Quarantième session

14 janvier-1er février 2008

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes

Liban

Le Comité a examiné le troisième rapport périodique du Liban (CEDAW/C/LBN/3) à ses 819e et 820eséances, le 22 janvier 2007 (voir CEDAW/C/SR.819 et 820). La liste des questions suscitées par le rapport fait l’objet du document publié sous la cote CEDAW/C/LBN/Q/3 et les réponses du Liban à ces questions se trouvent dans le document publié sous la cote CEDAW/C/LBN/ Q/3/Add.1.

Introduction

Le Comité remercie l’État partie de son troisième rapport périodique, qui donne un tableau clair et franc de la situation générale des femmes au Liban et des problèmes que pose la réalisation de l’égalité entre les femmes et les hommes. Il exprime également ses remerciements à l’État partie pour les réponses qu’il a fournies par écrit à la liste de questions soulevées par le Groupe de travail de présession et pour l’exposé oral qui a été fait et les précisions qui ont été apportées en réponse aux questions posées par les membres du Comité.

Le Comité se dit également satisfait du dialogue franc et constructif tenu entre la délégation et les membres du Comité, qui l’a aidé à encore mieux comprendre la situation actuelle des femmes dans le pays.

Le Comité salue la délégation de l’État partie, qui est dirigée par un membre du Conseil d’administration de la Commission nationale pour la femme libanaise. Il regrette cependant qu’elle se compose principalement de membres de cette commission et ne comprenne pas de représentants de différents ministères et services compétents.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir établi son rapport dans les délais prévus par la Convention et note que le troisième rapport périodique du Liban a été présenté juste un an après la publication des précédentes observations finales du Comité, en juillet 2005.

Aspects positifs

Le Comité félicite l’État partie d’avoir mis en place, suite à la promulgation du décret du Premier Ministre en avril 2007, un comité directeur dirigé par le Ministère du travail chargé de réviser le Code du travail de 1946.

Le Comité félicite l’État partie des efforts qu’il a déployés après le conflit pour intégrer l’action des femmes dans le processus de consolidation de la paix, de prise des décisions, de développement et de relèvement dans 10 villages gravement touchés par le conflit au Liban en juillet et août 2006. Il prend également note avec satisfaction de la mise en œuvre d’un projet intitulé « WEPASS », qui vise à démarginaliser les femmes dans les régions touchées par le conflit en vue de renforcer les capacités dans les principaux domaines visés par la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité.

Le Comité se félicite de la signature par l’État partie de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et du Protocole facultatif s’y rapportant, le 14 juin 2007.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Tout en rappelant que l’État partie a pour obligation d’appliquer systématiquement et en permanence toutes les dispositions de la Convention, le Comité est d’avis qu’il est tenu, d’ici à la présentation de son prochain rapport périodique, de prêter attention en priorité aux préoccupations et recommandations énoncées dans les présentes observations finales. En conséquence, il demande à l’État partie d’axer ses efforts sur les domaines considérés dans le cadre des activités qu’il mène en application de la Convention et de rendre compte, dans son prochain rapport périodique , des mesures qu’il aura prises et des résultats qu’il aura obtenus. Il demande à l’État partie de communiquer les présentes observations finales à tous les ministères compétents , au Parlement ainsi qu’à la magistrature pour faire en sorte qu’elles soient pleinement appliquées .

Tout en étant conscient des difficultés auxquelles se heurte l’État partie suite au conflit de 2006, aux difficultés politiques actuelles et à la brièveté de la période qui s’est écoulée entre la publication par le Comité de ses précédentes observations finales adoptées en 2005 (A/60/38, par. 77 à 126) et la présentation par l’État partie de son troisième rapport périodique, le Comité note qu’aucun progrès n’a été réalisé dans la mise en application de ces observations en ce qui concerne certaines préoccupations qu’il avait soulevées. Il estime en particulier qu’il n’a pas été donné suite de manière adéquate à ses recommandations contenues dans ses précédentes observations finales, aux paragraphes 95 (visant à ajouter des dispositions garantissant l’égalité des sexes, conformément à l’alinéa a) de l’article 2 de la Convention, dans la Constitution et autres textes législatifs appropriés), 98 (visant à procéder à un examen et une révision systématiques de l’ensemble de la législation afin de la rendre pleinement conforme aux dispositions de la Convention), 106 (visant à élaborer et mettre en œuvre des programmes complets de sensibilisation visant à favoriser une meilleure compréhension de l’égalité des sexes à tous les échelons de la société), 108 (visant à prendre des mesures fermes pour accroître la représentation des femmes dans les organes dont les membres sont élus ou nommés, dans tous les domaines de la vie publique) et 110 (visant à éliminer la ségrégation professionnelle, à faire en sorte que les hommes et les femmes soient à égalité de chances sur le marché du travail et à créer un mécanisme de contrôle afin que les lois qui imposent aux employeurs de respecter le principe de l’égalité de salaire à travail égal soient appliquées).

Le Comité réitère ces préoccupations et recommandations et engage l’État partie à y donner suite sans tarder .

Tout en se félicitant des efforts en cours pour répondre aux besoins des femmes dans la période d’après conflit, le Comité craint que la promotion des droits fondamentaux des femmes et de l’égalité des sexes n’ait pas été considérée comme un objectif prioritaire, en particulier dans le cadre des efforts visant à faire face aux conséquences du conflit et dans le contexte des processus de consolidation de la paix et de reconstruction. Il est également préoccupé par le nombre restreint de femmes qui occupent des positions de direction dans les domaines liés au processus de transition.

Le Comité exhorte l’État partie à veiller à ce que la défense et la protection des droits fondamentaux des femmes et de l’égalité des sexes constituent un objectif central de tous les aspects du processus de transition et à ce que la législature soit consciente de cet objectif important. Il exhorte en outre l’État partie à accorder une attention importante aux besoins spécifiques des femmes dans la période d’après conflit et à veiller à ce que les femmes participent en toute égalité à la prise des décisions, conformément à la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité. Le Comité recommande à l’État partie de mettre en place un plan d’action pour assurer l’application intégrale de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité, en tenant compte du paragraphe 1 de l’article 4 et des articles 7 et 8 de la Convention .

Tout en notant que les instruments internationaux prennent le pas sur la législation nationale et peuvent être invoqués devant les tribunaux, le Comité craint que les dispositions de la Convention, y compris ses propres recommandations générales, ne soient pas largement connues dans le pays et ne semblent pas jusqu’ici avoir été utilisées, ni pour modifier les lois et pratiques discriminatoires, ni dans le cas de litiges en rapport avec la discrimination à l’égard des femmes.

Le Comité engage l’État partie à élaborer et mettre en œuvre des programmes de sensibilisation et de formation relatifs aux dispositions de la Convention, en particulier en ce qui concerne la signification et la portée des notions de discrimination directe et indirecte et d’égalité formelle et réelle, à l’intention des parlementaires, des responsables gouvernementaux, des juges, des avocats et des procureurs, de manière à bien ancrer dans le pays une culture juridique qui défende l’égalité des femmes et la non-discrimination à leur égard. Il invite également l’État partie à mieux faire connaître leurs droits aux femmes, grâce à des programmes systématiques d’initiation juridique et d’aide juridictionnelle. Le Comité engage par ailleurs l’État partie à diffuser largement la Convention et ses propres recommandations générales auprès de toutes les parties prenantes, notamment les ministères, les parlementaires, les membres de l’appareil judiciaire, les partis politiques, la société civile, y compris les organisations non gouvernementales, le secteur privé et le grand public.

Tout en se félicitant de l’intention manifestée par la Commission parlementaire libanaise d’adopter un plan d’action national relatif aux droits de l’homme dans la perspective d’une réforme de la législation et des politiques libanaises conformément aux normes relatives aux droits de l’homme de manière à rendre la législation nationale conforme à la Convention, le Comité est préoccupé par le fait qu’aucun progrès n’a été réalisé en ce qui concerne l’élaboration de ce plan en raison de la situation politique, comme il a été indiqué oralement.

Le Comité e xhorte la Commission parlementaire à élaborer , adopt er et mettre en œuvre un p lan d’action national relatif aux droits de l’homme , sans tarder et dans un délai clairement défini .

Le Comité regrette qu’aucune mesure n’ait été prise en vue d’adopter un code unifié concernant le statut personnel comme il l’avait recommandé dans ses dernières observations finales (CEDAW/C/LBN/CO/2, par. 24). Il note que, bien que des informations aient été fournies dans le rapport et dans la présentation orale sur les différentes communautés religieuses existant dans le pays, celles qui ont été fournies sur les divers codes concernant le statut personnel qui régissent ces communautés, en particulier leur portée et leurs incidences sur l’égalité des femmes, étaient insuffisantes.

Le Comité réitère sa recommandation tendant à ce que l’État partie adopte d’urgence un code unifié concernant le statut personnel qui soit conforme à la Convention et s’applique à toutes les Libanaises, quelle que soit leur affiliation religieuse. Le Comité réitère également sa recommandation à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations détaillées sur les divers codes relatifs au statut personnel touchant les femmes, et de décrire l’impact de ces codes sur la mise en œuvre de la Convention.

Tout en saluant l’action de la Commission nationale pour la femme libanaise, le Comité note avec préoccupation que la Commission est un organe semi-gouvernemental dont la capacité institutionnelle est faible. Il note qu’elle manque cruellement de ressources humaines et financières et n’a ni l’autorité ni la capacité voulues pour promouvoir véritablement la mise en œuvre de la Convention et favoriser l’intégration d’une perspective sexospécifique dans tous les secteurs et à tous les niveaux du Gouvernement de façon à assurer l’égalité des femmes et des hommes dans tous les domaines. Le Comité note également avec préoccupation que l’État partie n’est pas conscient de l’importance d’un mécanisme national solide et doté de ressources adéquates pour assurer l’égalité réelle entre les hommes et les femmes à tous les niveaux, de même que l’absence de volonté politique pour mettre en place la capacité institutionnelle nécessaire pour un tel mécanisme national, conformément aux obligations qui lui incombent en vertu de la Convention.

Le Com i té engage l’État partie à attribuer le rang de priorité le plus élevé au renforcement du mécanisme national de promotion de la femme , et à accorder à ce mécanisme l’autorité , le pouvoir de décision et les ressources humaines et financières nécessaires pour promouvoir véritablement l’égalité des femmes et permettre à celles-ci d’exercer leurs droits fondamentaux. Le Comité recommande à l’État partie d’instituer ou de revitaliser un système de responsables de la coordination pour l’égalité des sexes disposant de compétences suffisantes en la matière dans tous les ministères sectoriels , pour renforcer l’application de la stratégie d’intégration d’une perspective sexospécifique en vue d’ assurer l’égalité des femmes et des hommes dans toutes les politiques et dans tous les programmes. Il recommande également à l’État partie d ’instituer un système de collaboration entre le mécanisme national et les responsables de la coordination et la mise en place de réseaux .

Le Comité note avec préoccupation l’absence de toutes dispositions temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention, et le fait que l’État partie ne semble manifestement pas comprendre l’idée à la base de ces mesures et leur objectif.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre, comme le prévoient le paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et la recommandation générale 25 , des disposition s temporaires spéciales s’inscrivant dans le cadre d’une stratégie nécessaire pour accélérer la réalisation d ’un e égalité de fait entre les femmes et les hommes. Il demande à l’État partie d’envisager de recourir à tout un éventail de mesures possibles, notamment quotas, objectifs d’étape , but s et incitation s , en particulier en ce qui concerne la mise en œuvre accélérée des articles 7, 8, 10, 11, 12 et 14 de la Convention.

Le Comité continue à être préoccupé par la persistance des comportements patriarcaux et l’enracinement de stéréotypes concernant le rôle et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société au Liban, qui se reflètent dans les choix des femmes en matière d’éducation, dans leur situation sur le marché du travail et dans leur faible participation à la vie politique et à la vie publique. Le Comité est préoccupé par la persistance des stéréotypes dans les manuels scolaires et les programmes d’enseignement.

Le Comité demande à l’État partie de renforcer la formation du personnel enseignant en ce qui concerne les questions relatives à l’égalité des sexes et de réviser les manuels scolaires et les programmes d’enseignement pour éliminer les stéréotypes sexistes. Il engage l’État partie à diffuser des informations sur la Convention à tous les niveaux du système d’enseignement, notamment grâce à l’éducation en matière de droits de l’homme et à la formation à la prise en compte des sexospécificités, de manière à modifier les vues et les comportements stéréotypés quant aux rôles des femmes et des hommes. Le Comité engage l’État partie à continuer d’encourager la diversification des choix des garçons et des filles en matière d’éducation. Il l’engage également à encourager un dialogue public sur les choix que l es filles et l es femmes font en matière d’éducation et les possibilités et les chances q u i s’offrent à elles par la s u ite sur le marché du travail. Il recommande que les campagnes de sensibilisation soient dirigées à la fois sur l es femmes et sur l es hommes , et que les médias soient encouragés à donner une image positive des femmes et de l’égalité entre les femmes et l es hommes en matière de statut et de responsabilités, aussi bien dans la vie privé e que dans la vie publi que .

Le Comité demeure préoccupé par la persistance de la violence à l’égard des femmes et des filles, notamment la violence dans la famille, le viol et les crimes d’honneur, et par l’absence de stratégie globale pour lutter contre la violence à l’égard des femmes. Il réitère également sa préoccupation en ce qui concerne l’article 562 du Code pénal libanais, qui permet d’atténuer les peines pour crime d’honneur et qui demeure en vigueur. Il est en outre préoccupé par d’autres dispositions discriminatoires du Code pénal libanais, en particulier l’article 503, qui tolère le viol conjugal, et l’article 522, qui autorise l’abandon des poursuites en cas de viol.

Conformément à sa recommandation générale 19 aux termes de laquelle la violence à l’égard des femmes est une forme de discrimination à l’égard des femmes et constitue en conséquence une violation de leurs droits fondamentaux au titre de la Convention, le Comité engage l’État partie à donner un rang de priorité élevé à l’adoption et à la mise en œuvre de mesures globales pour lutter contre toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles. Il engage l’État partie à adopter sans tarder une législation sur la violence à l’égard des femmes, y compris la violence dans la famille, de manière à ce que la violence à l’égard des femmes constitue une infraction pénale, que les femmes et les filles victimes d’actes de violence aient immédiatement accès à des voies de recours et à la protection et que les auteurs de ces actes soient poursuivis et punis. Le Comité engage l’État partie à modifier sans tarder les dispositions applicables du Code pénal pour veiller à ce que les auteurs de crimes d’honneur ne soient pas exonérés de leur crime, que le viol conjugal soit criminalisé et que le fait d’être marié à la victime ne permette pas à l’auteur d’un crime sexuel d’échapper à la justice. Le Comité recommande également à l’État partie d’adopter et de mettre en œuvre des programmes d’enseignement et de sensibilisation à l’intention des membres des forces de police, du personnel judicaire et des prestataires de services de santé, des travailleurs sociaux, des dirigeants des communautés et du grand public, pour faire en sorte qu’ils comprennent que toutes les formes de violence à l’égard des femmes sont inacceptables. Le Comité prie l’État partie de fournir dans son prochain rapport des informations détaillées sur la législation et les politiques en vigueur pour lutter contre la violence à l’égard des femmes et sur l’impact de ces mesures.

Tout en notant que l’État partie a ratifié le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, le Comité s’inquiète de ce que la traite des femmes et des filles est en augmentation au Liban et de ce que l’État partie n’a pas promulgué de législation relative à la traite des personnes, ni établi de plan visant à prévenir la traite des femmes et à protéger les victimes de cette traite. Il s’inquiète également de ce que les femmes et les filles qui font l’objet de cette traite à des fins d’exploitation sexuelle et de travail domestique forcé peuvent être poursuivies et punies en vertu des lois relatives à l’immigration et sont, de ce fait, exposées à une double victimisation. Le Comité regrette également l’absence de collecte systématique de données sur ce phénomène.

Le Comité exhorte l’État partie à intensifier sa lutte contre toutes les formes de traite des femmes et des filles, notamment en promulguant une législation spécifique et complète et en mettant en place des programmes de rapatriement et de réintégration des victimes de la traite. Le Comité invite également l’État partie à renforcer sa coopération, aux niveaux international, régional et bilatéral, avec les pays d’origine et de transit de façon à pouvoir traiter les causes de la traite et prévenir la traite de manière plus efficace grâce à l’échange d’informations. Le Comité engage l’État partie à collecter et analyser des données, de source policière notamment, recueillies à l’échelon national, régional et international, à poursuivre et punir les trafiquants et à défendre les droits fondamentaux des femmes et des filles victimes de la traite, en offrant à ces victimes protection et assistance juridique. Le Comité demande à l’État partie de veiller à ce que les femmes et les filles faisant l’objet de la traite ne soient pas poursuivies au titre des lois relatives à l’immigration et bénéficient du soutien nécessaire pour pouvoir témoigner contre leurs trafiquants.

Le Comité s’inquiète de la violence et de l’exploitation dont font l’objet les femmes travaillant comme employées de maison au Liban. Il s’inquiète de ce que l’article 7 du Code du travail exclut les employées de maison de son champ d’application, les privant, ce faisant, de toutes sortes de garanties indispensables et les rendant vulnérables à toutes les formes d’exploitation.

Le Comité recommande à l’État partie de promulguer dans les meilleurs délais le projet de loi réglementant les conditions d’emploi des employées de maison qu’un comité directeur établi en avril 2007 pour s’occuper de la situation des travailleuses migrantes et surveiller l’application de la loi par les bureaux de recrutement et les employeurs est en train d’examiner. Il recommande également à l’État partie d’établir des procédures permettant de suivre et de garantir le respect des droits des employées de maison et de poursuivre et punir les employeurs abusifs. Le Comité invite l’État partie à procurer aux employées de maison des voies de recours effectif en cas de mauvais traitements de la part de l’employeur. Le Comité exhorte en outre l’État partie à faire en sorte que les employées de maison connaissent leurs droits, sachent qu’elles sont protégées par la loi et aient droit à une assistance juridique. Il demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les mesures qu’il aura prises en ce sens et sur leur impact, ainsi que des données sur la prévalence de la violence à l’égard des employées de maison.

Le Comité note avec préoccupation la discrimination dont sont victimes les femmes en matière fiscale, dans la mesure où les femmes mariées sont considérées comme célibataires sur ce plan et ne bénéficient pas de la même réduction d’impôt que les hommes mariés ou chefs de famille.

Le Comité invite l’État partie à prendre les mesures qui s’imposent pour supprimer la discrimination à l’égard des femmes dans le domaine fiscal.

Tout en notant l’excellente qualité des services sanitaires fournis au Liban, le Comité s’inquiète de la prédominance du secteur privé et de la disparité géographique en matière de services, qui font que les femmes et les jeunes filles des zones rurales ou défavorisées, ainsi que les femmes handicapées, n’ont pas vraiment accès aux services de santé.

Le Comité recommande à l’État partie de mettre en place les mécanismes nécessaires pour rendre accessibles les services de santé à toutes les femmes et pour garantir l’intégration de la problématique hommes-femmes dans toutes les politiques et dans tous les programmes sanitaires, conformément à l’article 12 de la Convention et à la recommandation générale 24 du Comité sur les femmes et la santé.

Le Comité s’inquiète de la situation des femmes rurales, compte tenu notamment de leurs conditions de vie précaires et des difficultés qu’elles rencontrent pour accéder à la justice, aux soins de santé, à la propriété foncière, à l’éducation, au crédit et aux services communautaires ainsi que pour faire valoir leurs droits de succession. Il s’inquiète tout particulièrement de la situation des agricultrices, qui ne sont pas protégées par le Code du travail et qui ne bénéficient pas, par conséquent, de la sécurité sociale et d’autres avantages.

Le Comité invite l’État partie à prêter une attention particulière aux besoins des femmes rurales afin de s’assurer qu’elles participent à la prise des décisions les concernant et aient pleinement accès à la justice, à l’éducation, aux services sanitaires et au crédit. Le Comité exhorte également l’État partie à prendre les mesures qui s’imposent pour supprimer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes en ce qui concerne la propriété foncière et les droits de succession en la matière. Le Comité engage l’État partie à s’assurer que la problématique hommes-femmes est intégrée dans tous les plans et stratégies de réduction de la pauvreté. Il recommande enfin à l’État partie de collecter des données sur la situation des femmes rurales et de les inclure, accompagnées d’une analyse, dans son prochain rapport périodique.

Compte tenu de la série de conflits que le Liban a connue récemment, le Comité s’inquiète du nombre et de la situation des femmes handicapées, ainsi que des femmes qui prennent soin de membres de leur famille qui sont handicapés et qui souffrent souvent de multiples formes de discrimination.

Le Comité demande à l’État partie de fournir dans son prochain rapport un tableau détaillé de la situation de facto d es femmes handicapées et de celles qui prennent soin de membres de leur famille handicapés et de prendre d es mesures pour protéger leurs droits.

Tout en félicitant l’État partie des efforts qu’il déploie pour accueillir les réfugiés de pays voisins, le Comité s’inquiète de ce qu’il n’a pas promulgué de lois ou de règlements concernant le statut des demandeurs d’asile et des réfugiés, au détriment des femmes réfugiées et des femmes qui demandent l’asile. Il note avec préoccupation que les femmes et les filles réfugiées ou déplacées à l’intérieur du pays demeurent dans une situation de vulnérabilité et de marginalisation, notamment en ce qui concerne l’éducation, l’emploi, la santé, le logement et la protection contre toutes les formes de violence.

Le Comité exhorte l’État partie à adopter des lois et règlements relatifs au statut des demandeurs d’asile et des réfugiés au Liban, conformément aux normes internationales, afin d’assurer la protection des femmes et des enfants qui demandent l’asile ou qui sont réfugiés. Il recommande à l’État partie d’envisager d’adhérer aux instruments internationaux relatifs au statut des réfugiés et des apatrides, notamment la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et son protocole de 1967. Il re commande à l’État partie d’intégrer pleinement la problématique hommes-femmes dans le processus d’octroi du statut de demandeur d’asile ou de réfugié. Le Comité exhorte également l’État partie à prendre des mesures ciblées en faveur des femmes et des filles réfugiées ou déplacées à l’intérieur du pays, dans des délais convenus, afin d’améliorer leur accès à l’éducation, à l’emploi, à la santé et au logement et de les protéger de toutes les formes de violence, ainsi qu’à suivre l’application de ces mesures. Le Comité demande à l’État partie de l’informer dans son prochain rapport périodique des progrès accomplis à cet égard.

Le Comité s’inquiète de ce que l’État partie n’a pas encore levé sa réserve au paragraphe 2 de l’article 9. Il s’inquiète tout particulièrement de ce que l’État partie soutient qu’il ne peut pas, pour des raisons politiques, modifier sa législation relative à la nationalité de façon à permettre aux femmes libanaises de transmettre leur nationalité à leurs enfants et à leur conjoint étranger.

Le Comité demande instamment à l’État partie de reconnaître que la loi relative à la nationalité a un impact négatif sur les Libanaises mariées à des étrangers et sur leurs enfants et l’invite par conséquent à revoir cette loi et à lever sa réserve au paragraphe 2 de l’article 9.

Le Comité s’inquiète de ce que l’État partie n’a pas encore levé sa réserve aux alinéas c), d), f) et g) du premier paragraphe de l’article 16 de la Convention. Il s’inquiète également de la persistance de discriminations dans des domaines qui ne relèvent pas des tribunaux confessionnels, tels que le régime de propriété des biens du ménage.

Le Comité prie instamment l’État partie de lever sa réserve au x alinéas c), d), f) et g) du premier paragraphe de l’article 16 de la Convention. Il engage l’État partie à garantir l’égalité de l’homme et de la femme dans le mariage et au moment de sa dissolution , en donnant aux femmes des droits égaux , à la lumière de l’article 16 de la Convention et de la recommandation générale 21 du Comité sur l’égalité dans le mariage et les relations familiales .

Le Comité engage l’État partie à ratifier le Protocole facultatif relatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et à accepter dès que possible la modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention relatif à la durée de ses réunions.

Le Comité exhorte l’État partie à s’acquitter de ses obligations en vertu de la Convention en se fondant sur la Déclaration et le Plan d’action de Beijing, qui renforcent les dispositions de la Convention, et le prie d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations sur cette question.

Le Comité souligne , en outre , que l’application pleine et entière de la Convention est un préalable indispensable à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Il demande que la problématique hommes-femmes soit intégrée et que les dispositions de la Convention soient pleinement reflétées dans tous les efforts déployés pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement , et demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations à ce sujet.

Le Comité souligne que l’adhésion des États aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme contribue à promouvoir l’exercice effectif des droits individuels et des libertés fondamentales des femmes dans tous les aspects de la vie. Il encourage donc le Gouvernement libanais à envisager de ratifier les instruments auxquels il n’est pas encore partie, à savoir la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Le Comité demande que les présentes observations finales soient largement diffusées au Liban pour que la population du pays, en particulier les membres de l’administration et les responsables politiques, les parlementaires , les associations féminines et les organisations de défense des droits de l’homme, soit au courant des mesures prises pour assurer l’égalité de droit et de fait entre les sexes et sache quelles dispositions restent à prendre à cet égard. En particulier, il invite l’État partie à organiser un débat public avec tous les acteurs concernés, du secteur public comme de la société civile , sur la présentation du rapport et la teneur de ses observations finales. Le Comité demande à l’État partie de continuer à diffuser largement, en particulier auprès des associations féminines et des organisations de défense des droits de l’homme, le texte de la Convention, de son p rotocole facultatif, de s es propres recommandations générales, de la Déclaration et du Plan d’action de Beijing , ainsi que du document final de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale, intitulée « Les femmes en l’an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXI e  siècle ».

Le Comité prie l’État partie de répondre aux préoccupations exprimées dans les présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu’il présentera en application de l’article 18. Il le prie de présenter ensemble ses quatrième et cinquième rapports périodiques avant le 16 mai 2014.