de la diversité culturelle comme principe constitutif de l’identité étatique suisse est garanti à plusieurs reprises dans la Constitution ; il définit l’orientation politique et administrative de l’État fédéral ainsi que sa politique culturelle et linguistique. En conséquence, la politique culturelle de la Suisse est organisée de manière fédérale et décentralisée. Son but n’est pas d’assurer l’homogénéité mais de promouvoir la diversité. Elle protège les minorités en particulier et garantit la cohésion sociale entre les quatre régions linguistiques.
20.Au sein de la structure fédérative de l’État, l’encouragement de la culture se fonde sur le principe de la double subsidiarité. D’une part, le secteur privé est le premier responsable de la mise en place des conditions matérielles pour le développement de la culture ; les collectivités publiques n’apportent leur soutien que si les ressources du secteur privé ne sont pas suffisantes. D’autre part, l’encouragement de la culture s’accomplit du bas vers le haut : en sont tout d’abord responsables les collectivités publiques les plus proches de la population, c’est-à-dire les communes et les villes, puis, et uniquement si nécessaire, l’entité supérieure, c’est-à-dire les cantons ou la Confédération. Les dépenses en faveur de la culture par les collectivités publiques, principalement prises en charge par les villes et les cantons, confirment ce principe.
21.En 2019 par exemple, la Confédération, les cantons et les communes ont alloué près de 3 019 millions de francs à la culture, soit environ 1,7 % de l’ensemble des dépenses des pouvoirs publics et 0,42 % du produit intérieur brut. En vertu du principe de subsidiarité, les communes ont contribué pour environ 49 %, les cantons pour environ 40 % et la Confédération pour environ 11 %. Le montant total correspondait à 352 francs par habitant.
22.Renforcer la cohésion et la diversité culturelle en Suisse tout en facilitant l’accès de la population à la culture est l’un des objectifs fondamentaux de la politique culturelle de la Confédération. Le Conseil fédéral entend également encourager les échanges culturels, créer des conditions favorables au travail des acteurs culturels, des institutions et des organisations culturelles et faire connaître la création culturelle suisse à l’étranger. Il mène en même temps un dialogue culturel national avec les cantons, les villes et les communes afin d’améliorer l’échange des informations, de renforcer la coopération, d’identifier les sujets pour lesquels les partenaires ont des intérêts parallèles ou complémentaires et de favoriser la compréhension et la confiance réciproque.
23.La collaboration institutionnelle de la Suisse avec l’étranger dans le domaine de la culture s’accomplit au niveau bilatéral et multilatéral. Au niveau bilatéral, la Suisse coopère avec des pays partenaires dans des domaines comme le cinéma et le transfert des biens culturels ; au niveau multilatéral, elle s’engage au sein de l’UNESCO et du Conseil de l’Europe. Le réseau des écoles suisses à l’étranger participe aussi grandement à l’échange culturel international.
24.Le plurilinguisme est une caractéristique essentielle de la Suisse. La Constitution fédérale l’exprime clairement en confiant un mandat étendu de politique linguistique à la Confédération et aux cantons (art. 70 de la Constitution). La loi fédérale sur les langues nationales et la compréhension entre les communautés linguistiques (Loi sur les langues) concrétise ce mandat de sauvegarde et de promotion de la richesse linguistique de la Suisse, et de renforcement de la cohésion sociale.
25.La Constitution établit l’allemand, le français, l’italien et le romanche comme les langues nationales : chacun de ces groupes linguistiques a le droit de communiquer dans sa langue. L’allemand, le français et l’italien ont également le statut de langue officielle,c’est-à-dire que les lois et les documents officiels de la Confédération doivent être disponibles dans ces trois langues. Le romanche est depuis 1938 et suite à une votation populaire la quatrième langue nationale et langue officielle pour les rapports que la Confédération entretient avec les personnes de langue romanche. Environ 64 % de la population résidante permanente âgée de 15 ans ou plus utilise régulièrement plus d’une langue. Outre les langues nationales, l’anglais, le portugais, l’espagnol, le serbe, le croate et l’albanais sont souvent utilisées. Sur les vingt-six cantons, quatre sont officiellement plurilingues : Berne (allemand et français), Fribourg (français et allemand), le Valais (français et allemand) et les Grisons (allemand, romanche, italien).
Education
26.De l’entrée à l’école obligatoire jusqu’au degré tertiaire (hautes écoles et formation professionnelle supérieure), l’éducation est du ressort de l’État. La Confédération et les cantons se partagent les compétences dans ce domaine. Depuis 2006, les deux partenaires veillent conjointement, dans le cadre de leurs compétences respectives et sur la base du nouveau fondement constitutionnel, à la qualité élevée et à la perméabilité de l’espace suisse de la formation (art. 61a de la Constitution). Le postobligatoire (formation générale, formation professionnelle, hautes écoles) est placé sous la responsabilité commune de la Confédération et des cantons, qui y ont chacun leurs compétences propres. Dans la majorité des cantons, il est par ailleurs obligatoire de fréquenter l’école enfantine pendant un an ou deux ans. La fréquentation de l’école publique obligatoire est gratuite. Les cantons et leurs communes financent 90 % des dépenses d’éducation réalisées par les pouvoirs publics.
27.La majorité des élèves accomplissent leur scolarité obligatoire à l’école publique de leur commune de domicile. Ils sont environ 5 % à fréquenter une école privée (état : décembre 2020). L’école publique remplit une fonction primordiale dans l’intégration puisque les enfants qui la fréquentent proviennent de milieux sociaux, linguistiques ou culturels différents. Chaque élève apprend au moins deux langues nationales à l’école primaire, en plus de l’anglais.
28.Après leur scolarité obligatoire, environ deux tiers des jeunes optent pour une formation professionnelle combinant école et pratique (formation initiale duale), qui débouche sur un certificat fédéral de capacité ou une attestation fédérale de formation professionnelle. Une formation professionnelle initiale peut également être clôturée par une maturité professionnelle. Environ un tiers des jeunes opte pour une formation scolaire (école de culture générale ou lycée/gymnase) préparant aux études dans une haute école (hautes écoles spécialisées, hautes écoles pédagogiques, universités, écoles polytechniques fédérales).
29.Environ 91 % des jeunes obtiennent un certificat du degré secondaire II. Ce certificat leur permet d’entrer directement dans la vie professionnelle, d’accéder à une école professionnelle supérieure ou, s’ils sont titulaires d’une maturité gymnasiale, spécialisée ou professionnelle, de poursuivre leur formation auprès d’une haute école. Le taux global des maturités s’élève à plus de 41 % (état en 2019). Le certificat de maturité gymnasiale est la condition généralement requise pour étudier dans les universités suisses.
30.Le degré tertiaire comprend les hautes écoles (hautes écoles spécialisées, hautes écoles pédagogiques, universités, écoles polytechniques fédérales) ainsi que la formation professionnelle supérieure. Ce second pilier de l’enseignement supérieur s’adresse aux professionnels expérimentés et leur permet de se spécialiser ou d’élargir leurs qualifications. Il inclut les formations dans des écoles spécialisées supérieures ou le passage d’un examen réglementé au niveau fédéral (examen professionnel ou examen professionnel supérieur). La part de la population (25 -64 ans) ayant un diplôme tertiaire est de 45 % (état en 2021).
31.En outre, la formation continue à des fins professionnelles (formation non formelle telle que cours, séminaires, etc.) s’inscrit à chaque niveau de formation et fait partie de l’apprentissage tout au long de la vie.
Pauvreté
32.Pour mesurer la pauvreté en Suisse, un seuil de pauvreté basé sur un minimum vital social est utilisé. Sont donc considérées comme pauvres les personnes qui n’ont pas les moyens financiers d’acquérir les biens et services nécessaires à une vie sociale intégrée.
33.En 2020, le seuil de pauvreté se situait en moyenne à 2 279 francs par mois pour une personne seule et à 3 963 francs par mois pour un ménage avec deux adultes et deux enfants.
34.En 2020, 8,5 % de la population en Suisse ou quelque 722 000 personnes étaient touchées par la pauvreté monétaire. Pour 4,3 % de la population, les difficultés financières entraînaient des privations matérielles : elles n’étaient pas en mesure d’accéder à certains biens de consommation durables ou d’assurer des conditions d’existence minimales. Les groupes les plus exposés à la pauvreté sont les ménages monoparentaux, les adultes vivant seuls, les personnes sans formation postobligatoire, les personnes de nationalité étrangère, les personnes non occupées et les personnes vivant dans un ménage à faible participation au marché du travail.
Système de sécurité sociale et santé
35.Le système suisse de sécurité sociale comprend cinq domaines : (1) la prévoyance vieillesse, survivants et invalidité (système dit des trois piliers), (2) la couverture d’assurance en cas de maladie et d’accident, (3) les allocations pour perte de gain en cas de maternité, de paternité, de prise en charge d’un enfant gravement atteint dans sa santé ou de service civil ou militaire, (4) l’assurance-chômage et (5) les allocations familiales.
i. Le système de prévoyance vieillesse, survivants et invalidité est divisé en trois piliers : le premier pilier comprend l’assurance-vieillesse et survivants (AVS) et l’assurance-invalidité (AI). Il est obligatoire et universel ; il est financé essentiellement par les cotisations des assurés et par une participation des pouvoirs publics. Le deuxième pilier est la prévoyance professionnelle : il est obligatoire pour les salariés à partir d’un certain revenu fixé par la loi. Le troisième pilier est entièrement facultatif : il s’agit d’une prévoyance individuelle.
ii.Toute personne domiciliée en Suisse a l’obligation de s’assurer pour les soins en cas de maladie. La personne assurée a le libre choix de son assureur. Pour l’assurance maladie de base, un adulte peut choisir une franchise annuelle oscillant entre 300 et 2 500 francs. Plus la franchise est basse, plus les primes mensuelles seront élevées, et vice versa. En plus de l’assurance de base obligatoire, il existe de nombreuses assurances-maladies dites complémentaires, qui relèvent du droit privé. L’assurance-maladie sociale (assurance de base) garantit à chacun l’accès à des soins médicaux de bonne qualité en cas de maladie ou en cas d’accident si une assurance-accidents n’en assume pas la prise en charge. L’assurance-accidents est obligatoire pour les salariés, elle est une assurance de personnes qui vise à couvrir les conséquences économiques d’accidents professionnels, d’accidents non professionnels et de maladies professionnelles. Elle couvre la prise en charge de soins, le versement d’indemnités journalières et de pensions d’invalidité et de survivants. Par ses prestations, elle contribue à réparer les atteintes à la santé et à la capacité de gain que subissent les personnes assurées victimes d’accidents ou souffrant d’une maladie professionnelle.
iii.Les allocations pour perte de gain (APG) compensent la perte de revenu des personnes qui accomplissent leur service militaire, civil ou de protection civile. Depuis le 1er juillet 2005, le régime des APG sert également des allocations de maternité aux femmes qui exercent une activité lucrative. Ces allocations couvrent 80 % de leur revenu et sont servies durant les 14 semaines suivant la naissance de l’enfant. Depuis 2021, le régime APG prévoit également des allocations de paternité versées pendant deux semaines aux pères qui exercent une activité lucrative ainsi que des allocations en faveur des parents exerçant une activité lucrative qui prennent en charge un enfant gravement atteint dans sa santé en raison d’une maladie ou d’un accident, servies pendant 14 semaines au plus ; ces deux allocations couvrent 80 % du revenu.
iv.L’assurance-chômage qui couvre les salariés donne droit à une indemnité correspondant à 70 ou 80 % du salaire précédent. En fonction de l’âge de la personne, de ses obligations d’entretien et de sa durée de cotisation, elle peut toucher entre 90 et 520 indemnités journalières. La condition est toutefois en principe d’avoir cotisé durant 12 mois au moins durant les deux années précédentes.
v.Les allocations familiales comprennent des allocations pour enfant de 200 francs par mois au minimum pour les enfants jusqu’à 16 ans (si l’enfant donne droit à une allocation de formation avant l’âge de 16 ans, cette dernière est versée en lieu et place de l’allocation pour enfant), et des allocations de formation de 250 francs par mois au minimum, octroyées à partir du début du mois au cours duquel l’enfant commence une formation postobligatoire, mais au plus tôt à partir du début du mois au cours duquel il atteint l’âge de 15 ans, jusqu’à la fin de la formation de l’enfant, mais au plus tard jusqu’à la fin du mois au cours duquel il atteint 25 ans.. Les cantons peuvent prévoir des montants plus élevés. Les allocations familiales sont servies aux salariés, aux indépendants ainsi qu’aux personnes sans activité lucrative dont les ressources ne dépassent pas un certain niveau.
5.Caractéristiques économiques
Travail
36.Le marché du travail en Suisse est réputé pour sa grande stabilité. Les conventions collectives entre les organisations de travailleurs et les employeurs fixent les conditions de travail dans un grand nombre de secteurs. Les grèves sont rares et le marché du travail est jugé flexible en comparaison internationale. En 2022 (2e trimestre), le taux de chômage selon le Bureau international du travail (BIT) s’élevait à 4,1 %. Le taux de chômage des jeunes (15-24 ans) se situait à 6,9 %, celui des 25-39 ans à 4,1 %, celui des 40-54 ans à 3,6 % et celui des 55-64 ans à 3,9 %. Au 2e trimestre 2022, on relevait un taux de chômage plus élevé chez les femmes que chez les hommes (respectivement 4,4 % et 3,8 %). Des différences marquées s’observaient entre la population de nationalité suisse (3,1 %) et la population de nationalité étrangère (6,8 %).
37.Le salaire médian s’élève à 6 665.- francs bruts par mois dans l’ensemble de l’économie (2020). Les niveaux de rémunération varient toutefois fortement selon les branches économiques. En dépit des efforts législatifs, les écarts de salaire entre femmes et hommes restent encore importants (cf. ci-dessous, IV., A).
Données économiques
38.L’économie suisse dépend fortement du commerce extérieur. Selon les comptes nationaux, le total des exportations (biens et services) se montait à 487,506 milliards de francs en 2021, tandis que l’ensemble des importations s’élevait à 363,232 milliards de francs. La balance commerciale du pays est donc excédentaire. Le secteur des services (banques, assurances et tourisme) constitue une part importante du commerce extérieur.
39.Le produit intérieur brut (PIB) par habitant de la Suisse fait partie des 10 plus élevés du monde. En 2020, il était de 81 758 francs suisses (provisoire). En volume, la croissance annuelle du produit intérieur brut de la Suisse a été de 1,9 % en moyenne entre 2000 et 2021.
6.Statistiques sur la criminalité et caractéristiques du système judiciaire
Criminalité
40.La statistique policière de la criminalité (SPC) présente, depuis 2009, les résultats d’une statistique à laquelle toutes les polices cantonales participent selon des principes uniformes de saisie. Les infractions dénoncées à la police selon le Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP), la loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes (Loi sur les stupéfiants, LStup) ainsi que la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI) bénéficient ainsi d’un relevé exhaustif. En 2021, la SPC a recensé un total de 415 008 infractions relevant du CP, 60 887 infractions à la LStup, et 31 716 infractions à la LEI. Le nombre d’infractions dénoncées a diminué depuis 2016 pour le CP. On atteint même une nouvelle fois le niveau le plus bas depuis la révision de la statistique en 2009. Il en est de même, pour la LStup et la LEI, où des diminutions sont observées depuis 2016.
41.Une sélection d’infractions détermine la thématique de violence et sont réparties selon leur gravité. La part d’actes de violence grave a atteint 3,6 % en 2021, soit 1 665 infractions. Parmi les infractions de violence grave figurent les homicides (42 homicides consommés et 184 tentés), les lésions corporelles graves (650), les viols (757) et les brigandages, selon l’article 140 ch. 4 CP (30). Si par rapport à 2020 une contraction s’observe du côté des homicides consommés, tentés ou encore des lésions corporelles graves, le nombre de viols a quant à lui augmenté de 44 infractions pour un total de 757, c’est la valeur la plus élevée de la dernière décennie. Du côté des homicides consommés (sans les tentatives) et si on rapporte leur nombre pour 100 000 habitants, on obtient une fréquence de 0,48. Par ailleurs, ces derniers sont d’abord commis avec une arme coupante/tranche (33,3 % des infractions), suivi par de la violence physique (26,2 %) ou encore avec l’utilisation d’une arme à feu (19,0 %). Lors des tentatives d’homicides, on retrouve d’avantage d’arme coupante/tranchante (55,4 %) et de violence physique (22,8 %) que de l’utilisation d’une arme à feu (6,5 %) alors que pour la grande majorité des lésions corporelles graves, elle résulte de la violence physique (55,5 %).
42.En 2021, 19 341 infractions de violence domestique ont été enregistrées par la police. Parmi l’ensemble des homicides consommés, 23 (54,8 %) ont été perpétrés dans la sphère domestique. Quinze femmes et un homme ont été tués dans le cadre d’une relation de couple actuelle ou ancienne et trois enfants ont été tués par l’un des parents. Quant aux autres victimes d’homicides consommés, il s’agit de parents ou d’autres membres de la famille (deux femmes et deux hommes).
43.La criminalité numérique (communément nommée cybercriminalité) représente l’ensemble des infractions dites « numériques » ce qui correspond essentiellement aux infractions pénales commises sur les réseaux de télécommunication, en particulier internet. En 2021, 30 351 infractions ayant une composante de criminalité numérique ont été enregistrées par la police et dont la majeure partie concerne le domaine de la « Cybercriminalité économique » avec 87,9 %, suivi par 8,5 % de « Cyber-délits sexuels » et 3,6 % de « Cyber-atteinte à la réputation et pratiques déloyales ». Parmi la sélection des infractions au CP, certaines sont majoritairement commises « numériquement » comme par exemple la détérioration de données (cf. art. 144 bis) dont 90,7 % des infractions présentent un mode opératoire « cyber ». Il en est de même pour la pornographie (art. 197) avec 84,9 %, le blanchiment d’argent (art. 305 bis, 82,0 %) ou l’escroquerie (art. 146, 76,3 %).
44.En 2021, le nombre total de personnes physiques prévenues pour des infractions au Code pénal (CP) est de 82 284. Ce chiffre se répartit entre 13,3 % de mineurs, 15,9 % de jeunes adultes (de 18 à 24 ans) et 70,9 % d’adultes. Par rapport à l’année précédente, il y a moins de prévenus jeunes adultes (–5,8 %) et adultes (–1,0 %), mais une augmentation des prévenus mineurs (+3,5 %).
45.Si les mineurs commettent en majorité des infractions de moindre gravité, soit sans évolution marquante par rapport à l’année précédente, comme des dommages à la propriété — sans vol (2 260 prévenus mineurs), des vols à l’étalage (1 890) ou encore des voies de fait (1 057), il y en a néanmoins 3 455 dénoncés pour des actes de violence. Par rapport à l’année précédente, les prévenus mineurs dénoncés à la police suite à un acte de violence ont augmenté de 2,7 %. Si l’on ne considère que les infractions graves de violence, l’augmentation est de 14,5 %, soit 33 prévenus mineurs supplémentaires. La SPC enregistre donc une légère augmentation pour la sixième année consécutive, tant pour les mineurs mis en cause pour l’ensemble des infractions de violence que pour les seules violences graves.
Caractéristiques du système judiciaire
46.En Suisse, les cantons sont souverains en matière de police. Ils sont en charge de la sécurité et de l’ordre public ainsi que de la poursuite pénale. Certains cantons ont délégué une partie de leurs tâches policières aux villes et aux communes. En 2021, on dénombre 224 policiers pour 100 000 habitants.
47.Dans l’exercice de son mandat, la police doit respecter l’ordre juridique et en particulier le principe de proportionnalité. Au-delà des sujets éthiques tels que l’image de l’homme et la dignité humaine ou l’égalité et la neutralité, l’examen requis au terme de la formation de base de la police porte notamment sur la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et le Code de conduite de l’ONU pour les responsables de l’application des lois. Les policières et policiers formés doivent ainsi être en mesure de respecter la dignité humaine dans leurs actes et de respecter les droits de la personne définis dans la Constitution, la Convention européenne des droits de l’homme et les lois. Depuis 2012, l’Institut Suisse de Police (ISP) publie une version remaniée de l’ouvrage didactique traitant des droits de l’homme et de l’éthique professionnelle ; lors de ce remaniement, les auteurs ont bénéficié entre autres du soutien du Centre suisse de compétence pour les droits humains (CSDH). Par ailleurs, la prévention du « profilage racial » constitue un thème récurrent pour le commandement des corps de police, qui est également traité dans le cadre de la formation.
48.Alors que la législation pénale est de la compétence de la Confédération, les cantons sont responsables de l’exécution des peines et des mesures. À cette fin, ils se sont organisés en trois concordats, dont chacun vise dans sa région à un certain degré d’harmonisation, de coordination et d’utilisation groupée des ressources disponibles, notamment en ce qui concerne les établissements d’exécution. En outre, la création du Centre suisse de compétences en matière d’exécution des sanctions pénales en 2018 contribue également à l’élaboration de standards dans le domaine de l’exécution des sanctions pénales.
49.Le Code pénal suisse prévoit deux types de peines en cas de crime ou de délit : la peine privative de liberté et la peine pécuniaire. Chacune de ces peines peut être assortie, à certaines conditions et pour une période déterminée, d’un sursis ou d’un sursis partiel. Dans ce cas, si la personne condamnée subit la mise à l’épreuve avec succès, elle ne doit pas exécuter la peine ou la partie suspendue de la peine prononcée. Dans certaines conditions, les peines peuvent être exécutées sous la forme de la semi-détention, du travail d’intérêt général ou de la surveillance électronique. En plus, le Code pénal suisse prévoit les mesures suivantes : les mesures thérapeutiques (ambulatoires et institutionnelles), l’internement et les autres mesures.
50.La durée de la peine privative de liberté est en règle générale de trois joursau moins et de 20 ans au plus. Lorsque la loi le prévoit expressément, la peine privative de liberté peut être prononcée à vie.
51.La Suisse a aboli la peine de mort en temps de paix en 1942, en temps de guerre en 1992.
52.La Statistique de la privation de liberté (FHE) recense les effectifs de détenus, le nombre de places de détention et le taux d’occupation dans les établissements pénitentiaires de Suisse. Au jour de référence, le 31 janvier 2022, 6 310 personnes étaient détenues dans un établissement pénitentiaire. 51 % exécutaient une peine ou une mesure, 30 % étaient en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté et 15 % en exécution anticipée de la peine ou de la mesure. 3 % (161 personnes) étaient détenues dans le cadre de mesures de contrainte en vertu de la loi fédérale sur les étrangers. En 2021, 17 personnes sont décédées dans un établissement pénitentiaire, dont 8 par suicide.
53.Le 31 janvier 2022, on comptait 91 établissements de privation de liberté, 7 341 places de détention et 72 détenus par 100 000 habitants de la population résidente permanente. Ces données sont disponibles et actualisées sur les pages Internet de l’Office fédéral de la statistique.
54.La Statistique de l’exécution des sanctions (SVS) informe sur le volume des personnes ayant débuté et/ou terminé l’exécution de leur peine ou de leur mesure. En 2020,10 945 peines et mesures ont été exécutées chez les adultes. 67 % de ces personnes ont été incarcérées dans un établissement pénitentiaire, 30 % ont fourni un travail d’intérêt général et 3 % ont exécuté leur peine sous surveillance électronique.
B.Système constitutionnel, politique et juridique
1.Fédéralisme : La Confédération et les cantons
55.L’histoire de la Suisse et sa diversité culturelle ont fait du fédéralisme une partie intégrante impérative de l’État suisse. L’expérience a montré que l’unité de l’État ne peut être assurée sans la sauvegarde de la diversité des parties qui le composent.
56.La caractéristique du fédéralisme suisse est la souveraineté de chaque canton. Le partage des pouvoirs entre l’État central et les cantons répond ainsi au principe de subsidiarité : ressortissent à la Confédération les compétences qui lui sont attribuées par la Constitution. Les cantons sont souverains tant que leur souveraineté n’est pas limitée par la Constitution fédérale et exercent tous les droits qui ne sont pas délégués à la Confédération (art. 3 de la Constitution). Le fédéralisme suisse reste ainsi un processus de délégation dynamique, constamment renégocié.
57.Avec le passage à l’État fédéral, les tâches de l’autorité centrale, devenue institution permanente, se sont multipliées, rendant plus complexe la répartition des compétences entre Confédération et cantons. Ainsi, de nos jours, certains domaines ressortissent globalement, voire exclusivement, à la compétence de la Confédération. Il s’agit par exemple des affaires étrangères, des droits de douane, de la politique monétaire, des services postaux et des télécommunications, de l’armée ainsi que de la législation en matière d’énergie nucléaire, de la protection des animaux, des transports (chemins de fer, téléphériques, navigation, aviation, navigation spatiale) et de la métrologie. D’autres secteurs sont du ressort des cantons, à l’instar des cultes, de la police ou de l’aide sociale.
58.Dans d’autres domaines, la répartition des compétences est moins claire ; des normes juridiques fédérales et cantonales coexistent. Souvent, le pouvoir de légiférer appartient à la Confédération et l’exécution des normes aux cantons ; il en va ainsi du droit civil, du droit pénal, des assurances sociales et de la circulation routière. Dans d’autres secteurs, c’est la compétence législative elle-même qui est partagée ; c’est le cas, par exemple, en matière fiscale, en matière de santé et en matière de formation.
59.En raison de cette répartition fédéraliste des compétences, la Confédération a la compétence de légiférer en matière de formation professionnelle, tandis que l’instruction publique est du ressort exclusif des cantons, ce qui donne lieu à de grandes différences entre les cantons en matière d’enseignement (par exemple plans d’étude, nombre d’élèves par classe, réglementation des vacances, horaires, etc.). Le 21 mai 2006, le peuple suisse a accepté les nouveaux articles constitutionnels sur la formation. Désormais, les autorités responsables de la formation sont tenues par la Constitution d’harmoniser à l’échelle nationale certains éléments fondamentaux du système éducatif.
60.Étant donné le caractère particulier de son organisation juridique, la Suisse mise sur une stratégie à long terme portée à la fois par la Confédération, les cantons et les communes lors de la mise en œuvre des directives relatives aux droits de l’homme. Des procédures spécifiques pour chaque domaine d’activité sont élaborées pas à pas en collaboration avec les différents niveaux de l’État et les nombreuses institutions et acteurs compétents, puis entérinées au niveau politique. Cela est complexe, mais permet une mise en œuvre durable, adaptée aux différents niveaux de l’État.
2.Cantons et communes
61.Les communes constituent la plus petite entité politique de l’État fédéral. La Suisse en compte 2 145 (03.06.2021) de taille très variable. Leur autonomie est garantie dans les limites fixées par le droit cantonal (art. 50 de la Constitution). Le signe le plus net de l’autonomie communale est la souveraineté en matière d’impôts.
62.L’organisation des communes n’est pas uniforme : si dans de nombreuses communes le pouvoir est encore exercé par une assemblée communale à laquelle peuvent participer tous les habitantes et habitants ayant le droit de vote, les communes plus importantes sont dotées d’un parlement. L’autorité exécutive est le Conseil communal, organe collégial élu dans la plupart des cas par un vote populaire direct.
63.La population prend activement part à la vie de la commune. La démocratie suisse se caractérise donc par une vie politique, sociale et culturelle remarquablement dynamique au niveau local. Les partis politiques et les associations, les événements culturels, festivals, expositions ou concerts, et la densité de bibliothèques et de musées constituent le paysage de la démocratie locale.
64.Les communes ayant la possibilité de fusionner, leur nombre baisse constamment depuis plusieurs années. Ce développement répond souvent à des impératifs de rationalisation et d’économies.
65.Dans la hiérarchie de l’État, qui va de la commune (échelon inférieur) à la Confédération (échelon supérieur), les cantons se situent à un niveau intermédiaire. Ils constituent ainsi la charnière de la structure politique du pays.
66.La Suisse compte 26 cantons. Le canton le plus jeune a été créé en 1978. Par une révision de la Constitution, le peuple et les cantons ont accepté la création du canton du Jura, qui était jusqu’alors soumis à la souveraineté du canton de Berne.
67.Chaque canton possède sa propre constitution et sa propre législation. Le pouvoir législatif y est exercé par un parlement monocaméral, élu le plus souvent selon le système de la représentation proportionnelle. Le pouvoir exécutif et administratif est, quant à lui, attribué à un « Conseil d’État » ou « Conseil exécutif », élu par le peuple pour une durée déterminée et organisé selon les mêmes principes que le Conseil fédéral : le Président ou la Présidente change en principe chaque année et la collégialité est de règle. Il convient cependant de préciser qu’à Appenzell Rhodes Intérieures et à Glaris, les élections des juges cantonaux et du Gouvernement, respectivement du président du Gouvernement (Glaris), ont lieu à main levée, à l’instar de toute votation sur un objet cantonal, dans le cadre des assemblées des citoyennes ou citoyens appelées Landsgemeinde.
68.Les femmes ont obtenu le droit de vote au niveau cantonal entre 1959 et 1990 (au niveau fédéral en 1971). En 2022, la proportion de femmes au sein des législatifs cantonaux était de 33 %, et de 27,3 % dans les exécutifs cantonaux. La première femme élue dans un gouvernement cantonal l’a été en 1983 (au Gouvernement fédéral en 1984).
69.Les cantons sont souverains sur le plan de l’organisation judiciaire. D’une manière générale, leur système est chapeauté par un tribunal suprême (« tribunal cantonal »), qui fait office d’instance de recours en matière civile et pénale. Chaque canton dispose en plus d’un tribunal administratif. Plusieurs cantons ont intégré leurs tribunaux administratifs aux juridictions de deuxième instance.
70.Les droits politiques des citoyennes et des citoyens sur le plan cantonal sont plus étendus que sur le plan fédéral. Le Gouvernement est directement élu par le peuple, et plusieurs cantons connaissent, outre l’initiative constitutionnelle, seule possible en droit fédéral, un droit d’initiative législative permettant à un nombre déterminé de citoyennes et de citoyens de proposer au peuple une loi nouvelle ou une modification de la loi en vigueur. Au niveau cantonal, il existe aussi le référendum facultatif ou obligatoire (par exemple, en matière de finances ou d’administration).
71.Les étrangers peuvent, contrairement au niveau fédéral, participer aux scrutins cantonaux et/ou communaux et être éligibles si le droit cantonal le prévoit. Les cantons de Jura et Neuchâtel octroient aux étrangers le droit de vote au niveau cantonal, mais pas le droit d’éligibilité. Quatre cantons octroient, à certaines conditions, aux étrangers le droit de vote et d’éligibilité au niveau communal : Fribourg, Jura, Neuchâtel et Vaud. Le canton de Genève octroie aux étrangers le droit de vote au niveau communal mais pas le droit d’éligibilité. Trois cantons de Suisse alémanique autorisent leurs communes à introduire le droit de vote aux étrangers : Bâle-Ville, Grisons et Appenzell Rhodes-Extérieur.
3.Organisation des pouvoirs fédéraux
Le pouvoir exécutif : Le Conseil fédéral
72.Le Conseil fédéral est un collège gouvernemental formé de sept membres qui disposent de pouvoirs égaux. Chacune ou chacun de ses membres est élu(e) par le Parlement fédéral pour une durée de quatre ans. Il ou elle est indéfiniment rééligible. En pratique, la réélection est la règle, ce qui assure à la politique suisse continuité et stabilité. Pendant une législature, ni le Conseil fédéral ni aucun de ses membres ne peuvent être destitués par le Parlement. Ce principe se reflète dans la maxime « le Conseil fédéral se soumet, mais ne se démet pas ».
73.Chaque année, l’Assemblée fédérale (siégeant en chambres réunies) désigne l’un(e) des sept Conseillères ou Conseillers fédéraux comme Présidente ou Président. Celle-ci ou celui-ci, simple primus ou prima inter pares, ne dispose d’aucune prérogative. Son rôle est avant tout de diriger les séances du Gouvernement et d’assumer les fonctions de représentation.
74.Chaque membre du Conseil fédéral dirige un département (ministère) dont il représente les intérêts devant le collège gouvernemental. Organe collégial, le Conseil fédéral ne prend ses décisions que par consensus ou à la majorité simple, chacun ou chacune assumant la responsabilité des décisions prises en commun.
75.De par sa composition, le Conseil fédéral représente un subtil équilibre linguistique, régional et politique. La tradition veut que la minorité latine (francophone et italophone) ait toujours au moins deux représentantes ou représentants en son sein et que les grands cantons (Zurich, Berne et Vaud) y soient en principe représentés. Entre 1959 et 2003, un compromis politique connu sous le nom de « formule magique » y assurait la présence permanente des quatre formations politiques les plus importantes du pays, soit le Parti libéral-radical, le Parti démocrate-chrétien (depuis 2021 : « Le Centre », né de la fusion du PDC et le PBD) et le Parti socialiste (deux représentantes ou représentants chacun), ainsi que l’Union démocratique du centre (une représentante ou un représentant). Après les élections fédérales du 19 octobre 2003, la répartition des sièges entre les partis est modifiée par l’Assemblée fédérale qui attribue deux sièges à l’Union démocratique du centre, devenue la première force politique suisse lors des élections législatives de 1999. Les discussions sur la composition du Gouvernement fédéral, ou plus précisément sur les partis qui doivent y être représentés, continuent depuis la fin de la formule magique. Le Conseil fédéral compte actuellement trois femmes et quatre hommes.
76.Le Conseil fédéral exerce les fonctions traditionnelles de l’exécutif (art. 174 et art. 180ss de la Constitution). Responsable de la gestion politique et du développement du pays, il veille au maintien de l’ordre public ainsi qu’à la sécurité extérieure et intérieure. Il garantit le respect et l’application de la Constitution, des lois et des arrêts du Tribunal fédéral et prend, le cas échéant, les mesures nécessaires à leur observation. Dans les quelques matières que la loi soustrait à la juridiction du Tribunal fédéral et du Tribunal administratif fédéral, le Conseil fédéral est l’autorité suprême de recours. Enfin, son rôle de chef d’État, assumé par l’ensemble du collège, en fait le représentant de la Suisse à l’étranger et le gardien des intérêts de la Confédération ; c’est également lui qui ratifie les traités internationaux approuvés par les chambres fédérales. En vertu de l’article 166, alinéa 2 de la Constitution, l’Assemblée fédérale est compétente pour l’approbation des traités internationaux à l’exception de ceux dont la conclusion relève de la seule compétence du Conseil fédéral en vertu d’une loi ou d’un traité international. Les traités qualifiés de portée mineure au sens de l’article 7a, alinéa 2 de la loi du 21 mars 1997 sur l’organisation du gouvernement et de l’administration (LOGA) entrent dans cette catégorie.
Le pouvoir législatif : L’Assemblée fédérale et le peuple
77.Le système de parlement bicaméral de la Suisse est la conséquence directe du fédéralisme. Le Conseil des États est formé de 46 député(e)s, soit deux par canton (Appenzell Rhodes-Intérieures, Appenzell Rhodes-Extérieures, Obwald, Nidwald, Bâle-Campagne et Bâle-Ville ne disposent que d’un siège chacun), et cela indépendamment de la superficie et de la population de celui-ci. Pour sa part, le Conseil national est composé de 200 député(e)s du peuple, dont les mandats sont répartis entre les cantons au prorata du nombre de leurs habitantes et habitants. Si le choix du mode d’élection des conseillères et conseillers aux États est du ressort de chaque canton (en général ceux-ci ont opté pour le scrutin majoritaire), les conseillères et conseillers nationaux sont uniformément élus au scrutin proportionnel.
78.La part des femmes dans les Chambres fédérales a augmenté de manière plus ou moins continue depuis 1971, année depuis laquelle les femmes bénéficient en Suisse également du droit de vote et d’éligibilité. Elle se situe actuellement à 42 % au Conseil national et à environ 26,1 % au Conseil des États (élections de 2019).
79.Depuis 2021, le Conseil national comprend 10 partis. Cinq d’entre eux sont aussi représentés au Conseil des États, quatre au Conseil fédéral.
80.La durée d’une législature est de quatre ans. Les chambres tiennent quatre sessions ordinaires par année. Elles jouissent des mêmes droits. Pour être adopté, tout projet législatif doit être voté en des termes identiques par chacune d’elles. Si l’examen d’un projet donne lieu à des divergences entre les chambres, une « procédure d’élimination des divergences » est prévue. Les chambres se renvoient mutuellement le projet jusqu’à ce que les divergences soient éliminées ; si néanmoins des divergences subsistent à l’issue de trois navettes, les commissions concernées des deux chambres forment une conférence de conciliation. Si un consensus ne peut pas être trouvé, le projet échoue.
81.Siégeant en chambres réunies, l’Assemblée fédérale élit les Conseillères et Conseillers fédéraux, la Présidente ou le Président et la Chancelière ou le Chancelier de la Confédération, les juges fédéraux, ainsi que le Procureur général de la Confédération et ses suppléantes ou suppléants et, en cas de guerre, un général commandant en chef de l’armée. Le Conseil national et le Conseil des États délibèrent, en outre, en conseils réunis pour statuer sur les conflits de compétences entre les autorités fédérales suprêmes et sur les recours en grâce (art. 157 de la Constitution).
82.La date d’entrée en vigueur d’un acte juridique est généralement fixée lors des votes finals des chambres. Elles peuvent aussi confier la décision au Conseil fédéral. Un délai référendaire de 100 jours à compter de la publication dans la feuille fédérale doit cependant être respecté. La Constitution reconnaît, depuis 1874, ce droit de référendum facultatif. Si dans les 100 jours qui suivent l’adoption d’une loi par les chambres fédérales, 50 000 signatures valables d’électeurs et d’électrices souhaitant que les nouvelles dispositions soient soumises à la sanction du peuple sont recueillies, ces dispositions doivent faire l’objet d’une votation populaire et ne pourront entrer en vigueur que si une majorité des citoyennes et citoyens ayant participé au scrutin le décide. Il en va de même à la demande de huit cantons (art. 141 de la Constitution). Ainsi, une loi ne peut entrer en vigueur qu’à l’échéance du délai référendaire de 100 jours. Outre les lois, sont également soumis au référendum facultatif les traités internationaux non dénonçables conclus pour une durée indéterminée, ainsi que ceux qui prévoient l’adhésion à une organisation internationale ou qui contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en œuvre exige l’adoption de lois fédérales (art. 141, al. 1 d. de la Constitution). Les révisions de la Constitution et l’adhésion à des organisations de sécurité collective ou à des communautés supranationales sont soumises dans tous les cas à l’assentiment du peuple et des cantons, de même que les lois fédérales déclarées urgentes qui sont dépourvues de base constitutionnelle et dont la durée de validité dépasse une année (référendum obligatoire selon l’article 140, alinéa 1 de la Constitution). Ces lois doivent être soumises au vote dans le délai d’un an à compter de leur adoption par l’Assemblée fédérale (art. 140, al. 1 c. in fine, de la Constitution).
83.Depuis 1891, la Constitution reconnaît également un droit d’initiative populaire permettant de proposer la révision partielle de la Constitution (art. 194 de la Constitution). Pour ce faire, 100 000 signatures de citoyennes et de citoyens doivent être recueillies dans un délai de dix-huit mois (art. 139 et suivants de la Constitution). Le Parlement ne peut pas s’opposer à la soumission au vote d’une initiative populaire. Dans le cas où une initiative ne respecte pas l’unité de la forme et de la matière ou qu’elle viole les règles impératives du droit international public, elle peut être déclarée irrecevable ou nulle par le Parlement. Ne pouvant porter que sur des modifications constitutionnelles, une initiative doit, pour être approuvée, recevoir le double assentiment du peuple et des cantons. Les autorités peuvent opposer un contre-projet à l’initiative.
Population résidante, électeurs et électrices
84.Les personnes de nationalité suisse âgées de 18 ans et plus ont le droit de vote au niveau national. Elles sont au nombre de 5,5 millions, y compris les 210 000 Suisses de l’étranger. Les personnes qui ont le droit de vote représentent environ 63,5 % de la population résidante. Depuis 1991, année à laquelle l’âge d’obtention du droit de vote a été abaissé à 18 ans, cette proportion varie entre 64 % et 68 %.
Evolution de la participation aux élections et aux votations
85.La participation aux élections au Conseil national a constamment diminué au cours du XXe siècle. Après avoir atteint un plancher au milieu des années 1999, le taux de participation aux élections plus récentes a à nouveau légèrement augmenté. Depuis le début du nouveau millénaire, il oscille entre 45 et 49 %. La participation aux élections fédérales est en moyenne supérieure à celle des élections aux parlements cantonaux. La participation à ces dernières varie toutefois fortement d’un canton à l’autre. Si dans certains cantons à peine un tiers des électeurs inscrits participent aux élections, dans d’autres le taux de participation peut dépasser 60 %. Le taux de participation est en règle générale plus élevé lorsque l’enjeu est plus disputé. En Suisse, le taux de participation aux élections nationales est plus faible que dans n’importe quel autre pays démocratique. Plusieurs raisons peuvent l’expliquer, entre autres la fréquence des votations populaires sur des objets spécifiques ou la faible importance qui est accordée aux élections fédérales en comparaison d’autres pays. Le système politique suisse ne repose pas sur un clivage entre les partis gouvernementaux et les partis d’opposition. Les principaux partis sont représentés au Gouvernement (concordance des partis au Conseil fédéral).
86.La participation aux votations populaires est en règle générale plus faible que la participation aux élections au Conseil national. Cette règle connaît toutefois des exceptions lorsque l’objet de la votation mobilise plus ou moins fortement les électeurs. Ainsi, depuis 1990, le taux de participation s’est échelonné entre 28 % et 79 %. Depuis l’an 2000, la participation aux votations s’est un peu stabilisée et augmente même légèrement (49,3 % en 2020 et 57,2 % en 2021 ; cf. évolution de la participation depuis 1998 lors de votations fédérales, annexe 2).
Les partis au Parlement (état 2019)
87.Au Conseil national, ou Chambre du peuple, l’Union démocratique du centre (UDC) est le parti le plus fortement représenté avec 53 sièges. Il est suivi du Parti socialiste (PS) avec 39 sièges, du « PLR. Les Libéraux-Radicaux » (PLR) avec 29 sièges et du Parti écologiste suisse (Les Verts) avec 28 sièges. Quatre partis sont aussi représentés au Gouvernement, c’est-à-dire au Conseil fédéral (UDC, PS, Centre, PLR). Les principaux partis non gouvernementaux sont les Verts (28 sièges) et le Parti vert-libéral (PVL) avec 16 sièges. Cinq plus petits partis comptent entre 1 et 3 sièges.
88.Au Conseil des États, chaque canton a deux sièges, sauf les cantons d’Appenzell-Rhodes-Extérieures, Appenzell-Rhodes-Intérieures, Bâle-Campagne, Bâle-Ville, Nidwald et Obwald, qui n’en ont qu’un. Le PLR et le Centre sont les partis le plus fortement représentés avec respectivement 12 et 13 sièges. Suit le PS avec 9 sièges. L’UDC, qui domine à la Chambre du peuple, ne compte que 6 sièges au Conseil des États. Les Verts ont 5 sièges. Un député sans parti a aussi un siège.
Élections au Conseil national 2019 |
Élections au Conseil des États 2019 |
|||
Parti |
Nombre de mandats |
En % |
Nombre de mandats |
En % |
PLR |
29 |
15 , 1 |
12 |
26 , 1 |
Centre |
25 |
11 , 4 |
13 |
26 , 1 |
PS |
39 |
16 , 8 |
9 |
19 , 6 |
UDC |
53 |
25 , 6 |
6 |
13 |
PVL |
16 |
7 , 8 |
0 |
0 |
Verts |
28 |
13 , 2 |
5 |
10 , 9 |
Autres partis |
7 |
8 |
1 |
2 , 2 |
Total |
200 |
100 , 0 |
46 |
100 , 0 |
Le pouvoir judiciaire : Le Tribunal fédéral
89.Le Tribunal fédéral statue en dernière instance sur les litiges entre citoyens, entre cantons, entre les citoyens et l’État et entre la Confédération et les cantons. En principe, sa compétence s’étend à tous les domaines juridiques : droit civil et droit pénal, droit des poursuites et faillites, droit public et droit administratif, y compris le droit des assurances sociales. Le Tribunal fédéral garantit en particulier également la protection des droits constitutionnels des citoyens.
90.Statuant en dernière instance sur les décisions des tribunaux cantonaux qui lui sont déférées, le Tribunal fédéral contribue à la conformité des diverses lois cantonales avec le droit fédéral ainsi qu’à l’application uniforme de ce dernier. Le Tribunal fédéral est tenu d’appliquer les lois fédérales et le droit international (art. 190 de la Constitution).
91.Le Tribunal fédéral se compose de 37 juges : actuellement (juin 2022), 15 femmes et 22 hommes. 4 juges sont de langue italienne, 11 de langue française et 22 de langue allemande. En outre, il compte 20 juges suppléants qui sont élus eux aussi par l’Assemblée fédérale. Actuellement, 2 sont de langue italienne, 5 de langue française et 13 de langue allemande ; 10 sont des femmes. Les juges suppléants exercent leur charge à titre accessoire ; dans leur activité principale, ils sont professeurs, avocats ou juges au sein des cantons. En règle générale, il est fait appel à eux pour remplacer un juge récusé ou malade ou en cas de surcharge du tribunal. Dans les procédures dans lesquelles ils interviennent, ils ont les mêmes droits et devoirs que les juges ordinaires.
4.Organisations non gouvernementales et organisations internationales
92.La Suisse compte de nombreuses organisations non gouvernementales (ONG), implantées surtout dans les domaines de la formation, du travail social, de la migration, de la protection de l’environnement et des droits de l’homme. Les ONG n’ont pas besoin d’autorisation officielle, mais elles sont régies par les dispositions du droit sur les associations qui laissent une large place à la liberté d’opinion et d’association. Ainsi, le contrôle préalable des organisations en voie de formation est exclu en droit suisse. Par contre, le droit civil prévoit la possibilité de dissoudre une association poursuivant un but illicite ou contraire aux mœurs. De nombreuses ONG reçoivent des aides financières étatiques en vertu de lois spéciales. Les conditions-cadre de ces dernières sont fixées par la loi sur les subventions.
93.Depuis plus de 100 ans, la Suisse accueille sur son territoire des organisations internationales. Jusqu’à aujourd’hui, elle a conclu un accord de siège avec 27 de ces organisations, institutions et secrétariats : 22 sont établies à Genève, 2 à Berne et 1 à Bâle. En outre, environ 250 organisations non gouvernementales ayant un statut consultatif auprès des Nations Unies ont leur siège en Suisse.
III.Cadre général de la protection et de la promotion des droits de l’homme
A.Acceptation des normes internationales relatives aux droits de l’homme
1.Accords internationaux universels (chronologique)
Conventions ayant un caractère universel |
État de ratification en Suisse |
Aspects particuliers (réserves, déclarations, rapports, procédures facultatives) |
|||
1907 |
Convention de La Haye |
1910 |
Ratifiée le 12 mai 1910. En vigueur depuis le 11 juillet 1910 (RS 0.515, div.) |
En particulier la Convention du 18 octobre 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre (RS 0.515.112) |
|
1921 |
Convention internationale du 30 septembre 1921 pour la suppression de la traite des femmes et des enfants |
1926 |
Ratifiée le 20 janvier 1926, en vigueur depuis le 1 er février 1926 (RS 0.311.33) |
||
1926 |
Convention du 25 septembre 1926 relative à l’esclavage (Convention contre l’esclavage) |
1930 |
Ratifiée le 1 er novembre 1930. En vigueur depuis le 1 er novembre 1930 (RS 0.311.37) |
||
1930 |
Convention n o 29 de l’OIT concernant le travail forcé ou obligatoire |
1940 |
Ratifiée le 23 mai 1940. En vigueur depuis le 23 mai 1941 (RS 0.822.713.9) |
||
1948 |
Convention du 9 décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide (Convention contre le génocide) |
2000 |
Ratifiée le 6 septembre 2000, en vigueur depuis le 6 décembre 2000 (RS 0.311.11) |
||
1948 |
Convention n o 87 de l’OIT du 9 juillet 1948 concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical |
1975 |
Ratifiée le 25 mars 1975. En vigueur depuis le 25 mars 1976 (RS 0.822.719.7) |
||
1949 |
Les quatre Conventions de Genève du 12 août 1949 |
1950 |
Ratifiées le 31 mars 1950, en vigueur depuis le 21 octobre 1950 (RS 0.518.12, 0.518.23, 0.518.42, 0.518.51) |
||
1949 |
Convention du 2 décembre 1949 pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui |
Pas ratifiée |
|||
1949 |
Convention n o 98 de l’OIT du 1 er juillet 1949 concernant l’application des principes du droit d’organisation et de négociation collective |
1999 |
Ratifiée le 17 août 1999. En vigueur depuis le 17 août 2000 (RS 0.822.719.9) |
||
1951 |
Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (Convention sur les réfugiés) |
1955 |
Ratifiée le 21 janvier 1955. En vigueur depuis le 21 avril 1955 (RS 0.142.30) |
1963 Retrait de la réserve relative à l’art icle 24 §1a, 1b et §3 (législation du travail et sécurité sociale) 1972 Retrait de la réserve relative à l’art icle 17 (professions salariées) 1980 Retrait complet en ce qui concerne l’art icle 24 §1a, 1b |
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1951 |
Convention n o 100 de l’OIT du 29 juin 1951 concernant l’égalité de rémunération entre la main-d’œuvre masculine et la main-d’œuvre féminine pour un travail de valeur égale |
1972 |
Ratifiée le 25 octobre 1972. En vigueur depuis le 25 octobre 1973 (RS 0.822.720.0) |
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1954 |
Convention du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides |
1972 |
Ratifiée le 3 juillet 1972. En vigueur depuis le 1 er octobre 1972 (RS 0.142.40) |
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1956 |
Convention complémentaire du 7 septembre 1956 relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage |
1964 |
Ratifiée le 28 juillet 1964. En vigueur depuis le 28 juillet 1964 (RS 0.311.371) |
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1957 |
Convention internationale n o 105 du 25 juin 1957 concernant l’abolition du travail forcé |
1958 |
Ratifiée le 18 juillet 1958. En vigueur depuis le 18 juillet 1959 (RS 0.822.720.5) |
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1958 |
Convention n o 111 de l’OIT du 25 juin 1958 concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession (avec recommandation) |
1961 |
Ratifiée le 13 juillet 1961. En vigueur depuis le 13 juillet 1962 (RS 0.822.721.1) |
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1960 |
Convention de l’UNESCO du 14 décembre 1960 concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement |
Pas ratifiée |
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1961 |
Convention du 30 août 1961 sur la réduction des cas d’apatridie |
Pas ratifiée |
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1965 |
Convention internationale du 21 décembre 1965 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale |
1994 |
Ratifiée le 29 novembre 1994. En vigueur depuis le 29 décembre 1994 (RS 0.104) |
La réserve relative à l’art icle 4 (interdiction de toute propagande et de toutes organisations qui encouragent toute forme de haine et de discrimination raciales) a pour objet de protéger la liberté d’association. Elle a pour conséquence que la participation à une association raciste ne peut être punie. La Suisse veut se réserver la liberté d ’ agir dans la législation relative à l ’ admission des étrangers/ères par la réserve relative à l ’ art icle 2, al. 1, let. a. En juin 2003, la Suisse a, par sa déclaration d’acceptation de l’art icle 14 (en vigueur depuis le 19 juin 2003), donné compétence au Comité pour traiter les communications déposées par des individus ou des groupes d’individus . |
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1966 |
Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (Pacte social ou Pacte I de l’ONU) |
1992 |
Ratifié le 18 juin 1992. En vigueur depuis le 18 septembre 1992 (RS 0.103.1) |
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1966 |
Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques (Pacte civil ou Pacte II de l’ONU) |
1992 |
Ratifié le 18 juin 1992. En vigueur depuis le 18 septembre 1992 (RS 0.103.2) |
La réserve relative à l’art icle 10, al. 2, let. b, concernant la séparation des jeunes et des adultes pendant la détention préventive a été retirée. Réserve relative à l’art icle 12, al. 1, portant sur le droit de circuler librement et de choisir librement sa résidence (non garanti pour les étrangers et les étrangères). La réserve relative à l’art icle 14, al. 5, concernant le droit de faire examiner un jugement pénal par une juridiction supérieure a pu être retirée en 2007. Réserve relative à l’art icle 20, concernant les mesures visant à interdire la propagande en faveur de la guerre. Réserve relative à l’art icle 25, let. b, portant sur le droit au scrutin secret (non garanti lors d’élections de type « Landsgemeinden » ou dans les assemblées communales) Réserve relative à l’art icle 26 qui porte sur l’égalité de tous devant la loi et sur l’interdiction de toute discrimination : en raison d’inégalités de traitement juridique frappant des femmes et des étrangers, la Suisse a restreint la portée de l’interdiction générale de discrimination prévue par cet article aux droits de l’homme garantis dans le Pacte II |
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1966 |
Protocole facultatif du 16 décembre 1966 concernant le Pacte II de l’ONU (procédure de communication individuelle) |
Pas ratifié |
Le droit de communication individuelle est réglé dans le protocole facultatif se rapportant au Pacte II de l’ONU. Ce premier protocole facultatif n’a pas été ratifié par la Suisse. |
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1967 |
Protocole du 31 janvier 1967 relatif au statut des réfugiés |
1968 |
Ratifié le 20 mai 1968. En vigueur depuis le 20 mai 1968 (RS 0.142.301) |
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1969 |
Deuxième protocole facultatif du 15 décembre 1989 se rapportant au Pacte II de l’ONU (abolition de la peine de mort) |
1994 |
Ratifié le 16 juin 1994. En vigueur depuis le 16 septembre 1994 (RS 0.103.22) |
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1973 |
Convention internationale du 30 novembre 1973 sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid |
Pas ratifiée |
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1977 |
Protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève de 1949 |
1982 |
Ratifiés le 17 février 1982. En vigueur depuis le 17 août 1982 (RS 0.518.521 et 0.518.522) |
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1979 |
Convention du 18 décembre 1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes |
1997 |
Ratifiée le 23 mars 1997. En vigueur depuis le 26 avril 1997 (RS 0.108) |
La réserve portant sur l’art icle 7, let. b (droit d’exercer, dans des conditions d’égalité, toutes les fonctions publiques) a été retirée en 2004 (la législation militaire suisse interdisait aux femmes d’exercer des fonctions impliquant un engagement armé allant au-delà de l’auto-défense. La réserve relative à l’art icle 16, al. 1, let. g, portant sur l’égalité des droits des époux en ce qui concerne le choix du nom de famille (art. 160 CC) a été retirée en 2013. Réserve portant sur l’art icle 15, al. 2 (capacité juridique identique) et l’art icle 16, al. 1, let. h, (égalité des droits des deux époux en matière d’acquisition, de gestion, d’administration, de jouissance et de disposition des biens), car, en raison des différentes dispositions transitoires du régime matrimonial, les époux qui s’étaient mariés sous l’ancien droit ont eu la possibilité, lors de la révision du droit du mariage de 1984, de conserver leur régime matrimonial selon l’ancien droit. |
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1984 |
Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants |
1986 |
Ratifiée le 2 décembre 1986. En vigueur depuis le 26 juin 1987 (RS 0.105) |
La Suisse reconnait la compétence du Comité contre la torture, conformément aux art. 21 et 22 de la c onvention |
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1989 |
Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant |
1997 |
Ratifiée le 24 février 1997. En vigueur depuis le 26 mars 1997 (RS 0.107) |
La réserve relative à l’art icle 5 concernant la législation suisse sur l’autorité parentale a été levée en 2004. Depuis l’entrée en vigueur des modifications de la loi sur la nationalité, les enfants apatrides résidant en Suisse depuis 5 ans peuvent former une demande de naturalisation facilitée indépendamment de leur lieu de naissance. La réserve relative à l’art icle 7 a donc pu être retirée en 2007. Réserve relative à l’art icle 10, al. 1, portant sur la réunification familiale (la législation suisse sur les étrangers ne permet pas la réunification familiale pour certains groupes et certaines catégories d’étrangers et d’étrangères) ; Réserve relative à l’art icle 37, let. c, portant sur les conditions pour la privation de liberté (la séparation entre mineurs et adultes n’est pas garantie dans tous les cas) ; Le retrait de la réserve relative à l’art icle 40, al. 2, let. b (vi) concernant la garantie de la gratuité de l’assistance d’un interprète a pris effet en 2004. La réserve relative à l’art icle 40, al. 2, let. b (v), concernant le droit de faire examiner un jugement pénal par une juridiction supérieure a été retirée en 2007. La réserve relative à l’art icle 40, al. 2, let. b (ii et iii) (pas de droit inconditionnel à une assistance et pas de séparation entre l’autorité d’instruction et l’autorité de jugement). Une telle séparation irait à l’encontre de la tradition juridique suisse, car la plupart des cantons jugent préférable pour le bien de l’enfant qu’il y ait identité de personne entre l’autorité qui instruit l’affaire et celle qui la juge. Il ne sera probablement pas possible de retirer cette réserve. |
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1989 |
Deuxième protocole facultatif du 15 décembre 1989 se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort |
1992 |
Ratifié le 18 juin 1992. En vigueur depuis le 18 septembre 1992 (RS 0.103.22) |
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1990 |
Convention internationale du 18 décembre 1990 sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille |
Pas ratifiée |
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1997 |
Convention du 18 septembre 1997 sur l ’ interdiction de l ’ emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction |
1998 |
Ratifiée le 24 mars 1998. Entrée en vigueur le 1 er mars 1999 (RS 0.515.092) |
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1998 |
Statut de Rome de la Cour pénale internationale du 17 juillet 1998 |
2001 |
Ratifié le 12 octobre 2001. Entré en vigueur le 1 er juillet 2002 (RS 0.312.1) |
Conformément à l ’ art icle 103, par. 1, du Statut, la Suisse déclare être prête à prendre en charge l ’ exécution des peines privatives de liberté infligées par la Cour à des ressortissants suisses ou à des personnes ayant leur résidence habituelle en Suisse |
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1999 |
Protocole facultatif du 6 octobre 1999 se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (procédure de communication individuelle) |
2008 |
Ratifié le 29 septembre 2008. En vigueur depuis le 29 décembre 2008 (RS 0.108.1) |
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1999 |
Convention n o 182 du 17 juin 1999 concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination |
2000 |
Ratifiée le 9 mai 2000. En vigueur depuis le 28 juin 2001 (RS 0.822.728.2) |
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2000 |
Convention des Nations Unies du 15 novembre 2000 contre la criminalité transnationale organisée et ses Protocoles additionnels |
2006 |
Ratifiée le 27 octobre 2006. Entrée en vigueur le 26 novembre 2006 (RS 0.311.54) |
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2000 |
Protocole facultatif du 25 mai 2000 à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés |
2002 |
Ratifié le 26 juin 2002. En vigueur depuis le 26 juillet 2002 (RS 0.107.1) |
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2000 |
Protocole facultatif du 25 mai 2000 à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants |
2006 |
Ratifié le 19 septembre 2006. En vigueur depuis le 19 octobre 2006 (RS 0.107.2) |
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2002 |
Protocole facultatif du 18 décembre 2002 se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants |
2009 |
Ratifié le 24 septembre 2009. En vigueur depuis le 24 octobre 2009 (RS 0.105.1) |
||
2006 |
Convention du 13 décembre 2006 relative aux droits des personnes handicapées |
2014 |
Ratifiée le 15 avril 2014. En vigueur depuis le 15 mai 2014 (RS 0.109) |
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2006 |
Protocole facultatif du 13 décembre 2006 se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées |
Pas ratifié |
La Suisse n ’ a pas l ’ intention de le ratifier avant qu’elle n ’ ait acquis une première expérience de la pratique de l ’ organe de traités par le biais de ses rapports étatiques. |
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2006 |
Convention internationale du 20 décembre 2006 pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées |
2016 |
Ratifiée le 2 décembre 2016. En vigueur depuis le 1 er janvier 2017 (RS 0.103.3) |
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2008 |
Protocole facultatif du 10 décembre 2008 se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels |
Pas ratifiée |
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2011 |
Protocole facultatif du 19 décembre 2011 à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications |
2017 |
Adhésion le 24 avril 2017. En vigueur depuis le 24 juillet 2017 (RS 0.107.3) |
2.Conventions régionales relatives aux droits de l’homme (chronologique)
Conventions au niveau européen |
Degré de ratification en Suisse |
Aspects particuliers (réserves, déclarations, rapports, procédures facultatives) |
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1950 |
Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (Convention européenne des droits de l’homme) |
1974 |
Ratifiée le 28 novembre 1974. En vigueur depuis le 28 novembre 1974 (RS 0.101) |
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1952 |
Protocole additionnel du 20 mars 1952 à la CEDH (protection de la propriété, droit à l’instruction et engagement des États parties à organiser des élections libres au scrutin secret) |
Signé le 19 mai 1976 |
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1961 |
Charte sociale européenne du 18 octobre 1961 |
Signée le 6 mai 1976 |
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1963 |
Protocole n o 4 à la CEDH du 16 septembre 1963 (interdiction de l’emprisonnement pour dette, liberté de choisir librement sa résidence et de quitter n’importe quel pays, y compris le sien, interdiction des expulsions collectives d’étrangers) |
Pas ratifié |
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1981 |
Convention du 28 janvier 1981 pour la protection des personnes à l ’ égard du traitement automatisé des données à caractère personnel |
1997 |
Ratifiée le 2 octobre 1997. En vigueur depuis le 1 er février 1998 (RS 0.235.1) |
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1983 |
Protocole n o 6 à la CEDH du 28 avril 1983 concernant l ’ abolition de la peine de mort |
1987 |
Ratifié le 13 octobre 1987. En vigueur depuis le 1 er novembre 1987 (RS 0.101.06) |
|
1984 |
Protocole n o 7 à la CEDH du 22 novembre 1984 (garanties procédurales en cas d’expulsion d’étrangers, droit à ne pas être condamné deux fois dans une même affaire, égalité entre époux) |
1988 |
Ratifié le 24 février 1988. En vigueur depuis le 1 er novembre 1988 (RS 0.101.07) |
Réserve à l’art icle 1 concernant la primauté de l’arrêté du Conseil fédéral en cas de menace de la sûreté intérieure ou extérieure. Réserve à l’art icle 5 concernant l’art icle 160 CC et l’art icle 8a tit . fin. CC (nom de famille), les art icles 161, 134, al. 1, et 149, al. 1, CC et l’art icle . 8b tit . fin. CC (acquisition du droit de cité) ainsi que les art icles 9, 9a, 9c, 9d, 9e, 10 et 10a tit . fin. CC (dispositions du droit transitoire relatives au régime matrimonial). |
1987 |
Convention européenne du 26 novembre 1987 pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (Convention européenne contre la torture) |
1988 |
Ratifiée le 7 octobre 1988. En vigueur depuis le 1 er février 1989 (RS 0.106) |
|
1988 |
Protocole additionnel du 5 mai 1988 à la Charte sociale européenne (égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle, droit des travailleurs à l’information, droit des personnes âgées à une protection sociale) |
Pas ratifié |
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1992 |
Charte européenne du 5 novembre 1992 des langues régionales ou minoritaires |
1997 |
Ratifiée le 23 décembre 1997. En vigueur depuis le 1 er avril 1998 (RS 0.441.2) |
|
1993 |
Protocoles n o 1 et n o 2 du 4 novembre 1993 à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants |
1994 |
Ratifiés le 9 mars 1994. En vigueur depuis le 1 er mars 2002 (RS 0.106) |
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1995 |
Convention-cadre du 1 er février 1995 pour la protection des minorités nationales |
1998 |
Ratifiée le 21 octobre 1998. En vigueur depuis le 1 er février 1999 (RS 0.441.1) |
La Suisse déclare que constituent en Suisse des minorités nationales au sens de la présente Convention-cadre les groupes de personnes qui sont numériquement inférieurs au restant de la population du pays ou d’un canton, sont de nationalité suisse, entretiennent des liens anciens, solides et durables avec la Suisse et sont animés de la volonté de préserver ensemble ce qui fait leur identité commune, notamment leur culture, leurs traditions, leur religion ou leur langue. La Suisse déclare que les dispositions de la Convention-cadre régissant l’usage de la langue dans les rapports entre particuliers et autorités administratives sont applicables sans préjudice des principes observés par la Confédération et les cantons dans la détermination des langues officielles. |
1996 |
Convention européenne du 25 janvier 1996 sur l’exercice des droits de l’enfant |
Pas ratifiée |
||
1996 |
Accord européen du 5 mars 1996 concernant les personnes participant aux procédures devant la Cour européenne des droits de l’homme |
1998 |
Ratifié le 27 août 1998. En vigueur depuis le 1 er janvier 1999 (RS 0.101.3) |
Les dispositions du par. 2, let. a, de l ’ art icle 4, de l ’ accord ne s ’ appliqueront pas aux ressortissants suisses poursuivis ou condamnés en Suisse pour un crime grave contre l ’ État, la défense nationale ou la puissance défensive du pays |
1996 |
Charte sociale européenne révisée du 3 mai 1996 |
Pas ratifiée |
||
1997 |
Convention européenne du 6 novembre 1997 sur la nationalité |
Pas ratifiée |
||
1997 |
Convention européenne du 4 avril 1997 sur les Droits de l’Homme et la biomédecine |
2008 |
Ratifiée le 24 juillet 2008. En vigueur depuis le 1 er novembre 2008 (RS 0.810.2) |
|
1998 |
Protocole additionnel du 12 janvier 1998 à la Convention sur les Droits de l’Homme et la biomédecine |
2008 |
Ratifié le 24 juillet 2008. En vigueur depuis le 1 er novembre 2008 (RS 0.810.21) |
|
2000 |
Protocole additionnel n o 12 à la CEDH du 4 novembre 2000 (interdiction de discrimination) |
Pas ratifié |
||
2001 |
Protocole additionnel du 8 novembre 2001 à la Convention pour la protection des personnes à l ’ égard du traitement automatisé des données à caractère personnel |
2007 |
Ratifié le 20 décembre 2007. En vigueur depuis le 1 er avril 2008 (RS 0.235.11) |
|
2002 |
Protocole additionnel n o 13 à la CEDH du 3 mai 2002 (interdiction de la peine de mort) |
2002 |
Ratifié le 3 mai 2002. En vigueur depuis le 1 er juillet 2003 (RS 0.101.093) |
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2004 |
Protocole additionnel n o 14 à la CEDH du 13 mai 2004 (modification du système de contrôle) |
2006 |
Ratifié le 25 avril 2006. En vigueur depuis le 1 er juin 2010 (RS 0.101.094) |
|
2005 |
Convention du Conseil de l ’ Europe du 16 mai 2005 sur la lutte contre la traite des êtres humains |
2012 |
Ratifiée le 17 décembre 2012. En vigueur depuis le 1 er avril 2013 (RS 0.311.543) |
Conformément à l ’ art icle 45 de la Convention, la Suisse se réserve le droit de ne pas appliquer l ’ art icle 31, par. 1, let. d, aux apatrides. |
2007 |
Convention du Conseil de l’Europe du 25 octobre 2007 sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels |
2014 |
Ratifiée le 18 mars 2014. En vigueur depuis le 1 er juillet 2014 (RS 0.311.40) |
Se fondant sur l ’ art icle 20, par. 3, 2 e tiret, la Suisse se réserve le droit de ne pas appliquer l ’ art icle 20, par. 1, let. a et e, à la production et à la possession de matériel pornographique impliquant des enfants ayant atteint l ’ âge de la majorité en vigueur dans le pays concerné, lorsque ces images sont produites et détenues par ceux-ci, avec leur accord et uniquement pour leur usage privé. Se fondant sur l ’ art icle 24, par. 3, la Suisse se réserve le droit de ne pas appliquer l ’ art icle 24, par. 2, à l ’ acte de sollicitation au sens de l ’ art icle 23. Se fondant sur art icle 25, par. 3, la Suisse se réserve le droit de ne pas appliquer l ’ art icle 25, par. 1, let. e. |
2011 |
Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique |
2017 |
Ratifiée le 14 décembre 2017. En vigueur depuis le 1 er avril 2018 (RS 0.311.35) |
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2013 |
Protocole n o 15 portant amendement à la Convention de sauvegarde des Droits de l ’ Homme et des Libertés fondamentales |
2016 |
Ratifié le 15 juillet 2016 |
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2013 |
Protocole n o 16 portant amendement à la Convention de sauvegarde des Droits de l ’ Homme et des Libertés fondamentales |
Pas ratifié |
B.Cadre juridique de la protection des droits de l’homme à l’échelon national
1.Législation
Protection constitutionnelle des droits fondamentaux
94.La Constitution fédérale contient un catalogue des droits fondamentaux. Ces droits ont pour caractéristique commune leur justiciabilité. Sont expressément prévus par la Constitution :
•La dignité humaine (art. 7) ;
•L’égalité et l’interdiction de la discrimination (art. 8) ;
•La protection contre l’arbitraire et la protection de la bonne foi (art. 9) ;
•Le droit à la vie et à la liberté personnelle (art. 10) ;
•La protection des enfants et des jeunes (art. 11) ;
•Le droit d’obtenir de l’aide dans des situations de détresse (art. 12) ;
•La protection de la sphère privée (art. 13) ;
•Le droit au mariage et à la famille (art. 14) ;
•La liberté de conscience et de croyance (art. 15) ;
•Les libertés d’opinion et d’information (art. 16) ;
•La liberté des médias (art. 17) ;
•La liberté de la langue (art. 18) ;
•Le droit à un enseignement de base (art. 19) ;
•La liberté de la science (art. 20) ;
•La liberté de l’art (art. 21) ;
•La liberté de réunion (art. 22) ;
•La liberté d’association (art. 23) ;
•La liberté d’établissement (art. 24) ;
•La protection contre l’expulsion, l’extradition et le refoulement (art. 25) ;
•La garantie de la propriété (art. 26) ;
•La liberté économique (art. 27) ;
•La liberté syndicale et recours à la grève (art. 28) ;
•Les garanties générales de procédure (art. 29) ;
•La garantie de l’accès au juge (art. 29a) ;
•Les garanties de procédure judiciaire (art. 30) ;
•La protection contre la privation de liberté (art. 31) ;
•Les garanties de procédure pénale (art. 32) ;
•Le droit de pétition (art. 33) ;
•Les droits politiques (art. 34).
95.Les droits fondamentaux doivent être réalisés dans l’ensemble de l’ordre juridique (art. 35, al. 1 de la Constitution). Toute restriction d’un droit fondamental doit être fondée sur une base légale. L’exigence d’une base légale ne se limite pas à la nature formelle, mais requiert, selon la jurisprudence, également une précision matérielle des normes juridiques applicables. Les restrictions graves doivent être prévues par une loi. Les cas de danger sérieux, direct et imminent sont réservés. De plus, toute restriction d’un droit fondamental doit être justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui, et doit aussi être proportionnée au but visé. En outre, l’essence des droits fondamentaux est inviolable (art. 36 de la Constitution). Il faut relever à ce propos que le Tribunal fédéral a précisé les conditions d’une restriction de manière détaillée dans sa riche jurisprudence à ce propos.
96.Le principe dit du « pouvoir général de police », prévu à l’article 36, alinéa 1 de la Constitution constitue une exception à la règle qui veut que toute restriction d’une liberté individuelle doit reposer sur une base légale explicite. Le Tribunal fédéral admet à titre exceptionnel que l’exécutif est, sur la base du pouvoir général de police, autorisé à prendre, même en l’absence d’une base légale explicite, les mesures nécessaires au rétablissement de l’ordre public lors de troubles graves ou à la protection contre les dangers sérieux et imminents menaçant cet ordre. La compétence du Conseil fédéral de promulguer des ordonnances et des décrets de police urgents se fonde sur l’article 185 de la Constitution. Afin d’éviter les abus et la violation du principe de légalité, le Tribunal fédéral contrôle sévèrement le recours à ce pouvoir. De même, la durée de ces ordonnances et décrets de police urgents est strictement limitée (art. 185, al. 3 de la Constitution).
97.Attendu que chaque canton est doté de sa propre constitution, des catalogues de libertés fondamentales existent aussi au plan cantonal. Le Tribunal fédéral ne leur accorde une portée autonome que dans le cas, au demeurant fort rare, où cette protection va au-delà de celle qu’offre le droit constitutionnel fédéral.
98.Les dispositions matérielles de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), ratifiée par la Suisse en 1974, viennent compléter les droits constitutionnels mentionnés ci-dessus. Ces garanties, de même que les droits consacrés par la Constitution, sont directement applicables. Elles engagent le législateur, les tribunaux et les administrations de la Confédération comme celle des cantons et les citoyennes et citoyens peuvent directement les invoquer.
99.Dans son rapport « 40 ans d’adhésion de la Suisse à la CEDH : Bilan et perspectives », publié en 2014, le Gouvernement suisse relève les nombreux effets positifs de la Convention sur l’ordre juridique suisse ces dernières décennies. Ce rapport revient sur les circonstances de l’adhésion de la Suisse à la CEDH et sur l’influence effective qu’ont eu sur la Suisse la Convention et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (cf. 40 ans d’adhésion de la Suisse à la CEDH: Bilan et perspectives, rapport du Conseil fédéral en exécution du postulat Stöckli 13.4187 du 12 décembre 2013).
100.La Suisse a ratifié d’autres conventions sur les droits de l’homme. La mesure dans laquelle la violation de ces conventions peut être invoquée devant les tribunaux nationaux dépend de l’applicabilité directe de la norme à laquelle on fait appel. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 garantit par exemple les droits de l’homme classiques aux articles 6 à 27. Ces normes sont directement applicables et traitées par le Tribunal fédéral de la même façon que les droits de la CEDH. En revanche, le Tribunal fédéral présume, dans de nombreux cas, que les obligations internationales découlant de l’adhésion à d’autres conventions internationales sont davantage de nature programmatoire, qu’elles demandent à être précisées et mises en œuvre par le législateur et n’établissent en principe pas de droits directement invocables en justice (voir infra, ch. 2).
101.Selon l’article 165 de la Constitution, en cas de nécessité, des lois fédérales dépourvues de base constitutionnelle peuvent être déclarées urgentes et être mises en vigueur immédiatement. Elles doivent toutefois être approuvées par le peuple et les cantons dans l’année suivant leur adoption par le Parlement. Cette disposition vise à assurer un équilibre entre le besoin de mettre en vigueur sans retard une loi et le souci de limiter la restriction ou l’atteinte ainsi portée aux droits démocratiques, en particulier aux libertés fondamentales.
102.Entre 2000 et 2022, 40 lois au total ont été déclarées comme urgentes en application de l’article 165 de la Constitution, dont la loi fédérale du 12 décembre 2014 interdisant les groupes « Al-Qaïda » et « État islamique » et les organisations apparentées ou la loi fédérale du 25 septembre 2020 sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de COVID-19 (Loi COVID-19)).
103.On rappellera enfin que, depuis 1974, toute dérogation aux libertés fondamentales doit être conforme aux exigences de l’article 15 de la CEDH et, depuis 1992, à l’article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. La Suisse n’a encore jamais fait usage des possibilités de dérogations prévues dans ces dispositions.
Incorporation des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme
104.La Suisse fait partie des États à tradition moniste ; ainsi, un traité international ratifié par le Conseil fédéral fait partie de l’ordre juridique suisse dès la date de son entrée en vigueur en Suisse, sans qu’il y ait besoin de le transposer dans l’ordre juridique interne par l’adoption d’une loi spéciale. Ce principe peut être déduit d’une part de l’article 190 de la Constitution, qui prescrit que, dans tous les cas, le Tribunal fédéral applique les lois fédérales de même que le droit international, et de l’article 189, al. 1, let. b de la Constitution d’autre part, qui prévoit que le Tribunal fédéral est également compétent pour traiter des recours pour violation d’un traité international.
105.Le Tribunal fédéral reconnaît en principe la primauté du droit international, tout en admettant certaines exceptions. En principe, le droit international l’emporte sur les lois fédérales, sauf si l’Assemblée fédérale a sciemment adopté un texte contraire au droit international ; dans ce cas, c’est cette disposition (ultérieure) qui s’applique (« jurisprudence Schubert »). Les droits de l’homme garantis par le droit international l’emportent cependant systématiquement sur les lois fédérales (« jurisprudence PKK »).
2.Compétences des autorités judiciaires, administratives et autres dans le domaine des droits de l’homme
Invocabilité directe des dispositions des instruments relatifs aux droits de l’homme devant les juridictions nationales
106.Comme déjà relevé, un traité international accepté par le Parlement déploie, dès son entrée en vigueur, ses effets non seulement sur le plan international, mais aussi sur le plan interne, c’est-à-dire qu’il fait immédiatement partie intégrante de l’ordre juridique suisse. En outre, dans la mesure où elles sont directement applicables (self executing), les dispositions d’un traité international peuvent être directement invoquées par les citoyennes et citoyens devant un tribunal et elles constituent la base des décisions prises par les autorités. Cela présuppose que la disposition de droit international public invoquée présente un contenu suffisamment clair et concret pour former la base d’une décision. Les normes qui ne sont pas directement applicables doivent être précisées et concrétisées par le législateur national.
107.En dernière analyse, il appartient aux tribunaux de déterminer, dans les cas d’espèce, de l’applicabilité directe d’une disposition ou d’un traité de cette nature.
Initiatives populaires
108.Ces dernières années, le peuple et les cantons ont accepté à plusieurs reprises des initiatives populaires potentiellement incompatibles avec certaines dispositions du droit international : l’initiative sur l’internement à vie pour les délinquants sexuels ou violents jugés très dangereux et non amendables (acceptée le 8 février 2004), l’initiative populaire contre la construction de minarets (acceptée le 29 novembre 2009) ou l’initiative pour le renvoi des étrangers criminels (acceptée le 28 novembre 2010).
109.Les initiatives populaires mentionnées ont mis en évidence une relation de tensions entre le droit d’initiative et le droit international ; la question de la relation entre droit international et droit interne a ainsi pris de l’importance dans le débat politique. Ces controverses se sont parfois accompagnées de critiques à l’égard des pouvoirs exercés par la Cour européenne des droits de l’homme et à l’égard de certains arrêts rendus par celle-ci. En réponse à deux motions, le Conseil fédéral a proposé des mesures concrètes pour garantir une meilleure compatibilité des initiatives populaires avec les droits fondamentaux ; compte tenu de l’accueil critique que ces mesures ont reçu lors de la consultation, il a été jugé préférable de ne pas leur donner suite. Une commission du Parlement a examiné en outre la question de la nécessité de compléter les conditions de validité des initiatives populaires. Enfin, l’initiative populaire « Le droit suisse au lieu de juges étrangers » (initiative pour l’autodétermination), déposée le 12 août 2016, visait à consacrer la primauté du droit constitutionnel suisse sur le droit international ; elle a été rejetée par le peuple le 25 novembre 2018.
3.Possibilités de recours
110.La structure fédérale implique un enchevêtrement complexe de compétences entre Confédération et cantons. Alors que la législation en matière de droit civil et pénal est depuis longtemps du ressort de la Confédération, le droit procédural dans ces domaines était essentiellement réglé par les cantons. Jusqu’à fin 2010, il y avait une procédure civile et une procédure pénale dans chacun des vingt-six cantons ainsi qu’au niveau fédéral. La réforme de la justice acceptée par le peuple et les cantons en l’an 2000 a confié à la Confédération la compétence législative pour tout le droit procédural civil et pénal. Depuis le 1er janvier 2011, le Code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC), le Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) et la loi fédérale du 20 mars 2009 sur la procédure pénale applicable aux mineurs (Procédure pénale applicable aux mineurs, PPMin)unifiés pour toute la Suisse sont en vigueur. Cependant, les cantons sont toujours compétents pour l’organisation judiciaire ; il en découle que l’organisation des instances cantonales est encore aujourd’hui empreinte d’une certaine diversité. En matière administrative, chaque canton ainsi que la Confédération disposent de leur propre procédure.
En matière pénale
111.Le droit pénal matériel est, pour l’essentiel, unifié par le Code pénal (CP), qui a fait l’objet de plusieurs révisions.
112.Selon le Code de procédure pénale suisse (CPP), les étapes principales de la procédure pénale en première et deuxième instance sont les suivantes :
•La procédure préliminaire : la procédure préliminaire est introduite par l’investigation policière, respectivement par l’ouverture d’une instruction par le ministère public. Le but est d’établir s’il y a des soupçons suffisants laissant présumer qu’une infraction a été commise ;
•La mise en accusation, l’ordonnance pénale ou le classement de la procédure : Lorsque le ministère public considère que les soupçons établis sur la base de l’instruction sont suffisants et qu’une ordonnance pénale ne peut être rendue, il procède à la mise en accusation devant le tribunal compétent. À certaines conditions, le ministère public peut, pour des délits mineurs, clore la procédure en rendant une ordonnance pénale. Si les conditions pour une ordonnance pénale ou une mise en accusation ne sont pas réalisées, la procédure d’instruction est en principe définitivement classée ;
•La procédure principale : la procédure principale est conduite devant le tribunal de première instance et aboutit à un jugement ;
•La procédure de recours : un recours ou un appel (du condamné, de la partie civile ou du ministère public) peut être interjeté contre le jugement.
113.Selon la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF), le Tribunal fédéral statue sur les recours en matière pénale formés contre les jugements cantonaux de dernière instance et contre ceux du Tribunal pénal fédéral. Seule la violation du droit fédéral peut être invoquée devant le Tribunal fédéral. Comme pour les affaires civiles, l’état de fait ne saurait en principe être revu par le Tribunal fédéral. On peut faire valoir dans le même mémoire de recours les prétentions civiles qui doivent être traitées dans le cadre d’un procès pénal.
114.La Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral à Bellinzone traite en première instance d’infractions relevant de la compétence de la juridiction fédérale (par exemple terrorisme, attentats à l’explosif, espionnage, haute trahison, blanchiment d’argent, criminalité organisée, criminalité économique). Ses jugements peuvent être portés devant la cour d’appel du Tribunal pénal fédéral. Comme dans les procédures cantonales, deux instances (cour des affaires pénales et cour d’appel du Tribunal pénal fédéral) peuvent donc examiner les faits dans les procédures pénales fédérales. Les arrêts rendus par la cour d’appel peuvent à leur tour faire l’objet d’un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. La première cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral est en outre compétente pour les recours contre des actions ou des omissions des procureurs de la Confédération, contre des mesures de contrainte et pour trancher des conflits de for. Les arrêts portant sur des mesures de contrainte peuvent faire l’objet d’un recours au Tribunal fédéral. La deuxième Cour des plaintes se prononce sur les recours en matière d’entraide pénale internationale. Il n’existe qu’une voie de droit limitée au Tribunal fédéral contre ses arrêts.
115.Les militaires en service, les fonctionnaires et employés de la Confédération et des cantons, dans la mesure où leurs actes intéressent la défense nationale, ainsi que les civils se rendant coupables d’infractions au droit international public à l’occasion d’un conflit armé relèvent du droit et de la juridiction militaires, pour autant que leurs actes soient sanctionnés par le Code pénal militaire du 13 juin 1927 (CPM). Il ne s’agit pas d’un droit ou de juridictions d’exception (base légale formelle dans le CPM et la procédure pénale militaire du 23 mars 1979, PPM) et la procédure suivie est du reste très semblable à celle appliquée par les tribunaux de droit commun. Un grand nombre de dispositions pénales sont identiques dans le Code pénal ordinaire et dans le CPM, dont notamment la norme pénale contre la discrimination raciale adoptée en 1994 (art. 261 bis du CP, respectivement art. 171 c du CPM). Les personnes soumises au droit pénal militaire restent toutefois justiciables des tribunaux civils pour les infractions non prévues par le CPM.
116.Depuis 2007, le droit pénal des enfants et des adolescents est séparé du droit pénal des adultes. La majorité ou responsabilité pénale est fixée à 10 ans (art. 3 de la Loi fédérale du 20 juin 2003 régissant la condition pénale des mineurs (Droit pénal des mineurs, DPMin)). Les enfants de moins de 10 ans qui commettent une infraction ne sont donc pas punissables pénalement. Le droit pénal des mineurs vise en premier lieu à protéger et à éduquer les jeunes. C’est pourquoi la justice des mineurs ne prononce souvent aucune peine au sens strict, mais ordonne plutôt des mesures d’ordre thérapeutique ou éducatif. Le recours au Tribunal fédéral est ouvert contre la décision d’une autorité cantonale de dernière instance.
En matière civile
117.Le droit civil matériel est, pour l’essentiel, codifié par le Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC) et le Code des obligations suisse du 30 mars 1911 (CO) qui ont été modifiés et révisés à plusieurs reprises et sont complétés de plusieurs lois spéciales.
118.Dans la procédure ordinaire, le justiciable qui veut faire valoir une prétention civile en Suisse adresse une demande au tribunal de première instance compétent. Cette procédure au fond est précédée, à l’exception de certains cas, d’une tentative de conciliation devant une autorité de conciliation dans le but de régler le litige à l’amiable à ce stade. Suite à la demande au tribunal, la partie adverse dépose une réponse. Lorsque les circonstances le justifient, le tribunal peut ordonner un second échange d’écritures ou des débats d’instruction. Chaque partie doit apporter la preuve des faits qu’elle allègue. Lors des débats principaux, les parties présentent leurs conclusions et les motivent et le tribunal administre les preuves. Les parties peuvent ensuite se prononcer sur les résultats de l’administration des preuves et sur la cause. Après avoir apprécié les preuves produites ou lorsque la cause est en état d’être jugée, le tribunal met fin au procès par une décision au fond ou par une décision d’irrecevabilité.
119.A certaines conditions, les décisions du tribunal de première instance peuvent faire l’objet d’un appel auprès de la deuxième instance cantonale qui permet à l’instance supérieure de revoir complètement l’ensemble de la cause (application du droit et constatation des faits). Lorsque l’appel n’est pas ouvert, la décision peut aussi être attaquée devant la deuxième instance cantonale par un recours, qui est limité à l’examen de l’application du droit. L’état de fait peut toutefois être revu en cas de constatation manifestement inexacte.
120.Le Tribunal fédéral statue sur les recours contre des jugements de tribunaux cantonaux de dernière instance selon les articles 72 ss de la loi sur le Tribunal fédéral (LTF). Dans les affaires pécuniaires, le Tribunal fédéral peut contrôler lors d’un recours en matière civile l’application du droit fédéral dans les affaires dont la valeur litigieuse est d’au moins CHF 30 000.–. Le droit du travail et le droit du bail font exception, la valeur litigieuse minimale étant fixée à CHF 15 000.–. Indépendamment de la valeur litigieuse, l’accès au Tribunal fédéral est toujours garanti lorsque se pose une question juridique de principe. Le Tribunal fédéral peut en outre examiner, dans le cadre du recours en matière civile, les jugements en matière de poursuites et faillite ainsi que les jugements en matière de droit public qui sont en relation directe avec le droit civil.
En matière administrative
121.À l’échelon cantonal, les décisions prises par l’administration sont en général susceptibles de recours auprès d’un organe de l’exécutif, d’une commission de recours indépendante ou d’un tribunal administratif. Plusieurs cantons ont intégré leurs tribunaux administratifs aux juridictions de deuxième instance.
122.Les anciennes commissions fédérales de recours et les services de recours des départements ont été remplacés par le Tribunal administratif fédéral. Son siège se trouve à St-Gall depuis l’année 2012. Le Tribunal administratif fédéral traite en première instance les recours contre des décisions de l’administration fédérale, par exemple celles ayant trait à l’engagement des employés de la Confédération, aux impôts fédéraux, aux douanes, aux marchés publics ou à l’agriculture. Ilstatue en outre sur les recours contre certaines décisions des gouvernements cantonaux, notamment dans le domaine de l’assurance-maladie. Enfin, ilconnaît par voie d’action en première instance des contestations dans trois domaines spécifiques, dont les contrats de droit public par exemple.En règle générale, les arrêts du Tribunal administratif fédéral peuvent faire l’objet d’un recours au Tribunal fédéral. Dans certains domaines juridiques comme le droit d’asile ou en matière d’entraide administrative internationale, le TAF statue en dernière instance. Cela signifie que l’arrêt n’est pas susceptible de recours auprès du Tribunal fédéral (TF).
123.Au niveau cantonal, le justiciable qui souhaiterait contester une décision de l’administration ou d’une institution de recours interne à l’administration adresse un recours au tribunal administratif. Celui-ci statue après avoir également entendu le point de vue de l’administration concernée. Si le litige porte sur l’application du droit fédéral, l’affaire peut en principe être portée devant le Tribunal fédéral au moyen d’un recours en matière de droit public (art. 82 ss de la Loi sur le Tribunal fédéral, LTF).
Recours constitutionnel subsidiaire
124.Dans le cadre des recours qui lui sont soumis, le Tribunal fédéral traite également des griefs relatifs à la violation de droits constitutionnels des citoyens. Lorsqu’aucun des recours ordinaires n’est recevable (par exemple en raison d’une valeur litigieuse insuffisante), la violation des droits constitutionnels dans un arrêt cantonal peut être attaquée par un recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF).
4.Mécanismes internationaux d’examen de plaintes émanant de particuliers
125.La Suisse a accepté plusieurs mécanismes d’examen de plaintes et elle joue un rôle actif dans leur renforcement et leur développement. Tout particulier qui fait valoir une violation de ses droits par la Suisse peut, après avoir épuisé les voies de recours internes, s’adresser au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD), au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDEF), au Comité contre la torture (CAT), au Comité des disparitions forc é es (CED), ou au Comité des droits de l’enfant (CRC) (cf. ci-dessous, chap. IV. B).
126.Au niveau régional, la Suisse est soumise à la juridiction de la Cour européenne des droits de l’homme, qui joue un rôle crucial dans le système judiciaire suisse. La pratique développée à Strasbourg a contribué de façon essentielle à l’élaboration de la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de droits fondamentaux – lesquels étaient en partie, et pendant longtemps, encore non écrits – et influencé le catalogue des droits fondamentaux arrêtés dans la Constitution actuelle (cf. ci-dessus, chap. III. D1, et ci-dessous, chap. IV. B).
C.Cadre de la promotion des droits de l’homme à l’échelon national
1.Institutions nationales de défense et de promotion des droits de l’homme
127.D’une manière générale, le respect et la protection des droits de l’homme sont du ressort de toutes les autorités au niveau fédéral et cantonal, et en particulier également des organes de police et des organes judiciaires (voir art. 35 de la Constitution).
128.Diverses unités administratives compétentes pour la protection des droits de l’homme dans des domaines spécifiques ont été mises en place au niveau fédéral et cantonal. Au niveau fédéral, on peut notamment mentionner :
•Le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes (BFEG) ;
•Le Bureau fédéral de l’égalité pour les personnes handicapées (BFEH) ;
•Le Service de lutte contre le racisme (SLR) ;
•D’autres unités analogues dans l’administration fédérale (en particulier au sein du Département fédéral des affaires étrangères et du Département de justice et police) ainsi que dans de nombreux cantons.
129.À ceux-ci s’ajoutent les commissions extraparlementaires correspondantes, notamment la Commission fédérale des migrations, la Commission fédérale pour les questions féminines, la Commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse, la Commission fédérale pour les questions familiales et la Commission fédérale contre le racisme. Celles-ci sont mises en place par le Conseil fédéral, elles assument toutefois une fonction critique envers le Gouvernement grâce à l’inclusion d’acteurs de la société civile et de divers acteurs politiques.
Institution nationale des droits de l’homme (INDH)
130.La Suisse a lancé en 2011 un projet pilote pour une institution nationale des droits de l’homme (INDH). Ce projet, limité dans le temps, est constitué d’un réseau universitaire – le Centre suisse de compétence pour les droits humains (CSDH) – auquel la Confédération achète des prestations pour un volume d’un million de francs par an. Lors de l’évaluation du projet pilote en 2015, la majorité des personnes interrogées a soutenu la création d’une institution permanente.
131.Afin d’intégrer les demandes formulées lors de cette procédure de consultation, le Conseil fédéral a demandé aux Départements compétents de lui soumettre plusieurs options pour la nouvelle institution. Le 13 décembre 2019, le Conseil fédéral a approuvé le projet portant sur la création d’une INDH. En même temps, il a prolongé le mandat du CSDH jusqu’à la fin de l’année 2022. Le parlement s’est penché sur ce projet pendant une année et l’a finalement adopté le 1er octobre 2021 avec quelques modifications.
132.La Suisse va donc remplacer le CSDH par une INDH permanente et légalement établie, sous la forme d’une corporation de droit public. Ce modèle tient dûment compte des résultats de la consultation publique de 2017 et des Principes de Paris. Les dispositions sur l’INDH sont intégrées dans la loi fédérale sur des mesures de promotion civile de la paix et de renforcement des droits de l’homme. L’INDH sera indépendante, garantira une représentation pluraliste des forces sociales concernées et bénéficiera d’une aide financière de la Confédération. Les cantons prendront en charge les coûts d’infrastructure.
133.L’INDH sera dotée de sa propre personnalité juridique et jouira de l’indépendance requise. Cela signifie qu’elle pourra définir ses propres activités dans le cadre de son mandat et réagir rapidement aux développements qui se présentent. Son indépendance lui permettra de coopérer avec les autorités gouvernementales à tous les niveaux, avec les organisations non gouvernementales, le secteur privé, la recherche et les organisations internationales afin de soutenir leurs activités en matière de droits de l’homme.
134.L’INDH aura un mandat large de promotion et protection des droits de l’homme. Sur la base des expériences du projet pilote, les tâches de l’INDH sont définies comme suit :
•Information et documentation ;
•Recherche ;
•Conseil ;
•Promotion du dialogue et de la coopération ;
•Éducation aux droits de l’homme et sensibilisation ;
•Échanges au niveau international.
135.Par contre, l’INDH ne remplira pas de tâches administratives, n’assumera pas de fonction de médiateur et ne traitera pas de cas individuels.
136.Un groupe de travail préparera la mise en place de l’institution, prévue pour début 2023.
Médiateur
137.Plusieurs cantons et villes ont nommé un médiateur, élu par voie parlementaire, indépendant des autorités et qui intervient en tant qu’intermédiaire neutre entre le citoyen et l’administration.
138.Depuis les années 70, plusieurs projets visant à mettre en place un organe de médiation au niveau fédéral ont été entrepris. En été 2002, le Conseil fédéral a estimé, après avoir réexaminé la question, qu’il était du devoir de chacune des unités administratives d’adopter un comportement respectueux des citoyens et que ce devoir ne saurait être délégué à un organe fédéral de médiation. En 2003, la Commission des institutions politiques du Conseil national a toutefois adopté un avant-projet de loi fédérale sur la création d’un Bureau fédéral de médiation qui visait principalement à renforcer la confiance de la population à l’égard des autorités fédérales. Le projet prévoyait que ce Bureau mènerait des entretiens, ferait des recommandations et des propositions d’arrangements à l’amiable, mais qu’aucune compétence décisionnelle ne lui serait conférée. La Commission a décidé d’y renoncer en 2004.
139.Le Parlement a adopté en 2020 une motion demandant la création d’un bureau de médiation pour les droits de l’enfant. Le Conseil fédéral doit soumettre au Parlement un projet de bases légales instituant un tel bureau.
2.Diffusion des instruments relatifs aux droits de l’homme
140.Les conventions des Nations Unies relatives aux droits de l’homme qui ont été ratifiées par la Suisse sont publiées en italien, en français et en allemand sur le site Web de la Confédération (www.admin.ch).
141.Certaines conventions sont également traduites en romanche, quatrième langue nationale, comme la Convention relative aux droits de l’enfant.
142.De plus, le Département fédéral des affaires étrangères a édité la brochure « ABC des droits de l’homme » qui contient un bref rappel historique et présente les principales bases légales du droit international relatif à la protection des droits de l’homme, les questions qui se posent actuellement et l’engagement de la Suisse. La brochure peut être téléchargée gratuitement et souhaite contribuer à mieux faire comprendre les droits de l’homme à un large public.
143.Sur le site internet de l’Office fédéral de la justice sont en outre publiés des informations concernant les différents instruments de protection des droits de l’homme et, en particulier, des décisions et des arrêts choisis de la Cour européenne des droits de l’homme, qui concernent la Suisse ainsi que d’autres États.
144.Lorsque le Conseil fédéral souhaite ratifier une convention, il invite les milieux concernés à prendre position (cantons, partis politiques, hautes écoles, organisations non gouvernementales, etc.). Suite à cette consultation, il décide si la convention sera présentée au Parlement pour approbation. Si c’est le cas, il publie un message à l’intention de l’Assemblée fédérale dans lequel il explique la portée et les conséquences de la ratification. Ce message est publié dans la feuille fédérale, l’organe de publication officiel de la Confédération, et est ainsi accessible pour tous les intéressés. Les débats parlementaires relatifs au projet sont également publiés et relayés par la presse, la radio et la télévision. La ratification d’une convention entraîne fréquemment des discussions en marge des débats lors de conférences, de journées d’études ou de séminaires organisés par les hautes écoles ou d’autres institutions.
3.Actions de sensibilisation aux droits de l’homme au moyen de programmes éducatifs et par la diffusion d’informations avec le soutien des pouvoirs publics
145.Le CSDH est également actif dans la formation continue et la sensibilisation en matière de droits humains, par exemple par le biais de colloques et de publications adressés principalement aux autorités et aux organisations, mais aussi à la population.
146.Dans le domaine des droits humains et de la lutte contre le racisme, la Confédération soutient la Fondation Éducation 21 pour la production et la diffusion dans les écoles de moyens d’enseignement et de matériel pédagogique, adaptés aux différents plans d’étude. Elle offre également la formation continue correspondante pour les enseignants. Par ailleurs, différentes institutions sont actives dans ce domaine, tel que le Centre pour l’éducation aux droits de l’homme de la Haute École Pédagogique de Lucerne qui se charge de diffuser aux écoles et aux enseignants les bases et les expériences concrètes en matière d’éducation aux droits de l’homme, ou l’Université de Genève qui comporte une unité d’enseignement consacrée aux droits de l’enfant.
147.Dans les cantons, la politique de l’enfance et de la jeunesse est subordonnée aux départements les plus divers (instruction publique, formation, justice, affaires sociales, santé, économie, etc.). La Conférence pour la politique de l’enfance et de la jeunesse (CPEJ) est une conférence technique de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS). Responsable de la coordination intercantonale, elle conseille, informe et s’engage pour la mise en œuvre des droits de l’enfant ainsi que pour le développement de la politique de l’enfance et de la jeunesse en Suisse (protection, promotion, participation). La CDAS et les cantons collaborent également avec des ONG actives en matière de politique enfance et jeunesse.
148.Par la loi fédérale sur l’encouragement de l’enfance et de la jeunesse (LEEJ), le gouvernement suisse promeut les activités extrascolaires novatrices et l’animation en milieu ouvert destinées aux enfants et aux jeunes, aide les cantons à développer leur politique de l’enfance et de la jeunesse, et renforce l’échange d’informations et d’expériences ainsi que la collaboration entre les différents acteurs.
149.L’OFAS coordonne la mise en œuvre en Suisse de la Convention relative aux droits de l’enfant. Il octroie des aides financières à des organisations privées (par ex. le Réseau suisse des droits de l’enfant) qui travaillent à l’échelle du pays ou d’une région linguistique dans le but de mieux faire connaître les droits de l’enfant, par l’intermédiaire du crédit « Droits de l’enfant » (environ 190 000 francs par an), via l’Ordonnance fédérale sur des mesures de protection des enfants et des jeunes et sur le renforcement des droits de l’enfant.
150.La collaboration cantons/Confédération s’est intensifiée avec la LEEJ et la création de la CPEJ. L’OFAS et la CDAS ont créé une plateforme électronique consacrée à la politique de l’enfance et de la jeunesse en Suisse. Cette plateforme vise avant tout à faciliter la collaboration entre les acteurs et à favoriser l’échange d’informations. Elle présente notamment les bases légales et les prestations offertes, ainsi que des projets et programmes d’intérêt menés au plan national, cantonal ou dans certaines villes.
151.Par ailleurs, la Commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse (CFEJ) conseille le gouvernement suisse en matière de politique de l’enfance et de la jeunesse, que ce soit en matière de protection, d’encouragement et de participation des enfants. Elle observe la situation des enfants et des jeunes, examine les projets de loi les concernant et propose des mesures et sensibilise l’opinion publique aux besoins des enfants et des jeunes, ainsi qu’à leurs droits.
152.Dans la lutte contre la discrimination, l’information et la sensibilisation du public sont un objectif important des programmes d’intégration cantonaux (PIC). Dans le domaine du conseil et en vue de lutter contre la discrimination, la Confédération et les cantons ont défini notamment les objectifs suivants :
•La population est informée de la situation particulière des étrangers, des objectifs et principes de base de la politique d’intégration et de l’encouragement de l’intégration ;
•Les institutions des structures ordinaires et les milieux intéressés sont informés et prodiguent des conseils en matière de lutte contre la discrimination ;
•Les personnes victimes de discriminations dues à leur origine ou à leur race bénéficient d’un conseil et d’un soutien compétents.
153.Dans le cadre du Plan d’action national sur les entreprises et les droits de l’homme 2022-2023, une campagne de sensibilisation a lieu avec des associations économiques, sectorielles et des chambres de commerce.
154.L’administration fédérale a mandaté des consultants experts en diligence raisonnable en matière de droits de l’homme pour organiser des sessions de formation continue sur le thème de la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme dans le cadre des activités économiques. Ces événements sont adaptés aux besoins des participants (PME, grandes entreprises, secteurs à risque, groupe cible, etc.).
4.Rôle de la société civile / Organisations non gouvernementales (ONG)
155.La société civile et les ONG, dont plusieurs bénéficient d’une aide ou du soutien de projets par la Confédération, jouent un rôle déterminant pour renforcer les droits de l’homme.
156.Les ONG surveillent et questionnent les démarches des autorités de façon critique. Elles rédigent des rapports alternatifs à l’intention des comités, veillent à la diffusion des rapports étatiques et des observations finales, commentent celles-ci et prennent contact avec les autorités concernées afin de garantir une meilleure exécution des recommandations. De plus, elles participent grandement à la sensibilisation de la population à l’aide de publications, de séminaires ou de manifestations et veillent à la diffusion des conventions tant en Suisse qu’à l’étranger.
157.En coopération avec les ONG, la population civile, représentée dans de nombreuses organisations, s’engage fermement pour renforcer les droits de l’homme. Elle s’engage par exemple considérablement lors des différentes et nombreuses votations populaires en la population votante.
5.Affectation de crédits budgétaires et évolution en la matière
158.En Suisse, les droits de l’homme sont pris systématiquement en considération dans tous les domaines de l’administration publique. Ils ne font pas l’objet d’une ligne budgétaire spécifique mais leur financement est prévu sous un grand nombre de rubriques du budget national comme l’éducation, la santé et les soins, la protection sociale et l’administration des tribunaux.
6.Coopération et assistance dans le domaine du développement
159.D’après l’article 54, alinéa 4 de la Constitution fédérale, la promotion de la paix et du respect des droits de l’homme est l’un des buts de la politique étrangère suisse et acquiert à ce titre une importance majeure.
160.Dans le cadre de son mandat humanitaire, la coopération suisse au développement a pour objectif de promouvoir le respect et la protection des droits de l’homme et du droit international humanitaire. En outre, dans des pays ou des zones prioritaires, la coopération au développement contribue à renforcer les droits de l’homme. La prise en compte des droits de l’homme dans les contextes fragiles en particulier est un objectif explicite de la Suisse, afin de participer à la prévention de la violence. Les crédits-cadre correspondants sont renouvelés tous les quatre ans et approuvés par le Parlement.
161.Le Département fédéral des affaires étrangères a adopté en février 2016 une Stratégie Droits de l’homme (« Stratégie Droits de l’homme 2016-2019 »). La stratégie offrait pour la première fois un cadre de référence propre à l’engagement international de la Suisse en matière de droits de l’homme. Elle énonçait les principes et objectifs de la Suisse dans ce domaine. Elle se fondait sur les valeurs et opportunités propres à la Suisse comme le dialogue, la recherche du consensus, la protection des minorités, la solidarité ou encore la tradition humanitaire et celle de bons offices et de médiation. En 2021, le DFAE a lancé les lignes directrices sur les droits de l’homme (2021-2024). La définition de principes clairs et de champs d’action concrets vise à améliorer l’efficacité et la cohérence de l’engagement de la Suisse en faveur de la promotion des droits de l’homme à l’étranger.
162.En 2004, le Parlement a édicté pour la première fois une loi fédérale visant à mettre en place des mesures concrètes de promotion civile de la paix et de renforcement des droits de l’homme. Il a notamment accepté d’instaurer un premier crédit-cadre qu’il doit renouveler tous les quatre ans. Le dernier crédit en date a été validé à hauteur de 258 millions de francs pour la période 2021-2024. Le Message du Conseil fédéral du 19 février 2020 sur la coopération internationale 2021-2024 permet d’assurer la prise en compte des droits de l’homme dans le domaine de la coopération au développement et de l’aide humanitaire et dans la politique extérieure de la Suisse de manière générale.
163.Les nouvelles « lignes directrices sur les droits de l’homme 2021-2024 » du DFAE remplacent la stratégie Droits de l’homme 2016-2019. La définition de principes clairs et de champs d’action concrets vise à améliorer l’efficacité et la cohérence de l’engagement de la Suisse en faveur de la promotion des droits de l’homme à l’étranger. La Suisse prête une attention particulière aux questions de la liberté d’expression, de la peine de mort, de la torture et des minorités.
164.Ces dernières années, la Suisse a activement participé à l’élaboration de l’Agenda 2030 pour le développement durable et des objectifs de développement durable. Pour ce faire, elle s’est fondée sur les principes du respect des droits de l’homme, du respect des limites planétaires, de l’inclusion et de l’égalité sociale, de l’universalité et de la cohérence politique. L’objectif 16 qui vise à promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et ouvertes, place l’accès à la justice et la gouvernance responsable au centre d’une coopération au développement attentive aux contextes et aux conflits et entérine ainsi les objectifs suisses de consolidation de la paix et de renforcement de l’État tels que décrits dans le « New Deal pour l’engagement dans les États fragiles » (New Deal for Engagement in Fragile States [OCDE CAD / INCAF]). Elle s’engage entre autres tout particulièrement pour la sécurité de l’eau, le travail digne et l’égalité entre les sexes.
D.Processus d’établissement des rapports nationaux
165.L’administration fédérale, en collaboration avec les autorités fédérales et cantonales concernées, élabore les rapports périodiques destinés aux organes de contrôle des conventions en matière de droits de l’homme. Plusieurs offices fédéraux sont chargés de l’élaboration de ces rapports : la Direction du droit international public du Département fédéral des affaires étrangères (CERD), l’Office fédéral de la justice du Département fédéral de justice et police (CAT et CCPR), le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes (CEDEF), le Bureau fédéral de l’égalité pour les personnes handicapées (CDPH) ainsi que l’Office fédéral des assurances sociales du Département fédéral de l’intérieur (CRC) et le Secrétariat d’État à l’économie du Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (CESCR). La compétence pour la rédaction des rapports n’est pas fixée de façon définitive et peut être modifiée sur accord entre les unités fédérales concernées. Elle a d’ailleurs fait l’objet d’un remaniement partiel au cours du dernier cycle de rédaction.
166.Au début de la rédaction d’un rapport périodique, les unités fédérales concernées par le sujet sont consultées. Le Conseil fédéral invite également les cantons et les communes à donner leur avis sur les sujets de leur compétence, soit en leur donnant la possibilité de prendre position sur le projet de rapport, soit en répondant à un questionnaire, soit en agrégeant les informations relatives à la situation dans les domaines en question. Avant que le rapport ne soit présenté au Conseil fédéral pour être approuvé, une procédure de consultation formelle est organisée au niveau fédéral.
167.Les versions officielles anglaise et française des observations finales des instances internationales au sujet des rapports étatiques suisses sont traduites en allemand et en italien, puis présentées au Conseil fédéral et publiées. Cette publication permet à l’opinion publique de se faire une idée de la situation, de l’évolution et des difficultés en matière de protection des droits de l’homme en Suisse.
168.Les observations finales de chaque comité sont envoyées aux unités fédérales qui ont participé à la consultation des offices ainsi qu’aux cantons et aux services concernés afin de permettre l’exécution des recommandations. Les cantons transmettent ces recommandations aux autorités cantonales concernées et aux communes, parfois aussi aux tribunaux cantonaux. L’unité fédérale compétente ou l’office fédéral compétent pour une recommandation en particulier détermine les mesures additionnelles à prendre pour l’exécution des recommandations au niveau fédéral.
169.Depuis décembre 2016, le groupe « Politique internationale des droits humains » (« KIM »), au sein duquel sont représentés les unités de l’administration qui traitent de la protection internationale des droits de l’homme, ainsi que les cantons et les commissions extraparlementaires intéressées, assure la coordination des procédures de rapports étatiques suisses. C’est un thème constant de l’ordre du jour de chaque réunion du KIM, coordonnée par le DFAE.
IV.Informations concernant la non-discrimination et l’égalité ainsi que les recours effectifs
A.Organisation des efforts du Gouvernement en vue de promouvoir l’égalité des droits et de prévenir la discrimination
170.La dignité et l’égalité sont les premiers droits énumérés dans le catalogue de droits fondamentaux de la Constitution fédérale (art. 7 à 34 de la Constitution). Les principes constitutionnels de l’égalité devant la loi et d’interdiction de la discrimination (art. 8 de la Constitution) sont concrétisés par plusieurs lois fédérales, dont par exemple la loi fédérale du 24 mars 1995 sur l’égalité entre femmes et hommes (Loi sur l’égalité, LEg), la loi fédérale du 13 décembre 2002 sur l’élimination des inégalités frappant les personnes handicapées (Loi sur l’égalité pour les handicapés, LHand) et la loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe (Loi sur le partenariat, LPart). S’il est vrai que la Suisse ne dispose pas d’une législation globale destinée à lutter contre les discriminations en tous genres au niveau fédéral, cette particularité n’est pas tant l’expression d’une lacune quant au fond, mais celle de la spécificité de l’ordre juridique suisse, caractérisé d’une part par son attachement à la tradition moniste et d’autre part par le fédéralisme qui définit la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons. Concrètement, cela signifie que les dispositions de la Convention internationale du 21 décembre 1965 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ont une portée générale et ont un impact sur l’ensemble de l’ordre juridique. Dès la ratification de la Convention et l’entrée en vigueur pour la Suisse, le Tribunal fédéral a d’ailleurs commencé à s’y référer dans sa jurisprudence.
171.Ces dernières années, la défense des droits de l’homme de manière générale et l’interdiction de la discrimination raciale en particulier, ont bénéficié d’une attention accrue. Cette évolution s’est reflétée de manière très claire dans la nouvelle Constitution fédérale, acceptée par le peuple et les cantons le 18 avril 1999 et entrée en vigueur le 1er janvier 2000. On trouve dans le catalogue des droits fondamentaux non seulement la garantie des droits fondamentaux les plus essentiels, comme le droit à la vie et à la liberté personnelle, mais aussi, aux articles 7 (respect de la dignité humaine) et 8 (interdiction générale de toute discrimination), des bases constitutionnelles importantes dans la perspective de la lutte contre le racisme. En vertu de l’article 35, alinéa 3 de la Constitution fédérale, les autorités veillent à ce que les droits fondamentaux, dans la mesure où ils s’y prêtent, soient aussi réalisés dans les relations qui lient les particuliers entre eux.
172.Soucieux de veiller à l’application des conventions au niveau fédéral, le Gouvernement suisse poursuit actuellement une stratégie consistant à codifier de manière cohérente toutes les interdictions de discrimination s’appliquant à des domaines spécifiques. Les autorités fédérales sont de l’avis que l’approche sectorielle garantit une protection accrue contre les diverses formes de discrimination envers les différentes catégories de personnes. La Loi sur l’égalité), par exemple, ou la Loi sur l’égalité pour les handicapés (cf. ci-avant, p. 67), ou encore l’article 261 bis du Code pénal sur la discrimination raciale, qui a fait ses preuves dans la pratique, couvrent chacune des formes particulières de discrimination, permettant ainsi d’offrir la réponse institutionnelle la plus appropriée au cas particulier. Le Conseil fédéral reste attentif aux évolutions éventuelles et proposera, si nécessaire, des améliorations. Il donne la priorité aux instruments développés et convenus par les partenaires sociaux sur la base d’une collaboration librement consentie au préalable. Il reste toutefois disposé, en cas de besoin, à adopter d’autres dispositions légales contraignantes.
173.En date du 14 décembre 2018, le Parlement a adopté une extension du champ d’application des normes anti-racisme du Code pénal (art. 261bis) et du Code pénal militaire (art. 171c) aux discriminations fondées sur l’orientation sexuelle. Ces dernières sont entrées en vigueur le 1er juillet 2020.
174.Le 18 décembre 2020, le Parlement a adopté la révision du Code civil ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Cette loi a fait l’objet d’une demande de référendum. Lors de la votation du 26 septembre 2021, le peuple suisse a accepté la réforme. Le 18 décembre 2020, le Parlement a en outre adopté la révision du Code civil qui permet de modifier l’inscription du sexe et du prénom dans le registre de l’état civil par une déclaration devant l’officier de l’état civil. Les deux lois sont entrées en vigueur le 1er juillet 2022.
175.Concernant la lutte contre la discrimination fondée sur le genre, la Suisse a célébré en 2021 les cinquante ans du suffrage féminin au niveau fédéral, les quarante ans de l’article constitutionnel sur l’égalité et les vingt-cinq ans de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes (LEg). Cette dernière a pour but de promouvoir dans les faits l’égalité entre femmes et hommes dans les rapports de travail et s’applique aux rapports de travail régis par le Code des obligations et par le droit public fédéral, cantonal ou communal (art. 1 et 2 LEg). D’après l’article 3, alinéa 1, LEg, il est interdit de discriminer les travailleurs à raison du sexe, soit directement, soit indirectement, ce qui concrétise le droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale opposable devant les tribunaux et garantit par l’article 8, alinéa 3 de la Constitution. La révision de la loi sur l’égalité est entrée en vigueur le 1er juillet 2020 (art. 13a à 13i LEg). À partir de cette date, les employeurs qui occupent au moins 100 personnes sont tenus d’effectuer une analyse de l’égalité salariale, de la faire contrôler par un organe indépendant et d’informer leurs collaboratrices et collaborateurs, ainsi que les actionnaires, des résultats.
176.Le Conseil fédéral a aussi entrepris des mesures et développé des instruments afin de promouvoir dans les faits l’égalité en matière de salaires des femmes et des hommes. On peut par exemple citer Logib, un outil qui permet aux entreprises de contrôler leur pratique salariale (autocontrôle). Depuis juin 2021, les organisations et entreprises de plus petite taille disposent aussi d’un outil gratuit d’analyse de l’égalité salariale. La Confédération a en effet développé Logib module 2, qui permet aux entreprises employant moins de 50 personnes d’analyser elles-mêmes leur pratique salariale en toute facilité. La Confédération donne ainsi à l’ensemble des employeurs suisses la base nécessaire pour concrétiser le principe « à travail de valeur égale, salaire égal », inscrit dans la Constitution.
177.En outre, le Conseil fédéral vise une représentation équitable des sexes dans les organes de direction suprêmes des entreprises et des établissements proches de la Confédération. Depuis janvier 2021, le taux cible en matière de représentation des sexes est de 40 % (contre 30 % auparavant). Les entreprises concernées sont tenues de satisfaire à cette exigence minimale au plus tard à la fin de l’année 2023. De même, depuis janvier 2021, les entreprises cotées en bourse doivent compter 30 % de femmes dans leur conseil d’administration et 20 % de femmes dans leur direction (révision du droit de la société anonyme).
178.Par ailleurs, les pouvoirs publics se doivent d’être exemplaires en matière de promotion de l’égalité professionnelle et de lutte contre toute forme de discrimination. Ainsi, la Charte pour l’égalité salariale dans le secteur public a été lancée en 2016. En signant la Charte, les autorités appuient la mise en œuvre de l’égalité salariale dans leur champ d’influence, en tant qu’employeurs, lors d’appels d’offres publics ou en tant qu’organes attribuant des subventions. La Confédération, les cantons, communes et villes ainsi que les entreprises parapubliques participent à la mise en œuvre de la charte. Pour les prestations fournies en Suisse, la Confédération n’adjuge des marchés qu’aux soumissionnaires qui garantissent l’égalité en matière de salaire (art. 12, al. 1, de la loi fédérale du 21 juin 2019 sur les marchés publics, LMP). À cet effet, elle peut confier les contrôles relatifs à l’égalité salariale en particulier au Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes (BFEG) selon l’article 4, alinéa 1, de l’ordonnance du 12 février 2020sur les marchés publics (OMP).
179.En avril 2021, le Conseil fédéral a adopté la Stratégie Egalité 2030. Il s’agit de la première stratégie nationale de la Confédération qui vise à promouvoir spécifiquement l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle se concentre sur quatre champs d’action : Vie professionnelle et publique, Conciliation et famille, Violence de genre et Discrimination. Cette stratégie permet aussi de renforcer la collaboration avec tous les partenaires intéressés par les questions d’égalité, en particulier les cantons et les communes. Elle est ainsi complétée par un plan d’action qui contient des mesures détaillées à tous les niveaux de l’État fédéral. Ce plan d’action est un instrument dynamique qui est régulièrement actualisé, en principe deux fois par année. Pour atteindre les objectifs de la stratégie, de nouvelles mesures seront par ailleurs ajoutées au fur et à mesure. Un bilan intermédiaire sera réalisé d’ici à la fin 2025. Il permettra d’évaluer l’état de mise en œuvre de la Stratégie Egalité 2030, qui sera ajustée si nécessaire.
180.Concernant la thématique de la violence envers les femmes et la violence domestique, les autorités fédérales analysent régulièrement la situation et prennent de nouvelles mesures en cas de nécessité. Depuis le 1er avril 2004, les lésions corporelles simples (art. 123, ch. 2, al. 3 à 5, CP), les voies de fait à réitérées reprises (art. 126, al. 2, let. b, b bis et c, CP), la menace (art. 180, al. 2, CP), la contrainte sexuelle (art. 189 CP) et le viol (art. 190 CP) commis envers un conjoint ou un partenaire sont poursuivis d’office. Le 1er juillet 2020, sont entrées en vigueur des modifications du Code civil et du Code pénal ayant pour but de mieux protéger les victimes de violence domestique et de harcèlement obsessionnel. La décision de suspendre une procédure relève dorénavant de l’autorité pénale et ne dépend plus de la volonté de la victime. Depuis le 1er janvier 2022, une surveillance du respect des interdictions géographiques et de contact au moyen d’un bracelet électronique est possible. Les mariages forcés ont également fait l’objet de mesures : à la suite de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi fédérale contre les mariages forcés le 1er juillet 2013, ceux-ci ont été inscrits comme infraction dans le Code pénal (art. 181a CP). En outre, le Conseil fédéral a lancé un programme national de lutte contre les mariages forcés (2013-2017) le 14 septembre 2012. Le 1er avril 2018, la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul) est entrée en vigueur pour la Suisse. Le domaine « Violence » du BFEG a été désigné comme organe national officiel responsable de la coordination, de la mise en œuvre, du suivi et de l’évaluation des politiques et autres mesures destinées à prévenir et combattre toutes les formes de violence couvertes par la Convention d’Istanbul. En juin 2021, la Suisse a présenté son premier rapport étatique sur l’application de la Convention d’Istanbul. Ce rapport sert de point de départ au monitorage effectué par le groupe d’expertes et d’experts indépendants GREVIO, qui a effectué une visite en Suisse en février 2022. En juin 2022, le Conseil fédéral a adopté le plan d’action national 2022-2026 pour la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul. Il vise à diminuer la violence à l’égard des femmes et la violence domestique ainsi qu’à augmenter la sécurité individuelle de la population à travers des mesures concrètes. Ce plan d’action sera mis en œuvre à tous les niveaux de l’État fédéral et comprend des mesures de la Confédération, des cantons et des communes. Il se concentre sur trois thèmes principaux : information et sensibilisation de la population, formation de base et continue des personnes professionnellement engagées et des bénévoles ainsi que prévention et lutte contre la violence sexuelle et sexiste.
181.Depuis le 1er janvier 2021, la Confédération met à disposition des aides financières pour des projets et des organisations qui mènent des activités régulières dans le domaine de la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et de la violence domestique, selon l’ordonnance du 13 novembre 2019 sur les mesures visant à prévenir et à combattre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.
182.Pour lutter contre les mutilations génitales féminines, un nouvel article (art. 124 CP) a été introduit dans le Code pénal le 1er juillet 2012 afin de mettre fin aux problèmes de définition et de preuve ayant pu exister jusque-là. Alors que la mutilation génitale féminine était déjà punissable sous le Code pénal comme lésion corporelle grave, elle fait désormais l’objet d’une disposition spécifique. Cette disposition s’applique également lorsque l’infraction a été commise à l’étranger, même lorsqu’elle n’est pas pénalement répréhensible dans l’État où elle a été perpétrée. La Confédération a encouragé la constitution d’un « réseau contre les mutilations génitales féminines » et soutient les activités d’information, de sensibilisation, de prévention et de conseil de ce réseau.
183.Grâce à la ratification du Protocole facultatif du 6 octobre 1999 se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes en septembre 2008, les communications individuelles à l’encontre de la Suisse sont désormais possibles (cf. ci-après, IV B.).
184.La Suisse a publié son sixième rapport sur la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) en novembre 2020. Elle y dresse un bilan globalement positif : une première stratégie nationale en matière d’égalité entre femmes et hommes est en cours d’élaboration et au niveau législatif, plusieurs nouvelles mesures visent à promouvoir l’égalité des sexes. Le rapport met aussi en évidence les défis qu’il reste à relever, tels que les inégalités dans la vie professionnelle et le problème de la violence à l’égard des femmes.
185.En Suisse, les personnes handicapéespeuvent se défendre devant la justice contre l’inégalité ou la discrimination. Depuis son entrée en vigueur en 2004, la loi fédérale du 13 décembre 2002 sur l’élimination des inégalités frappant les personnes handicapées (Loi sur l’égalité pour les handicapés, LHand) a permis de réaliser ou de contribuer à d’importants progrès dans l’élimination des inégalités qui frappent les personnes handicapées. Ces progrès sont particulièrement visibles dans les domaines de la construction, des transports publics et des services. En sa qualité de centre de compétence de la Confédération, le Bureau fédéral de l’égalité pour les personnes handicapées concentre ses activités sur l’accompagnement de la mise en œuvre de la législation relative à l’égalité des personnes handicapées, prodigue des conseils aux services de l’administration fédérale (« disability mainstreaming ») et conduit des projets novateurs visant à améliorer la situation des personnes concernées par le handicap dans la société. Le 15 avril 2014, la Suisse a adhéré à la Convention du 13 décembre 2006 relative aux droits des personnes handicapées (CDPH). La Suisse a présenté son rapport initial au Comité des droits des personnes handicapées en 2022 qui l’a examiné et a établi des recommandations. En adhérant à la Convention et en mettant en œuvre les recommandations formulées par le Comité des droits des personnes handicapées, la Suisse réaffirme sa volonté de faire tout ce qui est en son pouvoir pour promouvoir l’égalité des personnes handicapées, ce à quoi elle s’est engagée il y a vingt ans avec l’entrée en vigueur de la loi sur l’égalité pour les handicapées.
186.La lutte contre la discrimination raciale est une fonction transversale de toute l’administration. La Confédération s’engage pour qu’un travail de prévention et de sensibilisation soit effectué en permanence et sur le long terme pour lutter contre le racisme et la xénophobie. La politique générale de lutte contre la discrimination raciale en Suisse s’articule autour des axes suivants : (1) protection légale ; (2) ancrage et promotion de la protection contre la discrimination raciale au niveau cantonal et communal dans le cadre des PIC ; (3) protection des minorités et des migrants ; (4) ouverture institutionnelle et « mainstreaming » ; (5) promotion d’initiatives émanant de la population, actuellement axées sur le discours de haine raciste en ligne. Le Service de lutte contre le racisme (SLR) conçoit et coordonne les activités de prévention du racisme au niveau fédéral. Il peut soutenir financièrement des projets de formation, de sensibilisation et de prévention dans le domaine du racisme, de l’antisémitisme, de la xénophobie et du dialogue interethnique. La Suisse s’est jointe au consensus exprimé dans le document final de la Conférence d’examen de Durban tenue à Genève en 2009. En Suisse, l’article 261 bis du Code pénal susmentionné punit l’incitation à la haine ou à la discrimination en raison de l’appartenance raciale, ethnique ou religieuse.
187.Pour de plus amples informations concernant les efforts de la Suisse dans la lutte contre la discrimination dans différents domaines, il est renvoyé aux derniers rapports étatiques de la Suisse rédigés à l’intention du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) le 25 novembre 2020 (CEDAW/C/CHE/6, transmis le 3 décembre 2020), du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) le 30 novembre 2018 (CERD/C/CHE/10-12, transmis le 3 décembre 2018) et du Comité des droits des personnes handicapées (CDPH) (adopté par le Conseil fédéral en juin 2016). En outre, le Service de lutte contre le racisme publie tous les deux ans un rapport sur la discrimination raciale qui offre une vue d’ensemble des données recensées et des mesures entreprises dans ce domaine.
188.Dans le cadre d’un postulat parlementaire, le Centre suisse de compétence pour les droits humains (CSDH) a été chargé de réaliser une étude sur l’accès à la justice en cas de discrimination en Suisse. Selon les conclusions de cette étude, le droit suisse contre la discrimination présente à la fois de nombreux atouts et diverses faiblesses et lacunes. Les atouts du droit suisse résident dans l’inscription de la prohibition de la discrimination dans la Constitution fédérale et dans l’adoption de lois spéciales, comme la loi sur l’égalité entre femmes et hommes et la loi sur l’égalité pour les handicapés, qui peuvent tenir compte des particularités de chaque type de discrimination. L’analyse a par ailleurs permis d’établir que les organisations et les centres de consultation s’identifient fortement à ces lois spéciales, et acquièrent des compétences pointues dans ces domaines. Les lacunes du droit contre la discrimination suisse identifiées varient selon les domaines et sont à la fois d’ordre matériel et procédural.
189.Le CSDH déclare expressément dans son étude qu’il ne recommande pas l’adoption d’une loi-cadre contre la discrimination qui régirait tous les domaines concernés et remplacerait les lois spéciales en vigueur. L’étude montre que ces domaines présentent des problématiques fort différentes et qu’il pourrait être difficile de concevoir des normes transversales qui tiendraient correctement compte de chacun d’entre eux. Une telle loi-cadre risquerait de remettre en question les acquis et d’affaiblir des institutions de monitorage, de consultation et de soutien bien établies. Le CSDH a également examiné plusieurs thèmes concrets et a émis des recommandations en ce qui concerne l’égalité des sexes, les personnes LGBTI, le racisme et l’égalité des personnes handicapées.
190.L’enquête effectuée par le CSDH auprès des membres du barreau et des tribunaux a confirmé l’opinion du Conseil fédéral : les bases légales matérielles à disposition sont globalement adaptées et suffisantes pour la protection contre la discrimination, en particulier en droit public. En revanche, des lacunes semblent subsister en droit privé.
191.Le Gouvernement suisse s’est en particulier déclaré prêt à approfondir les recommandations du CSDH relatives au renforcement de la protection contre la discrimination dans certains domaines, à l’extension de la portée du droit d’action des organisations, à la réduction des frais des procédures civiles, à la sensibilisation, à la collecte de données sur la discrimination et à l’égalité des personnes handicapées et des LGBTI (cf. Le droit à la protection contre la discrimination, rapport du Conseil fédéral du 25 mai 2016 en réponse au postulat Naef 12.3543 du 14 juin 2012).
192.Le Conseil fédéral s’est exprimé le 29 juin 2016 en faveur de la création d’une INDH (Institution nationale des droits de l’homme). Le 13 décembre 2019, le Conseil fédéral a adopté son message sur la création d’une Institution nationale des droits de l’homme et le Parlement a approuvé en votation finale la loi concernant la création d’une INDH le 1eroctobre 2021.
193.Afin de réaliser les travaux préparatoires nécessaires à la création de l’INDH, un groupe de travail prévu à cet effet a été créé en mai 2022. Ce groupe est composé de représentant(e)s du CSDH et de la Confédération, de la Conférence des gouvernements cantonaux, de la société civile, de commissions extraparlementaires et de l’économie. Il est coordonné par le Département fédéral des affaires étrangères.
B.Recours effectifs
194.La Constitution expose les garanties de procédure en vigueur (art. 29 à 32). Les garanties générales de procédure comprennent le droit à être jugé dans un délai raisonnable, le droit d’être entendu, le droit à l’assistance judiciaire gratuite pour les personnes qui ne disposent pas de ressources suffisantes, le droit à un tribunal indépendant et impartial et le droit à une procédure publique. L’article 29a de la Constitution prévoit que toute personne a droit à ce que sa cause soit jugée par une autorité judiciaire.
195.En ce qui concerne les garanties spécifiques à la procédure pénale, la Constitution établit les droits des personnes accusées lors d’une privation de liberté et d’une détention préventive, ainsi que le principe de présomption d’innocence et le droit de toute personne d’être informée de manière détaillée des accusations portées contre elle.
196.Les voies de droit dans la procédure interne sont décrites de manière précise dans le chapitre III. B. ci-dessus. Toute personne qui estime que ses droits ont été violés peut faire recours dans la mesure où sa demande satisfait aux conditions de recevabilité.
197.Par ailleurs, la Suisse reconnaît l’importance de donner aux individus la possibilité de recourir au niveau international à des mécanismes de communication et de plainte en cas de violation des droits fondamentaux.
198.La Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) prévoit une procédure de mise en œuvre qui permet à un individu de déposer une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg pour une violation de la Convention ou de ses protocoles par un État contractant. Le principe de subsidiarité est applicable en ceci que les États contractants sont les premiers responsables du respect et de l’exécution de la Convention, mais qu’une marge d’appréciation leur est accordée. Le principe de subsidiarité intervient également dans l’article 13 de la Convention qui prévoit que les États contractants sont tenus d’instaurer un recours effectif devant une instance nationale pour que les citoyens puissent faire valoir la violation des garanties de la Convention.
199.Environ 8 2000 requêtes ont été déposées contre la Suisse entre 1974 (année de ratification par la Suisse) et fin 2021. Environ 70 % d’entre elles ont été déposées entre 2002 et 2021. Au total, la Cour et le Comité des Ministres ont rendu 233 arrêts définitifs dans des affaires suisses jusqu’à fin 2021. Elles ont constaté une violation de la Convention dans 131 cas. D’après le nombre de requêtes déposées entre 1974 et 2021 et le nombre de requêtes aboutissant à une condamnation de la Suisse dans cette même période, on constate qu’environ 1,6 % des requêtes contre la Suisse ont donné lieu à une condamnation de cette dernière.
200.Si le nombre de condamnations est très faible par rapport au nombre de requêtes déposées contre la Suisse, certaines d’entre elles ont nécessité l’adaptation de lois fédérale(s) et/ou cantonale(s) ou de la pratique des autorités chargées de les mettre en œuvre. Opérer ces modifications a parfois pris un certain temps, mais les autorités concernées ont exécuté les décisions de telle manière que le Comité des Ministres, organe chargé du contrôle de l’exécution des arrêts, a pu définitivement clore les procédures.
201.Le Tribunal fédéral a joué un rôle déterminant lors de l’intégration de la CEDH à l’ordre juridique suisse. Peu après l’entrée en vigueur de la Convention, il a reconnu dans un arrêt que les garanties de la Convention ont un caractère constitutionnel et a donc placé celles-ci, d’un point de vue procédural, sur un pied d’égalité avec les droits constitutionnels. Pour les autorités cantonales, cela signifie que lorsqu’une violation d’un droit constitutionnel par un acte législatif ou par une décision est alléguée, une violation de la CEDH peut toujours également (ou exclusivement) être invoquée. Le rapport Stöckli mentionné ci-dessus (cf. 40 ans d’adhésion de la Suisse à la CEDH: Bilan et perspectives, rapport du Conseil fédéral en exécution du postulat Stöckli 13.4187 du 12 décembre 2013) signale l’augmentation du nombre d’arrêts du Tribunal fédéral qui font référence à la Convention. Aujourd’hui, une allégation de violation des droits de l’homme se fonde souvent à la fois sur la Constitution fédérale et sur la Convention. Cela vaut également pour les droits correspondants consacrés par les instruments internationaux des droits de l’homme des Nations Unies. Par exemple, les droits et les libertés protégés par le Pacte II de l’ONU ont fait l’objet de plus de 200 décisions de justice au Tribunal fédéral au cours de la période couverte par le quatrième rapport périodique pour le Comité des droits de l’homme, ce qui confirme que les membres du barreau et une majorité de l’opinion publique connaissent le Pacte et que le Tribunal fédéral accorde une importance majeure à celui-ci dans sa jurisprudence.
202.Outre la Cour européenne des droits de l’homme, la Suisse reconnaît d’autres mécanismes internationaux de recours : la procédure de communcation individuelle auprès du Comité contre la torture (CAT), du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD), du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDEF), du Comité des droits de l’enfant (CRC) et du Comité des disparitions forcées (CED). Jusqu’à fin juin 2022, 291 communications ont été déposées auprès du CAT, dont 30 qui ont abouti à un constat de violation de la Convention contre la torture et 65 qui sont encore en suspens. Le CERD a quant à lui reçu 6 communications contre la Suisse, qui n’ont pas abouti à un constat de violation. 21 communications ont été soumises au Comité CEDEF, qui n’ont pas abouti à un constat de violation. À cela s’ajoutent 35 communications soumises au CRC, dont 3 qui ont abouti à un constat de violation de la Convention des droits de l’enfant et 26 qui sont encore en suspens.