Nations Unies

CCPR/C/KWT/CO/4

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

22 novembre 2023

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le sixième rapport périodique du Koweït *

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le quatrième rapport périodique du Koweït à ses 4048e et 4049e séances, les 16 et 17 octobre 2023. À sa 4067e séance, le 30 octobre 2023, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport périodique du Koweït et les renseignements qu’il contient. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer un dialogue constructif avec la délégation de haut niveau de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour appliquer les dispositions du Pacte. Il remercie l’État partie des réponses écrites apportées à la liste de points, qui ont été complétées oralement par la délégation, ainsi que des renseignements supplémentaires qui lui ont été communiqués par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité salue l’adoption par l’État partie des mesures législatives, institutionnelles et gouvernementales ci-après :

a)Adoption de l’arrêté ministériel no 177 de 2021 sur l’interdiction de la discrimination en matière d’emploi dans le secteur privé et l’interdiction du harcèlement sexuel sur le lieu de travail ;

b)Adoption de la loi relative à la protection contre la violence familiale (no 16 de 2020) et portant création d’un comité national sur la protection contre la violence familiale en vertu de l’arrêté ministériel no 4 de 2023 ;

c)Adoption des décrets no 2062 et no 1902, en 2018, prévoyant la création d’un comité national permanent de prévention de la traite des personnes et du trafic illicite de migrants ;

d)Publication du décret no 261 de 2018, portant adoption d’une stratégie nationale de prévention de la traite des personnes et du trafic de migrants ;

e)Publication de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 16février 2022, concernant l’inconstitutionnalité de l’article 198 du Code pénal, qui criminalise «le fait d’imiter des personnes du sexe opposé de quelque manière que ce soit».

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Cadre constitutionnel et juridique de la mise en œuvre du Pacte

4.Le Comité relève une nouvelle fois avec préoccupation que l’État partie maintient la déclaration interprétative qu’il a faite concernant le paragraphe 1 de l’article 2 et l’article 3 du Pacte, dont le Comité a souligné à plusieurs reprises qu’elle était incompatible avec l’objet et le but du Pacte. Il continue de regretter que l’État partie n’ait pas encore retiré sa déclaration interprétative concernant l’article 23 et la partie restante de sa réserve concernant l’article 25 b) du Pacte. Le Comité regrette l’absence d’informations sur les mesures prises pour envisager le retrait des déclarations interprétatives et de la réserve et demeure préoccupé par le fait qu’en cas d’incompatibilité entre la charia et les dispositions du Pacte, c’est la charia qui prime. Le Comité regrette que l’État partie ne prévoie pas de ratifier le premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte (art. 2).

5. Compte tenu des précédentes recommandations du Comité , l’État partie devrait  :

a) Prendre des mesures concrètes en vue de retirer ses déclarations interprétatives concernant le paragraphe 1 de l’ article  2 et les articles 3 et 23 du Pacte, ainsi que sa réserve au paragraphe b) de l’ article  25 afin de garantir l’application pleine et effective du Pacte ;

b) Donner pleinement effet au Pacte dans son ordre juridique interne et veiller à ce que les lois nationales, y compris celles qui sont fondées sur la charia, soient interprétées et appliquées compte tenu des obligations qui lui incombent en vertu du Pacte  ;

c) Envisager d’adhérer au premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte, qui établit un mécanisme d’examen des plaintes émanant de particuliers.

Institution nationale des droits de l’homme

6.Le Comité prend note des activités menées par le Bureau national des droits de l’homme, qui ont compris des campagnes de sensibilisation aux droits de l’homme, des visites dans les commissariats de police et les prisons, la publication de recommandations et le renvoi, aux autorités compétentes, des plaintes reçues par le Bureau. L’État partie indique que le Bureau est une institution indépendante, mais le Comité relève qu’il est placé sous la supervision du Conseil des ministres. Le Comité regrette l’absence d’informations concernant les mesures que l’État partie envisage de prendre en vue de créer une institution nationale des droits de l’homme qui soit conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) (art.2).

7. L’État partie devrait créer, à titre prioritaire, une institution nationale des droits de l’homme indépendante et conforme aux Principes de Paris, et veiller à ce qu’elle soit dotée de ressources financières et humaines suffisantes.

8.Le Comité prend note du fait que le Comité permanent sur le droit international des droits de l’homme et le Bureau national des droits de l’homme ont organisé des cours de formation et mis en œuvre des programmes de sensibilisation au Pacte et au droit international des droits de l’homme.

9. L’État partie devrait intensifier l’organisation de programmes de formation et de campagnes de sensibilisation au Pacte et au droit international des droits de l’homme, ainsi qu’à leur applicabilité au niveau national, à l’intention des juges, des procureurs, des avocats, des responsables de l’application des lois, des fonctionnaires et du grand public.

Mesures de lutte contre la corruption

10.Le Comité prend note des mesures adoptées par l’État partie pour élargir, étoffer et actualiser ses cadres législatifs et procéduraux de lutte contre la corruption, notamment la création de l’Autorité de lutte contre la corruption. Toutefois, le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles la corruption généralisée persiste dans l’État partie. En outre, le Comité regrette l’absence d’informations détaillées sur les enquêtes menées par l’Autorité de lutte contre la corruption et leurs résultats (art. 2 et 25).

11. L’État partie devrait intensifier ses efforts pour prévenir et éliminer la corruption et mettre fin à l’impunité à tous les niveaux. En particulier, il devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour  :

a) Mener rapidement des enquêtes indépendantes et impartiales sur toutes les affaires de corruption, notamment celles qui portent sur les marchés publics, poursuivre les auteurs présumés et, s’ils sont reconnus coupables, leur imposer des peines qui soient à la mesure de la gravité de l’infraction  ;

b) Promouvoir la bonne gouvernance, la transparence et la responsabilité dans les marchés publics ;

c) Mener des campagnes efficaces de formation et de sensibilisation pour informer les fonctionnaires, les responsables politiques, les entreprises et la population en général des coûts économiques et sociaux de la corruption.

Discrimination à l’égard des Bidounes

12.Le Comité reste préoccupé par les mesures et pratiques discriminatoires à l’encontre des Bidounes apatrides (qualifiés de « résidents illégaux » par l’État partie) et par la discrimination qu’ils subissent. Le Comité s’inquiète des informations selon lesquelles les Bidounes n’ont pas accès à la nationalité et aux documents d’identité, ou qu’ils ont des difficultés à les renouveler. Le Comité est alarmé par les allégations reçues concernant la falsification de documents, par le système central chargé de remédier à la situation des résidents illégaux, afin de changer arbitrairement le statut juridique des apatrides ; les cas de Bidounes classés sous des nationalités étrangères lors de la demande de papiers d’identité ; et l’obligation faite aux étudiants universitaires bidounes de s’inscrire pour obtenir des documents d’identité qui les obligeraient à accepter une fausse nationalité. Le Comité est préoccupé par les informations concernant les arrestations arbitraires, les attaques en ligne et les mauvais traitements dont sont victimes les militants et défenseurs des droits des bidounes, ainsi que par les restrictions à l’accès à la justice. Le Comité est également préoccupé par les informations faisant état de discriminations dans l’accès aux services de santé, notamment lors de la pandémie de coronavirus (COVID-19), d’emplois instables et mal rémunérés et d’un accès inégal au soutien socioéconomique, qui résultent du statut juridique précaire des Bidounes (art. 2, 12, 24 et 26).

13. L’État partie devrait fournir une protection complète et efficace contre la discrimination dans tous les domaines aux Bidounes et aux autres apatrides résidant dans l’État partie. Il devrait en particulier  :

a) Accélérer le processus visant à garantir qu’aucune personne ne devienne ou ne reste apatride, en accordant la citoyenneté ou en délivrant des documents d’identité aux Bidounes et aux autres apatrides, le cas échéant ; garantir le droit de chaque enfant à acquérir une nationalité ; et mettre en place des mécanismes efficaces pour traiter la situation des Bidounes et des apatrides dans l’État partie ;

b) S’abstenir de demander aux Bidounes d’accepter une autre nationalité et garantir un accès non discriminatoire à la justice, au travail, à la santé, à l’éducation et aux services sociaux ;

c) Mener une enquête approfondie, indépendante et impartiale sur les allégations de falsification de documents par le système central chargé de remédier à la situation des résidents illégaux, ainsi que sur les violations des droits de l’homme perpétrées à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme et des militants qui œuvrent en faveur des droits fondamentaux des Bidounes ; poursuivre les auteurs de violations et les punir par des sanctions appropriées, s’ils sont reconnus coupables ; et offrir aux victimes des voies de recours efficaces ;

d) Veiller à ce que les Bidounes et les militants qui défendent leurs droits fondamentaux puissent agir en toute sécurité et exercer leur liberté d’expression et de réunion sans craindre d’être persécutés, intimidés ou détenus ;

e) Envisager d’adhérer à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie et d’incorporer les obligations prévues par ces instruments dans le droit interne, après l’adhésion.

Discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre

14.Le Comité est préoccupé par des informations selon lesquelles, malgré l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 16février 2022, dans lequel la Cour a jugé inconstitutionnel l’article 198 du Code pénal, qui érige en infraction le fait d’«imiter des personnes du sexe opposé», l’État partie continue d’arrêter des personnes qui se font passer pour des femmes sur les médias sociaux. Le Comité craint que ces arrestations soient arbitraires et fondées uniquement sur l’apparence de la personne. En outre, il est préoccupé par le fait que l’État partie n’envisage pas de modifier sa législation nationale en vue de dépénaliser les relations homosexuelles entre adultes consentants. Le Comité regrette l’absence d’informations spécifiques concernant les allégations selon lesquelles le Ministère du commerce et de l’industrie aurait mené une campagne contre les symboles et les slogans qui soutiennent les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (art. 2, 9, 17, 20 et 26).

15. Compte tenu des précédentes recommandations du Comité , l’État partie devrait veiller à ce que toute personne puisse, indépendamment de son orientation sexuelle ou de son identité de genre réelle ou perçue, jouir pleinement de tous les droits fondamentaux consacrés par le Pacte. En particulier, l’État devrait  :

a) Envisager de dépénaliser les relations homosexuelles consenties entre adultes  ;

b) Prendre des mesures pour combattre les stéréotypes et les attitudes négatives visant des personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre réelle ou perçue ;

c) Veiller à ce que tous les actes de violence à l’encontre de personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, réelle ou perçue, fassent l’objet d’une enquête rapide et efficace, à ce que les auteurs soient traduits en justice et, s’ils sont reconnus coupables, qu’ils soient punis par des sanctions appropriées, et à ce que les victimes bénéficient de voies de recours adéquates et d’un accès effectif à une assistance juridique, médicale, financière et psychologique ;

d) Adopter des mesures spécifiques, notamment la mise en place de programmes de formation et de sensibilisation de la police, des membres de l’appareil judiciaire et des procureurs, afin de prévenir les actes de discrimination et de violence à l’encontre des lesbiennes, des gays, des bisexuels et des transgenres, y compris les arrestations arbitraires, ainsi que toute campagne contre les symboles et les slogans qui soutiennent les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les transgenres.

Discours de haine

16.Le Comité est préoccupé par le volume croissant d’informations faisant état de discours de haine et de discrimination à l’encontre des travailleurs migrants, d’autres étrangers et de groupes vulnérables. Bien que le décret-loi no 19 de 2012 interdise les discours de haine, le Comité est préoccupé par l’augmentation significative de la rhétorique xénophobe et de la discrimination au cours de la pandémie de COVID-19 ; le grand nombre de contenus haineux sur les médias sociaux incitant à la violence ; et les déclarations de personnalités publiques qui encouragent la discrimination (articles 2, 19, 20 et 27).

17. L’État partie devrait intensifier ses efforts pour  :

a) Prévenir, condamner publiquement et combattre les discours de haine, l’intolérance, les préjugés et la discrimination à l’égard des groupes vulnérables, y compris les travailleurs migrants et les autres étrangers, notamment en renforçant la formation des fonctionnaires, des responsables de l’application des lois, des procureurs et des membres de l’appareil judiciaire et en menant des campagnes de sensibilisation visant à promouvoir l’ouverture à la diversité et le respect de celle-ci dans les secteurs public et privé, y compris parmi les entreprises de médias sociaux, et dans le grand public ;

b) Faire en sorte que toutes les infractions motivées par la haine et les discours de haine, y compris en ligne, fassent systématiquement et rapidement l’objet d’une enquête efficace, que les auteurs aient à rendre compte de leurs actes et soient passibles de peines à la mesure de la gravité des faits et que les victimes aient accès à une réparation intégrale.

Égalité entre hommes et femmes

18.Tout en notant que l’article 29 de la Constitution de l’État partie interdit la discrimination fondée sur le sexe, le Comité est préoccupé par les exceptions à ce principe, notamment dans le Code du statut personnel (loi no 51 de 1984), qui prévoit des droits inégaux dans des domaines tels que le mariage, le divorce, l’autorité parentale, l’héritage et la valeur des témoignages devant les tribunaux. Le Comité est préoccupé par les dispositions de la loi relative à la nationalité (no 15 de 1959) qui spécifient que la nationalité ne peut être transmise aux enfants que par les pères koweïtiens, et non par les mères koweïtiennes mariées à un non-Koweïtien (art. 2, 3 et 26).

19. Conformément aux recommandations du Comité des droits de l’enfant , l’État partie devrait entreprendre un examen complet des lois et pratiques en vigueur afin d’abroger ou de modifier, conformément au Pacte, toutes les dispositions discriminatoires fondées sur le sexe, y compris le Code du statut personnel et la loi relative à la nationalité. Il devrait également élaborer des stratégies de lutte contre les comportements et stéréotypes patriarcaux concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société.

Violence à l’égard des femmes et des enfants, y compris violence familiale

20.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures législatives prises pour lutter contre la violence à l’égard des femmes et des enfants, telles que la loi relative à la protection contre la violence familiale (no16 de 2020), qui établit un comité national sur la protection contre la violence familiale, et le décret ministériel no4 de 2023. Il accueille également avec satisfaction les mesures prises pour fournir une protection et une assistance, notamment dans le cadre des services de police de proximité mis en place pour recevoir les plaintes des victimes de violences familiales. Si la loi no16 de 2020 érige en infraction les violences sexuelles commises par des membres de la famille, le Comité relève avec préoccupation que le viol conjugal n’est pas explicitement érigé en infraction. Le Comité accueille avec intérêt les données statistiques fournies sur les cas de violence à l’égard des femmes ; toutefois, il aurait également apprécié des informations supplémentaires permettant de comprendre les taux de signalement et d’autres problèmes structurels sous-jacents (articles2, 3, 6, 7, 24 et 26).

21. L’État partie devrait poursuivre ses efforts visant à combattre la violence à l’égard des femmes et des filles, en particulier la violence familiale et la violence sexuelle, et notamment  :

a) Adopter une législation qui confère expressément le caractère d’infraction pénale au viol conjugal  ;

b) Encourager le signalement des cas de violence à l’égard des femmes et des filles, notamment en informant les femmes et les filles de leurs droits et des mesures de protection, d’assistance et de réparation disponibles, dans une langue accessible ;

c) Enquêter rapidement, efficacement et de manière approfondie sur tous les cas de violence à l’égard des femmes et des filles, y compris le viol conjugal, poursuivre les auteurs et, s’ils sont reconnus coupables, leur infliger des peines proportionnées ;

d) Dispenser aux responsables de l’application de la loi, aux membres de l’appareil judiciaire, aux procureurs et aux autres parties prenantes compétentes une formation sur les moyens de détecter de tels cas et la façon d’enquêter sur ces affaires et de les traiter en tenant compte des questions de genre ;

e) Veiller à ce que les victimes aient accès comme il convient à des voies de recours utiles et à des moyens de protection, notamment des foyers d’accueil et des services médicaux, psychosociaux et juridiques ainsi qu’à des services de réadaptation  ;

f) Collecter et publier des données ventilées sur la violence à l’égard des femmes.

Droit à la vie

22.Le Comité reste profondément préoccupé par les condamnations à mort et les exécutions qui ont eu lieu dans l’État partie, en particulier depuis 2022, dont cinq exécutions en juillet 2023. Le Comité est vivement préoccupé par le nombre des exécutions, qui aurait augmenté ; le fait que des condamnations à la peine de mort sont prononcées pour certains délits, tels que les infractions liées à la drogue, qui n’impliquent pas de meurtre intentionnel et ne sont donc pas considérées comme « les crimes les plus graves» ; et les informations qu’il a reçues concernant l’absence de garanties d’un procès équitable pour les procès dans lesquels l’accusé risque d’être condamné à la peine de mort. Le Comité regrette également que l’État partie n’ait pas ratifié le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, visant à abolir la peine de mort (art. 6 et 14).

23. Conformément à l’observation générale n o 36 (2018) du Comité sur le droit à la vie, l’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour que la peine de mort ne soit prononcée que pour les crimes les plus graves, impliquant un homicide volontaire. L’État partie devrait également  :

a) Envisager véritablement d’instaurer un moratoire sur la peine de mort en vue de l’abolir et envisager d’adhérer au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte  ;

b) Veiller à ce que la peine de mort ne soit jamais prononcée en violation du Pacte ou des garanties d’un procès équitable, y compris le plein accès à l’assistance juridique et à l’interprétation, et à ce qu’elle ne soit jamais obligatoire ;

c) Mener des activités de sensibilisation appropriées afin de mobiliser l’opinion publique en faveur de l’abolition de la peine de mort  ;

d) Collecter et mettre à disposition des données sur le nombre de condamnations à mort prononcées, sur le nombre d’exécutions, sur le type d’infractions pour lesquelles des condamnations à mort sont prononcées et sur les personnes condamnées, ventilées notamment par sexe, appartenance ethnique et nationalité.

24.Le Comité est profondément préoccupé par le taux élevé de mortalité parmi les travailleurs migrants qui effectuent des travaux dangereux, en particulier sur les chantiers de construction. S’il constate que le décret ministériel no 535 de 2015 interdit et criminalise le fait de faire travailler quiconque en plein air au soleil entre 11 heures et 16 heures pendant l’été et que l’application de cette mesure fait l’objet d’un suivi, le Comité est cependant préoccupé par les informations selon lesquelles des travailleurs migrants ont été contraints de travailler dans des endroits exposés à des températures atteignant 50 °C. Il est également préoccupé par les difficultés que rencontrent les familles pour rapatrier les dépouilles des travailleurs migrants décédés, ce qui peut les conduire à renoncer à recueillir les dépouilles de leurs proches.

25. L’État partie devrait intensifier ses efforts pour prévenir les décès de travailleurs migrants, notamment sur les chantiers de construction, en particulier en appliquant effectivement les mesures adoptées pour protéger la sécurité et la santé des travailleurs, et en les contrôlant et en les actualisant en permanence. Il devrait également  :

a) Renforcer et rendre accessibles les programmes de formation et de sensibilisation à la sécurité au travail, en les adaptant à la langue et au contexte culturel des travailleurs migrants, et veiller à ce que les travailleurs migrants disposent de mécanismes de plainte et de recours efficaces et connaissent les mécanismes pertinents ;

b) Enquêter sur les allégations de pratiques abusives, poursuivre les employeurs et les sociétés de recrutement responsables de telles pratiques et, si les auteurs sont reconnus coupables, les punir par des sanctions appropriées et accorder une réparation aux victimes ;

c) Faire en sorte que les travailleurs migrants, y compris les travailleurs domestiques, aient accès à des voies de recours leur permettant véritablement de faire protéger leurs droits sans crainte de représailles, de détention ou d’expulsion  ;

d) Envisager d’apporter un soutien financier et logistique aux familles des travailleurs migrants décédés pour leur permettre de rapatrier les dépouilles de leurs proches si elles le souhaitent.

Interdiction de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

26.Le Comité observe que le projet de loi portant modification de l’article 53 de la loi no 31 de 1970, s’il est adopté, mettrait les dispositions du Code pénal en pleine conformité avec l’article premier de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, mais il demeure préoccupé de voir que la législation de l’État partie ne garantit pas encore de manière adéquate que les actes visés par la définition internationalement acceptée de la torture sont pleinement érigés en infraction pénale. Le Comité reste profondément préoccupé par les informations faisant état de cas de torture, comme l’information selon laquelle un citoyen du Koweït aurait été torturé en juin 2022 et aurait dû être soigné dans une unité de soins intensifs, et par les informations selon lesquelles des Bidounes et des transgenres auraient été maltraités par des agents des services de sécurité. Le Comité prend note des données statistiques fournies par l’État partie, mais il aurait souhaité recevoir des informations supplémentaires portant sur l’ensemble de la période considérée et concernant l’entité opérationnelle à laquelle appartiennent les auteurs, les accusations portées ainsi que l’indemnisation et le soutien psychosocial fournis aux victimes (art. 7).

27. L’État partie devrait prendre d’urgence les mesures qui s’imposent pour éliminer la torture et les mauvais traitements et, en particulier :

a) Adopter rapidement des modifications du Code pénal afin de garantir que tous les actes de torture, tels qu’ils sont visés dans la définition de la torture internationalement acceptée en matière de droits de l’homme, soient interdits et de prévoir des sanctions proportionnelles à la gravité de ces infractions ;

b) Mener sans délai des enquêtes approfondies et impartiales sur toutes les allégations de torture et de traitements inhumains et dégradants, conformément au Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul), et veiller à ce que les auteurs de ces actes soient traduits en justice et, s’ils sont reconnus coupables, dûment punis, et à ce que les victimes obtiennent réparation  ;

c) Intensifier ses efforts pour dispenser aux membres des forces de l’ordre, aux membres de l’appareil judiciaire, aux procureurs et au personnel pénitentiaire des formations efficaces qui tiennent compte des normes internationales, telles que le Code de conduite pour les responsables de l’application des lois et les Principes relatifs aux entretiens efficaces dans le cadre d’enquêtes et de collecte d’informations (Principes de Méndez).

Liberté et sécurité de la personne et traitement des personnes privées de liberté

28.Le Comité observe avec préoccupation que le Code de procédure pénale, tel que modifié par la loi no 35 de 2016, semble autoriser la détention d’une personne pour une durée maximale de quatre jours sans ordonnance écrite de détention provisoire, et que l’ordonnance de détention ne peut être contestée devant un tribunal qu’après les trois premières semaines de la détention. Le Comité apprécie le fait que, pour remédier à la surpopulation carcérale, des mesures de substitution à la privation de liberté sont utilisées et que l’État partie s’est engagé à accélérer la construction de la nouvelle prison annoncée en 2018. Le Comité est toutefois préoccupé par les informations concernant les mauvais traitements infligés aux détenus, la mauvaise qualité des infrastructures et des équipements de climatisation, les conditions insalubres et le manque d’accès à des soins médicaux adéquats et à l’eau, en particulier dans le centre de détention de Talha pour les expulsions (art. 9, 10 et 14).

29. Le Comité réaffirme que l’État partie devrait sans tarder  :

a) Modifier sa législation, en particulier l’ article  60 de la loi n o 35 de 2016, afin de garantir que toute personne arrêtée ou détenue sur la base d’une accusation pénale soit présentée à un juge dans les 48 heures, conformément à l’ article  9 du Pacte et à l’observation générale n o 35 (2014) du Comité sur la liberté et la sécurité de la personne ;

b) Faire en sorte que les conditions de détention soient conformes aux normes internationales pertinentes relatives aux droits de l’homme, ainsi qu’à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) et aux Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok)  ;

c) Accélérer les mesures visant à réduire la surpopulation carcérale, notamment en appliquant plus largement les mesures non privatives de liberté en substitution à la détention, comme il est recommandé dans les Règles minima des Nations Unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo)  ;

d) Intensifier les efforts pour améliorer les conditions de détention et faire en sorte que, dans tous les lieux de privation de liberté, les détenus aient dûment accès aux soins de santé  ;

e) Accélérer ses efforts pour augmenter la capacité des prisons et des centres de détention.

Exploitation et maltraitance des travailleurs migrants, y compris des travailleurs domestiques

30.Le Comité accueille avec satisfaction plusieurs mesures adoptées par l’État partie pour améliorer la situation des droits fondamentaux des travailleurs migrants, y compris des travailleurs domestiques, telles que : a) des initiatives d’ordre législatif, notamment la loi relative aux travailleurs domestiques (no 68 de 2015) et le décret ministériel no 22 de 2022 ; b) des mesures visant à réduire le contrôle des employeurs sur les travailleurs (et donc à limiter le recours au système de parrainage kafala), telles que l’obligation faite aux employeurs de transférer les salaires sur les comptes bancaires des employés, la décision d’autoriser les travailleurs à changer d’emploi sans le consentement de l’employeur dans certaines conditions, et la fixation d’un salaire minimum ; c) les efforts déployés pour enquêter sur les plaintes pour travail forcé et mauvais traitements et pour traduire les auteurs en justice ; et d) des campagnes éducatives visant à sensibiliser aux droits et obligations des travailleurs domestiques. Cependant, malgré ces mesures, le Comité relève avec préoccupation que des informations font état d’abus, d’exploitation et de mauvais traitements généralisés, ainsi que de discrimination à l’égard des travailleurs domestiques, y compris quatre cas depuis 2018 impliquant le meurtre de travailleurs domestiques migrants originaires des Philippines ; qu’il est fait état de sévices physiques, sexuels et psychologiques, de longs horaires de travail et du refus d’accorder des congés payés annuels. Le Comité observe avec préoccupation que ces pratiques sont favorisées par le système de parrainage kafala et par l’existence du délit de « fuite », qui dissuade les travailleurs domestiques de signaler les abus ou de quitter les employeurs qui leur imposent des conditions abusives. Le Comité est également préoccupé par l’absence de recours judiciaires et de procédures de plainte, notamment pour les travailleurs migrants qui réclament des salaires qui leur sont dus ou dont le paiement est différé ; l’accès limité aux services de santé et les difficultés rencontrées par les victimes pour accéder aux centres d’accueil (art. 2, 7, 8, 12 et 26).

31. L’État partie devrait  :

a) Intensifier ses efforts pour garantir l’application stricte de la législation et des réglementations protégeant les travailleurs migrants ( y compris les travailleurs domestiques) contre la pratique de la rétention des passeports par les employeurs et d’autres abus ; et augmenter la fréquence des inspections du travail ;

b) Abroger le système de parrainage de la kafala , le remplacer par des permis de séjour pour les travailleurs domestiques et faire en sorte qu’il soit plus facile de changer d’employeur sans risque ni pénalité pour le travailleur, en particulier dans le cas d’un employeur qui commet des abus ; introduire des vérifications des antécédents des employeurs ; et veiller à ce que les travailleurs domestiques bénéficient de congés payés et reçoivent leur salaire à temps ;

c) Réexaminer, en vue de les modifier ou de les abroger, les dispositions relatives au délit de « fuite » afin de s’assurer que la crainte d’être accusé de ce délit ne dissuade pas les travailleurs domestiques de quitter les employeurs qui les maltraitent ;

d) Enquêter sur les allégations d’abus, poursuivre les employeurs, les parrains et les sociétés de recrutement responsables de pratiques abusives et, s’ils sont reconnus coupables, imposer des sanctions adéquates et fournir une réparation aux victimes ;

e) Faciliter l’accès à des recours juridiques efficaces, avec des services d’interprétation, pour la protection des droits des travailleurs migrants ( y compris des travailleurs domestiques), veiller à ce que les travailleurs puissent accéder à ces recours sans crainte de représailles, de détention ou d’expulsion, et garantir l’accès à des centres d’accueil ;

f) Faciliter davantage le signalement des abus et de l’exploitation, notamment en garantissant l’accès à des modalités multiples de signalement, et intensifier les campagnes d’éducation des travailleurs migrants, dans leur propre langue, sur leurs droits et les voies de recours disponibles.

Travail forcé et traite des personnes

32.Le Comité salue les mesures adoptées pour lutter contre la traite des personnes, notamment l’adoption d’une stratégie nationale de prévention de la traite des personnes et du trafic de migrants, en 2018, et d’un système national d’orientation pour la prévention de la traite des personnes, en 2019. L’État partie a fourni quelques statistiques sur la traite mais le Comité relève avec préoccupation que les informations fournies sont limitées, en particulier en ce qui concerne les sanctions imposées ; les réparations ou l’assistance reçues ; les services et les centres d’accueil disponibles ; et le retour volontaire et l’intégration des victimes. Le Comité prend note des efforts déployés pour mettre fin aux activités des trafiquants et aux réseaux de travail illégal, et pour surveiller les sites Internet et les comptes de médias sociaux qui pourraient être utilisés pour recruter des travailleurs domestiques sans licence, mais il est préoccupé par les informations concernant la vente frauduleuse de visas, qui laisse souvent les travailleurs migrants vulnérables face à l’exploitation dans le secteur de l’emploi informel, et par l’utilisation de sites Internet et de plateformes numériques pour faciliter la traite et le travail forcé des travailleurs domestiques migrants (art. 7 à 9 et 24).

33. L’État partie devrait intensifier ses efforts pour prévenir et combattre la traite des personnes et le travail forcé, notamment par le biais des médias en ligne, et protéger les victimes de la traite. Il devrait en particulier  :

a) Améliorer son système de collecte de données sur les cas de traite et de travail forcé afin d’évaluer l’ampleur des phénomènes et l’efficacité des mesures adoptées pour les combattre ;

b) Veiller à ce que toutes les affaires de traite d’êtres humains et de travail forcé fassent l’objet d’enquêtes approfondies, à ce que les auteurs soient traduits en justice et dûment sanctionnés s’ils sont reconnus coupables, et à ce que les victimes obtiennent pleinement réparation et aient accès à un dispositif de protection, y compris à des centres d’accueil et à une prise en charge juridique, médicale et psychologique  ;

c) Dispenser aux juges, aux procureurs, aux responsables de l’application des lois et à la police des frontières une formation portant notamment sur les normes et les procédures en matière d’identification et d’orientation des victimes de la traite et du travail forcé.

Expulsions administratives

34.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état d’un grand nombre d’expulsions, fondées parfois sur des infractions mineures ou sur des motifs peu clairs. Le Comité est également préoccupé par le fait que les expulsions sont souvent effectuées sur la base de décisions administratives laissées à la discrétion du Ministre de l’Intérieur, sans contrôle judiciaire ni recours possible. En outre, le Comité est préoccupé par la durée de la période de détention avant l’expulsion, qui peut être supérieure à la période prévue par la loi, à savoir trente jours au maximum, et excessivement longue. À cet égard, le Comité regrette que les informations reçues par l’État partie aient été limitées, notamment en ce qui concerne le nombre de personnes expulsées depuis le précédent examen, les motifs et le type d’expulsion (administrative ou judiciaire), la durée de la détention avant l’expulsion et la question de savoir si la personne expulsée a pu introduire un recours devant une instance judiciaire (art. 9 et 13).

35. L’État partie devrait  :

a) Veiller à ce que les personnes faisant l’objet d’un arrêté d’expulsion, y compris pour des raisons administratives, voient leur cas examiné par un mécanisme de recours judiciaire indépendant, et à ce que le principe de non-refoulement soit respecté ;

b) Veiller à ce que la détention soit une mesure de dernier recours, qu’elle soit utilisée pour la durée la plus courte possible et qu’elle soit nécessaire et proportionnée compte tenu des circonstances ; à ce que des mesures de substitution à la détention soient proposées  ; à ce que des recours judiciaires soient disponibles pour examiner la légalité de la détention ; et à ce que les opérations d’expulsion soient surveillées de manière efficace et indépendante  ;

c) Collecter et mettre à disposition des données ventilées sur le nombre d’expulsions, les raisons et les types d’expulsions, les mesures de substitution à la détention, la durée de la détention avant l’expulsion et la possibilité pour les personnes expulsées d’introduire un recours devant une instance judiciaire.

Accès à la justice, indépendance du pouvoir judiciaire et droit à un procès équitable

36.Le Comité est préoccupé par les informations concernant des cas de manque d’indépendance et d’impartialité du pouvoir judiciaire et des procureurs, et d’absence d’autres garanties d’un procès équitable, y compris dans les procès où la peine de mort est applicable (art. 14).

37. L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la pleine indépendance et l’impartialité totale des membres du pouvoir judiciaire, qu’ils soient des citoyens du Koweït ou des étrangers, et des procureurs et garantir leur liberté d’agir sans aucun type de pression ou d’interférence indues. Ce faisant, il devrait veiller à ce que les procédures de sélection, de nomination, de sanction et de révocation des magistrats soient conformes au Pacte et aux normes internationales pertinentes, notamment les Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature et les Principes directeurs applicables au rôle des magistrats du parquet.

Droit à la vie privée

38.Le Comité est préoccupé par les dispositions de la loi no 31 de 2008 qui obligent les candidats au mariage à se soumettre à un examen médical pour s’assurer qu’aucune des deux personnes ne souffre d’un état physique ou psychologique qui constituerait un obstacle à l’union (art. 17).

39. L’État partie devrait modifier ou abroger la loi n o 31 de 2008 afin qu’elle soit pleinement conforme au Pacte, en particulier à son article  17.

Liberté de conscience et de religion

40.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de discriminations à l’encontre des minorités religieuses, en particulier celles qui appartiennent à des religions non monothéistes, telles que les hindous, les sikhs, les druzes, les musulmans bohras et les baha’is. En particulier, le Comité reste préoccupé par : a) les restrictions à l’octroi de licences pour la construction de lieux de culte ; b) l’absence d’accréditation des écoles religieuses et l’interdiction de l’enseignement religieux organisé pour les religions autres que l’islam dans les écoles secondaires publiques ; et c) la non-délivrance de documents permettant d’enregistrer un changement de religion, sauf s’il s’agit d’une conversion à l’islam (même si l’apostasie n’est pas interdite). Enfin, le Comité est préoccupé par la loi relative au service militaire national (no 20 de 2015), qui établit un service militaire obligatoire, sans prévoir la possibilité d’un service de remplacement (art. 2, 18 et 26).

41. L’État partie devrait abroger ou modifier toutes les lois, politiques et pratiques qui opèrent une discrimination sur la base de la conscience et de la religion et veiller à ce qu’elles soient pleinement conformes au Pacte, en particulier à son article  18. Il devrait également :

a) Éliminer les politiques et les pratiques discriminatoires à l’égard des minorités religieuses, notamment en ce qui concerne la réglementation de la construction des lieux de culte ; l’accréditation des écoles religieuses ; la possibilité d’organiser un enseignement religieux pour les religions autres que l’islam dans les écoles secondaires publiques ; et la délivrance de documents attestant d’un changement de religion, y compris la conversion de l’islam à d’autres religions ;

b) Adopter une législation qui reconnaisse le droit à l’objection de conscience au service militaire et permette aux objecteurs de conscience d’accéder à des services civils de substitution qui soient non discriminatoires et non punitifs.

Liberté d’expression

42.Le Comité est préoccupé par les informations relatives à la législation restrictive sur la liberté d’expression en ligne, telle que la loi sur les médias électroniques (no 8 de 2016) et la loi sur la cybercriminalité (no 63 de 2015), notamment en ce qui concerne la surveillance active des communications sur Internet, le blocage des sites Web et la révocation des licences d’exploitation. Le Comité est également préoccupé par la criminalisation du blasphème, de la diffamation (y compris la critique de l’Émir) et de l’expression légitime d’opinions critiques, qui peut conduire à des sanctions disproportionnées, telles que des amendes allant jusqu’à 200 000 dinars et sept ans d’emprisonnement pour la publication de contenus jugés offensants pour les groupes religieux. Le Comité est également préoccupé par les poursuites dont font l’objet les blogueurs et les militants, et il a pris note des informations concernant plusieurs cas où des peines d’emprisonnement d’une durée d’un à dix ans ont été prononcées (article 19).

43. L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que chacun puisse exercer pleinement son droit à la liberté d’expression, conformément à l’ article  19 du Pacte et à l’observation générale n o 34 (2011) du Comité sur la liberté d’opinion et la liberté d’expression, et que toute restriction à l’exercice de la liberté d’expression soit parfaitement conforme aux critères stricts énoncés au paragraphe 3 de l’ article  19 du Pacte. Il devrait également  :

a) Réviser et modifier la législation nationale qui restreint indûment la liberté d’expression et peut être utilisée pour réprimer les idées exprimées en opposition à l’État partie, notamment la loi sur les médias électroniques, la loi sur la cybercriminalité, la loi sur l’unité nationale, la loi sur la sécurité nationale de 1970 et la loi sur la presse et les publications de 2006, en vue de les mettre en conformité avec les obligations qui incombent à l’État partie en vertu du Pacte ;

b) Décriminaliser le blasphème et la diffamation ainsi que les autres formes d’expression criminalisée, et ne recourir au droit pénal que dans les cas les plus graves, en gardant à l’esprit que l’emprisonnement n’est jamais une peine appropriée pour la diffamation et le blasphème, comme indiqué dans l’observation générale n o 34 (2011) du Comité, et veiller à ce que les lois pénales ne soient pas utilisées pour réduire au silence les voix dissidentes ;

c) S’abstenir de poursuivre et d’emprisonner des militants, des blogueurs et d’autres voix dissidentes afin de les dissuader ou de les décourager d’exprimer librement leurs opinions, réexaminer leur détention sous l’angle de sa compatibilité avec le Pacte et libérer immédiatement toutes les personnes détenues en violation des garanties consacrées par le Pacte ;

d) Veiller à ce que la surveillance des communications sur Internet ne viole pas les droits à la liberté d’expression et à la vie privée énoncés dans le Pacte.

Liberté de réunion pacifique

44.Le Comité constate avec préoccupation que la loi sur les rassemblements publics (no 65 de 1979) exige une autorisation préalable pour les rassemblements dans les espaces publics. Il relève toutefois que dans un arrêt daté du 1er mai 2006, la Cour constitutionnelle a déclaré 15 articles de ladite loi inconstitutionnels, dont l’article 4, qui exige l’obtention d’une autorisation pour les rassemblements publics. Le Comité est préoccupé par le fait que 70 défenseurs koweïtiens des droits de l’homme ont été condamnés à une peine de prison en 2017 pour avoir participé à une manifestation pacifique spontanée qui avait eu lieu en 2011, et qu’en 2019, 12 défenseurs des droits des Bidounes ont été arrêtés pour avoir planifié une manifestation pacifique. Le Comité constate également avec préoccupation que l’article 12 de la loi sur les rassemblements publics interdit aux non-citoyens de manifester. Il est en outre préoccupé par la décision ministérielle no 33 de 2001, relative à l’utilisation d’armes à feu pour disperser un rassemblement ou une manifestation de personnes qui prévoient de commettre un délit ou qui sont susceptibles de mettre en danger la sécurité publique (art. 2 et 21).

45. L’État partie devrait mettre sa législation régissant les réunions pacifiques, en particulier la loi sur les rassemblements publics et la décision ministérielle n o 33 de 2001, en pleine conformité avec l’ article  21 du Pacte, tel qu’interprété par le Comité dans son observation générale n o 37 (2020) sur le droit de réunion pacifique, et veiller à ce que toutes les restrictions imposées soient conformes aux exigences strictes qui y sont énoncées. Il devrait en particulier  :

a) S’abstenir de toute ingérence indue dans l’exercice du droit de réunion pacifique, en particulier  : en garantissant le droit égal des non-citoyens à exercer le droit de réunion pacifique ; en abrogeant l’obligation d’autorisation préalable pour les rassemblements publics ; en s’abstenant de poursuivre et d’emprisonner les personnes qui exercent leur droit de réunion pacifique ; et en libérant immédiatement toutes les personnes détenues en violation des dispositions de l’ article  21 ;

b) Renforcer la formation sur l’emploi de la force dispensée aux responsables de l’application des lois, en se fondant sur les Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois et les Lignes directrices des Nations Unies basées sur les droits de l’homme portant sur l’utilisation des armes à létalité réduite dans le cadre de l’application des lois.

Liberté dassociation

46.Le Comité est préoccupé par l’absence de progrès concernant les mesures nécessaires pour faire en sorte que les organisations de la société civile puissent mener leurs activités sans ingérence indue du Gouvernement et sans crainte de représailles ou de restrictions illégales limitant leur champ d’action. Il est également préoccupé par les critères vagues et généraux utilisés pour approuver ou rejeter les demandes d’enregistrement des organisations de la société civile et pour décider de dissoudre des organisations. Enfin, le Comité est préoccupé par le fait que les non-citoyens, y compris les Bidounes, ne peuvent pas fonder d’associations et ne peuvent pas participer à leurs assemblées générales (art. 2 et 22).

47. À la lumière des précédentes observations finales du Comité , l’État partie devrait abroger ou réviser les lois qui restreignent le droit à la liberté d’association afin de les mettre en conformité avec le Pacte. Il devrait également  :

a) Préciser les définitions vagues, larges et non limitatives des principaux termes utilisés dans ces lois, ainsi que les dispositions qui limitent la jouissance et l’exercice du droit à la liberté d’association sur la base de la nationalité, et faire en sorte que celles-ci ne soient pas utilisées pour limiter la liberté d’association au-delà des restrictions bien précises autorisées par le paragraphe 2 de l’ article  22 du Pacte  ;

b) Faire en sorte que les organisations de la société civile puissent mener leurs activités sans ingérence indue du Gouvernement et sans crainte de représailles ou de restrictions illégales limitant leur champ d’action.

Participation à la conduite des affaires publiques

48.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour accroître le nombre de femmes occupant des postes de direction, ainsi que du cadre législatif qui établit l’égalité des droits ; toutefois, il est préoccupé par la participation très limitée des femmes à la vie politique. Le Comité constate qu’une seule femme a été élue lors de l’élection parlementaire qui s’est tenue en juin 2023. Le Comité est donc préoccupé par les barrières culturelles et sociales qui, dans la pratique, peuvent exclure les femmes d’une participation significative à certains événements publics, notamment les primaires tribales non officielles et les rassemblements locaux, tels que les diwaniyas. Le Comité est également préoccupé par le fait que les personnes naturalisées koweïtiennes doivent attendre vingt ans pour voter, être élues membres du Parlement ou d’une municipalité ou occuper un poste ministériel (art. 2, 3, 25 et 26).

49. L’État partie devrait veiller à ce que les femmes jouissent pleinement et effectivement du droit de participer à la vie publique et politique, notamment en prenant des mesures efficaces pour  :

a) Augmenter la représentation des femmes dans les sphères politiques, y compris aux postes de décision s  ;

b) Supprimer les barrières sociales et culturelles et éliminer les stéréotypes concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société, y compris en menant des campagnes de sensibilisation qui présentent les femmes comme participant activement à la vie publique et politique  ;

c) Mettre les pratiques électorales en pleine conformité avec le Pacte, notamment son article  25. Il devrait également éliminer les restrictions disproportionnées imposées aux citoyens koweïtiens naturalisés en ce qui concerne le droit de voter, d’être élu et de participer à la conduite des affaires publiques.

D.Diffusion et suivi

50. L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, des deux Protocoles facultatifs s’y rapportant, de son quatrième rapport périodique et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu’auprès du grand public pour faire mieux connaître les droits consacrés par le Pacte. L’État partie devrait faire en sorte que le rapport et les présentes observations finales soient traduits dans sa langue officielle.

51. Conformément au paragraphe 1 de l’ article  75 du règlement intérieur du Comité, l’État partie est invité à faire parvenir, le 30 novembre 2026 au plus tard, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées par le Comité aux paragraphes 13 (discrimination à l’égard des Bidounes), 19 (égalité entre hommes et femmes) et 23 (peine de mort) ci-dessus.

52. Dans le cadre du cycle d’examen prévisible du Comité, l’État partie recevra en 2029 la liste de points établie par le Comité avant la soumission du rapport et devra soumettre dans un délai d’un an ses réponses à celle-ci, qui constitueront son cinquième rapport périodique. Il demande également à l’État partie, lorsqu’il élaborera ce rapport, de tenir de vastes consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays. Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots. Le prochain dialogue constructif avec l’État partie se tiendra en 2031, à Genève.