Nations Unies

HRI/CORE/TUN/2016

Instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme

Distr. générale17 janvier 2017FrançaisOriginal : arabe

Document de base faisant partie intégrantedes rapports présentés par les États parties

Tunisie *

[Date de réception : 5 décembre 2016]

Document de base commun

République tunisienne

Août 2016

Table des matières

Page

I.Renseignements d’ordre général4

1.Rappel historique4

2.Caractéristiques démographiques, économiques, sociales et culturelles5

3.Structure constitutionnelle, politique et juridique5

II.Cadre général de la protection et de la promotion des droits de l’homme8

1.Cadre général de la protection des droits de l’homme8

A.Adhésion de la Tunisie au système onusien de protection des droits de l’homme8

Ratification des principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme8

Place des instruments internationaux dans le système juridique tunisien11

B.Cadre juridique de la protection des droits de l’homme au niveau national12

Protection constitutionnelle des droits de l’homme12

Protection législative des droits de l’homme14

1.Protection légale des droits civils et politiques14

2.Protection légale des droits économiques, sociaux et culturels16

C.Cadre institutionnel de la protection des droits de l’homme17

Les Instances constitutionnelles indépendantes17

L’Instance supérieure indépendante pour les élections17

L’Instance de la communication audiovisuelle 17

La Commission de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption18

L’Instance du développement durable et des droits des générations futures18

L’Instance des droits de l’Homme18

Autres instances indépendantes18

L’Instance nationale pour la prévention de la torture 18

L’Instance Vérité et Dignité19

Les voies de recours disponibles20

La Cour constitutionnelle21

Les tribunaux judiciaires21

La justice judiciaire21

La Cour de cassation 21

Les cours d’appel22

Les tribunaux de première instance22

Les tribunaux cantonaux23

Le tribunal immobilier23

La justice administrative23

Le Conseil des conflits de compétences24

La justice financière24

La justice militaire24

Les instances non juridictionnelles25

Le médiateur administratif26

2.Cadre général de la promotion des droits de l’homme26

Le rôle de l’Assemblée des représentants du peuple26

L’instance nationale des droits de l’homme : le Comité des droits de l’Homme.27

La diffusion de la culture des droits de l’homme et des instruments internationaux pertinents27

Le processus d’établissement des rapports 29

Autres informations31

III.Égalité et non-discrimination31

1.Égalité et non-discrimination dans la Constitution de 201431

2.Instruments internationaux adoptés en matière d’égalité des sexes32

3.Législation nationale relative à l’égalité des sexes32

Participation des femmes au pouvoir exécutif35

Participation des femmes au pouvoir législatif 35

Participation des femmes au pouvoir judiciaire36

La Tunisie soumet le présent rapport dans le cadre de la mise à jour du document de base commun déposé auprès du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies le 8 juin 1994 (no46) à la lumière des changements subis par le pays après la révolution (17 décembre14 janvier 2011) et suite aux rapports périodiques présentés aux organes conventionnels et au Conseil des droits de l’homme, aux visites sur le terrain effectuées par des rapporteurs spéciaux et des groupes de travail en Tunisie et à leurs recommandations au sujet de la mise en œuvre effective des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

Le présent rapport remplace le précédent document de base commun. Il est déposé auprès du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies.

I.Renseignements d’ordre général

1.Rappel historique

1.La Tunisie est un État libre, indépendant et souverain, l’Islam est sa religion, l’arabe sa langue et la République son régime. C’est un État civil, fondé sur la citoyenneté, la volonté du peuple et la primauté du droit. D’une superficie de 163 610 kilomètres carrés, sa capitale est Tunis. Le pays se situe au nord de l’Afrique, entre les points de latitude 30  14΄ et 37  13΄ N et les points de longitude 7  32΄ et 11  36΄ E. Il est bordé au Nord et à l’Est par la Méditerranée et partage des espaces frontaliers avec la Libye au Sud-Est et l’Algérie à l’Ouest.

2.L’histoire de la Tunisie remonte à plus de 3 000 ans, époque à laquelle la population autochtone était berbère (Amazigh) et libyque. Plusieurs civilisations ont ensuite laissé leur empreinte dans le pays (Phéniciens, Carthaginois, Romains, Vandales, Byzantins...), sans omettre l’apport de toutes les communautés islamiques (aghlabides, fatimides, hafsides et ottomans). Ce brassage a constitué une source de richesse civilisationnelle et culturelle pour le peuple tunisien et même si la communauté arabo-musulmane est majoritaire dans le pays, les sanctuaires et lieux de culte des communautés chrétiennes et juives tunisiennes jouissent de la protection de l’État.

3.Au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle, la Tunisie a connu des difficultés économiques et financières qui ont conduit à une insurrection populaire et à la suspension du Pacte fondamental (sorte de Déclaration des droits de l’homme) et de la Constitution de 1861. La France a profité de l’endettement de l’État tunisien et de la détérioration de la situation interne du pays pour imposer le Protectorat en 1881. Après trois quarts de siècle de lutte contre le colonialisme français, la Tunisie a accédé à l’indépendance en 1956 et a commencé à construire un État moderne en s’inspirant de son héritage juridique antérieur.

4.Depuis l’indépendance, la Tunisie a accompli d’importants progrès et a notamment réformé en profondeur plusieurs secteurs, tels que l’éducation et la santé ; de même qu’elle a veillé à améliorer la situation des femmes. Néanmoins, il n’y a pas eu d’évolution parallèle dans le domaine de la démocratie, de la protection des droits et libertés et de la justice sociale.

5.En outre, la détérioration générale de la situation du pays et l’impasse politique dans laquelle il se trouvait ont débouché sur une révolution populaire qui a éclaté le 17 décembre 2010 et s’est poursuivie jusqu’au 14 janvier 2011, entraînant une série de répercussions qui se sont manifestées bien au-delà de cette période, étant précisé que les événements ont essentiellement été le fait de victimes de la situation antérieure réclamant la dignité, l’emploi et la justice sociale et que la chute de l’ancien régime a été suivie par l’élection d’une Assemblée nationale constituante le 23 octobre 2011.

6.L’Assemblée élue a élaboré une nouvelle Constitution, adoptée le 27 janvier 2014, qui a jeté les bases d’un État civil fondé sur les droits et libertés, l’égalité entre citoyens et citoyennes, le rejet de toutes les formes de discrimination, la liberté de croyance et de conscience, la justice sociale, l’équilibre entre les régions et l’instauration des mécanismes de protection appropriés, tels que la Cour constitutionnelle et le Conseil supérieur de la magistrature, ainsi qu’un certain nombre d’instances constitutionnelles. Les premières élections législatives et présidentielles ont été organisées au cours de la même année et ont été qualifiées de libres, impartiales et intègres.

2.Caractéristiques démographiques, économiques, sociales et culturelles

7.Selon le dernier recensement général de la population, effectué en 2014, la Tunisie compte 11 millions d’habitants. Sa situation démographique est stable et le taux d’accroissement naturel de sa population a enregistré une légère hausse, en passant de 1,37% en 2011 à 1,489% en 2014. La structure d’âge de la population a évolué, dans la mesure où l’on se trouvait auparavant face à une société jeune, dont les caractéristiques ont progressivement connu des changements notables. Ainsi, la proportion d’enfants âgés de moins de 5 ans est passée de 11 % en 1994 à 8,9% en 2014 et celle de la tranche d’âge des personnes âgées de 5-14 ans a également enregistré un recul, passant de 21,4 % en 1994 à 14,9% en 2014. À l’inverse, la part de la population active (15-59 ans) a augmenté, puisqu’elle représente désormais 64,5 % de la population totale contre 56,6 % en 1994. La part des personnes âgées de plus de 60 ans a également progressé, passant de 3,8% de la population totale en 1994 à 10,1 % en 2011.

8.À l’instar des pays développés, la Tunisie connaît un vieillissement progressif de sa population, ce qui se manifeste à la fois par une augmentation du pourcentage de seniors et une diminution de la proportion d’enfants. Ainsi, la proportion d’adultes âgés de 60 ans et plus est passée de 4,1% de la population totale en 1956 à 8,3% en 1994 et à 12% en 2014. Les effets de cette évolution démographique sont appelés à se faire sentir au cours des années à venir, notamment dans le domaine de l’éducation, du fait de l’augmentation attendue de la proportion de la population âgée de moins de 15 ans à partir de 2020, liée à la progression de la proportion de la population âgée de moins de 5 ans (8,1% en 2010 à 8,9% 2014) ; mais également dans le secteur de la santé et de la couverture sociale, dont les dépenses ont vocation à croître avec l’augmentation de la proportion de la population âgée de plus de 60 ans et l’accroissement du nombre de personnes atteintes de maladies chroniques, lesquelles représentent 80 % de l’ensemble des maladies prises en charge et enfin en matière de demandes d’emploi additionnelles, compte tenu de l’augmentation du pourcentage de la tranche d’âge des personnes âgées de 15-59 ans, qui a atteint 64,5% de la population totale.

9.Le produit intérieur brut (PIB) a augmenté à un rythme moyen de 4,5 % entre 1990 et 2010, alors que le taux de croissance s’est établi à 1,5 % au cours de la période 2010-2015 en raison de la baisse de l’activité d’un certain nombre de secteurs vitaux, tels que le phosphate et les industries chimiques et du fait de l’instabilité politique, sociale et sécuritaire du pays au cours de la période de transition démocratique.

3.Structure constitutionnelle, politique et juridique

10.La nouvelle Constitution tunisienne détermine la structure constitutionnelle et politique de l’État tunisien et consacre l’existence d’un régime républicain, démocratique et participatif dans le cadre d’un État civil fondé sur la citoyenneté, la volonté du peuple et la primauté du droit, dans lequel la souveraineté appartient au peuple, lequel l’exerce sur la base de l’alternance pacifique au pouvoir, par le biais d’élections libres et sur le fondement du principe de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs. Conformément aux dispositions de la Constitution, le peuple est le titulaire de la souveraineté, qu’il exerce indirectement à travers ses représentants élus à l’Assemblée des représentants du peuple ou directement par voie de référendum. En outre, l’État est le garant des droits et libertés individuels et collectifs et la loi constitue le lien entre tous les citoyens, hommes et femmes, qui sont égaux devant elle, ainsi qu’en droits et en devoirs, sans discrimination. Les instances judiciaires veillent à la protection des droits et libertés contre toute atteinte.

11.La Constitution garantit la liberté de constituer des partis politiques, des syndicats et des associations et l’exercice de leurs activités dans le respect de la Constitution, des principes de transparence financière et de rejet de la violence. Les partis politiques veillent à l’encadrement et à la formation politique des citoyens, ainsi qu’au renforcement de leur engagement dans la vie publique selon une approche participative et pluraliste. Les organisations syndicales et professionnelles participent à la défense et à la promotion des droits et intérêts de leurs adhérents. En ce qui concerne les associations, leur constitution est désormais régie par le régime déclaratif, ce qui a permis à plusieurs groupements autrefois interdits de régulariser leur situation et d’exercer leurs activités conformément à la loi.

12.L’Assemblée des représentants du peuple exerce le pouvoir législatif et jouit de l ’ autonomie administrative et financière. Ses membres tirent leur légitimité du peuple qui les élit pour un mandat de5 ans au suffrage universel, libre, direct, honnête et transparent conformément aux dispositions de la loi électorale. Ils jouissent de l’immunité parlementaire. L’Assemblée discute les projets de lois et les adopte. L’initiative législative est exercée par des propositions de lois émanant d’au moins 10 députés. L’Assemblée exerce un contrôle sur l’action du pouvoir exécutif. En tant que composante essentielle de l’Assemblée des représentants, l’ opposition a des droits lui permettant d’accomplir ses missions dans le cadre de l’action parlementaire. L’Assemblée des représentants du peuple peut habiliter le Chef du Gouvernement par une loi à prendre des décrets-lois dans le cadre du domaine de la loi pour une période n’excédant pas deux mois et en vue d’un objectif déterminé, à l’exception du régime électoral. À l’expiration de ce délai, ces décrets-lois sont soumis à l’approbation de l’Assemblée. En cas de dissolution de l’Assemblée des représentants du peuple, le Président de la République peut, en accord avec le Chef du Gouvernement, prendre des décrets-lois soumis à l’approbation de l’Assemblée au cours de la session ordinaire suivante.

13.Le pouvoir exécutif est exercé par le Président de la République et par un Gouvernement dirigé par un Chef du Gouvernement. Le Président de la République est le chef de l’État et le symbole de son unité. Il garantit son indépendance et sa continuité et veille au respect de la Constitution. Il est élu pour un mandat de 5 ans au suffrage universel, libre, direct, honnête et transparent et à la majorité absolue des suffrages exprimés. Nul ne peut exercer les fonctions de Président de la République pendant plus de deux mandats entiers, successifs ou séparés et aucun amendement ne peut augmenter en nombre ou en durée les mandats présidentiels. Le Président de la République représente l’État et détermine les politiques générales dans les domaines de la défense, des relations étrangères et de la sécurité nationale pour assurer la protection de l’État et du territoire national contre toute menace intérieure ou extérieure, après consultation du chef du Gouvernement. En tant que Commandant suprême des forces armées, le Chef de l’État préside le Conseil de sécurité nationale auquel il convoque le chef du Gouvernement et le Président de l’Assemblée des représentants du peuple. Il peut également déclarer la guerre et conclure la paix, après approbation de l’Assemblée des représentants du peuple. Le Président de la République exerce ses pouvoirs par voie de décrets présidentiels.

14.Le Gouvernement se compose d’un Chef du Gouvernement, de ministres et de secrétaires d’État choisis par le Chef du Gouvernement, en concertation avec le président de la République. Le Gouvernement est issu de la majorité des membres présents de l’Assemblée des représentants du peuple et exerce le pouvoir exécutif. Il est chargé, sous l’autorité du Chef du Gouvernement, d’exécuter son programme d’action dans le respect de la politique générale de l’État et des lois. Il est responsable devant l’Assemblée des représentants du peuple. Le Chef du Gouvernement exerce le pouvoir réglementaire général par décret et peut déléguer ses pouvoirs à un ministre. La Constitution a veillé à trouver un équilibre entre les deux têtes de l’exécutif, au moyen de la concertation et du dialogue.

15.Le pouvoir judiciaire estindépendant. Les magistrats sont indépendants et ne sont soumis, dans l’exercice de leurs fonctions qu’à l’autorité de la loi. Les magistrats sont nommés par décret présidentiel sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Ils veillent à garantir la protection des droits et libertés, l’instauration de la justice, la suprématie de la Constitution et la souveraineté de la loi. Les magistrats ne peuvent être mutés sans leur consentement. Ils ne peuvent être révoqués, ni faire l’objet d’une mesure de suspension ou de cessation de leurs fonctions, ni d’une sanction disciplinaire, sauf en vertu d’une décision motivée du Conseil supérieur de la magistrature, dans les cas prévus par la loi et conformément aux garanties légales. Toute ingérence dans le fonctionnement de la justice est interdite.

16.Le Conseil supérieur de la magistrature se compose de 4 organes, à savoir le Conseil de la magistrature judiciaire, le Conseil de la magistrature administrative, le Conseil de la magistrature financière et l’Assemblée plénière des trois Conseils de la magistrature. Il veille au bon fonctionnement de la magistrature et au respect de son indépendance. La loi garantit le double degré de juridiction. Les catégories de tribunaux sont créées par la loi. La création de tribunaux d’exception est interdite, ainsi que l’édiction de procédures exceptionnelles de nature à porter atteinte aux principes d’un procès équitable. La Constitution dispose que les tribunaux militaires sont compétents pour connaître des infractions à caractère militaire. La loi détermine leurs compétences, leur composition, leur organisation, les procédures suivies devant eux et le statut général de leurs magistrats.

17.Une Cour constitutionnelle a été créée en tant qu’instance juridictionnelle indépendante exclusivement compétente pour contrôler la constitutionnalité des projets de lois sur recours du Président de la République, du Chef du Gouvernement ou de 30 membres de l’Assemblée des représentants du peuple. Elle examine les traités que lui soumet le Président de la République avant la promulgation des projets de lois relatifs à leur approbation, ainsi que les lois que lui renvoient les tribunaux, suite à une exception d’inconstitutionnalité soulevée par l’une des parties. Ses décisions sont motivées et s’imposent à tous les pouvoirs publics.

18.Le pouvoir local est fondé sur la décentralisation que l’État s’engage à instaurer sur l’ensemble du territoire national. La décentralisation est concrétisée par des collectivités locales comprenant des municipalités, des régions et des districts et toutes autres collectivités locales éventuellement créées par la loi. Les collectivités locales sont des personnes morales dirigées par des conseils municipaux ou régionaux élus. Elles jouissent de la personnalité juridique et de l’autonomie administrative et financière. Elles gèrent librement leurs ressources, selon les règles de la bonne gouvernance et sous le contrôle de la justice financière. Elles administrent les intérêts locaux conformément au principe de la libre administration. Les collectivités locales peuvent collaborer et créer entre elles des partenariats, en vue de mettre en œuvre des programmes ou réaliser des actions d’intérêt commun. Elles peuvent également établir des relations extérieures de partenariat et de coopération décentralisée. Les collectivités locales disposent de compétences propres, de compétences partagées avec l’autorité centrale et de compétences déléguées par cette dernière. Elles gèrent les affaires locales dans le respect de l’unité de l’État et adoptent les mécanismes de la démocratie participative et les principes de la gouvernance ouverte afin de garantir une plus large participation des citoyens et de la société civile à l’élaboration des projets de développement et d’aménagement du territoire, ainsi qu’au suivi de leur exécution, conformément à la loi.

19.Un Haut conseil des collectivités locales a été créé en tant qu’organisme représentatif des conseils des collectivités locales, dont le siège a vocation à être installé hors de la capitale. Il est chargé d’examiner les questions relatives au développement et à l’équilibre entre les régions et d’émettre son avis sur les projets de lois relatifs à la planification, au budget et aux finances locales. La justice administrative statue sur tous les litiges susceptibles de naître entre collectivités locales ou entre l’autorité centrale et les collectivités locales.

II.Cadre général de la protection et de la promotion des droits de l’homme

1.Cadre général de la protection des droits de l’homme

A.Adhésion de la Tunisie au système onusien de protection des droits de l’homme

Ratification des principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme

20.La Tunisie a ratifié la plupart des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, comme indiqué dans le tableau ci-après :

Instruments internationaux

N o

Instrument

Date de la ratification

Référence de la ratification

1

Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide

1956

29 novembre 1956

2

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

1966

Loi no66-70 du 28novembre 1966

3

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

1968

Loi no68-30 du 29novembre 1968

4

Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques

2011

Décret-loi no2011-3 du 19 février 2011

Décret no2011-551 du 14 mai 2011

5

Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

1968

Loi no 68-30 du 29novembre 1968

6

Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité

1972

Loi no72-11 du 10mars 1972

7

Convention sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid

1976

Loi no76-89 du 4novembre 1976

8

Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes

1985

Loi no85-68 du 12juillet 1985

9

Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes

2008

Loi no2008-35 du 9juin 2008

Décret no2008-2502 du 7 juillet 2008

10

La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (1984)

1988

Loi no88-79 du 11juillet 1988

11

Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

2011

Décret-loi no 2011-5 du 19 février 2011

Décret no2011-552 du 17 mai 2011

12

Convention internationale contre l’apartheid dans les sports

1989

Loi no89-29 du 27février 1989

13

Convention relative aux droits de l’enfant

1991

Loi no91-92 du 29novembre 1991

14

Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés

2002

Loi no2002-42 du 7mai 2002

15

Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants

2002

Loi no2002-42 du 7mai 2002

16

Convention relative aux droits des personnes handicapées

2008

Loi no2008-4 du 11février 2008

Décret no2008-568 du4 mars 2008

17

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

2011

Décret-loi no2011-2 du 19 février 2011

Décret no2011-550 du14 mai 2011

18

Statut de Rome de la Cour pénale internationale et Accord sur les privilèges et immunités de la Cour

2011

Décret-loi no2011-4 du 19 février 2011

Décret no2011-549 du14 mai 2011

19

Les quatre Conventions de Genève

1957

4 mai 1957

20

Les deux Protocoles additionnels de 1977

1979

9 août 1979

21

Convention de l’UNESCO concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement

1969

29 août 1969

22

Convention no19 de l’Organisation internationale du Travail sur l’égalité de traitement (réparation des accidents du travail) (1925)

1956

12 juin 1956

23

Convention no11 de l’Organisation internationale du Travail sur le droit d’association (agriculture) (1921)

1957

15 mai 1957

24

Convention no29 de l’Organisation internationale du Travail sur le travail forcé (1930)

1962

17 décembre 1962

25

Convention no98 de l’Organisation internationale du Travail sur le droit d’organisation et de négociation collective (1949)

1957

15 mai 1957

26

Convention no111 de l’Organisation internationale du Travail concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession (1958)

1959

14 septembre 1959

27

Convention no100 de l’Organisation internationale du Travail sur l’égalité de rémunération (1951)

1968

11 octobre 1968

28

Convention no105 de l’Organisation internationale du Travail sur l’abolition du travail forcé (1957)

1959

12 janvier 1959

29

Convention no138 de l’Organisation internationale du Travail sur l’âge minimum d’admission à l’emploi (1973)

1995

19 octobre 1995

30

Convention no182 de l’Organisation internationale du Travail sur les pires formes de travail des enfants (1999)

2000

28 février 2000

31

Convention no122 de l’Organisation internationale du Travail sur la politique de l’emploi (1964)

1966

17 février 1966

Instruments régionaux

N o

Convention

Date de r atification

Référence de la ratification

1

Charte africaine des droits de l’homme et des peuples

1982

Loi no82-64 du 6 août 1982

2

Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif à la création de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples

2007

Loi no2007-47 du 17 juillet 2007

Décret no2007-2135 du 21 août 2007

Place des instruments internationaux dans le système juridique tunisien

21.L’article 20 de la Constitution de 2014 dispose ce qui suit : « Les conventions approuvées par le Parlement et ratifiées sont supérieures aux lois et inférieures à la Constitution. » Ainsi, le droit tunisien reconnaît les instruments ratifiés, notamment ceux relatifs aux droits de l’homme, qui sont considérés comme faisant partie intégrante de son ordre juridique interne. Ils sont dotés d’une autorité supra-législative, qui demeure cependant infra-constitutionnelle, ce qui veut dire qu’en cas de conflit entre le droit interne et un instrument international ratifié, les tribunaux peuvent appliquer directement les instruments relatifs aux droits de l’homme ratifiés, à l’exception des traités nécessitant la mise en place d’un cadre juridique interne en matière d’incriminations et de sanctions. Tout justiciable peut invoquer les dispositions des instruments internationaux devant les instances nationales, notamment judiciaires. La jurisprudence tunisienne a précédemment invoqué la Déclaration universelle des droits de l’homme, ainsi que la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, dans une affaire relative au statut personnel.

22.Il convient également de noter que la Tunisie a promulgué en 2013 la loi organique no2013-53 relative à l’instauration de la justice transitionnelle et à son organisation, créant notamment des chambres spécialisées au sein des tribunaux de première instance siégeant auprès des cours d’appel. L’article 8 du même texte précise que lesdites chambres statuent sur les affaires relatives aux atteintes graves aux droits de l’homme au sens des Conventions internationales ratifiées et des dispositions de la loi, ce qui constitue une référence explicite aux instruments internationaux.

23.Au niveau international, la Tunisie a reconnu la compétence de la plupart des organes conventionnels de suivi des traités par l’adhésion aux textes portant création des mécanisme de plainte ou au moyen de communications individuelles (Comité des droits de l’homme, Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, Comité des droits des personnes handicapées), ou encore au moyen de déclarations reconnaissant cette compétence, à l’instar de celle adressée au Comité contre la torture, lorsque la Tunisie a accepté les dispositions des articles 21 et 22 lors de la ratification de cette Convention, ce qui a permis audit Comité d’examiner les plaintes individuelles déposées contre l’État tunisien.

24.Sur le plan régional, la Tunisie a reconnu la compétence de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples suite à son adhésion à la Charte africaine du même nom ; de même qu’elle a accepté la juridiction obligatoire de la Cour africaine des droits de l’homme en signant, le 6 septembre 1998, le Protocole relatif à sa création, étant précisé que le dépôt des instruments de ratification a été enregistré le 5 octobre 2007. Cependant, elle n’a pas encore prononcé la déclaration prévue à l’alinéa 6 de l’article 34 du Protocole, concernant l’acceptation de la juridiction de la Cour en matière de requêtes émanant de particuliers et d’organisations non gouvernementales ayant statut d’observateurs auprès de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples.

B.Cadre juridique de la protection des droits de l’homme au niveau national

25.Soucieuse d’honorer ses engagements en matière de droits de l’homme, la Tunisie a instauré un système juridique et institutionnel visant à les protéger et à les promouvoir, en veillant notamment à partir de 2011 à les consolider et à les renforcer au moyen d’un alignement de la législation nationale y afférente sur le système international auquel le pays a adhéré, ainsi que par la mise en place d’institutions gouvernementales et d’instances nationales indépendantes spécialisées dans ce domaine.

Protection constitutionnelle des droits de l’homme

26.L’Assemblée nationale constituante a inscrit les droits et libertés dans le texte de la Constitution de 2014 afin de garantir leur primauté dans l’ordre juridique interne, ne laissant à la loi que le pouvoir de déterminer les règles régissant leur exercice conformément aux dispositions prévues par la Constitution.

27.L’article 6 de la Constitution dispose que l’État garantit la liberté de croyance et de conscience et le libre exercice des cultes. La Constitution a consacré l’intégralité de son Chapitre II aux droits politiques, civils, économiques, sociaux et culturels, incluant notamment le droit au développement et les libertés collectives et individuelles. Elle a proclamé l’égalité des citoyens et citoyennes en droits et en devoirs, ainsi que leur égalité devant la loi sans discrimination, tout en indiquant que le droit à la vie était sacré et qu’il ne pouvait y être porté atteinte que dans des cas extrêmes fixés par la loi. La Constitution a également imposé à l’État l’obligation de protéger la dignité de la personne et son intégrité physique, de même qu’elle a interdit la torture morale et physique et affirmé le caractère imprescriptible des crimes de torture. Elle a aussi garanti la protection de la vie privée, l’inviolabilité du domicile et le secret des correspondances, des communications et des données personnelles.

28.La Constitution a consacré la présomption d’innocence jusqu’à l’établissement de la culpabilité du prévenu dans le cadre d’un procès équitable lui assurant toutes les garanties de la défense pendant les poursuites et lors de l’examen de l’affaire par un tribunal. Elle a également réaffirmé le principe de la personnalité des peines, lesquelles ne peuvent être prononcées qu’en vertu d’une loi antérieure, hormis le cas d’un texte plus favorable à l’inculpé. La Constitution dispose également qu’aucune personne ne peut être arrêtée ou placée en détention, sauf en cas de flagrant délit ou sur la base d’une décision de justice, étant précisé que dans ce cas, ladite personne doit être immédiatement informée de ses droits et des charges retenues contre elle et a le droit de se faire représenter par un avocat. Selon la Constitution, la durée de l’arrestation ou de la détention est fixée par la loi et tout détenu a droit à un traitement humain préservant sa dignité, étant précisé que l’État est tenu de prendre en considération l’intérêt de la famille et de veiller, lors de l’exécution des peines privatives de liberté, à la réhabilitation du détenu, ainsi qu’à sa réinsertion sociale.

29.La Constitution garantit les libertés d’opinion, de pensée, d’expression, d’information et de publication et interdit tout contrôle préalable sur leur exercice. Elle prévoit que l’État garantit le droit à l’information, ainsi que le droit d’accès à l’information, de même qu’il œuvre à garantir le droit d’accès aux réseaux de communication. La Constitution garantit également les libertés académiques et la liberté de la recherche scientifique et assure les ressources nécessaires au progrès de la recherche scientifique et technologique. Les droits d’élection, de vote et de candidature, conformément aux dispositions légales, sont garantis par la Constitution et l’État veille à garantir la représentativité des femmes au sein des assemblées élues. La Constitution garantit la liberté de constitution des partis politiques, syndicats et associations, à condition qu’ils s’engagent dans leurs statuts et leurs activités à respecter les dispositions de la Constitution et de la loi, à la transparence financière et au rejet de la violence. La Constitution a également consacré le droit syndical et le droit de grève, lequel ne s’applique pas à l’Armée nationale, aux forces de sécurité intérieure et aux agents des douanes. Les libertés de réunion et de manifestation pacifique sont pour leur part garanties.

30.La Constitution garantit le droit de chaque personne à la santé, à la prévention et aux soins sanitaires, ainsi qu’à la fourniture des moyens nécessaires à la sécurité et à la qualité des services de santé. Elle prévoit aussi la gratuité des soins au profit des personnes sans soutien ou ne disposant pas de ressources suffisantes, ainsi que le droit à une couverture sociale, conformément à la loi. Selon la Constitution, l’instruction est obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans et le droit à un enseignement public et gratuit à tous les niveaux est garanti. L’État veille à diffuser la culture des droits de l’homme, garantit le droit au travail dans des conditions décentes et en contrepartie d’un salaire équitable, de même qu’il garantit le droit de propriété et son inviolabilité, étant précisé qu’il ne peut y être porté atteinte que dans les cas et avec les garanties prévues par la loi. En outre, la propriété intellectuelle, le droit à la culture, la liberté de la création, la protection du patrimoine culturel et les droits des générations futures sont garantis par la Constitution et l’État veille à encourager l’exercice des activités sportives.

31.La Constitution a consacré les droits à l’eau et à un environnement sain et équilibré. Elle dispose également que l’État contribue à la sécurité du climat et fournit les moyens nécessaires à l’élimination de la pollution de l’environnement, de même qu’il s’engage à protéger les droits acquis des femmes, à les promouvoir et à les consolider, à garantir l’égalité des chances entre hommes et femmes pour l’accès aux diverses responsabilités et dans tous les domaines, à réaliser la parité entre hommes et femmes au sein des assemblées élues et à prendre les mesures nécessaires visant à éradiquer la violence faite aux femmes. La protection des enfants incombe aux parents, mais l’État doit pour sa part leur garantir les droits à la dignité, à la santé, aux soins, à l’éducation et à l’enseignement et leur fournir toute forme de protection, sans discrimination et conformément à leur intérêt supérieur. Il appartient également à l’État de protéger les personnes handicapées contre toute forme de discrimination et de les faire bénéficier, selon la nature de leur handicap, de toutes les mesures leur garantissant une pleine intégration au sein de la société.

Restrictions relatives à l’exercice des droits et libertés garantis par la Constitution

32.La Constitution de 2014 prévoit qu’aucun amendement ne peut porter atteinte aux acquis en matière de droits et libertés garantis par ses dispositions et que seule la loi peut fixer des restrictions concernant leur exercice, sans les vider de leur essence. Elle ajoute que ces restrictions ne peuvent être établies que pour répondre aux exigences d’un État civil et démocratique, et en vue de sauvegarder les droits d’autrui ou les impératifs de la sûreté publique, de la défense nationale, de la santé publique ou de la moralité publique, tout en respectant la proportionnalité entre ces restrictions et leurs justifications et en précisant que les instances juridictionnelles veillent à la protection des droits et libertés contre toute atteinte (art. 49 de la Constitution). La Constitution a confié à la magistrature, en tant que pouvoir indépendant, la mission de garantir l’instauration de la justice, la suprématie de la Constitution, la souveraineté de la loi et la protection des droits et libertés (art. 102). Selon la Constitution, la profession d’avocat est libre et indépendante et participe à l’instauration de la justice et à la défense des droits et libertés (art.105). En outre, en cas de saisine de la Cour constitutionnelle sur la base d’une exception d’inconstitutionnalité, cette instance peut contribuer à la protection des droits et libertés (art. 123).

Protection législative des droits de l’homme

33.Le législateur tunisien a consacré un certain nombre de droits et libertés avant l’adoption de la Constitution de 2014 et a renforcé leur protection ultérieurement, au moyen de l’adoption accélérée de plusieurs textes venant concrétiser les engagements de la Tunisie au titre des instruments internationaux ratifiés par le pays ou auxquels il a adhéré.

1.Protection légale des droits civils et politiques

34.Le Code pénal adopté en 1913 inclut les infractions passibles de sanction commises sur le territoire tunisien. Il s’agit de la réglementation pénale de droit commun relative aux incriminations et aux sanctions en Tunisie, qui a subi un certain nombre de modifications substantielles en 2005. Ce Code a été révisé plusieurs fois par différents textes, notamment par la loi portant suppression de la peine de travaux forcés adoptée en 1989, ainsi que par la loi incriminant la torture en 1999. Le Code pénal a également été modifié et complété par un décret-loi de 2011, ainsi que par la loi no 2010-40 pénalisant les actes de correction infligés à un enfant par des personnes ayant autorité sur lui, telles que parents ou éducateurs.

35.Le Code de procédure pénale promulgué en 1968 constitue le droit commun de la procédure à suivre devant les juridictions pénales et régit les règles de la garde à vue, des poursuites, de l’instruction et du jugement. Ce texte précise les parties ayant vocation à intervenir dans le cadre d’un procès pénal (police judiciaire, ministère public, juges d’instruction et tribunaux pénaux) ainsi que leurs compétences respectives, les garanties accordées au prévenu pendant la garde à vue, la détention provisoire et au cours des différents stades de l’enquête, de l’instruction et du jugement et détermine les conditions permettant de bénéficier de l’amnistie ou de la grâce, ainsi que celles régissant l’extradition. Ce Code a fait l’objet de plusieurs modifications, dont la dernière en date remonte à 2016, visant à renforcer les garanties des prévenus pendant la garde à vue et la détention provisoire, ainsi qu’à réduire la durée de garde à vue et à la soumettre à une autorisation du procureur de la République.

36.Afin de renforcer les garanties de l’accusé, une loi permettant aux personnes dont l’innocence a été prouvée de demander réparation des préjudices subis a été promulguée en 2002.

37.Le décret-loi portant amnistie générale et consacrant le droit à la réintégration dans leur emploi et à l’indemnisation des victimes de violations et de poursuites judiciaires sous l’ancien régime, notamment pour des motifs politiques ou en matière de libertés de la presse et d’expression, a été promulgué en 2011 et renforcé par la loi relative à l’instauration de la justice transitionnelle créant l’instance Vérité et Dignité chargée de mener des enquêtes sur les violations commises au cours de la période allant du 1er juillet 1955 jusqu’à la date de sa promulgation, de demander des comptes et de poursuivre les coupables, ainsi que de veiller à la réparation et à l’indemnisation des victimes en vue de contribuer à la réconciliation nationale, conformément aux principes onusiens de justice transitionnelle. En ce qui concerne les droits politiques, le Code électoral de 1969, sur la base de la Constitution de 2014, a été abrogé et remplacé par un nouveau texte définissant les conditions et procédures relatives aux élections, aux candidatures aux élections présidentielles et législatives, au mode de scrutin et aux campagnes électorales.

38.La loi organique no 2004-63 relative à la protection des données à caractère personnel constitue le premier texte comportant des dispositions régissant le traitement des données à caractère personnel par des tiers et les conditions prévues à cet effet. La loi de 1968 définit les conditions de séjour des étrangers en Tunisie, notamment les conditions d’octroi d’un titre de séjour temporaire ou permanent. En outre, le Code de la nationalité, qui définit la manière dont un étranger peut acquérir la nationalité tunisienne (par filiation ou par naturalisation) a été modifié dernièrement pour permettre à la mère tunisienne de transmettre sa nationalité à son enfant lorsque le père est étranger.

39.Plusieurs textes régissant la liberté d’expression ont été promulgués après la révolution, tels que le décret-loi no115 relatif à la liberté de la presse, de l’impression et de l’édition, le décret-loi no116 relatif à la liberté de la communication audiovisuelle et portant création d’une Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA), ainsi que le décret-loi no41 relatif à l’accès aux documents administratifs des organismes publics, lequel a été remplacé par la loi organique no2016-22 relative au droit d’accès à l’information, appelée à entrer en vigueur dans le délai d’une année à compter de la date de sa publication, permettant ainsi à la Tunisie de respecter ses engagements internationaux en la matière.

40.Concernant les associations, de nombreux textes ont été édictés, dont les principaux sont le décret-loi no 2011-88 qui a abrogé et remplacé la loi de 1959 et substitué au régime de l’autorisation celui de la déclaration pour la création de ces entités ; ainsi que le décret-loi no 2011-87 portant organisation des partis politiques, qui a abrogé à son tour la précédente loi de 1988, introduisant ainsi une approche pluraliste et participative dans la vie politique et au sein de la société civile.

2.Protection légale des droits économiques, sociaux et culturels

41.Plusieurs lois relatives à la protection des droits économiques, sociaux et culturels ont été promulguées en Tunisie, notamment dans les domaines suivants :

La sphère familiale, couverte par le Code du statut personnel, en vigueur depuis 1956, qui régit les relations entre conjoints au sein de la famille dans le sens d’une concrétisation des principes d’égalité et de non-discrimination. Ce texte a fait l’objet de nombreuses modifications, dont la principale remonte à 1993et aintroduit davantage d’égalité entre hommes et femmes dans la répartition des tâches et responsabilités familiales.

Le secteur de la santé, régi par la loi relative à l’organisation sanitaire, ainsi que par le texte relatif aux maladies transmissibles. L’éducation et l’enseignement sont pour leur part organisés par la loi d’orientation relative à l’éducation et à l’enseignement scolaire de 2002, ainsi que par la loi d’orientation relative à la formation professionnelle.

Le domaine de la protection sociale des catégories vulnérables, couvert par la loi d’orientation relative à la promotion et à la protection des personnes handicapées, la loi relative à la protection des personnes âgées et le Code de protection de l’enfant, l’ensemble étant conforme aux dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant, étant précisé que ce cadre législatif a été renforcé par la protection des enfants nés de parents inconnus.

Le secteur de l’emploi, réglementé par le Code du travail et ses modifications ultérieures, notamment celles résultant de la loi de 1993 portant introduction d’une disposition concernant la non-discrimination entre les hommes et les femmes, ainsi que de la loi portant statut général des personnels de l’État, des collectivités publiques locales et des établissements publics à caractère administratif41.

C.Cadre institutionnel de la protection des droits de l’homme

Les Instances constitutionnelles indépendantes

42.La Constitution de 2014 a consacré un chapitre entier aux instances constitutionnelles indépendantes et a imposé à toutes les institutions publiques le devoir de faciliter l’accomplissement de leurs missions. Les instances constitutionnelles indépendantes œuvrent au renforcement de la démocratie et sont dotées à cet effet de la personnalité juridique et de l’autonomie financière et administrative. Leurs membres sont élus par l’Assemblée des représentants du peuple à une majorité qualifiée. La Constitution a précisé la composition de chacune de ces Instances, les conditions d’éligibilité de leurs membres, la durée de leur mandat et les conditions de son renouvellement. Il s’agit des entités suivantes :

L’Instance supérieure indépendante pour les élections

43.Elle a été créée après la révolution de 2011 en vue de superviser les élections de l’Assemblée nationale constituante et sa mission devait cesser après la proclamation des résultats définitifs des élections du 23 octobre 2011. Elle a été chargée de la préparation des élections, de leur organisation et de leur contrôle, ainsi que de garantir la régularité, l’intégrité et la transparence du processus électoral. Une loi organique adoptée en 2012 a procédé à une restructuration de cette Instance et l’a chargée de veiller à la tenue d’élections et de référendums démocratiques libres, pluralistes, honnêtes et transparents, notamment en matière de renouvellement des mandats législatifs et présidentiels. L’Instance supérieure indépendante pour les élections est une entité publique indépendante dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière et administrative. Elle est composée d’une commission centrale de 16 membres siégeant à la capitale (Tunis) et de sous-commissions au niveau de chaque circonscription électorale, dont les sièges sont situés dans les chefs-lieux des gouvernorats et auprès des missions diplomatiques. La composition et la structure des sous-commissions sont fixées par la commission centrale. L’Instance a été intégrée dans la Constitution de 2014 en tant qu’instance constitutionnelle indépendante.

L’Instance de la communication audiovisuelle

44.Elle est chargée de la régulation et du développement du secteur de la communication audiovisuelle. Elle veille à garantir la liberté d’expression et d’information, le droit d’accès à l’information et l’instauration d’un paysage médiatique pluraliste et intègre. Elle a été créée en 2011 et incorporée à son tour dans la Constitution de 2014 en tant qu’instance constitutionnelle indépendante. Elle est dotée de compétences réglementaires et disciplinaires dans le domaine de l’audiovisuel et de compétences consultatives en matière de réglementation relative à la communication audiovisuelle. Elle exerce ses prérogatives en toute indépendance, sans intervention d’une quelconque partie susceptible d’influer sur ses membres ou ses activités.

La Commission de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption

45.Elle a été instaurée par le décret-loi cadre no 2011-120 sous le nom d’« Instance nationale de lutte contre la corruption » et a remplacé la Commission nationale d’investigation sur les affaires de corruption et de malversation46. Elle a été intégrée dans la Constitution de 2014 qui l’a chargée de participer aux politiques de bonne gouvernance, d’interdiction de la corruption et de lutte contre cette pratique et d’assurer le suivi de la mise en œuvre de ces politiques, ainsi que de la promotion de la culture de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption en vue de consolider les principes de transparence, d’intégrité et de responsabilité en tant que fondements de l’instauration d’un dispositif institutionnel garantissant des droits économiques, sociaux, politiques et culturels universels et indivisibles, tels qu’énoncés par les instruments internationaux ratifiés par la Tunisie. Elle s’acquitte, d’une manière générale, de toutes les tâches se rapportant à la lutte contre la corruption et à l’instauration d’une bonne gouvernance. L’Instance œuvre à collaborer avec ses homologues dans le monde et avec les organisations internationales spécialisées avec lesquelles elle peut conclure des accords de coopération dans les domaines relevant de ses compétences. Elle peut également échanger des documents, études et données avec ces entités, ce qui devrait permettre de signaler rapidement les infractions de corruption et de contribuer à les prévenir et à les détecter.

L’Instance du développement durable et des droits des générations futures

46.Elle est obligatoirement consultée à propos des projets de lois relatifs aux questions commerciales, sociales et environnementales, ainsi qu’en matière de plans de développement.

L’Instance des droits de l’Homme

47.Se reporter à la rubrique consacrée aux institutions nationales, page 24 du paragraphe 82.

Autres instances indépendantes

48.La protection des droits de l’homme n’est pas l’apanage des instances constitutionnelles et il existe d’autres organismes indépendants non inclus dans la Constitution, tels que l’Instance nationale pour la prévention de la torture et l’Instance vérité et dignité.

L’Instance nationale pour la prévention de la torture

49.L’instance nationale pour la prévention de la torture a été créée par la loi organique no2013-43 et chargée de concrétiser les engagements de la Tunisie au titre du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture ratifié par le pays. Il s’agit d’une instance publique indépendante dotée de la personnalité morale et de l’autonomie administrative et financière. Les qualités exigées de ses 16 membres sont l’intégrité, l’indépendance et l’impartialité, étant précisé que 6 d’entre eux doivent représenter les organisations et associations de la société civile agissant dans le domaine de la protection des droits de l’homme et que des médecins et psychiatres doivent également figurer,ès qualité, au nombre de ses membres pour garantir la détection de toutes traces de torture morale et physique conformément à l’article 23 de la Constitution.

50.Les membres de l’Instance sont choisis sur la base du principe de parité, ce qui influe sur la manière dont cette entité aborde les cas des personnes privées de liberté, en fonction de leur sexe. Les membres de l’instance sont considérés comme faisant partie d’une autorité administrative et jouissent à ce titre de l’immunité, y compris après la fin de leur mandat, dans la mesure où ni le président ni aucun membre ne peuvent être poursuivis ou arrêtés en raison d’opinions ou d’actes se rapportant à l’exercice de leurs fonctions, même après l’expiration de leur mandat. En outre, ils ne peuvent être poursuivis ou arrêtés pour crime ou délit, tant que l’Instance ne lève pas l’immunité qui les couvre à la majorité de ses membres. De plus, sur requête de l’Instance, il doit être mis fin à l’éventuelle détention de l’un de ses membres même en cas de flagrant délit.

51.L’Instance nationale pour la prévention de la torture dispose d’un large mandat l’autorisant à visiter tous les lieux de détention, notamment les prisons civiles, les centres de rééducation pour les délinquants mineurs, les centres d’hébergement et d’observation des mineurs, les centres de garde à vue, les établissement de psychothérapie, les centres d’hébergement des réfugiés et des demandeurs d’asile, les centres d’immigrés, les centres de mise en quarantaine, les zones de transit dans les ports et aéroports, les centres de discipline et tous les véhicules utilisés pour le transport des personnes privées de liberté. Les membres de cette instance peuvent s’entretenir en privé et sans témoins avec les personnes privées de liberté ou toutes autres personnes susceptibles de leur fournir des informations, soit directement, soit avec l’aide d’un interprète assermenté le cas échéant. Elle dispose donc de vastes pouvoirs lui permettant d’agir sans restrictions notables, dans la mesure où les autorités concernées ne peuvent s’opposer à une visite périodique ou inopinée d’un lieu déterminé que pour des raisons pressantes et impérieuses liées à la défense nationale, à la sécurité publique, à des catastrophes naturelles ou à des troubles graves là où la visite doit avoir lieu et empêchant provisoirement son déroulement, par décision écrite motivée immédiatement transmise au Président de l’Instance et mentionnant obligatoirement la durée de l’interdiction provisoire, étant précisé que toute infraction aux dispositions précitées est passible de poursuites disciplinaires. Les membres de l’instance ont récemment été élus par l’Assemblée des représentants du peuple et ont entamé leurs travaux.

L’Instance Vérité et Dignité

52.Sur la base des principes des Nations unies relatifs à la justice transitionnelle que tous les États sortant d’une dictature devraient suivre et compte tenu des répercussions et conséquences cumulées résultant d’un lourd héritage d’abus et d’exactions, la Tunisie a promulgué la loi organique no2013-53 du 24 décembre 2013 relative à l’instauration de la justice transitionnelle et à son organisation. L’un des objectifs de ce texte est l’application des principes de redevabilité et de reddition des comptes qui désignent l’ensemble des mécanismes empêchant l’impunité ou la soustraction à la responsabilité. Des chambres spécialisées ont été créées à cet effet pour statuer sur les affaires d’atteintes graves aux droits de l’homme au sens des instruments internationaux ratifiés et des dispositions de la loi précitée, tels que l’homicide volontaire, le viol et toute autre forme de violence sexuelle, la torture, la disparition forcée et la peine de mort prononcée sans les garanties d’un procès équitable. Même si la réconciliation constitue l’un des objectifs de la loi relative à la justice transitionnelle, celle-ci n’implique pas l’impunité ni que des comptes ne soient pas demandés aux personnes responsables des atteintes graves aux droits de l’homme commises entre juillet 1955 (début de l’indépendance du pays) jusqu’à la date de promulgation du texte (24 décembre 2013). L’Assemblée nationale constituante a élu les membres de l’Instance Vérité et Dignité et le Ministère de la justice, des droits de l’homme et de la justice transitionnelle a organisé une Conférence internationale à ce sujet (9 au 11 juin 2014) en présence du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, M. Pablo de Greiff. La loi relative à la justice transitionnelle a défini la victime comme toute personne ayant subi un préjudice suite à une violation commise à son encontre au sens de ses dispositions, qu’il s’agisse d’un individu, d’un groupe d’individus ou d’une personne morale. Sont également considérés comme étant des victimes les membres de la famille ayant subi un préjudice dû à leurs liens de parenté avec la victime au sens des règles de droit commun, ainsi que toute personne ayant subi un préjudice lors de son intervention pour aider la victime ou empêcher son agression. Cette définition inclut toute région ayant subi la marginalisation ou l’exclusion systématique. De même, la loi reconnaît que la réparation des préjudices subis du fait des atteintes aux droits de l’homme est un droit garanti par la loi aux victimes et dispose que l’État, dans la limite de ses ressources et moyens, a le devoir de leur accorder un dédommagement suffisant, efficace et adéquat en fonction de la gravité des violations et de la situation de chaque victime. Toujours selon le texte, la réparation du préjudice est un régime individuel ou collectif basé sur l’indemnisation matérielle et morale, le rétablissement de la dignité, le pardon, la restitution des droits, la réhabilitation et la réinsertion, en tenant compte de la situation des personnes âgées, des femmes, des enfants, des personnes handicapées, des catégories ayant des besoins spécifiques, des personnes malades et des catégories vulnérables. En outre, la loi impose à l’État la fourniture d’une assistance immédiate et d’une indemnisation provisoire aux victimes qui en ont besoin, notamment les personnes âgées, les femmes, les enfants, les personnes handicapées et celles ayant des besoins spéciaux, les malades et les catégories vulnérables, et ce, sans attendre les décisions et jugements prononçant l’indemnisation du préjudice. Le texte impose aussi la prise en charge par l’État des frais de justice dans toutes les affaires relatives aux droits de l’homme au sens de la loi, et ce, conformément aux textes relatifs à l’octroi de l’aide judiciaire et à l’aide juridictionnelle auprès du tribunal administratif.

Les voies de recours disponibles

53.En cas de violation de leurs droits, les victimes ont la possibilité de s’adresser à la justice au moyen des voies de recours disponibles pour violation des droits consacrés par la Constitution ou énoncés par les Conventions auxquelles la Tunisie est partie. Ces recours sont exercés devant la juridiction constitutionnelle, mais également devant les tribunaux judiciaires ou administratifs, selon la nature du droit violé.

54.La loi tunisienne ouvre la possibilité de demander réparation au titre de la responsabilité civile et de se constituer partie civile en matière pénale.

55.L’article premier du Code de procédure pénale pose le principe général régissant la réparation et l’indemnisation des préjudices subis par les victimes, selon lequel toute infraction donne ouverture à une action publique ayant pour but l’application des peines et, si un dommage a été causé, à une action civile en réparation de ce dommage. Ce principe s’applique à toutes les infractions, incluant les atteintes aux droits de l’homme, et donne la possibilité à toute personne ayant subi un préjudice personnel et directement causé par l’infraction de se constituer partie civile parallèlement à l’action publique en engageant une action civile autonome devant un tribunal civil.

56.La loi organique no2013-53 relative à l’instauration de la justice transitionnelle et à son organisation est considérée comme le fondement juridique des demandes en réparation et en indemnisation des préjudices en vue du rétablissement de la dignité des victimes de violations des droits de l’homme commises au cours de la période allant du 1er juillet 1955 jusqu’à la date de promulgation de la loi (24 décembre 2013). Des informations détaillées à ce sujet sont disponibles au paragraphe consacré à l’Instance vérité et dignité.

La Cour constitutionnelle

57.La Cour constitutionnelle fait partie des grandes innovations de la Constitution de 2014 et vient remplacer l’ancien Conseil constitutionnel mis en place en 1990 qui n’avait qu’un rôle consultatif et qui avait été dissous après la révolution (2011). Conformément aux dispositions constitutionnelles, la loi no2015-50 a institué la Cour constitutionnelle en tant qu’instance juridictionnelle indépendante garante de la suprématie de la Constitution et protectrice du régime républicain démocratique et des droits et libertés, appelée à exercer les compétences et prérogatives prévues par la Constitution et énoncées par la loi, ayant son siège à Tunis.

Les tribunaux judiciaires

58.Conformément à la Constitution, la magistrature veille à garantir les droits et libertés et à instaurer la justice. L’organisation juridictionnelle tunisienne comprend plusieurs catégories de juridictions ; certaines ont une compétence générale et d’autres une compétence limitée. Le Chapitre V de la Constitution de 2014 relatif au pouvoir juridictionnel constitue le fondement juridique du prononcé des jugements par les tribunaux, de l’indépendance de la magistrature, de la nomination des magistrats, des nécessaires garanties dont ils bénéficient et de la composition du Conseil supérieur de la magistrature, du Tribunal administratif et de la Cour des comptes.

La justice judiciaire

59.La Constitution de 2014 dispose que la justice judiciaire se compose d’une Cour de cassation, de tribunaux de second degré et de tribunaux de première instance. Elle dispose également que le ministère public fait partie de la justice judiciaire et bénéficie des mêmes garanties constitutionnelles. Les magistrats du ministère public exercent les fonctions qui leur sont dévolues par la loi dans le cadre de la politique pénale de l’État et conformément aux procédures fixées par la loi. En attendant l’adoption d’une loi compatible avec la nouvelle Constitution, les tribunaux judiciaires sont actuellement soumis aux dispositions de la loi de 1967. Ils sont compétents pour statuer sur toutes les affaires civiles et pénales que la loi ne confie pas à d’autres instances juridictionnelles. Le Ministère de la justice a élaboré une série de guides des procédures applicables devant les différents tribunaux, disponibles sur son site officiel, en vue de diffuser l’information judiciaire et faciliter l’accès des justiciables à la justice et aux différents degrés de juridiction. Le système judiciaire compte 142 juridictions réparties comme suit :

La Cour de cassation

60.La Cour de cassation a été désignée en tant qu’institution suprême de l’ordre judiciaire par le décret du 3 août 1956. Ses compétences sont les suivantes :

En matière civile, elle examine les décisions rendues en dernier ressort dans 7 cas déterminés par l’article 175 du code de procédure civile et commerciale, notamment en cas de violation de la loi. Elle est également compétente en matière de règlement de juges et de prise à partie ;

En matière pénale, elle est compétente, selon l’article 258 du code de procédure pénale, pour connaître des pourvois en cassation contre les décisions rendues sur le fond et en dernier ressort, même exécutées, pour incompétence, excès de pouvoir, violation ou erreur dans l’application de la loi.

61.Elle est également compétente en matière de règlement de juges et de renvoi d’un tribunal à un autre. Elle statue, toutes chambres réunies, chaque fois qu’il s’agit d’assurer l’unité de la jurisprudence entre les différentes chambres ou en cas de faute grave, dans ce cas, elle se compose du premier président, des président de chambres et du conseiller le plus ancien de chaque chambre et siège en présence du procureur général et d’un greffier.

Les cours d’appel

62.Il existe en Tunisie 12 cours d’appel, les deux dernières ayant été créées en 2013 . Leurs compétences sont les suivantes :

En matière civile, les cours d’appel sont compétentes pour connaître de l’appel des jugements rendus en premier ressort par les tribunaux de première instance de leur circonscription, ainsi que de l’appel des ordonnances de référé et des injonctions de payer rendues par les présidents des tribunaux de première instance ;

En matière pénale, elles connaissent en dernier ressort par voie d’appel des délits et des crimes jugés par les tribunaux de première instance ;

Chaque cour d’appel comprend au moins une chambre d’accusation qui peut être saisie par ordonnance de renvoi émise par le juge d’instruction et compétente pour connaître des recours interjetés contre les ordonnances des juges d’instruction ;

En matière administrative, les cours d’appel sont compétentes en tant que tribunaux de second degré pour connaître des recours contre les décisions des organismes professionnels, tels que l’ordre des avocats ; et en tant que tribunaux de premier degré en matière d’actions intentées contre les titres exécutoires de recouvrement forcé, ainsi que dans diverses autres matières fiscales.

Les tribunaux de première instance

63.Il existe 28 tribunaux de première instance répartis dans les différentes circonscriptions des cours d’appel et dont la compétence territoriale s’étend à l’ensemble d’un gouvernorat ou à un certain nombre de délégations lorsqu’un seul gouvernorat compte plus d’un tribunal en son sein.

64.Compétence d’attribution :

En matière civile, les tribunaux de première instance connaissent en premier ressort de toutes les actions, sauf dispositions contraires expresses de la loi et statuent en tant que juridictions d’appel des jugements rendus en premier ressort par les juges cantonaux de leur circonscription ou mal qualifiés en dernier ressort, de même qu’ils sont compétents pour se prononcer sur les sentences prononcées par les conseils de prud’hommes ;

En matière pénale, les tribunaux de première instance connaissent en premier ressort de tous les délits, à l’exception de ceux qui sont de la compétence du juge cantonal ;

Ils statuent en dernier ressort en tant que juridictions d’appel des jugements rendus par les juges cantonaux de leur ressort. Les tribunaux de première instance du siège d’une cour d’appel connaissent également en premier ressort des crimes (art. 124, nouveau, du code de procédure pénale).

Les tribunaux cantonaux

65.Il existe 85 tribunaux cantonaux répartis dans les différentes circonscriptions des tribunaux de première instance. Leur compétence territoriale a été fixée en 2009 et ils connaissent en général de toutes les affaires qui n’ont pas été confiées aux tribunaux de première instance, de même qu’ils exercent toute autre compétence que peut leur attribuer la loi.

Le tribunal immobilier

66.Appelé à l’origine tribunal mixte immobilier, il n’a acquis sa dénomination actuelle de tribunal immobilier de Tunisie qu’en 1957 et sa compétence s’étend à l’ensemble du territoire du pays, étant précisé qu’il est doté d’un siège principal et de 15 sièges auxiliaires. Il est compétent pour statuer sur les questions suivantes :

L’immatriculation foncière facultative (sur requête des particuliers) et obligatoire (recensement cadastral) sur l’ensemble du territoire de la République ;

La mise à jour et le dégel des titres fonciers ;

Les demandes de révision et de rectification des jugements ;

Les recours contre les décisions des commissions régionales de mise à jour des titres ou celles du conservateur de la propriété foncière.

La justice administrative

67.Selon la Constitution de 2014, la justice administrative est composée d’une Haute Cour administrative, de cours administratives d’appel et de tribunaux administratifs de première instance. La justice administrative est compétente pour connaître de l’excès de pouvoir des actes administratifs, ainsi qu’en matière de contentieux administratif. Elle exerce une fonction consultative conformément à la loi. En attendant la mise en conformité des textes actuels avec la Constitution, le Tribunal administratif demeure rattaché administrativement au Premier Ministère (désormais Présidence du Gouvernement) et son siège est à Tunis, conformément à la loi régissant son organisation, adoptée en 1972. Les différentes voies de recours (première instance, appel et cassation) ont été renforcées devant la justice administrative, avec l’instauration du double degré de juridiction en 1996 et la possibilité accordée aux personnes indigentes en 2011 de bénéficier de l’aide juridictionnelle et d’accéder plus facilement à la justice. Le Tribunal administratif est actuellement présidé par un Premier Président, assisté de commissaires d’État et de commissaires d’État généraux répartis au sein de 3 chambres de cassation, de 2 chambres consultatives, de 5 chambres d’appel, de 7 chambres de première instance et de sections consultatives.

68.Le tribunal administratif statue, par le biais de ses différents organes juridictionnels, sur tous les litiges à caractère administratif, à l’exception des affaires attribuées à d’autres juridictions par une loi spéciale. À cet égard, il est notamment compétent pour statuer sur les recours en excès de pouvoir tendant à l’annulation des actes administratifs et en matière de responsabilité de l’administration. Il statue par voie d’appel sur les décisions rendues par le Conseil de la concurrence et par le Conseil national des assurances et en tant que juridiction de cassation en matière de contentieux fiscal et de contentieux des ordres professionnels, ainsi que sur les décisions rendues par la Commission bancaire. Il est obligatoirement consulté sur les projets de décrets à caractère réglementaire et donne son avis sur les autres projets de lois et, en général, sur toutes les questions pour lesquelles son intervention est prévue par les dispositions législatives ou réglementaires ou qui lui sont soumises par le Gouvernement.

Le Conseil des conflits de compétences

69.Un Conseil des conflits de compétence entre les tribunaux de l’ordre judiciaire et la justice administrative a été créé par la loi organique no 96-38 du 3 juin 1996. Il est présidé, à tour de rôle, par le Premier Président de la Cour de cassation et le Premier Président du Tribunal administratif et se compose de 6 membres, choisis à parts égales parmi les Présidents de chambres et les conseillers en activité de la Cour de cassation et du Tribunal administratif.

La justice financière

70.Selon la Constitution de 2014, la justice financière se compose de la Cour des comptes et de ses différents organes. La Cour des comptes est compétente en matière de contrôle de la bonne gestion des deniers publics conformément aux principes de légalité, d’efficacité et de transparence. Elle juge les comptes des comptables publics, évalue les modes de gestion et sanctionne les fautes y afférentes. Elle assiste les pouvoirs législatif et exécutif en matière de contrôle de l’exécution des lois de finances et de règlement du budget. En attendant la mise en conformité des lois régissant la justice financière avec la Constitution de 2014, la Cour des comptes demeure rattachée administrativement au Premier Ministère (désormais Présidence du Gouvernement) comme elle l’était depuis 1969, son siège est à Tunis et elle dispose de chambres régionales à Sousse, Gafsa et Sfax. Une Cour de discipline financière a été créé en 1985() et chargée de juger les auteurs de fautes de gestion commises à l’égard de l’État, des collectivités locales, des établissements publics administratifs et des entreprises publiques.

La justice militaire

71.Selon la Constitution de 2014, les tribunaux militaires sont compétents pour connaître des infractions à caractère militaire et c’est la loi qui détermine leurs compétences, leur composition, leur organisation, les procédures suivies devant eux et le statut général de leurs magistrats. En attendant la mise en conformité des lois régissant ces questions avec la nouvelle Constitution, les tribunaux militaires demeurent rattachés au Ministère de la défense nationale et sont chargés de l’application des lois pénales spéciales relevant de leur juridiction. À cet égard, les décrets-lois no 2011-69 (modifiant et complétant le Code de justice militaire) et no 2011-70 (organisation de la justice militaire et statut des magistrats militaires) du 26 juillet 2011 ont introduit d’importantes modifications visant à renforcer les garanties des prévenus et des victimes, conformément à l’évolution sociétale dans ce domaine, ainsi qu’à la conception actuelle de la justice pénale, ce qui s’est traduit par l’adoption des mesures suivantes  :

La consécration du principe du double degré de juridiction devant les tribunaux militaires ;

La possibilité de se constituer partie civile et d’engager une action en responsabilité devant les tribunaux militaires ;

La possibilité d’interjeter appel de toutes les décisions rendues par le juge d’instruction militaire devant la chambre d’accusation ;

L’alignement des délais de recours contre les décisions militaires sur ceux en vigueur devant les tribunaux judiciaire ;

La suppression de l’ordre d’informer du Ministre de la défense.

Les instances non juridictionnelles

72.Les instances non juridictionnelles incluent généralement diverses catégories de membres, dont des magistrats de l’ordre judiciaire ou administratif, outre des professionnels spécialisés dans les domaines de chacune de ces instances, lesquelles sont les suivantes :

a)La Commission bancaire, créée en 1967 et dont les missions générales dans son domaine de compétence ont été renforcées par l’attribution du pouvoir de prononcer des amendes à l’égard des auteurs d’infractions à la législation et à la réglementation régissant les activités bancaires ;

b)Le Conseil de la concurrence, institué en 1991 et dont les missions générales dans son domaine de compétence ont été renforcées par l’attribution du pouvoir de prononcer des amendes à l’égard des auteurs d’infractions à la législation et à la réglementation régissant la concurrence et les prix ;

c)Le Conseil du marché financier, mis en place en 1994 et dont les missions générales dans son domaine de compétence ont été renforcées par l’attribution du pouvoir de prononcer des amendes à l’égard des auteurs d’infractions à la législation et à la réglementation régissant le marché financier ;

d)L’Instance nationale des télécommunications, instaurée en 2001 et dont les missions générales dans son domaine de compétence ont été renforcées par l’attribution du pouvoir de prononcer des amendes à l’égard des auteurs d’infractions à la législation et à la réglementation régissant les télécommunications ;

e)La Commission tunisienne des analyses financières, créée en 2003 et consolidée par la loi organique de 2015, dont les missions générales dans son domaine de compétence ont été renforcées par l’attribution de missions de recueil et de traitement des déclarations relatives aux opérations et transactions suspectes ou inhabituelles et de notification des suites données à ces notifications, complétées par l’octroi de la possibilité d’ordonner, à titre provisoire, le gel des fonds objet desdites déclarations et leur dépôt sur un compte d’attente ;

f)L’instance nationale de protection des données à caractère personnel, créée par la loi organique no 2004-63 du 27 juillet 2004 portant sur la protection des données à caractère personnel qui lui a confié, outre des attributions générales dans son domaine de compétence, le pouvoir de retirer les autorisations des auteurs d’infractions à la législation et à la réglementation régissant le traitement des données à caractère personnel.

Le médiateur administratif

73.Il s’agit d’unmécanisme de médiation entre le citoyen et l’administration. Cette institution a été créée en 1992 et chargée de résoudre les litiges entre le citoyen et l’administration. Il s’agit d’un établissement public à caractère administratif indépendant, doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière, qui ne reçoit d’instructions d’aucune autorité publique dans le cadre de l’exercice de ses fonctions. L’institution du Médiateur administratif dispose de quatre représentations régionales à Sousse, Sfax, Gafsa et Le Kef.

74.Afin de faciliter l’exercice de ses missions, l’institution du Médiateur a été dotée de compétences étendues lui permettant d’intervenir, au nom des citoyens, auprès de l’administration, des établissements publics et de tous les organismes chargés d’une mission de service public. Les citoyens peuvent recourir directement aux services du Médiateur administratif, sans aucune formalité particulière et sans intermédiaire, soit en se présentant dans l’un des locaux de cette institution, soit par courrier postal, télécopie ou courriel visant à faire intervenir le Médiateur administratif pour régler un quelconque problème engendré par le dysfonctionnement d’un service public, lié à l’application d’une règle de droit, à une situation de silence administratif ou à un retard dans la réponse à une demande émanant d’un citoyen. Afin de permettre au Médiateur administratif d’intervenir efficacement, la loi soumet les ministres et toutes les autorités administratives à l’obligation de faciliter l’exercice de ses missions, et ce, en désignant parmi leurs cadres supérieurs un coordinateur chargé de traiter les plaintes, en autorisant les agents placés sous leur autorité à répondre aux questions et, éventuellement, aux convocations du Médiateur et en adressant des instructions aux corps de contrôle placés sous leurs ordres pour qu’ils procèdent, dans la limite de leurs compétences, aux vérifications et enquêtes demandées par ce dernier. LeMédiateur administratif émet toutes les recommandations qui lui paraissent susceptibles de régler les questions dont il est saisi et peut, lorsqu’il ne parvient pas à trouver une solution au problème posé, saisir le Président de la République par le biais d’un rapport accompagné de ses propositions.

2.Cadre général de la promotion des droits de l’homme

Le rôle de l’Assemblée des représentants du peuple

75.La Tunisie est un État unitaire doté d’un système politique et administratif centralisé où le pouvoir législatif appartient à l’Assemblée des représentants du peuple, qui est un parlement monocaméral. L’Assemblée crée des commissions permanentes et d’autres spécialisées. Elle peut, le cas échéant, créer des commissions d’enquête. Parmi les principales commissions permanentes chargées de l’examen des projets de lois relatifs aux droits de l’homme figure la « Commission des droits et libertés et des relations extérieures », qui se penche sur les projets de textes en matière de droits de l’homme et de libertés publiques et individuelles avant délibération en séance plénière et approbation conformément aux règles et procédures prévues par la Constitution à cet effet, qui classe les textes en lois organiques et ordinaires. L’Assemblée des représentants du peuple adopte les projets de lois organiques à la majorité absolue de ses membres et les projets de lois ordinaires à la majorité des membres présents, lesquels ne doivent pas être inférieurs au tiers des membres de l’Assemblée. Les projets de lois organiques ne peuvent être soumis à la délibération en séance plénière qu’à l’expiration d’un délai de quinze jours suivant leur transmission à la commission parlementaire compétente. Sont notamment adoptés sous forme de lois organiques les textes relatifs à l’approbation des traités, à l’organisation de la justice et de la magistrature, à la réglementation de l’information, de la presse et de l’édition, à l’organisation et au financement des partis politiques, des syndicats, des associations, des organisations et ordres professionnels, au régime électoral, aux libertés et aux droits de l’homme, au statut personnel, aux devoirs fondamentaux de la citoyenneté, au pouvoir local, à l’organisation des instances constitutionnelles et à la loi organique du budget. Dans la mesure où ils doivent prendre la forme de lois organiques, les projets de textes régissant les droits et libertés sont soumis à des procédures précises. Il est attendu que le pouvoir local, objet du ChapitreVII de la Constitution de 2014, joue un rôle important en matière de protection et de promotion des droits de l’homme après la mise en place des autorités décentralisées, dans toute la mesure où les collectivités locales sont appelées à adopter les mécanismes de la démocratie participative.

L’instance nationale des droits de l’homme : le Comité des droits de l’Homme

76.La loi no2008-37 du 16 juin 2008 relative au Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales a désigné cette entité comme institution nationale chargée de cette question et l’a dotée à cet effet de la personnalité juridique et de l’autonomie financière. Cependant, la révolution tunisienne a mis en évidence les lacunes structurelles de cet organe, lequel s’est avéré incapable de poursuivre les violations des droits de l’homme commises depuis sa création (décret de 1992 et loi de 2008), notamment celles perpétrées depuis le déclenchement de la révolution, le 17 décembre 2010, incluant des meurtres commis au cours de manifestations, des actes de torture et de maltraitance, ainsi que des arrestations arbitraires. Face aux défaillances de cette institution en matière de protection et de promotion des droits de l’homme, l’Assemblée nationale constituante a décidé de la constitutionnaliser en 2014 sous l’appellation d’Instance des droits de l’homme faisant partie des instances constitutionnelles indépendantes et l’a chargée, à ce titre, de veiller au respect et à la promotion des libertés et des droits de l’homme et d’œuvrer à leur renforcement, notamment en formulant des propositions visant à favoriser leur développement En outre, elle est obligatoirement consultée sur les projets de lois se rapportant à son domaine de compétence et chargée d’enquêter sur les cas de violation des droits de l’homme en vue de les régler ou de les soumettre aux autorités compétentes. Un projet de loi organique relatif à la nouvelle instance a été proposé à cet effet dans le cadre d’une démarche participative associant tous les intervenants actifs dans le domaine des droits de l’homme afin de mettre en place une structure conforme à la Constitution et aux normes internationales, notamment aux Principes de Paris relatifs aux institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l’homme.

La diffusion de la culture des droits de l’homme et des instruments internationaux pertinents

77.La diffusion de la culture des droits de l’homme est désormais constitutionnalisée, puisque l’article 39 de la Constitution de 2014 charge l’État d’y veiller et que son article 42 garantit le droit à la culture et à la liberté de création, en précisant que l’État encourage la créativité culturelle et soutient la culture nationale dans son enracinement, sa diversité et son renouvellement, en vue de consacrer les valeurs de tolérance, de rejet de la violence, d’ouverture sur les différentes cultures et de dialogue entre les civilisations. Il s’agit là des principes fondamentaux des droits de l’homme. En outre, le préambule de la Constitution évoque également l’éducation aux droits de l’homme et à ses principes. Il convient de préciser à cet égard que la Tunisie veille à l’application des trois phases du Programme mondial en faveur de l’éducation aux droits de l’homme de l’ONU, dont le public cible est issu du monde scolaire représenté par les cycles de l’enseignement primaire, secondaire et supérieur, du secteur public composé des fonctionnaires, des responsables de l’application des lois et du personnel militaire, auxquels s’ajoutent les professionnels des médias et les journalistes. Concernant la première phase du programme qui s’adresse au public scolaire des cycles primaire et secondaire, elle s’est traduite par l’adoption de la loi d’orientation relative à l’éducation et à l’enseignement scolaire du 23 juillet 2002, telle que modifiée le 11 février 2008, ainsi que par l’attribution de plusieurs tâches au Ministère de l’éducation en matière de diffusion de la culture des droits de l’homme, parmi lesquelles la première série a porté sur l’élaboration des contenus des manuels et des programmes scolaires, lesquels comportent en général une série de matières abordant indirectement les valeurs des droits de l’homme, complétées par une matière transversale présentant directement ces droits. Le deuxième aspect de l’intervention du ministère a concerné la vie scolaire telle qu’elle se manifeste au sein des clubs et par le biais des activités culturelles qui s’inscrivent dans le prolongement des séances d’enseignement en classe, comme par exemple les clubs d’éducation aux valeurs de la citoyenneté, étant précisé que ce deuxième volet inclut notamment la formation des éducateurs, compte tenu de leur rôle en matière d’encadrement des apprenants et de l’importance de la sensibilisation dans ce domaine. Le troisième aspect, pour sa part, concerne la recherche de partenariats avec plusieurs autres ministères en vue de garantir la réussite de l’ensemble de la stratégie. Le document publié en novembre 2012 par la Direction générale des programmes et de la formation continue du Ministère de l’éducation, intitulé « L’éducation à la culture des droits de l’homme dans le système éducatif » a souligné que les modifications ont touché toutes les disciplines scolaires sans exception, car il s’agit d’un ensemble de compétences horizontales partagées. À cet égard, les sciences sociales semblent mieux adaptées que d’autres disciplines à la transmission de ces valeurs et principes et à leur appropriation par les apprenants dont les mentalités peuvent ainsi être amenées à évoluer, ce qui a ensuite des chances de se traduire au niveau de leur comportement tant public que privé.

78.La Tunisie a veillé à déployer des programmes d’éducation aux droits de l’homme au sein des principaux départements régaliens, tels que les Ministères de la justice et de l’intérieur. À cet effet, la circulaire no504 du 15 juin 1991 relative à l’intégration des droits de l’homme dans les programmes de formation rappelle aux cadres et aux agents des forces de sûreté les sanctions pénales auxquelles ils s’exposent en cas d’abus d’autorité. Une nouvelle édition du Guide des droits de l’homme a en outre été élaborée, incluant tous les instruments des Nations Unies et les textes nationaux relatifs aux droits de l’homme, l’ensemble ayant été distribué aux personnes responsables de l’application des lois pour leur servir de référence et orienter leur action. Par ailleurs, après la révolution (2011), le Ministère de l’intérieur a renforcé sa collaboration avec les organes et mécanismes onusiens compétents, ce qui a donné lieu à l’organisation de diverses sessions de formation, notamment avec l’UNESCO portant sur le « Code de bonne conduite des forces de sécurité intérieure dans leurs rapports avec les journalistes », avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, à propos d’un manuel de poche intitulé « Les forces de sécurité intérieure et les normes relatives aux droits de l’homme en Tunisie » et avec le Programme des Nations Unies pour le développement d’un « Modèle tunisien de police de proximité ». Le Ministère collabore avec le Comité International de la Croix-Rouge et a notamment bénéficié de son expertise pour l’exécution, de 2013 à 2016, d’un « Programme d’amélioration du traitement des détenus » dans le cadre duquel des sessions de formation ont été organisées au profit de plus de 2 000 agents des forces de sécurité. Le Ministère a également collaboré avec l’Organisation mondiale contre la torture, le centre « Dignity » et le centre « Restart » pour la réhabilitation des victimes.

79.Le Ministère de la justice a collaboré avec plusieurs organisations, notamment avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme avec lequel il a organisé une session de formation sur le thème suivant « Les droits de l’homme et les visites des lieux de détention » à l’intention des agents et des cadres des services des droits de l’homme, ainsi qu’avec le Centre de Genève pour le contrôle démocratique des forces armées, avec lequel il a organisé des sessions de formation dont les travaux ont donné lieu à la publication d’un « Guide pour les visites dans les lieux de détention ». L’Institut supérieur de la magistrature dispense depuis 1992 des cours de droits de l’homme aux auditeurs de justice et aux magistrats en exercice dans le cadre de la formation continue. Le Ministère a également organisé, dans le cadre d’accords de coopération bilatéraux, des sessions de formation aux droits de l’homme dans le domaine de la justice à l’intention des magistrats en exercice en vue de diffuser la culture des droits de l’homme parmi les magistrats du siège et du parquet. Une formation a également été dispensée par le Comité International de la Croix-Rouge à l’intention des officiers et du personnel pénitentiaire.

80.Le Ministère de la défense veille à appliquer les dispositions du dernier paragraphe de l’article 24 de l’Instruction ministérielle du 23 janvier 2002 sur la discipline générale des forces armées, qui interdit à tous les militaires d’infliger des traitements cruels ou inhumains dans les termes suivants : « Il est interdit aux militaires de porter atteinte à la vie et à l’intégrité physique des malades, des blessés, des naufragés, des prisonniers et des civils et notamment de commettre des meurtres, de perpétrer toutes formes de mutilations ou de recourir à des traitements cruels ou dégradants ou à la torture. »

81.Les établissements universitaires, notamment ceux qui enseignent les disciplines juridiques, dispensent des cours de droits de l’homme.

82.Les médias écrits, audiovisuels et électroniques jouent un rôle important en matière de diffusion de la culture des droits de l’homme et de sensibilisation à ces questions au moyen de programmations spéciales, de la couverture médiatique des conférences et autres journées d’études et de la commémoration des journées internationales relatives aux droits de l’homme, étant en outre précisé que les journalistes et le personnel des médias bénéficient également de formations dans ce domaine.

83.Quant aux organisations de la société civile, elles participent à la diffusion de la culture des droits de l’homme et à la sensibilisation à ces questions et aux instruments internationaux pertinents, outre leur contribution à l’élaboration des rapports périodiques nationaux, à la présentation de rapports parallèles et au suivi de la mise en œuvre des recommandations formulées par les organes des traités. Treize associations spécialisées dans la protection et l’éducation aux droits de l’homme ont vu le jour après la révolution, telles que la Ligue tunisienne pour la citoyenneté, le Centre de Tunis pour la liberté de la presse, l’Association tunisienne de promotion de la culture des droits de l’homme et la Société internationale des droits de l’homme.

84.Après sa mise en place, la Commission nationale permanente de coordination, d’élaboration, de présentation des rapports et de suivi des recommandations en matière de droits de l’homme a veillé à diffuser les instruments internationaux auxquels la Tunisie a adhéré ou qu’elle a ratifiés, ainsi qu’à faire participer tous les intervenants agissant dans ce domaine à l’élaboration des rapports spécifiques avant soumission aux comités ou organes onusiens ou régionaux compétents, à vulgariser les recommandations formulées par ces instances après examen des rapports et à consulter tous les acteurs sur les modalités de mise en œuvre envisagées.

Le processus d’établissement des rapports

85.Compte tenu du retard pris par l’État tunisien en matière de présentation de ses rapports dans les délais, de l’absence d’un suivi périodique et régulier des recommandations formulées par les organes onusiens et régionaux des droits de l’homme et de l’absence d’une institution permanente chargée de la rédaction desdits documents, une Commission nationale de coordination, d’élaboration, de présentation des rapports et de suivi des recommandations a été créée par le décret gouvernemental no 2015-1593 du 30 octobre 2015. Il s’agit d’une commission permanente placée auprès du Chef du Gouvernement, composée de représentants des différents ministères et présidée par le Ministre chargé des droits de l’homme ou son représentant.

86.La Commission est chargée des missions suivantes :

L’élaboration, la présentation et la discussion des rapports gouvernementaux, dans les délais, auprès des organes conventionnels onusiens et régionaux auxquels la Tunisie est partie, ainsi qu’auprès du Conseil des droits de l’homme et des procédures spéciales des Nations Unies et devant les instances et organes régionaux ;

La coordination et la coopération avec les différentes structures et institutions nationales pour l’élaboration des rapports du gouvernement tunisien et pour répondre aux différents rapports internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme ;

La coopération et l’interaction, dans les limites de ses attributions, avec les organisations onusiennes et leurs agences spécialisées, avec les organisations régionales œuvrant dans le domaine des droits de l’homme et avec les organisations non gouvernementales concernées ;

La mise à jour, le cas échéant, du document de base commun concernant tous les traités ;

La coordination pour la collecte d’informations et de statistiques et la mise en place d’une base de données et d’indicateurs efficaces et efficients dans le domaine des droits de l’homme ;

Le suivi des observations et recommandations émanant des instances, comités et organes onusiens et régionaux dans le domaine des droits de l’homme ;

La compilation et l’indexation des recommandations, l’analyse de la portée de chaque recommandation et l’identification des parties chargées de la mise en œuvre de chacune d’entre elles, ainsi que l’adoption de procédures et de principes directeurs pour garantir la coordination entre toutes ces entités ;

L’élaboration des rapports périodiques relatifs aux progrès réalisés par le Gouvernement tunisien au titre du respect de ses engagements et de la mise en œuvre des recommandations.

87.La Commission veille, lors de l’accomplissement de ses missions, à faire participer les composantes de la société civile et les instances nationales agissant dans le domaine des droits de l’homme.

88.Un secrétariat permanent placé sous la tutelle de la Commission a été créé en son sein, dont la supervision a été confiée au membre rapporteur de la Commission, étant précisé que cette structure apporte, de manière générale, toute l’aide nécessaire à l’accomplissement des tâches de cet organisme.

89.Le décret portant création de la Commission a insisté sur la nécessité, pour cette instance, de veiller à assurer la formation aux droits de l’homme de ses membres et du personnel du secrétariat permanent.

90.L’accent est mis actuellement sur le renforcement des capacités des membres de la Commission en matière de droits de l’homme en général et d’élaboration et de présentation des rapports en particulier. La Commission s’est attelée à réviser le document de base commun et a soumis en 2016 aux organes onusiens compétents les deux rapports de la Tunisie relatifs aux disparitions forcées et à la lutte contre la torture ; elle s’apprête en outre à débattre du rapport périodique du pays au titre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et à élaborer les autres rapports dont la rédaction et la présentation ont enregistré des retards.

Autres informations

91.Selon la plupart des observateurs locaux et étrangers, la Tunisie a organisé à l’issue de la révolution des 17 décembre au 14 janvier 2011 ses premières élections libres et démocratiques, qui ont abouti à la désignation de 217 parlementaires à l’Assemblée nationale constituante, laquelle a été chargée de l’élaboration d’une nouvelle Constitution pour le pays et de l’exercice des fonctions législatives, incluant notamment l’adoption de la loi relative à l’organisation provisoire des pouvoirs publics suite à la suspension de la Constitution de 1959, la dissolution des anciennes assemblées élues et des précédentes instances constitutionnelles, de même que la promulgation des lois visant à permettre le fonctionnement des institutions publiques, telles que l’adoption d’une nouvelle loi électorale en vue d’organiser les premières élections présidentielles et législatives libres, transparentes et intègres. Actuellement, la Tunisie s’apprête à organiser les premières élections locales libres, en application des dispositions du ChapitreVII de la nouvelle Constitution tunisienne.

92.Le 9 octobre 2015, le prix Nobel de la paix a été décerné par le comité norvégien à quatre organisations nationales tunisiennes, à savoir l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA), l’Ordre des avocats tunisiens et la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’homme (LTDH) formant le quartet responsable du dialogue national, dont la contribution à l’instauration d’une démocratie pluraliste après la révolution des 17 décembre au 14 janvier 2011 a été décisive, grâce au rôle de médiation entre les différents acteurs politiques qu’il a assumé en 2013, après l’assassinat d’un certain nombre de responsables politiques et de troubles sociaux ayant mis en péril le processus démocratique engagé. Le dialogue national entamé sous l’égide du quartet a débouché sur la formation d’un Gouvernement consensuel qui, suite à un accord préalable entre les différents protagonistes politiques, a établi une feuille de route visant à organiser les élections présidentielles et législatives qui se sont effectivement déroulées le 26 octobre 2014.

III.Égalité et non-discrimination

1.Égalité et non-discrimination dans la Constitution de 2014

93.La lutte contre toutes les formes de discrimination et de racisme est au cœur de la Constitution de 2014, laquelle énonce que les citoyens et citoyennes sont égaux en droits et en devoirs et devant la loi sans discrimination (art. 21), que l’État veille à garantir la représentativité des femmes au sein des assemblées élues (art. 34), ainsi que l’égalité des chances entre les hommes et les femmes pour l’accès aux diverses responsabilités et dans tous les domaines, de même qu’il s’emploie à réaliser la parité entre eux au sein des assemblées élues (art. 46), à assurer toute forme de protection aux enfants, sans aucune discrimination et conformément à leur intérêt supérieur (art. 47). Elle dispose également que l’État protège les personnes handicapées contre toute discrimination (art. 48) et garantit le droit de toute personne à un procès équitable dans un délai raisonnable, en précisant que les justiciables sont égaux devant la justice (art. 108). Selon la Constitution, les collectivités locales adoptent les instruments de la démocratie participative (art. 139) qui s’entend de la participation fondée sur l’égalité en droits et en devoirs.

2.Instruments internationaux adoptés en matière d’égalité des sexes

94.Sur le plan international, la Tunisie a ratifié la plupart des instruments internationaux (voir le tableau correspondant, p. 5, 6 et 7), notamment ceux visant à garantir les droits des femmes, ainsi que d’autres textes, parmi lesquels les suivants :

La Convention sur le travail de nuit (révisée en 1948), ratifiée le 25 avril 1957 et comportant 20 articles, dont l’article 3 interdisant le travail de nuit des femmes dans le domaine industriel dans les secteurs public et privé ;

Le Protocole de 1990 à la Convention sur le travail de nuit, ratifié par la loi no92‑114 du 30 novembre 1992, comportant 5 articles, dont l’article 2 organisant le travail des femmes ;

La Convention portant création de l’Organisation de la femme arabe (12 septembre 2001) ;

Le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier les femmes et les enfants (15 novembre 2000) ;

Les deux protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, auxquels le pays a été autorisé à adhérer par la loi no 2002-42 du 7 mai 2002 ;

Le protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier les femmes et les enfants, auquel le pays a été autorisé à adhérer par la loi no 2003-5 du 21 janvier 2003 ;

La Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif, l’adhésion du pays à ces instruments ayant été approuvée par la loi no2008-4 du 11 février 2008.

95.Après la révolution, l’État a continué à respecter ses engagements visant à renforcer les droits de la femme, par le biais de l’adoption du décret-loi no2011-103 du 24 octobre 2011 autorisant la ratification du retrait d’une déclaration et des réserves émises par la République tunisienne à propos de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, suivie par une communication officielle adressée à cet effet le 23 avril 2014 au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies.

3.Législation nationale relative à l’égalité des sexes

96.Le dispositif national relatif aux droits des femmes a bénéficié de l’attention du législateur national depuis la publication en 1956 du Code du statut personnel, lequel a aboli la polygamie, fixé l’âge minimum du mariage, abrogé les dispositions relatives au droit du père de contraindre sa fille au mariage, institué le divorce judiciaire et posé les jalons des textes ultérieurs qui ont veillé à garantir l’égalité des sexes dans divers domaines.

97.Le législateur tunisien a poursuivi son œuvre visant à assurer l’égalité des sexes et l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes en procédant à des réformes importantes du dispositif juridique relatif aux droits des femmes, notamment en modifiant le Code de la nationalité dans le sens de la consécration du droit de la femme de transmettre sa nationalité à ses enfants, en révisant le Code du travail pour garantir le droit de la femme au travail sur la base du principe d’égalité, en supprimant du Code des obligations et contrats toute discrimination à l’égard des femmes en matière de travail et en incriminant par le biais d’une modification du Code pénal le harcèlement sexuel de la femme sur les lieux de travail, assurant ainsi sa protection. Ces réformes ont été introduites par un certain nombre de textes, parmi lesquels les suivants :

La loi no 98-75 du 28 octobre 1998 relative à l’attribution d’un nom patronymique aux enfants abandonnés ou de filiation inconnue, qui a accordé à la mère le droit d’attribuer son nom patronymique à son enfant et l’a autorisée à saisir les tribunaux compétents pour demander l’attribution du nom patronymique du père à l’enfant de filiation inconnue, texte ensuite modifié par la loi no 2003-51 du 7 juillet 2003, qui a accordé à la mère ayant la garde de son enfant mineur et dont la filiation est inconnue le droit de lui attribuer un prénom et son propre nom patronymique ;

La loi no 98-91 du 9 novembre 1998 relative au régime de la communauté des biens entre époux, qui est un régime facultatif pour lequel les époux peuvent opter au moment de la conclusion du contrat de mariage ou à une date ultérieure et qui a pour but de rendre un immeuble ou un ensemble d’immeubles propriété indivise entre les époux lorsqu’ils sont propres à l’usage familial ;

La loi no 2000-17 du 7 février 2000 portant abrogation d’un certain nombre de dispositions du Code des obligations et contrats qui subordonnaient le droit des femmes de travailler à une autorisation de leur époux ;

La loi no 2001-93 du 7 août 2001 relative à la médecine de reproduction, qui permet aux deux époux de recourir aux moyens de reproduction modernes dans le cadre de la garantie de la dignité de la personne humaine et de la préservation de son intégrité physique ;

La loi no 2002-4 du 21 janvier 2002 portant modification de l’article 12 du Code de la nationalité, selon lequel une déclaration unilatérale de la mère est désormais suffisante pour transmettre à ses enfants la nationalité tunisienne en cas de décès du père, de sa disparition ou de son incapacité légale ;

La loi no 2002-32 du 12 mars 2002 relative au régime de sécurité sociale pour certaines catégories de travailleurs dans les secteurs agricole et non agricole, qui accorde aux employées de maison le droit de bénéficier d’une couverture sociale ;

La loi d’orientation no 2002-80 du 23 juillet 2002 relative à l’éducation et à l’enseignement scolaire, qui garantit à tous les tunisiens le droit à l’éducation sans discrimination fondée sur le sexe, l’origine sociale, la couleur ou la religion ;

Le décret no 2006-826 du 23 mars 2006 portant modification du décret no 93-1655 du 9 août 1993 relatif à la procédure d’intervention du fonds de garantie de la pension alimentaire et de la rente de divorce au profit des femmes divorcées et de leurs enfants ;

La loi no 2006-58 du 28 juillet 2006 instituant un régime spécial de travail à mi-temps au profit des mères, avec le bénéfice des deux tiers du salaire et la conservation intégrale de leurs droits ;

La loi no 2007-32 du 14 mai 2007 modifiant l’article 5 du Code du statut personnel dans le sens de l’uniformisation de l’âge minimum du mariage à 18 ans pour les garçons et les filles ;

La loi no 2008-20 du 4 mars 2008 portant amendement de certaines dispositions du Code du statut personnel, accordant à la mère ayant la garde de l’enfant le droit du maintien dans les lieux, ainsi que toutes les garanties légales pendant la période précédant le divorce ;

La loi no 2008-58 du 4 août 2008 relative à la mère détenue, enceinte et allaitante, prévoyant la mise en place d’un espace spécialement dédié à ces femmes et à leurs enfants ;

La loi no 2010-55 portant amendement de l’article 6 du Code de la nationalité, désormais rédigé comme suit : « Est tunisien l’enfant né d’un père tunisien ou d’une mère tunisienne. »

98.Après la révolution de 2011, le législateur tunisien a veillé à ce que les lois relatives à la protection des femmes soient compatibles avec les normes internationales et avec l’évolution des valeurs sociales, par le biais de l’adoption de nouveaux textes adaptés aux changements sociaux et consacrant l’engagement de l’État en faveur de la défense des droits acquis des femmes, ainsi qu’en matière de renforcement et de valorisation de ces droits.

99.Un Comité d’experts chargé de la révision du dispositif juridique relatif aux droits de la femme en Tunisie, regroupant des représentants des Ministères de la femme et de la famille, de l’intérieur et des affaires sociales, ainsi qu’un représentant du Chef du Gouvernement, a été créé au Ministère de la femme, de la famille et de l’enfance en 2012 pour identifier les lacunes des lois, des décrets à caractère réglementaires et des arrêtés ministériels dans ce domaine. L’un des résultats les plus significatifs des activités de cette instance a été la promulgation de la loi organique no2015-46 du 23 novembre 2015, modifiant et complétant la loi no75-40 du 14 mai 1975 relative aux passeports et aux documents de voyage, qui a accordé à chacun des deux parents le droit de faire établir des documents de voyage au nom de leurs enfants et de les autoriser à sortir du territoire.

100.La Constitution de 2014 a consacré l’élimination de toutes les formes de discrimination entre les sexes et a garanti l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, notamment en matière d’emploi, ainsi que l’élimination de la violence infligée aux femmes, qui constitue l’expression la plus manifeste de la discrimination.

101.Le programme intitulé « Stratégie de prévention des comportements violents au sein de la famille et de la société : la violence sexiste selon les âges » a été réactivé, dans toute la mesure où la violence faite aux femmes est une forme de discrimination fondée sur le genre et qu’une augmentation de ces comportements a été enregistrée, atteignant 47,6 % des femmes âgées de 18 à 64 ans.

102.Le décret gouvernemental no 2016-626 du 25 mai 2016 a créé un Conseil des pairs pour l’égalité et l’équivalence des chances entre les hommes et les femmes et l’a chargé d’intégrer l’approche genre dans les divers plans et programmes.

103.L’approche genre est en cours d’intégration dans les plans de développement à tous les niveaux et dans tous les secteurs en vue de garantir l’égalité des chances et de lutter contre la discrimination fondée sur le sexe.

104.L’État tunisien s’apprête également à publier une loi-cadre relative à la prévention et à la lutte contre la violence faite aux femmes, suite à l’adoption du projet par le Conseil des ministres et sa transmission à l’Assemblée des représentants du peuple, laquelle a en outre voté le 21 juillet 2016 la loi relative à la prévention et à la répression de la traite des personnes, qui vise à interdire toutes les formes d’exploitation dont peuvent être victimes les personnes, notamment les femmes, ainsi qu’à lutter contre la traite des personnes par la prévention, à punir les auteurs et à soutenir et aider les victimes, étant précisé que ce texte vise également à renforcer la coordination nationale et la collaboration internationale dans le domaine de la lutte contre la traite des personnes dans le cadre des instruments internationaux, régionaux et bilatéraux ratifiés par la République tunisienne.

105.Un objectif d’intensification de la participation des femmes à la vie publique et au processus de prise de décision est également poursuivi pour pallier leur faible représentation publique et politique, et ce, par le renforcement de leurs capacités et la mise à leur disposition d’outils adaptés et des connaissances requises à cet effet.

106.Le système tunisien se caractérise par l’appui qu’il accorde aux droits des femmes, ainsi que par la consécration de l’égalité d’accès aux droits économiques, sociaux et culturels.

107.L’égalité des sexes en matière d’emploi a été consacrée par le Code du travail, lequel considère la non-discrimination comme un principe applicable à tous les aspects de la vie professionnelle, tels que le recrutement, la rémunération, les conditions de travail et la rupture du contrat de travail. Les conventions collectives se réfèrent également à l’égalité entre hommes et femmes en matière d’emploi, de titularisation et de rémunération.

108.Un projet d’émancipation économique des femmes a été lancé pour leur permettre d’améliorer leur situation financière et les intégrer dans le processus de développement afin qu’elles puissent s’autonomiser, et ce, au moyen d’aides accordées au lancement de petits projets ou d’un soutien apporté à la commercialisation de leurs produits. Ce programme vise à diffuser la culture de la citoyenneté et des droits des femmes, ainsi qu’à promouvoir l’égalité des chances par le biais de la sensibilisation aux acquis et aux droits de chacun des deux sexes. Il a également pour objet d’ériger l’approche genre en mode de pensée et d’action et de mieux faire connaître aux jeunes les différents textes consacrant les droits des femmes, étant précisé que les femmes rurales sont plus particulièrement visées par ce projet, lequel a notamment pour but de les sensibiliser aux concepts des droits de l’homme, à leurs droits civiques et aux valeurs de citoyenneté, de démocratie et d’égalité, ainsi qu’à l’importance de la participation à la vie publique.

109.Ce programme vise également à lutter contre l’abandon scolaire précoce, qui touche notamment les filles des zones rurales en raison de l’éloignement des écoles par rapport aux lieux d’habitation, de l’absence de moyens de transport scolaire et des conditions matérielles difficiles des familles. En outre, il a pour but d’aider les mères célibataires, ainsi que les femmes détenues et/ou récemment libérées, en vue de faciliter leur réinsertion sociale et économique après leur libération et éviter les récidives.

110.Il convient de noter l’absence d’une politique dédiée aux femmes handicapées, mais celles-ci bénéficient néanmoins, dans des conditions d’égalité, des mêmes avantages que ceux accordés aux hommes handicapés.

111.L’État a adopté une série de textes et de mesures qui ont donné lieu au déploiement de divers mécanismes et plans d’action visant à renforcer la capacité des femmes à exercer leurs droits dans tous les domaines de la vie, comme le montrent les chiffres et indicateurs suivants :

Participation des femmes au pouvoir exécutif

112.La proportion de femmes au sein du nouveau Gouvernement tunisien a légèrement progressé, puisqu’après les premières élections législatives qui se sont déroulées en octobre 2014 conformément à la nouvelle Constitution et suite à la formation du premier Gouvernement par le parti majoritaire au Parlement en termes de nombre de sièges, 8 femmes ont été nommées sur un total de 40 membres (6 ministres et 2 secrétaires d’État), soit un pourcentage de 20 %.

Participation des femmes au pouvoir législatif

113.Le pourcentage de femmes membres de l’Assemblée des représentants du peuple en Tunisie a connu une nette progression au cours des quatre dernières années, passant de 25 % en janvier 2012, au début du mandat de l’Assemblée nationale constituante qui a élaboré la Constitution, à 30,59 % en juin 2014, ce qui est imputable au mode d’établissement des listes de candidats, fondé sur la parité verticale qui permet le remplacement automatique des candidats qui se retirent des listes par une femme de la même liste, notamment lorsqu’il s’agit de candidats masculins. Le nombre de femmes membres de l’Assemblée nationale constituante a ainsi atteint 67 sur un total de 217 parlementaires.

114.Sur les 217 membres de l’Assemblée des représentants du peuple élus lors des élections d’octobre 2014, on compte :

144 hommes, soit un pourcentage de 66,82 % ;

73 femmes, soit un pourcentage de 33,18 %.

Participation des femmes au pouvoir judiciaire

115.Concernant la présence féminine au sein de la magistrature :

On compte 664 magistrates ;

Le pourcentage de magistrates a atteint 32,4 %.

116.Une progression du nombre de magistrates est attendue au cours des années à venir en raison de l’augmentation de la proportion d’auditrices de justice inscrites à l’Institut supérieur de la magistrature, qui est passée :

De 45,5 % au cours de l’année judiciaire 2012/13 ;

À 55 % au cours de l’année judiciaire 2013/14.

117.Il convient de noter concernant la présence des femmes au sein de l’Instance provisoire de la justice judiciaire que sur la base de l’article 5 de la loi organique no2013-13 du 2 mai 2013 relative à cette Instance, la représentativité des magistrates a été prise en compte dans la composition de cet organe, ce qui a permis de porter leur pourcentage à 45 % en son sein.

118.Il convient de signaler aussi que l’Association des magistrats tunisiens et le Syndicat des magistrats tunisiens sont présidés par deux magistrates.