NATIONS

UNIES

HRI

Instruments

internationaux relatifs

aux droits de l’homme

Distr.

GÉNÉRALE

HRI/CORE/1/Add.119

27 mai 2002

FRANÇAIS

Original : ANGLAIS

document de base faisant partie des

rapports prÉsentÉs par les États parties

saint-marin

[22 avril 2002]

GE.02-42206 (EXT)

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes Page

I. TERRITOIRE ET POPULATION 1 - 10 3

II. STRUCTURE POLITIQUE GÉNÉRALE 11 - 31 4

A. Souveraineté 11 - 18 4

B. Capitaine-régent 19 5

C. Grand Conseil 20 - 26 5

D. Congrès d’Etat 27 - 30 5

E. Pouvoir judiciaire 31 6

III. CADRE JURIDIQUE GÉNÉRAL DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME 32 - 161 6

A. Système judiciaire 32 - 49 6

B. Recours en cas de violation des droits de l’homme 50 - 99 9

C. Système des sources du droit 100 - 155 20

D. Incorporation dans la législation des règles contenues dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme 156 - 161 31

Liste des annexes 33

I.  territoire et population

1. La République de Saint ‑Marin est située en Italie, entre les provinces d’Emilie-Romagne et des Marches. Son territoire de 61,19 km 2 s’étend sur les flancs du Mont Titano à l’intérieur d’un périmètre de 39,03 km.

2. Du point de vue administratif, le territoire se divise en neuf municipalités ( Castelli ) : Acquaviva, Borgo Maggiore, Chiesanuova, Citta’ di San Marino (la capitale), Domagnano, Faetano, Fiorentino, Montegiardino, Serravalle.

3. En décembre 2000, la population était estimée à 26 941 habitants. La densité de la population est d’environ 440 habitants au km 2 . Plus de 4000 personnes sont des ressortissants étrangers, notamment des Italiens. Environ 13 500 Saint ‑Marinais résident à l’étranger, les communautés les plus importantes se trouvant dans les régions du nord des Etats-Unis, en France, en Argentine et, bien sûr, en Italie.

4. La majorité de la population est de religion catholique romaine.

5. Le taux d’alphabétisation est estimé à 100 %. A Saint ‑Marin, la scolarité est obligatoire jusqu’à 16 ans. Les jeunes générations ont un taux de scolarisation élevée : 35 % terminent leurs études secondaires, 8 % obtiennent un diplôme universitaire (données de 2000). En 1999, les dépenses étaient de 9 060,35 euros par étudiant.

6. Les systèmes de soins de santé et de retraite ont un niveau très élevé. Tous les citoyens ont accès gratuitement aux services de soins de santé et, en 1999, les dépenses de santé atteignaient 1880,69 euros par habitant.

7. L’espérance de vie de la population de Saint ‑Marin compte parmi les plus élevées du monde : 77,4 ans pour les hommes et 84 ans pour les femmes. Le taux de natalité est de 1,08 % et le taux de mortalité de 0,7 %. De 1995 à 2000, la population a augmenté en moyenne de 1,5 % par an.

8. Le nombre des ménages est de 11 166 et le nombre moyen de personnes par ménage est de 2,4 personnes (données de 2000).

9. Les données statistiques correspondant à l’année 2000 font état d’un taux d’activité de la population de 73,1 %, dont 44,4 % dans le secteur des biens manufacturés, 29,5 % sont employés dans les commerces et les services, 29,5 % dans le secteur privé et 0,2 % dans l’agriculture. Le taux de chômage est de 2,8 %. Le tourisme est une source majeure de revenus, avec environ 3 millions de visiteurs par an.

10. En 1999, le PIB a atteint 801 029 815,06 euros. Cette même année, la croissance réelle du PIB était de 9 %. Le taux d’inflation moyen est de 1,6 %.

II.  STRUCTURE politique gÉnÉrale

A. Souveraineté

11. L’ordre constitutionnel de la République de Saint ‑Marin est présenté dans les articles 2 et 3 de la Déclaration des droits des citoyens et des principes fondamentaux de l’ordre constitutionnel de Saint ‑Marin de 1974, (ci ‑après appelée la « Déclaration des droits des citoyens »). L’article 2 stipule que la souveraineté de la République est exercée par sa population, ce qui reconnaît le rôle fondamental de la participation active des citoyens à la vie du pays. Une telle participation active se manifeste par l’intermédiaire de l’électorat, régi par la loi N° 6 du 5 janvier 1996 et composé de tous les citoyens saint ‑marinais n’étant pas atteints d’incapacité spéciale temporaire ou permanente due, par exemple, à une faillite, à des infractions infamantes ou à la législation électorale, à une déchéance, etc. Les électeurs élisent le Grand Conseil (Parlement) décrit en détail dans une autre section du présent rapport, ont le devoir d’exprimer leur avis en cas de référendum et ont le droit de déposer des propositions de lois.

12. Afin de réglementer la souveraineté populaire, la loi N° 101 du 28 novembre 1994 a institué le référendum sous diverses formes. L’article 3 de la loi N° 59 du 8 juillet 1974 stipule que le processus référendaire visant l’abrogation totale ou partielle des lois, décrets et règlements, y compris ceux qui relèvent de la coutume ayant force de loi ( referendum abrogativo ), ne peut être invoqué pour supprimer ni des organes ou des institutions de l’Etat, ni des droits et principes fondamentaux découlant de l’ordre constitutionnel. Il ne peut pas non plus s’appliquer à toute question relative aux droits fiscaux, au budget de l’Etat, à l’amnistie ou à la grâce, ni à la ratification des conventions ou traités internationaux.

13. Grâce à un autre processus, les électeurs peuvent proposer des directives et des principes en vertu desquels une loi régit la question faisant l’objet du référendum ( referendum propositivo o di indirizzo ). Indépendamment des interdictions concernant les questions qui limitent le droit de vote, la liberté de mouvement et d’établissement, la violation des droits de l’homme et l’introduction de principes contraires à ceux de la Déclaration des droits des citoyens, ce type de référendum peut être proposé pour les mêmes questions que pour le référendum d’abrogation.

14. Une autre forme de référendum permet aux électeurs de repousser une disposition promulguée mais non encore en vigueur ( referendum confermativo ). Ce type de référendum ne s’applique qu’aux lois régissant les pouvoirs fondamentaux de l’Etat.

15. Dans tous les cas, la demande de référendum doit être présentée par un nombre de citoyens égal à 1,5 % de l’électorat ; cette demande, rédigée d’une manière précise, claire et sans ambiguïté, est présentée par le comité de campagne au capitaine ‑régent.

16. Ensuite, un comité spécial d’évaluation prend une décision lors d’une audience publique organisée par le comité lui ‑même et en présence d’un comité d’opposition, s’il en existe un, pour établir si la demande répond aux exigences d’acceptabilité. Lorsque la période de campagne référendaire est terminée, une demande est approuvée si elle a obtenu la majorité des suffrages exprimés et si au moins 32 % des électeurs inscrits ont voté.

17. En vertu de la loi N° 101 du 28 novembre 1994, l’électorat a également la possibilité de présenter au Grand Conseil des propositions de lois rédigées en articles, accompagnées d’un rapport explicatif et indiquant les dépenses nécessaires. Ces propositions de lois dérivant de l’initiative populaire sont soumises à la même procédure de débat au sein du Grand Conseil que les projets de lois présentés par les législatures.

18. L’électorat peut également présenter une demande par l’intermédiaire d’une institution intitulée «  istanza d’Arengo  ». Ces demandes concernant des questions d’intérêt public font l’objet d’un vote de l’assemblée parlementaire. Les demandes approuvées de cette manière imposent à l’organe exécutif l’obligation de s’y conformer, de manière à respecter la volonté du Parlement sur cette question particulière.

B. Capitaines-régents

19. L’article 3 de la Déclaration des droits des citoyens stipule que les capitaines ‑régents ( Capitani Reggenti ) sont les chefs de l’Etat et prescrit la nature conjointe de ce mandat. Les capitaines ‑régents sont élus par le Grand Conseil pour six mois parmi les membres qui sont des citoyens de naissance. Ils ne peuvent être réélus que trois ans après la fin de leur mandat. En tant que chefs d’Etat, les capitaines ‑régents représentent l’unité nationale et sont chargés de la coordination, de la présidence et de la surveillance de l’activité des principaux organes du pays. Les capitaines ‑régents convoquent et président le Grand Conseil, établissant l’ordre du jour avec le Bureau ( Ufficio di Presidenza ), et promulguent des décrets sur des questions particulièrement urgentes, avec l’accord du Congrès d’Etat. Ils dirigent et coordonnent les activités du Congrès d’Etat et, en ce qui concerne les organes judiciaires, président également le Conseil des XII et la Commission parlementaire pour la Justice.

C. Grand Conseil

20. Le pouvoir législatif est confié au Grand Conseil ( Consiglio Grande e Generale ), composé de 60 membres élus par les électeurs tous les cinq ans (sauf si le Conseil perd 51 de ses membres). Le Conseil est le détenteur de la fonction politique par excellence. En vertu de son pouvoir législatif, le Conseil ratifie les décrets pris par les capitaines ‑régents et approuve les nouveaux projets de lois.

21. L’initiative législative est confiée au Congrès d’Etat ( Congresso di Stato ), aux membres du Grand Conseil et aux autorités locales ( Giunte di Castello ). Elle peut également être exercée en application des autres formes stipulées par la loi.

22. Selon la procédure ordinaire, un projet de loi, après une première lecture, est présenté à la commission parlementaire compétente, qui examine et approuve chaque amendement et le texte final avant de le soumettre au Grand Conseil pour une seconde lecture.

23. Selon la procédure extraordinaire, le Grand Conseil peut également décider, par une majorité des deux tiers de ses membres, d’examiner un projet de loi par une seule lecture en la confiant directement à la commission parlementaire compétente. Après avoir examiné et approuvé tous les articles et amendements, cette commission soumet le projet au Grand Conseil pour vote définitif.

24. Dans les cas présentant une urgence particulière, confirmée par un vote à scrutin secret des deux tiers des membres, le Grand Conseil peut décider, à tout moment de la procédure, qu’un projet de loi soit examiné et approuvé par le Conseil lui ‑même en une seule lecture, y compris pendant la séance même.

25. La fonction politique du Conseil s’exerce concrètement par la nomination de l’exécutif et l’approbation de son programme, par le contrôle de l’activité gouvernementale grâce à la présentation de propositions, questions et interpellations, et par l’approbation annuelle du budget de l’Etat et des ajustements ultérieurs.

26. Le Grand Conseil est également chargé de fonctions administratives et juridictionnelles ( restitutio in integrum – recours spécial envisagé contre les jugements définitifs – amnistie, grâce, réhabilitation).

D. Conseil d’Etat

27. Le Congrès d’Etat (organe gouvernemental) détient le pouvoir exécutif. Les dix secrétaires d’Etat (ministres) composant cet organe sont nommés par le Grand Conseil parmi ses propres membres. Cette nomination fait suite à l’approbation par le Grand Conseil du programme gouvernemental ayant reçu l’accord des groupes formant la coalition au pouvoir, sur demande des capitaines ‑régents. Le Congrès d’Etat peut exercer tous ses pouvoirs seulement lorsque tous les secrétaires d’Etat ont prêté serment.

28. Le Congrès d’Etat, qui est nommé au début de la législature ou chaque fois que c’est nécessaire en raison d’une démission ou pour tout autre motif, reste en fonction pendant toute la durée de la législature, sauf dans les cas de démission ou de révocation de son mandat. Les réunions du gouvernement sont convoquées et coordonnées par les capitaines ‑régents.

29. Le Congrès d’Etat détermine la politique générale du gouvernement, conformément aux directives politiques du Grand Conseil, devant lequel il doit répondre de ses actes. Il établit également les politiques à adopter dans le domaine international et administratif, fait usage de son initiative législative et donne des avis concernant les décrets d’urgence adoptés par les capitaines ‑régents, et approuve les budgets et les bilans de l’Etat et des sociétés publiques autonomes.

30. Hormis la responsabilité collégiale de cet organe, chaque secrétaire d’Etat est politiquement responsable du secteur administratif qui lui est confié et, dans ses actes, il doit respecter les principes de légalité, d’impartialité et d’efficacité. Chaque membre est civilement responsable de tout dommage causé à la République dans l’accomplissement de ses fonctions du fait de fraude ou de faute lourde.

E. Pouvoir judiciaire

31. L’organisation du pouvoir judiciaire est traitée dans la partie III du présent document.

III. cadre juridique GÉnÉral de la protection des droits de l’homme

A. Système judiciaire

Autorités compétentes en matière de droits de l’homme

32. La République de Saint ‑Marin confie aux tribunaux ordinaires et aux tribunaux administratifs les compétences nécessaires pour assurer la protection des droits de l’homme. L’article 15 de la loi N° 59 du 8 juillet 1974 (annexe 1), « Déclaration des droits des citoyens et des principes fondamentaux de l’ordre constitutionnel de Saint ‑Marin », établit la répartition des compétences en déclarant que « tout individu a droit à la protection juridictionnelle de ses droits subjectifs et intérêts légitimes devant les tribunaux ordinaires et les tribunaux administratifs ». Par conséquent, l’autorité judiciaire ordinaire est compétente, d’une part, pour entendre toute affaire où une personne affirme que son droit subjectif a été violé par une autre personne, publique ou privée (compétence civile), et, d’autre part, pour entamer et conclure toutes poursuites dérivant de l’exercice par l’Etat de son pouvoir de répression (compétence pénale). Les tribunaux administratifs ont compétence pour toute demande émanant des personnes privées dont les intérêts légitimes ont été lésés par un acte de l’administration publique allant à l’encontre des principes de légalité et d’impartialité.

33. L’article 3 de la loi N° 59/1974 stipule que « les organes judiciaires établis par la loi sont totalement indépendants dans l’accomplissement de leurs fonctions », reconnaissant ainsi l’autonomie et l’indépendance du pouvoir judiciaire par rapport aux pouvoirs législatif et exécutif.

34. Dans l’application des principes constitutionnels mentionnés ci ‑dessus, la loi N° 83 du 28 octobre 1992 (annexe 2) a introduit une réforme du pouvoir judiciaire en examinant la structure des tribunaux ordinaires et administratifs et en modifiant significativement le statut des juges. Les articles 1 et 9 de la loi N° 83/1992 confirment la nature monocratique du pouvoir judiciaire, énonçant ainsi un principe tout à fait fondamental et traditionnel du système juridique de Saint ‑Marin.

Juridictions ordinaires (civiles et pénales)

35. L’article 2 de la loi N° 83/92 stipule que les juridictions de droit commun sont le juge des appels, le commissaire juridique, le juge conciliateur et le greffier. Plusieurs juges peuvent être nommés aux chambres judiciaires et des fonctions juridictionnelles complètes leur sont garanties. La composition et les attributions des juridictions de droit commun sont décrites dans les paragraphes suivants.

36. Le juge des appels ( Giudice delle Appellazioni ) décide de tout appel interjeté contre les décisions prises en première instance par le commissaire juridique. Le juge des appels au civil a compétence pour trancher les recours contre les jugements civils ; le juge des appels au pénal connaît des recours présentés contre les jugements pénaux. Par conséquent, la fonction d’un juge des appels consiste à passer en revue les décisions prises par le commissaire juridique. Cette fonction est actuellement confiée à un juge pour les questions civiles et à deux juges pour les questions pénales.

37. Le commissaire juridique ( Commissario della Legge ) assume les fonctions juridictionnelles d’un tribunal de première instance tant pour les questions civiles que pénales. En matière civile, ce juge est habilité à traiter les affaires de toute nature, sauf les cas impliquant des biens meubles dont la valeur n’excède pas 50 millions de lires (25 823 euros). Toutefois, le juge s’acquitte également de fonctions juridictionnelles bénévoles. Le commissaire juridique passe en revue les décisions prises par le juge conciliateur. En ce qui concerne les questions pénales, le commissaire juridique est chargé de l’instruction et prend les décisions en première instance. L’article 2 du Code de procédure pénale stipule que le commissaire juridique est responsable de la conduite de toute action pénale, alors que l’article 24 de la loi N° 83/1992 spécifie d’autre part que les jugements sont rendus par un commissaire juridique qui n’a pas été chargé de l’instruction, afin d’assurer totalement l’impartialité du premier. Cette chambre comporte actuellement six juges.

38. Le juge conciliateur ( Giudice Conciliatore ) est chargé des questions qui n’entraînent pas de procès, en vue de « régler les litiges civils de toute nature et valeur, sauf dans les cas liés au statut et aux capacités de la personne et à tout autre procès lié à des droits non cessibles », et pour tout ce qui concerne les actions en justice concernant des litiges civils liés aux biens meubles dont la valeur n’excède pas 50 millions de lires (25 823 euros). Dans tous les cas, le règlement de ces litiges doit être précédé d’une tentative de conciliation. Cette chambre a deux juges.

39. Le greffier du commissaire juridique ( Uditore Commissariale ) aide le commissaire juridique dans ses activités. Conformément à l’article 2 de la loi N° 83/1992, le commissaire juridique peut déléguer ou confier au greffier les fonctions d’enquête préliminaire dans les questions tant civiles que pénales.

40. L’organisation de l’activité judiciaire et l’attribution de fonctions pour lesquelles un plus grand nombre de juges sont affectés à la même chambre judiciaire constituent des prérogatives du magistrat principal ( Magistrato Dirigente ), nommé par le Grand Conseil pour un mandat de trois ans et choisi parmi les juges composant le tribunal civil et pénal ( Tribunale Commissariale Civile e Penale ), conformément à l’article 10 de la loi N° 83/1992.

41. Le système judiciaire saint ‑marinais ne comprend pas de cour suprême pouvant être saisie dans les affaires civiles et pénales de troisième instance. D’autres détails sont fournis dans la section B ci ‑après, illustrant comment les recours sont réglementés, une référence spéciale étant faite à la juridiction civile de troisième instance.

Juridictions administratives

42. Conformément à l’article 3 de la loi N° 83/1992, la compétence administrative est confiée au juge des appels administratifs et au juge administratif de première instance. En vertu de la loi N° 68 du 28 juin 1989 (annexe 3), ces juges sont chargés de « la protection juridictionnelle des intérêts s’agissant de l’administration publique » (article 1) et également des fonctions « énoncées par la loi en ce qui concerne les contrôles de légitimité et les plaintes relatives à l’application des sanctions administratives » (article 2, paragraphe 2).

43. Le juge administratif de première instance a compétence pour juger les requêtes « contre les actes ou les ordres émanant des organes d’administration publique … pour des motifs d’incompétence, d’abus de pouvoir ou d’infraction à la loi, lorsque ces actes ou ordres ont un effet sur les intérêts d’une personne physique ou morale ». En règle générale, le juge administratif doit établir la légalité des actes administratifs lorsqu’ils vont à l’encontre des intérêts légitimes du demandeur. Normalement, les actes administratifs sont présumés légitimes tant qu’ils ne sont pas déclarés illégitimes par le juge administratif. Ce juge doit examiner si l’acte incriminé est entaché de défaut de légitimité, à l’exclusion de toute vérification de ses mérites et de son contenu, conformément au principe de séparation des pouvoirs inscrit dans l’article 3 de la loi N° 59 du 8 juillet 1974, « Déclaration des droits des citoyens et des principes fondamentaux de l’ordre constitutionnel de Saint ‑Marin ». Si l’acte est illégal, le juge le déclare nul et non avenu, avec effet rétroactif.

44. De plus, le juge administratif de première instance a compétence exclusive sur les « actes concernant la fonction publique». Comme ceci concerne des droits subjectifs et non pas des intérêts légitimes, les jugements sont rendus sur la légitimité et quant au fond. A ce sujet, l’article 15, paragraphe 3, de la loi N° 68 du 28 juin 1989 vaut d’être cité : « Dans les procédures concernant la fonction publique, [le juge administratif] condamne l’administration publique, si la demande est acceptée, à payer à l’employé le montant dû, sans préjudice de la compétence du juge ordinaire à ordonner l’attribution de dommages-intérêts ».

45. Le juge des appels administratifs est saisi des appels contre des décisions prises par le juge administratif de première instance. Il n’existe pas non plus dans les questions administratives d’organe comparable à une cour suprême ayant compétence pour connaître des jugements rendus par le juge des appels administratifs (voir section B concernant la troisième instance).

Nomination et statut des juges

46. Les juges – à l’exception des juges conciliateurs – ne peuvent pas être des citoyens saint ‑marinais (article 15, paragraphe 2, de la Déclaration des droits des citoyens et des principes fondamentaux de l’ordre constitutionnel de Saint ‑Marin). Cette disposition se justifie historiquement par la nécessité de garantir l’impartialité des juges dans un pays où, en raison de sa petite dimension, les liens familiaux et les amitiés sont extrêmement étroits et nombreux.

47. Les juges sont nommés par le Grand Conseil à la suite d’un vote pris à la majorité des deux tiers de ses membres pendant les trois premiers scrutins et par une majorité absolue à partir du quatrième scrutin (article 6 de la loi N° 83/1992). En ce qui concerne le greffier du commissaire, le Grand Conseil prend note de sa nomination à la suite d’un examen écrit et oral de candidats qualifiés devant une commission composée de trois magistrats désignés par la commission parlementaire des Affaires juridiques (article 8 de la loi N° 83/1992). L’article 8 stipule également que les juges des appels et le juge des appels administratifs devraient être, de préférence, choisis parmi les magistrats ou les professeurs de droit titularisés, ou les avocats ayant au moins une expérience du droit de 15 ans et âgés de 45 ans au moins, ou encore parmi les commissaires juridiques ou les juges administratifs de première instance ayant servi pendant au moins dix ans. Le même article stipule de plus que les commissaires juridiques et les juges administratifs de première instance doivent être, de préférence, désignés parmi les magistrats ou les professeurs de droit titularisés, ou les greffiers ayant servi pendant au moins huit ans ou les avocats ayant au moins six ans d’expérience de la pratique du droit et âgés de 30 ans au moins. Les juges conciliateurs, qui peuvent être des citoyens saint ‑marinais, sont désignés parmi les avocats ayant été inscrits au barreau pendant au moins cinq ans ou parmi les greffiers ayant servi pendant au moins deux ans. Enfin, les greffiers du commissaire sont choisis parmi ceux qui ont un diplôme universitaire en droit. Cette disposition vise bien évidemment à garantir que seuls des experts techniques hautement qualifiés sont choisis, ce qui est extrêmement important dans un système juridique fondé essentiellement sur des sources de droit ouvertes, plutôt que sur un ensemble de lois inscrites dans des codes, et caractérisé par une longue tradition culturelle et morale.

48. Pour ce qui est de la durée des mandats judiciaires, l’article 7 de la loi N° 83/1992 stipule que les juges sont nommés initialement pour un mandat de quatre ans et confirmés ensuite par un mandat indéterminé. Les juges conciliateurs désignés parmi les avocats saint ‑marinais sont nommés pour trois ans et peuvent être nommés à nouveau pour d’autres mandats de trois ans. Cette disposition est tout à fait innovante et permet d’assurer une indépendance effective des magistrats par rapport aux autorités de l’Etat, parce que le juge est employé de manière permanente, ce qui l’empêche d’être influencé par la nécessité d’être nommé à nouveau de manière périodique.

49. Dans certains cas expressément stipulés par la loi, les fonctions juridictionnelles sont également confiées au Grand Conseil, responsable des recours extraordinaires comme le restitutio in integrum et le querela nullitatis , et au Conseil des XII ( Consiglio dei XII ), tribunal de troisième instance lorsque le jugement de seconde instance diffère de celui qui a été rendu en première instance, ou lorsqu’un tribunal se déclare incompétent. Pour ces fonctions juridictionnelles, les deux organes tranchent après avoir entendu l’avis d’un expert en droit.

B. Recours en cas de violation des droits de l’homme

50. Avant tout, le système juridique saint ‑marinais reconnaît et protège à la fois les droits de l’homme et les droits politiques. La protection de ces droits comporte trois aspects qui peuvent être invoqués :

a) En cas de violation par des tiers. Cette protection est mise en oeuvre in primis en vertu d’une action pénale instituée par le juge. En général, l’action n’est pas lancée par une demande de la partie lésée ni exclue parce que la victime était consentante. Ensuite, cette protection est obtenue par une action au civil visant à imposer une indemnisation au titre des dommages causés par la violation du droit fondamental.

b) Contre les restrictions imposées par l’autorité judiciaire. Les mesures impliquant la privation de la liberté prises par des tribunaux ordinaires peuvent toujours faire l’objet d’un recours devant un autre tribunal.

c)Contre les restrictions imposées par les autorités administratives. Les droits fondamentaux sont en principe soumis à une série de restrictions, dont l’application réelle est souvent laissée, de par la loi, à la discrétion de l’autorité publique. En conséquence, une action illégale perpétrée par l’autorité publique limitant dans la pratique un droit fondamental peut être considérée comme un préjudice causé aux intérêts légitimes du citoyen. Pour garantir la protection contre les restrictions illégales apportées aux droits fondamentaux, la partie lésée peut avoir recours au tribunal administratif.

On trouvera ci-après une description détaillée des recours disponibles pour assurer la protection contre toute violation des droits fondamentaux.

Recours devant une juridiction pénale

51. Il est utile de noter que la protection des droits de l’homme est assurée à Saint ‑Marin par des règles répressives punissant tous les comportements constituant des violations de ces droits. En vertu du Code pénal de Saint ‑Marin, en vigueur depuis le 1 er janvier 1975 (annexe 4), les délits au pénal comprennent, notamment : meurtre, assassinat, homicide par imprudence (articles 150, 163 et 158), blessures corporelles intentionnelles et non intentionnelles (articles 155 et 164), instigation et aide au suicide (article 151), asservissement (article 167), trafic et commerce d’esclaves (article 168), enlèvement (article 169), violation de la liberté sexuelle (article 171), violences privées (article 179), arrestation arbitraire et non ‑libération de prison (article 351), traitement arbitraire des détenus (article 352), cambriolage (article 182), perquisition arbitraire de domicile (article 353), révélation de correspondance (article 190), atteinte à l’honneur (article 183), diffamation orale (article 184), diffamation écrite (article 185), atteinte publique à la religion (article 260), violation de la liberté de religion (article 261), ingérence contre les rites religieux (article 262), attaque contre le libre exercice du droit de vote (article 394), violation du scrutin secret (article 395), violation des droits politiques (article 396), fraude concernant le mariage (article 223).

52. Les dispositions du Code pénal s’appliquent à la fois aux ressortissants saint ‑marinais et aux étrangers ou apatrides ayant commis des délits sur le territoire de l’Etat (article 5). En ce qui concerne l’imputabilité, l’article 10 du Code pénal stipule que les personnes de moins de 12 ans ne peuvent pas être poursuivies pour une infraction pénale. S’agissant des mineurs de plus de 12 ans mais de moins de 18 ans (la majorité est, à Saint ‑Marin, atteinte à l’âge de 18 ans), le juge « impose, lorsque la capacité mentale est avérée, une sanction réduite de un ou deux degrés ». Une sanction réduite peut également être imposée par le juge à toute personne qui, « lorsque qu’elle a commis l’infraction, avait moins de 21 ans ». L’article 1 de la loi N° 86 du 11 décembre 1974, « Règles régissant l’application du Code pénal et la réforme de la procédure pénale », stipule que, « afin de vérifier la capacité mentale d’un mineur, s’il a plus de 12 ans et moins de 18 ans et a commis intentionnellement une infraction, le juge ordonne toujours un examen biopsychique ».

53. La protection des droits mentionnée dans le Code pénal s’applique à toutes les personnes, sans aucune distinction, qui sont victimes d’une infraction sur le territoire de l’Etat. Toute personne dont les droits ont été violés peut s’adresser au tribunal pénal pour entamer une poursuite contre l’auteur de l’infraction. Il faut noter que l’autorité judiciaire est obligée d’entamer une action au pénal même en l’absence de plainte dès qu’elle a reçu officiellement une notitia criminis , sauf dans les cas expressément envisagés par la loi pour lesquels une plainte émanant de la partie lésée est une condition préalable. L’article 2 du Code de procédure pénale stipule que « l’action au pénal est fondée essentiellement sur le droit public, bien que, dans certains cas, elle exige une plainte de la part de la partie lésée pour être instituée ». L’action au pénal est conduite de plein droit ( ex officio) par le commissaire juridique au moyen d’une enquête destinée à faire la vérité.

54. Le processus pénal est réglementé par la loi et comprend toutes les actions visant à rendre une décision juridictionnelle sur la base d’une notitia criminis . Il consiste en une enquête et une audience publique, suivies de la condamnation du défendeur ou d’un non ‑lieu. La compétence pénale, c’est ‑à ‑dire le pouvoir de trancher au moyen d’une décision motivée un conflit entre la loi répressive de l’Etat pendant un procès et le droit du défendeur à la liberté en vertu du règlement pénal, est exercée par l’autorité judiciaire ordinaire.

Recours juridictionnels et garanties procédurales pour les défendeurs et les condamnés en vertu de la loi de procédure pénale

55. A Saint ‑Marin, le processus pénal envisage en faveur de l’accusé certaines garanties procédurales qui sauvegardent ses droits en application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

56. A ce sujet, il faut noter que le Code de procédure pénale de Saint ‑Marin est entré en vigueur en 1878 (annexe 5) et est par conséquent de nature inquisitoire. Les lois ultérieures, plus particulièrement les Lois N° 43 (18 octobre 1963), N° 86 (11 décembre 1974 (annexe 6)) et N° 9 (2 février 1974 (annexe 7)), ont considérablement modifié cette procédure pour renforcer les garanties et la protection des principes inscrits dans la Déclaration des droits des citoyens et dans les différentes conventions internationales sur les droits de l’homme auxquelles la République est partie.

57. Des efforts ont été faits pour assurer la protection totale des droits de la défense à tout moment de la procédure judiciaire, et certaines mesures ont été adoptées pour garantir les droits des condamnés lorsqu’ils accomplissent leur peine, en accord avec la fonction réhabilitante de la sanction. Considérant que la question générale de la procédure pénale est le conflit entre le droit subjectif répressif de l’Etat et le droit à la liberté de la personne, la principale préoccupation du législateur saint ‑marinais a été d’introduire des garanties et des recours pour l’accusé dont la liberté personnelle a fait l’objet de restrictions pendant la procédure. D’ailleurs, il est clair que la privation de la liberté personnelle avant un jugement définitif ne doit être qu’une mesure extraordinaire à adopter uniquement dans certaines circonstances particulières.

58. De plus, il faut noter qu’une commission parlementaire spéciale étudie en vue d’une décision imminente un nouveau Code de procédure pénale, qui est le résultat de longues délibérations sur la nécessité absolue de réviser complètement le système actuel afin d’instituer au pénal une procédure accusatoire. Conformément à ce modèle, les fonctions de poursuite et d’instruction sont confiées à un magistrat instructeur, alors que le juge, n’étant plus responsable du rassemblement des preuves, devient réellement une tierce partie entre le magistrat instructeur et l’avocat de la défense. A commencer par le stade de l’enquête initiale, le juge a le droit de contrôler toute l’instruction afin de garantir le droit à la défense et le bien ‑fondé de l’action pénale.

59. Après avoir donné ces éclaircissements nécessaires, il est utile d’illustrer la manière dont les droits de l’accusé sont garantis dans la procédure pénale actuellement en vigueur à Saint ‑Marin. Les enquêtes menées par le commissaire juridique dans l’exercice de ses fonctions d’instruction consistent en une recherche diligente et scrupuleuse sous la responsabilité du juge instructeur dès réception d’une notitia criminis , afin d’établir l’auteur de l’infraction (article 20 du Code de procédure pénale). L’accusé est interrogé dès que possible et, dans tous les cas, dans les 24 heures qui suivent la détention (article 125 du Code de procédure pénale). L’interrogatoire est conduit en présence de l’avocat de son choix ou d’un avocat public.

60. En ce qui concerne les garanties de procédure des droits de la défense, l’article 13 de la loi N° 86 du 11 décembre 1974 stipule que :

«s’agissant de tous les actes exécutés par le juge, les avocats des parties ont droit, pendant les évaluations :

«1) à recevoir notification officielle de la nomination et des questions, et de présenter des observations et questions supplémentaires avant la date fixée pour le début des évaluations ;

«2) à nommer, comme il convient, un expert de leur choix qui a le droit d’aider pendant les évaluations, et à présenter des conclusions orales à l’expert nommé d’office ( ex officio ) ;

«3) à être présent pendant les audiences, que l’expert officiel conduise cette audience devant le juge ou soit entendu pour éclaircissements.

«Les avocats des parties ont de plus le droit d’être présents pendant les interrogatoires et les confrontations impliquant l’accusé, d’assister aux expériences, aux consultations judiciaires, aux fouilles ou perquisitions effectuées sur les personnes, les choses et les lieux. Dans tous ces cas, le juge communique aux avocats la date, l’heure et le lieu fixés pour l’exécution de ces actes par tout moyen et au moins 24 heures à l’avance.»

L’article 229 du Code de procédure pénale, tel que modifié par la loi N° 9 du 2 février 1994, punit de nullité tout acte procédural effectué en violation des droits indiqués ci ‑dessus. L’accusé a également le droit, à tout moment de la procédure en première instance, d’obtenir l’examen des témoins en sa faveur et de toute preuve susceptible de servir à sa défense ou d’atténuer sa sanction (article 134).

61. Après avoir recueilli toutes les preuves, si le juge d’instruction conclut qu’elles ne fournissent pas de motifs juridiques justifiant une mise en accusation, il transmet cette affaire devant le Procuratore del Fisco pour avis. Si ce dernier est du mêmeavis, le juge d’instruction classe l’affaire (article 135). Dans le cas contraire, le juge d’instruction délivre une assignation à comparaître indiquant la nature et le motif d’inculpation, et informe l’accusé de son droit à avoir une aide juridique de son choix ou, à défaut, une aide juridique désignée d’office. L’accusé dispose d’au moins 30 jours pour s’exécuter à compter de la notification de l’assignation (article 175).

62. Au stade préliminaire, le juge d’instruction peut adopter à titre conservatoire des mesures impliquant la privation de la liberté. Les dispositions concernant la détention provisoire fixées dans le Code de procédure pénale ont été notablement modifiées par la loi N° 9 du 2 février 1994. L’article 14 de ladite loi établit que les mesures impliquant une privation de liberté comprennent la détention provisoire soit en prison, soit dans un institut thérapeutique, l’assignation à résidence, l’obligation ou l’interdiction de rester sur la totalité ou une partie du territoire de la République, l’interdiction de partir à l’étranger. Personne ne peut être soumis à des mesures de coercition en l’absence de preuves suffisantes conduisant à croire que l’accusé est l’auteur des faits pour lesquels il est poursuivi et que ces faits constituent une infraction punissable en vertu de l’une de ces mesures. Les peines impliquant la privation de liberté ne peuvent faire l’objet d’une ordonnance du juge que s’il estime qu’il existe un risque de dissimulation de preuves ou si l’accusé présente un danger potentiel pour la communauté. La peine qui affecte le moins l’accusé et sa famille est applicable, à condition qu’elle s’avère efficace. Dans tous les cas, la mesure doit être proportionnelle au délit et à la peine ou mesure de sécurité correspondante qui serait applicable, compte tenu de la possibilité pour l’accusé d’être libéré sous caution. Ces éléments doivent faire l’objet d’une évaluation par le juge dans le cours de la procédure.

63. En ce qui concerne la détention provisoire, l’article 15 de la loi susmentionnée stipule qu’une telle mesure peut être ordonnée dans les cas suivants :

a) si l’infraction pour laquelle une action est entamée est punissable d’une détention criminelle et s’il existe un risque de dissimulation de preuves, de dissimulation d’une infraction majeure ou de fuite ;

b) si l’infraction pour laquelle une action est intentée est punissable par au moins un emprisonnement de second degré et lorsque toute autre mesure s’est avérée inadéquate.

64. L’accusé a le droit à une aide juridique avec caution lorsque les motifs qui déterminent son arrestation ont cessé d’exister. L’article 17 de la loi N° 9/1994 accorde à la personne privée de sa liberté le droit d’interjeter appel devant le juge des appels au pénal. L’assignation délivrée par le juge d’instruction conclut le stade de l’instruction, qui est suivi de la comparution en audience qui est publique et orale. Le jugement est rendu par un commissaire juridique différent de celui qui est chargé de l’instruction (article 24 de la loi N° 83 du 28 octobre 1992).

65. Pendant l’audience publique, les témoins sont entendus à nouveau et, ensuite, la personne est invitée à se défendre (article 178 du Code de procédure pénale). Le juge d’instruction ne prend pas part à l’audience, alors que les accusations sont présentées par le Procuratore del Fisco ¸ qui est un citoyen et juriste de Saint ‑Marin. L’article 4 de la loi N° 83/1992 inclut le Procuratore del Fisco parmi les procureurs généraux, alors que l’article 23 de la même loi précise que le bureau du Procuratore del Fisco sera créé lors de l’entrée en vigueur du nouveau Code de procédure pénale. La nomination et les fonctions d’un tel organisme seront passées en revue avec l’adoption du nouveau Code de procédure pénale qui, comme on l’a déjà mentionné, est en cours d’examen par une commission parlementaire nommée par le Grand Conseil en vue de son approbation définitive. C’est seulement à ce moment ‑là que le Procuratore del Fisco deviendra un véritable magistrat qui, selon le système accusatoire, aura le rôle de procureur général.

66. L’examen de tous les témoins est suivi par les plaidoiries et réquisitoires du Procuratore del Fisco et de l’avocat de la défense. Finalement, l’accusé est également invité à présenter sa défense (article 179 du Code de procédure pénale). Ensuite, le commissaire juridique prononce la sentence à huis clos et formule ensuite le dispositif de la sentence, qui est lue en public devant le tribunal. Les motifs de la décision doivent être déposés auprès du greffe dans les 30 jours suivant sa publication (article 181).

67. Le condamné a le droit d’interjeter appel contre cette sentence devant le juge des appels au pénal, qui a compétence uniquement pour les aspects de la sentence formant l’objet d’un recours (article 196). L’article 196 du Code de procédure pénale interdit également le reformatio in peius , établissant que, lorsque l’appel est déposé exclusivement par le condamné, le juge ne peut infliger une punition plus sévère ni rapporter des avantages précédemment accordés.

68. Les sentences rendues par le juge des appels sont définitives et aucun autre recours n’est envisagé. La personne ne peut être déclarée coupable que si la condamnation est définitive, conformément à l’article 15 du dernier paragraphe de la Déclaration des droits des citoyens, qui stipule la présomption d’innocence. A ce sujet, l’article 195 du Code de procédure pénale déclare que l’exécution d’une peine est suspendue pendant la période nécessaire au dépôt de l’appel, à l’appel et à la procédure devant la juridiction de seconde instance.

69. Si, après une décision définitive, des faits nouvellement découverts prouvent l’innocence du condamné, ce dernier (ou son héritier ou parent proche) ou encore le Procuratore del Fisco peut demander que cette peine soit révisée par un juge des appels au pénal différent de celui qui a prononcé la décision en deuxième instance, comme le stipule la loi N° 20 du 24 février 2000. Dès réception de la demande d’examen judiciaire, le juge des appels au pénal la déclare inadmissible par ordonnance motivée, si elle a été déposée sans tenir compte des cas envisagés par la loi, par une personne non autorisée, ou si elle n’est pas conforme aux termes et aux exigences stipulées. Inversement, conformément aux procédures stipulées pour le jugement en appel, le juge déclare que la demande est admissible, rapporte la peine incriminée et prend une autre décision.

70. Dans le cas d’un jugement par défaut, le juge des appels au pénal peut suspendre, par ordonnance motivée, l’exécution de la peine ou de la mesure de sécurité et, s’il convient, adopter une mesure conservatoire.

71. Le condamné peut également présenter un recours en grâce ou une demande de remise de peine au Grand Conseil (article 113 du Code pénal). La remise de peine est une mesure de clémence qui surseoit, complètement ou en partie, à l’exécution d’une peine infligée ou la commute en une peine différente (réduction de peine), alors que la grâce est un acte qui soustrait en tout ou en partie un condamné particulier à l’exécution de la peine prononcée contre lui, ou qui substitue à cette dernière une peine plus douce.

72. L’exécution d’un jugement pénal a été complètement modifiée par la loi N° 86 du 11 décembre 1974 qui, en remplaçant le chapitre XXIV du Code de procédure pénale, a institué le principe énoncé à l’article 15, paragraphe 4, de la Déclaration des droits des citoyens, déclarant que les peines humaines et réhabilitantes sont infligées uniquement par des juges autorisés par la loi à exercer le pouvoir judiciaire, et seulement sur la base de la non ‑rétroactivité.

73. En ce qui concerne les peines, il faut mentionner que le système juridique saint ‑marinais n’envisage pas la peine de mort, abolie il y a de nombreux siècles, ni la prison à vie ou le travail forcé. Le Code pénal actuellement en vigueur stipule les peines suivantes, énumérées ci ‑après en ordre d’importance décroissante :

a) Peine privative de liberté devant être exécutée en prison, comportant huit degrés et ne dépassant pas 35 ans (article 81) ;

b)Privation de tout emploi public, des droits politiques, ou interdiction d’exercer une profession ou de tenir un commerce, comporte quatre degrés et empêche le condamné d’exercer ses droits pendant une période maximum de cinq ans (article 82) ;

c) Arrestation signifiée au domicile du condamné, en application des conditions spécifiées par le juge et compte tenu des besoins du travail et de la famille du condamné, ou prison pendant les vacances ou autres jours jusqu’à ce que la totalité de la peine soit exécutée. Trois degrés sont prévus ainsi qu’une durée maximum de trois mois (article 83) ;

d) Amende en lires, allant d’un minimum de 201 000 lires (103,81 euros) à un maximum de 3 millions de lires (1 549,37 euros) (article 84) ;

e) Une amende en jours, par laquelle le montant à payer est fixé par la loi en se référant à un certain nombre de jours donnés. Le juge est responsable de la fixation au cas par cas du montant d’argent correspondant à un jour d’amende, sur la base du montant d’argent que le condamné peut économiser chaque jour en vivant avec économie tout en remplissant ses obligations d’entretien de la famille (article 85) ;

f) Admonestation, sévère réprimande adressée par le juge dans une audience publique selon les conditions et la gravité de l’infraction (article 86).

74. Afin de garantir la réhabilitation des délinquants, les articles 5 et 6 de la loi N° 9 du 2 février 1994 ont introduit dans le Code pénal la possibilité pour une personne condamnée à un maximum de deux ou trois ans d’incarcération d’être respectivement mise en probation sous le contrôle des services sociaux ou placée en assignation à résidence. Le juge de l’application des peines peut accorder à un condamné une période de probation sous le contrôle des services sociaux pour une durée égale à celle de la peine devant être exécutée, s’il estime qu’une telle mesure peut contribuer à la réhabilitation du délinquant et s’il n’existe aucun risque de commission d’autres infractions (article 5). Les toxicomanes et les alcooliques suivant ou souhaitant suivre un programme de réhabilitation peuvent demander à tout moment à bénéficier d’une probation sous le contrôle des services sociaux afin de continuer ou de commencer un traitement sur la base d’un programme convenu avec le Bureau d’assistance sociale (article 5). Si la probation réussit, la peine, ou tout autre effet pénal, est considérée comme ayant été exécutée. Si l’application de cette mesure échoue, le condamné peut demander à purger sa peine chez lui, dans un autre lieu de résidence ou dans une institution publique afin de subir un traitement et de recevoir une aide. L’assignation à résidence peut être accordée si le délinquant n’est pas considéré comme une personne dangereuse pour la société et uniquement pour des raisons bien motivées de santé, d’études ou de travail. En outre, une telle mesure est obligatoire dans les cas suivants :

a) femmes enceintes, allaitant ou ayant un enfant de moins de trois ans auprès d’elles ;

b) personnes souffrant de handicaps physiques ou mentaux graves ;

c) personnes invalides ou semi ‑invalides de plus de 65 ans.

En outre, le juge de l’application des peines peut autoriser le condamné à quitter le lieu de détention pendant la journée pour la période strictement nécessaire à ses besoins fondamentaux, s’il ne peut pas faire autrement ou pour effectuer une activité de travail indispensable à l’entretien de sa personne et de sa famille (article 5).

75. Les fonctions du juge de l’application des peines sont attribuées au commissaire juridique. Toutes les mesures prises par le juge pour l’application des peines peuvent faire l’objet d’un recours de la part du Procutarore del Fisco, du condamné, ou de toute partie intéressée. Ces plaintes font l’objet d’une décision prise en première instance par le juge de l’application des peines et, en deuxième instance, par le juge des appels au pénal, devant qui cette demande doit être déposée dans les dix jours suivant la notification de la mesure par le juge de l’application des peines. Une plainte ne suspend pas l’exécution de la peine. Les droits de la défense sont garantis et les procédures toutes entières sont fondées sur le principe selon lequel les parties sont traitées également et ont tout loisir de présenter leur affaire à tout moment de la procédure (cf. articles 203 ter et 203 quater du Code de procédure pénale du texte introduit par l’article 21 de la loi N° 86 du 11 décembre 1974).

Voies de recours devant la juridiction civile

76. Comme indiqué dans nos remarques concernant la section A, la Déclaration des droits des citoyens garantit la protection juridictionnelle des droits subjectifs. Outre la compétence pénale, les autorités judiciaires ordinaires ont une compétence civile et sont par conséquent responsables de la garantie des droits des personnes privées. La protection juridictionnelle des droits est assurée par les recours exercés afin de prévenir ou d’éliminer les effets de toute violation ou lésion de ces droits, et constitue un moyen permettant l’exercice de droits essentiels. Le juge, en tant que tiers et par conséquent impartial, a pour fonction de régler les litiges entre deux parties ou plus s’agissant du respect d’un droit. Par conséquent, la procédure au civil commence dès qu’une partie présente une demande de protection, affirmant que ses droits ont été violés par une autre partie.

77. La protection juridictionnelle est garantie à la fois aux ressortissants et aux étrangers, sans aucune discrimination. Le Livre II, Titre VII, paragraphe 113, des Leges Statuae Reipublicae Sancti Marini stipule la «  cautio iudicatum solvi in casum succumbentiae  » comme condition permettant aux étrangers d’entamer une action au civil devant les autorités judiciaires saint ‑marinaises. Cette caution consiste à présenter un garant qui assure l’accomplissement de toute obligation découlant du jugement. Les ressortissants italiens sont exemptés expressément de cette obligation en vertu de l’article 11 de la Convention d’amitié et de bon voisinage signée le 31 mars 1939 entre Saint ‑Marin et l’Italie, qui déclare que « les ressortissants des deux Etats peuvent invoquer leurs droits et leurs intérêts devant les autorités judiciaires de l’autre Etat aux mêmes conditions que celles qui s’appliquent aux ressortissants ». De plus, l’absence d’une telle caution ne pourrait être établie ex officio , et même les lois stipulent que, en l’absence d’un garant, les étrangers peuvent prêter serment. Toutefois, l’obligation concernant cette caution est tombée en désuétude et, dans tous les cas, ne s’applique plus, car elle va à l’encontre de l’article 15 de la Déclaration des droits des citoyens et des conventions sur les droits de l’homme auxquelles la République de Saint ‑Marin est partie.

78. A Saint ‑Marin, la procédure civile se fonde sur des textes législatifs (en particulier la loi N° 55 du 17 juin 1994, annexe 9) et sur les lois coutumières. Ces procédures écrites sont régies par les principes de l’égalité des parties, de l’audience publique et de l’impartialité du juge, dont la fonction consiste à orienter le cours de la procédure, mais qui n’est pas habilité à agir ès qualités. Le pouvoir de déterminer l’objet de la poursuite d’une manière qui s’impose au juge est confié au demandeur, qui déclare ou inscrit dans la requête elle ‑même les faits constituant une violation ou une lésion de ses droits, à l’exception de toute qualification juridique des faits. Les plaideurs sont alors priés de fournir au juge les preuves à l’appui de leur demande ; le juge au civil a, dans tous les cas, le pouvoir de manière autonome de recueillir les preuves présentées par les parties ou de rechercher un complément de preuve. Après avoir établi le droit de la partie adverse ou l’élément lésionnel, et après avoir appliqué les dispositions juridiques pertinentes, le juge ordonne soit à la partie adverse d’indemniser les dommages subis par la partie lésée ou de remplir les obligations en souffrance, soit, plus généralement, d’appliquer les dispositions requises par les parties et stipulées dans par la loi dans le cas des différentes infractions envisagées. Le système juridique de Saint ‑Marin ne prévoit pas la détention en cas de non ‑respect d’obligations contractuelles.

79. Il est utile de mentionner que, à Saint ‑Marin, ni le droit privé ni la procédure civile n’ont été codifiés. Par conséquent, il n’existe ni Code civil, ni Code de procédure civile. Le système des sources du droit, illustré de manière exhaustive à la section C, repose sur la juxtaposition entre le ius proprium  – c’est ‑à ‑dire les lois médiévales et toutes les réformes ultérieures décidées par le Grand Conseil (lois) – et le ius commune – c’est ‑à ‑dire le droit canon romain tel qu’il s’est élaboré au cours des siècles – et s’applique seulement lorsqu’une question spécifique n’est pas réglementée par la loi. Cette précision est fondamentale, parce qu’aussi bien le droit privé que la procédure civile ne sont pas réglementés par des textes législatifs (censés être des lois du Parlement). Par conséquent, nombre d’institutions sont régies par le ius commune .

80. Une partie affirmant que ses droits ont été lésés peut entamer une action au civil contre la partie lésante afin d’obtenir une indemnisation pour la perte subie. Dans ces cas, la protection juridictionnelle civile peut accompagner la protection pénale. Tout acte contre la vie, l’intégrité physique, l’honneur, la réputation, la liberté personnelle et la confidentialité de la correspondance, etc. non seulement constitue une infraction en elle ‑même, mais permet à la partie lésée ou à ses héritiers de revendiquer et d’obtenir indemnisation pour le dommage moral ou matériel subi, de sorte que la partie lésée ou ses héritiers obtiennent le rétablissement des choses en l’état. A ce sujet, l’article 1 du Code de procédure pénale déclare : « Toute infraction détermine une action au pénal ; une action au civil peut également être déposée chaque fois qu’une infraction cause un dommage physique ou moral au plaignant. Une telle action au civil peut être intentée par toute personne ayant un intérêt dans l’indemnisation du dommage. »

81. Le droit de la famille stipule également une action au civil en ce qui concerne la protection des droits des époux et des enfants. La Loi N° 49 du 26 avril 1986 (annexe 10) garantit l’égalité totale des époux (article 1) et établit que le consentement est fondamental à la validité du mariage et, s’il fait défaut, l’article 132 accorde aux conjoints le droit d’entamer une procédure pour obtenir l’annulation du mariage. En cas de séparation de corps ou de divorce ultérieur, le conjoint ayant les ressources les plus faibles a le droit d’obtenir une aide de son conjoint (articles 117 et 128). La loi garantit la protection des droits des enfants à la pension alimentaire et à l’éducation également après la dissolution du mariage (articles 113 et 129). Le juge établit le montant à payer pour la pension alimentaire de l’enfant par le parent qui n’a pas obtenu la garde de l’enfant, ainsi que pour l’entretien du conjoint ayant les ressources les plus faibles, et précise toutes les mesures nécessaires pour garantir l’exécution de ces obligations (articles 120 et 130). Même après la séparation ou le divorce, la partie intéressée peut toujours retourner devant les tribunaux pour que ses droits à une pension alimentaire soient respectés (articles 122 et 131).

82. La Loi N° 23 du 11 mars 1981 (annexe 11) garantit les droits des syndicats de travailleurs grâce une série de dispositions protégeant les activités syndicales. A ce sujet, l’article 10 établit que si un employeur se comporte de manière à empêcher ou à restreindre les activités syndicales, le commissaire juridique, en sa qualité de magistrat du travail, ordonne, sur requête des syndicats intéressés reconnus par la loi, et après avoir notifié les parties et recueilli certains renseignements d’ordre général, à l’employeur, dans les cinq jours qui suivent par ordonnance motivée et immédiatement applicable, d’arrêter son comportement illicite et d’en enlever tous les effets pertinents. Une telle ordonnance peut faire l’objet d’un appel, dans les 15 jours suivant la date de sa notification aux parties, devant le juge des appels au civil en sa qualité de magistrat des appels pour les questions relatives au travail (article 20 de la loi N° 83 du 28 octobre 1992), dont la décision est définitive. Cet appel ne suspend ni les effets, ni l’application de l’ordonnance prononcée par le magistrat du travail.

83. Il faut souligner que les exemples mentionnés ci-dessus n’offrent pas de description approfondie de tous les cas dans lesquels il est possible d’intenter une action au civil pour la protection des droits de l’homme.

84. Le commissaire juridique est l’organe juridictionnel de première instance dans les questions civiles. Toutefois, les procès concernant les biens meubles dont la valeur n’excède pas 50 millions de lires (25 822,84 euros) ressortissent à la compétence du juge conciliateur. Les décisions du juge conciliateur peuvent faire l’objet d’un appel devant le commissaire juridique ; les décisions du commissaire juridique prises en première instance peuvent faire l’objet d’un appel interjeté devant le juge des appels civils.

85. Le système juridique de Saint ‑Marin stipule que, afin d’être définitifs, les jugements civils doivent également être conformes à l’exigence des deux décisions concordantes «  doppia conform e ». Ceci signifie qu’en cas de recours contre un jugement de première instance, il faut que deux jugements concordants soient rendus pour que l’affaire soit considérée comme chose jugée ( res judicata ). Selon ce principe, si le jugement de la deuxième instance coïncide avec celui de la première instance, aucun autre appel n’est permis et la question est considérée comme chose jugée. Dans le cas contraire, si le jugement de deuxième instance est différent de celui de la première instance et qu’une partie n’est pas d’accord avec ce jugement, un jugement de troisième instance pourra être requis du Conseil des XII (article 5 de la loi N° 83 du 28 octobre 1992), qui confirme, après avoir entendu l’avis d’un expert en droit nommé parmi les juristes de compétence reconnue, soit la décision de première instance, soit la décision d’appel. Le jugement confirmé par le Conseil des XII, que ce soit celui de première instance ou la décision d’appel, est considéré comme chose jugée. Dans la pratique, la décision du Conseil des XII peut être considérée plutôt comme un vote que comme un jugement, en vertu duquel l’un des deux jugements est exécuté.

86. Les recours possibles contre les jugements définitifs sont les «  querela nullitatis » et le «  restitutio in integrum » , qui ressortissent à la compétence du Grand Conseil qui, en rendant sa décision, utilise les services d’un expert nommé parmi les juristes de compétence reconnue. La querela nullitatis est invoquée contre un jugement entaché d’un défaut de légitimité, bien que l’audience ait eu lieu conformément à la législation pertinente. En conséquence, seulement le jugement sera révisé. La restitutio in integrum , par contre, est invoquée non pas contre le jugement, mais contre l’ensemble de la procédure judiciaire, parce qu’elle est entachée de manquements au fond depuis le stade de l’audience. C’est pourquoi le procès doit recommencer.

87. La Loi N° 81 du 14 juin 1995 (annexe 12) a modifié, en appliquant des dispositions de l’article 5 de la loi N° 83 du 28 octobre 1992, la procédure concernant ces voies de recours extraordinaires. L’article 9 établit en particulier qu’en ce qui concerne les cas de restitutio in integrum et de querela nullitatis , l’avis d’expert nécessaire est confiée à une personne nommée par le Grand Conseil à l’issue d’un vote à la majorité des deux tiers effectué au début de la législature et pour toute sa durée. L’article 7 stipule que le Grand Conseil, sans aucun vote, entérine et tranche conformément à l’avis du juriste. L’objet de cette procédure est d’empêcher le Grand Conseil d’exprimer un vote politique, ce qui confirme la nature juridictionnelle de ces décisions. Effectivement, en ne faisant qu’entériner l’avis du juriste, le Parlement n’exprime aucun vote politique, mais donne à cet avis la force d’une décision.

Voies de recours devant la juridiction administrative

88. Comme l’a montré la section A, la protection des intérêts légitimes des personnes privées contre tout acte illicite perpétré par l’administration publique est confiée aux tribunaux administratifs. La section A décrit également l’étendue de cette protection. Dans la pratique, toute personne qui pense que ses intérêts ont été lésés par un acte administratif peut faire appel devant un organisme compétent pour obtenir l’annulation de cet acte. Ceci se produit lorsque l’administration publique viole les lois gouvernant ses activités, lésant ainsi les intérêts des personnes touchées par un tel acte. En fait, le système juridique protège les intérêts des personnes privées de sorte que l’administration publique exerce, conformément à la loi, les pouvoirs qui ont une influence sur les intérêts légitimes considérés comme pertinents par le système lui ‑même. Dans ces cas ‑là, l’objet direct de la protection n’est pas la position subjective pertinente avec laquelle l’acte administratif entre en conflit ; en fait, l’objet direct est l’intérêt de la personne privée, qui consiste à ce que le pouvoir administratif soit exercé conformément aux règles régissant les actes administratifs, tels qu’ils sont formulés dans le système juridique.

89. L’importance de la juridiction administrative dans le contexte de la protection des droits de l’homme peut être déduite du fait que l’annulation d’un acte administratif illicite, à la suite d’un jugement ordinaire rendu par le juge administratif, non seulement enlève de manière rétroactive les effets de tous les actes qui ont lésé les droits des citoyens, mais est souvent la condition préalable à une action au civil intentée par une personne privée devant les tribunaux ordinaires afin d’obtenir l’indemnisation d’un dommage. La compétence d’un juge ordinaire à entendre et à déterminer les effets d’un acte administratif illégitime lésant les droits d’un individu est soumise à la condition que l’acte administratif soit déclaré illégitime ; ceci devient un fait qui peut causer un dommage et à propos duquel un juge ordinaire doit trancher.

90. L’article 15, paragraphe 3, de la loi N° 68 du 28 juin 1989 stipule expressément la répartition des compétences en ce qui concerne les relations de travail au sein de la fonction publique, déclarant que : « Dans les procédures concernant la fonction publique, [le juge administratif] condamne l’administration publique, si la demande est acceptée, à payer à l’employé le montant dû, sans préjudice de la compétence du juge ordinaire à ordonner l’attribution de dommages-intérêts ». En fait, l’acte administratif pourrait très bien nuire au principe de l’égalité des citoyens, causer une discrimination et limiter ou interdire l’exercice de leurs droits et de leurs libertés fondamentales. Par conséquent, la personne privée lésée par un acte illicite de l’administration publique est fondée à intenter une action devant les tribunaux afin d’obtenir l’annulation d’un tel acte illégitime. Les jugements du juge administratif de première instance peuvent faire l’objet d’un recours devant le juge des appels administratifs, puisque le principe des deux décisions concordantes («  doppia conforme  ») s’applique à la juridiction administrative (voir paragraphe 85 ci ‑dessus).

Moyens permettant l’indemnisation et la réhabilitation des personnes ayant subi des violations de droits de l’homme

91. L’article 15 de la loi N° 83 du 28 octobre 1992 a introduit dans le système juridique de Saint ‑Marin la responsabilité civile des magistrats afin de sanctionner tout comportement intentionnel ou inintentionnel des juges qui, dans l’accomplissement de leurs fonctions juridictionnelles, ont lésé les droits des personnes privées. Selon cet article, « toute personne ayant subi un dommage du fait d’une mesure judiciaire intentionnelle prise par un magistrat ordinaire ou administratif, d’une faute grave ou d’un déni de justice peut entamer une action contre l’Etat pour obtenir l’indemnisation au titre de dommages matériels et moraux découlant de la privation injuste de sa liberté personnelle ». Dans l’accomplissement de ses fonctions judiciaires, le magistrat ne peut être tenu responsable de l’interprétation des dispositions de la loi, ni de l’examen des faits et des preuves.

92. Il y a déni de justice lorsque le magistrat oublie de remplir les devoirs de ses fonctions ou le fait avec retard, et lorsque, le temps institué par la loi pour l’accomplissement de ces devoirs ayant expiré, la partie a déposé une requête pour obtenir une décision du juge, et que 60 jours à compter de la date de dépôt de cette requête au greffe se sont écoulés sans aucune justification. Dans tous les cas, en l’absence d’une période de temps limite légale, 90 jours doivent s’écouler à partir de la date de dépôt de la requête au greffe pour obtenir le prononcé de la décision.

93. Il y a faute lourde dans les cas suivants :

a) violation grave de la loi causée par une faute inexcusable ;

b) affirmation, causée par une faute inexcusable, d’un fait dont l’existence a été incontestablement exclue du procès-verbal du procès ;

c) la négation, causée par une faute inexcusable, d’un fait dont l’existence est incontestable dans le procès-verbal du procès ;

d) l’adoption d’une mesure touchant la liberté personnelle en dehors des cas envisagés par la loi ou sans aucune raison.

94. La demande d’indemnisation doit être adressée aux syndics du gouvernement (représentant l’Etat) dans l’année qui suit le jugement définitif relatif au procès pendant lequel le dommage a été commis. La requête initiale doit être déposée au greffe civil du tribunal. Dans l’année qui suit le paiement de l’indemnisation, l’Etat demande au magistrat responsable de la mesure ou de la violation ayant causé le dommage de rembourser la somme versée. Le magistrat qui a pris une mesure à propos de laquelle une action a été entamée peut intervenir à toute étape de la procédure. La décision prononcée à la fin du procès intenté contre l’Etat n’affecte pas la procédure instituée par l’Etat contre le juge si le juge n’est pas volontairement intervenu dans le procès.

95. Au début de chaque législature, le Grand Conseil nomme un magistrat étranger pour effectuer toutes les enquêtes préliminaires ou pour prononcer une décision définitive dans tous les procès en responsabilité auxquels la procédure ordinaire s’applique. La décision rendue par le juge habilité à le faire peut faire l’objet d’un recours devant la cour d’appel, c’est ‑à ‑dire devant le magistrat étranger nommé par le Grand Conseil au début de chaque législature, conformément aux dispositions des articles 6 et 8, qui agit conformément à la procédure ordinaire envisagée pour les recours au civil. Cette décision est transmise au Grand Conseil, qui en prend note.

96. Une telle discipline est le point d’équilibre entre la nécessité de rendre le juge conscient de sa responsabilité, y compris de sa responsabilité matérielle pour toute perte subie par un individu en raison de son comportement coupable, qu’il soit imprudent ou délibéré, et la nécessité d’éviter que les procès soient détournés de leur objectif en raison de l’attitude défensive d’un juge.

97. Pour résumer, une telle discipline a pour but : de garantir, d’un côté, l’indemnisation des dommages injustement subis par des personnes privées du fait du comportement illicite d’un magistrat (en intentant une action contre l’Etat) et, de l’autre, d’éviter de compromettre la fonction délicate du juge, garantie par les principes d’autonomie et d’indépendance, en présentant des demandes d’indemnisation non fondées.

98. Les principes mentionnés ci ‑dessus régissant la responsabilité civile des magistrats peuvent par conséquent se résumer en cinq points fondamentaux :

a) Applicabilité de ces dispositions aux juridictions tant ordinaires qu’administratives ;

b) Le fait qu’un magistrat ne peut pas être directement poursuivi par la partie lésée qui, au contraire, doit intenter une action contre l’Etat, après épuisement des voies de recours judiciaires dans l’action pendant laquelle la mesure ayant causé un dommage a été adoptée.

c) La définition et l’application rigoureuse de normes de faute grave ; conformément à la loi, il y a faute grave, tout d’abord, en cas de non ‑application d’une loi en vigueur ou d’application d’une règle abrogée ou rapportée, ainsi qu’en cas d’adoption de mesures qui n’ont pas été envisagées par la loi, compte dûment tenu de la gravité de l’infraction par rapport à la gravité de ses effets. La loi couvre également la distorsion de faits par faute inexcusable et l’adoption de mesures touchant la liberté personnelle en dehors des cas stipulés par la loi ou en l’absence de tout motif. Enfin, la loi définit précisément la portée de la responsabilité dans le cas de déni de justice.

d) Absence de responsabilité pour l’activité liée à la liberté de décision du juge. En fait, afin de garantir un accomplissement objectif des fonctions juridictionnelles, le magistrat ne peut pas être tenu responsable de l’interprétation des dispositions de la loi, ni de l’établissement des faits et des preuves. Les activités du juge exclues de la responsabilité civile se réfèrent au stade auquel le juge formule sa décision, telle qu’elle est expressément garantie par la Déclaration des droits des citoyens.

e) Etablissement d’organes juridictionnels différents des organes ordinaires nommés par le Grand Conseil pour toute la durée de la législature dans le but d’assurer l’impartialité des jugements et de dissiper toute possibilité de croire que les décisions ont été inspirées par l’intérêt personnel.

99. En devenant membre du Conseil de l’Europe, la République de Saint ‑Marin est également devenue partie à la Convention européenne des droits de l’homme. De ce fait, le respect des droits de l’homme par les autorités saint ‑marinaises est également garanti par la possibilité accordée à toute partie lésée de présenter son affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme.

C. Système des sources du droit

Protection des droits de l’homme dans la Déclaration des droits des citoyens

100. Les droits inscrits dans les différents instruments internationaux sur les droits de l’homme sont garantis à Saint ‑Marin par la loi N° 59 du 8 juillet 1974, « Déclaration des droits des citoyens et des principes fondamentaux de l’ordre constitutionnel de Saint ‑Marin ». La nature constitutionnelle de ces principes et la procédure spéciale envisagée pour leur révision font de la Déclaration une source primaire du droit. L’article 6, paragraphe 1, stipule que « les dispositions contenues dans la présente Déclaration ne peuvent être révisées par le Grand Conseil que par un vote à la majorité des deux tiers de ses membres ».

101. La Déclaration des droits des citoyens reconnaît et garantit en particulier les droits suivants :

Article 4 – Tous sont égaux devant la loi, sans distinction fondée sur la situation personnelle, économique, sociale, politique et religieuse. Tous les citoyens ont le droit d’accès aux postes publics et aux charges électives, selon les modalités prévues par la loi.

Article 5 – Les droits de l’homme sont inviolables.

Article 6 – Toutes les libertés civiles et politiques, y compris la liberté personnelle, la liberté de résidence, d’établissement et d’expatriation, de rassemblement et d’association, de pensée, de conscience et de religion, la confidentialité de toutes formes de communication, la liberté de l’art, des sciences et de l’enseignement, et le droit à une éducation libre.

Article 7 – Le droit de voter et d’être élu au suffrage universel direct et secret.

Article 8 – Le droit de former de manière démocratique des partis politiques et des syndicats.

Article 12 – Protection de la famille sur la base de l’égalité morale et juridique des conjoints.

Article 15 – Protection juridictionnelle des droits subjectifs et des intérêts légitimes. Le droit à une défense à toute étape de la procédure judiciaire. Des peines humaines et réhabilitantes sont prononcées uniquement par des juges autorisés par la loi à exercer le pouvoir judiciaire et en conformité à des lois non rétroactives. Tout accusé est présumé innocent tant qu’il n’a pas été déclaré coupable.

Sources du droit saint-marinais

102. Pour mieux comprendre la position de sa charte constitutionnelle dans la hiérarchie des lois, il est utile d’examiner les sources du système juridique de Saint ‑Marin. Sa caractéristique particulière consiste à ne pas avoir de codification du droit privé, préservant ainsi exclusivement, pour ce qui concerne le droit civil, le droit commercial et la procédure civile, le système des sources de droit commun typique des systèmes européens avant la codification française en 1804.

103. Par contre, conformément aux principes de légalité, la République a un Code pénal et un Code de procédure pénale. Dans le système juridique de Saint ‑Marin, des règles pénales peuvent donc être introduites uniquement au moyen de textes législatifs et réglementaires. A ce sujet, l’article 1 du Code pénal – en application de l’article 15 de la Déclaration des droits des citoyens – stipule que « personne ne peut être condamné pour un acte qui ne constitue pas une infraction aux termes de la loi, et aucune peine ne peut être imposée qui n’ait pas été expressément stipulée. Personne ne peut être soumis à des mesures de sécurité autres que celles qui sont expressément stipulées par la loi, et seulement dans des cas spécifiés ». L’analogie est expressément interdite par l’article 2 qui stipule que, « dans l’exercice de son pouvoir juridictionnel, le juge ne peut aller au ‑delà de l’interprétation de la loi en ce qui concerne l’affaire examinée et il ne peut pas prendre des décisions de nature générale. Ses décisions n’ont aucune force obligatoire dans les autres affaires ».

104. Toujours en ce qui concerne le respect du principe de légalité, l’article 3 stipule le principe de non ‑rétroactivité des lois pénales. Il est incontestable que le principe de légalité est un acquis fondamental des nations civilisées en ce qu’il sauvegarde les libertés des citoyens vis ‑à ‑vis d’éventuels abus des pouvoirs de l’Etat. Tout d’abord, il comporte une exigence légale qui, en vertu de l’Etat de droit, représente une garantie cruciale. En vertu de ce principe, seul le Grand Conseil, en tant qu’organe représentant le peuple souverain, peut déterminer les comportements qui doivent être pénalisés, compte tenu de l’incidence du processus pénal sur les libertés et les droits fondamentaux des citoyens. Le principe de non ‑rétroactivité interdit l’application d’une loi pénale à des actes commis avant son entrée en vigueur, en vue d’empêcher d’infliger des sanctions plus lourdes que celles qui sont applicables au moment où l’infraction pénale a été commise. Enfin, le principe de légalité, en postulant que les infractions pénales doivent être couvertes expressément par la loi, interdit l’application d’une loi à des faits semblables qui ne sont pas précisément couverts par elle.

105. De même, tout acte administratif limitant les libertés et les droits fondamentaux des citoyens doit être contenu dans la loi, c’est ‑à ‑dire par un texte législatif émanant du Parlement. A ce sujet, l’article 6 de la Déclaration des droits des citoyens stipule qu’aucune restriction ne peut être placée sur l’exercice de ces droits si ce n’est celles qui sont prescrites par la loi, alors que l’article 14 de la Déclaration stipule que l’administration publique garantit que son activité est conforme aux critères de légalité, d’impartialité et d’efficacité.

106. En plus de l’introduction ci ‑dessus, qui précise que l’analyse suivante ne s’applique qu’au droit privé, il est important de souligner que les sources du droit sont énumérées dans le Livre I, aux sections XIII et XXXI des Leges Statuae Reipublicae Sancti Marini , qui remontent au XVII e  siècle et indique clairement la hiérarchie des sources : codes, dispositions législatives et réglementaires, lois coutumières et ius commune . Par conséquent, dans le système juridique de Saint ‑Marin, les codes, les lois adoptées par le Grand Conseil, les lois coutumières et le ius commune , ce dernier étant une source secondaire et additionnelle, constituent un système régi par la loi N° 59 du 8 juillet 1974, qui est la « Déclaration des droits des citoyens et des principes fondamentaux de l’ordre constitutionnel de Saint ‑Marin ».

107. Le ius commune , en tant que source secondaire, s’applique seulement en l’absence de règlements ou de lois coutumières régissant un sujet particulier. Il faut souligner à ce propos que le ius commune applicable dans la République de Saint ‑Marin « n’est pas le droit romain de l’Empereur Justinien, mais plutôt le droit qui s’est développé dans les Etats les plus civilisés d’Europe, en particulier en Italie, sur la base du droit romain et du droit canon, sur la coutume et l’usage, et auquel se réfèrent les travaux des juristes les plus distingués ainsi que les décisions de tribunaux bien connus. Le droit commercial fait partie de l’ensemble de la «  common law  » (jugement du professeur Scialoja, Juge des appels au civil, 12 août 1924, Giur. Samm ., 1924, p. 18).

108. Les relations entre le ius commune (droit romain et droit canon) et le ius proprium (dispositions législatives) ont été clairement expliquées et résumées dans la jurisprudence, en ces termes : « Il faut se souvenir que le ius commune est l’ancien lex omnium generalis , système élaboré au cours des siècles par la jurisprudence sur la base du droit romain en vigueur sous l’Empereur Justinien, du droit canon ainsi que de la coutume et de l’usage, alors que le ius novum , représenté par les dispositions législatives et les législations locales ultérieures, n’est pas du tout une codification complète du droit privé, civil, commercial et de la procédure civile. Par conséquent, l’expression ‘droit subsidiaire’ ne doit pas être mal interprétée en supposant que le ius commune peut s’appliquer uniquement dans des circonstances exceptionnelles, dans les cas de lacunes des lois locales ou générales, comme s’il s’agissait de la législation générale de la République de Saint ‑Marin. En fait, le ius commune est la règle, alors que la législation locale est l’exception, comme le prouvent le rapport quantitatif entre les règles pertinentes et, de manière très significative, la nature intégrante modificatrice et innovatrice de la législation locale comparée à la discipline générale des institutions juridiques fournie de manière exemplaire par le ius commune et pour laquelle le législateur de Saint ‑Marin a toujours une haute considération » (jugement du professeur Guido Astuti, Juge des appels au civil, 30 juillet 1963, Giur. Samm ., 1965, file 1, p. 26 s.).

109. Entre le ius proprium et le ius commune se trouvent les laudabiles consuetudines , c’est ‑à ‑dire les principes élaborés par la jurisprudence au cours du temps. Ces principes de jurisprudence se sont graduellement ajoutés au système juridique saint ‑marinais, adaptant la législation aux conditions sociales et économiques changeantes et garantissant les droits fondamentaux inscrits dans la Déclaration des droits des citoyens.

110. Comme cela a déjà été expliqué, toutes ces sources ont été rassemblées pour former un système dans la loi N° 59 du 8 juillet 1974, dont les principes « doivent être respectés par les juges … lorsqu’ils interprètent et appliquent la loi » (article 16). Ainsi qu’indiqué plus haut, la Déclaration des droits des citoyens et des principes fondamentaux de l’ordre constitutionnel de Saint ‑Marin (Loi N° 59 du 8 juillet 1974) est la constitution de Saint ‑Marin, qui insiste sur les principes généraux de liberté, d’égalité et de démocratie déjà inhérents dans le système. En stipulant que les juges interprètent et appliquent la loi conformément à ses principes (article 16, paragraphe 2), la Déclaration décrète inapplicables les règles inconstitutionnelles.

111. En conséquence, les dispositions législatives constituent un droit spécial d’interprétation stricte, le ius commune étant applicable lorsqu’un sujet donné n’est pas expressément réglementé par le droit positif. Par conséquent, les dispositions législatives et coutumières constituent une source de droit primaire, qui l’emportent toujours et sont susceptibles d’abroger totalement ou en partie les dispositions du ius commune . Un tel rapport entre les sources primaires et secondaires du droit influence nécessairement leur interprétation, ce qui conduit à l’exclusion de l’utilisation de l’analogie également dans le domaine du droit privé. Etant donné que les règles positives sont de nature spéciale et dérogatoire, et non pas générales, l’interprète ne peut aller au ‑delà de l’argument de la règle pour l’appliquer à un cas non envisagé par la loi.

Procédure de vérification de la légitimité constitutionnelle

112. En dépit de l’obligation impérative faite aux juges de se conformer aux principes inscrits dans la Déclaration des droits des citoyens, le législateur constitutionnel a également envisagé une procédure pour la vérification de la légitimité constitutionnelle, établissant que, « chaque fois que la légitimité d’une règle est douteuse ou controversée, le juge peut demander au Grand Conseil de s’exprimer lui ‑même sur la question, après avoir entendu l’avis d’experts » (article 16, paragraphe 2). Pour l’application de cette disposition, la loi N° 4 du 19 janvier 1989 (annexe 14) a réglementé la procédure pour la vérification de la légitimité constitutionnelle des règlements ordinaires.

113. L’article 2 de la loi N° 4 du 19 janvier 1989 stipule : « Lorsqu’une procédure se déroule soit devant un tribunal ordinaire, soit devant un tribunal administratif, toute partie, le Procuratore del Fisco ou le juge lui ‑même peut demander par écrit la vérification de la légitimité d’une règle relative aux principes contenus dans la loi N° 59 du 8 juillet 1974. Cette requête doit indiquer clairement :

a) les lois ou dispositions ayant force de loi dont la légitimité est douteuse ou controversée ;

b) les dispositions et principes de la loi N° 59 censés avoir été violés. »

114. L’article 3 stipule que « le juge rejette officiellement les requêtes présentées par les parties ou par le Procuratore del Fisco qui sont bien évidemment non fondées ou simplement dilatoires » en confiant au juge devant lequel la requête de légitimité est présentée le pouvoir d’en apprécier la recevabilité. Par conséquent, une requête visant à vérifier la légitimité d’une règle ordinaire, conformément aux principes sanctionnés dans la loi N° 59 du 8 juillet 1974, détermine une procédure accessoire et autonome qui se déroule en deux étapes :

a) tout d’abord, et de manière nécessaire, devant un Judex a quo afin d’établir la recevabilité de la requête et le fait qu’elle n’est évidemment pas gratuite quant à la forme ou quant au fond ;

b) ensuite, si la requête est recevable, le Grand Conseil tranche en la matière après avoir entendu l’avis d’un juriste, conformément à l’article 4 de la loi N° 4/1989, nommé par le Conseil pour toute la durée de la législature.

115. L’article 8 déclare que « la règle déclarée illégitime par le Grand Conseil est annulée à compter de la date à laquelle son illégitimité a été déclarée ».

Dérogations envisagées par la Déclaration des droits des citoyens

116. La seule dérogation envisagée par la Déclaration des droits des citoyens se trouve à l’article 6 :

« Toute personne jouit des libertés civiles et politiques. Toute personne a droit en particulier à la liberté personnelle, à la liberté de résidence, d’établissement et d’expatriation, à la liberté de réunion et d’association, la liberté de pensée, de conscience et de religion. Le caractère privé de toute forme de communication est protégé.

Aucune restriction ne s’applique à l’exercice de ces droits, à l’exception de celles qui sont prescrites par la loi et sont nécessaires à la protection de l’ordre public et du bien ‑être général. »

117. On trouvera ci ‑après la liste des dispositions législatives limitant les droits susmentionnés pour des raisons graves d’ordre ou d’intérêt publics.

Droit à la liberté personnelle

118. Ce droit protège les citoyens contre tout acte illicite commis par les autorités publiques contre la liberté personnelle. Dans le système juridique de Saint ‑Marin, les restrictions à la liberté personnelle sont des mesures de précaution impliquant la privation de liberté mentionnées aux articles 53 et 54 du Code de procédure pénale dans le texte qui a été remplacé par les articles 14 et 15 de la loi N° 9 du 2 février 1994.

119. Ces dispositions, décrites à la section B, limitent l’étendue de l’application de ces mesures d’une part en empêchant qu’elles soient infligées comme sanctions à l’avance et, d’autre part, en recherchant un équilibre entre le droit à la liberté de la personne accusée et le droit de la communauté à être protégée. Elles ont pour conditions préalables d’être licites et d’être absolument nécessaires dans certaines circonstances spéciales. De toute manière, ces mesures sont proportionnelles à l’infraction ou à la sanction applicable et sont fondées sur des preuves suffisantes. La loi prévoit également des mesures pour remplacer la détention provisoire. La libération avec sursis de mise à l’épreuve (probation) existe en tant que mesure exceptionnelle, car l’application d’une telle mesure a été envisagée par le législateur pour protéger les droits du défendeur.

120. Toutes les mesures restreignant la liberté personnelle doivent être correctement motivées et, comme expliqué auparavant, peuvent faire l’objet d’un recours devant le juge des appels au pénal. Les raisons relatives à l’ordre public ou à l’intérêt public qui, en cas de circonstances exceptionnelles, peuvent impliquer des restrictions de la liberté personnelle comprennent l’arrestation et la détention de certaines personnes par la police judiciaire. A ce sujet, la loi N° 20 du 24 février 2000 reconnaît, dans les cas où la détention provisoire est applicable, la possibilité de l’arrestation de toute personne en train de commettre une infraction punissable d’emprisonnement, dans le respect des droits de l’individu. Cette possibilité devient une obligation dans les cas d’infractions punissables d’un emprisonnement de troisième degré au moins.

121. A l’exception de ces cas, la police peut arrêter et détenir des personnes soupçonnées d’une infraction punissable d’emprisonnement chaque fois qu’il existe un risque de fuite, pour des raisons d’information ou de sécurité. La police rédige un rapport et notifie la partie intéressée et son avocat. Les rapports concernant l’arrestation et la détention sont transmis au commissaire juridique dans les 48 heures. Au cours des 96 heures suivantes, le commissaire juridique ordonne la libération de la personne, ou bien adopte l’une des mesures de sécurité envisagées par le Code de procédure pénale. Si les conditions ci ‑dessus ne sont pas remplies, cette mesure devient sans effet.

122. En ce qui concerne le droit de coopérer avec les autorités judiciaires, la loi prévoit que la police peut utiliser la coercition pour accompagner les témoins, sur ordonnance de l’autorité judiciaire. Dans les questions civiles, l’article 2, alinéa 3.1, de la loi N° 55 du 17 juin 1994 déclare : « Si le témoin ne vient pas témoigner devant le tribunal, le juge fixe d’office une autre audience dans les deux mois suivants. Si le témoin ne comparaît pas à nouveau devant le tribunal sans motif valable, le juge, sans préjudice de l’application des sanctions envisagées par la loi, peut ordonner, sur requête d’une partie, que le témoin soit accompagné de force par la police pour comparaître devant l’autorité judiciaire ». L’article 380 du Code pénal punit les témoins qui refusent de comparaître devant le tribunal ou de prêter serment, ou qui obtiennent frauduleusement une exemption de déposition.

Droit à la liberté de résidence

123. Le droit à la liberté de résidence garantit les intérêts spéciaux des personnes en empêchant toute intrusion dans leur logement privé. A cet effet, il faut noter que la définition de la résidence ne coïncide pas avec celle à laquelle il est fait référence dans les questions civiles à Saint ‑Marin, selon laquelle la résidence est la place choisie par un individu comme le centre ( domicilium) de ses intérêts et caractérisée par deux éléments : a) séjour régulier dans un endroit donné ; et b) l’ animus , c’est ‑à ‑dire la volonté de la personne de fixer et de maintenir son domicile en ce lieu. En effet, la protection constitutionnelle s’applique non seulement à la résidence telle qu’elle est définie ci ‑dessus, mais également à tout logement privé, même temporaire, où une personne effectue ses activités.

124. Les dérogations à ce droit sont autorisées par les règlements concernant les inspections, les perquisitions et saisies. Dans ce but, l’article 74 du Code de procédure pénale stipule que toute perquisition au domicile de l’accusé ou de toute autre personne doit être ordonnée par le juge d’instruction chargé de l’affaire. Le mandat de perquisition indique toutes les précautions à prendre, qui sont sous la responsabilité du chef de la police. La saisie du corps du délit est ordonnée par le juge d’instruction. L’article 18 de la loi N° 9 du 2 février 1994 établit que, « en cas de nécessité et d’urgence, les forces de police peuvent saisir le corps du délit et tout autre objet connexe, et présentent officiellement un rapport au commissaire juridique dans les 48 heures, lequel, si les circonstances l’exigent, confirme la mesure dans les 96 heures qui suivent. Sans cette confirmation, la mesure devient caduque ». Toutes les mesures coercitives impliquant les biens d’une personne et liées aux saisies ou à leur confirmation peuvent faire l’objet d’un recours par l’accusé devant le juge des appels au pénal (article 17 de la loi N° 9/94).

Droit à la liberté d’établissement et à l’expatriation

125. Ce droit fondamental comprend trois libertés principales :

a) la liberté de mouvement sur tout le territoire national ;

b) la liberté de fixer son domicile n’importe où dans le territoire national ;

c) la liberté de s’expatrier, temporairement ou de manière permanente, et de rentrer à nouveau sur le territoire national.

126. Les restrictions de ce droit sont envisagées, tout d’abord, dans des lois, réglementations et ordonnances relatives à la circulation routière qui imposent des interdictions à l’arrêt, au stationnement, au transit et à l’entrée dans divers endroits. De même, pour des raisons de sécurité publique, conformément au règlement sur les permis de conduire des véhicules automobiles, seules les personnes ayant réussi l’examen approprié ont le droit de les conduire (loi N° 106 du 20 septembre 1985).

127. Des dérogations au droit d’établissement sont envisagées dans les dispositions concernant les étrangers. La petite taille de l’Etat, l’absence de contrôle aux frontières nationales et la nécessité de protéger la population de Saint ‑Marin ont toujours conduit le législateur saint ‑marinais à limiter la possibilité d’installation des étrangers sur le territoire de la République.

128. La Loi N° 23 du 4 août 1927, modifiée par la loi N° 22 du 24 février 2000, stipule que tout étranger peut entrer librement sur le territoire national et s’y déplacer sans problème. Toutefois, il faut un permis de séjour à ceux qui souhaitent s’établir dans la République. Les gérants d’hôtel, les propriétaires de maison et les locataires qui reçoivent un étranger, même pour une seule nuit, doivent le signaler à la gendarmerie. La Loi N° 95 du 4 septembre 1997 et les règlements d’application ultérieurs ont modifié les dispositions passées concernant le permis de séjour et de résidence pour les étrangers. Les permis de séjour sont accordés dans des circonstances particulières, notamment en cas de relations commerciales ou professionnelles, d’études, de nécessité de traitement ou d’assistance, pour des raisons familiales, pour le tourisme ou le culte. Les permis de résidence permanents sont délivrés par la gendarmerie aux étrangers ayant reçu un permis de séjour ordinaire ou spécial pendant au moins cinq ans, à condition qu’il n’y ait eu aucune interruption et que le demandeur n’ait été l’objet d’aucune procédure pénale pour des infractions majeures, n’ait pas été condamné pour de telles infractions majeures, et qu’aucune raison importante de sécurité publique ne s’y oppose.

129. En ce qui concerne le conjoint d’un citoyen saint ‑marinais et les enfants majeurs qui vivent avec leurs parents, la période de cinq ans est réduite à trois ans. Les enfants mineurs des résidents étrangers, nés en dehors de Saint ‑Marin, peuvent obtenir un permis de résidence de la gendarmerie sur demande.

130. Les raisons d’un rejet ou d’une révocation d’un permis de séjour ou de résidence sont notamment une procédure pénale imminente, des condamnations pour des infractions graves, et des raisons de sécurité publique. En vertu de la loi N° 22 du 24 février 2000, les autorités de police peuvent également ordonner à un étranger sans permis de résidence ou de séjour de quitter le pays immédiatement ou dans un laps de temps raisonnable si des raisons de prévention de délinquance, de sécurité ou d’ordre public l’exigent.

131. Une telle mesure est notifiée par le commissaire juridique, qui la confirme, si les circonstances l’exigent, dans les 96 heures qui suivent. Une telle mesure peut faire l’objet d’un appel dans les dix jours devant le juge des appels administratifs.

132. L’expulsion des étrangers du territoire national est une mesure de sécurité envisagée par l’article 127 du Code pénal et est appliquée par le juge dès la condamnation ou l’acquittement. L’article 14 de Loi N° 9 du 2 février 1994 comprend des mesures concernant notamment la coercition des personnes, l’obligation ou l’interdiction de séjourner sur le territoire national ou sur une partie du territoire, ainsi que l’interdiction de s’expatrier. Ces mesures de précaution sont adoptées par le juge d’instruction à la lumière des indications appropriées et graves de culpabilité, à condition qu’il y ait un risque de dissimulation de preuves ou une nécessité impérieuse de protéger la communauté.

133. Ces mesures peuvent faire l’objet d’un appel devant le juge des appels au pénal. Il faut également noter que l’expatriation est soumise à la délivrance d’un passeport par les capitaines ‑régents et le secrétaire d’Etat aux affaires étrangères pour les citoyens et les résidents apatrides (article 1 de la loi N° 85 du 27 septembre 1984 : annexe 16). Aucun passeport ne peut être délivré à :

a) toute personne qui a reçu un mandat d’arrêt ou un exploit introductif d’instance pour une procédure pénale imminente concernant une infraction punissable d’au moins un an d’emprisonnement ;

b) toute personne dont le conjoint a déposé devant le tribunal un refus pour des motifs justes ;

c) des mineurs sans le consentement de la personne détentrice de l’autorité parentale ou de la tutelle ;

d) toute personne interdite ou incapable (article 3 de la loi N° 85/1984).

Droit à la liberté de réunion

134. Une réunion signifie le rassemblement temporaire et volontaire de personnes dans un lieu donné, à la suite d’un accord préalable et pour une raison spécifique. Par conséquent, la réunion est différente du rassemblement qui est déterminé par un événement soudain et inattendu et, par conséquent, occasionnel. La réunion peut avoir différents objectifs – religieux, politique, culturel, etc. – et être publique ou privée. Les seules restrictions sont que les participants de cette réunion se réunissent sans troubler l’ordre public et sans armes.

135. Les réunions publiques sont autorisées par la police, qui peut les interdire si les circonstances sont susceptibles d’entraîner des accidents ou des désordres. Les réunions et rassemblements non autorisés, ainsi que ceux qui sont autorisés au cas où ils causeraient des désordres ou des actes criminels, peuvent être dispersés par la police. L’article 291 du Code pénal punit tout participant à une réunion ou à rassemblement sur un lieu public ou dans un lieu ouvert au public n’obéissant pas à un ordre légal de dispersement donné par l’autorité en raison de désordres imminents ou de délinquance mettant en danger l’ordre et la sécurité publics.

136. Certaines dispositions spéciales réglementent les campagnes électorales pendant les 30 jours précédant une élection législative. L’article 8 de la loi N° 36 du 14 mars 1997 stipule à ce sujet que tout démarchage ou réunion dans un lieu public ou un lieu ouvert au public est notifié au siège de la gendarmerie par le délégué du parti ou son remplaçant au moins 24 heures avant la réunion, avec indication de l’heure ou du lieu. Si cette notification n’est pas faite, la réunion politique peut être interdite. Cette notification est nécessaire pour permettre aux forces de police d’accomplir au mieux leur devoir en vue de prévenir tout désordre et acte criminel. L’article 398 du Code pénal punit toute personne qui empêche ou perturbe le déroulement de la campagne électorale et de toute autre réunion électorale.

Droit à la liberté d’association

137. L’association diffère du rassemblement en ce qu’elle est caractérisée par un établissement permanent et par l’existence d’une relation étroite entre ses membres, qui rassemblent leurs efforts pour parvenir à un objectif. Le système juridique de Saint ‑Marin garantit totalement la liberté d’association. La loi n’interdit que la conspiration (article 287 du Code pénal), la formation de corps militaires (article 288 du Code pénal), les associations subversives (article 339 du Code pénal) et toute association visant à réorganiser sous une forme quelconque le parti fasciste (Loi N° 24 du 29 août 1950 : annexe 17).

Droit à la liberté de pensée

138. Le droit à la liberté de pensée signifie que toute personne peut exprimer publiquement ses pensées oralement ou par tout moyen comme la presse, le cinéma, la radio, les affiches, les images, les graffitis, etc. Dans le sens le plus large, le droit à la liberté de pensée recouvre également :

a) le droit de rapporter des informations, par exemple le droit de rapporter les nouvelles et les pensées des autres personnes, leur responsabilité incombant à la personne qui les exprime et non pas à celle qui les rapporte ;

b) le droit d’exprimer des avis et des commentaires, de critiquer, d’apprécier, de présenter des hypothèses et des évaluations relatives à certains faits et nouvelles ;

c) le droit de faire de la propagande, c’est ‑à ‑dire de diffuser et de défendre les idées et les idéologies de manière à gagner des partisans.

139. La seule restriction envisagée par la Déclaration des droits des citoyens concerne la nécessité de préserver l’ordre public et de garantir les intérêts de la communauté. Toutefois, les autres contraintes existant sur la liberté de pensée proviennent de la protection des droits subjectifs des personnes (protection de la vie privée et de la réputation) et du respect des devoirs publics (outrage public à la pudeur, secrets officiels, loyauté aux institutions étatiques, interdiction d’aide ou de complicité). Parmi les restrictions provenant des droits subjectifs des personnes, il y a tout d’abord le droit au respect de la vie privée, c’est ‑à ‑dire l’interdiction de révéler de manière indue des faits ou des aspects de la vie privée d’une personne et/ou de sa famille. Le droit au respect de la vie privée comporte également la protection de la liberté et du secret des communications sous toutes leurs formes.

140. Le respect de la vie privée est garanti totalement par le système juridique de Saint ‑Marin ; par conséquent, la loi fixe certaines restrictions à la liberté de pensée. Il faut souligner que le secret des communications n’est aucunement restreint, car même les écoutes effectuées avec autorisation de l’autorité judiciaire ne sont pas permises. L’article 190 du Code pénal punit toute personne non autorisée qui, ayant appris le contenu d’une communication, le révèle ou empêche sa transmission de quelque manière que ce soit, et l’article 191 punit toute personne qui, ayant appris de manière frauduleuse le contenu d’actes ou de documents confidentiels publics ou privés, les révèle ou les utilise pour son avantage ou pour celui d’un tiers.

141. De même, la loi réglemente la création de bases de données, établissant le droit à la rectification et à la réglementation de l’entrée sur les lieux en vue de la protection de la vie privée. La loi N° 70 du 23 mai 1995 (annexe 18) réglemente la collecte informatique des données personnelles. L’article 2 de cette loi stipule que la création ou l’utilisation par qui que ce soit de dossiers électroniques ou informatisés contenant des noms ou des informations spécifiques relatives à des entités juridiques doit tout d’abord être utilisée au bénéfice de tous les citoyens. Par conséquent, ces bases de données ne portent en aucune manière préjudice au respect des droits de l’homme et des libertés privées et publiques fondamentales, ni ne lèsent la dignité ou l’identité d’une personne, dont la vie privée demeure inviolable.

142. La création de bases de données privées est soumise à l’autorisation du Congrès d’Etat et du Garant de la confidentialité des données personnelles, nommé parmi les juges administratifs (articles 6 et 15), alors que les bases de données de l’Etat et des entités publiques sont créées par décret de Régence, après avoir entendu l’avis du Garant (article 5). Toute personne physique ou morale a le droit d’avoir connaissance et de contester, aux fins de rectification, les données et informations recueillies, traitées et utilisées électroniquement contre une telle personne ou à son sujet.

143. Une entité ou personne recueillant, traitant ou utilisant des données personnelles est soumise au secret professionnel est tenue d’adopter toute mesure nécessaire pour préserver la sécurité et la confidentialité des communications et pour empêcher qu’elles soient déformées ou révélées à des personnes non autorisées. La révélation de données personnelles est permise avec le consentement de la partie intéressée (article 4). La collecte, le traitement et l’utilisation des données personnelles concernant la vie privée d’une personne sont toujours interdits. Le non ‑respect de ces dispositions constituent un délit (article 17).

144. Le droit à la protection de la réputation est le droit d’un citoyen à ne pas être insulté dans son honneur, dans sa dignité et dans l’estime où le tient la communauté. D’ailleurs, la loi pénalise la calomnie et la diffamation, pour lesquelles une action peut être intentée par la personne lésée.

145. L’article 183 du Code pénal punit toute personne qui, dans une réunion publique ou lorsqu’elle communique avec d’autres, attribue à une personne, présente ou absente, un fait qui porte atteinte à son honneur ; l’article 185 envisage une sanction plus sévère si une telle infraction est commise en ayant recours aux « communications sociales », même à l’étranger. En vertu de l’article 149 du Code pénal, l’expression « communications sociales » signifie « la reproduction ou la représentation d’une pensée, d’une information, d’actes ou de choses destinés à la communication ou à la diffusion publiques au moyen de la presse, de bandes magnétiques ou de disques, de la radio, de la télévision, de la transmission filaire, de représentations ou de spectacles de variétés publics, cinéma ou autres moyens semblables ». L’auteur de telles infractions a le droit d’apporter la preuve de ce qu’il avance dans les cas suivants :

a) si la partie lésée donne son consentement officiel ;

b) en présence d’une procédure pénale ;

c) si l’établissement des faits est d’intérêt public, étant donné la position de la partie lésée ou pour tout autre raison (article 189).

146. Le droit à la protection de sa réputation doit être de toute manière concilié avec le droit de rapporter des informations et, par conséquent, bien que la partie lésée puisse ne pas souhaiter que des faits portant atteinte à sa réputation soient révélés, le droit de rapporter des informations peut être exercé lorsque cette information est vraie, d’intérêt public et objective. L’article 184 du Code pénal punit toute personne qui, dans une réunion publique ou lorsqu’elle communique avec autrui, porte atteinte à l’honneur d’une autre personne, en sa présence ou non. Si le fait est commis uniquement en présence de la partie lésée, la sanction est réduite.

147. Les restrictions apportées à la liberté de pensée du fait de l’exercice des fonctions publiques comprennent tout d’abord la protection contre les outrages publics à la pudeur. De ce fait, est interdite toute manifestation ou image constituant un outrage public à la pudeur, ressenti comme tel dans l’ensemble par la communauté. L’article 275 du Code punit toute personne qui, publiquement ou au moyen de communications sociales, commet des actes obscènes ; l’article 276 punit toute personne qui, par un moyen de communication sociale s’adressant au grand public, représente des actes ou des choses qui, notamment en ce qui concerne les mineurs, peuvent inciter à la violence, à la cruauté, au vandalisme et à la corruption sexuelle, ou offenser les sentiments familiaux. De plus, les outrages à la pudeur dans les lieux publics ou ouverts au public, ou la description, illustration, représentation ou reproduction de ces actes par les moyens de communication sociale, constituent des infractions (article 282 du Code pénal).

148. Une autre restriction à la liberté de pensée est la nécessité de garantir le secret. Par conséquent, la révélation de faits qui doivent rester secrets constitue une infraction. Les articles 329 et 328 du Code pénal punissent, respectivement, la révélation de secrets politiques et l’espionnage. L’article 378 punit la révélation de secrets d’Etat nécessaires au fonctionnement de l’administration publique. L’article 192 punit la révélation de secrets professionnels, scientifiques ou industriels. De même, la complicité est interdite par l’article 289. Une sanction plus grave est envisagée si le fait en question est commis au moyen de communication sociales. En ce qui concerne la loyauté vis ‑à ‑vis des institutions de l’Etat et de ceux qui les représentent, le Code pénal punit la calomnie contre la République et ses emblèmes (article 338), les infractions commises contre les représentants des Etats étrangers (article 335), contre l’honneur des capitaines ‑régents (article 342), contre l’honneur du peuple représenté par l’autorité publique (article 344), et contre les fonctionnaires (article 382).

149. Comme la presse est l’un des médias les plus importants, la liberté de la presse est soumise aux mêmes restrictions que celles de la liberté de pensée. La Loi du 28 mai 1881 – partiellement remplacée par le Code pénal qui est entré en vigueur le 1 er  janvier 1975 pour ce qui est de la définition des infractions graves et de la procédure pénale appropriée – réglementait la liberté de pensée de la presse. A ce sujet, les imprimeurs et ceux qui reproduisent les signes ou les figures qui illustrent des pensées doivent donner au commissaire juridique le premier exemplaire de tout matériel imprimé. Toute personne souhaitant publier un périodique ou toute autre publication numérotée doit présenter au secrétaire d’Etat pour les affaires intérieures une déclaration écrite indiquant le nom de l’éditeur et du rédacteur en chef, la nature de la publication et le nom de l’imprimeur. Le rédacteur transmet un exemplaire au commissaire juridique.

150. La loi garantit le droit à la rectification en imposant aux rédacteurs l’obligation de rapporter les réponses ou déclarations faites par les personnes mentionnées dans leurs publications. Ces dispositions montrent que la publication par la presse n’est pas soumise à autorisation en vertu du système juridique de Saint ‑Marin, sauf en ce qui concerne les devoirs imposés aux éditeurs d’informer l’autorité administrative du début de l’activité, et du devoir qui incombe aux auteurs et aux rédacteurs de transmettre un exemplaire à l’autorité judiciaire afin de lui permettre de réprimer toute infection commise par l’intermédiaire de la presse.

151. En ce qui concerne la radiodiffusion, la République n’a retrouvé que récemment son droit de faire fonctionner un service public propre, à la suite d’un accord bilatéral avec l’Italie. Un tel droit est exercé en régime monopolistique par la société qui détient la concession. D’ailleurs, la loi N° 41 du 27 avril 1989 (annexe 19) crée la Société de Radiodiffusion de Saint ‑Marin comme seul agent autorisé à exercer le droit de la République à avoir un service de radio et de télévision, avec l’obligation d’autoriser l’octroi de la concession à une société réglementée par le droit de Saint ‑Marin.

152. L’article 13 de la loi susmentionnée stipule que les services de radio et de télévision fonctionnent dans le respect total des principes garantissant une information complète, objective et impartiale, qu’il s’agisse des faits et événements intérieurs ou internationaux. Conformément aux principes de l’ordre public, des lois de la République, des traités stipulés avec d’autres Etats, des conventions auxquelles Saint ‑Marin est partie et de sa neutralité traditionnelle, les services publics de radio et de télévision concourent à la réalisation des objectifs suivants :

a) encourager la prise de conscience démocratique et la participation active des citoyens en tant qu’expression des droits fondamentaux à la liberté, à la vie et au développement complet du pays ;

b) diffuser les informations et les nouvelles concernant la République, l’actualité et les activités du pays, en prenant en compte des liens avec les régions environnantes ;

c) faire mieux connaître Saint ‑Marin en Europe et dans le monde, et valoriser son identité et son patrimoine historique et culturel ;

d) encourager la participation au débat culturel sur les questions d’actualité importantes comme le renforcement de l’éducation des jeunes, la promotion des droits de l’homme et de la paix entre les peuples, l’égalité de dignité des Etats, la protection de l’environnement, et la coopération et solidarité internationales ;

e) augmenter la prise de conscience des questions européennes ;

f) diffuser les événements sportifs, ainsi que les programmes de variétés.

153. La Commission de contrôle établie par l’article 14 se compose de sept membres nommés par le Grand Conseil, représentant proportionnellement toutes les tendances politiques du Parlement. Cette Commission veille à ce que les services de radio et de télévision respectent bien les principes et objectifs sanctionnés par la loi. En cas de non ‑respect, cette Commission fait un rapport au conseil d’administration de la Société de Radiodiffusion de Saint ‑Marin, qui prend les mesures appropriées, sauf dans les cas qui relèvent d’une juridiction ordinaire ou administrative.

Droit à la liberté de religion

154. Ce droit signifie que tous les citoyens sont libres de professer une religion quelle qu’elle soit, seuls ou en commun avec d’autres personnes, en public ou en privé. Seuls les rites religieux constituant des outrages publics à la pudeur sont interdits. La République de Saint ‑Marin garantit totalement la liberté de religion, qui est protégée par le Code pénal. L’article 260 pénalise la profanation des symboles d’une religion qui ne constituent pas des outrages publics à la pudeur et des objets de culte, ainsi que le dénigrement des services religieux ; l’article 261 punit toute personne qui empêche quelqu’un, par la force ou la menace, de professer sa religion, de la diffuser ou de participer à des cérémonies publiques ou privées. L’article 262 punit toute personne qui empêche ou perturbe les rites, cérémonies et processions se déroulant en présence d’un ecclésiastique.

Droit au secret des communications

155. La République de Saint ‑Marin protège totalement la confidentialité des communications au moyen de règles répressives. A l’heure actuelle, il n’existe aucune disposition légale qui permette de restreindre la liberté de pensée pour des raisons d’ordre ou d’intérêt publics. A ce sujet, il faut souligner qu’écouter ou enregistrer des communications téléphoniques n’est pas permis, même avec l’autorisation de l’autorité judiciaire. De même, la législation saint ‑marinaise n’envisage pas de restreindre le secret de la correspondance provenant du statut d’une personne particulière, même en cas de faillite.

D. Incorporation dans la législation intérieure des règles contenues dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme

156. En règle générale, tous les traités et conventions internationaux signés par l’autorité gouvernementale et ratifiés par le Grand Conseil sont incorporés dans la législation nationale. Ces règles deviennent applicables en vertu de l’ordre d’application contenu dans la loi de ratification. L’ordre d’application n’est pas publié pour réglementer des relations juridiques spécifiques, mais seulement pour adapter le système juridique national aux obligations internationales.

157. Une telle procédure ne s’applique pas dans certains cas. Par exemple, l’article 1 de la Déclaration des droits des citoyens déclare : « La République de Saint ‑Marin considère les règles du droit international général comme faisant partie intégrante de son ordre constitutionnel, rejette la guerre comme moyen de régler les différends entre Etats, adhère aux conventions internationales relatives aux droits de l’homme et aux libertés, et réaffirme le droit à l’asile politique ». Selon cette disposition constitutionnelle, les règles du droit international général et les dispositions des conventions internationales dans le domaine des droits de l’homme et des libertés font automatiquement partie intégrante de la législation nationale et n’ont pas besoin d’un ordre d’application parlementaire pour devenir directement et immédiatement applicables.

158. Conformément à ce qui vient d’être dit ci ‑dessus, les dispositions des instruments internationaux concernant les droits de l’homme et les libertés peuvent être directement invoquées devant les organes judiciaires et appliquées par lesdits organes sans qu’il soit nécessaire de les incorporer dans la législation nationale au moyen de lois ou règlements, étant donné leur nature constitutionnelle et impérative.

159. Outre qu’ils sont inscrits dans l’article 1 de la Déclaration des droits des citoyens, ces principes sont confirmés et renforcés davantage par leur référence expresse aux juges dans l’article 16 de la Déclaration, selon lequel : « les juges respectent les principes de la Déclaration dans l’interprétation et l’application de la loi ». Etant donné que la République de Saint ‑Marin reconnaît l’inviolabilité des droits de l’homme et qu’elle est partie aux conventions internationales sur les droits de l’homme et les libertés, les juges doivent appliquer strictement les règles de ces conventions garantissant lesdits droits et libertés. En d’autres mots, en vertu de cette disposition de la constitution, les juges sont tenus de prendre en compte également les traités portant sur les questions de droits de l’homme, même s’ils n’ont pas été signés, en leur donnant une efficacité officielle. Par conséquent, ces dispositions peuvent être directement invoquées par une partie intéressée. Mais, même si elles ne sont pas invoquées, les tribunaux ordinaires et administratifs sont tenus de les mettre en pratique selon les besoins, étant donné qu’elles forment déjà partie intégrante de la législation nationale, officiellement et immédiatement.

160. Pour résumer, le législateur de Saint ‑Marin a ainsi garanti le respect des principes fondamentaux du système constitutionnel, en évitant qu’ils entrent en conflit avec certains instruments législatifs ou certaines interprétations de la jurisprudence, tout en fournissant également une procédure de vérification de la légitimité des dispositions ordinaires vis ‑à ‑vis de celles qui sont inscrites dans la Déclaration des droits des citoyens. Il est évident qu’un tel mécanisme de garantie constitutionnelle pourrait être utilisé, si nécessaire, pour rapporter les dispositions du droit interne qui entrent en conflit avec celles du droit international général ou des conventions sur les droits de l’homme.

161. Comme la section A l’a déjà montré, à Saint ‑Marin, les tribunaux tant ordinaires qu’administratifs sont habilités à juger les questions relevant des droits de l’homme. Comme cela est indiqué dans les directives concernant les rapports, les textes des lois mentionnées dans le présent rapport ont été présentés en annexe.

Liste des annexes

Leges Statutae Reipublicae Sancti Marini du XVII e  siècle : Sections XIII et XXXI du Livre 1 (annexe 13)

Code de procédure pénale de 1878 (annexe 5)

Loi N° 13 du 5 juin 1923 : compétences du Conseil des XII (annexe 8)

Loi N° 24 du 29 août 1950 : interdiction de la réorganisation du parti fasciste (annexe 17)

Loi N° 45 du 28 octobre 1970 : dispositions réglementant l’arrestation et la détention des personnes par la police (annexe 15)

Loi N° 17 du 25 février 1974 : Code pénal (annexe 4)

Loi N° 86 du 11 décembre 1974 : règles modifiant la procédure pénale (annexe 6)

Loi N° 59 du 8 juillet 1974 : Déclaration sur les droits des citoyens (annexe 1)

Loi N° 23 du 11 mars 1981 : protection des droits des syndicats (annexe 11)

Loi N° 85 du 27 septembre 1984 : dispositions relatives aux passeports (annexe 16)

Loi N° 49 du 26 avril 1986 : réforme du droit familial (annexe 10)

Loi N° 4 du 19 janvier 1989 : procédure de vérification de la légitimité constitutionnelle (annexe 14)

Loi N° 41 du 27 avril 1989 : création de la Société de Radiodiffusion de Saint ‑Marin (annexe 19)

Loi N° 68 du 28 juin 1989 : justice administrative (annexe 3)

Loi N° 83 du 28 octobre 1992 : système judiciaire (annexe 2)

Loi N° 9 du 2 février 1994 : amendements au Code pénal et au Code de procédure pénale (annexe 7)

Loi N° 55 du 17 juin 1994 : procédure civile (annexe 9)

Loi N° 70 du 23 mai 1995 : dispositions relatives aux bases de données (annexe 18)

Loi N° 81 du 14 juin 1995 : dispositions relatives à la restitutio in integrum et à la 7 querela nullitatis (annexe 12)

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