HRI

Instruments

internationaux relatifs

aux droits de l'homme

Distr.GÉNÉRALE

HRI/GEN/1/Rev.712 mai 2004

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

RÉCAPITULATION DES OBSERVATIONS GÉNÉRALES OU RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES ADOPTÉES PAR LES ORGANES CRÉÉS EN VERTU D’INSTRUMENTS INTERNATIONAUX RELATIFS AUX DROITS DE L’HOMME

Note du secrétariat

Le présent document contient une récapitulation des observations ou recommandations générales adoptées, respectivement, par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, le Comité des droits de l’homme, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, le Comité contre la torture et le Comité des droits de l’enfant. Le Comité des droits des travailleurs migrants n’a pas encore adopté d’observation générale.

TABLE DES MATIÈRES

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I.OBSERVATIONS GÉNÉRALES ADOPTÉES PAR LE COMITÉDES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS10

Observation générale no 1: Rapports des États parties11

Observation générale no 2: Mesures internationales d’assistance technique(art. 22 du Pacte)13

Observation générale no 3: La nature des obligations des États parties(art. 2, par. 1, du Pacte)16

Observation générale no 4: Le droit à un logement suffisant(art. 11, par. 1, du Pacte)20

Observation générale no 5: Personnes souffrant d’un handicap27

Observation générale no 6: Droits économiques, sociaux et culturelsdes personnes âgées38

Observation générale no 7: Le droit à un logement suffisant(art. 11, par. 1, du Pacte): expulsions forcées49

Observation générale no 8: Rapport entre les sanctions économiqueset le respect des droits économiques, sociaux et culturels54

Observation générale no 9: Application du Pacte au niveau national58

Observation générale no 10: Le rôle des institutions nationales de défense des droits de l’homme dans la protection des droits économiques, sociaux et culturels63

Observation générale no 11: Plans d’action pour l’enseignement primaire(art. 14 du Pacte)65

Observation générale no 12: Le droit à une nourriture suffisante (art. 11 du Pacte)68

Observation générale no 13: Le droit à l’éducation (art. 13 du Pacte)77

Observation générale no 14: Le droit au meilleur état de santé susceptibled’être atteint (art. 12 du Pacte)94

Observation générale no 15: Le droit à l’eau (art. 11 et 12 du Pacte)116

TABLE DES MATIÈRES (suite)

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II.OBSERVATIONS GÉNÉRALES ADOPTÉES PAR LE COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME134

Observation générale no 1: Obligation de faire rapport136

Observation générale no 2: Directives pour la présentation des rapports137

Observation générale no 3: Article 2 (Mise en œuvre du Pactedans le cadre national)138

Observation générale no 4: Article 3 (Égalité des droits entre hommes et femmes)139

Observation générale no 5: Article 4 (Dérogations)140

Observation générale no 6: Article 6 (Droit à la vie)141

Observation générale no 7: Article 7 (Interdiction de la torture et des peinesou traitements cruels, inhumains ou dégradants)143

Observation générale no 8: Article 9 (Droit à la liberté et à la sécuritéde la personne)145

Observation générale no 9: Article 10 (Traitement des personnes privéesde leur liberté)146

Observation générale no 10: Article 19 (Liberté d’opinion)148

Observation générale no 11: Article 20149

Observation générale no 12: Article premier (Droit à l’autodétermination)150

Observation générale no 13: Article 14 (Administration de la justice)152

Observation générale no 14: Article 6 (Droit à la vie)156

Observation générale no 15: Situation des étrangers au regard du Pacte157

Observation générale no 16: Article 17 (Droit au respect de la vie privée)160

Observation générale no 17: Article 24 (Droits de l’enfant)162

Observation générale no 18: Non‑discrimination165

Observation générale no 19: Article 23 (Protection de la famille)168

TABLE DES MATIÈRES (suite)

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Observation générale no 20: Article 7 (Interdiction de la torture et des peinesou traitements cruels, inhumains ou dégradants)170

Observation générale no 21: Article 10 (Droit des personnes privées de libertéd’être traitées avec humanité)173

Observation générale no 22: Article 18 (Liberté de pensée, de conscienceet de religion)176

Observation générale no 23: Article 27 (Droits des minorités)179

Observation générale no 24: Questions touchant les réserves formulées au momentde la ratification du Pacte ou des Protocoles facultatifs y relatifs ou de l’adhésion àces instruments, ou en rapport avec des déclarations formulées au titre de l’article 41 du Pacte183

Observation générale no 25: Article 25 (Participation aux affaires publiqueset droit de vote)190

Observation générale no 26: Continuité des obligations196

Observation générale no 27: Article 12 (Liberté de circulation)197

Observation générale no 28: Article 3 (Égalité des droits entre hommes et femmes)202

Observation générale no 29: Article 4 (Dérogations en période d’état d’urgence)210

Observation générale no 30: Obligation de présenter des rapports qui incombeaux États parties en vertu de l’article 40 du Pacte218

Observation générale no 31: La nature de l’obligation juridique généraleimposée aux États parties au Pacte219

III.RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES ADOPTÉES PAR LE COMITÉPOUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE225

Recommandation générale I concernant les obligations des États parties(art. 4 de la Convention)226

Recommandation générale II concernant les obligations des États parties227

Recommandation générale III concernant les rapports des États parties228

Recommandation générale IV concernant les rapports des États parties(art. 1 de la Convention)229

TABLE DES MATIÈRES (suite)

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Recommandation générale V concernant les obligations des États partiesde faire rapport (art. 7 de la Convention)230

Recommandation générale VI concernant la non‑présentation de rapports231

Recommandation générale VII concernant l’application de l’article 4de la Convention232

Recommandation générale VIII concernant l’interprétation et l’application des paragraphes 1 et 4 de l’article premier de la Convention233

Recommandation générale IX concernant l’application du paragraphe 1de l’article 8 de la Convention234

Recommandation générale X concernant l’assistance technique235

Recommandation générale XI concernant les non‑ressortissants236

Recommandation générale XII concernant les États successeurs237

Recommandation générale XIII concernant la formation des responsablesde l’application des lois à la protection des droits de l’homme238

Recommandation générale XIV concernant le paragraphe 1 de l’article premierde la Convention239

Recommandation générale XV concernant l’article 4 de la Convention240

Recommandation générale XVI concernant l’application de l’article 9de la Convention242

Recommandation générale XVII concernant la création d’organismes nationauxpour faciliter l’application de la Convention243

Recommandation générale XVIII concernant la création d’un tribunal internationalchargé de poursuivre les auteurs présumés de crimes contre l’humanité244

Recommandation générale XIX concernant l’article 3 de la Convention245

Recommandation générale XX concernant l’article 5 de la Convention246

Recommandation générale XXI concernant le droit à l’autodétermination247

Recommandation générale XXII concernant l’article 5 et les réfugiéset personnes déplacées249

TABLE DES MATIÈRES (suite)

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Recommandation générale XXIII concernant les droitsdes populations autochtones250

Recommandation générale XXIV concernant l’article premier de la Convention252

Recommandation générale XXV concernant la dimension sexistede la discrimination raciale253

Recommandation générale XXVI concernant l’article 6 de la Convention255

Recommandation générale XXVII concernant la discriminationà l’égard des Roms256

Recommandation générale XXVIII concernant le suivi de la Conférence mondialecontre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérancequi y est associée261

Recommandation générale XXIX concernant la discrimination fondéesur l’ascendance (art. 1er, par. 1, de la Convention)264

IV.RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES ADOPTÉES PAR LE COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES270

Recommandation générale no 1: Rapports des États parties271

Recommandation générale no 2: Rapports des États parties272

Recommandation générale no 3: Programmes d’éducation et d’information273

Recommandation générale no 4: Réserves274

Recommandation générale no 5: Mesures temporaires spéciales275

Recommandation générale no 6: Mécanismes nationaux et publicité efficaces276

Recommandation générale no 7: Ressources277

Recommandation générale no 8: Application de l’article 8 de la Convention278

Recommandation générale no 9: Données statistiques concernant la situationdes femmes279

Recommandation générale no 10: Dixième anniversaire de l’adoptionde la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminationà l’égard des femmes280

TABLE DES MATIÈRES (suite)

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Recommandation générale no 11: Services consultatifs techniques pour permettreaux pays de s’acquitter de leurs obligations en matière de rapports281

Recommandation générale no 12: Violence contre les femmes282

Recommandation générale no 13: Égalité de rémunération pour un travailde valeur égale283

Recommandation générale no 14: L’excision284

Recommandation générale no 15: Non‑discrimination à l’égard des femmes dans les stratégies nationales de prévention du syndrome d’immunodéficience acquise (sida) et de lutte contre cette pandémie286

Recommandation générale no 16: Femmes travaillant sans rémunérationdans des entreprises familiales287

Recommandation générale no 17: Évaluation et quantification du travail ménager non rémunéré des femmes et prise en compte dudit travail dans le produit national brut288

Recommandation générale no 18: Les femmes handicapées289

Recommandation générale no 19: Violence à l’égard des femmes290

Recommandation générale no 20: Réserves à l’égard de la Convention296

Recommandation générale no 21: Égalité dans le mariage et les rapports familiaux297

Recommandation générale no 22: Modification de l’article 20 de la Convention307

Recommandation générale no 23: La vie politique et publique309

Recommandation générale no 24: Article 12 de la Convention(Les femmes et la santé)321

Recommandation générale no 25: Premier paragraphe de l’article 4 de la Convention(Mesures temporaires spéciales)329

V.OBSERVATION GÉNÉRALE ADOPTÉE PAR LE COMITÉ CONTRELA TORTURE338

Observation générale no 1: Application de l’article 3 de la Convention contrela torture (Refoulement) dans le contexte de l’article 22 (Communications)339

TABLE DES MATIÈRES (suite)

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VI.OBSERVATION GÉNÉRALE ADOPTÉE PAR LE COMITÉDES DROITS DE L’ENFANT341

Observation générale no 1: Les buts de l’éducation (art. 29)341

Observation générale no 2: Le rôle des institutions nationales indépendantesde défense des droits de l’homme dans la protection et la promotiondes droits de l’enfant350

Observation générale no 3: Le VIH/sida et les droits de l’enfant358

Observation générale no 4: La santé et le développement de l’adolescentdans le contexte de la Convention relative aux droits de l’enfant372

Observation générale no 5: Mesures d’application générales de la Conventionrelative aux droits de l’enfant (art. 4, 42 et 44, par. 6)385

Annexe I:Ratification d’autres instruments internationaux clefsrelatifs aux droits de l’homme405

I. OBSERVATIONS GÉNÉRALES ADOPTÉES PAR LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Introduction: but des observations générales*

1.À sa deuxième session, en 1988, le Comité a décidé (E/1988/14, par. 366 et 367), conformément à l’invitation que le Conseil économique et social lui avait adressée (résolution 1987/5) et que l’Assemblée générale avait fait sienne (résolution 42/102), d’entreprendre à partir de sa troisième session l’élaboration d’observations générales se rapportant à divers articles et dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en vue d’aider les États parties à s’acquitter de leurs obligations en matière de présentation de rapports.

2.À la fin de sa troisième session, le Comité et le groupe de travail de session d’experts gouvernementaux qui avait été créé avant lui ont examiné 138 rapports initiaux et 44 deuxièmes rapports périodiques couvrant les droits visés aux articles 6 à 9, 10 à 12 et 13 à 15 du Pacte. L’expérience intéresse de nombreux États parties au Pacte, lesquels sont actuellement au nombre de 92 et représentent toutes les régions du monde ainsi que des systèmes socioéconomiques, culturels, politiques et juridiques différents. Les rapports présentés jusqu’à présent illustrent un grand nombre des problèmes que risque de poser l’application du Pacte, bien qu’ils ne permettent pas encore de se faire une idée d’ensemble de la situation globale en ce qui concerne la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels. Dans l’introduction de l’annexe III (observations générales) de son rapport de 1989 au Conseil économique et social (E/1989/22), le Comité explique le but des observations générales comme suit:

3.«Par ses observations générales, le Comité s’efforce de faire bénéficier tous les États parties de l’expérience acquise dans le cadre de l’examen des rapports présentés, pour les aider et les encourager à continuer d’appliquer le Pacte, pour appeler leur attention sur les insuffisances que font apparaître un grand nombre de rapports, pour proposer des améliorations dans la méthode de présentation des rapports et pour stimuler les activités des États parties, des organisations internationales et des institutions spécialisées intéressées qui ont pour objet de favoriser la réalisation progressive et effective des droits reconnus dans le Pacte. Chaque fois que nécessaire, le Comité pourra, à la lumière de l’expérience des États parties et des conclusions qu’il en tire, réexaminer ses observations générales et les mettre à jour.»

Troisième session (1989)*

Observation générale n o  1: Rapports des États parties

1.Les obligations en matière de présentation de rapports qui sont prévues dans la quatrième partie du Pacte ont d’abord pour but d’aider chaque État partie à s’acquitter des obligations de fond que lui donne cet instrument et, ensuite, de fournir au Conseil, assisté du Comité, une base lui permettant de s’acquitter de ses responsabilités dans les deux domaines suivants: contrôler la façon dont les États parties donnent suite à ces obligations et faciliter la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, conformément aux dispositions du Pacte. De l’avis du Comité, il serait erroné de ne voir dans les rapports des États parties qu’une simple procédure, qui n’aurait pour but que de satisfaire l’obligation formelle de chaque État partie de faire rapport à l’organe international compétent. Au contraire, compte tenu de la lettre et de l’esprit du Pacte, l’établissement et la présentation des rapports des États peuvent − et doivent − répondre à plusieurs objectifs.

2.Le premier objectif − d’une importance particulière dans le cas du rapport initial, qui doit être présenté dans un délai de deux ans à partir de l’entrée en vigueur du Pacte pour l’État partie intéressé − est de faire en sorte que chaque État partie procède à une étude d’ensemble de ses lois, règlements, procédures et pratiques en vue de les rendre aussi conformes que possible avec le Pacte. Cette étude peut se faire par exemple avec la collaboration de chacun des ministères ou autres autorités chargées de définir les orientations nationales et de mettre celles‑ci en œuvre dans les différents domaines visés par le Pacte.

3.Le deuxième objectif est de veiller à ce que chaque État partie apprécie de façon régulière la réalité de la situation en ce qui concerne chacun des droits en question, et puisse ainsi déterminer dans quelle mesure ces divers droits peuvent − ou ne peuvent pas − être exercés par tous les individus vivant sur son territoire ou relevant de son autorité. L’expérience acquise à ce jour par le Comité démontre que des statistiques ou des évaluations d’ensemble ne sauraient suffire à atteindre cet objectif, et qu’il importe que chaque État partie accorde une attention particulière aux régions ou secteurs défavorisés et aux groupes ou sous‑groupes de population qui paraissent être particulièrement vulnérables ou désavantagés. Le premier pas vers la concrétisation des droits économiques, sociaux et culturels consiste donc à prendre conscience de la situation réelle et à porter un diagnostic sur cette situation. Le Comité n’ignore pas que la collecte et l’étude de l’information nécessaire à cette fin constituent une opération qui peut être gourmande en temps et en ressources, ni qu’il se peut que les États parties aient besoin, pour s’acquitter de leurs obligations, de l’assistance et de la coopération internationales qui sont prévues au paragraphe 1 de l’article 2 et aux articles 22 et 23 du Pacte. Dans un tel cas, si un État partie conclut qu’il n’a pas les moyens de procéder à cette opération, qui fait partie intégrante de tout effort sur la voie des buts reconnus de politique générale et qui est indispensable à l’application effective du Pacte, il pourra l’indiquer dans son rapport au Comité, en précisant la nature et l’importance de l’assistance internationale qui lui serait nécessaire.

4.Ce qui précède doit permettre de dresser un tableau détaillé de la situation réelle, qui servira à son tour de base à l’élaboration de politiques formulées et ciblées avec précision, avec définition de priorités correspondant aux dispositions du Pacte. Le troisième objectif des rapports des États parties est donc de permettre aux gouvernements de ces pays de démontrer que cette redéfinition des politiques a effectivement été entreprise. S’il est vrai que le Pacte ne rend cette obligation explicite qu’à l’article 14, dans les cas où «le caractère obligatoire et la gratuité de l’enseignement primaire» ne sont pas encore établis pour tous, il existe une obligation comparable, astreignant chaque État partie «à établir et à adopter [...] un plan détaillé des mesures nécessaires pour réaliser progressivement» chacun des droits inscrits dans le Pacte au paragraphe 1 de l’article 2, où il est dit que chacun des États parties «s’engage à agir [...] par tous les moyens appropriés [...]».

5.Le quatrième objectif auquel répondent les rapports des États parties est de faciliter l’évaluation, par l’opinion publique, des politiques nationales en matière de droits économiques, sociaux et culturels, et d’encourager la participation des divers secteurs économiques, sociaux et culturels de la société à la formulation de ces politiques, à leur mise en œuvre et à leur réexamen. En étudiant les rapports présentés jusqu’à ce jour, le Comité a constaté avec satisfaction que plusieurs États parties, dotés de systèmes politiques et économiques différents, encouragent ces groupes non gouvernementaux à apporter leur contribution à l’élaboration des rapports prévus dans le Pacte. D’autres veillent à ce que leurs rapports soient largement diffusés, afin que les divers secteurs de la population puissent y apporter les commentaires nécessaires. Considérées ainsi, l’élaboration des rapports et leur étude au niveau national peuvent être d’une utilité au moins égale à celle du dialogue constructif qui a lieu sur le plan international entre le Comité et les représentants des États auteurs des rapports.

6.Le cinquième objectif est de dégager une base à partir de laquelle chaque État partie, ainsi que le Comité, peut effectivement évaluer l’importance des progrès réalisés vers l’exécution des obligations prévues dans le Pacte. Peut‑être sera‑t‑il utile pour cela que les États définissent certains critères ou certains buts, à la lumière desquels ils apprécieront les résultats obtenus. Par exemple, il est généralement admis qu’il importe de s’assigner des buts précis en ce qui concerne la lutte contre la mortalité infantile, la généralisation de la vaccination des enfants, la consommation de calories par personne, le nombre d’individus par membre du personnel de santé, etc. Dans beaucoup de ces domaines, les critères mondiaux sont d’un intérêt limité, alors que des critères nationaux ou plus particularisés peuvent fournir une indication extrêmement précieuse sur les progrès accomplis.

7.Le Comité tient à noter à ce propos que le Pacte donne une importance particulière à la «réalisation progressive» des droits qui y sont proclamés. Aussi invite‑t‑il instamment les États parties à faire figurer dans leurs rapports des indications montrant les progrès dans le temps qu’ils enregistrent vers cette réalisation de ces droits. Pour la même raison, et pour permettre une évaluation satisfaisante de la situation, il est évident que des indications de caractère qualitatif sont aussi nécessaires, outre les indications quantitatives.

8.Le sixième objectif est de mettre les États parties en mesure de mieux comprendre les problèmes et les échecs rencontrés dans leurs efforts pour mettre progressivement en œuvre tous les droits économiques, sociaux et culturels. Pour cela, il est indispensable que les États parties fassent rapport en détail sur les facteurs et les difficultés qui s’opposent à cette mise en œuvre effective. C’est en définissant et en reconnaissant ces difficultés qu’ils pourront établir le cadre où s’inscrivent de nouvelles politiques, plus efficaces.

9.Le septième objectif est d’aider le Comité, ainsi que les États parties dans leur ensemble, à faciliter les échanges d’informations entre États, à mieux comprendre les problèmes communs à ces États et à se faire une meilleure idée des mesures que l’on pourrait prendre en vue de la réalisation effective de chacun des droits proclamés dans le Pacte. Le Comité peut aussi, de cette façon, déterminer les moyens par lesquels la communauté internationale peut aider les États intéressés, conformément aux articles 22 et 23 du Pacte. En vue de bien montrer l’importance qu’il attache à cet objectif, le Comité examinera à sa quatrième session une observation générale consacrée à ces articles.

Quatrième session (1990)*

Observation générale n o  2: Mesures internationales d’assistance technique (art. 22 du Pacte)

1.En vertu de l’article 22 du Pacte, il est institué un mécanisme par lequel le Conseil économique et social peut porter à l’attention des autres organes de l’Organisation des Nations Unies compétents toute question que soulèvent les rapports soumis conformément au Pacte «qui peut aider ces organismes à se prononcer, chacun dans sa propre sphère de compétence, sur l’opportunité de mesures internationales propres à contribuer à la mise en œuvre effective et progressive du [...] Pacte». Certes, la responsabilité visée à l’article 22 incombe au premier chef au Conseil économique et social, mais à l’évidence il appartient au Comité des droits économiques, sociaux et culturels de jouer un rôle actif dans ce domaine, en conseillant et en assistant le Conseil économique et social.

2.Les recommandations visées à l’article 22 peuvent être faites aux «organes de l’Organisation des Nations Unies», à «leurs organes subsidiaires» et aux «institutions spécialisées intéressées qui s’occupent de fournir une assistance technique». Le Comité estime que cette disposition doit être interprétée de façon à inclure quasiment tous les organes et institutions de l’ONU qui, d’une manière ou d’une autre, participent aux activités de coopération internationale pour le développement. Il conviendrait donc d’adresser les recommandations visées à l’article 22 notamment au Secrétaire général, aux organes subsidiaires du Conseil économique et social comme la Commission des droits de l’homme, la Commission du développement social et la Commission de la condition de la femme, à d’autres organes comme le PNUD, l’UNICEF et le Comité de la planification du développement, à des institutions comme la Banque mondiale et le FMI, et à des institutions spécialisées comme l’OIT, la FAO, l’UNESCO et l’OMS.

3.L’application de l’article 22 pourrait donner lieu soit à des recommandations portant sur des considérations de politique générale soit à des recommandations plus précises concernant une situation spécifique. Dans le premier cas, le rôle principal du Comité devrait être d’engager à faire davantage porter l’effort sur la promotion des droits économiques, sociaux et culturels dans le cadre des activités internationales de coopération en faveur du développement entreprises par l’Organisation des Nations Unies et ses organismes et institutions ou avec leur aide. À cet égard, le Comité note que, par sa résolution 1989/13 du 2 mars 1989, la Commission des droits de l’homme l’a invité «à accorder de l’attention aux moyens par lesquels les divers organismes des Nations Unies s’occupant de développement pourraient le mieux inclure dans leurs activités des mesures destinées à favoriser le plein respect des droits économiques, sociaux et culturels».

4.À titre préliminaire, et d’un point de vue concret, le Comité note que si les divers organismes et institutions compétents s’intéressaient davantage à ses travaux, d’une part, il serait lui‑même aidé dans ses efforts et d’autre part les organismes seraient mieux informés. Tout en reconnaissant que cet intérêt peut prendre diverses formes, le Comité observe qu’à l’exception notable de l’OIT, de l’UNESCO et de l’OMS, les organismes des Nations Unies compétents n’étaient guère représentés à ses quatre premières sessions. En outre, le Comité n’a reçu des documents et des renseignements écrits que d’un très petit nombre d’organisations. À son avis, une meilleure compréhension de l’importance des droits économiques, sociaux et culturels dans le contexte des activités de coopération internationale en vue du développement serait considérablement facilitée si l’interaction entre le Comité et les organes et organisations compétents était renforcée. À tout le moins, le débat général autour d’une question spécifique auquel le Comité consacre une journée à chacune de ses sessions est l’occasion idéale d’un échange de vues potentiellement fructueux.

5.À propos de la question plus générale de la promotion du respect des droits de l’homme dans le contexte des activités de développement, les actions spécifiques entreprises par des organes de l’ONU dont le Comité a eu connaissance à ce jour restent très limitées. Il note avec satisfaction à cet égard l’initiative conjointe du Centre pour les droits de l’homme et du PNUD qui ont écrit aux représentants résidents des Nations Unies et à d’autres fonctionnaires sur le terrain pour les inviter à faire part de leurs suggestions et de leur avis, en particulier au sujet des modalités possibles d’une coopération à des projets en cours considérés comme touchant aux droits de l’homme ou à des projets nouveaux qui seraient menés à la demande expresse d’un gouvernement. Le Comité a également été informé des efforts que l’OIT déploie depuis longtemps pour tenir compte, dans ses activités de coopération technique, des normes en matière de droits de l’homme et des normes internationales en matière de travail qu’elle a elle‑même établies.

6.Pour ce qui est de ces activités, il importe de tenir compte de deux principes généraux. Tout d’abord, les deux groupes de droits sont indivisibles et interdépendants. Tout effort visant à promouvoir l’un doit tenir pleinement compte de l’autre. Les organismes des Nations Unies chargés de la promotion des droits économiques, sociaux et culturels doivent faire tout leur possible pour veiller à ce que leurs activités soient pleinement compatibles avec le respect des droits civils et politiques. Dans un sens négatif, ce principe signifie que les organismes internationaux doivent éviter soigneusement d’appuyer des projets qui supposent, par exemple, le recours au travail forcé, en violation des normes internationales, encouragent ou renforcent la discrimination à l’encontre d’individus ou de groupes, en violation des dispositions du Pacte, ou entraînent des expulsions ou déplacements massifs, sans mesures appropriées de protection et d’indemnisation. Dans un sens positif, il signifie que les organismes doivent, dans toute la mesure possible, appuyer les projets et les méthodes qui contribuent non seulement à la croissance économique ou à la réalisation d’objectifs plus larges, mais également au plein exercice de la totalité des droits de l’homme.

7.Le deuxième principe général est que les activités de coopération pour le développement ne contribuent pas automatiquement à promouvoir le respect des droits économiques, sociaux et culturels. Un grand nombre d’activités entreprises au nom du «développement» se sont révélées par la suite mal conçues ou même néfastes du point de vue des droits de l’homme. Pour que ces problèmes se posent moins souvent, il faudrait, dans la mesure du possible et selon les besoins, examiner en détail et soigneusement toute la série des questions faisant l’objet du Pacte.

8.Bien qu’il importe de chercher à intégrer les préoccupations relatives aux droits de l’homme aux activités de développement, il reste que les propositions faites dans ce sens risquent trop souvent d’en rester au stade des généralités. C’est pourquoi, afin d’encourager la mise en œuvre effective du principe énoncé à l’article 22 du Pacte, le Comité souhaite attirer l’attention sur les mesures spécifiques ci‑après qui méritent d’être étudiées par les organismes intéressés:

a)Les organismes et institutions concernés des Nations Unies devraient avoir pour principe de reconnaître expressément les rapports étroits qui doivent être établis entre les activités de développement et les efforts visant à promouvoir le respect des droits de l’homme en général et des droits économiques, sociaux et culturels en particulier. Le Comité note à cet égard qu’il n’a pas été tenu compte de ces rapports dans les trois premières Stratégies internationales du développement adoptées par les Nations Unies et demande instamment que cette omission soit réparée dans le cadre de la quatrième stratégie, qui doit être adoptée en 1990;

b)Les institutions des Nations Unies devraient donner suite à la proposition faite par le Secrétaire général dans un rapport de 1979 selon laquelle une «étude d’impact sur les droits de l’homme» devrait être réalisée dans le cadre de toutes les grandes activités de coopération pour le développement;

c)La formation ou les réunions d’information générale à l’intention des agents engagés au titre de projets ou d’autres catégories de personnel employé par les institutions des Nations Unies devraient comporter un élément portant sur les normes et les principes applicables dans le domaine des droits de l’homme;

d)Il faudrait tout mettre en œuvre, à chaque étape de l’exécution des projets de développement, pour que les droits énoncés dans les Pactes soient dûment pris en compte, notamment lors de l’évaluation initiale des besoins prioritaires du pays concerné, de l’identification des projets, de leur conception, de leur exécution et de leur évaluation finale.

9.Lorsqu’il a examiné les rapports des États parties, le Comité s’est préoccupé en particulier des incidences néfastes du fardeau de la dette et des mesures d’ajustement sur l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels dans un grand nombre de pays. S’il reconnaît que les programmes d’ajustement sont souvent inévitables et se traduisent dans la plupart des cas par d’importantes mesures d’austérité, il est convaincu qu’il est alors encore plus urgent d’intensifier les efforts visant à protéger les droits économiques, sociaux et culturels les plus élémentaires. Les États parties au Pacte, ainsi que les institutions compétentes des Nations Unies, devraient donc veiller tout particulièrement à ce que des mesures de protection soient, dans toute la mesure possible, intégrées aux programmes et aux politiques destinés à encourager les ajustements. Une telle démarche, parfois appelée «l’ajustement à visage humain» suppose que la protection des couches pauvres et vulnérables de la population devienne un objectif fondamental de l’ajustement économique. De même, les mesures prises au niveau international pour faire face à la crise de la dette devraient tenir pleinement compte de la nécessité de protéger les droits économiques, sociaux et culturels, notamment dans le cadre de la coopération internationale. Dans un grand nombre de cas, d’importantes mesures d’allégement de la dette pourraient s’avérer nécessaires.

10.Enfin, le Comité souhaite appeler l’attention sur l’excellente occasion qu’ont les États parties, conformément à l’article 22 du Pacte, d’indiquer dans leurs rapports tous besoins particuliers qu’ils pourraient avoir en matière d’assistance technique ou de coopération pour le développement.

Cinquième session (1990) *

Observation générale n o  3: La nature des obligations des États parties (art. 2, par. 1, du Pacte)

1.L’article 2 a une importance particulière pour bien comprendre le Pacte et il faut bien voir qu’il entretient une relation dynamique avec toutes les autres dispositions de cet instrument. On y trouve exposée la nature des obligations juridiques générales assumées par les États parties au Pacte. Ces obligations comprennent à la fois ce qu’on peut appeler (en s’inspirant des travaux de la Commission du droit international) des obligations de comportement et des obligations de résultat. L’accent a parfois été mis très fortement sur la distinction qui existe entre les formules employées dans le passage en question du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et celle qui figure dans l’article 2 équivalent du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, mais on ne dit pas toujours qu’il existe aussi sur ce point d’importantes analogies. En particulier, si le Pacte prévoit effectivement que l’exercice des droits devra être assuré progressivement et reconnaît les contraintes découlant du caractère limité des ressources disponibles, il impose aussi diverses obligations ayant un effet immédiat, dont deux sont particulièrement importantes pour comprendre la nature précise des obligations des États parties. Une obligation dont il est question dans une observation générale distincte, que le Comité étudiera à sa sixième session, est que les États parties «s’engagent à garantir» que les droits considérés «seront exercés sans discrimination».

2.L’autre obligation réside dans le fait que, aux termes du paragraphe 1 de l’article 2, les États s’engagent à prendre des mesures, obligation qui, en elle‑même, n’est pas nuancée ou limitée par d’autres considérations. On peut aussi apprécier tout le sens de l’expression qui figure dans le texte en considérant certaines de ses versions. Dans le texte anglais, l’obligation est «to take steps» (prendre des mesures); en français, les États s’engagent «à agir» et, dans le texte espagnol, «a adoptar medidas» (à adopter des mesures). Ainsi, alors que le plein exercice des droits considérés peut n’être assuré que progressivement, les mesures à prendre à cette fin doivent l’être dans un délai raisonnablement bref à compter de l’entrée en vigueur du Pacte pour les États concernés. Ces mesures doivent avoir un caractère délibéré, concret et viser aussi clairement que possible à la réalisation des obligations reconnues dans le Pacte.

3.Les moyens qui doivent être utilisés pour satisfaire à l’obligation d’agir sont, pour citer le paragraphe 1 de l’article 2, «tous les moyens appropriés, y compris en particulier l’adoption de mesures législatives». Le Comité estime que, dans de nombreux cas, le recours à la législation est hautement souhaitable et que, dans certains cas, il peut même être indispensable. Par exemple, il peut être difficile de lutter efficacement contre la discrimination s’il n’existe pas, pour les mesures qui s’imposent, une base législative solide. Dans des domaines tels que la santé, la protection des enfants et des mères, et l’éducation, ainsi que dans les domaines dont il est question dans les articles 6 à 9, la législation peut aussi être un élément indispensable pour nombre d’objectifs visés.

4.Le Comité note qu’en général les États parties exposent, consciencieusement et de manière détaillée tout au moins, certaines des mesures législatives qu’ils ont prises à cet égard. Il tient à souligner toutefois que l’adoption de mesures législatives, qui est expressément prévue par le Pacte, n’épuise nullement les obligations des États parties. Au contraire, il faut donner à l’expression «par tous les moyens appropriés» tout le sens qu’elle a naturellement. Certes, chaque État partie doit décider pour lui‑même des moyens qui sont le plus appropriés, vu les circonstances en ce qui concerne chacun des droits, mais le caractère «approprié» des moyens choisis n’est pas toujours évident. Il est donc souhaitable que les rapports des États parties indiquent non seulement quelles sont les mesures qui ont été prises mais aussi les raisons pour lesquelles elles sont jugées le plus «appropriées» compte tenu des circonstances. Toutefois, c’est le Comité qui, en fin de compte, doit déterminer si toutes les mesures appropriées ont été prises.

5.Parmi les mesures qui pourraient être considérées comme appropriées figurent, outre les mesures législatives, celles qui prévoient des recours judiciaires au sujet de droits qui, selon le système juridique national, sont considérés comme pouvant être invoqués devant les tribunaux. Le Comité note, par exemple, que la jouissance des droits reconnus, sans discrimination, est souvent réalisée de manière appropriée, en partie grâce au fait qu’il existe des recours judiciaires ou d’autres recours utiles. En fait, les États parties qui sont également parties au Pacte international relatif aux droits civils et politiques sont déjà tenus (en vertu des paragraphes 1 et 3 de l’article 2 et des articles 3 et 26 du Pacte) de garantir que toute personne dont les droits et libertés (y compris le droit à l’égalité et à la non‑discrimination) sont reconnus dans cet instrument auront été violés «disposera d’un recours utile» (art. 2, par. 3, al. a). En outre, il y a dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels un certain nombre d’autres dispositions, y compris celles des articles 3, 7 (al. a, i), 8, 10, (par. 3), 13 (par. 2, al. a et par. 3 et 4) et 15 (par. 3) qui, semble‑t‑il, sont susceptibles d’être immédiatement appliquées par des organes de caractère judiciaire et autre dans le cadre de nombreux systèmes juridiques nationaux. Il serait difficile de suggérer que les dispositions indiquées ne sont pas, étant donné leur nature, applicables en elles‑mêmes et par elles‑mêmes.

6.Dans les cas où des mesures expresses visant directement à assurer l’exercice des droits reconnus dans le Pacte ont été adoptées sous forme législative, le Comité souhaitera qu’on lui fasse savoir, notamment, si les lois en question créent ou non, pour les individus ou les groupes qui estiment que leurs droits ne sont pas pleinement respectés, le droit d’intenter une action. Dans les cas où des droits économiques, sociaux ou culturels spécifiques sont reconnus par la constitution, ou lorsque les dispositions du Pacte ont été incorporées directement à la loi nationale, le Comité souhaitera qu’on lui dise dans quelle mesure ces droits sont considérés comme pouvant être invoqués devant les tribunaux. Il souhaitera aussi avoir des renseignements précis sur tout cas où la teneur des dispositions de la constitution relatives aux droits économiques, sociaux et culturels aura été édulcorée ou sensiblement modifiée.

7.Les autres mesures qui peuvent être considérées comme «appropriées» aux fins du paragraphe 1 de l’article 2 comprennent, mais non pas exclusivement, les mesures administratives, financières, éducatives et sociales.

8.Le Comité note que la disposition selon laquelle les États parties s’engagent «à agir [...] par tous les moyens appropriés, y compris en particulier l’adoption de mesures législatives» n’exige ni n’empêche qu’une forme particulière de gouvernement ou de système économique serve de véhicule aux mesures en question, à la seule condition qu’elle soit démocratique et que tous les droits de l’homme soient respectés. Ainsi, du point de vue des systèmes politiques ou économiques, le Pacte est neutre et l’on ne saurait valablement dire que ses principes reposent exclusivement sur la nécessité ou sur l’opportunité d’un système socialiste ou capitaliste, d’une économie mixte, planifiée ou libérale, ou d’une quelque autre conception. À cet égard, le Comité réaffirme que l’exercice des droits reconnus dans le Pacte est susceptible d’être assuré dans le cadre de systèmes économiques ou politiques très divers, à la seule condition que l’interdépendance et le caractère indivisible des deux séries de droits de l’homme, affirmés notamment dans le préambule du Pacte, soient reconnus et reflétés dans le système en question. Il constate par ailleurs que d’autres droits de l’homme, en particulier le droit au développement, ont également leur place ici.

9.La principale obligation de résultat dont il est fait état au paragraphe 1 de l’article 2, c’est d’«agir [...] en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus [dans le Pacte]». On emploie souvent la notion de réalisation progressive pour définir l’intention sous‑jacente à ce membre de phrase. C’est une façon de reconnaître le fait que le plein exercice de tous les droits économiques, sociaux et culturels ne peut généralement pas être assuré en un court laps de temps. En ce sens, cette obligation est nettement différente de celle qui est énoncée à l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui est une obligation immédiate de respecter et de garantir tous les droits pertinents. Néanmoins, le fait que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels prévoit une démarche qui s’inscrit dans le temps, autrement dit progressive, ne saurait être interprété d’une manière qui priverait l’obligation en question de tout contenu effectif. D’une part, cette clause permet de sauvegarder la souplesse nécessaire, compte tenu des réalités du monde et des difficultés que rencontre tout pays qui s’efforce d’assurer le plein exercice des droits économiques, sociaux et culturels; d’autre part, elle doit être interprétée à la lumière de l’objectif global, et à vrai dire de la raison d’être du Pacte, qui est de fixer aux États parties des obligations claires en ce qui concerne le plein exercice des droits en question. Ainsi, cette clause impose l’obligation d’œuvrer aussi rapidement et aussi efficacement que possible pour atteindre cet objectif. En outre, toute mesure délibérément régressive dans ce domaine doit impérativement être examinée avec le plus grand soin, et pleinement justifiée par référence à la totalité des droits sur lesquels porte le Pacte, et ce en faisant usage de toutes les ressources disponibles.

10.Fort de l’expérience considérable que le Comité − comme l’organe qui l’a précédé − a acquise depuis plus de 10 ans que les rapports des États parties sont examinés, il est d’avis que chaque État partie a l’obligation fondamentale minimum d’assurer, au moins, la satisfaction de l’essentiel de chacun des droits. Ainsi, un État partie dans lequel, par exemple, nombreuses sont les personnes qui manquent de l’essentiel, qu’il s’agisse de nourriture, de soins de santé primaires, de logement ou d’enseignement, est un État qui, à première vue, néglige les obligations qui lui incombent en vertu du Pacte. Le Pacte serait largement dépourvu de sa raison d’être si de sa lecture ne ressortait pas cette obligation fondamentale minimum. De la même façon, il convient de noter que, pour déterminer si un État s’acquitte de ses obligations fondamentales minimum, il faut tenir compte des contraintes qui pèsent sur le pays considéré en matière de ressources. En vertu du paragraphe 1 de l’article 2, chacun des États parties est tenu d’agir «au maximum de ses ressources disponibles». Pour qu’un État partie puisse invoquer le manque de ressources lorsqu’il ne s’acquitte même pas de ses obligations fondamentales minimum, il doit démontrer qu’aucun effort n’a été épargné pour utiliser toutes les ressources qui sont à sa disposition en vue de remplir, à titre prioritaire, ces obligations minimum.

11.Le Comité tient à souligner cependant que, même s’il est démontré que les ressources disponibles sont insuffisantes, l’obligation demeure, pour un État partie, de s’efforcer d’assurer la jouissance la plus large possible des droits pertinents dans les circonstances qui lui sont propres. En outre, le manque de ressources n’élimine nullement l’obligation de contrôler l’ampleur de la réalisation, et plus encore de la non‑réalisation, des droits économiques, sociaux et culturels, et d’élaborer des stratégies et des programmes visant à promouvoir ces droits. Le Comité a déjà traité ces questions dans son Observation générale no1 (1989).

12.De même, le Comité souligne que, même en temps de grave pénurie de ressources, en raison d’un processus d’ajustement, de la récession économique ou d’autres facteurs, les éléments vulnérables de la société peuvent et doivent être protégés grâce à la mise en œuvre de programmes spécifiques relativement peu coûteux. À l’appui de cette thèse, le Comité citera l’analyse faite par l’UNICEF, intitulée L’ajustement à visage humain: protéger les groupes vulnérables et favoriser la croissance, celle qui a été faite par le PNUD dans le Rapport mondial sur le développement humain 1990 et celle de la Banque mondiale dans le Rapport sur le développement dans le monde 1990.

13.Un dernier point du paragraphe 1 de l’article 2 sur lequel il convient d’appeler l’attention est que chacun des États parties s’engage à «agir, tant par son effort propre que par l’assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique». Le Comité fait observer que, pour les auteurs du Pacte, l’expression «au maximum de ses ressources disponibles» visait à la fois les ressources propres d’un État et celles de la communauté internationale, disponibles par le biais de l’assistance et de la coopération internationales. En outre, les dispositions expresses des articles 11, 15, 22 et 23 mettent elles aussi l’accent sur le rôle essentiel de cette coopération lorsqu’il s’agit de faciliter le plein exercice des droits en question. Pour ce qui est de l’article 22, le Comité a déjà insisté, dans l’Observation générale no2 (1990), sur un certain nombre de possibilités et de responsabilités en ce qui concerne la coopération internationale. Quant à l’article 23, il y est expressément dit que «la fourniture d’une assistance technique», ainsi que d’autres activités, figurent au nombre des «mesures d’ordre international destinées à assurer la réalisation des droits reconnus dans le Pacte».

14.Le Comité tient à souligner que, en vertu des Articles 55 et 56 de la Charte des Nations Unies, des principes confirmés du droit international et des dispositions du Pacte lui‑même, la coopération internationale pour le développement et, partant, pour l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels est une obligation qui incombe à tous les États. Elle incombe tout particulièrement aux États qui sont en mesure d’aider les autres États à cet égard. Le Comité attire notamment l’attention sur l’importance de la Déclaration sur le droit au développement, adoptée par l’Assemblée générale dans sa résolution 41/128 du 4 décembre 1986, et sur la nécessité pour les États parties de tenir pleinement compte de tous les principes qui y sont énoncés. Si les États qui le peuvent ne mettent pas activement en œuvre un programme de coopération et d’assistance internationales, la pleine jouissance des droits économiques, sociaux et culturels restera une aspiration insatisfaite. Le Comité rappelle, à ce propos, le texte de son Observation générale no 2 (1990).

Sixième session (1991)*

Observation générale n o 4: Le droit à un logement suffisant (art. 11, par. 1, du Pacte)

1.Conformément au paragraphe 1 de l’article 11 du Pacte, les États parties «reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle‑même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence». Le droit de l’homme à un logement suffisant, qui découle ainsi du droit à un niveau de vie suffisant, est d’une importance capitale pour la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels.

2.Le Comité a pu réunir une grande quantité de renseignements relatifs à ce droit. Depuis 1979, le Comité et les organes qui l’ont précédé ont examiné 75 rapports sur le droit à un logement suffisant. Le Comité a également consacré à la question une journée de débat général lors de ses troisième (voir E/1989/22, par. 312) et quatrième sessions (E/1990/23, par. 281 à 285). En outre, il a soigneusement pris note des renseignements obtenus dans le cadre de l’Année internationale du logement des sans‑abri (1987), notamment de la Stratégie mondiale du logement jusqu’à l’an 2000, adoptée par l’Assemblée générale dans sa résolution 42/191 du 11 décembre 1987. Il a aussi examiné les rapports et autres documents pertinents de la Commission des droits de l’homme et de la Sous‑Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités.

3.Bien que des instruments internationaux extrêmement divers traitent des différentes dimensions du droit à un logement suffisant, le paragraphe 1 de l’article 11 du Pacte est la disposition la plus complète et peut‑être la plus importante en la matière.

4.Certes, la communauté internationale a fréquemment réitéré l’importance du respect intégral du droit à un logement suffisant, mais, entre les normes énoncées au paragraphe 1 de l’article 11 du Pacte et la situation qui règne dans de nombreuses régions du monde, l’écart reste préoccupant. À n’en pas douter, les problèmes de sans‑abri et de logements insuffisants se posent souvent de manière particulièrement grave dans certains pays en développement qui se heurtent à d’importantes difficultés et autres contraintes, notamment en matière de ressources, mais le Comité constate que ces problèmes touchent également certaines des sociétés les plus avancées sur le plan économique. Selon les estimations de l’Organisation des Nations Unies, on compte plus de 100 millions de sans‑abri et plus d’un milliard de mal‑logés dans le monde. Rien n’indique que le nombre de ces cas diminue. Il apparaît clairement qu’aucun État partie n’est à l’abri des graves problèmes d’ordre divers que pose le droit au logement.

5.Il arrive que, dans les rapports qu’a examinés le Comité, les États parties admettent et décrivent les difficultés qui s’opposent à la réalisation du droit à un logement suffisant. Mais, dans la plupart des cas, les renseignements fournis sont insuffisants et ne permettent pas au Comité de dresser un tableau précis de la situation qui prévaut dans l’État concerné. La présente Observation générale vise donc à cerner certaines des principales questions qui se rapportent à ce droit et qui, de l’avis du Comité, sont importantes.

6.Le droit à un logement suffisant s’applique à tous. L’expression «elle‑même et sa famille» traduit des postulats concernant les rôles fondés sur le sexe et le schéma de l’activité économique qui étaient communément acceptés en 1966, année où le Pacte a été adopté, mais de nos jours, elle ne saurait être interprétée comme impliquant une restriction quelconque à l’applicabilité du droit à des individus ou à des familles dont le chef est une femme ou à d’autres groupes de ce type. Ainsi, la notion de «famille» doit être prise dans un sens large. En outre, les individus, comme les familles, ont droit à un logement convenable sans distinction d’âge, de situation économique, d’appartenance à des groupes ou autres entités ou de condition sociale et d’autres facteurs de cette nature. Notamment, la jouissance de ce droit ne doit pas, en vertu du paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte, être soumise à une forme quelconque de discrimination.

7.Le Comité est d’avis qu’il ne faut pas entendre le droit au logement dans un sens étroit ou restreint, qui l’égale, par exemple à l’abri fourni en ayant simplement un toit au‑dessus de sa tête, ou qui le prend exclusivement comme un bien. Il convient au contraire de l’interpréter comme le droit à un lieu où l’on puisse vivre en sécurité, dans la paix et la dignité. Et cela, pour deux raisons au moins. Premièrement, le droit au logement est intégralement lié à d’autres droits de l’homme et aux principes fondamentaux qui forment les prémisses du Pacte. Ainsi, «la dignité inhérente à la personne humaine» d’où découleraient les droits énoncés dans le Pacte implique que le mot «logement» soit interprété de manière à tenir compte de diverses autres considérations, et principalement que le droit au logement devrait être assuré à tous sans distinction de revenus ou de toutes autres ressources économiques. Deuxièmement, le paragraphe 1 de l’article 11 ne doit pas être compris comme visant un logement tout court mais un logement suffisant. Ainsi que l’a déclaré la Commission des établissements humains, et conformément à la Stratégie mondiale du logement jusqu’à l’an 2000, «Un logement adéquat c’est [...] suffisamment d’intimité, suffisamment d’espace, une bonne sécurité, un éclairage et une aération convenables, des infrastructures de base adéquates et un endroit bien situé par rapport au lieu de travail et aux services essentiels − tout cela pour un coût raisonnable».

8.Ainsi, l’adéquation aux besoins est une notion particulièrement importante en matière de droit au logement car elle met en évidence un certain nombre de facteurs dont il faut tenir compte pour déterminer si telle ou telle forme de logement peut être considérée comme un «logement suffisant» aux fins du Pacte. Il s’agit en partie de facteurs sociaux, économiques, culturels, climatiques, écologiques et autres, mais le Comité est d’avis qu’en tout état de cause, on peut identifier certains aspects du droit qui doivent être pris en considération à cette fin dans n’importe quel contexte. Ce sont notamment:

a)La sécurité légale de l’occupation. Il existe diverses formes d’occupation − la location (par le secteur public ou privé), la copropriété, le bail, la propriété, l’hébergement d’urgence et l’occupation précaire, qu’il s’agisse de terres ou de locaux. Quel que soit le régime d’occupation, chaque personne a droit à un certain degré de sécurité qui garantit la protection légale contre l’expulsion, le harcèlement ou autres menaces. Les États parties doivent par conséquent prendre immédiatement des mesures en vue d’assurer la sécurité légale de l’occupation aux individus et aux familles qui ne bénéficient pas encore de cette protection, en procédant à de véritables consultations avec les personnes et les groupes concernés;

b)L’existence de services, matériaux, équipements et infrastructures. Un logement convenable doit comprendre certains équipements essentiels à la santé, à la sécurité, au confort et à la nutrition. Tous les bénéficiaires du droit à un logement convenable doivent avoir un accès permanent à des ressources naturelles et communes: de l’eau potable, de l’énergie pour cuisiner, le chauffage et l’éclairage, des installations sanitaires et de lavage, des moyens de conservation des denrées alimentaires, d’un système d’évacuation des déchets, de drainage, et des services d’urgence;

c)La capacité de paiement. Le coût financier du logement pour les individus ou les ménages devrait se situer à un niveau qui ne menace ni ne compromette la satisfaction d’autres besoins fondamentaux. Les États parties devraient faire en sorte que, d’une manière générale, le pourcentage des coûts afférents au logement ne soit pas disproportionné aux revenus. Les États parties devraient prévoir des allocations de logement en faveur de ceux qui n’ont pas les moyens de payer un logement, et des modalités et niveaux de financement du logement qui reflètent fidèlement les besoins en la matière. Conformément au principe du respect de la capacité de paiement, les locataires devraient être protégés par des mesures appropriées contre des loyers excessifs ou des augmentations de loyer excessives. Dans les sociétés où les matériaux de construction sont essentiellement des matériaux naturels, les États parties devraient faire le nécessaire pour assurer la disponibilité de ces matériaux;

d)L’habitabilité. Un logement convenable doit être habitable, en ce sens qu’il doit offrir l’espace convenable et la protection contre le froid, l’humidité, la chaleur, la pluie, le vent ou d’autres dangers pour la santé, les risques dus à des défauts structurels et les vecteurs de maladies. La sécurité physique des occupants doit également être garantie. Le Comité encourage les États parties à appliquer les principes énoncés dans Santé et logement − Principes directeurs, établie par l’OMS, qui considère que le logement est le facteur environnemental le plus fréquemment associé aux conditions génératrices de maladies dans les analyses épidémiologiques, à savoir qu’un logement et des conditions de vie inadéquats et insuffisants vont invariablement de pair avec des taux élevés de mortalité et de morbidité;

e)La facilité d’accès. Un logement convenable doit être accessible à ceux qui y ont droit. Les groupes défavorisés doivent avoir pleinement accès, en permanence, à des ressources adéquates en matière de logement. Ainsi, les groupes défavorisés tels que les personnes âgées, les enfants, les handicapés physiques, les incurables, les séropositifs, les personnes ayant des problèmes médicaux chroniques, les malades mentaux, les victimes de catastrophes naturelles, les personnes qui vivent dans des régions à risques naturels et d’autres groupes devraient bénéficier d’une certaine priorité en matière de logement. Tant la législation en matière de logement que son application devraient prendre pleinement en considération les besoins spéciaux de ces groupes. Dans de nombreux États parties, un des principaux objectifs de la politique en matière de logement devrait consister à permettre aux secteurs sans terre ou appauvris de la société d’accéder à la propriété foncière. Il faut définir les obligations des gouvernements à cet égard afin de donner un sens concret au droit de toute personne à un lieu sûr où elle puisse vivre dans la paix et la dignité, y compris l’accès à la terre;

f)L’emplacement. Un logement convenable doit se situer en un lieu où existent des possibilités d’emploi, des services de santé, des établissements scolaires, des centres de soins pour enfants et d’autres services sociaux. Cela est notamment vrai dans les grandes villes et les zones rurales où le coût (en temps et en argent) des déplacements pendulaires risque de peser trop lourdement sur les budgets des ménages pauvres. De même, les logements ne doivent pas être construits sur des emplacements pollués ni à proximité immédiate de sources de pollution qui menacent le droit à la santé des occupants;

g)Le respect du milieu culturel. L’architecture, les matériaux de construction utilisés et les politiques en la matière doivent permettre d’exprimer convenablement l’identité culturelle et la diversité dans le logement. Dans les activités de construction ou de modernisation de logements, il faut veiller à ce que les dimensions culturelles du logement ne soient pas sacrifiées et que, si besoin est, les équipements techniques modernes, entre autres, soient assurés.

9.Comme il est indiqué plus haut, le droit à un logement suffisant ne peut pas être considéré indépendamment des autres droits de l’homme énoncés dans les deux Pactes internationaux et dans d’autres instruments internationaux applicables. Il a déjà été fait référence à cet égard à la notion de dignité de l’homme et au principe de la non‑discrimination. En outre, le plein exercice des autres droits − notamment du droit à la liberté d’expression et d’association (par exemple pour les locataires et autres groupes constitués au niveau de la collectivité), du droit qu’a toute personne de choisir librement sa résidence et de participer au processus de prise de décisions − est indispensable pour que tous les groupes de la société puissent exercer et préserver leur droit à un logement suffisant. De même, le droit de toute personne de ne pas être soumise à une ingérence arbitraire et illégale dans sa vie privée, sa vie familiale, son domicile ou sa correspondance constitue un aspect très important du droit à un logement suffisant.

10.Indépendamment de l’état de développement de tel ou tel pays, certaines mesures devront être prises immédiatement. Comme il est indiqué dans la Stratégie mondiale du logement et dans d’autres analyses internationales, un grand nombre des mesures nécessaires à la promotion du droit au logement supposent uniquement que les gouvernements s’abstiennent de certaines pratiques et s’engagent à faciliter l’auto‑assistance parmi les groupes touchés. Si l’application de ces mesures exige des ressources dépassant les moyens dont dispose un État partie, il convient de formuler dès que possible une demande de coopération internationale, conformément au paragraphe 1 de l’article 11 et aux articles 22 et 23 du Pacte et d’informer le Comité en conséquence.

11.Les États parties doivent donner la priorité voulue aux groupes sociaux vivant dans des conditions défavorables en leur accordant une attention particulière. Les politiques et la législation ne devraient pas, en l’occurrence, être conçues de façon à bénéficier aux groupes sociaux déjà favorisés, au détriment des autres couches sociales. Le Comité n’ignore pas que des facteurs extérieurs peuvent influer sur le droit à une amélioration constante des conditions de vie et que la situation générale dans ce domaine s’est détériorée dans un grand nombre d’États parties au cours des années 80. Toutefois, comme le Comité l’a souligné dans son Observation générale no2 (1990) (E/1990/23, annexe III), malgré les problèmes dus à des facteurs extérieurs, les obligations découlant du Pacte gardent la même force et sont peut‑être encore plus pertinentes en période de difficultés économiques. Le Comité estime donc qu’une détérioration générale des conditions de vie et de logement, qui serait directement imputable aux décisions de politique générale et aux mesures législatives prises par des États parties, en l’absence de toute mesure parallèle de compensation, serait en contradiction avec les obligations découlant du Pacte.

12.Certes, les moyens à mettre en œuvre pour garantir la pleine réalisation du droit à un logement suffisant varieront largement d’un État partie à l’autre, mais il reste que le Pacte fait clairement obligation à chaque État partie de prendre toutes les mesures nécessaires à cette fin. Il s’agira, dans la plupart des cas, d’adopter une stratégie nationale en matière de logement qui, comme il est indiqué au paragraphe 32 de la Stratégie mondiale du logement, «définit les objectifs des activités à entreprendre pour améliorer les conditions d’habitation, identifie les ressources disponibles pour atteindre ces objectifs et les moyens les plus rentables de les utiliser et définit les agents chargés de l’exécution des mesures nécessaires ainsi que le calendrier dans lequel elles s’inscrivent». Pour des raisons à la fois de rationalité et d’efficacité, ainsi que pour assurer le respect des autres droits de l’homme, cette stratégie devrait être élaborée après des consultations approfondies et avec la participation de tous les intéressés, notamment des sans‑abri, des personnes mal logées et de leurs représentants. En outre, des mesures doivent être prises pour assurer une coordination entre les ministères et les autorités régionales et locales, afin de concilier les politiques connexes (économie, agriculture, environnement, énergie, etc.) avec les obligations découlant de l’article 11 du Pacte.

13.La surveillance régulière de la situation du logement est une autre obligation à effet immédiat. Pour que les États parties s’acquittent de leurs obligations en vertu du paragraphe 1 de l’article 11, ils doivent prouver, notamment, qu’ils ont pris toutes les mesures nécessaires, soit sur le plan national, soit dans le cadre de la coopération internationale, pour évaluer l’ampleur du phénomène des sans‑abri et de l’insuffisance du logement sur leur propre territoire. À cet égard, le Comité, dans ses Directives générales révisées concernant la forme et le contenu des rapports (E/C.12/1991/1), souligne la nécessité de «donner des renseignements détaillés sur les groupes qui, dans [la] société, sont vulnérables et désavantagés en ce qui concerne le logement». Ces groupes sont notamment les particuliers et les familles sans abri, les personnes qui sont mal logées et ne disposent pas des éléments de confort minimum, les personnes vivant dans des zones de peuplement «illégales», les personnes expulsées de force et les groupes à faible revenu.

14.Les mesures que les États parties doivent prendre pour s’acquitter de leurs obligations en ce qui concerne le droit à un logement suffisant peuvent consister en un dosage approprié de mesures émanant du secteur public et du secteur privé. En général, le financement du logement à l’aide de fonds publics s’avère plus efficace s’il est consacré directement à la construction de nouveaux logements, mais, dans la plupart des cas, l’expérience a prouvé que les gouvernements étaient dans l’incapacité de remédier intégralement à la pénurie de logements au moyen de la construction de logements financés par l’État. C’est pourquoi les États parties devraient être incités à appuyer les stratégies d’autosuffisance, tout en respectant pleinement leurs obligations en vertu du droit à un logement suffisant. Pour l’essentiel, ces obligations consistent à faire en sorte que, dans l’ensemble, les mesures prises soient suffisantes pour garantir le respect des droits de chaque individu, dans les plus brefs délais, compte tenu des ressources disponibles.

15.La plupart des mesures à prendre consisteront à allouer des ressources et à prendre des décisions d’ordre général. Toutefois, il convient de ne pas sous‑estimer dans ce contexte le rôle des mesures législatives et administratives proprement dites. La Stratégie mondiale du logement, dans ses paragraphes 66 et 67, donne une indication du type de mesures qui pourraient être prises à cet égard et de leur importance.

16.Dans certains États, le droit à un logement suffisant est consacré dans la Constitution nationale. Dans ce cas, le Comité s’attache tout particulièrement aux aspects juridiques et aux effets concrets de l’application des dispositions en vigueur. Il souhaite en conséquence être informé en détail des cas particuliers et des autres circonstances dans lesquels l’application de ces dispositions constitutionnelles s’est révélée utile.

17.Le Comité estime qu’un grand nombre d’éléments constitutifs du droit à un logement suffisant doivent pouvoir pour le moins faire l’objet de recours internes. Selon le système juridique, il peut s’agir notammentsans y être limitédes recours suivants: a) recours formés devant les tribunaux pour leur demander d’interdire par voie d’ordonnance des mesures d’éviction ou de démolition; b) procédures juridiques pour demandes d’indemnisation à la suite d’éviction illégale; c) plaintes contre des mesures illégales prises par des propriétaires (l’État ou des particuliers) ou avec leur appui, s’agissant du montant du loyer, de l’entretien du logement ou de discrimination raciale ou autre; d) allégations relatives à toute forme de discrimination dans l’attribution des logements et l’accès au logement; et e) plaintes déposées contre des propriétaires concernant l’insalubrité ou l’insuffisance du logement. Dans certains systèmes juridiques, il peut également être utile d’envisager la possibilité de faciliter des actions collectives lorsque le problème est dû à l’augmentation sensible du nombre des sans‑abri.

18.À ce sujet, le Comité estime que les décisions d’éviction forcée sont prima facie contraires aux dispositions du Pacte et ne peuvent être justifiées que dans les situations les plus exceptionnelles et conformément aux principes applicables du droit international.

19.Enfin, conformément au paragraphe 1 de l’article 11, les États parties reconnaissent «l’importance essentielle d’une coopération internationale librement consentie». Jusqu’à présent, moins de 5 % de l’ensemble de l’aide internationale a été consacrée au logement et aux établissements humains, et souvent le financement ainsi consenti n’a guère contribué à répondre aux besoins des groupes les plus défavorisés. Les États parties, tant bénéficiaires que contribuants, devraient veiller à ce qu’une part substantielle du financement soit consacrée à l’instauration de conditions permettant à un plus grand nombre de personnes d’être convenablement logées. Les institutions internationales de financement qui préconisent des mesures d’ajustement structurel devraient veiller à ce que l’application de ces mesures n’entrave pas l’exercice du droit à un logement suffisant. Lorsqu’ils envisagent de faire appel à la coopération internationale, les États parties devraient indiquer les domaines concernant le droit à un logement suffisant dans lesquels un apport financier extérieur serait le plus souhaitable. Ils devraient tenir pleinement compte, dans leurs demandes, des besoins et des opinions des groupes concernés.

Onzième session (1994)*

Observation générale n o 5: Personnes souffrant d’un handicap

1.La communauté internationale a fréquemment souligné l’importance capitale que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels revêt au regard des droits fondamentaux des personnes souffrant d’un handicap. Ainsi, dans une étude de 1992, intitulée «Application du Programme d’action mondial concernant les personnes handicapées et Décennie des Nations Unies pour les personnes handicapées», le Secrétaire général a conclu qu’«il existait des liens étroits entre l’incapacité et les facteurs économiques et sociaux» et que «dans de nombreuses régions du monde, les conditions de vie étaient si difficiles que la satisfaction des besoins essentiels pour tous − alimentation, eau, logement, protection sanitaire et éducation devait constituer la pierre angulaire de tout programme national». Même dans les pays où le niveau de vie est relativement élevé, les personnes souffrant d’un handicap se voient très souvent refuser la possibilité d’exercer tout l’éventail des droits économiques, sociaux et culturels reconnus dans le Pacte.

2.Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels et le groupe de travail qui l’a précédé ont été expressément invités et par l’Assemblée générale et par la Commission des droits de l’homme à s’assurer que les États parties au Pacte s’acquittent de leur obligation de veiller à ce que les personnes souffrant d’un handicap jouissent pleinement des droits appropriés. Le Comité constate toutefois qu’à ce jour, les États parties ont consacré très peu d’attention à cette question dans leurs rapports. Cette constatation semble concorder avec la conclusion du Secrétaire général selon laquelle «la plupart des gouvernements n’ont toujours pas pris les mesures concertées décisives qui permettraient d’améliorer effectivement la situation» des personnes souffrant d’un handicap. Aussi convient‑il d’examiner et de souligner certains aspects des problèmes qui se posent dans ce domaine, du point de vue des obligations énoncées dans le Pacte.

3.Il n’existe toujours aucune définition, admise sur le plan international, du terme «incapacité». Pour ce qui nous occupe, il suffit toutefois de s’en remettre à l’approche adoptée dans les Règles de 1993, aux termes desquelles:

«Le mot “incapacité” recouvre à lui seul nombre de limitations fonctionnelles différentes qui peuvent frapper chacun des habitants ... L’incapacité peut être d’ordre physique, intellectuel ou sensoriel ou tenir à un état pathologique ou à une maladie mentale. Ces déficiences, états pathologiques ou maladies peuvent être permanents ou temporaires.».

4.Conformément à l’approche adoptée dans les Règles, la présente Observation générale emploie l’expression «personnes souffrant d’un handicap» plutôt que l’ancienne expression «personnes handicapées». On a dit que cette dernière expression pourrait être mal interprétée au point de laisser supposer que la capacité de l’individu de fonctionner en tant que personne était diminuée.

5.Le Pacte ne fait pas expressément référence aux personnes souffrant d’un handicap. Mais la Déclaration universelle des droits de l’homme affirme que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits, et vu que les dispositions du Pacte s’appliquent pleinement à tous les membres de la société, les personnes souffrant d’un handicap peuvent manifestement se prévaloir de la gamme tout entière des droits qui y sont reconnus. De plus, pour autant qu’un régime particulier s’impose, les États parties sont tenus de prendre des mesures appropriées, dans toute la mesure de leurs moyens, pour aider ces personnes à surmonter les désavantages − du point de vue de l’exercice des droits énumérés dans le Pacte − découlant de leur handicap. En outre, la condition formulée au paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte, à savoir que les droits «qui y sont énoncés seront exercés sans discrimination aucune» fondée sur certaines considérations énumérées «ou toute autre situation», s’applique de toute évidence à la discrimination pour des motifs d’invalidité.

6.L’absence, dans le Pacte, de toute disposition expresse relative à l’invalidité peut être attribuée à une prise de conscience insuffisante, lors de la rédaction du Pacte, il y a plus d’un quart de siècle, de la nécessité d’aborder cette question explicitement et non pas tacitement. Des instruments internationaux plus récents, relatifs aux droits de l’homme, l’ont toutefois abordée expressément. Ces instruments sont notamment: la Convention relative aux droits de l’enfant (art. 23), la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (art. 18, par. 4), ainsi que le Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l’homme traitant des droits économiques, sociaux et culturels (art. 18). Aussi est‑il à présent très largement admis qu’il faut protéger et renforcer les droits fondamentaux des personnes souffrant d’un handicap en adoptant des lois, des politiques et des programmes tant généraux qu’expressément conçus à cette fin.

7.Conformément à cette approche, la communauté internationale s’est engagée à garantir toute la gamme des droits de l’homme aux personnes souffrant d’un handicap, et cela dans les instruments suivants: a) le Programme d’action mondial concernant les personnes handicapées, qui prévoit un cadre politique visant à promouvoir «des mesures propres à assurer la prévention de l’incapacité, la réadaptation et la poursuite des objectifs qui sont la “participation pleine et entière” des handicapés à la vie sociale et au développement et l’“égalité”»; b) les Principes directeurs devant régir la création ou le renforcement de comités nationaux de coordination dans le domaine de l’invalidité ou d’organes analogues, adoptés en 1990; c) les Principes pour la protection des personnes atteintes de maladie mentale et pour l’amélioration des soins de santé mentale, adoptés en 1991; et d) les Règles pour l’égalisation des chances des handicapés (ci‑après dénommées les «Règles»), adoptées en 1993, et dont l’objet est de garantir à toutes les personnes souffrant d’un handicap «... les mêmes droits et obligations qu’à leurs concitoyens». Les Règles sont d’une importance fondamentale et constituent une source d’inspiration particulièrement précieuse en ce sens qu’elles déterminent avec plus de précision les obligations qui incombent aux États parties en vertu du Pacte.

1. Obligations générales des États parties

8.L’ONU a estimé à plus de 500 millions le nombre des personnes qui souffrent d’un handicap aujourd’hui dans le monde. Quatre‑vingt pour cent d’entre elles vivent dans des zones rurales de pays en développement. Soixante‑dix pour cent du nombre total ne bénéficieraient que dans une mesure limitée, ou aucunement, des services dont elles ont besoin. Aussi incombe‑t‑il directement à chaque État partie au Pacte d’améliorer la situation de ces personnes. Les moyens retenus pour promouvoir la pleine réalisation de leurs droits économiques, sociaux et culturels différeront inéluctablement de façon sensible d’un pays à l’autre, mais il n’est aucun pays où un effort politique et de programmation très important ne s’impose pas.

9.L’obligation qui incombe aux États parties au Pacte de promouvoir la réalisation progressive des droits pertinents, dans toute la mesure de leurs moyens, exige à l’évidence que les gouvernements ne se contentent pas de s’abstenir de prendre des dispositions qui pourraient avoir une incidence défavorable sur les personnes souffrant d’un handicap. S’agissant d’un groupe aussi vulnérable et aussi désavantagé, cette obligation consiste à prendre des mesures concrètes pour réduire les désavantages structurels et accorder un traitement préférentiel approprié aux personnes souffrant d’un handicap, afin d’arriver à assurer la participation pleine et entière et l’égalité, au sein de la société, de toutes ces personnes. D’où la nécessité presque inéluctable de mobiliser des ressources supplémentaires à ces fins et d’adopter un large éventail de mesures ponctuelles.

10.Selon un rapport du Secrétaire général, l’évolution au cours de la dernière décennie, tant dans les pays développés que dans les pays en développement, a été particulièrement défavorable aux personnes souffrant d’un handicap:

«La dégradation de la situation économique et sociale, marquée par des taux de croissance faibles, des taux de chômage élevés, la compression des dépenses publiques, la mise en œuvre de programmes d’ajustement et la privatisation, a eu une incidence négative sur les programmes et les services ... Si les tendances négatives se poursuivent, [les personnes souffrant d’un handicap] risquent d’être de plus en plus marginalisées comptant seulement sur des aides ponctuelles.».

Comme le Comité l’a précédemment fait observer (Observation générale no 3 (Cinquième session, 1990), par. 12), l’obligation qu’ont les États parties de protéger les éléments vulnérables de la société prend une importance plutôt plus que moins grande en période de grave pénurie de ressources.

11.Vu que, dans le monde entier, les gouvernements s’en remettent de plus en plus aux forces du marché, il convient de souligner certains aspects des obligations qui incombent aux États parties. L’un de ces aspects est la nécessité de veiller à ce que non seulement le secteur public, mais aussi le secteur privé, soient, dans des limites appropriées, soumis à une réglementation destinée à garantir un traitement équitable aux personnes souffrant d’un handicap. Dans un contexte où la prestation de services publics est de plus en plus privatisée et où l’on a de plus en plus recours au marché libre, il est essentiel que les employeurs privés, les fournisseurs privés de biens et de services ainsi que les autres entités non publiques soient assujettis aussi bien à des normes de non‑discrimination qu’à des normes d’égalité à l’égard des personnes souffrant d’un handicap. Dans des situations où une telle protection ne s’étend pas au‑delà du domaine public, la capacité des personnes souffrant d’un handicap de participer aux activités communautaires et de devenir membres à part entière de la société, sera gravement et souvent arbitrairement entravée. Cela ne veut pas dire que des mesures législatives constitueront toujours le moyen le plus efficace de chercher à éliminer la discrimination dans le secteur privé. Ainsi les Règles mettent tout particulièrement l’accent sur la nécessité, pour les États, de «prendre les mesures voulues pour susciter une prise de conscience accrue des problèmes des handicapés, de leurs droits, de leurs besoins, de leur potentiel et de leur contribution à la société».

12.En l’absence de toute intervention gouvernementale, on relèvera toujours des cas où le fonctionnement du marché libre aura, pour les personnes qui souffrent d’un handicap, des effets peu satisfaisants soit sur le plan individuel, soit sur le plan collectif, et en pareil cas il incombera aux gouvernements d’intervenir et de prendre les mesures appropriées pour atténuer, compléter, compenser ou neutraliser les effets produits par les forces du marché. De même, s’il convient que les gouvernements fassent appel à des groupes bénévoles privés afin qu’ils aident de diverses manières les personnes qui souffrent d’un handicap, de tels arrangements ne sauraient jamais dispenser les gouvernements de leur devoir de veiller à s’acquitter pleinement de leurs obligations en vertu du Pacte. Comme il est précisé dans le Programme d’action mondial concernant les personnes handicapées, «la responsabilité finale de remédier aux conditions qui mènent aux déficiences et de faire front aux conséquences de l’incapacité incombe partout aux gouvernements».

2. Mise en œuvre

13.Les méthodes auxquelles auront recours les États parties pour s’acquitter des obligations qu’ils ont contractées en vertu du Pacte à l’égard des personnes souffrant d’un handicap sont pour l’essentiel les mêmes que celles qui s’offrent à eux s’agissant d’autres obligations (voir Observation générale no 1 (Troisième session, 1989)). Ces méthodes comportent nécessairement l’évaluation, grâce à un contrôle régulier, de la nature et de l’ampleur des problèmes qui se posent à cet égard à l’État; l’adoption de politiques et programmes bien conçus pour répondre aux besoins que l’on aura ainsi définis; l’élaboration, le cas échéant, de lois et l’élimination de toute loi discriminatoire; ainsi que les allocations budgétaires appropriées ou, en cas de besoin, l’appel à la coopération et à l’assistance internationales. Il est vraisemblable que la coopération internationale, en conformité avec les articles 22 et 23 du Pacte, revêtira une importance particulière pour certains pays en développement auxquels elle permettra de remplir les obligations contractées en vertu de cet instrument.

14.D’autre part, il a toujours été admis par la communauté internationale que l’élaboration des politiques et la mise en œuvre des programmes dans le domaine considéré devraient se faire après consultation approfondie et avec la participation de groupes représentatifs des personnes concernées. Pour cette raison, les Règles recommandent que tout soit mis en œuvre pour faciliter la création de comités nationaux de coordination ou d’organes analogues qui servent de centres nationaux de liaison pour les questions se rapportant à l’invalidité. Ce faisant, les gouvernements devront tenir compte des Principes directeurs devant régir la création, ou le renforcement, de comités nationaux de coordination dans le domaine de l’invalidité.

3. Obligation d’éliminer la discrimination pour raison d’invalidité

15.Aussi bien de jure que de facto, les personnes souffrant d’un handicap font depuis toujours l’objet d’une discrimination qui se manifeste sous diverses formesqu’il s’agisse des tentatives de discrimination odieuse telles que le déni aux enfants souffrant de handicap de la possibilité de suivre un enseignement ou des formes plus subtiles de discrimination que constituent la ségrégation et l’isolement imposés matériellement ou socialement. Aux fins du Pacte, la «discrimination fondée sur l’invalidité» s’entend de toute distinction, exclusion, restriction ou préférence motivée par une invalidité ou la privation d’aménagements adéquats ayant pour effet de réduire à néant ou de restreindre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice des droits économiques, sociaux ou culturels. Ce sont aussi bien la négligence, l’ignorance, les préjugés et les idées fausses que l’exclusion, la différenciation ou la ségrégation pures et simples, qui bien souvent empêchent les personnes souffrant d’un handicap de jouir de leurs droits économiques, sociaux ou culturels sur un pied d’égalité avec le reste des êtres humains. C’est dans les domaines de l’éducation, de l’emploi, du logement, des transports, de la vie culturelle et en ce qui concerne l’accessibilité des lieux et services publics que les effets de cette discrimination se font particulièrement sentir.

16.En dépit des quelques progrès qui ont été réalisés sur le plan de la législation ces dix dernières années, la situation juridique des personnes souffrant d’un handicap demeure précaire. Pour remédier à la discrimination dont elles ont fait et dont elles font encore l’objet, et pour prévenir toute discrimination à l’avenir, il faudrait qu’il y ait dans pratiquement tous les États parties une législation antidiscrimination complète en la matière. Celle‑ci devrait prévoir au bénéfice des personnes souffrant d’un handicap non seulement des recours juridiques dans toute la mesure nécessaire et possible, mais également des programmes de politique sociale leur permettant de mener dans l’indépendance une vie pleine et qui soit celle de leur choix.

17.Les mesures antidiscrimination devraient être fondées sur le principe de l’égalité de droits des personnes souffrant d’un handicap par rapport au reste des êtres humains, principe qui, selon les propres termes du Programme d’action mondial, «implique que les besoins de chaque individu sont d’égale importance, que ces besoins devraient être pris en considération dans la planification de nos sociétés et que toutes les ressources doivent être mises en œuvre pour assurer à tous les individus une participation égale. La politique suivie en matière d’invalidité doit garantir l’accès [des personnes souffrant d’un handicap] à tous les services collectifs».

18.Les mesures à prendre pour remédier à la discrimination qui s’exerce aujourd’hui à l’égard des personnes souffrant d’un handicap et leur donner des chances égales ne sauraient en aucun cas être considérées comme discriminatoires au sens du paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, du moment qu’elles sont fondées sur le principe de l’égalité et que l’on n’y a recours que dans la mesure nécessaire pour atteindre cet objectif.

4. Dispositions particulières du Pacte

A. Article 3: Égalité de droits des hommes et des femmes

19.Les personnes souffrant d’un handicap sont parfois traitées comme des êtres humains asexués. Il s’ensuit que la double discrimination dont font l’objet les femmes souffrant d’un handicap est bien souvent occultée. En dépit du fait que des voix s’élèvent fréquemment dans la communauté internationale pour demander que l’on prenne spécialement en considération leur situation, il n’a été fait que peu de choses en ce sens pendant la décennie. L’indifférence à l’égard de ces femmes est mentionnée à plusieurs reprises dans le rapport du Secrétaire général sur l’application du Programme d’action mondial. Le Comité invite donc instamment les États parties à se préoccuper de leur situation en priorité dans les futurs programmes concernant l’application des droits économiques, sociaux et culturels.

B. Articles 6 à 8: Droits concernant le travail

20.C’est dans le domaine de l’emploi que s’exerce avant tout et en permanence la discrimination. Dans la plupart des pays, le taux de chômage parmi les personnes souffrant d’un handicap est de deux à trois fois supérieur à celui du reste de la population active. Lorsque l’on emploie ces personnes, celles‑ci se voient la plupart du temps attribuer des emplois peu payés, elles ne bénéficient que dans une faible mesure de la sécurité sociale et juridique et sont bien souvent tenues à l’écart du marché du travail. Il conviendrait que leur intégration dans le marché normal du travail soit activement appuyée par les États.

21.Le «droit qu’a toute personne d’obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi ou accepté» (art. 6 1)) n’est pas réalisé lorsque la seule véritable possibilité offerte aux personnes souffrant d’un handicap est de travailler dans un environnement dit «protégé» et dans des conditions ne répondant pas aux normes. Les arrangements en vertu desquels des personnes frappées d’un certain type d’invalidité sont en effet affectées exclusivement à certaines occupations ou à la production de certaines marchandises peuvent constituer une violation de ce droit. Pareillement, à la lumière du principe 13.3) des Principes pour la protection des personnes atteintes de maladie mentale et pour l’amélioration des soins de santé mentale, le «traitement thérapeutique» en institutions qui relève du travail forcé est également incompatible avec le Pacte. À cet égard, peut être invoquée également l’interdiction du travail forcé énoncée dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

22.Conformément aux Règles, les personnes souffrant d’un handicap, en zones aussi bien rurales qu’urbaines, doivent se voir offrir des possibilités égales d’emploi productif et rémunéré sur le marché du travail. Pour qu’il en soit ainsi, il importe tout d’abord que soient supprimés les obstacles qui s’opposent à leur intégration en général et à l’accès à un emploi en particulier. Comme l’a noté l’Organisation internationale du Travail, ce sont très souvent des obstacles physiques érigés par la société dans les secteurs du transport, du logement et sur les lieux de travail qui sont invoqués pour justifier le fait que les personnes souffrant d’un handicap ne peuvent pas travailler. C’est ainsi qu’aussi longtemps que les lieux de travail seront conçus et aménagés de telle sorte qu’ils ne soient pas accessibles aux fauteuils roulants, les employeurs pourront prétexter de ce fait pour «justifier» leur refus d’engager des personnes condamnées au fauteuil roulant. Il faudrait également que les gouvernements élaborent des politiques destinées à promouvoir et réglementer des arrangements permettant souplesse et variété dans l’emploi qui répondent de façon satisfaisante aux besoins des travailleurs souffrant d’un handicap.

23.De même, si les gouvernements ne veillent pas à ce que les modes de transport soient accessibles aux personnes souffrant d’un handicap, celles‑ci auront beaucoup moins de chances de trouver un emploi approprié intégré à la société, de tirer parti des possibilités d’éducation et de formation professionnelle ou d’avoir régulièrement accès à des services de toutes sortes. En fait, l’accès à des modes de transport appropriés et, le cas échéant, spécialement adaptés aux besoins individuels, est indispensable à l’exercice, par les personnes souffrant d’un handicap, de pratiquement tous les droits reconnus dans le Pacte.

24.Les programmes d’orientation et de formation techniques et professionnelles exigés en vertu du paragraphe 2 de l’article 6 du Pacte doivent tenir compte des besoins de toutes les personnes souffrant d’un handicap, se dérouler dans un environnement intégré et être conçus et exécutés avec la pleine participation de représentants des handicapés.

25.Le droit de «jouir de conditions de travail justes et favorables» (art. 7) s’applique à toutes ces personnes, qu’elles travaillent dans un environnement protégé ou sur le marché libre du travail. Les travailleurs souffrant d’un handicap ne doivent faire l’objet d’aucune discrimination en ce qui concerne le salaire ni les autres conditions d’emploi s’ils font un travail égal à celui du reste des travailleurs. Il incombe aux États parties de veiller à ce que l’invalidité ne soit pas utilisée comme prétexte pour abaisser les normes en ce qui concerne la protection de l’emploi ou pour payer des salaires inférieurs au salaire minimum.

26.Les droits relatifs aux syndicats (art. 8) valent également pour les travailleurs souffrant d’un handicap, qu’ils travaillent dans un environnement spécial ou sur le marché libre du travail. En outre, l’article 8, considéré à la lumière d’autres droits comme le droit à la liberté d’association, met en évidence l’importance du droit des personnes handicapées de former leurs propres organisations. Pour que des organisations soient à même «de favoriser et de protéger [les] intérêts économiques et sociaux» (art. 8.1 a)) de ces personnes, il faut que les organes gouvernementaux et autres les consultent régulièrement au sujet de toutes les questions qui les intéressent, et peut‑être aussi qu’ils leur accordent un appui financier et autres pour assurer leur viabilité.

27.L’Organisation internationale du Travail a élaboré des instruments précieux et très complets concernant les droits des handicapés dans le domaine du travail, en particulier la Convention no 159 (1983) concernant la réadaptation professionnelle et l’emploi des personnes handicapées. Le Comité encourage les États parties au Pacte à envisager de ratifier cette convention.

C. Article 9: Droit à la sécurité sociale

28.Les plans de sécurité sociale et de maintien des revenus revêtent une importance particulière pour les personnes souffrant d’un handicap. Comme il est indiqué dans les Règles, «Les États devraient assurer un soutien financier suffisant aux handicapés qui, du fait de leur incapacité ou pour des raisons qui y sont liées, ont perdu temporairement leur revenu ou l’ont vu diminuer ou se sont vu refuser un emploi». Ce soutien devrait être adapté aux besoins spéciaux d’assistance et aux frais encourus en raison de l’invalidité. En outre, un soutien devrait également être accordé dans la mesure du possible aux personnes (essentiellement des femmes) qui prennent soin des personnes souffrant d’un handicap. Ces personnes, ainsi que les membres des familles de personnes souffrant d’un handicap, ont souvent un besoin urgent de soutien financier du fait de leur rôle d’assistance.

29.À moins qu’il ne soit rendu nécessaire pour des raisons spéciales, le placement des personnes souffrant d’un handicap en institution ne peut pas être considéré comme une solution autorisant le non‑respect du droit de ces personnes à la sécurité sociale et au soutien des revenus.

D. Article 10: Protection de la famille, ainsi que des mères et des enfants

30.Dans le cas des personnes souffrant d’un handicap, les dispositions du Pacte selon lesquelles des mesures de protection et d’assistance doivent être prises en faveur de la famille signifient que tous les moyens doivent être employés pour que ces personnes puissent, si elles le souhaitent, vivre dans leur milieu familial. L’article 10 signifie également que, conformément aux principes généraux des normes internationales relatives aux droits de l’homme, ces personnes ont le droit de se marier et de fonder une famille. Souvent, ces droits sont négligés ou refusés, en particulier dans le cas des personnes souffrant d’un handicap mental. Dans ce contexte et dans d’autres, le terme «famille» doit être interprété de façon large et conformément à l’usage local. Les États parties doivent veiller à ce que la législation, ainsi que les politiques et les pratiques dans le domaine social, n’entravent pas la réalisation de ces droits. Les personnes souffrant d’un handicap doivent avoir accès aux services de conseil nécessaires pour pouvoir exercer leurs droits et s’acquitter de leurs obligations au sein de la famille.

31.Les femmes souffrant d’un handicap ont également droit à une protection et à un soutien au cours de la grossesse et de la maternité. Comme il est établi dans les Règles, «Il ne faut pas refuser aux handicapés la possibilité d’avoir des relations sexuelles et de procréer». Les besoins et désirs des personnes souffrant d’un handicap, qu’il s’agisse de plaisir ou de procréation, doivent être reconnus et pris en considération. Dans tous les pays du monde, les hommes et les femmes souffrant d’un handicap sont généralement privés de ces droits. La stérilisation d’une femme souffrant d’un handicap ou l’avortement pratiqué sur elle sans son consentement préalable constituent de graves violations du paragraphe 2 de l’article 10.

32.Les enfants souffrant d’un handicap sont particulièrement exposés à l’exploitation, aux sévices et à l’abandon et ont droit à une protection spéciale, conformément aux dispositions du paragraphe 3 de l’article 10 du Pacte, renforcées par les dispositions correspondantes de la Convention relative aux droits de l’enfant.

E. Article 11: Droit à un niveau de vie suffisant

33.Outre la nécessité de garantir aux personnes souffrant d’un handicap le droit à une alimentation suffisante et à un logement accessible et de répondre à leurs autres besoins fondamentaux, il est indispensable de veiller à ce que ces personnes disposent de «services d’appui, aides techniques comprises, pour les aider à acquérir une plus grande indépendance dans la vie quotidienne et à exercer leurs droits». Le droit à un habillement suffisant revêt une importance particulière pour les personnes souffrant d’un handicap dont les besoins spéciaux dans ce domaine doivent être satisfaits afin qu’elles puissent mener une vie sociale pleine et satisfaisante. Dans la mesure du possible, une assistance personnelle appropriée doit leur être fournie à cet égard. Cette assistance doit respecter, dans sa forme et dans son esprit, les droits de l’homme des personnes concernées. De même, comme il est déjà indiqué au paragraphe 8 de l’Observation générale no 4 (Sixième session, 1991) du Comité, le droit à un logement suffisant suppose le droit des personnes souffrant d’un handicap à un logement accessible.

F. Article 12: Droit à la santé physique et mentale

34.Selon les Règles, «les États devraient veiller à ce que les handicapés, surtout les nouveau‑nés et les enfants, bénéficient de soins de santé de qualité égale à ceux dont bénéficient les autres membres de la société, et ce dans le cadre du même système de prestations». Le droit à la santé physique et mentale englobe également le droit aux services médicaux et sociaux − notamment aux appareils orthopédiques − qui permettent aux personnes souffrant d’un handicap d’être indépendantes, d’éviter d’autres handicaps et de s’intégrer dans la société. De même, ces personnes devraient bénéficier de services de réadaptation leur permettant «d’atteindre et de conserver un niveau optimal d’indépendance et d’activité». Tous ces services devraient être fournis de façon que les intéressés puissent avoir la garantie du plein respect de leurs droits et de leur dignité.

G. Articles 13 et 14: Droit à l’éducation

35.Les responsables des programmes scolaires dans un grand nombre de pays reconnaissent actuellement que la meilleure méthode d’éducation consiste à intégrer les personnes souffrant d’un handicap dans le système général d’enseignement. Ainsi, les Règles stipulent que «les États devraient reconnaître le principe selon lequel il faut offrir aux enfants, aux jeunes et aux adultes handicapés des chances égales en matière d’enseignement primaire, secondaire et supérieur, dans un cadre intégré». Pour appliquer ce principe, les États devraient faire en sorte que les enseignants soient formés à l’éducation des enfants souffrant d’un handicap dans les établissements d’enseignement ordinaire et qu’ils disposent du matériel et de l’aide nécessaires pour permettre aux personnes souffrant d’un handicap d’atteindre le même niveau d’éducation que les autres élèves. Dans le cas des enfants sourds, par exemple, le langage par signes doit être reconnu comme un langage distinct auquel les enfants doivent avoir accès et dont l’importance doit être admise dans leur environnement social général.

H. Article 15: Droit de participer à la vie culturelle et de bénéficier du progrès scientifique

36.Les Règles prévoient que «les États devraient faire en sorte que les handicapés aient la possibilité de mettre en valeur leur potentiel créatif, artistique et intellectuel, non seulement dans leur propre intérêt, mais aussi dans celui de la collectivité, que ce soit en milieu urbain ou en milieu rural ... Les États devraient veiller à ce que les handicapés aient accès aux lieux d’activité culturelle...». Il en va de même pour les lieux de loisirs, de sports et de tourisme.

37.Le droit des personnes souffrant d’un handicap de participer pleinement à la vie culturelle et aux loisirs suppose en outre que les barrières de communication soient éliminées dans toute la mesure possible. À cet égard, il serait utile d’introduire l’usage «de livres parlés, de textes rédigés simplement, de présentation et de couleurs claires, pour les personnes souffrant d’incapacité mentale, [et d’adapter] des programmes de télévision et des pièces de théâtre aux besoins des sourds».

38.Pour faciliter l’égale participation des personnes souffrant d’un handicap à la vie culturelle, les gouvernements doivent informer et éduquer la population sur les handicaps. Des mesures doivent être prises en particulier pour éliminer les préjugés, les superstitions ou les croyances concernant les personnes souffrant d’un handicap, par exemple lorsque l’épilepsie est considérée comme une forme de possession de l’esprit ou lorsqu’un enfant souffrant d’un handicap est considéré comme un châtiment infligé à la famille. De même, la population en général doit être informée afin qu’elle sache que les personnes souffrant d’un handicap ont autant le droit que les autres personnes de fréquenter les restaurants, les hôtels, les centres de loisirs et les lieux culturels.

Treizième session (1995)*

Observation générale n o 6: Droits économiques, sociaux et culturels des personnes âgées

1. Introduction

1.La population mondiale vieillit progressivement à un rythme assez spectaculaire. Le nombre total de personnes de 60 ans et plus est passé de 200 millions en 1950 à 400 millions en 1982 et devrait atteindre les 600 millions en l’an 2001, puis 1 milliard 200 millions en l’an 2025, où plus de 70 % d’entre elles vivront dans les pays qui sont actuellement en développement. Le nombre de personnes âgées de 80 ans et plus a augmenté et augmente à un rythme encore plus rapide: il est passé de 13 millions en 1950 à plus de 50 millions à l’heure actuelle, et devrait atteindre les 137 millions en l’an 2025. Il s’agit du groupe de population dont le taux d’accroissement est le plus rapide du monde et, selon les prévisions, le nombre de ces personnes se sera multiplié par 10 entre 1950 et l’an 2025 alors que, dans la même période, le nombre de personnes âgées de 60 ans et plus se sera multiplié par six et le nombre total d’habitants de la planète par un peu plus de trois .

2.Ces chiffres prouvent qu’il se produit une révolution silencieuse, dont les conséquences, de portée considérable, sont imprévisibles, et qui influe déjà et influera encore davantage à l’avenir sur les structures économiques et sociales, tant à l’échelle mondiale qu’au niveau national.

3.La majorité des États parties au Pacte, les pays industrialisés en particulier, ont à relever le défi que représente l’adaptation de leur politique économique et sociale au vieillissement de leur population, tout spécialement en matière de sécurité sociale. Dans les pays en développement, l’absence de sécurité sociale ou les déficiences de celle‑ci sont aggravées par l’émigration des jeunes générations, qui affaiblit le rôle traditionnel de la famille, principal soutien des personnes âgées.

2. Politiques approuvées au niveau international concernant les personnes âgées

4.En 1982, l’Assemblée mondiale sur le vieillissement a adopté le Plan d’action international de Vienne sur le vieillissement. Cet important document, approuvé par l’Assemblée générale, offre aux États Membres une orientation essentielle quant aux mesures à prendre pour garantir les droits des personnes âgées, dans le cadre des droits proclamés dans les Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme. Il contient 62 recommandations, dont un grand nombre ont un lien direct avec le Pacte.

5.En 1991, l’Assemblée générale a approuvé les Principes des Nations Unies pour les personnes âgées qui, en raison des mesures qui y sont envisagées, constituent également un instrument important dans le présent contexte. Les Principes sont divisés en cinq sections ayant un rapport étroit avec les droits énoncés dans le Pacte. L’«indépendance» s’entend notamment de l’accès, en suffisance, aux vivres, à l’eau, au logement, aux vêtements et aux soins de santé. À ces droits fondamentaux s’ajoute la possibilité d’exercer des emplois rétribués et d’accéder à l’éducation et à la formation. «Participation» signifie que les personnes âgées devraient participer activement à la définition et à l’application des politiques qui touchent leur bien‑être, partager leurs connaissances et leur savoir‑faire avec les jeunes générations et pouvoir se constituer en mouvements ou en associations. Dans la section intitulée «soins», il est prévu que les personnes âgées devraient bénéficier de la protection des familles et de soins de santé et jouir des droits de l’homme et des libertés fondamentales lorsqu’elles sont en résidence dans un foyer ou dans un établissement de soins ou de traitement. S’agissant d’«épanouissement personnel», les personnes âgées devraient avoir la possibilité d’assurer le plein épanouissement de leurs possibilités en ayant accès aux ressources de la société sur les plans éducatif, culturel, spirituel et en matière de loisirs. Enfin, dans la section intitulée «dignité», il est dit que les personnes âgées devraient avoir la possibilité de vivre dans la dignité et la sécurité sans être exploitées ni soumises à des sévices physiques ou mentaux, devraient être traitées avec justice, quels que soient leur âge, leur sexe, leur race ou leur origine ethnique, leurs handicaps, leur situation financière ou autres caractéristiques, et être appréciées indépendamment de leur contribution économique.

6.En 1992, l’Assemblée générale a approuvé huit objectifs mondiaux concernant le vieillissement pour l’an 2001 et des directives pour la fixation des objectifs nationaux. À divers points de vue importants, ces objectifs mondiaux contribuent à renforcer les obligations des États parties au Pacte.

7.En 1992 également, à l’occasion de la célébration du dixième anniversaire de l’adoption du Plan d’action international de Vienne par l’Assemblée mondiale sur le vieillissement, l’Assemblée générale a adopté la «Proclamation sur le vieillissement», dans laquelle elle a engagé à appuyer les initiatives nationales relatives au vieillissement, de sorte que les femmes âgées reçoivent l’appui dont elles ont besoin, eu égard aux contributions largement méconnues qu’elles apportent à la société et que les hommes âgés soient encouragés à développer les aptitudes sociales, culturelles et affectives qu’ils peuvent ne pas avoir pu développer pendant leurs années de soutien de famille, que les familles reçoivent un appui pour fournir des soins aux personnes âgées, tous les membres de la famille étant encouragés à coopérer à la fourniture de ces soins et que la coopération internationale soit élargie dans le cadre des stratégies permettant d’atteindre pour l’an 2001 les objectifs mondiaux concernant le vieillissement. En outre, l’année 1999 était proclamée Année internationale des personnes âgées eu égard à la maturité démographique de l’humanité.

8.Les institutions spécialisées des Nations Unies, en particulier l’OIT, ont elles aussi consacré leur attention au problème du vieillissement dans leurs domaines d’activité respectifs.

3. Droits des personnes âgées au regard du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

9.Les termes employés pour désigner les personnes âgées varient considérablement, y compris dans les documents internationaux. On parle de personnes âgées, d’anciens, de populations vieillissantes, de vieillards, de personnes du troisième âge et de personnes du quatrième âge (pour désigner les personnes âgées de plus de 80 ans). Le Comité opte pour l’expression «personnes âgées» («older persons» en anglais, «personas mayores» en espagnol), utilisée dans les résolutions 47/5 et 48/98 de l’Assemblée générale, par laquelle il entend toutes les personnes âgées de 60 ans et plus, conformément aux modèles des services statistiques de l’ONU. (Eurostat, le Service statistique de l’Union européenne, appelle personnes âgées celles âgées de 65 ans et plus, 65 ans étant l’âge de départ à la retraite le plus couramment retenu, lequel tend d’ailleurs à être repoussé.)

10.Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ne contient pas de référence explicite aux droits des personnes âgées, bien que l’article 9 relatif au «droit de toute personne à la sécurité sociale, y compris les assurances sociales», suppose implicitement la reconnaissance du droit aux prestations de vieillesse. Toutefois, étant donné que les dispositions du Pacte s’appliquent pleinement à tous les membres de la société, il est évident que les personnes âgées doivent pouvoir jouir de la totalité des droits reconnus dans le Pacte. Ce principe est également pleinement consacré dans le Plan d’action international de Vienne sur le vieillissement. De plus, considérant que le respect des droits des personnes âgées exige des mesures spéciales, les États parties sont tenus, en vertu du Pacte, de s’acquitter de cette obligation dans toute la mesure des ressources disponibles.

11.L’autre question importante est de savoir si la discrimination en raison de l’âge est interdite par le Pacte. Ni le Pacte ni la Déclaration universelle des droits de l’homme ne font explicitement mention de l’âge parmi les motifs interdits. Cette omission, plutôt que d’être considérée comme intentionnelle, doit s’expliquer par le fait que, lorsque ces instruments ont été adoptés, le problème du vieillissement de la population n’était pas aussi évident ni aussi urgent qu’il l’est à l’heure actuelle.

12.La question reste néanmoins ouverte, si l’on considère que la discrimination en raison de «toute autre situation» peut s’appliquer à l’âge. Le Comité note que, s’il n’est peut‑être pas encore possible de conclure que la discrimination en raison de l’âge est globalement interdite par le Pacte, les domaines dans lesquels cette discrimination peut être acceptée sont très limités. En outre, il convient de souligner qu’un grand nombre d’instruments internationaux de politique générale soulignent le caractère inacceptable de la discrimination à l’égard des personnes âgées et que ce principe est confirmé dans la législation de la grande majorité des États. Dans le petit nombre de domaines où la discrimination continue à être tolérée, par exemple en ce qui concerne l’âge obligatoire de la retraite ou l’accès à l’enseignement supérieur, la tendance est manifestement à l’élimination des restrictions. Le Comité estime que les États parties devraient s’efforcer d’intensifier cette tendance dans toute la mesure possible.

13.En conséquence, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels considère que les États parties au Pacte ont l’obligation d’accorder une attention particulière à la promotion et à la protection des droits économiques, sociaux et culturels des personnes âgées. Son propre rôle à cet égard est d’autant plus important qu’à la différence des droits d’autres groupes tels que les femmes et les enfants, les droits des personnes âgées n’ont pas encore été consacrés dans un instrument international global et qu’il n’existe pas non plus de mécanisme de surveillance obligatoire de l’application des divers ensembles de principes des Nations Unies dans ce domaine.

14.À la fin de sa treizième session, le Comité et, précédemment, le Groupe de travail de session d’experts gouvernementaux, avait examiné 144 rapports initiaux, 70 deuxièmes rapports périodiques et 20 rapports combinant rapports initiaux et périodiques, sur l’application des articles premier à 15. Ces examens ont permis d’identifier un grand nombre des problèmes que la mise en œuvre du Pacte peut poser dans un nombre considérable d’États parties représentant toutes les régions du monde et dotés de systèmes politiques, socioéconomiques et culturels différents. Les rapports examinés jusqu’à présent ne contenaient pas systématiquement de renseignements sur la situation des personnes âgées au regard de l’application des dispositions du Pacte, à l’exception de renseignements plus ou moins complets sur la mise en œuvre de l’article 9 concernant le droit à la sécurité sociale.

15.En 1993, le Comité a consacré à cette question une journée de débat général afin d’orienter judicieusement son activité future en la matière. En outre, il a commencé, à ses dernières sessions, à attacher considérablement plus d’importance aux renseignements sur les droits des personnes âgées et les questions qu’il a posées lui ont permis d’obtenir dans certains cas des renseignements très utiles. Il note néanmoins que les États parties, dans leur grande majorité, continuent à ne faire que très peu mention dans leurs rapports de cette question importante. Il indique en conséquence qu’il insistera à l’avenir pour que la situation des personnes âgées en ce qui concerne chacun des droits énoncés dans le Pacte soit décrite avec précision dans tous les rapports. Il expose dans la suite de la présente Observation générale les questions spécifiques qui se posent à cet égard.

4. Obligations générales des États parties

16.Le groupe de population que constituent les personnes âgées est aussi hétérogène et varié que le reste de la population et ses conditions de vie dépendent de la situation économique et sociale du pays, de facteurs démographiques, environnementaux et culturels, de la situation de l’emploi et, au niveau individuel, de la situation familiale, du niveau d’éducation, de l’environnement urbain et rural et de la profession des travailleurs et des retraités.

17.À côté des personnes âgées qui jouissent d’une bonne santé et d’une situation financière acceptable, nombreuses sont celles qui, même dans les pays développés, ne disposent pas de ressources suffisantes et qui constituent l’essentiel des groupes de population les plus vulnérables, marginaux et non protégés. En période de récession et de restructuration de l’économie, les personnes âgées sont particulièrement menacées. Comme le Comité l’a souligné précédemment (Observation générale no 3, 1990, par. 12), les États parties ont le devoir de protéger les membres vulnérables de la société même en temps de grave pénurie de ressources.

18.Les méthodes que les États parties doivent utiliser pour s’acquitter des obligations qu’ils ont contractées en vertu du Pacte à l’égard des personnes âgées sont fondamentalement les mêmes que celles qui sont prévues pour assurer la mise en œuvre d’autres obligations (voir l’Observation générale no 1, 1989). Elles consistent notamment à déterminer, par une surveillance régulière, la nature et l’ampleur des problèmes existant au sein de l’État, à adopter des politiques et des programmes spécialement conçus pour répondre aux besoins, à adopter de nouvelles lois en cas de besoin et à éliminer toute législation discriminatoire et, enfin, à prendre les mesures budgétaires correspondantes ou, le cas échéant, à solliciter la coopération internationale. À cet égard, la coopération internationale, telle qu’elle est prévue aux articles 22 et 23 du Pacte, peut offrir à certains pays en développement des moyens particulièrement importants de s’acquitter de leurs obligations en vertu du Pacte.

19.À ce sujet, l’attention est appelée sur l’objectif mondial no 1, approuvé par l’Assemblée générale en 1992, dans lequel il est proposé de créer des infrastructures nationales d’appui pour promouvoir les politiques et les programmes se rapportant au vieillissement dans les plans et programmes nationaux et internationaux de développement. À cet égard, le Comité note que l’un des Principes des Nations Unies pour les personnes âgées que les gouvernements ont été encouragés à incorporer dans leurs programmes nationaux veut que les personnes âgées puissent se constituer en mouvements ou en associations de personnes âgées.

5. Dispositions spécifiques du Pacte

Article 3: Égalité des droits des hommes et des femmes

20.Conformément à l’article 3 du Pacte, qui stipule que les États parties «s’engagent à assurer le droit égal pour l’homme et la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels», le Comité considère que les États parties devraient accorder une attention particulière aux femmes âgées qui ont consacré toute leur vie ou une partie de celle‑ci à s’occuper de leur famille sans exercer d’activité rémunérée leur donnant droit à une pension de vieillesse ou qui n’ont pas non plus acquis de droit à une pension de veuve et qui se trouvent souvent de ce fait dans une situation critique.

21.Pour faire face à de telles situations et s’acquitter pleinement des dispositions de l’article 9 du Pacte et du paragraphe 2 h) de la Proclamation sur le vieillissement, les États parties devraient établir des prestations de vieillesse non contributives, ou d’autres aides, en faveur de toutes les personnes, sans distinction de sexe, qui, à un âge déterminé, fixé par la législation nationale, manquent de ressources. Vu l’espérance de vie élevée des femmes et ces dernières étant celles qui, le plus souvent, ne peuvent prétendre à une pension, faute d’avoir cotisé à un régime de retraite, ce sont elles qui s’en trouveraient les principales bénéficiaires.

Articles 6 à 8: Droits liés au travail

22.À l’article 6 du Pacte, les États parties sont incités à prendre des mesures appropriées pour garantir le droit qu’a toute personne d’obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi ou accepté. C’est pourquoi le Comité, tenant compte du fait que les travailleurs âgés n’ayant pas atteint l’âge de la retraite rencontrent souvent des difficultés pour trouver et conserver un emploi, insiste sur la nécessité d’adopter des mesures propres à éviter toute discrimination fondée sur l’âge en matière d’emploi et de profession.

23.Le droit qu’a toute personne de «jouir de conditions de travail justes et favorables» proclamé à l’article 7 du Pacte, revêt une importance particulière pour l’environnement professionnel des travailleurs âgés qui devraient pouvoir travailler sans risque jusqu’à leur départ à la retraite. Il est conseillé en particulier de valoriser l’expérience et les connaissances de ces travailleurs.

24.Des programmes de préparation à la retraite devraient être mis en œuvre au cours des années précédant la fin de la vie professionnelle, avec la participation des organisations représentatives des employeurs et des travailleurs et des autres organismes intéressés pour préparer les travailleurs âgés à faire face à leur nouvelle vie. De tels programmes devraient, en particulier, fournir des informations sur les droits et obligations des retraités, les possibilités et conditions de la poursuite d’une activité professionnelle, ainsi que sur les possibilités de bénévolat, les moyens de lutter contre les effets néfastes du vieillissement, les facilités pour participer à des activités éducatives et culturelles et l’utilisation des loisirs.

25.Les droits protégés par l’article 8 du Pacte, c’est‑à‑dire les droits syndicaux, doivent être appliqués aux travailleurs âgés, y compris après l’âge de la retraite.

Article 9: Droit à la sécurité sociale

26.L’article 9 du Pacte stipule, de façon générale, que les États parties «reconnaissent le droit de toute personne à la sécurité sociale», sans préciser la nature ou le niveau de la protection qui doit être garanti. Toutefois, les termes «sécurité sociale» couvrent implicitement tous les risques liés à la perte des moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de la volonté des personnes concernées.

27.Conformément à l’article 9 du Pacte et aux dispositions d’application des Conventions de l’OIT sur la sécurité sociale − la Convention no 102 (1952) relative à la sécurité sociale (normes minimum) et la Convention no 128 (1967) concernant les prestations d’invalidité, de vieillesse et de survivants − les États parties doivent prendre des mesures appropriées pour instituer, de façon générale, des prestations d’assurance vieillesse obligatoires qui doivent être perçues à partir d’un âge déterminé, prescrit par la législation nationale.

28.Conformément aux recommandations contenues dans les deux Conventions de l’OIT susmentionnées et dans la Recommandation no 162 précitée, le Comité invite les États parties à fixer l’âge de la retraite de façon souple, en fonction des activités exercées et de la capacité de travail des personnes âgées et compte tenu également des facteurs démographiques, économiques et sociaux.

29.Pour mettre en œuvre les dispositions de l’article 9 du Pacte, les États parties doivent garantir l’attribution de prestations de survivants et d’orphelins au décès du soutien de famille inscrit à la sécurité sociale ou bénéficiaire d’une pension de retraite.

30.Enfin, pour mettre pleinement en œuvre les dispositions de l’article 9 du Pacte, et comme le Comité l’a déjà indiqué aux paragraphes 20 et 21, les États parties devraient instituer, dans la limite des ressources disponibles, des prestations de vieillesse non contributives ou d’autres aides en faveur des personnes âgées qui, ayant atteint l’âge prescrit dans la législation nationale mais n’ayant pas occupé d’emploi ou versé de cotisations pendant les périodes minimales exigées, n’ont pas droit au versement d’une pension de vieillesse ou à d’autres prestations au titre de la sécurité sociale et ne bénéficient pas d’autres sources de revenus.

Article 10: Protection de la famille

31.Conformément au paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte et aux Recommandations nos 25 et 29 du Plan d’action international de Vienne sur le vieillissement, les États parties devraient faire tous les efforts nécessaires pour soutenir, protéger et renforcer la famille et l’aider, conformément aux valeurs culturelles de chaque société, à subvenir aux besoins des membres âgés à sa charge. Dans la Recommandation no 29, les gouvernements et les organisations non gouvernementales sont engagés à mettre en place des services d’aide sociale à l’intention des familles qui comptent dans leur foyer des personnes âgées et à prendre des mesures spéciales en faveur des familles à faible revenu qui veulent garder les personnes âgées dans leur foyer. Les personnes qui vivent seules et les couples de personnes âgées qui souhaitent demeurer chez eux devraient également bénéficier de cette aide.

Article 11: Droit à un niveau de vie suffisant

32.Le Principe 1 des Nations Unies pour les personnes âgées, relatif à l’indépendance des personnes âgées, stipule en premier lieu «Les personnes âgées devraient avoir accès, en suffisance, aux vivres, à l’eau, au logement, aux vêtements et aux soins de santé grâce à leurs revenus, au soutien des familles et de la communauté et à l’auto‑assistance». Le Comité juge que ce Principe qui reconnaît aux personnes âgées les droits énoncés à l’article 11 du Pacte, est d’une grande importance.

33.Il est dit clairement dans les Recommandations nos 19 à 24 du Plan d’action international de Vienne sur le vieillissement que le logement pour les personnes âgées ne doit pas être envisagé comme un simple abri car, outre ses caractéristiques physiques, il a une signification psychologique et sociale dont il faut tenir compte. C’est pourquoi les politiques nationales devraient aider les personnes âgées à continuer de vivre à leur domicile le plus longtemps possible moyennant la restauration, l’aménagement et l’amélioration des logements et leur adaptation aux capacités d’accès et d’usage des personnes âgées (Recommandation no 19). La Recommandation no 20 met l’accent sur la nécessité de veiller à ce que la réglementation et la planification du développement et de la rénovation du milieu urbain fassent une place particulière aux problèmes des personnes âgées en vue de faciliter leur intégration sociale et la Recommandation no 22 invite à tenir compte de la capacité fonctionnelle des personnes âgées pour leur fournir un environnement facilitant leur mobilité et leur permettant d’avoir des contacts, en prévoyant des moyens de transport adéquats.

Article 12: Droit à la santé physique et mentale

34.Pour veiller à ce que les personnes âgées jouissent effectivement du droit à un niveau satisfaisant de santé physique et mentale, conformément aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 12 du Pacte, les États parties devraient tenir compte des Recommandations nos 1 à 17 du Plan d’action international de Vienne sur le vieillissement, qui visent dans leur ensemble à offrir des orientations en matière de politique sanitaire en faveur des personnes âgées et sont fondées sur une optique globale, allant de la prévention et de la réadaptation aux soins dispensés aux malades en phase terminale.

35.Il est évident qu’il est impossible de faire face aux cas toujours plus nombreux de maladies chroniques et dégénératives et aux coûts élevés de l’hospitalisation uniquement grâce à la médecine curative. Les États parties devraient tenir compte du fait que le maintien du bon état de santé pendant la vieillesse exige des investissements pendant toute la vie des citoyens, essentiellement grâce à l’adoption de styles de vie sains (alimentation, exercice, suppression du tabac et de l’alcool, etc.). La prévention, sous forme de contrôles périodiques adaptés aux besoins des femmes et des hommes âgés, joue un rôle décisif, de même que la réadaptation qui permet de maintenir les fonctions des personnes âgées et de réduire ainsi les frais de soins médicaux et de services sociaux.

Articles 13 à 15: Droit à l’éducation et à la culture

36.Le paragraphe 1 de l’article 13 du Pacte reconnaît le droit de toute personne à l’éducation. Dans le cas des personnes âgées, ce droit doit être considéré sous deux angles distincts et complémentaires: a) le droit des personnes âgées à bénéficier des programmes d’éducation et b) la mise à profit des connaissances et de l’expérience des personnes âgées en faveur des jeunes générations.

37.Dans le premier domaine, les États parties devraient tenir compte a) des recommandations formulées dans le Principe 16 des Nations Unies pour les personnes âgées, selon lequel les personnes âgées devraient avoir accès à des programmes appropriés d’enseignement et de formation et, en conséquence, selon leur niveau de préparation, leurs aptitudes et leurs motivations, avoir accès aux différents stades du cycle d’éducation, grâce à des mesures spéciales d’alphabétisation, d’éducation permanente, d’accès à l’enseignement universitaire, etc.; et b) de la Recommandation no 47 du Plan d’action international de Vienne sur le vieillissement, selon laquelle, conformément à la notion d’éducation permanente promulguée par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), il faudrait concevoir des programmes informels, basés sur la collectivité et orientés vers les loisirs, à l’intention des personnes âgées, afin de nourrir chez elles un sentiment d’autonomie et de responsabilité communautaire. Les gouvernements et les organisations internationales devraient accorder leur appui à ces programmes.

38.Pour ce qui est de la mise à profit des connaissances et de l’expérience des personnes âgées évoquée dans les recommandations du Plan d’action international de Vienne sur le vieillissement concernant l’éducation (par. 74 à 76), l’attention des États parties est appelée sur le rôle important que les personnes âgées et les vieillards jouent encore dans beaucoup de sociétés, car ils sont chargés de transmettre l’information, les connaissances, les traditions et les valeurs spirituelles, rôle majeur qui ne devrait pas disparaître. C’est pourquoi le Comité attache une importance particulière au message contenu dans la Recommandation no 44 du Plan, selon laquelle: «Il conviendrait de concevoir des programmes d’enseignement qui permettent aux personnes âgées de jouer leur rôle d’enseignants et de relais de la connaissance, de la culture et des valeurs spirituelles».

39.Conformément aux alinéas a et b du paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte, les États parties reconnaissent à chacun le droit de participer à la vie culturelle et de bénéficier du progrès scientifique et de ses applications. À cet égard, le Comité engage les États parties à tenir compte des recommandations contenues dans les Principes des Nations Unies pour les personnes âgées et en particulier du Principe 7, selon lequel: «Les personnes âgées devraient rester intégrées dans la société, participer activement à la définition et à l’application des politiques qui touchent directement leur bien‑être et partager leurs connaissances et leur savoir‑faire avec les jeunes générations», ainsi que du Principe 16, selon lequel: «Les personnes âgées devraient avoir accès aux ressources de la société sur les plans éducatif, culturel, spirituel et en matière de loisirs».

40.Conformément à la Recommandation no 48 du Plan d’action international de Vienne sur le vieillissement, les gouvernements et les organisations internationales sont engagés à soutenir les programmes qui visent à faciliter l’accès physique des personnes âgées aux installations culturelles (musées, théâtres, salles de concert, cinémas, etc.).

41.La Recommandation no 50 met l’accent sur la nécessité pour les gouvernements, les organisations non gouvernementales et les personnes âgées elles‑mêmes de faire porter leurs efforts sur la suppression du stéréotype de la personne âgée en tant que personne souffrant d’incapacités physiques et psychologiques, incapable de fonctionner de manière autonome et n’ayant ni rôle ni place dans la société. Ces efforts, auxquels doivent participer les moyens de communication et les établissements d’enseignement, sont indispensables à l’édification d’une société qui défend la pleine intégration des personnes âgées.

42.Enfin, en ce qui concerne le droit de bénéficier du progrès scientifique et de ses applications, les États parties devraient tenir compte des Recommandations nos 60, 61 et 62 du Plan d’action international de Vienne et déployer des efforts pour encourager la recherche dans les domaines biologique, psychologique et social, et sur les moyens de maintenir la capacité fonctionnelle et d’éviter et de retarder l’apparition des maladies chroniques et des invalidités. À cet égard, il est recommandé que les États et les organisations intergouvernementales et non gouvernementales créent des établissements spécialisés dans l’enseignement de la gérontologie, de la gériatrie et de la psychogériatrie dans les pays où il n’existe pas d’établissements de ce genre.

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Seizième session (1997)*

Observation générale n o 7: Le droit à un logement suffisant (art. 11, par. 1, du Pacte): expulsions forcées

1.Dans son Observation générale no 4 (1991), le Comité a noté que chaque personne a droit à un certain degré de sécurité qui garantit la protection légale contre l’expulsion, le harcèlement ou autres menaces. Il est arrivé à la conclusion que les décisions d’expulsion forcée sont prima facie contraires aux dispositions du Pacte. Ayant examiné, ces dernières années, un nombre important de rapports dans lesquels il est fait état d’expulsions forcées, notamment de cas dans lesquels, à son avis, il y avait eu manquement aux obligations incombant aux États parties concernés, le Comité peut à présent tenter de fournir des précisions quant aux incidences de telles pratiques au regard des obligations énoncées dans le Pacte.

2.La communauté internationale reconnaît depuis longtemps la gravité de la question des expulsions forcées. En 1976, il a été noté dans la Déclaration de Vancouver sur les établissements humains qu’il conviendrait de se préoccuper en particulier «de ne lancer de grands programmes de rénovation que dans les cas où des mesures de conservation et de modernisation ne peuvent être prises, et à condition de reloger les habitants». En 1988, dans la Stratégie mondiale du logement jusqu’à l’an 2000, adoptée par l’Assemblée générale dans sa résolution 43/181 «l’obligation fondamentale [qui incombe aux gouvernements] de protéger et d’améliorer les maisons et les quartiers, au lieu de les vouer à la détérioration et à la destruction» a été reconnue. Dans Action 21, il est dit que «Les individus devraient être protégés par la loi contre toute éviction injuste de leur logis ou de leurs terres». Dans le Programme pour l’Habitat, les gouvernements se sont engagés à «protéger toutes les personnes contre les expulsions forcées qui sont contraires à la loi et à leur assurer une protection juridique et un droit à réparation à la suite de telles expulsions, en tenant compte des droits de l’homme; [et] quand les expulsions sont inévitables, à veiller, selon qu’il convient, à ce que d’autres solutions acceptables soient trouvées». La Commission des droits de l’homme a affirmé pour sa part que la «pratique des expulsions forcées constitue une violation flagrante des droits de l’homme». Quoique importantes, ces déclarations n’apportent cependant pas de réponse à l’une des questions les plus délicates, celle de déterminer dans quelles circonstances les expulsions forcées peuvent être autorisées et quels types de protection sont nécessaires pour assurer le respect des dispositions pertinentes du Pacte.

3.L’emploi de l’expression «expulsion forcée» soulève à certains égards des problèmes. Destinée à mettre en évidence le caractère arbitraire et illégal de cette pratique au regard du droit international, cette expression constitue cependant, pour de nombreux observateurs, une tautologie; d’autres l’ont critiquée car elle présuppose que la législation assure une protection suffisante et est conforme au Pacte, ce qui est loin d’être toujours le cas. On a également fait observer que l’expression «expulsion injuste» était encore plus subjective car elle ne s’inscrivait dans aucun cadre juridique. La communauté internationale, en particulier dans le cadre de la Commission des droits de l’homme, a opté pour l’expression «expulsion forcée», pour la principale raison que toutes les autres formulations proposées laissaient aussi beaucoup à désirer. Dans la présente Observation générale, l’expression «expulsion forcée» s’entend de l’éviction permanente ou temporaire, contre leur volonté et sans qu’une protection juridique ou autre appropriée ait été assurée, de personnes, de familles ou de communautés de leurs foyers ou des terres qu’elles occupent. L’interdiction frappant les expulsions forcées ne s’applique toutefois pas à celles qui sont opérées par la force dans le respect de la loi et conformément aux dispositions des Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme.

4.La pratique des expulsions forcées est très répandue aussi bien dans les pays développés que dans les pays en développement où nombre de personnes sont touchées. Étant donné la corrélation et l’interdépendance qui existent entre tous les droits de l’homme, les expulsions forcées portent bien souvent atteinte à d’autres droits que le droit au logement. Ainsi, outre qu’elle constitue une violation manifeste des droits consacrés dans le Pacte, la pratique des expulsions forcées peut aussi entraîner des atteintes aux droits civils et politiques, tels que le droit à la vie, le droit à la sécurité de sa personne, le droit de ne pas faire l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille ou son domicile et le droit au respect de ses biens.

5.La pratique des expulsions forcées semble surtout courante dans les zones urbaines fortement peuplées; elle existe aussi dans le cas de transferts forcés de population, de déplacements de population à l’intérieur d’un pays, de réinstallation forcée lors de conflits armés, d’exodes et de mouvements de réfugiés. Dans tous ces contextes, de nombreux actes ou omissions imputables aux États parties peuvent constituer une violation du droit à un logement suffisant ou du droit de ne pas être expulsé de force. Même dans les situations où il peut s’avérer nécessaire de limiter ce droit, l’article 4 du Pacte doit être pleinement respecté. En conséquence, les limitations imposées seront «établies par la loi, dans la seule mesure compatible avec la nature de ces droits [à savoir, les droits économiques, sociaux et culturels] et exclusivement en vue de favoriser le bien‑être général dans une société démocratique».

6.Dans de nombreux cas, les expulsions forcées, telles que celles qui résultent de conflits armés internationaux ou internes et d’affrontements communautaires ou ethniques, sont liées à la violence.

7.Dans d’autres cas, il est procédé à des expulsions forcées au nom du développement. Ces expulsions peuvent se faire suite à des litiges sur les droits fonciers, ou dans le cadre de projets de développement et d’infrastructure (construction de barrages ou autres grands projets de production d’énergie), de mesures d’acquisition de terres pour la réalisation de programmes de rénovation urbaine, de modernisation du logement ou d’embellissement des villes, de la récupération de terres à des fins agricoles, de la spéculation foncière effrénée ou pour la tenue de grandes manifestations sportives comme les Jeux olympiques.

8.Les obligations qui incombent aux États parties au Pacte en matière d’expulsions forcées découlent essentiellement du paragraphe 1 de l’article 11 qui doit être lu conjointement avec d’autres articles du Pacte. Le paragraphe 1 de l’article 2 en particulier oblige les États à utiliser «tous les moyens appropriés» pour garantir le droit à un logement suffisant. Cependant, de par la nature même des expulsions forcées, la réalisation progressive en fonction des ressources disponibles, mentionnée dans cet article, est en l’espèce rarement possible. L’État lui‑même doit s’abstenir de faire procéder à des expulsions forcées et doit veiller à ce que la loi soit appliquée à ses agents ou aux tiers qui procèdent à ces expulsions (selon la définition donnée au paragraphe 3 plus haut). Le paragraphe 1 de l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui englobe le droit de ne pas être expulsé par la force sans protection appropriée va également dans ce sens. Il garantit, entre autres, à toute personne, le droit à la protection contre les «immixtions arbitraires ou illégales» dans son domicile. On notera que l’obligation qui incombe à l’État d’assurer le respect de ce droit ne fait l’objet d’aucune restriction pour raison de ressources disponibles.

9.Le paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte oblige les États parties à utiliser «tous les moyens appropriés», y compris l’adoption de mesures législatives, en vue de promouvoir tous les droits reconnus dans le Pacte. Bien que le Comité ait indiqué dans son Observation générale no 3 (1990) que de telles mesures peuvent ne pas être indispensables pour tous les droits, il est clair qu’une législation garantissant une protection contre les expulsions forcées constitue une base essentielle à la mise en place d’un système de protection efficace. Cette législation devrait comporter des dispositions a) qui assurent aux occupants d’un logement ou d’une terre la sécurité de jouissance, b) qui soient conformes au Pacte et c) qui visent à contrôler strictement les circonstances dans lesquelles des expulsions peuvent être effectuées. Elle doit aussi s’appliquer à toutes les personnes qui opèrent sous l’autorité de l’État ou qui doivent lui rendre des comptes. En outre, étant donné que dans certains États le rôle des pouvoirs publics tend à diminuer considérablement dans le secteur du logement, les États parties doivent veiller à ce que des mesures législatives et autres permettent d’empêcher les expulsions forcées effectuées par des particuliers ou des organismes privés sans que les personnes concernées bénéficient des garanties voulues et, le cas échéant, de prendre des sanctions. Il faudrait, par conséquent, que les États parties réexaminent toute la législation et les mesures pertinentes pour s’assurer qu’elles sont compatibles avec les obligations découlant du droit à un logement suffisant et pour abroger ou amender tout texte qui ne serait pas conforme aux dispositions du Pacte.

10.Les femmes, les enfants, les jeunes, les personnes âgées, les populations autochtones, les minorités ethniques et autres ainsi que les personnes et groupes vulnérables, souffrent plus que les autres de la pratique des expulsions forcées. Les femmes surtout sont particulièrement vulnérables du fait de la discrimination juridique et des autres formes de discrimination dont elles sont souvent victimes concernant le droit de propriété (y compris le droit de posséder un domicile) ou le droit d’accéder à la propriété ou au logement, et en raison des actes de violence et des sévices sexuels auxquels elles sont exposées lorsqu’elles sont sans abri. Le paragraphe 2 de l’article 2 et l’article 3 du Pacte imposent aux gouvernements l’obligation supplémentaire de s’assurer, en cas d’expulsion, que les mesures appropriées sont prises pour éviter toute forme de discrimination.

11.Si certaines expulsions peuvent être légitimes, par exemple en cas de non‑paiement persistant du loyer ou de dommages causés sans motif raisonnable à un bien loué, il incombe cependant aux autorités compétentes de veiller à ce qu’elles soient effectuées selon les modalités définies par une loi compatible avec le Pacte et à ce que toutes les voies de recours prévues par la loi soient accessibles aux personnes visées.

12.Les expulsions forcées et les démolitions de logements à titre de mesure punitive sont également contraires aux dispositions du Pacte. Dans le même ordre d’idées, le Comité prend note des obligations énoncées dans les Conventions de Genève de 1949 et les Protocoles de 1977, concernant l’interdiction des déplacements de populations civiles et de la destruction de biens privés, pratiques qui s’apparentent à celle des expulsions forcées.

13.Avant de faire procéder à une expulsion et, en particulier, lorsque d’importants groupes de population sont concernés, les États parties devraient veiller à ce que toutes les autres solutions possibles soient envisagées en concertation avec les intéressés, afin d’éviter le recours à la force, ou du moins d’en limiter la nécessité. Les recours prévus par la loi devraient être accessibles aux personnes tombant sous le coup d’un arrêté d’expulsion. Les États parties doivent également veiller à ce que toutes les personnes concernées aient droit à une indemnisation appropriée lorsque l’un quelconque de ses biens, meuble ou immeuble, est visé. À ce sujet, il y a lieu de rappeler le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui dispose que les États parties s’engagent à garantir un «recours utile» à toute personne dont les droits ont été violés et la bonne suite donnée par «les autorités compétentes à tout recours qui aura été reconnu justifié».

14.Lorsque l’expulsion forcée est considérée comme justifiée, elle doit se faire dans le strict respect des dispositions pertinentes de la législation internationale relative aux droits de l’homme et en conformité avec le principe général de proportionnalité. À cet égard, il convient tout particulièrement de rappeler l’Observation générale no 16 du Comité des droits de l’homme sur l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dans laquelle il est dit qu’il ne peut y avoir d’immixtion dans le domicile d’une personne sauf «dans les cas envisagés par la loi». Le Comité a fait observer qu’il fallait que la loi «soit conforme aux dispositions, aux buts et aux objectifs du Pacte et soit, dans tous les cas, raisonnable eu égard aux circonstances particulières». Il a également indiqué qu’«une loi pertinente doit préciser dans le détail les cas précis dans lesquels elles [les immixtions qui sont conformes au Pacte] peuvent être autorisées».

15.La protection appropriée en matière de procédure et le respect de la légalité, sont des aspects essentiels de tous les droits de l’homme, mais qui sont particulièrement importants s’agissant d’une question comme celle des expulsions forcées qui fait directement référence à un grand nombre de droits reconnus dans les deux Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme. De l’avis du Comité, les mesures de protection en matière de procédure qui devraient être appliquées dans les cas d’expulsion forcée sont les suivantes: a) possibilité de consulter véritablement les intéressés; b) délai de préavis suffisant et raisonnable à toutes les personnes concernées; c) informations sur l’expulsion envisagée et, le cas échéant, sur la réaffectation du terrain ou du logement, fournies dans un délai raisonnable à toutes les personnes concernées; d) présence, en particulier lorsque des groupes de personnes sont visés, des agents ou des représentants du gouvernement, lors de l’expulsion; e) identification de toutes les personnes exécutant l’arrêté d’expulsion; f) pas d’expulsion par temps particulièrement mauvais ou de nuit, à moins que les intéressés n’y consentent; g) accès aux recours prévus par la loi; h) octroi d’une aide judiciaire, le cas échéant, aux personnes qui en ont besoin pour introduire un recours devant les tribunaux.

16.Il ne faudrait pas que, suite à une expulsion, une personne se retrouve sans toit ou puisse être victime d’une violation d’autres droits de l’homme. Lorsqu’une personne ne peut subvenir à ses besoins, l’État partie doit, par tous les moyens appropriés, au maximum de ses ressources disponibles, veiller à ce que d’autres possibilités de logement, de réinstallation ou d’accès à une terre productive, selon le cas, lui soient offertes.

17.Le Comité n’ignore pas que divers projets de développement financés par des organismes internationaux sur le territoire d’États parties entraînent des expulsions forcées. Il rappelle à ce propos son Observation générale no 2 (1990), dans laquelle il a déclaré notamment que «les organismes internationaux doivent éviter soigneusement d’appuyer des projets qui, ... par exemple, ... encouragent ou renforcent la discrimination à l’encontre d’individus ou de groupes, en violation des dispositions du Pacte, ou entraînent des expulsions ou déplacements massifs, sans mesures appropriées de protection et d’indemnisation... Il faudrait tout mettre en œuvre, à chaque étape de l’exécution des projets de développement, pour que les droits énoncés dans les Pactes soient dûment pris en compte».

18.Certaines institutions telles que la Banque mondiale et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont adopté des directives concernant le relogement ou la réinstallation, afin de limiter l’ampleur des souffrances humaines liées aux expulsions forcées. Cette pratique est souvent le corollaire de projets de développement à grande échelle tels que la construction de barrages et d’autres grands projets de production d’énergie. Il est essentiel de veiller au plein respect de ces directives, dans la mesure où elles sont le reflet des obligations énoncées dans le Pacte et elles concernent tant les organismes eux‑mêmes que les États parties au Pacte. Le Comité rappelle à cet égard ce qui est dit dans la Déclaration et le Programme d’action de Vienne, à savoir: «Si le développement favorise la jouissance de tous les droits de l’homme, l’insuffisance de développement ne peut être invoquée pour justifier une limitation des droits de l’homme internationalement reconnus» (partie I, par. 10).

19.Conformément aux directives adoptées par le Comité pour l’établissement des rapports, les États parties doivent fournir divers types d’informations concernant directement la pratique des expulsions forcées, et indiquer notamment a) «le nombre de personnes expulsées au cours des cinq dernières années et le nombre de personnes qui ne jouissent actuellement d’aucune protection juridique contre l’expulsion arbitraire ou toute autre forme d’expulsion»; b) «les lois concernant les droits des locataires à la sécurité de jouissance [et] à la protection contre l’expulsion» et c) les «lois interdisant l’expulsion sous toutes ses formes».

20.Des informations sont également demandées sur les «mesures prises à l’occasion, par exemple, de programmes de rénovation urbaine, de projets de réaménagement, de remise en valeur de sites, de la préparation de manifestations internationales (Jeux olympiques [et autres manifestations sportives], expositions, conférences, etc.), d’opérations “ville de charme”, etc., en vue de protéger contre l’expulsion les personnes vivant dans les zones visées ou à proximité et de leur garantir qu’elles seront relogées dans des conditions mutuellement acceptables». Néanmoins, peu d’États parties fournissent dans leurs rapports au Comité les renseignements demandés. Le Comité souligne, en conséquence, l’importance qu’il attache à ces informations.

21.Certains États parties ont indiqué ne pas disposer d’informations de cette nature. Le Comité rappelle qu’en l’absence de ces informations, ni le gouvernement concerné, ni lui‑même, ne peuvent surveiller efficacement la réalisation du droit à un logement suffisant. Il prie tous les États parties de veiller à ce que ces données soient recueillies et figurent dans les rapports qu’ils présentent en application du Pacte.

Dix ‑septième session (1997)*

Observation générale n o 8: Rapport entre les sanctions économiques et le respect des droits économiques, sociaux et culturels

1.Le recours à des sanctions économiques est de plus en plus fréquent, aux niveaux international, régional et de façon unilatérale. La présente Observation générale a pour objet de souligner que ces sanctions devraient toujours tenir pleinement compte, en toutes circonstances, des dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Le Comité ne remet nullement en cause la nécessité d’imposer des sanctions dans des cas appropriés, en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies ou d’autres instruments internationaux pertinents. Cependant, les dispositions de la Charte qui se rapportent aux droits de l’homme (Art. 1, 55 et 56) doivent être considérées comme entièrement applicables en la matière.

2.Au cours des années 90, le Conseil de sécurité a imposé des sanctions de nature et de durée diverses dans les cas suivants: Afrique du Sud, Iraq/Koweït, parties de l’ex‑Yougoslavie, Somalie, Jamahiriya arabe libyenne, Libéria, Haïti, Angola, Rwanda et Soudan. L’incidence des sanctions sur la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels a été portée à l’attention du Comité dans plusieurs cas concernant des États parties au Pacte, dont certains ont présenté régulièrement des rapports, ce qui a permis au Comité d’examiner attentivement la situation.

3.Si l’incidence des sanctions varie selon les cas, le Comité se rend compte qu’elles ont presque toujours de graves répercussions sur l’exercice des droits reconnus par le Pacte. Bien souvent, elles perturbent considérablement la distribution de vivres, de produits pharmaceutiques et d’articles d’hygiène; elles compromettent la qualité des produits alimentaires et l’approvisionnement en eau potable; elles entravent sérieusement le fonctionnement des systèmes de santé et d’éducation de base et elles portent atteinte au droit au travail. Elles peuvent en outre avoir des effets non intentionnels, comme la consolidation du pouvoir d’élites exerçant une oppression, l’apparition, dans presque tous les cas, d’un marché noir procurant d’énormes bénéfices exceptionnels aux privilégiés qui l’organisent, le renforcement du contrôle des élites dirigeantes sur l’ensemble de la population et la restriction des possibilités de demande d’asile ou d’expression d’une opposition politique. Bien qu’essentiellement de nature politique, les phénomènes précités ont eux aussi une grande incidence sur l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels.

4.En examinant la question des sanctions, il est essentiel de faire une distinction entre leur objectif premier, qui est d’exercer une pression politique et économique sur l’élite dirigeante du pays visé pour l’amener à se conformer au droit international, et leurs effets indirects, à savoir les souffrances infligées aux groupes les plus vulnérables de ce pays. C’est pourquoi les régimes de sanctions institués par le Conseil de sécurité prévoient désormais des exemptions humanitaires pour permettre l’apport de biens et services essentiels à des fins humanitaires. On pense communément que ces exemptions garantissent le respect fondamental des droits économiques, sociaux et culturels dans le pays.

5.Or, d’après plusieurs études récentes sur l’impact des sanctions effectuées, notamment, par l’ONU, les exemptions humanitaires n’ont pas l’effet supposé. De surcroît, leur portée est très limitée. Par exemple, elles ne règlent pas la question de l’accès à l’enseignement primaire, ni celle de la réparation des infrastructures indispensables pour fournir de l’eau propre ou des soins de santé adéquats. En 1995, le Secrétaire général a estimé qu’il était nécessaire d’évaluer l’impact potentiel des sanctions avant qu’elles ne soient imposées et de mécanismes permettant de fournir une assistance humanitaire aux groupes vulnérables. L’année suivante, une vaste étude sur l’impact des conflits armés sur les enfants, établie par Mme Graça Machel pour l’Assemblée générale, constatait que «[l]es exemptions humanitaires sont généralement ambiguës et sont interprétées de façon arbitraire et contradictoire. ... Les retards et les confusions qui se produisent et les refus d’autoriser l’importation de produits humanitaires essentiels causent des pénuries. ... [Leurs effets] touchent inévitablement surtout les pauvres». Plus récemment, en octobre 1997, un rapport a conclu que les procédures de contrôle mises en place dans le cadre des différents comités des sanctions établis par le Conseil de sécurité restaient pesantes et que les organismes d’aide rencontraient toujours des difficultés pour obtenir une autorisation pour des fournitures exemptées. Les comités négligeaient le problème plus général des violations privées et publiques sous forme de marché noir, de commerce illicite et de corruption.

6.Il apparaît donc clairement, à la lecture d’un vaste ensemble d’études de pays et d’études générales, que l’on n’accorde pas suffisamment d’attention à l’impact des sanctions sur les groupes vulnérables. Toutefois, pour diverses raisons, ces études n’analysent pas expressément les conséquences préjudiciables qui en résultent pour la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels proprement dits. Il semble en fait que, dans la plupart des cas, sinon dans tous, ces conséquences n’ont pas du tout été prises en compte ou n’ont pas reçu toute l’attention qu’elles méritent. Il faut donc que les débats sur cette question intègrent la dimension des droits de l’homme.

7.De l’avis du Comité, les dispositions du Pacte, qui se retrouvent presque toutes dans d’autres traités relatifs aux droits de l’homme ainsi que dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, ne peuvent pas être considérées comme inopérantes, ni, en aucun cas, comme inapplicables pour la simple raison qu’il a été décidé que des considérations relatives à la paix et à la sécurité internationales justifiaient l’imposition de sanctions. De même que la communauté internationale exige que l’État visé respecte les droits civils et politiques de ses citoyens, l’État en question et la communauté internationale elle‑même doivent tout mettre en œuvre pour protéger ne serait‑ce que l’essentiel des droits économiques, sociaux et culturels des personnes de cet État qui sont touchées (voir également l’Observation générale no 3 (1990), par. 10).

8.Si cette obligation de chaque État découle de l’engagement d’encourager le respect des droits de l’homme, énoncé dans la Charte des Nations Unies, il faut rappeler aussi que chaque membre permanent du Conseil de sécurité a signé le Pacte, bien que deux (la Chine et les États‑Unis d’Amérique) ne l’aient pas encore ratifié. Et, à tout moment, la plupart des membres non permanents sont parties au Pacte. Chacun de ces États s’est engagé, conformément au paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte, «à agir, tant par son effort propre que par l’assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique, au maximum de ses ressources disponibles, en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte par tous les moyens appropriés». Lorsque l’État concerné est aussi un État partie, il incombe doublement aux autres États de respecter les obligations pertinentes et d’en tenir compte. Si des sanctions étaient imposées à des États qui ne sont pas parties au Pacte, les mêmes principes s’appliqueraient de toute façon, étant donné la situation des droits économiques, sociaux et culturels des groupes vulnérables qui font partie intégrante du droit international général, comme en témoignent, par exemple, la ratification quasi universelle de la Convention relative aux droits de l’enfant et l’état de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

9.Bien que le Comité n’ait aucun rôle à jouer dans la décision d’imposer ou non des sanctions, il se doit de surveiller le respect du Pacte par tous les États parties. Lorsque des mesures empêchent un État partie de s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu du Pacte, le Comité est fondé à s’inquiéter des conditions dont sont assorties les sanctions et de la façon dont elles sont appliquées.

10.Le Comité estime que ces considérations entraînent deux séries d’obligations. La première concerne l’État visé. L’imposition de sanctions n’annule ni ne réduit en aucune façon les obligations pertinentes de cet État partie. Comme dans d’autres circonstances comparables, ces obligations revêtent une plus grande importance pratique en période de difficultés. Le Comité est donc appelé à examiner très attentivement si l’État concerné a agi «au maximum de ses ressources disponibles» pour assurer autant que possible la protection des droits économiques, sociaux et culturels de chaque personne vivant sur son territoire. Bien que les sanctions réduisent inévitablement la capacité de l’État visé de financer ou soutenir certaines des mesures nécessaires, celui‑ci n’en conserve pas moins l’obligation de garantir l’absence de discrimination dans l’exercice de ces droits et de prendre toutes les mesures en son pouvoir, y compris d’engager des négociations avec d’autres États et avec la communauté internationale, pour réduire autant que possible les effets négatifs sur les droits des groupes vulnérables au sein de la société.

11.La seconde série d’obligations concerne la ou les parties responsables de l’imposition, du maintien ou de l’application des sanctions, que ce soit la communauté internationale, une organisation internationale ou régionale ou un État ou groupe d’États. À cet égard, le Comité estime que la reconnaissance des droits de l’homme dans les domaines économique, social et culturel conduit logiquement à trois conclusions.

12.Premièrement, il faut tenir pleinement compte de ces droits pour élaborer un régime de sanctions approprié. Sans avaliser aucune mesure particulière à cet égard, le Comité prend note de certaines propositions comme celles qui préconisent de mettre en place à l’ONU un mécanisme pour prévoir et suivre les effets des sanctions; l’élaboration d’un ensemble plus transparent de principes et de procédures concertés fondé sur le respect des droits de l’homme, l’élargissement de la gamme des biens et services exemptés; l’autorisation pour des organismes techniques désignés d’un commun accord de déterminer les exemptions nécessaires; la mise en place des comités des sanctions dotés de ressources plus importantes; un ciblage plus précis des points faibles de ceux dont la communauté internationale souhaite modifier le comportement; et l’instauration d’une plus grande flexibilité d’ensemble.

13.Deuxièmement, une surveillance efficace, toujours requise conformément aux dispositions du Pacte, devrait être assurée pendant toute la durée d’application des sanctions. Si une partie extérieure assume, même partiellement, la responsabilité de la situation dans un pays (que ce soit au titre du Chapitre VII de la Charte ou à un autre titre), il lui appartient aussi inévitablement de faire tout ce qui est en son pouvoir pour protéger les droits économiques, sociaux et culturels de la population touchée.

14.Troisièmement, la partie extérieure se doit d’«agir, tant par son effort propre que par l’assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique» afin de remédier aux souffrances disproportionnées infligées aux groupes vulnérables dans le pays visé.

15.Allant au‑devant de l’objection selon laquelle, pour atteindre leurs objectifs, des sanctions entraînent, par définition, de graves violations des droits économiques, sociaux et culturels, le Comité prend note de la conclusion d’une importante étude de l’ONU, selon laquelle «des mesures peuvent être prises pour atténuer les souffrances des enfants ou minimiser les autres conséquences préjudiciables des sanctions sans compromettre la réalisation de leur objectif général». Cette remarque s’applique également à la situation de tous les groupes vulnérables.

16.En adoptant la présente Observation générale, le Comité veut seulement appeler l’attention sur le fait que les habitants d’un pays ne sont pas privés de leurs droits économiques, sociaux et culturels fondamentaux parce qu’il a été déterminé que leurs dirigeants ont violé des normes relatives à la paix et à la sécurité internationales. L’objectif n’est pas de soutenir ou encourager ces dirigeants, ni de nuire aux intérêts légitimes de la communauté internationale en imposant le respect des dispositions de la Charte des Nations Unies et des principes généraux du droit international. Il est plutôt de faire valoir que l’on ne doit pas répondre à un acte illégal par un autre acte illégal au mépris des droits fondamentaux qui sous‑tendent et légitiment une action collective de ce genre.

Dix ‑neuvième session (1998)*

Observation générale n o  9: Application du Pacte au niveau national

A. Obligation de donner effet au Pacte dans l’ordre juridique interne

1.Dans son Observation générale no 3 (1990) sur la nature des obligations des États parties (art. 2, par. 1, du Pacte), le Comité a traité de questions relatives à la nature et à la portée des obligations des États parties. La présente Observation générale vise à préciser certains éléments abordés dans cette observation‑là. La principale obligation qui incombe aux États parties au regard du Pacte est de donner effet aux droits qui y sont reconnus. En exigeant des gouvernements qu’ils s’en acquittent «par tous les moyens appropriés», le Pacte adopte une démarche ouverte et souple qui permet de tenir compte des particularités des systèmes juridiques et administratifs de chaque État, ainsi que d’autres considérations importantes.

2.Mais cette souplesse va de pair avec l’obligation qu’a chaque État partie d’employer tous les moyens dont il dispose pour donner effet aux droits consacrés dans le Pacte. Dans cette optique, il faut tenir compte des règles fondamentales du droit international relatif aux droits de l’homme. En conséquence, les normes du Pacte doivent être dûment reconnues dans le cadre de l’ordre juridique national, toute personne ou groupe lésé doit disposer de moyens de réparation ou de recours appropriés, et les moyens nécessaires pour faire en sorte que les pouvoirs publics rendent compte de leurs actes doivent être mis en place.

3.Les questions relatives à l’application du Pacte au niveau national doivent être envisagées à la lumière de deux principes du droit international. Selon le premier, tel qu’il est énoncé à l’article 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, «Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non‑exécution d’un traité». En d’autres termes, les États doivent modifier, le cas échéant, l’ordre juridique afin de donner effet à leurs obligations conventionnelles. Le second principe est énoncé à l’article 8 de la Déclaration universelle des droits de l’homme: «Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi». Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ne contient aucune disposition correspondant directement à l’alinéa b du paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui oblige, notamment, les États parties à «développer les possibilités de recours juridictionnel». Néanmoins, un État partie qui cherche à se justifier du fait qu’il n’offre aucun recours interne contre les violations des droits économiques, sociaux et culturels doit montrer soit que de tels recours ne constituent pas des «moyens appropriés», au sens du paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ou qu’ils sont, compte tenu des autres moyens utilisés, superflus. Cela n’est pas facile à montrer, et le Comité estime que, dans bien des cas, les autres moyens utilisés risquent d’être inopérants s’ils ne sont pas renforcés ou complétés par des recours juridictionnels.

B. Place du Pacte dans l’ordre juridique interne

4.D’une manière générale, les normes internationales contraignantes relatives aux droits de l’homme devraient s’appliquer directement et immédiatement dans le cadre du système juridique interne de chaque État partie, et permettre ainsi aux personnes de demander aux tribunaux nationaux d’assurer le respect de leurs droits. La règle relative à l’épuisement des recours internes renforce la primauté des recours internes à cet égard. L’existence de procédures internationales pour l’examen de plaintes individuelles et le développement de telles procédures sont certes importants, mais ces procédures ne viennent, en définitive, qu’en complément de recours internes effectifs.

5.Le Pacte ne définit pas concrètement les modalités de sa propre application dans l’ordre juridique national. De plus, il ne contient aucune disposition obligeant les États parties à l’incorporer intégralement au droit national ou à lui accorder un statut particulier dans le cadre de ce droit. Bien que les modalités concrètes pour donner effet, dans l’ordre juridique national, aux droits qui sont reconnus dans le Pacte soient laissées à la discrétion de chaque État partie, les moyens utilisés doivent être appropriés, c’est‑à‑dire qu’ils doivent produire des résultats attestant que l’État partie s’est acquitté intégralement de ses obligations. Les moyens choisis sont en outre soumis à contrôle dans le cadre de l’examen, par le Comité, de la manière dont l’État partie s’acquitte de ses obligations au titre du Pacte.

6.Une analyse de la pratique des États en ce qui concerne le Pacte montre qu’ils recourent à divers moyens. Certains n’ont pris aucune mesure particulière. Parmi ceux qui ont pris des mesures, certains ont fait des dispositions du Pacte des dispositions du droit national, en complétant ou en modifiant la législation en vigueur, sans pour autant reprendre les termes mêmes du Pacte. D’autres l’ont adopté ou incorporé au droit national en gardant telles quelles ses dispositions, et en leur donnant officiellement effet dans l’ordre juridique national. Pour ce faire, ils ont généralement eu recours à des dispositions constitutionnelles accordant aux dispositions des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme la priorité sur toute législation nationale incompatible avec ces dispositions. La façon dont les États abordent le Pacte dépend, dans une large mesure, de la manière dont les instruments internationaux en général sont envisagés dans l’ordre juridique interne.

7.Quelle que soit la démarche choisie, plusieurs principes découlent de l’obligation de donner effet au Pacte et doivent, de ce fait, être respectés. Premièrement, l’État partie doit choisir le moyen d’application propre à lui permettre de s’acquitter de ses obligations en vertu du Pacte. La nécessité d’assurer l’invocabilité des droits reconnus dans le Pacte (voir par. 10 ci‑après) doit être prise en considération afin de déterminer le meilleur moyen de donner effet à ces droits au niveau interne. Deuxièmement, il faut tenir compte des moyens qui se sont avérés les plus efficaces pour la protection d’autres droits fondamentaux dans le pays concerné. Dans les pays où les moyens employés pour donner effet au Pacte diffèrent considérablement de ceux servant à appliquer d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme, l’utilisation de tels moyens doit répondre à une nécessité impérieuse, compte tenu du fait que le libellé des dispositions du Pacte est, dans une large mesure, comparable à celui des dispositions des instruments relatifs aux droits civils et politiques.

8.Troisièmement, même si le Pacte n’oblige pas formellement les États à incorporer ses dispositions dans la législation interne, une telle démarche est souhaitable. Une incorporation directe des dispositions du Pacte permet, en effet, d’éviter les problèmes que peut poser la transformation des obligations conventionnelles en dispositions de droit interne, et donne la possibilité aux personnes d’invoquer directement les droits reconnus dans le Pacte devant les tribunaux nationaux. Pour ces raisons, le Comité encourage vivement l’adoption officielle ou l’incorporation du Pacte dans le droit national.

C. Rôle des recours

Recours judiciaires ou autres recours?

9.Le droit à un recours effectif ne doit pas être systématiquement interprété comme un droit à un recours judiciaire. Les recours administratifs sont, dans bien des cas, suffisants, et les personnes qui relèvent de la juridiction d’un État partie s’attendent légitimement à ce que toutes les autorités administratives tiennent compte des dispositions du Pacte dans leurs décisions, conformément au principe de bonne foi. Tout recours administratif doit être accessible, abordable, rapide et suivi d’effets. De même, il est souvent utile de pouvoir se prévaloir d’un recours judiciaire de dernier ressort contre des procédures administratives de ce type. D’ailleurs, pour certaines obligations, telles que celles qui ont trait à la non‑discrimination (ainsi que bien d’autres), il est nécessaire d’offrir un recours judiciaire, sous une forme ou une autre, si l’on veut s’acquitter des dispositions du Pacte. En d’autres termes, chaque fois qu’un droit énoncé dans le Pacte ne peut être exercé pleinement sans une intervention des autorités judiciaires, un recours judiciaire doit être assuré.

Invocabilité

10.Dans le cas des droits civils et politiques, on tient généralement pour acquis qu’il est essentiel de pouvoir disposer de recours judiciaires contre d’éventuelles violations. Malheureusement, le contraire est souvent affirmé en ce qui concerne les droits économiques, sociaux et culturels. Cette différence de traitement n’est justifiée ni par la nature de ces droits ni par les dispositions pertinentes du Pacte. Le Comité a déjà précisé qu’il considérait que de nombreuses dispositions du Pacte se prêtent à une application immédiate. À cet égard, il a cité, à titre d’exemple, dans son Observation générale no 3 (1990), les articles suivants du Pacte: 3, 7 (al. a, i), 8, 10 (par. 3), 13 (par. 2, al. a, et par. 3 et 4) et 15 (par. 3). Il est important, à ce propos, de distinguer entre l’invocabilité (terme utilisé dans le cas des questions sur lesquelles les tribunaux doivent se prononcer) et l’application directe (dans le cas des normes que les tribunaux peuvent mettre en œuvre telles quelles). La démarche générale de chaque système de droit doit certes être prise en compte, mais il n’existe dans le Pacte aucun droit qui ne puisse être considéré, dans la grande majorité des systèmes, comme comportant au moins quelques aspects importants qui sont invocables. Il est parfois affirmé que les questions d’allocation de ressources sont du ressort des autorités politiques et non des tribunaux. Il faut, bien sûr, respecter les compétences respectives des différentes branches de l’État, mais il y a lieu de reconnaître que, généralement, les tribunaux s’occupent déjà d’un vaste éventail de questions qui ont d’importantes incidences financières. L’adoption d’une classification rigide des droits économiques, sociaux et culturels qui les placerait, par définition, en dehors de la juridiction des tribunaux serait, par conséquent, arbitraire et incompatible avec le principe de l’indivisibilité et de l’interdépendance des deux types de droits de l’homme. Elle aurait en outre pour effet de réduire considérablement la capacité des tribunaux de protéger les droits des groupes les plus vulnérables et les plus défavorisés de la société.

Application directe

11.Le Pacte n’exclut pas la possibilité de considérer les droits qui y sont énoncés comme directement applicables dans les systèmes qui le permettent. En effet, au moment de son élaboration, les tentatives visant à y inclure une clause tendant à rendre ces droits «non applicables d’une manière directe» ont été fermement rejetées. Dans la plupart des États, c’est aux tribunaux, et non au pouvoir exécutif ou législatif, qu’il appartient de déterminer si une disposition conventionnelle est directement applicable. Afin qu’ils puissent s’acquitter efficacement de cette fonction, les tribunaux et autres juridictions compétents doivent être informés de la nature et de la portée du Pacte et du rôle important des recours judiciaires dans son application. Ainsi, lorsque des gouvernements sont impliqués dans une procédure judiciaire, ils doivent s’efforcer de promouvoir les interprétations de la législation interne qui favorisent le respect des obligations qui leur incombent au titre du Pacte. De la même manière, il devrait être pleinement tenu compte du principe d’invocabilité du Pacte dans la formation des magistrats. Il est particulièrement important d’éviter toute présomption de non‑application directe des normes du Pacte. En fait, bon nombre de ces normes sont libellées en des termes qui sont au moins aussi clairs et précis que ceux des autres instruments relatifs aux droits de l’homme, dont les tribunaux considèrent généralement les dispositions comme directement applicables.

D. Place accordée au Pacte par les tribunaux nationaux

12.Dans les directives révisées du Comité concernant la forme et le contenu des rapports que les États parties doivent présenter, il est demandé à ces derniers d’indiquer si les dispositions du Pacte peuvent «être invoquées devant les tribunaux, d’autres instances ou les autorités administratives» et «être directement appliquées par eux». Certains États fournissent déjà de tels renseignements, mais il faudra accorder une importance accrue à cet aspect dans les futurs rapports. En particulier, le Comité attend des États parties qu’ils fournissent des précisions sur toute décision importante de leurs juridictions nationales s’appuyant sur les dispositions du Pacte.

13.Il ressort des informations disponibles que la pratique des États n’est pas uniforme. Le Comité note que certains tribunaux appliquent les dispositions du Pacte, soit directement soit en tant que normes d’interprétation. D’autres tribunaux sont disposés à reconnaître, sur le plan des principes, l’utilité du Pacte pour interpréter le droit national, mais, dans la pratique, l’effet de ses dispositions sur leur argumentation et l’issue de leurs délibérations est extrêmement limité. D’autres encore ont refusé de faire le moindre cas des dispositions du Pacte lorsque des personnes ont essayé de s’en prévaloir. Dans la plupart des pays, les tribunaux sont encore loin de s’appuyer suffisamment sur le Pacte.

14.Dans les limites de l’exercice de leurs fonctions de contrôle judiciaire, les tribunaux doivent tenir compte des droits énoncés dans le Pacte lorsque cela est nécessaire pour veiller à ce que le comportement de l’État soit conforme aux obligations qui lui incombent en vertu du Pacte. Le déni de cette responsabilité est incompatible avec le principe de la primauté du droit, qui doit toujours être perçu comme englobant le respect des obligations internationales relatives aux droits de l’homme.

15.Il est généralement reconnu que le droit interne doit être interprété, autant que faire se peut, d’une manière conforme aux obligations juridiques internationales de l’État. Ainsi, lorsqu’un organe de décision interne doit choisir entre une interprétation du droit interne qui mettrait l’État en conflit avec les dispositions du Pacte et une autre qui lui permettrait de se conformer à ces dispositions, le droit international requiert que la deuxième soit choisie. Les garanties en matière d’égalité et de non‑discrimination doivent être interprétées, dans toute la mesure possible, de manière à faciliter la pleine protection des droits économiques, sociaux et culturels.

Dix ‑neuvième session (1998)*

Observation générale n o  10: Le rôle des institutions nationales de défense des droits de l’homme dans la protection des droits économiques, sociaux et culturels

1.En vertu du paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte, chacun des États parties est tenu d’«agir [...] en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le [...] Pacte par tous les moyens appropriés». Le Comité constate que l’un des moyens par lesquels des mesures importantes peuvent être prises consiste à faire appel aux institutions nationales qui œuvrent pour la promotion et la protection des droits de l’homme. Au cours des dernières années, ces institutions ont proliféré − évolution qui a été vivement encouragée par l’Assemblée générale et par la Commission des droits de l’homme. Le Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a mis sur pied un programme de grande envergure pour aider et encourager les États dans leur action à l’égard des institutions nationales.

2.Ces institutions englobent les commissions nationales de défense des droits de l’homme, les bureaux des médiateurs, les défenseurs de l’intérêt général et les militants des droits de l’homme, ainsi que les «défenseurs du peuple». Dans de nombreux cas, l’institution a été créée par le gouvernement, elle jouit d’un degré important d’autonomie par rapport à l’exécutif et au législatif, elle tient pleinement compte des normes internationales relatives aux droits de l’homme qui s’appliquent au pays considéré, et elle est chargée de mener des activités diverses dans le domaine de la promotion et de la protection des droits de l’homme. Des institutions de ce type ont été créées dans des États ayant des cultures juridiques très différentes, quelle que soit leur situation économique.

3.Le Comité note que les institutions nationales pourraient jouer un rôle capital pour ce qui est de promouvoir et de garantir l’indivisibilité et l’interdépendance de tous les droits de l’homme. Trop souvent, malheureusement, ce rôle ne leur a pas été accordé, ou alors elles s’en sont désintéressées ou l’ont jugé non prioritaire. Il importe, par conséquent, au plus haut point que les institutions nationales accordent toute leur attention aux droits économiques, sociaux et culturels dans le cadre de chacune de leurs activités. L’énumération ci‑après donne une indication du type d’activités qui peuvent être entreprises − et qui, dans certains cas, l’ont déjà été − par les institutions nationales en ce qui concerne ces droits:

a)Promotion de programmes en matière d’éducation et d’information visant à favoriser une meilleure prise de conscience et une plus grande compréhension des droits économiques, sociaux et culturels au sein de la population, dans son ensemble, et de groupes particuliers, comme la fonction publique, le pouvoir judiciaire, le secteur privé et le mouvement ouvrier;

b)Examen minutieux des lois et instruments administratifs existants ainsi que des projets de loi et autres propositions, pour vérifier qu’ils sont conformes aux dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels;

c)Apport de conseils techniques ou exécution d’études touchant les droits économiques, sociaux et culturels, y compris à la demande des pouvoirs publics ou d’autres organismes concernés;

d)Établissement de critères au niveau national, permettant d’évaluer le respect des obligations découlant du Pacte;

e)Recherches et enquêtes à mener pour déterminer dans quelle mesure tel ou tel droit économique, social ou culturel est mis en œuvre, que ce soit au sein de l’État, dans son ensemble, ou dans certains domaines ou par rapport à des communautés particulièrement vulnérables;

f)Contrôle du respect des droits spécifiques reconnus dans le Pacte et établissement de rapports à ce sujet, à l’intention des pouvoirs publics et de la société civile; et

g)Examen des plaintes faisant état d’atteintes aux normes relatives aux droits économiques, sociaux et culturels, applicables au sein de l’État.

4.Le Comité demande aux États parties de faire en sorte que, dans les mandats confiés aux institutions nationales de défense des droits de l’homme, l’attention voulue soit accordée aux droits économiques, sociaux et culturels, et prie les États parties de décrire de manière détaillée, dans les rapports qu’ils présentent au Comité, les mandats mais aussi les principales activités de ces institutions.

Vingtième session (1999)*

Observation générale n o  11: Plans d’action pour l’enseignement primaire (art. 14 du Pacte)

1.L’article 14 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels exige de tout État partie qui n’a pas encore pu assurer le caractère obligatoire et la gratuité de l’enseignement primaire qu’il s’engage à établir et à adopter, dans un délai de deux ans, un plan détaillé des mesures nécessaires pour réaliser progressivement, dans un nombre raisonnable d’années fixé par ce plan, la pleine application du principe de l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous. En dépit des obligations contractées conformément à l’article 14, un certain nombre d’États parties n’ont ni élaboré ni mis en œuvre un plan d’action pour un enseignement primaire gratuit et obligatoire.

2.Le droit à l’éducation, reconnu aux articles 13 et 14 du Pacte ainsi que dans plusieurs autres instruments internationaux tels que la Convention relative aux droits de l’enfant et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, revêt une importance capitale. Il a été selon les cas classé parmi les droits économiques, les droits sociaux et les droits culturels. Il appartient en fait à ces trois catégories. En outre, à bien des égards, il est un droit civil et un droit politique, étant donné qu’il est aussi indispensable à la réalisation complète et effective de ces droits. Ainsi, le droit à l’éducation incarne l’indivisibilité et l’interdépendance de tous les droits de l’homme.

3.Au titre de l’obligation claire et sans équivoque qui lui incombe en vertu de l’article 14, chaque État partie est tenu de présenter au Comité un plan d’action établi selon les orientations précisées au paragraphe 8 ci‑dessous. Cette obligation doit être scrupuleusement respectée vu que, selon des estimations, 130 millions d’enfants d’âge scolaire − dont deux tiers environ de filles − n’ont actuellement pas accès à l’enseignement primaire dans les pays en développement**. Le Comité est pleinement conscient du fait qu’en raison de multiples facteurs il a été difficile aux États parties de s’acquitter de leur obligation de présenter un plan d’action. Qu’il s’agisse des programmes d’ajustement structurel engagés dans les années 70, des crises de la dette survenues ensuite dans les années 80 ou des secousses financières de la fin de la présente décennie, divers éléments ont fortement pesé sur la réalisation du droit à l’enseignement primaire. Cependant, ces difficultés ne sauraient libérer les États parties de leur obligation d’adopter et de soumettre un plan d’action au Comité, comme le prévoit l’article 14 du Pacte.

4.Les plans d’action établis par les États parties au Pacte conformément à l’article 14 sont d’autant plus importants que les travaux du Comité ont montré que les enfants privés de la possibilité de recevoir une éducation sont souvent plus exposés à d’autres violations des droits de l’homme. Ces enfants, qui vivent souvent dans le dénuement le plus total et dans des conditions insalubres, sont ainsi particulièrement vulnérables au travail forcé et à d’autres formes d’exploitation. Par ailleurs, il existe un lien direct entre, par exemple, le taux de scolarisation des filles dans le primaire et un recul sensible des mariages d’enfants.

5.L’article 14 contient plusieurs éléments qui justifient un commentaire détaillé à la lumière de la large expérience acquise par le Comité à l’occasion de l’examen des rapports des États parties.

6.Caractère obligatoire de l’enseignement primaire. Cet élément met en avant le fait que ni les parents, ni les tuteurs, ni l’État ne doivent considérer l’accès à l’enseignement primaire comme facultatif. De même, il renforce le principe que l’accès à l’éducation doit être ouvert à tous sans discrimination aucune fondée sur le sexe, comme précisé par ailleurs aux articles 2 et 3 du Pacte. Il convient cependant de souligner que l’enseignement proposé doit être de bonne qualité, adapté à l’enfant et propice à la réalisation des autres droits de l’enfant.

7.Gratuité. La nature de cette exigence ne souffre aucune équivoque. Ce droit est formulé explicitement pour bien indiquer que l’enseignement primaire ne doit être à la charge ni des enfants, ni des parents, ni des tuteurs. Les frais d’inscription imposés par le gouvernement, les collectivités locales ou les établissements scolaires, et d’autres frais directs, sont un frein à l’exercice du droit et risquent de nuire à sa réalisation. Ils entraînent aussi souvent un net recul de ce droit. Le plan exigé doit tendre à leur suppression. Les frais indirects, tels que les contributions obligatoires demandées aux parents (quelquefois présentées comme volontaires, même si cela n’est pas le cas), ou l’obligation de porter un uniforme scolaire relativement coûteux, peuvent également être considérés sous le même angle. D’autres frais indirects peuvent s’avérer acceptables, sous réserve d’un examen par le Comité au cas par cas. Cette disposition n’est en rien contraire au droit que le paragraphe 3 de l’article 13 du Pacte reconnaît aux parents et aux tuteurs légaux «de choisir pour leurs enfants des établissements autres que ceux des pouvoirs publics».

8.Adoption d’un plan détaillé. L’État partie est tenu d’adopter un plan dans un délai de deux ans. Ce délai doit être interprété comme s’entendant d’un délai de deux ans à compter de la date de l’entrée en vigueur du Pacte pour l’État considéré, ou d’un délai de deux ans suivant un changement de la situation à l’origine de la non‑observation de l’obligation. Cette obligation a un caractère continu et les États parties auxquels elle s’applique en raison de la situation en vigueur n’en sont pas exemptés par le fait qu’ils n’ont pas par le passé agi dans le délai de deux ans prescrit. Le plan doit porter sur l’ensemble des mesures à prendre pour garantir la mise en œuvre de chacun des éléments indispensables du droit et être suffisamment détaillé pour garantir la réalisation complète de ce droit. La participation de tous les secteurs de la société civile à l’élaboration du plan s’avère cruciale, et il est essentiel de prévoir des procédures de révision périodique qui soient garantes de transparence. Sans cela, la portée de l’article sera amoindrie.

9.Obligations. Un État partie ne peut s’affranchir de l’obligation explicite d’adopter un plan d’action au motif qu’il ne dispose pas des ressources voulues. Si cet argument suffisait à se dégager de cette obligation, rien ne justifierait l’exigence singulière contenue dans l’article 14 qui s’applique, pratiquement par définition, dans les cas où les ressources financières sont insuffisantes. De même, et pour la même raison, la référence à «l’assistance et la coopération internationales» au paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte, ainsi qu’aux «mesures d’ordre international» en son article 23, est en l’occurrence particulièrement pertinente. Lorsqu’un État partie manque manifestement des ressources financières ou des compétences nécessaires pour «établir et adopter» un plan détaillé, la communauté internationale a indéniablement l’obligation de l’aider.

10.Réalisation progressive. Le plan doit permettre la réalisation progressive du droit à un enseignement primaire obligatoire et gratuit au titre de l’article 14. Néanmoins, à la différence du paragraphe 1 de l’article 2, l’article 14 prévoit que les mesures doivent être prises «dans un nombre raisonnable d’années» et en outre que ce délai doit être «fixé par ce plan». Autrement dit, le plan doit expressément fixer une série de dates prévues pour chacune des étapes de sa mise en œuvre. Cela montre à quel point l’obligation en question est importante et relativement stricte. En outre, il convient de souligner à cet égard que l’État partie doit pleinement et immédiatement s’acquitter de ses autres obligations dont la non‑discrimination.

11.Le Comité prie tout État partie dont la situation relève de l’article 14 de faire en sorte que le contenu dudit article soit pleinement respecté et que le plan élaboré lui soit présenté en tant que partie intégrante des rapports soumis en vertu du Pacte. Il encourage par ailleurs les États parties à solliciter, le cas échéant, l’aide des institutions internationales compétentes, notamment l’Organisation internationale du Travail (OIT), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, tant en vue de l’élaboration des plans d’action visés à l’article 14 que de leur mise en œuvre ultérieure. En outre, le Comité demande aux organisations internationales compétentes d’aider autant que faire se peut les États parties à s’acquitter sans retard de leurs obligations.

Vingtième session (1999)*

Observation générale n o  12: Le droit à une nourriture suffisante (art. 11 du Pacte)

Introduction et principes de base

1.Le droit fondamental à une nourriture suffisante est reconnu dans plusieurs instruments du droit international. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels en traite de façon plus complète qu’aucun autre instrument. Au paragraphe 1 de son article 11, les États parties reconnaissent «le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle‑même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence» et, au paragraphe 2 du même article, ils reconnaissent que des mesures plus immédiates et urgentes peuvent être nécessaires pour assurer «le droit fondamental ... d’être à l’abri de la faim et de la malnutrition». Le droit fondamental à une nourriture suffisante est d’une importance cruciale pour la jouissance de tous les droits. Il s’applique à toute personne. Aussi les mots «pour elle‑même et sa famille» figurant au paragraphe 1 de l’article 11 n’impliquent‑ils pas de limitations de l’applicabilité de ce droit dans le cas d’individus ou lorsqu’il s’agit de ménages dont le chef est une femme.

2.Depuis 1979, le Comité a accumulé au fil des années, à l’occasion de l’examen des rapports des États parties, une quantité appréciable de renseignements concernant le droit à une nourriture suffisante. Il a noté que, bien qu’il existe pour la présentation des rapports des directives portant sur le droit à une nourriture suffisante, seuls quelques États parties ont fourni des renseignements suffisants et assez précis pour lui permettre de déterminer quelle est la situation dans les pays concernés et de mettre en évidence les obstacles à la réalisation de ce droit. La présente Observation générale a pour but de préciser certains des principaux points que le Comité juge importants à propos du droit à une nourriture suffisante. Elle a été rédigée comme suite à la demande que les États Membres ont faite lors du Sommet mondial de l’alimentation, en 1996, de mieux définir les droits concernant la nourriture énoncés à l’article 11 du Pacte ainsi qu’à une invitation expresse adressée au Comité à accorder une attention particulière au Plan d’action adopté par le Sommet lorsqu’il surveille l’application des mesures spécifiques prévues à l’article 11 du Pacte.

3.Comme suite à ces demandes, le Comité a examiné les rapports et autres documents pertinents de la Commission des droits de l’homme et de la Sous‑Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités relatifs au droit à une alimentation suffisante en tant que droit de l’homme; il a consacré à la question une journée de débat général lors de sa dix‑septième session, en 1997, prenant en considération le projet de code international de conduite sur le droit fondamental à une alimentation suffisante élaboré par des organisations non gouvernementales internationales; il a participé à deux consultations d’experts sur le droit à une alimentation suffisante en tant que droit de l’homme, organisées par le Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, à Genève en décembre 1997, et à Rome en novembre 1998 conjointement avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), et a pris note de leurs rapports finals. En avril 1999, le Comité a participé à un colloque sur le contenu et les orientations des politiques et programmes d’alimentation et de nutrition envisagés dans l’optique des droits de l’homme, organisé par le Sous‑Comité de la nutrition du Comité administratif de coordination à sa vingt‑sixième session, à Genève, sous les auspices du Haut‑Commissariat aux droits de l’homme.

4.Le Comité affirme que le droit à une nourriture suffisante est indissociable de la dignité intrinsèque de la personne humaine et est indispensable à la réalisation des autres droits fondamentaux consacrés dans la Charte internationale des droits de l’homme. Il est également indissociable de la justice sociale et exige l’adoption, au niveau national comme au niveau international, de politiques économiques, environnementales et sociales appropriées visant à l’élimination de la pauvreté et à la réalisation de tous les droits de l’homme pour tous.

5.Bien que la communauté internationale ait fréquemment réaffirmé l’importance du respect intégral du droit à une nourriture suffisante, entre les normes énoncées à l’article 11 du Pacte et la situation qui règne dans de nombreuses parties du monde, l’écart reste préoccupant. Plus de 840 millions de personnes à travers le monde, pour la plupart dans les pays en développement, souffrent chroniquement de la faim; des millions de personnes sont en proie à la famine par suite de catastrophes naturelles, de la multiplication des troubles civils et des guerres dans certaines régions et de l’utilisation de l’approvisionnement alimentaire comme arme politique. Le Comité relève que, si les problèmes de la faim et de la malnutrition sont souvent particulièrement aigus dans les pays en développement, la malnutrition, la sous‑alimentation et d’autres problèmes qui mettent en jeu le droit à une nourriture suffisante et le droit d’être à l’abri de la faim sont présents aussi dans certains des pays les plus avancés sur le plan économique. Fondamentalement, la cause du problème de la faim et de la malnutrition n’est pas le manque de nourriture mais le fait que de vastes segments de la population mondiale n’ont pas accès à la nourriture disponible, en raison entre autres de la pauvreté.

Contenu normatif des paragraphes 1 et 2 de l’article 11

6.Le droit à une nourriture suffisante est réalisé lorsque chaque homme, chaque femme et chaque enfant, seul ou en communauté avec d’autres, a physiquement et économiquement accès à tout moment à une nourriture suffisante ou aux moyens de se la procurer. Le droit à une nourriture suffisante ne doit donc pas être interprété dans le sens étroit ou restrictif du droit à une ration minimum de calories, de protéines ou d’autres nutriments spécifiques. Il doit être réalisé progressivement. Cela étant, les États ont l’obligation fondamentale d’adopter les mesures nécessaires pour lutter contre la faim, comme le prévoit le paragraphe 2 de l’article 11, même en période de catastrophe naturelle ou autre.

Adéquation et durabilité de la disponibilité de nourriture et possibilité d’obtenir cette nourriture

7.La notion d’adéquation est particulièrement importante dans le cas du droit à l’alimentation car elle recouvre divers facteurs dont il faut tenir compte pour déterminer si tel ou tel aliment que l’on peut se procureur, ou tel ou tel régime alimentaire, peut être considéré comme le plus approprié compte tenu des circonstances au sens de l’article 11 du Pacte. La notion de durabilité est intrinsèquement liée à celle de nourriture suffisante ou sécurité alimentaire et implique que les générations actuelles et futures aient la possibilité d’obtenir cette nourriture. Ce que recouvre précisément la notion d’«adéquation» est dans une grande mesure déterminé par les conditions sociales, économiques, culturelles, climatiques, écologiques et autres, tandis que la «durabilité» renferme l’idée de disponibilité et d’accessibilité à long terme.

8.Le Comité estime que le contenu essentiel du droit à une nourriture suffisante comprend les éléments suivants:

La disponibilité de nourriture exempte de substances nocives et acceptable dans une culture déterminée, en quantité suffisante et d’une qualité propre à satisfaire les besoins alimentaires de l’individu;

L’accessibilité ou possibilité d’obtenir cette nourriture d’une manière durable et qui n’entrave pas la jouissance des autres droits de l’homme.

9.Pour satisfaire les besoins alimentaires, le régime alimentaire dans son ensemble doit contenir une combinaison des nutriments nécessaires pour assurer la croissance physique et mentale, le développement et la subsistance de l’individu, ainsi qu’une activité physique, conformément aux besoins physiologiques de l’être humain à tous les stades du cycle de vie et en fonction du sexe et de la profession. Il faudra donc peut‑être prendre des mesures pour assurer, adapter ou renforcer la diversité de l’alimentation ainsi que des modes de consommation et d’alimentation appropriés, y compris l’allaitement au sein, tout en veillant à ce que des modifications de la disponibilité de nourriture et de l’accès aux approvisionnements alimentaires à tout le moins n’aient pas de répercussions négatives sur le régime et l’apport alimentaires.

10.Pour que la nourriture soit exempte de substances nocives, il faut que les pouvoirs publics et le secteur privé imposent des normes de sécurité des produits alimentaires et prennent une série de mesures de protection afin d’empêcher que les denrées alimentaires ne soient contaminées par frelatage et/ou par suite d’une mauvaise hygiène du milieu ou d’un traitement inapproprié aux différents stades de la chaîne alimentaire; il faut également veiller à identifier et à éviter ou détruire les toxines naturelles.

11.Pour que la nourriture soit acceptable sur le plan culturel ou pour le consommateur, il faut également tenir compte, dans toute la mesure possible, des valeurs subjectives, n’ayant rien à voir avec la nutrition, qui s’attachent aux aliments et à la consommation alimentaire, ainsi que des préoccupations du consommateur avisé quant à la nature des approvisionnements alimentaires auxquels il a accès.

12.La disponibilité de nourriture vise les possibilités soit de tirer directement son alimentation de la terre ou d’autres ressources naturelles, soit de disposer de systèmes de distribution, de traitement et de marché opérants capables d’acheminer les produits alimentaires du lieu de production à l’endroit où ils sont nécessaires en fonction de la demande.

13.L’accessibilité est à la fois économique et physique:

L’accessibilité économique signifie que les dépenses d’une personne ou d’un ménage consacrées à l’acquisition des denrées nécessaires pour assurer un régime alimentaire adéquat soient telles qu’elles n’entravent pas la satisfaction des autres besoins élémentaires. Elle s’applique à tout mode d’acquisition ou toute prestation par lesquels les gens se procurent leur nourriture et permet de déterminer dans quelle mesure le droit à une alimentation suffisante est assuré. Il se peut qu’il faille prêter attention dans le cadre de programmes spéciaux aux groupes socialement vulnérables, comme les personnes sans terre et les autres segments particulièrement démunis de la population.

L’accessibilité physique signifie que chacun, y compris les personnes physiquement vulnérables, comme les nourrissons et les jeunes enfants, les personnes âgées, les handicapés, les malades en phase terminale et les personnes qui ont des problèmes médicaux persistants, dont les malades mentaux, doit avoir accès à une nourriture suffisante. Il se peut qu’il faille prêter une attention particulière et parfois donner la priorité à cet égard aux victimes de catastrophes naturelles, aux personnes vivant dans des zones exposées aux catastrophes et aux autres groupes particulièrement défavorisés. De nombreux groupes de population autochtones, dont l’accès à leurs terres ancestrales peut être menacé, sont particulièrement vulnérables.

Obligations et violations

14.La nature des obligations juridiques des États parties est énoncée à l’article 2 du Pacte et fait l’objet de l’Observation générale no 3 du Comité (1990). La principale obligation consiste à agir en vue d’assurer progressivement le plein exercice du droit à une nourriture suffisante, ce qui impose l’obligation de progresser aussi rapidement que possible vers cetobjectif. Chaque État est tenu d’assurer à toute personne soumise à sa juridiction l’accès à un minimum de nourriture indispensable, qui soit suffisante, adéquate sur le plan nutritionnel et salubre, afin de faire en sorte que cette personne soit à l’abri de la faim.

15.Comme tous les autres droits de l’homme, le droit à une nourriture suffisante impose aux États parties trois sortes ou niveaux d’obligation: les obligations de respecter et de protéger ce droit et de lui donner effet. Cette dernière obligation comprend en fait l’obligation de prêter assistance et celle de distribuer des vivres*. L’obligation qu’ont les États parties de respecter le droit de toute personne d’avoir accès à une nourriture suffisante leur impose de s’abstenir de prendre des mesures qui aient pour effet de priver quiconque de cet accès. Leur obligation de protéger ce droit leur impose de veiller à ce que des entreprises ou des particuliers ne privent pas des individus de l’accès à une nourriture suffisante. L’obligation qu’a l’État de donner effet à ce droit (en faciliter l’exercice) signifie qu’il doit prendre les devants de manière à renforcer l’accès de la population aux ressources et aux moyens d’assurer sa subsistance, y compris la sécurité alimentaire, ainsi que l’utilisation desdits ressources et moyens. Enfin, chaque fois qu’un individu ou un groupe se trouve, pour des raisons indépendantes de sa volonté, dans l’impossibilité d’exercer son droit à une nourriture suffisante par les moyens dont il dispose, l’État a l’obligation de faire le nécessaire pour donner effet directement à ce droit (distribuer des vivres). Il a la même obligation envers les victimes de catastrophes, naturelles ou autres.

16.Certaines des mesures à prendre à ces différents niveaux d’obligation des États parties ont un caractère immédiat, tandis que d’autres sont des mesures à long terme, de façon à assurer progressivement le plein exercice du droit à l’alimentation.

17.Il y a violation du Pacte lorsqu’un État n’assure pas au moins le minimum essentiel requis pour que l’individu soit à l’abri de la faim. Pour déterminer quelles actions ou omissions constituent une violation du droit à l’alimentation, il est important de distinguer si l’État partie est dans l’incapacité de se conformer à cette obligation ou n’est pas enclin à le faire. Si un État partie fait valoir que des contraintes en matière de ressources le mettent dans l’impossibilité d’assurer l’accès à l’alimentation à ceux qui ne peuvent le faire par eux‑mêmes, il doit démontrer qu’aucun effort n’a été épargné pour utiliser toutes les ressources qui sont à sa disposition en vue de remplir, à titre prioritaire, ces obligations minimum. Ceci découle du paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte, en vertu duquel chacun des États parties est tenu de faire le nécessaire «au maximum de ses ressources disponibles», comme le Comité l’a précédemment souligné au paragraphe 10 de son Observation générale no 3. Il incombe donc à l’État, qui affirme ne pas pouvoir s’acquitter de son obligation pour des raisons indépendantes de sa volonté, de prouver que tel est bien le cas et qu’il s’est efforcé, sans succès, d’obtenir un soutien international pour assurer la disponibilité et l’accessibilité de la nourriture nécessaire.

18.En outre, toute discrimination en matière d’accès à la nourriture, ainsi qu’aux moyens et aux prestations permettant de se procurer de la nourriture, que cette discrimination soit fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, l’âge, la religion, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation, dans le but d’infirmer la jouissance ou l’exercice, en pleine égalité, des droits économiques, sociaux et culturels, ou d’y porter atteinte, constitue une violation du Pacte.

19.Des violations du droit à l’alimentation peuvent être le fait d’une action directe de l’État ou d’autres entités insuffisamment réglementées par l’État, à savoir: abrogation ou suspension formelle de la législation nécessaire à l’exercice permanent du droit à l’alimentation; déni de l’accès à l’alimentation à certains individus ou groupes, que cette discrimination repose sur la législation ou qu’elle soit anticipative; prévention de l’accès à l’aide alimentaire à caractère humanitaire en cas de conflit interne ou d’autres situations d’urgence; adoption de mesures législatives ou de politiques manifestement incompatibles avec les obligations juridiques préexistantes touchant le droit à l’alimentation; et fait que l’État ne réglemente pas les activités de particuliers ou de groupes de façon à les empêcher de porter atteinte au droit d’autrui à l’alimentation, ou qu’il ne tient pas compte de ses obligations juridiques internationales concernant le droit à l’alimentation lorsqu’il conclut des accords avec d’autres États ou avec des organisations internationales.

20.Seuls les États sont parties au Pacte et ont donc, en dernière analyse, à rendre compte de la façon dont ils s’y conforment, mais tous les membres de la société − individus, familles, collectivités locales, organisations non gouvernementales, organisations de la société civile et secteur privé − ont des responsabilités dans la réalisation du droit à une nourriture suffisante. L’État doit assurer un environnement qui facilite l’exercice de ces responsabilités. Les entreprises privées − nationales et transnationales − doivent mener leurs activités dans le cadre d’un code de conduite qui favorise le respect du droit à une nourriture suffisante, arrêté d’un commun accord avec le gouvernement et la société civile.

Mise en œuvre à l’échelon national

21.Inévitablement, les moyens les plus appropriés de donner effet au droit à une alimentation suffisante varient de façon très sensible d’un État partie à l’autre. Chaque État a une certaine latitude pour choisir ses méthodes, mais le Pacte impose sans ambiguïté que chaque État partie prenne toutes mesures nécessaires pour faire en sorte que toute personne soit à l’abri de la faim et puisse jouir dès que possible du droit à une alimentation suffisante. Il faut pour cela adopter une stratégie nationale visant à assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle pour tous, compte tenu des principes en matière de droits de l’homme qui définissent les objectifs, et formuler des politiques et des critères correspondants. L’État partie doit aussi recenser les ressources dont il dispose pour atteindre ces objectifs et définir la manière la plus rentable de les utiliser.

22.Cette stratégie devrait reposer sur la mise en évidence systématique des mesures et des activités correspondant à la situation et au contexte, s’inspirant du contenu normatif du droit à une nourriture suffisante et précisées en fonction des niveaux et de la nature des obligations des États parties visées au paragraphe 15 de la présente Observation générale. Ceci devrait faciliter la coordination entre les ministères et les autorités régionales et locales, et garantir que les politiques et les décisions administratives connexes sont compatibles avec les obligations découlant de l’article 11 du Pacte.

23.La formulation et l’application de stratégies nationales concernant le droit à l’alimentation passent par le respect intégral des principes de responsabilité, de transparence, de participation de la population, de décentralisation, d’efficacité du pouvoir législatif et d’indépendance du pouvoir judiciaire. La bonne gouvernance est indispensable à la réalisation de tous les droits de l’homme, s’agissant notamment d’éliminer la pauvreté et d’assurer un niveau de vie satisfaisant pour tous.

24.Il faudrait concevoir des mécanismes institutionnels appropriés pour assurer un processus représentatif tendant à la formulation d’une stratégie, en faisant appel à toutes les compétences disponibles dans le pays en matière d’alimentation et de nutrition. La stratégie devrait spécifier les responsabilités et les délais quant à l’application des mesures nécessaires.

25.La stratégie devrait viser les problèmes clefs, prévoir des mesures portant sur tous les aspects du système alimentaire, à savoir la production, le traitement, la distribution et la consommation de produits alimentaires salubres, ainsi que des mesures parallèles dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’emploi et de la sécurité sociale. Il faudrait veiller à assurer la gestion et l’utilisation les plus durables des ressources naturelles et autres servant à la production alimentaire aux niveaux national, régional, local et à celui des ménages.

26.La stratégie devrait tenir particulièrement compte de la nécessité de prévenir la discrimination dans l’accès à la nourriture ou aux ressources servant à la production alimentaire. Elle devrait prévoir les garanties d’un accès sans restriction et en pleine égalité aux ressources économiques, en particulier pour les femmes, y compris le droit de posséder la terre et d’autres biens ainsi que d’en hériter, le droit au crédit, aux ressources naturelles et aux technologies appropriées; des mesures visant à faire respecter et à protéger l’emploi indépendant et le travail assurant la rémunération qui procure une existence décente aux salariés et à leur famille (comme stipulé à l’alinéa a ii de l’article 7 du Pacte); et la tenue de registres fonciers (portant notamment sur les forêts).

27.Dans le cadre de leurs obligations de protéger la base de ressources servant à la production alimentaire, les États parties devraient prendre les mesures voulues pour faire en sorte que les activités des entreprises privées et de la société civile soient en conformité avec le droit à l’alimentation.

28.Même lorsqu’un État fait face à de sévères limitations de ressources en raison d’un processus d’ajustement économique, d’une récession économique, de conditions climatiques ou d’autres facteurs, des dispositions devraient être prises pour donner spécialement effet au droit des groupes de population et des individus vulnérables à une nourriture suffisante.

Critères et législation ‑cadre

29.Pour mettre en œuvre les stratégies de pays visées ci‑dessus, les États devraient établir des critères pour le suivi aux échelons national et international. À cet égard, ils devraient envisager d’adopter une loi ‑cadre en tant que principal instrument de l’application de leur stratégie nationale concernant le droit à l’alimentation. Cette loi‑cadre devrait contenir les dispositions ci‑après: but; objectifs à atteindre et délai fixé à cet effet; moyens d’atteindre le but recherché, définis en termes généraux, s’agissant en particulier de la collaboration envisagée avec la société civile et le secteur privé ainsi qu’avec les organisations internationales; responsabilité institutionnelle de ce processus; et mécanismes nationaux de suivi du processus ainsi que procédures de recours possible. Les États parties devraient faire participer activement les organisations de la société civile à l’élaboration de ces critères et de la législation‑cadre.

30.Les programmes et organismes compétents des Nations Unies devraient, sur demande, prêter leur concours à la rédaction de la législation‑cadre et à l’examen de la législation sectorielle. La FAO, par exemple, dispose de compétences considérables et a accumulé une somme de connaissances concernant la législation dans le domaine de l’alimentation et de l’agriculture. Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) possède des compétences équivalentes en matière de législation touchant le droit des nourrissons et des jeunes enfants à une nourriture suffisante dans le cadre de la protection maternelle et infantile, y compris la législation visant à favoriser l’allaitement au sein, et touchant la réglementation de la commercialisation des substituts du lait maternel.

Suivi

31.Les États parties doivent mettre en place et faire fonctionner des mécanismes permettant de suivre les progrès accomplis dans la voie de la réalisation du droit de tous à une nourriture suffisante, de cerner les facteurs et les difficultés faisant obstacle à l’exécution de leurs obligations et de faciliter l’adoption de mesures correctrices d’ordre législatif et administratif, notamment de mesures pour s’acquitter des obligations que leur imposent le paragraphe 1 de l’article 2 et l’article 23 du Pacte.

Recours et responsabilité

32.Toute personne ou tout groupe qui est victime d’une violation du droit à une nourriture suffisante devrait avoir accès à des recours effectifs, judiciaires ou autres, aux échelons tant national qu’international. Toutes les victimes de telles violations ont droit à une réparation adéquate − réparation, indemnisation, gain de cause ou garantie de non‑répétition. Les médiateurs nationaux et les commissions nationales des droits de l’homme devraient prêter attention aux violations du droit à l’alimentation.

33.L’incorporation dans l’ordre juridique interne des instruments internationaux reconnaissant le droit à l’alimentation, ou la reconnaissance de leur applicabilité, peut accroître sensiblement le champ et l’efficacité des mesures correctrices et devrait être encouragée dans tous les cas. Les tribunaux seraient alors habilités à se prononcer sur les violations du contenu essentiel du droit à l’alimentation en invoquant directement les obligations découlant du Pacte.

34.Les magistrats et les autres membres des professions judiciaires sont invités à prêter plus d’attention, dans l’exercice de leurs fonctions, aux violations du droit à l’alimentation.

35.Les États parties doivent respecter et protéger le travail des défenseurs des droits de l’homme et des autres membres de la société civile qui aident les groupes vulnérables à exercer leur droit à une alimentation suffisante.

Obligations internationales

États parties

36.Dans l’esprit de l’Article 56 de la Charte des Nations Unies, des dispositions spécifiques du paragraphe 1 de l’article 2, de l’article 11 et de l’article 23 du Pacte, et de la Déclaration de Rome du Sommet mondial de l’alimentation, les États parties devraient reconnaître le rôle essentiel de la coopération internationale et honorer leur engagement de prendre conjointement et séparément des mesures pour assurer la pleine réalisation du droit à une nourriture suffisante. Pour s’acquitter de cet engagement, ils devraient prendre des mesures pour respecter l’exercice du droit à l’alimentation dans les autres pays, protéger ce droit, faciliter l’accès à la nourriture et fournir l’aide nécessaire en cas de besoin. Les États parties devraient, par voie d’accords internationaux s’il y a lieu, faire en sorte que le droit à une nourriture suffisante bénéficie de l’attention voulue et envisager d’élaborer à cette fin de nouveaux instruments juridiques internationaux.

37.Les États parties devraient s’abstenir en tout temps d’imposer des embargos sur les produits alimentaires ou des mesures analogues mettant en péril, dans d’autres pays, les conditions de la production de vivres et l’accès à l’alimentation. L’approvisionnement alimentaire ne devrait jamais être utilisé comme instrument de pression politique ou économique. À cet égard, le Comité réaffirme la position qu’il a exprimée dans son Observation générale no 8, concernant la relation entre les sanctions économiques et le respect des droits économiques, sociaux et culturels.

États et organisations internationales

38.Les États ont, conformément à la Charte des Nations Unies, une responsabilité conjointe et individuelle de coopérer à la fourniture de secours en cas de catastrophe et d’une aide humanitaire en période d’urgence, y compris une assistance aux réfugiés et aux personnes déplacées dans leur propre pays. Chaque État devrait contribuer à cette tâche selon ses capacités. Le rôle du Programme alimentaire mondial (PAM) et du Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), et de plus en plus celui de l’UNICEF et de la FAO, sont particulièrement importants à cet égard et devraient être renforcés. En matière d’aide alimentaire, priorité devrait être donnée aux populations les plus vulnérables.

39.Autant que faire se peut, l’aide alimentaire devrait être fournie de façon à ne pas avoir de répercussion néfaste sur les producteurs locaux et les marchés locaux, et devrait être organisée de manière à permettre aux bénéficiaires de recouvrer leur autonomie en matière alimentaire. Cette aide devrait être fonction des besoins des bénéficiaires. Les produits alimentaires faisant l’objet d’échanges internationaux ou livrés dans le cadre de programmes d’aide doivent être salubres et culturellement acceptables pour la population bénéficiaire.

ONU et autres organisations internationales

40.Le rôle que jouent les organismes des Nations Unies, notamment par le biais du plan‑cadre des Nations Unies pour l’aide au développement, au niveau des pays, en favorisant la réalisation du droit à l’alimentation revêt une importance particulière. Il faut poursuivre les efforts qui sont menés pour la réalisation de ce droit de façon à accroître la cohérence et l’interaction entre tous les acteurs concernés, y compris les diverses composantes de la société civile. Les organisations qui s’occupent d’alimentation − FAO, PAM et Fonds international pour le développement agricole (FIDA) −, en collaboration avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), l’UNICEF, la Banque mondiale et les banques régionales de développement, devraient coopérer plus efficacement, en mettant à profit leurs compétences respectives, à la réalisation du droit à l’alimentation à l’échelon national, en respectant dûment leurs mandats respectifs.

41.Les institutions financières internationales, notamment le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, devraient faire une plus large place à la protection du droit à l’alimentation dans leurs politiques de prêt et leurs accords de crédit ainsi que dans les mesures internationales visant à régler la crise de la dette. Il faudrait veiller, conformément au paragraphe 9 de l’Observation générale no 2 du Comité, à ce que dans tout programme d’ajustement structurel le droit à l’alimentation soit protégé.

Vingt et unième session (1999)

Observation générale n o  13: Le droit à l’éducation (art. 13 du Pacte)

1.L’éducation est à la fois un droit fondamental en soi et une des clefs de l’exercice des autres droits inhérents à la personne humaine. En tant que droit qui concourt à l’autonomisation de l’individu, l’éducation est le principal outil qui permette à des adultes et à des enfants économiquement et socialement marginalisés de sortir de la pauvreté et de se procurer le moyen de participer pleinement à la vie de leur communauté. L’éducation joue un rôle majeur, qu’il s’agisse de rendre les femmes autonomes, de protéger les enfants contre l’exploitation de leur travail, l’exercice d’un travail dangereux ou l’exploitation sexuelle, de promouvoir les droits de l’homme et la démocratie, de préserver l’environnement ou encore de maîtriser l’accroissement de la population. L’éducation est de plus en plus considérée comme un des meilleurs investissements financiers que les États puissent réaliser. Cependant, son importance ne tient pas uniquement aux conséquences qu’elle a sur le plan pratique. Une tête bien faite, un esprit éclairé et actif capable de vagabonder librement est une des joies et des récompenses de l’existence.

2.Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels consacre deux articles au droit à l’éducation, les articles 13 et 14. L’article 13, qui est la disposition la plus longue du Pacte, est en la matière la norme du droit international relatif aux droits de l’homme la plus large par sa portée et la plus détaillée. Le Comité a déjà adopté l’Observation générale no 11 relative à l’article 14 (plans d’action pour l’enseignement primaire). L’Observation générale no 11 et la présente Observation générale se complètent et doivent être considérées conjointement. Le Comité n’est pas sans savoir que pour des millions de personnes à travers le monde, l’exercice du droit à l’éducation demeure un objectif lointain qui, de surcroît, dans de nombreux cas, s’éloigne de plus en plus. Le Comité est par ailleurs conscient des immenses obstacles structurels et autres qui empêchent l’application intégrale de l’article 13 dans de nombreux États parties.

3.En vue d’aider les États parties à appliquer le Pacte et à s’acquitter de l’obligation qu’ils ont de présenter des rapports, la présente Observation générale porte essentiellement sur le contenu normatif de l’article 13 (sect. I, par. 4 à 42), quelques‑unes des obligations qui en découlent (sect. II, par. 43 à 57) et certaines violations caractéristiques (sect. II, par. 58 et 59). Dans la section III, il est brièvement fait état des obligations qui incombent à des acteurs autres que les États parties. Cette observation générale est fondée sur l’expérience que le Comité a acquise au fil des ans en examinant les rapports des États parties.

1. Le contenu normatif de l’article 13

Article 13, paragraphe 1: Buts et objectifs de l’éducation

4.Les États parties conviennent que l’enseignement, public ou privé, formel ou non, doit tendre à la réalisation des buts et objectifs énoncés au paragraphe 1 de l’article 13. Le Comité note que ces objectifs reflètent les buts et principes fondamentaux de l’Organisation des Nations Unies, tels qu’ils sont consacrés aux Articles 1 et 2 de la Charte des Nations Unies. Ces objectifs se retrouvent aussi pour l’essentiel au paragraphe 2 de l’article 26 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, encore que le paragraphe 1 de l’article 13 aille plus loin que la Déclaration sur trois points: l’éducation doit viser à l’épanouissement du «sens de la dignité» de la personnalité humaine; elle doit «mettre toute personne en mesure de jouer un rôle utile dans une société libre»; elle doit favoriser la compréhension entre tous les groupes «ethniques» ainsi qu’entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux. Parmi les objectifs qui sont communs à la Déclaration universelle des droits de l’homme (par. 2 de l’article 26) et au Pacte (par. 1 de l’article 13), le plus fondamental peut‑être est que l’éducation «doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine».

5.Le Comité note que depuis l’adoption du Pacte par l’Assemblée générale en 1966, d’autres instruments internationaux ont développé les objectifs vers lesquels l’éducation doit tendre. Le Comité estime donc que les États parties sont tenus de veiller à ce que l’enseignement, sous toutes ses formes et à tous les niveaux, réponde aux buts et aux objectifs énoncés au paragraphe 1 de l’article 13, interprété à la lumière de la Déclaration mondiale sur l’éducation pour tous (Jomtien, Thaïlande, 1990) (art. 1), de la Convention relative aux droits de l’enfant (art. 29, par. 1), de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne (première partie, par. 33, et deuxième partie, par. 80), ainsi que du Plan d’action en vue de la Décennie des Nations Unies pour l’éducation dans le domaine des droits de l’homme (par. 2). Si tous ces textes vont dans le même sens que le paragraphe 1 de l’article 13 du Pacte, ils renferment également certains éléments qui n’y figurent pas expressément, par exemple la mention de l’égalité entre les sexes et du respect de l’environnement. Ces nouveaux éléments, implicitement contenus au paragraphe 1 de l’article 13, correspondent à une interprétation contemporaine de ce paragraphe. Le Comité est conforté dans cette opinion par le fait que les textes susmentionnés ont reçu un large appui dans toutes les régions du monde.

Article 13, paragraphe 2: Droit de recevoir une éducation − observations générales

6.S’il est vrai que l’application précise de ces critères dépendra des conditions qui règnent dans chacun des États parties, il n’en demeure pas moins que l’enseignement, sous toutes ses formes et à tous les niveaux, doit répondre aux caractéristiques interdépendantes et essentielles ci‑après:

a)Dotations − les établissements d’enseignement et les programmes éducatifs doivent exister en nombre suffisant à l’intérieur de la juridiction de l’État partie. Leur fonctionnement est tributaire de nombreux facteurs, dont l’environnement dans lequel ils opèrent: par exemple, dans tous les cas, il faudra probablement prévoir des bâtiments ou autres structures offrant un abri contre les éléments naturels, des toilettes tant pour les filles que les garçons, un approvisionnement en eau potable, des enseignants ayant reçu une formation et percevant des salaires compétitifs sur le plan intérieur, des matériels pédagogiques, etc.; dans d’autres cas, il faudra prévoir également certains équipements, par exemple une bibliothèque, des ordinateurs et du matériel informatique;

b)Accessibilité − les établissements d’enseignement et les programmes éducatifs doivent être accessibles à tout un chacun, sans discrimination, à l’intérieur de la juridiction de l’État partie. L’accessibilité revêt trois dimensions qui se chevauchent:

Non‑discrimination: l’éducation doit être accessible à tous en droit et en fait, notamment aux groupes les plus vulnérables, sans discrimination fondée sur une quelconque des considérations sur lesquelles il est interdit de la fonder (voir les paragraphes 31 à 37 sur la non‑discrimination);

Accessibilité physique: l’enseignement doit être dispensé en un lieu raisonnablement accessible (par exemple dans une école de quartier) ou à travers les technologies modernes (par exemple l’enseignement à distance);

Accessibilité du point de vue économique: l’éducation doit être économiquement à la portée de tous. Il y a lieu de noter à ce sujet que le paragraphe 2 de l’article 13 est libellé différemment selon le niveau d’enseignement considéré: l’enseignement primaire doit être «accessible gratuitement à tous», tandis que les États parties sont tenus d’instaurer progressivement la gratuité de l’enseignement secondaire et de l’enseignement supérieur;

c)Acceptabilité − la forme et le contenu de l’enseignement, y compris les programmes scolaires et les méthodes pédagogiques, doivent être acceptables (par exemple, pertinents, culturellement appropriés et de bonne qualité) pour les étudiants et, selon que de besoin, les parents − sous réserve des objectifs auxquels doit viser l’éducation, tels qu’ils sont énumérés au paragraphe 1 de l’article 13, et des normes minimales en matière d’éducation qui peuvent être approuvées par l’État (voir les paragraphes 3 et 4 de l’article 13);

d)Adaptabilité − l’enseignement doit être souple de manière à pouvoir être adapté aux besoins de sociétés et de communautés en mutation, tout comme aux besoins des étudiants dans leur propre cadre social et culturel.

7.Dans l’application de ces critères «interdépendants et essentiels», c’est l’intérêt supérieur de l’apprenant qui doit l’emporter.

Article 13, paragraphe 2 a): Droit à l’enseignement primaire

8.L’enseignement primaire doit satisfaire aux critères des dotations, de l’accessibilité, de l’acceptabilité et de l’adaptabilité communs à l’enseignement sous toutes ses formes et à tous les niveaux.

9.Le Comité, pour interpréter correctement l’expression «enseignement primaire», se fonde sur la Déclaration mondiale sur l’éducation pour tous, où il est déclaré ce qui suit: «Le principal système de formation assurant l’éducation fondamentale des enfants en dehors de la famille est l’école primaire. L’enseignement primaire doit être universel, apporter une réponse aux besoins éducatifs fondamentaux de tous les enfants et tenir compte de la culture et des besoins de la communauté ainsi que des possibilités offertes par celle‑ci» (art. 5). Les «besoins éducatifs fondamentaux» sont définis à l’article premier de la Déclaration. Enseignement primaire et éducation de base, sans être synonymes, sont étroitement liés entre eux. À cet égard, le Comité entérine la position de l’UNICEF selon laquelle l’enseignement primaire est la composante la plus importante de l’éducation de base.

10.Tel qu’il est défini au paragraphe 2 a) de l’article 13, l’enseignement primaire revêt deux caractéristiques qui lui sont propres: il est «obligatoire» et «accessible gratuitement à tous». Pour les observations du Comité sur ces deux notions, voir les paragraphes 6 et 7 de l’Observation générale no 11 relative à l’article 14 du Pacte.

Article 13, paragraphe 2 b): Enseignement secondaire

11.L’enseignement secondaire doit satisfaire aux critères des dotations, de l’accessibilité, de l’acceptabilité et de l’adaptabilité communs à l’enseignement sous toutes ses formes et à tous les niveaux.

12.S’il est vrai que l’enseignement secondaire, dans son contenu, variera d’un État partie à l’autre et dans le temps, il n’en reste pas moins qu’il est destiné à compléter l’éducation de base et à affermir la base d’une éducation permanente et de l’épanouissement de la personnalité. Il prépare les étudiants à l’enseignement professionnel et supérieur. Le paragraphe 2 b) de l’article 13 s’applique à l’enseignement secondaire «sous ses différentes formes», ce qui signifie que l’enseignement secondaire requiert des programmes d’études souples et des systèmes de formation variés qui répondent aux besoins des étudiants dans des contextes sociaux et culturels différents. Le Comité encourage les programmes éducatifs mis en place parallèlement au réseau scolaire ordinaire existant dans le secondaire.

13.Aux termes du paragraphe 2 b) de l’article 13, l’enseignement secondaire «doit être généralisé et rendu accessible à tous par tous les moyens appropriés et notamment par l’instauration progressive de la gratuité». Le mot «généralisé» signifie premièrement que l’enseignement secondaire n’est pas subordonné à la capacité ou à l’aptitude apparentes de l’apprenant et deuxièmement qu’il sera dispensé sur l’ensemble du territoire de manière à pouvoir être accessible à tous de la même manière. Pour l’interprétation du mot «accessible» donnée par le Comité, voir le paragraphe 6 ci‑dessus. L’expression «par tous les moyens appropriés» renforce l’idée que les États parties doivent adopter des démarches variées et novatrices pour assurer un enseignement secondaire dans des contextes sociaux et culturels différents.

14.L’expression «l’instauration progressive de la gratuité» signifie que les États doivent certes donner la priorité à la gratuité de l’enseignement primaire, mais qu’ils ont aussi l’obligation de prendre des mesures concrètes en vue d’assurer à terme la gratuité de l’enseignement secondaire et de l’enseignement supérieur. Pour les observations générales du Comité sur la signification du mot «gratuité», voir le paragraphe 7 de l’Observation générale no 11 relative à l’article 14.

Enseignement technique et professionnel

15.L’enseignement technique et professionnel s’inscrit aussi bien dans le droit à l’éducation que dans le droit au travail (art. 6, par. 2). Le paragraphe 2 b) de l’article 13 se situe dans le cadre de l’enseignement secondaire, ce qui atteste son importance particulière à ce niveau. Toutefois, le paragraphe 2 de l’article 6 mentionne la formation technique et professionnelle en général, sans préciser le niveau auquel elle doit être dispensée, tout en lui reconnaissant un rôle plus large en ce qu’elle contribue «à assurer un développement économique, social et culturel constant et un plein emploi productif». De même, la Déclaration universelle des droits de l’homme stipule que «l’enseignement technique et professionnel doit être généralisé» (art. 26, par. 1). Le Comité en conclut que l’enseignement technique et professionnel fait partie intégrante de l’enseignement, à tous les niveaux.

16.L’initiation à la technologie et la préparation à l’entrée dans le monde du travail ne devraient pas être l’apanage de l’enseignement technique et professionnel: elles doivent être appréhendées comme un élément de l’enseignement général. La Convention de l’UNESCO sur l’enseignement technique et professionnel définit l’expression «enseignement technique et professionnel» comme désignant «toutes les formes et tous les degrés du processus d’éducation où interviennent, outre l’acquisition de connaissances générales, l’étude de techniques et de sciences connexes et l’acquisition de compétences pratiques, de savoir‑faire, d’attitudes et d’éléments de compréhension en rapport avec les professions pouvant s’exercer dans les différents secteurs de la vie économique et sociale» (art. 1, al. a). Cette position apparaît également dans certaines conventions de l’OIT. Dans ce sens, le droit à l’enseignement technique et professionnel revêt les aspects suivants:

a)Il aide les étudiants à acquérir des connaissances et des compétences qui leur permettent de s’épanouir et de devenir autonomes et aptes à occuper un emploi, et contribue à la productivité de leur famille et de leur communauté, y compris le développement économique et social de l’État partie;

b)Il prend en considération le contexte éducatif, culturel et social de la population considérée; les compétences, connaissances et qualifications requises dans les différents secteurs de l’économie; et l’hygiène industrielle et le bien‑être;

c)Il prévoit le recyclage des adultes dont les connaissances et compétences sont devenues obsolètes suite à l’évolution des techniques, de la situation économique ou du marché de l’emploi, ou aux transformations sociales ou autres;

d)Il comprend des programmes qui donnent aux étudiants, en particulier ceux des pays en développement, la possibilité de recevoir un enseignement technique et professionnel dans d’autres États, dans la perspective du transfert et de l’adaptation de technologies;

e)Compte tenu des dispositions du Pacte relatives à la non‑discrimination et à l’égalité, il comprend des programmes d’enseignement technique et professionnel qui encouragent la formation technique et professionnelle des femmes, des filles, des jeunes non scolarisés, des jeunes sans emploi, des enfants de travailleurs migrants, des réfugiés, des personnes souffrant d’un handicap et des membres d’autres groupes défavorisés.

Article 13, paragraphe 2 c): Droit à l’enseignement supérieur

17.L’enseignement supérieur doit satisfaire aux critères des dotations, de l’accessibilité, de l’acceptabilité et de l’adaptabilité communs à l’enseignement sous toutes ses formes et à tous les niveaux.

18.L’alinéa c du paragraphe 2 de l’article 13 est libellé sur le modèle de l’alinéa b de ce même paragraphe, à trois différences près. L’alinéa c ne mentionne ni l’enseignement «sous ses différentes formes» ni expressément l’enseignement technique et professionnel. De l’avis du Comité, ces deux omissions ne tiennent qu’à une différence d’éclairage. Pour répondre aux besoins des étudiants dans des contextes sociaux et culturels différents, l’enseignement supérieur doit être dispensé dans le cadre de programmes souples et de systèmes variés, comme par exemple l’enseignement à distance. Dans la pratique donc, et l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur doivent être accessibles «sous différentes formes». Par ailleurs, si l’alinéa c du paragraphe 2 de l’article 13 ne mentionne pas l’enseignement technique et professionnel, c’est que, compte tenu du paragraphe 2 de l’article 6 du Pacte et du paragraphe 1 de l’article 26 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’enseignement technique et professionnel fait partie intégrante de l’enseignement à tous les niveaux, dont l’enseignement supérieur.

19.La troisième différence, la plus importante, entre les alinéas b et c du paragraphe 2 de l’article 13 tient au fait que le premier stipule que l’enseignement secondaire «doit être généralisé et rendu accessible à tous», et le second que l’enseignement supérieur «doit être rendu accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun». Selon l’alinéa c du paragraphe 2 de l’article 13, l’enseignement supérieur n’a pas à être «généralisé: il doit uniquement être rendu accessible en fonction des capacités de chacun». Ces «capacités» devraient être appréciées eu égard à l’ensemble des connaissances et de l’expérience des intéressés.

20.Dans la mesure où le libellé des alinéas b et c du paragraphe 2 de l’article 13 est le même (il en est ainsi par exemple de l’expression «l’instauration progressive de la gratuité»), voir les observations qui précèdent à propos du paragraphe 2 b) de l’article 13.

Article 13, paragraphe 2 d): Droit à l’éducation de base

21.L’éducation de base doit satisfaire aux critères des dotations, de l’accessibilité, de l’acceptabilité et de l’adaptabilité communs à l’enseignement sous toutes ses formes et à tous les niveaux.

22.D’une façon générale, l’éducation de base visée correspond à l’éducation fondamentale exposée dans la Déclaration mondiale sur l’éducation pour tous. Selon le paragraphe 2 d) de l’article 13, «les personnes qui n’ont pas reçu d’instruction primaire ou qui ne l’ont pas reçue jusqu’à son terme» sont fondées à jouir du droit à l’éducation de base, ou éducation fondamentale telle que définie dans la Déclaration mondiale sur l’éducation pour tous.

23.Chacun ayant droit à ce qu’il soit répondu à ses «besoins éducatifs fondamentaux», au sens de la Déclaration mondiale, le droit à l’éducation de base n’est pas réservé à ceux «qui n’ont pas reçu d’instruction primaire ou qui ne l’ont pas reçue jusqu’à son terme». Il s’étend à tous ceux dont les «besoins éducatifs fondamentaux» n’ont pas été encore satisfaits.

24.Il est à souligner que la jouissance du droit à l’éducation de base n’est soumise à aucune condition d’âge ou de sexe: elle vaut pour les enfants, les adolescents et les adultes, y compris les personnes âgées. Dans ce sens, l’éducation de base fait partie intégrante de l’éducation des adultes et de l’éducation permanente. L’éducation de base étant un droit qui s’applique à tous les groupes d’âge, les programmes et les systèmes éducatifs correspondants doivent être conçus de manière à convenir aux apprenants de tous âges.

Article 13, paragraphe 2 e): Existence d’un réseau scolaire; mise en place d’un système adéquat de bourses; et amélioration des conditions matérielles du personnel enseignant

25.L’obligation de «poursuivre activement le développement d’un réseau scolaire à tous les échelons» signifie que les États parties sont tenus d’élaborer dans cette perspective une stratégie d’ensemble. Cette stratégie doit concerner les établissements d’enseignement à tous les niveaux, mais le Pacte exige des États parties qu’ils accordent la priorité à l’enseignement primaire (voir par. 51). L’expression «poursuivre activement» sous‑entend que les pouvoirs publics doivent accorder à la stratégie d’ensemble un certain rang de priorité et qu’en tout état de cause ils doivent l’appliquer vigoureusement.

26.L’expression «établir un système adéquat de bourses» doit être rapprochée des dispositions du Pacte sur la non‑discrimination et l’égalité: le système de bourses doit favoriser, dans des conditions d’égalité, l’accès à l’éducation des personnes appartenant aux groupes défavorisés.

27.Alors que le Pacte stipule qu’il faut «améliorer de façon continue les conditions matérielles du personnel enseignant», les conditions générales de travail des enseignants se sont, dans la pratique, détériorées ces dernières années dans de nombreux États parties au point de devenir inacceptables. Ce phénomène, outre qu’il est incompatible avec le paragraphe 2 e) de l’article 13, est un obstacle majeur à la pleine réalisation du droit des étudiants à l’éducation. Le Comité note par ailleurs la corrélation qui existe entre d’une part le paragraphe 2 e) de l’article 13 et de l’autre le paragraphe 2 de l’article 2, l’article 3 et les articles 6 à 8 du Pacte, en ce qui concerne notamment le droit des enseignants de s’organiser et de négocier des conventions collectives; il appelle l’attention des États parties sur la Recommandation conjointe UNESCO/OIT concernant la condition du personnel enseignant (1966) et la Recommandation de l’UNESCO concernant la condition du personnel enseignant de l’enseignement supérieur (1997); et il demande instamment aux États parties de faire rapport sur les mesures prises pour garantir à l’ensemble du personnel enseignant des conditions et un statut à la hauteur de son rôle.

Article 13, paragraphes 3 et 4: Droit à la liberté de l’éducation

28.Le paragraphe 3 de l’article 13 renferme deux éléments. Le premier concerne l’engagement des États parties de respecter la liberté des parents et des tuteurs de faire assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions. Le Comité considère que cet élément du paragraphe 3 de l’article 13 permet l’enseignement dans les établissements publics de sujets tels que l’histoire générale des religions et la morale, à condition qu’il soit dispensé d’une manière impartiale et objective, respectueuse des libertés d’opinion, de conviction et d’expression. Il note que l’enseignement dans un établissement public d’une religion ou d’une conviction donnée est incompatible avec le paragraphe 3 de l’article 13, à moins que ne soient prévues des exemptions ou des possibilités de choix non discriminatoires correspondant aux vœux des parents et des tuteurs.

29.Le second élément du paragraphe 3 de l’article 13 concerne la liberté des parents et des tuteurs de choisir pour leurs enfants des établissements autres que ceux des pouvoirs publics, à condition qu’ils soient «conformes aux normes minimales qui peuvent être prescrites ou approuvées par l’État en matière d’éducation». Cette disposition est complétée par le paragraphe 4 de l’article 13, qui énonce notamment «la liberté des individus et des personnes morales de créer et de diriger des établissements d’enseignement», sous réserve que ceux‑ci soient conformes aux objectifs de l’éducation tels qu’énumérés au paragraphe 1 de l’article 13 et qu’ils répondent à certaines normes minimales. Ces normes minimales peuvent concerner l’admission, les programmes scolaires ou la reconnaissance des diplômes. Elles doivent être à leur tour conformes aux objectifs de l’éducation énoncés au paragraphe 1 de l’article 13.

30.En vertu du paragraphe 4 de l’article 13, toute personne, y compris les non‑nationaux, est libre de créer et de diriger des établissements d’enseignement. Cette liberté s’étend aux «personnes morales». Elle englobe le droit de créer et de diriger tout type d’établissement d’enseignement, y compris des écoles maternelles, des universités et des centres d’éducation pour adultes. Compte tenu des principes de non‑discrimination, d’égalité des chances et de participation effective de tous à la vie de la société, l’État est tenu de veiller à ce que la liberté dont il est question au paragraphe 4 de l’article 13 ne se traduise pas par des disparités extrêmes des possibilités d’éducation pour certains groupes sociaux.

Article 13: Notions spéciales d’application générale

Non ‑discrimination et égalité de traitement

31.L’interdiction de la discrimination, qui est consacrée au paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte, n’est ni sujette à une mise en œuvre progressive ni tributaire des ressources disponibles: elle s’applique sans réserve et directement à tous les aspects de l’enseignement et vaut pour tous les motifs sur lesquels le droit international interdit de fonder l’exercice d’une discrimination quelle qu’elle soit. Le Comité interprète le paragraphe 2 de l’article 2 et l’article 3 à la lumière de la Convention de l’UNESCO concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement et des dispositions pertinentes de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, de la Convention relative aux droits de l’enfant et de la Convention de l’OIT concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants, de 1989 (Convention no 169), et il souhaite appeler l’attention sur les considérations qui suivent.

32.L’adoption à titre temporaire de mesures spéciales destinées à garantir aux hommes et aux femmes et aux groupes défavorisés l’égalité de fait ne constitue pas une violation du principe de non‑discrimination pour ce qui est du droit à l’éducation, dès lors que ces mesures ne conduisent pas à l’application aux divers groupes de normes inégales ou distinctes et à condition qu’elles ne soient pas maintenues une fois atteints les objectifs auxquels elles répondaient.

33.Dans certaines circonstances, l’existence de systèmes ou d’établissements d’enseignement séparés destinés aux groupes entrant dans l’une des catégories énumérées au paragraphe 2 de l’article 2 sera réputée ne pas constituer une violation du Pacte. À cet égard, le Comité reprend à son compte l’article 2 de la Convention de l’UNESCO concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement (1960).

34.Le Comité prend note de l’article 2 de la Convention relative aux droits de l’enfant et de l’alinéa e de l’article 3 de la Convention de l’UNESCO concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement et confirme que le principe de non‑discrimination s’étend à toutes les personnes d’âge scolaire qui résident sur le territoire d’un État partie, y compris les non‑nationaux, indépendamment de leur statut juridique.

35.De grandes disparités en matière de dotations budgétaires qui se traduisent par la prestation de services de qualité différente selon le lieu de résidence des bénéficiaires peuvent constituer une discrimination au sens du Pacte.

36.Le Comité confirme le paragraphe 35 de son Observation générale no 5, qui traite du droit à l’éducation des personnes souffrant d’un handicap, de même que les paragraphes 36 à 42 de son Observation générale no 6, qui portent sur la situation des personnes âgées au regard des articles 13 à 15 du Pacte.

37.Les États parties doivent exercer un contrôle sur l’éducation − englobant l’ensemble des politiques éducatives, des établissements d’enseignement, des programmes, des dépenses et autres pratiques − de manière à détecter toute discrimination de fait et à y remédier. Les statistiques relatives à l’éducation devraient être ventilées par motif sur lequel il est interdit de fonder l’exercice d’une discrimination.

Libertés académiques et autonomie des établissements d’enseignement

38.Ayant examiné les rapports de nombreux États parties, le Comité est parvenu à la conclusion que le droit à l’éducation ne peut être exercé que s’il s’accompagne des libertés académiques tant pour le personnel enseignant que pour les étudiants. C’est pourquoi il juge bon et utile, même si cette question n’est pas explicitement visée à l’article 13, de formuler quelques observations à ce sujet. Les observations qui suivent concernent spécialement les établissements d’enseignement supérieur car, comme le Comité a pu le constater, le personnel enseignant de l’enseignement supérieur et les étudiants de l’enseignement supérieur sont particulièrement exposés aux pressions politiques et autres, ce qui sape les libertés académiques. Le Comité souhaite cependant souligner que le personnel enseignant et les élèves, à tous les niveaux de l’enseignement, sont fondés à jouir des libertés académiques, de sorte que nombre des observations ci‑après sont d’application générale.

39.Les membres de la communauté universitaire sont libres, individuellement ou collectivement, d’acquérir, de développer et de transmettre savoir et idées à travers la recherche, l’enseignement, l’étude, les discussions, la documentation, la production, la création ou les publications. Les libertés académiques englobent la liberté pour l’individu d’exprimer librement ses opinions sur l’institution ou le système dans lequel il travaille, d’exercer ses fonctions sans être soumis à des mesures discriminatoires et sans crainte de répression de la part de l’État ou de tout autre acteur, de participer aux travaux d’organismes universitaires professionnels ou représentatifs et de jouir de tous les droits de l’homme reconnus sur le plan international applicables aux autres individus relevant de la même juridiction. La jouissance des libertés académiques a pour contrepartie des obligations, par exemple celles de respecter les libertés académiques d’autrui, de garantir un débat contradictoire équitable et de réserver le même traitement à tous sans discrimination fondée sur l’un ou l’autre des motifs prescrits.

40.L’exercice des libertés académiques nécessite l’autonomie des établissements d’enseignement supérieur. Être autonome, c’est pour un établissement d’enseignement supérieur jouir du degré d’indépendance dont il a besoin pour prendre des décisions efficaces, qu’il s’agisse de ses travaux, de ses normes, de sa gestion ou de ses activités connexes. Il reste que cette autonomie doit être compatible avec les systèmes de contrôle public, en ce qui concerne en particulier les fonds octroyés par l’État. Vu les importants investissements publics réalisés dans l’enseignement supérieur, il importe d’établir un équilibre satisfaisant entre l’autonomie de l’établissement et l’obligation qu’il a de rendre des comptes. Dans ce domaine, il n’existe pas d’arrangement type unique: les arrangements institutionnels doivent néanmoins être raisonnables, justes et équitables et aussi transparents et ouverts à la participation que possible.

La discipline scolaire

41.De l’avis du Comité, les châtiments corporels sont incompatibles avec un des principes directeurs clefs du droit international relatif aux droits de l’homme, inscrit au préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme et des deux Pactes, à savoir la dignité humaine. D’autres règles disciplinaires peuvent l’être aussi, par exemple l’humiliation en public. De même, aucune règle de discipline ne devrait bafouer d’autres droits protégés par le Pacte, comme le droit à une alimentation. Les États parties sont dans l’obligation de prendre des mesures pour veiller à ce qu’aucun établissement d’enseignement, public ou privé, relevant de leur juridiction n’applique de règles disciplinaires incompatibles avec le Pacte. Le Comité salue les initiatives que certains États parties ont prises pour inciter les établissements d’enseignement à appréhender le problème de la discipline scolaire sous un angle «positif», non violent.

Limitations apportées à l’article 13

42.Le Comité tient à souligner que la clause restrictive du Pacte, à savoir l’article 4, vise principalement à protéger les droits des individus, plus qu’il n’autorise l’État à imposer des restrictions. L’État partie qui prononce la fermeture d’une université ou d’un autre établissement d’enseignement pour des motifs tels que la sécurité nationale ou la préservation de l’ordre public est tenu de justifier une mesure aussi grave au regard de chacune des conditions énoncées à l’article 4.

2. Obligations incombant aux États parties et manquements à ces obligations

Obligations juridiques générales

43.S’il est vrai que le Pacte prévoit la réalisation progressive des droits qui y sont énoncés et prend en considération les contraintes dues à la limitation des ressources disponibles, il n’en impose pas moins aux États parties diverses obligations avec effet immédiat. Les États parties ont des obligations immédiates au regard du droit à l’éducation: par exemple celle de «garantir» qu’il sera exercé «sans discrimination aucune» (art. 2, par. 2) et celle d’«agir» (art. 2, par. 1) en vue d’assurer l’application pleine et entière de l’article 13. Les mesures à prendre à cet effet doivent avoir un caractère «délibéré, concret et viser» au plein exercice du droit à l’éducation.

44.Le fait que la réalisation du droit à l’éducation s’inscrit dans le temps, c’est‑à‑dire qu’elle s’opère «progressivement», ne devrait pas être interprété comme privant les obligations de l’État partie de tout contenu effectif. Il signifie que les États parties ont pour obligation précise et constante «d’œuvrer aussi rapidement et aussi efficacement que possible» pour appliquer intégralement l’article 13.

45.Tout laisse supposer que le Pacte n’autorise aucune mesure régressive s’agissant du droit à l’éducation, ni d’ailleurs des autres droits qui y sont énumérés. S’il prend une mesure délibérément régressive, l’État partie considéré doit apporter la preuve qu’il l’a fait après avoir mûrement pesé toutes les autres solutions possibles et qu’elle est pleinement justifiée eu égard à l’ensemble des droits visés dans le Pacte et à l’ensemble des ressources disponibles.

46.Le droit à l’éducation, à l’instar de tous les droits de l’homme, impose trois catégories ou niveaux d’obligations aux États parties: les obligations de le respecter, de le protéger et de le mettre en œuvre. Cette dernière englobe du même coup deux obligations, celle d’en faciliter l’exercice et celle de l’assurer.

47.L’obligation de respecter le droit à l’éducation requiert des États parties qu’ils évitent de prendre des mesures susceptibles d’en entraver ou d’en empêcher l’exercice. L’obligation de le protéger requiert des États parties qu’ils prennent des mesures pour empêcher des tiers de s’immiscer dans son exercice. L’obligation de faciliter l’exercice du droit à l’éducation requiert des États qu’ils prennent des mesures concrètes permettant aux particuliers et aux communautés de jouir du droit à l’éducation et les aidant à le faire. Enfin, les États parties ont pour obligation d’assurer l’exercice du droit à l’éducation. D’une façon générale, ils sont tenus d’assurer l’exercice d’un droit donné énoncé dans le Pacte lorsqu’un particulier ou un groupe de particuliers sont incapables, pour des raisons échappant à leur contrôle, d’exercer ce droit avec les moyens dont ils disposent. Il reste que la portée de cette obligation est toujours subordonnée au libellé du Pacte.

48.À cet égard, deux aspects de l’article 13 méritent de retenir l’attention. Premièrement, cet article part à l’évidence du postulat que les États assument au premier chef la responsabilité de fournir directement des services éducatifs dans la plupart des cas: les États parties reconnaissent par exemple qu’«il faut poursuivre activement le développement d’un réseau scolaire à tous les échelons» (art. 13, par. 2 e)). Deuxièmement, vu que le libellé du paragraphe 2 de l’article 13 est différent selon qu’il s’agit de l’enseignement primaire, de l’enseignement secondaire, de l’enseignement supérieur ou de l’éducation de base, les paramètres définissant l’obligation des États parties d’assurer l’exercice du droit à l’éducation ne sont pas les mêmes pour tous les niveaux de l’enseignement. Il ressort ainsi du libellé du Pacte que les États parties ont pour obligation d’assurer l’exercice du droit à l’éducation, mais que l’ampleur de cette obligation n’est pas la même pour tous les niveaux ou tous les types d’enseignement. Le Comité constate que cette interprétation de l’obligation d’assurer l’exercice du droit à l’éducation dans le cadre de l’article 13 coïncide avec la législation et la pratique de nombreux États parties.

Obligations juridiques spécifiques

49.Les États parties sont tenus de veiller à ce que les programmes d’enseignement, à tous les niveaux du système éducatif, tendent vers les objectifs énumérés au paragraphe 1 de l’article 13. Les États parties sont dans l’obligation de mettre en place et de maintenir un système transparent et efficace pour s’assurer que l’éducation est en fait axée sur les objectifs énoncés au paragraphe 1 de l’article 13.

50.S’agissant du paragraphe 2 de l’article 13, les États ont l’obligation de respecter, de protéger et de mettre en œuvre le droit à l’éducation pour ce qui est de chacune de ses «caractéristiques essentielles» (dotations, accessibilité, acceptabilité, adaptabilité). Par exemple, un État doit respecter la fourniture de services éducatifs en ne fermant pas les écoles privées; protéger l’accessibilité à l’éducation en veillant à ce que des tiers, y compris des parents et des employeurs, n’empêchent pas les filles de fréquenter l’école; faciliter l’acceptabilité de l’éducation en prenant des mesures concrètes pour faire en sorte que l’éducation convienne du point de vue culturel aux minorités et aux peuples autochtones et qu’elle soit de bonne qualité pour tous; assurer l’adaptabilité de l’éducation en élaborant et en finançant des programmes scolaires qui reflètent les besoins actuels des étudiants dans un monde en mutation; et assurer la fourniture de services éducatifs en s’employant à mettre en place un réseau d’écoles, notamment en construisant des salles de classe, en offrant des programmes, en fournissant des matériels didactiques, en formant des enseignants et en leur versant un traitement compétitif sur le plan intérieur.

51.Comme on l’a vu, les obligations des États parties dans le domaine de l’enseignement primaire, de l’enseignement secondaire, de l’enseignement supérieur et de l’éducation de base ne sont pas identiques. Il ressort du libellé du paragraphe 2 de l’article 13 que les États parties ont pour obligation d’accorder la priorité à l’enseignement primaire obligatoire et gratuit. Le fait que l’article 14 donne la priorité à l’enseignement primaire vient renforcer cette interprétation. L’obligation d’assurer un enseignement primaire à tous est une obligation immédiate pour tous les États parties.

52.En ce qui concerne les alinéas b à d du paragraphe 2 de l’article 13, les États parties ont pour obligation immédiate d’«agir» en vue d’assurer à toutes les personnes relevant de leur juridiction un enseignement secondaire et supérieur et une éducation de base. Au minimum, ils sont tenus d’adopter et de mettre en œuvre une stratégie nationale d’éducation englobant l’enseignement secondaire et supérieur et l’éducation de base, conformément au Pacte. Cette stratégie devrait prévoir des mécanismes, par exemple des indicateurs et des critères, à partir desquels il serait possible de suivre de près les progrès en la matière.

53.En vertu de l’alinéa e du paragraphe 2 de l’article 13, les États parties sont tenus de veiller à l’établissement d’un système adéquat de bourses au profit des groupes défavorisés. L’obligation de poursuivre activement «le développement d’un réseau scolaire à tous les échelons» renforce l’idée que les États parties ont au premier chef la charge d’assurer directement l’exercice du droit à l’éducation dans la plupart des cas.

54.Les États parties sont tenus d’établir des «normes minimales en matière d’éducation» auxquelles tous les établissements d’enseignement privés créés conformément aux paragraphes 3 et 4 de l’article 13 doivent se conformer. Ils doivent par ailleurs disposer d’un système transparent et efficace permettant de s’assurer du respect de ces normes. Les États parties n’ont nullement l’obligation de financer des établissements créés en vertu des paragraphes 3 et 4 de l’article 13, mais si un État choisit de verser une subvention à des établissements d’enseignement privés, il doit le faire sur une base non discriminatoire.

55.Les États parties doivent faire en sorte que les communautés et les familles ne soient pas tributaires du travail des enfants. Le Comité affirme tout particulièrement l’importance que l’éducation revêt dans l’élimination du travail des enfants, ainsi que les obligations énoncées au paragraphe 2 de l’article 7 de la Convention de 1999 sur les pires formes de travail des enfants (Convention no 182). En outre, compte tenu du paragraphe 2 de l’article 2, les États parties doivent s’efforcer de faire disparaître les stéréotypes sexistes et autres qui entravent l’accès à l’éducation des filles, des femmes et d’autres personnes appartenant à des groupes défavorisés.

56.Dans son Observation générale no 3, le Comité a appelé l’attention sur l’obligation que chacun des États parties a d’«agir, tant par son effort propre que par l’assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique», pour mettre pleinement en œuvre les droits reconnus dans le Pacte, dont le droit à l’éducation. Le paragraphe 1 de l’article 2 et l’article 23 du Pacte, l’Article 56 de la Charte des Nations Unies, l’article 10 de la Déclaration mondiale sur l’éducation pour tous et le paragraphe 34 de la première partie de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne renforcent tous l’obligation que les États parties ont d’apporter à l’échelle internationale leur aide et leur concours en vue de la pleine réalisation du droit à l’éducation. Dans le cadre de la négociation et de la ratification des accords internationaux, les États parties devraient prendre des mesures pour faire en sorte que ces instruments n’aient pas d’effet préjudiciable sur le droit à l’éducation. De même, ils sont tenus de veiller, en tant que membres d’organisations internationales, y compris les organisations internationales financières, à ce que leurs actes prennent dûment en considération le droit à l’éducation.

57.Dans son Observation générale no 3, le Comité a confirmé que les États parties ont «l’obligation fondamentale minimum d’assurer, au moins, la satisfaction de l’essentiel» de chacun des droits énoncés dans le Pacte, dont le droit à l’éducation. Dans le contexte de l’article 13, cette «obligation fondamentale minimum» englobe l’obligation d’assurer l’accès, sans discrimination, aux établissements d’enseignement et aux programmes éducatifs publics; de veiller à ce que l’éducation dispensée soit conforme aux objectifs exposés au paragraphe 1 de l’article 13; d’assurer un enseignement primaire à tous, conformément au paragraphe 2 a) de l’article 13; d’adopter et de mettre en œuvre une stratégie nationale en matière d’éducation qui englobe l’enseignement secondaire et supérieur et l’éducation de base; et de garantir le libre choix de l’éducation, sans ingérence de l’État ou de tiers, sous réserve qu’elle soit conforme aux «normes minimales en matière d’éducation» (art. 13, par. 3 et 4).

Manquements aux obligations

58.Lorsque le contenu normatif de l’article 13 (sect. I) est appliqué aux obligations tant générales que spécifiques des États parties (sect. II), il en résulte un processus dynamique qui permet de mettre plus facilement en évidence les atteintes au droit à l’éducation. Le droit à l’éducation peut être violé du fait d’une action directe de l’État partie (action) ou du fait de la non‑adoption de mesures requises par le Pacte (omission).

59.À titre indicatif, les manquements à l’article 13 peuvent comprendre: le fait d’adopter, ou de ne pas abroger, des dispositions législatives qui établissent en matière d’éducation une discrimination à l’encontre d’individus ou de groupes, fondée sur l’un quelconque des motifs sur lesquels il est précisément interdit de la fonder; le fait de ne pas adopter de mesures destinées à s’attaquer concrètement à la discrimination dans le domaine de l’enseignement; l’application de programmes scolaires qui ne cadrent pas avec les objectifs de l’éducation énoncés au paragraphe 1 de l’article 13; l’absence de système transparent et efficace permettant de s’assurer de la conformité de l’éducation avec le paragraphe 1 de l’article 13; le fait de ne pas assurer, à titre prioritaire, un enseignement primaire obligatoire et accessible à tous gratuitement; le fait de ne pas prendre des mesures ayant un caractère délibéré et concret et visant à la réalisation progressive du droit à l’enseignement secondaire et supérieur et à l’éducation de base conformément aux alinéas b à d du paragraphe 2 de l’article 13; l’interdiction d’établissements d’enseignement privés; le fait de ne pas s’assurer que les établissements d’enseignement privés se conforment aux «normes minimales en matière d’éducation» requises en vertu des paragraphes 3 et 4 de l’article 13; le déni des libertés académiques au personnel et aux étudiants; la fermeture d’établissements d’enseignement en période de tensions politiques, en violation de l’article 4.

3. Obligations incombant aux acteurs autres que les États parties

60.Compte tenu de l’article 22 du Pacte, le rôle revenant aux organismes des Nations Unies, notamment au niveau des pays à travers le Plan‑cadre des Nations Unies pour l’aide au développement, est d’une importance toute particulière en vue de la mise en œuvre des dispositions de l’article 13. Il conviendrait de déployer des efforts coordonnés en faveur de l’exercice du droit à l’éducation, afin d’améliorer l’harmonisation et l’interaction des mesures prises par tous les acteurs concernés, dont les diverses composantes de la société civile. L’UNESCO, le Programme des Nations Unies pour le développement, l’UNICEF, le BIT, la Banque mondiale, les banques régionales de développement, le Fonds monétaire international et les autres organismes des Nations Unies compétents devraient intensifier leur coopération aux fins de la mise en œuvre du droit à l’éducation au niveau national, compte dûment tenu de leurs mandats spécifiques et en fonction de leurs compétences respectives. Les institutions financières internationales, notamment la Banque mondiale et le FMI, devraient en particulier faire une place plus grande à la protection du droit à l’éducation dans leur politique de prêt, leurs accords de crédit et leurs programmes d’ajustement structurel de même que dans le cadre des mesures prises pour faire front à la crise de la dette. En examinant les rapports des États parties, le Comité examinera les effets de l’aide apportée par les acteurs autres que les États parties sur l’aptitude des États à s’acquitter de leurs obligations au titre de l’article 13. L’adoption par les institutions spécialisées, les programmes et les organes des Nations Unies d’une démarche fondée sur les droits de l’homme facilitera grandement la mise en œuvre du droit à l’éducation.

Vingt ‑deuxième session (2000)

Observation générale n o  14: Le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint (art. 12 du Pacte)

1.La santé est un droit fondamental de l’être humain, indispensable à l’exercice des autres droits de l’être humain. Toute personne a le droit de jouir du meilleur état de santé susceptible d’être atteint, lui permettant de vivre dans la dignité. La réalisation du droit à la santé peut être assurée par de nombreuses démarches, qui sont complémentaires, notamment la formulation de politiques en matière de santé ou la mise en œuvre de programmes de santé tels qu’ils sont élaborés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ou l’adoption d’instruments juridiques spécifiques. En outre, le droit à la santé comprend certains éléments dont le respect est garanti par la loi.

2.Le droit de l’être humain à la santé est consacré dans de nombreux instruments internationaux. La Déclaration universelle des droits de l’homme prévoit, au paragraphe 1 de son article 25: «Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien‑être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires». Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels contient l’article le plus complet consacré dans le droit international des droits de l’homme au droit à la santé. Conformément au paragraphe 1 de l’article 12 du Pacte, les États parties reconnaissent «le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mental qu’elle soit capable d’atteindre» et le paragraphe 2 de l’article 12 contient une énumération, à titre d’illustration, d’un certain nombre de «mesures que les États parties ... prendront en vue d’assurer le plein exercice de ce droit». En outre, le droit à la santé est consacré, notamment, au paragraphe e) iv) de l’article 5 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1965, au paragraphe 1 f) de l’article 11 et à l’article 12 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes de 1979 et à l’article 24 de la Convention relative aux droits de l’enfant de 1989. Plusieurs instruments régionaux relatifs aux droits de l’homme reconnaissent également le droit à la santé, notamment la Charte sociale européenne de 1961, telle que révisée (art. 11), la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981 (art. 16) et le Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l’homme traitant des droits économiques, sociaux et culturels de 1988 (art. 10). De même, le droit à la santé a été proclamé par la Commission des droits de l’homme ainsi que dans la Déclaration et le Programme d’action de Vienne de 1993 et d’autres instruments internationaux.

3.Le droit à la santé est étroitement lié à d’autres droits de l’homme et dépend de leur réalisation: il s’agit des droits énoncés dans la Charte internationale des droits de l’homme, à savoir les droits à l’alimentation, au logement, au travail, à l’éducation, à la dignité humaine, à la vie, à la non‑discrimination et à l’égalité, le droit de ne pas être soumis à la torture, le droit au respect de la vie privée, le droit d’accès à l’information et les droits à la liberté d’association, de réunion et de mouvement. Ces droits et libertés, notamment, sont des composantes intrinsèques du droit à la santé.

4.Lors de la rédaction de l’article 12 du Pacte, la Troisième Commission de l’Assemblée générale de l’ONU n’a pas repris la définition de la santé contenue dans le préambule de la Constitution de l’OMS, pour laquelle «la santé est un état de complet bien‑être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité». Toutefois, la formulation «le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mental qu’elle soit capable d’atteindre» figurant au paragraphe 1 de l’article 12 du Pacte ne se limite pas au droit aux soins de santé. Au contraire, comme il ressort du processus d’élaboration et du libellé spécifique du paragraphe 2 de l’article 12, le droit à la santé englobe une grande diversité de facteurs socioéconomiques de nature à promouvoir des conditions dans lesquelles les êtres humains peuvent mener une vie saine et s’étend aux facteurs fondamentaux déterminants de la santé tels que l’alimentation et la nutrition, le logement, l’accès à l’eau salubre et potable et à un système adéquat d’assainissement, des conditions de travail sûres et hygiéniques et un environnement sain.

5.Le Comité n’ignore pas que, pour des millions d’êtres humains dans le monde, la pleine jouissance du droit à la santé reste un objectif lointain. De plus, dans de nombreux cas, en particulier pour les couches de la population vivant dans la pauvreté, cet objectif devient de plus en plus inaccessible. Le Comité reconnaît l’existence d’obstacles structurels et autres considérables résultant de facteurs internationaux et autres échappant au contrôle des États, qui entravent la pleine mise en œuvre de l’article 12 dans un grand nombre d’États parties.

6.Dans le souci d’aider les États parties à mettre en œuvre le Pacte et à s’acquitter de leurs obligations en matière d’établissement de rapports, la présente Observation générale porte sur le contenu normatif de l’article 12 (sect. I), les obligations des États parties (sect. II), les violations (sect. III) et la mise en œuvre au niveau national (sect. IV), tandis que les obligations des acteurs autres que les États parties font l’objet de la section V. La présente Observation générale est fondée sur l’expérience acquise depuis de nombreuses années par le Comité à l’occasion de l’examen des rapports des États parties.

1. Contenu normatif de l’article 12

7.Le paragraphe 1 de l’article 12 contient une définition du droit à la santé et le paragraphe 2 cite à titre d’illustration et de manière non exhaustive des exemples d’obligations incombant aux États parties.

8.Le droit à la santé ne saurait se comprendre comme le droit d’être en bonne santé. Le droit à la santé suppose à la fois des libertés et des droits. Les libertés comprennent le droit de l’être humain de contrôler sa propre santé et son propre corps, y compris le droit à la liberté sexuelle et génésique, ainsi que le droit à l’intégrité, notamment le droit de ne pas être soumis à la torture et de ne pas être soumis sans son consentement à un traitement ou une expérience médicale. D’autre part, les droits comprennent le droit d’accès à un système de protection de la santé qui garantisse à chacun, sur un pied d’égalité la possibilité de jouir du meilleur état de santé possible.

9.La notion de «meilleur état de santé susceptible d’être atteint» visée au paragraphe 1 de l’article 12, repose à la fois sur la situation biologique et socioéconomique de chaque individu au départ et sur les ressources dont dispose l’État. Il existe un certain nombre d’éléments qui ne peuvent être englobés dans la relation entre l’État et l’individu; en particulier, la bonne santé ne peut être garantie par un État et les États ne peuvent pas davantage assurer une protection contre toutes les causes possibles de mauvaise santé de l’être humain. Ainsi, les facteurs génétiques, la propension individuelle à la maladie et l’adoption de modes de vie malsains ou à risque peuvent jouer un rôle important dans l’état de santé d’un individu. En conséquence, le droit à la santé doit être entendu comme le droit de jouir d’une diversité d’installations, de biens, de services et de conditions nécessaires à la réalisation du droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint.

10.Depuis l’adoption des deux Pactes internationaux en 1966, la situation mondiale en matière de santé a évolué de manière spectaculaire et la notion de santé a considérablement évolué et s’est également élargie. Davantage de facteurs déterminants de la santé sont désormais pris en considération, tels que la répartition des ressources et les différences entre les sexes. La définition élargie de la santé intègre en outre certaines considérations à caractère social, telles que la violence et les conflits armés. En outre, certaines maladies auparavant inconnues, comme le virus de l’immunodéficience humaine et le syndrome d’immunodéficience humaine acquise (VIH/sida), et d’autres maladies, qui sont devenues plus répandues, comme le cancer, s’ajoutant à l’accroissement rapide de la population mondiale, ont créé de nouveaux obstacles à la réalisation du droit à la santé, qu’il faut prendre en considération dans l’interprétation de l’article 12.

11.Le Comité interprète le droit à la santé, tel que défini au paragraphe 1 de l’article 12, comme un droit global, dans le champ duquel entrent non seulement la prestation de soins de santé appropriés en temps opportun, mais aussi les facteurs fondamentaux déterminants de la santé tels que l’accès à l’eau salubre et potable et à des moyens adéquats d’assainissement, l’accès à une quantité suffisante d’aliments sains, la nutrition et le logement, l’hygiène du travail et du milieu et l’accès à l’éducation et à l’information relatives à la santé, notamment la santé sexuelle et génésique. Un autre aspect important est la participation de la population à la prise de toutes les décisions en matière de santé aux niveaux communautaire, national et international.

12.Le droit à la santé sous toutes ses formes et à tous les niveaux suppose l’existence des éléments interdépendants et essentiels suivants, dont la mise en œuvre précise dépendra des conditions existant dans chacun des États parties:

a)Disponibilité. Il doit exister dans l’État partie, en quantité suffisante, des installations, des biens et des services ainsi que des programmes fonctionnels en matière de santé publique et de soins de santé. La nature précise des installations, des biens et des services dépendra de nombreux facteurs, notamment du niveau de développement de l’État partie. Ces installations, biens et services comprendront toutefois les éléments fondamentaux déterminants de la santé tels que l’eau salubre et potable et des installations d’assainissement appropriées, des hôpitaux, des dispensaires et autres installations fournissant des soins de santé, du personnel médical et professionnel qualifié recevant un salaire décent par rapport au niveau national, et des médicaments essentiels, au sens du Programme d’action pour les médicaments essentiels de l’OMS;

b)Accessibilité. Les installations, biens et services en matière de santé doivent être accessibles, sans discrimination, à toute personne relevant de la juridiction de l’État partie. L’accessibilité comporte quatre dimensions qui se recoupent mutuellement:

Non‑discrimination: les installations, biens et services en matière de santé doivent être accessibles à tous, en particulier aux groupes de populations les plus vulnérables ou marginalisés, conformément à la loi et dans les faits, sans discrimination fondée sur l’un quelconque des motifs proscrits;

Accessibilité physique: les installations, biens et services en matière de santé doivent être physiquement accessibles sans danger pour tous les groupes de la population, en particulier les groupes vulnérables ou marginalisés tels que les minorités ethniques et les populations autochtones, les femmes, les enfants, les adolescents, les personnes âgées, les personnes handicapées et les personnes atteintes du VIH/sida. L’accessibilité signifie également que les services médicaux et les facteurs fondamentaux déterminants de la santé, tels que l’eau salubre et potable et les installations d’assainissement appropriées, soient physiquement accessibles sans danger, y compris dans les zones rurales; L’accessibilité comprend en outre l’accès approprié aux bâtiments pour les personnes handicapées;

Accessibilité économique (abordabilité): les installations, biens et services en matière de santé doivent être d’un coût abordable pour tous. Le coût des services de soins de santé ainsi que des services relatifs aux facteurs fondamentaux déterminants de la santé doit être établi sur la base du principe de l’équité, pour faire en sorte que ces services, qu’ils soient fournis par des opérateurs publics ou privés, soient abordables pour tous, y compris pour les groupes socialement défavorisés. L’équité exige que les ménages les plus pauvres ne soient pas frappés de façon disproportionnée par les dépenses de santé par rapport aux ménages plus aisés;

Accessibilité de l’information: l’accessibilité comprend le droit de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées concernant les questions de santé. Toutefois, l’accessibilité de l’information ne doit pas porter atteinte au droit à la confidentialité des données de santé à caractère personnel;

c)Acceptabilité. Les installations, biens et services en matière de santé doivent être respectueux de l’éthique médicale et être appropriés sur le plan culturel, c’est‑à‑dire respectueux de la culture des individus, des minorités, des peuples et des communautés, réceptifs aux exigences spécifiques liées au sexe et au stade de la vie et être conçus de façon à respecter la confidentialité et à améliorer l’état de santé des intéressés;

d)Qualité. Outre qu’ils doivent être acceptables sur le plan culturel, les installations, biens et services en matière de santé doivent également être scientifiquement et médicalement appropriés et de bonne qualité, ce qui suppose, notamment, du personnel médical qualifié, des médicaments et du matériel hospitalier approuvés par les instances scientifiques et non périmés, un approvisionnement en eau salubre et potable et des moyens d’assainissement appropriés.

13.L’énumération non exhaustive d’exemples figurant au paragraphe 2 de l’article 12 apporte des indications sur l’action à mener par les États. Il s’agit d’exemples génériques spécifiques de mesures découlant de la définition du droit à la santé au sens large figurant au paragraphe 1 de l’article 12, illustrant ainsi le contenu de ce droit, tel qu’il est décrit dans les paragraphes suivants.

Paragraphe 2 a) de l’article 12: Le droit à la santé maternelle, infantile et génésique

14.Les mesures visant «la diminution de la mortinatalité et de la mortalité infantile, ainsi que le développement sain de l’enfant» (par. 2 a) de l’article 12) peuvent s’entendre des mesures nécessaires pour améliorer les soins de santé maternelle et infantile, les services de santé en rapport avec la vie sexuelle et génésique, y compris l’accès à la planification de la famille, les soins pré et postnatals, les services d’obstétrique d’urgence ainsi que l’accès à l’information et aux ressources nécessaires pour agir sur la base de cette information.

Paragraphe 2 b) de l’article 12: Le droit à un environnement naturel et professionnel sain

15.Les mesures visant à «l’amélioration de tous les aspects de l’hygiène du milieu et de l’hygiène industrielle» (par. 2 b) de l’article 12) comprennent notamment les mesures de prévention contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, les mesures visant à assurer un approvisionnement suffisant en eau salubre et potable et en moyens d’assainissement élémentaires; et les mesures visant à empêcher et réduire l’exposition de la population à certains dangers tels que radiations ou produits chimiques toxiques et autres facteurs environnementaux nocifs ayant une incidence directe sur la santé des individus. En outre, l’hygiène du travail consiste à réduire autant qu’il est raisonnablement possible les causes des risques pour la santé inhérents au milieu du travail. Le paragraphe 2 b) de l’article 12 vise également les mesures permettant d’assurer un logement approprié et des conditions de travail salubres et hygiéniques, un apport alimentaire suffisant et une nutrition appropriée, ainsi qu’à décourager la consommation abusive d’alcool et l’usage du tabac, des drogues et d’autres substances nocives.

Paragraphe 2 c) de l’article 12: Le droit à la prophylaxie et au traitement des maladies et à la lutte contre les maladies

16.«La prophylaxie et le traitement des maladies épidémiques, endémiques, professionnelles et autres, ainsi que la lutte contre ces maladies» (par. 2 c) de l’article 12) supposent la mise en place de programmes de prévention et d’éducation pour lutter contre les problèmes de santé liés au comportement, notamment les maladies sexuellement transmissibles, en particulier le VIH/sida, et les maladies nuisant à la santé sexuelle et génésique, ainsi que la promotion de déterminants sociaux de la bonne santé, tels que la sûreté de l’environnement, l’éducation, le développement économique et l’équité entre les sexes. Le droit au traitement suppose la mise en place d’un système de soins médicaux d’urgence en cas d’accidents, d’épidémies et de risques sanitaires analogues, ainsi que la fourniture de secours en cas de catastrophe et d’aide humanitaire dans les situations d’urgence. La lutte contre les maladies suppose des efforts individuels et communs de la part des États pour, notamment, assurer l’accès aux techniques nécessaires, appliquer et améliorer les méthodes de surveillance épidémiologique et de collecte de données désagrégées et mettre en place des programmes de vaccination et d’autres stratégies de lutte contre les maladies infectieuses ou améliorer les programmes existants.

Paragraphe 2 d) de l’article 12: Le droit d’accès aux installations, biens et services en matière de santé

17.«La création de conditions propres à assurer à tous des services médicaux et une aide médicale en cas de maladie», tant physique que mentale, (par. 2 d) de l’article 12) suppose l’accès rapide, dans des conditions d’égalité, aux services essentiels de prévention, de traitement et de réadaptation ainsi qu’à l’éducation en matière de santé, la mise en place de programmes réguliers de dépistage, le traitement approprié, de préférence à l’échelon communautaire, des affections, maladies, blessures et incapacités courantes, l’approvisionnement en médicaments essentiels et la fourniture de traitements et de soins appropriés de santé mentale. Un autre aspect important est l’amélioration et l’encouragement de la participation de la population à la mise en place de services de prévention et de soins de santé, notamment dans le domaine de l’organisation du secteur sanitaire et du système d’assurance et, plus particulièrement, sa participation aux décisions politiques ayant des incidences sur le droit à la santé, prises tant à l’échelon de la communauté qu’à l’échelon national.

Article 12: Thèmes spéciaux de portée générale

Non ‑discrimination et égalité de traitement

18.En vertu du paragraphe 2 de l’article 2 et de l’article 3, le Pacte proscrit toute discrimination dans l’accès aux soins de santé et aux éléments déterminants de la santé ainsi qu’aux moyens et titres permettant de se les procurer, qu’elle soit fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance, un handicap physique ou mental, l’état de santé (y compris l’infection par le VIH/sida), l’orientation sexuelle, la situation civile, politique, sociale ou autre, dans l’intention ou avec pour effet de contrarier ou de rendre impossible l’exercice sur un pied d’égalité du droit à la santé. Le Comité souligne que nombre de mesures, de même que la plupart des stratégies et programmes visant à éliminer toute discrimination en matière de santé, peuvent être mises en œuvre moyennant des incidences financières minimales grâce à l’adoption, la modification ou l’abrogation de textes législatifs ou à la diffusion d’informations. Le Comité rappelle le paragraphe 12 de l’Observation générale no 3 soulignant que, même en temps de grave pénurie de ressources, les éléments vulnérables de la société doivent être protégés grâce à la mise en œuvre de programmes spécifiques relativement peu coûteux.

19.L’égalité d’accès aux soins de santé et aux services liés à la santé est un aspect du droit à la santé sur lequel il convient d’insister. Les États ont pour obligation spéciale de garantir aux personnes dépourvues de moyens suffisants l’accès à l’assurance maladie et au dispositif de soins de santé, ainsi que d’empêcher toute discrimination fondée sur des motifs proscrits à l’échelon international dans la fourniture de soins de santé et de services de santé, s’agissant en particulier des obligations fondamentales inhérentes au droit à la santé. Une mauvaise affectation des ressources peut aboutir à une discrimination qui n’est pas toujours manifeste. Par exemple, les investissements ne devraient pas privilégier de manière disproportionnée des services de santé curatifs coûteux, qui souvent ne sont accessibles qu’à une frange fortunée de la population, plutôt que des soins de santé primaires et une action de prévention sanitaire susceptibles de bénéficier à une proportion bien plus forte de la population.

Perspective sexospécifique

20.Le Comité recommande aux États d’intégrer une perspective sexospécifique dans les politiques, plans, programmes et travaux de recherche en rapport avec la santé afin de promouvoir un meilleur état de santé des hommes aussi bien que des femmes. Une démarche sexospécifique part du constat que la santé des hommes et des femmes est en grande partie fonction non seulement de facteurs biologiques mais aussi de facteurs socioculturels. La ventilation des données sanitaires et socioéconomiques en fonction du sexe est essentielle pour déceler et éliminer les inégalités dans le domaine de la santé.

Les femmes et le droit à la santé

21.Pour faire disparaître la discrimination à l’égard des femmes, il faut élaborer et mettre en œuvre une stratégie nationale globale en vue de promouvoir leur droit à la santé tout au long de leur vie. Une telle stratégie devrait prévoir des interventions visant à prévenir les maladies dont elles souffrent et à les soigner, ainsi que des mesures qui leur permettent d’accéder à une gamme complète de soins de santé de qualité et d’un coût abordable, y compris en matière de sexualité et de procréation. Réduire les risques auxquels les femmes sont exposées dans le domaine de la santé, notamment en abaissant les taux de mortalité maternelle et en protégeant les femmes de la violence familiale, devrait être un objectif majeur. La réalisation du droit des femmes à la santé nécessite l’élimination de tous les obstacles qui entravent l’accès aux services de santé, ainsi qu’à l’éducation et à l’information, y compris en matière de santé sexuelle et génésique. Il importe également de prendre des mesures préventives, incitatives et correctives pour prémunir les femmes contre les effets de pratiques et de normes culturelles traditionnelles nocives qui les empêchent d’exercer pleinement leurs droits liés à la procréation.

Les enfants et les adolescents

22.À l’alinéa a du paragraphe 2 de l’article 12, il est question de la nécessité de prendre des mesures pour réduire la mortalité infantile et promouvoir le développement sain du nourrisson et de l’enfant. Des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme adoptés ultérieurement, ont reconnu aux enfants et aux adolescents le droit de jouir du meilleur état de santé possible et d’avoir accès à des services médicaux. La Convention relative aux droits de l’enfant enjoint aux États de garantir l’accès de l’enfant et de sa famille aux services de santé essentiels, y compris l’accès des mères aux soins prénatals et postnatals. Selon la Convention, ces objectifs doivent s’accompagner de l’accès à des informations adaptées aux enfants sur les comportements propres à prévenir la maladie et à promouvoir la santé, ainsi que de la fourniture aux familles et à la communauté d’un soutien en vue de la mise en œuvre de ces pratiques. Le principe de non‑discrimination veut que les filles, tout comme les garçons, accèdent dans des conditions d’égalité à une alimentation suffisante, à un environnement sûr et à des services de santé physique et mentale. Il faudrait adopter des mesures efficaces et adéquates pour mettre fin aux pratiques traditionnelles nocives affectant la santé des enfants, notamment des fillettes, qu’il s’agisse du mariage précoce, des mutilations génitales ou des préférences manifestées à l’égard des enfants de sexe masculin en matière d’alimentation et de soins. Les enfants handicapés devraient se voir offrir la possibilité de mener une vie enrichissante et décente ainsi que de participer à la vie de leur communauté.

23.Les États parties doivent prévoir à l’intention des adolescents un environnement sain et favorable leur donnant la possibilité de participer à la prise des décisions concernant leur santé, d’acquérir des connaissances élémentaires, de se procurer des informations appropriées, de recevoir des conseils et de négocier les choix qu’ils opèrent en matière de comportement dans l’optique de la santé. La réalisation du droit des adolescents à la santé est fonction de la mise en place de soins de santé tenant compte des préoccupations des jeunes et respectant la confidentialité et l’intimité, y compris des services appropriés de santé sexuelle et génésique.

24.Dans tous les programmes et politiques visant à garantir aux enfants et aux adolescents le droit à la santé, leur intérêt supérieur est un élément essentiel à prendre en considération.

Personnes âgées

25.Concernant la réalisation du droit à la santé des personnes âgées, le Comité, conformément aux paragraphes 34 et 35 de l’Observation générale no 6 (1995), réaffirme l’importance d’une démarche concertée, associant la prévention, les soins et la réadaptation en matière de traitement médical. De telles mesures doivent être fondées sur des examens périodiques tant pour les hommes que pour les femmes, sur des soins de rééducation physique et psychologique visant à préserver les capacités fonctionnelles et l’autonomie des personnes âgées et sur la nécessité d’accorder aux personnes souffrant de maladies chroniques et aux malades en phase terminale l’attention et les soins voulus, en leur épargnant des souffrances inutiles et en leur permettant de mourir dans la dignité.

Personnes handicapées

26.Le Comité réaffirme le paragraphe 34 de son Observation générale no 5, qui porte sur la question des personnes handicapées dans le contexte du droit à la santé physique et mentale. Par ailleurs, il souligne la nécessité de veiller à ce que non seulement le secteur public de la santé, mais également les fournisseurs privés de services et d’équipements sanitaires respectent le principe de la non‑discrimination à l’égard de ces personnes.

Peuples autochtones

27.Vu le développement du droit et de la pratique au niveau international et les mesures récentes prises par les États à l’égard des peuples autochtones, le Comité juge utile de déterminer les éléments susceptibles de contribuer à définir leur droit à la santé pour aider les États sur le territoire duquel vivent des peuples autochtones à mettre en œuvre les dispositions de l’article 12 du Pacte. Le Comité considère que les peuples autochtones ont droit à des mesures spécifiques pour leur faciliter l’accès aux services et aux soins de santé. Ces services de santé doivent être adaptés au contexte culturel, tout en tenant compte des soins préventifs, des thérapeutiques et des remèdes traditionnels. Les États devraient fournir aux peuples autochtones des ressources leur permettant de concevoir, de fournir et de contrôler de tels services afin qu’ils puissent jouir du meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint. Les plantes médicinales essentielles, les animaux et les minéraux nécessaires aux peuples autochtones pour jouir pleinement du meilleur état de santé possible devraient également être protégés. Le Comité note que, dans les communautés autochtones, la santé des individus est souvent liée à celle de la société tout entière et revêt une dimension collective. À cet égard, le Comité considère que les activités liées au développement qui éloignent les peuples autochtones, contre leur gré, de leurs territoires et de leur environnement traditionnels, les privant de leurs sources de nutrition et rompant leur relation symbiotique avec leurs terres, ont des effets néfastes sur leur santé.

Limitations

28.Des considérations liées à la santé publique sont parfois invoquées par les États pour justifier une limitation de l’exercice de certains autres droits fondamentaux. Le Comité tient à souligner que la clause de limitation figurant à l’article 4 du Pacte vise essentiellement à protéger les droits des individus plutôt qu’à permettre aux États de les limiter. Par conséquent, un État partie qui, par exemple, restreint les mouvements de personnes souffrant de maladies transmissibles telles que l’infection par le VIH/sida ou les incarcère, refuse d’autoriser des médecins à traiter des personnes considérées comme des opposants au gouvernement, ou s’abstient de vacciner une communauté contre les principales maladies infectieuses pour des motifs tels que la sécurité nationale ou le maintien de l’ordre public se doit de justifier des mesures aussi graves au regard de chacun des éléments énoncés à l’article 4. De telles restrictions doivent être conformes à la loi, y compris aux normes internationales relatives aux droits de l’homme, compatibles avec la nature des droits protégés par le Pacte et imposées dans l’intérêt de buts légitimes, exclusivement en vue de favoriser le bien‑être général dans une société démocratique.

29.Conformément au paragraphe 1 de l’article 5, de telles limitations doivent être proportionnées à l’objet (autrement dit l’option la moins restrictive doit être retenue lorsque plusieurs types de limitation peuvent être imposés). Même lorsque des limitations motivées par la protection de la santé publique sont foncièrement licites, elles doivent être provisoires et sujettes à un examen.

2. Obligations incombant aux États parties

Obligations juridiques générales

30.S’il est vrai que le Pacte prévoit la réalisation progressive des droits qui y sont énoncés et prend en considération les contraintes dues à la limitation des ressources disponibles, il n’en impose pas moins aux États parties diverses obligations avec effet immédiat. Les États parties ont des obligations immédiates au regard du droit à la santé: par exemple celle de garantir qu’il sera exercé sans discrimination aucune (art. 2, par. 2) et celle d’agir (art. 2, par. 1) en vue d’assurer l’application pleine et entière de l’article 12. Les mesures à prendre à cet effet doivent avoir un caractère délibéré et concret et viser au plein exercice du droit à la santé.

31.Le fait que la réalisation du droit à la santé s’inscrit dans le temps ne devrait pas être interprété comme privant les obligations de l’État partie de tout contenu effectif. Une réalisation progressive signifie plutôt que les États parties ont pour obligation précise et constante d’œuvrer aussi rapidement et aussi efficacement que possible pour appliquer intégralement l’article 12.

32.Tout laisse supposer que le Pacte n’autorise aucune mesure rétrograde s’agissant du droit à la santé, ni d’ailleurs des autres droits qui y sont énumérés. S’il prend une mesure délibérément rétrograde, l’État partie doit apporter la preuve qu’il l’a fait après avoir mûrement pesé toutes les autres solutions possibles et qu’elle est pleinement justifiée eu égard à l’ensemble des droits visés dans le Pacte et à l’ensemble des ressources disponibles.

33.Le droit à la santé, à l’instar de tous les droits de l’homme, impose trois catégories ou niveaux d’obligations aux États parties: les obligations de le respecter, de le protéger et de le mettre en œuvre. Cette dernière englobe du même coup les obligations d’en faciliter l’exercice, de l’assurer et de le promouvoir. L’obligation de respecter le droit à la santé exige que l’État s’abstienne d’en entraver directement ou indirectement l’exercice alors que l’obligation de le protéger requiert des États qu’ils prennent des mesures pour empêcher des tiers de faire obstacle aux garanties énoncées à l’article 12. Enfin, l’obligation de mettre en œuvre le droit à la santé suppose que l’État adopte des mesures appropriées d’ordre législatif, administratif, budgétaire, judiciaire, incitatif ou autre pour en assurer la pleine réalisation.

Obligations juridiques spécifiques

34.Les États sont en particulier liés par l’obligation de respecter le droit à la santé, notamment en s’abstenant de refuser ou d’amoindrir l’égalité d’accès de toutes les personnes, dont les détenus, les membres de minorités, les demandeurs d’asile et les immigrants en situation irrégulière, aux soins de santé prophylactiques, thérapeutiques et palliatifs, en s’abstenant d’ériger en politique d’État l’application de mesures discriminatoires et en évitant d’imposer des pratiques discriminatoires concernant la situation et les besoins des femmes en matière de santé. Entre en outre dans le champ de l’obligation de respecter celle qui incombe aux États de s’abstenir d’interdire ou d’entraver les méthodes prophylactiques, les pratiques curatives et les médications traditionnelles, de commercialiser des médicaments dangereux ou d’imposer des soins médicaux de caractère coercitif, sauf à titre exceptionnel pour le traitement de maladies mentales ou la prévention et la maîtrise de maladies transmissibles. De tels cas exceptionnels devraient être assujettis à des conditions précises et restrictives, dans le respect des meilleures pratiques établies et des normes internationales applicables, y compris les Principes pour la protection des personnes atteintes de maladie mentale et pour l’amélioration des soins de santé mentale. De plus, les États devraient s’abstenir de restreindre l’accès aux moyens de contraception et à d’autres éléments en rapport avec la santé sexuelle et génésique, de censurer, retenir ou déformer intentionnellement des informations relatives à la santé, y compris l’éducation et l’information sur la sexualité, ainsi que d’empêcher la participation de la population aux affaires en relation avec la santé. Les États devraient aussi s’abstenir de polluer de façon illicite l’air, l’eau et le sol, du fait par exemple d’émissions de déchets industriels par des installations appartenant à des entreprises publiques, d’employer des armes nucléaires, biologiques ou chimiques ou d’effectuer des essais à l’aide de telles armes si ces essais aboutissent au rejet de substances présentant un danger pour la santé humaine, et de restreindre à titre punitif l’accès aux services de santé, par exemple en temps de conflit armé, ce en violation du droit international humanitaire.

35.L’obligation de protéger le droit à la santé englobe, entre autres, les devoirs incombant à l’État d’adopter une législation ou de prendre d’autres mesures destinées à assurer l’égalité d’accès aux soins de santé et aux soins en rapport avec la santé fournis par des tiers, de veiller à ce que la privatisation du secteur de la santé n’hypothèque pas la disponibilité, l’accessibilité, l’acceptabilité et la qualité des équipements, produits et services sanitaires, de contrôler la commercialisation de matériel médical et de médicaments par des tiers et de faire en sorte que les praticiens et autres professionnels de la santé possèdent la formation et les aptitudes requises et observent des codes de déontologie appropriés. Les États sont également tenus de veiller à ce que des pratiques sociales ou traditionnelles nocives n’interfèrent pas avec l’accès aux soins pré et postnatals et à la planification familiale, d’empêcher que des tiers imposent aux femmes des pratiques traditionnelles, par exemple du type mutilations génitales, et de prendre des mesures destinées à protéger tous les groupes vulnérables ou marginalisés de la société, en particulier les femmes, les enfants, les adolescents et les personnes âgées, compte tenu de la plus grande vulnérabilité du sexe féminin à la violence. Les États devraient veiller à ce qu’aucun tiers ne limite l’accès de la population à l’information relative à la santé et aux services de santé.

36.L’obligation de mettre en œuvre le droit à la santé requiert des États parties, entre autres, de lui faire une place suffisante dans le système politique et juridique national (de préférence par l’adoption d’un texte législatif) et de se doter d’une politique nationale de la santé comprenant un plan détaillé tendant à lui donner effet. Les États sont tenus d’assurer la fourniture de soins de santé, dont la mise en œuvre de programmes de vaccination contre les grandes maladies infectieuses, et de garantir l’égalité d’accès à tous les éléments déterminants de la santé tels qu’une alimentation sûre sur le plan nutritif et de l’eau potable, un assainissement minimum et des conditions de logement et de vie convenables. Les infrastructures de santé publiques devraient assurer la prestation de services liés à la santé sexuelle et génésique, notamment une maternité sans risques, y compris dans les zones rurales. Les États doivent veiller à ce que les médecins et les autres personnels médicaux suivent une formation appropriée et à ce que le nombre des hôpitaux, des dispensaires et des autres établissements en relation avec la santé soient suffisants, ainsi que promouvoir et soutenir la création d’institutions chargées de fournir des services de conseil et de santé mentale, en veillant à ce qu’elles soient équitablement réparties dans l’ensemble du pays. Parmi les autres obligations figure celle d’instituer un système d’assurance santé (public, privé ou mixte) abordable pour tous, de promouvoir la recherche médicale et l’éducation sanitaire ainsi que la mise en œuvre de campagnes d’information, concernant en particulier le VIH/sida, la santé sexuelle et génésique, les pratiques traditionnelles, la violence domestique, l’abus d’alcool et la consommation de cigarettes, de drogues et d’autres substances nocives. Les États sont également tenus d’adopter des mesures contre les dangers pesant sur l’hygiène du milieu et du travail et contre toute autre menace mise en évidence par des données épidémiologiques. À cet effet, ils devraient élaborer et mettre en œuvre des politiques nationales visant à réduire et à éliminer la pollution de l’air, de l’eau et du sol, y compris la pollution par des métaux lourds tels que le plomb provenant de l’essence. Par ailleurs, les États parties se doivent de définir, de mettre en application et de réexaminer périodiquement une politique nationale cohérente en vue de réduire au minimum les risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles, et de prévoir une politique nationale cohérente en matière de sécurité et de médecine du travail.

37.L’obligation de faciliter l’exercice du droit à la santé requiert des États qu’ils prennent des mesures concrètes permettant aux particuliers et aux communautés de jouir du droit à la santé et les aider à le faire. Les États parties sont également tenus d’assurer l’exercice d’un droit donné énoncé dans le Pacte lorsqu’un particulier ou un groupe de particuliers sont incapables, pour des raisons échappant à leur contrôle, d’exercer ce droit avec les moyens dont ils disposent. L’obligation de promouvoir le droit à la santé requiert de l’État qu’il mène des actions tendant à assurer, maintenir ou rétablir la santé de la population. De cette obligation découlent donc les suivantes: i) améliorer la connaissance des facteurs favorisant l’obtention de résultats positifs en matière de santé, c’est‑à‑dire appuyer la recherche et la diffusion d’informations; ii) veiller à ce que les services de santé soient adaptés au contexte culturel et que le personnel dispensant les soins de santé reçoive une formation lui permettant de déterminer et de satisfaire les besoins particuliers de groupes vulnérables ou marginalisés; iii) honorer les obligations qui incombent à l’État s’agissant de diffuser une information appropriée sur les modes de vie sains et une nutrition saine, les pratiques traditionnelles nocives et la disponibilité des services; iv) aider les intéressés à faire des choix en connaissance de cause dans le domaine de la santé.

Obligations internationales

38.Dans son Observation générale no 3, le Comité a appelé l’attention sur l’obligation faite à tous les États parties d’agir, tant par leur effort propre que par l’assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique, en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le Pacte, dont le droit à la santé. Dans l’esprit de l’article 56 de la Charte des Nations Unies, des dispositions spécifiques du Pacte (art. 2, par. 1, et art. 12, 22 et 23) et de la Déclaration d’Alma‑Ata sur les soins de santé primaires, les États parties devraient reconnaître le rôle essentiel de la coopération internationale et honorer leur engagement de prendre conjointement et séparément des mesures pour assurer la pleine réalisation du droit à la santé. À cet égard, les États parties sont renvoyés à la Déclaration d’Alma‑Ata qui affirme que les inégalités flagrantes dans la situation sanitaire des peuples, aussi bien entre pays développés et pays en développement qu’à l’intérieur même des pays, sont politiquement, socialement et économiquement inacceptables et constituent de ce fait un sujet de préoccupation commun à tous les pays.

39.Pour s’acquitter des obligations internationales leur incombant au titre de l’article 12, les États parties doivent respecter l’exercice du droit à la santé dans les autres pays et empêcher tout tiers de violer ce droit dans d’autres pays s’ils sont à même d’influer sur ce tiers en usant de moyens d’ordre juridique ou politique compatibles avec la Charte des Nations Unies et le droit international applicable. Eu égard aux ressources disponibles, les États parties devraient faciliter l’accès aux soins, services et biens sanitaires essentiels dans la mesure du possible et fournir, au besoin, l’aide nécessaire. Les États parties devraient veiller à ce que le droit à la santé bénéficie de l’attention voulue dans les accords internationaux et, à cette fin, devraient envisager l’élaboration de nouveaux instruments juridiques. Concernant la conclusion d’autres accords internationaux, les États parties devraient s’assurer que ces instruments ne portent pas atteinte au droit à la santé. De même, les États parties sont tenus de veiller à ce que les mesures qu’ils prennent en tant que membres d’organisations internationales tiennent dûment compte du droit à la santé. En conséquence, les États parties qui sont membres d’institutions financières internationales, notamment du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale et de banques régionales de développement, devraient porter une plus grande attention à la protection du droit à la santé et infléchir dans ce sens la politique de prêt, les accords de crédit ainsi que les mesures internationales de ces institutions.

40.Conformément à la Charte des Nations Unies et aux résolutions pertinentes de l’Assemblée générale des Nations Unies et de l’Assemblée mondiale de la santé, les États sont investis collectivement et individuellement de la responsabilité de coopérer aux fins de la fourniture de secours en cas de catastrophe et d’une assistance humanitaire en temps d’urgence, y compris l’assistance aux réfugiés et aux déplacés. Chaque État devrait contribuer à cette entreprise au maximum de ses capacités. En matière d’aide médicale internationale, de distribution et de gestion des ressources (eau salubre et potable, vivres, fournitures médicales, etc.) et d’aide financière, la priorité devrait être donnée aux groupes les plus vulnérables ou les plus marginalisés de la population. Par ailleurs, vu que certaines maladies sont aisément transmissibles au‑delà des frontières d’un État, la communauté internationale doit collectivement s’atteler à ce problème. Il est, en particulier, de la responsabilité et de l’intérêt des États parties économiquement développés d’aider à cet égard les États en développement plus démunis.

41.Les États parties devraient en toutes circonstances s’abstenir d’imposer un embargo ou des mesures restrictives du même ordre sur l’approvisionnement d’un autre État en médicaments et matériel médical. Les fournitures de biens de ce type ne devraient jamais servir d’instrument de pression politique ou économique. À cet égard, le Comité rappelle la position qu’il a exprimée dans son Observation générale no 8 au sujet de la relation entre les sanctions économiques et le respect des droits économiques, sociaux et culturels.

42.Seuls des États peuvent être parties au Pacte et donc assumer en fin de compte la responsabilité de le respecter, mais tous les membres de la société − les particuliers (dont les professionnels de la santé), les familles, les communautés locales, les organisations intergouvernementales et non gouvernementales, les organisations représentatives de la société civile et le secteur des entreprises privées − ont une part de responsabilité dans la réalisation du droit à la santé. Les États parties devraient donc instaurer un environnement propre à faciliter l’exercice de ces responsabilités.

Obligations fondamentales

43.Dans l’Observation générale no 3, le Comité confirme que les États parties ont l’obligation fondamentale minimum d’assurer, au moins, la satisfaction de l’essentiel de chacun des droits énoncés dans le Pacte, notamment les soins de santé primaires essentiels. Interprétée à la lumière d’instruments plus contemporains tels que le Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement, la Déclaration d’Alma‑Ata définit des orientations décisives au sujet des obligations fondamentales découlant de l’article 12. De l’avis du Comité, il s’agit au minimum:

a)De garantir le droit d’avoir accès aux équipements, produits et services sanitaires sans discrimination aucune, notamment pour les groupes vulnérables ou marginalisés;

b)D’assurer l’accès à une alimentation essentielle minimale qui soit suffisante et sûre sur le plan nutritionnel, pour libérer chacun de la faim;

c)D’assurer l’accès à des moyens élémentaires d’hébergement, de logement et d’assainissement et à un approvisionnement suffisant en eau salubre et potable;

d)De fournir les médicaments essentiels, tels qu’ils sont définis périodiquement dans le cadre du Programme d’action de l’OMS pour les médicaments essentiels;

e)De veiller à une répartition équitable de tous les équipements, produits et services sanitaires;

f)D’adopter et de mettre en œuvre au niveau national une stratégie et un plan d’action en matière de santé publique, reposant sur des données épidémiologiques et répondant aux préoccupations de l’ensemble de la population dans le domaine de la santé; cette stratégie et ce plan d’action seront mis au point et examinés périodiquement dans le cadre d’un processus participatif et transparent; ils comprendront des méthodes (telles que le droit à des indicateurs et des critères de santé) permettant de surveiller de près les progrès accomplis; la mise au point de la stratégie et du plan d’action, de même que leur contenu, doivent accorder une attention particulière à tous les groupes vulnérables ou marginalisés.

44.Le Comité confirme également que les obligations ci‑après sont tout aussi prioritaires:

a)Offrir des soins de santé génésique, maternelle (pré et postnatales) et infantile;

b)Vacciner la communauté contre les principales maladies infectieuses;

c)Prendre des mesures pour prévenir, traiter et maîtriser les maladies épidémiques et endémiques;

d)Assurer une éducation et un accès à l’information sur les principaux problèmes de santé de la communauté, y compris des méthodes visant à les prévenir et à les maîtriser;

e)Assurer une formation appropriée au personnel de santé, notamment sur le droit à la santé et les droits de l’homme.

45.Pour qu’il n’y ait aucun doute à ce sujet, le Comité tient à souligner qu’il incombe tout particulièrement aux États parties et aux autres intervenants en mesure d’apporter leur concours de fournir «l’assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique», nécessaires pour permettre aux pays en développement d’honorer les obligations fondamentales et autres mentionnées aux paragraphes 43 et 44 ci‑dessus.

3. Manquements aux obligations

46.Quand le contenu normatif de l’article 12 (sect. I) est appliqué aux obligations des États parties (sect. II), un processus dynamique est mis en branle qui permet de mettre plus facilement en évidence les atteintes au droit à la santé. On trouvera ci‑après des exemples d’infractions à l’article 12.

47.Pour déterminer quelles actions ou omissions constituent une atteinte au droit à la santé, il importe d’établir chez l’État partie qui ne s’acquitte pas des obligations lui incombant au titre de l’article 12, une distinction entre l’incapacité et le manque de volonté. Ce constat découle du paragraphe 1 de l’article 12 qui parle du meilleur état de santé que l’individu puisse atteindre, ainsi que du paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte, lequel fait obligation à chaque État partie de prendre les mesures nécessaires «au maximum de ses ressources disponibles». Un État dépourvu de la volonté d’utiliser au maximum les ressources à sa disposition pour donner effet au droit à la santé manque par conséquent aux obligations lui incombant en vertu de l’article 12. Si c’est la pénurie de ressources qui met un État dans l’impossibilité de se conformer aux obligations découlant du Pacte, l’État a alors la charge de démontrer qu’il n’a négligé aucun effort pour exploiter toutes les ressources à sa disposition en vue de s’acquitter à titre prioritaire des obligations indiquées ci‑dessus. Il convient toutefois de souligner qu’un État partie ne peut absolument dans aucun cas justifier l’inexécution des obligations fondamentales énoncées au paragraphe 43 ci‑dessus auxquelles il est impossible de déroger.

48.Les atteintes au droit à la santé peuvent être le fait d’une action directe, soit de l’État soit de diverses entités insuffisamment contrôlées par l’État. L’adoption de toute mesure rétrograde incompatible avec les obligations fondamentales relevant du droit à la santé qui sont indiquées au paragraphe 43 ci‑dessus constitue une atteinte au droit à la santé. Les manquements par la voie de la commission d’actes englobent dès lors: l’abrogation ou la suspension officielle de la législation qui est nécessaire pour continuer d’exercer le droit à la santé ou l’adoption de lois ou de politiques manifestement incompatibles avec des obligations juridiques préexistantes de caractère interne ou international ayant trait au droit à la santé.

49.L’État peut également porter atteinte au droit à la santé en omettant ou en refusant de prendre des mesures indispensables découlant d’obligations juridiques. Parmi les atteintes par omission figurent celles‑ci: le fait pour un État de ne pas prendre les mesures voulues pour assurer la pleine réalisation du droit de chacun de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, le fait de ne pas adopter de politique nationale concernant la sécurité et la santé des travailleurs ainsi que les services de la médecine du travail, et le fait de ne pas assurer l’application des lois pertinentes.

Manquements à l’obligation de respecter

50.L’État peut se soustraire à l’obligation de respecter par des actions, des politiques ou bien des lois contraires aux normes énoncées à l’article 12 du Pacte et susceptibles de provoquer des atteintes à l’intégrité physique, une morbidité inutile et une mortalité qu’il serait possible de prévenir. On peut citer à titre d’exemple le déni d’accès aux équipements sanitaires et aux divers autres biens et services en rapport avec la santé dont sont victimes certains individus ou groupes sous l’effet d’une discrimination de jure ou de facto; la rétention ou la déformation délibérée d’informations qui sont cruciales quand il s’agit de protéger la santé ou d’adopter une démarche thérapeutique; la suspension de la législation en vigueur ou l’adoption de lois ou de politiques qui font obstacle à l’exercice de l’une quelconque des composantes du droit à la santé; le fait pour l’État de ne pas tenir compte des obligations juridiques qui lui incombent quant au droit à la santé lors de la conclusion d’accords bilatéraux ou multilatéraux avec d’autres États, avec des organisations internationales ou avec d’autres entités telles que des sociétés multinationales.

Manquements de l’obligation de protéger

51.L’État peut enfreindre l’obligation de protéger quand il s’abstient de prendre toutes les mesures voulues pour protéger les personnes relevant de sa juridiction contre des atteintes au droit à la santé imputables à des tiers. Dans cette catégorie de manquements entrent certaines omissions, comme le fait de ne pas réglementer l’activité de particuliers, de groupes ou de sociétés aux fins de les empêcher de porter atteinte au droit à la santé d’autrui; le fait de ne pas protéger les consommateurs et les travailleurs contre des pratiques nocives pour la santé, par exemple de la part des employeurs ou des fabricants de médicaments ou de produits alimentaires; le fait de ne pas décourager la production, la commercialisation et la consommation de tabac, de stupéfiants et d’autres substances nocives; le fait de ne pas protéger les femmes contre les violences dirigées contre elles ou de ne pas poursuivre les auteurs de violences; le fait de ne pas décourager le maintien en vigueur de certaines pratiques médicales ou culturelles traditionnelles qui sont nocives; et le fait de ne pas adopter de lois ou de ne pas assurer l’application de lois destinées à empêcher la pollution de l’eau, de l’atmosphère et des sols par les industries extractives et manufacturières.

Manquements à l’obligation de mettre en œuvre

52.L’État partie manque à l’obligation de mettre le droit à la santé en œuvre quand il s’abstient de prendre toutes les mesures voulues pour garantir la réalisation de ce droit. Nous citerons à titre d’exemple le fait de ne pas adopter ou de ne pas mettre en œuvre une politique nationale de la santé destinée à garantir à chacun la réalisation de ce droit; le fait d’affecter à la santé un budget insuffisant ou de répartir à mauvais escient les ressources publiques de telle sorte qu’il sera impossible à certains individus ou certains groupes d’exercer leur droit à la santé, tout particulièrement les éléments vulnérables ou marginalisés de la population; le fait de ne pas contrôler la réalisation du droit à la santé à l’échelle nationale, comme l’État pourrait le faire, par exemple, en définissant des indicateurs et des critères permettant de vérifier si le droit à la santé est exercé; le fait de s’abstenir de prendre les mesures voulues pour remédier à une répartition inéquitable des équipements, des biens et des services médicaux; le fait de ne pas adopter, dans le domaine de la santé, une approche qui tienne compte des distinctions de sexe; et le fait de ne pas réduire les taux de mortalité infantile et maternelle.

4. Mise en œuvre à l’échelon national

Une législation ‑cadre

53.Les mesures les mieux adaptées qu’il soit possible de prendre pour donner effet au droit à la santé vont nécessairement être très variables d’un pays à l’autre. Chaque État est doté d’une marge d’appréciation discrétionnaire quand il décide quelles mesures sont effectivement les mieux adaptées à sa situation particulière. Mais le Pacte impose clairement à chaque État le devoir de prendre toutes dispositions nécessaires pour faire en sorte que chaque individu ait accès aux équipements, aux biens et aux services de santé et puisse jouir dans les meilleurs délais du meilleur état de santé physique et mentale qu’il puisse atteindre. D’où la nécessité d’adopter à l’échelle nationale une stratégie visant à assurer à tous l’exercice du droit à la santé, les objectifs de ladite stratégie étant définis à partir des principes relatifs aux droits de l’homme, et la nécessité en outre de définir des politiques ainsi que des indicateurs et des critères permettant de mesurer l’exercice du droit à la santé. Cette stratégie nationale impose également de définir les ressources dont l’État est doté pour atteindre les objectifs définis ainsi que le mode d’utilisation desdites ressources qui présente le meilleur rapport coût‑efficacité.

54.L’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie et d’un plan d’action national en matière de santé doivent tout particulièrement respecter les principes de non‑discrimination et de participation populaire. Il faut notamment que le droit des individus et des groupes à participer à la prise de décisions susceptibles d’orienter leur développement fasse partie intégrante de toute politique, de tout programme ou de toute stratégie ayant pour objet de donner effet aux obligations incombant à l’État au titre de l’article 12. Promouvoir la santé passe nécessairement par l’association effective de la collectivité à la définition des priorités, à la prise de décisions, à la planification, à la mise en œuvre et à l’évaluation de la stratégie visant à améliorer la situation en matière de santé. Il n’est possible de mettre en place de bons services de santé que si l’État s’assure à cette fin de la participation de la population.

55.La stratégie nationale de la santé devrait en outre reposer sur les principes de la responsabilité, de la transparence et de l’indépendance de la magistrature, puisqu’une bonne gestion des affaires publiques est indispensable à l’exercice effectif de l’ensemble des droits de l’homme, dont le droit à la santé. Pour instaurer un climat favorable à l’exercice de ce droit, il faut que les États parties prennent des mesures appropriées pour faire en sorte que le secteur de l’entreprise privée tout comme la société civile prennent conscience du droit à la santé dans l’exercice de leurs activités et de l’importance qu’il convient de lui accorder.

56.Les États devraient envisager d’adopter une loi‑cadre pour assurer la mise en train de leur stratégie nationale relative au droit à la santé. Cette loi‑cadre devrait instituer des mécanismes nationaux de contrôle de la mise en œuvre de la stratégie et du plan d’action national en matière de santé. Elle devrait contenir des dispositions sur les objectifs chiffrés à atteindre et le calendrier d’exécution; sur les moyens permettant de respecter les critères fixés sur le plan national; sur la collaboration à instaurer avec la société civile, y compris les experts des questions de santé, avec le secteur privé et avec les organisations internationales; la loi‑cadre doit également dire où se situe la responsabilité institutionnelle de la mise en œuvre de la stratégie nationale et du plan d’action adoptés et indiquer les procédures de recours possibles. Lorsqu’ils surveillent les progrès accomplis sur la voie de la réalisation du droit à la santé, les États parties doivent aussi déterminer quels éléments et quelles difficultés les gênent dans l’exécution de leurs obligations.

Indicateurs et critères concernant l’exercice du droit à la santé

57.Toute stratégie nationale de la santé doit définir des indicateurs et des critères relatifs à l’exercice du droit à la santé. Les indicateurs doivent être conçus pour permettre de suivre à l’échelle nationale comme à l’échelle internationale comment l’État partie s’acquitte des obligations lui incombant au titre de l’article 12. Les États peuvent savoir quels sont les indicateurs les mieux adaptés, qui devront nécessairement concerner différents aspects du droit à la santé, en puisant dans les travaux en cours de l’OMS et de l’UNICEF dans ce domaine. Les indicateurs à retenir imposent de ventiler les données en fonction des motifs de discrimination qui sont proscrits.

58.Une fois qu’ils auront défini des indicateurs bien adaptés, les États parties sont invités à définir en outre à l’échelle nationale des critères liés à chaque indicateur. Pendant l’examen du rapport périodique, le Comité procédera à une sorte d’étude de portée avec l’État partie. C’est‑à‑dire que le Comité et l’État partie examineront ensemble les indicateurs et les critères nationaux qui vont dire quels objectifs il faudra atteindre au cours de la période faisant l’objet du rapport suivant. Et pendant les cinq années qui suivront, l’État partie se servira de ces critères nationaux pour mieux contrôler l’application de l’article 12 telle qu’il l’assure. Puis, lors de l’examen du rapport ultérieur, l’État partie et le Comité verront si les critères ont été ou non remplis et pour quelles raisons des difficultés ont peut‑être surgi.

Recours et responsabilité

59.Toute personne ou groupe victime d’une atteinte au droit à la santé doit avoir accès à des recours effectifs, judiciaires ou autres, à l’échelle nationale et internationale. Toutes les victimes d’atteintes à ce droit sont nécessairement fondées à recevoir une réparation adéquate, sous forme de restitution, indemnisation, satisfaction ou garantie de non‑répétition. Sur le plan national, ce sont les commissions des droits de l’homme, les associations de consommateurs, les associations de défense des malades ou d’autres institutions de cette nature qu’il faut saisir des atteintes au droit à la santé.

60.L’intégration à l’ordre juridique interne d’instruments internationaux consacrant le droit à la santé peut élargir sensiblement le champ d’application et renforcer l’efficacité des mesures de réparation et il faut donc encourager dans tous les cas ladite intégration. Celle‑ci donne aux tribunaux la compétence voulue pour se prononcer sur les atteintes au droit à la santé, ou tout au moins sur ses obligations essentielles, en invoquant directement le Pacte.

61.Les États parties devraient encourager les magistrats et tous les autres professionnels de la justice à s’intéresser davantage, dans l’exercice de leurs fonctions, aux atteintes au droit à la santé.

62.Les États parties devraient respecter, protéger, faciliter et promouvoir le travail des défenseurs des droits de l’homme et autres membres de la société civile afin d’aider les groupes vulnérables ou marginalisés à réaliser leur droit à la santé.

5. Les obligations d’autres acteurs que les États parties

63.Le rôle imparti aux organismes et aux programmes des Nations Unies, en particulier la fonction clef attribuée à l’OMS dans la réalisation du droit à la santé à l’échelle internationale, régionale et nationale, revêt une importance particulière, de même que la fonction de l’UNICEF en ce qui concerne le droit à la santé des enfants. Quand ils élaborent et mettent en œuvre leur stratégie nationale concernant l’exercice du droit à la santé, les États parties devraient tirer avantage de l’assistance technique et de la coopération de l’OMS. En outre, quand ils établissent leurs rapports, les États parties devraient exploiter les informations exhaustives et les services consultatifs disponibles auprès de l’OMS aux fins de la collecte et de la ventilation des données ainsi que de la définition d’indicateurs et de critères concernant le droit à la santé.

64.En outre, il y a lieu de continuer à mener une action coordonnée aux fins de la réalisation du droit à la santé pour renforcer l’interaction entre tous les acteurs intéressés, y compris les diverses composantes de la société civile. Conformément aux articles 22 et 23 du Pacte, il faut que l’OMS, l’Organisation internationale du Travail, le Programme des Nations Unies pour le développement, l’UNICEF, le Fonds des Nations Unies pour la population, la Banque mondiale, les banques régionales de développement, le Fonds monétaire international, l’Organisation mondiale du commerce ainsi que les autres organes compétents du système des Nations Unies coopèrent efficacement avec les États parties en mettant à profit leurs compétences respectives pour faciliter la mise en œuvre du droit à la santé à l’échelle nationale, sous réserve que le mandat propre à chaque organisme soit dûment respecté. En particulier, les institutions financières internationales, notamment la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, devraient s’attacher davantage à protéger le droit à la santé dans le cadre de leur politique de prêt, de leurs accords de crédit et de leurs programmes d’ajustement structurel. Quand il examine le rapport des États parties et vérifie si ces pays sont en mesure de s’acquitter des obligations leur incombant en vertu de l’article 12, le Comité devra recenser les effets de l’assistance apportée par tous les autres acteurs. L’adoption par les institutions spécialisées, les programmes et les organes des Nations Unies d’une approche s’inspirant de la défense des droits de l’homme facilitera considérablement la mise en œuvre du droit à la santé. Dans le cadre de l’examen des rapports des États parties, le Comité étudiera également le rôle que jouent les associations professionnelles et autres organisations non gouvernementales du secteur de la santé pour aider les États à s’acquitter des obligations leur incombant en vertu de l’article 12.

65.Le rôle de l’OMS, du Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, du Comité international de la Croix‑Rouge/du Croissant‑Rouge et de l’UNICEF ainsi que des organisations non gouvernementales et des associations médicales nationales revêt une importance particulière quand il s’agit de fournir des secours en cas de catastrophe et d’apporter une assistance humanitaire dans les situations d’urgence, y compris une assistance aux réfugiés et aux personnes déplacées dans leur propre pays. Sur le plan international, en matière d’aide médicale, de répartition et de gestion des ressources, s’agissant par exemple d’eau potable, de denrées alimentaires et de fournitures médicales, et en matière d’aide financière, il convient d’accorder la priorité aux groupes les plus vulnérables ou aux groupes marginalisés de la population.

Adoptée le 11 mai 2000.

Vingt ‑neuvième session (2002)

Observation générale n o  15: Le droit à l’eau (art. 11 et 12 du Pacte)

I. Introduction

1.L’eau est une ressource naturelle limitée et un bien public; elle est essentielle à la vie et à la santé. Le droit à l’eau est indispensable pour mener une vie digne. Il est une condition préalable à la réalisation des autres droits de l’homme. Le Comité ne cesse de constater que l’exercice du droit à l’eau est largement dénié tant dans les pays en développement que dans les pays développés. Plus d’un milliard de personnes ne bénéficient pas d’un approvisionnement élémentaire en eau, et plusieurs milliards de personnes n’ont pas accès à un assainissement adéquat, ce qui est la première cause de pollution de l’eau et de transmission de maladies d’origine hydrique. La tendance persistante à la contamination de l’eau, à l’épuisement des ressources en eau et à leur répartition inégale exacerbe la pauvreté. Les États parties doivent adopter des mesures effectives pour garantir l’exercice du droit à l’eau sans discrimination, conformément aux dispositions de la présente Observation générale.

Fondements juridiques du droit à l’eau

2.Le droit à l’eau consiste en un approvisionnement suffisant, physiquement accessible et à un coût abordable, d’une eau salubre et de qualité acceptable pour les usages personnels et domestiques de chacun. Une quantité adéquate d’eau salubre est nécessaire pour prévenir la mortalité due à la déshydratation et pour réduire le risque de transmission de maladies d’origine hydrique ainsi que pour la consommation, la cuisine et l’hygiène personnelle et domestique.

3.L’article 11, paragraphe 1, du Pacte énonce un certain nombre de droits qui découlent du droit à un niveau de vie suffisant − «y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants» − et qui sont indispensables à sa réalisation. L’emploi de l’expression «y compris» indique que ce catalogue de droits n’entendait pas être exhaustif. Le droit à l’eau fait clairement partie des garanties fondamentales pour assurer un niveau de vie suffisant, d’autant que l’eau est l’un des éléments les plus essentiels à la survie. Enoutre, le Comité a déjà reconnu que l’eau est un droit fondamental visé par le paragraphe 1 de l’article 11 (voir l’Observation générale no 6 (1995)). Le droit à l’eau est aussi inextricablement lié au droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint (art. 12, par. 1) et aux droits à une nourriture et à un logement suffisants (art. 11, par. 1). Il devrait également être considéré conjointement avec les autres droits consacrés dans la Charte internationale des droits de l’homme, et d’abord le droit à la vie et à la dignité.

4.Le droit à l’eau a été reconnu dans de nombreux documents internationaux, y compris des traités, déclarations et autres textes normatifs. Par exemple, l’article 14, paragraphe 2, de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes dispose que les États parties doivent assurer aux femmes le droit de «bénéficier de conditions de vie convenables, notamment en ce qui concerne [...] l’approvisionnement [...] en eau». L’article 24, paragraphe 2, de la Convention relative aux droits de l’enfant fait obligation aux États parties de lutter contre la maladie et la malnutrition grâce «à la fourniture d’aliments nutritifs et d’eau potable».

5.Le Comité aborde systématiquement la question du droit à l’eau lorsqu’il examine les rapports des États parties au regard de ses directives générales révisées concernant la forme et le contenu des rapports que les États parties doivent présenter conformément aux articles 16 et 17 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que ses observations générales.

6.L’eau est nécessaire à des fins diverses, outre les usages personnels et domestiques, pour la réalisation de nombreux droits énoncés dans le Pacte, par exemple, pour la production alimentaire (droit à une nourriture suffisante) et pour l’hygiène du milieu (droit à la santé). Elle est essentielle pour obtenir des moyens de subsistance (droit de gagner sa vie par le travail) et pour exercer certaines pratiques culturelles (droit de participer à la vie culturelle). Néanmoins, les ressources en eau doivent être affectées en priorité aux usages personnels et domestiques. La priorité devrait aussi être donnée à la prévention de la faim et des maladies, ainsi qu’au respect des obligations fondamentales découlant de chacun des droits inscrits dans le Pacte.

L’eau et les droits énoncés dans le Pacte

7.Le Comité note qu’il importe d’assurer un accès durable aux ressources en eau pour l’agriculture afin de réaliser le droit à une nourriture suffisante (voir l’Observation générale no 12 (1999)). Il faut veiller à ce que les agriculteurs défavorisés et marginalisés, y compris les femmes, aient accès, dans des conditions équitables, à l’eau et aux systèmes de gestion de l’eau, notamment aux techniques durables de récupération des eaux de pluie et d’irrigation. Compte tenu de l’obligation faite à l’article premier, paragraphe 2, du Pacte, qui dispose qu’en aucun cas, un peuple ne pourra «être privé de ses propres moyens de subsistance», les États parties devraient garantir un approvisionnement en eau adéquat pour l’agriculture de subsistance et pour la sauvegarde des moyens de subsistance des peuples autochtones.

8.L’hygiène du milieu, en tant qu’élément du droit à la santé consacré à l’alinéa b du paragraphe 2 de l’article 12 du Pacte, implique qu’il soit pris des mesures, sans discrimination, afin de prévenir les risques pour la santé dus à une eau insalubre et toxique. Par exemple, les États parties devraient veiller à ce que les ressources naturelles en eau soient protégées d’une contamination par des substances nocives et des microbes pathogènes. De même, les États parties devraient surveiller les cas où des écosystèmes aquatiques infestés de vecteurs de maladies constituent un risque pour l’habitat humain et prendre des mesures pour y remédier.

9.Afin d’aider les États parties à mettre en œuvre le Pacte et à s’acquitter de leurs obligations en matière d’établissement de rapports, la présente Observation générale porte sur le contenu normatif du droit à l’eau en vertu des articles 11, paragraphe 1, et 12 (sect. II), sur les obligations des États parties (sect. III), sur les manquements à ces obligations (sect. IV), sur la mise en œuvre à l’échelon national (sect. V) et sur les obligations des acteurs autres que les États parties (sect. VI).

II. Contenu normatif du droit

10.Le droit à l’eau consiste en des libertés et des droits. Parmi les premières figurent le droit d’accès ininterrompu à l’approvisionnement en eau nécessaire pour exercer le droit à l’eau, et le droit de ne pas subir d’entraves, notamment une interruption arbitraire de l’approvisionnement et d’avoir accès à une eau non contaminée. Par contre, les seconds correspondent au droit d’avoir accès à un système d’approvisionnement et de gestion qui donne à chacun la possibilité d’exercer, dans des conditions d’égalité, le droit à l’eau.

11.Les éléments constitutifs du droit à l’eau doivent être adéquats au regard de la dignité humaine, de la vie et de la santé, conformément aux articles 11, paragraphe 1, et 12 du Pacte. La notion d’approvisionnement en eau adéquat doit être interprétée d’une manière compatible avec la dignité humaine, et non au sens étroit, en faisant simplement référence à des critères de volume et à des aspects techniques. L’eau devrait être considérée comme un bien social et culturel et non essentiellement comme un bien économique. Le droit à l’eau doit aussi être exercé dans des conditions de durabilité, afin que les générations actuelles et futures puissent en bénéficier.

12.Si la notion d’approvisionnement en eau adéquat varie en fonction des situations, les facteurs ci‑après sont pertinents quelles que soient les circonstances:

a)Disponibilité. L’eau disponible pour chaque personne doit être suffisante et constante pour les usages personnels et domestiques, qui sont normalement la consommation, l’assainissement individuel, le lavage du linge, la préparation des aliments ainsi que l’hygiène personnelle et domestique. La quantité d’eau disponible pour chacun devrait correspondre aux directives de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il existe des groupes ou des particuliers qui ont besoin d’eau en quantité plus importante pour des raisons liées à la santé, au climat ou au travail;

b)Qualité. L’eau nécessaire pour chaque usage personnel et domestique doit être salubre et donc exempte de microbes, de substances chimiques et de risques radiologiques qui constituent une menace pour la santé. En outre, l’eau doit avoir une couleur, une odeur et un goût acceptables pour chaque usage personnel ou domestique;

c)Accessibilité. L’eau, les installations et les services doivent être accessibles, sans discrimination, à toute personne relevant de la juridiction de l’État partie. L’accessibilité comporte quatre dimensions qui se recoupent:

i)Accessibilité physique: l’eau ainsi que les installations et services adéquats doivent être physiquement accessibles sans danger pour toutes les couches de la population. Chacun doit avoir accès à une eau salubre, de qualité acceptable et en quantité suffisante au foyer, dans les établissements d’enseignement et sur le lieu de travail, ou à proximité immédiate. Tous les équipements et services doivent être de qualité suffisante, culturellement adaptés et respectueux de la parité entre les sexes, du cycle de vie et de la vie privée. La sécurité physique des personnes qui ont accès à ces installations et services ne doit pas être menacée;

ii)Accessibilité économique: l’eau, les installations et les services doivent être d’un coût abordable pour tous. Les coûts directs et indirects qu’implique l’approvisionnement en eau doivent être raisonnables, et ils ne doivent pas compromettre ou menacer la réalisation des autres droits consacrés dans le Pacte;

iii)Non ‑discrimination: l’eau, les installations et les services doivent être accessibles à tous, en particulier aux couches de la population les plus vulnérables ou marginalisées, en droit et en fait, sans discrimination fondée sur l’un quelconque des motifs proscrits;

iv)Accessibilité de l’information: l’accessibilité correspond au droit de rechercher, de recevoir et de répandre des informations concernant les questions relatives à l’eau.

Thèmes spéciaux de portée générale

Non ‑discrimination et égalité

13.L’obligation qui incombe aux États parties de garantir que le droit à l’eau est exercé sans discrimination (art. 2, par. 2) et dans des conditions d’égalité entre les hommes et les femmes (art. 3) est contenue dans toutes les obligations découlant du Pacte. Celui‑ci interdit toute discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe, l’âge, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance, un handicap physique ou mental, l’état de santé (y compris l’infection par le VIH/sida), l’orientation sexuelle et la situation civile, politique, sociale ou autre, dont l’intention ou l’effet est d’infirmer le droit à l’eau ou d’en entraver l’exercice sur un pied d’égalité. Le Comité rappelle le paragraphe 12 de l’Observation générale nº 3 (1990) disposant que même en temps de grave pénurie de ressources, les éléments vulnérables de la société doivent être protégés grâce à la mise en œuvre de programmes spécifiques relativement peu coûteux.

14.Les États parties devraient agir pour éliminer toute discrimination de fait fondée sur des motifs interdits, qui prive des particuliers et des groupes des moyens ou des droits nécessaires pour exercer leur droit à l’eau. Ils devraient veiller à ce que l’allocation des ressources en eau et les investissements correspondants facilitent l’accès à l’eau de tous les membres de la société. Une mauvaise affectation des ressources peut aboutir à une discrimination qui n’est pas toujours manifeste. Par exemple, les investissements ne devraient pas privilégier de manière disproportionnée des services et équipements d’approvisionnement coûteux, qui souvent ne sont accessibles qu’à une frange fortunée de la population, plutôt que des services et des installations susceptibles de bénéficier à une proportion bien plus forte de la population.

15.S’agissant du droit à l’eau, les États parties ont en particulier l’obligation de fournir l’eau et les installations nécessaires à ceux qui ne disposent pas de moyens suffisants, et de prévenir toute discrimination fondée sur des motifs interdits par les instruments internationaux concernant la fourniture d’eau et des services correspondants.

16.Même si chacun a droit à l’eau, les États parties devraient prêter une attention spéciale aux particuliers et aux groupes qui ont traditionnellement des difficultés à exercer ce droit, notamment les femmes, les enfants, les groupes minoritaires, les peuples autochtones, les réfugiés, les demandeurs d’asile, les personnes déplacées dans leur propre pays, les travailleurs migrants ainsi que les prisonniers et les détenus. En particulier, les États parties devraient prendre des mesures pour garantir ce qui suit:

a)Les femmes ne doivent pas être exclues des processus de prise de décisions concernant les ressources en eau et les droits correspondants. Il faut alléger la charge excessive que représente pour elles l’obligation d’aller chercher de l’eau;

b)Les enfants ne doivent pas être privés de l’exercice de leurs droits fondamentaux à cause du manque d’eau potable en quantité suffisante à l’école et dans la famille ou de l’obligation d’aller chercher de l’eau. L’approvisionnement en eau adéquat des écoles qui ne disposent pas actuellement d’une eau potable en quantité suffisante devrait être assuré en priorité;

c)Les zones rurales et les zones urbaines déshéritées doivent disposer d’un système d’approvisionnement en eau convenablement entretenu. L’accès aux sources d’eau traditionnelles devrait être protégé des utilisations illégales et de la pollution. Les zones urbaines déshéritées, y compris les établissements humains non structurés, et les personnes sans abri devraient disposer d’un système d’approvisionnement en eau convenablement entretenu. Le droit à l’eau ne doit être dénié à aucun ménage en raison de sa situation en matière de logement ou du point de vue foncier;

d)L’accès des peuples autochtones aux ressources en eau sur leurs terres ancestrales doit être protégé de la pollution et des utilisations illégales. Les États devraient fournir aux peuples autochtones des ressources leur permettant de concevoir, d’assurer et de contrôler leur accès à l’eau;

e)Les communautés nomades et les gens du voyage doivent disposer d’un approvisionnement en eau adéquat dans leurs sites traditionnels ou à des haltes désignées;

f)Les réfugiés, les demandeurs d’asile, les personnes déplacées dans leur propre pays et celles qui retournent dans leur foyer doivent disposer d’un approvisionnement en eau adéquat, indépendamment du fait qu’ils vivent dans des camps ou dans des zones urbaines. Les réfugiés et les demandeurs d’asile doivent avoir accès à l’eau au même titre et dans les mêmes conditions que les nationaux;

g)Les prisonniers et les détenus doivent avoir accès à une eau salubre en quantité suffisante pour leurs besoins personnels quotidiens, compte tenu des dispositions du droit international humanitaire et de l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus;

h)Les groupes qui ont des difficultés à accéder physiquement à l’eau telles que les personnes âgées, les personnes handicapées, les victimes de catastrophes naturelles et les personnes qui vivent dans des zones sujettes à des catastrophes naturelles, dans des zones arides et semi‑arides ou sur de petites îles doivent disposer d’un approvisionnement en eau salubre en quantité suffisante.

III. Obligations des États parties

Obligations juridiques générales

17.Certes, le Pacte prévoit la réalisation progressive des droits qui y sont énoncés et prend en considération les contraintes dues à la limitation des ressources disponibles, mais il n’en impose pas moins aux États parties diverses obligations avec effet immédiat. Les États parties ont des obligations immédiates au regard du droit à l’eau: par exemple, celle de garantir son exercice sans discrimination (art. 2, par. 2) et celle d’agir (art. 2, par. 1) en vue d’assurer l’application pleine et entière des articles 11, paragraphe 1, et 12. Les mesures à prendre à cet effet doivent avoir un caractère délibéré et concret et viser au plein exercice du droit à l’eau.

18.Les États parties ont l’obligation constante et permanente d’avancer aussi rapidement et aussi efficacement que possible vers le plein exercice du droit à l’eau. L’exercice de ce droit, comme de tous les autres droits énoncés dans le Pacte, doit être possible et réalisable, puisque tous les États parties contrôlent un large éventail de ressources, y compris l’eau, la technologie, les ressources financières et l’aide internationale.

19.Tout laisse supposer que le Pacte interdit toute mesure rétrograde s’agissant du droit à l’eau. S’il prend une mesure délibérément rétrograde, l’État partie doit apporter la preuve qu’il l’a fait après avoir mûrement pesé toutes les autres solutions possibles et que cette mesure est pleinement justifiée eu égard à l’ensemble des droits visés dans le Pacte, et ce en utilisant au maximum les ressources disponibles.

Obligations juridiques spécifiques

20.Le droit à l’eau, comme tout droit fondamental, impose trois types d’obligations aux États parties: les obligations de respecter, de protéger et de mettre en œuvre.

a) Obligations de respecter

21.L’obligation de respecter requiert des États parties qu’ils s’abstiennent d’entraver directement ou indirectement l’exercice du droit à l’eau. L’État partie est notamment tenu de s’abstenir d’exercer une quelconque pratique ou activité qui consiste à refuser ou à restreindre l’accès en toute égalité à un approvisionnement en eau adéquat; de s’immiscer arbitrairement dans les arrangements coutumiers ou traditionnels de partage de l’eau; de limiter la quantité d’eau ou de polluer l’eau de façon illicite, du fait par exemple des déchets émis par des installations appartenant à des entreprises publiques ou de l’emploi et de l’essai d’armes; et de restreindre l’accès aux services et infrastructures ou de les détruire, à titre punitif, par exemple en temps de conflit armé en violation du droit international humanitaire.

22.Le Comité note que pendant les conflits armés, les situations d’urgence et les catastrophes naturelles, le droit à l’eau englobe les obligations qui incombent aux États parties en vertu du droit international humanitaire, notamment concernant la protection des biens indispensables à la survie de la population civile tels que les installations et réserves d’eau potable et les ouvrages d’irrigation, la protection du milieu naturel contre des dommages étendus, durables et graves, et la garantie que les civils, détenus et prisonniers disposent d’un approvisionnement en eau adéquat.

b) Obligations de protéger

23.L’obligation de protéger requiert des États parties qu’ils empêchent des tiers d’entraver de quelque manière que ce soit l’exercice du droit à l’eau. Il peut s’agir de particuliers, d’entreprises ou d’autres entités, ainsi que d’agents agissant sous leur autorité. Les États parties sont notamment tenus de prendre les mesures législatives et autres nécessaires et effectives pour empêcher, par exemple, des tiers de refuser l’accès en toute égalité à un approvisionnement en eau adéquat, et de polluer ou de capter de manière injuste les ressources en eau, y compris les sources naturelles, les puits et les systèmes de distribution d’eau.

24.Les États parties doivent veiller à ce que les tiers qui gèrent ou contrôlent les services (réseaux d’adduction d’eau, navires‑citernes, accès à des cours d’eau et à des puits, etc.) ne compromettent pas l’accès physique, à un coût abordable et sans discrimination, à une eau salubre et de qualité acceptable, en quantité suffisante. Pour prévenir ce type de violation, il faut mettre en place un système réglementaire efficace qui soit conforme au Pacte et à la présente Observation générale et qui assure un contrôle indépendant, une participation véritable de la population et l’imposition de sanctions en cas d’infraction.

c) Obligations de mettre en œuvre

25.L’obligation de mettre en œuvre se décompose en obligations de faciliter, de promouvoir et d’assurer. L’obligation de faciliter requiert de l’État qu’il prenne des mesures positives pour aider les particuliers et les communautés à exercer le droit à l’eau. L’obligation de promouvoir requiert de l’État partie qu’il mène des actions pour assurer la diffusion d’informations appropriées sur l’utilisation hygiénique de l’eau, la protection des sources d’eau et les méthodes propres à réduire le gaspillage. Les États parties sont également tenus de mettre en œuvre (assurer la réalisation de) ce droit lorsque des particuliers ou des groupes sont incapables, pour des raisons échappant à leur contrôle, de l’exercer eux‑mêmes avec leurs propres moyens.

26.L’obligation de mettre en œuvre requiert des États parties qu’ils adoptent les mesures nécessaires au plein exercice du droit à l’eau. Les États parties sont notamment tenus de faire une place suffisante à ce droit dans le système politique et juridique national, de préférence par l’adoption de mesures législatives; de se doter d’une stratégie et d’un plan d’action pour l’eau au niveau national afin de donner effet à ce droit; de veiller à ce que l’eau soit accessible à chacun à un coût abordable; et de faciliter un accès amélioré et durable à l’eau, en particulier dans les zones rurales et les zones urbaines déshéritées.

27.Pour s’assurer que le coût de l’eau est abordable, les États parties doivent adopter les mesures nécessaires, notamment: a) avoir recours à diverses techniques et technologies appropriées d’un coût raisonnable; b) pratiquer des politiques de prix appropriées prévoyant par exemple un approvisionnement en eau gratuit ou à moindre coût; et c) verser des compléments de revenu. Le prix des services doit être établi sur la base du principe de l’équité, pour faire en sorte que ces services, qu’ils soient fournis par des opérateurs publics ou privés, soient abordables pour tous, y compris pour les groupes socialement défavorisés. L’équité exige que l’eau ne représente pas une part excessive des dépenses des ménages les plus pauvres par rapport aux ménages plus aisés.

28.Les États parties devraient adopter des stratégies et programmes complets et intégrés en vue d’assurer aux générations actuelles et futures un approvisionnement suffisant en eau salubre. Ces stratégies et programmes peuvent notamment avoir pour objectifs de: a) lutter contre l’appauvrissement des ressources en eau dû à des captages, à des détournements et à l’établissement de barrages sans souci de durabilité; b) réduire et éliminer la contamination des bassins hydrographiques et des écosystèmes aquatiques par des substances telles que des éléments radioactifs, des produits chimiques nocifs et des excréta humains; c) surveiller les réserves d’eau; d) veiller à ce que les aménagements envisagés n’entravent pas un approvisionnement en eau adéquat; e) évaluer l’impact des actions qui sont susceptibles d’affecter la disponibilité de l’eau et les bassins hydrographiques des écosystèmes naturels, tels que les changements climatiques, la désertification et la salinité accrue du sol, la déforestation et la perte de biodiversité; f) développer l’utilisation rationnelle de l’eau par les consommateurs finals; g) réduire le gaspillage durant la distribution de l’eau; h) prévoir des mécanismes pour faire face aux situations d’urgence; et i) mettre en place des institutions compétentes et des mécanismes institutionnels appropriés pour exécuter ces stratégies et programmes.

29.Garantir l’accès à un assainissement adéquat est non seulement fondamental pour le respect de la dignité humaine et de la vie privée, mais constitue aussi un des principaux moyens de protéger la qualité de l’approvisionnement et des ressources en eau potable. Conformément aux droits à la santé et à un logement suffisant (voir les Observations générales nos 4 (1991) et 14 (2000)), les États parties ont l’obligation de fournir progressivement des services d’assainissement sûrs, en particulier dans les zones rurales et les zones urbaines déshéritées, en tenant compte des besoins des femmes et des enfants.

Obligations internationales

30.Conformément à l’article 2, paragraphe 1, à l’article 11, paragraphe 1, et à l’article 23 du Pacte, les États parties reconnaissent le rôle essentiel de l’assistance et de la coopération internationales et s’engagent à agir, individuellement et collectivement, en vue d’assurer le plein exercice du droit à l’eau.

31.Pour s’acquitter de leurs obligations internationales, les États parties doivent respecter l’exercice du droit à l’eau dans les autres pays. La coopération internationale requiert des États parties qu’ils s’abstiennent de mener des actions qui entravent, directement ou indirectement, l’exercice du droit à l’eau dans d’autres pays. Les activités exercées dans la juridiction de l’État partie ne devraient pas empêcher un autre pays d’assurer l’exercice de ce droit aux personnes relevant de sa juridiction.

32.Les États parties devraient s’abstenir dans tous les cas d’imposer, directement ou indirectement, à un autre pays des embargos et autres mesures similaires empêchant l’approvisionnement en eau et la fourniture de marchandises et de services qui sont essentiels pour assurer le droit à l’eau. L’eau ne devrait jamais être utilisée comme instrument de pression politique ou économique. À ce propos, le Comité rappelle sa position, décrite dans l’Observation générale no 8 (1997), sur la relation entre les sanctions économiques et le respect des droits économiques, sociaux et culturels.

33.Les États parties devraient prendre des mesures pour empêcher leurs propres ressortissants ou des compagnies qui relèvent de leur juridiction, de violer le droit à l’eau de particuliers et de communautés dans d’autres pays. Les États parties doivent agir de manière compatible avec la Charte des Nations Unies et le droit international applicable lorsqu’ils sont à même d’inciter des tiers à respecter ce droit en usant de moyens juridiques ou politiques.

34.En fonction des ressources dont ils disposent, les États devraient faciliter l’exercice du droit à l’eau dans les autres pays, par exemple en fournissant des ressources en eau et une aide financière et technique, et apporter l’assistance nécessaire. En ce qui concerne l’aide en cas de catastrophe et les secours d’urgence, la priorité devrait être donnée aux droits consacrés dans le Pacte, notamment à un approvisionnement en eau adéquat. L’aide internationale devrait être fournie d’une manière qui soit non seulement compatible avec le Pacte et les autres instruments relatifs aux droits de l’homme, mais aussi viable et acceptable du point de vue culturel. Il est, en particulier, de la responsabilité et de l’intérêt des États parties économiquement développés d’aider à cet égard les États en développement plus démunis.

35.Les États parties devraient veiller à ce que le droit à l’eau reçoive l’attention voulue dans les accords internationaux et, à cette fin, devraient envisager d’élaborer de nouveaux instruments juridiques. En ce qui concerne la conclusion et la mise en œuvre d’autres accords internationaux et régionaux, les États parties devraient s’assurer que ces instruments n’ont pas d’incidence néfaste sur le droit à l’eau. Les accords de libéralisation du commerce ne devraient pas entraver ou amoindrir la capacité d’un pays d’assurer le plein exercice de ce droit.

36.Les États parties sont tenus de veiller à ce que les mesures qu’ils prennent en tant que membres d’organisations internationales tiennent dûment compte du droit à l’eau. En conséquence, les États parties qui sont membres d’institutions financières internationales, notamment le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et les banques régionales de développement, devraient porter une plus grande attention à la protection du droit à l’eau dans les politiques de prêt, les accords de crédit et les autres initiatives internationales de ces institutions.

Obligations fondamentales

37.Dans l’Observation générale no 3, le Comité confirme que les États parties ont l’obligation fondamentale minimum d’assurer, au moins, la satisfaction de l’essentiel de chacun des droits énoncés dans le Pacte. De l’avis du Comité, les obligations fondamentales se rapportant au droit à l’eau et ayant un effet immédiat sont au minimum:

a)D’assurer l’accès à la quantité d’eau essentielle, suffisante et salubre pour les usages personnels et domestiques, afin de prévenir les maladies;

b)De garantir le droit d’accès à l’eau, aux installations et aux services sans discrimination, notamment pour les groupes vulnérables ou marginalisés;

c)D’assurer l’accès physique à des installations et services qui fournissent régulièrement une eau salubre en quantité suffisante; qui comportent un nombre suffisant de points d’eau pour éviter des attentes excessives; et qui soient à distance raisonnable du foyer;

d)De veiller à ce que la sécurité des personnes qui ont physiquement accès à l’eau ne soit pas menacée;

e)D’assurer une répartition équitable de tous les équipements et services disponibles;

f)D’adopter et de mettre en œuvre, au niveau national, une stratégie et un plan d’action visant l’ensemble de la population; cette stratégie et ce plan d’action devraient être élaborés et périodiquement examinés dans le cadre d’un processus participatif et transparent; ils devraient prévoir des méthodes, telles que des indicateurs et des critères sur le droit à l’eau, permettant de surveiller de près les progrès accomplis; une attention particulière devrait être accordée à tous les groupes vulnérables ou marginalisés lors de l’élaboration de la stratégie et du plan d’action, de même que dans leur contenu;

g)De contrôler dans quelle mesure le droit à l’eau est réalisé ou ne l’est pas;

h)D’adopter des programmes d’approvisionnement en eau relativement peu coûteux visant à protéger les groupes vulnérables et marginalisés;

i)De prendre des mesures pour prévenir, traiter et combattre les maladies d’origine hydrique, en particulier en assurant l’accès à un assainissement adéquat.

38.Pour qu’il n’y ait aucun doute à ce sujet, le Comité tient à souligner qu’il incombe tout particulièrement aux États parties et aux autres intervenants en mesure d’apporter leur concours de fournir l’assistance et la coopération internationales − notamment sur les plans économique et technique − nécessaires pour permettre aux pays en développement d’honorer les obligations fondamentales mentionnées au paragraphe 37 ci‑dessus.

IV. Manquements aux obligations

39.Quand le contenu normatif du droit à l’eau (voir sect. II) est appliqué aux obligations des États parties (sect. III), le processus dynamique qui s’engage permet de mettre plus facilement en évidence les atteintes au droit à l’eau. On trouvera ci‑après des exemples d’infractions.

40.Pour démontrer qu’ils s’acquittent de leurs obligations générales et spécifiques, les États parties doivent établir qu’ils ont pris les mesures nécessaires et réalisables en vue d’assurer l’exercice du droit à l’eau. Conformément au droit international, le défaut d’exécution de bonne foi équivaut à une violation du droit. Il convient toutefois de souligner qu’un État partie ne peut justifier l’inexécution des obligations fondamentales énoncées au paragraphe 37 ci‑dessus, auxquelles il est impossible de déroger.

41.Pour déterminer quelles actions ou omissions constituent une atteinte au droit à l’eau, il importe d’établir une distinction entre l’incapacité et le manque de volonté de l’État partie de s’acquitter de ses obligations. Ce constat découle des articles 11, paragraphe 1, et 12 du Pacte, qui parlent du droit à un niveau de vie suffisant et du droit à la santé, ainsi que de l’article 2, paragraphe 1, du Pacte, lequel fait obligation à chaque État partie de prendre les mesures nécessaires au maximum de ses ressources disponibles. Un État dépourvu de la volonté d’utiliser au maximum les ressources à sa disposition pour donner effet au droit à l’eau manque par conséquent aux obligations lui incombant en vertu du Pacte. Si c’est la pénurie de ressources qui met un État dans l’impossibilité de se conformer aux obligations découlant du Pacte, l’État a alors la charge de démontrer qu’il n’a négligé aucun effort pour exploiter toutes les ressources à sa disposition en vue de s’acquitter à titre prioritaire des obligations indiquées ci‑dessus.

42.Les atteintes au droit à l’eau peuvent être le fait d’une action directe − commission d’actes − soit de l’État soit de diverses entités insuffisamment contrôlées par l’État. Il peut s’agir de l’adoption de mesures rétrogrades incompatibles avec les obligations fondamentales (indiquées au paragraphe 37 ci‑dessus), de l’abrogation ou de la suspension officielles de la législation qui est nécessaire pour continuer d’exercer le droit à l’eau, ou de l’adoption de lois ou de politiques manifestement incompatibles avec des obligations juridiques préexistantes de caractère interne ou international ayant trait au droit à l’eau.

43.Parmi les atteintes par omission figurent le fait pour un État de ne pas prendre les mesures voulues pour assurer le plein exercice du droit de chacun à l’eau, le fait de ne pas adopter de politique nationale sur l’eau, et le fait de ne pas assurer l’application des lois pertinentes.

44.Bien qu’il ne soit pas possible d’arrêter d’avance la liste complète des violations, les travaux du Comité permettent de dégager certains exemples typiques concernant les différents niveaux d’obligations:

a)Les manquements à l’obligation de respecter découlent des entraves de l’État partie au droit à l’eau. Il s’agit notamment: i) de l’interruption ou du refus arbitraires ou injustifiés d’accès aux services ou installations; ii) des hausses disproportionnées ou discriminatoires du prix de l’eau; iii) de la pollution et de l’appauvrissement des ressources en eau qui affectent la santé des personnes;

b)Les manquements à l’obligation de protéger découlent du fait que l’État n’a pas pris toutes les mesures voulues pour protéger les personnes relevant de sa juridiction contre des atteintes au droit à l’eau imputables à des tiers. Il s’agit notamment des manquements aux obligations: i) de promulguer ou d’appliquer des lois visant à prévenir la contamination et le captage injuste de l’eau; ii) de réguler et de contrôler efficacement les fournisseurs de services; iii) de protéger les systèmes de distribution d’eau (réseaux d’adduction, puits, etc.) des entraves, dommages et déprédations;

c)Les manquements à l’obligation de mettre en œuvre découlent du fait que l’État partie n’a pas pris toutes les mesures voulues pour garantir l’exercice du droit à l’eau. Il s’agit notamment: i) du manquement à l’obligation d’adopter ou de mettre en œuvre une politique nationale visant à garantir à chacun l’exercice de ce droit; ii) de l’engagement de dépenses insuffisantes ou d’une mauvaise affectation des fonds publics empêchant des particuliers ou des groupes, notamment les groupes vulnérables ou marginalisés, d’exercer leur droit à l’eau; iii) du manquement à l’obligation de contrôler l’exercice de ce droit à l’échelle nationale, par exemple en définissant des indicateurs et des critères; iv) du manquement à l’obligation de prendre les mesures voulues pour remédier à la répartition injuste des équipements et des services; v) du manquement à l’obligation d’adopter des mécanismes d’aide d’urgence; vi) du manquement à l’obligation d’assurer à chacun l’exercice de l’essentiel de ce droit; vii) du manquement à l’obligation de l’État de tenir compte de ses obligations juridiques internationales concernant le droit à l’eau lors de la conclusion d’accords avec d’autres États ou avec des organisations internationales.

V. Mise en œuvre à l’échelon national

45.L’article 2, paragraphe 1, du Pacte impose aux États parties l’obligation d’utiliser «tous les moyens appropriés, y compris en particulier l’adoption de mesures législatives» en vue de s’acquitter de leurs obligations en vertu du Pacte. Chaque État jouit d’une marge d’appréciation discrétionnaire quand il décide quelles mesures sont effectivement les mieux adaptées à sa situation particulière. Mais le Pacte impose clairement à chaque État de prendre toutes les dispositions nécessaires pour assurer à chacun l’exercice du droit à l’eau dès que possible. Les mesures mises en œuvre à l’échelon national pour réaliser le droit à l’eau ne devraient pas entraver l’exercice des autres droits fondamentaux.

Législation, stratégies et politiques

46.La législation, les stratégies et les politiques existantes devraient être réexaminées pour s’assurer qu’elles sont compatibles avec les obligations découlant du droit à l’eau, en vue de les abroger, amender ou modifier en cas d’incompatibilité avec les prescriptions du Pacte.

47.L’obligation de prendre les mesures voulues impose aux États parties d’adopter une stratégie ou un plan d’action au niveau national en vue d’assurer l’exercice du droit à l’eau. Il faut que cette stratégie: a) soit fondée sur le droit et les principes des droits de l’homme; b) couvre tous les éléments du droit à l’eau et les obligations correspondantes des États parties; c) définisse des objectifs clairs; d) fixe les buts ou les résultats à atteindre et le calendrier correspondant; e) formule des politiques adéquates ainsi que les critères et indicateurs correspondants. Cette stratégie devrait aussi établir la responsabilité institutionnelle du processus; indiquer les ressources disponibles pour atteindre les objectifs, buts et résultats; allouer comme il convient les ressources en fonction de la responsabilité institutionnelle; et créer des mécanismes de responsabilité pour s’assurer de la mise en œuvre de la stratégie. Lorsqu’ils élaborent et appliquent leur stratégie, les États parties devraient mettre à profit l’assistance technique et la coopération des institutions spécialisées des Nations Unies (voir la section VI ci‑après).

48.L’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie et d’un plan d’action à l’échelle nationale devraient notamment respecter les principes de non‑discrimination et de participation de la population. Le droit des particuliers et des groupes de participer au processus de prise de décisions qui peuvent influer sur l’exercice de leur droit à l’eau doit faire partie intégrante de toute politique, de tout programme ou de toute stratégie concernant l’eau. Les particuliers et les groupes devraient avoir pleinement accès, en toute égalité, aux informations dont les autorités publiques ou les tiers disposent concernant l’eau, les services d’approvisionnement en eau et l’environnement.

49.La stratégie et le plan d’action nationaux sur l’eau devraient en outre reposer sur les principes de responsabilité, de transparence et d’indépendance de la magistrature, une bonne gouvernance étant indispensable à la mise en œuvre effective de l’ensemble des droits de l’homme, dont le droit à l’eau. Pour instaurer des conditions favorables à l’exercice de ce droit, les États parties devraient adopter des mesures appropriées afin que le secteur des entreprises privées tout comme la société civile prennent conscience et tiennent compte de l’importance à accorder au droit à l’eau dans l’exercice de leurs activités.

50.Les États parties peuvent avoir intérêt à adopter une législation‑cadre pour donner effet à leur stratégie concernant le droit à l’eau. Cette législation devrait prévoir: a) les buts ou résultats à atteindre et le calendrier correspondant; b) les moyens de parvenir à l’objectif fixé; c) la collaboration envisagée avec la société civile, le secteur privé et les organisations internationales; d) la responsabilité institutionnelle du processus; e) les mécanismes nationaux de contrôle; f) les procédures de recours.

51.Des mesures devraient être prises pour garantir une coordination suffisante entre les ministères nationaux, les autorités régionales et les autorités locales afin que les politiques relatives à l’eau soient cohérentes. Lorsque la mise en œuvre du droit à l’eau a été déléguée à des autorités régionales ou locales, l’État partie doit néanmoins s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu du Pacte et doit donc s’assurer que ces autorités disposent des ressources suffisantes pour entretenir et fournir les services et équipements nécessaires. Les États parties doivent aussi veiller à ce que les autorités en question ne refusent pas l’accès à ces services pour des motifs discriminatoires.

52.Les États parties sont tenus de contrôler effectivement l’exercice du droit à l’eau. Lorsqu’ils évaluent les progrès réalisés dans ce domaine, les États parties devraient cerner les facteurs et les difficultés qui les empêchent de s’acquitter de leurs obligations.

Indicateurs et critères

53.Pour faciliter ce contrôle, il faudrait prévoir des indicateurs et des critères dans les stratégies ou plans d’action nationaux sur l’eau. Ces indicateurs et critères devraient être conçus pour permettre de suivre à l’échelle nationale comme à l’échelle internationale comment l’État s’acquitte des obligations lui incombant au titre des articles 11, paragraphe 1, et 12 du Pacte. Ils devraient porter sur les différents éléments du droit à un approvisionnement en eau adéquat (quantité suffisante, salubrité, qualité acceptable, coût abordable et accessibilité physique), être ventilés en fonction des motifs de discrimination qui sont proscrits et couvrir toutes les personnes résidant sur le territoire de l’État partie ou placées sous son contrôle. Pour établir les indicateurs appropriés, les États parties pourraient s’inspirer des travaux actuels de l’OMS, de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), du Centre des Nations Unies pour les établissements humains (Habitat), de l’Organisation internationale du Travail (OIT), du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et de la Commission des droits de l’homme de l’ONU.

54.Une fois qu’ils auront arrêté des indicateurs adaptés au droit à l’eau, les États parties sont invités à définir à l’échelle nationale des critères pour chaque indicateur. Pendant l’examen du rapport périodique, le Comité procédera à une sorte d’étude de portée avec l’État partie. C’est‑à‑dire que le Comité et l’État partie examineront ensemble les indicateurs et les critères nationaux qui permettront de fixer les objectifs à atteindre au cours de la période couverte par le rapport suivant. Et pendant les cinq années qui suivront, l’État partie se servira de ces critères nationaux pour mieux contrôler l’exercice du droit à l’eau. Puis, lors de l’examen du rapport ultérieur, l’État partie et le Comité examineront si ces critères ont été ou non respectés et pour quelles raisons des difficultés ont peut‑être surgi (voir l’Observation générale no 14, par. 58). En outre, quand ils définissent leurs critères et établissent leurs rapports, les États parties devraient exploiter le grand nombre d’informations et de services consultatifs fournis par les institutions spécialisées aux fins de la collecte et de la ventilation des données.

Recours et responsabilité

55.Tout particulier ou tout groupe dont le droit à l’eau a été enfreint doit avoir accès à des recours effectifs, judiciaires ou autres, à l’échelle nationale et internationale (voir l’Observation générale no 9, par. 4, et le Principe 10 de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement). Le Comité note que le droit à l’eau a été consacré dans la constitution d’un certain nombre d’États et qu’il a fait l’objet de recours devant des tribunaux nationaux. Toutes les personnes dont le droit à l’eau a été enfreint sont fondées à recevoir une réparation adéquate, sous forme de restitution, indemnisation, satisfaction ou garantie de non‑répétition. Sur le plan national, ce sont les médiateurs, les commissions des droits de l’homme et autres mécanismes de cette nature qui peuvent être saisis en cas d’atteintes au droit à l’eau.

56.Avant que l’État partie, ou tout autre tiers, prenne une mesure qui entrave le droit d’un particulier à l’eau, les autorités compétentes doivent s’assurer qu’il agit d’une mesure conforme à la loi, compatible avec le Pacte et prévoyant: a) une possibilité de consultation véritable des intéressés; b) la communication en temps voulu d’informations complètes sur les mesures envisagées; c) une notification raisonnable des mesures envisagées; d) des voies de recours pour les intéressés; et e) une aide juridique pour pouvoir se prévaloir de recours en justice [voir aussi les Observations générales no 4 (1991) et no 7 (1997)]. En cas de non‑paiement de la facture d’eau, la question de la capacité de paiement de l’intéressé doit être prise en compte. Nul ne doit en aucune circonstance être privé de la quantité d’eau essentielle.

57.L’incorporation à l’ordre juridique interne d’instruments internationaux consacrant le droit à l’eau peut élargir sensiblement le champ d’application des mesures de réparation et renforcer leur efficacité, et doit donc être encouragée dans tous les cas. Elle donne aux tribunaux la compétence voulue pour se prononcer sur les atteintes au droit à l’eau, ou tout au moins sur les obligations fondamentales qui en découlent, en invoquant directement le Pacte.

58.Les États parties devraient encourager les juges, magistrats et autres professionnels de la justice à s’intéresser davantage, dans l’exercice de leurs fonctions, aux atteintes au droit à l’eau.

59.Les États parties devraient respecter, protéger, faciliter et promouvoir l’action des défenseurs des droits de l’homme et des autres membres de la société civile afin d’aider les groupes vulnérables ou marginalisés à exercer leur droit à l’eau.

VI. Obligations des acteurs autres que les États parties

60.Les organismes des Nations Unies et les autres organisations internationales qui s’occupent de l’eau, comme l’OMS, la FAO, l’UNICEF, le PNUE, ONU‑Habitat, l’OIT, le PNUD et le Fonds international de développement agricole (FIDA), ou du commerce telles que l’Organisation mondiale du commerce (OMC), devraient coopérer efficacement avec les États parties, en mettant à profit leurs compétences respectives, pour faciliter la mise en œuvre du droit à l’eau à l’échelle nationale. Les institutions financières internationales, notamment le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, devraient prendre en compte le droit à l’eau dans le cadre de leurs politiques de prêt, de leurs accords de crédit, de leurs programmes d’ajustement structurel et de leurs autres projets de développement (voir l’Observation générale no 2 (1990)), afin de promouvoir l’exercice du droit à l’eau. Quand il examinera le rapport des États parties et vérifiera si ces pays sont en mesure de s’acquitter des obligations de mettre en œuvre le droit à l’eau, le Comité recensera les effets de l’assistance apportée par tous les autres acteurs. L’incorporation du droit et des principes des droits de l’homme dans les programmes et les politiques des organisations internationales facilitera beaucoup la réalisation du droit à l’eau. Le rôle de la Fédération internationale des sociétés de la Croix‑Rouge et du Croissant‑Rouge, du Comité international de la Croix‑Rouge, du Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), de l’OMS et de l’UNICEF, ainsi que des organisations non gouvernementales et d’autres associations, revêt une importance particulière quand il s’agit de fournir des secours en cas de catastrophe et d’apporter une assistance humanitaire dans les situations d’urgence. En matière d’aide, de distribution et de gestion de l’eau et des installations connexes, il convient d’accorder la priorité aux groupes les plus vulnérables ou marginalisés de la population.

II. OBSERVATIONS GÉNÉRALES* ADOPTÉES PAR LE COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME**

Introduction***

Dans l’introduction du document CCPR/C/21/Rev.1 (Observations générales adoptées par le Comité des droits de l’homme conformément au paragraphe 4 de l’article 40 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, document daté du 19 mai 1989), le Comité des droits de l’homme explique le but des observations générales comme suit:

«Le Comité tient à réaffirmer son désir d’aider les États parties à s’acquitter de l’obligation qui leur incombe de présenter des rapports. Les observations générales qui suivent soulignent certains aspects de la question, sans toutefois prétendre l’embrasser complètement ni établir une priorité entre les différents aspects de l’application du Pacte. Si le temps dont dispose le Comité le permet, d’autres observations seront formulées par la suite compte tenu des nouveaux enseignements de l’expérience.

Jusqu’à présent, le Comité a examiné 77 rapports initiaux, 34 deuxièmes rapports périodiques et, dans certains cas, des renseignements complémentaires ou des rapports supplémentaires. C’est dire que, dans son examen, il a pris en considération une bonne partie des États qui ont ratifié le Pacte, lesquels sont aujourd’hui au nombre de 87. Ces États représentant différentes parties du monde sont dotés de régimes politiques, sociaux et juridiques différents, et leurs rapports mettent en lumière la plupart des problèmes qui peuvent se poser dans l’application du Pacte, encore qu’ils ne constituent pas une base complète pour une analyse de la situation mondiale en ce qui concerne les droits civils et politiques.

Le but des présentes observations générales est de faire bénéficier tous les États parties de l’expérience ainsi acquise, pour les inciter à continuer à appliquer le Pacte, d’appeler leur attention sur des insuffisances que font apparaître un grand nombre de rapports, de suggérer certaines améliorations dans la procédure de présentation des rapports, et de stimuler les activités de ces États et des organisations internationales qui ont pour objet de promouvoir et de protéger les droits de l’homme. Ces observations devraient aussi intéresser d’autres États, en particulier ceux qui envisagent d’adhérer au Pacte et de renforcer ainsi la coopération de tous les États en vue de la promotion et de la protection universelle des droits de l’homme.».

Treizième session (1981)

Observation générale n o  1: Obligation de faire rapport

[L’Observation générale no 1 a été remplacée par l’Observation générale no 30]

Les États parties se sont engagés à présenter des rapports, conformément à l’article 40 du Pacte, dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur du Pacte pour chaque État partie en ce qui le concerne et, par la suite, chaque fois que le Comité en fait la demande. Jusqu’ici, seule la première partie de cette disposition, relative à la présentation des rapports initiaux, a été régulièrement observée. Le Comité note que, comme indiqué dans ses rapports annuels, un petit nombre seulement d’États ont présenté en temps voulu les rapports qui leur étaient demandés. La plupart des rapports ont été soumis avec des retards allant de quelques mois à plusieurs années, et certains États parties continuent de manquer à leurs engagements malgré les rappels réitérés du Comité et les autres mesures qu’il a prises à cet égard. Le fait que la plupart des États parties ont cependant engagé, bien que tardivement dans certains cas, un dialogue constructif avec le Comité, donne à penser que les États parties devraient normalement pouvoir s’acquitter de leur obligation de présenter des rapports dans les délais prescrits au paragraphe 1 de l’article 40, et qu’il serait dans leur intérêt de le faire à l’avenir. À l’occasion de la ratification du Pacte, les États devraient se préoccuper immédiatement de l’obligation qui leur est faite de présenter des rapports, étant donné que l’établissement d’un rapport dans les conditions requises portant sur un grand nombre de droits civils et politiques demande forcément du temps.

Treizième session (1981)

Observation générale n o  2: Directives pour la présentation des rapports

1.Le Comité a constaté que certains des rapports initiaux étaient si succincts et avaient un caractère si général qu’il était nécessaire de formuler des directives générales sur la forme et le contenu des rapports. Ces directives avaient pour but d’obtenir que les rapports aient une présentation uniforme et permettent au Comité et aux États parties de se faire une idée complète de la situation dans chaque État pour ce qui est de l’exercice des droits énoncés dans le Pacte. Toutefois, malgré ces directives, certains rapports restent si succincts et si généraux qu’ils ne satisfont pas aux exigences en matière de rapport prévues à l’article 40.

2.L’article 2 du Pacte dispose que les États parties doivent prendre les mesures législatives ou autres et prévoir les recours qui peuvent être nécessaires pour appliquer le Pacte. L’article 40 dispose que les États parties doivent présenter au Comité des rapports sur les mesures qu’ils auront arrêtées, sur les progrès réalisés dans la jouissance des droits énumérés dans le Pacte et, le cas échéant, sur les facteurs et les difficultés qui affectent la mise en œuvre des dispositions du Pacte. Or, même les rapports dont la forme était d’une manière générale conforme aux directives se sont révélés incomplets sur le fond. Il s’est révélé difficile de juger, d’après le contenu de certains rapports, si les dispositions du Pacte étaient appliquées en tant qu’éléments de la législation nationale, et un grand nombre de ces rapports donnaient manifestement des indications incomplètes sur la législation pertinente. Dans certains rapports, le rôle joué par les organes ou organismes nationaux pour surveiller le respect des droits et en assurer l’application n’était pas clairement exposé. En outre, très peu de rapports faisaient état des facteurs et des difficultés qui affectaient la mise en œuvre du Pacte.

3.Le Comité considère que l’obligation de présenter des rapports requiert que ceux‑ci renseignent, non seulement sur les lois et autres règles se rapportant aux obligations contractées en vertu du Pacte, mais aussi sur les pratiques et les décisions des tribunaux et autres organes de l’État partie et sur tous autres faits de nature à indiquer le degré véritable de mise en œuvre et de jouissance des droits reconnus dans le Pacte, les progrès accomplis, et les facteurs et les difficultés qui affectent la mise en œuvre des dispositions du Pacte.

4.Le Comité a pour pratique, conformément à l’article 68 de son règlement intérieur provisoire, d’examiner les rapports en présence des représentants des États auteurs desdits rapports. Tous les États dont les rapports ont été examinés ont coopéré avec le Comité de cette façon, mais le niveau, l’expérience et le nombre des représentants n’étaient pas toujours comparables. Le Comité tient à souligner que, pour qu’il puisse s’acquitter aussi efficacement que possible des tâches qui lui incombent en vertu de l’article 40, et pour que les États auteurs des rapports tirent le meilleur parti possible de ce dialogue, il est souhaitable que les représentants des États aient l’autorité et l’expérience nécessaires (et soient de préférence en nombre suffisant) pour répondre aux questions posées et aux observations faites par le Comité sur tous les sujets traités dans le Pacte.

Treizième session (1981)

Observation générale n o  3: Article 2 (Mise en œuvre du Pacte dans le cadre national)

1.Le Comité note que, d’une manière générale, l’article 2 du Pacte laisse les États parties libres de décider comment mettre en œuvre sur leur territoire, dans le cadre fixé par ledit article, les dispositions du Pacte. Il reconnaît en particulier que cette mise en œuvre ne dépend pas uniquement de l’adoption de dispositions constitutionnelles ou législatives, qui souvent ne sont pas en elles‑mêmes suffisantes. Le Comité estime nécessaire d’appeler l’attention des États parties sur le fait que les obligations que leur impose le Pacte ne se limitent pas au respect des droits de l’homme, et qu’ils se sont également engagés à assurer la jouissance de ces droits à toutes les personnes relevant de leur juridiction. Cela exige des États parties qu’ils prennent des mesures spécifiques pour permettre aux particuliers de jouir de leurs droits. La chose est évidente dans le cas de plusieurs articles (l’article 3, par exemple, examiné plus loin à propos de l’Observation générale no 4) mais, en principe, cette obligation vaut pour tous les droits énoncés dans le Pacte.

2.À cet égard, il est très important que les individus sachent quels sont leurs droits en vertu du Pacte (et, le cas échéant, du Protocole facultatif), et aussi que toutes les autorités administratives et judiciaires aient conscience des obligations que l’État partie a contractées en vertu du Pacte. À cet effet, le Pacte devrait être publié dans toutes les langues officielles de l’État, et des mesures devraient être prises pour en faire connaître la teneur aux autorités compétentes dans le cadre de leur formation. Il est souhaitable aussi que la coopération de l’État partie avec le Comité fasse l’objet d’une certaine publicité.

Treizième session (1981)

Observation générale n o  4: Article 3 (Égalité des droits entre hommes et femmes)

1.L’article 3 du Pacte, aux termes duquel les États parties doivent assurer le droit égal des hommes et des femmes de jouir de tous les droits civils et politiques énoncés dans le Pacte, ne reçoit pas une attention suffisante dans un grand nombre de rapports émanant des États et suscite diverses préoccupations, dont deux peuvent être mentionnées.

2.En premier lieu, cet article, ainsi que le paragraphe 1 de l’article 2 et l’article 26, dans la mesure où ils ont essentiellement pour objet la prévention de la discrimination sous un certain nombre de formes, et notamment de la discrimination fondée sur le sexe, n’exigent pas seulement des mesures de protection, mais aussi une action constructive visant à assurer la jouissance positive des droits, ce qui ne peut être réalisé par la simple adoption de lois. C’est ce qui explique que des compléments d’information ont généralement été demandés au sujet du rôle que les femmes jouent dans la pratique, pour savoir quelles mesures, en sus des dispositions de protection purement législatives, ont été prises ou vont être prises pour donner effet aux obligations précises et positives imposées par l’article 3 et pour se rendre compte des progrès réalisés ou des difficultés rencontrées à cet égard.

3.En second lieu, l’engagement positif pris par les États parties en vertu de cet article peut lui‑même avoir un effet certain sur les textes législatifs ou les mesures administratives qui ont été spécifiquement conçus pour réglementer des domaines autres que ceux envisagés dans le Pacte, mais qui peuvent avoir un effet négatif sur les droits reconnus par le Pacte. Un exemple, parmi d’autres, est la mesure dans laquelle les lois sur l’immigration qui établissent une distinction parmi les citoyens entre les hommes et les femmes peuvent affecter le droit des femmes à épouser un étranger ou à remplir un office public.

4.Par conséquent, le Comité pense que la tâche des États parties pourrait être facilitée s’ils envisageaient de confier à des organes ou à des institutions spécialement désignés à cet effet le soin de passer en revue les lois ou les mesures qui établissent par leur nature une distinction entre les hommes et les femmes, dans la mesure où ces lois ou ces mesures portent atteinte aux droits visés par le Pacte; il estime également que les États parties devraient fournir dans leurs rapports des renseignements précis sur toutes les mesures, législatives ou autres, conçues pour donner effet à l’obligation que cet article leur impose.

5.Le Comité estime que les États parties s’acquitteraient peut‑être plus facilement de cette obligation s’ils pouvaient faire plus largement usage des moyens existants de coopération internationale en vue d’échanger des données d’expérience et de s’entraider pour résoudre les problèmes pratiques qu’ils peuvent rencontrer quand ils s’emploient à assurer l’égalité des droits entre les hommes et les femmes.

Treizième session (1981)

Observation générale n o  5: Article 4 (Dérogations)

[L’Observation générale no 5 a été remplacée par l’Observation générale no 29]

1.L’article 4 du Pacte a posé un certain nombre de problèmes au Comité au cours de l’examen des rapports de certains États parties. Dans le cas où une situation d’urgence menace l’existence de la nation et est proclamée par un acte officiel, un État partie peut déroger à ses obligations en ce qui concerne un certain nombre de droits dans la stricte mesure où la situation l’exige. Toutefois, la dérogation ne peut s’appliquer à certains droits bien déterminés, et l’État partie ne peut pas prendre de mesures discriminatoires sous certains prétextes. En outre, l’État partie est tenu de signaler aussitôt aux autres États parties, par l’entremise du Secrétaire général, les dispositions auxquelles il a dérogé, ainsi que les motifs qui ont provoqué cette dérogation et la date à laquelle il y a mis fin.

2.En général, les États parties indiquent la procédure prévue en droit interne pour déclarer l’existence d’une situation exceptionnelle, ainsi que les dispositions pertinentes des lois prévoyant des dérogations. Néanmoins, dans le cas de quelques États qui avaient apparemment dérogé à leurs obligations, il s’est révélé difficile de déterminer, non seulement si une situation de danger exceptionnel avait été officiellement déclarée, mais également si les droits pour lesquels le Pacte n’autorise pas de dérogation n’avaient pas été en fait suspendus, et enfin si les autres États parties avaient été informés des dérogations et de leurs motifs.

3.Le Comité est d’avis que les mesures prises en vertu de l’article 4 ont un caractère exceptionnel et temporaire, et ne peuvent être maintenues que tant que l’existence de la nation intéressée est menacée. Il estime qu’en période d’exception, la protection des droits de l’homme, et notamment des droits pour lesquels des dérogations ne sont pas autorisées, est une question particulièrement importante. Il considère également de la plus haute importance que les États parties qui se trouvent dans une situation de danger public exceptionnel signalent aux autres États parties la nature et l’étendue des dérogations qu’ils ont faites et les raisons motivant ces dérogations, et qu’ils s’acquittent en outre de l’obligation qui leur incombe en vertu de l’article 40 du Pacte d’indiquer dans leurs rapports la nature et l’étendue de chaque dérogation, en joignant la documentation pertinente.

Seizième session (1982)

Observation générale n o  6: Article 6 (Droit à la vie)

1.La question du droit à la vie, droit énoncé à l’article 6 du Pacte, a été traitée dans tous les rapports. C’est le droit suprême pour lequel aucune dérogation n’est autorisée, même dans le cas où un danger public exceptionnel menace l’existence de la nation (art. 4). Le Comité a néanmoins noté que, dans bien des cas, les renseignements fournis à propos de l’article 6 ne concernaient qu’un aspect de ce droit. C’est un droit qui ne doit pas être interprété dans un sens restrictif.

2.Le Comité constate que la guerre et les autres actes de violence collective continuent à être un fléau de l’humanité et à priver de la vie des milliers d’êtres humains innocents chaque année. La Charte des Nations Unies interdit déjà le recours à la menace ou à l’emploi de la force par un État contre un autre État, sauf dans l’exercice du droit naturel de légitime défense. Le Comité estime que les États ont le devoir suprême de prévenir les guerres, les actes de génocide et les autres actes de violence collective qui entraînent la perte arbitraire de vies humaines. Tous les efforts qu’ils déploient pour écarter le danger de guerre, en particulier de guerre thermonucléaire, et pour renforcer la paix et la sécurité internationales, constituent la condition et la garantie majeures de la sauvegarde du droit à la vie. À cet égard, le Comité note en particulier qu’il existe un lien entre l’article 6 et l’article 20, qui dispose que la loi doit interdire toute propagande en faveur de la guerre (par. 1) ou toute incitation à la violence (par. 2) telle qu’elle est décrite dans ledit article.

3.La protection contre la privation arbitraire de la vie, qui est expressément requise dans la troisième phrase du paragraphe 1 de l’article 6, est d’une importance capitale. Le Comité considère que les États parties doivent prendre des mesures, non seulement pour prévenir et réprimer les actes criminels qui entraînent la privation de la vie, mais également pour empêcher que leurs propres forces de sécurité ne tuent des individus de façon arbitraire. La privation de la vie par les autorités de l’État est une question extrêmement grave. La législation doit donc réglementer et limiter strictement les cas dans lesquels une personne peut être privée de la vie par ces autorités.

4.Les États parties doivent aussi prendre des mesures spécifiques et efficaces pour empêcher la disparition des individus, ce qui malheureusement est devenu trop fréquent et entraîne trop souvent la privation arbitraire de la vie. En outre, les États doivent mettre en place des moyens et des procédures efficaces pour mener des enquêtes approfondies sur les cas de personnes disparues dans des circonstances pouvant impliquer une violation du droit à la vie.

5.De plus, le Comité a noté que le droit à la vie était trop souvent interprété de façon étroite. L’expression «le droit à la vie ... inhérent à la personne humaine» ne peut pas être entendue de façon restrictive, et la protection de ce droit exige que les États adoptent des mesures positives. À cet égard, le Comité estime qu’il serait souhaitable que les États parties prennent toutes les mesures possibles pour diminuer la mortalité infantile et pour accroître l’espérance de vie, et en particulier des mesures permettant d’éliminer la malnutrition et les épidémies.

6.S’il ressort des paragraphes 2 à 6 de l’article 6 que les États parties ne sont pas tenus d’abolir totalement la peine capitale, ils doivent en limiter l’application et, en particulier, l’abolir pour tout ce qui n’entre pas dans la catégorie des «crimes les plus graves». Ils devraient donc envisager de revoir leur législation pénale en tenant compte de cette obligation et, dans tous les cas, ils sont tenus de limiter l’application de la peine de mort aux «crimes les plus graves». D’une manière générale, l’abolition est évoquée dans cet article en des termes qui suggèrent sans ambiguïté (par. 2 et 6) que l’abolition est souhaitable. Le Comité en conclut que toutes les mesures prises pour abolir la peine de mort doivent être considérées comme un progrès vers la jouissance du droit à la vie au sens de l’article 40 et doivent, à ce titre, être signalées au Comité. Il note qu’un certain nombre d’États ont déjà aboli la peine de mort ou suspendu son application. Toutefois, à en juger d’après les rapports des États, les progrès accomplis en vue d’abolir la peine de mort ou d’en limiter l’application sont insuffisants.

7.Le Comité estime que l’expression «les crimes les plus graves» doit être interprétée d’une manière restrictive, comme signifiant que la peine capitale doit être une mesure tout à fait exceptionnelle. Par ailleurs, il est dit expressément à l’article 6 que la peine de mort ne peut être prononcée que conformément à la législation en vigueur au moment où le crime a été commis, et ne doit pas être en contradiction avec les dispositions du Pacte. Les garanties d’ordre procédural prescrites dans le Pacte doivent être observées, y compris le droit à un jugement équitable rendu par un tribunal indépendant, la présomption d’innocence, les garanties minima de la défense et le droit de recourir à une instance supérieure. Ces droits s’ajoutent au droit particulier de solliciter la grâce ou la commutation de la peine.

Seizième session (1982)

Observation générale n o  7: Article 7 (Interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants)

[L’Observation générale no 7 a été remplacée par l’Observation générale no 20]

1.En examinant les rapports des États parties, les membres du Comité ont souvent demandé des informations complémentaires au titre de l’article 7 qui interdit, en premier lieu, la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Comité rappelle que, même dans le cas d’un danger public exceptionnel tel qu’envisagé dans le paragraphe 1 de l’article 4, le paragraphe 2 de l’article 4 n’autorise aucune dérogation à cette disposition, dont le but est de protéger l’intégrité et la dignité de l’individu. Le Comité note qu’il ne suffit pas, pour appliquer cet article, d’interdire ces peines ou traitements, ni de déclarer que leur application constitue un délit. La plupart des États ont des dispositions pénales qui s’appliquent aux cas de torture ou de pratiques analogues. De tels cas se produisant néanmoins, il découle de l’article 7 du Pacte, combiné avec l’article 2, que les États doivent assurer une protection effective grâce à un mécanisme de contrôle. Les plaintes pour mauvais traitements doivent faire l’objet d’une enquête effective, menée par les autorités compétentes. Ceux qui sont reconnus coupables doivent être tenus pour responsables, et les victimes présumées doivent elles‑mêmes disposer de voies de recours effectives, y compris le droit d’obtenir réparation. Parmi les garanties qui peuvent permettre un contrôle effectif, il y a les dispositions interdisant la détention au secret, l’octroi, sans préjudice des nécessités de l’enquête, à des personnes telles que les médecins, les avocats et les membres de la famille, du droit d’accès auprès des détenus; les dispositions prévoyant que les prisonniers doivent être détenus dans des lieux de détention officiellement reconnus comme tels et que leur nom et lieu de détention doivent figurer dans un registre central tenu à la disposition des personnes intéressées, comme les membres de la famille; les dispositions permettant de déclarer irrecevables en justice les aveux ou autres témoignages obtenus par la torture ou d’autres traitements contraires à l’article 7; et les mesures dans le domaine de la formation et des instructions données aux responsables de l’application des lois afin qu’ils n’aient pas recours à de tels traitements.

2.Comme il ressort des termes de cet article, le champ de la protection requise s’étend bien au‑delà de ce que l’on entend normalement par torture. Il n’est peut‑être pas nécessaire d’établir des distinctions très nettes entre les différentes formes de peines ou de traitements qui sont interdites: ces distinctions dépendent de la nature, du but et de la gravité du traitement utilisé. De l’avis du Comité, l’interdiction doit s’étendre aux peines corporelles, y compris les châtiments excessifs imposés à titre de mesures éducatives ou disciplinaires. Même une mesure telle que l’emprisonnement cellulaire peut, selon les circonstances, surtout lorsque la personne est détenue au secret, être contraire à l’article 7. En outre, il est évident que l’article protège non seulement les personnes arrêtées ou emprisonnées, mais également les élèves des établissements d’enseignement et les patients des institutions médicales. Par ailleurs, les pouvoirs publics ont également le devoir d’assurer une protection en vertu de la loi contre de tels traitements, même lorsqu’ils sont appliqués par des personnes agissant en dehors de leurs fonctions officielles ou sans aucune autorité officielle. En ce qui concerne toutes les personnes privées de liberté, l’interdiction des traitements contraires à l’article 7 est complétée par les dispositions positives du paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte qui stipule qu’elles doivent être traitées avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine.

3.En particulier, l’interdiction s’étend aux expériences médicales ou scientifiques réalisées sans le libre consentement de la personne intéressée (art. 7, deuxième phrase). Le Comité note qu’en général les rapports des États parties fournissent peu ou pas de précisions sur ce point. Il est d’avis que, tout au moins dans les pays où la science et la médecine sont très avancées, et même pour les peuples et les territoires étrangers, lorsque ceux‑ci sont affectés par les expériences qu’ils mènent, il faudrait accorder plus d’attention à la nécessité éventuelle et aux moyens d’assurer le respect de cette disposition. Il faut aussi spécialement protéger de ces expériences les personnes qui sont dans l’incapacité de donner leur consentement.

Seizième session (1982)

Observation générale n o  8: Article 9 (Droit à la liberté et la sécurité de la personne)

1.L’article 9, qui traite du droit à la liberté et à la sécurité de la personne, fait souvent l’objet d’une interprétation assez étroite dans les rapports des États parties, qui, de ce fait, fournissent des informations incomplètes. Le Comité fait observer que le paragraphe 1 s’applique à tous les cas de privation de liberté, qu’il s’agisse d’infractions pénales ou d’autres cas tels que, par exemple, les maladies mentales, le vagabondage, la toxicomanie, les mesures d’éducation, le contrôle de l’immigration, etc. Il est vrai que certaines dispositions de l’article 9 (une partie du paragraphe 2 et l’ensemble du paragraphe 3) s’appliquent uniquement aux personnes qui sont inculpées pour infraction pénale. Mais les autres dispositions, et en particulier l’importante garantie énoncée au paragraphe 4, c’est‑à‑dire le droit de demander à un tribunal de statuer sur la légalité de la détention, s’appliquent à toutes les personnes qui se trouvent privées de leur liberté par arrestation ou détention. En outre, les États parties doivent également, conformément au paragraphe 3 de l’article 2, veiller à ce que des voies de recours utiles soient prévues dans les autres cas où un individu se plaint d’être privé de sa liberté en violation du Pacte.

2.Le paragraphe 3 de l’article 9 prévoit que toute personne arrêtée ou détenue du fait d’une infraction pénale sera traduite «dans le plus court délai» devant le juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer les fonctions judiciaires. Des délais plus précis sont fixés par la législation dans la plupart des États parties et, de l’avis du Comité, ces délais ne doivent pas dépasser quelques jours. Beaucoup d’États ont fourni des informations insuffisantes au sujet des pratiques à cet égard.

3.Une autre question est la durée totale de la détention provisoire. Pour certaines catégories d’infractions pénales et, dans certains pays, cette question a suscité des préoccupations au sein du Comité, dont les membres se sont demandés si la pratique était conforme au droit d’«être jugé dans un délai raisonnable ou libéré» en vertu du paragraphe 3. Cette détention doit être exceptionnelle et aussi brève que possible. Le Comité accueillera avec satisfaction tous renseignements concernant les mécanismes existants et les mesures prises en vue de réduire la durée de la détention provisoire.

4.Même si l’on a recours à l’internement dit de sûreté, pour des raisons tenant à la sécurité publique, cet internement doit être soumis aux mêmes dispositions, c’est‑à‑dire qu’il ne doit pas être arbitraire, qu’il doit être fondé sur des motifs et conforme à des procédures prévues par la loi (par. 1), que l’intéressé doit être informé des raisons de l’arrestation (par. 2) et qu’un tribunal doit pouvoir statuer sur la légalité de la détention (par. 4) et qu’il doit être possible d’obtenir réparation en cas de manquement (par. 5). Et si, en outre, il s’agit d’une inculpation pénale, il faut également accorder une protection totale en vertu des paragraphes 2 et 3 de l’article 9 ainsi que de l’article 14.

Seizième session (1982)

Observation générale n o  9: Article 10 (Traitement des personnes privées de leur liberté)

[L’Observation générale no 9 a été remplacée par l’Observation générale no 21]

1.Le paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte prévoit que toute personne privée de sa liberté est traitée avec humanité, dans le respect de la dignité inhérente à la personne humaine. Cependant, il s’en faut de beaucoup que tous les rapports présentés par les États parties fournissent des renseignements sur la manière dont sont appliquées les dispositions de ce paragraphe de l’article 10. À cet égard, le Comité pense qu’il serait souhaitable que les rapports des États parties comportent des renseignements précis sur les dispositions législatives destinées à protéger ce droit. Le Comité estime aussi qu’il est indispensable d’indiquer dans les rapports les mesures concrètes prises par les autorités compétentes de l’État pour contrôler l’application impérative de la législation nationale concernant le traitement humain et le respect de sa dignité de toute personne privée de sa liberté comme l’exigent les dispositions du paragraphe 1.

Le Comité note en particulier que le paragraphe 1 de cet article est généralement applicable aux personnes privées de leur liberté, tandis que le paragraphe 2 s’applique aux prévenus qu’il faut distinguer des condamnés, et que le paragraphe 3 ne concerne que les condamnés. Bien souvent, la structure de cet article n’est pas reflétée dans les rapports, qui ont surtout porté sur les prévenus et les condamnés. Le libellé du paragraphe 1, son contexte − en particulier la proximité du paragraphe 1 de l’article 9 qui traite aussi de toutes les privations de liberté − et son objectif, justifient une application vaste du principe qui y est exprimé. En outre, le Comité rappelle que cet article complète l’article 7 au sujet du traitement de toutes les personnes privées de leur liberté.

Traiter toutes les personnes privées de leur liberté avec humanité et en respectant leur dignité est une règle fondamentale d’application universelle qui ne peut dépendre entièrement des ressources matérielles disponibles. Le Comité sait qu’à d’autres égards, les modalités et les conditions de détention varient nécessairement selon les ressources disponibles, mais elles doivent toujours être appliquées sans distinction, comme l’exige le paragraphe 1 de l’article 2.

C’est à l’État qu’incombe l’ultime responsabilité du respect de ce principe en ce qui concerne toutes les institutions où des personnes sont légalement détenues contre leur volonté, qu’il s’agisse des prisons ou, par exemple, des hôpitaux, et des camps de détention ou des établissements de correction.

2.L’alinéa a du paragraphe 2 de l’article susmentionné prévoit que les prévenus doivent, sauf dans des circonstances exceptionnelles, être séparés des condamnés et soumis à un régime distinct, approprié à leur condition de personnes non condamnées. Certains rapports n’ont pas accordé suffisamment d’attention à cette exigence expresse du Pacte, et, de ce fait, n’ont pas donné suffisamment de renseignements pour expliquer en quoi le régime des prévenus diffère de celui des condamnés. Il importe de faire figurer des renseignements sur ce point dans les rapports ultérieurs.

L’alinéa b du paragraphe 2 du même article dispose notamment que les jeunes prévenus doivent être séparés des adultes. Les renseignements fournis dans les rapports indiquent que de nombreux États n’accordent pas toute l’attention voulue au fait qu’il s’agit là d’une disposition impérative du Pacte. De l’avis du Comité, et comme l’énonce clairement le texte du Pacte, l’inexécution des obligations qu’impose l’alinéa b du paragraphe 2 ne peut être justifiée par quelque considération que ce soit.

3.Dans un certain nombre de cas, les renseignements fournis dans les rapports au sujet du paragraphe 3 de l’article 10 ne comportent de références précises ni aux dispositions législatives ou administratives pertinentes, ni aux mesures pratiques qui visent à assurer la rééducation et le reclassement social des détenus, par exemple par l’enseignement, la formation professionnelle et l’accomplissement d’un travail utile. La possibilité de recevoir la visite de parents figure normalement aussi parmi les dispositions susmentionnées et s’impose pour des motifs d’humanité. Des lacunes analogues apparaissent dans les rapports de quelques États en ce qui concerne les renseignements sur les mineurs délinquants, qui doivent être séparés des adultes et soumis à un régime approprié à leur âge et à leur statut juridique.

4.Le Comité note en outre que le principe selon lequel toute personne privée de sa liberté doit être traitée avec humanité, dans le respect de la dignité de la personne humaine, énoncé au paragraphe 1, fonde les obligations plus strictes et plus précises des États en matière de justice pénale prévues aux paragraphes 2 et 3 de l’article 10. L’obligation de séparer les prévenus des condamnés vise à mettre l’accent sur leur condition de personnes à la fois non condamnées et protégées par la présomption d’innocence énoncée au paragraphe 2 de l’article 14. L’objectif de ces dispositions est d’assurer la protection des groupes visés, et les obligations qu’elles prévoient doivent être envisagées de ce point de vue. Ainsi, la séparation et le traitement des mineurs délinquants devraient être prévus et organisés de manière à favoriser leur rééducation et leur reclassement social.

Dix ‑neuvième session (1983)

Observation générale n o  10: Article 19 (Liberté d’opinion)

1.Le paragraphe 1 prévoit la protection du «droit de ne pas être inquiété pour ses opinions». C’est un droit pour lequel le Pacte n’autorise ni exception ni limitation. Le Comité serait heureux de recevoir des États parties des renseignements sur l’application du paragraphe 1.

2.Le paragraphe 2 prévoit la protection du droit à la liberté d’expression, qui comprend non seulement la liberté de «répandre des informations ou des idées de toute espèce», mais encore la liberté de «rechercher» et de «recevoir» ces informations et ces idées «sans considération de frontières» et quel que soit le moyen utilisé par l’intéressé, «sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix». Les États parties n’ont pas tous communiqué des informations sur tous les aspects de la liberté d’expression. Par exemple, on a prêté peu d’attention jusqu’ici à ce que, du fait des progrès des moyens d’information modernes, des mesures efficaces seraient nécessaires pour empêcher une mainmise sur ces moyens qui entraverait l’exercice du droit de toute personne à la liberté d’expression dans un sens qui n’est pas prévu au paragraphe 3.

3.Les rapports de nombreux États se bornent à indiquer que la liberté d’expression est garantie par la constitution ou par la loi. Cependant, pour connaître avec précision le régime institué en matière de liberté d’expression, en droit comme dans la pratique, le Comité a besoin en outre de renseignements pertinents sur les règles qui définissent l’étendue de cette liberté ou qui énoncent certaines restrictions, ainsi que sur tout autre facteur qui influe en pratique sur l’exercice de ce droit. C’est l’interaction du principe de la liberté d’expression et de ses limitations et restrictions qui détermine la portée réelle du droit de l’individu.

4.Le paragraphe 3 prévoit expressément que l’exercice de la liberté d’expression comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales, et c’est pour cette raison que certaines restrictions à ce droit sont permises, eu égard aux intérêts d’autrui ou de la communauté dans son ensemble. Cependant, lorsqu’un État partie impose certaines restrictions à l’exercice de la liberté d’expression, celles‑ci ne peuvent en aucun cas porter atteinte au droit lui‑même. Le paragraphe 3 énonce certaines conditions, et c’est seulement à ces conditions que des restrictions peuvent être imposées: 1) elles doivent être «fixées par la loi»; 2) elles ne peuvent être ordonnées qu’à l’une des fins précisées aux alinéas a et b du paragraphe 3; 3) l’État partie doit justifier qu’elles sont nécessaires à la réalisation d’une de ces fins.

Dix ‑neuvième session (1983)

Observation générale n o  11: Article 20

1.Les rapports présentés par les États parties ne fournissent pas tous des informations suffisantes sur l’application de l’article 20 du Pacte. Étant donné la nature de l’article 20, les États parties sont tenus d’adopter les mesures législatives voulues pour interdire les actions qui y sont mentionnées. Or les rapports montrent que, dans certains États, ces actions ne sont pas interdites par la loi et que les efforts qui conviendraient pour les interdire ne sont ni envisagés ni faits. De plus, de nombreux rapports ne donnent pas suffisamment d’informations sur les lois et pratiques nationales pertinentes.

2.L’article 20 du Pacte dispose que toute propagande en faveur de la guerre et tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence sont interdits par la loi. De l’avis du Comité, ces interdictions sont tout à fait compatibles avec le droit à la liberté d’expression prévu à l’article 19, dont l’exercice entraîne des responsabilités et des devoirs spéciaux. L’interdiction prévue au paragraphe 1 s’étend à toutes les formes de propagande menaçant d’entraîner ou entraînant un acte d’agression ou une rupture de la paix, en violation de la Charte des Nations Unies, tandis que le paragraphe 2 vise tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence, que cette propagande ou cet appel ait des objectifs d’ordre intérieur ou extérieur par rapport à l’État intéressé. Les dispositions du paragraphe 1 de l’article 20 n’interdisent pas l’appel au droit souverain à la légitime défense ni au droit des peuples à l’autodétermination et à l’indépendance conformément à la Charte des Nations Unies. Pour que l’article 20 produise tous ses effets, il faudrait qu’une loi indique clairement que la propagande et l’appel qui y sont décrits sont contraires à l’ordre public, et prescrive une sanction appropriée en cas de violation. Le Comité estime donc que les États parties qui ne l’ont pas encore fait devraient prendre des mesures pour s’acquitter des obligations énoncées à l’article 20, et qu’ils devraient eux‑mêmes s’abstenir de toute propagande ou de tout appel de ce genre.

Vingt et unième session (1984)

Observation générale n o  12: Article premier (Droit à l’autodétermination)

1.Conformément aux buts et aux principes de la Charte des Nations Unies, l’article premier du Pacte international relatif aux droits civils et politiques reconnaît à tous les peuples le droit de disposer d’eux‑mêmes. Ce droit revêt une importance particulière, parce que sa réalisation est une condition essentielle de la garantie et du respect effectif des droits individuels de l’homme ainsi que de la promotion et du renforcement de ces droits. C’est pour cette raison que les États ont fait du droit des peuples de disposer d’eux‑mêmes, dans les deux Pactes, une disposition de droit positif, qu’ils ont placée, en tant qu’article premier, séparément et en tête de tous les autres droits énoncés dans ces Pactes.

2.L’article premier consacre un droit inaliénable de tous les peuples, défini aux paragraphes 1 et 2 de cet article. En vertu de ce droit, les peuples «déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel». L’article impose à tous les États les obligations qui correspondent à ce droit. Ce droit, et les obligations correspondantes qui ont trait à sa mise en œuvre, sont indissociables des autres dispositions du Pacte et des règles de droit international.

3.Les rapports que tous les États parties ont l’obligation d’établir doivent porter aussi sur l’article premier, mais seuls quelques‑uns fournissent des renseignements détaillés sur chacun des paragraphes de cet article. Le Comité a noté à cet égard que, dans leurs rapports, beaucoup d’États passent cet article complètement sous silence, donnent à son sujet des renseignements insuffisants ou se bornent à faire état de la législation électorale. Le Comité juge très souhaitable que les rapports des États parties contiennent des renseignements sur chacun des paragraphes de l’article premier.

4.En ce qui concerne le paragraphe 1 de l’article premier, les États parties devraient décrire les procédures constitutionnelles et politiques qui permettent d’exercer ce droit dans les faits.

5.Le paragraphe 2 définit un aspect particulier du contenu économique du droit à disposer de soi‑même, à savoir le droit qu’ont les peuples, pour atteindre leurs fins, de «disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles, sans préjudice des obligations qui découlent de la coopération économique internationale, fondée sur le principe de l’intérêt mutuel, et du droit international». Ce droit impose des devoirs correspondants à tous les États et à la communauté internationale. Les États devraient indiquer tous les facteurs ou les difficultés qui les empêchent de disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles, en violation des dispositions de ce paragraphe, et la mesure dans laquelle cet empêchement a des conséquences sur l’exercice d’autres droits énoncés dans le Pacte.

6.De l’avis du Comité, le paragraphe 3 revêt une importance particulière en ce sens qu’il impose des obligations précises aux États parties, non seulement à l’égard de leurs peuples, mais aussi à l’égard de tous les peuples qui n’ont pas pu exercer leur droit à l’autodétermination, ou qui ont été privés de cette possibilité. Le caractère général de ce paragraphe se trouve confirmé par les travaux préparatoires de son texte. Aux termes de ce paragraphe, «les États parties au présent Pacte, y compris ceux qui ont la responsabilité d’administrer des territoires non autonomes et des territoires sous tutelle, sont tenus de faciliter la réalisation du droit des peuples à disposer d’eux‑mêmes, et de respecter ce droit, conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies». Ces obligations sont les mêmes, que le peuple ayant droit à disposer de lui‑même dépende ou non d’un État partie au Pacte. Il s’ensuit que tous les États parties doivent prendre des mesures positives pour faciliter la réalisation et le respect du droit des peuples de disposer d’eux‑mêmes. Ces mesures positives doivent être conformes aux obligations qui incombent aux États en vertu de la Charte des Nations Unies et du droit international: en particulier, les États doivent s’abstenir de toute ingérence dans les affaires intérieures d’autres États et, ainsi, de compromettre l’exercice du droit à l’autodétermination. Les rapports doivent contenir des renseignements sur l’exécution de ces obligations et les mesures prises à cette fin.

7.À propos de l’article premier du Pacte, le Comité renvoie à d’autres instruments internationaux concernant le droit de tous les peuples de disposer d’eux‑mêmes, et en particulier à la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies, que l’Assemblée générale a adoptée le 24 octobre 1970 dans sa résolution 2625 (XXV).

8.De l’avis du Comité, l’histoire montre que la réalisation et le respect du droit des peuples de disposer d’eux‑mêmes contribuent à l’établissement de relations et d’une coopération amicales entre les États et à la consolidation de la paix et de la compréhension internationales.

Vingt et unième session (1984)

Observation générale n o  13: Article 14 (Administration de la justice)

1.Le Comité note que l’article 14 du Pacte est de caractère complexe, et que différents aspects de ses dispositions appellent des observations spécifiques. Toutes ces dispositions visent à assurer la bonne administration de la justice et, à cette fin, protègent une série de droits individuels, tels que l’égalité devant les tribunaux et les autres organismes juridictionnels, ou le droit de chacun à ce que sa cause soit équitablement et publiquement entendue par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi. Les rapports ne fournissent pas tous des précisions sur les mesures législatives ou les autres mesures adoptées dans le but exprès d’appliquer chacune des dispositions de l’article 14.

2.En général, les États parties ne reconnaissent pas dans leurs rapports que l’article 14 s’applique non seulement aux procédures de détermination du bien‑fondé des accusations en matière pénale portées contre des individus, mais aussi aux contestations relatives aux droits et obligations de caractère civil. Le droit et la pratique concernant ces questions varient beaucoup d’un État à l’autre. Cette diversité fait qu’il est encore plus indispensable que les États parties fournissent tous les renseignements utiles et expliquent plus en détail comment les notions «d’accusation en matière pénale» et de «contestations relatives aux droits et obligations de caractère civil» sont interprétées dans leur système juridique.

3.Le Comité jugerait utile que, dans leurs futurs rapports, les États parties puissent fournir des renseignements plus détaillés sur les mesures prises pour assurer que l’égalité devant les tribunaux, y compris l’égalité d’accès à ces derniers, le caractère équitable et public des audiences et la compétence, l’impartialité et l’indépendance des juridictions, soient établis par la loi et garantis dans la pratique. En particulier, les États parties devraient indiquer avec précision les textes constitutionnels et législatifs qui prévoient la constitution des tribunaux et en garantissent l’indépendance, l’impartialité et la compétence, pour ce qui est en particulier de la manière dont les juges sont nommés, des qualifications qui leur sont demandées, de la durée de leur mandat, des conditions régissant l’avancement, les mutations et la cessation de fonctions ainsi que de l’indépendance effective des juridictions par rapport à l’exécutif et au législatif.

4.Les dispositions de l’article 14 s’appliquent à tous les tribunaux et autres organes juridictionnels de droit commun ou d’exception inclus dans son champ d’application. Le Comité note l’existence, dans de nombreux pays, de tribunaux militaires ou d’exception qui jugent des civils, ce qui risque de poser de sérieux problèmes en ce qui concerne l’administration équitable, impartiale et indépendante de la justice. Très souvent, lorsque de tels tribunaux sont constitués, c’est pour permettre l’application de procédures exceptionnelles qui ne sont pas conformes aux normes ordinaires de la justice. S’il est vrai que le Pacte n’interdit pas la constitution de tribunaux de ce genre, les conditions qu’il énonce n’en indiquent pas moins clairement que le jugement de civils par ces tribunaux devrait être très exceptionnel et se dérouler dans des conditions qui respectent véritablement toutes les garanties stipulées à l’article 14. Le Comité a noté un grave manque d’informations à cet égard dans les rapports de certains États parties dont les institutions judiciaires comprennent des tribunaux de cette nature pour le jugement de civils. Dans certains pays, ces tribunaux militaires et d’exception n’offrent pas les strictes garanties d’une bonne administration de la justice conformément aux prescriptions de l’article 14, qui sont indispensables à la protection effective des droits de l’homme. Si les États décident dans des situations de danger public, comme il est envisagé à l’article 4, de déroger aux procédures normales prévues par l’article 14, ils doivent veiller à ce que pareilles dérogations n’aillent pas au‑delà de celles qui sont rigoureusement requises par les exigences de la situation réelle, et qu’elles respectent les autres conditions du paragraphe 1 de l’article 14.

5.La deuxième phrase du paragraphe 1 de l’article 14 stipule que chacun «a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement». Le paragraphe 3 de l’article précise ce qu’il faut entendre par «audition équitable» quand il s’agit de déterminer le bien‑fondé d’accusations en matière pénale. Cependant, les exigences du paragraphe 3 sont des garanties minimales, dont le respect ne suffit pas toujours à assurer qu’une cause soit équitablement entendue comme le prévoit le paragraphe 1.

6.Le caractère public des audiences est une sauvegarde importante, dans l’intérêt de l’individu et de toute la société. En même temps, le paragraphe 1 de l’article 14 reconnaît que les tribunaux ont le pouvoir de prononcer le huis clos pendant la totalité ou une partie du procès pour les raisons énoncées dans ce paragraphe. Il y a lieu de noter que, hormis ces circonstances exceptionnelles, le Comité considère qu’un procès doit être ouvert au public en général, y compris les membres de la presse et ne doit pas, par exemple, n’être accessible qu’à une catégorie particulière de personnes. Il est à noter que, même dans les affaires où le huis clos a été prononcé, le jugement doit, à certaines exceptions près qui sont rigoureusement définies, être rendu public.

7.Le Comité a constaté un certain manque d’information touchant le paragraphe 2 de l’article 14 et, dans certains cas, a même observé que la présomption d’innocence, qui est indispensable à la protection des droits de l’homme, est exprimée en termes très ambigus ou assortie de conditions qui la rendent inopérante. Du fait de la présomption d’innocence, la preuve incombe à l’accusation, et l’accusé a le bénéfice du doute. Nul ne peut être présumé coupable tant que l’accusation n’a pas été établie au‑delà de tout doute raisonnable. En outre, la présomption d’innocence entraîne le droit d’être traité conformément à ce principe. C’est donc un devoir pour toutes les autorités publiques de s’abstenir de préjuger de l’issue d’un procès.

8.Parmi les garanties minimales que le paragraphe 3 prescrit en matière pénale, la première concerne le droit de chacun d’être informé, dans une langue qu’il comprend, de l’accusation portée contre lui (alinéa a). Le Comité note que souvent les rapports des États n’expliquent pas comment ce droit est respecté et garanti. L’alinéa a du paragraphe 3 de l’article 14 s’applique à tous les cas d’accusations en matière pénale, y compris ceux des personnes non détenues. Le Comité note en outre que le droit d’être informé de l’accusation «dans le plus court délai» exige que l’information soit donnée de la manière décrite dès que l’accusation est formulée pour la première fois par une autorité compétente. À son avis, ce droit surgit lorsque, au cours d’une enquête, un tribunal ou le ministère public décide de prendre des mesures à l’égard d’une personne soupçonnée d’une infraction pénale ou la désigne publiquement comme telle. On peut satisfaire aux conditions précises de l’alinéa a du paragraphe 3 en énonçant l’accusation soit verbalement soit par écrit, à condition de préciser aussi bien le droit applicable que les faits allégués sur lesquels l’accusation est fondée.

9.L’alinéa b du paragraphe 3 stipule que l’accusé doit disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation à sa défense, et communiquer avec le conseil de son choix. Le «temps nécessaire» dépend des cas d’espèce, mais les facilités doivent comprendre l’accès aux documents et autres éléments de preuve dont l’accusé a besoin pour préparer sa défense, ainsi que la possibilité de disposer d’un conseil et de communiquer avec lui. Lorsque l’accusé ne veut pas se défendre lui‑même en personne ou recourir à une personne ou une association de son choix, il doit être en mesure de faire appel à un avocat. En outre, cet alinéa exige que le conseil communique avec l’accusé dans des conditions qui respectent intégralement le caractère confidentiel de leurs communications. Les avocats doivent être à même de conseiller et de représenter leurs clients conformément aux normes et critères établis de la profession, sans être l’objet de restrictions, d’influences, de pressions ou d’interventions injustifiées de la part de qui que ce soit.

10.L’alinéa c du paragraphe 3 stipule que l’accusé doit être jugé sans retard excessif. Cette garantie concerne non seulement le moment où le procès doit commencer, mais aussi le moment où il doit s’achever et où le jugement doit être rendu: toutes les étapes doivent se dérouler «sans retard excessif». Pour que ce droit soit effectif, il doit exister une procédure qui garantisse que le procès se déroulera «sans retard excessif», que ce soit en première instance ou en appel.

11.Les rapports ne traitent pas tous de tous les aspects du droit de défense tel qu’il est défini à l’alinéa d du paragraphe 3. Le Comité n’a pas toujours reçu assez de renseignements, ni sur la protection du droit de l’accusé d’être présent lorsque l’on se prononce sur le bien‑fondé d’une accusation portée contre lui, ni sur la façon dont le système juridique lui assure le droit soit de se défendre lui‑même en personne soit de bénéficier de l’assistance d’un défenseur de son choix, non plus que sur les dispositions qui sont prises dans le cas de quelqu’un qui n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur. L’accusé ou son avocat doit avoir le droit d’agir avec diligence et sans crainte, en employant tous les moyens de défense existants, de même que le droit de contester le déroulement du procès s’il le juge inéquitable. Quand, exceptionnellement et pour des raisons justifiées, il y a procès par contumace, le strict respect des droits de la défense est encore plus indispensable.

12.L’alinéa e du paragraphe 3 stipule que l’accusé a le droit d’interroger ou de faire interroger les témoins à charge et d’obtenir la comparution et l’interrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge. Cette disposition vise à garantir à l’accusé les mêmes moyens juridiques qu’à l’accusation pour obliger les témoins à être présents et pour interroger tous témoins ou les soumettre à un contre‑interrogatoire.

13.L’alinéa f du paragraphe 3 stipule que, si l’accusé ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience, il a le droit de se faire assister gratuitement d’un interprète. Ce droit est indépendant de l’issue du procès et vaut également pour les étrangers et pour les nationaux. Il présente une importance capitale dans les affaires où l’ignorance de la langue utilisée par le tribunal ou la difficulté éprouvée à la comprendre peut constituer un obstacle majeur à l’exercice des droits de la défense.

14.L’alinéa g du paragraphe 3 stipule que l’accusé ne peut être forcé à témoigner contre lui‑même ou à s’avouer coupable. En examinant cette garantie, il faut se rappeler les dispositions de l’article 7 et du paragraphe 1 de l’article 10. Pour obliger l’accusé à avouer ou à témoigner contre lui‑même, on emploie fréquemment des méthodes qui violent ces dispositions. La loi devrait stipuler que les éléments de preuve obtenus au moyen de pareilles méthodes ou de toute autre forme de contrainte sont absolument irrecevables.

15.Pour sauvegarder les droits de l’accusé visés aux paragraphes 1 et 3 de l’article 14, il convient que les juges aient le pouvoir d’examiner toute allégation de violation de ses droits à tout stade de la procédure.

16.Le paragraphe 4 de l’article 14 stipule que la procédure applicable aux jeunes gens tiendra compte de leur âge et de l’intérêt que présente leur rééducation. Peu de rapports fournissent des renseignements suffisants sur les questions pertinentes, telles que l’âge minimum auquel un jeune peut être accusé d’une infraction, l’âge de la majorité pénale, l’existence de tribunaux et de procédures spéciaux, la législation définissant les procédures à l’encontre des jeunes et la façon dont l’ensemble de ces dispositions spéciales concernant les jeunes tiennent compte de «l’intérêt que présente leur rééducation». Les jeunes doivent bénéficier au moins des mêmes garanties et de la même protection que celles accordées aux adultes en vertu de l’article 14.

17.Le paragraphe 5 de l’article 14 dispose que toute personne déclarée coupable d’une infraction a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation, conformément à la loi. Le Comité attire particulièrement l’attention sur les équivalents donnés du mot anglais «crime» dans les autres langues («infraction», «delito», «prestuplenie»), qui montrent que la garantie ne concerne pas seulement les infractions les plus graves. À cet égard, il n’a pas reçu assez d’informations concernant les juridictions d’appel, en particulier l’accès aux tribunaux de seconde instance et les pouvoirs de ces tribunaux, les conditions à remplir pour faire appel d’un jugement et la façon dont les procédures en appel tiennent compte des conditions exigées au paragraphe 1 de l’article 14 quant au droit de l’accusé à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement.

18.Le paragraphe 6 de l’article 14 prévoit une indemnisation conforme à la loi dans les cas d’erreur judiciaire qu’il décrit. D’après les rapports de beaucoup d’États, il semble que souvent ce droit ne soit pas respecté, ou qu’il ne soit qu’insuffisamment garanti par la législation nationale. Les États devraient, lorsqu’il y a lieu, compléter leur législation dans ce domaine pour la mettre en conformité avec les dispositions du Pacte.

19.Lors de l’examen des rapports des États, des opinions divergentes ont souvent été exprimées quant à la portée du paragraphe 7 de l’article 14. Certains États ont même jugé nécessaire de faire des réserves touchant les procédures prévues pour la réouverture des affaires pénales. Il semble au Comité que la plupart des États parties établissent une nette distinction entre la réouverture d’une affaire, justifiée par des circonstances exceptionnelles, et un nouveau procès, qu’interdit le principe non bis in idem énoncé au paragraphe 7. Cette façon d’interpréter la règle non bis in idem peut encourager les États parties à reconsidérer leurs réserves concernant le paragraphe 7 de l’article 14.

Vingt ‑troisième session (1984)

Observation générale n o  14: Article 6 (Droit à la vie)

1.Dans l’Observation générale no 6 [16], adoptée à sa 378ème séance, le 27 juillet 1982, le Comité des droits de l’homme a noté que le droit à la vie énoncé au paragraphe 1 de l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques est le droit suprême pour lequel aucune dérogation n’est autorisée, même en cas de danger public exceptionnel. Ce même droit à la vie est proclamé à l’article 3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme que l’Assemblée générale des Nations Unies a adoptée le 10 décembre 1948. Il est à la base de tous les droits de l’homme.

2.Dans son observation générale précédente, le Comité a aussi noté que les États ont le devoir suprême de prévenir les guerres. La guerre et les autres actes de violence collective continuent à être un fléau pour l’humanité et à priver de leur vie des milliers d’êtres humains innocents chaque année.

3.Tout en restant profondément soucieux des pertes en vies humaines causées par les armes classiques dans les conflits armés, le Comité a noté que, pendant plusieurs sessions successives de l’Assemblée générale, des représentants appartenant à toutes les régions géographiques ont exprimé leur préoccupation croissante devant la mise au point et la prolifération d’armes de plus en plus terrifiantes de destruction massive, qui, outre qu’elles menacent la vie humaine, absorbent des ressources qui pourraient être utilisées à des fins économiques et sociales d’importance vitale, en particulier au bénéfice des pays en développement, et ainsi servir à promouvoir et à assurer à tous la jouissance des droits de l’homme.

4.Le Comité partage cette préoccupation. Il est évident que la conception, la mise à l’essai, la fabrication, la possession et le déploiement d’armes nucléaires constituent l’une des plus graves menaces contre le droit à la vie qui pèsent aujourd’hui sur l’humanité. Cette menace est aggravée par le risque d’une utilisation effective de ces armes, non pas seulement en cas de guerre, mais aussi par suite d’une erreur ou d’une défaillance humaine ou mécanique.

5.Qui plus est, l’existence même et la gravité de cette menace engendrent un climat de suspicion et de crainte entre les États qui, en soi, s’oppose à la promotion du respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales, conformément à la Charte des Nations Unies et aux Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme.

6.La fabrication, la mise à l’essai, la possession, le déploiement et l’utilisation d’armes nucléaires devraient être interdits et qualifiés de crimes contre l’humanité.

7.En conséquence, dans l’intérêt de l’humanité, le Comité adresse un appel à tous les États, qu’ils soient ou non parties au Pacte, afin qu’ils prennent des mesures d’urgence, unilatéralement et par voie d’accord, pour délivrer le monde de cette menace.

Vingt ‑septième session (1986)

Observation générale n o  15: Situation des étrangers au regard du Pacte

1.Souvent, les rapports des États parties ne tiennent pas compte du fait que chaque État partie doit garantir les droits visés par le Pacte à «tous les individus se trouvant dans leur territoire et relevant de leur compétence» (art. 2, par. 1). En général, les droits énoncés dans le Pacte s’appliquent à toute personne, sans considération de réciprocité, quelle que soit sa nationalité ou même si elle est apatride.

2.Ainsi, la règle générale est que chacun des droits énoncés dans le Pacte doit être garanti, sans discrimination entre les citoyens et les étrangers. Les étrangers bénéficient de l’obligation générale de non‑discrimination à l’égard des droits garantis par le Pacte, ainsi que prévu à l’article 2. Cette garantie s’applique de la même manière aux étrangers et aux citoyens. Exceptionnellement, certains des droits reconnus dans le Pacte ne sont expressément applicables qu’aux citoyens (art. 25), tandis que l’article 13 ne vise que les étrangers. Cependant, le Comité a constaté en examinant les rapports que, dans un certain nombre de pays, les autres droits qui devraient être reconnus aux étrangers en vertu du Pacte leur sont refusés, ou font l’objet de restrictions qui ne peuvent pas toujours être justifiées en vertu du Pacte.

3.Quelques constitutions proclament l’égalité des étrangers et des citoyens. D’autres, plus récentes, distinguent soigneusement les droits fondamentaux reconnus à tous et ceux qui ne sont reconnus qu’aux citoyens, et définissent les uns et les autres en détail. Cependant, dans de nombreux États, la constitution ne vise que les citoyens lorsqu’elle prévoit des droits déterminés. La législation et la jurisprudence peuvent aussi jouer un rôle important dans la reconnaissance des droits des étrangers. Le Comité a été informé que dans certains États les droits fondamentaux, bien qu’ils ne soient pas garantis aux étrangers par la constitution ou par la loi, leur sont néanmoins reconnus comme le Pacte l’exige. Dans certains cas, toutefois, il est apparu que les droits prévus par le Pacte n’étaient pas reconnus sans discrimination à l’égard des étrangers.

4.Le Comité estime que les États parties devraient, dans leurs rapports, prêter attention à la situation des étrangers à la fois au regard de leur droit et dans la pratique concrète. Le Pacte accorde aux étrangers une protection totale quant aux droits qu’il garantit, et les États parties devraient observer ses prescriptions dans leur législation et dans leur pratique. La situation des étrangers en serait sensiblement améliorée. Les États parties devraient veiller à ce que les dispositions du Pacte et les droits qu’il prévoit soient portés à la connaissance des étrangers relevant de leur juridiction.

5.Le Pacte ne reconnaît pas aux étrangers le droit d’entrer sur le territoire d’un État partie ou d’y séjourner. En principe, il appartient à l’État de décider qui il admet sur son territoire. Toutefois, dans certaines situations, un étranger peut bénéficier de la protection du Pacte même en ce qui concerne l’entrée ou le séjour: tel est le cas si des considérations relatives à la non‑discrimination, à l’interdiction des traitements inhumains et au respect de la vie familiale entrent en jeu.

6.L’autorisation d’entrée peut être soumise à des conditions relatives aux déplacements, au lieu de séjour et à l’emploi. Un État peut aussi imposer des conditions générales aux étrangers en transit. Cependant, une fois autorisés à entrer sur le territoire d’un État partie, les étrangers bénéficient des droits énoncés par le Pacte.

7.Les étrangers ont ainsi un droit inhérent à la vie qui est juridiquement protégé, et ne peuvent être privés arbitrairement de la vie. Ils ne doivent pas être soumis à la torture, ni à des traitements ou peines inhumains ou dégradants; ils ne peuvent pas non plus être réduits en esclavage ou en servitude. Les étrangers ont droit sans réserve à la liberté et à la sécurité de la personne. S’ils sont légalement privés de leur liberté, ils doivent être traités avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à leur personne. Un étranger ne peut être détenu pour inexécution d’une obligation contractuelle. Les étrangers ont droit à la liberté de mouvement et au libre choix de leur lieu de résidence; ils sont libres de quitter le pays. Ils jouissent de l’égalité devant les tribunaux, et ont droit à ce que leur cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial établi par la loi, et qui décidera du bien‑fondé de toute accusation en matière pénale et des contestations portant sur leurs droits et obligations de caractère civil. Les étrangers ne sont pas soumis à une législation pénale rétroactive, et ils ont droit à la reconnaissance de leur personnalité juridique. Ils ne peuvent être soumis à aucune immixtion arbitraire ou illégale dans leur vie privée, leur famille, leur résidence ni leur correspondance. Ils ont droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, et ont le droit d’avoir des opinions et de les exprimer. Les étrangers bénéficient du droit de réunion pacifique et de libre association. Ils peuvent se marier lorsqu’ils ont atteint l’âge légal du mariage. Leurs enfants bénéficient des mesures de protection nécessitées par leur état de mineur. Dans les cas où les étrangers constituent une minorité au sens de l’article 27, il ne peut leur être refusé le droit, en commun avec les autres membres de leur groupe, d’avoir leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion et d’employer leur propre langue. Les étrangers ont droit à une égale protection de la loi. Il n’y a pas de discrimination entre étrangers et citoyens dans l’application de ces droits. Ces droits des étrangers ne peuvent faire l’objet que des limitations qui peuvent être légalement imposées conformément au Pacte.

8.Une fois qu’un étranger se trouve légalement sur un territoire, sa liberté de déplacement à l’intérieur du territoire et son droit de quitter le territoire ne peuvent être limités que conformément à l’article 12, paragraphe 3. Les différences de traitement sur ce point entre étrangers et nationaux, ou entre différentes catégories d’étrangers, doivent être justifiées au regard de l’article 12, paragraphe 3. Comme les restrictions doivent notamment être compatibles avec les autres droits reconnus dans le Pacte, un État partie ne peut, en limitant les droits d’un étranger ou en l’expulsant vers un pays tiers, empêcher arbitrairement son retour dans son propre pays (art. 12, par. 4).

9.Beaucoup de rapports donnent des renseignements insuffisants au sujet de l’article 13. Cet article est applicable à toutes les procédures tendant à contraindre un étranger à quitter un pays, que la législation nationale qualifie ce départ d’expulsion ou qu’elle emploie un autre terme. Si la procédure comporte l’arrestation, les garanties prévues par le Pacte en cas de privation de liberté (art. 9 et 10) peuvent aussi être applicables. Si l’arrestation a pour objet l’extradition, d’autres dispositions du droit national et du droit international peuvent s’appliquer. Normalement, un étranger qui est expulsé doit être autorisé à se rendre dans tout pays qui accepte de l’accueillir. Les droits spécifiquement prévus par l’article 13 ne protègent que les étrangers qui se trouvent légalement sur le territoire d’un État partie. Il s’ensuit que les dispositions du droit national concernant les conditions d’entrée et de séjour doivent être prises en considération pour déterminer l’étendue de cette protection, et qu’en particulier les immigrés clandestins et les étrangers qui ont dépassé la durée de séjour prévue par la loi ou par l’autorisation qui leur a été délivrée ne sont pas protégés par l’article dont il s’agit. Toutefois, si la légalité de l’entrée ou du séjour d’un étranger fait l’objet d’un litige, toute décision pouvant entraîner l’expulsion de l’étranger doit être prise dans le respect de l’article 13. Il appartient aux autorités compétentes de l’État partie d’appliquer et d’interpréter le droit national de bonne foi, dans l’exercice de leurs pouvoirs, tout en respectant les obligations prévues par le Pacte, et notamment le principe de l’égalité devant la loi (art. 26).

10.L’article 13 ne porte directement que sur la procédure, et non sur les motifs de fond de l’expulsion. Cependant, pour autant qu’il n’autorise que les mesures exécutées à la suite d’une «décision prise conformément à la loi», son objectif évident est d’éviter les expulsions arbitraires. D’autre part, il reconnaît à chaque étranger le droit à une décision individuelle; il s’ensuit que les lois ou décisions qui prévoiraient des mesures d’expulsion collective ou massive ne répondraient pas aux dispositions de l’article 13. Le Comité estime que cette interprétation est confirmée par les dispositions qui prévoient le droit de faire valoir les raisons qui peuvent militer contre une mesure d’expulsion et de soumettre la décision à l’examen de l’autorité compétente ou d’une personne désignée par elle, en se faisant représenter à cette fin devant cette autorité ou cette personne. L’étranger doit recevoir tous les moyens d’exercer son recours contre l’expulsion, de manière à être en toutes circonstances à même d’exercer effectivement son droit. Les principes énoncés par l’article 13 au sujet du recours contre la décision d’expulsion ou du droit à un nouvel examen par une autorité compétente ne peuvent souffrir d’exception que si «des raisons impérieuses de sécurité nationale l’exigent». Aucune discrimination ne peut être opérée entre différentes catégories d’étrangers dans l’application de l’article 13.

Trente ‑deuxième session (1988)

Observation générale n o  16: Article 17 (Droit au respect de la vie privée)

1.L’article 17 prévoit le droit de toute personne à être protégée contre les immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile et sa correspondance, ainsi que contre les atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. De l’avis du Comité, la protection de ce droit doit être garantie contre toutes ces immixtions et atteintes, qu’elles émanent des pouvoirs publics ou de personnes physiques ou morales. Les obligations imposées par cet article exigent de l’État l’adoption de mesures, d’ordre législatif ou autres, destinées à rendre effective l’interdiction de telles immixtions et atteintes à la protection de ce droit.

2.À cet égard, le Comité tient à faire observer que les rapports des États parties au Pacte n’accordent pas l’attention nécessaire aux renseignements sur la façon dont le respect de ce droit est garanti par les autorités législatives, administratives ou judiciaires, et en général par les organes compétents institués par l’État. En particulier, on n’accorde pas une attention suffisante au fait que l’article 17 du Pacte traite de la protection contre les immixtions illégales et arbitraires. Cela signifie que c’est précisément dans la législation des États qu’il faut avant tout prévoir la protection du droit énoncé dans cet article. Pour l’instant, les rapports, soit ne disent rien d’une telle législation, soit fournissent à ce sujet des renseignements insuffisants.

3.L’adjectif «illégal» signifie qu’aucune immixtion ne peut avoir lieu, sauf dans les cas envisagés par la loi. Les immixtions autorisées par les États ne peuvent avoir lieu qu’en vertu d’une loi, qui doit elle‑même être conforme aux dispositions, aux buts et aux objectifs du Pacte.

4.L’expression «immixtions arbitraires» se rapporte également à la protection du droit prévu à l’article 17. De l’avis du Comité, cette expression peut s’étendre aux immixtions prévues par la loi. L’introduction de la notion d’arbitraire a pour objet de garantir que même une immixtion prévue par la loi soit conforme aux dispositions, aux buts et aux objectifs du Pacte et soit, dans tous les cas, raisonnable eu égard aux circonstances particulières.

5.En ce qui concerne le terme «famille», les objectifs du Pacte exigent qu’aux fins de l’article 17 ce terme soit interprété au sens large, de manière à comprendre toutes les personnes qui composent la famille telle qu’elle est perçue dans la société de l’État partie concerné. Le terme «home» dans la version anglaise, «manzel» dans la version arabe, «zhùzhái» dans la version chinoise, «domicilio» dans la version espagnole, «domicile» dans la version française et «zhilishche» dans la version russe, doit s’entendre du lieu où une personne réside ou exerce sa profession habituelle. À ce propos, le Comité invite les États à indiquer dans leurs rapports l’acception donnée dans leur société aux termes «famille» et «domicile».

6.Le Comité estime que doivent figurer dans les rapports des renseignements sur les autorités et organes prévus par le système juridique du pays qui ont compétence pour autoriser les immixtions admises par la loi. Il est également indispensable d’avoir des renseignements sur les autorités qui sont habilitées à exercer un contrôle sur de telles immixtions dans le strict respect de la loi, et de savoir de quelle façon et auprès de quels organes les personnes concernées peuvent se plaindre d’une violation du droit prévu à l’article 17 du Pacte. Les États doivent clairement indiquer dans leurs rapports jusqu’à quel point la pratique effective s’accorde au droit. Les rapports des États parties doivent également contenir des renseignements relatifs aux plaintes déposées pour immixtions arbitraires ou illégales et au nombre de décisions rendues à cet égard le cas échéant, ainsi qu’aux recours prévus en tels cas.

7.Étant donné que toutes les personnes vivent en société, la protection de la vie privée est nécessairement relative. Toutefois, les autorités publiques compétentes ne doivent pouvoir réclamer que celles des informations touchant la vie privée de l’individu dont la connaissance est indispensable à la société, au sens du Pacte. Par conséquent, le Comité recommande aux États d’indiquer dans leurs rapports les lois et règlements régissant les immixtions dans la vie privée.

8.Même pour ce qui est des immixtions qui sont conformes au Pacte, une loi pertinente doit préciser dans le détail les cas précis dans lesquels elles peuvent être autorisées. La décision de procéder à ces immixtions autorisées doit être prise par l’autorité désignée par la loi, et cas par cas. Le respect de l’article 17 exige que l’intégrité et le caractère confidentiel de la correspondance soient garantis en droit et en fait. La correspondance doit être remise au destinataire, sans interception, sans être ouverte, et sans qu’il en soit pris autrement connaissance. La surveillance, par des moyens électroniques ou autres, l’interception des communications téléphoniques, télégraphiques ou autres, l’écoute et l’enregistrement des conversations devraient être interdits. Les perquisitions domiciliaires doivent être limitées à la recherche des éléments de preuve nécessaires, et ne doivent pas pouvoir donner lieu à des vexations. En ce qui concerne la fouille des personnes et la fouille corporelle, des mesures efficaces doivent assurer qu’il y est procédé d’une manière compatible avec la dignité de la personne qui en est l’objet. Les personnes soumises à une fouille corporelle par des agents de l’État ou du personnel médical agissant à la demande de l’État ne devraient être fouillées que par des personnes du même sexe.

9.Les États parties sont eux‑mêmes tenus de s’abstenir d’agissements non conformes à l’article 17 du Pacte, et de créer le cadre législatif nécessaire pour empêcher que des personnes physiques ou morales ne s’y livrent.

10.Le rassemblement et la conservation, par des autorités publiques, des particuliers ou des organismes privés, de renseignements concernant la vie privée d’individus sur des ordinateurs, dans des banques de données et selon d’autres procédés, doivent être réglementés par la loi. L’État doit prendre des mesures efficaces afin d’assurer que ces renseignements ne tombent pas entre les mains de personnes non autorisées par la loi à les recevoir, les traiter et les exploiter, et ne soient jamais utilisés à des fins incompatibles avec le Pacte. Il serait souhaitable, pour assurer la protection la plus efficace de sa vie privée, que chaque individu ait le droit de déterminer, sous une forme intelligible, si des données personnelles le concernant et, dans l’affirmative, lesquelles, sont stockées dans des fichiers automatiques de données, et à quelles fins. Chaque individu doit également pouvoir déterminer les autorités publiques ou les particuliers ou les organismes privés qui ont ou peuvent avoir le contrôle des fichiers le concernant. Si ces fichiers contiennent des données personnelles incorrectes ou qui ont été recueillies ou traitées en violation des dispositions de la loi, chaque individu doit avoir le droit de réclamer leur rectification ou leur suppression.

11.L’article 17 garantit la protection de l’honneur et de la réputation, et les États sont tenus d’avoir des lois appropriées à cet effet. Des dispositions doivent également être prises pour permettre à chacun de se protéger contre toute attaque illégale dont il peut être l’objet et d’avoir un moyen de recours contre les responsables. Les États parties devraient indiquer dans leurs rapports dans quelle mesure l’honneur et la réputation des individus sont protégés par la loi, et comment cette protection est assurée dans leur système juridique.

Trente ‑cinquième session (1989)

Observation générale n o  17: Article 24 (Droits de l’enfant)

1.L’article 24 du Pacte établit que tous les enfants, sans aucune discrimination, ont le droit de recevoir de leur famille, de la société et de l’État la protection qu’exige leur état de mineur. L’application de cette disposition nécessite l’adoption par les États de mesures spéciales en ce sens, qui s’ajoutent à celles qu’ils sont par ailleurs tenus de prendre en vertu de l’article 2 pour que tous les individus puissent exercer les droits prévus dans le Pacte. Souvent, dans les rapports qu’ils présentent, les États semblent sous‑estimer cette obligation, et fournissent des renseignements insuffisants sur la façon dont s’exerce le droit des enfants à une protection spéciale.

2.Le Comité fait observer à ce sujet que les droits prévus à l’article 24 ne sont pas les seuls que le Pacte reconnaît aux enfants, qui bénéficient aussi, en tant qu’individus, de tous les autres droits civils énoncés dans cet instrument. Certaines des dispositions du Pacte, en établissant un droit, indiquent expressément aux États les mesures qu’ils doivent adopter pour que les mineurs soient mieux protégés que les adultes. C’est ainsi qu’en ce qui concerne le droit à la vie, la sentence de mort ne peut être prononcée contre les mineurs de 18 ans. De même, s’ils sont légalement privés de la liberté, les jeunes prévenus doivent être séparés des adultes, et leur cas doit être décidé aussi rapidement que possible; les jeunes délinquants condamnés doivent être soumis à un régime pénitentiaire où ils sont séparés des adultes et qui est approprié à leur âge et à leur statut légal, le but étant de les amener à se réformer et de favoriser leur réinsertion sociale. Il est aussi prévu qu’un droit garanti par le Pacte peut être restreint lorsqu’il s’agit de protéger des enfants, pourvu que cette restriction soit justifiée: ainsi, lorsque l’intérêt d’un mineur l’exige, il est permis de faire exception à la règle qui commande que tout jugement civil ou pénal soit public.

3.Dans la plupart des cas, toutefois, les mesures à adopter ne sont pas précisées dans le Pacte, et il appartient à chaque État de les déterminer, en fonction des exigences de la protection des enfants qui se trouvent sur son territoire ou relèvent de sa compétence. Le Comité rappelle à cet égard que ces mesures, bien que destinées en premier lieu à assurer aux enfants le plein exercice des droits sur lesquels porte le Pacte, peuvent également être d’ordre économique, social ou culturel. Ainsi, par exemple, toutes les mesures possibles devraient être prises dans les domaines économique et social pour réduire la mortalité infantile, faire disparaître la malnutrition chez les enfants et éviter que ceux‑ci ne soient victimes d’actes de violence ou de traitements cruels et inhumains, ou qu’on ne les exploite en les obligeant à exécuter un travail forcé ou à se livrer à la prostitution, ou en les utilisant pour le trafic illicite de stupéfiants, ou de toute autre façon. Dans le domaine culturel, tout devrait être fait pour favoriser l’épanouissement de la personnalité des enfants et leur assurer un degré d’instruction qui leur permette d’exercer les droits visés par le Pacte, notamment la liberté d’opinion et d’expression. En outre, le Comité attire l’attention des États parties sur la nécessité d’inclure dans leurs rapports des informations sur les mesures adoptées pour assurer qu’aucun enfant ne participe directement à un conflit armé.

4.Tout enfant, en raison de son état de mineur, a droit à des mesures spéciales de protection. L’âge auquel l’enfant devient majeur n’est pas indiqué par le Pacte, et il revient à chaque État partie de le fixer, compte tenu des conditions sociales et culturelles. À cet égard, les États devraient préciser dans leurs rapports l’âge de la majorité civile et l’âge à partir duquel un enfant devient pénalement responsable. Les États devraient également préciser l’âge à partir duquel l’enfant est légalement autorisé à travailler, et l’âge à partir duquel l’enfant est assimilé aux adultes en matière de droit du travail. En outre, les États devraient préciser l’âge à partir duquel l’enfant est considéré adulte aux fins de l’application des paragraphes 2 et 3 de l’article 10. Toutefois, le Comité observe que l’âge de la majorité ne devrait pas être trop bas et que, dans tous les cas, un État partie ne peut pas se dégager de ses obligations au titre du Pacte concernant les personnes de moins de 18 ans, même si elles ont atteint l’âge de la majorité selon le droit interne.

5.Le Pacte stipule que les enfants doivent être protégés contre toute discrimination, quelle que soit la raison sur laquelle celle‑ci se fonde: race, couleur, sexe, langue, religion, origine nationale ou sociale, fortune ou naissance. Le Comité observe à cet égard que, tandis que l’obligation de non‑discrimination à leur égard découle de l’article 2 en ce qui concerne l’ensemble des droits prévus par le Pacte, et de l’article 26 en ce qui concerne l’égalité devant la loi, la clause de non‑discrimination que renferme l’article 24 porte très précisément sur les mesures de protection les concernant spécifiquement, telles qu’elles sont prévues dans cette même disposition. Les États devraient indiquer dans leurs rapports comment leur législation et leur pratique assurent que les mesures de protection tendent à abolir toute discrimination dans tous les domaines, y compris en matière successorale, et notamment toute discrimination entre les enfants qui sont des nationaux de l’État et les enfants étrangers, et entre enfants légitimes et enfants nés hors mariage.

6.L’obligation d’assurer aux enfants la protection nécessaire incombe à la famille, à la société et à l’État. Bien que le Pacte n’indique pas comment doit être partagée cette obligation, c’est en premier lieu à la famille, interprétée au sens large de manière à comprendre toutes les personnes qui s’y rattachent dans la société de l’État, et tout particulièrement aux parents, qu’il incombe de créer des conditions qui favorisent l’épanouissement harmonieux de la personnalité de l’enfant et le fassent jouir des droits prévus par le Pacte. Toutefois, puisqu’il est courant que le père et la mère aient une activité professionnelle hors du foyer, les États parties devraient préciser dans leurs rapports comment la société, ses institutions et l’État font face à leurs responsabilités et aident la famille à assurer la protection de l’enfant. D’autre part, dans le cas où les parents et la famille manquent gravement à leurs devoirs, maltraitent l’enfant ou le négligent, l’État doit intervenir pour restreindre l’autorité parentale, et, lorsque les circonstances l’exigent, l’enfant peut être séparé des siens. En cas de dissolution du mariage, des dispositions dans lesquelles la considération dominante est l’intérêt de l’enfant doivent être prises afin d’assurer à ce dernier la protection nécessaire et de lui garantir autant que possible des relations personnelles avec ses deux parents. Le Comité pense qu’il serait utile que, dans leurs rapports, les États fournissent des renseignements sur les mesures spécialement adoptées pour protéger les enfants abandonnés ou séparés de leur milieu familial et pour leur permettre de se développer dans des conditions analogues à celles qu’offre le milieu familial.

7.Le paragraphe 2 de l’article 24 stipule que tout enfant a le droit d’être enregistré immédiatement après sa naissance et de recevoir un nom. Selon le Comité, cette disposition doit être interprétée comme étroitement liée à celle qui établit que l’enfant a droit à des mesures spéciales de protection et qui vise à faire reconnaître sa personnalité juridique. Il est particulièrement important de garantir le droit à un nom dans le cas des enfants nés hors mariage. L’obligation d’enregistrer les enfants à la naissance est conçue principalement pour réduire les risques d’enlèvement, de vente ou de traite d’enfants, ou les autres traitements contraires aux droits prévus dans le Pacte. Les États parties devraient indiquer avec précision dans leurs rapports les mesures conçues pour que soient enregistrés dès la naissance des enfants nés sur leur territoire.

8.De même, dans le cadre de la protection à accorder aux enfants, il convient d’accorder une attention particulière au droit de tout enfant à la nationalité, énoncé au paragraphe 3 de l’article 24. Cette disposition, qui a pour but d’éviter qu’un enfant ne soit moins protégé par la société et l’État s’il est apatride, n’impose pas pour autant aux États parties de donner en toutes circonstances leur nationalité à tout enfant né sur leur territoire. Cependant, les États sont tenus d’adopter toutes les mesures appropriées, sur le plan interne et en coopération avec les autres États, pour que tout enfant ait une nationalité dès sa naissance. Ils ne devraient tolérer dans la législation interne en matière d’acquisition de la nationalité aucune discrimination qui distingue entre enfants légitimes et enfants nés hors mariage ou de parents apatrides, ou qui soit motivée par la nationalité des parents ou de l’un d’entre eux. Les rapports présentés devraient toujours mentionner les mesures adoptées pour assurer aux enfants une nationalité.

Trente ‑septième session (1989)

Observation générale n o  18: Non ‑discrimination

1.La non‑discrimination est un principe fondamental et général en matière de protection des droits de l’homme, au même titre que l’égalité devant la loi et l’égale protection de la loi. Ainsi, conformément au paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, les États parties sont tenus de respecter et de garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le Pacte, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. Conformément à l’article 26, toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit à une égale protection de la loi, et, de plus, la loi doit interdire toute discrimination et garantir à toutes les personnes une protection égale et efficace contre toute discrimination, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique et de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.

2.En effet, le principe de non‑discrimination est si fondamental que, conformément à l’article 3, les États parties s’engagent à assurer le droit égal des hommes et des femmes de jouir de tous les droits énoncés dans le Pacte. Même si le paragraphe 1 de l’article 4 autorise les États parties en cas de danger public exceptionnel à prendre des mesures dérogeant à certaines obligations prévues dans le Pacte, ce même paragraphe prévoit, entre autres, que ces mesures ne doivent pas entraîner une discrimination fondée uniquement sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l’origine sociale. En outre, conformément au paragraphe 2 de l’article 20, les États parties ont l’obligation d’interdire par la loi tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination.

3.En raison de leur caractère fondamental et général, le principe de non‑discrimination, tout comme ceux de l’égalité devant la loi et de l’égale protection de la loi, sont parfois expressément énoncés dans des articles relatifs à des catégories particulières de droits de l’homme. Le paragraphe 1 de l’article 14 prévoit que tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice, et le paragraphe 3 du même article dispose que toute personne accusée d’une infraction pénale a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties qui sont énumérées aux alinéas a à g du paragraphe 3. De même, l’article 25 prévoit la participation égale de tous les citoyens aux affaires publiques sans aucune des discriminations visées à l’article 2.

4.Il appartient aux États parties de décider quelles mesures sont appropriées pour appliquer les dispositions pertinentes. Le Comité souhaite toutefois être informé de la nature de ces mesures et de leur conformité avec les principes de non‑discrimination, d’égalité devant la loi et d’égale protection de la loi.

5.Le Comité appelle l’attention des États parties sur le fait que le Pacte leur demande parfois expressément de prendre des mesures pour garantir l’égalité des droits des personnes en cause. Par exemple, il est stipulé au paragraphe 4 de l’article 23 que les États parties prendront les mesures appropriées pour assurer l’égalité de droits et de responsabilités des époux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution. Ces mesures peuvent être d’ordre législatif, administratif ou autre, mais les États parties ont l’obligation positive de faire en sorte que les époux jouissent de l’égalité des droits conformément au Pacte. En ce qui concerne les enfants, l’article 24 stipule que tout enfant, sans discrimination aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’origine nationale ou sociale, la fortune ou la naissance, a droit, de la part de la famille, de la société et de l’État, aux mesures de protection qu’exige sa condition de mineur.

6.Le Comité note que le Pacte ne contient pas de définition du terme «discrimination», et qu’il n’y est pas indiqué non plus ce qui constitue la discrimination. Toutefois, l’article premier de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale dispose que l’expression «discrimination raciale» vise toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, dans des conditions d’égalité, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique. De même, l’article premier de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes dispose que l’expression «discrimination à l’égard des femmes» vise toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine.

7.Ces instruments ne concernent, bien sûr, que certains cas de discrimination fondés sur des motifs précis, mais le Comité considère que le terme «discrimination», tel qu’il est utilisé dans le Pacte, doit être compris comme s’entendant de toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée notamment sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation, et ayant pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par tous, dans des conditions d’égalité, de l’ensemble des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

8.Cependant, la jouissance des droits et des libertés dans des conditions d’égalité n’implique pas dans tous les cas un traitement identique. À cet égard, les dispositions du Pacte sont explicites. Par exemple, aux termes du paragraphe 5 de l’article 6, la peine de mort ne peut pas être imposée à des personnes âgées de moins de 18 ans et ne peut être exécutée contre des femmes enceintes. De même, conformément au paragraphe 3 de l’article 10, les jeunes délinquants doivent être séparés des adultes. En outre, l’article 25 garantit certains droits politiques, en prévoyant une différenciation fondée sur la citoyenneté et l’âge.

9.Les rapports de nombreux États parties contiennent des renseignements sur les mesures législatives et administratives et sur les décisions judiciaires relatives à la discrimination en droit, mais manquent très souvent de renseignements sur la discrimination dans les faits. Lorsqu’ils font rapport sur les articles 2, paragraphe 1, 3 et 26 du Pacte, les États parties citent généralement les dispositions de leur Constitution ou de leur législation sur l’égalité des chances à propos de l’égalité des personnes. Ces renseignements sont évidemment utiles, mais le Comité souhaiterait savoir s’il se pose encore des problèmes liés à une discrimination de fait, de la part, soit des pouvoirs publics ou de la communauté, soit des particuliers ou des organismes privés. Le Comité voudrait être informé des dispositions législatives et des mesures administratives qui visent à réduire ou à éliminer cette discrimination.

10.Le Comité fait également observer que l’application du principe d’égalité suppose parfois de la part des États parties l’adoption de mesures en faveur de groupes désavantagés, visant à atténuer ou à supprimer les conditions qui font naître ou contribuent à perpétuer la discrimination interdite par le Pacte. Par exemple, dans les États où la situation générale de certains groupes de population empêche ou compromet leur jouissance des droits de l’homme, l’État doit prendre des mesures spéciales pour corriger cette situation. Ces mesures peuvent consister à accorder temporairement un traitement préférentiel dans des domaines spécifiques aux groupes en question par rapport au reste de la population. Cependant, tant que ces mesures sont nécessaires pour remédier à une discrimination de fait, il s’agit d’une différenciation légitime au regard du Pacte.

11.Le paragraphe 1 de l’article 2 et l’article 26 contiennent l’un et l’autre une énumération des motifs de discrimination, tels que la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. Le Comité a constaté que les motifs de discrimination faisant l’objet d’une interdiction dans le Pacte, tels qu’ils figurent au paragraphe 1 de l’article 2, ne sont pas tous mentionnés dans certaines constitutions et législations. Il souhaiterait donc que les États parties lui fassent savoir comment il convient d’interpréter de telles omissions.

12.Alors qu’aux termes de l’article 2, les droits qui doivent être protégés contre la discrimination sont limités aux droits énoncés dans le Pacte, l’article 26 ne précise pas une telle limite. Cet article consacre en effet le principe de l’égalité devant la loi et de l’égale protection de la loi, et stipule que la loi doit garantir à toutes les personnes une protection égale et efficace contre la discrimination pour chacun des motifs énumérés. De l’avis du Comité, l’article 26 ne reprend pas simplement la garantie déjà énoncée à l’article 2, mais prévoit par lui‑même un droit autonome. Il interdit toute discrimination en droit ou en fait dans tout domaine réglementé et protégé par les pouvoirs publics. L’article 26 est par conséquent lié aux obligations qui sont imposées aux États parties en ce qui concerne leur législation et l’application de celle‑ci. Ainsi, lorsqu’un État partie adopte un texte législatif, il doit, conformément à l’article 26, faire en sorte que son contenu ne soit pas discriminatoire. En d’autres termes, l’application du principe de non‑discrimination énoncé à l’article 26 n’est pas limitée aux droits stipulés dans le Pacte.

13.Enfin, le Comité fait observer que toute différenciation ne constitue pas une discrimination, si elle est fondée sur des critères raisonnables et objectifs et si le but visé est légitime au regard du Pacte.

Trente ‑neuvième session (1990)

Observation générale n o  19: Article 23 (Protection de la famille)

1.L’article 23 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques reconnaît que la famille est l’élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l’État. La protection de la famille et de ses membres est également garantie, directement ou indirectement, par d’autres dispositions du Pacte. Ainsi, l’article 17 stipule l’interdiction d’immixtions arbitraires ou illégales dans la famille. De plus, l’article 24 du Pacte porte expressément sur la protection des droits de l’enfant en tant que tel ou en tant que membre d’une famille. Dans leurs rapports, les États parties ne donnent souvent pas assez d’informations sur la manière dont l’État et la société mettent en œuvre leur obligation de fournir une protection à la famille et aux personnes qui la composent.

2.Le Comité observe que la notion de famille peut différer à certains égards d’un État à l’autre, et même d’une région à l’autre à l’intérieur d’un même État, de sorte qu’il n’est pas possible d’en donner une définition uniforme. Toutefois, le Comité souligne que, lorsque la législation et la pratique d’un État considèrent un groupe de personnes comme une famille, celle‑ci doit y faire l’objet de la protection visée à l’article 23. Par conséquent, les États parties devraient exposer dans leurs rapports l’interprétation ou la définition qui sont données de la notion et de l’étendue de famille dans leur société et leur système juridique. L’existence dans un État d’une pluralité de notions de famille, famille «nucléaire» et famille «élargie», devrait être indiquée, avec l’explication du degré de protection de l’une et de l’autre. Étant donné qu’il existe divers types de famille, les couples non mariés et leurs enfants ou les parents seuls et leurs enfants, par exemple, les États parties devraient également indiquer si et dans quelle mesure la législation et les pratiques nationales reconnaissent et protègent ces types de famille et leurs membres.

3.La mise en œuvre de la protection visée à l’article 23 du Pacte demande, de la part des États parties, l’adoption de mesures diverses, notamment d’ordre législatif ou administratif. Les États parties devraient fournir des informations détaillées quant à la nature de ces mesures et aux moyens employés pour en assurer l’application effective. Par ailleurs, puisque le Pacte reconnaît aussi à la famille le droit d’être protégée par la société, les États parties devraient indiquer, dans leurs rapports, comment l’État et d’autres institutions sociales accordent la protection nécessaire à la famille, si et dans quelle mesure l’État encourage l’activité desdites institutions par des moyens financiers ou autres, et comment il veille à ce que ladite activité soit compatible avec le Pacte.

4.Le paragraphe 2 de l’article 23 du Pacte réaffirme que le droit de se marier et de fonder une famille est reconnu à l’homme et à la femme à partir de l’âge nubile. Le paragraphe 3 du même article énonce que nul mariage ne peut être conclu sans le libre et plein consentement des futurs époux. Les États parties devraient indiquer dans leurs rapports s’il existe des restrictions ou obstacles à l’exercice du droit de contracter mariage qui procèdent de facteurs spéciaux tels que le degré de parenté ou l’incapacité mentale. Le Pacte ne fixe expressément l’âge nubile ni pour l’homme, ni pour la femme; cet âge devrait être fixé en fonction de la capacité des futurs époux de donner leur libre et plein consentement personnel dans les formes et les conditions prescrites par la loi. À cet égard, le Comité tient à rappeler que ces dispositions légales doivent être compatibles avec le plein exercice des autres droits garantis par le Pacte; ainsi, par exemple, le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion implique que la législation de chaque État prévoie la possibilité à la fois du mariage civil et du mariage religieux. De l’avis du Comité, toutefois, le fait qu’un État exige qu’un mariage célébré conformément à des rites religieux soit également célébré ou prononcé ou enregistré par des autorités civiles n’est pas incompatible avec le Pacte. Les États sont également priés d’inclure des informations à ce sujet dans leurs rapports.

5.Le droit de fonder une famille implique, en principe, la possibilité de procréer et de vivre ensemble. Les politiques de planification de la famille, lorsque les États en adoptent, doivent être compatibles avec les dispositions du Pacte et n’être, en particulier, ni discriminatoires ni contraignantes. De même, la possibilité de vivre ensemble implique l’adoption de mesures appropriées, tant sur le plan interne que, le cas échéant, en coopération avec d’autres États, pour assurer l’unité ou la réunification des familles, notamment lorsque la séparation de leurs membres tient à des raisons politiques, économiques, ou du même ordre.

6.Le paragraphe 4 de l’article 23 du Pacte dispose que les États parties prendront les mesures appropriées pour assurer l’égalité de droits et de responsabilités des époux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution.

7.En ce qui concerne l’égalité au regard du mariage, le Comité tient à noter en particulier que l’acquisition ou la perte de la nationalité pour cause de mariage ne doit donner lieu à aucune discrimination fondée sur le sexe. De même, le droit pour chaque conjoint de continuer d’utiliser son nom de famille d’origine, ou de participer sur un pied d’égalité au choix d’un nouveau nom de famille devrait être sauvegardé.

8.Durant le mariage, les conjoints devraient avoir des droits et responsabilités égaux au sein de la famille. Cette égalité s’étend à toutes les questions qui découlent de leur lien, telles que le choix de la résidence, la gestion des affaires du ménage, l’éducation des enfants et l’administration des biens. Cette égalité continue d’être applicable aux dispositions concernant la séparation de corps ou la dissolution du mariage.

9.Ainsi, tout traitement discriminatoire en ce qui concerne les motifs et les procédures de séparation ou de divorce, la garde des enfants, la pension alimentaire en faveur des enfants ou du conjoint, le droit de visite, ou la perte ou le recouvrement de l’autorité parentale doit être interdit, compte tenu de l’intérêt dominant des enfants à cet égard. Les États parties devraient, en particulier, inclure dans leurs rapports des informations sur les dispositions qu’ils ont prises pour assurer aux enfants la protection nécessaire lors de la dissolution du mariage ou lors de la séparation des époux.

Quarante ‑quatrième session (1992)

Observation générale n o  20: Article 7 (Interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants)

1.La présente Observation générale remplace l’Observation générale no 7 (seizième session, 1982), dont elle reflète et développe la teneur.

2.L’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques a pour but de protéger la dignité et l’intégrité physique et mentale de l’individu. L’État partie a le devoir d’assurer à toute personne, par des mesures législatives ou autres, une protection contre les actes prohibés par l’article 7, que ceux‑ci soient le fait de personnes agissant dans le cadre de leurs fonctions officielles, en dehors de celles‑ci ou à titre privé. L’interdiction faite à l’article 7 est complétée par les dispositions positives du paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte, qui stipule que «toute personne privée de sa liberté est traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine».

3.Le texte de l’article 7 ne souffre aucune limitation. Le Comité réaffirme aussi que, même dans le cas d’un danger public exceptionnel tel qu’envisagé à l’article 4 du Pacte, aucune dérogation aux dispositions de l’article 7 n’est autorisée et ses dispositions doivent rester en vigueur. Le Comité fait observer également qu’aucune raison, y compris l’ordre d’un supérieur hiérarchique ou d’une autorité publique, ne saurait être invoquée en tant que justification ou circonstance atténuante pour excuser une violation de l’article 7.

4.Le Pacte ne donne pas de définition des termes employés à l’article 7, et le Comité n’estime pas non plus nécessaire d’établir une liste des actes interdits ni de fixer des distinctions très nettes entre les différentes formes de peines ou traitements interdits; ces distinctions dépendent de la nature, du but et de la gravité du traitement infligé.

5.L’interdiction énoncée à l’article 7 concerne non seulement des actes qui provoquent chez la victime une douleur physique, mais aussi des actes qui infligent une souffrance mentale. En outre, de l’avis du Comité, l’interdiction doit s’étendre aux peines corporelles, y compris les châtiments excessifs infligés à titre de sanction pénale ou de mesure éducative ou disciplinaire. À cet égard, il convient de souligner que l’article 7 protège notamment les enfants, les élèves des établissements d’enseignement et les patients des institutions médicales.

6.Le Comité note que l’emprisonnement cellulaire prolongé d’une personne détenue ou incarcérée peut être assimilé aux actes prohibés par l’article 7. Comme le Comité l’a noté dans son Observation générale no 6 (16), l’abolition de la peine capitale est évoquée d’une manière générale à l’article 6 du Pacte en des termes qui suggèrent sans ambiguïté que l’abolition est souhaitable. En outre, lorsque la peine de mort est appliquée par un État partie pour les crimes les plus graves, elle doit non seulement être strictement limitée conformément à l’article 6, mais aussi être exécutée de manière à causer le moins de souffrances possible, physiques ou mentales.

7.L’article 7 interdit expressément les expériences médicales ou scientifiques réalisées sans le libre consentement de la personne concernée. Le Comité note qu’en général, les rapports des États parties fournissent peu de précisions sur ce point. Il conviendrait d’accorder plus d’attention à la nécessité et aux moyens d’assurer le respect de cette disposition. Le Comité observe également qu’une protection spéciale contre de telles expériences est nécessaire dans le cas des personnes qui sont dans l’incapacité de donner valablement leur consentement, en particulier celles qui sont soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement. Ces personnes ne doivent pas faire l’objet d’expériences médicales ou scientifiques de nature à nuire à leur santé.

8.Le Comité note qu’il ne suffit pas, pour respecter l’article 7, d’interdire ces peines ou traitements, ni de déclarer que leur application constitue un délit. Les États parties doivent faire connaître au Comité les mesures législatives, administratives, judiciaires et autres qu’ils prennent pour prévenir et réprimer les actes de torture ainsi que les traitements cruels, inhumains ou dégradants dans tout territoire placé sous leur juridiction.

9.De l’avis du Comité, les États parties ne doivent pas exposer des individus à un risque de torture ou de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en les renvoyant dans un autre pays en vertu d’une mesure d’extradition, d’expulsion ou de refoulement. Les États parties devraient indiquer dans leurs rapports les mesures qu’ils ont adoptées à cette fin.

10.Le Comité devrait être informé des moyens par lesquels les États parties diffusent dans l’ensemble de la population les informations pertinentes concernant l’interdiction de la torture et des traitements prohibés par l’article 7. Le personnel responsable de l’application des lois, le personnel médical ainsi que les agents de la force publique et toutes les personnes intervenant dans la garde ou le traitement de tout individu arrêté, détenu ou emprisonné de quelque façon que ce soit doivent recevoir un enseignement et une formation appropriés. Les États parties devraient informer le Comité de l’enseignement et de la formation dispensés et lui expliquer de quelle manière l’interdiction énoncée à l’article 7 fait partie intégrante des règles et normes déontologiques auxquelles ces personnes doivent se conformer.

11.Outre la description des dispositions assurant la protection générale due à toute personne contre les actes prohibés par l’article 7, l’État partie doit fournir des indications détaillées sur les mesures qui visent spécialement à protéger les personnes particulièrement vulnérables. Il convient de noter que la surveillance systématique des règles, instructions, méthodes et pratiques en matière d’interrogatoire ainsi que des dispositions concernant la garde et le traitement des personnes arrêtées, détenues ou emprisonnées de quelque façon que ce soit constitue un moyen efficace d’éviter les cas de torture et de mauvais traitements. Pour garantir effectivement la protection des personnes détenues, il faut faire en sorte que les prisonniers soient détenus dans des lieux de détention officiellement reconnus comme tels et que leur nom et le lieu de leur détention ainsi que le nom des personnes responsables de leur détention figurent dans un registre aisément accessible aux intéressés, notamment aux membres de la famille et aux amis. De même, la date et le lieu des interrogatoires, ainsi que les noms de toutes les personnes y assistant doivent être inscrits sur un registre et ces renseignements doivent également être disponibles aux fins de la procédure judiciaire ou administrative. Des dispositions interdisant la détention au secret doivent également être prises. À cet égard, les États parties devraient veiller à ce que tous les lieux de détention soient exempts de tout matériel susceptible d’être utilisé pour infliger des tortures ou mauvais traitements. La protection du détenu exige en outre qu’il ait rapidement et régulièrement accès à des médecins et des avocats et, sous surveillance appropriée lorsque l’enquête l’exige, aux membres de sa famille.

12.Il importe, pour dissuader de commettre des violations de l’article 7, que la loi interdise d’utiliser ou déclare irrecevables dans une procédure judiciaire des déclarations et aveux obtenus par la torture ou tout autre traitement interdit.

13.Les États parties devraient indiquer, lorsqu’ils présentent leurs rapports, les dispositions de leur droit pénal qui répriment la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en précisant les sanctions applicables à de tels actes, qu’ils soient commis par des agents publics ou d’autres personnes agissant comme tels ou par des particuliers. Ceux qui violent l’article 7, que ce soit en encourageant, en ordonnant, en tolérant ou en perpétrant des actes prohibés, doivent être tenus pour responsables. En conséquence, ceux qui ont refusé d’obéir aux ordres ne doivent pas être punis ou soumis à un traitement préjudiciable.

14.L’article 7 devrait être lu conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte. Dans leurs rapports, les États parties devraient indiquer comment leur système juridique garantit efficacement qu’il soit mis fin immédiatement à tous les actes prohibés par l’article 7, ainsi que les réparations appropriées. Le droit de porter plainte contre des actes prohibés par l’article 7 doit être reconnu dans le droit interne. Les plaintes doivent faire l’objet d’enquêtes rapides et impartiales des autorités compétentes pour rendre les recours efficaces. Les rapports des États parties devraient fournir des renseignements précis sur les voies de recours disponibles pour les victimes de mauvais traitements, les procédures à suivre par les plaignants ainsi que des données statistiques sur le nombre de plaintes et le sort qui leur a été réservé.

15.Le Comité a noté que certains États avaient octroyé l’amnistie pour des actes de torture. L’amnistie est généralement incompatible avec le devoir qu’ont les États d’enquêter sur de tels actes; de garantir la protection contre de tels actes dans leur juridiction; et de veiller à ce qu’ils ne se reproduisent pas à l’avenir. Les États ne peuvent priver les particuliers du droit à un recours utile, y compris le droit à une indemnisation et à la réadaptation la plus complète possible.

Quarante ‑quatrième session (1992)

Observation générale n o  21: Article 10 (Droit des personnes privées de liberté d’être traitées avec humanité)

1.L’observation générale ci‑après remplace l’Observation générale no 9 (seizième session, 1982), qu’elle reprend et développe.

2.Le paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques s’applique à toute personne privée de sa liberté en vertu des lois et de l’autorité de l’État et qui est détenue dans une prison, un hôpital − un hôpital psychiatrique en particulier −, un camp de détention, un centre de redressement ou un autre lieu. Les États parties devraient veiller à ce que le principe énoncé dans cette disposition soit respecté dans toutes les institutions et tous les établissements placés sous leur juridiction et où des personnes sont retenues.

3.Le paragraphe 1 de l’article 10 impose aux États parties une obligation positive en faveur des personnes particulièrement vulnérables du fait qu’elles sont privées de liberté et complète l’interdiction de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants prévue à l’article 7 du Pacte. Ainsi, les personnes privées de leur liberté non seulement ne peuvent être soumises à un traitement contraire à l’article 7, notamment à des expériences médicales ou scientifiques, mais encore ne doivent pas subir de privation ou de contrainte autre que celles qui sont inhérentes à la privation de liberté; le respect de leur dignité doit être garanti à ces personnes de la même manière qu’aux personnes libres. Les personnes privées de leur liberté jouissent de tous les droits énoncés dans le Pacte, sous réserve des restrictions inhérentes à un milieu fermé.

4.Traiter toute personne privée de liberté avec humanité et en respectant sa dignité est une règle fondamentale d’application universelle, application qui, dès lors, ne saurait dépendre des ressources matérielles disponibles dans l’État partie. Cette règle doit impérativement être appliquée sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinions politiques ou autres, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.

5.Les États parties sont invités à indiquer dans leurs rapports dans quelle mesure ils se conforment aux normes des Nations Unies applicables au traitement des détenus: l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (1957), l’Ensemble de principes pour la protection des personnes soumises à une forme quelconque d’emprisonnement (1988), le Code de conduite pour les responsables de l’application des lois (1978) et les Principes d’éthique médicale applicables au rôle du personnel de santé, en particulier des médecins, dans la protection des prisonniers et des détenus contre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (1982).

6.Le Comité rappelle que les rapports doivent comporter des informations détaillées sur les dispositions législatives et administratives nationales qui ont des incidences sur le droit prévu au paragraphe 1 de l’article 10. Il estime également nécessaire qu’y soient précisées les mesures concrètes prises par les autorités compétentes pour contrôler l’application effective des règles relatives au traitement des personnes privées de leur liberté. Les États parties devraient aussi renseigner dans leurs rapports sur les structures de supervision des établissements pénitentiaires, de même que sur les mesures précises prises pour empêcher la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants et pour assurer l’impartialité de la supervision.

7.Le Comité rappelle en outre que les rapports devraient indiquer si les diverses dispositions applicables font partie intégrante de l’enseignement et de la formation qui sont dispensés aux personnels ayant autorité sur des personnes privées de leur liberté et si ces personnels respectent strictement ces dispositions dans l’accomplissement de leurs devoirs. De même, il conviendrait de préciser si les personnes arrêtées ou détenues peuvent s’informer de ces dispositions et disposent des recours utiles leur permettant d’obtenir que ces règles soient respectées, de se plaindre lorsqu’il n’est pas tenu compte de celles‑ci et d’obtenir juste réparation en cas de violation.

8.Le Comité rappelle que le principe énoncé au paragraphe 1 de l’article 10 constitue le fondement des obligations plus précises que les paragraphes 2 et 3 du même article 10 imposent aux États parties en matière de justice pénale.

9.Le paragraphe 2 de l’article 10 prévoit en son alinéa a que les prévenus doivent, sauf circonstances exceptionnelles, être séparés des condamnés. Cette séparation est nécessaire pour faire ressortir qu’un prévenu n’est pas une personne condamnée et qu’il a le droit d’être présumé innocent, comme le dispose le paragraphe 2 de l’article 14. Les rapports des États parties devraient indiquer comment est assurée la séparation entre les prévenus et les condamnés et préciser en quoi le régime des prévenus diffère de celui des condamnés.

10.En ce qui concerne le paragraphe 3 de l’article 10, relatif aux condamnés, le Comité souhaite recevoir des informations détaillées sur le système pénitentiaire des États parties. Aucun système pénitentiaire ne saurait être axé uniquement sur le châtiment; il devrait essentiellement viser le redressement et la réadaptation sociale du prisonnier. Les États parties sont invités à préciser s’ils disposent d’un système d’assistance postpénitentiaire et à donner des renseignements sur son efficacité.

11.Dans un certain nombre de cas, les renseignements fournis par l’État partie ne comportent de référence précise ni aux dispositions législatives ou administratives ni aux mesures pratiques qui visent à assurer la rééducation du condamné. Le Comité souhaite être précisément informé des mesures prises pour assurer l’instruction, l’éducation et la rééducation, l’orientation et la formation professionnelle, ainsi que des programmes de travail destinés aux détenus à l’intérieur de l’établissement pénitentiaire et à l’extérieur.

12.Pour pouvoir apprécier si le principe énoncé au paragraphe 3 de l’article 10 est pleinement respecté, le Comité souhaite en outre connaître les mesures spécifiques appliquées durant la détention, par exemple l’individualisation et la classification des condamnés, le régime disciplinaire, l’isolement cellulaire et la détention sous le régime de haute sécurité ainsi que les conditions dans lesquelles sont assurés les contacts du condamné avec le monde extérieur (famille, avocat, services sociaux et médicaux, organisations non gouvernementales).

13.Le Comité a par ailleurs constaté dans les rapports de certains États parties des lacunes en ce qui concerne le régime applicable aux mineurs prévenus ou délinquants. L’alinéa b du paragraphe 2 de l’article 10 dispose que les jeunes prévenus doivent être séparés des adultes, mais il ressort des renseignements présentés dans les rapports que certains États parties n’accordent pas toute l’attention nécessaire au fait qu’il s’agit là d’une disposition impérative du Pacte. En outre, le texte ajoute que les affaires mettant en cause des mineurs doivent être examinées aussi rapidement que possible. Les rapports devraient préciser les mesures prises par les États parties pour donner effet à cette disposition. Enfin, selon le paragraphe 3 de l’article 10, les jeunes délinquants doivent être séparés des adultes et soumis à un régime de détention approprié à leur âge et à leur statut légal, par exemple des horaires de travail réduits et la possibilité de recevoir la visite de membres de leur famille, afin de favoriser leur amendement et leur rééducation. Le Pacte n’indique pas quel doit être l’âge de la responsabilité pénale. Il appartient donc à chaque État partie de déterminer cet âge compte tenu du contexte social et culturel et des autres conditions, mais, selon le Comité, le paragraphe 5 de l’article 6 implique que toute personne âgée de moins de 18 ans devrait être traitée comme un mineur, du moins pour ce qui est des questions relatives à la justice pénale. Les États parties devraient fournir des renseignements sur le groupe d’âge auquel les personnes doivent appartenir pour être traitées comme des mineurs, et sont invitées à indiquer s’ils appliquent l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs, dites Règles de Beijing (1987).

Quarante ‑huitième session (1993)

Observation générale n o  22: Article 18 (Liberté de pensée, de conscience et de religion)

1.Le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (qui implique la liberté d’avoir des convictions) visé au paragraphe 1 de l’article 18 a une large portée; il englobe la liberté de pensée dans tous les domaines, les convictions personnelles et l’adhésion à une religion ou une croyance, manifestée individuellement ou en commun. Le Comité appelle l’attention des États parties sur le fait que la liberté de pensée et la liberté de conscience sont protégées à égalité avec la liberté de religion et de conviction. Le caractère fondamental de ces libertés est également reflété dans le fait qu’aux termes du paragraphe 2 de l’article 4 du Pacte, il ne peut être dérogé à l’article 18, même en cas de danger public exceptionnel.

2.L’article 18 protège les convictions théistes, non théistes et athées, ainsi que le droit de ne professer aucune religion ou conviction. Les termes «conviction» et «religion» doivent être interprétés au sens large. L’article 18 n’est pas limité, dans son application, aux religions traditionnelles ou aux religions et croyances comportant des caractéristiques ou des pratiques institutionnelles analogues à celles des religions traditionnelles. Le Comité est donc préoccupé par toute tendance à faire preuve de discrimination à l’encontre d’une religion ou d’une conviction quelconque pour quelque raison que ce soit, notamment parce qu’elle est nouvellement établie ou qu’elle représente des minorités religieuses susceptibles d’être en butte à l’hostilité d’une communauté religieuse dominante.

3.L’article 18 distingue la liberté de pensée, de conscience, de religion ou de conviction, et la liberté de manifester sa religion ou sa conviction. Il n’autorise aucune restriction quelle qu’elle soit à la liberté de pensée et de conscience ou à la liberté d’avoir ou d’adopter la religion ou la conviction de son choix. Ces libertés sont protégées sans réserve au même titre que le droit de chacun de ne pas être inquiété pour ses opinions, énoncé au paragraphe 1 de l’article 19. Conformément à l’article 17 et au paragraphe 2 de l’article 18, nul ne peut être contraint de révéler ses pensées ou son adhésion à une religion ou une conviction.

4.La liberté de manifester une religion ou une conviction peut être exercée «individuellement ou en commun, tant en public qu’en privé». La liberté de manifester sa religion ou sa conviction par le culte, l’accomplissement des rites, les pratiques et l’enseignement englobe des actes très variés. Le concept de culte comprend les actes rituels et cérémoniels exprimant directement une conviction, ainsi que différentes pratiques propres à ces actes, y compris la construction de lieux de culte, l’emploi de formules et d’objets rituels, la présentation de symboles et l’observation des jours de fête et des jours de repos. L’accomplissement des rites et la pratique de la religion ou de la conviction peuvent comprendre non seulement des actes cérémoniels, mais aussi des coutumes telles que l’observation de prescriptions alimentaires, le port de vêtements ou de couvre‑chefs distinctifs, la participation à des rites associés à certaines étapes de la vie et l’utilisation d’une langue particulière communément parlée par un groupe. En outre, la pratique et l’enseignement de la religion ou de la conviction comprennent les actes indispensables aux groupes religieux pour mener leurs activités essentielles, tels que la liberté de choisir leurs responsables religieux, leurs prêtres et leurs enseignants, celle de fonder des séminaires ou des écoles religieuses, et celle de préparer et de distribuer des textes ou des publications de caractère religieux.

5.Le Comité fait observer que la liberté «d’avoir ou d’adopter» une religion ou une conviction implique nécessairement la liberté de choisir une religion ou une conviction, y compris le droit de substituer à sa religion ou sa conviction actuelle une autre religion ou conviction ou d’adopter une position athée, ainsi que le droit de conserver sa religion ou sa conviction. Le paragraphe 2 de l’article 18 interdit la contrainte pouvant porter atteinte au droit d’avoir ou d’adopter une religion ou une conviction, y compris le recours ou la menace de recours à la force physique ou à des sanctions pénales pour obliger des croyants ou des non‑croyants à adhérer à des convictions et à des congrégations religieuses, à abjurer leur conviction ou leur religion ou à se convertir. Les politiques ou les pratiques ayant le même but ou le même effet, telles que, par exemple, celles restreignant l’accès à l’éducation, aux soins médicaux et à l’emploi ou les droits garantis par l’article 25 et par d’autres dispositions du Pacte, sont également incompatibles avec le paragraphe 2 de l’article 18. Les tenants de toutes les convictions de nature non religieuse bénéficient d’une protection identique.

6.Le Comité est d’avis que le paragraphe 4 de l’article 18 permet d’enseigner des sujets tels que l’histoire générale des religions et des idées dans les établissements publics, à condition que cet enseignement soit dispensé de façon neutre et objective. La liberté des parents ou des tuteurs légaux de faire assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions, prévue au paragraphe 4 de l’article 18, est liée à la garantie de la liberté d’enseigner une religion ou une conviction proclamée au paragraphe 1 du même article. Le Comité note que l’éducation publique incluant l’enseignement d’une religion ou d’une conviction particulière est incompatible avec le paragraphe 4 de l’article 18, à moins qu’elle ne prévoie des exemptions ou des possibilités de choix non discriminatoires correspondant aux vœux des parents et des tuteurs.

7.Conformément à l’article 20, la manifestation d’une religion ou d’une conviction ne peut correspondre à une forme de propagande en faveur de la guerre ou à un appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence. Comme l’a indiqué le Comité des droits de l’homme dans l’Observation générale no 11 [19], les États parties sont tenus d’adopter les mesures législatives voulues pour interdire ces actions.

8.Le paragraphe 3 de l’article 18 n’autorise les restrictions apportées aux manifestations de la religion ou des convictions que si lesdites restrictions sont prévues par la loi et sont nécessaires pour protéger la sécurité, l’ordre et la santé publics, ou la morale ou les libertés et droits fondamentaux d’autrui. Aucune restriction ne peut être apportée à la liberté d’avoir ou d’adopter une religion ou une conviction en l’absence de toute contrainte ni à la liberté des parents et des tuteurs d’assurer à leurs enfants une éducation religieuse et morale. En interprétant la portée des clauses relatives aux restrictions autorisées, les États parties devraient s’inspirer de la nécessité de protéger les droits garantis en vertu du Pacte, y compris le droit à l’égalité et le droit de ne faire l’objet d’aucune discrimination fondée sur les motifs spécifiés aux articles 2, 3 et 26. Les restrictions imposées doivent être prévues par la loi et ne doivent pas être appliquées d’une manière propre à vicier les droits garantis par l’article 18. Le Comité fait observer que le paragraphe 3 de l’article 18 doit être interprété au sens strict: les motifs de restriction qui n’y sont pas spécifiés ne sont pas recevables, même au cas où ils le seraient, au titre d’autres droits protégés par le Pacte, s’agissant de la sécurité nationale, par exemple. Les restrictions ne doivent être appliquées qu’aux fins pour lesquelles elles ont été prescrites et doivent être en rapport direct avec l’objectif spécifique qui les inspire et proportionnelles à celui‑ci. Il ne peut être imposé de restrictions à des fins discriminatoires ni de façon discriminatoire. Le Comité fait observer que la conception de la morale découle de nombreuses traditions sociales, philosophiques et religieuses; en conséquence, les restrictions apportées à la liberté de manifester une religion ou une conviction pour protéger la morale doivent être fondées sur des principes qui ne procèdent pas d’une tradition unique. Les personnes déjà soumises à certaines contraintes légitimes, telles que les prisonniers, continuent de jouir de leur droit de manifester leur religion ou leurs convictions dans toute la mesure compatible avec la nature de ces contraintes. Dans leurs rapports, les États parties devraient donner des informations détaillées sur la portée et les effets des restrictions prévues au paragraphe 3 de l’article 18 et appliquées tant dans le cadre de la loi que dans des circonstances particulières.

9.Le fait qu’une religion est reconnue en tant que religion d’État ou qu’elle est établie en tant que religion officielle ou traditionnelle, ou que ses adeptes représentent la majorité de la population, ne doit porter en rien atteinte à la jouissance de l’un quelconque des droits garantis par le Pacte, notamment les articles 18 et 27, ni entraîner une discrimination quelconque contre les adeptes d’autres religions ou les non‑croyants. En particulier certaines mesures de caractère discriminatoire pour ces derniers, par exemple des mesures restreignant l’accès au service de l’État aux membres de la religion prédominante, leur accordant des privilèges économiques ou imposant des restrictions spéciales à la pratique d’autres religions, ne sont pas conformes à l’interdiction de la discrimination fondée sur la religion ou la conviction, ni à la garantie d’une protection égale énoncées à l’article 26. Les mesures envisagées au paragraphe 2 de l’article 20 du Pacte constituent d’importantes protections contre les atteintes aux droits des minorités religieuses et d’autres groupes religieux du point de vue de l’exercice des droits protégés par les articles 18 et 27, et contre les actes de violence ou de persécution dirigés contre ces groupes. Le Comité souhaite être informé des mesures prises par les États parties concernés pour protéger la pratique de toutes les religions ou convictions contre toute atteinte, et pour protéger leurs adeptes contre la discrimination. De même, des renseignements sur le respect des droits des minorités religieuses en vertu de l’article 27 sont nécessaires au Comité pour pouvoir évaluer la mesure dans laquelle le droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion et de conviction a été protégé par les États parties. Les États parties concernés devraient également inclure dans leurs rapports des renseignements sur les pratiques qui selon leur législation et leur jurisprudence sont blasphématoires et punissables à ce titre.

10.Si un ensemble de convictions est traité comme une idéologie officielle dans des constitutions, des lois, des proclamations de partis au pouvoir, etc., ou dans la pratique, il ne doit en découler aucune atteinte aux libertés garanties par l’article 18 ni à aucun autre droit reconnu par le Pacte, ni aucune discrimination à l’égard des personnes qui n’acceptent pas l’idéologie officielle ou s’y opposent.

11.De nombreux individus ont invoqué le droit de refuser le service militaire (objection de conscience) en se fondant sur le fait que ce droit découle des libertés que leur attribue l’article 18. Pour répondre à leurs demandes, un nombre croissant d’États ont, dans leur législation, exempté du service militaire obligatoire leurs citoyens qui professent sincèrement des convictions religieuses ou autres interdisant l’accomplissement de ce service, et ils lui ont substitué un service national de remplacement. Le Pacte ne mentionne pas explicitement un droit à l’objection de conscience, mais le Comité estime qu’un tel droit peut être déduit de l’article 18, dans la mesure où l’obligation d’employer la force au prix de vies humaines peut être gravement en conflit avec la liberté de conscience et le droit de manifester sa religion ou ses convictions. Lorsque ce droit sera reconnu dans la législation ou la pratique, il n’y aura plus de différenciation entre objecteurs de conscience sur la base de la nature de leurs convictions particulières, de même qu’il ne s’exercera pas de discrimination contre les objecteurs de conscience parce qu’ils n’ont pas accompli leur service militaire. Le Comité invite les États parties à faire rapport sur les conditions dans lesquelles des personnes peuvent être exemptées du service militaire sur la base des droits qui leur sont reconnus par l’article 18 et sur la nature et la durée du service national de remplacement.

Cinquantième session (1994)

Observation générale n o  23: Article 27 (Droits des minorités)

1.L’article 27 du Pacte stipule que, dans les États où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être privées du droit d’avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion, ou d’employer leur propre langue. Le Comité constate que cet article consacre un droit qui est conféré à des individus appartenant à des groupes minoritaires et qui est distinct ou complémentaire de tous les autres droits dont ils peuvent déjà jouir, conformément au Pacte, en tant qu’individus, en commun avec toutes les autres personnes.

2.Dans certaines communications présentées au Comité en application du Protocole facultatif, le droit consacré à l’article 27 a été confondu avec le droit des peuples à disposer d’eux‑mêmes, énoncé à l’article premier du Pacte. En outre, dans les rapports présentés par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte, les obligations imposées aux États parties par l’article 27 ont parfois été confondues avec le devoir qu’ils ont en application du paragraphe 1 et de l’article 2 de garantir les droits reconnus dans le Pacte, sans distinction aucune, ainsi qu’avec les droits à l’égalité devant la loi et à une égale protection de la loi énoncés à l’article 26.

3.1Une distinction est faite dans le Pacte entre le droit des peuples à disposer d’eux‑mêmes et les droits consacrés à l’article 27. Le premier droit est considéré comme un droit appartenant aux peuples et fait l’objet d’une partie distincte du Pacte (première partie). Le droit des peuples à disposer d’eux‑mêmes n’est pas susceptible d’être invoqué en vertu du Protocole facultatif. Par ailleurs, l’article 27 confère des droits à des particuliers et, à ce titre, il figure comme les articles concernant les autres droits individuels conférés à des particuliers, dans la troisième partie du Pacte et peut faire l’objet d’une communication en vertu du Protocole facultatif.

3.2La jouissance des droits énoncés à l’article 27 ne porte pas atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale d’un État partie. Toutefois, l’un ou l’autre des droits consacrés dans cet article − par exemple, le droit d’avoir sa propre vie culturelle − peut consister en un mode de vie étroitement associé au territoire et à l’utilisation de ses ressources. Cela peut être vrai en particulier des membres de communautés autochtones constituant une minorité.

4.Le Pacte établit également une distinction entre les droits consacrés à l’article 27 et les garanties énoncées au paragraphe 1 de l’article 2 et à l’article 26. La faculté consacrée au paragraphe 1 de l’article 2 de jouir des droits reconnus dans le Pacte sans distinction aucune appartient à tous les individus se trouvant sur le territoire ou relevant de la compétence de l’État, que ceux‑ci appartiennent ou non à une minorité. En outre, l’article 26 consacre un droit distinct à l’égalité devant la loi et à l’égale protection de la loi et garantit une protection contre toute discrimination en ce qui concerne les droits reconnus et les obligations imposées par les États. Il régit l’exercice de tous les droits, énoncés ou non dans le Pacte, que l’État partie reconnaît de par la loi à tous les individus se trouvant sur son territoire ou relevant de sa compétence, qu’ils appartiennent ou non aux minorités visées à l’article 27. Certains États parties qui prétendent qu’ils ne pratiquent aucune distinction de race, de langue ou de religion font valoir à tort, sur cette seule base, qu’ils n’ont aucune minorité.

5.1Il ressort des termes employés à l’article 27 que les personnes que l’on entend protéger appartiennent à un groupe et ont en commun une culture, une religion et/ou une langue. Il ressort également de ces termes que les individus que l’on entend protéger ne doivent pas être forcément des ressortissants de l’État partie. À cet égard, les obligations découlant du paragraphe 1 de l’article 2 sont également pertinentes, car, conformément à cet article, les États parties sont tenus de veiller à ce que tous les droits énoncés dans le Pacte puissent être exercés par tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence, à l’exception des droits qui sont expressément réservés aux citoyens, par exemple les droits politiques énoncés à l’article 25. En conséquence, les États parties ne peuvent pas réserver l’exercice des droits énoncés à l’article 27 à leurs seuls ressortissants.

5.2L’article 27 confère des droits aux personnes appartenant aux minorités qui «existent» dans l’État partie. Étant donné la nature et la portée des droits énoncés dans cet article, il n’est pas justifié de déterminer le degré de permanence que suppose le terme «exister». Il s’agit simplement du fait que les individus appartenant à ces minorités ne doivent pas être privés du droit d’avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de pratiquer leur religion et de parler leur langue. De même que ces individus ne doivent pas nécessairement être des nationaux ou des ressortissants, il ne doivent pas non plus nécessairement être des résidents permanents. Ainsi, les travailleurs migrants ou même les personnes de passage dans un État partie qui constituent pareilles minorités ont le droit de ne pas être privés de l’exercice de ces droits. Comme tous les autres individus se trouvant sur le territoire de l’État partie, ils devraient également, à cette fin, pouvoir jouir normalement de la liberté d’association, de réunion et d’expression. L’existence dans un État partie donné d’une minorité ethnique, religieuse ou linguistique ne doit être tributaire d’une décision de celui‑ci, mais doit être établie à l’aide de critères objectifs.

5.3Le droit des personnes appartenant à une minorité linguistique d’employer leur propre langue entre elles, en privé ou en public, ne doit pas être confondu avec d’autres droits en relation avec l’expression au moyen de la langue consacrés dans le Pacte. Il doit être distingué en particulier du droit général à la liberté d’expression, consacré à l’article 19. Ce dernier droit est reconnu à toutes les personnes, qu’elles appartiennent ou non à des minorités. De même, le droit consacré à l’article 27 doit être distingué du droit particulier des personnes accusées de bénéficier de services d’interprétation si elles ne comprennent pas la langue employée à l’audience, tel qu’il est garanti au paragraphe 3 f) de l’article 14 du Pacte. Le paragraphe 3 f) de l’article 14 ne confère en aucun autre cas aux personnes accusées le droit d’employer ou de parler la langue de leur choix lors des audiences des tribunaux.

6.1L’article 27, même s’il est formulé en termes négatifs, reconnaît l’existence d’un «droit» et interdit de dénier celui‑ci. En conséquence, les États parties sont tenus de veiller à ce que l’existence et l’exercice de ce droit soient protégés et à ce que ce droit ne soit ni refusé ni violé. C’est pourquoi, il faut prendre des mesures positives de protection, non seulement contre les actes commis par l’État partie lui‑même, par l’entremise de ses autorités législatives judiciaires ou administratives, mais également contre les actes commis par d’autres personnes se trouvant sur le territoire de l’État partie.

6.2Bien que les droits consacrés à l’article 27 soient des droits individuels, leur respect dépend néanmoins de la mesure dans laquelle le groupe minoritaire maintient sa culture, sa langue ou sa religion. En conséquence, les États devront également parfois prendre des mesures positives pour protéger l’identité des minorités et les droits des membres des minorités de préserver leur culture et leur langue et de pratiquer leur religion, en commun avec les autres membres de leur groupe. À cet égard, il convient de souligner que ces mesures positives doivent être prises compte tenu des dispositions du paragraphe 1 de l’article 2 et du paragraphe 26 du Pacte, en ce qui concerne tant le traitement réservé individuellement aux différentes minorités et le traitement réservé aux personnes appartenant à des minorités par rapport au reste de la population. Toutefois, si ces mesures visent à remédier à une situation empêchant ou entravant l’exercice des droits garantis à l’article 27, les États peuvent légitimement établir une distinction conformément au Pacte, à condition de se fonder sur des critères raisonnables et objectifs.

7.Pour ce qui est de l’exercice des droits culturels consacrés à l’article 27, le Comité fait observer que la culture peut revêtir de nombreuses formes et s’exprimer notamment par un certain mode de vie associé à l’utilisation des ressources naturelles, en particulier dans le cas des populations autochtones. Ces droits peuvent porter sur l’exercice d’activités traditionnelles telles que la pêche ou la chasse et sur la vie dans les réserves protégées par la loi. L’exercice de ces droits peut exiger des mesures positives de protection prescrites par la loi et des mesures garantissant la participation effective des membres des communautés minoritaires à la prise des décisions les concernant.

8.Le Comité fait observer qu’aucun des droits consacrés à l’article 27 du Pacte ne peut être légitimement exercé d’une façon ou dans une mesure qui serait incompatible avec les autres dispositions du Pacte.

9.Le Comité conclut que l’article 27 énonce des droits dont la protection impose aux États parties des obligations spécifiques. La protection de ces droits vise à assurer la survie et le développement permanent de l’identité culturelle, religieuse et sociale des minorités concernées, contribuant ainsi à enrichir l’édifice social dans son ensemble. En conséquence, le Comité fait observer que ces droits doivent être protégés en tant que tels et ne doivent pas être confondus avec d’autres droits individuels conférés conformément au Pacte à tous et à chacun. Les États parties ont donc l’obligation de veiller à ce que l’exercice de ces droits soit pleinement garanti et ils doivent indiquer dans leurs rapports les mesures qu’ils ont adoptées à cette fin.

Cinquante ‑deuxième session (1994)

Observation générale n o  24: Questions touchant les réserves formulées au moment de la ratification du Pacte ou des Protocoles facultatifs y relatifs ou de l’adhésion à ces instruments, ou en rapport avec des déclarations formulées au titre de

l’article 41 du Pacte

1.Au 1er novembre 1994, 46 des 127 États parties au Pacte international relatif aux droits civils et politiques avaient, à eux tous, formulé 150 réserves d’importance variable concernant l’acceptation des obligations découlant du Pacte. Certaines de ces réserves excluent l’obligation d’assurer et de garantir tel ou tel droit énoncé dans le Pacte. D’autres, couchées en termes plus généraux, visent souvent à assurer que certaines dispositions du droit interne continuent de primer. D’autres encore concernent la compétence du Comité. Le nombre de réserves, leur teneur et leur portée peuvent compromettre l’application effective du Pacte et tendre à affaiblir le respect de leurs obligations par les États parties. Il importe que les États parties sachent exactement à quelles obligations eux‑mêmes, et les autres États parties, ont en fait souscrit. Quant au Comité, pour s’acquitter des devoirs qui lui incombent en vertu de l’article 40 du Pacte ou des Protocoles facultatifs, il doit savoir si un État est lié par une obligation donnée ou dans quelle mesure. Il lui faut pour cela déterminer si une déclaration unilatérale est une réserve ou une déclaration interprétative et déterminer sa recevabilité et ses effets.

2.Pour toutes ces raisons, le Comité a jugé utile d’examiner dans le cadre d’une observation générale les questions qui relèvent du droit international et de celles qui relèvent de la politique en matière de droits de l’homme («Human rights policy»). L’observation générale identifie les principes du droit international applicables à la formulation de réserves et qui permettent d’en déterminer l’acceptabilité et d’en interpréter l’objet. Elle traite du rôle des États parties par rapport aux réserves formulées par d’autres États parties. Elle traite en outre du rôle du Comité lui‑même par rapport à ces réserves. Enfin, l’observation générale contient certaines recommandations à l’intention des États parties actuels afin qu’ils revoient leurs réserves, ainsi qu’à l’intention des États qui ne sont pas encore parties au Pacte afin qu’ils aient conscience des considérations juridiques et de celles qui relèvent de la politique en matière de droits de l’homme («Human rights policy») dont ils doivent tenir compte s’ils envisagent de ratifier l’instrument ou d’y adhérer en émettant des réserves particulières.

3.Il n’est pas toujours aisé de distinguer une réserve d’une déclaration traduisant la manière dont un État interprète une disposition, ou encore d’une déclaration d’ordre politique. Il faut prendre en compte l’intention de l’État plutôt que la forme de l’instrument. Si une déclaration, quels qu’en soient l’appellation ou l’intitulé, vise à exclure ou à modifier l’effet juridique d’un traité dans son application à l’État, elle constitue une réserve. Inversement, si ce qu’un État appelle une réserve ne fait que traduire l’interprétation qu’il a d’une disposition donnée, sans exclure ni modifier cette disposition dans son application audit État, il ne s’agit pas en réalité d’une réserve.

4.La possibilité d’émettre des réserves peut encourager les États qui estiment avoir des difficultés à garantir tous les droits énoncés dans le Pacte à accepter néanmoins la plupart des obligations en découlant. Les réserves peuvent jouer un rôle utile en permettant aux États de rendre des éléments spécifiques de leur législation compatibles avec les droits inhérents à l’individu tels qu’ils sont énoncés dans le Pacte. Toutefois, il est souhaitable, en principe, que les États acceptent la totalité des obligations, car les normes relatives aux droits de l’homme sont l’expression juridique des droits essentiels que chacun doit pouvoir exercer en tant qu’être humain.

5.Le Pacte n’interdit pas les réserves ni ne mentionne aucun type de réserves autorisées. Il en va de même du premier Protocole facultatif. Aux termes du paragraphe 1 de l’article 2 du deuxième Protocole facultatif, «il ne sera admis aucune réserve au présent Protocole, en dehors de la réserve formulée lors de la ratification ou de l’adhésion et prévoyant l’application de la peine de mort en temps de guerre à la suite d’une condamnation pour un crime de caractère militaire, d’une gravité extrême, commis en temps de guerre». Les paragraphes 2 et 3 prévoient certaines obligations de procédure.

6.Le fait que les réserves ne soient pas interdites ne signifie pas qu’un État peut émettre n’importe quelle réserve. La question des réserves au titre du Pacte et du premier Protocole facultatif est régie par le droit international. Le paragraphe 3 de l’article 19 de la Convention de Vienne sur le droit des traités donne des orientations utiles. En vertu de cet article, si une réserve n’est pas interdite par le traité considéré ou relève bien de la catégorie des réserves autorisées, un État peut émettre sa réserve pour autant qu’elle ne soit pas incompatible avec l’objet et le but du traité. Bien que, contrairement à d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme, le Pacte ne fasse pas expressément référence au critère de la compatibilité avec son objet et son but, la question de l’interprétation et l’acceptabilité des réserves est régie par ce critère.

7.Dans un instrument énonçant un très grand nombre de droits civils et politiques, chacun des nombreux articles, et en fait leur conjugaison, tend à assurer la réalisation des objectifs visés par le Pacte. L’objet et le but du Pacte sont de créer des normes relatives aux droits de l’homme juridiquement contraignantes en définissant certains droits civils et politiques et en les plaçant dans un cadre d’obligations juridiquement contraignantes pour les États qui le ratifient, ainsi que de fournir un mécanisme permettant de surveiller efficacement les obligations souscrites.

8.Des réserves contraires à des normes impératives ne seraient pas compatibles avec l’objet et le but du Pacte. Les traités qui constituent un simple échange d’obligations entre États autorisent certes ceux‑ci à formuler entre eux des réserves à l’application de règles du droit international général, mais il en est autrement dans le cas des instruments relatifs aux droits de l’homme qui visent à protéger les personnes relevant de la juridiction des États. En conséquence, les dispositions du Pacte qui représentent des règles de droit international coutumier (a fortiori lorsqu’elles ont le caractère de normes impératives) ne peuvent pas faire l’objet de réserves. Ainsi, un État ne peut se réserver le droit de pratiquer l’esclavage ou la torture, de soumettre des personnes à des traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants, de les priver arbitrairement de la vie, de les arrêter et de les détenir arbitrairement, de dénier le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, de présumer une personne coupable tant que son innocence n’a pas été établie, d’exécuter des femmes enceintes ou des enfants, d’autoriser l’incitation à la haine nationale, raciale ou religieuse, de dénier à des personnes nubiles le droit de se marier, ou de dénier aux minorités le droit d’avoir leur propre vie culturelle, de professer leur propre religion ou d’employer leur propre langue. Et si des réserves à des dispositions particulières de l’article 14 peuvent être acceptables, une réserve générale au droit à un procès équitable ne le serait pas.

9.Appliquant plus généralement au Pacte le critère de la compatibilité avec l’objet et le but, le Comité note que, à titre d’exemple, une réserve à l’article premier déniant aux peuples le droit de déterminer leur propre statut politique et d’assurer leur développement économique, social et culturel, serait incompatible avec l’objet et le but du Pacte. De même, une réserve touchant l’obligation de respecter et de garantir les droits reconnus dans cet instrument, sans distinction aucune (art. 2, par. 1), ne serait pas acceptable. Un État ne peut pas non plus se réserver le droit de ne pas prendre les mesures nécessaires au plan interne pour donner effet aux droits reconnus dans le Pacte (art. 2, par. 2).

10.Le Comité s’est en outre demandé si certains types de réserves pouvaient être incompatibles avec l’objet et le but. Il faut étudier en particulier si des réserves à des dispositions du Pacte auxquelles il n’est pas permis de déroger sont compatibles avec son objet et son but. Bien qu’il n’y ait pas de hiérarchie entre les droits consacrés dans le Pacte, l’exercice de certains droits ne peut être suspendu, même en période d’urgence nationale, ce qui souligne l’importance capitale des droits non susceptibles de dérogation. Mais en fait ce ne sont pas tous les droits d’une importance capitale, tels que ceux énoncés aux articles 9 et 27 du Pacte, auxquels il est interdit de déroger. L’une des raisons pour lesquelles certains droits ne sont pas susceptibles de dérogation est que leur suspension est sans rapport avec le contrôle légitime de l’état d’urgence national (par exemple, l’interdiction de l’emprisonnement pour dettes faite à l’article 11). Une autre raison est que cette dérogation peut concrètement être impossible (comme, par exemple, dans le cas de la liberté de conscience). En même temps, il est impossible de déroger à certaines dispositions précisément parce que la primauté du droit ne saurait être assurée en leur absence. C’est ce qui se passerait dans le cas d’une réserve aux dispositions de l’article 4, qui vise justement à contrebalancer les intérêts de l’État et les droits de l’individu en période d’exception. Il en va de même de certains droits auxquels il n’est pas permis de déroger − interdiction de la torture et de la privation arbitraire de la vie, par exemple − et qui, en tout état de cause, ne peuvent faire l’objet d’une réserve puisque ce sont des normes impératives. Bien qu’il n’existe pas de corrélation automatique entre les réserves émises à l’égard de dispositions auxquelles il ne peut être dérogé et celles qui portent atteinte à l’objet et au but du Pacte, il incombe à un État de justifier pareille réserve.

11.Le Pacte non seulement consacre des droits spécifiques, mais les assortit de sérieuses garanties. Ces garanties fournissent le cadre nécessaire pour que les droits énoncés dans le Pacte soient assurés et elles sont donc essentielles au respect de son objet et de son but. Certaines s’appliquent au niveau national et d’autres au niveau international. Des réserves visant à les éliminer sont donc inacceptables. Ainsi, un État ne pourrait pas faire de réserve au paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte en indiquant qu’il n’a pas l’intention d’offrir des recours en cas de violation des droits de l’homme. Ce type de garanties fait partie intégrante du Pacte et en conditionne l’efficacité. Pour faciliter la réalisation de ses objectifs, le Pacte investit par ailleurs le Comité d’une fonction de contrôle. Les réserves émises afin de se soustraire à cet aspect essentiel du Pacte, qui vise également à garantir l’exercice des droits, sont elles aussi incompatibles avec son objet et son but. Un État ne peut pas se réserver le droit de ne pas présenter de rapports et de ne pas voir ses rapports étudiés par le Comité. Le rôle du Comité au titre du Pacte, que ce soit en vertu de l’article 40 ou en vertu des Protocoles facultatifs, suppose nécessairement l’interprétation des dispositions du Pacte et l’élaboration d’une jurisprudence. C’est pourquoi une réserve qui rejette la compétence qu’a le Comité d’interpréter les obligations prévues dans une disposition du Pacte serait aussi contraire à l’objet et au but de cet instrument.

12.L’intention des auteurs du Pacte était d’assurer, à toutes les personnes relevant de la juridiction d’un État partie, les droits énoncés dans cet instrument. À cette fin, un certain nombre d’obligations connexes peuvent se révéler nécessaires. Il faut peut‑être modifier le droit interne pour tenir compte des prescriptions du Pacte et mettre en place des mécanismes au niveau national pour rendre les droits consacrés dans le Pacte applicables au niveau local. Les réserves font souvent apparaître une tendance des États à ne pas vouloir modifier telle ou telle loi, et cette tendance est parfois érigée en politique générale. Ce qui est particulièrement préoccupant, ce sont les réserves formulées en termes généraux qui ont essentiellement pour effet de rendre inopérants tous les droits énoncés dans le Pacte dont le respect exigerait une modification du droit interne. Il n’y a donc aucune acceptation réelle des droits ou obligations énoncés dans un instrument international. Lorsque à cela s’ajoutent l’absence de dispositions donnant la possibilité d’invoquer les droits consacrés dans le Pacte devant les tribunaux nationaux et, de plus, l’impossibilité pour les particuliers de saisir le Comité en vertu du premier Protocole facultatif, tous les éléments essentiels des garanties prévues par le Pacte sont supprimés.

13.On peut se demander si le premier Protocole facultatif autorise des réserves et, dans l’affirmative, si une réserve à cet instrument pourrait être contraire à l’objet et au but du Pacte, ou du premier Protocole facultatif lui‑même. Il est évident que le premier Protocole facultatif est un instrument international distinct du Pacte tout en lui étant étroitement lié. Son objet et son but sont de reconnaître que le Comité a compétence pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers qui prétendent être victimes d’une violation, par un État partie, de l’un quelconque des droits énoncés dans le Pacte. Les États acceptent les droits reconnus aux particuliers en se référant au Pacte, et non au premier Protocole facultatif, dont la fonction est de permettre que les réclamations dont ces droits peuvent faire l’objet soient présentées au Comité. En conséquence, une réserve touchant l’obligation d’un État de respecter et de garantir un droit énoncé dans le Pacte, formulée au titre du premier Protocole facultatif, alors qu’elle n’a pas été émise auparavant au titre du Pacte, ne porte pas atteinte au devoir de l’État de respecter ses obligations de fond. Une réserve ne peut être émise au Pacte par le biais du Protocole facultatif; ce type de réserve aurait pour effet d’obtenir que le Comité ne contrôlerait pas, en vertu du premier Protocole facultatif la façon dont l’État remplit l’obligation considérée. Et comme l’objet et le but du premier Protocole facultatif sont de permettre au Comité de vérifier que les dispositions ayant force obligatoire pour les États sont bien appliquées, une réserve tendant à l’en empêcher serait contraire à l’objet et au but du premier Protocole, si ce n’est au Pacte. Une réserve portant sur une obligation de fond émise pour la première fois au titre du premier Protocole facultatif semblerait refléter l’intention de l’État concerné d’empêcher le Comité de donner son avis sur un article donné du Pacte, dans le cadre d’un recours individuel.

14.Le Comité considère que les réserves touchant les procédures requises au titre du premier Protocole facultatif ne seraient pas compatibles avec l’objet et le but de cet instrument. Le Comité doit rester maître de sa propre procédure, telle qu’elle est définie par le Protocole facultatif et par le règlement intérieur. Toutefois des réserves ont été faites dans le but de limiter la compétence du Comité aux faits et événements survenus après l’entrée en vigueur du premier Protocole facultatif pour les États intéressés. De l’avis du Comité, il s’agit là non pas d’une réserve, mais le plus souvent d’une déclaration conforme à sa compétence normale ratione temporis. Dans le même temps, le Comité a soutenu qu’il était compétent, même en cas de déclarations ou observations de cette nature, lorsque des événements ou actes intervenus avant la date de l’entrée en vigueur du premier Protocole facultatif, ont continué, au‑delà de cette date, d’avoir un effet sur les droits d’une victime. Certaines réserves ont été formulées, qui ajoutent en fait un critère supplémentaire d’irrecevabilité aux motifs prévus au paragraphe 2 de l’article 5, en empêchant l’examen d’une communication lorsque la même question a déjà été examinée dans le cadre d’une autre procédure comparable. Dans la mesure où l’obligation la plus fondamentale était d’assurer que le respect des droits d’un individu fasse l’objet d’un examen indépendant par une tierce partie, le Comité, lorsque le droit et le domaine concernés étaient identiques au regard du Pacte et d’un autre instrument international, a considéré qu’une telle réserve ne portait pas atteinte à l’objet et au but du premier Protocole facultatif.

15.Le but du deuxième Protocole facultatif est avant tout d’étendre la portée des obligations de fond contractées en vertu du Pacte qui touchent au droit à la vie, en interdisant l’exécution et en abolissant la peine de mort. Il contient une disposition spécifique qui détermine ce qui est permis. En vertu du paragraphe 1 de l’article 2, un seul type de réserve est autorisé, à savoir celle par laquelle un État partie se réserve le droit d’appliquer la peine de mort en temps de guerre à la suite d’une condamnation pour un crime de caractère militaire, d’une gravité extrême, commis en temps de guerre. Les États parties qui souhaitent se prévaloir du droit de formuler une réserve de cet ordre doivent s’acquitter de deux obligations de procédure. Aux termes du paragraphe 1 de l’article 2, l’État qui se trouve dans cette situation doit informer le Secrétaire général, lors de la ratification ou de l’adhésion, des dispositions pertinentes de sa législation interne qui s’appliquent en temps de guerre. Cette disposition vise clairement à servir les objectifs de spécificité et de transparence et, de l’avis du Comité, une réserve qui ne serait pas accompagnée de ce type de précisions serait sans effet juridique. Aux termes du paragraphe 3 de l’article 2, l’État qui a formulé une telle réserve doit notifier au Secrétaire général la proclamation et la levée de l’état de guerre sur son territoire. Pour le Comité, aucun État ne peut chercher à se prévaloir de sa réserve (c’est‑à‑dire faire considérer l’exécution comme légale en temps de guerre) s’il ne s’est pas acquitté de l’obligation visée au paragraphe 3 de l’article 2.

16.De l’avis du Comité, il importe de savoir quel organe est investi du pouvoir de déterminer si certaines réserves spécifiques sont compatibles avec l’objet et le but du Pacte. Pour ce qui est des traités internationaux en général, dans l’affaire des Réserves à la Convention sur le génocide (1951) la Cour internationale de Justice a estimé qu’un État faisant objection à une réserve au motif d’incompatibilité avec l’objet et le but d’un traité pouvait, par son objection, considérer le traité comme n’étant pas en vigueur entre lui‑même et l’État auteur de la réserve. Le paragraphe 4 de l’article 20 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969, qui prévoit la possibilité pour un État de faire objection à une réserve formulée par un autre État, contient des dispositions très intéressantes concernant l’acceptation des réserves et les objections aux réserves. Il permet à un état de faire objection à une réserve formulée par un autre État. L’article 21 traite des effets juridiques des objections élevées par les États aux réserves émises par d’autres États. Fondamentalement, une réserve empêche l’application, entre l’État auteur de la réserve et les autres États, de la disposition qui a fait l’objet de la réserve. Toute objection fait que dans les rapports entre l’État auteur de la réserve et l’État qui a formulé l’objection, la réserve ne s’applique que dans la mesure où elle n’est pas touchée par l’objection.

17.Comme on l’a indiqué ci‑dessus, c’est la Convention de Vienne sur le droit des traités qui donne la définition des réserves et prévoit l’application du critère de la compatibilité avec l’objet et le but en l’absence d’autres dispositions spécifiques. Mais le Comité est d’avis que les dispositions de la Convention concernant le rôle des objections des États aux réserves ne permettent pas de régler le problème des réserves émises à l’égard des instruments relatifs aux droits de l’homme. Ces instruments, et le Pacte tout particulièrement, ne constituent pas un réseau d’échanges d’obligations interétatiques. Ils visent à reconnaître des droits aux individus. Le principe de la réciprocité interétatique ne s’applique pas, sauf peut‑être dans le contexte limité des réserves aux déclarations touchant la compétence du Comité faites au titre de l’article 41. Étant donné que les règles classiques sur les réserves sont tout à fait inadaptées, souvent les États n’ont pas vu l’intérêt juridique s’agissant du Pacte, ni la nécessité d’élever une objection aux réserves. L’absence de protestation de la part d’un État ne peut pas laisser supposer qu’une réserve est compatible ou incompatible avec l’objet et le but du Pacte. Les objections formulées ont été occasionnelles, elles ont été émises par certains États et non par d’autres, pour des raisons qui n’ont pas toujours été précisées; souvent, quand une objection est élevée, la partie qui la formule ne précise pas ses conséquences juridiques ou, parfois même indique qu’elle ne considère pas pour autant que le Pacte n’est pas en vigueur entre les parties concernées. En bref, le profil de ces objections est si peu clair qu’on peut difficilement déduire de l’absence d’objection de la part d’un État qu’il juge une réserve particulière acceptable. De l’avis du Comité, en raison des caractéristiques particulières du Pacte en tant qu’instrument relatif aux droits de l’homme, on peut se demander quels sont les effets d’une objection pour les relations entre les États intéressés. Cela étant, une objection élevée par des États à une réserve peut donner au Comité un élément d’appréciation pour déterminer si la réserve est compatible avec l’objet et le but du Pacte.

18.Il incombe nécessairement au Comité de déterminer si une réserve donnée est compatible avec l’objet et le but du Pacte, en partie parce que, comme on l’a vu plus haut, cette tâche n’est pas du ressort des États parties s’agissant d’instruments relatifs aux droits de l’homme, et en partie parce que le Comité ne peut se soustraire à cette tâche dans l’exercice de ses fonctions. Afin de savoir jusqu’où va son devoir d’examiner dans quelle mesure un État s’acquitte de ses obligations au titre de l’article 40 ou d’examiner une communication soumise en vertu du premier Protocole facultatif, il doit nécessairement se faire une idée de la compatibilité d’une réserve avec l’objet et le but du Pacte et avec le droit international général. En raison du caractère particulier d’un instrument relatif aux droits de l’homme, la compatibilité d’une réserve avec l’objet et le but du Pacte doit être établie objectivement, en se référant à des principes juridiques. Le Comité est particulièrement bien placé pour s’acquitter de cette tâche. La conséquence normale d’une réserve inacceptable n’est pas que le Pacte restera totalement lettre morte pour l’État auteur de la réserve. Une telle réserve est dissociable, c’est‑à‑dire que le Pacte s’appliquera à l’État qui en est l’auteur, sans bénéficier de la réserve.

19.Les réserves doivent être spécifiques et transparentes, de façon que le Comité, les personnes qui vivent sur le territoire de l’État auteur de la réserve et les autres États parties sachent bien quelles sont les obligations en matière de droits de l’homme que l’État intéressé s’est ou non engagé à remplir. Les réserves ne sauraient donc être de caractère général, mais doivent viser une disposition particulière du Pacte et indiquer précisément son champ d’application. Lorsqu’ils examinent la compatibilité de réserves éventuelles avec l’objet et le but du Pacte, les États devraient prendre en considération l’effet général d’un groupe de réserves ainsi que l’effet de chacune d’elles sur l’intégrité du Pacte qui demeure une considération primordiale. Ils ne devraient pas formuler un si grand nombre de réserves qu’ils n’acceptent en fait qu’un nombre limité d’obligations touchant aux droits de l’homme et non plus le Pacte en tant que tel. Pour ne pas aboutir à une perpétuelle mise en échec des normes internationales relatives aux droits de l’homme, les réserves ne devraient pas systématiquement réduire les obligations contractées uniquement aux normes moins contraignantes qui existent dans le droit interne. Il ne faudrait pas non plus que les déclarations interprétatives ou les réserves visent à supprimer l’autonomie d’obligations énoncées dans le Pacte, en les proclamant identiques − ou acceptables uniquement dans la mesure où elles sont identiques − à des dispositions du droit interne. Les États ne devraient pas s’employer, à travers des réserves ou des déclarations interprétatives, à indiquer que le sens de telle ou telle disposition du Pacte est similaire à celui qui lui a été donné par le mécanisme compétent de tout autre organe conventionnel international.

20.Les États devraient instituer des procédures garantissant que chaque réserve envisagée est compatible avec l’objet et le but du Pacte. Il est souhaitable qu’un État qui formule une réserve indique précisément les dispositions législatives ou les pratiques internes qu’il juge incompatibles avec l’obligation énoncée dans le Pacte qui fait l’objet de sa réserve, justifie les délais dont il a besoin pour aligner ses lois et pratiques sur le Pacte, ou explique pourquoi il n’est pas en mesure de le faire. Les États devraient en outre veiller à ce que la nécessité de maintenir les réserves soit examinée périodiquement en tenant compte de toute observation ou recommandation faite par le Comité pendant l’examen des rapports les concernant. Les réserves devraient être retirées dès que possible. Dans les rapports qu’ils présentent au Comité les États devraient indiquer les mesures qu’ils ont prises pour réexaminer, reconsidérer ou retirer leurs réserves.

Cinquante ‑septième session (1996) ,

Observation générale n o  25: Article 25 (Participation aux affaires publiques et droit de vote)

1.L’article 25 du Pacte reconnaît et protège le droit de tout citoyen de prendre part à la direction des affaires publiques, de voter et d’être élu, et le droit d’accéder aux fonctions publiques. Quel que soit le type de constitution ou de gouvernement adopté par un État, l’article 25 fait obligation aux États d’adopter les mesures d’ordre législatif ou autres qui peuvent être nécessaires pour que les citoyens aient la possibilité effective d’exercer les droits qu’il protège. L’article 25 appuie le régime démocratique fondé sur l’approbation du peuple et en conformité avec les principes du Pacte.

2.Les droits reconnus aux citoyens par l’article 25 sont liés au droit des peuples de disposer d’eux‑mêmes et de déterminer librement leur statut politique, mais ils en sont distincts. Le droit de choisir la forme de constitution ou de gouvernement prévu au paragraphe 1 de l’article premier est conféré aux peuples en tant que tels. L’article 25 en revanche traite du droit des citoyens à titre individuel de participer aux processus qui représentent la direction des affaires publiques. En tant que droits individuels, ils peuvent être invoqués au titre du premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

3.Contrairement aux autres droits et libertés reconnus par le Pacte (qui sont garantis à tous les individus se trouvant sur le territoire d’un État et relevant de sa compétence), les droits protégés par l’article 25 sont ceux de «tout citoyen». Dans leurs rapports, les États devraient décrire les dispositions législatives définissant la citoyenneté aux fins de l’exercice des droits protégés par l’article 25. Tout citoyen doit jouir de ces droits sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. En principe, toute distinction entre les citoyens de naissance et les citoyens par naturalisation est incompatible avec l’article 25. Dans leurs rapports, les États devraient préciser s’il existe des groupes, tels que les résidents permanents, qui ne jouissent que de certains droits connexes, par exemple celui de voter lors d’élections locales ou d’occuper certains postes dans la fonction publique.

4.Toutes les conditions s’appliquant à l’exercice des droits protégés par l’article 25 devraient être fondées sur des critères objectifs et raisonnables. Ainsi, il peut être raisonnable d’exiger un âge minimum plus élevé pour être éligible ou nommé à des postes particuliers dans la fonction publique que pour exercer le droit de vote, dont tout citoyen adulte devrait jouir. L’exercice de ces droits par les citoyens ne peut être suspendu ou supprimé que pour des motifs consacrés par la loi, et qui soient raisonnables et objectifs. Ainsi, il peut être justifié de refuser le droit de voter ou d’occuper une fonction publique à une personne dont l’incapacité mentale est établie.

5.La direction des affaires publiques, mentionnée à l’alinéa a, est une notion vaste qui a trait à l’exercice du pouvoir politique. Elle comprend l’exercice des pouvoirs législatif, exécutif et administratif. Elle couvre tous les aspects de l’administration publique ainsi que la formulation et l’application de mesures de politique générale aux niveaux international, national, régional et local. L’attribution des pouvoirs et les moyens par lesquels les citoyens exercent les droits protégés par l’article 25 devraient être déterminés par des lois constitutionnelles ou autres.

6.Les citoyens participent directement à la direction des affaires publiques en tant que membres des organes législatifs ou détenteurs de fonctions publiques. Ce droit de participation directe est appuyé par l’alinéa b. Les citoyens participent aussi directement à la direction des affaires publiques lorsqu’ils choisissent ou modifient la forme de leur constitution, ou décident de questions publiques par voie de référendum ou tout autre processus électoral effectué conformément à l’alinéa b. Les citoyens peuvent participer directement en prenant part à des assemblées populaires qui sont habilitées à prendre des décisions sur des questions d’intérêt local ou sur des affaires intéressant une communauté particulière et au sein d’organes créés pour représenter les citoyens en consultation avec l’administration. Dans les cas où un mode de participation directe des citoyens est prévu, aucune distinction ne devrait être établie pour les motifs mentionnés au paragraphe 1 de l’article 2 entre les citoyens en ce qui concerne la possibilité de participer et aucune restriction déraisonnable ne devrait être imposée.

7.Lorsque les citoyens participent à la direction des affaires publiques par l’intermédiaire de représentants librement choisis, il ressort implicitement de l’article 25 que ces représentants exercent un pouvoir réel de gouvernement et qu’ils sont responsables à l’égard de citoyens, par le biais du processus électoral, de la façon dont ils exercent ce pouvoir. Il est également implicite que ces représentants n’exercent que les pouvoirs qui leur sont conférés conformément aux dispositions de la constitution. La participation par l’intermédiaire de représentants librement choisis s’exerce au moyen de processus électoraux qui doivent être établis par voie législative conforme à l’alinéa b.

8.Les citoyens participent aussi en influant sur la direction des affaires publiques par le débat public et le dialogue avec leurs représentants ou par leur capacité de s’organiser. Cette participation est favorisée en garantissant le droit à la liberté d’expression, de réunion et d’association.

9.L’alinéa b de l’article 25 énonce des dispositions spécifiques traitant du droit des citoyens de prendre part à la direction des affaires publiques en tant qu’électeurs ou en tant que candidats à des élections. Il est essentiel que des élections honnêtes soient organisées périodiquement, conformément à l’alinéa b pour garantir que les représentants soient responsables devant les citoyens de la façon dont ils s’acquittent des pouvoirs législatifs ou exécutifs qui leur sont dévolus. Ces élections doivent être organisées périodiquement, à des intervalles suffisamment rapprochés pour que l’autorité du gouvernement continue de reposer sur l’expression libre de la volonté du peuple. Les droits et obligations prévus à l’alinéa b devraient être garantis par la loi.

10.Le droit de voter lors d’élections et de référendums devrait être prévu par la loi et ne peut faire l’objet que de restrictions raisonnables, telle la fixation d’un âge minimum pour l’exercice du droit de vote. Il serait déraisonnable de restreindre le droit de vote sur la base d’une invalidité physique ou d’imposer des critères d’alphabétisation, d’instruction ou de fortune. L’appartenance à un parti ne devrait pas être une condition ni un empêchement à l’exercice du droit de vote.

11.Les États doivent prendre des mesures efficaces pour faire en sorte que toutes les personnes qui remplissent les conditions pour être électeurs aient la possibilité d’exercer ce droit. Quand l’inscription des électeurs est nécessaire, elle devrait être facilitée et il ne devrait pas y avoir d’obstacle déraisonnable à l’inscription. Si des conditions de résidence sont appliquées pour l’inscription, il convient que ces conditions soient raisonnables et n’entraînent pas l’exclusion des sans‑abri. Toute immixtion dans le processus d’inscription ou le scrutin ainsi que toute intimidation ou coercition des électeurs devraient être interdites par les lois pénales, et ces lois devraient être strictement appliquées. Des campagnes d’éducation et d’inscription des électeurs sont nécessaires pour garantir l’exercice effectif des droits prévus à l’article 25 par une communauté avertie.

12.Le droit à la liberté d’expression, de réunion et d’association est une condition essentielle à l’exercice effectif du droit de vote et doit être pleinement protégé. Des mesures positives devraient être prises pour surmonter certaines difficultés telles que l’analphabétisme, les obstacles linguistiques, la pauvreté ou les entraves à la liberté de circulation, qui empêchent les détenteurs du droit de vote de se prévaloir effectivement de leurs droits. Des informations et tous les documents requis devraient être disponibles dans les langues des minorités. Des moyens spécifiques, par exemple un système de photographies ou de symboles, devraient être adoptés afin que les électeurs analphabètes soient suffisamment informés pour faire leur choix. Les États parties devraient indiquer dans leurs rapports la manière dont sont réglées les difficultés soulignées dans le présent paragraphe.

13.Dans leurs rapports, les États devraient décrire les règles qui s’appliquent à l’exercice du droit de vote, et expliquer quelle a été l’application de ces règles au cours de la période couverte par le rapport. Ils devraient aussi décrire les facteurs qui empêchent les citoyens d’exercer le droit de vote et les mesures palliatives qui ont été adoptées.

14.Dans leurs rapports, les États parties devraient préciser les motifs de privation du droit de vote et les expliquer. Ces motifs devraient être objectifs et raisonnables. Si le fait d’avoir été condamné pour une infraction est un motif de privation du droit de vote, la période pendant laquelle l’interdiction s’applique devrait être en rapport avec l’infraction et la sentence. Les personnes privées de leur liberté qui n’ont pas été condamnées ne devraient pas être déchues du droit de vote.

15.L’application effective du droit et de la possibilité de se porter candidat à une charge élective garantit aux personnes ayant le droit de vote un libre choix de candidats. Toute restriction au droit de se porter candidat, par exemple un âge minimum, doit reposer sur des critères objectifs et raisonnables. Les personnes qui à tous autres égards seraient éligibles ne devraient pas se voir privées de la possibilité d’être élues par des conditions déraisonnables ou discriminatoires, par exemple le niveau d’instruction, le lieu de résidence ou l’ascendance, ou encore l’affiliation politique. Nul ne devrait subir de discrimination ni être désavantagé en aucune façon pour s’être porté candidat. Les États parties devraient exposer les dispositions législatives privant un groupe ou une catégorie de personnes de la possibilité d’être élu et les expliquer.

16.Les conditions relatives aux dates de présentation des candidatures, redevances ou dépôts devraient être raisonnables et non discriminatoires. S’il existe des motifs raisonnables de considérer certaines charges électives comme incompatibles avec certains autres postes (par exemple personnel judiciaire, officiers de haut rang, fonctionnaires), les mesures tendant à empêcher des conflits d’intérêts ne devraient pas limiter indûment les droits protégés à l’alinéa b. Les motifs de destitution de personnes élues à une charge officielle devraient être établis par des lois fondées sur des critères objectifs et raisonnables et prévoyant des procédures équitables.

17.Le droit de se présenter à des élections ne devrait pas être limité de manière déraisonnable en obligeant les candidats à appartenir à des partis ou à un parti déterminé. Toute condition exigeant un nombre minimum de partisans de la présentation de candidature devrait être raisonnable et ne devrait pas servir à faire obstacle à la candidature. Sans préjudice du paragraphe 1 de l’article 5 du Pacte, l’opinion politique ne peut pas servir de motif pour priver une personne du droit de se présenter à une élection.

18.Dans leurs rapports, les États devraient exposer les dispositions législatives fixant les conditions à remplir pour occuper une charge publique élective, ainsi que toutes les restrictions et conditions qui s’appliquent à des charges particulières. Ils devraient indiquer les conditions d’éligibilité, par exemple les conditions d’âge ou toute autre réserve ou restriction. Ils devraient aussi préciser s’il existe des restrictions qui empêchent les personnes occupant des postes dans la fonction publique (y compris dans la police ou dans l’armée) d’être élues à des charges publiques particulières. Les motifs et procédures de destitution de personnes élues à une charge officielle devraient être exposés.

19.Conformément à l’alinéa b, des élections honnêtes et libres doivent être organisées périodiquement dans le cadre de lois garantissant l’exercice effectif du droit de vote. Les personnes ayant le droit de vote doivent être libres de voter pour tout candidat à une élection et pour ou contre toute proposition soumise à référendum ou à plébiscite, et doivent être libres d’apporter leur appui ou de s’opposer au gouvernement sans être soumises à des influences indues ou à une coercition de quelque nature que ce soit, qui pourraient fausser ou entraver la libre expression de la volonté des électeurs. Ces derniers devraient pouvoir se forger leur opinion en toute indépendance, sans être exposés à des violences ou à des menaces de violence, à la contrainte, à des offres de gratification ou à toute intervention manipulatrice. Il peut être justifié d’imposer des limites raisonnables aux dépenses consacrées aux campagnes électorales si cela est nécessaire pour garantir que le libre choix des électeurs ne soit pas subverti ni le processus démocratique faussé par des dépenses disproportionnées en faveur de tout candidat ou parti. Les résultats d’élections honnêtes devraient être respectés et appliqués.

20.Une autorité électorale indépendante devrait être créée afin de superviser le processus électoral et de veiller à ce qu’il soit conduit dans des conditions d’équité et d’impartialité, conformément à des lois établies qui soient compatibles avec le Pacte. Les États devraient prendre des mesures pour assurer le secret du processus électoral, y compris dans le cas du vote par correspondance ou par procuration lorsque cette possibilité existe. Cela suppose que les citoyens soient protégés contre toute forme de coercition ou de contrainte les obligeant à révéler leurs intentions de vote ou dans quel sens ils ont voté, et contre toute immixtion illégale ou arbitraire dans le processus électoral. Toute renonciation à ces droits est incompatible avec l’article 25 du Pacte. La sécurité des urnes doit être garantie et le dépouillement des votes devrait avoir lieu en présence des candidats ou de leurs agents. Il devrait y avoir un contrôle indépendant du vote et du dépouillement et une possibilité de recourir à un examen par les tribunaux ou à une autre procédure équivalente, afin que les électeurs aient confiance dans la sûreté du scrutin et du dépouillement des votes. L’aide apportée aux handicapés, aux aveugles et aux analphabètes devrait être indépendante. Les électeurs devraient être pleinement informés de ces garanties.

21.Bien que le Pacte n’impose aucun système électoral particulier, tout système adopté par un État partie doit être compatible avec les droits protégés par l’article 25 et doit garantir effectivement la libre expression du choix des électeurs. Le principe «à chacun une voix» doit s’appliquer et, dans le cadre du système électoral de chaque État, le vote d’un électeur doit compter autant que celui d’un autre. Le découpage des circonscriptions électorales et le mode de scrutin ne devraient pas orienter la répartition des électeurs dans un sens qui entraîne une discrimination à l’encontre d’un groupe quelconque et ne devraient pas supprimer ni restreindre de manière déraisonnable le droit qu’ont les citoyens de choisir librement leurs représentants.

22.Dans leurs rapports, les États parties devraient indiquer les mesures qu’ils ont adoptées pour garantir l’organisation d’élections honnêtes, libres et périodiques, et comment leur système électoral garantit effectivement la libre expression de la volonté des électeurs. Ils devraient décrire le système électoral et expliquer de quelle manière les différentes opinions politiques de la communauté sont présentées dans les organes élus. Ils devraient aussi décrire les lois et procédures qui garantissent que le droit de vote peut en fait être exercé librement par tous les citoyens et indiquer comment le secret, la sécurité et la validité du processus électoral sont garantis par la loi. La mise en œuvre concrète de ces garanties au cours de la période couverte par le rapport devrait être exposée.

23.L’alinéa c de l’article 25 traite du droit et de la possibilité des citoyens d’accéder, dans des conditions générales d’égalité, aux fonctions publiques. Pour garantir l’accès à ces charges publiques dans des conditions générales d’égalité, tant les critères que les procédures de nomination, de promotion, de suspension et de révocation doivent être objectifs et raisonnables. Des mesures palliatives peuvent être prises dans certains cas appropriés pour veiller à ce que tous les citoyens aient accès dans des conditions d’égalité aux fonctions publiques. L’application des principes du mérite et de l’égalité des chances et de la sécurité d’emploi pour accéder à la fonction publique protège les personnes ayant des responsabilités publiques de toute immixtion ou de toute pression d’ordre politique. Il est particulièrement important de veiller à ce qu’aucune discrimination ne soit exercée contre ces personnes dans l’exercice des droits que leur reconnaît l’alinéa c de l’article 25, pour l’un quelconque des motifs visés au paragraphe 1 de l’article 2.

24.Dans leurs rapports, les États devraient décrire les conditions d’accès à la fonction publique, les restrictions prévues et les procédures de nomination, de promotion, de suspension et de révocation ou de destitution ainsi que les mécanismes judiciaires et autres mécanismes de révision qui s’appliquent à ces procédures. Ils devraient aussi indiquer de quelle manière le critère de l’égalité d’accès est rempli, si des mesures palliatives ont été introduites et, dans l’affirmative, quelle en est l’ampleur.

25.La communication libre des informations et des idées concernant des questions publiques et politiques entre les citoyens, les candidats et les représentants élus est essentielle au plein exercice des droits garantis à l’article 25. Cela exige une presse et d’autres organes d’information libres, en mesure de commenter toute question publique sans censure ni restriction, et capable d’informer l’opinion publique. Il faut que les droits garantis aux articles 19, 21 et 22 du Pacte soient pleinement respectés, notamment la liberté de se livrer à une activité politique, à titre individuel ou par l’intermédiaire de partis politiques et autres organisations, la liberté de débattre des affaires publiques, de tenir des manifestations et des réunions pacifiques, de critiquer et de manifester son opposition, de publier des textes politiques, de mener campagne en vue d’une élection et de diffuser des idées politiques.

26.Le droit à la liberté d’association, qui comprend le droit de constituer des organisations et des associations s’intéressant aux affaires politiques et publiques, est un élément accessoire essentiel pour les droits protégés par l’article 25. Les partis politiques et l’appartenance à des partis jouent un rôle important dans la direction des affaires publiques et dans le processus électoral. Les États devraient veiller à ce que, dans leur gestion interne, les partis politiques respectent les dispositions applicables de l’article 25 pour permettre aux citoyens d’exercer les droits qui leur sont reconnus dans cet article.

27.Eu égard au paragraphe 1 de l’article 5, tous droits reconnus et protégés par l’article 25 ne sauraient être interprétés comme supposant le droit de commettre ou de cautionner tout acte visant à supprimer ou à limiter les droits et libertés protégés par le Pacte en outrepassant les limites de ce que prévoit le Pacte.

Soixante et unième session (1997)*

Observation générale n o  26: Continuité des obligations

1.Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ne contient aucune disposition réglant sa propre extinction ni clause de dénonciation ou de retrait. En conséquence, la possibilité d’une extinction, d’une dénonciation ou d’un retrait doit être considérée à la lumière des règles applicables du droit international coutumier qui sont reflétées dans la Convention de Vienne sur le droit des traités. Sur cette base, le Pacte est insusceptible de dénonciation ou de retrait, à moins qu’il ne soit établi que les parties avaient l’intention d’admettre la possibilité d’une dénonciation ou d’un retrait, ou encore qu’un droit de dénonciation ou de retrait se déduit de la nature même du traité.

2.Le fait que les parties au Pacte n’admettaient pas la possibilité d’une dénonciation et que ce n’est pas simple négligence qu’elles ont omis toute référence à une dénonciation est démontré par le fait que le paragraphe 2 de l’article 41 du Pacte autorise un État partie à retirer son acceptation de la compétence du Comité pour examiner les communications interétatiques au moyen d’une notification appropriée à cet effet, alors qu’il n’existe aucune clause de dénonciation ou de retrait de ce genre dans le Pacte lui‑même. En outre, le Protocole facultatif se rapportant au Pacte, négocié et adopté en même temps que ce dernier, autorise les États parties à le dénoncer. De surcroît, à titre de comparaison, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, adoptée un an avant le Pacte autorise expressément la dénonciation. On peut donc en conclure que les rédacteurs du Pacte avaient manifestement l’intention d’exclure toute possibilité de dénonciation. La même conclusion vaut pour le deuxième Protocole facultatif dans lequel toute clause de dénonciation a été délibérément omise.

3.Par ailleurs, il est clair que le Pacte n’est pas le type de traité qui, en raison de sa nature, implique un droit de dénonciation. Conjointement avec le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels établi et adopté en même temps que lui, le Pacte codifie sous forme de traité les droits de l’homme universels consacrés par la Déclaration universelle des droits de l’homme, ces trois instruments formant ensemble ce que l’on désigne souvent par l’expression «Charte internationale des droits de l’homme». En tant que tel, le Pacte n’a pas le caractère provisoire caractéristique des instruments dans lesquels un droit de dénonciation est réputé être admis, nonobstant l’absence d’une clause explicite en ce sens.

4.Les droits consacrés dans le Pacte appartiennent aux individus qui vivent sur le territoire de l’État partie. Le Comité des droits de l’homme a constamment été d’avis, comme le montre de longue date sa pratique, que dès que des individus se voient accorder la protection des droits qu’ils tiennent du Pacte, cette protection échoit au territoire et continue de leur être due, quelque modification qu’ait pu subir le gouvernement de l’État partie, y compris du fait d’un démembrement en plusieurs États ou d’une succession d’États et en dépit de toute mesure que pourrait avoir prise ultérieurement l’État partie en vue de les dépouiller des droits garantis par le Pacte.

5.Le Comité est donc fermement convaincu que le droit international n’autorise pas un État qui a ratifié le Pacte, qui y a adhéré ou qui a succédé à un État lié par le Pacte à le dénoncer ou à s’en retirer.

Soixante ‑septième session (1999)*

Observation générale n o  27: Article 12 (Liberté de circulation)

1.La liberté de circulation est une condition indispensable au libre développement de l’individu. Elle est étroitement liée à plusieurs autres droits énoncés dans le Pacte, comme l’a souvent montré la pratique du Comité dans le cadre de l’examen des rapports présentés par des États parties et des communications émanant de particuliers. En outre, dans son Observation générale no 15 («Situation des étrangers au regard du Pacte», 1986), le Comité a rappelé le lien particulier entre les articles 12 et 13.

2.Les limitations pouvant être imposées aux droits énoncés à l’article 12 ne doivent pas rendre sans objet le principe de la liberté de circulation, et doivent répondre aux exigences de protection prévues au paragraphe 3 de cet article et être compatibles avec les autres droits reconnus dans le Pacte.

3.Les États parties devraient fournir au Comité, dans leurs rapports, des renseignements sur les dispositions législatives internes et les pratiques administratives et judiciaires concernant les droits protégés par l’article 12, en tenant compte des questions examinées dans la présente observation générale. Ils doivent également fournir des renseignements sur les recours disponibles en cas de restriction de ces droits.

Liberté de circulation et droit de choisir librement sa résidence (par. 1)

4.Quiconque se trouve légalement sur le territoire d’un État a le droit d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence. En principe, les citoyens d’un État se trouvent toujours légalement sur le territoire de cet État. La question de savoir si un étranger se trouve «légalement» sur le territoire d’un État est régie par la législation nationale, qui peut soumettre l’entrée d’un étranger sur le territoire d’un État à des restrictions, pour autant qu’elles soient compatibles avec les obligations internationales de l’État. À cet égard, le Comité a estimé que l’étranger qui est entré illégalement sur le territoire d’un État, mais dont la situation a été régularisée, doit être considéré comme se trouvant légalement sur le territoire au sens de l’article 12. Une fois qu’un étranger se trouve légalement sur le territoire d’un État, toute restriction aux droits qui lui sont garantis aux paragraphes 1 et 2 de l’article 12 ainsi que toute différence de traitement par rapport aux nationaux doivent être justifiées au regard du paragraphe 3 de l’article 12. Il est donc important que, dans leurs rapports, les États parties indiquent dans quel cas ils traitent les étrangers différemment de leurs nationaux en la matière et comment ils justifient cette différence de traitement.

5.Le droit de circuler librement s’exerce sur l’ensemble du territoire d’un État, y compris, dans le cas d’un État fédéral, à toutes les parties qui composent cet État. Le paragraphe 1 de l’article 12 garantit le droit de se déplacer librement d’un endroit à un autre et de choisir librement sa résidence. Pour la personne qui souhaite se déplacer ou demeurer dans un endroit, l’exercice de ce droit ne doit pas être subordonné à un but ou un motif particulier. Toute restriction doit être conforme au paragraphe 3.

6.L’État partie doit veiller à ce que les droits garantis par l’article 12 échappent à toute ingérence, tant publique que privée. Cette obligation vaut tout particulièrement pour les femmes. Il est, par exemple, incompatible avec le paragraphe 1 de l’article 12 que le droit des femmes de se déplacer librement et de choisir librement leur résidence soit subordonné dans les lois ou dans la pratique à la décision d’autrui, y compris celle d’un proche.

7.Sous réserve des dispositions du paragraphe 3 de l’article 12, le droit de choisir librement son lieu de résidence dans le territoire d’un État comprend le droit d’être protégé contre toute forme de déplacement forcé et contre toute interdiction d’accès ou de séjour dans l’une quelconque des parties du territoire. La détention légale, en revanche, touche plus précisément le droit à la liberté de la personne et est visée par l’article 9 du Pacte. Dans certains cas, l’article 12 et l’article 9 ne peuvent s’appliquer en même temps.

Liberté de quitter tout pays, y compris le sien (par. 2)

8.La liberté de quitter le territoire d’un État ne peut être subordonnée à un but particulier ni à la durée que l’individu décide de passer en dehors du pays. Se trouvent donc visés le voyage à l’étranger aussi bien que le départ définitif de la personne qui souhaite émigrer. De même, cette garantie légale s’étend au droit de choisir l’État où l’individu souhaite se rendre. Comme le champ d’application du paragraphe 2 de l’article 12 n’est pas limité aux personnes qui se trouvent légalement sur le territoire d’un État, l’étranger légalement expulsé du pays a lui aussi le droit de choisir l’État de destination, sous réserve de l’accord de ce dernier.

9.Pour que l’individu jouisse des droits garantis au paragraphe 2 de l’article 12, des obligations sont imposées tant à l’État dans lequel il réside qu’à l’État dont il est ressortissant. Étant donné que, pour voyager à l’étranger, il faut habituellement des documents valables, en particulier un passeport, le droit de quitter un pays comporte nécessairement celui d’obtenir les documents nécessaires pour voyager. La délivrance des passeports incombe normalement à l’État dont l’individu est ressortissant. Le refus d’un État de délivrer un passeport à un national qui réside à l’étranger ou d’en prolonger la validité peut priver l’individu de son droit de quitter le pays de résidence et d’aller ailleurs. L’État ne peut pas se défausser en faisant valoir que son ressortissant pourrait retourner sur son territoire sans passeport.

10.La pratique des États montre souvent que les règles de droit et les mesures administratives portent atteinte au droit de l’individu de quitter un pays, en particulier le sien. Il importe donc au plus haut point que les États parties indiquent toutes restrictions légales et concrètes au droit de quitter le territoire qu’ils appliquent tant aux nationaux qu’aux étrangers, afin de permettre au Comité d’évaluer la conformité de ces règles et pratiques avec le paragraphe 3 de l’article 12. Les États parties devraient également inclure dans leurs rapports des renseignements sur les mesures qui imposent des sanctions aux transporteurs internationaux qui amènent dans leur territoire des personnes ne possédant pas les papiers requis, lorsque ces mesures portent atteinte au droit de quitter un autre pays.

Restrictions (par. 3)

11.Le paragraphe 3 de l’article 12 prévoit des cas exceptionnels dans lesquels l’exercice des droits visés aux paragraphes 1 et 2 peut être restreint. Conformément aux dispositions de ce paragraphe, l’État ne peut restreindre l’exercice de ces droits que pour protéger la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques et les droits et libertés d’autrui. Pour être autorisées, les restrictions doivent être prévues par la loi, elles doivent être nécessaires dans une société démocratique pour protéger les objectifs énoncés et elles doivent être compatibles avec tous les autres droits reconnus dans le Pacte (voir le paragraphe 18 ci‑après).

12.La loi elle‑même doit fixer les conditions dans lesquelles les droits peuvent être limités. Les États parties devraient en conséquence indiquer dans leurs rapports quelles sont les normes juridiques sur lesquelles les restrictions sont fondées. Les restrictions qui ne sont pas prévues dans la loi ou qui ne sont pas conformes aux prescriptions du paragraphe 3 de l’article 12 constitueraient une violation des droits garantis aux paragraphes 1 et 2.

13.Lorsqu’ils adoptent des lois instituant des restrictions autorisées conformément au paragraphe 3 de l’article 12, les États devraient toujours être guidés par le principe selon lequel les restrictions ne doivent pas porter atteinte à l’essence même du droit (voir le paragraphe 1 de l’article 5); le rapport entre le droit et la restriction, entre la règle et l’exception, ne doit pas être inversé. Les lois autorisant l’application de restrictions devraient être formulées selon des critères précis et ne peuvent pas conférer des pouvoirs illimités aux personnes chargées de veiller à leur application.

14.Le paragraphe 3 de l’article 12 indique clairement qu’il ne suffit pas que les restrictions servent les buts autorisés; celles‑ci doivent être également nécessaires pour protéger ces buts. Les mesures restrictives doivent être conformes au principe de la proportionnalité; elles doivent être appropriées pour remplir leurs fonctions de protection, elles doivent constituer le moyen le moins perturbateur parmi ceux qui pourraient permettre d’obtenir le résultat recherché et elles doivent être proportionnées à l’intérêt à protéger.

15.Le principe de la proportionnalité doit être respecté non seulement dans la loi qui institue les restrictions, mais également par les autorités administratives et judiciaires chargées de l’application de la loi. Les États devraient veiller à ce que toute procédure concernant l’exercice de ces droits ou les restrictions imposées à cet exercice soit rapide et que les raisons justifiant l’application de mesures restrictives soient fournies.

16.Les États montrent rarement que l’application de leurs lois restreignant les droits énoncés aux paragraphes 1 et 2 de l’article 12 satisfait à toutes les prescriptions énumérées au paragraphe 3 de l’article 12. Les restrictions doivent, dans chaque cas, être appliquées compte tenu de motifs juridiques précis et répondre aux principes de la nécessité et de la proportionnalité. Ces conditions ne seraient pas réunies, par exemple, si une personne était empêchée de quitter un pays au seul motif qu’elle détiendrait des «secrets d’État» ou de se déplacer à l’intérieur de celui‑ci sans permis spécifique. Par ailleurs, ces conditions pourraient être réunies si des restrictions étaient imposées à l’accès à des zones militaires pour des raisons de sécurité nationale ou si des limitations étaient imposées à la liberté de s’établir dans des zones habitées par des communautés autochtones ou minoritaires.

17.Les nombreux obstacles juridiques et bureaucratiques qui entravent inutilement le plein exercice des droits des individus de se déplacer librement, de quitter un pays, y compris le leur, et d’établir leur résidence, sont une source majeure de préoccupations. Pour ce qui est du droit de mouvement dans un pays donné, le Comité a critiqué les dispositions faisant obligation aux individus de demander l’autorisation de changement de résidence ou d’obtenir l’approbation des autorités locales du lieu de destination, ainsi que les lenteurs de la procédure de traitement de ces demandes écrites. La pratique des États révèle un arsenal encore plus riche d’obstacles faisant que les individus ont encore plus de difficultés à quitter le pays, en particulier s’agissant des ressortissants de l’État partie lui‑même. Ces règles et pratiques concernent notamment la nécessité pour les candidats d’avoir accès aux autorités compétentes et aux informations relatives aux conditions requises, l’obligation de demander des formulaires spéciaux à remplir pour se procurer les documents voulus permettant d’obtenir un passeport, la nécessité de produire des déclarations de soutien de la part d’employeurs ou de membres de la famille, l’obligation de décrire exactement l’itinéraire de voyage, la délivrance de passeports sous condition de versement de sommes élevées, largement excessives par rapport au coût du service rendu par l’administration, les délais déraisonnables dans la délivrance des documents de voyage, les restrictions imposées au nombre des membres de la famille voyageant ensemble, l’obligation de déposer une caution équivalant aux frais de rapatriement ou de produire un billet de retour, l’obligation de présenter une invitation de l’État de destination ou de personnes qui vivent dans cet État, les harcèlements dont sont victimes les requérants, par exemple intimidation, arrestations, pertes d’emploi ou expulsion des enfants de l’école ou de l’université, et le refus de délivrer un passeport à quelqu’un qui est considéré comme portant atteinte à la réputation du pays. Étant donné l’existence de ces pratiques, les États parties devraient veiller à ce que toutes les restrictions qu’ils appliquent répondent pleinement aux conditions énoncées au paragraphe 3 de l’article 12.

18.L’imposition des restrictions autorisées en vertu du paragraphe 3 de l’article 12 doit être compatible avec le respect des autres droits garantis dans le Pacte et avec les principes fondamentaux de l’égalité et de la non‑discrimination. Ainsi, il y aurait clairement violation du Pacte si les droits consacrés aux paragraphes 1 et 2 de l’article 12 étaient restreints en raison de distinctions quelconques, fondées par exemple sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou autre, l’origine nationale ou sociale, la naissance ou toute autre situation. Lors de l’examen des rapports des États parties, le Comité a constaté à plusieurs occasions que les mesures empêchant les femmes de circuler librement ou de quitter un pays en subordonnant l’exercice de ce droit à l’assentiment d’un homme ou à l’obligation de se faire accompagner par un homme étaient en violation de l’article 12.

Le droit d’entrer dans son propre pays (par. 4)

19.Le droit d’une personne d’entrer dans son propre pays reconnaît l’existence d’une relation spéciale de l’individu а l’égard du pays concerné. Ce droit a diverses facettes. Il implique le droit de rester dans son propre pays. Il comprend non seulement le droit de rentrer dans son pays après l’avoir quitté, mais il peut également signifier le droit d’une personne d’y entrer pour la première fois si celle‑ci est née en dehors du pays considéré (par exemple si ce pays est l’État de nationalité de la personne). Le droit de retourner dans son pays est de la plus haute importance pour les réfugiés qui demandent leur rapatriement librement consenti. Il implique également l’interdiction de transferts forcés de population ou d’expulsions massives vers d’autres pays.

20.Les termes du paragraphe 4 de l’article 12 ne font pas de distinction entre les nationaux et les étrangers («nul ne peut être ...»). Ainsi, les personnes autorisées à exercer ce droit ne peuvent être identifiées qu’en interprétant l’expression «son propre pays». La signification des termes «son propre pays» est plus vaste que celle du «pays de sa nationalité». Elle n’est pas limitée à la nationalité au sens strict du terme, à savoir la nationalité conférée à la naissance ou acquise par la suite; l’expression s’applique pour le moins à toute personne qui, en raison de ses liens particuliers avec un pays ou de ses prétentions а l’égard d’un pays, ne peut être considérée dans ce même pays comme un simple étranger. Tel serait par exemple le cas de nationaux d’un pays auxquels la nationalité aurait été retirée en violation du droit international et de personnes dont le pays de nationalité aurait été intégré ou assimilé à une autre entité nationale dont elles se verraient refuser la nationalité. Le libellé du paragraphe 4 de l’article 12 se prête en outre à une interprétation plus large et pourrait ainsi viser d’autres catégories de résidents à long terme, y compris, mais non pas uniquement, les apatrides privés arbitrairement du droit d’acquérir la nationalité de leur pays de résidence. Étant donné que d’autres facteurs peuvent dans certains cas entraîner la création de liens étroits et durables entre un individu et un pays, les États parties devraient fournir dans leurs rapports des informations sur les droits des résidents permanents de retourner dans leur pays de résidence.

21.En aucun cas un individu ne peut être privé arbitrairement du droit d’entrer dans son propre pays. La notion d’arbitraire est évoquée dans ce contexte dans le but de souligner qu’elle s’applique à toutes les mesures prises par l’État, au niveau législatif, administratif et judiciaire; l’objet est de garantir que même une immixtion prévue par la loi soit conforme aux dispositions, aux buts et aux objectifs du Pacte et soit, dans tous les cas, raisonnable eu égard aux circonstances particulières. Le Comité considère que les cas dans lesquels la privation du droit d’une personne d’entrer dans son propre pays pourrait être raisonnable, s’ils existent, sont rares. Les États parties ne doivent pas, en privant une personne de sa nationalité ou en l’expulsant vers un autre pays, empêcher arbitrairement celle‑ci de retourner dans son propre pays.

Soixante ‑huitième session (2000)

Observation générale n o  28: Article 3 (Égalité des droits entre hommes et femmes)*

1.Le Comité a décidé d’actualiser son Observation générale sur l’article 3 du Pacte et de remplacer l’Observation générale no 4 (treizième session, 1981) compte tenu de l’expérience qu’il a acquise au cours des 20 dernières années. Cette révision a pour but de souligner l’incidence considérable de cet article sur l’exercice, par les femmes, des droits protégés par le Pacte.

2.L’article 3 suppose que tous les êtres humains doivent jouir des droits prévus par le Pacte sur un pied d’égalité et dans leur intégralité. Cela signifie que cette disposition est violée chaque fois que la jouissance complète et sur un pied d’égalité de tout droit est refusée à une personne. De ce fait, les États doivent assurer aux hommes et aux femmes l’égalité dans l’exercice de tous les droits consacrés dans le Pacte.

3.L’obligation de garantir à tous les individus les droits reconnus dans le Pacte, énoncée aux articles 2 et 3, signifie que les États parties doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre l’exercice de ces droits par tous. Elle suppose l’élimination des obstacles entravant l’exercice de ces droits dans des conditions d’égalité, l’éducation de la population et des agents de l’État dans le domaine des droits de l’homme et la mise en conformité de la législation du droit interne avec les dispositions du Pacte. Les États parties doivent non seulement adopter des mesures de protection, mais aussi des mesures positives dans tous les domaines de façon à assurer la réalisation du potentiel des femmes dans une mesure égale par rapport au reste de la population. Les États parties doivent fournir des renseignements sur le rôle joué effectivement par les femmes, afin que le Comité puisse déterminer quelles mesures, outre des dispositions purement législatives, ont été prises ou devraient être prises pour donner effet à ces obligations, pour évaluer les progrès accomplis et les difficultés rencontrées et connaître les mesures prises pour les surmonter.

4.Les États parties ont l’obligation d’assurer la jouissance égale des droits sans aucune discrimination. Les articles 2 et 3 leur font obligation de prendre toutes les mesures nécessaires, y compris l’interdiction de toute discrimination fondée sur le sexe, pour mettre un terme aux pratiques discriminatoires qui nuisent à l’égalité dans l’exercice des droits tant dans le secteur public que dans le secteur privé.

5.L’inégalité dont les femmes sont victimes partout dans le monde dans l’exercice de leurs droits est profondément ancrée dans la tradition, l’histoire et la culture, y compris les attitudes religieuses. Le rôle subalterne dévolu aux femmes dans certains pays apparaît dans la fréquence élevée de sélection du fœtus en fonction du sexe et d’avortement quand le fœtus est du sexe féminin. Les États parties doivent faire en sorte que les attitudes traditionnelles, historiques, religieuses ou culturelles ne servent pas à justifier les violations du droit des femmes à l’égalité devant la loi et à la jouissance sur un pied d’égalité de tous les droits énoncés dans le Pacte. Les États parties devraient communiquer des renseignements sur les aspects des pratiques traditionnelles, historiques et culturelles ainsi que des attitudes religieuses qui compromettent ou risquent de compromettre l’application de l’article 3 et faire connaître les mesures qu’ils ont prises ou se proposent de prendre pour surmonter ces facteurs.

6.Afin de respecter l’obligation énoncée à l’article 3, les États parties doivent prendre en considération les facteurs qui empêchent les femmes et les hommes de jouir en toute égalité de chacun des droits reconnus dans le Pacte. Afin de permettre au Comité de se faire une idée exacte de la mesure dans laquelle les femmes dans chaque État partie jouissent des droits énoncés ans le Pacte, la présente observation générale vise à identifier certains des facteurs qui font que les femmes n’exercent pas dans des conditions d’égalité les droits énoncés dans le Pacte et à préciser le type d’informations nécessaires pour évaluer la mise en œuvre de chaque droit.

7.La protection des droits fondamentaux des femmes doit être assurée sur un pied d’égalité pendant un état d’urgence (art. 4). Les États parties qui prennent, conformément à l’article 4, des mesures dérogeant aux obligations prévues dans le Pacte en période d’état d’urgence, devraient communiquer au Comité des informations sur les effets de ces mesures sur la situation des femmes et démontrer que ces mesures ne sont pas discriminatoires.

8.Les femmes sont particulièrement vulnérables en période de conflits armés internes ou internationaux. Les États parties devraient informer le Comité de toutes les mesures prises dans de telles circonstances pour protéger les femmes contre le viol, l’enlèvement et toutes autres formes de violence fondée sur le sexe.

9.En devenant parties au Pacte, les États s’engagent, conformément à l’article 3, à assurer le droit égal des hommes et des femmes de jouir de tous les droits civils et politiques qui y sont énoncés; conformément à l’article 5, aucune disposition du Pacte ne peut être interprétée comme impliquant pour un État, un groupement ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits reconnus à l’article 3 ou à des limitations plus amples que celles prévues par le Pacte. Au surplus, il ne peut être admis aucune restriction ou dérogation à l’exercice en toute égalité, par les femmes, des droits fondamentaux reconnus ou en vigueur dans tout État partie au Pacte en application de lois, de conventions, de règlements ou de coutumes, sous prétexte que le Pacte ne les reconnaît pas ou les reconnaît à un moindre degré.

10.Lorsqu’ils font rapport sur le droit à la vie énoncé à l’article 6, les États parties devraient fournir des données sur les taux de natalité ainsi que sur le nombre de décès imputables à la fonction de procréation des femmes. Ils devraient également fournir des données ventilées par sexe sur les taux de mortalité infantile. Ils devraient communiquer des informations sur toutes les mesures adoptées par eux pour aider les femmes à éviter les grossesses non désirées et à veiller à ce qu’elles ne doivent pas subir d’avortements clandestins mettant leur vie en danger. Les États parties devraient également indiquer les mesures prises pour protéger les femmes contre les pratiques qui violent leur droit à la vie, telles que l’infanticide des filles, l’immolation des veuves par le feu et les assassinats liés à la dot. Le Comité souhaite également avoir des informations sur les conséquences particulières sur les femmes de la pauvreté et des privations qui peuvent mettre leur vie en danger.

11.Afin de pouvoir évaluer l’application de l’article 7 du Pacte, ainsi que de l’article 24 relatif à la protection spéciale à assurer aux enfants, le Comité doit disposer d’informations sur les lois et la pratique nationale en ce qui concerne la violence dans la famille et d’autres types de violence à l’égard des femmes, dont le viol. Il doit aussi savoir si l’État partie offre aux femmes enceintes à la suite d’un viol la possibilité d’interrompre leur grossesse dans de bonnes conditions. Les États parties devraient aussi donner au Comité des informations sur les mesures prises pour empêcher les avortements forcés ou la stérilisation forcée. Dans les États parties où la mutilation génitale est pratiquée, il faudrait communiquer des informations sur l’ampleur de cette pratique et les mesures prises pour l’éliminer. Les renseignements communiqués par les États parties au sujet de toutes ces questions devraient faire état des mesures de protection, y compris des voies de recours prévues par la loi, mises en place pour les femmes dont les droits énoncés à l’article 7 ont été violés.

12.Pour ce qui est des obligations qui leur incombent en vertu de l’article 8, les États parties devraient informer le Comité des mesures prises pour empêcher la traite des femmes et des enfants, tant sur le territoire qu’au‑delà de leurs frontières, ainsi que la prostitution forcée. Ils doivent également fournir des informations sur les mesures prises pour protéger les femmes et les enfants, y compris les femmes et les enfants étrangers, contre l’esclavage, déguisé notamment sous la forme de certains types d’emploi de maison ou d’autres services. Les États parties où des femmes et des enfants sont recrutés et d’où ils proviennent, ainsi que les États parties de destination, devraient communiquer des informations sur les mesures prises au niveau national ou international pour empêcher la violation des droits des femmes et des enfants.

13.Les États parties devraient communiquer des renseignements sur toutes règles vestimentaires imposées aux femmes dans les lieux publics. Le Comité souligne que ces règles peuvent constituer une violation de plusieurs droits garantis par le Pacte, comme par exemple l’article 26, relatif à la non‑discrimination; l’article 7, au cas où un châtiment corporel est prévu pour imposer ce type de règles; l’article 9, lorsque le non‑respect de la règle est puni par la mise en état d’arrestation; l’article 12, si la liberté de mouvement est subordonnée à pareille contrainte; l’article 17, qui stipule que nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée; les articles 18 et 19, lorsque les femmes sont soumises à des règles vestimentaires qui ne sont pas conformes à leur religion ou ne respectent pas leur droit à l’expression; et enfin, l’article 27, lorsque les règles vestimentaires sont en contradiction avec la culture dont la femme peut se prévaloir.

14.Pour ce qui est de l’article 9, les États parties devraient communiquer des informations sur toutes lois ou pratiques pouvant priver les femmes de leurs libertés de manière arbitraire ou inéquitable, telles que l’enfermement (voir Observation générale no 8, par. 1).

15.Pour ce qui est des articles 7 et 10, les États doivent indiquer si les droits des personnes privées de liberté sont protégés de la même manière pour les hommes et les femmes. En particulier, les États devraient indiquer si les femmes sont séparées des hommes dans les prisons et si elles ne sont surveillées que par du personnel féminin. Ils devraient également faire rapport sur le respect de la règle selon laquelle les jeunes délinquantes doivent être détenues séparément des adultes et sur toutes différences de traitement entre hommes et femmes privés de liberté portant, par exemple, sur l’accès à des programmes de réinsertion et d’éducation et sur le droit de recevoir des visites du conjoint ou des membres de la famille. Les femmes enceintes privées de liberté doivent être traitées avec humanité et dans le respect de leur dignité pendant toute la période précédant et suivant l’accouchement et lorsqu’elles s’occupent des nouveau‑nés. Les États parties doivent faire état des mesures prises à cet effet ainsi que des soins médicaux et de santé assurés à ces mères et à leurs enfants.

16.En ce qui concerne l’article 12, les États parties devraient fournir des informations sur toutes lois ou toutes pratiques restreignant l’exercice du droit des femmes à la liberté de circulation, comme par exemple l’exercice de l’autorité maritale sur l’épouse ou de l’autorité parentale sur les filles adultes, sur l’existence de dispositions légales ou de facto qui font qu’un passeport ou un autre type de document de voyage ne peut être délivré à une femme sans l’assentiment d’un tiers. Les États parties devraient également faire rapport sur les mesures prises pour éliminer ces lois et ces pratiques et protéger les femmes contre leurs effets, y compris sur les recours internes disponibles (voir Observation générale no 27, par. 6 et 18).

17.Les États parties devraient veiller à ce que les étrangères aient sur un pied d’égalité la possibilité de faire valoir les raisons qui militent contre leur expulsion et de faire examiner leur cas conformément à l’article 13. À ce propos, elles devraient pouvoir invoquer le risque de violations du Pacte fondées sur le sexe, comme celles qui sont mentionnées aux paragraphes 10 et 11 ci‑dessus.

18.Les États parties devraient communiquer des renseignements permettant au Comité de déterminer si les femmes ont accès à la justice et ont droit à un procès équitable (art. 14) dans des conditions d’égalité. Ils devraient indiquer en particulier s’il existe des dispositions législatives empêchant les femmes d’avoir accès aux tribunaux directement et en toute indépendance (voir Communication no 202/1986, Ato del Avellanal c. Pérou, constatations du 28 octobre 1988); si les femmes peuvent déposer comme témoin dans les mêmes conditions que les hommes; et si des mesures ont été prises pour veiller à ce que les femmes puissent bénéficier sur un pied d’égalité de l’aide judiciaire, en particulier dans les affaires concernant la famille. La présomption d’innocence, énoncée au paragraphe 2 de l’article 14, doit s’appliquer aux femmes et aux hommes dans les mêmes conditions; les États parties devraient indiquer si certaines catégories de femmes ne bénéficient pas de cette présomption et si des mesures ont été prises pour mettre fin à cette situation.

19.Le droit de toute personne à la reconnaissance en tout lieu de sa personnalité juridique, énoncé à l’article 16, est particulièrement important pour les femmes, qui se voient souvent dénier ce droit en raison de leur sexe ou du statut matrimonial. Ce droit implique que la capacité des femmes d’être propriétaires de biens, de conclure un contrat et d’exercer d’autres droits civils ne peut être restreinte en raison de leur statut matrimonial ou pour d’autres motifs discriminatoires. Il suppose aussi que les femmes ne peuvent être considérées comme des objets qui peuvent être donnés à la famille du mari défunt avec les biens qui lui appartenaient. Les États parties doivent fournir des informations sur les lois ou les pratiques qui empêchent les femmes d’être traitées ou d’agir comme des sujets de droit à part entière et sur les mesures prises pour éliminer les lois ou les pratiques qui permettent une telle discrimination.

20.Les États parties doivent fournir des informations pour permettre au Comité d’évaluer l’effet des lois ou pratiques susceptibles de porter atteinte aux droits des femmes à la vie privée et à d’autres droits protégés par l’article 17 au titre de l’égalité des sexes. Il est par exemple porté atteinte à ce droit lorsque la vie sexuelle d’une femme est prise en considération pour décider de l’étendue de ses droits et protection juridique, y compris la protection contre le viol. Les États peuvent aussi ne pas respecter la vie privée des femmes s’agissant de leur fonction de procréation, en exigeant qu’elles ne puissent être stérilisées qu’avec l’autorisation de leur mari, en subordonnant la stérilisation à un certain nombre de conditions d’ordre général, par exemple avoir déjà un certain nombre d’enfants, ou un certain âge, ou en mettant à la charge des médecins et du personnel de santé une obligation légale de signaler les cas de femmes qui ont subi un avortement. Dans de tels cas, d’autres droits énoncés dans le Pacte, notamment aux articles 6 et 7, peuvent également entrer en jeu. Il peut aussi être porté atteinte à la vie privée des femmes par des acteurs privés, par exemple des employeurs qui exigent un test de grossesse avant d’engager une femme. Les États parties devraient faire rapport sur toutes les lois et pratiques publiques ou privées qui portent atteinte à l’exercice par les femmes, à égalité avec les hommes, des droits visés à l’article 17, et sur les mesures prises pour éliminer de telles atteintes et pour protéger les femmes.

21.Les États parties doivent prendre les mesures nécessaires pour assurer que la liberté de pensée, de conscience et de religion, et la liberté d’adopter la religion ou la conviction de son choix – y compris la liberté de changer de religion ou de conviction et d’exprimer sa religion ou sa conviction – soient garanties et protégées en droit et dans la pratique tant pour l’homme que pour la femme, et dans les mêmes conditions et sans discrimination. Ces libertés protégées par l’article 18 ne peuvent faire l’objet d’autres restrictions que celles autorisées par le Pacte, et elles ne doivent pas être limitées par, notamment, des règles exigeant l’autorisation de tierces personnes, ni par une ingérence des père, mari, frère ou de quiconque. L’article 18 ne saurait être invoqué pour justifier une discrimination contre les femmes par référence à la liberté de pensée, de conscience et de religion; les États parties doivent donc fournir des renseignements sur la situation de la femme au regard de ces libertés, et indiquer quelles mesures ils ont prises ou ont l’intention de prendre en vue, d’une part, d’éliminer et de prévenir les atteintes à ces libertés des femmes, et, d’autre part, de les protéger contre toute discrimination dans l’exercice de leurs droits.

22.En ce qui concerne l’article 19, les États parties devraient informer le Comité de l’existence de toutes lois ou autres facteurs qui peuvent empêcher les femmes d’exercer à égalité avec les hommes les droits protégés par cette disposition. Comme la publication et la diffusion de matériels obscènes et pornographiques qui présentent les femmes et les filles comme des objets de violence ou de traitement dégradant ou inhumain ne peuvent qu’encourager ces types de traitement à l’égard des femmes et des filles, les États parties devraient fournir des renseignements sur les mesures légales prises pour en limiter la publication et la diffusion.

23.L’article 23 énonce l’égalité de l’homme et de la femme dans le mariage, disposition qui a été explicitée par le Comité dans son Observation générale no 19 (1990). Les hommes et les femmes ne peuvent contracter mariage qu’avec leur libre et plein consentement et les États parties sont tenus de garantir l’exercice de ce droit sur un pied d’égalité. De nombreux facteurs peuvent empêcher de prendre librement la décision de se marier ou ne pas se marier. L’un de ces facteurs concerne l’âge minimal du mariage, que l’État partie devrait établir selon les mêmes critères pour les hommes et pour les femmes. Et ces critères devraient être fixés de façon à permettre à la femme de prendre une décision en toute connaissance de cause et sans contrainte. Un second facteur, dans certains États parties, peut tenir au fait que selon la loi ou la coutume, c’est un tuteur, généralement de sexe masculin, qui consent au mariage au lieu de la femme elle‑même, ce qui empêche la femme de faire un libre choix.

24.Un autre facteur qui peut porter atteinte au droit des femmes de ne se marier qu’avec leur libre et plein consentement est l’existence d’attitudes sociales tendant à marginaliser les femmes victimes de viol et à faire pression sur elles pour qu’elles acceptent de se marier. La liberté de consentement d’une femme peut aussi être restreinte par des lois faisant disparaître ou atténuant la responsabilité pénale l’auteur du viol si celui‑ci épouse sa victime. Les États parties devraient indiquer si le fait d’épouser la victime fait disparaître ou atténue la responsabilité pénale et si, dans le cas où la victime est mineure, le viol abaisse l’âge légal du mariage de la victime, en particulier dans les sociétés où les victimes de viol sont marginalisées. Un autre aspect du droit de se marier peut être affecté lorsque les États imposent des restrictions au remariage des femmes. Le droit de choisir son époux peut aussi être limité par des lois ou des pratiques empêchant une femme de telle ou telle religion de se marier avec un homme d’une religion différente ou athée. Les États devraient fournir des renseignements sur ces lois et pratiques et sur les mesures prises pour abroger les lois et éliminer les pratiques qui portent atteinte au droit des femmes de ne se marier qu’avec leur libre et plein consentement. Il convient de noter que la polygamie est incompatible avec l’égalité de traitement en ce qui concerne le droit de se marier. La polygamie est attentatoire à la dignité de la femme. Elle constitue, en outre, une inadmissible discrimination à son égard. Elle doit être, en conséquence, définitivement abolie là où elle existe.

25.Pour s’acquitter des obligations que le paragraphe 4 de l’article 23 met à leur charge, les États parties doivent veiller à ce que le régime matrimonial prévoie les mêmes droits et obligations pour les deux époux s’agissant de la garde et du soin des enfants ainsi que de leur éducation religieuse et morale, de la capacité de transmettre à l’enfant sa nationalité, et de la propriété ou de la gestion des biens, qu’il s’agisse des biens communs ou des biens propres à chacun des époux. Les États parties devraient revoir leur législation pour garantir que les femmes mariées aient les mêmes droits patrimoniaux que les hommes, si nécessaire. Ils devraient également veiller à ce qu’aucune discrimination fondée sur le sexe ne soit exercée en ce qui concerne l’acquisition ou la perte de la nationalité en raison du mariage, l’exercice des droits de résidence et l’exercice du droit de chacun des époux de conserver l’usage de son nom de famille d’origine ou de participer sur un pied d’égalité au choix d’un nouveau nom de famille. L’égalité dans le mariage signifie que mari et femme participent en termes égaux dans la responsabilité et l’autorité qui s’exercent dans la famille.

26.Les États parties doivent aussi veiller à ce que l’égalité soit respectée en ce qui concerne la dissolution du mariage, ce qui exclut la possibilité de répudiation. Les motifs de divorce et d’annulation devraient être les mêmes pour les hommes et pour les femmes, de même que les critères appliqués pour prendre les décisions concernant le partage de biens, la pension alimentaire et la garde des enfants. Le maintien des contacts entre les enfants et le parent qui n’en a pas la garde devrait être assuré selon les mêmes critères. Les femmes devraient en outre avoir les mêmes droits successoraux que les hommes lorsque la dissolution du mariage est due au décès de l’un des époux.

27.Lorsque l’on donne effet à la reconnaissance de la famille dans le contexte de l’article 23, il est important d’accepter les diverses formes que peuvent prendre une famille, y compris les couples non mariés et leurs enfants et les familles monoparentales et de veiller à ce que les femmes soient traitées dans de telles situations à égalité avec les hommes (voir Observation générale no 19, par. 2). Les familles monoparentales sont souvent constituées d’une femme seule élevant un ou plusieurs enfants, et les États devraient indiquer de quelles mesures de soutien bénéficient les femmes se trouvant dans cette situation pour leur permettre de s’acquitter de leurs fonctions parentales à égalité avec un homme se trouvant dans une situation similaire.

28.Les États parties devraient s’acquitter de la même manière pour les garçons et pour les filles de l’obligation qu’ils ont de protéger les enfants (art. 24). Ils devraient indiquer les mesures qu’ils ont prises pour garantir que les filles sont traitées à égalité avec les garçons dans les domaines de l’éducation, l’alimentation et les soins de santé, et fournir au Comité des données ventilées par sexe à cet égard. Ils devraient éliminer, en adoptant une législation à cet effet ou en prenant d’autres mesures appropriées, toutes les pratiques culturelles ou religieuses qui portent atteinte à la liberté ou au bien‑être des filles.

29.Le droit de participer à la vie publique n’est pas pleinement appliqué partout sur un pied d’égalité. Les États parties devraient veiller à ce que la loi garantisse aux femmes les droits reconnus à l’article 25 sur un pied d’égalité avec les hommes, et prendre des mesures efficaces et positives pour promouvoir et garantir la participation des femmes à la conduite des affaires publiques et leur accès aux emplois publics, y compris des mesures préférentielles opportunes. Les États parties devraient également veiller à ce que les mesures concrètes prises pour donner à toutes les personnes habilitées à voter la possibilité d’exercer ce droit ne soient pas discriminatoires en raison du sexe. Le Comité demande aux États parties de fournir des données statistiques sur le pourcentage de femmes occupant des fonctions électives, notamment parlementaires, ainsi que sur le nombre de femmes occupant des postes de rang élevé dans la fonction publique et l’appareil judiciaire.

30.La discrimination à l’égard des femmes est souvent liée à la discrimination d’autres types, comme la discrimination fondée sur la race, la couleur, la langue, la religion, l’opinion politique ou autre, l’origine nationale ou sociale, la propriété, la naissance ou tout autre statut. Les États parties devraient s’attaquer à la manière dont les cas de discrimination fondée sur d’autres critères touchent particulièrement les femmes et communiquer des renseignements sur les mesures prises pour lutter contre ces effets.

31.L’égalité devant la loi et l’interdiction de la discrimination, énoncées à l’article 26, exigent des États qu’ils luttent contre la discrimination par des organismes publics et privés dans tous les domaines. La discrimination contre les femmes dans des domaines comme la législation sur la sécurité sociale (communications no 172/1984, Broeks c. Pays ‑Bas – constatations du 9 avril 1987 – no 182/1984, Zwaan de Vries c. Pays ‑Bas – constatations du 9 avril 1987 – no 218/1986, Vos c. Pays ‑Bas – constatations du 29 mars 1989), ainsi que dans le domaine de la citoyenneté ou des droits des non‑citoyens (communication no 035/1978, Aumeeruddy ‑Cziffra et consort c. Maurice − constatations du 9 avril 1981) ‑, constitue une violation de l’article 26. La commission de «crimes justifiés par l’honneur», et en conséquence impunis, constitue de graves violations du Pacte et notamment de ses articles 6, 14 et 26. Les lois qui prévoient des peines plus sévères pour les femmes que pour les hommes en cas d’adultère ou d’autres infractions violent également l’égalité des sexes devant la loi. Le Comité a souvent constaté, lors de l’examen des rapports des États parties, qu’une grande proportion des femmes étaient employées dans des domaines qui ne sont pas protégés par la législation du travail, que les coutumes et traditions en vigueur étaient discriminatoires à l’égard des femmes, en particulier pour ce qui est de l’accès à des emplois rémunérés et de l’égalité de salaire pour un travail de même valeur. Les États parties devraient passer en revue leur législation et leurs pratiques et prendre toutes les mesures nécessaires pour éliminer la discrimination à l’encontre des femmes dans tous les domaines, par exemple en interdisant toute discrimination par des acteurs privés dans des domaines comme l’emploi, l’éducation, les activités politiques et la fourniture de logements, de biens et de services. Les États parties devraient faire rapport sur toutes ces mesures et donner des renseignements sur les recours ouverts aux victimes d’une telle discrimination.

32.Les droits que l’article 27 du Pacte reconnaît aux membres des minorités pour ce qui est de leur langue, de leur culture et de leur religion ne sauraient autoriser un État, un groupe ou une personne à violer le droit des femmes d’exercer à égalité avec les hommes tous les droits énoncés dans le Pacte, y compris le droit à l’égale protection de la loi. Les États parties devraient faire rapport sur toutes lois ou pratiques administratives concernant l’appartenance à une communauté minoritaire qui peut constituer une atteinte à l’égalité de droits dont doivent jouir les femmes en vertu du Pacte (communication no 24/1977, Lovelace c. Canada, constatations de juillet 1981) et sur les mesures qu’ils ont prises ou envisagent de prendre afin d’assurer qu’hommes et femmes jouissent à égalité de tous les droits civils et politiques énoncés dans le Pacte. De même, les États partie devraient faire rapport sur les mesures qu’ils ont prises pour s’acquitter de leurs responsabilités concernant les pratiques culturelles ou religieuses des communautés minoritaires qui affectent les droits des femmes. Dans leurs rapports, les États parties devraient accorder l’attention voulue à la contribution qu’apportent les femmes à la vie culturelle de leurs communautés.

Soixante ‑douzième session (2001)

Observation générale n o  29: Article 4 (Dérogations en période d’état d’urgence)*

1.L’article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques revêt une importance primordiale pour le système de protection des droits de l’homme dans le cadre de cet instrument. D’une part, il autorise l’État partie à adopter unilatéralement des mesures dérogeant provisoirement à certaines obligations qui lui incombent en vertu du Pacte. D’autre part, il soumet à la fois ces dérogations elles‑mêmes et leurs conséquences matérielles à un régime de garanties bien précis. Le retour à une situation normale, permettant d’assurer de nouveau le plein respect du Pacte, doit être l’objectif primordial de l’État partie qui déroge au Pacte. Avec la présente observation générale, qui remplace l’Observation générale n° 5 adoptée à sa treizième session (1981), le Comité cherche à aider les États parties à satisfaire aux prescriptions de l’article 4.

2.Les mesures dérogeant aux dispositions du Pacte doivent avoir un caractère exceptionnel et provisoire. Avant qu’un État ne décide d’invoquer l’article 4, il faut que deux conditions essentielles soient réunies: la situation doit représenter un danger public exceptionnel qui menace l’existence de la nation et l’État partie doit avoir proclamé officiellement un état d’urgence. Cette dernière condition est essentielle au maintien des principes de légalité et de primauté du droit à des moments où ils sont plus que jamais nécessaires. Lorsqu’ils proclament un état d’urgence susceptible d’entraîner une dérogation à l’une quelconque des dispositions du Pacte, les États doivent agir dans le cadre de leur constitution et des dispositions législatives qui régissent l’exercice des pouvoirs exceptionnels; il appartient au Comité de vérifier que les lois en question permettent et garantissent le respect de l’article 4. Pour que le Comité puisse s’acquitter de sa tâche, les États parties au Pacte devraient donner, dans les rapports qu’ils soumettent en application de l’article 40, des renseignements suffisants et précis sur leur législation et leur pratique dans le domaine des pouvoirs exceptionnels.

3.Tout trouble ou toute catastrophe n’entre pas automatiquement dans la catégorie d’un danger public exceptionnel qui menace l’existence de la nation, selon la définition du paragraphe 1 de l’article 4. Pendant un conflit armé, international ou non, les règles du droit international humanitaire deviennent applicables et contribuent, outre les dispositions de l’article 4 et du paragraphe 1 de l’article 5 du Pacte, à empêcher tout abus des pouvoirs exceptionnels par un État. Le Pacte stipule expressément que même pendant un conflit armé, des mesures dérogeant au Pacte ne peuvent être prises que si, et dans la mesure où, cette situation constitue une menace pour la vie de la nation. L’État partie qui envisage d’invoquer l’article 4 dans une situation autre qu’un conflit armé devrait peser soigneusement sa décision pour savoir si une telle mesure se justifie et est nécessaire et légitime dans les circonstances. Le Comité a exprimé à plusieurs occasions sa préoccupation au sujet d’États parties qui semblaient avoir dérogé aux droits protégés par le Pacte, ou dont le droit interne semblait autoriser une telle dérogation dans des situations non couvertes par l’article 4.

4.Comme énoncé au paragraphe 1 de l’article 4, une des conditions fondamentales auxquelles sont assujetties toutes mesures dérogeant aux dispositions du Pacte est que ces dérogations ne peuvent être prises que dans la stricte mesure où la situation l’exige. Cette condition vise la durée, l’étendue géographique et la portée matérielle de l’état d’urgence et de toute dérogation appliquée par l’État du fait de l’état d’urgence. Une dérogation à certaines obligations découlant du Pacte se différencie clairement des restrictions ou limites autorisées même en temps ordinaire par plusieurs dispositions du Pacte. Néanmoins, l’obligation de limiter les dérogations à ce qui est strictement exigé par la situation a son origine dans le principe de proportionnalité qui est commun aux pouvoirs de dérogation et de restriction. En outre, le simple fait qu’une dérogation admise à une disposition spécifique puisse être en soi exigée par les circonstances ne dispense pas de prouver également que les mesures spécifiques prises conformément à cette dérogation sont dictées par les nécessités de la situation. Dans la pratique, cela garantira qu’aucune disposition du Pacte, même s’il y est dérogé valablement, ne sera entièrement inapplicable au comportement d’un État partie. Lors de l’examen de rapports d’États parties, le Comité s’est déclaré préoccupé par le fait qu’il ne soit pas tenu suffisamment compte du principe de proportionnalité.

5.La question de savoir quand et dans quelle mesure il peut être dérogé à certains droits ne peut être examinée sans qu’il soit tenu compte de la disposition du paragraphe 1 de l’article 4 du Pacte selon laquelle toute dérogation aux obligations qui incombent à l’État partie en vertu du Pacte n’est permise que «dans la stricte mesure où la situation l’exige». Cette condition fait obligation aux États parties de justifier précisément non seulement leur décision de proclamer un état d’exception, mais aussi toute mesure concrète découlant de cette proclamation. L’État partie qui entend invoquer le droit de déroger au Pacte, lors, par exemple, d’une catastrophe naturelle, d’une manifestation massive comportant des actes de violence ou d’un accident industriel majeur, doit pouvoir justifier que cette situation représente une menace pour l’existence de la nation mais aussi que toutes les mesures qu’il a prises et qui dérogent au Pacte sont strictement exigées par la situation. De l’avis du Comité, la possibilité de limiter l’exercice de certains droits garantis dans le Pacte, par exemple le droit de circuler librement (art. 12) ou la liberté de réunion (art. 21), suffit généralement dans ce genre de situation et une dérogation aux dispositions en question ne serait pas justifiée par ce qu’exige la situation.

6.Le fait que le paragraphe 2 de l’article 4 stipule que certaines dispositions du Pacte ne sont pas susceptibles de dérogation ne signifie pas qu’il est permis de déroger à volonté à d’autres articles du Pacte, même lorsqu’il y a une menace pour l’existence de la nation. L’obligation juridique de limiter toutes les dérogations au strict minimum nécessaire pour faire face aux exigences de la situation implique à la fois pour les États parties et pour le Comité le devoir de procéder à une analyse minutieuse en se fondant sur chaque article du Pacte et sur une évaluation objective de la situation en question.

7.Le paragraphe 2 de l’article 4 du Pacte stipule expressément qu’il ne peut être dérogé aux articles suivants: article 6 (droit à la vie), article 7 (interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et des expériences médicales ou scientifiques menées sans le libre consentement de la personne concernée), article 8, paragraphes 1 et 2 (interdiction de l’esclavage, de la traite des esclaves et de la servitude), article 11 (interdiction d’emprisonner une personne au motif qu’elle n’est pas en mesure d’exécuter une obligation contractuelle), article 15 (principe de légalité en matière pénale, en vertu duquel la responsabilité pénale et les peines doivent être définies dans des dispositions claires et précises d’une loi qui était en vigueur et applicable au moment où l’action ou l’omission a eu lieu, sauf dans les cas où une loi postérieure prévoit une peine moins lourde), article 16 (reconnaissance de la personnalité juridique de chacun) et article 18 (liberté de pensée, de conscience et de religion). Du fait même qu’ils sont énumérés au paragraphe 2 de l’article 4, les droits consacrés dans ces dispositions ne sont pas susceptibles de dérogation. Il en va de même dans le cas des États parties au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte visant à abolir la peine de mort, comme énoncé à l’article 6 de cet instrument. Théoriquement, le fait de dire qu’une disposition du Pacte n’est pas susceptible de dérogation ne signifie pas qu’il ne peut en aucun cas y avoir des limitations ou des restrictions justifiées à son application. Le renvoi, au paragraphe 2 de l’article 4, à l’article 18, dont le paragraphe 3 traite spécifiquement des restrictions, montre que la question de l’admissibilité des restrictions est indépendante de celle de savoir si une dérogation est possible. Même en cas de danger public extrêmement grave, les États qui restreignent l’exercice de la liberté de manifester sa religion ou sa conviction doivent justifier leurs actions eu égard aux cas mentionnés au paragraphe 3 de l’article 18. À plusieurs occasions, le Comité s’est déclaré préoccupé par le fait qu’il était dérogé ou qu’il risquait d’être dérogé à tel ou tel droit non susceptible de dérogation visé au paragraphe 2 de l’article 4, du fait de l’insuffisance du régime juridique de l’État partie.

8.En vertu du paragraphe 1 de l’article 4, pour qu’une quelconque dérogation aux dispositions du Pacte soit justifiée, il faut que les mesures prises n’entraînent pas une discrimination fondée uniquement sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l’origine sociale. Bien que l’article 26 ou les autres dispositions du Pacte concernant la non‑discrimination (art. 2 et 3, par. 1 de l’article 14, par. 4 de l’article 23, par. 1 de l’article 24 et art. 25) ne figurent pas parmi les dispositions non susceptibles de dérogation énoncées au paragraphe 2 de l’article 4, il y a des éléments ou aspects du droit à la non‑discrimination auxquels aucune dérogation n’est possible, quelles que soient les circonstances. En particulier, cette disposition du paragraphe 1 de l’article 4 doit être respectée s’il est fait une quelconque distinction entre les personnes quand des mesures dérogeant au Pacte sont appliquées.

9.En outre, le paragraphe 1 de l’article 4 exige qu’aucune mesure dérogeant aux dispositions du Pacte ne soit incompatible avec les autres obligations qui incombent aux États parties en vertu du droit international, en particulier les règles du droit international humanitaire. L’article 4 du Pacte ne saurait être interprété comme justifiant une dérogation aux dispositions du Pacte si une telle dérogation doit entraîner un manquement à d’autres obligations internationales incombant à l’État concerné, que celles‑ci découlent d’un traité ou du droit international général. Ce principe est reflété également au paragraphe 2 de l’article 5, en vertu duquel il ne peut être admis aucune restriction ou dérogation aux droits fondamentaux reconnus dans d’autres instruments, sous prétexte que le Pacte ne les reconnaît pas ou les reconnaît à un moindre degré.

10.Bien qu’il n’entre pas dans le mandat du Comité des droits de l’homme de procéder à un examen du comportement de l’État partie au regard d’autres instruments, dans l’exercice de ses fonctions en vertu du Pacte, le Comité est compétent, lorsqu’il s’agit de déterminer si le Pacte autorise un État partie à déroger à telle ou telle de ses dispositions, pour prendre en compte les autres obligations internationales dudit État. En conséquence, quand ils se prévalent du paragraphe 1 de l’article 4 ou quand ils informent, en application de l’article 40, sur le cadre légal relatif aux situations d’exception, les États parties devraient fournir des renseignements sur leurs autres obligations internationales concernant la protection du droit en question, en particulier celles auxquelles ils sont tenus dans les situations d’urgence. À cet égard, les États parties devraient prendre dûment en considération l’évolution du droit international en ce qui concerne les normes relatives aux droits fondamentaux applicables dans les situations d’urgence.

11.L’énumération des dispositions non susceptibles de dérogation figurant à l’article 4 est liée – sans se confondre avec elle – à la question de savoir si certaines obligations relatives aux droits de l’homme revêtent le caractère de normes impératives du droit international. Le fait que certaines dispositions du Pacte soient, au paragraphe 2 de l’article 4, proclamées non susceptibles de dérogation doit être interprété en partie comme une constatation dans le Pacte du caractère impératif de quelques droits fondamentaux garantis par traité (par exemple les articles 6 et 7). Il est évident toutefois que d’autres dispositions du Pacte ont été incluses dans la liste de celles auxquelles il ne peut être dérogé parce qu’elles portent sur des droits dont la dérogation ne peut jamais être rendue nécessaire par la proclamation d’un état d’exception (par exemple, art. 11 et 18). De plus, la catégorie des normes impératives est plus étendue que la liste des dispositions intangibles figurant au paragraphe 2 de l’article 4. Les États parties ne peuvent en aucune circonstance invoquer l’article 4 du Pacte pour justifier des actes attentatoires au droit humanitaire ou aux normes impératives du droit international, par exemple une prise d’otages, des châtiments collectifs, des privations arbitraires de liberté ou l’inobservation de principes fondamentaux garantissant un procès équitable comme la présomption d’innocence.

12.Pour déterminer quelles sont les limites au‑delà desquelles aucune dérogation aux dispositions du Pacte ne saurait être légitime, un des critères possibles se trouve dans la définition de certaines violations des droits de l’homme en tant que crimes contre l’humanité. Si un acte commis sous l’autorité d’un État engage la responsabilité pénale individuelle pour crime contre l’humanité des personnes qui y ont participé, l’article 4 du Pacte ne peut être invoqué pour affirmer qu’ayant agi dans le contexte d’un état d’exception, l’État concerné est dégagé de sa responsabilité en ce qui concerne l’acte en question. Dans cette optique, la récente codification des crimes contre l’humanité, à des fins juridictionnelles, dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale est à prendre en considération lorsqu’on veut interpréter l’article 4 du Pacte.

13.Dans les dispositions du Pacte qui ne sont pas énumérées au paragraphe 2 de l’article 4, il y a des éléments qui, de l’avis du Comité, ne peuvent pas faire l’objet d’une dérogation licite en vertu de l’article 4. On en donne ci‑après quelques exemples représentatifs:

a)Toute personne privée de sa liberté est traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine. Bien que ce droit, énoncé à l’article 10 du Pacte, ne soit pas expressément mentionné au paragraphe 2 de l’article 4 parmi les droits intangibles, le Comité considère que le Pacte exprime ici une norme du droit international général, ne souffrant aucune dérogation, opinion étayée par la mention de la dignité inhérente à l’être humain faite dans le préambule du Pacte et par le lien étroit entre l’article 7 et l’article 10;

b)L’interdiction de la prise d’otages, des enlèvements ou des détentions non reconnues n’est pas susceptible de dérogation. Le caractère absolu de cette interdiction, même dans une situation d’exception, est justifié par son rang de norme du droit international général;

c)Le Comité est d’avis que la protection internationale des droits des personnes appartenant à des minorités comporte des aspects qui doivent être respectés en toutes circonstances. Cela est reflété dans l’interdiction du génocide en droit international, dans l’inclusion d’une clause interdisant la discrimination dans l’article 4 lui‑même (par. 1) ainsi que par l’interdiction de déroger à l’article 18;

d)Comme le confirme le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, la déportation ou le transfert forcé de population, entendus comme le fait de déplacer des personnes, en les expulsant ou par d’autres moyens coercitifs, de la région où elles se trouvent légalement, sans motifs admis en droit international, constituent un crime contre l’humanité. Le droit légitime de déroger à l’article 12 du Pacte en cas de situation d’exception ne peut en aucun cas être reconnu comme justifiant de telles mesures;

e)En aucun cas la proclamation d’un état d’exception faite conformément au paragraphe 1 de l’article 4 ne peut être invoquée par un État partie pour justifier qu’il se livre, en violation de l’article 20, à de la propagande en faveur de la guerre ou à des appels à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitueraient une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence.

14.Le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte exige que soient assurés des recours utiles contre toute violation des dispositions du Pacte. Même si cette clause ne fait pas partie des dispositions auxquelles il ne peut être dérogé énumérées au paragraphe 2 de l’article 4, elle constitue une obligation inhérente au Pacte. Même si les États parties peuvent, pendant un état d’urgence, apporter, dans la stricte mesure où la situation l’exige, des ajustements aux modalités concrètes de fonctionnement de leurs procédures relatives aux recours judiciaires et autres recours, ils doivent se conformer à l’obligation fondamentale de garantir un recours utile qui est prévue au paragraphe 3 de l’article 2.

15.Un élément inhérent à la protection des droits expressément déclarés non susceptibles de dérogation au paragraphe 2 de l’article 4 est qu’ils doivent s’accompagner de garanties de procédure, qui sont souvent judiciaires. Les dispositions du Pacte relatives aux garanties de procédure ne peuvent faire l’objet de mesures qui porteraient atteinte à la protection de droits non susceptibles de dérogation; ce qui implique que l’article 4 ne peut être invoqué d’une manière qui déroge aux dispositions non susceptibles de dérogation. Ainsi par exemple, étant donné que l’article 6 du Pacte, dans son ensemble, n’est pas susceptible de dérogation, toute imposition de la peine capitale au cours d’un état d’urgence doit être conforme aux dispositions du Pacte, répondant notamment à l’ensemble des obligations énumérées aux articles 14 et 15.

16.Les garanties dont la dérogation est assortie, telles que consacrées à l’article 4 du Pacte, reposent sur les principes de légalité et de la primauté du droit, inhérents à l’ensemble du Pacte. Certains éléments du droit à un procès équitable étant expressément garantis par le droit international humanitaire en période de conflit armé, le Comité ne voit aucune justification à ce qu’il soit dérogé à ces garanties au cours d’autres situations d’urgence. De l’avis du Comité, ces principes de légalité et de la primauté du droit et la disposition concernant les recours utiles exigent le respect des garanties judiciaires fondamentales pendant un état d’exception. Seuls les tribunaux peuvent juger et condamner un individu pour infraction pénale. La présomption d’innocence doit être respectée. Afin de protéger les droits non susceptibles de dérogation, le droit d’introduire un recours devant un tribunal, dans le but de lui permettre de statuer sans retard sur la légalité d’une détention, ne peut être affecté par la décision d’un État partie de déroger au Pacte.

17.Au paragraphe 3 de l’article 4, les États parties s’engagent à observer un système de notification internationale quand ils usent du droit de dérogation prévu à l’article 4. L’État partie qui se prévaut du droit de dérogation est tenu d’informer immédiatement les autres États parties, par l’intermédiaire du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, des dispositions auxquelles il a dérogé, et des motifs justifiant cette dérogation. Une telle notification est essentielle non seulement pour permettre au Comité de s’acquitter de ses fonctions, en particulier lorsqu’il est appelé à déterminer si les mesures prises par l’État partie sont dictées par la stricte exigence de la situation, mais également pour permettre aux États parties d’assumer leur responsabilité de veiller à la mise en œuvre des dispositions du Pacte. Étant donné le caractère lapidaire des notifications qu’il a reçues à ce jour, le Comité tient à souligner que devraient figurer dans toute notification des renseignements pertinents sur les mesures prises ainsi que des explications claires sur les motifs qui ont amené l’État partie à les prendre, accompagnés de l’intégralité des documents relatifs aux dispositions juridiques. Des notifications supplémentaires seront requises dans la mesure où l’État partie prend des mesures ultérieures en application de l’article 4, par exemple en prolongeant l’état d’urgence. L’obligation de notification immédiate s’applique également quand la dérogation prend fin. Ces obligations n’ont pas toujours été respectées: des États parties n’ont pas notifié aux autres États parties, par l’entremise du Secrétaire général, qu’ils avaient proclamé l’état d’urgence, ni ne les ont informés des mesures résultant de la dérogation à une ou à plusieurs dispositions du Pacte, ou ont parfois négligé de transmettre la notification des modifications d’ordre territorial ou autre découlant de l’exercice des pouvoirs exceptionnels. Il s’est trouvé aussi que la proclamation d’un état d’urgence et la question de savoir si l’État partie a dérogé aux dispositions du Pacte ne sont parvenues à la connaissance du Comité qu’à l’occasion de l’examen du rapport périodique par l’État partie. Le Comité insiste sur l’obligation de notification internationale immédiate chaque fois qu’un État partie se prévaut du droit de déroger aux obligations qui lui incombent en vertu du Pacte. Cela étant, le Comité a le devoir d’examiner le droit et la pratique d’un État partie en vue de s’assurer que l’article 4 est respecté, que l’État partie ait ou n’ait pas fait parvenir la notification.

Soixante ‑quinzième session (2002)

Observation générale n o  30: Obligation de présenter des rapports qui incombe aux États parties en vertu de l’article 40 du Pacte*

1.Aux termes de l’article 40 du Pacte, les États parties se sont engagés à présenter des rapports dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur du Pacte pour chacun d’entre eux et, par la suite, chaque fois que le Comité en fait la demande.

2.Le Comité note que, comme le montrent ses rapports annuels, un petit nombre d’États seulement présentent leurs rapports dans les délais. La plupart des rapports sont présentés avec des retards allant de quelques mois à plusieurs années, et certains États parties ne se sont toujours pas acquittés de leur obligation, malgré des rappels répétés du Comité.

3.D’autres États annoncent leur venue devant le Comité mais ne se présentent pas à la date fixée.

4.Pour parer à de telles situations, le Comité a adopté de nouvelles règles:

a)Si un État partie a présenté un rapport mais n’envoie pas de délégation devant le Comité, celui‑ci peut notifier à l’État partie la date à laquelle il a l’intention d’examiner le rapport ou peut procéder à l’examen du rapport à la séance initialement prévue;

b)Lorsque l’État partie n’a pas présenté de rapport, le Comité peut, à sa discrétion, notifier à l’État partie la date à laquelle il se propose d’examiner les mesures prises par celui‑ci pour donner effet aux droits garantis par le Pacte:

i)Si l’État partie est représenté par une délégation, le Comité procède à cet examen en présence de la délégation à la date prévue;

ii)Si l’État partie n’est pas représenté, le Comité peut, à sa discrétion, soit décider de procéder à l’examen des mesures prises par l’État partie pour donner effet aux garanties du Pacte à la date initialement fixée, soit notifier à celui‑ci une nouvelle date.

Aux fins de l’application de ces procédures, le Comité siège en séance publique si une délégation est présente, et en séance privée dans le cas contraire et suit les modalités énoncées dans ses directives concernant les rapports ainsi que dans son règlement intérieur.

5.Après que le Comité a adopté des observations finales, une procédure de suivi est mise en œuvre afin d’établir, de maintenir ou de restaurer le dialogue avec l’État partie. À cet effet le Comité, pour pouvoir décider des nouvelles mesures à prendre, désigne un rapporteur spécial, qui lui rend compte.

6.Le Comité apprécie, à la lumière du rapport rendu par le Rapporteur spécial, la position adoptée par l’État partie et, s’il y a lieu, fixe une nouvelle date pour la présentation par ledit État de son prochain rapport.

Quatre ‑vingtième session (2004)

Observation générale n o  31: La nature de l’obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte*

1.La présente observation générale remplace l’Observation générale no 3, dont elle reprend et développe les principes. Les dispositions générales du paragraphe 1 de l’article 2 qui concernent la non‑discrimination étant traitées dans l’Observation générale no 18 et l’Observation générale no 28, il convient de lire la présente observation générale à la lumière de celles‑ci.

2.L’article 2 énonce les obligations des États parties vis‑à‑vis des individus en tant que titulaires des droits garantis par le Pacte, mais il se trouve aussi que chacun des États parties possède un intérêt juridique dans l’exécution par chacun des autres États parties de ses obligations. Cela découle du fait que les «règles concernant les droits fondamentaux de la personne humaine» sont des obligations erga omnes et que, comme il est indiqué au quatrième alinéa du préambule du Pacte, la Charte des Nations Unies impose aux États l’obligation de promouvoir le respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales. En outre, le caractère contractuel du traité qui suppose que tout État partie à un traité est tenu envers chacun des autres États parties de s’acquitter des engagements qu’il a pris en vertu dudit traité. À ce propos, le Comité rappelle aux États parties l’opportunité de faire la déclaration visée à l’article 41. Il rappelle également aux États parties qui ont déjà fait cette déclaration l’intérêt qu’ils pourraient avoir à se prévaloir de la procédure prévue à cet article. Cependant, le simple fait qu’il existe à l’égard des États parties qui ont fait la déclaration visée à l’article 41 un mécanisme interétatique formel prévoyant la présentation de plaintes au Comité des droits de l’homme ne signifie pas que cette procédure est l’unique moyen par lequel les États parties peuvent faire valoir leur intérêt dans l’exécution par les autres États parties de leurs obligations. Au contraire, la procédure prévue à l’article 41 devrait être considérée comme complétant, et non pas amoindrissant, l’intérêt que les États parties ont dans l’exécution par chacun d’eux de ses obligations. Le Comité recommande en conséquence à l’appréciation des États parties le point de vue selon lequel la violation par un État partie quel qu’il soit de droits garantis par le Pacte requiert leur attention. Signaler d’éventuelles violations par d’autres États parties des obligations découlant du Pacte et les appeler à se conformer à leurs obligations au titre du Pacte ne devrait nullement être tenu pour un acte inamical, mais pour l’illustration de l’intérêt légitime de la communauté.

3.L’article 2 définit la portée des obligations juridiques contractées par les États parties au Pacte. Il impose aux États parties l’obligation générale de respecter les droits énoncés dans le Pacte et de les garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence (voir le paragraphe 10 ci‑dessous). Conformément au principe énoncé à l’article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, les États parties sont tenus de s’acquitter de bonne foi des obligations découlant du Pacte.

4.Les obligations découlant du Pacte en général et de l’article 2 en particulier s’imposent à tout État partie considéré dans son ensemble. Toutes les autorités de l’État (pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire), ainsi que les pouvoirs publics et autres instances publiques à quelque échelon que ce soit − national, régional ou local −, sont à même d’engager la responsabilité de l’État partie. Le pouvoir exécutif, qui généralement représente l’État partie à l’échelon international, y compris devant le Comité, ne peut arguer du fait qu’un acte incompatible avec les dispositions du Pacte a été exécuté par une autre autorité de l’État pour tenter d’exonérer l’État partie de la responsabilité de cet acte et de l’incompatibilité qui en résulte. Cette interprétation découle directement du principe énoncé à l’article 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, aux termes duquel un État partie «ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non‑exécution d’un traité». Si le paragraphe 2 de l’article 2 autorise les États parties à donner effet aux droits reconnus dans le Pacte en suivant leur procédure constitutionnelle interne, c’est le même principe qui joue afin d’empêcher que les États parties invoquent les dispositions de leur droit constitutionnel ou d’autres aspects de leur droit interne pour justifier le fait qu’ils n’ont pas exécuté les obligations découlant du Pacte ou qu’ils ne leur ont pas donné effet. À cet égard, le Comité rappelle aux États parties dotés d’une structure fédérale les termes de l’article 50, selon lequel les dispositions du Pacte «s’appliquent, sans limitation ni exception aucune, à toutes les unités constitutives des États fédératifs».

5.L’obligation, énoncée au paragraphe 1 de l’article 2, de respecter et garantir les droits reconnus dans le Pacte prend effet immédiatement pour tous les États parties. Le paragraphe 2 de l’article 2 constitue le cadre général de la protection et de la défense de ces droits. Le Comité a donc déjà précisé dans son Observation générale no 24 que toute réserve à l’article 2 serait incompatible avec le Pacte eu égard à son objet et à son but.

6.L’obligation juridique énoncée au paragraphe 1 de l’article 2 est à la fois négative et positive. Les États parties doivent s’abstenir de violer les droits reconnus par le Pacte, et toute restriction à leur exercice doit être autorisée par les dispositions pertinentes du Pacte. Dans les cas où des restrictions sont formulées, les États doivent en démontrer la nécessité et ne prendre que des mesures proportionnées aux objectifs légitimes poursuivis afin d’assurer une protection véritable et continue des droits énoncés dans le Pacte. De telles restrictions ne peuvent en aucun cas être appliquées ou invoquées d’une manière qui porterait atteinte à l’essence même d’un droit énoncé dans le Pacte.

7.En vertu de l’article 2, les États parties doivent prendre des mesures d’ordre législatif, judiciaire, administratif, éducatif et autres appropriées pour s’acquitter de leurs obligations juridiques. Le Comité considère qu’il importe de sensibiliser aux dispositions du Pacte non seulement les fonctionnaires et les agents de l’État, mais aussi la population dans son ensemble.

8.Puisque les obligations énoncées au paragraphe 1 de l’article 2 lient les États parties, elles n’ont pas en droit international un effet horizontal direct. Le Pacte ne saurait se substituer au droit civil ou pénal national. Toutefois, les États parties ne pourront pleinement s’acquitter de leurs obligations positives, visées au paragraphe 6, de garantir les droits reconnus dans le Pacte que si les individus sont protégés par l’État non seulement contre les violations de ces droits par ses agents, mais aussi contre des actes commis par des personnes privées, physiques ou morales, qui entraveraient l’exercice des droits énoncés dans le Pacte dans la mesure où ils se prêtent à une application entre personnes privées, physiques ou morales. Dans certaines circonstances, il peut arriver qu’un manquement à l’obligation énoncée à l’article 2 de garantir les droits reconnus dans le Pacte se traduise par une violation de ces droits par un État partie si celui‑ci tolère de tels actes ou s’abstient de prendre des mesures appropriées ou d’exercer la diligence nécessaire pour prévenir et punir de tels actes commis par des personnes privées, physiques ou morales, enquêter à leur sujet ou réparer le préjudice qui en résulte en sorte que lesdits actes sont imputables à l’État partie concerné. Il est rappelé aux États qu’il existe un lien entre les obligations positives découlant de l’article 2 et la nécessité de prévoir des recours utiles en cas de violation, conformément au paragraphe 3 de l’article 2. Le Pacte lui‑même vise dans certains articles des domaines dans lesquels l’obligation positive existe pour les États parties de réglementer les activités de personnes privées, physiques ou morales. Par exemple, le respect de la vie privée garanti par l’article 17 doit être protégé par la loi. De même, il ressort implicitement de l’article 7 que les États parties doivent prendre des mesures positives pour que des personnes privées, physiques ou morales, n’infligent pas des tortures ou des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants à d’autres personnes en leur pouvoir. Dans des domaines qui concernent des aspects fondamentaux de la vie courante comme le travail ou le logement, les individus doivent être protégés de toute discrimination au sens de l’article 26.

9.Les bénéficiaires des droits reconnus par le Pacte sont les individus. Bien que le Pacte ne mentionne pas, hormis en son article premier, les droits des personnes morales ou entités ou collectivités similaires, nombre des droits reconnus par le Pacte, tels que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction (art. 18), le droit à la liberté d’association (art. 22) ou les droits des membres de minorités (art. 27), peuvent être exercés collectivement avec autrui. Le fait que la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications soit restreinte aux seules communications soumises par un individu ou au nom d’un individu (art. 1 du Protocole facultatif) n’empêche pas un tel individu de faire valoir que les actions ou omissions affectant des personnes morales et entités similaires constituent une violation de ses propres droits.

10.Aux termes du paragraphe 1 de l’article 2, les États parties sont tenus de respecter et garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et à tous ceux relevant de leur compétence les droits énoncés dans le Pacte. Cela signifie qu’un État partie doit respecter et garantir à quiconque se trouve sous son pouvoir ou son contrôle effectif les droits reconnus dans le Pacte même s’il ne se trouve pas sur son territoire. Comme il est indiqué dans l’Observation générale no 15, adoptée à la vingt‑septième session (1986), la jouissance des droits reconnus dans le Pacte, loin d’être limitée aux citoyens des États parties, doit être accordée aussi à tous les individus, quelle que soit leur nationalité ou même s’ils sont apatrides, par exemple demandeurs d’asile, réfugiés, travailleurs migrants et autres personnes qui se trouveraient sur le territoire de l’État partie ou relèveraient de sa compétence. Ce principe s’applique aussi à quiconque se trouve sous le pouvoir ou le contrôle effectif des forces d’un État partie opérant en dehors de son territoire, indépendamment des circonstances dans lesquelles ce pouvoir ou ce contrôle effectif a été établi, telles que les forces constituant un contingent national affecté à des opérations internationales de maintien ou de renforcement de la paix.

11.Comme il ressort de l’Observation générale no 29, le Pacte s’applique aussi dans les situations de conflit armé auxquelles les règles du droit international humanitaire sont applicables. Même si, pour certains droits consacrés par le Pacte, des règles plus spécifiques du droit international humanitaire peuvent être pertinentes aux fins de l’interprétation des droits consacrés par le Pacte, les deux domaines du droit sont complémentaires et ne s’excluent pas l’un l’autre.

12.De surcroît, l’obligation faite à l’article 2 aux États parties de respecter et garantir à toutes les personnes se trouvant sur leur territoire et à toutes les personnes soumises à leur contrôle les droits énoncés dans le Pacte entraîne l’obligation de ne pas extrader, déplacer, expulser quelqu’un ou le transférer par d’autres moyens de leur territoire s’il existe des motifs sérieux de croire qu’il y a un risque réel de préjudice irréparable dans le pays vers lequel doit être effectué le renvoi ou dans tout pays vers lequel la personne concernée peut être renvoyée par la suite, tel le préjudice envisagé aux articles 6 et 7 du Pacte. Les autorités administratives et judiciaires compétentes doivent prendre conscience de la nécessité de veiller à ce que les obligations découlant du Pacte à cet égard soient respectées.

13.Le paragraphe 2 de l’article 2 fait obligation aux États parties de prendre les mesures nécessaires pour donner effet dans l’ordre interne aux droits énoncés dans le Pacte. Il s’ensuit que si les droits énoncés dans le Pacte ne sont pas déjà protégés par les lois ou les pratiques internes, les États parties sont tenus, lorsqu’ils ont ratifié le Pacte, de modifier leurs lois et leurs pratiques de manière à les mettre en conformité avec le Pacte. Dans les cas où il existe des discordances entre le droit interne et le Pacte, l’article 2 exige que la législation et la pratique nationales soient alignées sur les normes imposées au regard des droits garantis par le Pacte. L’article 2 autorise un État partie à procéder à cette modification conformément à sa structure constitutionnelle propre et, partant, il n’exige pas que le Pacte puisse être directement applicable par les tribunaux, par voie d’incorporation dans le droit interne. Le Comité est cependant d’avis que les droits garantis par le Pacte sont susceptibles d’être mieux protégés dans les États où le Pacte fait partie de l’ordre juridique interne automatiquement ou par voie d’incorporation expresse. Le Comité invite les États parties où le Pacte ne fait pas partie de l’ordre juridique interne à envisager l’incorporation du Pacte pour en faire une partie intégrante du droit interne de façon à faciliter la pleine réalisation des droits reconnus dans le Pacte conformément aux dispositions de l’article 2.

14.L’obligation énoncée au paragraphe 2 de l’article 2 de prendre des mesures afin de donner effet aux droits reconnus dans le Pacte a un caractère absolu et prend effet immédiatement. Le non‑respect de cette obligation ne saurait être justifié par des considérations politiques, sociales, culturelles ou économiques internes.

15.Le paragraphe 3 de l’article 2 prévoit que les États parties, outre qu’ils doivent protéger efficacement les droits découlant du Pacte, doivent veiller à ce que toute personne dispose de recours accessibles et utiles pour faire valoir ces droits. Ces recours doivent être adaptés comme il convient de façon à tenir compte des faiblesses particulières de certaines catégories de personnes, comme les enfants. Le Comité attache de l’importance à la mise en place, par les États parties, de mécanismes juridictionnels et administratifs appropriés pour examiner les plaintes faisant état de violations des droits en droit interne. Le Comité note que les tribunaux peuvent de diverses manières garantir effectivement l’exercice des droits reconnus par le Pacte, soit en statuant sur son applicabilité directe, soit en appliquant les règles constitutionnelles ou autres dispositions législatives comparables, soit en interprétant les implications qu’ont pour l’application du droit national les dispositions du Pacte. Des mécanismes administratifs s’avèrent particulièrement nécessaires pour donner effet à l’obligation générale de faire procéder de manière rapide, approfondie et efficace, par des organes indépendants et impartiaux, à des enquêtes sur les allégations de violation. Des institutions nationales concernant les droits de l’homme dotées des pouvoirs appropriés peuvent jouer ce rôle. Le fait pour un État partie de ne pas mener d’enquête sur des violations présumées pourrait en soi donner lieu à une violation distincte du Pacte. La cessation d’une violation continue est un élément essentiel du droit à un recours utile.

16.Le paragraphe 3 de l’article 2 exige que les États parties accordent réparation aux personnes dont les droits reconnus par le Pacte ont été violés. S’il n’est pas accordé réparation aux personnes dont les droits reconnus par le Pacte ont été violés, l’obligation d’offrir un recours utile, qui conditionne l’efficacité du paragraphe 3 de l’article 2, n’est pas remplie. Outre la réparation expressément prévue par le paragraphe 5 de l’article 9 et le paragraphe 6 de l’article 14, le Pacte implique de manière générale l’obligation d’accorder une réparation appropriée. Le Comité note que, selon le cas, la réparation peut prendre la forme de restitution, réhabilitation, mesures pouvant donner satisfaction (excuses publiques, témoignages officiels), garanties de non‑répétition et modification des lois et pratiques en cause aussi bien que la traduction en justice des auteurs de violations de droits de l’homme.

17.De manière générale, il serait contraire aux buts visés par le Pacte de ne pas reconnaître qu’il existe une obligation inhérente à l’article 2 de prendre des mesures pour prévenir la répétition d’une violation du Pacte. En conséquence, il est fréquent que le Comité, dans des affaires dont il est saisi en vertu du Protocole facultatif, mentionne dans ses constatations la nécessité d’adopter des mesures visant, au‑delà de la réparation due spécifiquement à la victime, à éviter la répétition du type de violation considéré. De telles mesures peuvent nécessiter une modification de la législation ou des pratiques de l’État partie.

18.Lorsque les enquêtes mentionnées au paragraphe 15 révèlent la violation de certains droits reconnus dans le Pacte, les États parties doivent veiller à ce que les responsables soient traduits en justice. Comme dans le cas où un État partie s’abstient de mener une enquête, le fait de ne pas traduire en justice les auteurs de telles violations pourrait en soi donner lieu à une violation distincte du Pacte. Ces obligations se rapportent notamment aux violations assimilées à des crimes au regard du droit national ou international, comme la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants analogues (art. 7), les exécutions sommaires et arbitraires (art. 6) et les disparitions forcées (art. 7 et 9 et, souvent, art. 6). D’ailleurs, le problème de l’impunité des auteurs de ces violations, question qui ne cesse de préoccuper le Comité, peut bien être un facteur important qui contribue à la répétition des violations. Lorsqu’elles sont commises dans le cadre d’une attaque à grande échelle ou systématique contre une population civile, ces violations du Pacte constituent des crimes contre l’humanité (voir le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, art. 7).

Par conséquent, lorsqu’il apparaît que des fonctionnaires ou des agents de l’État ont violé les droits énoncés dans le Pacte qui sont mentionnés dans le présent paragraphe, les États parties concernés ne sauraient exonérer les auteurs de leur responsabilité personnelle, comme cela s’est produit dans le cas de certaines amnisties (voir l’Observation générale no 20 (44)), et immunités préalables. En outre, aucun statut officiel ne justifie que des personnes accusées d’être responsables de telles violations soient exonérées de leur responsabilité juridique. Il convient aussi de supprimer d’autres obstacles à l’établissement de la responsabilité juridique tels qu’un moyen de défense fondé sur l’obéissance à des ordres supérieurs ou des délais de prescription excessivement brefs dans les cas où de tels délais de prescription sont admissibles. Les États parties devraient également s’entraider pour traduire en justice les auteurs présumés d’actes constituant des violations du Pacte qui sont punissables en vertu du droit national ou international.

19.Le Comité est en outre d’avis que le droit à un recours utile peut dans certaines circonstances obliger l’État partie à prévoir et à appliquer des mesures provisoires ou conservatoires pour éviter la poursuite des violations et tenter de réparer au plus vite tout préjudice susceptible d’avoir été causé par de telles violations.

20.Même lorsque les systèmes juridiques des États parties prévoient officiellement le recours approprié, des violations des droits protégés par le Pacte se produisent. Cela est apparemment dû au dysfonctionnement des recours dans la pratique. En conséquence, il serait utile que le Comité reçoive, lors de l’examen des rapports périodiques des États parties, des renseignements sur les obstacles à l’efficacité des recours en place.

III. RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES ADOPTÉES PAR LE COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Conformément à l’article 9, paragraphe 2, de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, le Comité peut faire des suggestions et des recommandations d’ordre général fondées sur l’examen des rapports et des renseignements reçus des États parties. Il porte ces suggestions et recommandations d’ordre général à la connaissance de l’Assemblée générale avec, le cas échéant, les observations des États parties. Le Comité a adopté jusqu’à présent 18 recommandations générales.

Cinquième session (1972)*

Recommandation générale I concernant les obligations des États parties (art. 4 de la Convention)

En examinant, au cours de sa cinquième session, les rapports présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, le Comité a établi que les normes prévues aux alinéas a et b de l’article 4 de ladite convention et dont l’application (tenant dûment compte des principes formulés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et des droits expressément énoncés à l’article 5 de la Convention) est obligatoire, conformément à la Convention, pour tous les États parties, faisaient défaut dans la législation de plusieurs États.

Le Comité recommande, en conséquence, que les États parties dont la législation présente ces lacunes examinent la possibilité de la compléter, conformément à leur procédure législative, en y incorporant les normes prévues aux alinéas a et b de l’article 4 de la Convention.

Cinquième session (1972)*

Recommandation générale II concernant les obligations des États parties

Le Comité a examiné plusieurs rapports d’États parties qui ont exprimé l’avis ou laissé entendre que les renseignements mentionnés dans la communication du Comité en date du 28 janvier 1970 (CERD/C/R.12, document A/8027, annexe III) n’ont pas à être soumis par les États parties sur le territoire desquels la discrimination raciale n’existe pas.

Cependant, dans la mesure où, aux termes du paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention internationale sur toutes les formes de discrimination raciale, tous les États parties s’engagent à présenter des rapports sur les mesures qu’ils ont arrêtées et qui donnent effet aux dispositions de la Convention, et étant donné que toutes les catégories de renseignements énumérés dans la communication du Comité en date du 28 janvier 1970 visent les obligations assumées par les États parties aux termes de la Convention, ladite communication est adressée à tous les États parties sans distinction, que la discrimination raciale existe ou non sur leurs territoires respectifs. Le Comité aimerait que tous les États parties qui ne l’ont pas encore fait fassent figurer dans leurs rapports les renseignements nécessaires conformément à toutes les rubriques énoncées dans la communication susmentionnée du Comité.

Sixième session (1972)*

Recommandation générale III concernant les rapports des États parties

Le Comité a examiné certains rapports des États parties contenant des renseignements sur les mesures visant à appliquer les résolutions des organes de l’Organisation des Nations Unies concernant les relations avec les régimes racistes en Afrique australe.

Le Comité prend note du fait qu’aux termes du dixième alinéa du préambule de la Convention, les États parties se sont déclarés «résolus» notamment «à édifier une communauté internationale affranchie de toutes les formes de ségrégation et de discrimination raciales».

Il note également qu’à l’article 3 de la Convention, «les États parties condamnent spécialement la ségrégation raciale et l’apartheid».

En outre, le Comité note que dans la section III de sa résolution 2784 (XXVI), l’Assemblée générale, immédiatement après avoir pris acte avec satisfaction du deuxième rapport annuel du Comité et après avoir fait siennes certaines opinions et recommandations formulées par le Comité, a demandé à «tous les partenaires commerciaux de l’Afrique du Sud de s’abstenir de tout acte de nature à encourager l’Afrique du Sud et le régime illégal de la Rhodésie du Sud à continuer à violer les principes et objectifs de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale».

Le Comité exprime l’avis que les mesures adoptées sur le plan national pour donner effet aux dispositions de la Convention sont en étroite relation avec les mesures prises au niveau international pour encourager en tous lieux le respect des principes de la Convention.

Le Comité serait heureux que tout État partie désireux de le faire incorpore dans les rapports soumis en application du paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention des renseignements concernant l’état de ses relations diplomatiques, économiques et autres avec les régimes racistes d’Afrique australe.

Huitième session (1973)*

Recommandation générale IV concernant les rapports des États parties (art. 1 de la Convention)

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,

Ayant examiné les rapports présentés par des États parties conformément à l’article 9 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale à ses septième et huitième sessions,

Conscient de ce que les rapports envoyés par les États parties au Comité doivent être une source d’informations aussi complète que possible,

Invite les États parties à s’efforcer d’inclure dans leurs rapports présentés conformément à l’article 9 des renseignements pertinents sur la composition démographique de la population visée dans les dispositions de l’article premier de la Convention.

Quinzième session (1977)*

Recommandation générale V concernant les obligations des États parties de faire rapport (art. 7 de la Convention)

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,

Gardant présentes à l’esprit les dispositions des articles 7 et 9 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale,

Persuadé que combattre les préjugés qui aboutissent à la discrimination raciale, favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre les groupes raciaux et ethniques et propager les principes et les buts de la Charte des Nations Unies et des déclarations et autres instruments pertinents adoptés par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies dans le domaine des droits de l’homme sont des moyens importants et efficaces d’éliminer la discrimination raciale,

Considérant que les obligations qu’impose l’article 7 de la Convention et par lesquelles tous les États parties sont tenus, y compris ceux qui déclarent que la discrimination raciale n’est pas pratiquée sur le territoire relevant de leur juridiction, doivent être remplies par eux, et que, par conséquent, tous les États parties doivent inclure des renseignements sur l’application des dispositions de cet article dans les rapports qu’ils présentent conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention,

Constatant avec regret que peu d’États parties ont inclus, dans les rapports qu’ils ont présentés conformément à l’article 9 de la Convention, des renseignements sur les mesures qu’ils ont adoptées et qui donnent effet aux dispositions de l’article 7 de la Convention et que les renseignements fournis ont souvent été généraux et superficiels,

Rappelant que, conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention, le Comité peut demander des renseignements complémentaires aux États parties,

1.Prie tous les États parties qui ne l’ont pas encore fait d’inclure − dans le prochain rapport qu’ils présenteront conformément à l’article 9 de la Convention, ou dans un rapport spécial communiqué avant la date à laquelle ils doivent présenter leur prochain rapport périodique − des renseignements adéquats sur les mesures qu’ils ont adoptées et qui donnent effet aux dispositions de l’article 7 de la Convention;

2.Appelle l’attention des États parties sur le fait que, conformément à l’article 7 de la Convention, les renseignements auxquels se rapporte le paragraphe précédent doivent porter notamment sur les «mesures immédiates et efficaces» qu’ils ont adoptées «dans les domaines de l’enseignement, de l’éducation, de la culture et de l’information», aux fins de:

a)«Lutter contre les préjugés conduisant à la discrimination raciale»;

b)«Favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre nations et groupes raciaux ou ethniques»; et

c)«Promouvoir les buts et principes de la Charte des Nations Unies, de la Déclaration universelle des droits de l’homme, de la Déclaration des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale», ainsi que de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Vingt ‑cinquième session (1982)*

Recommandation générale VI concernant la non ‑présentation de rapports

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,

Reconnaissant le fait qu’un nombre considérable d’États ont ratifié la Convention internationale sur toutes les formes de discrimination raciale ou y ont adhéré,

Considérant néanmoins que la ratification à elle seule ne permet pas le fonctionnement efficace du système de contrôle mis en place par la Convention,

Rappelant que l’article 9 de la Convention fait obligation aux États parties de présenter des rapports initiaux et périodiques sur les mesures qui donnent effet aux dispositions de la Convention,

Déclarant qu’à cette date, pas moins de 89 rapports attendus de 62 États n’ont pas été présentés, que 42 de ces rapports sont attendus de 15 États, dont chacun est en retard pour présenter deux rapports ou plus, et que 4 rapports initiaux qui devaient être présentés entre 1973 et 1978 n’ont pas été reçus,

Notant avec regret que ni les rappels envoyés aux États parties par l’intermédiaire du Secrétaire général, ni l’insertion des renseignements pertinents dans les rapports annuels à l’Assemblée générale n’ont eu l’effet désiré, dans tous les cas,

Invite l’Assemblée générale:

a)À prendre note de la situation;

b)À user de son autorité pour faire en sorte que le Comité puisse s’acquitter plus efficacement des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention.

Trente ‑deuxième session (1985)*

Recommandation générale VII concernant l’application de l’article 4 de la Convention

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,

Ayant examiné les rapports périodiques des États parties depuis 16 ans, et dans plus de 100 cas les sixièmes, septièmes et huitièmes rapports périodiques des États parties,

Rappelant et réaffirmant sa recommandation générale I du 24 février 1972 et sa décision 3 (VII) du 4 mai 1973,

Notant avec satisfaction que, dans un certain nombre de rapports, les États parties ont fourni des renseignements sur des cas précis d’application de l’article 4 de la Convention qui traite des actes de discrimination raciale,

Notant cependant que dans un certain nombre d’États parties aucune législation visant à donner effet à l’article 4 de la Convention n’est entrée en vigueur et que de nombreux États parties ne se sont pas encore conformés à toutes les prescriptions des alinéas a et b de l’article 4 de la Convention,

Rappelant que, conformément au chapeau de l’article 4, les États parties «s’engagent à adopter immédiatement des mesures positives destinées à éliminer toute incitation à une telle discrimination ou tous actes de discrimination» en tenant dûment compte des principes formulés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et des droits expressément énoncés à l’article 5 de la Convention,

Considérant les aspects préventifs de l’article 4 qui visent à décourager le racisme et la discrimination raciale ainsi que les activités qui incitent à la discrimination raciale et l’encouragent,

1.Recommande que les États parties dont la législation ne satisfait pas aux dispositions des alinéas a et b de l’article 4 de la Convention prennent les mesures nécessaires afin de se conformer aux prescriptions impératives de cet article;

2.Demande que dans leurs rapports périodiques, les États parties qui ne l’ont pas encore fait indiquent plus complètement au Comité de quelle manière et dans quelle mesure les dispositions des alinéas a et b de l’article 4 sont effectivement appliquées et citent les passages pertinents des textes dans leurs rapports;

3.Demande en outre aux États parties qui ne l’ont pas encore fait de s’efforcer de fournir dans leurs rapports périodiques davantage de renseignements concernant les décisions prises par les tribunaux nationaux compétents et autres institutions d’État concernant les actes de discrimination raciale, plus particulièrement les infractions visées aux alinéas a et b de l’article 4.

Trente ‑huitième session (1990)*

Recommandation générale VIII concernant l’interprétation et l’application des paragraphes 1 et 4 de l’article premier de la Convention

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,

Ayant examiné des rapports d’États parties où figuraient des renseignements sur les moyens permettant d’identifier les individus comme appartenant à un groupe ou à des groupes raciaux ou ethniques particuliers,

Est d’avis que cette identification doit, sauf justification du contraire, être fondée sur la manière dont s’identifie lui‑même l’individu concerné.

Trente ‑huitième session (1990) *

Recommandation générale IX concernant l’application du paragraphe 1 de l’article 8 de la Convention

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,

Considérant que le respect de l’indépendance des experts est essentiel pour que les droits de l’homme et les libertés fondamentales soient eux‑mêmes pleinement respectés,

Rappelant le paragraphe 1 de l’article 8 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale,

Alarmé par la tendance des représentants d’États, d’organisations et de groupes à faire pression sur les experts, en particulier sur ceux qui font office de rapporteur pour tel ou tel pays,

Recommande vivement qu’ils fassent preuve d’un respect absolu pour le statut de ses membres en tant qu’experts indépendants connus pour leur impartialité et siégeant à titre individuel.

Trente ‑neuvième session (1991)*

Recommandation générale X concernant l’assistance technique

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,

Prenant note de la recommandation de la troisième réunion des présidents d’organes créés en application d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, approuvée par l’Assemblée générale à sa quarante‑cinquième session, tendant à organiser une série de séminaires et d’ateliers au niveau national dans le but de former les rédacteurs des rapports d’États parties,

Préoccupé par le fait que certains États parties à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ne satisfont toujours pas aux obligations qui leur incombent en matière de présentation de rapports en vertu de la Convention,

Estimant que des cours de formation et des ateliers organisés au niveau national pourraient être d’une aide inestimable aux responsables de la rédaction des rapports d’États parties,

1.Prie le Secrétaire général d’organiser au plus tôt, en consultation avec les États parties concernés, des cours de formation et des ateliers appropriés au niveau national pour les responsables de la rédaction de ces rapports;

2.Recommande de recourir, le cas échéant, aux services du personnel du Centre pour les droits de l’homme et des experts du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale pour conduire ces cours de formation et ateliers.

Quarante ‑deuxième session (1993)*

Recommandation générale XI concernant les non ‑ressortissants

1.La discrimination raciale est définie au paragraphe 1 de l’article premier de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Le paragraphe 2 du même article indique que cette définition ne s’applique pas aux mesures prises par un État partie, ayant pour effet d’établir des distinctions entre les ressortissants et les non‑ressortissants. Le paragraphe 3 précise le paragraphe 2 en déclarant qu’en ce qui concerne les non‑ressortissants, les États parties ne doivent pas prendre de dispositions discriminatoires à l’égard d’une nationalité particulière.

2.Le Comité a noté qu’à certaines occasions, le paragraphe 2 de l’article premier a été interprété comme dégageant les États parties de toute obligation de fournir des informations sur les lois relatives aux étrangers. Le Comité affirme par conséquent que les États parties ont l’obligation de fournir des renseignements complets sur les lois en question et leur application.

3.Le Comité affirme en outre que le paragraphe 2 de l’article premier ne saurait être interprété de manière à porter atteinte de quelque façon que ce soit aux droits et aux libertés reconnus et énoncés dans d’autres instruments, en particulier la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Quarante ‑deuxième session (1993)*

Recommandation générale XII concernant les États successeurs

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,

Soulignant l’importance de l’adhésion universelle des États à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale,

Considérant l’avénement d’États successeurs résultant de la dissolution d’États,

1.Encourage les États successeurs qui ne l’ont pas encore fait à confirmer au Secrétaire général, en tant que dépositaire de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, qu’ils continuent d’être liés par les obligations découlant de la Convention si les États prédécesseurs étaient parties à la Convention;

2.Invite les États successeurs qui ne l’ont pas encore fait à adhérer à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale si les États prédécesseurs n’étaient pas parties à la Convention;

3.Invite les États successeurs à étudier la nécessité de faire la déclaration conformément au paragraphe 1 de l’article 14 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, par laquelle ils reconnaissent la compétence du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale pour recevoir et examiner des communications émanant de telles ou telles personnes.

Quarante ‑deuxième session (1993)*

Recommandation générale XIII concernant la formation des responsables de l’application des lois à la protection des droits de l’homme

1.Le paragraphe 1 de l’article 2 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale dispose que les États parties s’engagent à faire en sorte que toutes les autorités publiques et les institutions publiques, nationales et locales ne se livrent à aucune pratique de discrimination raciale; les États parties se sont, en outre, engagés à garantir à chacun, sans distinction de race, de couleur ou d’origine nationale ou ethnique, les droits énoncés à l’article 5 de la Convention.

2.Le respect de ces obligations dépend dans une très large mesure des responsables nationaux, de l’application des lois qui exercent des pouvoirs de police, en particulier des pouvoirs de détention et d’arrestation, et de la mesure dans laquelle ils sont informés des obligations contractées par leur État au titre de la Convention. Les responsables de l’application des lois devraient recevoir une formation approfondie qui leur permette, dans l’exécution de leurs fonctions, de respecter et de protéger la dignité humaine et de défendre et faire respecter les droits de l’homme de tous sans distinction de race, de couleur ou d’origine nationale ou ethnique.

3.En ce qui concerne l’application de l’article 7 de la Convention, le Comité engage les États parties à évaluer et à améliorer la formation des responsables de l’application des lois afin que les normes établies par la Convention ainsi que le Code de conduite pour les responsables de l’application des lois (1979) soient intégralement appliqués. Ils devraient par ailleurs faire figurer dans leurs rapports périodiques des renseignements à ce sujet.

Quarante ‑deuxième session (1993)*

Recommandation générale XIV concernant le paragraphe 1 de l’article premier de la Convention

1.La non‑discrimination ainsi que l’égalité devant la loi et l’égale protection de la loi sans distinction constituent un principe fondamental en matière de protection des droits de l’homme. Le Comité tient à appeler l’attention des États parties sur certains éléments de la définition de la discrimination raciale donnée au paragraphe 1 de l’article premier de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Il lui apparaît que, dans la version anglaise, les termes «based on» n’ont pas un sens différent des termes «on the grounds of» utilisés au septième alinéa du préambule. Toute distinction est contraire à la Convention si elle a pour objet ou pour effet de porter atteinte à certains droits ou à certaines libertés. Cela est confirmé par l’obligation faite aux États parties à l’alinéa c du paragraphe 1 de l’article 2 d’annuler toute loi et toute disposition réglementaire ayant pour effet de créer la discrimination raciale ou de la perpétuer.

2.Le Comité fait observer qu’un traitement différencié ne constitue pas un acte de discrimination si, comparés aux objectifs et aux buts de la Convention, les critères de différenciation sont légitimes ou conformes aux dispositions du paragraphe 4 de l’article premier de la Convention. En examinant les critères qui auront pu être appliqués, le Comité prendra acte que certaines mesures peuvent avoir plusieurs objectifs. Pour savoir si une mesure a un effet contraire à la Convention, il se demandera si elle a une conséquence distincte abusive sur un groupe différent par la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique.

3.Le paragraphe 1 de l’article premier de la Convention vise également les domaines politique, économique, social et culturel et les droits et libertés correspondants sont énoncés à l’article 5.

Quarante ‑deuxième session (1993)*

Recommandation générale XV concernant l’article 4 de la Convention

1.Au moment de l’adoption de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, l’article 4 était considéré comme une disposition capitale dans la lutte contre la discrimination raciale. À cette époque, on craignait beaucoup une renaissance des idéologies autoritaires. L’interdiction de la diffusion d’idées fondées sur la supériorité raciale et d’activités organisées susceptibles d’inciter à la violence raciale était jugée à juste titre essentielle. Depuis lors, le Comité a reçu des preuves de violences organisées fondées sur l’origine ethnique et l’exploitation politique de différences ethniques. C’est pourquoi l’application de l’article 4 revêt une importance accrue.

2.Le Comité rappelle sa Recommandation générale VII dans laquelle il a expliqué que les prescriptions de l’article 4 sont impératives. Pour y satisfaire, les États parties doivent non seulement promulguer des lois appropriées mais aussi s’assurer qu’elles sont effectivement appliquées. Étant donné que les menaces et les actes de violence raciale mènent aisément à d’autres actes de même nature et créent une atmosphère d’hostilité, une intervention prompte est indispensable pour satisfaire à l’obligation d’agir efficacement.

3.En vertu de l’alinéa a de l’article 4, les États parties sont tenus de punir quatre catégories de délits: i) la diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale; ii) l’incitation à la discrimination raciale; iii) les actes de violence dirigés contre toute race ou tout groupe de personnes d’une autre couleur ou d’une autre origine ethnique; iv) l’assistance à des activités de cette nature.

4.Le Comité est d’avis que l’interdiction de la diffusion de toute idée fondée sur la supériorité ou la haine raciale est compatible avec le droit à la liberté d’opinion et d’expression, tel qu’il est énoncé dans la Déclaration universelle des droits de l’homme (art. 19) et rappelé à l’alinéa viii) du paragraphe d) de l’article 5 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Le rapport entre ce droit et l’article 4 est indiqué dans l’article lui‑même. Son exercice comporte pour tout citoyen les devoirs et les responsabilités spéciales précisés au paragraphe 2 de l’article 29 de la Déclaration universelle, notamment l’interdiction de diffuser des idées racistes, qui revêt une importance particulière. Le Comité appelle en outre l’attention des États parties sur l’article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui stipule que tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence est interdit par la loi.

5.L’alinéa a de l’article 4 prévoit que les États parties déclarent punissable par la loi le financement d’activités racistes, ce qui, de l’avis du Comité, inclut toutes les activités mentionnées au paragraphe 3 ci‑dessus, c’est‑à‑dire les activités motivées par des différences ethniques et raciales. Le Comité engage les États parties à vérifier si leur législation nationale et son application sont conformes à cette prescription.

6.Certains États ont affirmé que leur système juridique ne permettait pas de déclarer une organisation illégale avant que ses membres aient poussé ou incité à la discrimination raciale. Le Comité est d’avis qu’en vertu de l’alinéa b de l’article 4, ces États doivent s’attacher davantage à agir le plus promptement possible à l’encontre de ces organisations. Ils doivent déclarer illégales et interdire les organisations ainsi que les activités de propagande organisées de cette nature. La participation à ces organisations doit être également considérée comme un délit punissable.

7.L’alinéa c de l’article 4 précise les obligations des autorités publiques. Ce paragraphe s’impose aux autorités publiques à tous les niveaux de l’administration, y compris à celui des municipalités. Le Comité est d’avis que les États parties doivent s’assurer qu’elles respectent ces obligations et fournir des renseignements à ce sujet.

Quarante ‑deuxième session (1993)*

Recommandation générale XVI concernant l’application de l’article 9 de la Convention

1.L’article 9 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale dispose que les États parties s’engagent à présenter au Secrétaire général de l’ONU, pour examen par le Comité, des rapports sur les mesures qu’ils ont prises et qui donnent effet aux dispositions de la Convention.

2.Au sujet de cette obligation faite aux États parties, le Comité a constaté qu’il est arrivé que des rapports traitent de situations intéressant d’autres États.

3.Le Comité tient donc à rappeler aux États parties les dispositions de l’article 9 de la Convention concernant le contenu de leurs rapports tout en leur signalant l’article 11, qui est la seule procédure dont ils disposent pour appeler l’attention du Comité sur des situations qui leur donnent à penser que d’autres États n’appliquent pas les dispositions de la Convention.

Quarante ‑deuxième session (1993)*

Recommandation générale XVII concernant la création d’organismes nationaux pour faciliter l’application de la Convention

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,

Considérant la pratique des États parties concernant l’application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale,

Convaincu de la nécessité de continuer à encourager la création d’organismes nationaux pour faciliter l’application de la Convention,

Soulignant la nécessité de renforcer encore l’application de la Convention,

1.Recommande que les États parties, compte tenu, mutatis mutandis, des Principes concernant le statut des institutions nationales figurant en annexe à la résolution 1992/54 du 3 mars 1992 de la Commission des droits de l’homme, créent des commissions nationales ou d’autres organismes appropriés entre autres pour atteindre les objectifs suivants:

a)Promouvoir le respect sans aucune discrimination de la jouissance des droits de l’homme, tels qu’ils sont expressément énoncés à l’article 5 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale;

b)Examiner les politiques gouvernementales concernant la protection contre la discrimination raciale;

c)S’assurer de la conformité de la législation avec les dispositions de la Convention;

d)Informer le public sur les obligations des États parties découlant de la Convention;

e)Assister le gouvernement dans l’élaboration des rapports à présenter au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale;

2.Recommande également que, lorsque de telles commissions sont créées, elles soient associées à l’établissement des rapports et éventuellement fassent partie des délégations des gouvernements afin de favoriser le dialogue entre le Comité et l’État partie concerné.

Quarante ‑quatrième session (1994)*

Recommandation générale XVIII concernant la création d’un tribunal international chargé de poursuivre les auteurs présumés de crimes contre l’humanité

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,

Alarmé par le nombre croissant de massacres et d’atrocités à motivation raciale et ethnique commis dans différentes régions du monde,

Convaincu que l’impunité des auteurs est un facteur qui contribue pour beaucoup à la perpétration et à la répétition de ces crimes,

Convaincu de la nécessité de créer au plus tôt un tribunal international généralement compétent pour connaître du génocide, des crimes contre l’humanité et des infractions graves aux Conventions de Genève de 1949 et aux Protocoles additionnels de 1977 y relatifs,

Prenant en considération les travaux déjà réalisés sur cette question par la Commission du droit international et les encouragements que l’Assemblée générale lui a adressés à cet égard dans sa résolution 48/31 du 9 décembre 1993,

Prenant également en considération la résolution 872 (1993) du Conseil de sécurité du 25 mai 1993 portant création d’un tribunal international dans le but de juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit humanitaire international commises sur le territoire de l’ex‑Yougoslavie,

1.Estime qu’il faudrait créer de toute urgence un tribunal international généralement compétent pour connaître du génocide, des crimes contre l’humanité, y compris du meurtre, de l’emprisonnement, de la torture, du viol, des persécutions commis pour des raisons politiques, raciales ou religieuses, et des autres actes inhumains commis à l’encontre de toute population civile, ainsi que des infractions graves aux Conventions de Genève de 1949 et aux Protocoles additionnels de 1977 y relatifs;

2.Prie instamment le Secrétaire général de porter la présente recommandation à l’attention des instances et organes compétents des Nations Unies, y compris du Conseil de sécurité;

3.Demande au Haut‑Commissaire aux droits de l’homme de veiller à ce que le Centre pour les droits de l’homme collecte systématiquement toutes les informations pertinentes se rapportant aux crimes visés au paragraphe 1, de façon à pouvoir les mettre rapidement à la disposition du tribunal international dès qu’il sera créé.

Quarante ‑septième session (1995)*

Recommandation générale XIX concernant l’article 3 de la Convention

1.Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale appelle l’attention des États parties sur la formulation de l’article 3, selon lequel les États parties s’engagent à prévenir, à interdire et à éliminer toutes les pratiques de ségrégation raciale et d’apartheid sur les territoires relevant de leur juridiction. La référence à l’apartheid peut avoir visé exclusivement l’Afrique du Sud, mais l’article, tel qu’il a été adopté, interdit toute forme de ségrégation raciale dans tous les pays.

2.Le Comité considère que l’obligation d’éliminer toutes les pratiques de cette nature inclut l’obligation d’éliminer les conséquences des pratiques adoptées ou tolérées par des gouvernements précédents de l’État partie, ou imposées par des forces extérieures à l’État partie.

3.Le Comité constate que si une situation de ségrégation raciale complète ou partielle peut, dans certains pays, avoir été créée par les politiques gouvernementales, une situation de ségrégation partielle peut également être le résultat non intentionnel d’actions de personnes privées. Dans de nombreuses villes, les différences de revenu entre les groupes sociaux influent sur la répartition des habitants par quartiers et ces différences se conjuguent parfois aux différences de race, de couleur, d’ascendance et d’origine nationale ou ethnique, de sorte que les habitants peuvent être victimes d’un certain ostracisme et que les personnes subissent une forme de discrimination dans laquelle les motifs raciaux se combinent à d’autres motifs.

4.En conséquence, le Comité affirme qu’une situation de ségrégation raciale peut également survenir sans que les autorités en aient pris l’initiative ou y contribuent directement. Il invite les États parties à contrôler toutes les tendances susceptibles de provoquer la ségrégation raciale, à œuvrer pour éliminer toutes les conséquences négatives qui en découlent, et à décrire toute action de ce type dans leurs rapports périodiques.

Quarante ‑huitième session (1996)*

Recommandation générale XX concernant l’article 5 de la Convention

1.L’article 5 de la Convention énonce l’obligation pour les États parties de garantir la jouissance des droits et libertés civils, politiques, économiques, sociaux et culturels sans discrimination raciale. Il conviendrait de noter que les droits et libertés mentionnés à l’article 5 ne constituent pas une liste exhaustive. En tête de ces droits et libertés figurent ceux qui découlent de la Charte des Nations Unies et de la Déclaration universelle des droits de l’homme, comme le rappelle le préambule de la Convention. La plupart de ces droits ont été développés dans les Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme. Les États parties sont donc tenus de reconnaître les droits de l’homme et d’en protéger la jouissance, mais la façon dont ces obligations se traduisent dans l’ordre juridique interne peut varier d’un État partie à l’autre. L’article 5 de la Convention, s’il demande la garantie que les droits de l’homme s’exercent à l’abri de toute discrimination raciale, ne crée pas en soi de droits civils, politiques, économiques, sociaux ou culturels, mais suppose l’existence et la reconnaissance de ces droits. La Convention fait obligation aux États d’interdire et d’éliminer la discrimination raciale dans la jouissance de ces droits de l’homme.

2.Si un État impose à l’exercice de l’un des droits énumérés à l’article 5 de la Convention une restriction qui s’applique en apparence à toutes les personnes relevant de sa juridiction, il doit veiller à ce que cette restriction ne soit, ni dans son objet ni dans son effet, incompatible avec l’article premier de la Convention en tant qu’il fait partie intégrante des normes internationales relatives aux droits de l’homme. Pour déterminer ce qu’il en est, le Comité est tenu de s’informer plus avant afin de s’assurer qu’une restriction de cet ordre n’entraîne pas de discrimination raciale.

3.Nombre des droits et libertés mentionnés à l’article 5, tel que le droit à l’égalité de traitement devant les tribunaux, intéressent toutes les personnes vivant dans un État donné; mais d’autres, tels que le droit de participer aux élections, de voter et de se porter candidat appartiennent aux citoyens.

4.Il est recommandé aux États parties de faire rapport sur la mise en œuvre sans discrimination de chacun des droits et libertés visés à l’article 5.

5.Un État partie doit assurer la protection des droits et libertés visés à l’article 5 et de tous droits similaires. Cette protection peut être assurée de différentes manières, que ce soit par le canal des institutions publiques ou des activités d’institutions privées. En tout état de cause, il est fait obligation à l’État partie concerné de veiller à la mise en œuvre effective de la Convention et de faire rapport à ce sujet au titre de l’article 9 de la Convention. Au cas où des institutions privées influent sur l’exercice des droits ou sur les chances offertes, l’État partie doit s’assurer que cela n’a ni pour objet ni pour effet d’opérer ou de perpétuer une discrimination raciale.

Quarante ‑huitième session (1996)*

Recommandation générale XXI concernant le droit à l’autodétermination

1.Le Comité note que les groupes ou minorités ethniques ou religieuses mentionnent fréquemment le droit à l’autodétermination comme fondement de la revendication d’un droit à la sécession. À cet égard, le Comité souhaite exprimer les opinions ci‑après.

2.Le principe du droit à l’autodétermination des peuples est un principe fondamental du droit international. Il est consacré à l’Article premier de la Charte des Nations Unies, à l’article premier du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et à l’article premier du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que dans d’autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques consacre le droit des peuples à l’autodétermination, outre le droit qu’ont les minorités ethniques, religieuses ou linguistiques de jouir de leur propre culture, de professer et pratiquer leur propre religion et d’employer leur propre langue.

3.Le Comité souligne que, selon la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies, approuvée par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970, les États ont le devoir de promouvoir le droit à l’autodétermination des peuples. Néanmoins, l’application du principe de l’autodétermination suppose que chaque État encourage, par une action conjointe et individuelle, le respect et la mise en œuvre universels des droits de l’homme et des libertés fondamentales conformément à la Charte des Nations Unies. À cet égard, le Comité appelle l’attention des gouvernements sur la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, adoptée par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/135 du 18 décembre 1992.

4.En ce qui concerne l’autodétermination des peuples, deux aspects doivent être distingués. Le droit à l’autodétermination comporte un aspect intérieur, qui est le droit de tous les peuples de poursuivre librement leur développement économique, social et culturel sans ingérence extérieure. À cet égard, il existe un lien avec le droit de tout citoyen de prendre part à la conduite des affaires publiques à tous les échelons, conformément au paragraphe c) de l’article 5 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. En conséquence, les gouvernements doivent représenter l’ensemble de la population, sans distinction de race, de couleur, d’origine ou d’appartenance nationale ou ethnique. L’aspect extérieur de l’autodétermination est que tous les peuples ont le droit de déterminer librement leur statut politique et leur place dans la communauté internationale sur la base du principe de l’égalité des droits et ainsi que l’illustrent la libération des peuples du colonialisme et l’interdiction de la soumission des peuples à la sujétion, la domination et l’exploitation étrangères.

5.Afin de respecter pleinement les droits de tous les peuples au sein d’un État, les gouvernements sont de nouveau invités à adhérer aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et à les appliquer pleinement, en particulier la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Le souci de la protection des droits individuels, sans discrimination fondée sur des motifs raciaux, ethniques, tribaux, religieux ou autres, doit guider les politiques des gouvernements. Conformément à l’article 2 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et aux dispositions d’autres instruments internationaux pertinents, les gouvernements devraient être sensibles aux droits des personnes appartenant à des groupes ethniques, en particulier à leur droit de mener une vie digne, de préserver leur culture, de bénéficier d’une part équitable des fruits de la croissance nationale et de jouer leur rôle dans l’administration des pays dont elles sont des citoyens. Les gouvernements devraient également envisager, dans leurs cadres constitutionnels respectifs, de reconnaître aux personnes appartenant à des groupes ethniques ou linguistiques constitués de leurs citoyens, si cela est approprié, le droit de se livrer à toute activité intéressant particulièrement la préservation de l’identité de ces personnes ou de ces groupes.

6.Le Comité souligne que, conformément à la Déclaration sur les relations amicales, aucune de ses initiatives ne doit être interprétée comme autorisant ou encourageant une action quelconque de nature à porter atteinte, en tout ou en partie, à l’intégrité territoriale ou à l’unité politique d’États souverains et indépendants qui se conduisent de façon conforme au principe de l’égalité de droits et de l’autodétermination des peuples et sont dotés d’un gouvernement représentant l’ensemble de la population du territoire, sans distinction de race, de croyance ou de couleur. De l’avis du Comité, le droit international ne reconnaît pas de droit général des peuples de déclarer unilatéralement faire sécession par rapport à un État. À cet égard, le Comité adhère aux opinions exprimées dans l’Agenda pour la paix (par. 17 et suiv.), à savoir que toute fragmentation d’États risque de nuire à la protection des droits de l’homme, ainsi qu’à la préservation de la paix et de la sécurité. Cela n’exclut pas cependant la possibilité de conclure des arrangements par libre accord entre toutes les parties concernées.

Quarante ‑neuvième session (1996)*

Recommandation générale XXII concernant l’article 5 et les réfugiés et personnes déplacées

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,

Conscient du fait que, dans de nombreuses parties du monde, des conflits transfrontières militaires, non militaires et/ou interethniques ont provoqué des flux massifs de réfugiés et le déplacement de personnes sur la base de critères ethniques,

Considérant que la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale proclament que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits et que chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans lesdits instruments, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, d’ascendance ou d’origine nationale ou ethnique,

Rappelant la Convention de 1951 et le Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, lesquels constituent le principal fondement du système international pour la protection des réfugiés en général,

1.Appelle l’attention des États parties sur l’article 5 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ainsi que sur sa Recommandation générale XX (48) relative à l’article 5, et réaffirme que la Convention fait obligation aux États parties d’interdire et d’éliminer la discrimination raciale dans la jouissance des droits et libertés civils, politiques, économiques, sociaux et culturels;

2.Souligne à cet égard que:

a)Tous les réfugiés et personnes déplacées susmentionnés ont le droit de retourner librement dans leurs foyers d’origine en toute sécurité;

b)Les États parties sont tenus de veiller à ce que le retour des réfugiés et personnes déplacées susmentionnés soit librement consenti et de respecter le principe du non‑refoulement et de la non‑expulsion des réfugiés;

c)Tous les réfugiés et personnes déplacées susmentionnés ont, une fois de retour dans leurs foyers d’origine, le droit de se voir restituer les biens dont ils ont été dépouillés au cours du conflit et d’être dûment indemnisés pour ceux qui ne peuvent leur être restitués. Tout engagement pris ou déclaration faite sous la contrainte en ce qui concerne ces biens est nul et non avenu;

d)Tous les réfugiés et personnes déplacées ont, une fois de retour dans leurs foyers d’origine, le droit de participer pleinement et à égalité aux affaires publiques à tous les niveaux, d’avoir accès à égalité aux services publics et de recevoir une aide à la réadaptation.

Cinquante et unième session (1997)*

Recommandation générale XXIII concernant les droits des populations autochtones

1.Dans la pratique du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, notamment à l’occasion de son examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la situation des populations autochtones a toujours fait l’objet d’une attention et d’une préoccupation particulières. Depuis toujours, le Comité n’a cessé d’affirmer que la discrimination envers les populations autochtones entrait dans le champ d’application de la Convention et que tous les moyens appropriés devraient être mis en œuvre pour lutter contre cette discrimination et l’éliminer.

2.Notant que l’Assemblée générale a proclamé la Décennie internationale des populations autochtones du monde à partir du 10 décembre 1994, le Comité réaffirme que les dispositions de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale s’appliquent aux populations autochtones.

3.Le Comité est conscient du fait que, dans de nombreuses régions du monde, les populations autochtones ont été l’objet de discrimination, qu’elles continuent de l’être, et qu’elles ont été privées de leurs droits de l’homme et de leurs libertés fondamentales, notamment qu’elles ont perdu leurs terres et leurs ressources aux mains des colons, des sociétés commerciales et des entreprises d’État. Aujourd’hui comme par le passé la préservation de leur culture et de leur identité historique en est menacée.

4.Le Comité demande en particulier aux États parties:

a)De reconnaître que la culture, l’histoire, la langue et le mode de vie propres des populations autochtones enrichissent l’identité culturelle d’un État, de les respecter en tant que telles, et de promouvoir leur préservation;

b)De veiller à ce que les membres des populations autochtones soient libres et égaux en dignité et en droit et ne fassent l’objet d’aucune discrimination, notamment la discrimination fondée sur l’origine ou l’identité autochtone;

c)D’offrir aux populations autochtones un environnement se prêtant à un développement économique et social durable, qui soit compatible avec leurs caractéristiques culturelles;

d)De veiller à ce que les membres des populations autochtones jouissent de droits égaux en ce qui concerne la participation effective à la vie publique et qu’aucune décision directement liée à leurs droits et à leurs intérêts ne soit prise sans leur consentement informé;

e)De veiller à ce que les collectivités autochtones puissent exercer leurs droits d’observer et de revitaliser leurs traditions culturelles et leurs coutumes, ainsi que de préserver et d’utiliser leurs langues.

5.Le Comité demande tout spécialement aux États parties de reconnaître et de protéger le droit des populations autochtones de posséder, de mettre en valeur, de contrôler et d’utiliser leurs terres, leurs ressources et leurs territoires communaux et, lorsqu’ils ont été privés des terres et territoires qui, traditionnellement, leur appartenaient ou, sinon, qu’ils habitaient ou utilisaient, sans leur consentement libre et informé, de prendre des mesures pour que ces terres et ces territoires leur soient rendus. Ce n’est que dans les cas où il est factuellement impossible de le faire que le droit à la restitution devrait être remplacé par le droit à une indemnisation juste, équitable et rapide. Cette indemnisation devrait, dans la mesure du possible, se faire sous forme de terres et de territoires.

6.Le Comité demande en outre aux États parties dont les territoires comptent des populations autochtones de faire figurer dans leurs rapports périodiques tous les renseignements voulus sur la situation de ces populations, compte tenu de toutes les dispositions pertinentes de la Convention.

Cinquante ‑cinquième session (1999)*

Recommandation générale XXIV concernant l’article premier de la Convention

1.Le Comité souligne que, conformément à la définition donnée au paragraphe 1 de l’article premier de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention englobe toutes les personnes qui font partie de races ou de groupes nationaux ou ethniques différents ou de populations autochtones. Il est indispensable, pour permettre au Comité d’examiner dûment les rapports périodiques des États parties, que ceux‑ci lui fournissent dans toute la mesure possible des renseignements sur la présence de pareils groupes sur leur territoire.

2.Il ressort des rapports périodiques présentés au Comité en vertu de l’article 9 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et d’autres renseignements reçus par le Comité qu’un certain nombre d’États parties font état de la présence sur leur territoire de certains groupes nationaux ou ethniques ou de populations autochtones, sans mentionner la présence d’autres groupes. Certains critères devraient être appliqués de manière uniforme à tous les groupes, en particulier le nombre des intéressés et le fait qu’ils sont d’une race, couleur, ascendance ou origine nationale ou ethnique différentes de celles de la majorité de la population ou d’autres groupes composant celle‑ci.

3.Certains États parties, qui ne recueillent pas des données concernant l’origine ethnique ou nationale de leurs ressortissants ou d’autres personnes vivant sur leur territoire, décident à leur propre convenance quels sont les groupes qui constituent des groupes ethniques ou des populations autochtones à reconnaître et à traiter comme tels. Pour le Comité, il existe une norme internationale concernant les droits spécifiques des personnes appartenant à de tels groupes, norme qui va de pair avec les normes généralement reconnues concernant l’égalité des droits de tous et la non‑discrimination, notamment les normes énoncées dans la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Parallèlement, le Comité appelle l’attention des États parties sur le fait que l’application de critères différents pour la détermination des groupes ethniques ou des populations autochtones, qui amène à reconnaître certains d’entre eux et à refuser d’en reconnaître d’autres, peut aboutir à traiter différemment les divers groupes qui composent la population vivant dans le pays.

4.Le Comité rappelle la Recommandation générale IV qu’il a adoptée а sa huitième session en 1973 et le paragraphe 8 des directives générales concernant la présentation et la teneur des rapports à présenter par les États parties en application du paragraphe l de l’article 9 de la Convention (CERD/C/70/Rev.3), qui invite les États parties à s’efforcer de donner dans leurs rapports périodiques des renseignements pertinents concernant la composition démographique de leur population, eu égard aux dispositions de l’article premier de la Convention, c’est‑à‑dire, le cas échéant, des renseignements concernant la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique.

Cinquante ‑sixième session (2000)

Recommandation générale XXV concernant la dimension sexiste de la discrimination raciale

1.Le Comité note que la discrimination raciale n’affecte pas toujours pareillement ou de la même manière les hommes et les femmes. Dans certaines circonstances, la discrimination raciale vise seulement ou essentiellement les femmes ou a des effets différents ou d’un degré différent sur les femmes que sur les hommes. Une telle discrimination raciale échappe souvent à la détection et il n’y a aucune prise en considération ou reconnaissance explicite des disparités que présente le vécu des hommes et des femmes dans la sphère de la vie publique aussi bien que privée.

2.Certaines formes de discrimination raciale peuvent être dirigées spécifiquement contre les femmes en tant que femmes, par exemple: les violences sexuelles commises en détention ou en temps de conflit armé sur la personne de femmes appartenant à des groupes raciaux ou ethniques particuliers; la stérilisation forcée de femmes autochtones; les abus perpétrés à l’encontre de travailleuses du secteur informel ou d’employés domestiques travaillant à l’étranger, par leurs employeurs. Certaines des conséquences de la discrimination raciale peuvent affecter essentiellement ou uniquement les femmes, par exemple une grossesse résultant d’un viol motivé par un préjugé racial. Dans certaines sociétés, les femmes victimes d’un tel viol risquent de surcroît d’être frappées d’ostracisme. Les femmes peuvent en outre pâtir d’un accès insuffisant aux mécanismes de recours ou de plaintes contre la discrimination raciale du fait d’obstacles liés à leur sexe, tels qu’un biais antifemmes dans le système juridique ou une discrimination à l’égard des femmes dans le domaine de la vie privée.

3.Constatant que certaines formes de discrimination raciale font sentir leurs effets exclusivement et spécifiquement sur les femmes, dans ses travaux le Comité s’emploiera à tenir compte des facteurs ou problèmes liés au sexe susceptibles d’être en corrélation avec la discrimination raciale. Le Comité pense que pour ce faire il ne peut que bénéficier de la définition, en collaboration avec les États parties, d’une démarche plus systématique et cohérente s’agissant d’évaluer et de surveiller la discrimination raciale à l’encontre des femmes ainsi que les désavantages, obstacles et difficultés tenant à la race, à la couleur, à l’ascendance, ou à l’origine nationale ou ethnique, auxquels se heurtent les femmes pour réaliser et exercer pleinement leurs droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels.

4.En conséquence, le Comité entend s’employer énergiquement à intégrer une perspective et un élément analytique sexospécifiques et à encourager l’emploi d’une terminologie non sexiste dans ses travaux de session consacrés à l’examen des formes de discrimination raciale, à savoir pendant l’examen des rapports présentés par les États parties, dans les conclusions, dans le cadre des mécanismes d’alerte avancée et des procédures d’action urgente et dans les recommandations générales.

5.Sur le plan méthodologique, pour assurer pleinement la prise en considération de la dimension sexiste de la discrimination raciale, le Comité fera une place dans ses travaux de session à l’analyse des liens entre sexisme et discrimination raciale, en se montrant particulièrement attentif aux éléments suivants:

a)Forme et manifestation de la discrimination raciale;

b)Circonstances dans lesquelles se produit la discrimination raciale;

c)Conséquences de la discrimination raciale;

d)Existence et accessibilité de mécanismes de recours et de plaintes contre la discrimination raciale.

6.Constatant que bien souvent les rapports présentés par les États parties ne contiennent pas, ou pas assez, de renseignements précis sur la manière dont la Convention est appliquée en faveur des femmes, les États parties sont invités à exposer, autant que possible en termes quantitatifs et qualitatifs, les facteurs intervenant et les difficultés rencontrées dans l’action menée pour assurer aux femmes l’exercice sur un pied d’égalité, en l’absence de toute discrimination raciale, des droits consacrés par la Convention. Des données ventilées par race ou origine ethnique puis désagrégées en fonction du sexe permettraient aux États parties comme au Comité tant de dépister certaines formes de discrimination raciale à l’égard des femmes qui autrement passeraient inaperçues ou resteraient sans réponse, que de procéder à des comparaisons et de prendre des dispositions pour y remédier.

1391 e  séance 20 mars 2000

Cinquante ‑sixième session (2000)

Recommandation générale XXVI concernant l’article 6 de la Convention

1.Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale pense que l’on sous‑estime souvent la gravité de l’atteinte que des actes de discrimination raciale ou des insultes raciales porte à l’opinion que la partie lésée se fait de sa valeur et de sa réputation.

2.Le Comité fait valoir aux États parties, qu’à son sens, le droit pour une personne − consacré par l’article 6 de la Convention −de demander satisfaction ou réparation juste et adéquate pour tout dommage dont elle pourrait être victime par suite d’une telle discrimination n’est pas forcément réalisé exclusivement par l’imposition d’une sanction à l’auteur de la discrimination. Les tribunaux et autres autorités compétentes devraient dans le même temps envisager, chaque fois qu’il y a lieu, d’accorder à la victime une indemnisation financière pour le dommage, matériel ou moral subi.

1399 e  séance 24 mars 2000

Cinquante ‑septième session (2000)

Recommandation générale XXVII concernant la discrimination à l’égard des Roms

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,

Considérant les communications des États parties à la Convention internationale pour l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, les rapports périodiques qu’ils présentent conformément à l’article 9 de la Convention ainsi que les conclusions adoptées par le Comité après examen des rapports périodiques des États parties,

Ayant organisé un débat sur le thème de la discrimination à l’égard des Roms et reçu des contributions de membres du Comité, d’experts d’organismes des Nations Unies et d’autres organes conventionnels, ainsi que d’organisations régionales,

Ayant également reçu d’organisations non gouvernementales intéressées des contributions, tant oralement, lors de la réunion informelle à leur intention, que sous forme de renseignements écrits,

Tenant compte des dispositions de la Convention,

Recommande que les États parties à la Convention, eu égard à leur situation particulière, adoptent en faveur des membres de communautés roms, entre autres, tout ou partie des mesures suivantes, s’il y a lieu.

1. Mesures d’ordre général

1.Réviser et amender la législation, ou en adopter une, au besoin, aux fins d’éliminer toutes les formes de discrimination raciale à l’égard des Roms ainsi qu’à l’égard des autres personnes ou groupes, conformément à la Convention.

2.Adopter et mettre en œuvre des stratégies et programmes nationaux et manifester une volonté politique et exercer un magistère moral sans faille dans le souci d’améliorer la situation des Roms et de renforcer leur protection contre toute discrimination de la part d’organes publics ainsi que de tout particulier ou de toute organisation.

3.Respecter les souhaits des Roms quant à l’appellation qu’ils veulent se voir appliquer et au groupe auquel ils veulent appartenir.

4.Veiller à ce que la législation relative à la nationalité et à la naturalisation n’ait pas un effet discriminatoire à l’égard des membres des communautés roms.

5.Prendre toutes mesures nécessaires pour éviter toute forme de discrimination à l’égard des immigrants ou demandeurs d’asile d’origine rom.

6.Prendre en considération, dans tous les programmes et projets prévus ou mis en œuvre et toutes les mesures adoptées, la situation des femmes roms, qui sont souvent victimes d’une double discrimination.

7.Prendre des mesures appropriées pour assurer aux membres des communautés roms des recours efficaces et faire en sorte que justice soit pleinement et rapidement rendue dans les affaires concernant des violations de leurs droits et libertés fondamentaux.

8.Définir et promouvoir des modalités appropriées de communication et de dialogue entre les communautés roms et les autorités centrales et locales.

9.S’employer, en encourageant un véritable dialogue, des consultations ou d’autres moyens appropriés, à améliorer les relations entre les communautés roms et non roms, en particulier à l’échelon local, dans le souci de promouvoir la tolérance et de surmonter les préjugés et stéréotypes négatifs existant d’un côté comme de l’autre, de favoriser les efforts d’ajustement et d’adaptation et d’éviter la discrimination, et de veiller à ce que tous les individus jouissent pleinement de leurs droits de l’homme et libertés.

10.Reconnaître que durant la seconde guerre mondiale les communautés roms ont été victimes de déportation et d’extermination et réfléchir aux moyens de réparer le mal qui leur a été ainsi fait.

11.Prendre les mesures nécessaires, en coopération avec la société civile, et mettre en route des projets tendant à développer la culture politique et à inculquer à l’ensemble de la population un esprit de non‑discrimination, de respect d’autrui et de tolérance, en particulier à l’égard des Roms.

2. Mesures de protection contre la violence raciale

12.Préserver la sécurité et l’intégrité des Roms, en l’absence de toute discrimination, en adoptant des mesures propres à prévenir les violences à motivation raciale à leur encontre; veiller à une prompte intervention de la police, du parquet et des juges aux fins d’enquêter sur de tels actes et de les réprimer; faire en sorte que les auteurs, qu’il s’agisse d’agents publics ou d’autres personnes, ne bénéficient d’aucune impunité.

13.Prendre des mesures pour empêcher tout recours illicite à la force par des policiers à l’encontre de Roms, en particulier en cas d’arrestation ou de détention.

14.Promouvoir des modalités appropriées de communication et de dialogue entre la police et les communautés et associations roms, dans le souci de prévenir les conflits fondés sur le préjugé racial et de combattre les actes de violence à motivation raciale contre les membres de ces communautés, ainsi que contre d’autres personnes.

15.Encourager le recrutement de membres des communautés roms dans la police et les autres organismes chargés de l’application des lois.

16.Promouvoir une action des États parties et des autres États ou autorités responsables visant à prévenir dans les zones au sortir d’un conflit la violence contre les membres des communautés roms et leur déplacement contre leur gré.

3. Mesures dans le domaine de l’éducation

17.Soutenir l’intégration dans le système éducatif de tous les enfants d’origine rom et œuvrer à réduire le taux d’abandon scolaire, en particulier des filles roms et coopérer activement avec les parents, associations et communautés locales roms à cette fin.

18.Prévenir et éviter autant que possible la ségrégation des élèves roms, tout en laissant ouverte la possibilité d’un enseignement bilingue ou en langue maternelle; à cette fin, s’attacher à améliorer la qualité de l’enseignement dispensé dans toutes les écoles ainsi qu’à relever le niveau des résultats scolaires des élèves de la minorité rom, à recruter du personnel scolaire appartenant aux communautés roms et à promouvoir une éducation interculturelle.

19.Envisager l’adoption de mesures en faveur des enfants roms dans le domaine de l’éducation, en coopération avec leurs parents.

20.Intervenir avec détermination pour éliminer toute discrimination ou harcèlement à caractère racial à l’égard des élèves roms.

21.Faire le nécessaire pour instituer un dispositif propre à assurer l’éducation de base des enfants roms appartenant à des communautés nomades, notamment en les admettant à titre temporaire dans les écoles locales, en constituant des classes provisoires dans leurs lieux de campement ou en tirant parti des nouvelles techniques d’enseignement à distance.

22.Veiller à ce que dans leurs programmes, projets et campagnes en rapport avec l’éducation il soit tenu compte de la situation défavorisée des filles et femmes roms.

23.Prendre des mesures urgentes et soutenues en faveur de la formation d’enseignants, d’éducateurs et d’assistants choisis parmi les apprenants roms.

24.Œuvrer à améliorer le dialogue et les communications entre le corps enseignant et les enfants, communautés et parents roms, en faisant plus souvent appel à des assistants choisis parmi les Roms.

25.Définir des modalités et dispositifs d’enseignement adaptés aux membres des communautés roms ayant dépassé l’âge de la scolarisation en vue d’accroître la proportion d’adultes roms alphabétisés.

26.Incorporer dans les manuels de tous les niveaux des chapitres sur l’histoire et la culture des Roms et encourager et soutenir la publication et la diffusion de livres et autres documents imprimés ainsi que la retransmission d’émissions de télévision et de radio, s’il y a lieu, concernant leur histoire et leur culture, en particulier dans les langues qu’ils parlent.

4. Mesures tendant à améliorer les conditions de vie

27.Adopter, ou la rendre plus efficace, une législation interdisant la discrimination dans l’emploi et toutes les pratiques discriminatoires sur le marché de l’emploi visant les membres des communautés roms, et les protéger contre de telles pratiques.

28.Prendre des mesures spéciales destinées à promouvoir l’emploi des Roms dans l’administration et les institutions publiques, ainsi que dans les entreprises privées.

29.Adopter et mettre en œuvre, dans la mesure du possible, aux échelons central et local, des mesures spéciales en faveur des Roms en matière d’emplois publics, notamment dans le cadre de la passation de contrats publics et d’autres activités entreprises par les pouvoirs publics ou financées par eux ou par la fourniture aux Roms d’une formation préparant à divers domaines et métiers.

30.Définir et mettre en œuvre des politiques et projets tendant à éviter la ségrégation des communautés roms en matière de logement; faire participer les communautés et associations roms en qualité de partenaires, à côté des autres parties intéressées, à la construction, la réfection et l’entretien de logements.

31.Intervenir avec fermeté contre toutes pratiques discriminatoires visant les Roms, principalement de la part des autorités locales et des propriétaires privés, en ce qui concerne l’acquisition du statut de résident et l’accès au logement; intervenir avec fermeté contre toutes dispositions locales refusant la résidence aux Roms ou aboutissant à leur expulsion illicite, et s’abstenir de reléguer les Roms à la périphérie des zones peuplées dans des lieux de campement isolés et dépourvus d’accès aux soins de santé et autres facilités.

32.Prendre les mesures nécessaires, s’il y a lieu, pour mettre à la disposition des groupes de Roms nomades et autres gens du voyage des emplacements équipés de toutes les facilités voulues pour leurs caravanes.

33.Assurer aux Roms l’égalité d’accès aux soins de santé et aux prestations sociales et éliminer toutes pratiques discriminatoires à leur égard dans ce domaine.

34.Formuler et exécuter des programmes et projets dans le domaine de la santé en faveur des Roms, principalement des femmes et des enfants, compte tenu de la situation défavorisée qui est la leur en raison tant de leur pauvreté extrême et de leur faible degré d’instruction que des différences culturelles; faire participer les associations et communautés roms ainsi que leurs représentants, en particulier les femmes, à la conception et à la mise en œuvre de programmes et projets en rapport avec la santé intéressant les groupes roms.

35.Prévenir, éliminer et sanctionner de manière adéquate toute pratique discriminatoire en matière d’accès des membres des communautés roms à tous les lieux et services à usage public, notamment les restaurants, hôtels, théâtres et cabarets, discothèques et autres.

5. Mesures dans le domaine des médias

36.Œuvrer, s’il y a lieu, à purger les médias de toutes idées véhiculant la supériorité raciale ou ethnique, la haine raciale et l’incitation à la discrimination et à la violence à l’égard des Roms, conformément aux dispositions de la Convention.

37.Favoriser la prise de conscience par les professionnels de tous les médias de la responsabilité particulière leur incombant de ne pas propager les préjugés et d’éviter de dépeindre des incidents mettant en cause des individus appartenant à la communauté rom sous un jour tendant à en rejeter la responsabilité sur l’ensemble de cette communauté.

38.Monter des campagnes éducatives et médiatiques destinées à sensibiliser le public à la vie, la société et la culture des Roms ainsi qu’à l’importance d’édifier une société intégratrice mais respectueuse des droits fondamentaux et de l’identité des Roms.

39.Encourager et faciliter l’accès des Roms aux médias − journaux, émissions de télévision, émissions de radio − et la création de médias roms, ainsi que la formation de journalistes roms.

40.Encourager les médias à se doter d’un dispositif d’autosurveillance, par exemple un code de conduite à leur intention, tendant à proscrire l’emploi d’expressions à connotation raciale, discriminatoire ou péjorative.

6. Mesures concernant la participation à la vie publique

41.Prendre les mesures nécessaires, y compris des dispositions spéciales, pour assurer aux minorités ou groupes roms l’égalité de chances en matière de participation à l’ensemble des organes d’État à l’échelon central et local.

42.Mettre au point des modalités et structures de consultation avec les partis politiques, associations et représentants roms, aux échelons central et local, pour l’examen de questions et l’adoption de décisions relatives à des sujets intéressant les communautés roms.

43.Faire participer les communautés et associations roms et leurs représentants, et ce dès les premiers stades, à la définition et à la mise en œuvre des politiques et programmes les concernant et conférer à ces politiques et programmes suffisamment de transparence.

44.Promouvoir une prise de conscience accrue par les membres des communautés roms de la nécessité de participer plus activement à la vie publique et sociale et de promouvoir leurs intérêts propres, par exemple en veillant à l’éducation de leurs enfants et en suivant une formation professionnelle.

45.Organiser des programmes de formation à l’intention des fonctionnaires et représentants roms, ainsi que des candidats potentiels à ces types de responsabilités, en vue d’améliorer leurs compétences en matière de politique, de prise de décisions et d’administration publique.

Le Comité recommande également ce qui suit:

46.Les États parties devraient inclure dans leurs rapports périodiques, sous une forme appropriée, des données relatives aux communautés roms relevant de leur juridiction, en particulier des statistiques ventilées par sexe sur la participation des Roms à la vie politique et sur leur situation économique, sociale et culturelle ainsi que des informations sur la mise en œuvre de la présente recommandation générale.

47.Les organisations intergouvernementales devraient s’intéresser dans leurs projets de coopération et d’assistance aux divers États parties, s’il y a lieu, à la situation des communautés roms et favoriser leur progrès économique, social et culturel.

48.Le Haut‑Commissariat aux droits de l’homme devrait se doter d’une structure spécialisée dans les questions relatives aux Roms.

Le Comité recommande en outre ce qui suit:

49.La Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée devrait accorder l’attention voulue aux recommandations ci‑dessus, vu que les Roms comptent parmi les communautés les plus défavorisées et les plus exposées à la discrimination dans le monde contemporain.

1424 e  séance 16 août 2000

Soixantième session (2002)

Recommandation générale XXVIII concernant le suivi de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,

Accueillant avec satisfaction l’adoption de la Déclaration et du Programme d’action de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, ainsi que les dispositions de la résolution 56/266 de l’Assemblée générale qui entérinent ces documents ou visent à en assurer le suivi,

Se félicitant que les instruments adoptés à Durban réaffirment avec force l’ensemble des valeurs et normes fondamentales de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale,

Rappelant que la Déclaration et le Programme d’action de Durban mentionnent la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale en tant que principal instrument visant à lutter contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée,

Notant en particulier qu’il est affirmé dans la Déclaration de Durban qu’une adhésion universelle à la Convention et l’application stricte de cet instrument revêtent une importance primordiale pour la promotion de l’égalité et de la non‑discrimination dans le monde,

Exprimant sa gratitude pour la reconnaissance du rôle et de la contribution du Comité dans la lutte contre la discrimination raciale,

Conscient de ses responsabilités propres dans le suivi de la Conférence mondiale ainsi que de la nécessité de renforcer sa capacité à assumer ces responsabilités,

Soulignant le rôle essentiel des organisations non gouvernementales dans la lutte contre la discrimination raciale et se félicitant de leur contribution durant la Conférence mondiale,

Prenant note de la reconnaissance par la Conférence mondiale du rôle important joué par les institutions nationales de protection et de promotion des droits de l’homme dans la lutte contre le racisme et la discrimination raciale, et de la nécessité de renforcer ces institutions et de leur fournir davantage de ressources,

1.Recommande aux États:

I. Mesures tendant à renforcer la mise en œuvre de la Convention

a)D’adhérer, s’ils ne l’ont pas encore fait, à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, en vue de sa ratification universelle d’ici à 2005;

b)D’envisager, s’ils ne l’ont pas encore fait, de faire la déclaration facultative prévue à l’article 14 de la Convention;

c)D’honorer les obligations qui leur incombent en matière d’établissement de rapports en vertu de la Convention en soumettant leurs rapports dans les délais et en se conformant aux directives pertinentes;

d)D’envisager de retirer leurs réserves à la Convention;

e)D’amplifier les efforts visant à informer la population de l’existence du mécanisme de plainte prévu à l’article 14 de la Convention;

f)De tenir compte des passages pertinents de la Déclaration et du Programme d’action de Durban lors de la mise en œuvre de la Convention dans l’ordre juridique interne, s’agissant en particulier des articles 2 à 7 de la Convention;

g)D’inclure dans leurs rapports périodiques des renseignements sur les plans d’action ou autres mesures qu’ils ont pris pour mettre en œuvre à l’échelon national la Déclaration et le Programme d’action de Durban;

h)De diffuser la Déclaration et le Programme d’action de Durban de manière appropriée et de fournir au Comité, dans la section de leurs rapports périodiques relative à l’article 7 de la Convention, des renseignements sur les efforts entrepris dans ce sens;

II. Mesures tendant à renforcer le fonctionnement du Comité

i)D’envisager de mettre en place des mécanismes nationaux appropriés de contrôle et d’évaluation pour faire en sorte que toutes les dispositions nécessaires soient prises pour s’assurer que la suite voulue a été donnée aux conclusions et recommandations générales du Comité;

j)D’inclure dans leurs rapports périodiques au Comité des renseignements appropriés sur la suite donnée à ces conclusions et recommandations;

k)De ratifier l’amendement au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième réunion des États parties à la Convention et entériné par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111 du 15 décembre 1992;

l)De poursuivre leur coopération avec le Comité en vue de promouvoir la bonne mise en œuvre de la Convention;

2.Le Comité recommande en outre:

a)Que les institutions nationales de protection et de promotion des droits de l’homme aident leurs États respectifs à honorer les obligations qui leur incombent en matière d’établissement de rapports et surveillent de près la suite donnée aux conclusions et recommandations du Comité;

b)Que les organisations non gouvernementales continuent à fournir en temps utile au Comité des informations pertinentes afin de renforcer leur coopération avec lui;

c)Que le Haut‑Commissariat aux droits de l’homme poursuive ses efforts visant à faire mieux connaître les travaux du Comité;

d)Que les organismes concernés des Nations Unies affectent au Comité des ressources suffisantes pour lui permettre de s’acquitter pleinement de son mandat;

3.Le Comité se déclare disposé:

a)À coopérer pleinement avec tous les organismes pertinents du système des Nations Unies, en particulier le Haut‑Commissariat aux droits de l’homme, aux fins du suivi de la Déclaration et du Programme d’action de Durban;

b)À coopérer avec les cinq éminents experts indépendants qui seront désignés par le Secrétaire général pour faciliter la mise en œuvre des recommandations formulées dans la Déclaration et le Programme d’action de Durban;

c)À coordonner ses activités avec les autres organes créés en application d’instruments relatifs aux droits de l’homme afin de parvenir à un suivi plus efficace de la Déclaration et du Programme d’action de Durban;

d)À prendre en considération tous les passages de la Déclaration et du Programme d’action de Durban en rapport avec l’exercice de son propre mandat.

1517 e  séance 19 mars 2002

Soixante et unième session (2002)

Recommandation générale XXIX concernant la discrimination fondée sur l’ascendance (art. 1, par. 1, de la Convention)

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,

Rappelant les termes de la Déclaration universelle des droits de l’homme selon lesquels tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits et peuvent se prévaloir de tous les droits qui y sont proclamés sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’origine sociale, de naissance ou de toute autre situation,

Rappelant également les termes de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne, adoptés lors de la Conférence mondiale sur les droits de l’homme, selon lesquels il est du devoir des États, quel qu’en soit le système politique, économique et culturel, de promouvoir et de protéger tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales,

Réaffirmant sa recommandation générale no XXVIII dans laquelle le Comité a souscrit sans réserve à la Déclaration et au Programme d’action de Durban, adoptés lors de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée,

Réaffirmant également la condamnation de la discrimination à l’encontre des personnes d’ascendance asiatique, africaine et autochtone et autre énoncée dans la Déclaration et le Programme d’action de Durban,

Se fondant sur les dispositions de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale qui a pour but l’élimination de la discrimination fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique,

Confirmant l’opinion constante du Comité selon laquelle le terme «ascendance» figurant au paragraphe 1 de l’article premier de la Convention ne se réfère pas uniquement à la «race» et a un sens et une application qui complètent les autres motifs pour lesquels toute discrimination est interdite,

Réaffirmant fermement que la discrimination fondée sur «l’ascendance» comprend la discrimination contre les membres des communautés reposant sur des formes de stratification sociale telles que la caste et les systèmes analogues de statut héréditaire qui empêchent ou entravent leur jouissance égale des droits de l’homme,

Notant que l’existence de telles distinctions est devenue évidente à l’issue de l’examen des rapports soumis au Comité par un certain nombre d’États parties à la Convention,

Ayant organisé un débat thématique sur la discrimination fondée sur l’ascendance et reçu les apports de membres du Comité ainsi que de certains États et de membres d’autres organes de l’Organisation des Nations Unies, notamment d’experts de la Sous‑Commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme,

Ayant reçu des informations d’un grand nombre d’organisations non gouvernementales et de particuliers concernés oralement et par écrit, qui ont apporté au Comité des preuves supplémentaires de l’ampleur et de la persistance de la discrimination fondée sur l’ascendance dans différentes régions du monde,

Estimant qu’il est nécessaire de faire de nouveaux efforts et d’intensifier les efforts en cours dans le domaine du droit et des pratiques internes en vue d’éliminer le fléau de la discrimination fondée sur l’ascendance et de renforcer les moyens des communautés touchées,

Saluant les efforts des États qui ont pris des mesures en vue d’éliminer la discrimination fondée sur l’ascendance et de remédier à ses conséquences,

Encourageant fermement les États touchés qui n’ont pas encore reconnu l’existence de ce phénomène et qui ne se sont pas encore occupés à prendre des mesures pour le faire,

Rappelant l’esprit positif dans lequel s’est déroulé le dialogue entre le Comité et les gouvernements, concernant la question de la discrimination fondée sur l’ascendance et en attendant de nouvelles occasions de dialogue constructif,

Attachant la plus haute importance à l’action qu’il mène pour combattre toutes les formes de discrimination fondée sur l’ascendance,

Condamnant fermement la discrimination fondée sur l’ascendance, notamment en raison de la caste et de systèmes analogues de statut héréditaire, comme une violation de la Convention,

Recommande que les États parties, compte tenu de leur situation particulière, adoptent toutes les mesures suivantes ou certaines d’entre elles:

1. Mesures de caractère général

a)Prendre des mesures en vue d’identifier les communautés fondées sur l’ascendance relevant de leur juridiction qui subissent des discriminations, notamment en raison de la caste et de systèmes analogues de statut héréditaire, et dont l’existence est reconnaissable à différents facteurs parmi lesquels figurent tous les suivants ou certains d’entre eux: incapacité ou capacité limitée de modifier le statut héréditaire; restrictions sociales impératives contre le fait de contracter mariage avec une personne étrangère à sa propre communauté; ségrégation dans les domaines privé et public, notamment en matière de logement et d’éducation, d’accès à des lieux publics, à des lieux de culte et à des sources publiques de nourriture et d’eau; limitation de la liberté de refuser des professions héréditaires ou dégradantes ou des travaux dangereux; soumission au servage pour dettes; exposition à des propos déshumanisants évoquant la pollution ou l’intouchabilité; manque généralisé de respect pour leur dignité et leur égalité en tant qu’êtres humains;

b)Envisager d’incorporer une disposition interdisant explicitement toute discrimination fondée sur l’ascendance dans la Constitution nationale;

c)Réviser et promulguer ou modifier la législation en vue d’interdire toutes les formes de discrimination fondée sur l’ascendance, conformément à la Convention;

d)Mettre en œuvre résolument les lois et les autres mesures en vigueur;

e)Formuler et appliquer une stratégie nationale globale avec la participation des membres des communautés touchées, y compris les mesures spéciales énoncées aux articles 1 et 2 de la Convention, afin d’éliminer toute discrimination contre les membres des groupes fondée sur l’ascendance;

f)Adopter des mesures spéciales en faveur des groupes et communautés fondés sur l’ascendance afin de s’assurer qu’ils jouissent des droits de l’homme et des libertés fondamentales, notamment en ce qui concerne l’accès à des fonctions, à des emplois et à l’enseignement publics;

g)Mettre en place des mécanismes officiels, en renforçant les institutions existantes ou en créant des institutions spécialisées, afin de promouvoir le respect de l’égalité des droits de l’homme des membres des communautés fondées sur l’ascendance;

h)Sensibiliser le grand public à l’importance des programmes de mesures axées sur la situation des victimes de la discrimination fondée sur l’ascendance;

i)Encourager le dialogue entre les membres des communautés fondées sur l’ascendance et les membres d’autres groupes sociaux;

j)Faire des enquêtes périodiques sur la discrimination fondée sur l’ascendance et inclure dans leurs rapports au Comité des informations détaillées sur la répartition géographique et la situation économique et sociale des communautés fondées sur l’ascendance, en tenant compte des aspects sexospécifiques;

2. Les discriminations multiples contre les femmes membres de communautés fondées sur l’ascendance

k)Tenir compte, dans tous les programmes et projets envisagés et exécutés et dans les mesures adoptées de la situation des femmes membres des communautés, en tant que victimes de discriminations multiples, de l’exploitation sexuelle et de la prostitution forcée;

l)Prendre toutes les mesures nécessaires en vue d’éliminer les discriminations multiples, notamment la discrimination fondée sur l’ascendance à l’encontre des femmes, en particulier dans les domaines de la sécurité personnelle, de l’emploi et de l’éducation;

m)Fournir des données détaillées sur la situation des femmes touchées par la discrimination fondée sur l’ascendance;

3. Ségrégation

n)Surveiller les tendances qui sont à l’origine de la ségrégation à l’encontre des communautés fondées sur l’ascendance et fournir des informations à ce sujet, et œuvrer pour l’élimination des conséquences négatives de ladite ségrégation;

o)Prendre des mesures en vue de prévenir, d’interdire et d’éliminer les pratiques ségrégationnistes dirigées contre les membres des communautés fondées sur l’ascendance, notamment dans le logement, l’éducation et l’emploi;

p)Garantir à chacun le droit à l’accès à tout lieu ou service destiné à l’usage du public dans des conditions d’égalité et sans aucune discrimination;

q)Prendre des mesures en vue de promouvoir des communautés mixtes dans lesquelles les membres des communautés touchées vivent dans un cadre intégré avec d’autres éléments de la société et veiller à ce que les services fournis à ces établissements humains soient accessibles à tous sur un pied d’égalité;

4. Diffusion d’incitations à la haine notamment par les médias et Internet

r)Prendre des mesures contre toute diffusion d’idées prônant la supériorité ou l’infériorité liée à la caste ou tentant de justifier la violence, la haine ou la discrimination à l’encontre de communautés fondées sur l’ascendance;

s)Prendre des mesures strictes contre toute incitation à la discrimination, à la violence contre les communautés, y compris par l’Internet;

t)Prendre des mesures pour sensibiliser les professionnels des médias à la nature et aux conséquences de la discrimination fondée sur l’ascendance;

5. Administration de la justice

u)Prendre les mesures nécessaires pour garantir un accès égal à la justice à tous les membres des communautés fondées sur l’ascendance, notamment en leur fournissant une aide juridictionnelle, en facilitant l’examen des plaintes émanant de groupes et en encourageant les organisations non gouvernementales à défendre les droits des communautés;

v)S’assurer, selon qu’il conviendra, que les décisions judiciaires et les mesures officielles prennent pleinement en considération l’interdiction de toute discrimination fondée sur l’ascendance;

w)Veiller à ce que les personnes qui commettent des crimes contre les membres des communautés fondées sur l’ascendance soient poursuivies et à ce que les victimes de ces crimes soient dûment indemnisées;

x)Encourager le recrutement de membres des communautés fondées sur l’ascendance dans la police et d’autres organes chargés de faire respecter les lois;

y)Organiser des programmes de formation destinés aux fonctionnaires publics et aux organes chargés de faire respecter les lois en vue de prévenir les injustices liées à des préjugés contre les communautés fondées sur l’ascendance;

z)Encourager et faciliter un dialogue constructif entre la police et d’autres organes chargés de faire respecter les lois et les membres des communautés;

6. Droits civils et politiques

aa)Veiller à ce que les autorités du pays concernées, à tous les niveaux, associent les membres des communautés fondées sur l’ascendance aux décisions qui les touchent;

bb)Prendre des mesures spéciales et concrètes en vue de garantir aux membres des communautés fondées sur l’ascendance le droit de participer aux élections, de voter et de se présenter à des élections sur la base du suffrage égalitaire et universel, et d’être représentés dûment dans les organes gouvernementaux et législatifs;

cc)Inciter les membres des communautés à prendre conscience de l’importance que revêt leur participation à la vie publique et politique et éliminer les obstacles entravant cette participation;

dd)Organiser des programmes de formation en vue d’améliorer les compétences en matière de prises de décisions politiques et d’administration publique des fonctionnaires publics et des représentants politiques appartenant aux communautés fondées sur l’ascendance;

ee)Prendre des mesures pour identifier les zones sujettes à des violences motivées par l’ascendance afin de les empêcher de se reproduire;

ff)Prendre des mesures énergiques pour garantir le droit des membres des communautés fondées sur l’ascendance qui le souhaitent de se marier à des personnes étrangères à leur communauté;

7. Droits économiques et sociaux

gg)Élaborer, adopter et appliquer des plans et programmes de développement économique et social fondés sur l’égalité et la non‑discrimination;

hh)Prendre des mesures substantielles et efficaces afin d’éliminer la pauvreté dans les communautés fondées sur l’ascendance et combattre leur exclusion ou leur marginalisation sociales;

ii)Collaborer avec les organisations intergouvernementales, notamment les institutions financières internationales, pour s’assurer que les projets de développement ou d’assistance qu’elles appuient tiennent compte de la situation économique et sociale des membres des communautés fondées sur l’ascendance;

jj)Prendre des mesures spéciales afin de promouvoir l’emploi des membres des communautés touchées dans les secteurs publics et privés;

kk)Élaborer des lois et pratiques interdisant expressément toutes les pratiques discriminatoires fondées sur l’ascendance dans l’emploi et le marché du travail ou préciser celles qui existent;

ll)Prendre des mesures contre les organismes publics, les sociétés privées et autres associations qui recherchent des informations sur l’ascendance de demandeurs d’emploi;

mm)Prendre des mesures contre les pratiques discriminatoires des autorités locales ou des propriétaires privés en matière de résidence et d’accès à un logement adéquat, à l’encontre des membres des communautés touchées;

nn)Garantir un accès égal aux soins médicaux et aux services de sécurité sociale aux membres des communautés fondées sur l’ascendance;

oo)Associer les communautés touchées à la conception et à la mise en œuvre de programmes et de projets relatifs à la santé;

pp)Prendre des mesures en vue de remédier à la vulnérabilité particulière des enfants appartenant aux communautés fondées sur l’ascendance à l’exploitation du travail des enfants;

qq)Prendre des mesures résolues pour éliminer le servage pour dettes et les conditions dégradantes de travail associés à la discrimination fondée sur l’ascendance;

8. Droit à l’éducation

rr)Veiller à ce que les systèmes d’éducation public et privé accueillent les enfants de toutes les communautés et n’excluent aucun enfant au motif de son ascendance;

ss)Réduire le taux d’abandons scolaires des enfants de toutes les communautés, en particulier celui des enfants des communautés touchées, en attachant une attention spéciale à la situation des filles;

tt)Combattre la discrimination commise par les organismes publics ou privés et tout acte de harcèlement à l’encontre d’élèves membres de communautés fondées sur l’ascendance;

uu)Prendre les mesures nécessaires en coopération avec la société civile en vue d’inculquer à l’ensemble de la population un esprit de non‑discrimination et de respect à l’égard des communautés soumises à des discriminations fondées sur l’ascendance;

vv)Réviser tous les passages des ouvrages scolaires qui véhiculent des images, des expressions, des noms ou des opinions stéréotypés ou dégradants à l’égard des communautés fondées sur l’ascendance et les remplacer par des images, des expressions, des noms et des opinions qui affirment la dignité inhérente à tous les êtres humains et leur égalité en tant qu’êtres humains.

IV. RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES ADOPTÉES PAR LE COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES

Conformément à l’article 21, paragraphe 1, de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le Comité peut formuler des suggestions et des recommandations générales fondées sur l’examen des rapports et des renseignements reçus des États parties. Ces suggestions et recommandations sont incluses dans le rapport du Comité, accompagnées, le cas échéant, des observations des États parties. Le Comité a adopté jusqu’à présent 20 recommandations générales.

Cinquième session (1986)*

Recommandation générale n o  1: Rapports des États parties

Les rapports initiaux soumis en application de l’article 18 de la Convention devraient porter sur la période allant jusqu’à la date de leur présentation. Les rapports ultérieurs devraient être soumis quatre ans après la date d’échéance du premier rapport et devraient indiquer pleinement les obstacles rencontrés dans l’application de la Convention et les mesures adoptées pour les surmonter.

Sixième session (1987)*

Recommandation générale n o  2: Rapports des États parties

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Considérant que le Comité a rencontré des difficultés dans ses travaux parce que des rapports initiaux présentés par des États parties en application de l’article 18 de la Convention ne traduisaient pas bien les renseignements disponibles dans l’État partie concerné, selon qu’il est prévu dans les directives,

Recommande:

a)Que les États parties, lorsqu’ils établiront leurs rapports en application de l’article 18 de la Convention, suivent les directives générales adoptées en août 1983 (CEDAW/C/7) régissant la forme, la teneur et la date des rapports;

b)Que les États parties suivent la recommandation générale adoptée en 1986 dans les termes ci‑après:

«Les rapports initiaux soumis en application de l’article 18 de la Convention devraient porter sur la période allant jusqu’à la date de leur présentation. Les rapports ultérieurs devraient être soumis quatre ans après la date d’échéance du premier rapport et devraient indiquer pleinement les obstacles rencontrés dans l’application de la Convention et les mesures adoptées pour les surmonter.»;

c)Que la documentation supplémentaire complétant le rapport d’un État partie soit adressée au secrétariat trois mois au moins avant la session à laquelle le rapport doit être examiné.

Sixième session (1987)*

Recommandation générale n o  3: Programmes d’éducation et d’information

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Considérant qu’il a examiné 34 rapports d’États parties depuis 1983,

Considérant en outre que ces rapports, bien qu’ils proviennent d’États qui en sont à des stades différents de développement, témoignent tous à des degrés divers de l’existence de conceptions stéréotypées des femmes imputables à des facteurs socioculturels, qui perpétuent la discrimination fondée sur le sexe et entravent l’application de l’article 5 de la Convention,

Invite instamment tous les États parties à adopter effectivement des programmes d’éducation et d’information qui contribuent à faire disparaître les préjugés et les pratiques actuels qui s’opposent à la pleine application du principe de l’égalité sociale des femmes.

Sixième session (1987)*

Recommandation générale n o  4: Réserves

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Ayant examiné les rapports des États parties à ses sessions,

Exprimant sa préoccupation devant le nombre important de réserves qui semblaient incompatibles avec l’objet de la Convention,

Se félicite de la décision des États parties d’examiner ces réserves à sa prochaine session à New York en 1988 et, à cette fin, suggère que tous les États parties intéressés les réexaminent en vue de les lever.

Septième session (1988)*

Recommandation générale n o  5: Mesures temporaires spéciales

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Notant que les rapports, les remarques liminaires et les réponses des États parties, s’ils indiquent que des progrès sensibles ont été accomplis s’agissant de l’abrogation ou de la modification de lois discriminatoires, révèlent qu’il demeure nécessaire d’agir pour pleinement appliquer la Convention grâce à la mise en œuvre de mesures visant à favoriser l’égalité de fait entre hommes et femmes,

Rappelant le paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention,

Recommande aux États parties de recourir davantage à des mesures temporaires spéciales telles qu’une action positive, un traitement préférentiel ou un contingentement pour favoriser l’intégration des femmes à l’éducation, à l’économie, à l’activité politique et à l’emploi.

Septième session (1988)*

Recommandation générale n o  6: Mécanismes nationaux et publicité efficaces

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Ayant examiné les rapports des États parties à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,

Notant la résolution 42/60 de l’Assemblée générale des Nations Unies, du 30 novembre 1987,

Recommande aux États parties:

1.De créer ou de renforcer des mécanismes, institutions et dispositifs nationaux efficaces à un échelon gouvernemental élevé en les dotant des ressources, du mandat et des pouvoirs voulus pour:

a)Donner des avis sur les incidences à l’égard des femmes de toutes les politiques gouvernementales;

b)Suivre de façon exhaustive la situation des femmes;

c)Aider à formuler de nouvelles politiques et à mettre effectivement en œuvre des stratégies et des mesures tendant à mettre un terme à la discrimination;

2.De prendre les mesures voulues pour assurer la diffusion de la Convention, des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 et des rapports du Comité dans la langue des États intéressés;

3.De s’assurer le concours du Secrétaire général et du Département de l’information pour faire traduire la Convention et les rapports du Comité;

4.De rendre compte dans leurs rapports initiaux, et dans leurs rapports périodiques, de la suite qui aura été donnée à la présente recommandation.

Septième session (1988)*

Recommandation générale n o  7: Ressources

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Prenant note des résolutions 40/39 et 41/108 de l’Assemblée générale et, notamment, du paragraphe 14 de sa résolution 42/60, par lesquels l’Assemblée a invité le Comité et les États parties à examiner la question de la tenue de futures sessions du Comité à Vienne,

Tenant compte de la résolution 42/105 et, notamment, du paragraphe 11 de cette résolution, par lesquels l’Assemblée générale prie le Secrétaire général de renforcer la coordination entre le Centre des Nations Unies pour les droits de l’homme et le Centre pour le développement social et les affaires humanitaires du secrétariat pour ce qui est de la mise en œuvre des instruments relatifs aux droits de l’homme et du service des organes créés en vertu desdits instruments,

Recommande aux États parties:

1.De continuer à appuyer les propositions visant à renforcer la coordination entre le Centre pour les droits de l’homme à Genève et le Centre pour le développement social et les affaires humanitaires à Vienne, pour ce qui est d’assurer le service du Comité;

2.D’appuyer les propositions tendant à ce que le Comité se réunisse à New York et à Vienne;

3.De prendre toutes les dispositions voulues pour que le Comité dispose de ressources et de services adéquats de nature à l’aider à s’acquitter de ses attributions aux termes de la Convention et, notamment, pour que le Comité dispose à plein temps de fonctionnaires qui l’aident à préparer ses sessions et à les mener à bien;

4.De veiller à ce que les rapports et la documentation complémentaires parviennent au secrétariat en temps utile pour être traduits dans les langues officielles de l’Organisation des Nations Unies de sorte qu’ils soient distribués à temps et examinés par le Comité.

Septième session (1988)*

Recommandation générale n o  8: Application de l’article 8 de la Convention

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Ayant examiné les rapports soumis par les États parties en application de l’article 18 de la Convention,

Recommande aux États parties de continuer à s’employer directement, conformément à l’article 4 de la Convention, à assurer la pleine application de l’article 8 de la Convention et à veiller à ce que les femmes, dans des conditions d’égalité avec les hommes et sans discrimination aucune, aient la possibilité de représenter leur gouvernement à l’échelon international et de participer aux travaux des organisations internationales.

Huitième session (1989)*

Recommandation générale n o  9: Données statistiques concernant la situation des femmes

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Considérant que des données statistiques sont absolument nécessaires pour comprendre la situation réelle des femmes dans chacun des États parties à la Convention,

Ayant constaté qu’un bon nombre des États parties qui présentent leur rapport à l’examen du Comité ne fournissent pas de données statistiques,

Recommande que les États parties n’épargnent aucun effort pour veiller à ce que les services statistiques nationaux chargés de planifier les recensements nationaux et autres enquêtes sociales et économiques formulent leurs questionnaires de telle façon que les données puissent être ventilées par sexe, tant en ce qui concerne les chiffres absolus que les pourcentages, de façon que les utilisateurs intéressés puissent facilement obtenir des renseignements sur la situation des femmes dans le secteur particulier qui les concerne.

Huitième session (1989)*

Recommandation générale n o  10: Dixième anniversaire de l’adoption de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Considérant que le 18 décembre 1989 marque le dixième anniversaire de l’adoption de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,

Considérant en outre qu’au cours de ces dix années la Convention s’est révélée être l’un des instruments les plus efficaces que l’Organisation des Nations Unies ait adoptés pour promouvoir l’égalité entre les sexes dans les sociétés de ses États Membres,

Rappelant les dispositions de la Recommandation générale no 6 adoptée à sa septième session, en 1988, au sujet de mécanismes nationaux et publicité efficaces,

Recommande qu’à l’occasion du dixième anniversaire de l’adoption de la Convention, les États parties envisagent:

1.D’entreprendre des programmes, y compris des conférences et des séminaires, pour faire connaître, dans les principales langues, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et de fournir des renseignements sur la Convention dans leurs pays respectifs;

2.D’inviter leurs associations féminines nationales à coopérer aux campagnes de publicité en ce qui concerne la Convention et l’application de cet instrument et d’encourager les organisations non gouvernementales aux niveaux national, régional et international à faire connaître la Convention et son application;

3.D’encourager les activités visant à assurer l’application intégrale des principes de la Convention, et en particulier ceux de l’article 8 qui concerne la participation des femmes à tous les niveaux d’activité de l’Organisation des Nations Unies et du système des Nations Unies;

4.De prier le Secrétaire général de célébrer le dixième anniversaire de l’adoption de la Convention en publiant et en diffusant, avec la coopération des institutions spécialisées, des documents et autres matériels concernant la Convention et son application dans toutes les langues officielles de l’Organisation des Nations Unies, de réaliser des documentaires télévisés au sujet de la Convention et de mettre les ressources nécessaires à la disposition de la Division de la promotion de la femme du Centre pour le développement social et les affaires humanitaires de l’Office des Nations Unies à Vienne afin de préparer une analyse des renseignements fournis par les États parties en vue de mettre à jour et de publier le rapport du Comité (A/CONF.116/13), qui a été publié pour la première fois à l’intention de la Conférence mondiale chargée d’examiner et d’évaluer les résultats de la Décennie des Nations Unies pour la femme: égalité, développement et paix, tenue à Nairobi en 1985.

Huitième session (1989)*

Recommandation générale n o  11: Services consultatifs techniques pour permettre aux pays de s’acquitter de leurs obligations en matière de rapports

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Ayant présent à l’esprit que, à la date du 3 mars 1989, 96 États ont ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,

Tenant compte du fait qu’à cette date 60 rapports initiaux et 19 deuxièmes rapports périodiques ont été reçus,

Notant que 36 rapports initiaux et 36 deuxièmes rapports périodiques auraient dû être reçus le 3 mars 1989 et ne l’ont pas encore été,

Se félicite de la demande contenue au paragraphe 9 de la résolution 43/115 de l’Assemblée générale, selon laquelle le Secrétaire général devrait organiser, dans la limite des ressources disponibles et eu égard aux priorités du programme de services consultatifs, de nouveaux cours de formation à l’intention des pays qui rencontrent les plus graves difficultés pour s’acquitter de l’obligation qui leur incombe, en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, de communiquer des rapports,

Recommande aux États parties d’encourager les projets de services consultatifs techniques, y compris les séminaires de formation, de les appuyer et d’y participer de façon à aider les États parties, sur leur demande, à s’acquitter de l’obligation qu’ils ont contractée, en vertu de l’article 18 de la Convention, de présenter des rapports.

Huitième session (1989)*

Recommandation générale n o  12: Violence contre les femmes

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Considérant que les articles 2, 5, 11, 12 et 16 de la Convention obligent les États parties à prendre des mesures pour protéger les femmes contre les violences de toutes sortes se produisant dans la famille, sur le lieu de travail et dans tout autre secteur de la vie sociale,

Tenant compte de la résolution 1988/27 du Conseil économique et social,

Recommande aux États parties d’inclure, dans leurs rapports périodiques au Comité, des renseignements sur:

1.La législation en vigueur pour protéger les femmes contre l’incidence des violences de toutes sortes dans la vie quotidienne (y compris la violence sexuelle, les mauvais traitements dans la famille, le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, etc.);

2.Les autres mesures adoptées pour éliminer cette violence;

3.L’existence de services d’appui à l’intention des femmes qui sont victimes d’agressions ou de mauvais traitements;

4.Les données statistiques sur l’incidence de la violence sous toutes ses formes qui s’exerce contre les femmes et sur les femmes qui sont victimes de violences.

Huitième session (1989)*

Recommandation générale n o  13: Égalité de rémunération pour un travail de valeur égale

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Rappelant la Convention no 100 de l’Organisation internationale du Travail concernant l’égalité de rémunération entre la main‑d’œuvre masculine et la main‑d’œuvre féminine pour un travail de valeur égale que, dans leur grande majorité, les États parties à la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ont ratifiée,

Rappelant aussi que, depuis 1983, il a examiné 51 rapports initiaux et 5 deuxièmes rapports périodiques d’États parties,

Considérant que, s’il ressort des rapports des États parties que le principe de l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale a été intégré à la législation de nombreux pays, des progrès restent à faire pour veiller à l’application de ce principe dans la pratique, de façon à empêcher la ségrégation par sexe sur le marché du travail,

Recommande aux États parties à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes:

1.D’envisager de ratifier la Convention no 100 de l’OIT s’ils ne l’ont pas encore fait afin d’assurer la pleine application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes;

2.D’envisager d’étudier, d’élaborer et d’adopter des systèmes d’évaluation des emplois fondés sur des critères ne tenant pas compte du sexe, ce qui faciliterait la comparaison entre les emplois de caractère différent dans lesquels les femmes sont actuellement majoritaires et ceux dans lesquels les hommes sont actuellement majoritaires, et de rendre compte des résultats qu’ils auront obtenus dans leurs rapports au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes;

3.D’appuyer, dans la mesure du possible, la mise en place de mécanismes d’application et d’encourager, le cas échéant, les efforts déployés par les partenaires des conventions collectives pour assurer l’application du principe de l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale.

Neuvième session (1990)*

Recommandation générale n o  14: L’excision

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Préoccupé de constater que certaines pratiques traditionnelles préjudiciables à la santé des femmes, comme l’excision, demeurent en usage,

Notant avec satisfaction que les gouvernements des pays où ces pratiques existent, des organisations féminines nationales, des organisations non gouvernementales, des organismes du système des Nations Unies comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), ainsi que la Commission des droits de l’homme et son organe subsidiaire, la Sous‑Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités, demeurent saisis de la question et ont notamment reconnu que des pratiques traditionnelles telles que l’excision ont des conséquences graves, notamment sur le plan de la santé, pour les femmes et les enfants,

Prenant acte avec intérêt de l’étude du Rapporteur spécial sur les pratiques traditionnelles affectant la santé des femmes et des enfants ainsi que du rapport du Groupe de travail sur les pratiques traditionnelles,

Reconnaissant que les femmes prennent d’importantes initiatives pour identifier les pratiques préjudiciables à leur santé et à leur bien‑être, ainsi qu’à ceux des enfants et pour lutter contre celles‑ci,

Convaincu qu’il est nécessaire que les gouvernements soutiennent et encouragent les importantes initiatives prises par les femmes et par tous les groupes intéressés,

Notant avec une profonde inquiétude que des pressions d’ordre culturel, historique et économique continuent à s’exercer et aident à perpétuer des pratiques nuisibles, telles que l’excision,

Recommande aux États parties:

a)De prendre des mesures appropriées et efficaces aux fins d’abolir la pratique de l’excision, notamment:

Faire en sorte que les universités, les associations de personnel médical ou infirmier, les organisations nationales féminines ou d’autres organismes réunissent des données de base concernant ces pratiques traditionnelles;

Soutenir aux niveaux national et local les organisations féminines qui œuvrenten vue de l’élimination de l’excision et d’autres pratiques nuisibles pour les femmes;

Encourager le personnel politique, les membres des professions libérales, les dirigeants religieux et les animateurs de collectivité, à tous les niveaux, y compris dans les médias et les arts, à coopérer et à faire jouer leur influence auprès du public pour que l’excision soit abolie;

Introduire des programmes d’enseignement appropriés et organiser des séminaires éducatifs et de formation fondés sur les recherches relatives aux problèmes dus à l’excision;

b)D’inclure dans leur politique nationale de santé des stratégies visant l’abolition de la pratique de l’excision dans les services de santé publique. Ces stratégies devraient mettre l’accent sur la responsabilité particulière qui incombe au personnel sanitaire, y compris aux accoucheuses traditionnelles, d’expliquer les effets nuisibles de l’excision;

c)D’inviter les organismes compétents des Nations Unies а dispenser assistance, information et conseils pour soutenir et faciliter les efforts actuellement déployés en vue d’éliminer les pratiques traditionnelles nuisibles;

d)D’inclure, dans les rapports qu’ils soumettent au Comité au titre des articles 10 et 12 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, des renseignements concernant les mesures prises pour éliminer l’excision.

Neuvième session (1990)*

Recommandation générale n o  15: Non ‑discrimination à l’égard des femmes dans les stratégies nationales de prévention du syndrome d’immunodéficience acquise (sida) et de lutte contre cette pandémie

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Ayant examiné les informations portées à son attention à propos des incidences que la pandémie mondiale du syndrome d’immunodéficience acquise (sida) et les stratégies de lutte contre cette pandémie pourraient avoir sur l’exercice par les femmes de leurs droits,

Considérant les rapports et documents établis par l’Organisation mondiale de la santé et d’autres organisations, organes et organismes des Nations Unies à propos du virus d’immunodéficience humaine (VIH) et, en particulier, la note adressée par le Secrétaire général à la Commission de la condition de la femme sur les effets du syndrome d’immunodéficience acquise (sida) sur la promotion de la femme et le Document final de la Consultation internationale sur le sida et les droits de l’homme tenue du 26 au 28 juillet 1989 à Genève,

Notant la résolution WHA 41.24 de l’Assemblée mondiale de la santé, en date du 13 mai 1988, relative à la non‑discrimination à l’égard des personnes infectées par le VIH et des sidéens, la résolution 1989/11 de la Commission des droits de l’homme, en date du 2 mars 1989, relative à la non‑discrimination dans le domaine de la santé et, en particulier, la Déclaration de Paris sur les femmes, les enfants et le Sida, en date du 30 novembre 1989,

Notant que l’Organisation mondiale de la santé a annoncé que le thème de la Journée mondiale du sida, le 1er décembre 1990, sera «Les femmes et le sida»,

Recommande:

a)Que les États parties redoublent d’efforts pour diffuser les informations permettant de sensibiliser davantage l’opinion publique aux risques d’infection par le VIH et de sida, en particulier chez les femmes et les enfants, et aux incidences de ces risques sur ces deux groupes;

b)Que les programmes de lutte contre le Sida fassent une place particulière aux droits et besoins des femmes et des enfants, ainsi qu’aux aspects relatifs au rôle procréateur des femmes et à leur situation d’infériorité dans certaines sociétés, qui les rendent particulièrement vulnérables à l’infection par le VIH;

c)Que les États parties assurent la participation active des femmes aux soins de santé primaires et prennent des mesures en vue de renforcer leur rôle en tant que prestataires de soins, agents sanitaires et éducatrices dans la prévention de l’infection par le VIH;

d)Que tous les États parties incorporent dans les rapports qu’ils présentent en vertu de l’article 12 de la Convention des informations sur les incidences du sida sur la situation des femmes et sur les mesures prises pour répondre aux besoins des femmes infectées et empêcher une discrimination spécifique à l’égard des femmes en réaction au sida.

Dixième session (1991)*

Recommandation générale n o  16: Femmes travaillant sans rémunération dans des entreprises familiales

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Ayant présents à l’esprit l’article 2 c) et l’article 11 c), d) et e) de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, et la Recommandation no 9 (huitième session, 1989) sur les statistiques concernant la situation des femmes,

Tenant compte du fait que, dans les États parties, un pourcentage élevé de femmes travaillent sans bénéficier d’une rémunération, de la sécurité sociale ni d’autres avantages sociaux dans des entreprises appartenant habituellement à un homme membre de leur famille,

Notant que les rapports présentés au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes n’abordent généralement pas la question des femmes travaillant sans rémunération dans des entreprises familiales,

Affirmant que le travail non rémunéré constitue une forme d’exploitation des femmes contraire à la Convention,

Recommande aux États parties:

a)D’inclure, dans les rapports qu’ils présentent au Comité, des renseignements sur la situation juridique et sociale des femmes travaillant sans rémunération dans des entreprises familiales;

b)De recueillir des données statistiques sur les femmes qui travaillent sans bénéficier d’une rémunération, de la sécurité sociale ni d’autres avantages sociaux dans des entreprises appartenant à un membre de leur famille et de faire figurer ces données dans leur rapport au Comité;

c)De prendre les mesures nécessaires pour garantir une rémunération, la sécurité sociale et d’autres avantages sociaux aux femmes qui travaillent dans des entreprises appartenant à des membres de leur famille sans recevoir ces avantages.

Dixième session (1991)*

Recommandation générale n o  17: Évaluation et quantification du travail ménager non rémunéré des femmes et prise en compte dudit travail dans le produit national brut

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Ayant à l’esprit l’article 11 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,

Rappelant le paragraphe 120 des Stratégies prospectives d’action pour la promotion de la femme de Nairobi,

Affirmant que l’évaluation et la quantification du travail ménager non rémunéré des femmes, qui contribue au développement de chaque pays, aideront à mettre en lumière le rôle économique réel des femmes,

Convaincu que cette évaluation et cette quantification constituent le point de départ pour l’élaboration de nouvelles politiques de promotion de la femme,

Prenant note des discussions à la Commission de statistique, à sa vingt‑cinquième session, sur l’actuelle révision du Système de comptabilité nationale et sur l’établissement de statistiques sur les femmes,

Recommande que les États parties:

a)Encouragent et appuient les recherches et les études expérimentales visant à évaluer le travail ménager non rémunéré des femmes: par exemple en procédant à des enquêtes sur l’emploi du temps dans le cadre des programmes nationaux d’enquête auprès des ménages et en recueillant des statistiques désagrégées par sexe sur le temps consacré aux activités au foyer et sur le marché du travail;

b)Prennent, conformément aux dispositions de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et aux Stratégies prospectives d’action de Nairobi pour la promotion de la femme, des mesures pour quantifier et prendre en compte le travail ménager non rémunéré des femmes dans le produit national brut;

c)Incluent, dans les rapports qu’ils présentent en vertu de l’article 18 de la Convention, des renseignements sur les recherches et sur les études expérimentales entreprises en vue de mesurer et d’évaluer le travail ménager non rémunéré ainsi que sur les progrès réalisés dans la prise en compte du travail ménager non rémunéré des femmes dans la comptabilité nationale.

Dixième session (1991)*

Recommandation générale n o  18: Les femmes handicapées

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Considérant en particulier l’article 3 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,

Ayant examiné plus de 60 rapports périodiques d’États parties, et ayant constaté qu’ils contiennent peu d’informations sur les femmes handicapées,

Préoccupé par la situation des femmes handicapées et des femmes âgées, qui souffrent d’une double discrimination en raison de leur sexe et de leurs conditions de vie particulières,

Rappelant le paragraphe 296 des Stratégies prospectives d’action de Nairobi pour la promotion de la femme, où les femmes handicapées sont considérées comme un groupe vulnérable sous la rubrique «cas particuliers»,

Affirmant son appui au Programme d’action mondial concernant les personnes handicapées (1982),

Recommande que les États parties à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes incluent dans leurs rapports périodiques des renseignements sur la situation des femmes handicapées et sur les mesures prises pour faire face à leur situation particulière, notamment les mesures particulières prises pour veiller à ce qu’elles aient un accès égal à l’éducation et à l’emploi, aux services de santé et à la sécurité sociale, et pour faire en sorte qu’elles puissent participer à tous les domaines de la vie sociale et culturelle.

Onzième session (1992)*

Recommandation générale n o  19: Violence à l’égard des femmes

Généralités

1.La violence fondée sur le sexe est une forme de discrimination qui empêche sérieusement les femmes de jouir des droits et libertés au même titre que les hommes.

2.En 1989, le Comité a recommandé aux États d’inclure dans leurs rapports des renseignements sur la violence et sur les mesures adoptées pour l’éliminer (Recommandation générale no 12, huitième session).

3.À sa dixième session, en 1991, le Comité a décidé de consacrer une partie de sa onzième session à l’examen et à l’étude de l’article 6 et des autres articles relatifs à la violence contre les femmes et au harcèlement sexuel ainsi qu’à l’exploitation des femmes. Ce sujet a été choisi en prévision de la Conférence mondiale sur les droits de l’homme de 1993, convoquée par l’Assemblée générale dans sa résolution 45/155 du 18 décembre 1990.

4.Le Comité a conclu que les rapports des États parties ne reflètent pas tous suffisamment le lien étroit qui existe entre la discrimination à l’égard des femmes, la violence fondée sur le sexe et les violations des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Pour appliquer intégralement la Convention, les États doivent prendre des mesures constructives visant à éliminer toutes les formes de violence à l’égard des femmes.

5.Le Comité a recommandé aux États parties, lorsqu’ils réexaminent leur législation et leurs politiques et fournissent des renseignements au titre de la Convention, de tenir compte des observations suivantes du Comité concernant la violence fondée sur le sexe.

Observations générales

6.L’article premier de la Convention définit la discrimination à l’égard des femmes. Cette définition inclut la violence fondée sur le sexe, c’est‑à‑dire la violence exercée contre une femme parce qu’elle est une femme ou qui touche spécialement la femme. Elle englobe les actes qui infligent des tourments ou des souffrances d’ordre physique, mental ou sexuel, la menace de tels actes, la contrainte ou autres privations de liberté. La violence fondée sur le sexe peut violer des dispositions particulières de la Convention, même si ces dispositions ne mentionnent pas expressément la violence.

7.La violence fondée sur le sexe, qui compromet ou rend nulle la jouissance des droits individuels et des libertés fondamentales par les femmes en vertu des principes généraux du droit international ou des conventions particulières relatives aux droits de l’homme, constitue une discrimination, au sens de l’article premier de la Convention. Parmi ces droits et libertés, on peut citer notamment:

a)Le droit à la vie;

b)Le droit à ne pas être soumis à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

c)Le droit à l’égalité de protection qu’assurent les normes humanitaires en temps de conflit armé, national ou international;

d)Le droit à la liberté et à la sécurité de la personne;

e)Le droit à l’égalité de protection de la loi;

f)Le droit à l’égalité dans la famille;

g)Le droit au plus haut niveau possible de santé physique et mentale;

h)Le droit à des conditions de travail justes et favorables.

8.La Convention s’applique à la violence perpétrée par les autorités publiques. Outre qu’ils contreviennent à la Convention, de tels actes de violence peuvent également transgresser les obligations qui incombent aux États en vertu des principes généraux du droit international en matière de droits de l’homme et d’autres conventions.

9.Il convient de souligner toutefois que la discrimination au sens de la Convention n’est pas limitée aux actes commis par les gouvernements ou en leur nom (voir art. 2 e), 2 f) et 5). Par exemple, aux termes de l’article 2 e) de la Convention, les États parties s’engagent à prendre toutes mesures appropriées pour éliminer la discrimination pratiquée à l’égard des femmes par une personne, une organisation ou une entreprise quelconque. En vertu du droit international en général et des pactes relatifs aux droits de l’homme, les États peuvent être également responsables d’actes privés s’ils n’agissent pas avec la diligence voulue pour prévenir la violation de droits ou pour enquêter sur des actes de violence, les punir et les réparer.

Observations concernant certaines dispositions de la Convention

Articles 2 et 3

10.Les articles 2 et 3 établissent une obligation globale quant à l’élimination de la discrimination sous toutes ses formes, venant s’ajouter aux obligations spécifiques prévues aux articles 5 à 16.

Articles 2 f), 5 et 10 c)

11.Les attitudes traditionnelles faisant de la femme un objet de soumission ou lui assignant un rôle stéréotypé perpétuent l’usage répandu de la violence ou de la contrainte, notamment les violences et les sévices dans la famille, les mariages forcés, les meurtres d’épouses pour non‑paiement de la dot, les attaques à l’acide, l’excision. De tels préjugés et de telles pratiques peuvent justifier la violence fondée sur le sexe comme forme de protection ou de contrôle sur la femme. Cette violence qui porte atteinte à l’intégrité physique et mentale des femmes les empêche de jouir des libertés et des droits fondamentaux, de les exercer et d’en avoir connaissance au même titre que les hommes. Tandis que cette observation a trait surtout à la violence effective ou aux menaces de violence, ces conséquences sous‑jacentes de la violence fondée sur le sexe contribuent à enfermer les femmes dans des rôles subordonnés et à maintenir leur faible niveau de participation politique, d’éducation, de qualification et d’emploi.

12.Ces attitudes contribuent également à propager la pornographie, à exploiter à des fins commerciales et à dépeindre la femme comme objet sexuel plutôt que comme être humain. La violence fondée sur le sexe en est d’autant plus encouragée.

Article 6

13.Les États sont requis, au titre de l’article 6, de prendre des mesures pour supprimer, sous toutes leurs formes, le trafic des femmes et l’exploitation de la prostitution des femmes.

14.La pauvreté et le chômage accroissent les possibilités de trafic des femmes. Outre les formes habituelles de trafic, l’exploitation sexuelle prend de nouvelles formes, telles que le tourisme sexuel, le recrutement d’employées de maison dans les pays en développement pour travailler dans le monde développé et les mariages organisés entre femmes des pays en développement et étrangers. Ces pratiques sont incompatibles avec une égalité de jouissance des droits et avec le respect des droits et de la dignité des femmes. Elles exposent particulièrement les femmes aux violences et aux mauvais traitements.

15.La pauvreté et le chômage forcent de nombreuses femmes, y compris des jeunes filles, à se prostituer. Les prostituées sont particulièrement vulnérables à la violence du fait que leur situation parfois illégale tend à les marginaliser. Elles doivent être protégées contre le viol et la violence dans la même mesure que les autres femmes.

16.Les guerres, les conflits armés et l’occupation de territoires provoquent souvent une augmentation de la prostitution, de la traite des femmes et des violences sexuelles contre les femmes, ce qui nécessite des mesures spécifiques sur le plan de la protection et de la répression.

Article 11

17.L’égalité dans l’emploi peut être gravement compromise lorsque les femmes sont soumises à la violence fondée sur le sexe, tel le harcèlement sexuel sur le lieu de travail.

18.Le harcèlement sexuel se manifeste par un comportement inopportun déterminé par des motifs sexuels, consistant notamment à imposer des contacts physiques, à faire des avances et des remarques à connotation sexuelle, à montrer des ouvrages pornographiques et à demander de satisfaire des exigences sexuelles, que ce soit en paroles ou en actes. Une telle conduite peut être humiliante et peut poser un problème sur le plan de la santé et de la sécurité; elle est discriminatoire lorsque la femme est fondée à croire que son refus la désavantagerait dans son emploi, notamment pour le recrutement ou la promotion ou encore lorsque cette conduite crée un climat de travail hostile.

Article 12

19.Les États sont requis au titre de l’article 12 de prendre des mesures pour assurer l’égalité d’accès aux soins de santé. La violence exercée contre les femmes met en danger leur santé et leur vie.

20.Il existe dans certains États des pratiques traditionnelles et culturelles qui nuisent à la santé des femmes et des enfants. Ces pratiques incluent notamment les restrictions alimentaires imposées aux femmes enceintes, la préférence pour les enfants mâles, l’excision ou la mutilation des organes génitaux féminins.

Article 14

21.Les femmes rurales sont exposées à la violence fondée sur le sexe étant donné la persistance dans de nombreuses communautés d’attitudes traditionnelles leur assignant un rôle subalterne. Les jeunes filles des zones rurales risquent particulièrement d’être victimes de violences et d’être exploitées sexuellement lorsqu’elles quittent leur campagne pour chercher du travail en ville.

Article 16 (et art. 5)

22.La stérilisation ou l’avortement obligatoire nuisent à la santé physique et mentale des femmes et compromettent leur droit de décider du nombre et de l’espacement des naissances.

23.La violence dans la famille est l’une des formes les plus insidieuses de violence exercée contre les femmes. Elle existe dans toute société. Dans le cadre des relations familiales, des femmes de tous âges sont soumises à toutes sortes de violences, notamment sévices, viol, autres formes d’agressions sexuelles, violence psychologique et formes de violence décrites à l’article 5, qui sont perpétuées par la tradition. La dépendance économique oblige grand nombre de femmes à vivre dans des situations de violence. Les hommes qui ne s’acquittent plus de leurs responsabilités familiales peuvent aussi exercer de cette façon une forme de violence ou de contrainte. Cette violence met la santé des femmes en péril et compromet leur capacité de participer à la vie familiale et à la vie publique sur un pied d’égalité.

Recommandations concrètes

24.Tenant compte de ces observations, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes recommande:

a)Que les États parties prennent des mesures appropriées et efficaces pour éliminer toutes formes de violence fondée sur le sexe, qu’il s’agisse d’un acte public ou d’un acte privé;

b)Que les États parties veillent à ce que les lois contre la violence et les mauvais traitements dans la famille, le viol, les sévices sexuels et autres formes de violence fondée sur le sexe assurent à toutes les femmes une protection suffisante, respectent leur intégrité et leur dignité. Des services appropriés de protection et d’appui devraient être procurés aux victimes. Il est indispensable pour la bonne application de la Convention de fournir au corps judiciaire, aux agents de la force publique et aux autres fonctionnaires une formation qui les sensibilise aux problèmes des femmes;

c)Que les États parties encouragent l’établissement de statistiques et les recherches sur l’ampleur, les causes et les effets de la violence ainsi que sur l’efficacité des mesures visant à prévenir la violence et à la combattre;

d)Que des mesures efficaces soient prises pour que les médias respectent et incitent à respecter la femme;

e)Que les États parties précisent dans leurs rapports la nature et l’ampleur des attitudes, coutumes et pratiques qui perpétuent la violence à l’égard des femmes et fournissent des informations sur le type de violence qui en résulte. Ils devraient indiquer quelles mesures ont été prises pour éliminer la violence et quels ont été leurs effets;

f)Que des mesures efficaces soient prises pour mettre fin à ces pratiques et changer ces attitudes. Les États devraient adopter des programmes d’éducation et d’information afin de contribuer à éliminer les préjugés qui entravent l’égalité de la femme (Recommandation no 3, 1987);

g)Que les États parties prennent les mesures préventives et répressives nécessaires pour supprimer la traite des femmes et leur exploitation sexuelle;

h)Que les États parties indiquent dans leurs rapports l’ampleur de ces problèmes et les mesures, y compris les dispositions pénales, les mesures préventives et les mesures de réinsertion, qui ont été prises pour protéger les femmes qui pratiquent la prostitution ou qui sont victimes du trafic ou d’autres formes d’exploitation sexuelles. Il faudrait aussi préciser l’efficacité de ces mesures;

i)Que les États parties prévoient une procédure de plainte et des voies de recours efficaces, y compris pour le dédommagement;

j)Que les États parties incluent dans leurs rapports des informations sur le harcèlement sexuel ainsi que sur les mesures adoptées pour protéger les femmes contre la violence, la contrainte et le harcèlement sexuel sur le lieu de travail;

k)Que les États parties prennent des mesures pour créer ou appuyer des services destinés aux victimes de violences dans la famille, de viols, de violences sexuelles et d’autres formes de violence fondée sur le sexe (notamment refuges, personnel médical spécialement formé, services de réinsertion et de conseil);

l)Que les États parties prennent des mesures pour éliminer ces pratiques et tiennent compte de la recommandation du Comité concernant l’excision (Recommandation no 14) dans leurs rapports sur les questions relatives à la santé;

m)Que les États parties veillent à ce que les femmes puissent décider sans entraves de leur fécondité et ne soient pas forcées de recourir à des pratiques médicales dangereuses, telles que l’avortement clandestin, faute de services leur permettant de contrôler leur fécondité;

n)Que les États parties précisent dans leurs rapports l’étendue de ces problèmes et indiquent les mesures prises ainsi que leurs effets;

o)Que les États parties veillent à ce que les services destinés aux victimes de violences soient accessibles aux femmes rurales et à ce que des services spéciaux soient, le cas échéant, offerts aux communautés isolées;

p)Que, pour protéger les femmes rurales, les États parties leur assurent notamment des possibilités de formation et d’emploi et contrôlent les conditions dans lesquelles les gens de maison travaillent;

q)Que les États parties communiquent des informations sur les risques que courent les femmes rurales, sur l’étendue et la nature des violences et des mauvais traitements qu’elles subissent et sur leurs besoins en matière de services d’appui et autres et leur accès à ces services ainsi que sur l’efficacité des mesures prises pour combattre la violence;

r)Que, parmi les mesures qui sont nécessaires pour éliminer la violence dans la famille, on cite les suivantes:

Sanctions pénales si nécessaire et recours civils en cas de violence dans la famille;

Législation visant à supprimer la défense de l’honneur comme motif légitimant les actes de violence ou le meurtre commis contre l’épouse;

Services visant à assurer la sûreté et la sécurité des victimes de violences dans la famille, notamment des refuges et des programmes de conseil et de réinsertion;

Programmes de réinsertion pour les personnes ayant commis des actes de violence dans la famille;

Services d’appui destinés aux familles où l’inceste ou des sévices sexuels ont été commis;

s)Que les États parties communiquent des informations sur l’ampleur de la violence dans la famille et des sévices sexuels, ainsi que sur les mesures préventives, correctives et répressives qui ont été prises à cet égard;

t)Que les États parties prennent toutes les mesures juridiques et autres nécessaires pour assurer aux femmes une protection efficace contre la violence fondée sur le sexe, notamment:

Des mesures juridiques efficaces, comprenant sanctions pénales, recours civils et mesures de dédommagement visant à protéger les femmes contre tous les types de violence, y compris notamment la violence et les mauvais traitement dans la famille, les violences sexuelles et le harcèlement sexuel sur le lieu de travail;

Des mesures préventives, notamment des programmes d’information et d’éducation visant à changer les attitudes concernant le rôle et la condition de l’homme et de la femme;

Des mesures de protection, notamment des refuges et des services de conseil, de réinsertion et d’appui pour les femmes victimes de violence ou courant le risque de l’être;

u)Que les États parties signalent dans leurs rapports toutes les formes de violence fondée sur le sexe et y incluent toutes les données disponibles sur l’incidence de chaque forme de violence ainsi que leurs conséquences pour les femmes qui en sont victimes;

v)Que dans leurs rapports, les États parties fournissent des renseignements concernant les dispositions juridiques, ainsi que les mesures de prévention et de protection qui ont été prises pour éliminer la violence à l’égard des femmes et l’efficacité de cette action.

Onzième session (1992)*

Recommandation générale n o  20: Réserves à l’égard de la Convention

1.Le Comité a rappelé la décision des États parties à leur quatrième réunion sur les réserves formulées à l’égard de la Convention, au titre de l’article 28.2, décision qui a été approuvée par le Comité dans sa Recommandation générale no 4.

2.Le Comité a recommandé que, dans le cadre des préparatifs de la Conférence mondiale de 1993 sur les droits de l’homme les États parties:

a)Soulèvent la question de la validité et des conséquences juridiques des réserves formulées à l’égard de la Convention, dans le cadre des réserves concernant les instruments relatifs aux droits de l’homme;

b)Réexaminent ces réserves en vue de renforcer l’application de tous les instruments relatifs aux droits de l’homme;

c)Envisagent d’établir, en ce qui concerne les réserves à l’égard de la Convention, une procédure analogue à celle qui est prévue pour les autres instruments relatifs aux droits de l’homme.

Treizième session (1994)*

Recommandation générale n o  21: Égalité dans le mariage et les rapports familiaux

1.La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (résolution 34/180 de l’Assemblée générale, annexe) affirme l’égalité des droits fondamentaux des hommes et des femmes dans la société et dans la famille. Cette convention occupe une place importante parmi les traités internationaux de protection de ces droits fondamentaux.

2.Il existe d’autres instruments qui confèrent beaucoup d’importance à la famille et reconnaissent à la femme une grande place à l’intérieur de la cellule familiale: la Déclaration universelle des droits de l’homme (résolution 217 A (III) de l’Assemblée générale, annexe), le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (résolution 2200 A (XXI), annexe), la Convention sur la nationalité des femmes mariées (résolution 1040 (XI), annexe), la Convention sur le consentement au mariage, l’âge minimum du mariage et l’enregistrement du mariage (résolution 1763 A (XVII), annexe) et la Recommandation ultérieure (résolution 2018 (XX)) et les Stratégies prospectives d’action de Nairobi pour la promotion de la femme.

3.Comme les instruments cités ci‑dessus, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes rappelle les droits inaliénables des femmes, mais elle va plus loin, car elle tient compte de l’influence que la culture et les traditions exercent sur les comportements et les mentalités de la collectivité, restreignant considérablement l’exercice par les femmes de leurs droits fondamentaux.

Généralités

4.L’Assemblée générale ayant décidé (résolution 44/82) que l’année 1994 serait l’Année internationale de la famille, le Comité souligne qu’un bon moyen de soutenir et d’encourager les manifestations qui auront lieu dans les pays est de respecter au sein des familles les droits fondamentaux des femmes.

5.Ayant décidé de marquer l’Année internationale de la famille, le Comité souhaite analyser trois articles de la Convention qui se rapportent plus particulièrement à ce sujet:

Article 9

1.Les États parties accordent aux femmes des droits égaux à ceux des hommes en ce qui concerne l’acquisition, le changement et la conservation de la nationalité. Ils garantissent en particulier que ni le mariage avec un étranger, ni le changement de nationalité du mari pendant le mariage ne change automatiquement la nationalité de la femme, ni ne la rend apatride, ni ne l’oblige à prendre la nationalité de son mari.

2.Les États parties accordent à la femme des droits égaux à ceux de l’homme en ce qui concerne la nationalité de leurs enfants.

Observations

6.La nationalité est capitale pour une complète insertion dans la société. Un État confère généralement sa nationalité aux personnes nées sur son sol. La nationalité peut aussi être conférée du fait que la personne intéressée s’est établie dans le pays, ou accordée pour des raisons humanitaires, par exemple à des apatrides. Une femme qui n’a pas la nationalité ou la citoyenneté du pays où elle vit n’est pas admise à voter ou à postuler à des fonctions publiques et peut se voir refuser les prestations sociales et le libre choix de son lieu de résidence. La femme adulte devrait pouvoir changer de nationalité, qui ne devrait pas lui être arbitrairement retirée en cas de mariage ou de dissolution de mariage ou parce que son mari ou son père change lui‑même de nationalité.

Article 15

1.Les États parties reconnaissent à la femme l’égalité avec l’homme devant la loi.

2.Les États parties reconnaissent à la femme, en matière civile, une capacité juridique identique à celle de l’homme et les mêmes possibilités pour exercer cette capacité. Ils lui reconnaissent en particulier des droits égaux en ce qui concerne la conclusion de contrats et l’administration des biens et leur accordent le même traitement à tous les stades de la procédure judiciaire.

3.Les États parties conviennent que tout contrat et tout autre instrument privé, de quelque type que ce soit, ayant un effet juridique visant à limiter la capacité juridique de la femme doit être considéré comme nul.

4.Les États parties reconnaissent à l’homme et à la femme les mêmes droits en ce qui concerne la législation relative au droit des personnes à circuler librement et à choisir leur résidence et leur domicile.

Observations

7.Une femme n’a pas d’autonomie juridique lorsqu’elle n’est admise en aucune circonstance à passer de contrat, ou qu’elle ne peut obtenir de prêt, ou qu’elle ne peut le faire qu’avec l’accord ou la caution de son mari ou d’un homme de sa famille. Dans ces conditions, elle ne peut pas avoir de droit de propriété exclusif sur des biens, n’est pas juridiquement maîtresse de ses propres affaires et ne peut conclure aucune forme de contrat. Cette situation restreint considérablement les moyens dont dispose la femme pour pourvoir à ses besoins et à ceux des personnes à sa charge.

8.Dans certains pays, la femme peut difficilement ester en justice, soit parce que la loi elle‑même limite ses droits à cet égard, soit parce qu’elle ne peut obtenir des conseils juridiques ou demander réparation aux tribunaux. Il arrive aussi que le tribunal accorde moins de foi ou de poids au témoignage ou à la déposition d’une femme qu’à ceux d’un homme. Des règles juridiques ou coutumières de cette nature font que la femme peut difficilement obtenir ou conserver une part égale des biens et que la collectivité ne la valorise pas comme un membre indépendant et capable de responsabilités. Un pays qui limite dans sa législation la capacité juridique de la femme ou tolère que des personnes ou des organismes restreignent cette capacité dénie aux femmes le droit à l’égalité avec les hommes et leur ôte autant de moyens de pourvoir à leurs besoins et à ceux des personnes dont elles ont la charge.

9.Dans les pays de common law, le domicile est le pays dans lequel la femme a l’intention de résider et à la juridiction duquel elle sera soumise. Le domicile de l’enfant est celui de ses parents, mais le domicile de l’adulte est le pays où cette personne a sa résidence ordinaire et a l’intention de s’établir en permanence. De même que pour la nationalité, on constate dans les rapports des États parties que les lois nationales ne donnent pas toujours à la femme le droit de choisir le lieu de son domicile. La femme adulte devrait pouvoir, quelle que soit sa situation de famille, changer à volonté de domicile, comme de nationalité. Toute restriction faisant qu’une femme ne peut pas choisir son domicile aussi librement qu’un homme peut limiter les possibilités qu’a cette femme d’accéder aux tribunaux du pays ou l’empêcher d’entrer dans un pays ou de le quitter librement et indépendamment.

10.Les femmes migrantes qui habitent et travaillent temporairement dans un autre pays devraient pouvoir comme les hommes faire venir leur conjoint, compagnon ou enfants auprès d’elles.

Article 16

1.Les États parties prennent toutes les mesures nécessaires pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans toutes les questions découlant du mariage et dans les rapports familiaux et, en particulier, assurer, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme:

a)Le même droit de contracter mariage;

b)Le même droit de choisir librement son conjoint et de ne contracter mariage que de son libre et plein consentement;

c)Les mêmes droits et les mêmes responsabilités au cours du mariage et lors de sa dissolution;

d)Les mêmes droits et les mêmes responsabilités en tant que parents, quel que soit leur état matrimonial, pour les questions se rapportant à leurs enfants; dans tous les cas, l’intérêt des enfants sera la considération primordiale;

e)Les mêmes droits de décider librement et en toute connaissance de cause du nombre et de l’espacement des naissances et d’avoir accès aux informations, à l’éducation et aux moyens nécessaires pour leur permettre d’exercer ces droits;

f)Les mêmes droits et responsabilités en matière de tutelle, de curatelle, de garde et d’adoption des enfants, ou d’institutions similaires, lorsque ces concepts existent dans la législation nationale; dans tous les cas, l’intérêt des enfants sera la considération primordiale;

g)Les mêmes droits personnels au mari et à la femme, y compris en ce qui concerne le choix du nom de famille, d’une profession et d’une occupation;

h)Les mêmes droits à chacun des époux en matière de propriété, d’acquisition, de gestion, d’administration, de jouissance et de disposition des biens, tant à titre gratuit qu’à titre onéreux;

2.Les fiançailles et les mariages d’enfants n’auront pas d’effets juridiques, et toutes les mesures nécessaires, y compris des dispositions législatives, seront prises afin de fixer un âge minimal pour le mariage et de rendre obligatoire l’inscription du mariage sur un registre officiel.

Observations

Vie sociale et vie domestique

11.La vie sociale et la vie domestique ont toujours été considérées comme des sphères différentes et régies en conséquence. Dans toutes les sociétés, les activités privées ou domestiques, traditionnellement réservées aux femmes, sont depuis longtemps considérées comme inférieures.

12.Ces activités étant pourtant indispensables à la survie de la société, il est absolument injustifiable de les régir autrement que les autres, par des lois ou des coutumes différentes ou discriminatoires. Les rapports des États parties révèlent que certains pays n’ont pas encore établi l’égalité de droit entre les sexes: la femme ne peut pas disposer des ressources au même titre que l’homme et n’est pas considérée comme l’égale de celui‑ci, ni dans la famille, ni dans la société. Même dans les sociétés où cette égalité est établie par la loi, les femmes se voient toujours assigner des rôles différents de ceux des hommes et considérés comme inférieurs. Cela contrevient aux principes de justice et d’égalité énoncés dans la Convention, en particulier à l’article 16, mais aussi aux articles 2, 5 et 24.

Diverses formes de la famille

13.La notion de famille et la forme que peut prendre la cellule familiale ne sont pas identiques dans tous les pays et varient parfois d’une région à l’autre à l’intérieur d’un même pays. Mais quelle que soit la forme que prend la famille, quels que soient le système juridique, la religion ou la tradition du pays, les femmes doivent, dans la loi et dans les faits, être traitées dans la famille selon les principes d’égalité et de justice consacrés par l’article 2 de la Convention et qui s’appliquent à tous les individus.

Polygamie

14.On constate dans les rapports des États parties qu’un certain nombre de pays conservent la pratique de la polygamie. La polygamie est contraire à l’égalité des sexes et peut avoir de si graves conséquences affectives et financières pour la femme et les personnes à sa charge qu’il faudrait décourager et même interdire cette forme de mariage. Il est inquiétant de constater que certains États parties, dont la Constitution garantit pourtant l’égalité des droits des deux sexes, autorisent la polygamie, soit par conviction, soit pour respecter la tradition, portant ainsi atteinte aux droits constitutionnels des femmes et en infraction à la disposition 5 a) de la Convention.

Article 16, paragraphe 1, alinéas a et b

15.Si la plupart des pays se conforment à la Convention dans leur constitution et leur législation nationales, dans le concret en revanche, ils contreviennent à cet instrument par leurs coutumes et traditions et par les carences dans l’application de la loi.

16.Il est capital pour la vie d’une femme et pour sa dignité d’être humain à l’égal des autres que cette femme puisse choisir son époux et se marier de sa propre volonté. Il ressort des rapports des États parties que certains pays, pour respecter la coutume, les convictions religieuses ou les idées traditionnelles de communautés particulières, tolèrent les mariages ou remariages forcés. Dans d’autres pays, les mariages sont arrangés contre paiement ou avantages, ou bien encore les femmes, pour fuir la pauvreté, se trouvent dans la nécessité d’épouser des étrangers qui leur offrent une sécurité financière. Sauf lorsqu’il existe un motif contraire valable, par exemple l’âge prématuré de la femme ou des raisons de consanguinité, la loi doit protéger le droit qu’a la femme de choisir ou non le mariage, quand elle le veut et avec qui elle veut, et assurer l’exercice concret de ce droit.

Article 16, paragraphe 1, alinéa c

17.Il ressort des rapports que de nombreux États parties établissent juridiquement les droits et responsabilités des conjoints en se fondant sur les principes de la common law, le droit religieux ou le droit coutumier et non pas sur les principes énoncés dans la Convention. Ces divergences avec les principes de la Convention, dans le droit et dans les faits, ont de multiples conséquences pour les femmes, ayant invariablement pour effet d’amoindrir leur statut et leurs responsabilités dans le mariage. Ces restrictions aux droits des femmes font que l’époux est souvent considéré comme le chef de famille et que c’est d’abord à lui que reviennent les décisions; elles sont par conséquent contraires aux dispositions de la Convention.

18.De plus, l’union libre n’est en général pas protégée du tout par la loi. La législation devrait assurer à la femme dans cette situation l’égalité avec l’homme, dans la famille et dans le partage des revenus et des biens. La femme vivant en union libre devrait aussi avoir les mêmes droits et les mêmes responsabilités que l’homme en ce qui concerne l’éducation des enfants à charge ou lorsqu’il faut s’occuper de membres de la famille.

Article 16, paragraphe 1, alinéas  d et  f

19.Comme le prévoit le paragraphe b) de l’article 5, la plupart des États reconnaissent le partage des responsabilités des parents à l’égard de leurs enfants, aussi bien en ce qui concerne les soins et la protection que l’entretien. Le principe selon lequel «l’intérêt supérieur de l’enfant sera la considération primordiale» figure dans la Convention relative aux droits de l’enfant (résolution 44/25 de l’Assemblée générale, annexe) et semble être maintenant universellement accepté. Toutefois, dans la pratique, certains pays n’appliquent pas le principe consistant à accorder à des parents non mariés le même statut. Les enfants nés de telles unions ne jouissent pas toujours du même statut que ceux nés dans le mariage et, lorsque les mères sont divorcées ou séparées, de nombreux pères n’assument pas leur part de la responsabilité des soins, de la protection et de l’entretien de leurs enfants.

20.Les droits et responsabilités partagés énoncés dans la Convention devraient être garantis par la loi et, selon le cas, par des notions juridiques de tutelle, curatelle, garde et adoption. Les États parties devraient incorporer dans leur législation des dispositions établissant l’égalité des droits et responsabilités des deux parents, indépendamment de leur statut matrimonial, vis‑à‑vis de leurs enfants, qu’ils vivent avec eux ou non.

Article 16, paragraphe 1, alinéa  e

21.Le fait de porter et d’élever des enfants limite l’accès des femmes à l’éducation, à l’emploi et à d’autres activités d’épanouissement personnel. Il leur impose également une charge de travail disproportionnée. Le nombre et l’espacement des naissances ont la même incidence sur la vie des femmes et affectent leur santé physique et mentale comme celle de leurs enfants. Les femmes ont donc le droit de décider du nombre et de l’espacement des naissances.

22.Certains rapports font état de pratiques coercitives qui ont de graves conséquences pour les femmes, telles que la procréation, l’avortement ou la stérilisation forcés. La décision d’avoir ou non des enfants, même si elle doit de préférence être prise en consultation avec le conjoint ou le partenaire, ne peut toutefois être limitée par le conjoint, un parent, le partenaire ou l’État. Pour pouvoir décider en connaissance de cause d’avoir recours à des mesures de contraception sans danger et efficaces, les femmes doivent être informées des moyens de contraception et de leur utilisation et avoir un accès garanti à l’éducation sexuelle et aux services de planification de la famille, comme le prévoit le paragraphe h) de l’article 10 de la Convention.

23.Il est largement admis que l’existence de moyens appropriés de régulation volontaire des naissances accessibles à tous est bénéfique pour la santé, le développement et le bien‑être de tous les membres de la famille. Ces services contribuent en outre à améliorer la qualité générale de la vie et la santé de la population, à préserver l’environnement, par le biais de la limitation volontaire de l’accroissement démographique, et à instaurer un développement économique et social durable.

Article 16, paragraphe 1, alinéa  g

24.Une famille stable est celle qui est fondée sur l’équité, la justice et l’épanouissement individuel de chacun de ses membres. Chaque partenaire doit donc avoir le libre choix d’exercer une profession ou un emploi correspondant à ses propres intérêts, aptitudes, qualifications et aspirations, comme le prévoient les alinéas a et c de l’article 11 de la Convention. De même, chaque partenaire devrait pouvoir choisir son propre nom, préservant ainsi son individualité, son identité personnelle dans la communauté et le distinguant des autres membres de la société. Lorsque, en cas de mariage ou de divorce, la loi ou la coutume oblige une femme à changer de nom, cette dernière est privée de ces droits.

Article 16, paragraphe 1, alinéa  h

25.Les droits visés à cet alinéa recoupent et complètent ceux qui sont énoncés au paragraphe 2 de l’article 15, qui impose aux États l’obligation de donner à la femme les mêmes droits de conclure des contrats et d’administrer des biens.

26.Le paragraphe 1 de l’article 15 garantit l’égalité des femmes et des hommes devant la loi. Le droit de posséder, de gérer des biens, d’en jouir et d’en disposer est un élément essentiel du droit pour la femme de jouir de son indépendance financière et, dans bien des pays, ce droit sera indispensable pour lui permettre de se doter de moyens d’existence et d’assurer un logement et une alimentation suffisante pour elle‑même et pour sa famille.

27.Dans les pays qui ont mis en œuvre une réforme agraire ou un programme de redistribution des terres, il conviendrait de respecter rigoureusement le droit de la femme de posséder à égalité avec l’homme et, indépendamment de son statut marital, une part des terres ainsi redistribuées.

28.Dans la plupart des pays, une proportion importante de femmes sont célibataires ou divorcées et ont parfois une famille à charge. Toute discrimination dans la répartition des biens, qui serait fondée sur le postulat que l’homme est seul responsable d’assurer la subsistance des femmes et des enfants qui composent sa famille et qu’il est apte et résolu à s’acquitter honorablement de cette responsabilité, n’est évidemment pas réaliste. En conséquence, toute loi ou coutume qui accorde à l’homme le droit d’avoir une part plus grande des biens à la fin du mariage ou à la cessation d’une union de fait, ou à la mort d’un parent, est discriminatoire et aura une incidence sérieuse sur la possibilité pratique pour la femme de divorcer, de subvenir à ses besoins ou ceux de sa famille et de vivre dignement en personne indépendante.

29.Tous ces droits devraient être garantis quelle que soit la situation matrimoniale de la femme.

Biens matrimoniaux

30.Il y a des pays qui ne reconnaissent pas le droit des femmes de posséder une part égale des biens avec l’époux durant le mariage ou une union de fait et lorsque ce mariage ou cette union prend fin. De nombreux pays reconnaissent ce droit, mais la possibilité pratique pour la femme de l’exercer peut être limitée par la jurisprudence ou la coutume.

31.Même lorsque ces droits sont reconnus à la femme et que les tribunaux les appliquent, les biens possédés par la femme durant le mariage ou au moment du divorce peuvent être administrés par l’homme. Dans de nombreux pays, y compris ceux qui appliquent un régime de communauté des biens, il n’y a pas d’obligation légale de consultation de la femme lorsque les biens possédés par l’une et l’autre partie pendant le mariage ou l’union de fait sont vendus ou qu’il en est disposé de toute autre façon. Cette disposition limite la possibilité pour la femme de contrôler la disposition des biens ou le revenu qui en découle.

32.Dans certains pays, en ce qui concerne la répartition des biens matrimoniaux, l’accent est placé davantage sur les contributions financières à l’acquisition de biens pendant le mariage, et d’autres contributions telles que l’éducation des enfants, les soins aux parents âgés et les dépenses du ménage sont minimisées. Souvent, les contributions non pécuniaires de la femme permettent à l’époux de s’assurer un revenu et d’augmenter les avoirs. Les contributions financières et non pécuniaires devraient avoir le même poids.

33.Dans de nombreux pays, les biens acquis au cours d’une union de fait ne sont pas traités par la loi de la même façon que ceux acquis au cours du mariage. Invariablement, si cette union cesse, la femme reçoit une part bien inférieure à celle de son partenaire. Les lois et coutumes relatives à la propriété qui prévoient une telle discrimination à l’encontre des femmes, mariées ou non, avec ou sans enfants, devraient être annulées et découragées.

Succession

34.Les rapports des États parties devraient comporter des commentaires sur les dispositions légales ou coutumières relatives à la succession ayant une incidence sur le statut des femmes, conformément aux dispositions de la Convention et à la résolution 884 D (XXXIV) du Conseil économique et social, qui recommande aux États de veiller à ce que les hommes et les femmes, au même degré de parenté avec une personne décédée, aient droit à des parts égales de l’héritage et à un rang égal dans l’ordre de succession. Cette disposition n’a pas été largement appliquée.

35.Il existe de nombreux pays où la législation et la pratique en matière de succession et de propriété engendrent une forte discrimination à l’égard des femmes. En raison de cette inégalité de traitement, les femmes peuvent recevoir une part plus faible des biens de l’époux ou du père à son décès que ne recevrait un veuf ou un fils. Dans certains cas, les femmes ont des droits limités et contrôlés et ne reçoivent qu’un revenu provenant des biens du défunt. Souvent, les droits à l’héritage pour les veuves ne sont pas conformes aux principes de la propriété égale des biens acquis durant le mariage. Ces pratiques sont contraires à la Convention et devraient être éliminées.

Article 16 2)

36.Dans la Déclaration et le Programme d’action de Vienne adoptés par la Conférence sur les droits de l’homme, tenue à Vienne du 14 au 25 juin 1993, il est demandé aux États d’abroger les lois et règlements en vigueur et d’éliminer les coutumes et pratiques qui sont discriminatoires et préjudiciables à l’endroit des filles. L’article 16, à son paragraphe 2, et les dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant interdisent aux États parties d’autoriser un mariage entre des personnes mineures ou d’accorder la validité à un tel mariage. La Convention stipule qu’«un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de 18 ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable». En dépit de cette définition, et compte tenu des dispositions de la Déclaration de Vienne, le Comité estime que l’âge légal pour le mariage devrait être de 18 ans pour l’homme et la femme. Lorsque les hommes et les femmes se marient, ils assument d’importantes responsabilités. Ils ne devraient donc pas pouvoir se marier avant d’être en pleine maturité et capacité d’agir. Selon l’OMS, lorsque les mineurs, en particulier les filles, se marient et ont des enfants, leur santé peut en souffrir, ainsi que leur éducation, ce qui réduit leur autonomie économique.

37.Le mariage précoce a non seulement des répercussions sur l’équilibre personnel des femmes, mais aussi sur le développement de leurs capacités et leur indépendance, et il réduit leur accès à l’emploi, ce qui a des répercussions négatives pour leur famille et leur communauté.

38.Certains pays fixent un âge différent pour le mariage de l’homme et de la femme. Étant donné qu’elles partent du principe erroné que les femmes se développent à un rythme différent des hommes sur le plan intellectuel ou que le stade de leur développement physique et intellectuel est sans importance, ces dispositions devraient être abrogées. Dans d’autres pays, les fiançailles des filles et les engagements pris par les membres de leur famille en leur nom sont autorisés. Ces pratiques sont contraires aux dispositions de la Convention, ainsi qu’au droit de la femme de choisir librement un partenaire.

39.Les États parties doivent rendre l’enregistrement de tous les mariages obligatoire, qu’ils soient contractés civilement ou suivant la coutume ou un rite religieux. Les États seraient ainsi en mesure de faire respecter les dispositions de la Convention et les lois qui garantissent l’égalité entre les partenaires ainsi qu’un âge légal pour le mariage et qui interdisent la bigamie ou la polygamie et qui garantissent la protection des droits des enfants.

Recommandations

La violence à l’égard des femmes

40.S’agissant de la place qu’occupe la femme dans la vie de la famille, le Comité tient à souligner que les dispositions de la Recommandation générale no 19 (onzième session) concernant la violence à l’égard des femmes revêtent une grande importance en ce qui concerne l’aptitude des femmes à jouir des droits et libertés dans les mêmes conditions que les hommes. Les États parties sont instamment priés de se conformer à cette recommandation générale pour faire en sorte que, dans la vie publique et dans la vie de famille, les femmes soient affranchies de la violence qui s’exerce contre elles et qui entrave si gravement leurs droits et libertés individuels.

Réserves

41.Le Comité a noté avec inquiétude qu’un grand nombre d’États parties avaient formulé des réserves à l’égard de certains paragraphes ou de l’ensemble de l’article 16 et qu’ils les avaient assorties d’une réserve à l’égard de l’article 2, parce que ses dispositions n’étaient pas compatibles avec leur conception générale de la famille compte tenu notamment de la culture, de la religion, de la situation économique et des institutions politiques de leur pays.

42.Beaucoup de ces pays sont attachés à une conception patriarcale de la famille qui attribue au père, au mari ou au fils un rôle prédominant. Dans certains pays, où des idées fondamentalistes ou d’autres idées extrémistes ou la crise économique ont favorisé un retour aux valeurs et traditions du passé, la place des femmes dans la famille s’est nettement dégradée. Dans d’autres, où il a été reconnu qu’une société moderne devait, pour le progrès économique et le bien‑être général de la communauté, associer tous les adultes sur un pied d’égalité sans considération de sexe, ces tabous et idées réactionnaires ou extrémistes ont été progressivement découragés.

43.Conformément aux articles 2, 3 et 24 en particulier, le Comité demande que tous les États parties favorisent une évolution progressive en décourageant résolument la notion d’inégalité des femmes au sein de la famille, pour en arriver à retirer leurs réserves concernant notamment les articles 9, 15 et 16 de la Convention.

44.Les États parties devraient décourager résolument toute notion d’inégalité entre les hommes et les femmes, consignée dans les lois et pratiques réglementaires, coutumières ou religieuses et parvenir à un stade où les réserves, notamment à l’article 16, seront retirées.

45.Le Comité a noté, en examinant les rapports périodiques initiaux et les rapports ultérieurs, que dans certains États parties à la Convention qui l’avaient ratifiée ou y avaient adhéré sans faire de réserves, certaines lois, en particulier celles qui ont trait à la famille, ne sont pas vraiment conformes aux dispositions de la Convention.

46.Ces lois prévoient encore de nombreuses mesures discriminatoires envers les femmes, qui sont fondées sur des normes, des coutumes et des préjugés socioculturels. Ces États, qui sont dans une situation particulière en ce qui concerne ces articles, ne facilitent pas au Comité sa tâche d’évaluation et de compréhension de la condition des femmes.

47.En s’appuyant particulièrement sur les articles 1 et 2 de la Convention, le Comité demande à ces États parties de s’efforcer dûment d’examiner la situation de fait dans ce domaine et d’introduire les mesures nécessaires dans leur législation nationale si celle‑ci contient toujours des dispositions discriminatoires envers les femmes.

Rapports

48.Compte tenu des observations figurant dans la présente recommandation générale, les États parties devraient dans leur rapport:

a)Indiquer à quelle étape du processus devant aboutir au retrait de toutes les réserves concernant la Convention, et en particulier à l’article 16, le pays est arrivé.

b)Indiquer si leurs lois sont conformes aux principes énoncés aux articles 9, 15 et 16 et les cas où les lois et pratiques religieuses, réglementaires ou coutumières rendent impossible le respect du droit ou des dispositions de la Convention.

Législation

49.Les États parties devraient promulguer et faire appliquer les lois nécessaires pour respecter les dispositions de la Convention et en particulier les articles 9, 15 et 16.

Promotion du respect de la Convention

50.Compte tenu des observations figurant dans la présente recommandation générale et comme l’exigent les articles 2, 3 et 24, les États parties devraient prendre des mesures pour encourager le respect intégral des principes de la Convention, notamment lorsque les lois et pratiques réglementaires, coutumières ou religieuses vont à leur encontre.

Quatorzième session (1995)*

Recommandation générale n o  22: Modification de l’article 20 de la Convention

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,

Notant que les États parties à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, sur la demande de l’Assemblée générale, se réuniront dans le courant de 1995 pour envisager de modifier l’article 20 de la Convention,

Rappelant la décision qu’il a prise précédemment, lors de sa dixième session, pour faire en sorte que ses travaux soient efficaces et éviter qu’il ne s’accumule un arriéré trop important de rapports des États parties en attente d’examen,

Rappelant que la Convention est l’un des instruments internationaux relatifs aux droits individuels qui ont été ratifiés par le plus grand nombre d’États parties,

Considérant que les articles de la Convention visent les droits fondamentaux de la femme dans tous les aspects de sa vie quotidienne et dans tous les domaines de la société et des affaires publiques,

Préoccupé par la charge de travail qui résulte pour le Comité du nombre croissant de ratifications et de l’arriéré des rapports restant à examiner, comme on peut le voir à l’annexe I,

Préoccupé aussi par la longueur des délais qui s’écoulent entre la présentation des rapports par les États parties et l’examen de ces rapports, qui oblige les États à fournir des informations complémentaires pour actualiser ces rapports,

Conscient que le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes est le seul organe créé en vertu d’instruments relatifs aux droits de l’homme dont les sessions soient limitées dans leur durée par la Convention, et que de tous les organes créés en vertu de traités relatifs aux droits de l’homme, il dispose du temps de réunion le plus court, comme on peut le voir à l’annexe II,

Notant que les limites imposées à la durée des sessions par la Convention constituent désormais un grave obstacle qui empêche le Comité de s’acquitter efficacement des fonctions qui lui sont imparties par la Convention,

1.Recommande que les États parties envisagent sous un jour favorable la modification éventuelle de l’article 20 de la Convention en ce qui concerne la durée des réunions du Comité, afin qu’il puisse se réunir tous les ans pendant la durée nécessaire pour s’acquitter efficacement des fonctions qui lui sont imparties par la Convention, sans restrictions expresses autres que celles dont déciderait l’Assemblée générale;

2.Recommande également que l’Assemblée générale, en attendant la fin du processus de modification de l’article 20, autorise le Comité, à titre exceptionnel, à tenir en 1996 deux sessions d’une durée de trois semaines chacune, qui seraient précédées chacune de réunions de groupes de travail de présession;

3.Recommande en outre que le Président du Comité explique oralement à la réunion des États parties les difficultés auxquelles se heurte le Comité dans l’exercice de ses fonctions;

4.Recommande que le Secrétaire général mette à la disposition de tous les États parties, lors de leur réunion, tous les renseignements voulus sur la charge de travail du Comité, et, aux fins de comparaison, des informations relatives aux autres organes créés en vertu de traités sur les droits de l’homme.

Seizième session (1997)*

Recommandation générale n o  23: La vie politique et publique

Les États parties prennent toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans la vie politique et publique du pays et, en particulier, leur assurent, dans des conditions d’égalité avec les hommes, le droit:

a)De voter à toutes les élections et dans tous les référendums publics et être éligibles à tous les organismes publiquement élus;

b)De prendre part à l’élaboration de la politique de l’État et à son exécution, occuper des emplois publics et exercer toutes les fonctions publiques à tous les échelons du gouvernement;

c)De participer aux organisations et associations non gouvernementales s’occupant de la vie publique et politique du pays.

Vue d’ensemble

1.La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes met tout particulièrement l’accent sur la participation des femmes à la vie publique de leur pays. Le préambule de la Convention dispose notamment ce qui suit:

«Rappelant que la discrimination à l’encontre des femmes viole les principes de l’égalité des droits et du respect de la dignité humaine, qu’elle entrave la participation des femmes, dans les mêmes conditions que les hommes, à la vie politique, sociale, économique et culturelle de leur pays, qu’elle fait obstacle à l’accroissement du bien‑être de la société et de la famille et qu’elle empêche les femmes de servir leur pays et l’humanité dans toute la mesure de leurs possibilités.».

2.La Convention réaffirme en outre dans son préambule l’importance de la participation des femmes à la prise de décisions, comme suit:

«Convaincus que le développement complet d’un pays, le bien‑être du monde et la cause de la paix demandent la participation maximale des femmes, à égalité avec les hommes, dans tous les domaines.».

3.En outre, l’article premier de la Convention dispose que

«L’expression “discrimination à l’égard des femmes” vise toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil et dans tout autre domaine.».

4.D’autres conventions, déclarations et analyses internationales accordent une grande importance à la participation des femmes à la vie publique et constituent un cadre de normes internationales en matière d’égalité. Il s’agit notamment de la Déclaration universelle des droits de l’homme, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de la Convention sur les droits politiques de la femme, de la Déclaration de Vienne, du paragraphe 13 de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing et des Recommandations nos 5 et 8 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, de l’Observation générale no 25 adoptée par le Comité des droits de l’homme, de la recommandation adoptée par le Conseil de l’Union européenne sur la participation des femmes et des hommes, dans des proportions équilibrées, au processus de prise de décisions, et du document de la Commission européenne sur la façon d’établir l’équilibre entre les sexes dans la prise de décisions politiques.

5.L’article 7 fait obligation aux États parties de prendre toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans la vie politique et publique et à faire en sorte qu’elles soient sur un pied d’égalité avec les hommes dans tous les aspects de ladite vie. Cette obligation s’étend à tous les domaines et ne se limite pas à ceux mentionnés aux paragraphes a), b) et c). La vie politique et publique d’un pays est un vaste concept qui, d’une part, recouvre l’exercice du pouvoir politique, notamment législatif, judiciaire, exécutif et administratif et concerne tous les aspects de l’administration publique ainsi que la formulation et la mise en œuvre des politiques aux niveaux international, national, régional et local et, d’autre part, englobe les nombreuses activités de la société civile − conseils publics et organisations telles que partis politiques, syndicats, associations professionnelles, organismes féminins et communautaires et autres entités jouant un rôle dans la vie publique et politique.

6.Pour que cette égalité devienne réalité, la Convention insiste sur la nécessité de disposer d’un système politique permettant à tous les citoyens de voter et d’être élus lors d’authentiques élections tenues périodiquement et basées sur le suffrage universel au scrutin secret, garantissant la libre expression de la volonté de l’électorat, ainsi que le prévoient les instruments internationaux concernant les droits de l’homme, notamment l’article 21 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et l’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

7.L’accent mis par la Convention sur l’importance de l’égalité des chances et d’une participation égale à la vie publique et à la prise de décisions a amené le Comité à revoir l’article 7 et à suggérer aux États parties de tenir compte des observations et recommandations ci‑après lorsqu’ils examineraient leurs lois et politiques et feraient rapport au titre de la Convention.

Observations

8.Les sphères publique et privée de l’activité humaine ont toujours été considérées comme distinctes et ont été réglementées en conséquence. Invariablement, les femmes se sont vu assigner les tâches relevant du domaine privé ou familial, liées à la reproduction et à l’éducation des enfants et, dans toutes les sociétés, ces tâches ont été considérées comme inférieures. À l’inverse, les activités publiques, qui sont variées, respectées et honorées ne relèvent pas du domaine privé ou familial. Les hommes ont toujours dominé la vie publique et exercé le pouvoir afin de tenir les femmes à l’écart de la sphère publique et dans un état de subordination en les reléguant au domaine privé.

9.Malgré le rôle central joué par les femmes au niveau de la famille et de la société et leur contribution au développement, elles ont été exclues de la vie politique et du processus de prise de décisions qui déterminent pourtant leur mode de vie quotidien et l’avenir des sociétés. En période de crise tout particulièrement, cette situation d’exclusion a empêché les femmes de s’exprimer et rendu invisibles leur contribution et leurs expériences.

10.Dans tous les pays, ce sont le cadre culturel de valeurs et de croyances religieuses, l’absence de services et la non‑participation des hommes aux tâches ménagères et aux soins et à l’éducation des enfants qui ont le plus empêché les femmes de participer à la vie publique. Dans tous les pays, les traditions culturelles et les convictions religieuses ont contribué à limiter les femmes à des activités d’ordre privé et à les empêcher de participer activement à la vie publique.

11.Alléger quelque peu le fardeau des tâches ménagères qui incombent aux femmes permettrait à ces dernières de participer davantage à la vie de leur communauté. La dépendance économique des femmes vis‑à‑vis des hommes les empêche souvent de prendre des décisions politiques importantes et de participer activement à la vie publique. Le double fardeau que représentent pour elles le travail et la dépendance économique, ainsi que les longues heures de travail et la rigidité des horaires inhérentes aux activités publiques et politiques les empêchent d’être plus actives.

12.Les stéréotypes, notamment ceux perpétués par les médias, limitent les femmes jouant un rôle dans la vie politique à des questions telles que l’environnement, les enfants, la santé, et leur enlèvent toute responsabilité dans les domaines financier, budgétaire et du règlement des conflits. La faible représentativité des femmes dans les professions qui sont une pépinière de politiciens peut constituer un autre obstacle. Dans les pays où les femmes exercent un pouvoir, ce fait est parfois attribuable à l’influence d’un père, d’un mari ou de tout autre membre de leur famille de sexe masculin plutôt qu’à un succès électoral qu’elles auraient remporté elles‑mêmes.

Les systèmes politiques

13.Le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes est inscrit dans la constitution et la législation de la plupart des pays et dans tous les instruments internationaux. Il n’en reste pas moins que, ces 50 dernières années, les femmes ne sont pas parvenues à l’égalité avec les hommes et que l’inégalité dont elles sont traditionnellement victimes s’est aggravée en raison de leur faible degré de participation à la vie publique et politique. Les politiques et les décisions, lorsqu’elles sont exclusivement le fait des hommes, ne témoignent que d’une partie de l’expérience et des possibilités de l’espèce humaine. Il faut donc, pour organiser la société avec justice et efficacité, que tous et toutes participent activement à la vie publique.

14.Or, aucun système politique ne confère aux femmes à la fois le droit et les moyens d’y participer dans des conditions d’égalité. Les systèmes démocratiques leur offrent bien davantage de possibilités qu’auparavant de participer à la vie politique mais les nombreux obstacles économiques, sociaux et culturels auxquels elles continuent de se heurter les empêchent dans une très large mesure de le faire. Même les démocraties historiquement stables ne sont pas parvenues à tenir pleinement compte des opinions et des intérêts de la moitié féminine de la population. Une société dans laquelle les femmes sont exclues de la vie publique et de la prise de décisions ne peut être tenue pour démocratique. Le concept de démocratie n’aura de signification réelle et dynamique et d’effet durable que lorsque les décisions politiques seront prises à la fois par les femmes et par les hommes et tiendront également compte des intérêts des unes et des autres. L’examen des rapports soumis par les États parties montre que lorsqu’il y a pleine participation des femmes à la vie publique et à la prise de décisions, leurs droits sont mieux appliqués et la Convention mieux respectée.

Les mesures temporaires spéciales

15.L’élimination des obstacles juridiques, bien que nécessaire, ne suffit pas. Le fait que les femmes ne participent pas pleinement et à égalité avec les hommes à la vie publique ne résulte pas nécessairement d’une volonté délibérée de les en empêcher mais peut découler de pratiques et de procédures dépassées qui favorisent les hommes sans qu’on y prenne garde. Aux termes de l’article 4, la Convention encourage le recours à des mesures temporaires spéciales afin de donner plein effet aux articles 7 et 8. Dans les pays qui se sont dotés de stratégies temporaires visant à permettre aux femmes de participer à la vie publique dans des conditions d’égalité, une large gamme de mesures ont été prises, qui consistent notamment à recruter, aider financièrement et former les candidates à des élections, à modifier le mode de scrutin, à organiser des campagnes promouvant l’égalité des femmes avec les hommes dans la vie publique, à fixer des objectifs quantitatifs et des quotas et à nommer des femmes à des postes publics dans l’administration judiciaire et dans d’autres secteurs professionnels jouant un rôle de premier plan dans la vie sociale. L’élimination de ces obstacles et l’adoption de mesures temporaires spéciales visant à favoriser la participation des femmes et des hommes à la vie publique dans des proportions égales sont des conditions préalables indispensables à une authentique égalité politique. Toutefois, si l’on veut effacer des siècles de domination masculine dans les affaires publiques, il faut que tous les secteurs de la société encouragent et aident les femmes à sortir de l’ornière et que les États parties à la Convention ainsi que les partis politiques et les personnalités publiques ouvrent la voie dans ce domaine. Les États parties sont tenus de s’assurer que les mesures temporaires spéciales qu’ils prennent sont expressément conçues pour favoriser le respect du principe d’égalité et donc conformes aux principes constitutionnels garantissant l’égalité de tous les citoyens.

Résumé

16.Comme l’a souligné le Programme d’action de Beijing5, le problème crucial est le fossé qu’il y a entre la situation de droit et la situation de fait, c’est‑à‑dire entre le droit des femmes de participer à la vie politique et à la vie publique en général et la réalité. Des études montrent que lorsque la participation des femmes atteint 30 à 35 % (ce que l’on appelle généralement la «masse critique»), la manière de faire de la politique et la teneur des décisions s’en trouvent modifiées et la vie politique prend un nouvel essor.

17.Pour pouvoir être largement représentées dans la vie publique, les femmes doivent jouir de la pleine égalité avec les hommes dans l’exercice du pouvoir politique et économique; elles doivent prendre part pleinement et dans des conditions d’égalité à la prise de décisions à tous les niveaux, tant nationaux qu’internationaux, afin de pouvoir contribuer à la réalisation des objectifs que sont l’égalité, le développement et l’instauration de la paix. C’est dans une perspective non sexiste qu’il faut agir si l’on veut atteindre ces objectifs et garantir l’existence d’une démocratie authentique. Autrement dit, il est indispensable de faire participer les femmes à la vie publique si l’on veut bénéficier de leur contribution, protéger effectivement leurs intérêts et faire en sorte que chacun(e) puisse effectivement exercer ses droits fondamentaux sans distinction de sexe. La pleine participation des femmes à la vie publique est la condition indispensable non seulement de leur démarginalisation mais aussi du progrès de la société dans son ensemble.

Le droit de voter et d’être éligible (art. 7, par. a))

18.La Convention fait obligation aux États parties de modifier leur constitution ou leur législation afin que les femmes, sur la base de l’égalité avec les hommes, puissent exercer le droit de voter à toutes les élections et dans tous les référendums publics, qui doit leur être reconnu aussi bien de jure que de facto.

19.L’examen des rapports soumis par les États parties montre que si la quasi‑totalité de ces derniers ont adopté des dispositions constitutionnelles ou juridiques garantissant aux femmes et aux hommes le même droit de voter à toutes les élections et dans tous les référendums publics, les femmes n’en continuent pas moins d’éprouver des difficultés à exercer ce droit dans de nombreux pays.

20.Les facteurs qui font obstacle à l’exercice du droit de vote des femmes sont notamment les suivants:

a)Les femmes sont souvent moins bien informées que les hommes sur les candidats, les programmes des partis politiques et le mode de scrutin, du fait que les pouvoirs publics et les partis politiques ne leur fournissent pas les renseignements voulus. Parmi les autres facteurs importants qui empêchent les femmes d’exercer pleinement leur droit de vote dans des conditions d’égalité, on peut citer leur manque d’instruction, leur ignorance et leur incompréhension des systèmes politiques, et le fait qu’elles ne soient pas en mesure d’évaluer les incidences des programmes politiques et des politiques elles‑mêmes sur leur vie. De même, n’étant pas toujours au fait des droits, des responsabilités et des possibilités de changement que leur confère le droit de vote, elles ne sont pas toujours inscrites sur les registres électoraux;

b)En raison de la double charge de travail qui pèse sur elles et de problèmes d’argent, les femmes n’ont guère le temps ou les moyens de suivre les campagnes électorales et d’exercer tout à fait librement leur droit de vote;

c)Dans de nombreux pays, les traditions et cultures et les stéréotypes culturels et sociaux découragent les femmes d’exercer ce droit. Nombreux sont les hommes qui influencent les choix électoraux des femmes ou les leur imposent, soit par la persuasion, soit directement, y compris en votant en leur nom. Il convient d’empêcher de telles pratiques;

d)Parmi les autres facteurs qui, dans certains pays, empêchent les femmes de participer à la vie publique ou politique de leur communauté figurent les restrictions apportées à leur liberté de mouvement ou à leur droit de participer, les attitudes négatives que suscite généralement par participation des femmes à la vie politique ainsi que le manque de confiance de l’électorat vis‑à‑vis des femmes qui se portent candidates et le peu d’appui qu’il leur porte. Certaines femmes considèrent en outre que la participation à la vie politique est une faute de goût et évitent de participer aux campagnes politiques.

21.Ces facteurs expliquent en partie au moins le paradoxe selon lequel les femmes, bien que représentant la moitié de tous les électorats, n’exercent pas de pouvoir politique et ne constituent pas de formations chargées de défendre leurs intérêts ou d’infléchir les politiques adoptées par les pouvoirs publics, y compris celles qui sont discriminatoires à leur égard.

22.Le mode de scrutin, la répartition des sièges au Parlement, le choix de la circonscription ont des incidences importantes sur la proportion des femmes élues au Parlement. Les partis politiques doivent adopter les principes de l’égalité de chance et de la démocratie et s’efforcer d’équilibrer le nombre de candidatures d’hommes et de femmes.

23.L’exercice, par les femmes, du droit de vote ne devrait pas être soumis à des restrictions ou à des conditions qui ne s’appliquent pas aux hommes ou qui ont des répercussions disproportionnées sur elles. Par exemple, limiter le droit de vote aux personnes qui ont un certain niveau d’instruction, qui ont un minimum de qualifications ou qui savent lire et écrire n’est pas seulement déraisonnable parce que cela peut constituer une violation des droits fondamentaux mais aussi parce que cela peut avoir des répercussions disproportionnées sur les femmes et, par là même, être contraire aux dispositions de la Convention.

Le droit de prendre part à l’élaboration de la politique de l’État (art. 7, par. b))

24.La participation des femmes à l’élaboration de la politique de l’État reste généralement faible. Bien que d’importants progrès aient été accomplis et que l’égalité soit maintenant assurée dans certains pays, dans nombre d’entre eux cette participation s’est en fait réduite.

25.L’article 7, paragraphe b), stipule également que les États parties sont tenus d’assurer aux femmes le droit de prendre part à la formulation de la politique de l’État et d’être représentées dans tous les secteurs et à tous les échelons. Cela permettrait d’intégrer une démarche qui tienne compte de l’égalité des sexes dans l’élaboration de la politique de l’État.

26.Les États parties ont le devoir, dans les domaines qui sont de leur ressort, à la fois de nommer des femmes à des postes où des décisions sont prises à un niveau élevé et de consulter systématiquement les groupes qui représentent largement les vues et les intérêts des femmes en tenant compte de leur avis.

27.Les États parties ont en outre l’obligation de s’attacher à identifier et éliminer les obstacles à la pleine participation des femmes à la formulation de la politique de l’État, y compris la complaisance à l’égard de nominations qui ont un caractère purement symbolique et à l’égard de traditions et de coutumes qui découragent la participation des femmes. Si les femmes ne sont pas largement représentées aux échelons les plus élevés du gouvernement ou sont très peu consultées, voire pas du tout, l’action menée par l’État ne sera ni complète ni efficace.

28.Si les États parties sont généralement en mesure de nommer des femmes à des postes de haut niveau au sein des ministères et des administrations, les partis politiques ont de leur côté le devoir de veiller à ce que des femmes soient inscrites sur les listes des partis et présentées comme candidates à des élections dans des circonscriptions où elles ont de bonnes chances d’être élues. Les États parties devraient aussi dans la mesure du possible veiller à ce que des femmes soient recrutées dans les organismes consultatifs gouvernementaux, sur un pied d’égalité avec les hommes, et à ce que ces organismes tiennent compte, s’il y a lieu, de l’opinion des associations féminines représentatives. Les gouvernements ont une responsabilité fondamentale: appuyer ces initiatives afin d’éclairer et de guider l’opinion publique et de changer les attitudes qui impliquent une discrimination à l’égard des femmes ou découragent leur participation à la vie politique et publique.

29.Parmi les mesures adoptées par divers États parties en vue d’assurer aux femmes une participation égale, à des postes ministériels ou administratifs et comme membres d’organes consultatifs gouvernementaux, aux travaux des pouvoirs publics, on peut citer l’adoption d’une règle selon laquelle, lorsque des candidats potentiels ont les mêmes qualifications, la préférence devrait être donnée à une femme; l’adoption d’une règle selon laquelle la représentation de chacun des deux sexes ne devrait pas être inférieure à 40 % dans la composition d’un organisme public; la fixation de quotas pour les femmes ministres et celles occupant des emplois publics; la consultation d’organisations féminines pour assurer la présentation de candidatures de femmes compétentes à des postes dans des administrations et à des emplois publics et l’établissement et la tenue de registres de candidates afin de faciliter ce processus. Pour les organes consultatifs dont les membres sont nommés parmi des candidats désignés par des organisations privées, les États parties devraient encourager les organisations en question à soumettre des candidatures de femmes compétentes, aptes à siéger dans ces organes.

Le droit d’exercer des fonctions publiques à tous les échelons du gouvernement (art. 7, par. b))

30.L’examen des rapports périodiques des États parties montre que les femmes se voient refuser l’accès aux postes des échelons les plus élevés du gouvernement, de l’administration et de la fonction publiques, de la magistrature et de l’appareil judiciaire. Les femmes ne sont que rarement nommées à des postes de rang élevé et de responsabilité et, bien que dans certains pays leurs effectifs s’accroissent aux échelons inférieurs et dans des fonctions généralement associées au foyer ou à la famille, elles ne sont qu’une très faible minorité à occuper des postes de décision dans les domaines de la politique économique et du développement, des affaires politiques, de la défense, des missions de maintien de la paix ou de règlement des conflits, ou encore de l’interprétation et de l’élaboration du droit constitutionnel.

31.L’examen des rapports des États parties montre également que, dans certains cas, la loi empêche les femmes d’exercer les pouvoirs royaux, d’occuper la fonction de juge dans des tribunaux religieux ou traditionnels qui exercent leur juridiction au nom de l’État, ou d’être membres à part entière des forces armées. Ces dispositions constituent une discrimination à l’égard des femmes, empêchent la société de tirer parti des avantages qu’offrent leur participation et leurs aptitudes dans ces domaines de la vie communautaire et vont à l’encontre des principes de la Convention.

Le droit de participer aux organisations et associations non gouvernementales s’occupant de la vie publique et politique du pays (art. 7, par. c))

32.L’examen des rapports des États parties − dans les rares cas où ils contiennent des renseignements sur les partis politiques − montre que les femmes sont sous‑représentées ou cantonnées dans des rôles moins importants que ceux dévolus aux hommes. Les partis politiques jouant un rôle important dans la prise de décisions, les gouvernements devraient les encourager à examiner dans quelle mesure les femmes participent pleinement et sur un pied d’égalité à leurs activités et, si tel n’est pas le cas, à identifier les raisons de cette situation. Il convient d’encourager les partis politiques à adopter des mesures efficaces, notamment en fournissant des informations, des moyens financiers et autres ressources, pour éliminer les facteurs qui font obstacle à la pleine participation et à la juste représentation des femmes et garantir aux femmes dans la pratique la même possibilité de remplir des fonctions au sein des partis et d’être désignées comme candidates à des élections.

33.Les mesures adoptées par certains partis politiques consistaient notamment à réserver un certain nombre ou pourcentage minimum de postes à pourvoir par des femmes dans leurs organes directeurs, à établir un équilibre numérique entre les hommes et les femmes désignés pour les candidatures à des élections et à faire en sorte que les femmes ne soient pas systématiquement reléguées dans des circonscriptions moins favorables ou placées en fin de liste. Les États parties devraient veiller à autoriser expressément l’adoption de mesures temporaires répondant spécialement à ces objectifs dans le cadre des législations antidiscriminatoires ou d’autres mécanismes constitutionnels garantissant l’égalité.

34.D’autres organisations, notamment les syndicats et les partis politiques, ont l’obligation de montrer qu’ils sont attachés au principe de l’égalité des sexes dans leurs statuts, dans l’application de ces règles et dans la composition de leurs effectifs, et doivent compter sur une représentation équilibrée au sein de leur conseil d’administration afin de bénéficier de la participation totale et en toute équité de tous les secteurs de la société et de tirer parti de la contribution apportée par les deux sexes. Ces organisations, au même titre que les organisations non gouvernementales, peuvent également permettre aux femmes d’acquérir une formation fort utile qu’elles pourront mettre à profit pour jouer un rôle dans la vie politique, participer à toutes les activités et occuper des postes de responsabilité.

Article 8 (À l’échelon international)

Les États parties prennent toutes les mesures appropriées pour que les femmes, dans des conditions d’égalité avec les hommes et sans aucune discrimination, aient la possibilité de représenter leur gouvernement à l’échelon international et de participer aux travaux des organisations internationales.

Observations

35.Aux termes de l’article 8, les gouvernements sont tenus d’assurer la présence des femmes sur la scène internationale, à tous les niveaux et dans tous les domaines. Les femmes doivent notamment pouvoir s’occuper de questions économiques et militaires, de diplomatie multilatérale et bilatérale et faire partie des délégations officielles aux conférences internationales et régionales.

36.Il ressort de l’examen des rapports présentés par les États parties que les femmes sont gravement sous‑représentées dans les services diplomatiques de la plupart des gouvernements, en particulier aux niveaux les plus élevés. Il est fréquent que les femmes soient nommées dans des ambassades ne revêtant pas une importance capitale pour leur pays. Dans certains cas, les femmes font l’objet d’une discrimination au niveau des nominations à cause de leur situation matrimoniale. Dans d’autres cas, les prestations familiales dont bénéficient les diplomates de sexe masculin ne sont pas accordées aux femmes ayant des fonctions similaires. Lorsqu’il s’agit de carrières internationales, préférence est souvent donnée aux hommes car l’on suppose que les femmes ont des responsabilités familiales, notamment qu’elles devront s’occuper elles‑mêmes de leur famille et que cela les empêchera d’accepter le poste.

37.De nombreuses missions permanentes auprès de l’Organisation des Nations Unies et d’autres organisations internationales ne comptent pas de femmes parmi leurs diplomates et très peu aux niveaux les plus élevés. La situation est similaire lors des réunions d’experts et conférences qui définissent priorités, objectifs et programmes d’action internationaux et mondiaux. Les organismes des Nations Unies et diverses entités économiques, politiques et militaires de niveau régional sont devenus d’importants employeurs publics internationaux, mais là encore, les femmes restent une minorité reléguée aux postes subalternes.

38.La possibilité pour les femmes de représenter leur gouvernement à l’échelon international et de participer aux travaux des organisations internationales dans des conditions d’égalité avec les hommes se trouve fréquemment limitée faute de critères objectifs et de processus équitables de nomination et de promotion aux postes pertinents et dans les délégations officielles.

39.La mondialisation contemporaine fait de l’intégration des femmes et de leur participation aux travaux des organisations internationales, sur un pied d’égalité avec les hommes, une question de plus en plus importante. Il est impératif que les gouvernements et l’ensemble des organismes internationaux adoptent une perspective égalitaire et prennent en compte les droits des femmes. De nombreuses décisions essentielles sur des questions de portée mondiale, telles que le rétablissement de la paix et le règlement des conflits, les dépenses militaires et le désarmement nucléaire, le développement et l’environnement, l’aide étrangère et la restructuration économique, sont prises sans qu’y participent vraiment les femmes qui, par contre, apportent leur contribution au niveau non gouvernemental dans ces mêmes domaines.

40.La présence d’une «masse critique» de femmes dans les négociations internationales et les activités de maintien de la paix, à tous les niveaux de la diplomatie préventive, de la médiation, de l’assistance humanitaire et de la réconciliation sociale, dans les négociations de paix et au sein du système de justice criminelle internationale pourra changer les choses. S’agissant des conflits, notamment des conflits armés, il est nécessaire de prendre en compte les sexospécificités et de procéder à des analyses afin d’en comprendre les répercussions sur les intéressés en fonction de leur sexe.

Recommandations

Articles 7 et 8

41.Les États parties devraient faire en sorte que leur constitution et leur législation soient conformes aux principes de la Convention et, en particulier, à ceux énoncés aux articles 7 et 8.

42.Les États parties sont tenus de prendre toutes les mesures appropriées et, en particulier, de promulguer des lois conformes à leur constitution pour que des entités comme les partis politiques et les syndicats, qui ne sont pas toujours soumis directement à l’obligation de respecter la Convention, n’exercent pas de discrimination à l’égard des femmes et respectent les principes énoncés aux articles 7 et 8.

43.Les États parties devraient élaborer et mettre en œuvre des mesures temporaires spéciales qui garantissent aux femmes une représentation égale à celle des hommes dans tous les domaines stipulés aux articles 7 et 8.

44.Les États parties qui formulent des réserves aux articles 7 et 8 devraient expliquer la raison et l’effet de ces réserves, préciser si elles sont liées à des attitudes traditionnelles, coutumières ou stéréotypées concernant le rôle des femmes dans la société et indiquer les mesures qu’ils prennent pour modifier ces attitudes. Ils devraient aussi vérifier régulièrement si le maintien desdites réserves est justifié et inclure, dans leurs rapports, un calendrier indiquant les dates auxquelles ils prévoient de les retirer.

Article 7

45.S’agissant du paragraphe a) de l’article 7, les mesures à mettre en œuvre et dont il faudra assurer systématiquement le suivi doivent notamment viser à:

a)Faire en sorte que les femmes et les hommes occupent des emplois publics dans des proportions équilibrées;

b)Faire en sorte que les femmes comprennent la signification et l’importance du droit de vote et sachent comment l’exercer;

c)Faire en sorte de lever les obstacles à l’égalité entre les sexes, notamment ceux liés à l’analphabétisme, la langue et la pauvreté, et ceux qui s’opposent à la liberté de mouvement des femmes;

d)Aider les femmes qui se heurtent à de tels obstacles à exercer leur droit de voter et d’être éligible.

46.S’agissant du paragraphe b) de l’article 7, ces mesures doivent notamment viser à:

a)Garantir aux femmes une représentation égale à celle des hommes dans les instances chargées de formuler les politiques de l’État;

b)Faire en sorte que les femmes exercent effectivement leur droit d’occuper des emplois publics dans des conditions d’égalité;

c)Mettre en place des procédures de recrutement axées sur les femmes qui soient ouvertes et dont les résultats puissent être remis en question.

47.S’agissant du paragraphe c) de l’article 7, ces mesures doivent viser notamment à:

a)Promulguer des lois interdisant la discrimination à l’égard des femmes qui soient efficaces;

b)Encourager les organisations non gouvernementales et les associations civiles et politiques à se doter de stratégies visant à inciter les femmes à se faire représenter en leur sein et à participer à leurs travaux.

48.Lorsqu’ils rendent compte de l’application de l’article 7, les États parties devraient:

a)Décrire les mesures juridiques donnant effet aux droits qui y sont énoncés;

b)Fournir des précisions sur toute restriction apportée à l’exercice de ces droits, qu’elle résulte de dispositions juridiques ou de pratiques traditionnelles, religieuses ou culturelles;

c)Décrire les mesures prises en vue de vaincre les obstacles à l’exercice de ces droits;

d)Fournir des données statistiques ventilées par sexe indiquant la proportion de femmes exerçant effectivement ces droits;

e)Décrire les politiques à la formulation desquelles les femmes participent, y compris celles intéressant les programmes de développement, et préciser à quel niveau et dans quelle proportion intervient cette participation;

f)S’agissant du paragraphe c) de l’article 7, indiquer dans quelle proportion les femmes adhèrent aux organisations non gouvernementales de leur pays, notamment les organisations de femmes;

g)Examiner dans quelle mesure l’État partie fait en sorte que ces organisations soient consultées et étudier l’impact des conseils qu’elles fournissent à toutes les étapes de la formulation et de la mise en œuvre des politiques gouvernementales;

h)Fournir des informations sur la sous‑représentation des femmes dans les partis politiques et leurs instances dirigeantes, dans les syndicats et dans les organisations et associations professionnelles et analyser les facteurs qui y contribuent.

Article 8

49.S’agissant de cet article, les mesures qu’il faudrait élaborer et mettre en œuvre et dont il faudrait assurer le suivi afin d’en vérifier l’efficacité doivent viser à établir un meilleur équilibre entre les sexes dans la composition de tous les organes des Nations Unies − dont les grandes commissions de l’Assemblée générale, le Conseil économique et social et les organes spécialisés, parmi lesquels ceux créés en vertu de traités − et lorsqu’il s’agit de nommer les membres de groupes de travail indépendants ou des rapporteurs spéciaux chargés d’étudier la situation dans les pays ou traitant de questions thématiques.

50.Lorsqu’ils rendent compte de l’application de l’article 8, les États parties devraient:

a)Fournir des statistiques ventilées par sexe indiquant la proportion de femmes qui occupent un emploi dans les services gouvernementaux installés à l’étranger, représentent leur gouvernement à l’échelle internationale ou travaillent en son nom − dans le cadre de délégations nationales auprès de conférences internationales et d’opérations de maintien de la paix ou de tentatives de règlement de conflits − et préciser l’ancienneté de ces femmes dans ce secteur;

b)Décrire les efforts qui sont faits en vue d’établir des critères et des procédures de nomination et de promotion des femmes dans le secteur susmentionné qui soient objectifs;

c)Décrire les mesures prises pour diffuser largement les informations touchant les engagements pris par les gouvernements à l’échelle internationale au sujet des femmes et les documents officiels publiés par des instances multilatérales, en particulier auprès des organes gouvernementaux et non gouvernementaux chargés de la promotion de la femme;

d)Fournir des informations sur la discrimination exercée à l’égard des femmes en raison de leurs activités politiques, que ce soit à titre personnel ou en leur qualité de membres d’organisations de femmes ou d’autres organisations.

Vingtième session (1999)*

Recommandation générale n o  24: Article 12 de la Convention (Les femmes et la santé)

1.Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, affirmant que l’accès aux soins de santé, notamment en matière de reproduction, est un droit fondamental consacré par la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, a décidé à sa vingtième session, en application de l’article 21, d’élaborer une recommandation générale concernant l’article 12 de la Convention.

Considérations générales

2.Le respect par les États parties de l’article 12 de la Convention est essentiel à la santé et au bien‑être des femmes. Cet article exige que les États éliminent la discrimination à l’égard des femmes pour ce qui est de l’accès aux services médicaux tout au long de leur vie, en particulier ceux qui concernent la planification familiale et ceux qui doivent être fournis pendant la grossesse et pendant et après l’accouchement. L’examen des rapports que les États parties ont présentés en application de l’article 18 de la Convention révèle que l’accès des femmes aux soins de santé est considéré comme une question qui doit tout particulièrement retenir l’attention si l’on veut favoriser la santé et le bien‑être des femmes. Élaborée à l’intention des États parties et de tous ceux qui s’intéressent particulièrement aux questions ayant trait à la santé des femmes, la présente recommandation générale précise l’interprétation que le Comité donne à l’article 12 et suggère les mesures à prendre pour éliminer la discrimination de façon que les femmes puissent, comme elles en ont le droit, jouir de la meilleure santé possible.

3.Ces objectifs ont également été examinés lors des conférences mondiales qui ont eu lieu récemment sous les auspices de l’Organisation des Nations Unies. Pour élaborer la présente recommandation générale, le Comité a pris en compte les programmes d’action pertinents adoptés lors de ces conférences, et en particulier ceux de la Conférence mondiale sur les droits de l’homme (1993), de la Conférence internationale sur la population et le développement (1994) et de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes (1995). Il a aussi tenu compte des travaux de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) et d’autres organismes des Nations Unies. Il a collaboré avec un grand nombre d’organisations non gouvernementales spécialisées dans les questions touchant la santé des femmes.

4.Le Comité note l’accent que d’autres instruments élaborés sous les auspices de l’Organisation des Nations Unies mettent sur le droit à la santé et sur les conditions qui permettent d’y parvenir. Parmi ces instruments, on peut citer la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention relative aux droits de l’enfant et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

5.Le Comité se réfère également à ses recommandations générales antérieures concernant la mutilation des organes génitaux de la femme, le VIH/sida, les femmes handicapées, la violence à l’égard des femmes et l’égalité dans les relations familiales, qui toutes abordent des questions essentielles à la mise en œuvre pleine et entière de l’article 12 de la Convention.

6.S’il existe des différences biologiques entre hommes et femmes qui peuvent être à l’origine de disparités entre les uns et les autres en matière de santé, il existe aussi des facteurs sociétaux qui influent sur la santé des hommes et des femmes et dont les effets peuvent varier d’une femme à l’autre. C’est pourquoi il faut accorder une attention particulière aux besoins et aux droits en matière de santé des femmes qui appartiennent aux groupes vulnérables et défavorisés, telles que les migrantes, les réfugiées et les déplacées, les fillettes et les femmes âgées, les prostituées, les femmes autochtones et les femmes handicapées physiques ou mentales.

7.Le Comité note que pour que les femmes puissent pleinement jouir de leur droit à la santé, il faudra que les États parties s’acquittent de l’obligation qu’ils ont de respec­ter, protéger et promouvoir le droit fondamental de la femme au bien‑être nutritionnel toute sa vie durant en mettant à sa disposition une alimentation sûre, nutritive et adaptée à la situation locale. À cette fin, les États parties doivent prendre des mesures pour faciliter l’accès, notamment des femmes rurales, aux ressources productives et, par ailleurs, veiller à ce que les besoins nutritionnels particuliers de toutes les femmes relevant de leur juridiction soient satisfaits.

Article 12

8.L’article 12 est libellé comme suit:

«1.Les États parties prennent toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans le domaine des soins de santé en vue de leur assurer, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, les moyens d’accéder aux services médicaux, y compris ceux qui concernent la planification de la famille.

2.Nonobstant les dispositions du paragraphe 1 ci‑dessus, les États parties fournissent aux femmes pendant la grossesse, pendant l’accouchement et après l’accouchement, des services appropriés et, au besoin, gratuits, ainsi qu’une nutrition adéquate pendant la grossesse et l’allaitement.»

Les États parties sont engagés à prendre les mesures voulues pour assurer la santé des femmes leur vie durant. Aux fins de la présente recommandation générale, le terme «femme» englobe donc aussi la fillette et l’adolescente. Dans cette recommandation, le Comité analyse les éléments clefs de l’article 12.

Éléments clefs

Article 12 1)

9.Ce sont les États parties eux‑mêmes qui sont les mieux placés pour rendre compte des questions les plus importantes concernant la santé des femmes dans chacun d’entre eux. Ainsi donc, afin de permettre au Comité de déterminer si les mesures prises pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans le domaine des soins de santé sont appropriées, les États parties doivent fonder leurs législation, plans et politiques sanitaires applicables aux femmes sur des données fiables, ventilées par sexe, concernant la fréquence et la gravité des maladies qui frappent les femmes et des problèmes de santé et de nutrition qu’elles rencontrent ainsi que les mesures préventives et curatives disponibles et leur coût‑efficacité. Les rapports soumis au Comité doivent montrer que la législation, les plans et les politiques sanitaires reposent sur des recherches scientifiques et éthiques et sur une juste évaluation de l’état de santé et des besoins des femmes dans le pays, et prennent en compte les spécificités ethniques, régionales ou communautaires, ou les pratiques fondées sur la religion, la tradition ou la culture.

10.Les États parties sont engagés à inclure dans les rapports qu’ils présentent des informations sur les maladies ou les problèmes de santé propres aux femmes ou à certains groupes de femmes, ou moins courants chez les hommes que chez les femmes, ainsi que des informations sur les mesures éventuelles prises à cet égard.

11.Les mesures prises pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes sont jugées inappropriées si un système de soins de santé ne dispose pas des services voulus pour prévenir, détecter et traiter les maladies spécifiquement féminines. Il est discriminatoire pour un État partie de refuser de légaliser certains actes concernant la reproduction. Par exemple, si les professionnels de la santé n’acceptent pas de pratiquer de tels actes parce qu’ils vont à l’encontre de leurs convictions, des mesures doivent être prises pour faire en sorte que les femmes soient renvoyées à des professionnels de la santé n’ayant pas les mêmes objections.

12.Les États parties devraient expliquer comment les politiques et mesures relatives aux soins de santé tiennent compte des droits des femmes et prennent en compte leurs intérêts et leurs spécificités par rapport aux hommes, notamment:

a)Les caractéristiques biologiques des femmes, telles que le cycle menstruel, leur fonction en matière de procréation et la ménopause ou encore le fait que les femmes sont plus exposées aux maladies sexuellement transmissibles;

b)Les facteurs socioéconomiques ayant spécifiquement une incidence sur les femmes en général et sur certains groupes de femmes en particulier. Par exemple, le fait que les femmes disposent de moins de pouvoir que les hommes à la maison et sur le lieu de travail peut avoir des répercussions négatives sur leur nutrition et leur santé. Les femmes peuvent aussi être la cible de formes de violence spécifiques. Les fillettes et les adolescentes sont souvent exposées à des violences sexuelles exercées par des hommes adultes ou des membres de leur famille, et risquent donc des traumatismes physiques et psychologiques ainsi que des grossesses non voulues ou prématurées. Certaines pratiques culturelles ou traditionnelles, telles que la mutilation des organes génitaux de la femme, entraînent souvent le décès ou l’invalidité des victimes;

c)Les facteurs psychosociaux spécifiquement féminins ou plus répandus chez les femmes que chez les hommes: par exemple, la dépression en général et la dépression post‑partum en particulier, ainsi que d’autres conditions psychologiques, notamment celles qui débouchent sur des troubles alimentaires tels que l’anorexie et la boulimie;

d)Si le non‑respect de la confidentialité affecte tant les hommes que les femmes, celles‑ci risquent plus d’hésiter à consulter et à se faire soigner, ce qui a des répercussions sur leur santé et leur bien‑être. Elles seront, par exemple, moins disposées à consulter un médecin en cas de maladie affectant les organes génitaux, ou pour obtenir des moyens de contraception ou encore en cas de tentative d’avortement ayant échoué et lorsqu’elles ont été victimes de violences sexuelles ou physiques.

13.L’obligation qu’ont les États parties d’assurer aux femmes, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, les moyens d’accéder aux services médicaux et aux services d’information et d’éducation en matière de santé implique celles de respecter, de protéger et de garantir la réalisation des droits des femmes en matière de soins de santé. Il incombe aux États parties de veiller à ce que leur législation, leurs politiques et les décisions de leurs tribunaux n’aillent à l’encontre d’aucune de ces trois obligations. Ils doivent également mettre en place un système qui assure que les décisions des tribunaux soient suivies d’effet. Dans le cas contraire, il y aurait violation de l’article 12.

14.L’obligation de respecter les droits des femmes implique que les États parties s’abstiennent de faire obstacle aux actions engagées par des femmes dans le but d’atteindre leurs objectifs en matière de santé. Les États parties devraient indiquer comment les professionnels de la santé du secteur public ou du secteur privé s’acquittent de leur obligation de respecter les droits des femmes en matière d’accès aux soins de santé. Par exemple, les États parties ne devraient pas empêcher les femmes d’avoir accès à certains services de santé ou aux établissements de soins au motif qu’elles n’ont pas l’autorisation de leur mari, de leur partenaire, de leurs parents ou des autorités sanitaires, ou parce qu’elles ne sont pas mariées*, ou tout simplement parce que ce sont des femmes. Les lois qui criminalisent certaines procédures médicales dont seules les femmes ont besoin et qui répriment les femmes sur lesquelles celles‑ci sont pratiquées font aussi obstacle à l’accès des femmes à des soins de santé appropriés.

15.L’obligation de protéger les droits relatifs à la santé des femmes implique que les États parties, leurs représentants et leurs fonctionnaires prennent des mesures pour empêcher la violation de ces droits par des personnes ou des organismes privés et répriment de telles violations. La violence sexiste constituant un problème majeur pour les femmes, les États devraient:

a)Promulguer des lois et veiller à leur application effective et formuler des politiques, notamment des protocoles en matière de soins de santé et des procédures hospitalières de nature à lutter contre la violence à l’égard des femmes et les sévices sexuels infligés aux fillettes et la fourniture de services de santé appropriés;

b)Organiser une formation qui tienne compte des sexospécificités afin que les professionnels de la santé puissent détecter et gérer les conséquences, pour la santé, de la violence fondée sur le sexe;

c)Mettre en place, pour entendre les plaintes, des procédures équitables qui assurent la protection des plaignants et imposer des sanctions appropriées aux professionnels de la santé coupables d’abuser sexuellement de leurs patientes;

d)Promulguer des lois qui interdisent la mutilation génitale des femmes et le mariage des fillettes et veiller à l’application effective de ces lois.

16.Les États parties doivent veiller à ce qu’une protection et des services de santé adéquats, y compris des traitements et des conseils en cas de traumatisme, soient assurés aux femmes se trouvant dans des situations particulièrement difficiles, notamment celles qui se trouvent piégées dans des conflits armés et les réfugiées.

17.Pour que les femmes puissent exercer leurs droits en matière de soins de santé, il faut que les États parties mobilisent les ressources dont ils disposent et prennent les mesures législatives, judiciaires, administratives, budgétaires, écono­miques et autres qui s’imposent. L’ampleur, de par le monde, des taux de mortalité et de morbidité liés à la maternité que révèlent les études sur le sujet, et le grand nombre de couples qui souhaiteraient avoir moins d’enfants mais qui n’ont pas accès à la contraception ou n’y ont pas recours, montrent bien que tous les États parties ne s’acquittent pas de leur obligation d’assurer aux femmes l’accès aux soins de santé. Le Comité prie les États parties d’indiquer ce qu’ils ont fait pour redresser la situation sur le plan de la santé des femmes, et en particulier les mesures de prévention qu’ils ont prises pour éviter des maladies telles que la tuberculose ou le VIH/sida. Le Comité constate avec préoccupation que les États ont de plus en plus tendance à renoncer à leurs obligations en la matière au fur et à mesure qu’ils transfèrent les fonctions qui étaient les leurs dans le domaine de la santé à des organismes privés. Les États parties ne peuvent se décharger de toute responsabilité dans ces domaines en déléguant ou en transférant ces pouvoirs aux organismes du secteur privé. Ils devraient par conséquent indiquer les moyens qu’ils ont mis en œuvre pour mettre en place des processus gouvernementaux et des structures permettant aux pouvoirs publics de promouvoir et de protéger la santé de femmes. Ils devraient également rendre compte de l’action concrète menée pour limiter les violations des droits des femmes par des tiers et protéger leur santé ainsi que des mesures appliquées pour garantir la prestation de tels services.

18.S’agissant des droits des femmes et des adolescentes à l’hygiène sexuelle, l’infection par le VIH/sida et les autres maladies sexuellement transmissibles constituent des problèmes majeurs. Dans de nombreux pays, cette catégorie de population n’a pas suffisamment accès à l’information et aux services nécessaires pour exercer ces droits. Compte tenu des rapports de force inégaux fondés sur le sexe, les femmes et les adolescentes sont souvent dans l’incapacité de refuser les rapports sexuels ou d’imposer des pratiques sexuelles responsables et sans risque. Les pratiques traditionnelles préjudiciables telles que les mutilations génitales, la polygamie et le viol conjugal augmentent le risque pour les adolescentes et les femmes de contracter le VIH/sida et autres maladies sexuellement transmissibles. Les femmes qui se livrent à la prostitution sont également particulièrement vulnérables à ces maladies. Les États parties devraient garantir, sans préjugé ou discrimination, aux femmes et aux adolescentes, y compris aux victimes de la traite des femmes, le droit à l’information, à l’éducation et aux services en matière d’hygiène sexuelle, même si elles ne résident pas légalement dans le pays. Ils devraient notamment veiller à ce que les droits des adolescentes et des adolescents à une éducation en matière d’hygiène sexuelle et de santé de la procréation dispensée par du personnel convenablement formé, sous forme de programmes élaborés à cet effet et tenant compte de leurs droits à la vie privée et à la confidentialité, soient respectés.

19.Les États devraient préciser dans leurs rapports quels moyens ils utilisent pour déterminer si les femmes ont le même accès que les hommes aux soins de santé, afin de démontrer qu’ils appliquent bien l’article 12. À cet égard, ils devraient garder à l’esprit les dispositions de l’article premier de la Convention. Les rapports devraient donc comprendre des observations relatives à l’impact sur les femmes, par rapport aux hommes, des politiques, procédures, lois et protocoles en matière de santé.

20.Les femmes ont le droit d’être pleinement informées, par du personnel convenablement formé, des possibilités qui leur sont offertes lorsqu’elles consentent à un traitement ou se prêtent à des tests, et notamment des avantages probables et des inconvénients éventuels des procédures proposées ainsi que des solutions de rechange.

21.Les États parties devraient rendre compte des mesures prises pour lever les obstacles auxquels se heurtent les femmes en matière d’accès aux services de santé ainsi que des mesures adoptées pour garantir aux femmes un accès rapide et peu coûteux à ces services. Ces obstacles peuvent prendre la forme de critères ou de conditions qui empêchent les femmes de se faire soigner, comme des honoraires trop élevés, l’obligation de présenter une autorisation du conjoint, d’un parent ou des autorités hospitalières, l’éloignement des établissements et l’absence de transports publics pratiques et abordables.

22.Les États parties devraient aussi rendre compte des mesures prises pour garantir l’accès à des services de santé de qualité, par exemple en veillant à ce qu’ils soient acceptables par les femmes. Un service est acceptable lorsque l’on s’assure que la femme donne son consentement en connaissance de cause, que l’on respecte sa dignité, que l’on garantit la confidentialité et que l’on tient compte de ses besoins et de ses perspectives. Les États parties ne devraient autoriser aucune forme de coercition, notamment la stérilisation non consensuelle, le dépistage obligatoire des maladies sexuellement transmissibles et les tests de grossesse obligatoires comme condition d’emploi, autant de pratiques qui violent le droit des femmes à la dignité et leur droit de donner leur consentement en pleine connaissance de cause.

23.Les États parties devraient également signaler les mesures adoptées pour garantir un accès rapide aux services liés à la planification familiale en particulier, et à la santé sexuelle et la santé en matière de reproduction en général. Une attention particulière devrait être accordée à l’éducation des adolescents en matière de santé, y compris aux informations et conseils à leur donner sur les méthodes de planification familiale*.

24.Le Comité se préoccupe aussi de la situation des services de santé offerts aux femmes âgées, non seulement parce que les femmes vivent souvent plus longtemps que les hommes et ont plus de chances de souffrir de maladies débilitantes et dégénératives chroniques, telles que l’ostéoporose et la sénilité, mais aussi parce qu’elles doivent souvent s’occuper d’un conjoint plus âgé. C’est pourquoi, les États parties devraient prendre des mesures appropriées pour assurer aux femmes âgées l’accès à des services de santé adaptés aux handicaps et infirmités dont s’accompagne le vieillissement.

25.Les femmes handicapées, quel que soit leur âge, éprou­vent souvent des difficultés physiques pour accéder à des services de santé. Les femmes handicapées mentales sont particulièrement vulnérables, car dans l’ensemble on comprend mal le large éventail de risques pour la santé mentale auxquels les femmes sont exposées de façon disproportionnée du fait de la discrimination à leur égard, de la violence, de la pauvreté, des conflits armés, de bouleversements divers et d’autres formes de privations sociales. Les États parties devraient prendre des mesures appropriées pour faire en sorte que les services de santé soient sensibles aux besoins des femmes invalides et respectueux de leurs droits fondamentaux et de leur dignité.

Article 12 2)

26.Les rapports devraient aussi faire état des mesures adoptées par les États parties pour offrir aux femmes des services appropriés pendant la grossesse, pendant l’accouchement et après l’accouchement. Ils devraient également indiquer la proportion dans laquelle ces mesures ont permis de faire baisser les taux de mortalité et de morbidité maternelles dans le pays en général et dans les groupes, régions et communautés vulnérables en particulier.

27.Les États parties devraient en outre indiquer comment ils offrent des services gratuits au besoin pour garantir le bon déroulement de la grossesse, de l’accouchement et de la période post‑partum. Nombre de femmes meurent ou restent invalides suite à une grossesse car elles n’ont pas les moyens d’obtenir les soins nécessaires avant, pendant et après l’accouchement. Le Comité note que les États parties ont l’obligation de respecter le droit des femmes à une maternité sans risques et à des services obstétriques d’urgence et qu’ils devraient consacrer à ces services le maximum des ressources disponibles.

Autres articles pertinents

28.Dans leurs rapports relatifs aux mesures prises au titre de l’article 12, les États parties sont instamment priés de tenir compte de la relation qui existe entre cet article et les autres articles de la Convention qui intéressent la santé des femmes. Ces articles sont notamment l’article 5 b), au titre duquel les États parties doivent faire en sorte que l’éducation familiale contribue à faire bien comprendre que la maternité est une fonction sociale; l’article 10, au titre duquel ils doivent garantir aux femmes et aux hommes les mêmes possibilités d’accès à l’éducation, qui a pour effet de faciliter l’accès des femmes aux soins de santé, et faire baisser les taux d’abandon des études chez les femmes, qui quittent souvent le système scolaire en raison de grossesses précoces; l’article 10 h), qui stipule que les États parties doivent garantir aux femmes et aux filles l’accès à des renseignements spécifiques d’ordre éducatif tendant à assurer la santé et le bien‑être des familles, y compris l’information et les conseils relatifs à la planification de la famille; l’article 11, qui concerne en partie la protection de la santé et de la sécurité des femmes sur le lieu de travail, y compris la sauvegarde de la fonction de reproduction, l’octroi d’une protection spéciale aux femmes enceintes dont le travail est nocif, et l’octroi de congés de maternité payés; le paragraphe 2, alinéa b, de l’article 14, au titre duquel les États parties doivent permettre aux femmes des zones rurales d’avoir accès à des services de santé adéquats, y compris aux informations, conseils et services en matière de planification de la famille, et h, qui oblige les États parties à prendre toutes les mesures appropriées pour que les femmes bénéficient de conditions de vie convenables, notamment en ce qui concerne le logement, l’assainissement, l’approvisionnement en électricité et en eau, les transports et les communications, ce qui est essentiel pour prévenir les maladies et permettre l’offre de soins de santé de qualité; et le paragraphe 1, alinéa e de l’article 16, qui oblige les États parties à veiller à ce qu’hommes et femmes aient les mêmes droits de décider librement et en toute connaissance de cause du nombre et de l’espacement des naissances et d’avoir accès aux informations, à l’éducation et aux moyens nécessaires pour leur permettre d’exercer ces droits. Le paragraphe 2 de l’article 16 interdit en outre les fiançailles et les mariages d’enfants, ce qui est essentiel pour prévenir les dommages physiques et psychologiques que peuvent provoquer des grossesses précoces.

Recommandations aux gouvernements

29.Les États parties devraient mettre en œuvre une straté­gie nationale dont le but d’ensemble serait de protéger la santé des femmes durant toute leur vie. Cette stratégie devrait inclure des interventions de médecine préventive et curative contre toutes les maladies qui touchent les femmes, ainsi que des moyens de lutter contre la violence à l’égard des femmes, et elle devrait également assurer l’accès de toutes les femmes à un ensemble complet de soins de qualité et d’un coût abordable, ainsi qu’aux services de santé en matière de sexualité et de reproduction.

30.Les États parties devraient affecter des ressources budgétaires, humaines et administratives suffisantes à la protection de la santé des femmes, de façon que les hommes et les femmes, compte tenu de leurs besoins médicaux différents, soient traités de façon comparable dans le budget de santé publique.

31.Les États parties devraient en outre, en particulier:

a)Veiller à ce que la parité entre les sexes figure en très bonne place dans toutes les politiques et tous les programmes qui ont des effets sur la santé des femmes, et faire participer les femmes à la conception, la mise en œuvre et le suivi de ces politiques et programmes et à l’organisation des soins de santé dispensés aux femmes;

b)Veiller à éliminer tous les facteurs qui restreignent l’accès des femmes aux soins, à l’éducation et à l’information, notamment dans le domaine de la santé en matière de sexualité et de reproduction, et en particulier affecter des ressources suffisantes aux programmes, destinés aux adolescents des deux sexes, pour la prévention et le traitement des maladies sexuellement transmissibles, notam­ment l’infection par le VIH et le sida;

c)Donner une place prioritaire à la prévention des grossesses non désirées, par la planification familiale et l’éducation sexuelle, et réduire les taux de mortalité maternelle par des services de maternité sans risques, et d’assistance prénatale. Le cas échéant, il faudrait amender la législation qui fait de l’avortement une infraction pénale et supprimer les peines infligées aux femmes qui avortent;

d)Suivre de près la fourniture des soins de santé que des organismes publics, des organisations non gouvernementales ou des entreprises privées dispensent aux femmes, pour que les hommes et les femmes aient également accès à des soins de même qualité;

e)Veiller à ce que tous les soins dispensés respectent les droits de la femme, notamment le droit à l’autonomie, à la discrétion et à la confidentialité, et la liberté de faire des choix et de donner son consentement en connaissance de cause;

f)Veiller à ce que la formation des soignants comprenne des enseignements obligatoires, détaillés et attentifs à la parité des sexes, sur la santé et les droits fondamentaux des femmes, en particulier sur la question de la violence entre les sexes.

Trentième session (2004)

Recommandation générale n o  25: Premier paragraphe de l’article 4 de la Convention (Mesures temporaires spéciales)

I. Introduction

1.À sa vingtième session (1999), le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a décidé, en application de l’article 21 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, de formuler une recommandation générale relative au paragraphe 1 de l’article 4 de cet instrument. Cette nouvelle recommandation s’inspirerait, entre autres sources, des précédentes recommandations, notamment la no 5 (septième session, 1988) sur les mesures temporaires spéciales, la no 8 (id.) sur l’application de l’article 8 de la Convention et la no 23 (seizième session, 1997) sur la participation des femmes à la vie publique, ainsi que des rapports des États parties à la Convention et des observations finales faites par le Comité sur ces rapports.

2.Par la présente recommandation générale, le Comité entend préciser la nature et le sens du paragraphe 1 de l’article 4 afin qu’il soit pleinement appliqué lors de la mise en oeuvre de la Convention. Le Comité encourage les États parties à traduire cette recommandation générale dans leurs langues nationales et locales et à la diffuser largement auprès des organes législatifs, exécutifs et judiciaires de l’État, y compris leurs administrations ainsi que dans la société civile, notamment auprès des médias, des établissements universitaires et des organismes de défense des droits de l’homme et des associations financières.

II. Observations générales: objet et but de la Convention

3.La Convention est un instrument évolutif. Depuis l’adoption de cette dernière en 1979, le Comité et d’autres parties intéressées aux niveaux national et international ont contribué, en adoptant un raisonnement progressiste, à lever certaines ambiguïtés et à mieux faire comprendre la teneur de ses articles et la nature particulière de la discrimination à l’égard des femmes et des instruments destinés à la combattre.

4.La portée et le sens du paragraphe 1 de l’article 4 doivent être interprétés à la lumière de l’objectif et du but général de la Convention, à savoir l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes en vue d’instaurer une égalité de droit et de fait entre hommes et femmes dans la jouissance effective des libertés et des droits fondamentaux. Les États parties à la Convention sont juridiquement tenus de respecter, protéger, promouvoir et garantir le droit à la non‑discrimination et de veiller à la promotion et à l’amélioration de la condition de la femme afin de la rapprocher de l’égalité de droit et de fait avec celle de l’homme.

5.La Convention va au‑delà de la notion de discrimination évoquée dans de nombreux textes normatifs nationaux et internationaux. Alors que ceux‑ci interdisent la discrimination fondée sur le sexe et protègent tant les hommes que les femmes contre tout traitement fondé sur des distinctions arbitraires, injustes et/ou injustifiables, la Convention vise essentiellement la discrimination à l’égard des femmes, soulignant qu’elles ont souffert et continuent de souffrir de diverses formes de discrimination simplement à cause de leur sexe.

6.De la lecture en parallèle des articles 1 à 5 et 24, qui constituent le cadre interprétatif général de l’ensemble des articles de fond de la Convention, il ressort que trois obligations fondamentales sont au centre de la lutte des États contre la discrimination à l’égard des femmes. Ces obligations devraient être accomplies de manière intégrée et vont au‑delà de simples obligations formelles d’égalité de traitement.

7.La première de ces obligations est de garantir l’absence de toute discrimination directe ou indirecte dans la loi et de faire protéger les femmes de toute discrimination − de la part des autorités, du pouvoir judiciaire, des organismes, des entreprises et des particuliers − dans le domaine public ou privé, par des tribunaux compétents, des sanctions et des voies de recours. La deuxième obligation est d’améliorer la condition féminine de fait par des politiques et des programmes concrets et la troisième d’aménager les relations qui prédominent entre les sexes et de lutter contre la persistance des stéréotypes fondés sur le sexe qui sont préjudiciables aux femmes et dont les effets se manifestent non seulement au niveau des comportements individuels mais également dans la législation, les structures juridiques et sociales et les institutions.

8.De l’avis du Comité, une approche purement formelle, qu’elle soit juridique ou programmatique, ne peut parvenir à instaurer entre hommes et femmes l’égalité de fait, c’est‑à‑dire, au sens du Comité, une égalité réelle (ou concrète). En outre, la Convention exige que les femmes bénéficient de chances égales au départ et d’un environnement propice pour aboutir à l’égalité de résultats. Il ne suffit pas de garantir un traitement identique des femmes et des hommes. Il faut plutôt tenir compte des différences biologiques entre les hommes et les femmes et de celles qui sont le résultat d’une production culturelle et sociale. Dans certains cas, il n’est pas possible de traiter de la même façon les hommes et les femmes du fait de ces différences. Pour atteindre cet objectif d’égalité réelle, il est également indispensable de suivre effectivement une stratégie de lutte contre la sous‑représentation des femmes et de redistribution des ressources et des responsabilités entre les hommes et les femmes.

9.L’égalité de résultats est le corollaire logique de l’égalité de fait ou égalité réelle. Les résultats peuvent être quantitatifs ou qualitatifs, à savoir qu’un même nombre de femmes et d’hommes exercent leurs droits dans différents domaines, bénéficient des mêmes niveaux de revenus, prennent les décisions sur un pied d’égalité et disposent de la même influence politique et, pour ce qui est des femmes, sont à l’abri de la violence.

10.La condition féminine ne pourra s’améliorer tant que les causes sous‑jacentes de la discrimination et de l’inégalité de traitement ne seront pas éliminées. Il faut envisager la vie des femmes et des hommes dans leur contexte et adopter des mesures susceptibles de favoriser une réelle mutation des perspectives d’avenir, des institutions et des systèmes pour que les femmes puissent se libérer des paradigmes masculins du pouvoir et des modes de vie historiquement déterminés.

11.Il faudrait établir une distinction entre le vécu et les besoins permanents des femmes liés à leur condition biologique et ceux qui résultent d’un traitement discriminatoire passé ou présent imposé par des acteurs individuels, de l’idéologie sexiste dominante ou de ses manifestations au niveau des structures et des institutions sociales et culturelles. Au fur et à mesure que des mesures sont mises en place pour éliminer cette discrimination, les besoins des femmes peuvent évoluer ou disparaître, ou se confondre avec ceux des hommes. Ainsi, il faut continuellement suivre les lois, les programmes et les pratiques visant à instaurer l’égalité de fait ou réelle pour éviter la perpétuation d’un traitement différentiel de plus en plus difficile à justifier.

12.Certaines femmes, outre la discrimination à laquelle elles sont soumises en tant que telles, peuvent être confrontées à divers types de discrimination fondée sur d’autres caractéristiques telles que la race, l’ethnie, la religion, le handicap, l’âge, la classe, la caste ou d’autres considérations. Cette discrimination frappe surtout certains groupes de femmes, ou, parfois, des hommes aussi, mais de manière ou à des degrés différents. Les États parties doivent envisager de prendre des mesures temporaires spéciales pour éliminer ce type de discrimination et la combinaison d’effets préjudiciables qu’elle engendre.

13.En plus de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, certains autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et certains documents directifs adoptés dans le cadre des Nations Unies prévoient des mesures temporaires spéciales pour favoriser l’instauration de l’égalité. La terminologie utilisée dans ces textes n’est pas homogène et le sens et l’interprétation de ces mesures diffèrent également. Le Comité espère que la présente recommandation générale relative au paragraphe 1 de l’article 4 contribuera à préciser cette terminologie.

14.La Convention vise les aspects discriminatoires des configurations sociales et culturelles passées et présentes qui entravent l’exercice par les femmes de leurs libertés et de leurs droits fondamentaux. Elle a pour objet d’éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, notamment les causes et les conséquences de leur inégalité de facto ou réelle. Par conséquent, les mesures temporaires spéciales envisagées dans la Convention sont un moyen d’instaurer l’égalité de facto ou réelle, plutôt qu’une exception aux règles de la non‑discrimination et de l’égalité.

III. Sens et portée des mesures temporaires spéciales visées dans la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes

Paragraphe 1 de l’article 4

L’adoption par les États parties de mesures temporaires spéciales visant à accélérer l’instauration d’une égalité de fait entre les hommes et les femmes n’est pas considérée comme un acte de discrimination tel qu’il est défini dans la présente Convention, mais ne doit en aucune façon avoir pour conséquence le maintien de normes inégales ou distinctes; ces mesures doivent être abrogées dès que les objectifs en matière d’égalité de chances et de traitement ont été atteints.

Paragraphe 2 de l’article 4

L’adoption par les États parties de mesures spéciales, y compris de mesures prévues dans la présente Convention, qui visent à protéger la maternité n’est pas considérée comme un acte discriminatoire.

A. Lien entre les paragraphes 1 et 2 de l’article 4

15.L’objet des «mesures spéciales» visées au paragraphe 1 de l’article 4 diffère nettement de celui du paragraphe 2 du même article. Le paragraphe 1 a pour but d’accélérer l’amélioration de la condition de la femme pour instaurer l’égalité de fait ou réelle avec les hommes et d’encourager l’évolution structurelle, sociale et culturelle nécessaire pour éliminer les formes et les effets passés et présents de la discrimination à l’égard des femmes et offrir à celles‑ci les moyens de la compenser. Il s’agit de mesures temporaires.

16.Le paragraphe 2 de l’article 4 dispose que, de par leurs différences biologiques, les femmes ne peuvent pas être traitées de la même façon que les hommes. Il s’agit de mesures permanentes, au moins tant que les connaissances scientifiques et techniques visées au paragraphe 3 de l’article 11 n’en justifient pas la révision.

B. Terminologie

17.Différents termes ont été utilisés lors des travaux préparatoires à la Convention pour désigner les «mesures temporaires spéciales» dont parle le paragraphe 1 de l’article 4. Le Comité lui‑même, dans ses précédentes recommandations générales, a employé des termes variés. Certains États parties utilisent souvent l’expression «mesures spéciales» − au sens de mesures correctives, compensatoires et incitatives −, comme l’équivalent des expressions «affirmative action», «action positive», «mesures positives», «discrimination à rebours» ou «positive». Ces termes sont issus des débats et des pratiques ayant cours dans différents contextes nationaux. Dans la présente recommandation générale et conformément à la pratique telle qu’elle ressort de l’examen des rapports présentés par les États parties, le Comité utilise l’expression «mesures temporaires spéciales», comme le veut le paragraphe 1 de l’article 4.

C. Éléments fondamentaux du paragraphe 1 de l’article 4

18.Les mesures prises par les États parties en application du paragraphe 1 de l’article 4 devraient avoir pour but d’accélérer l’instauration d’une égale participation des femmes et des hommes à la vie politique, économique, sociale, culturelle, civile ou autre. Le Comité considère que l’application de ces mesures n’est pas tant une exception à la règle de la non‑discrimination, qu’une façon de souligner que les mesures temporaires spéciales font partie intégrante de la stratégie que les États parties doivent adopter pour instaurer l’égalité de fait ou réelle entre les sexes en ce qui concerne l’exercice des libertés et des droits fondamentaux. Alors que les mesures temporaires spéciales sont souvent un moyen de remédier aux effets de la discrimination passée à l’égard des femmes, l’obligation que la Convention fait aux États parties d’améliorer la condition de la femme pour instaurer l’égalité de fait ou réelle avec les hommes existe indépendamment de toute preuve de discrimination passée. Le Comité estime que l’adoption et l’application par les États parties des mesures visées dans la Convention n’ont pas pour objet d’imposer une discrimination aux hommes.

19.Les États parties devraient distinguer clairement les mesures temporaires spéciales visées au paragraphe 1 de l’article 4 pour accélérer la réalisation d’un objectif concret en faveur des femmes, à savoir leur égalité de fait ou réelle, des autres politiques sociales générales adoptées pour améliorer la situation des femmes et des filles. Toutes les mesures qui sont potentiellement favorables aux femmes ou qui le seront effectivement ne sont pas des mesures temporaires spéciales. Les conditions générales instaurées pour garantir aux femmes et aux filles l’exercice de leurs droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels et les conditions d’une vie digne et exempte de discrimination ne peuvent être qualifiés de mesures temporaires spéciales.

20.Le paragraphe 1 de l’article 4 qualifie explicitement de «temporaires» les mesures spéciales. Elles ne doivent pas être considérées comme nécessaires à tout jamais, même si leur caractère « temporaire » peut, dans les faits, se traduire par une application de très longue durée. Cette durée devrait être déterminée sur la base des résultats de la mesure en réponse à un problème concret et en fonction de délais prédéterminés. Les mesures en question peuvent être rapportées dès que le résultat escompté a été obtenu depuis un certain temps.

21.Le terme «spéciales», bien que conforme à la terminologie des droits de l’homme, doit aussi être expliqué en détail. Qualifiant des mesures applicables aux femmes et autres groupes faisant l’objet d’une discrimination, il donne à entendre souvent qu’il s’agit de personnes faibles et vulnérables qui ont besoin de mesures supplémentaires ou «spéciales» pour vivre dans la société en participantes ou en concurrentes. Toutefois, dans la formule du paragraphe 1 de l’article 4, le terme est employé pour préciser que les mesures dont il s’agit sont prises aux fins de la réalisation d’un objectif particulier.

22.Le terme «mesures» couvre un large éventail de politiques, de pratiques et d’instruments législatifs, exécutifs, administratifs et réglementaires, comme les programmes de solidarité ou d’assistance, l’affectation et/ou la redistribution de ressources, le traitement préférentiel, le recrutement, l’embauche et la promotion ciblés, les objectifs chiffrés assortis de délais, et les contingentements. Le choix d’une «mesure» particulière dépend du contexte dans lequel le paragraphe 1 de l’article 4 est appliqué et de l’objectif particulier qu’il s’agit d’atteindre.

23.L’adoption et l’application de mesures temporaires spéciales peuvent donner lieu à controverse quant aux qualifications et aux mérites du groupe ou des personnes concernés, et alimenter l’argumentation à l’encontre du traitement préférentiel accordé aux femmes, censées être moins qualifiées que les hommes dans des domaines tels que la politique, l’éducation et l’emploi. Étant donné que les mesures temporaires spéciales ont pour objectif d’accélérer l’instauration de l’égalité de fait ou réelle, il importe de réexaminer soigneusement la question des qualifications et du mérite du point de vue de la discrimination fondée sur le sexe, notamment en ce qui concerne l’emploi dans les secteurs public et privé, car cette question est circonscrite de déterminations normatives et culturelles. En ce qui concerne la nomination, la sélection ou l’élection de candidats à des fonctions politiques ou à des charges publiques, des facteurs autres que les qualifications et le mérite peuvent également jouer un rôle, en particulier le respect des règles démocratiques et le choix des électeurs.

24.Le paragraphe 1 de l’article 4, interprété à la lumière des articles 1, 2, 3, 5 et 24, doit aussi s’appliquer compte tenu des articles 6 à 16, qui prévoient que les États parties prendront «toutes les mesures appropriées». En conséquence, le Comité estime que les États parties sont tenus par ces articles d’adopter et d’appliquer des mesures temporaires spéciales quand ces mesures se révèlent indispensables et appropriées pour accélérer l’instauration de la pleine égalité de fait ou réelle des femmes, qu’il s’agisse d’un objectif général ou d’un objectif particulier.

IV. Recommandations aux États parties

25.Dans leurs rapports, les États parties devraient faire figurer des informations sur l’adoption, ou l’absence d’adoption, de mesures temporaires selon le paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et utiliser de préférence l’expression «mesures temporaires spéciales» pour éviter toute confusion.

26.Les États parties devraient distinguer clairement les mesures temporaires spéciales visant à accélérer la réalisation d’un objectif concret s’agissant de l’égalité de fait ou réelle des femmes, et les autres politiques sociales de caractère général mises en oeuvre pour améliorer la condition de la femme et des filles. Ils devraient se rappeler que toutes les mesures qui sont potentiellement ou effectivement favorables aux femmes ne sont pas nécessairement des mesures temporaires spéciales.

27.Les États parties devraient analyser le contexte dans lequel s’inscrit la condition féminine dans toutes les sphères de la vie, ainsi que dans les domaines particuliers qui visent les mesures temporaires spéciales pour accélérer l’instauration de l’égalité de fait ou réelle. Ils devraient évaluer l’effet potentiel de ces mesures au regard d’un objectif particulier dans le contexte national et adopter celles qu’ils estiment les plus propres à accélérer l’instauration de l’égalité de fait ou réelle des femmes.

28.Les États parties devraient expliquer pourquoi ils choisissent tel type de mesure plutôt que tel autre. La justification de leur choix devrait inclure une description détaillée de la situation concrète des femmes, notamment les circonstances et les facteurs qui conditionnent leur vie et les possibilités qui s’offrent à elles – ou celles d’un groupe particulier de femmes soumises à divers types de discrimination – et la position que l’État partie entend adopter pour améliorer au plus vite cette situation par l’application des mesures considérées. Le lien existant entre celles‑ci et les mesures et les efforts d’ensemble engagés pour améliorer la condition féminine devrait être précisé.

29.Les États parties devraient expliquer pourquoi, le cas échéant, ils n’ont pas adopté de mesures temporaires spéciales. Pour justifier cette omission, il ne leur suffit pas d’invoquer l’impuissance, ni d’expliquer leur inertie par la puissance des forces du marché ou des forces politiques, celles par exemple qui caractérisent le secteur privé, les associations et les partis politiques. Ils se souviendront qu’en vertu de l’article 2 de la Convention, qui doit être interprété à la lumière de tous les autres articles, c’est à l’État partie qu’incombe la responsabilité de ce que font ces divers intervenants.

30.Les États parties peuvent rendre compte au titre de plusieurs articles des mesures temporaires spéciales qu’ils appliquent. En vertu de l’article 2, ils sont invités à rendre compte des fondements juridiques ou autres de l’application de ces mesures et à justifier le choix de tel ou tel angle d’approche. Ils sont aussi invités à fournir des détails sur la législation prévoyant éventuellement des mesures temporaires spéciales, en précisant si elle est de nature contraignante ou d’application volontaire.

31.Les États parties devraient inscrire la possibilité d’adopter des mesures temporaires spéciales dans leur constitution ou législation nationale. Le Comité rappelle aux États parties qu’un texte législatif − loi générale interdisant la discrimination, loi sur l’égalité des chances, décret sur l’égalité des femmes... − peut fournir des orientations quant au type de mesures temporaires spéciales à adopter pour atteindre un objectif défini ou plusieurs dans des domaines donnés. Les législations sur l’emploi ou l’éducation peuvent également donner ce genre d’orientation. Les lois fixant expressément l’interdiction de la discrimination et arrêtant les mesures temporaires spéciales devraient également s’appliquer aux acteurs publics ainsi qu’aux associations et entreprises privées.

32.Le Comité appelle l’attention des États parties sur le fait que les mesures temporaires spéciales peuvent également être fondées sur les décrets, les directives de politiques générales ou les circulaires administratives que les organes nationaux, régionaux ou locaux du pouvoir exécutif appliquent aux secteurs publics de l’emploi et de l’éducation. Elles peuvent notamment concerner la fonction publique, la sphère politique ainsi que les secteurs privés de l’emploi et de l’éducation. Il fait aussi remarquer aux États parties que ces mesures peuvent être négociées entre les partenaires sociaux du secteur privé ou public de l’emploi, ou être appliquées volontairement par les entreprises, les associations et institutions publiques ou privées et les partis politiques.

33.Le Comité réaffirme la nécessité de concevoir des programmes de mesures temporaires spéciales, d’en assurer le suivi et d’en évaluer les résultats compte tenu du contexte national particulier et de la spécificité du problème qu’il s’agissait de régler. Il recommande aux États parties de fournir dans leurs rapports des détails sur tout plan d’action visant à favoriser l’accès des femmes à certaines catégories professionnelles pour qu’elles y soient représentées, à redistribuer les ressources et les responsabilités dans certains domaines ou à amorcer un changement institutionnel afin de mettre un terme à la discrimination, passée ou présente, et accélérer l’instauration de l’égalité de fait. Les rapports devraient également expliquer si les plans d’action prévoient l’examen des effets secondaires indésirables qui résulteraient éventuellement des mesures et les moyens qui pourraient être mis en oeuvre pour en protéger les femmes. Les États parties devraient également décrire dans leurs rapports les résultats des mesures temporaires spéciales et évaluer les causes de tout échec éventuel de ces mesures.

34.En vertu de l’article 3, les États parties sont invités à faire rapport sur l’institution ou les institutions chargées de concevoir, exécuter, suivre, évaluer et faire appliquer les mesures temporaires spéciales. Cette responsabilité peut incomber à des institutions nationales déjà en place ou envisagées, par exemple les ministères de la condition de la femme, le département ministériel chargé de la condition féminine ou les services de la présidence, les médiateurs, les juridictions ou autres entités institutionnelles publiques ou privées expressément chargées de suivre l’application des mesures et d’en évaluer les effets et les résultats. Le Comité recommande que les États parties veillent à ce que l’ensemble des femmes, et les groupes de femmes concernés en particulier, soient associés à la conception, à l’exécution et à l’évaluation de ces plans d’action. Il est particulièrement recommandé de collaborer avec la société civile et les organisations non gouvernementales représentant divers groupes de femmes et de les consulter.

35.Le Comité rappelle et réaffirme sa recommandation no 9 relative aux données statistiques sur la condition de la femme et recommande que les États parties fournissent des données ventilées par sexe pour mesurer les progrès de l’égalité de fait ou réelle et l’efficacité des mesures temporaires spéciales.

36.Les États parties devraient faire rapport sur le type de mesures temporaires spéciales qu’ils ont prises dans des domaines particuliers en application d’un article ou de plusieurs articles de la Convention. Pour chaque article, ils devraient indiquer les objectifs concrets visés, les échéances et l’institution chargée de suivre l’application des mesures et d’évaluer les progrès accomplis, et expliquer pourquoi c’est cette institution qui a été choisie. Ils sont également priés de fournir des données chiffrées sur les femmes concernées par une mesure donnée, sur celles qui auront pu accéder ou participer aux activités d’un domaine particulier grâce à cette mesure ou sur le montant des ressources et l’importance des responsabilités ainsi redistribuées, en précisant le nombre de femmes concernées et les délais.

37.Le Comité réaffirme ses recommandations générales nos 5, 8 et 23, dans lesquelles il préconise l’application de mesures temporaires spéciales en faveur des femmes dans les domaines de l’éducation, de l’économie et de l’emploi, dans la vie politique − y compris la représentation de leur pays à l’échelon international et dans les organisations internationales − et dans la vie publique. Les États parties devraient renforcer, dans leur contexte national, leur action en ce sens, en ce qui concerne notamment l’éducation sous tous ses aspects et tous les niveaux de la formation, de l’emploi et de la représentation dans la vie publique et politique. Le Comité rappelle que dans tous les cas, mais surtout dans le domaine de la santé, les États parties devraient faire nettement la distinction entre les mesures constantes et permanentes et les mesures de nature temporaire.

38.Il est rappelé aux États parties que les mesures temporaires spéciales doivent être appliquées pour faire rapidement évoluer ou disparaître les pratiques culturelles, les attitudes et les comportements stéréotypés qui sont discriminatoires à l’égard des femmes ou qui les défavorisent. Elles devraient d’autre part s’appliquer dans le domaine du crédit et des prêts, dans ceux des sports, de la culture et des loisirs et dans le cadre des programmes d’initiation aux réalités juridiques. Le cas échéant, elles devraient viser les femmes soumises à divers types de discrimination, notamment les femmes des zones rurales.

39.Même s’il est impossible de prévoir des mesures temporaires spéciales au titre de chaque article de la Convention, le Comité recommande d’envisager d’en adopter chaque fois qu’il s’agit d’accélérer la participation des femmes à égalité avec les hommes et la redistribution des responsabilités et des ressources, dans tous les cas où elles s’avèrent nécessaires et quand les circonstances y engagent.

V. OBSERVATION GÉNÉRALE ADOPTÉE PAR LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE

À sa seizième session, le Comité contre la torture a décidé, le 10 mai 1996, de constituer un groupe de travail chargé d’examiner les questions liées aux articles 3 et 22 de la Convention. Le Comité avait constaté que la plupart des communications de particuliers reçues au cours des dernières années au titre de l’article 22 de la Convention portaient sur des affaires de personnes sous le coup d’une décision d’expulsion, de refoulement ou d’extradition affirmant risquer d’être soumises à la torture en cas d’expulsion, de refoulement ou d’extradition. Le Comité a estimé que des directives devaient être adressées aux États parties et aux auteurs de communications pour les aider à appliquer correctement les dispositions de l’article 3 dans le contexte de la procédure prévue à l’article 22 de la Convention. Le 21 novembre 1997, le Comité a adopté l’Observation générale sur l’application de l’article 3 dans le contexte de l’article 22 de la Convention (A/53/44, par. 258).

Seizième session (1996)*

Observation générale n o  1: Application de l’article 3 de la Convention contre la torture (Refoulement) dans le contexte de l’article 22 (Communications)

Compte tenu des dispositions du paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention, qui dispose que «le Comité examine les communications reçues en vertu de l’article 22 en tenant compte de toutes les informations qui lui sont soumises par ou pour le compte du particulier et par l’État partie intéressé»,

Compte tenu des implications des dispositions du paragraphe 3 de l’article 111 du Règlement intérieur (CAT/C/3/Rev.2), et

Compte tenu de la nécessité de disposer de directives précises pour l’application de l’article 3, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 22,

À sa dix‑neuvième session, le Comité contre la torture a adopté, à sa 317e séance, le 21 novembre 1997, l’Observation générale ci‑après devant guider les États parties et les auteurs de communications:

1.L’article 3 s’applique uniquement dans les cas où il y a des motifs sérieux de croire que l’auteur d’une communication risque d’être soumis à la torture telle qu’elle est définie à l’article premier de la Convention.

2.Le Comité est d’avis qu’à l’article 3 l’expression «autre État» désigne l’État vers lequel la personne concernée va être expulsée, refoulée ou extradée aussi bien que tout État vers lequel l’auteur peut être expulsé, refoulé ou extradé ultérieurement.

3.En application de l’article premier de la Convention, le critère énoncé au paragraphe 2 de l’article 3, à savoir l’existence «d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives», vise uniquement les violations commises par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite.

Recevabilité

4.Le Comité est d’avis que c’est à l’auteur qu’il incombe d’établir qu’à première vue sa communication est recevable au titre de l’article 22 de la Convention, en remplissant chacune des conditions énoncées à l’article 107 du Règlement intérieur.

Examen au fond

5.Pour ce qui est de l’application de l’article 3 de la Convention à l’examen d’un cas quant au fond, c’est à l’auteur qu’il incombe de présenter des arguments défendables. En d’autres termes, sa position doit être étayée par des faits suffisamment solides pour qu’une réponse de l’État partie soit nécessaire.

6.Étant donné que l’État partie et le Comité sont tenus de déterminer s’il y a des motifs sérieux de croire que l’auteur risque d’être soumis à la torture s’il est expulsé, refoulé ou extradé, l’existence d’un tel risque doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable.

7.L’auteur doit prouver qu’il risque d’être soumis à la torture et que les motifs de croire que ce risque existe sont aussi sérieux qu’il est décrit plus haut et que le risque est encouru personnellement et actuellement. Chacune des deux parties peut soumettre toute information pertinente à l’appui de ses affirmations.

8.Les éléments suivants, qui ne constituent pas une liste exhaustive d’indicateurs applicables, seront pris en compte:

a)Y a‑t‑il dans l’État intéressé des preuves de l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives (voir par. 2 de l’article 3)?

b)L’auteur a‑t‑il été torturé ou maltraité dans le passé par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite? Dans l’affirmative, s’agit‑il d’un passé récent?

c)Existe‑t‑il des éléments de preuve de nature médicale ou d’autres éléments de preuve de sources indépendantes à l’appui des allégations de l’auteur qui affirme avoir été torturé ou maltraité dans le passé? La torture a‑t‑elle laissé des séquelles?

d)La situation visée à l’alinéa a ci‑dessus a‑t‑elle changé? La situation interne en ce qui concerne les droits de l’homme a‑t‑elle changé?

e)L’auteur s’est‑il livré, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’État intéressé, à des activités politiques qui font qu’il court un risque particulier d’être soumis à la torture s’il est renvoyé, refoulé ou extradé dans l’État en question?

f)Existe‑t‑il des preuves de la crédibilité de l’auteur?

g)Existe‑t‑il des incohérences factuelles dans ce que l’auteur affirme? Si tel est le cas, ont‑elles une incidence sur le fond?

9.Étant donné que le Comité contre la torture n’est pas un organe d’appel ni un organe juridictionnel ou administratif, mais qu’il est un organe de surveillance créé par les États parties à la Convention eux‑mêmes, doté uniquement de pouvoirs déclaratoires:

a)Le Comité accordera un poids considérable, dans l’exercice de ses compétences, en application de l’article 3 de la Convention, aux constatations de faits des organes de l’État partie intéressé; toutefois,

b)Le Comité contre la torture n’est pas lié par de telles constatations et est, au contraire, habilité, en vertu du paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention, à apprécier librement les faits en se fondant sur l’ensemble des circonstances de chaque affaire.

VI. OBSERVATION GÉNÉRALE ADOPTÉE PAR LE COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Vingt ‑sixième session (2001)

Observation générale n o  1: Les buts de l’éducation

Sens du paragraphe 1 de l’article 29

1.Le paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention relative aux droits de l’enfant a une portée très large. Les objectifs de l’éducation qui y sont énoncés, auxquels ont adhéré tous les États parties, tendent à promouvoir, appuyer et protéger la valeur essentielle proclamée dans la Convention, soit la dignité humaine inhérente à chaque enfant, qui est doté de droits égaux et inaliénables. Ces buts, énoncés dans les cinq alinéas du paragraphe 1 de l’article 29 sont tous directement liés au respect de la dignité humaine et des droits de l’enfant, compte tenu des besoins spéciaux de l’enfant dans son développement et de ses diverses capacités d’évolution. Les buts sont le développement global du plein potentiel de l’enfant (par. 1 a) de l’article 29), y compris l’acquisition de la notion de respect des droits de l’homme (par. 1 b)), un sens profond de l’identité et de l’appartenance (par. 1 c)) et la socialisation et l’interaction avec autrui (par. 1 d)) et avec le milieu (par. 1 e)).

2.Les dispositions du paragraphe 1 de l’article 29 non seulement ajoutent au droit à l’éducation énoncé à l’article 28 une dimension qualitative reflétant les droits et la dignité inhérente de l’enfant, mais soulignent également clairement qu’il importe que l’éducation soit axée sur l’enfant, adaptée à ses besoins et autonomisante et sur le fait que les processus d’éducation doivent être fondés sur les principes mêmes qui y sont énoncés. L’éducation à laquelle chaque enfant a droit est une éducation qui vise à doter l’enfant des aptitudes nécessaires à la vie, à développer sa capacité à jouir de l’ensemble des droits de la personne et à promouvoir une culture imprégnée des valeurs appropriées relatives aux droits de l’homme. L’objectif est de développer l’autonomie de l’enfant en stimulant ses compétences, ses capacités d’apprentissage et ses autres aptitudes, son sens de la dignité humaine, l’estime de soi et la confiance en soi. Dans ce contexte, «l’éducation» dépasse de loin les limites de l’enseignement scolaire formel et englobe toute la série d’expériences de vie et des processus d’apprentissage qui permettent aux enfants, individuellement et collectivement, de développer leur propre personnalité, leurs talents et leurs capacités et de vivre une vie pleine et satisfaisante au sein de la société.

3.Le droit de l’enfant à l’éducation n’est pas seulement une question d’accès à l’éducation (art. 28), mais concerne également le contenu de l’éducation. L’éducation dont le contenu est fermement ancré dans les valeurs énoncées au paragraphe 1 de l’article 29 constituera pour chaque enfant un outil indispensable lui permettant d’apporter au cours de sa vie une réponse équilibrée et respectueuse des droits de l’homme aux défis liés à la période de changements fondamentaux dus à la mondialisation, aux nouvelles technologies et aux phénomènes connexes. Ces défis sont liés notamment aux antagonismes entre le mondial et le local, l’individuel et le collectif, la tradition et la modernité, les considérations à long et à court terme, la concurrence et l’égalité des chances, l’élargissement des connaissances et la capacité à les assimiler et le spirituel et le matériel. Pourtant, dans les programmes et politiques nationaux et internationaux d’éducation qui occupent véritablement une place importante, les éléments énoncés au paragraphe 1 de l’article 29 semblent être trop souvent soit largement absents, soit ajoutés superficiellement pour la forme.

4.Conformément au paragraphe 1 de l’article 29, les États parties conviennent que l’éducation doit viser toute une série de valeurs. L’engagement ainsi pris dépasse les frontières des religions, des nations et des cultures qui sont établies dans de nombreuses régions du monde. À première vue, certaines des diverses valeurs énoncées au paragraphe 1 de l’article 29 pourraient sembler être en conflit les unes avec les autres dans certaines situations. Ainsi, le but qui consiste à promouvoir la compréhension, la tolérance et l’amitié entre tous les peuples, énoncé au paragraphe 1 d), peut ne pas être toujours automatiquement compatible avec les politiques visant, conformément au paragraphe 1 c), à inculquer à l’enfant le respect de son identité, de sa langue et de ses valeurs culturelles, ainsi que le respect des valeurs nationales du pays dans lequel il vit, du pays duquel il peut être originaire et des civilisations différentes de la sienne. En réalité, néanmoins, l’importance de cette disposition réside en partie précisément dans le fait qu’elle repose sur la nécessité d’une approche équilibrée de l’éducation, qui permette de concilier diverses valeurs grâce au dialogue et au respect de la différence. De plus, les enfants peuvent jouer un rôle privilégié dans la réconciliation d’un grand nombre de différences qui ont de longue date séparé les groupes de population les uns des autres.

Rôle du paragraphe 1 de l’article 29

5.Le paragraphe 1 de l’article 29 n’est pas qu’une simple énumération ou présentation des différents objectifs que l’éducation devrait permettre d’atteindre. Il sert à mettre en évidence, dans le contexte général de la Convention, les éléments décrits ci‑après.

6.Tout d’abord, ce paragraphe souligne le caractère nécessairement interdépendant des diverses dispositions de la Convention. Il repose sur toute une série d’autres dispositions, les renforce, les intègre et les complète et ne peut pas être interprété isolément de ces autres dispositions. Outre les principes généraux de la Convention − non‑discrimination (art. 2), intérêt supérieur de l’enfant (art. 3), droit à la vie, à la survie et au développement (art. 6) et droit de l’enfant d’exprimer des opinions et droit à ce qu’il en soit tenu compte (art. 12) −, un grand nombre d’autres dispositions peuvent être mentionnées, notamment, mais non pas seulement, celles qui concernent les droits et les responsabilités des parents (art. 5 et 18), la liberté d’expression (art. 13), la liberté de pensée (art. 14), le droit à l’information (art. 17), les droits des enfants handicapés (art. 23), le droit à l’éducation pour la santé (art. 24), le droit à l’éducation (art. 28) et les droits linguistiques et culturels des enfants appartenant à des groupes minoritaires (art. 30).

7.Les droits des enfants ne sont pas des valeurs séparées ou isolées privées de tout contexte, mais se situent dans un large cadre éthique qui est décrit en partie dans le paragraphe 1 de l’article 29 et dans le préambule de la Convention. Dans cette disposition se trouvent les réponses précises à un grand nombre des critiques qui ont été formulées à l’égard de la Convention. Ainsi, par exemple, l’article souligne l’importance du respect pour les parents, de la nécessité de considérer les droits dans leur cadre général éthique, moral, spirituel, culturel ou social et du fait que la plupart des droits des enfants, loin d’être imposés de l’extérieur, sont ancrés dans les valeurs des communautés locales.

8.Deuxièmement, une place importante est donnée dans l’article au processus de promotion du droit à l’éducation. Ainsi, les efforts visant à encourager l’exercice d’autres droits ne doivent pas être entravés mais doivent être encouragés grâce aux valeurs inculquées dans le cadre du processus d’éducation. Il s’agit à cet égard non seulement du contenu des programmes scolaires, mais également des processus d’éducation, des méthodes pédagogiques et du milieu dans lequel l’éducation est dispensée, qu’il s’agisse de la maison, de l’école ou d’un autre cadre. Les enfants ne sont pas privés de leurs droits fondamentaux du seul fait qu’ils franchissent les portes de l’école. Ainsi, par exemple, l’éducation doit être dispensée dans le respect de la dignité inhérente de l’enfant et doit permettre à l’enfant d’exprimer ses opinions librement conformément au paragraphe 1 de l’article 12 et de participer à la vie scolaire. L’éducation doit également être dispensée dans le respect des limites strictes de la discipline conformément au paragraphe 2 de l’article 28 et de façon à encourager la non‑violence dans le milieu scolaire. Le Comité a indiqué clairement à maintes reprises dans ses observations finales que le recours aux châtiments corporels allait à l’encontre du respect de la dignité inhérente de l’enfant et des limites strictes de la discipline scolaire. Le respect des valeurs énoncées au paragraphe 1 de l’article 29 suppose clairement que les établissements scolaires soient accueillants pour les enfants dans le plein sens du terme et qu’ils respectent à tous égards la dignité de l’enfant. Il importe d’encourager la participation des enfants à la vie scolaire, de créer des collectivités scolaires et des conseils d’élèves, de mettre en place des systèmes d’éducation et d’orientation par les pairs et de faire participer les enfants aux mesures de discipline scolaire, dans le cadre du processus d’apprentissage et d’expérimentation de la réalisation des droits.

9.Troisièmement, alors que l’article 28 vise les obligations des États parties pour ce qui est la mise en place de systèmes d’éducation et de la garantie de l’accès à l’éducation, le paragraphe 1 de l’article 29 souligne le droit individuel de chaque enfant à une qualité donnée d’éducation. Conformément à l’accent placé dans la Convention sur l’importance d’agir dans l’intérêt supérieur de l’enfant, cet article repose sur la notion d’éducation axée sur l’enfant, à savoir que l’objectif fondamental de l’éducation est le développement de la personnalité individuelle des dons et des aptitudes de l’enfant, reconnaissant le fait que chaque enfant a des caractéristiques, des intérêts, des aptitudes et des besoins d’apprentissage qui lui sont propres. En conséquence, les programmes scolaires doivent être pleinement adaptés au milieu social, culturel, environnemental et économique de l’enfant ainsi qu’à ses besoins présents et futurs et doivent être conçus en fonction de l’évolution des capacités de l’enfant; les méthodes d’enseignement doivent être adaptées aux différents besoins de chaque catégorie d’enfants. L’éducation doit également avoir pour but de veiller à ce que chaque enfant acquière les compétences essentielles à la vie et qu’aucun enfant n’achève sa scolarité sans avoir acquis les moyens de faire face aux défis auxquels il sera confronté au cours de sa vie. Les compétences essentielles ne se limitent pas à la capacité de lire, écrire et compter, mais consistent également en compétences propres à la vie, soit la capacité de prendre des décisions rationnelles, de résoudre les conflits de façon non violente et de suivre un mode de vie sain, d’établir des liens sociaux appropriés, de faire preuve du sens des responsabilités, d’une pensée critique, de créativité et d’autres aptitudes donnant aux enfants les outils leur permettant de réaliser leurs choix dans la vie.

10.La discrimination fondée sur toute considération visée à l’article 2 de la Convention, qu’elle soit déclarée ou dissimulée, est un affront à la dignité humaine de l’enfant et peut saper ou même anéantir ses moyens de bénéficier des possibilités d’éducation. Si le fait de refuser à un enfant l’accès aux possibilités d’éducation est une question relevant essentiellement de l’article 28 de la Convention, le non‑respect des principes énoncés au paragraphe 1 de l’article 29 peut de nombreuses façons avoir un effet analogue. À titre d’exemple extrême, la discrimination fondée sur le sexe peut être encore accrue par des pratiques telles que le non‑respect dans les programmes scolaires du principe de l’égalité entre les garçons et les filles, par des dispositions restreignant les bénéfices que les filles peuvent tirer des possibilités d’éducation offertes et par des conditions d’insécurité ou d’hostilité qui dissuadent les filles de poursuivre leur scolarité. La discrimination à l’encontre des enfants handicapés est également largement répandue dans de nombreux systèmes d’éducation institutionnalisés et dans un très grand nombre de cadres informels d’éducation, notamment dans les familles. Les enfants touchés par le VIH/sida sont également victimes d’une forte discrimination dans les deux cas. Toutes ces pratiques discriminatoires sont directement contraires aux dispositions du paragraphe 1 a) de l’article 29, selon lesquelles l’éducation doit viser à favoriser l’épanouissement de la personnalité de l’enfant et le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques dans toute la mesure de leurs potentialités.

11.Le Comité souligne également les liens existant entre les objectifs fixés au paragraphe 1 de l’article 29 et la lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée. Le racisme et les phénomènes qui y sont associés se développent surtout du fait de l’ignorance, des craintes infondées face aux différences raciales, ethniques, religieuses, culturelles, linguistiques et autres, de l’exploitation des préjugés ou de l’enseignement ou de la propagation de valeurs faussées. Un moyen fiable et durable de remédier à cet état de choses regrettable consiste à dispenser une éducation propre à promouvoir la compréhension et l’appréciation des valeurs énoncées au paragraphe 1 de l’article 29, notamment le respect des différences, et à lutter contre toutes les formes de discrimination et de préjugés. L’éducation doit donc faire l’objet d’une des plus hautes priorités dans toutes les campagnes de lutte contre les fléaux que sont le racisme et les phénomènes qui y sont associés. L’accent doit également être placé sur l’importance de l’enseignement concernant le racisme tel qu’il a existé au cours de l’histoire et en particulier tel qu’il se manifeste ou s’est manifesté au sein de certaines communautés. Le comportement raciste n’est pas le fait uniquement «des autres». C’est pourquoi il importe d’axer l’enseignement des droits de la personne et de l’enfant et du principe de la non‑discrimination sur la communauté à laquelle l’enfant appartient. Un tel enseignement peut contribuer efficacement à prévenir et à éliminer le racisme, la discrimination ethnique, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée.

12.Quatrièmement, le paragraphe 1 de l’article 29 met l’accent sur une approche holistique de l’éducation, visant à ce que les possibilités d’éducation offertes reflètent un équilibre approprié entre la promotion des aspects physiques, mentaux, spirituels et affectifs de l’éducation, des valeurs intellectuelles, sociales et concrètes et des aspects touchant l’enfance et la vie entière. L’objectif général de l’éducation est de développer au maximum le potentiel de l’enfant et de lui offrir un maximum de chances de participer pleinement et de façon responsable à la vie d’une société libre. Il convient de souligner que le type d’enseignement qui vise essentiellement à accumuler des connaissances, incitant à la rivalité et imposant une charge excessive de travail aux enfants risque d’entraver sérieusement le développement harmonieux de l’enfant dans toute la mesure de ses dons et de ses aptitudes. L’éducation doit être adaptée aux besoins de l’enfant, le stimuler et le motiver personnellement. Les établissements scolaires devraient favoriser un climat d’humanité et permettre aux enfants de s’épanouir selon l’évolution de leurs capacités.

13.Cinquièmement, le paragraphe 1 de l’article 29 met l’accent sur la nécessité de veiller à ce que l’éducation soit conçue et dispensée de façon à promouvoir et à renforcer toutes les valeurs éthiques particulières consacrées dans la Convention, notamment l’éducation pour la paix, la tolérance et le respect du milieu naturel, d’une façon intégrée et holistique. Il faudra à cette fin adopter une approche pluridisciplinaire. La promotion et le renforcement des valeurs énoncées au paragraphe 1 de l’article 29 sont non seulement nécessaires en raison des problèmes qui se posent dans d’autres domaines, mais doivent en priorité être axés sur les problèmes existant au sein de la communauté à laquelle l’enfant appartient. L’éducation à cet égard doit se faire au sein de la famille, mais les établissements scolaires et les communautés ont également un rôle important à jouer. Par exemple, pour inculquer le respect du milieu naturel, l’éducation doit souligner le lien qui existe entre les questions d’environnement et de développement durable et les questions économiques, socioculturelles et démographiques. De même, le respect du milieu naturel devrait être enseigné aux enfants dans la famille, à l’école et au sein de la communauté; les enfants devraient être initiés aux problèmes tant nationaux qu’internationaux et devraient pouvoir participer aux projets locaux, régionaux ou mondiaux concernant l’environnement.

14.Sixièmement, le paragraphe 1 de l’article 29 souligne le rôle vital des chances appropriées d’éducation dans la promotion de l’ensemble des droits de l’homme et dans la prise de conscience de leur caractère indissociable. L’aptitude de l’enfant à participer pleinement et de façon responsable à la vie d’une société libre peut être diminuée ou entravée non seulement si l’enfant est directement privé d’accès à l’éducation mais aussi si aucun effort n’est fait pour promouvoir la prise de conscience des valeurs consacrées dans cet article.

Éducation dans le domaine des droits de l’homme

15.Les dispositions du paragraphe 1 de l’article 29 peuvent également être considérées comme une source d’inspiration pour les divers programmes d’éducation dans le domaine des droits de l’homme préconisés par la Conférence mondiale sur les droits de l’homme tenue à Vienne en 1993 et encouragés par les institutions internationales. Toutefois, les droits de l’enfant n’ont pas toujours occupé la place centrale qu’ils doivent avoir dans le cadre de ces programmes. L’éducation dans le domaine des droits de l’homme devrait consister à faire connaître la teneur des instruments relatifs aux droits de l’homme. Néanmoins, les enfants devraient également faire l’apprentissage des droits de l’homme en constatant l’application dans la pratique des normes dans ce domaine, tant dans la famille qu’à l’école et au sein de la communauté. L’éducation dans le domaine des droits de l’homme devrait être un processus global s’étendant sur toute une vie et avoir pour point de départ la concrétisation des valeurs relatives aux droits de l’homme dans la vie quotidienne et l’apprentissage des enfants.

16.Les valeurs énoncées au paragraphe 1 de l’article 29 concernent les enfants vivant dans des régions en paix, mais sont encore plus importantes pour les enfants vivant dans des situations de conflit ou d’urgence. Comme il est souligné dans le Cadre d’action de Dakar, il importe, dans le contexte de systèmes éducatifs subissant le contrecoup de situations de conflit, de catastrophes naturelles et d’instabilité, que les programmes d’éducation soient appliqués selon des méthodes qui soient de nature à promouvoir la paix, la compréhension mutuelle et la tolérance et à prévenir la violence et les conflits. L’éducation dans le domaine du droit international humanitaire constitue également un aspect important, mais trop souvent négligé, des efforts visant à donner effet au paragraphe 1 de l’article 29.

Mise en œuvre, surveillance et examen

17.Les objectifs et les valeurs visés au paragraphe 1 de l’article 29 sont énoncés en termes relativement généraux et leur portée est potentiellement très étendue. Il semble que ce fait ait conduit un grand nombre d’États parties à considérer qu’il était inutile, ou même inapproprié, de veiller à ce que les principes dont il s’agit soient inscrits dans la législation ou dans les directives administratives. Cette considération est injustifiée. S’ils ne sont pas formellement inscrits dans la législation ou les politiques nationales, il semble peu probable que ces principes soient ou seront appliqués pour inspirer véritablement les politiques en matière d’éducation. C’est pourquoi le Comité demande à tous les États parties de prendre les mesures nécessaires pour incorporer formellement ces principes dans leurs politiques et leur législation en matière d’éducation à tous les niveaux.

18.La mise en œuvre effective du paragraphe 1 de l’article 29 nécessite un profond remaniement des programmes scolaires pour tenir compte des divers buts de l’éducation, et une révision systématique des manuels scolaires et des matériaux et techniques d’enseignement, ainsi que les politiques en matière scolaire. La méthode qui consiste uniquement à superposer au système existant les buts et les valeurs énoncés dans l’article sans tenter d’apporter des changements plus profonds est clairement inappropriée. Les valeurs pertinentes ne peuvent être intégrées efficacement dans les programmes d’enseignement et être ainsi adaptées à ces programmes que si les personnes qui doivent les transmettre, les promouvoir et les enseigner et, dans la mesure du possible, les illustrer, sont elles‑mêmes convaincues de leur importance. Ainsi, il est essentiel de mettre en place, à l’intention des enseignants, des gestionnaires de l’éducation et d’autres responsables de l’éducation des enfants, des plans de formation avant l’emploi et en cours d’emploi, permettant de promouvoir les principes énoncés au paragraphe 1 de l’article 29. Il importe également que les méthodes d’enseignement appliquées dans les établissements scolaires soient fidèles à l’esprit de la Convention relative aux droits de l’enfant et à la conception de l’éducation qui y est énoncée ainsi qu’aux buts de l’éducation cités au paragraphe 1 de l’article 29.

19.En outre, le milieu scolaire lui‑même doit ainsi être le lieu où s’expriment la liberté et l’esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d’égalité entre les sexes et d’amitié entre tous les peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux, et avec les personnes d’origine autochtone, comme le prévoient les alinéas b et d du paragraphe 1 de l’article 29. Les établissements scolaires qui tolèrent le harcèlement ou d’autres pratiques violentes et l’exclusion ne respectent pas les prescriptions du paragraphe 1 de l’article 29. L’expression «éducation dans le domaine des droits de l’homme» est trop souvent employée dans un sens très réducteur. L’important, outre l’éducation formelle dans le domaine des droits de l’homme, est de promouvoir des valeurs et des politiques favorables au respect des droits de l’homme, non seulement dans les établissements scolaires et les universités, mais également au sein de la communauté dans son ensemble.

20.De façon générale, les diverses mesures que les États parties sont tenus de prendre pour s’acquitter de leurs obligations en vertu de la Convention manqueront de fondement si le texte de la Convention lui‑même n’est pas largement diffusé, conformément aux dispositions de l’article 42. Des mesures dans ce sens permettront également aux enfants de mieux s’acquitter de leur rôle de promoteurs et de défenseurs des droits des enfants dans leur vie quotidienne. Pour faciliter une diffusion plus large, les États parties devraient faire rapport sur les mesures qu’ils ont adoptées pour atteindre cet objectif et le Haut‑Commissariat aux droits de l’homme devrait constituer une base de données globale des versions de la Convention qui existent dans les diverses langues.

21.Les médias, entendus au sens large, ont également un rôle central à jouer, à la fois pour promouvoir les valeurs et les buts énoncés au paragraphe 1 de l’article 29 et pour veiller à ce que leurs activités n’aillent pas à l’encontre des efforts déployés par ailleurs dans la promotion de ces objectifs. Les Gouvernements sont tenus, en vertu de l’article 17 a) de la Convention, de prendre toutes les mesures appropriées pour encourager les médias «à diffuser une information et des matériels qui présentent une utilité sociale et culturelle pour l’enfant».

22.Le Comité demande aux États parties d’accorder davantage d’attention à l’éducation en tant que processus dynamique et à concevoir des moyens permettant d’évaluer les changements intervenus dans le temps pour ce qui est de l’application du paragraphe 1 de l’article 29. Chaque enfant a le droit de recevoir une éducation de bonne qualité, ce qui nécessite une concentration de l’attention sur la qualité du milieu d’apprentissage, de l’enseignement et des processus et matériaux ainsi que des résultats de l’enseignement. Le Comité note l’importance des enquêtes qui peuvent être l’occasion d’évaluer les progrès réalisés, compte tenu de l’analyse des opinions exprimées par tous les acteurs impliqués dans le processus, y compris les enfants en cours de scolarité ou ayant quitté l’école, les enseignants et les animateurs de jeunes, les parents et les gestionnaires et cadres du domaine de l’éducation. À cet égard, le Comité souligne le rôle des mécanismes de surveillance au niveau national, dont l’objectif est de veiller à ce que les enfants, les parents et les enseignants participent à la prise de décisions concernant l’éducation.

23.Le Comité demande aux États parties de mettre au point un plan d’action national global pour la promotion et la surveillance de la réalisation des objectifs énoncés au paragraphe 1 de l’article 29. Si un tel plan est élaboré dans le contexte plus large d’un plan d’action national pour l’enfance, d’un plan d’action national pour les droits de l’homme ou d’une stratégie nationale pour l’éducation dans le domaine des droits de l’homme, le Gouvernement doit veiller à ce que ce plan porte néanmoins sur toutes les questions faisant l’objet du paragraphe 1 de l’article 29 et ceci dans une perspective axée sur les droits de l’enfant. Le Comité demande instamment que les organismes des Nations Unies et les autres instances internationales s’intéressant aux politiques en matière d’éducation et à l’éducation dans le domaine des droits de l’homme s’efforcent d’assurer une meilleure coordination afin de veiller à une mise en œuvre plus efficace des dispositions du paragraphe 1 de l’article 29.

24.L’élaboration et la mise en œuvre de programmes visant à promouvoir les valeurs énoncées dans cet article devraient faire partie des mesures prises régulièrement par les Gouvernements face à la plupart des situations dans lesquelles un ensemble de violations des droits de l’homme a été commis. Ainsi, par exemple, lorsqu’il se produit des incidents graves de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d’intolérance qui y est associée impliquant des jeunes de moins de 18 ans, il est probable que le Gouvernement n’a pas pris toutes les mesures qu’il aurait dû prendre pour promouvoir les valeurs énoncées dans la Convention en général et dans le paragraphe 1 de l’article 29 en particulier. Il conviendra en conséquence d’adopter d’autres mesures appropriées au titre du paragraphe 1 de l’article 29, concernant notamment l’examen et l’adoption de toutes techniques d’éducation qui pourrait avoir une incidence positive sur la réalisation des droits énoncés dans la Convention.

25.Les États parties devraient également envisager de mettre en place une procédure d’examen pour donner suite aux plaintes selon lesquelles les politiques ou les pratiques suivies ne sont pas conformes aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 29. De telles mesures ne supposent pas nécessairement la création de nouveaux organes judiciaires, administratifs ou du domaine de l’éducation. Ces procédures d’examen peuvent également être confiées aux institutions nationales de défense des droits de l’homme ou aux organismes administratifs existants. Le Comité demande à chaque État partie, lorsqu’il fait rapport sur l’application de cet article, de décrire les véritables possibilités qui existent aux niveaux national ou local d’obtenir un examen des pratiques qui sont dénoncées comme incompatibles avec les dispositions de la Convention. Des informations devraient être fournies sur les modalités selon lesquelles de tels examens peuvent être entrepris et sur le nombre de procédures d’examen engagées au cours de la période visée dans le rapport.

26.Afin de mieux centrer la procédure d’examen des rapports des États parties concernant l’application du paragraphe 1 de l’article 29 et conformément aux dispositions de l’article 44 selon lesquelles les rapports doivent indiquer les facteurs et les difficultés empêchant l’application de la Convention, le Comité demande à chaque État partie de donner dans ses rapports périodiques une description détaillée de ce qu’il considère comme étant les plus grandes priorités dans sa juridiction et des mesures qui appellent un effort plus concerté afin de promouvoir les valeurs énoncées dans ces dispositions, et de décrire le programme d’activités qu’il envisage d’entreprendre dans les cinq années suivantes afin de remédier aux problèmes constatés.

27.Le Comité demande aux organes et institutions des Nations Unies et aux autres organes compétents dont le rôle est souligné à l’article 45 de la Convention de contribuer plus activement et plus systématiquement aux travaux du Comité concernant l’application du paragraphe 1 de l’article 29.

28.La mise en œuvre de plans d’action nationaux d’ensemble visant à mettre en œuvre les dispositions du paragraphe 1 de l’article 29 nécessitera des ressources humaines et financières qui devraient être disponibles dans toute la mesure du possible, conformément à l’article 4 de la Convention. En conséquence, le Comité estime que les contraintes en matière de ressources ne peuvent pas justifier qu’un État partie ne prenne pas ou pas suffisamment de mesures dans ce sens. À cet égard et compte tenu des obligations faites aux États parties de promouvoir et d’encourager la coopération internationale à la fois en termes généraux (art. 4 et 45 de la Convention) et pour ce qui est de l’éducation (par. 3 de l’article 28), le Comité demande instamment aux États parties apportant leur coopération pour le développement de veiller à ce que leurs programmes soient conçus de façon à tenir pleinement compte des principes énoncés au paragraphe 1 de l’article 29.

Trente et unième session (2002)

Observation générale n o  2: Le rôle des institutions nationales indépendantes de défense des droits de l’homme dans la protection et la promotion des droits de l’enfant

1.En vertu de l’article 4 de la Convention relative aux droits de l’enfant, les États parties sont tenus de «prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres qui sont nécessaires pour mettre en œuvre les droits reconnus dans la présente Convention». Les institutions nationales indépendantes de défense des droits de l’homme (INDH) constituent un mécanisme propre à contribuer de manière importante à promouvoir et assurer la mise en œuvre de la Convention, et le Comité des droits de l’enfant considère que la mise en place de tels organes entre dans le champ de l’engagement pris par les États parties lors de la ratification de la Convention de s’attacher à la mettre en œuvre et d’œuvrer à la réalisation universelle des droits de l’enfant. Dans cette optique, le Comité a accueilli avec satisfaction la mise en place dans un certain nombre d’États parties d’INDH et de médiateurs ou commissaires pour les enfants et autres organes indépendants de cet ordre aux fins de la promotion et de la surveillance de l’application de la Convention.

2.Le Comité publie la présente observation générale tant pour encourager les États parties à se doter d’une institution indépendante chargée de promouvoir et surveiller l’application de la Convention que pour les soutenir dans cette entreprise en indiquant les caractéristiques essentielles de ces institutions ainsi que les activités qu’elles devraient mener. Le Comité appelle ceux des États parties qui possèdent déjà des institutions de ce type à engager une réflexion sur leur statut et leur efficacité dans le souci de promouvoir et protéger les droits de l’enfant tels qu’ils sont consacrés par la Convention relative aux droits de l’enfant et les autres instruments internationaux pertinents.

3.La Conférence mondiale sur les droits de l’homme, tenue en 1993, a réaffirmé dans la Déclaration et le Programme d’action de Vienne «… le rôle important et constructif que jouent les institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme» et a encouragé «… la création et le renforcement d’institutions nationales». L’Assemblée générale et la Commission des droits de l’homme ont appelé à maintes reprises à la création d’institutions nationales de défense des droits de l’homme, en soulignant le rôle important que jouent les INDH pour ce qui est de promouvoir et protéger les droits de l’homme et d’y sensibiliser l’opinion. Dans ses directives générales concernant les rapports périodiques, le Comité demande aux États parties de fournir des renseignements sur «tout organe indépendant créé pour promouvoir et protéger les droits de l’enfant…», et il aborde donc systématiquement cette question à l’occasion de son dialogue avec les États parties.

4.Les INDH devraient être mises en place en se conformant aux principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme («Principes de Paris») que l’Assemblée générale a adoptés en 1993 − ces principes lui ayant été transmis par la Commission des droits de l’homme en 1992. Cet ensemble de règles minimales porte sur la création, les compétences et attributions, la composition et les garanties d’indépendance et de pluralisme, les modalités de fonctionnement, et les activités à caractère quasi juridictionnel de ces organes nationaux.

5.Tant les adultes que les enfants ont besoin d’INDH pour protéger leurs droits fondamentaux, mais des raisons supplémentaires existent de veiller à ce que les droits fondamentaux des enfants bénéficient d’une attention spéciale. À leur nombre figurent les faits suivants: l’état de développement des enfants les rend particulièrement vulnérables aux violations des droits de l’homme; leurs opinions sont rarement prises en considération; la plupart des enfants ne votent pas et ne peuvent jouer de rôle significatif dans le processus politique déterminant l’action du gouvernement dans le domaine des droits de l’homme; les enfants éprouvent de grandes difficultés à recourir au système judiciaire pour protéger leurs droits ou obtenir réparation en cas de violation de leurs droits; l’accès des enfants aux organismes susceptibles de protéger leurs droits est en général limité.

6.Le nombre d’États parties dotés d’institutions indépendantes spécialisées dans la défense des droits fondamentaux des enfants ou d’un médiateur ou commissaire pour les droits de l’enfant est en augmentation. Là où les ressources disponibles sont limitées, il faut s’attacher à les utiliser le plus efficacement possible aux fins de promouvoir et protéger les droits fondamentaux de tous les individus, dont les enfants, et, dans pareil contexte, la mise en place d’une institution nationale généraliste de défense des droits de l’homme dotée d’une structure spécialisée dans les droits de l’enfant constitue sans doute la meilleure démarche. Dans la structure d’une institution nationale généraliste de défense des droits de l’homme, une place devrait ainsi être faite soit à un commissaire expressément chargé des droits de l’enfant soit à une section ou division spéciale responsable des droits de l’enfant.

7.Le Comité estime que chaque État a besoin d’une institution nationale de défense des droits de l’homme investie de la responsabilité de promouvoir et protéger les droits des enfants. Son principal souci est que cette institution − quelle qu’en soit la forme − ait la capacité de surveiller, promouvoir et protéger les droits de l’enfant dans l’indépendance et avec efficacité. Il est indispensable de réserver une place centrale à la promotion et à la protection des droits de l’enfant et de veiller à ce que toutes les institutions des droits de l’homme en place dans un pays collaborent étroitement à cette fin.

Mandat et pouvoirs

8.Les INDH devraient, si possible, faire l’objet d’une disposition constitutionnelle et être au minimum investies d’un mandat inscrit dans un texte législatif. Le Comité est d’avis que le champ de leur mandat devrait, dans un souci de promotion et de protection des droits de l’homme, être aussi large que possible et s’étendre à la Convention relative aux droits de l’enfant, à ses Protocoles facultatifs et aux autres instruments internationaux pertinents relatifs aux droits de l’homme − couvrant ainsi efficacement tous les droits fondamentaux des enfants, en particulier leurs droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. La législation devrait comporter des dispositions fixant avec précision les fonctions, pouvoirs et devoirs en rapport avec les enfants eu égard à la Convention relative aux droits de l’enfant et à ses Protocoles facultatifs. Là où une INDH a été mise en place avant l’adoption de la Convention ou sans y faire expressément référence, les mesures nécessaires − dont l’adoption d’un texte législatif ou sa révision − devraient être prises afin de mettre en conformité le mandat de ladite institution avec les principes et dispositions de la Convention.

9.Les INDH devraient être investies des pouvoirs nécessaires pour leur permettre de s’acquitter efficacement de leur mandat, notamment du pouvoir d’entendre tout individu et d’obtenir toute information ou tout document nécessaire pour apprécier les situations entrant dans leur champ de compétence. Ces pouvoirs devraient englober la promotion et la protection des droits de tous les enfants placés sous la juridiction de l’État partie, à l’égard non seulement de l’État mais de toutes les entités publiques et privées pertinentes.

Processus de mise en place

10.Le processus de mise en place des INDH devrait être consultatif, inclusif et transparent, être mis en route et soutenu par les échelons les plus élevés du gouvernement et mettre en jeu toutes les composantes pertinentes de l’État, l’appareil législatif et la société civile. Leur indépendance et leur bon fonctionnement passent par une dotation adéquate en infrastructures, en ressources financières (y compris des fonds affectés spécialement aux droits de l’enfant dans le cas des institutions généralistes), en personnel et en locaux, ainsi que par l’absence de toute forme de contrôle financier susceptible de compromettre leur indépendance.

Ressources

11.Tout en ayant conscience qu’il s’agit là d’une question très délicate et que l’ampleur des ressources économiques disponibles varie selon les États parties, le Comité estime, eu égard à l’article 4 de la Convention, qu’il incombe aux États d’affecter des ressources financières d’un montant raisonnable au fonctionnement des institutions nationales de défense des droits de l’homme. En effet, si ces institutions ne sont pas pourvues des moyens nécessaires pour fonctionner efficacement et s’acquitter de leur mission, leur mandat et pouvoirs risquent d’être réduits à néant ou l’exercice de leurs pouvoirs d’être restreint.

Représentation pluraliste

12.Les INDH devraient veiller à ce que leurs structures reflètent la pluralité des différents pans de la société civile engagés dans la promotion et la protection des droits de l’homme. Elles devraient s’employer à associer à leurs travaux les acteurs suivants: les organisations non gouvernementales (ONG) de défense des droits de l’homme, les ONG luttant contre la discrimination et les ONG œuvrant en faveur des droits de l’enfant, y compris les organisations de jeunes et d’enfants; les syndicats; les organisations sociales et professionnelles (de médecins, d’avocats, de journalistes, de scientifiques, etc.); les universitaires et experts, notamment les experts en droits de l’enfant. Les entités gouvernementales ne devraient intervenir qu’à titre consultatif. Les INDH devraient adopter des procédures de recrutement judicieuses et transparentes, faisant notamment une place à un processus de sélection ouvert par voie de concours.

Voies de recours en cas d’atteintes aux droits de l’enfant

13.Les INDH doivent être investies du pouvoir de connaître des plaintes et requêtes individuelles, dont celles soumises au nom d’un enfant ou directement par un enfant, et d’effectuer les investigations nécessaires. Afin d’être à même de mener efficacement lesdites investigations, elles doivent être investies du pouvoir de citer et d’interroger des témoins, avoir accès aux éléments pertinents de preuves par documents et avoir accès aux lieux de détention. Il leur faut en outre veiller à ce qu’en cas d’atteinte − quelle qu’elle soit − à leurs droits les enfants bénéficient de recours efficaces sous forme d’avis indépendant, d’action de plaidoyer et de dispositif de plainte. En cas de plainte, les INDH devraient, en fonction des circonstances, engager une action de médiation ou de conciliation.

14.Les INDH devraient être investies du pouvoir d’apporter un soutien aux enfants portant leurs griefs devant la justice, notamment du pouvoir: a) de se saisir en leur qualité d’INDH d’affaires concernant des questions relatives aux enfants et b) d’intervenir dans les affaires portées devant la justice pour informer le tribunal des questions en jeu touchant aux droits de l’homme en l’espèce.

Accessibilité et participation

15.Les INDH devraient être accessibles géographiquement et physiquement à tous les enfants. Dans l’esprit de l’article 2 de la Convention, elles devraient adopter une démarche proactive en direction de tous les groupes d’enfants, en particulier les groupes les plus vulnérables et défavorisés, tels que (entre autres) les enfants placés ou détenus, les enfants appartenant à des groupes minoritaires et des groupes autochtones, les enfants handicapés, les enfants vivant dans la pauvreté, les enfants réfugiés et migrants, les enfants de la rue et les enfants ayant des besoins spéciaux dans des domaines comme la culture, la langue, la santé et l’éducation. Il faudrait inscrire dans la législation relative aux INDH le droit de ces institutions d’avoir un accès en toute confidentialité à tous les enfants faisant l’objet d’une mesure de protection de remplacement et d’avoir accès à tous les établissements accueillant des enfants.

16.Les INDH ont un rôle déterminant à jouer pour ce qui est de promouvoir le respect par le gouvernement et l’ensemble de la société des opinions des enfants dans tous les domaines les concernant, conformément à l’article 12 de la Convention. Ce principe général devrait s’appliquer à la mise en place, à l’organisation et aux activités des institutions nationales de défense des droits de l’homme. Ces institutions doivent s’employer à établir des contacts directs avec les enfants et à les impliquer et à les consulter de manière appropriée. Dans le souci de faciliter la participation des enfants aux affaires les concernant, on pourrait − par exemple‑  créer des conseils d’enfants appelés à servir d’organe consultatif aux INDH.

17.Les INDH devraient concevoir des programmes de consultation adaptés et des stratégies originales de communication pour assurer le plein respect de l’article 12 de la Convention. Il faudrait mettre en place un ensemble de filières appropriées permettant aux enfants de communiquer avec ces institutions.

18.Les INDH doivent être investies du droit de faire rapport − directement, indépendamment et séparément − sur la situation des droits de l’enfant à l’opinion publique et aux instances parlementaires. À cet égard, les États parties doivent instaurer dans le cadre du Parlement un débat annuel destiné à donner aux parlementaires la possibilité d’examiner le travail des INDH en faveur des droits de l’enfant et le degré de respect de la Convention par l’État.

Activités recommandées

19.La liste ci‑après indique de manière non restrictive les types d’activités que les INDH devraient mener aux fins de la réalisation des droits de l’enfant eu égard aux principes généraux de la Convention. Elles devraient:

a)Procéder, dans les limites de leur mandat, à des investigations − suite à une plainte ou de leur propre initiative − sur toute affaire de violation des droits de l’enfant;

b)Réaliser des enquêtes sur les questions relatives aux droits de l’enfant;

c)Élaborer et diffuser des avis, recommandations et rapports − de leur propre initiative ou à la demande des autorités nationales − concernant tous sujets touchant à la promotion et à la protection des droits de l’enfant;

d)Surveiller l’adéquation et l’efficacité de la législation et des pratiques relatives à la protection des droits de l’enfant;

e)Promouvoir l’harmonisation de la législation, de la réglementation et des pratiques nationales avec la Convention relative aux droits de l’enfant et ses Protocoles facultatifs ainsi qu’avec les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme en rapport avec les droits de l’enfant et promouvoir leur mise en œuvre effective, notamment en fournissant aux structures publiques et privées des avis sur l’interprétation et l’application de la Convention;

f)Veiller à ce que les responsables de la politique économique nationale tiennent compte des droits de l’enfant dans la formulation et l’évaluation des plans nationaux concernant l’économie et le développement;

g)Dresser et faire connaître le bilan du gouvernement en ce qui concerne la mise en œuvre et la surveillance de l’évolution de la situation des droits de l’enfant, en insistant sur la nécessité de recueillir des statistiques ventilées de manière appropriée et de procéder à la collecte régulière d’autres informations afin de déterminer ce qui doit être fait pour donner effet aux droits de l’enfant;

h)Encourager la ratification de tous les instruments internationaux pertinents relatifs aux droits de l’homme ou l’adhésion à de tels instruments;

i)Veiller à ce que les conséquences des lois et politiques pour les enfants soient soigneusement prises en considération du stade de leur élaboration et à celui de leur mise en œuvre et au‑delà, conformément à l’article 3 de la Convention aux termes duquel dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale;

j)Veiller, conformément à l’article 12, à ce que les enfants puissent exprimer leurs opinions et à ce que ces opinions soient prises en considération dans les affaires touchant à leurs droits fondamentaux et dans le traitement des questions relatives à leurs droits;

k)Préconiser et favoriser une véritable participation des ONG œuvrant en faveur des droits de l’enfant − y compris les organisations d’enfants − à l’élaboration de la législation interne et des instruments internationaux portant sur des questions ayant des incidences sur les enfants;

l)Promouvoir la compréhension et la connaissance par la population de l’importance que revêtent les droits de l’enfant et, à cet effet, collaborer étroitement avec les médias et entreprendre ou parrainer des travaux de recherche et des activités éducatives dans ce domaine;

m)Sensibiliser le gouvernement, les organismes publics et le grand public aux dispositions de la Convention et surveiller la manière dont l’État s’acquitte de ses obligations en la matière, conformément à l’article 42 de la Convention en vertu duquel les États parties s’engagent «à faire largement connaître les principes et les dispositions de la présente Convention, par des moyens actifs et appropriés, aux adultes comme aux enfants»;

n)Concourir à la formulation de programmes ayant pour objet de dispenser un enseignement et de mener des recherches concernant les droits de l’enfant ainsi que de faire une place aux droits de l’enfant tant dans les programmes d’enseignement scolaire et universitaire que dans la formation à l’intention de certaines catégories professionnelles;

o)Mener une action éducative relative aux droits de l’être humain axée spécifiquement sur les enfants (s’ajoutant à une action de promotion visant à promouvoir la connaissance par le grand public de l’importance que revêtent les droits de l’enfant);

p)Intenter des actions en justice pour faire valoir les droits des enfants dans l’État partie ou fournir une assistance juridique aux enfants;

q)Engager, en fonction des circonstances, un processus de médiation ou de conciliation avant de saisir la justice;

r)Fournir aux tribunaux, dans les affaires s’y prêtant, des services d’expert sur les droits de l’enfant – en qualité d’amicus curiae ou d’intervenant;

s)Inspecter les foyers pour délinquants juvéniles (et tous les lieux où des enfants sont détenus pour réadaptation ou pour purger une peine) et les institutions de prise en charge en vue de rendre compte de la situation y régnant et de formuler des recommandations quant aux améliorations à apporter, conformément à l’article 3 de la Convention en vertu duquel les États parties s’engagent à veiller «à ce que le fonctionnement des institutions, services et établissements qui ont la charge des enfants et assurent leur protection soit conforme aux normes fixées par les autorités compétentes, particulièrement dans le domaine de la sécurité et de la santé et en ce qui concerne le nombre et la compétence de leur personnel ainsi que l’existence d’un contrôle approprié»;

t)Entreprendre toutes autres activités connexes aux activités susmentionnées.

Soumission de rapports au Comité des droits de l’enfant et coopération entre les INDH et les organismes et mécanismes des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies

20.Les INDH devraient contribuer de manière indépendante au processus de soumission et d’examen des rapports prévu par la Convention et les autres instruments internationaux pertinents et apprécier la sincérité des rapports soumis par les gouvernements aux organismes créés en application de traités internationaux en ce qui concerne les droits de l’enfant, notamment dans le cadre d’un dialogue avec le Comité des droits de l’enfant à l’occasion de son groupe de travail de présession et avec d’autres organes conventionnels pertinents.

21.Le Comité demande aux États parties de fournir dans leurs rapports au Comité des renseignements détaillés sur le statut législatif, le mandat et les principales activités pertinentes des INDH. Il est approprié que les États parties consultent les institutions indépendantes de défense des droits de l’homme au titre de l’élaboration des rapports destinés au Comité. Cela étant, les États parties doivent respecter l’indépendance de ces institutions, en particulier dans l’exercice de leur fonction de pourvoyeuses de renseignements au Comité. Il est inapproprié de déléguer aux INDH l’élaboration des rapports ou d’inclure un de leurs membres dans la délégation gouvernementale envoyée pour procéder à l’examen du rapport avec le Comité.

22.Les INDH devraient en outre coopérer avec les procédures spéciales de la Commission des droits de l’homme, dont les mécanismes de pays et les mécanismes thématiques, en particulier le Rapporteur spécial sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants et le Représentant spécial du Secrétaire général pour la question des enfants et des conflits armés.

23.L’Organisation des Nations Unies met en œuvre depuis longtemps un programme destiné à aider à mettre en place des institutions nationales de défense des droits de l’homme ou à les renforcer. Ce programme, qui relève du Haut‑Commissariat aux droits de l’homme (HCDH), sert à fournir une assistance technique et à faciliter la coopération régionale et mondiale ainsi que les échanges entre institutions nationales de défense des droits de l’homme. Les États parties devraient, au besoin, recourir à cette assistance. Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) offre également des services d’expert et mène une coopération technique dans ce domaine.

24.Comme il est disposé à l’article 45 de la Convention, le Comité peut aussi, s’il le juge nécessaire, transmettre aux institutions spécialisées des Nations Unies et aux autres organismes compétents tout rapport des États parties contenant une demande ou indiquant un besoin de conseils ou d’assistance techniques concernant la mise en place d’institutions nationales de défense des droits de l’homme.

Les INDH et les États parties

25.C’est l’État qui ratifie la Convention relative aux droits de l’homme et souscrit à l’obligation de la mettre en œuvre dans son intégralité. Les INDH ont quant à elles pour rôle de surveiller en toute indépendance à quel point l’État se conforme à la Convention et accomplit des progrès dans sa mise en œuvre ainsi que de faire leur possible pour assurer le plein respect des droits des enfants. Même si ces institutions peuvent être ainsi amenées à formuler des projets tendant à renforcer la promotion et la protection des droits de l’enfant, le gouvernement ne saurait déléguer aux institutions nationales ses obligations en matière de surveillance. Il est essentiel que ces institutions conservent la totale liberté de fixer leur plan de travail et de déterminer leurs propres activités.

Les INDH et les ONG

26.Les organisations non gouvernementales jouent un rôle crucial dans la promotion des droits de l’homme et des droits de l’enfant. Le rôle revenant aux INDH, qui sont dotées d’une assise législative et de pouvoirs spécifiques, est complémentaire. Il est essentiel que ces institutions collaborent étroitement avec les ONG et que les gouvernements respectent l’indépendance des INDH comme des ONG.

Coopération régionale et internationale

27.Des processus et mécanismes régionaux et internationaux sont susceptibles de renforcer et de conforter les INDH, par le canal d’échange de données d’expérience et de compétences, puisqu’elles sont confrontées dans leurs pays respectifs à des problèmes communs dans le domaine de la protection et de la promotion des droits de l’homme.

28.À cet égard, les INDH devraient avoir des consultations portant sur les questions relatives aux enfants avec les organes et organismes nationaux, régionaux et internationaux compétents et coopérer avec eux en la matière.

29.Les questions relatives aux droits fondamentaux des enfants dépassent les frontières nationales et il est toujours plus nécessaire de définir aux échelons régional et international des réponses adaptées à toute une série de questions relatives aux droits de l’enfant (la traite des femmes et des enfants, la pornographie à caractère pédophile, les enfants soldats, le travail des enfants, la maltraitance à enfant, les enfants réfugiés et migrants − entre autres). Il faut encourager les mécanismes et échanges internationaux et régionaux car ils offrent aux INDH la possibilité de tirer parti de leurs données d’expérience respectives, de renforcer collectivement leurs positions mutuelles et de contribuer à remédier à certains problèmes en rapport avec les droits de l’homme se posant à l’échelon du pays et de la région.

Trente ‑deuxième session (2003)

Observation générale n o  3: Le VIH/sida et les droits de l’enfant

I. Introduction

1.L’épidémie de VIH/sida a radicalement changé le monde dans lequel vivent les enfants. Des millions d’enfants ont été infectés ou sont décédés et un plus grand nombre encore sont gravement touchés par la propagation du VIH dans leurs familles et leurs communautés. Cette épidémie a des répercussions sur la vie quotidienne des jeunes enfants et elle accroît la victimisation et la marginalisation des enfants, spécialement des enfants vivant dans des conditions particulièrement difficiles. Le VIH/sida n’est pas un problème limité à certains pays mais il concerne le monde entier. Pour pouvoir maîtriser ses conséquences sur les enfants, des efforts concertés et soigneusement ciblés doivent être déployés par tous les pays, quel que soit leur stade de développement.

À l’origine on pensait que les enfants n’étaient que marginalement touchés par l’épidémie. Or la communauté internationale s’est rendu compte que malheureusement les enfants sont au cœur du problème. Selon le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA), l’évolution récente est alarmante: dans la plupart des régions du monde, la majorité des nouveaux cas d’infection concernent des jeunes âgés de 15 à 24 ans, voire plus jeunes encore. Les femmes et les jeunes filles sont elles aussi de plus en plus touchées. Dans la plupart des régions du monde, la grande majorité des femmes infectées ne connaissent pas leur état et peuvent sans le savoir transmettre l’infection à leurs enfants. C’est ainsi que de nombreux États ont récemment enregistré une augmentation de leur taux de mortalité infanto‑juvénile. Les adolescents sont aussi vulnérables au VIH/sida du fait qu’ils connaissent parfois leur première expérience sexuelle sans avoir eu accès à des informations et à des conseils appropriés. Les jeunes toxicomanes sont particulièrement exposés.

Néanmoins, tous les enfants peuvent devenir vulnérables pour diverses raisons, notamment a) les enfants qui sont eux‑mêmes infectés par le VIH; b) les enfants qui ont perdu un parent ou un enseignant ou ceux dont la famille ou la communauté est fortement touchée par les effets de l’épidémie; et c) les enfants particulièrement exposés à l’infection ou à ses conséquences.

II. Objectifs de la présente Observation générale

2.La présente observation générale a pour objectifs:

a)De mettre davantage en évidence et de faire mieux comprendre tous les droits des enfants vivant dans un monde marqué par le VIH/sida;

b)De promouvoir la réalisation des droits des enfants dans le contexte du VIH/sida, tels qu’ils sont garantis en vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant (ci‑après dénommée «la Convention»);

c)De recenser les mesures et les bonnes pratiques qui devraient permettre aux États de mieux assurer l’exercice des droits liés à la prévention du VIH/sida et au soutien, aux soins et à la protection des enfants infectés ou touchés par cette pandémie;

d)De contribuer à l’élaboration et à la promotion de plans d’action, de stratégies, de mesures législatives, de politiques et de programmes axés sur les besoins des enfants et visant à enrayer la propagation du VIH/sida et à atténuer ses conséquences aux niveaux national et international.

III. La Convention et le VIH/sida: l’approche holistique axée sur les droits de l’enfant

3.Les effets du VIH/sida sur les enfants sont principalement envisagés sous l’angle médical ou du point de vue de la santé alors qu’en réalité ils comportent de multiples aspects. Certes, dans ce domaine, le droit à la santé (art. 24 de la Convention) occupe une place centrale. Cependant, le VIH/sida a de telles répercussions sur la vie de tous les enfants qu’il peut toucher tous leurs droits − civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Les droits consacrés dans les principes généraux de la Convention, le droit à la non‑discrimination (art. 2), le droit de l’enfant à ce que son intérêt soit une considération primordiale (art. 3), le droit à la vie, à la survie et au développement (art. 6) et le droit de l’enfant à ce que ses opinions soient dûment prises en considération (art. 12), devraient par conséquent être des thèmes privilégiés dans l’examen des différents stades de la lutte contre le VIH/sida: prévention, traitements, soins et soutien.

4.Les mesures efficaces de lutte contre le VIH/sida ne peuvent être adoptées que si les droits des enfants et des adolescents sont pleinement respectés. Les droits les plus importants à cet  égard, outre ceux qui sont énumérés au paragraphe 5 ci‑dessus, sont les suivants: le droit d’avoir accès à une information et à des matériels visant à promouvoir leur bien‑être social, spirituel et moral ainsi que leur santé physique et mentale (art. 17); le droit à des soins de santé préventifs et à l’accès à l’éducation sexuelle et aux services de planification familiale (art. 24 f)); le droit à un niveau de vie suffisant (art. 27); le droit au respect de la vie privée (art. 16); le droit des enfants de ne pas être séparés de leurs parents (art. 9); le droit d’être protégés contre la violence (art. 19); le droit à une protection et une aide spéciales de l’État (art. 20); les droits des enfants handicapés (art. 23); le droit à la santé (art. 24); le droit à la sécurité sociale, y compris les assurances sociales (art. 26); le droit à l’éducation et aux loisirs (art. 28 et 31); le droit d’être protégés contre l’exploitation économique, contre l’usage illicite de stupéfiants et contre l’exploitation et la violence sexuelles (art. 32, 33, 34 et 36); le droit d’être protégés contre l’enlèvement, la vente ou la traite, ainsi que contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 35 et 37); et le droit à la réadaptation physique et psychologique et à la réinsertion sociale (art. 39). L’exercice des droits susmentionnés est sérieusement remis en cause du fait de l’épidémie. La Convention et en particulier ses quatre principes généraux qui préconisent une approche globale constituent un cadre solide pour les efforts visant à limiter les répercussions négatives de la pandémie sur la vie des enfants. L’approche holistique et axée sur les droits que requiert la mise en œuvre de la Convention est le meilleur moyen de s’attaquer aux multiples questions soulevées par les efforts de prévention, de traitements et de soins.

a) Le droit à la non ‑discrimination (art. 2)

5.La discrimination accroît la vulnérabilité des enfants face au VIH et au sida et a de sérieuses répercussions sur la vie des enfants touchés par le VIH/sida ou infectés par le virus. Les enfants des deux sexes dont les parents vivent avec le VIH/sida sont souvent victimes de stigmatisation et de discrimination car on a tendance à penser qu’ils sont aussi infectés. En conséquence de la discrimination, ils sont privés d’accès à l’information, à l’éducation (voir l’Observation générale no 1 du Comité sur les buts de l’éducation), aux services de santé ou aux services sociaux, et de participation à la vie sociale de leur communauté. Dans les cas extrêmes, il arrive que des enfants infectés par le VIH soient abandonnés par leur famille, rejetés par la communauté ou mis au ban de la société. En outre, la discrimination alimente l’épidémie en rendant les enfants plus vulnérables à l’infection, et en particulier ceux qui appartiennent à certains groupes comme les populations vivant dans des zones reculées ou rurales, qui ont moins facilement accès aux services. Ces enfants sont ainsi doublement victimes.

6.L’un des phénomènes particulièrement préoccupants est celui de la discrimination fondée sur le sexe qui s’accompagne de tabous, d’attitudes négatives ou de préjugés relatifs à l’activité sexuelle des filles, et empêche bien souvent ces dernières d’avoir accès à des mesures de prévention et à d’autres services. La discrimination fondée sur les préférences sexuelles est aussi préoccupante. Dans le cadre de l’élaboration de stratégies de lutte contre le VIH/sida et conformément aux obligations qui leur incombent en vertu de la Convention, les États parties doivent prêter une attention particulière aux normes sociales en matière de sexe appliquées dans la société dans le but d’éliminer la discrimination fondée sur le sexe car ces normes ont des répercussions sur la vulnérabilité des filles comme des garçons face au VIH/sida. Les États parties devraient notamment reconnaître que la discrimination associée au VIH/sida est souvent plus forte à l’égard des filles par rapport aux garçons.

7.Toutes les pratiques discriminatoires susmentionnées constituent des violations des droits de l’enfant énoncés dans la Convention. L’article 2 de la Convention fait obligation aux États parties de garantir le respect de tous les droits énoncés dans la Convention, sans distinction aucune, «indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou autre, de l’enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation». Selon le Comité, l’expression «ou de toute autre situation» figurant à l’article 2 de la Convention s’applique notamment à la situation de l’enfant, de ses parents ou de l’un de ses parents vis‑à‑vis du VIH/sida. Les lois, politiques, stratégies et pratiques doivent viser à éliminer toutes les formes de discrimination qui contribuent à aggraver les effets de l’épidémie. Des stratégies doivent aussi être mises en place pour encourager les activités d’éducation et de formation visant spécialement à éliminer les comportements discriminatoires et la stigmatisation associés au VIH/sida.

b) L’intérêt supérieur de l’enfant (art. 3)

8.Les politiques et programmes de lutte contre le VIH/sida concernant la prévention, les soins et les traitements sont habituellement conçus à l’intention des adultes, peu d’attention étant accordée au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant en tant que considération primordiale. Selon les termes du paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention, «dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait d’institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale». Les obligations liées à ce droit sont fondamentales pour guider l’action des États dans le contexte du VIH/sida. L’enfant doit être placé au centre de l’action menée pour enrayer la pandémie et les stratégies doivent être adaptées en fonction de ses droits et de ses besoins.

c) Le droit à la vie, à la survie et au développement (art. 6)

9.Les enfants ont le droit de ne pas être arbitrairement privés de la vie et de bénéficier des politiques économiques et sociales visant à leur permettre de devenir des adultes et à favoriser leur développement dans le sens le plus large. L’obligation faite aux États d’assurer le droit à la vie, à la survie et au développement met en outre en lumière la nécessité de prêter une attention vigilante à la sexualité ainsi qu’aux comportements et aux modes de vie des enfants, même s’ils ne sont pas conformes à ce que la société qualifie d’acceptable dans le contexte des normes culturelles en vigueur pour un groupe d’âge particulier. À cet égard, les filles sont souvent soumises à des pratiques traditionnelles préjudiciables comme les mariages précoces ou forcés, qui portent atteinte à leurs droits et les rendent plus vulnérables à l’infection par le VIH, notamment parce que ces pratiques ont souvent pour effet de les priver de l’accès à l’éducation et à l’information. Pour être efficaces, les programmes de prévention doivent nécessairement tenir compte des particularités de la vie des adolescents et viser à assurer aux enfants des deux sexes l’accès sur un pied l’égalité à l’information nécessaires, aux connaissances de base et aux mesures de prévention.

d) Le droit de l’enfant d’exprimer son opinion et le droit à ce que ses opinions soient prises en considération (art. 12)

10.Les enfants sont détenteurs de droits et ont notamment le droit de participer, en fonction du niveau de développement de leurs capacités, aux activités de sensibilisation en donnant leur avis sur les effets du VIH/sida sur leur vie et en étant associés à l’élaboration de politiques et de programmes de lutte contre le VIH/sida. On a constaté que les interventions étaient particulièrement efficaces auprès des enfants lorsque ces derniers étaient invités à participer activement à l’évaluation des besoins, à la recherche de solutions, à l’élaboration et à la mise en place de stratégies, et non pas simplement considérés comme des objets sans pouvoir de décision. Dans ce contexte, il convient d’encourager activement le système de l’éducation par les pairs, tant à l’intérieur qu’en dehors des établissements scolaires. Les États, les institutions internationales et les organisations non gouvernementales doivent offrir aux enfants un environnement favorable pour leur permettre de faire preuve d’initiatives et de participer pleinement, tant au niveau local qu’au niveau national, à la conceptualisation, à la mise au point, à l’application, à la coordination, à la surveillance et à l’examen de politiques et de programmes concernant le VIH. Diverses approches seront probablement nécessaires pour assurer la participation des enfants de tous les secteurs de la société ainsi que la mise en place de mécanismes qui encouragent les enfants, d’une manière qui corresponde au développement de leurs capacités, à exprimer leurs opinions et garantissent que les opinions de l’enfant sont dûment prises en considération eu égard à leur âge et à leur degré de maturité (art. 12, par. 1). Dans certains cas, il peut être très utile que les enfants vivant avec le VIH/sida participent aux efforts de sensibilisation en faisant partager leur expérience à d’autres enfants, car cela peut à la fois renforcer l’efficacité des mesures de prévention et faire diminuer la stigmatisation et la discrimination. Les États parties doivent veiller à ce que les enfants qui participent à ces activités le fassent de leur propre initiative, après avoir été conseillés, et qu’ils bénéficient du soutien social et de la protection juridique nécessaires pour leur permettre de vivre une vie normale pendant et après leur intervention.

e) Obstacles

11.L’expérience a montré que l’efficacité des mesures de prévention, de la prestation de services de soins et de l’appui aux initiatives locales dans le domaine du VIH/sida est souvent limitée par de nombreux obstacles qui sont généralement d’ordre culturel, structurel et financier. Le refus d’admettre l’existence d’un problème, les pratiques et les attitudes d’origine culturelle, et notamment les tabous et la stigmatisation, la pauvreté et les attitudes condescendantes à l’égard des enfants ne sont qu’un petit nombre des obstacles possibles à l’engagement politique et individuel nécessaire pour assurer l’efficacité des programmes. En ce qui concerne les ressources financières, techniques et humaines, le Comité est conscient du fait qu’elles ne sont peut‑être pas immédiatement disponibles. Toutefois, à ce propos, il souhaite rappeler aux États parties les obligations qui leur incombent en vertu de l’article 4. Il souligne en outre que les États ne doivent pas invoquer des contraintes de ressources pour justifier l’absence ou l’insuffisance des mesures techniques ou financières nécessaires. Enfin, le Comité tient à souligner à cet égard le rôle essentiel de la coopération internationale.

IV. Prévention, soins, traitement et appui

12.Le Comité tient à souligner que les mesures de prévention, de soins, de traitement et de soutien exercent entre elles une action synergique et assurent la continuité et l’efficacité de la lutte contre le VIH/sida.

a) Information sur la prévention contre le VIH et sensibilisation

13.Conformément aux obligations qu’ils ont souscrites en ce qui concerne les droits à la santé et à l’information (art. 24, 13 et 17), les États parties doivent garantir aux enfants l’accès à une information appropriée concernant la prévention et le traitement du VIH/sida, par les voies officielles (structures éducatives et médias s’adressant aux enfants) et les voies informelles (visant les enfants des rues, les enfants placés en établissement ou les enfants vivant dans des circonstances difficiles). Le Comité rappelle aux États parties l’importance de dispenser suffisamment tôt aux enfants une information pertinente et appropriée qui tienne compte de leurs niveaux de compréhension respectifs et soit adaptée à leur âge et à leurs capacités, pour leur permettre de gérer leur sexualité d’une manière responsable afin de pouvoir se protéger contre l’infection par le VIH. Il souligne qu’une prévention efficace du VIH/sida suppose que les États s’abstiennent de censurer, de retenir ou de déformer intentionnellement les informations concernant la santé, et notamment l’éducation et l’information en matière sexuelle et que, conformément à leur obligation d’assurer le droit à la vie, à la survie et au développement de l’enfant (art. 6), les États parties doivent veiller à ce que les enfants aient les moyens d’acquérir les connaissances et les compétences nécessaires pour se protéger et protéger autrui dès qu’ils commencent à avoir des expériences sexuelles.

14.Le dialogue avec les membres de la communauté et de la famille et l’échange d’expériences avec d’autres enfants, de même que l’enseignement des connaissances de base dans le cadre de l’école, qui consiste notamment à apprendre aux enfants à parler ouvertement des questions de sexualité et de santé, se sont révélés des moyens utiles de diffuser des messages de prévention du VIH auprès des filles et des garçons, même s’il peut être préférable d’utiliser des techniques d’approche différentes selon les groupes d’enfants. Les États parties doivent s’attaquer au problème de l’inégalité entre les sexes qui peut avoir des répercussions sur l’accès des enfants aux messages de prévention et veiller à ce que ces messages soient adaptés à leurs destinataires même s’ils sont confrontés à des problèmes de langue, de religion, d’incapacité ou d’autres facteurs de discrimination. Ils doivent veiller en particulier à sensibiliser davantage les populations difficiles à atteindre. À cet égard, le rôle des médias et de la tradition orale qui permettent aux enfants d’avoir accès à une information et à des matériels, conformément à l’article 17 de la Convention, est décisif non seulement en diffusant des informations utiles mais aussi en luttant contre la stigmatisation et la discrimination. Les États parties doivent encourager la surveillance et l’évaluation régulières des campagnes de sensibilisation au problème du VIH/sida afin de s’assurer de leur efficacité pour ce qui est de dispenser l’information nécessaire et de faire reculer la stigmatisation et la discrimination et de dissiper les craintes et les préjugés parmi les enfants et les adolescents au sujet du VIH et de son mode de transmission.

b) Le rôle de l’éducation

15.L’éducation joue un rôle essentiel dans la communication aux enfants d’informations pertinentes et appropriées concernant le VIH/sida, qui peuvent contribuer à faire mieux connaître et comprendre à la population l’importance de cette pandémie et à prévenir les attitudes négatives à l’égard des victimes du VIH/sida (voir aussi l’Observation générale no 1 du Comité sur les buts de l’éducation). En outre, l’éducation peut et doit donner aux enfants les moyens de se protéger contre le risque d’infection par le VIH. À cet égard, le Comité rappelle aux États parties leur obligation de veiller à ce que tous les enfants aient accès à l’enseignement primaire, y compris les enfants infectés, rendus orphelins ou touchés d’une autre manière par le VIH/sida. Dans de nombreuses communautés durement frappées par le VIH, il est très difficile pour les enfants des familles touchées, et notamment les filles, de poursuivre leur scolarité, et la perte d’enseignants et d’autres personnels employés dans les écoles, due au Sida, entrave et menace d’interdire l’accès des enfants à l’éducation. Les États parties doivent prendre des dispositions garantissant la possibilité pour les enfants touchés par le VIH/sida de continuer à fréquenter l’école en assurant le remplacement des enseignants malades par du personnel qualifié pour éviter toute interruption de l’enseignement et pour que le droit à l’éducation (art. 28) de tous les enfants vivant dans ces communautés soit pleinement protégé.

16.Les États parties doivent déployer tous les efforts possibles pour garantir la sécurité des enfants dans les écoles en veillant à ce qu’elles ne contribuent pas à accroître leur vulnérabilité à l’infection par le VIH. En application de l’article 34 de la Convention, les États parties sont tenus de prendre toutes les mesures appropriées pour empêcher notamment que des enfants ne soient incités ou contraints à se livrer à une activité sexuelle illégale.

c) Services de santé adaptés aux besoins des enfants et des adolescents

17.Le Comité est préoccupé par le fait que, d’une manière générale, les services de santé ne sont pas encore suffisamment adaptés aux besoins des jeunes de moins de 18 ans, et en particulier des adolescents. Ainsi qu’il l’a souligné à de nombreuses occasions, les enfants font plus volontiers appel à des services qui font preuve de compréhension et sont disposés à les aider, qui proposent toutes sortes de services et d’informations, sont attentifs à leurs besoins, leur offrent la possibilité de participer aux décisions relatives à leur santé, et qui sont accessibles, abordables, confidentiels et neutres, n’exigent pas l’autorisation des parents et n’exercent aucune discrimination. Dans le contexte du VIH/sida et compte tenu du développement des capacités de l’enfant, les États parties sont encouragés à veiller à ce que les services de santé emploient du personnel dûment formé, qui respecte pleinement le droit des enfants à la protection de leur vie privée (art. 16) et leur droit à la non‑discrimination, en leur donnant accès à des informations sur le VIH, à des services de dépistage et de conseils volontaires, aux résultats de leurs examens sérologiques vis‑à‑vis du VIH, à des services de santé sexuelle et génésique confidentiels et à des méthodes et des services de contraception gratuits ou peu coûteux ainsi que, le cas échéant, à des soins et traitements liés au VIH, y compris pour prévenir et soigner des maladies associées au VIH/sida comme la tuberculose et les infections opportunistes.

18.Dans certains pays, même lorsqu’il existe des services de santé spécialisés dans le VIH adaptés aux besoins des enfants et des adolescents, ces derniers ne sont pas toujours accessibles aux enfants handicapés, autochtones, appartenant à des minorités, vivant dans des zones rurales, vivant dans l’extrême pauvreté ou socialement marginalisés pour toute autre raison. Dans d’autres pays, où le système de santé a déjà atteint les limites de ses capacités, les enfants vivant avec le VIH se voient systématiquement refuser l’accès aux soins de santé de base. Les États parties doivent veiller à ce que les services bénéficient, dans toute la mesure possible, à tous les enfants vivant sur leur territoire, sans discrimination, en veillant à ce qu’ils tiennent dûment compte des différences liées au sexe et à l’âge des enfants, ainsi qu’au contexte social, économique, culturel et politique dans lequel ils vivent.

d) Services de dépistage et conseils

19.L’accès à des services confidentiels et libres de conseils et de dépistage du VIH, compte tenu du développement des capacités de l’enfant, est indispensable pour les droits et la santé des enfants. De tels services sont essentiels pour que les enfants soient mieux protégés contre le risque de contracter ou de transmettre le VIH, qu’ils aient accès aux soins, aux traitements et au soutien nécessaires et puissent mieux planifier leur avenir. Conformément à l’obligation qui leur est faite en vertu de l’article 24 de la Convention de garantir qu’aucun enfant ne soit privé du droit d’avoir accès aux services médicaux nécessaires, les États parties doivent faire en sorte que tous les enfants aient accès à des services de dépistage et de conseils libres et confidentiels.

20.Le Comité tient à souligner que, puisque le premier devoir des États parties est d’assurer la protection des droits de l’enfant, ces derniers doivent s’abstenir de soumettre les enfants à des dépistages obligatoires en toutes circonstances et les protéger contre ces pratiques. Si le développement des capacités de l’enfant doit être le critère déterminant pour décider de l’opportunité de requérir le consentement de ses parents ou tuteurs ou de s’adresser directement à lui, dans tous les cas, les États parties doivent respecter le droit de l’enfant d’être informé, qui est énoncé aux articles 13 et 17 de la Convention, et s’assurer qu’avant d’être soumis à un test de dépistage du VIH l’enfant soit suffisamment informé des risques et des avantages de cet examen par les prestataires de soins de santé auxquels il s’est adressé pour une autre raison médicale, ou d’une autre manière, afin qu’il puisse prendre une décision en connaissance de cause.

21.Les États parties doivent protéger la confidentialité des résultats des tests de dépistage du VIH, conformément à l’obligation qui leur est faite (à l’article 16) de protéger le droit de l’enfant au respect de sa vie privée, notamment dans le cadre de la protection sanitaire et sociale, et les informations relatives à l’état sérologique de l’enfant vis‑à‑vis du VIH ne peuvent pas être divulguées à des tiers, y compris aux parents, sans l’autorisation de ce dernier.

e) Transmission mère ‑enfant

22.La transmission mère‑enfant est à l’origine de la majorité des infections par le VIH chez les nourrissons et les jeunes enfants. Ces derniers peuvent être infectés par le VIH in utero, pendant l’accouchement, à la naissance ou par le lait maternel. Les États parties doivent veiller à la mise en œuvre des stratégies recommandées par les institutions des Nations Unies, visant à prévenir l’infection des nourrissons et des jeunes enfants par le VIH, qui concernent notamment: a) la prévention primaire de l’infection chez les futurs parents; b) la prévention des grossesses non désirées chez les femmes infectées par le VIH; c) la prévention de la transmission du VIH d’une femme infectée à ses enfants en bas âge; et d) la fourniture de soins, d’un traitement et d’un soutien aux femmes infectées par le VIH ainsi qu’à leurs enfants en bas âge et aux autres membres de leur famille.

23.Pour prévenir la transmission du VIH de la mère à l’enfant, les États parties doivent prendre certaines mesures et notamment assurer la fourniture de médicaments essentiels comme les antirétroviraux, de soins appropriés avant, pendant et après l’accouchement, et mettre à disposition à l’intention des femmes enceintes et de leurs partenaires des services de conseils et de dépistage volontaire. Le Comité reconnaît que l’administration d’antirétroviraux à une femme au cours de la grossesse ou de l’accouchement et, dans certains cas, à son enfant, permet de réduire de façon significative le risque de transmission de la mère à l’enfant. Toutefois les États parties devraient en outre offrir un soutien aux mères et aux enfants, et notamment en les renseignant sur les différents modes d’alimentation des nourrissons. Le Comité rappelle que les services de conseils destinés aux mères atteintes par le VIH doivent porter, entre autres, sur les risques et les avantages des différents modes d’alimentation des nourrissons et les aider à choisir celui qui est le mieux adapté à leur cas. Les femmes doivent aussi bénéficier d’un suivi pour pouvoir mener à bien l’option qu’elles ont choisie dans des conditions de sécurité maximum.

24.Même dans les populations à forte prévalence du VIH, la majorité des nouveau‑nés sont mis au monde par des femmes qui ne sont pas infectées par le VIH. Pour les enfants dont la mère est séronégative ou ne connaît pas son statut sérologique vis‑à‑vis du VIH, le Comité tient à souligner qu’en application des articles 6 et 24 de la Convention l’allaitement au sein demeure le mode d’alimentation le plus approprié. Pour les nourrissons dont la mère est infectée par le VIH, il semble, d’après l’état actuel des connaissances, que l’allaitement au sein peut augmenter le risque de transmission du VIH de 10 à 20 %. Toutefois, s’ils ne sont pas nourris au sein, ces enfants sont exposés à un risque plus élevé de malnutrition ou de maladies infectieuses autres que le VIH. Les organismes des Nations Unies recommandent à toutes les mères infectées par le VIH de renoncer à allaiter leur enfant dans la mesure où elles ont les moyens d’opter pour un mode d’alimentation de substitution satisfaisant, économique, acceptable, durable et sans danger. Dans les autres cas, l’allaitement exclusif est recommandé pendant les premiers mois de la vie et doit être remplacé par un autre mode d’alimentation du nourrisson dès que possible.

f) Traitement et soins

25.La Convention impose aux États parties, entre autres obligations, celle d’assurer à tous les enfants sans distinction un accès durable, dans des conditions d’égalité, à l’ensemble des possibilités de traitement et de soins, de même qu’aux médicaments, biens et services nécessaires pour lutter contre le VIH. Il est désormais généralement admis qu’un protocole complet de traitement et de soins comprend des antirétroviraux et d’autres médicaments, des méthodes diagnostiques et autres technologies adaptées au traitement du VIH/sida, des infections opportunistes et autres maladies associées, mais aussi une bonne alimentation et un soutien social, spirituel et psychologique, ainsi que l’accès à des soins dans le cadre de la famille ou de la communauté et à domicile. À cet égard, les États parties doivent négocier avec les industries pharmaceutiques pour garantir la disponibilité des médicaments nécessaires au moindre coût. En outre, il est demandé aux États parties de reconnaître la nécessité de faire participer la population à la fourniture de l’ensemble des soins et traitements nécessaires anti‑VIH/sida et de soutenir et faciliter cette participation, tout en s’acquittant de leurs propres obligations au titre de la Convention. Les États parties sont invités à combattre tout particulièrement au sein de la population les éléments qui font obstacle à l’égalité d’accès au traitement, aux soins et au soutien de tous les enfants.

g) Participation des enfants aux activités de recherche

26.Conformément à l’article 24 de la Convention, les États parties doivent veiller à ce que les activités de recherche consacrées au VIH/sida comportent des études spécifiques visant à renforcer l’efficacité de la prévention, des soins et du traitement et à limiter l’impact du VIH sur les enfants. Néanmoins, ils doivent veiller à ce que les enfants ne soient pas utilisés comme sujets d’expérience jusqu’à ce qu’une intervention ait été dûment testée sur des adultes. Des problèmes juridiques et des problèmes d’éthique ont été soulevés dans le cadre des activités de recherche biomédicale sur le VIH/sida, des actions de lutte contre le VIH/sida et de la recherche sociale, culturelle et comportementale. Des enfants ont été soumis à des recherches inutiles ou mal conçues, sans qu’ils aient eu la possibilité de refuser ou d’accepter d’y participer. En fonction du développement de ses capacités, il convient de s’assurer du consentement de l’enfant et, le cas échéant, de celui de ses parents ou tuteurs, mais dans tous les cas les intéressés doivent être pleinement informés au préalable des risques et des avantages de ces recherches pour l’enfant. Le Comité rappelle en outre aux États parties qu’il leur incombe, en application de l’article 16 de la Convention, de protéger les enfants contre toute atteinte au respect de leur vie privée dans le cadre des activités de recherche, et de veiller à ce que les renseignements personnels les concernant obtenus dans le cadre de ces recherches ne soient en aucune circonstance utilisés à d’autres fins que celles pour lesquelles le consentement a été donné. Les États parties doivent mettre tout en œuvre pour que les enfants et, en fonction du développement de leurs capacités, leurs parents ou tuteurs soient associés aux décisions portant sur les priorités de recherche, et que les enfants participant à ces recherches bénéficient d’une structure de soutien.

V. Enfants vulnérables au VIH et enfants ayant besoin d’une protection spéciale

27.On constate généralement que les enfants devenus particulièrement vulnérables à l’égard du VIH/sida, en raison de facteurs politiques, économiques, sociaux, culturels et autres, risquent d’être privés d’un soutien suffisant pour faire face aux répercussions du VIH/sida sur leurs familles et leurs communautés, sont exposés au risque d’infection, font l’objet de recherches non fondées ou n’ont pas accès au traitement, aux soins et au soutien nécessaires s’ils sont infectés par le VIH. Les plus vulnérables d’entre eux sont ceux qui vivent dans des camps de réfugiés et de personnes déplacées à l’intérieur de leur pays, les enfants détenus ou placés dans des établissements, ou encore les enfants vivant dans l’extrême pauvreté, les enfants vivant dans des situations de conflit armé, les enfants soldats, les enfants exploités sur le plan économique et sexuel et les enfants handicapés, migrants, appartenant à des minorités ou à des groupes autochtones, ainsi que les enfants des rues. Cependant, tous les enfants peuvent devenir vulnérables selon les circonstances particulières de leur vie. Le Comité tient à souligner que même en période de grave pénurie de ressources les droits des membres vulnérables de la société doivent être protégés et que de nombreuses mesures peuvent être mises en place avec un minimum de ressources. Pour réduire la vulnérabilité à l’égard du VIH/sida, il importe tout d’abord de permettre aux enfants, à leurs familles et à leurs communautés de participer en connaissance de cause à l’élaboration des décisions, mesures et politiques les concernant dans le domaine du VIH/sida.

a) Enfants touchés et rendus orphelins par le VIH/sida

28.Une attention spéciale doit être portée aux enfants rendus orphelins en raison du sida et aux enfants dont les familles sont touchées, notamment aux enfants chefs de famille, qui sont particulièrement vulnérables à l’infection par le VIH. La stigmatisation et le rejet social dont font l’objet les enfants de familles touchées par le VIH/sida peuvent être aggravés par le non‑respect ou la violation de leurs droits et notamment par la discrimination exercée à leur encontre qui a pour effet de limiter ou de supprimer leurs possibilités d’accès à l’éducation et aux services médicaux et sociaux. Le Comité tient à souligner la nécessité d’accorder une protection juridique, économique et sociale à ces enfants pour leur permettre d’exercer leurs droits à l’éducation, à l’héritage et au logement, d’avoir accès aux services sociaux et de pouvoir révéler sans crainte leur statut de séropositivité et celui des membres de leur famille s’ils le jugent bon. À cet égard, il est rappelé aux États parties que ces mesures sont indispensables pour assurer aux enfants la jouissance de leurs droits et pour leur apporter les compétences et le soutien nécessaires afin qu’ils soient moins vulnérables et moins exposés aux risques d’infection.

29.Le Comité tient à souligner l’importance pour les enfants affectés par le VIH/sida de pouvoir apporter la preuve de leur identité car c’est le seul moyen de garantir la reconnaissance de leur personnalité juridique, de sauvegarder la protection de leurs droits, notamment en matière d’héritage, d’éducation et d’accès aux services de santé ainsi qu’à d’autres services sociaux, et de les rendre moins vulnérables aux mauvais traitements et à l’exploitation, surtout s’ils sont séparés de leur famille pour des raisons de maladie ou de décès. À cet égard, l’enregistrement des naissances est indispensable pour assurer le respect des droits des enfants et il est en outre nécessaire pour limiter au maximum les répercussions du VIH/sida sur les vies des enfants touchés. C’est pourquoi le Comité rappelle aux États parties l’obligation qui leur est faite à l’article 7 de la Convention de faire en sorte que tous les enfants soient enregistrés à la naissance ou immédiatement après.

30.Le VIH/sida représente souvent pour les enfants dont les parents sont malades ou décédés un traumatisme fréquemment aggravé par les effets de la stigmatisation et de la discrimination dont ils font l’objet. À cet égard, il est rappelé aux États parties qu’il leur incombe de faire en sorte que tant la législation que la pratique soutiennent les droits à l’héritage et les droits de propriété des orphelins, en prêtant une attention particulière à la discrimination sexuelle sous‑jacente qui peut entraver l’exercice de ces droits. Conformément aux obligations qui leur incombent en vertu de l’article 27 de la Convention, les États parties doivent aussi soutenir les familles des enfants rendus orphelins par le sida et les communautés dans lesquelles ils vivent et les doter de moyens renforcés afin d’assurer à ces enfants un niveau de vie suffisant pour garantir leur développement physique, mental, spirituel, moral, économique et social, y compris l’accès à des soins psychosociaux si nécessaire.

31.Pour assurer au mieux la protection des orphelins, il est préférable de ne pas séparer les membres d’une même fratrie et d’en confier la garde à des proches parents ou à des membres de la famille. En l’absence d’autres solutions, il est peut‑être moins traumatisant pour des orphelins d’être recueillis par des membres de la famille élargie qui bénéficient du soutien de l’entourage. Une aide doit être fournie en vue de garantir que, dans la mesure du possible, les enfants puissent demeurer au sein des structures familiales existantes. Cette solution n’est pas toujours possible en raison des répercussions que le VIH/sida peut avoir sur la famille élargie. En pareil cas, les États parties doivent s’efforcer de proposer une structure de remplacement de type familial (comme le placement dans une famille). Les États parties sont encouragés à fournir une assistance financière ou autre, si nécessaire, aux enfants chefs de famille. Leurs stratégies doivent tenir compte du fait que les collectivités locales sont concernées au premier chef dans la lutte contre le VIH/sida et qu’elles ont besoin d’assistance pour déterminer quelle est la meilleure manière d’apporter un soutien aux orphelins.

32.Bien que le placement en établissement ait parfois des effets préjudiciables sur le développement de l’enfant, les États parties peuvent privilégier cette solution à titre provisoire dans le cas des enfants rendus orphelins par le VIH/sida qui ne peuvent pas être pris en charge dans une structure familiale dans leur propre communauté. Le Comité est d’avis que le placement d’enfants en établissements ne devrait être qu’une mesure de dernier ressort et que tout doit être fait pour protéger les droits des enfants et les préserver de toutes formes de mauvais traitements et d’exploitation. Conformément au droit de l’enfant à une protection et à une assistance spéciales dans ce type d’établissement, et en application des articles 3, 20 et 25 de la Convention, des mesures strictes doivent être prises pour garantir que ces établissements satisfont à des normes précises concernant les soins et qu’ils offrent toutes les garanties en matière de protection juridique. Il est rappelé aux États parties que la durée du placement dans ces établissements doit être limitée et qu’ils doivent mettre au point des programmes d’assistance à l’intention des enfants ainsi placés, qu’ils soient infectés ou touchés par le VIH/sida, afin de faciliter leur réintégration dans leurs communautés.

b) Victimes d’exploitation sexuelle et économique

33.Les enfants des deux sexes qui se trouvent privés de moyens de survie et de développement, et en particulier ceux qui ont été rendus orphelins par le sida, peuvent être exposés à diverses formes d’exploitation sexuelle et économique et incités par exemple à échanger des services sexuels ou des travaux à risque contre de l’argent pour survivre, pour soutenir leurs parents malades ou mourants et leurs jeunes frères et sœurs, ou pour payer les frais de scolarité. Les enfants infectés ou directement touchés par le VIH/sida peuvent être exposés à une double discrimination en raison de leur statut social et économique marginal et à cause de leur statut de séropositivité ou de celui de leurs parents. En application des droits de l’enfant énoncés dans les articles 32, 34, 35 et 36 de la Convention et afin de limiter leur vulnérabilité au VIH/sida, les États parties sont tenus de protéger les enfants contre toutes les formes d’exploitation économique et sexuelle, et notamment de veiller à ce qu’ils ne tombent pas dans les filets de la prostitution et ne soient pas contraints de se livrer à des travaux préjudiciables à leur éducation, à leur santé ou à leur développement physique, mental, spirituel, moral ou social. Les États parties doivent agir résolument pour protéger les enfants contre toute forme d’exploitation, de traite et de vente à des fins sexuelles et économiques et, en application des droits énoncés à l’article 39, offrir aux enfants qui ont été victimes de ces pratiques des possibilités d’accès aux services d’assistance et de soins mis en place par l’État et par des organisations non gouvernementales pour résoudre ces problèmes.

c) Victimes de violences et de mauvais traitements

34.Les enfants peuvent être exposés à diverses formes de violence et de mauvais traitements qui risquent de les rendre encore plus vulnérables à l’infection par le VIH, mais ils peuvent aussi être exposés à la violence du fait qu’ils sont infectés ou touchés par le VIH/sida. Des actes de violence, notamment des viols et d’autres formes de sévices sexuels, peuvent se produire au sein même de la famille ou du foyer d’accueil ou être perpétrés par le personnel d’encadrement, notamment les enseignants ou les employés des établissements qui travaillent avec les enfants, comme les établissements pénitentiaires et les institutions psychiatriques ou autres centres pour enfants handicapés. Conformément aux droits de l’enfant énoncés à l’article 19 de la Convention, les États parties ont le devoir de protéger les enfants contre toutes formes de violence et de mauvais traitements susceptibles de se produire au foyer, à l’école ou dans d’autres établissements, ou au sein de la communauté. Les programmes doivent être spécifiquement adaptés à l’environnement dans lequel évoluent les enfants, à leur capacité à reconnaître et faire savoir qu’ils sont victimes de mauvais traitements, et à leurs capacités individuelles ainsi qu’à leur degré d’autonomie. Le Comité considère qu’une attention spéciale doit être portée aux relations entre le VIH/sida et la violence ou les mauvais traitements auxquels les enfants sont exposés en période de guerre et de conflit armé. Il est essentiel que les États parties prennent des mesures visant à prévenir les actes de violence et les mauvais traitements dans ce genre de situation et veillent à ce que les questions liées au VIH/sida et aux droits de l’enfant soient prises en considération dans les solutions et les mesures d’assistance adoptées à l’égard des enfants − des deux sexes − qui ont été utilisés par le personnel de l’armée ou d’autres personnels en uniforme pour des tâches domestiques ou des services sexuels, ou qui ont été déplacés ou vivent dans des camps de réfugiés. Conformément aux obligations qui leur incombent, notamment en vertu des articles 38 et 39 de la Convention, les États parties doivent mettre en place dans les régions touchées par les conflits et les catastrophes des campagnes d’information actives et des services d’orientation destinés aux enfants, ainsi que des mécanismes de prévention et de dépistage précoces de la violence et des mauvais traitements, qui doivent être intégrés dans les stratégies nationales et locales de lutte contre le VIH/sida.

Abus de drogues

35.La consommation de substances psychoactives comme l’alcool et les drogues peut réduire la capacité des enfants de contrôler leur comportement sexuel et, par conséquent, les rendre plus vulnérables à l’infection par le VIH. L’usage de matériels d’injection non stérilisés accroît en outre le risque de transmission du VIH. Le Comité souligne la nécessité de mieux comprendre les comportements toxicomaniaques des enfants, et notamment l’incidence du non‑respect et des violations de leurs droits à cet égard. La plupart des pays ne disposent pas encore de programmes pragmatiques de prévention du VIH axés sur le problème de la toxicomanie et, lorsqu’ils existent, ces programmes sont surtout destinés aux adultes. Le Comité tient à souligner que les politiques et programmes visant à faire reculer la consommation de drogues et la transmission du VIH doivent tenir compte des sensibilités et des modes de vie spécifiques des enfants et des adolescents dans l’optique de la prévention du VIH/sida. Conformément aux droits de l’enfant énoncés aux articles 33 et 24 de la Convention, les États parties sont tenus d’assurer la mise en œuvre de programmes visant à limiter les incitations à la toxicomanie et de programmes de traitement et d’assistance destinés aux enfants toxicomanes.

VI. Recommandations

36.Le Comité réaffirme ci‑après les recommandations qui ont été formulées lors de la journée de débat général sur la question des enfants vivant dans un monde marqué par le VIH/sida (CRC/C/80) et exhorte les États parties à:

1.Adopter et mettre en œuvre à l’échelon national et local des politiques concernant le VIH/sida, et notamment des plans d’action, des stratégies et des programmes efficaces, axés sur l’enfant et ses droits tels qu’ils sont énoncés dans la Convention, en prenant en considération les recommandations formulées dans les paragraphes précédents de la présente Observation générale et celles qui ont été adoptées à la session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies consacrée aux enfants (2002);

2.Allouer des ressources financières, techniques et humaines, dans toutes les limites des ressources dont ils disposent, pour soutenir l’action entreprise aux niveaux national et communautaire (art. 4) et, s’il y a lieu, dans le cadre de la coopération internationale (voir par. 41 ci‑après);

3.Passer en revue la législation en vigueur ou adopter de nouvelles mesures législatives en vue d’assurer la pleine mise en œuvre de l’article 2 de la Convention et, notamment, interdire expressément la discrimination motivée par une infection réelle ou supposée par le VIH/sida afin de garantir à tous les enfants l’égalité d’accès à tous les services pertinents, en prêtant particulièrement attention au droit de l’enfant au respect de sa vie privée, et à la confidentialité des renseignements le concernant, ainsi qu’à d’autres recommandations formulées par le Comité dans les paragraphes précédents qui ont trait à la législation;

4.Inclure des plans d’action, des stratégies, des politiques et des programmes se rapportant au VIH/sida dans les activités des organismes nationaux chargés de surveiller et de coordonner la mise en œuvre des droits de l’enfant et envisager de mettre en place un mécanisme d’examen des plaintes relatives au non‑respect ou à la violation des droits de l’enfant dans le contexte du VIH/sida, en créant à cet effet un nouvel organe législatif ou administratif ou en confiant ce mandat à une institution nationale existante;

5.Réexaminer leur système de collecte et d’évaluation des données concernant le VIH afin de s’assurer que celles‑ci couvrent bien les enfants tels qu’ils sont définis dans la Convention, qu’elles sont ventilées par âge et par sexe et si possible réparties en cinq groupes d’âge, et qu’elles englobent, dans la mesure du possible, les enfants appartenant à des groupes vulnérables et ceux qui nécessitent une protection spéciale;

6.Inclure dans les rapports qu’ils soumettent en application de l’article 44 de la Convention des informations sur les politiques et les programmes nationaux de lutte contre le VIH/sida et, dans la mesure du possible, sur l’établissement des budgets et l’allocation de ressources aux niveaux national, régional et local, en précisant la part respective de ces crédits allouées aux activités de prévention, de soins, de recherche et de réduction de l’impact. Ils devront préciser en particulier dans quelle mesure ces programmes et politiques se réfèrent explicitement aux enfants (en tenant compte du développement de leurs capacités) et à leurs droits, et dans quelle mesure les droits de l’enfant dans le contexte du VIH sont visés dans les textes législatifs et pris en considération dans les politiques et les pratiques, en accordant une attention particulière à la discrimination exercée à l’encontre des enfants en raison de leur situation face au VIH ou du fait que leurs parents sont morts du sida ou vivent avec le VIH/sida. Le Comité demande aux États parties d’indiquer de façon détaillée dans leurs rapports les questions qui leur paraissent prioritaires sur le territoire national dans le contexte des enfants face au VIH/sida, et de préciser le programme d’activités qu’ils ont l’intention d’entreprendre dans les cinq années à venir pour résoudre les problèmes recensés. Cela permettra d’évaluer progressivement les résultats obtenus.

7.En vue de promouvoir la coopération internationale, le Comité demande à l’UNICEF, à l’OMS, au FNUAP, à l’ONUSIDA et à d’autres instances, organisations et institutions internationales pertinentes d’apporter systématiquement leur contribution aux efforts déployés par les gouvernements pour garantir la jouissance des droits des enfants dans le contexte du VIH/sida, et de continuer à travailler avec le Comité à l’amélioration de la situation des droits de l’enfant dans ce contexte. De plus, il invite instamment les États parties qui participent à la coopération internationale pour le développement à faire en sorte que les droits de l’enfant soient dûment pris en considération dans les stratégies de lutte contre le VIH/sida.

8.Les organisations non gouvernementales, de même que les groupes communautaires et d’autres acteurs de la société civile comme les mouvements de jeunes, les organisations d’inspiration religieuse, les associations de femmes et les chefs traditionnels, y compris les dignitaires religieux et culturels, ont tous un rôle crucial à jouer dans la lutte contre la pandémie de VIH/sida. Les États parties sont invités à favoriser la participation d’entités de la société civile en encourageant la collaboration et la coordination entre les différents acteurs, et à apporter à ces entités le soutien nécessaire pour leur permettre de travailler de façon efficace et sans entrave. À cet effet, les États parties sont particulièrement encouragés à associer pleinement les personnes vivant avec le VIH/sida, et tout spécialement les enfants, aux activités de prévention, de soins, de traitement et de soutien dans le domaine du VIH/sida.

Trente ‑troisième session (2003)

Observation générale n o  4: La santé et le développement de l’adolescent dans le contexte de la Convention relative aux droits de l’enfant

Introduction

Selon les termes de la Convention relative aux droits de l’enfant: «un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de 18 ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable» (art. 1). De ce fait, les adolescents qui n’ont pas atteint l’âge de 18 ans révolus jouissent de tous les droits garantis par la Convention; ils peuvent bénéficier des mesures de protection spéciale et exercer progressivement leurs droits d’une manière qui corresponde au développement de leurs capacités (art. 5).

L’adolescence est une période caractérisée par une évolution rapide sur les plans physique, intellectuel et social, y compris dans le domaine des relations sexuelles et de la capacité de procréer, du fait que l’acquisition progressive de la capacité à assumer des comportements et des rôles propres aux adultes implique de nouvelles responsabilités qui nécessitent l’acquisition de connaissances et de compétences nouvelles. Si les adolescents sont généralement considérés comme un groupe de population en bonne santé, ils se trouvent à une période de leur vie où leur santé ou leur épanouissement peuvent être sérieusement compromis car ils sont relativement vulnérables et incités par la société, et notamment par leurs pairs, à adopter des comportements à risque. Ils doivent en outre construire leur personnalité et gérer leur sexualité. Ce passage à l’âge adulte correspond aussi, en général, à une période de changements positifs favorisés par la grande capacité d’apprentissage dont ils font preuve, par leur aptitude à découvrir des situations nouvelles et variées, à façonner et à exercer leur sens critique, à prendre goût à la liberté, à faire preuve de créativité et à se faire des amis.

Le Comité des droits de l’enfant note avec préoccupation que les États parties n’accordent pas une attention suffisante dans l’exécution des obligations qui leur incombent en vertu de la Convention aux difficultés rencontrées par les adolescents dans l’exercice de leurs droits et à la nécessité de promouvoir leur santé et leur développement. Cette constatation l’a incité à adopter la présente observation générale afin de sensibiliser l’opinion à ce problème et d’orienter et soutenir les efforts déployés par les États parties pour garantir le respect et la protection des droits des adolescents, notamment par la formulation de stratégies et de politiques spécifiques.

Le Comité interprète les concepts de «santé et de développement» dans un sens plus large que celui des dispositions des articles 6 et 24 de la Convention qui se rapportent respectivement au droit à la vie, à la survie et au développement et au droit à la santé. L’un des objectifs de la présente observation générale est précisément de définir les principaux droits de l’homme qu’il convient de promouvoir et de protéger afin de permettre aux adolescents d’atteindre le niveau de santé le plus élevé possible, de se développer de façon équilibrée et d’être correctement préparé à entrer dans l’âge adulte et à assumer un rôle décisif dans leurs communautés respectives et dans la société au sens large. Cette observation générale doit être lue en parallèle avec la Convention et ses deux protocoles facultatifs concernant l’un la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et l’autre l’implication d’enfants dans des conflits armés, de même que d’autres normes internationales pertinentes dans le domaine des droits de l’homme.

I. Principes fondamentaux et autres obligations des États parties

1.Le caractère indissociable et l’interdépendance des droits de l’enfant ont été reconnus par la Conférence mondiale sur les droits de l’homme (1993) et réaffirmés à plusieurs reprises par le Comité. Outre les articles 6 et 24, d’autres dispositions et principes de la Convention présentent une importance cruciale pour garantir aux adolescents le plein exercice de leurs droits à la santé et au développement.

Le droit à la non ‑discrimination

2.Les États parties s’engagent à garantir à tout être humain âgé de moins de 18 ans l’exercice de tous les droits énoncés dans la Convention, sans distinction aucune (art. 2), indépendamment de toute considération de «race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinions politiques ou autres … de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation». Cette liste de motifs englobe aussi les préférences sexuelles et l’état de santé des adolescents (et notamment leur statut à l’égard du VIH/sida et leur santé mentale). Les adolescents victimes de discrimination sont davantage exposés aux mauvais traitements et à d’autres types de violence et d’exploitation et leur santé et leur épanouissement sont plus compromis. C’est pourquoi ils méritent de faire l’objet d’une attention et d’une protection spéciales de tous les groupes de la société.

Une orientation et des conseils appropriés à l’exercice des droits

3.La Convention reconnaît la responsabilité, le droit et le devoir qu’ont les parents ou d’autres personnes juridiquement responsables d’un enfant de «donner à celui‑ci d’une manière qui corresponde au développement de ses capacités, l’orientation et les conseils appropriés à l’exercice des droits que lui reconnaît la présente Convention» (art. 5). Le Comité pense que les parents ou les autres personnes juridiquement responsables d’un enfant doivent s’acquitter soigneusement de leurs droits et de leur responsabilité de donner à leur enfant adolescent une orientation et des conseils appropriés à l’exercice de ses droits. Ils ont l’obligation de tenir compte de ses opinions, en fonction de son âge et de son degré de maturité, et de lui assurer un environnement salubre et propice à son épanouissement. Les adolescents ont besoin d’être reconnus par les membres de leur famille comme des personnes titulaires de droits, qui ont la capacité de devenir des citoyens à part entière et, à ce titre, d’assumer pleinement leurs responsabilités, pour autant qu’ils bénéficient d’une orientation et de conseils appropriés.

Respect des opinions de l’enfant

4.Le droit d’exprimer librement son opinion et le droit à ce que celle‑ci soit dûment prise en considération (art. 12) est aussi indispensable pour garantir le droit des adolescents à la santé et au développement. Les États parties doivent veiller à ce que les adolescents aient vraiment l’occasion d’exprimer librement leurs opinions sur toutes questions les intéressant, et en particulier au sein de la famille, à l’école et dans leur entourage. Afin que ces derniers puissent exercer ce droit de façon pleine et entière et dans des conditions de sécurité, les pouvoirs publics, les parents et d’autres adultes qui travaillent pour ou avec des enfants doivent instaurer un climat de confiance, favoriser l’échange d’informations, être à l’écoute des jeunes et leur prodiguer de bons conseils de manière à les inciter à prendre part, dans des conditions d’égalité, à la vie sociale et notamment aux processus de décision.

Mesures et processus d’ordre législatif et judiciaire

5.En vertu de l’article 4 de la Convention «les États parties s’engagent à prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres qui sont nécessaires pour mettre en œuvre les droits reconnus dans la présente Convention». Dans le contexte des droits des adolescents à la santé et au développement, les États parties doivent veiller à ce que les dispositions juridiques spécifiques concernant les adolescents soient garanties dans le droit interne, notamment en ce qui concerne la définition d’un âge minimum pour le consentement à des relations sexuelles, pour le mariage et la possibilité de suivre un traitement médical sans le consentement des parents. Ces dispositions doivent s’appliquer également aux garçons et aux filles (art. 2 de la Convention) et refléter clairement la reconnaissance des droits garantis aux personnes de moins de 18 ans d’une manière qui corresponde au développement de leurs capacités et eu égard à leur âge et à leur degré de maturité (art. 5 et 12 à 17). En outre, les adolescents doivent avoir facilement accès à des mécanismes d’examen des plaintes et à des procédures de recours judiciaire et non judiciaire dans lesquels soit garanti le respect d’une procédure équitable et régulière, et spécialement le respect de leur droit à la vie privée (art. 16).

Libertés et droits civils

6.Les libertés et droits civils des enfants et des adolescents sont définis aux articles 13 à 17 de la Convention qui représentent des dispositions essentielles en ce sens qu’elles garantissent le droit des adolescents à la santé et à l’épanouissement. L’article 17 dispose que l’enfant doit avoir «accès à une information et à des matériels provenant de sources nationales et internationales diverses, notamment ceux qui visent à promouvoir son bien‑être social, spirituel et moral ainsi que sa santé physique et mentale». L’accès aux informations nécessaires est un aspect fondamental de l’obligation qui incombe aux États parties de promouvoir des mesures efficaces et d’un coût abordable notamment en adoptant des lois, des politiques et des programmes dans toutes sortes de domaines liés à la santé et notamment ceux visées dans les articles 24 et 33 comme la planification familiale, la prévention des accidents, la protection contre les pratiques traditionnelles préjudiciables à leur santé, comme les mariages précoces et les mutilations sexuelles féminines, ainsi que l’abus d’alcool, de tabac et d’autres substances nocives.

7.Afin de promouvoir la santé et le développement des adolescents, les États parties sont aussi encouragés à respecter strictement leur droit à la vie privée et à la confidentialité, notamment en ce qui concerne les avis et les conseils qu’ils reçoivent sur les questions de santé (art. 16). Le personnel de santé est tenu d’assurer la confidentialité des informations médicales se rapportant aux adolescents, conformément aux principes fondamentaux de la Convention. Ces informations ne peuvent être divulguées qu’avec le consentement de l’adolescent ou dans des cas justifiant le non‑respect de la confidentialité, y compris pour les adultes. Les adolescents jugés suffisamment mûrs pour recevoir des conseils sans la présence d’un parent ou d’une autre personne ont droit au respect de la confidentialité de ces entretiens et peuvent exiger la confidentialité des services, y compris des traitements qui leur sont administrés.

Protection contre toutes les formes de mauvais traitements, de négligence, de violence ou d’exploitation

8.Les États parties doivent prendre toutes les mesures appropriées pour protéger les adolescents contre toute forme de violence, de mauvais traitements, de négligence et d’exploitation (art. 19, 32 à 36 et 38) et prêter une attention accrue aux formes particulières de mauvais traitements, de négligence, de violence et d’exploitation auxquels sont exposés les jeunes de ce groupe d’âge. Ils doivent, en particulier, adopter des mesures spéciales pour protéger l’intégrité physique, sexuelle et mentale des adolescents handicapés, qui sont particulièrement exposés à la violence et à la négligence. Les États parties doivent aussi veiller à ce que les adolescents sans ressources, qui vivent en marge de la société, ne soient pas pénalisés. À cet égard, il convient de consacrer des ressources financières et humaines à des recherches qui pourraient s’avérer utiles pour l’adoption de dispositions législatives, de politiques et d’activités efficaces à l’échelle locale et nationale. Les politiques et stratégies devraient être régulièrement examinées et révisées en conséquence. En adoptant ces mesures, les États parties doivent prendre en considération l’évolution des capacités des adolescents et les impliquer dans la mesure du possible dans l’élaboration de mesures, y compris de programmes destinés à les protéger. Dans ce contexte, le Comité met l’accent sur les effets bénéfiques de l’éducation par les pairs et sur l’importance de l’exemple donnée par les célébrités, notamment dans le monde des arts et lettres, du spectacle et des sports.

Collecte de données

9.Un système de collecte de données est nécessaire pour que les États parties puissent surveiller la santé et l’épanouissement des adolescents. Ils doivent pour cela adopter des systèmes qui permettent de ventiler les données par sexe, âge, origine et statut socioéconomique afin de pouvoir suivre la situation de certains groupes spécifiques comme les adolescents appartenant à des minorités ethniques ou à des peuples autochtones, les adolescents migrants ou réfugiés, ceux qui sont handicapés, ceux qui travaillent, etc. Le cas échéant, les adolescents peuvent être invités à participer à l’analyse de ces données pour s’assurer qu’elles soient bien interprétées et utilisées d’une manière conforme à leurs intérêts.

II. Mise en place d’un environnement sain et favorable

10.La santé et le développement des adolescents sont fortement influencés par l’environnement dans lequel ils vivent. Pour leur garantir un environnement sain et favorable, il faut à la fois agir sur les comportements des personnes qui se trouvent dans leur entourage immédiat: famille, copains, milieu scolaire et services et, à une échelle plus large, influencer les élus locaux et les chefs religieux, mais aussi les médias et les politiques et les dispositions législatives en vigueur à l’échelon national et local. Pour garantir le droit des adolescents à la santé et au développement, il est indispensable d’assurer la promotion et l’application des dispositions et des principes de la Convention, et en particulier des articles 2 à 6, 12 à 17, 24, 28, 29 et 31. Les États parties devraient prendre des mesures pour faire mieux connaître ces dispositions et favoriser ou réglementer leur application en formulant des politiques ou en adoptant des mesures législatives et des programmes d’activités spécialement conçues pour les adolescents.

11.Le Comité souligne l’importance de l’environnement familial, y compris les membres de la famille élargie et de la communauté ou les autres personnes juridiquement responsables d’un enfant ou d’un adolescent (art. 5 et 18). Si la plupart des adolescents grandissent dans un climat familial favorable, cela n’est pas le cas pour certains d’entre eux.

12.Le Comité demande aux États parties d’élaborer et de mettre en œuvre, d’une manière qui corresponde au développement des capacités de l’adolescent, des mesures législatives, des politiques et des programmes visant à promouvoir la santé et le développement des adolescents a) en assurant à leurs parents (ou à leur représentant légal) l’assistance dont ils ont besoin par la mise en place d’institutions, d’équipements et de services chargés de veiller au bien‑être des adolescents ainsi que, si nécessaire, par la fourniture d’une assistance matérielle en ce qui concerne l’alimentation, les vêtements et le logement (par. 3 de l’article 27); b) en fournissant les informations et l’appui nécessaires aux parents pour favoriser l’instauration d’une relation de confiance qui permette d’aborder ouvertement par exemple des questions de sexualité, de comportements sexuels et de modes de vie à risque, et de trouver des solutions acceptables compatibles avec le respect des droits des adolescents (par. 3 de l’article 27); c) en dispensant aux adolescents des deux sexes qui ont déjà des enfants un soutien et des conseils tant pour leur propre bien que pour celui de leurs enfants (par. 2 f) de l’article 24 et par. 2 et 3 de l’article 27); d) en prêtant une attention spéciale et en prodiguant des conseils et une assistance aux adolescents et à leurs parents (ou représentants légaux) dont les traditions et les normes diffèrent parfois de celles de la société dans laquelle ils vivent, dans le respect des valeurs et des normes des minorités ethniques et autres; et e) en veillant à ce que les interventions visant à protéger les adolescents qui consistent, dans certains cas, à les séparer de leur famille, notamment en cas de mauvais traitements et de négligence, soient conformes aux dispositions législatives et aux procédures pertinentes. Il convient d’examiner ces dispositions législatives et ces procédures pour s’assurer qu’elles sont en conformité avec les principes de la Convention.

13.L’école joue un rôle important dans la vie de nombreux adolescents en leur offrant des possibilités d’acquérir des connaissances, de s’épanouir et de s’ouvrir à la vie sociale. Le paragraphe 1 de l’article 29 prévoit que l’éducation doit viser à «favoriser l’épanouissement de la personnalité de l’enfant et le développement et de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités». En outre, selon les termes de l’Observation générale no 1 sur les buts de l’éducation: «l’éducation doit également avoir pour but de veiller à ce que … aucun enfant n’achève sa scolarité sans avoir acquis les moyens de faire face aux défis auxquels il sera confronté au cours de sa vie. Les compétences essentielles … consistent également … capacité de prendre des décisions rationnelles, de résoudre les conflits de façon non violente et de suivre un mode de vie sain [et] d’établir des liens sociaux appropriés…». Compte tenu de l’importance d’une éducation bien conçue pour la santé et l’épanouissement actuels et futurs des adolescents ainsi que pour leurs enfants, le Comité demande instamment aux États parties, en application des articles 28 et 29 de la Convention, a) d’assurer un enseignement primaire obligatoire de bonne qualité et gratuit pour tous et de garantir l’accès de tous les adolescents à un enseignement secondaire et supérieur; b) de créer des établissements primaires et des équipements récréatifs de bonne qualité et assurant des conditions favorables à la santé des écoliers, notamment du point de vue de l’eau et de l’assainissement et des transports scolaires; c) de prendre les mesures nécessaires pour prévenir et interdire toute forme de violences et de mauvais traitements, y compris les violences sexuelles, les châtiments corporels et tout autre traitement ou châtiment inhumain, dégradant ou humiliant, dans le cadre de l’école, de la part du personnel ou entre les étudiants eux‑mêmes; d) de mettre en place des mesures et d’encourager des comportements et des activités susceptibles de promouvoir un comportement sain en intégrant des thèmes pertinents dans les programmes scolaires.

14.Pendant l’adolescence, un nombre croissant de jeunes quittent l’école et commencent à travailler pour soutenir financièrement leur famille ou pour gagner leur vie, dans le secteur structuré ou non structuré de l’économie. Le fait d’exercer une activité professionnelle dans le respect des normes internationales, dans la mesure où cela n’entrave pas l’exercice de leurs autres droits, y compris leurs droits à la santé et à l’éducation, peut être favorable à l’épanouissement des adolescents. Le Comité demande instamment aux États parties de prendre toutes les mesures nécessaires pour abolir toutes les formes de travail des enfants, en commençant par les pires d’entre elles, d’examiner continuellement la réglementation nationale relative à l’âge minimum d’admission à l’emploi afin de garantir sa compatibilité avec les normes internationales et de réglementer l’environnement de travail et les conditions applicables aux adolescents qui travaillent (conformément aux dispositions de l’article 32 de la Convention et des Conventions nos 138 et 182 de l’OIT) afin de s’assurer qu’ils sont pleinement protégés et qu’ils ont accès aux procédures de recours judiciaires.

15.Le Comité souligne en outre que, conformément au paragraphe 3 de l’article 23 de la Convention, il est nécessaire de prendre en compte les droits spéciaux des enfants et des adolescents handicapés et de leur fournir une assistance pour qu’ils aient effectivement accès à un enseignement de bonne qualité. Les États devraient reconnaître le principe de l’égalité des chances en matière d’éducation aux niveaux primaire, secondaire et tertiaire, pour les enfants ou les adolescents handicapés et, de préférence, dans des établissements généraux.

16.Le Comité est préoccupé par le nombre de mariages et de grossesses précoces qui sont à l’origine d’un grand nombre de pathologies liées à la santé sexuelle et génésique, y compris le VIH/sida. L’âge minimum requis pour contracter mariage tout comme l’âge réel du mariage sont très bas dans plusieurs États parties, en particulier chez les filles. Cette situation n’a pas seulement des répercussions sur la santé des adolescents: les enfants qui se marient, et en particulier les filles, sont souvent obligés de quitter l’école et se retrouvent exclus des activités sociales. De plus, dans certains États parties, les enfants mariés sont considérés comme des adultes sur le plan juridique, même s’ils ont moins de 18 ans et n’ont pas droit aux mesures de protection spéciale au titre de la Convention. Le Comité recommande vivement aux États parties de revoir et, si nécessaire, de modifier la législation et la pratique, pour porter à 18 ans l’âge minimum du mariage, avec ou sans le consentement des parents, tant pour les garçons que pour les filles. Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a formulé une recommandation similaire (Observation générale no 21 de 1994).

17.Dans la plupart des pays, les traumatismes accidentels ou les lésions consécutives à des voies de fait sont l’une des principales causes de décès ou d’incapacité permanente chez les adolescents. À cet égard, le Comité est préoccupé par la proportion excessive d’adolescents qui sont blessés ou tués dans des accidents de la route. Les États parties devraient adopter et mettre en œuvre des mesures législatives et des activités visant à améliorer la sécurité routière, en instaurant notamment des cours de conduite et un système d’examen pour les adolescents et en adoptant ou renforçant des mesures législatives ayant fait leurs preuves, qui consistent notamment à instaurer l’obligation pour les conducteurs d’être en possession d’un permis de conduire valide, à imposer le port de la ceinture de sécurité et du casque et à prévoir des espaces protégés pour piétons.

18.Le Comité est aussi très préoccupé par le taux élevé de mortalité par suicide dans la population de ce groupe d’âge. Les troubles mentaux et les maladies psychosociales sont relativement courants chez les adolescents. Dans bien des pays, les troubles tels que la dépression, l’anorexie et les comportements autodestructeurs qui incitent parfois les gens à s’automutiler ou à se suicider sont en augmentation. Ces comportements peuvent être consécutifs, notamment, à des violences, des mauvais traitements, des sévices et de la négligence, y compris des violences sexuelles, des attentes irréalistes et/ou des brimades ou du bizutage dans le cadre et en dehors de l’école. Les États parties devraient offrir à ces adolescents tous les services dont ils ont besoin.

19.La violence résulte de l’interaction subtile de divers facteurs d’ordre individuel, familial, communautaire et social. Les adolescents vulnérables, tels que ceux qui sont sans abri, qui sont placés dans des institutions, qui appartiennent à des bandes ou qui ont été recrutés comme enfants soldats, sont particulièrement exposés à la violence tant institutionnelle qu’interpersonnelle. En application de l’article 19 de la Convention, les États parties doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir et éliminer a) la violence à laquelle sont exposés les adolescents placés dans des établissements, notamment en adoptant des dispositions législatives et des mesures administratives applicables aux établissements publics et privés fréquentés par les adolescents (écoles, institutions pour adolescents handicapés, maisons de redressement, etc.) et par des activités de formation et de surveillance du personnel de ces établissements et de toutes les personnes qui sont en contact avec les enfants de par leur profession, y compris le personnel de la police; et b) la violence interpersonnelle entre adolescents, en s’efforçant entre autres de favoriser des solutions satisfaisantes en matière d’adoption et des possibilités de développement social et éducatif dans la petite enfance, d’encourager le respect des normes et des valeurs culturelles non violentes (ainsi que le prévoit l’article 29 de la Convention) d’imposer un contrôle sévère des armes à feu et de limiter l’accès à l’alcool et aux stupéfiants.

20.En application des articles 3, 6, 12 et 19 et du paragraphe 3 de l’article 24 de la Convention, les États parties prennent toutes les mesures nécessaires pour faire cesser les actes et activités qui menacent le droit à la vie des adolescents, y compris les crimes d’honneur. Le Comité invite instamment les États parties à élaborer et mettre en œuvre des campagnes de sensibilisation, des programmes d’éducation et des dispositions législatives visant à faire évoluer les mentalités et à modifier les rôles traditionnellement dévolus aux hommes et aux femmes et les stéréotypes qui favorisent la persistance de pratiques traditionnelles préjudiciables à la santé. En outre, les États parties devraient favoriser la mise en place de centres d’information et de conseils pluridisciplinaires concernant les dangers de certaines pratiques traditionnelles, y compris les mariages précoces et les mutilations sexuelles féminines.

21.Le Comité est préoccupé de constater que les comportements des adolescents en matière de santé sont influencés par la promotion de produits et de modes de vie dangereux pour la santé. En vertu de l’article 17 de la Convention, il demande instamment aux États parties de protéger les adolescents des informations préjudiciables à leur santé et à leur épanouissement, et de veiller à ce qu’ils aient accès à une information et à des matériels provenant de sources nationales et internationales diverses. À cette fin, il invite les États parties à réglementer ou interdire la promotion de substances telles que l’alcool et le tabac et l’information y relative, en particulier lorsque ces activités prennent pour cible les enfants et les adolescents.

III. Information, développement des compétences, activités de conseil et services de santé

22.Les adolescents ont le droit d’avoir accès aux informations nécessaires à leur santé et à leur épanouissement et susceptibles de favoriser leur pleine participation à la vie sociale. Les États parties ont pour obligation de veiller à ce que tous les adolescents, filles ou garçons, scolarisés ou non, aient accès sans réserve à une information précise et bien conçue sur la manière de protéger leur santé et leur épanouissement et d’adopter des comportements favorables à la santé. Il s’agit notamment d’informations relatives à la consommation et à l’abus de tabac, d’alcool et d’autres substances, aux comportements sexuels sans danger et aux comportements sociaux respectueux d’autrui, au régime alimentaire et à l’activité physique.

23.Afin de pouvoir utiliser cette information dans la pratique, les adolescents doivent acquérir les compétences nécessaires, pour être capable de prendre en main leur santé, de prévoir et préparer des repas équilibrés sur le plan nutritionnel et de respecter les règles d’hygiène et de faire face à des situations sociales particulières dans lesquelles il importe de savoir communiquer, prendre des décisions et gérer des situations de stress et de conflit. Les États parties doivent encourager et soutenir les diverses possibilités de transmettre ces compétences, notamment par l’intermédiaire des programmes d’éducation et de formation de type scolaire et non scolaire, des associations de jeunes et des médias.

24.En vertu des articles 3, 17 et 24 de la Convention, les États parties doivent assurer aux adolescents l’accès à une information en matière de santé sexuelle et génésique, notamment sur l’importance de la planification familiale et les méthodes de contraception, les risques liés aux grossesses précoces, la prévention du VIH/sida et la prévention ainsi que le traitement des maladies sexuellement transmissibles (MST). En outre, les États parties doivent leur assurer l’accès à ces informations indépendamment de leur situation matrimoniale et du consentement de leurs parents ou tuteurs. Les moyens et méthodes utilisés pour fournir cette information doivent être adaptés aux besoins et tenir compte des droits spécifiques des adolescents et des adolescentes. C’est pourquoi les États parties sont encouragés à faire en sorte que cette information soit élaborée et diffusée avec la participation active d’adolescents, par toutes sortes de circuits autres que l’école, notamment les associations de jeunes, les groupes religieux, communautaires et autres et les médias.

25.En application de l’article 24 de la Convention, le Comité demande instamment aux États parties d’assurer aux adolescents atteints de troubles mentaux un traitement médical et des services de rééducation adaptés à leur handicap, d’informer la population des premiers symptômes permettant de dépister ces troubles mentaux et de la gravité de ces maladies et de protéger les adolescents de toutes pressions excessives, y compris du stress psychosocial. Les États parties sont aussi instamment invités à lutter contre la discrimination et l’ostracisme à l’égard des personnes souffrant de troubles mentaux, en application des dispositions contenues à l’article 2. Tous les adolescents atteints de troubles mentaux ont le droit de bénéficier d’un traitement et de soins, dans la mesure du possible dans leur environnement familier. Si l’hospitalisation ou le séjour dans un établissement psychiatrique est jugé nécessaire, cette décision doit être prise dans le respect du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. En cas d’hospitalisation ou de placement en établissement psychiatrique, il convient d’accorder aux patients, dans la mesure du possible, l’exercice de tous les droits qui sont reconnus dans la Convention, et notamment du droit à l’éducation et à des activités récréatives. Le cas échéant, il convient de séparer les adolescents des adultes. Les États parties doivent veiller à ce que les adolescents puissent faire appel à une personne extérieure à la famille pour représenter leurs intérêts, lorsque cela est nécessaire et utile. Conformément à l’article 25 de la Convention, il incombe aux États parties de procéder à un examen périodique de la situation des adolescents hospitalisés ou placés dans des établissements psychiatriques.

26.Les adolescents des deux sexes sont vulnérables à l’infection par les maladies sexuellement transmissibles, y compris le VIH/sida et susceptibles d’être affectés par ces maladies. Les États doivent faire en sorte que le matériel, les services et les informations nécessaires à la prévention et au traitement des MST, y compris du VIH/sida soient disponibles et accessibles. À cette fin, ils sont instamment priés a) d’élaborer des programmes de prévention efficaces, y compris des mesures visant à faire évoluer les mentalités en ce qui concerne les besoins des adolescents en matière de contraception et de prévention des MST et à lutter contre les tabous culturels et autres associés à la sexualité des adolescents; b) d’adopter des dispositions législatives pour lutter contre les pratiques susceptibles soit d’augmenter le risque d’infection chez les adolescents, soit de contribuer à la marginalisation des adolescents infectés par des MST, y compris par le VIH; et c) à adopter des mesures en vue de lever tous les obstacles qui entravent l’accès des adolescents à l’information, aux mesures de prévention comme l’emploi du préservatif et aux soins.

27.Les adolescentes doivent avoir accès à l’information sur les dangers des mariages et des grossesses précoces et, si elles tombent enceintes, à des services de santé respectueux de leurs droits et attentifs à leurs besoins spécifiques. Les États parties doivent prendre des mesures pour réduire la morbidité et la mortalité chez les adolescentes, qui sont essentiellement dues aux grossesses précoces et aux pratiques d’avortement à risque et pour venir en aide aux adolescents qui deviennent parents. Les jeunes mères ont parfois tendance à être dépressives et anxieuses, en particulier lorsqu’elles sont livrées à elles‑mêmes, et elles ont du mal à s’occuper de leur enfant. Le Comité demande instamment aux États parties a) d’élaborer et de mettre en œuvre des programmes visant à faciliter l’accès des adolescents à des services de santé sexuelle et génésique, y compris des services de planification familiale, des méthodes contraceptives et des techniques d’avortement sans danger, lorsque l’avortement est autorisé par la loi, des soins obstétricaux adéquats et complets et des services d’orientation; b) d’encourager la tolérance à l’égard des adolescents des deux sexes qui deviennent parents; et c) de faire en sorte que les mères adolescentes puissent poursuivre leurs études.

28.Avant de solliciter l’autorisation des parents, il faut permettre aux adolescents d’exprimer librement leurs opinions et celles‑ci doivent être dûment prises en considération, conformément à l’article 12 de la Convention. Toutefois, en fonction du degré de maturité de l’adolescent, on peut s’adresser directement à lui pour obtenir son consentement en connaissance de cause et informer ensuite les parents, si cela paraît plus conforme à «l’intérêt supérieur de l’enfant» (art. 3).

29.S’agissant du respect de la vie privée et de la confidentialité ainsi que de la question annexe du consentement donné en connaissance de cause, les États parties devraient a) adopter des dispositions législatives ou réglementaires garantissant aux adolescents l’accès à des conseils confidentiels concernant le traitement envisagé, afin qu’ils puissent donner leur consentement en connaissance de cause et ces dispositions devraient préciser l’âge minimum à partir duquel cette procédure est possible; et b) dispenser au personnel de santé une formation aux droits des adolescents au respect de leur vie privée et de la confidentialité des informations les concernant, et à leur droit d’être informés du traitement prévu et de donner leur consentement en connaissance de cause à ce sujet.

IV. Vulnérabilité et risques

30.Pour garantir le respect des droits des adolescents à la santé et au développement, il importe de prendre en considération non seulement les comportements individuels, mais aussi les influences extérieures qui expliquent leur vulnérabilité et les risques auxquels ils sont exposés. Les éléments extérieurs tels que les conflits armés ou l’exclusion sociale rendent les adolescents encore plus vulnérables aux mauvais traitements et à d’autres formes de violence et d’exploitation, ce qui compromet sérieusement leur aptitude à adopter des comportements et à faire des choix favorables à la santé. Par exemple, en choisissant de se livrer à des pratiques sexuelles à risque, ils mettent leur santé en danger.

31.Conformément à l’article 23 de la Convention, les adolescents mentalement ou physiquement handicapés ont, au même titre que les autres enfants, le droit de jouir du niveau de santé physique et mentale le plus élevé possible. Les États parties sont tenus de fournir aux adolescents handicapés les moyens nécessaires pour qu’ils soient en mesure d’exercer leurs droits. Les États parties doivent a) garantir l’accès de tous les adolescents handicapés aux établissements, matériels et services de santé en vue d’encourager leur autonomie et leur participation active dans la communauté; b) veiller à ce qu’ils disposent du matériel et de l’assistance nécessaires pour pouvoir se déplacer, participer et communiquer; c) prêter une attention particulière aux besoins spécifiques des adolescents handicapés en matière de sexualité; et d) éliminer les obstacles à la réalisation des droits des adolescents handicapés.

32.Les États parties sont tenus d’accorder une protection spéciale aux adolescents sans abri, y compris à ceux qui travaillent dans le secteur non structuré. En effet, ces derniers sont particulièrement exposés à la violence, aux mauvais traitements et à l’exploitation sexuelle de la part des autres ainsi qu’à des comportements autodestructeurs, à la toxicomanie et aux troubles mentaux. À cet égard, les États parties sont priés a) d’élaborer des politiques et d’adopter et de faire appliquer des mesures législatives visant à protéger ces adolescents contre la violence, notamment de la part des responsables de l’application des lois; et b) d’élaborer des stratégies en vue de leur assurer des possibilités d’éducation appropriées, l’accès aux soins de santé et des possibilités d’acquérir des compétences leur permettant d’accéder à l’autosuffisance.

33.Les adolescents exploités sur le plan sexuel, notamment à des fins de prostitution et de pornographie, sont particulièrement exposés aux MST, au VIH/sida, à des grossesses non désirées et à des avortements à risque ainsi qu’à la violence et à la détresse psychologique. Ils ont droit à des mesures de réadaptation physique et psychologique et de réinsertion sociale dans des conditions qui leur soient favorables sur le plan de la santé, du respect de soi et de la dignité (art. 39). Les États parties ont l’obligation d’adopter et de faire appliquer des lois interdisant toutes formes d’exploitation sexuelle et de traite des êtres humains, de collaborer avec d’autres États parties pour mettre fin à la traite internationale et de fournir des services de santé et de conseil appropriés aux adolescents qui ont été victimes d’exploitation sexuelle, en veillant à ce qu’ils soient considérés comme des victimes et non comme des délinquants.

34.En outre, les adolescents vivant dans la pauvreté ou confrontés aux conflits armés, à toutes formes d’injustice, à l’éclatement de la cellule familiale, à l’instabilité politique, sociale et économique, à tous les types de migration sont particulièrement vulnérables. Ces conditions peuvent compromettre gravement leur santé et leur épanouissement. En investissant massivement dans les politiques et des mesures de prévention, les États parties peuvent considérablement atténuer la vulnérabilité de ces adolescents et les facteurs de risque auxquels ils sont exposés, permettant ainsi à la société d’aider à peu de frais les adolescents à se développer harmonieusement dans une société libre.

V. Nature et obligations de l’État

35.Dans l’exercice des obligations qui leur incombent de favoriser la santé et l’épanouissement des adolescents, les États parties doivent toujours tenir pleinement compte des quatre principes généraux de la Convention. De l’avis du Comité, les États parties doivent prendre toutes les mesures nécessaires d’ordre législatif, administratif ou autres, pour garantir aux adolescents l’exercice de leur droit à la santé et à l’épanouissement qui est reconnu dans la Convention et veiller à son application. À cette fin, les États parties doivent notamment s’acquitter des obligations ci‑après:

a)Offrir aux adolescents un environnement sain et favorable, notamment au sein de la famille, à l’école, dans des établissements de toutes sortes dans lesquels ils ont été placés, sur leur lieu de travail et/ou au sein de la société;

b)Garantir aux adolescents l’accès aux informations indispensables à leur santé et à leur épanouissement et la possibilité de prendre part aux décisions qui affectent leur santé (notamment par la procédure du consentement donné en connaissance de cause et par le respect du droit à la confidentialité), d’acquérir des compétences pratiques, d’obtenir des informations utiles et adaptées à leur âge et d’adopter des comportements favorables à la santé;

c)Veiller à ce que tous les adolescents aient accès à des établissements, matériels et services de santé de bonne qualité et attentifs ou correspondant aux besoins des adolescents, y compris aux services de conseil et de soins de santé mentale et génésique;

d)Donner aux adolescents des deux sexes la possibilité de participer activement à la planification et à la programmation de leur santé et de leur épanouissement;

e)Protéger les adolescents contre toutes formes de travail susceptibles de compromettre l’exercice de leurs droits, notamment en abolissant toutes les formes de travail des enfants et en réglementant l’environnement et les conditions de travail conformément aux normes internationales;

f)Protéger les adolescents contre toute forme de traumatisme intentionnel et non intentionnel, y compris ceux qui sont provoqués par la violence ou consécutifs à des accidents de la route;

g)Protéger les adolescents contre toutes les pratiques traditionnelles dangereuses telles que les mariages précoces, les crimes d’honneur et les mutilations sexuelles féminines;

h)Veiller à ce que les adolescents appartenant à des groupes particulièrement vulnérables ne soient pas laissés pour compte dans la satisfaction de toutes les obligations susmentionnées;

i)Mettre en œuvre des mesures visant à prévenir les maladies mentales et à promouvoir la santé mentale des adolescents.

36.Le Comité appelle l’attention des États parties sur l’Observation générale no 14 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels sur le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint, dans laquelle on peut lire que: «Les États parties doivent prévoir à l’intention des adolescents un environnement sain et favorable leur donnant la possibilité de participer à la prise des décisions concernant leur santé, d’acquérir des connaissances élémentaires, de se procurer des informations appropriées, de recevoir des conseils et de négocier les choix qu’ils opèrent en matière de comportement dans l’optique de la santé. La réalisation du droit des adolescents à la santé est fonction de la mise en place de soins de santé tenant compte des préoccupations des jeunes et respectant la confidentialité et l’intimité, y compris des services appropriés de santé sexuelle et génésique.».

37.En application des articles 24 et 39 ainsi que d’autres dispositions pertinentes de la Convention, les États parties doivent veiller à ce que les services de santé prennent en considération les besoins et les droits spécifiques des adolescents en s’attachant aux caractéristiques suivantes:

a)Disponibilité. Il faut prévoir dans le cadre des soins de santé primaires des services axés sur les besoins des adolescents, notamment en matière de santé sexuelle et génésique et de santé mentale;

b)Accessibilité. Il convient de porter à la connaissance de tous les adolescents l’existence d’établissements, de matériels et de services de santé et de leur en faciliter l’accès (sur les plans économique, géographique et social). Le respect de la confidentialité doit être assuré le cas échéant;

c)Acceptabilité. Tout en respectant pleinement les dispositions et les principes de la Convention, tous les établissements, matériels et services de santé doivent respecter les valeurs culturelles, les sexospécificités, les principes d’éthique médicale et être acceptables tant pour les adolescents que pour les communautés dans lesquelles ils vivent;

d)Qualité. Les services de santé et le matériel médical doivent répondre aux exigences scientifiques et médicales, ce qui implique du personnel formé aux soins aux adolescents, des installations adéquates et des méthodes scientifiquement acceptées.

38.Les États parties doivent, si possible, adopter une stratégie multisectorielle pour la promotion et la protection de la santé des adolescents et de leur épanouissement en s’efforçant d’établir des liens et des partenariats efficaces et durables entre toutes les Parties intéressées. Au niveau national, cette stratégie nécessite une étroite collaboration et une coordination systématique entre les services pertinents de l’État afin de garantir leur participation. Les services de santé publique et autres services utilisés par les adolescents devraient aussi être incités et encouragés à travailler en collaboration, notamment, avec des praticiens privés et/ou des tradipraticiens, des associations professionnelles, des pharmaciens et des organisations qui s’occupent de groupes d’adolescents vulnérables.

39.Une stratégie multisectorielle pour la promotion et la protection de la santé des adolescents et de leur épanouissement ne saurait être efficace sans une coopération internationale. Par conséquent, les États parties doivent, le cas échéant, chercher à établir une coopération avec les institutions spécialisées, les programmes et les organes du système des Nations Unies, des organisations non gouvernementales internationales et des organismes d’aide bilatérale, ainsi qu’avec des associations professionnelles internationales et d’autres intervenants qui n’agissent pas au nom de l’État.

Trente ‑quatrième session (2003)

Observation générale n o  5: Mesures d’application générales de la Convention relative aux droits de l’enfant (art. 4, 42 et 44, par. 6)

Avant ‑propos

1.Le Comité des droits de l’enfant a établi la présente Observation générale pour définir l’obligation qu’ont les États de concevoir ce qu’il a appelé «des mesures d’application générales». Les différents éléments du concept sont complexes et le Comité tient à souligner qu’il adoptera probablement en temps voulu, pour approfondir la présente définition, des observations générales plus détaillées sur chaque élément. Son Observation générale no 2 (2002) intitulée «Le rôle des institutions nationales indépendantes de défense des droits de l’homme dans la protection et la promotion des droits de l’enfant» avait déjà approfondi le concept.

Article 4

«Les États s’engagent à prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres qui sont nécessaires pour mettre en œuvre les droits reconnus dans la présente Convention. Dans le cas des droits économiques, sociaux et culturels, ils prennent ces mesures dans toutes les limites des ressources dont ils disposent et, s’il y a lieu, dans le cadre de la coopération internationale.».

I. Introduction

2.Lorsqu’un État ratifie la Convention relative aux droits de l’enfant, il s’engage en vertu du droit international à l’appliquer. L’application est le processus par lequel les États parties prennent des mesures pour assurer l’exercice de tous les droits consacrés par la Convention à tous les enfants relevant de leur juridiction. L’article 4 fait obligation aux États parties de prendre «toutes les mesures législatives, administratives et autres qui sont nécessaires» pour assurer l’application des droits contenus dans la Convention. C’est l’État qui assume des obligations en vertu de la Convention, mais sa tâche en matière d’application − de réalisation des droits fondamentaux de l’enfant − nécessite l’engagement de tous les secteurs de la société et, bien entendu, des enfants eux‑mêmes. Il est essentiel de faire en sorte que la législation nationale soit pleinement compatible avec la Convention et que les principes et les dispositions de cet instrument puissent être directement et correctement appliqués. Le Comité des droits de l’enfant a recensé un vaste éventail de mesures nécessaires pour assurer l’application effective de la Convention, notamment la mise en place de structures spéciales et de moyens de surveillance et le lancement d’activités de formation et autres à tous les niveaux dans l’administration, au parlement et dans l’appareil judiciaire.

3.En examinant périodiquement les rapports présentés par les États parties en vertu de la Convention, le Comité accorde une attention particulière à ce qu’il a appelé les «mesures d’application générales». Dans les observations finales qu’il publie à l’issue de l’examen de chaque rapport, il formule des recommandations concrètes concernant ces mesures. Il attend des États parties qu’ils décrivent dans leurs rapports périodiques suivants les mesures qu’ils auront prises en application de ces recommandations. Les directives du Comité concernant l’établissement des rapports répartissent les articles de la Convention en plusieurs groupes, le premier étant intitulé «mesures d’application générales», et placent l’article 4 dans le même groupe que l’article 42 (obligation de faire largement connaître la Convention aux enfants et aux adultes; voir le paragraphe 66 ci‑dessous) et l’article 44, paragraphe 6 (obligation d’assurer aux rapports une large diffusion dans le pays; voir le paragraphe 71 ci‑dessous).

4.En plus de celles qui sont énoncées dans ces dispositions, d’autres obligations au titre des mesures d’application générales figurent à l’article 2: «Les États parties s’engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune…».

5.En outre, en vertu du paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention, «Les États parties s’engagent à assurer à l’enfant la protection et les soins nécessaires à son bien‑être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées.».

6.Le droit international relatif aux droits de l’homme comporte des dispositions énonçant des obligations générales en matière d’application similaires à celles qui figurent à l’article 4 de la Convention; il s’agit notamment de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Le Comité des droits de l’homme et le Comité des droits économiques, sociaux et culturels ont adopté des observations générales au sujet de ces dispositions qui doivent être considérées comme un complément à la présente observation générale et auxquelles il est fait référence ci‑dessous.

7.Tout en indiquant les obligations générales qui incombent aux États parties en matière d’application, l’article 4 fait apparaître, dans sa seconde phrase, une distinction entre les droits civils et politiques et les droits économiques, sociaux et culturels: «Dans le cas des droits économiques, sociaux et culturels, ils [les États parties] prennent ces mesures dans toutes les limites des ressources dont ils disposent et, s’il y a lieu, dans le cadre de la coopération internationale.». Il n’y a pas de division simple ou faisant autorité en ces deux catégories des droits de l’homme en général ou des droits énoncés dans la Convention. Les directives du Comité concernant l’établissement des rapports regroupent les articles 7, 8, 13 à 17 et 37 a), sous la rubrique «Libertés et droits civils», mais il ressort du contexte que ces dispositions ne renferment pas les seuls droits civils et politiques consacrés par la Convention. Il est clair, en effet, que de nombreux autres articles, notamment les articles 2, 3, 6 et 12 de la Convention, contiennent des éléments qui constituent des droits civils/politiques, ce qui met en évidence l’interdépendance et l’indivisibilité de tous les droits de l’homme. La jouissance des droits économiques, sociaux et culturels est intimement liée à la jouissance des droits civils et politiques. Comme cela est indiqué au paragraphe 25 ci‑dessous, le Comité estime qu’aussi bien les droits civils et politiques que les droits économiques, sociaux et culturels doivent être considérés comme justiciables.

8.La seconde phrase de l’article 4 traduit l’acceptation réaliste du fait que le manque de ressources − financières et autres − peut entraver la pleine application des droits économiques, sociaux et culturels dans certains États; d’où le concept de «réalisation progressive» de ces droits: les États doivent pouvoir prouver qu’ils appliquent ces droits «dans toutes les limites des ressources dont ils disposent» et qu’ils ont, s’il y a lieu, fait appel à la coopération internationale. Lorsque les États ratifient la Convention, ils assument non seulement l’obligation de la mettre en œuvre sur leur territoire, mais aussi celle de contribuer, par le biais de la coopération internationale, à son application à l’échelle mondiale (voir le paragraphe 60 ci‑dessous).

9.Le libellé de la seconde phrase de l’article 4 est similaire à celui figurant dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et le Comité s’accorde entièrement avec le Comité des droits économiques, sociaux et culturels pour affirmer que «même s’il est démontré que les ressources disponibles sont insuffisantes, l’obligation demeure, pour un État partie, de s’efforcer d’assurer la jouissance la plus large possible des droits pertinents dans les circonstances qui lui sont propres…». Quelle que soit leur situation économique, les États sont tenus de prendre toutes les mesures possibles en vue de mettre en œuvre les droits de l’enfant en accordant une attention particulière aux groupes les plus défavorisés.

10.Les mesures d’application générales relevées par le Comité et décrites dans la présente observation générale visent à promouvoir la pleine jouissance par tous les enfants de tous les droits énoncés dans la Convention, au moyen de la législation, par la mise en place d’organes de coordination et de surveillance − gouvernementaux et indépendants −, la collecte de données dans tous les domaines, la sensibilisation et la formation, et la conception et la mise en œuvre des politiques, services et programmes requis. Une des conséquences positives de l’adoption et de la ratification quasi‑universelle de la Convention est le lancement au niveau national d’un vaste éventail d’organes, de structures et d’activités axés sur les enfants et adaptés à leurs besoins − cellules de promotion de l’enfant au sein des plus hautes instances de l’État, ministères de l’enfance, comités interministériels chargés des enfants, comités parlementaires, mécanismes d’étude d’impact sur les enfants, budgets axés sur les enfants et rapports sur l’«état des droits de l’enfant», coalitions d’ONG en faveur des droits de l’enfant, médiateurs pour les enfants, commissaires aux droits de l’enfant, etc.

11.Bien que l’on puisse penser qu’il s’agit là essentiellement de mesures cosmétiques, leur simple existence dénote un changement dans la perception de la place des enfants dans la société, une volonté d’accorder une plus grande priorité sur le plan politique à l’enfant et une prise de conscience croissante de l’impact de l’action des pouvoirs publics sur les enfants et leurs droits fondamentaux.

12.Le Comité tient à souligner que, dans le contexte de la Convention, les États sont tenus de considérer leur rôle comme consistant à s’acquitter d’obligations juridiques claires envers chaque enfant. La mise en œuvre des droits fondamentaux des enfants ne doit pas être perçue comme un acte de charité envers eux.

L’émergence d’une démarche fondée sur les droits de l’enfant dans toutes les instances gouvernementales, parlementaires et judiciaires est nécessaire si l’on veut appliquer d’une manière effective et intégralement la Convention, en particulier, dans l’optique des dispositions suivantes qui ont été mises en évidence par le Comité en tant que principes généraux:

Article 2: Obligation pour les États de respecter les droits qui sont énoncés dans la Convention et de les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans discrimination aucune. Ce principe de non‑discrimination fait obligation aux États de s’efforcer d’identifier les enfants et les groupes d’enfants qui ont des droits dont la reconnaissance et la réalisation peuvent nécessiter des mesures spéciales. Par exemple, le Comité souligne, en particulier, la nécessité de recueillir des données ventilées afin que la discrimination ou la discrimination potentielle puissent être repérées. Pour faire face à la discrimination, il peut s’avérer nécessaire d’opérer des changements dans la législation, dans l’administration et dans la répartition des ressources, et de prendre des mesures éducatives pour changer les attitudes. Il convient de souligner que l’application du principe antidiscrimination qu’est l’accès aux droits sur un pied d’égalité ne signifie pas un traitement identique pour tous. À cet égard, le Comité des droits de l’homme a souligné, dans une observation générale, qu’il était important de prendre des mesures spéciales afin d’éliminer les conditions à l’origine de la discrimination ou d’en réduire l’ampleur.

Article 3 1): L’intérêt supérieur de l’enfant en tant que considération primordiale dans toutes les décisions concernant les enfants. Cet article vise les décisions prises par «les institutions publiques ou privées de protection sociale, les tribunaux, les autorités administratives ou les organes législatifs». Le principe énoncé requiert des mesures d’intervention de la part de toutes les instances gouvernementales, parlementaires et judiciaires. Chaque institution ou organe législatif, administratif ou judiciaire est tenu de se conformer au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant en se demandant systématiquement comment les droits et les intérêts de l’enfant seront affectés par ses décisions et ses actes − par exemple, par une loi ou une politique proposée ou déjà en vigueur, une mesure administrative ou une décision judiciaire, y compris celles qui n’intéressent pas directement les enfants mais peuvent avoir des répercussions sur eux.

Article 6: Droit inhérent de tout enfant à la vie et obligation pour les États parties d’assurer dans toute la mesure possible la survie et le développement de l’enfant. Le Comité attend des États qu’ils interprètent le terme «développement» au sens le plus large et en tant que concept global, embrassant le développement physique, mental, spirituel, moral, psychologique et social. Les mesures d’application devraient viser à assurer le développement optimal de tous les enfants.

Article 12: Droit de l’enfant d’exprimer librement son opinion sur «toute question l’intéressant» et à ce que ses opinions soient dûment prises en considération. Ce principe, qui met en exergue le rôle de l’enfant en tant que participant actif à la protection et à la surveillance de ses propres droits, s’applique également à toutes les mesures adoptées par l’État pour appliquer la Convention.

Associer les enfants au processus de prise de décisions par les pouvoirs publics est une tâche positive à laquelle, selon le Comité, les États s’attellent de plus en plus. Il y a d’autant plus lieu d’assurer le respect par les autorités et le Parlement des opinions de l’enfant non encore émancipé que rares sont les États qui ont ramené l’âge du vote au‑dessous de 18 ans. Si l’on veut que la consultation soit utile, il convient de rendre les documents et les procédures plus accessibles. S’il est facile de donner l’impression d’«écouter les enfants», accorder le poids voulu à leurs opinions nécessite en revanche un véritable changement. Le fait d’écouter les enfants ne doit pas être considéré comme un objectif en soi mais plutôt comme un moyen pour les États de faire en sorte que leur interaction avec les enfants et leur action en leur faveur soient davantage axées sur l’application des droits de l’enfant.

Des activités ponctuelles ou régulières telles que les parlements d’enfants peuvent être stimulantes et favoriser une prise de conscience générale. Cela dit, l’article 12 requiert des arrangements cohérents et permanents. En associant les enfants et en les consultant, il convient d’éviter que le processus soit purement symbolique et de veiller à repérer les opinions représentatives. L’accent mis au paragraphe 1 de l’article 12 sur le droit de l’enfant d’exprimer son opinion sur «toute question l’intéressant» implique qu’il faut s’assurer des opinions de groupes particuliers d’enfants sur certaines questions − par exemple de l’opinion des enfants qui ont une expérience du système de justice pour mineurs sur les projets de réforme de la législation dans ce domaine ou encore celle des enfants adoptés et des enfants appartenant à des familles adoptives sur la législation et la politique en matière d’adoption. Il importe que les pouvoirs publics établissent une relation directe avec les enfants et ne se contentent pas de contacts par le biais d’organisations non gouvernementales ou d’organismes de défense des droits de l’homme. Au cours des premières années de la Convention, ces organisations ont joué un rôle notable en prenant l’initiative d’une démarche associant l’enfant mais il est dans l’intérêt des gouvernements comme dans celui des enfants d’établir les liens directs voulus.

II. Réexamen des réserves

13.Dans la section relative aux mesures d’application générales de ses directives concernant l’établissement des rapports, le Comité invite d’emblée les États parties à indiquer s’ils jugent nécessaire de maintenir les réserves qu’ils ont pu formuler ou s’ils ont l’intention de les retirer. Les États parties à la Convention sont habilités à émettre des réserves au moment de la ratification ou de l’adhésion (art. 51). L’objectif du Comité consistant à assurer un respect total et absolu des droits fondamentaux de l’enfant ne peut être assuré que si les États retirent leurs réserves. Quand il examine les rapports des États parties, il recommande systématiquement que les réserves soient réexaminées et retirées. Lorsque, après examen, un État décide de maintenir une réserve, le Comité demande qu’une explication complète soit fournie dans le rapport périodique suivant. Le Comité signale à cet égard que la Conférence mondiale sur les droits de l’homme a encouragé les États à revoir et à retirer leurs réserves.

14.L’article 2 de la Convention de Vienne sur le droit des traités définit le mot «réserve» comme «une déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un État quand il signe, ratifie, accepte ou approuve un traité ou y adhère, par laquelle il vise à exclure ou à modifier l’effet juridique de certaines dispositions du traité, dans leur application à cet État». Il est stipulé dans la Convention de Vienne que les États peuvent au moment de ratifier un traité ou d’y adhérer, formuler une réserve, à moins qu’elle «ne soit incompatible avec l’objet et le but du traité» (art. 19).

15.Le paragraphe 2 de l’article 51 de la Convention relative aux droits de l’enfant reprend cette disposition en ces termes: «Aucune réserve incompatible avec l’objet et le but de la présente Convention n’est autorisée.». Le Comité est profondément préoccupé par le fait que certains États ont formulé des réserves qui vont manifestement à l’encontre du paragraphe 2 de l’article 51 en déclarant, par exemple, que le respect de la Convention était subordonné à la Constitution de l’État ou à la législation en vigueur, y compris dans certains cas au droit religieux. Or l’article 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités stipule ce qui suit: «Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non‑exécution d’un traité.».

16.Le Comité note que, dans certains cas, des États parties ont officiellement émis des objections à des réserves de vaste portée de ce type formulées par d’autres États parties. Il se félicite de toute action susceptible de garantir le respect total de la Convention par tous les États parties.

III. Ratification des autres principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme

17.Compte tenu des principes de l’indivisibilité et de l’interdépendance des droits de l’homme, le Comité exhorte constamment, pendant l’examen des mesures d’application générales, les États parties, qui ne l’ont pas encore fait, à ratifier les deux Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant (concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants) et les six autres principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Au cours de son dialogue avec les États parties, le Comité les encourage souvent à songer à ratifier d’autres instruments internationaux pertinents. Une liste non exhaustive de ces instruments, que le Comité mettra périodiquement à jour, est jointe en annexe à la présente Observation générale.

IV. Mesures législatives

18.Le Comité estime qu’un examen complet au niveau national de toute la législation interne et des directives administratives connexes pour les rendre pleinement conformes à la Convention est une obligation. Il ressort de l’examen par le Comité non seulement des rapports initiaux mais aussi des deuxième et troisième rapports périodiques présentés par les États Parties que ce processus a, dans la plupart des cas, commencé mais doit devenir plus méthodique. Il est nécessaire d’examiner la Convention non seulement article par article mais aussi globalement pour tenir compte de l’interdépendance et de l’indivisibilité des droits de l’homme. L’examen doit être continu plutôt que ponctuel et porter à la fois sur les lois qui sont proposées et celles qui sont déjà en vigueur. S’il est important que ce processus d’examen devienne partie intégrante des activités de tous les ministères compétents, il serait également bon de prévoir dans le même temps un examen indépendant qui serait effectué, par exemple par le Parlement (commissions et auditions parlementaires), par des organismes de défense des droits de l’homme, par des ONG, des universitaires, des enfants et des jeunes concernés et d’autres parties.

19.Les États parties doivent agir, par tous les moyens appropriés, pour faire en sorte que les dispositions de la Convention soient intégrées dans l’ordre juridique interne, objectif que de nombreux États n’ont pas encore atteint. Particulièrement importante est la nécessité de déterminer clairement le degré d’applicabilité de la Convention dans les États où le principe de «l’application directe» est en vigueur et dans ceux où il est affirmé que la Convention «a rang constitutionnel» ou a été incorporée à l’ordre juridique interne.

20.Le Comité se félicite de l’incorporation de la Convention au droit interne qui constitue la méthode traditionnelle de mise en œuvre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme dans certains États mais pas dans tous. L’incorporation devrait signifier que les dispositions de la Convention peuvent être directement invoquées devant les tribunaux et appliquées par les autorités nationales et que c’est la Convention qui prime en cas de conflit avec la législation nationale ou la pratique courante. L’incorporation en elle‑même ne dispense pas de l’obligation de faire en sorte que toute la législation interne applicable, y compris le droit local ou coutumier le cas échéant, soit mise en conformité avec la Convention. En cas de conflit avec la législation la primauté doit toujours être accordée à la Convention conformément à l’article 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. Lorsqu’un État délègue des pouvoirs législatifs à des autorités fédérées régionales ou territoriales, il doit exiger de ces autorités qu’elles légifèrent dans les limites de la Convention et qu’elles assurent l’application effective de cet instrument (voir aussi les paragraphes 40 et suivants ci‑dessous).

21.Certains États ont fait valoir qu’il suffisait de garantir dans leur Constitution les droits de «chacun» pour assurer le respect de ces droits dans le cas des enfants. La question qui se pose alors est celle de savoir si les droits en question sont véritablement assurés aux enfants et peuvent être invoqués directement devant les tribunaux. Le Comité se félicite de l’incorporation dans les constitutions nationales de sections consacrées aux droits de l’enfant qui sont l’expression des principes clefs de la Convention, démarche qui contribue à faire ressortir le message principal de la Convention selon lequel les enfants sont, comme les adultes, détenteurs de droits fondamentaux. Or une telle mesure ne garantit pas automatiquement le respect des droits de l’enfant. Afin de promouvoir la pleine application de ces droits, y compris, le cas échéant, l’exercice des droits par les enfants eux‑mêmes, des mesures additionnelles législatives et autres peuvent s’avérer nécessaires.

22.Le Comité tient à souligner en particulier qu’il est important de faire en sorte que le droit interne exprime les principes généraux énoncés dans la Convention (art. 2, 3, 6 et 12: voir le paragraphe 12 ci‑dessus). Il accueille avec satisfaction l’élaboration de codes relatifs aux droits de l’enfant qui peuvent mettre en évidence et souligner les principes énoncés dans la Convention. Il tient toutefois à affirmer qu’il est en outre capital que toutes les lois «sectorielles» (sur l’enseignement, la santé, la justice etc.) rendent compte d’une manière cohérente des principes et des normes consacrés par la Convention.

23.Conformément à l’article 41 de la Convention, le Comité encourage tous les États parties à adopter et à appliquer sur leur territoire des dispositions législatives qui soient plus propices à la réalisation des droits de l’enfant que celles qui figurent dans la Convention. Il souligne à cet égard que les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme s’appliquent à toutes les personnes âgées de moins de 18 ans.

V. Justiciabilité des droits

24.Pour que les droits aient un sens il faut pouvoir disposer de moyens de recours utiles pour obtenir réparation en cas de violation. Cette condition, qui figure d’une manière implicite dans la Convention, est systématiquement mentionnée dans les six autres principaux instruments relatifs aux droits de l’homme. Le statut spécial des enfants et leur dépendance font qu’ils ont beaucoup de mal à se prévaloir des recours disponibles en cas de violation de leurs droits. En conséquence, les États doivent veiller tout particulièrement à ce que les enfants et leurs représentants disposent de mécanismes efficaces adaptés aux besoins de l’enfant. Il convient notamment de veiller à ce que les enfants obtiennent des informations et des conseils adaptés à leur situation, à ce que leur cause soit défendue ou à ce qu’ils soient aidés à la défendre eux‑mêmes et à ce qu’ils aient accès à des mécanismes indépendants d’examen de plaintes et aux tribunaux en bénéficiant de toute l’assistance dont ils ont besoin, notamment sur le plan juridique. Lorsqu’il est établi que des droits ont été violés une réparation appropriée doit être assurée, notamment sous forme d’indemnisation, et si nécessaire des mesures doivent être prises pour faciliter la réadaptation physique et psychologique de la victime et sa réinsertion, comme l’exige l’article 39.

25.Le Comité tient à souligner, comme cela a été noté au paragraphe 6 ci‑dessus, qu’aussi bien les droits civils et politiques que les droits économiques sociaux et culturels doivent être considérés comme justiciables. Il est essentiel que la législation interne définisse les droits d’une manière suffisamment détaillée pour que les recours disponibles en cas de non‑respect soient efficaces.

VI. Mesures administratives et autres

26.Le Comité ne peut énoncer d’une façon détaillée les mesures que chaque État jugera appropriées pour assurer l’application effective de la Convention. Mais, grâce à l’expérience qu’il a acquise dans le cadre de l’examen des rapports des États parties au cours des 10 dernières années ainsi que de son dialogue continu avec les gouvernements, l’Organisation des Nations Unies, les organismes du système des Nations Unies, les ONG et d’autres organismes compétents, il est en mesure de prodiguer aux États parties quelques conseils clefs.

27.Le Comité est d’avis qu’une application efficace de la Convention requiert une coordination intersectorielle tangible − en vue de la reconnaissance et de la mise en œuvre des droits de l’enfant dans tout l’appareil de l’État − entre les pouvoirs publics à tous les niveaux et entre ceux‑ci et la société civile − en particulier, les enfants et les jeunes eux‑mêmes. Invariablement, de nombreux ministères et autres organismes publics ou quasi‑publics influent sur la vie des enfants et sur l’exercice de leurs droits. Rares, si tant est qu’il y en ait, sont les ministères qui n’ont aucune incidence directe ou indirecte sur la vie des enfants. Un contrôle rigoureux de l’application de la Convention est nécessaire; il doit à la fois faire partie de l’administration des affaires publiques à tous les niveaux et être exercé de manière indépendante par des institutions nationales de défense des droits de l’homme, des ONG et d’autres parties.

A. Élaboration d’une stratégie nationale globale ancrée dans la Convention

28.Si l’État pris globalement et ses instances à tous les niveaux entendent promouvoir et respecter les droits de l’enfant, ils doivent procéder dans leur action d’une stratégie nationale unificatrice, complète et axée sur les droits, qui soit ancrée dans la Convention.

29.Le Comité préconise l’élaboration d’une stratégie nationale ou d’un plan d’action national de vaste portée en faveur des enfants. Il attend des États qu’ils tiennent compte, lorsqu’ils établissent et/ou revoient leurs stratégies nationales, des recommandations formulées dans les observations finales qu’il adopte à l’issue de l’examen de leurs rapports périodiques. Si l’on veut que de telles stratégies soient efficaces, il faut qu’elles soient en prise directe avec la situation de tous les enfants et avec tous les droits consacrés par la Convention. Elle devra être élaborée par le biais d’un processus de consultation associant les enfants et les jeunes ainsi que les personnes qui vivent et travaillent avec eux. Comme cela a déjà été noté ci‑dessus (par. 12), une véritable consultation nécessite des matériels et des méthodes adaptés à la situation des enfants; il ne s’agit pas simplement de leur appliquer des méthodes conçues pour les adultes.

30.Il faudra veiller particulièrement à repérer les groupes d’enfants marginalisés et défavorisés et à leur accorder la priorité. Le principe de non‑discrimination de la Convention exige que tous les droits garantis par cet instrument soient reconnus à tous les enfants relevant de la juridiction de l’État partie. Comme cela a déjà été noté ci‑dessus (par. 12), le principe de non‑discrimination n’empêche pas l’adoption de mesures spéciales pour combattre la discrimination.

31.Pour que la stratégie ait le poids voulu, il est nécessaire de la faire approuver par les plus hautes autorités de l’État. Il convient également de la rattacher au processus national de planification du développement et de l’intégrer dans le budget de l’État; faute de cela, elle risque de rester en marge des principaux processus de prise de décisions.

32.La stratégie ne doit pas se réduire à une liste de bonnes intentions; elle doit contenir les éléments d’une action durable pour la réalisation des droits des enfants sur tout le territoire de l’État partie; elle doit aller au‑delà des déclarations de politique générale et de principe pour fixer des objectifs concrets et réalistes pour tout l’éventail des droits économiques, sociaux et culturels et les droits civils et politiques de tous les enfants. La stratégie nationale globale envisagée peut revêtir la forme d’une série de plans d’action nationaux sectoriels − par exemple, dans le domaine de l’enseignement et de la santé − et prévoir à cet effet des objectifs concrets, des mesures d’application ciblées et une répartition des ressources financières et humaines. Elle devra inévitablement fixer des priorités mais il ne faut pas qu’elle néglige ou érode de quelque manière que ce soit les obligations détaillées que les États parties ont assumées en vertu de la Convention. Il faudra en outre doter la stratégie des ressources humaines et financières voulues.

33.L’élaboration d’une stratégie nationale n’est pas une tâche ponctuelle. Une fois établie, celle‑ci devra faire l’objet d’une large diffusion auprès de toutes les instances gouvernementales et du public, y compris des enfants (et être adaptée pour qu’elle soit accessible aux enfants et traduite dans les langues et les formes voulues). Il faudra également qu’elle soit assortie de mécanismes de suivi et d’examen continu de façon qu’elle soit régulièrement mise à jour et que des rapports périodiques soient présentés au Parlement et au public.

34.Les «plans d’action nationaux» que les États ont été encouragés à élaborer à l’issue du premier Sommet mondial pour les enfants, tenu en 1990, avaient trait aux engagements particuliers définis par les nations qui avaient participé au Sommet. En 1993, dans la Déclaration et le Programme d’action de Vienne, adoptés par la Conférence mondiale sur les droits de l’homme, les États ont été priés d’intégrer la Convention relative aux droits de l’enfant dans leurs plans d’action nationaux.

35.D’autre part, le document final de la session extraordinaire de l’Assemblée générale consacrée aux enfants, tenue en 2002, fait obligation aux États d’établir ou de renforcer «à titre d’urgence, si possible d’ici à la fin de 2003, des plans d’action nationaux, et, lorsqu’il conviendra, régionaux comportant une série d’objectifs et de cibles spécifiques, assortis de délais, et mesurables, inspirés du présent plan d’action…». Le Comité se félicite des engagements pris par les États pour ce qui est de réaliser les objectifs fixés lors de la session extraordinaire consacrée aux enfants dans le document final intitulé Un monde digne des enfants. Il tient toutefois à souligner que le fait pour les États parties de prendre tel ou tel engagement dans le cadre de conférences mondiales ne réduit nullement les obligations juridiques qui leur incombent en vertu de la Convention. De même, l’élaboration de plans d’action concrets en application du document final de la session extraordinaire de l’Assemblée générale ne rend pas moins nécessaire l’établissement d’une stratégie d’application globale pour la Convention. Les États devraient donc intégrer les mesures qu’ils prennent comme suite à la session extraordinaire de 2002 et à d’autres conférences mondiales dans leur stratégie générale d’application de la Convention prise globalement.

36.Le document final encourage en outre les États parties à «envisager d’inclure dans leurs rapports au Comité des droits de l’enfant, des informations sur les mesures prises et les résultats obtenus dans l’application du présent plan d’action». Le Comité approuve cette recommandation; il est attaché au principe de l’évaluation des progrès accomplis vers la réalisation des engagements pris lors de la session extraordinaire et fournira des conseils à ce sujet dans ses directives révisées pour l’établissement de rapports périodiques au titre de la Convention.

B. Coordination des mesures d’application des droits de l’enfant

37.En examinant les rapports des États parties, le Comité a presque toujours été amené à inciter les gouvernements à une meilleure coordination en vue de garantir l’application effective des politiques: coordination entre les ministères de l’administration centrale, entre les diverses provinces et régions, entre les autorités nationales et les autres niveaux d’administration et entre le gouvernement et la société civile. La coordination a pour but de garantir le respect de tous les principes et normes de la Convention pour tous les enfants relevant de la compétence de l’État et de garantir que les obligations découlant de l’adhésion à la Convention ou de la ratification de celle‑ci soient honorées non seulement par les grands ministères dont l’action a des effets importants sur les enfants (éducation, santé ou bien‑être notamment) mais aussi par toutes les entités gouvernementales, y compris par exemple les ministères des finances, de la planification, de l’emploi et de la défense, à tous les niveaux.

38.Le Comité estime qu’il ne lui appartient pas, en tant qu’organe conventionnel, de proposer des arrangements détaillés pour des systèmes de gouvernement très différents selon les États parties. Il existe de nombreux moyens, officiels ou autres, de parvenir à une coordination efficace, notamment en créant des comités interministériels pour l’enfance. Le Comité suggère aux États parties qui ne l’ont pas encore fait d’examiner leurs structures gouvernementales du point de vue de la mise en œuvre de la Convention et en particulier des quatre articles où sont énoncés les principes généraux (voir par. 12 ci‑dessus).

39.De nombreux États parties ont créé, avec profit, un département ou un service spécifique, proche du cœur du gouvernement, dans certains cas dans les services de la présidence ou du Premier Ministre ou au sein du Cabinet, dans le but de coordonner la mise en œuvre des politiques relatives à l’enfance. Ainsi qu’il a été noté ci‑dessus, les politiques de la quasi‑totalité des ministères ont des effets sur la vie des enfants. De confier à un seul ministère la responsabilité de l’ensemble des services à l’enfance n’est pas réalisable et risquerait de toute façon de marginaliser davantage les enfants au sein du gouvernement. Mais un service spécial, ayant de l’influence et faisant directement rapport au Premier Ministre, au Président ou à un comité ministériel de l’enfance, par exemple, peut être à la fois un moyen permettant d’accroître, d’une manière générale, la visibilité des questions relatives à l’enfance au sein du gouvernement et un instrument de coordination veillant au respect des droits de l’enfant dans tous les secteurs et à tous les niveaux du gouvernement. Ce genre de service peut être chargé d’élaborer la stratégie globale pour les enfants, d’en surveiller l’application et de coordonner les activités d’établissement de rapports conformément à la Convention.

C.  Décentralisation, fédéralisation et délégation

40.Le Comité a tenu à faire observer à de nombreux États que la décentralisation, par attribution de fonctions ou délégation de pouvoirs, ne déchargeait en rien le gouvernement de l’État partie de sa responsabilité directe quant à ses obligations envers tous les enfants relevant de sa juridiction, quelle que soit la structure de l’État.

41.Le Comité réaffirme que l’État qui a ratifié la Convention ou y a adhéré est tenu, en toutes circonstances, de veiller à ce qu’elle soit pleinement appliquée dans les territoires relevant de sa juridiction. Lors de tout transfert de pouvoir, l’État partie doit s’assurer que les autorités concernées disposent des ressources financières, humaines et autres nécessaires pour s’acquitter effectivement des tâches que nécessite l’application de la Convention. Les gouvernements des États parties doivent conserver des moyens d’action pour faire pleinement appliquer la Convention par les administrations ou autorités locales concernées et créer des mécanismes de surveillance permanents chargés de veiller au respect et à l’application de la Convention pour tous les enfants relevant de la juridiction de l’État partie, sans discrimination. En outre, des dispositions doivent être prises pour garantir que la décentralisation ou le transfert de pouvoirs ne sera pas source de discrimination pour les enfants, en ce qui concerne la jouissance de leurs droits dans les différentes régions.

D.  Privatisation

42.Le processus de privatisation des services peut avoir des répercussions importantes sur la reconnaissance et l’exercice des droits de l’enfant. Pour sa journée de débat général en 2002, le Comité a choisi le thème suivant: «Le secteur privé en tant que prestataire de services et son rôle dans la mise en œuvre des droits de l’enfant» en précisant que le secteur privé englobait les entreprises, les organisations non gouvernementales et autres associations privées à but lucratif et non lucratif. À l’issue de cette journée de débat général, le Comité a adopté des recommandations détaillées sur lesquelles il appelle l’attention des États parties.

43.Le Comité souligne que les États parties à la Convention ont l’obligation légale de respecter et de garantir les droits de l’enfant, tels qu’ils sont énoncés dans la Convention, ce qui comprend l’obligation de veiller à ce que les prestataires de services non étatiques en respectent les dispositions, créant ainsi une obligation indirecte pour ces acteurs.

44.Le Comité souligne que le fait de confier au secteur privé le soin de fournir des services, de diriger des établissements, etc., n’enlève rien à l’obligation qu’a l’État de veiller à ce que tous les enfants relevant de sa juridiction bénéficient de la pleine reconnaissance et du plein exercice de l’ensemble des droits reconnus dans la Convention (par. 1 de l’article 2 et par. 2 de l’article 3). Au paragraphe 1 de l’article 3, il est stipulé que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait d’institutions publiques ou privées. Le paragraphe 3 de l’article 3 exige que des normes appropriées soient fixées par les autorités compétentes (autorités ayant la compétence juridique voulue), en particulier dans le domaine de la santé et en ce qui concerne le nombre et la compétence de leur personnel. Ceci entraîne la nécessité de procéder à des contrôles rigoureux pour garantir le respect de la Convention. Le Comité propose la mise en place d’un mécanisme ou d’un processus de surveillance permanent ayant pour objet de faire en sorte que tous les prestataires de services étatiques ou non étatiques respectent la Convention.

E. Mise en œuvre d’un processus de surveillance − nécessité d’analyser et d’évaluer les effets des décisions sur les enfants

45.Pour garantir que l’intérêt supérieur de l’enfant est une considération primordiale dans toutes les décisions qui concernent les enfants (par. 1 de l’article 3) et que toutes les dispositions de la Convention sont respectées dans la législation et au stade de l’élaboration et de l’exécution des politiques à tous les niveaux de gouvernement, il faut qu’existe un processus permanent d’analyse des effets des décisions sur les enfants (qui prévoie les effets de toute proposition de loi, de politique ou de crédits budgétaires touchant les enfants et l’exercice de leurs droits) et d’évaluation de ces effets (évaluation des effets concrets de l’application des décisions). Ce processus doit être intégré dans le gouvernement à tous les niveaux et le plus précocement possible dans les dispositifs d’élaboration des politiques.

46.Les gouvernements doivent s’astreindre à une autosurveillance et à une auto‑évaluation. Mais le Comité juge également indispensable que soit mis en place un suivi indépendant des progrès réalisés sur la voie de la mise en œuvre de la Convention assuré, par exemple, par des comités parlementaires, des ONG, des établissements universitaires, des associations professionnelles, des groupes de jeunes et des institutions indépendantes de protection des droits de l’homme (voir par. 65 ci‑dessous).

47.Le Comité félicite les États qui ont adopté des textes législatifs exigeant la réalisation et la présentation d’études d’impact officielles au Parlement et/ou au public. Chaque État devrait réfléchir à la façon dont il peut garantir l’application du paragraphe 1 de l’article 3 d’une manière qui favorise l’intégration visible des enfants dans l’élaboration des politiques et la prise en compte de leurs droits.

F. Recueil et analyse de données et élaboration d’indicateurs

48.Le recueil de données exhaustives et fiables sur les enfants, ventilées de manière à faire apparaître les discriminations et/ou disparités existantes concernant l’exercice de leurs droits, est un élément indispensable de la mise en œuvre de la Convention. Le Comité rappelle aux États parties que les données recueillies doivent porter sur toute la période de l’enfance, jusqu’à l’âge de 18 ans. Le recueil des données doit également faire l’objet d’une coordination à l’échelle du territoire pour permettre l’élaboration d’indicateurs applicables à l’échelon national. Les États devraient collaborer avec des instituts de recherche compétents et donner une image complète des progrès réalisés sur la voie de la mise en œuvre de la Convention, en élaborant des études qualitatives et quantitatives. Conformément aux directives concernant l’élaboration des rapports périodiques, des statistiques et autres informations détaillées et ventilées portant sur tous les domaines relevant de la Convention doivent être fournies. Il convient non seulement d’établir des systèmes efficaces de recueil de données, mais aussi de veiller à ce que les données recueillies soient évaluées et utilisées pour analyser les progrès réalisés dans le domaine de l’application de la Convention, pour identifier les problèmes et élaborer les politiques concernant les enfants. L’évaluation nécessite la mise au point d’indicateurs pour tous les droits garantis par la Convention.

49.Le Comité félicite les États parties qui publient annuellement des rapports détaillés sur la situation des droits de l’enfant sur l’ensemble de leur territoire. La publication de ce type de rapports, leur diffusion à grande échelle et leur examen, notamment au Parlement, peut inciter le public à participer massivement à l’application de la Convention. La traduction des rapports et leur publication sous une forme accessible aux enfants sont indispensables si l’on veut que les enfants et les groupes minoritaires s’associent au processus.

50.Le Comité souligne que, dans de nombreux cas, seuls les enfants eux‑mêmes peuvent dire si leurs droits sont pleinement reconnus et s’ils les exercent sans entrave. Pour savoir, par exemple, dans quelle mesure les droits civils des enfants, y compris le droit fondamental énoncé à l’article 12, c’est‑à‑dire le droit à exprimer leur opinion et à ce que celle‑ci soit dûment prise en considération, sont respectés au sein de la famille et à l’école entre autres, on pourra notamment interroger les enfants et les utiliser comme enquêteurs (avec les garanties qui s’imposent).

G. Visibilité des ressources affectées aux politiques relatives à l’enfance dans les budgets

51.Dans ses directives sur l’établissement des rapports des États parties et lors de l’examen de ceux‑ci, le Comité a accordé une grande attention à l’identification et à l’analyse des ressources pour l’enfance dans les budgets nationaux et autres. Aucun État ne peut dire si les besoins des enfants sont satisfaits sur les plans économique, social et culturel «dans toutes les limites des ressources dont il dispose», conformément à l’article 4 de la Convention, s’il ne peut identifier la part des ressources inscrites au budget national ou autre au titre du secteur social et, à l’intérieur de celui‑ci, des politiques relatives à l’enfance à la fois directement et indirectement. Certains États ont affirmé ne pas pouvoir analyser les budgets nationaux de cette manière. Mais d’autres l’ont fait et publient annuellement des budgets relatifs à l’enfance. Le Comité tient à être informé des mesures qui sont prises à tous les échelons du gouvernement pour garantir que la planification économique et sociale, la prise des décisions et les décisions budgétaires tiennent compte des intérêts supérieurs de l’enfant de manière primordiale et que les enfants, y compris notamment les groupes d’enfants marginalisés et défavorisés, sont préservés des effets négatifs de la politique économique ou des difficultés financières.

52.Soulignant que les effets de la politique économique sur les droits de l’enfant ne sont jamais neutres, le Comité exprime les vives préoccupations que lui inspirent les effets souvent négatifs des programmes d’ajustement structurel et de la transition vers l’économie de marché sur les enfants. L’application des dispositions de l’article 4 de la Convention, entre autres, exige un suivi rigoureux des effets de ces changements et un ajustement des politiques afin de protéger les droits économiques, sociaux et culturels des enfants.

H. Formation et renforcement des capacités

53.Le Comité souligne que les États ont l’obligation d’intensifier leurs efforts dans le domaine de la formation et du renforcement des capacités de toutes les personnes impliquées dans le processus de mise en œuvre de la Convention, à savoir les fonctionnaires, les parlementaires et les membres du pouvoir judiciaire, ainsi que de toutes celles qui s’occupent d’enfants, et notamment les dirigeants des communautés, les chefs religieux, les enseignants, les travailleurs sociaux et d’autres professionnels, y compris ceux qui travaillent avec les enfants dans des établissements et centres de détention, la police et l’armée, y compris les forces de maintien de la paix, ceux qui travaillent dans les médias et beaucoup d’autres personnes. La formation (formation initiale et recyclage) doit être systématique et permanente. Son but est de mettre en lumière le statut de l’enfant en tant que détenteur de droits fondamentaux, de faire mieux connaître et mieux comprendre la Convention et de favoriser le respect effectif de toutes ses dispositions. Le Comité compte que la Convention sera prise en considération dans les programmes de formation professionnelle, les codes de conduite et les programmes d’études à tous les niveaux. Il convient, bien sûr, de faire en sorte que les enfants eux‑mêmes sachent et comprennent ce que sont les droits de l’homme et, notamment, d’inscrire la question dans les programmes scolaires (voir également le paragraphe 69 ci‑dessous ainsi que l’Observation générale no 1 (2001) du Comité sur les buts de l’éducation).

54.Dans ses directives sur l’établissement des rapports périodiques, le Comité évoque de nombreux aspects de la formation, notamment la formation spécialisée, qui sont indispensables pour que tous les enfants jouissent de leurs droits. L’importance de la famille est soulignée dans le préambule et dans de nombreux articles de la Convention. Il est particulièrement important que la promotion des droits de l’enfant soit intégrée dans la préparation du rôle parental et du métier de parents.

55.Il conviendrait d’évaluer périodiquement l’efficacité des formations en examinant non seulement les connaissances que les intéressés ont de la Convention et de ses dispositions mais aussi la mesure dans laquelle la Convention a contribué à l’adoption de comportements et de pratiques qui favorisent activement l’exercice par les enfants de leurs droits.

I. Coopération avec la société civile

56.La mise en œuvre de la Convention est une obligation pour les États parties mais elle doit concerner tous les secteurs de la société, y compris les enfants eux‑mêmes. Le Comité considère que les responsabilités, en ce qui concerne le respect et la réalisation des droits de l’enfant, incombent dans la pratique non seulement à l’État et aux services et institutions de l’État, mais aussi aux enfants, aux parents, à la famille élargie, à d’autres adultes et à des services et organisations non étatiques. Le Comité partage par exemple l’avis exprimé par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels au paragraphe 42 de son Observation générale no 14 (2000) sur le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint lorsqu’il dit: «Seuls des États peuvent être parties au Pacte et donc assumer en fin de compte la responsabilité de le respecter, mais tous les membres de la société − les particuliers (dont les professionnels de la santé), les familles, les communautés locales, les organisations intergouvernementales et non gouvernementales, les organisations représentatives de la société civile et le secteur des entreprises privées − ont une part de responsabilité dans la réalisation du droit à la santé. Les États parties devraient donc instaurer un environnement propre à faciliter l’exercice de ces responsabilités.».

57.Ainsi qu’il a déjà été souligné (voir par. 12 ci‑dessus), l’article 12 de la Convention stipule qu’il convient de prendre dûment en considération les opinions de l’enfant sur toute question l’intéressant, ce qui inclut évidemment la mise en œuvre de «sa» convention.

58.L’État doit collaborer étroitement avec les ONG au sens le plus large, tout en respectant leur autonomie, et notamment les ONG qui s’occupent de la défense des droits de l’homme, les organisations dirigées par des enfants et des jeunes et les groupes de jeunes, les groupes de parents et de familles, les groupes confessionnels, les institutions universitaires et les associations professionnelles. Les ONG ont joué un rôle capital dans l’élaboration de la Convention et leur participation au processus de mise en œuvre de celle‑ci est essentielle.

59.Le Comité se félicite de la formation de coalitions et d’alliances d’ONG engagées dans la promotion, la protection et la surveillance des droits fondamentaux des enfants et invite instamment les gouvernements à leur apporter un soutien non directif et à établir avec elles des relations positives, officielles ou autres. La participation au processus d’élaboration des rapports d’ONG, répondant à la définition des «organismes compétents» mentionnés à l’article 45 a), a, dans de nombreux cas, imprimé un véritable élan au processus de mise en œuvre de la Convention et d’établissement des rapports. Le Groupe des ONG pour la Convention relative aux droits de l’enfant a une action puissante et efficace très appréciée sur l’établissement des rapports et d’autres aspects du travail du Comité. Le Comité souligne dans ses directives concernant les rapports que le processus d’établissement d’un rapport «devrait être de nature à encourager et à faciliter la participation populaire et l’examen public des politiques suivies par les gouvernements». Les médias peuvent être des partenaires précieux dans le processus de mise en œuvre de la Convention (voir également le paragraphe 70).

J. Coopération internationale

60.Il est stipulé à l’article 4 que la mise en œuvre de la Convention est un exercice de coopération entre tous les États du monde. Cet article et d’autres encore insistent sur la nécessité d’une coopération à l’échelon international. La Charte des Nations Unies (art. 55 et 56) identifie les objectifs généraux de la coopération économique et sociale internationale et les membres se sont engagés, en vertu de la Charte, «à agir, tant conjointement que séparément, en coopération avec l’Organisation» pour atteindre ces buts. Dans la Déclaration du Millénaire ainsi qu’à des réunions internationales, y compris lors de la session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies consacrée aux enfants, les États se sont engagés à coopérer pour éliminer la pauvreté.

61.Le Comité conseille aux États parties d’utiliser la Convention comme cadre pour définir l’aide internationale au développement liée directement ou indirectement aux enfants et les invite à faire en sorte que les programmes des pays donateurs soient fondés sur le respect des droits. Il invite instamment les États à réaliser les objectifs fixés au niveau international, y compris l’objectif en matière d’aide internationale au développement fixé par l’ONU à 0,7 % du produit intérieur brut. Cet objectif a été réaffirmé, ainsi que d’autres, dans le Consensus de Monterrey, issu de la Conférence internationale sur le financement du développement de 2002. Le Comité encourage les États parties qui reçoivent une aide internationale à utiliser une part importante de celle‑ci pour les enfants. Le Comité attend des États parties qu’ils soient en mesure d’indiquer, sur une base annuelle, le montant et le pourcentage de l’aide internationale consacrée à l’application des droits de l’enfant.

62.Le Comité approuve les objectifs de la formule 20/20 qui a pour but la mise à la disposition de tous des services sociaux de base de qualité, de manière durable, la responsabilité étant partagée par les pays en développement et les pays donateurs. Il fait observer que les réunions internationales organisées pour examiner les progrès réalisés dans ce domaine ont permis de constater que de nombreux États allaient avoir des difficultés à garantir l’exercice des droits économiques et sociaux fondamentaux si des ressources complémentaires n’étaient pas allouées et si les ressources n’étaient pas mieux réparties. Le Comité prend note des efforts déployés pour réduire la pauvreté dans les pays les plus lourdement endettés, efforts qui sont décrits dans le Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), et les encourage. En tant que stratégies centrales mises au point par les pays pour atteindre les objectifs de développement du Millénaire, les documents de stratégie de réduction de la pauvreté doivent mettre fortement l’accent sur les droits de l’enfant. Le Comité invite instamment les gouvernements, les donateurs et la société civile à veiller à ce que les enfants soient une priorité majeure dans l’élaboration des documents de stratégie de réduction de la pauvreté ainsi que dans les approches sectorielles en matière de développement. Il convient de faire en sorte que tant les documents de stratégie de réduction de la pauvreté que les approches sectorielles reposent sur les principes inhérents aux droits de l’enfant, reflètent une conception intégrée et centrée sur l’enfant, qui considère celui‑ci comme un titulaire de droits, et intègrent des objectifs de développement et des objectifs en rapport avec les enfants.

63.Le Comité encourage les États à fournir et à utiliser, en tant que de besoin, une assistance technique pour mettre en œuvre la Convention. Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), le Haut‑Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) ainsi que d’autres institutions de l’ONU ou reliées à l’ONU peuvent fournir une assistance technique pour de nombreux aspects de la mise en œuvre de la Convention. Les États parties sont invités à faire part de leur intérêt en matière d’assistance technique dans les rapports établis conformément à la Convention.

64.Pour ce qui concerne les questions relatives à la coopération internationale et à l’assistance technique, toutes les institutions de l’ONU et les organisations apparentées devraient s’inspirer des principes de la Convention et intégrer les droits de l’enfant dans leurs activités. Elles devraient s’efforcer de garantir dans leur sphère d’influence que la coopération internationale vise à aider les États à honorer les obligations qu’ils ont contractées en vertu de la Convention. De la même façon, le Groupe de la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et l’Organisation mondiale du commerce devraient faire en sorte que leurs activités en matière de coopération internationale et de développement économique fassent une place primordiale à l’intérêt supérieur de l’enfant et favorisent la pleine application de la Convention.

K. Institutions indépendantes de défense des droits de l’homme

65.Dans son Observation générale no 2 (2002) intitulée «Le rôle des institutions nationales indépendantes de défense des droits de l’homme dans la protection et la promotion des droits de l’enfant», le Comité déclare qu’il «considère que la mise en place de tels organes entre dans le champ de l’engagement pris par les États parties lors de la ratification de la Convention de s’attacher à la mettre en œuvre et d’œuvrer à la réalisation universelle des droits de l’enfant». Les institutions indépendantes de défense des droits de l’homme et les structures gouvernementales s’occupant des questions relatives à l’enfance sont complémentaires. La caractéristique essentielle de ces institutions est leur indépendance: «Le rôle des institutions nationales des droits de l’homme est de surveiller en toute indépendance à quel point l’État se conforme à la Convention et accomplit des progrès dans sa mise en œuvre et de faire leur possible pour assurer le plein respect des droits de l’enfant. Même si ces institutions peuvent être ainsi amenées à formuler des projets tendant à renforcer la promotion et la protection des droits de l’enfant, le Gouvernement ne saurait déléguer aux institutions nationales ses obligations en matière de surveillance. Il est essentiel que ces institutions conservent la totale liberté de fixer leurs plans de travail et de déterminer leurs propres activités». Dans l’Observation générale no 2, le Comité donne des directives détaillées concernant la création et les modalités de fonctionnement des institutions indépendantes de défense des droits fondamentaux des enfants.

Article 42: Faire connaître la Convention aux adultes et aux enfants

«Les États parties s’engagent à faire largement connaître les principes et les dispositions de la présente Convention, par des moyens actifs et appropriés, aux adultes comme aux enfants.».

66.Les individus doivent savoir quels sont leurs droits. Dans la plupart des sociétés, sinon toutes, les enfants n’étaient pas jusqu’à présent considérés comme des titulaires de droits. Ainsi, l’article 42 revêt une importance particulière. Si les adultes qui entourent l’enfant, ses parents et d’autres membres de sa famille, ses enseignants et tous ceux qui s’occupent de lui ne comprennent pas quelles sont les implications de la Convention et, surtout, que celle‑ci confirme l’égalité de l’enfant en tant que sujet de droits, il est peu probable que les droits énoncés dans la Convention deviennent réalité pour bon nombre d’enfants.

67.Le Comité propose aux États d’élaborer une stratégie globale visant à faire connaître la Convention dans l’ensemble de la société. Il importe aussi qu’ils donnent des informations sur les organismes, gouvernementaux et indépendants, qui interviennent dans l’application de la Convention et la surveillance de celle‑ci, ainsi que sur la façon de les contacter. Au niveau le plus élémentaire, le texte de la Convention doit être largement diffusé dans toutes les langues (à cet égard, le Comité se félicite de ce que le HCDH ait collecté les traductions officielles et non officielles de la Convention). Il conviendra d’établir une stratégie pour diffuser la Convention auprès des analphabètes. L’UNICEF et des ONG de nombreux États ont mis au point des versions de la Convention adaptées aux enfants d’âges divers, démarche que le Comité approuve et encourage; il conviendrait également d’informer les enfants des sources d’aide et de conseils existantes.

68.Les enfants doivent savoir quels sont leurs droits et le Comité considère qu’il est tout particulièrement important d’intégrer l’enseignement de connaissances sur la Convention et les droits de l’homme en général dans les programmes d’études à tous les niveaux. L’Observation générale no 1 (2001) du Comité, intitulée «Les buts de l’éducation», concernant en particulier le sens du paragraphe 1 de l’article 29, doit être lue à la lumière de ceci. Il est stipulé au paragraphe 1 de l’article 29 que l’éducation de l’enfant doit viser à «… inculquer à l’enfant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales…». Le Comité souligne ce qui suit dans son Observation générale: «L’éducation dans le domaine des droits de l’homme devrait consister à faire connaître la teneur des instruments relatifs aux droits de l’homme. Néanmoins, les enfants devraient également faire l’apprentissage des droits de l’homme en constatant l’application dans la pratique des normes dans ce domaine, tant dans la famille qu’à l’école et au sein de la communauté. L’éducation dans le domaine des droits de l’homme devrait être un processus global s’étendant sur toute une vie et avoir pour point de départ la concrétisation des valeurs relatives aux droits de l’homme dans la vie quotidienne et l’apprentissage des enfants.».

69.De même, l’enseignement de connaissances au sujet de la Convention doit être intégré dans la formation initiale et dans la formation en cours d’emploi de toutes les personnes qui s’occupent d’enfants (voir par. 53 ci‑dessus). Le Comité rappelle aux États parties les recommandations qu’il a faites à l’issue de la réunion sur les mesures générales d’application, organisée pour célébrer le dixième anniversaire de l’adoption de la Convention, dans lesquelles il a rappelé que «les campagnes d’information et de sensibilisation concernant les droits de l’enfant sont plus efficaces si elles sont menées dans le cadre d’un processus d’évolution sociale, d’interaction et de dialogue, plutôt que par le biais d’exposés formels. La sensibilisation devrait se faire avec la participation de tous les secteurs de la société, y compris les enfants et les jeunes. Les enfants et les adolescents ont le droit de participer aux campagnes de sensibilisation concernant leurs droits, au maximum de leurs capacités selon leur niveau de maturité».

«Le Comité recommande que toutes les mesures prises pour dispenser une formation relative aux droits de l’enfant soient concrètes, systématiques et intégrées aux programmes ordinaires de formation professionnelle, afin que cette formation ait un maximum d’effet et de durabilité. La formation dans le domaine des droits de l’homme devrait être inspirée des principes de la participation et les professionnels devraient pouvoir acquérir les compétences et les comportements leur permettant d’interagir avec les enfants et les jeunes sans porter atteinte à leurs droits, à leur dignité et à leur respect d’eux‑mêmes.»

Les médias peuvent jouer un rôle essentiel dans la diffusion de la Convention et des connaissances s’y rapportant et dans la compréhension de celle‑ci et le Comité les encourage à s’engager dans cette direction, avec le soutien des gouvernements et des ONG.

Article 44 (par. 6): Large diffusion des rapports établis en vertu de la Convention

«… Les États parties assurent à leurs rapports une large diffusion dans leur propre pays.».

70.Pour que les rapports établis en vertu de la Convention jouent un rôle important dans le processus de mise en œuvre de celle‑ci au niveau national, il faut que le processus soit connu des adultes et des enfants dans l’ensemble du pays. Ce processus constitue une façon unique de rendre compte au niveau international de la façon dont les États traitent les enfants et leurs droits. Mais il ne peut avoir d’effet véritable sur la vie des enfants que si les rapports sont diffusés et examinés de manière constructive au niveau national.

71.Il est stipulé explicitement dans la Convention que les États doivent diffuser largement leurs rapports auprès du public; ceci doit se faire au moment où les rapports sont présentés au Comité. Les rapports doivent être véritablement accessibles et être notamment traduits dans toutes les langues, sous des formes qui conviennent aux enfants et aux personnes handicapées, entre autres. L’Internet est un moyen qui peut grandement aider à la diffusion et gouvernements et parlements sont invités instamment à mettre ces rapports sur leur site Web.

72.Le Comité invite instamment les États à diffuser largement tous les autres documents liés à l’examen de leurs rapports afin de favoriser des débats constructifs et le processus de mise en œuvre à tous les niveaux. En particulier, les observations finales du Comité devraient être diffusées auprès du public, y compris les enfants, et faire l’objet d’un débat approfondi au Parlement. Les institutions indépendantes de défense des droits de l’homme et les ONG peuvent jouer un rôle essentiel dans les efforts visant à garantir un débat de grande ampleur. Les comptes rendus analytiques des séances auxquelles les représentants de gouvernement sont interrogés par le Comité aident à comprendre le processus et les exigences du Comité et devraient également être diffusés et examinés.

Annexe I

RATIFICATION D’AUTRES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX CLEFS RELATIFS AUX DROITS DE L’HOMME

Ainsi qu’il a été noté au paragraphe 17 de la présente observation générale, le Comité des droits de l’enfant invite régulièrement, dans le cadre de son examen des mesures d’application générales et à la lumière des principes d’indivisibilité et d’interdépendance des droits de l’homme, les États parties qui ne l’ont pas encore fait, à ratifier les deux protocoles facultatifs se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant (concernant l’implication dans les conflits armés et la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants) et les six autres principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Lors de son dialogue avec les États parties, le Comité les encourage souvent à envisager de ratifier d’autres instruments internationaux pertinents. La liste non exhaustive de ces instruments est jointe en annexe. Le Comité la mettra régulièrement à jour.

Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques;

Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort;

Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes;

Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement;

Convention no 29 de l’OIT sur le travail forcé, 1930;

Convention no 105 de l’OIT sur l’abolition du travail forcé, 1957;

Convention no 138 de l’OIT concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi, 1973;

Convention no 182 de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants, 1999;

Convention no 183 de l’OIT sur la protection de la maternité, 2000;

Convention relative au statut des réfugiés de 1951, telle que modifiée par le Protocole relatif au statut des réfugiés de 1967;

Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui (1949);

Convention relative à l’esclavage (1926);

Protocole amendant la convention relative à l’esclavage (1953);

Convention supplémentaire relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage (1956);

Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (2000);

Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre;

Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I);

Protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II);

Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction;

Statut de Rome de la Cour pénale internationale;

Convention (de La Haye) sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale;

Convention (de La Haye) sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants;

Convention (de La Haye) concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants (1996).

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