* Adoptées par le Comité à sa quatre-vingt-unième session (7-25 février 2022).

Observations finales concernant le sixième rapport périodique du Liban *

Le Comité a examiné le sixième rapport périodique du Liban (CEDAW/C/LBN/6) à ses 1866e et 1868e séances (voir CEDAW/C/SR.1866 et CEDAW/C/SR.1868), les 17 et 18 février 2022. La liste de points et de questions soulevées par le groupe de travail de présession figure dans le document CEDAW/C/LBN/Q/6, et les réponses du Liban dans le document CEDAW/C/LBN/RQ/6.

A.Introduction

Le Comité remercie l’État partie d’avoir soumis son sixième rapport périodique et ses réponses écrites à la liste de points et de questions soulevées par le groupe de travail de présession en lien avec le sixième rapport périodique. Il remercie également la délégation pour sa présentation orale et les clarifications apportées par écrit en réponse aux questions posées oralement par le Comité dans le cadre du dialogue.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir constitué une délégation multisectorielle, menée par la Présidente de la Commission nationale de la femme libanaise, Claudine Aoun, et composée du Directeur général du Ministère des affaires sociales, du Directeur général du Ministère de l’économie et du commerce, de juges et de représentants du Ministère de la justice, du Directeur général par intérim du Ministère de la santé publique, du Directeur général par intérim du Ministère du travail et de la Représentante permanente du Liban auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève, ainsi que de représentants du Ministère de la défense, de la Direction générale des forces de sécurité intérieure, de la Direction générale de la sécurité générale, du Ministère du travail, du Ministère de l’éducation et de l’enseignement supérieur, du Ministère des affaires sociales, du Ministère de la santé publique, du Ministère de l’économie et du commerce, du Ministère des affaires étrangères et des émigrés, et de la Commission nationale de la femme libanaise.

B.Aspects positifs

Le Comité se félicite des progrès accomplis s’agissant de la réforme législative, en particulier des progrès ci-après, depuis l’examen du rapport valant quatrième et cinquième rapports périodiques en 2015 :

a)la modification, en décembre 2020, de la loi no293 de 2014 relative à la protection des femmes et de tous les membres de la famille contre la violence domestique, qui reconnaît la violence économique comme une forme de violence domestique et vise à améliorer l’efficacité de la protection offerte aux victimes de violence ;

b)l’adoption, en décembre 2020, de la loi no 205 relative au harcèlement sexuel et à la réadaptation des victimes de harcèlement sexuel, qui pénalise ce comportement au travail et dans l’espace public, et garantit la réadaptation des victimes et leur réinsertion dans la société ;

c)l’adoption, en janvier 2020, d’un décret portant création d’une commission chargée de lutter contre la pandémie de COVID-19 et de suivre l’évolution de la situation, et qui compte 30 % de femmes parmi ses membres ;

d)l’adoption de la loi no 53, qui abroge l’article 522 du Code pénal, qui permettait à un violeur d’échapper à des sanctions en épousant sa victime ;

e)l’adoption, en octobre 2016, de la loi no 62, qui porte création de la Commission nationale des droits humains, une entité chargée de suivre la situation des droits humains, d’examiner les lois et d’enquêter sur les plaintes pour violation des droits humains.

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et politique en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité entre les genres. À cet égard, il se félicite des mesures suivantes :

a)l’adoption d’une stratégie nationale de lutte contre la violence à l’égard des femmes et des filles (2019-2029) en 2019 ;

b)l’adoption d’un plan stratégique pour la protection des femmes et des enfants du Liban (2019-2026) en 2019 ;

c)l’adoption, en septembre 2019, d’un plan d’action national de mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes et la paix et la sécurité, et de promotion de la participation des femmes à toutes les étapes des processus de paix ;

d)l’adoption d’un plan d’autonomisation économique des femmes en janvier 2019 ;

e)l’adoption, en 2019, d’un plan d’action stratégique sur trois ans (2019-2022) par la commission parlementaire sur les femmes et les enfants, dont l’objectif est de réaliser un examen d’ensemble afin de garantir que la législation est compatible avec les dispositions de la Convention, et de modifier ou d’abroger toutes les lois discriminantes à l’égard des femmes ;

f)l’adoption d’un plan d’action pour la Commission nationale de la femme libanaise (2018-2022) en 2018 ;

g)l’adoption, en 2017, d’une stratégie nationale pour l’égalité des genres (2017-2030), basée sur la stratégie nationale pour les femmes du Liban (2011-2021), dont l’un des objectifs stratégiques est de lutter contre toutes les formes de violence fondée sur le genre à l’égard des femmes et des filles, dans tous les domaines.

C.Objectifs de développement durable

Le Comité se félicite de l ’ appui international à la réalisation des objectifs de développement durable et appelle à la concrétisation de jure (dans la loi) et de facto (dans les faits) de l ’ égalité entre les genres, conformément aux dispositions de la Convention, dans le cadre du processus de mise en œuvre du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030. Il rappelle l ’ importance de l ’ objectif 5 et du respect des principes d ’ égalité et de non-discrimination dans le cadre des 17 objectifs. Il encourage vivement l ’ État partie à reconnaître le rôle moteur des femmes dans le développement durable et à adopter des politiques et des stratégies en conséquence.

D.Parlement

Le Comité rappelle que le pouvoir législatif a un rôle central à jouer et doit garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir A/65/38 , partie 2, annexe VI). Il invite le Parlement libanais, conformément à son mandat, à prendre les mesures nécessaires en vue de mettre en œuvre les présentes observations finales avant que l ’ État partie ne soumette son prochain rapport périodique en application de la Convention.

E.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Contexte général

Le Comité n’ignore pas les effets dévastateurs de la combinaison de problèmes économiques, financiers, sociaux et sécuritaires que rencontre l’État partie, la crise politique et institutionnelle simultanée, et l’incidence sur l’économie et la stabilité nationales de l’explosion survenue dans le port de Beyrouth en août 2020. Toutes ces problématiques sont des obstacles qui freinent la mise en œuvre des droits garantis par la Convention. Il appelle la communauté internationale à intensifier son appui financier à l’État partie, afin que ce dernier puisse répondre aux demandes extraordinaires générées par la situation, et souligne que toutes ressources additionnelles devraient être allouées aux plus nécessiteux. Néanmoins, il prend note du fait que de nombreuses mesures ont été prises pour promouvoir les droits des femmes, notamment grâce à l’élaboration de plusieurs projets de loi relatifs au mariage civil et aux rapports familiaux, à la transmission de la nationalité, aux mariages d’enfants, aux quotas électoraux, à la traite des personnes, aux droits des travailleuses migrantes et des femmes rurales, et à la levée des réserves à la Convention. Il appelle l’État partie à montrer sa volonté et sa détermination politiques à garantir les droits des femmes en adoptant à titre prioritaire des dispositions juridiques pour les protéger.

Droits des femmes et égalité des genres dans le contexte de la pandémie de COVID-19 et des efforts de relèvement

Le Comité de félicite du plan élaboré par la commission parlementaire sur les femmes et les enfants visant à organiser une série d’audiences publiques sur le thème « La sécurité économique des femmes en situation de crise » afin de lutter contre les effets négatifs de la pandémie, ainsi que des autres crises auxquelles se heurte le Liban, sur la sécurité économique des femmes. Il prend note du fait que, dans le cadre de la pandémie, les femmes victimes de violence domestique ne sont plus tenues de déposer plainte auprès du procureur et peuvent témoigner par téléphone si elles ne sont pas en mesure de se présenter physiquement au service judiciaire concerné, et qu’un numéro d’urgence a été créé pour les victimes de violence domestique. Cependant, il prend également note du fait qu’aucune mesure particulière n’a été adoptée pour atténuer les effets de la pandémie sur l’exercice des droits des femmes.

Le Comité, conformément à sa note d ’ orientation sur les obligations des États parties à la Convention dans le contexte de la COVID-19, publiée le 22 avril 2020, recommande à l ’ État partie  :

a) de mettre en œuvre des mesures institutionnelles, législatives et politiques pour combler les inégalités de longue date entre les femmes et les hommes, et donner un nouvel élan à la réalisation de l ’égalité des genres en plaçant les femmes au centre des stratégies de relèvement de la COVID-19 en tant que priorité stratégique pour un changement durable, conformément aux objectifs de développement durable ;

b) de veiller à ce que, dans le cadre des mesures de confinement, qu ’elles soient partielles ou totales, et des plans de relèvement après la crise, les femmes et les filles ne soient pas reléguées à des rôles stéréotypés liés au genre ;

c) de garantir l’ égalité de participation des femmes et des filles, notamment des groupes de femmes désavantagés et marginalisés, à l’élaboration et l’exécution des programmes de relèvement dans le contexte de la COVID-19 ;

d) de faire en sorte que les femmes et les filles bénéficient sur un pied d ’ égalité des mesures de relance destinées à atténuer l ’ impact socioéconomique de la pandémie, notamment d ’ aides financières pour leurs prestations de soins non rémunérés.

Réserves et Protocole facultatif se rapportant à la Convention

Le Comité prend note du fait que la Commission nationale de la femme libanaise réalise des études en vue d’inclure une loi unifiée sur le statut personnel dans le droit interne afin de garantir l’égalité des genres, et constate les progrès accomplis concernant l’examen d’un projet de loi visant à reconnaître le droit des femmes libanaises de transmettre leur nationalité à leurs enfants. Toutefois, il constate avec préoccupation que l’État partie maintient ses réserves aux articles 9 2) sur l’égalité des droits concernant la nationalité des enfants, 16 1) c), d), f) et g) sur l’égalité dans le cadre du mariage et des rapports familiaux, et l’article 29 1) sur l’arbitrage en cas de différend de la Convention. Il constate également que l’État partie n’a pas ratifié le Protocole facultatif à la Convention ou n’y a pas adhéré.

Le Comité réitère ses précédentes recommandations ( CEDAW/C/LBN/CO/4-5 , par. 16) et demande instamment à l ’ État partie d ’ accélérer ses efforts en vue de retirer ses réserves à la Convention, en particulier à l ’ article 9 2) sur l ’ égalité des droits concernant la nationalité des enfants et l ’ article 16 1) c), d), f) et g) sur l ’ égalité dans le mariage et les rapports familiaux, qui sont incompatibles avec l ’ objet et le but de la Convention, et constituent un obstacle à l ’ application de cet instrument dans son ensemble, comme le Comité l ’ a indiqué dans ses recommandations générales n o 21 (1994) sur l ’ égalité dans le mariage et les rapports familiaux et n o 29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage, et des liens familiaux et de leur dissolution.

Cadre constitutionnel et législatif

Le Comité se félicite des mesures prises par la commission parlementaire sur les femmes et les enfants, en particulier des propositions et des projets de loi relatifs à la modification du Code pénal en vue d’élargir la définition du viol et du Code du travail en vue de garantir le respect du principe d’une rémunération égale à travail égal. Toutefois, il note avec préoccupation qu’il n’existe aucune définition ou interdiction juridique de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, notamment de la discrimination directe et indirecte exercée par les acteurs étatiques et non étatiques dans les sphères publique et privée, ainsi que des formes de discrimination croisée. Il constate qu’il n’y a aucun calendrier clair pour l’examen des lois discriminantes et que le sexe ne constitue pas un motif de discrimination dans les articles 9 et 10 de la Constitution.

Rappelant les correspondances entre les articles 1 er et 2 de la Convention et la cible 5.1 des objectifs de développement durable visant à mettre fin, partout dans le monde, à toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes et des filles, le Comité appelle l’ État partie :

a) à réviser la Constitution, notamment l’ article 9, afin de garantir sa cohérence avec la Convention et d’y inclure une interdiction explicite de la discrimination fondée sur le sexe ;

b) à veiller à l’ adoption d’une législation définissant et interdisant toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, conformément aux articles 1 er et 2 de la Convention, et couvrant la discrimination directe et indirecte dans les sphères publique et privée, ainsi que les formes de discrimination croisée ;

c) à adopter un calendrier et à accélérer la mise en œuvre d ’ un examen législatif complet en vue de modifier ou d ’ abroger toutes les lois discriminantes à l ’ égard des femmes.

Accès des femmes à la justice

Le Comité prend note du fait qu’une aide juridictionnelle gratuite est proposée aux femmes ne disposant pas de ressources suffisantes et qu’une assistance gratuite est offerte par des avocats dans des centres spécialisés pour les groupes de femmes marginalisés, notamment dans les zones reculées. Cependant, il constate que les dispositions de la Convention n’ont été invoquées ou appliquées directement dans aucune procédure judiciaire. Il relève avec inquiétude qu’il est peu tenu compte des questions de genre dans le cadre des enquêtes, des poursuites et des procédures de collecte des éléments de preuve, et qu’il est fait état de préjugés liés au genre dans le cadre judiciaire, ce qui met en péril l’accès des femmes à la justice et à des recours utiles, en particulier dans les affaires de violence sexuelle ou d’autre formes de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre. Il est préoccupé par les informations selon lesquelles les employées de maison migrantes peinent à accéder à la justice lorsqu’elles souhaitent signaler des violences.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de renforcer les capacités des juges, des procureurs, des avocats et des agents de police, notamment en rendant la sensibilisation à la Convention et au x recommandations générales du Comité obligatoire dans le cadre de la formation professionnelle ;

b) de consolider la prise en compte des questions de genre et la sensibilisation à ces questions au sein du système de la justice, notamment en augmentant le nombre de femmes dans le secteur judiciaire et en donnant systématiquement la possibilité aux juges, aux procureurs, aux agents de police, aux avocats et aux experts légistes de renforcer leur connaissance des droits des femmes et des méthodes d ’enquête tenant compte des questions de genre ;

c) de faire en sorte que les femmes victimes de violence et de discrimination fondées sur le genre aient accès à des recours utiles et un appui aux victimes, comme une aide médicale et psychologique, et des centres d’ accueil ;

d) de collecter systématiquement des données sur le nombre et le type de plaintes pour violence déposées par les employées de maison migrantes, le nombre d ’enquêtes ouvertes, de poursuites engagées et de condamnations prononcées, et les peines imposées aux responsables, en particulier dans les affaires de suicide et de décès, en les ventilant par nationalité, âge et relation entre la victime et le responsable ;

e) de continuer de renforcer l ’aide juridictionnelle et les programmes d’orientation sociale afin de garantir que les femmes, en particulier celles qui vivent dans des régions rurales et reculées, et celles qui appartiennent à des groupes défavorisés et marginalisés, ont accès à une assistance juridique abordable, voire gratuite, et de diffuser des informations sur les mécanismes et procédures permettant aux femmes et aux filles de demander réparation pour les violations de leurs droits.

Mécanisme national de promotion des femmes

Le Comité se félicite des nombreuses mesures prises pour généraliser les droits des femmes et mettre en œuvre le deuxième plan d’action national (2017-2019) visant à appliquer la stratégie nationale pour les femmes du Liban (2011-2021) dans la loi, dans la vie économique et dans les médias. Toutefois, il constate avec préoccupation que la Commission nationale de la femme libanaise dispose d’un mandat et d’une autorité limités, ce qui réduit son incidence, et que les ressources qui lui sont allouées par l’État sont insuffisantes. Il prend note de la nomination de coordonnatrices ou coordonnateurs pour les questions d’égalité des genres dans tous les ministères et dans différents services gouvernementaux, et des efforts faits par l’État partie pour intégrer les questions de genre dans le cadre de ses politiques et programmes. Toutefois, il note avec inquiétude que la nomination des coordonnatrices ou coordonnateurs pour les questions d’égalité des genres n’a pas encore été institutionnalisée. Par ailleurs, il relève que l’État partie est en train d’élaborer une nouvelle stratégie nationale pour les femmes du Liban (2022-2030).

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de garantir l ’indépendance de la Commission nationale de la femme libanaise, de lui confier un mandat solide s ’agissant des droits des femmes et l’autorité de coordonner des politiques sur les droits des femmes, l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes, et de veiller à ce qu’elle ait des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour mener à bien sa mission ;

b) d’institutionaliser la nomination de coordonnatrices ou coordonnateurs pour les questions d’égalité des genres dans tous les ministères et services gouvernementaux  ;

c) d ’accélérer l’adoption d’une nouvelle stratégie nationale pour les femmes du Liban (2022-2030) en intégrant explicitement les recommandations du Comité et en renforçant l’assistance technique fournie par des organismes des Nations Unies ;

d) d ’examiner le rétablissement d’un ministère chargé des droits des femmes afin qu’il supervise, coordonne et dirige tous les efforts faits pour protéger et consolider les droits des femmes.

Institution nationale des droits humains

Le Comité prend note de l’adoption de la loi portant création de la Commission nationale des droits humains mais constate avec inquiétude que cette institution n’est toujours pas opérationnelle.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ allouer, de manière prioritaire, à l ’ institution nationale des droits humains des ressources humaines, techniques et financières suffisantes, et de veiller à ce que celle-ci coopère avec les organisations de défense des droits des femmes de la société civile, lui permettant ainsi de s ’ acquitter de son mandat en respectant pleinement les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris).

Mesures temporaires spéciales

Le Comité prend note du fait que la Commission nationale de la femme libanaise a proposé de mettre en place des quotas de femmes parmi les candidats aux élections législatives et municipales. Toutefois, il prend également note du fait que l’État partie n’a adopté aucune mesure temporaire spéciale pour parvenir à une égalité réelle entre les femmes et les hommes dans les domaines où celles-ci sont sous-représentées ou désavantagées, comme dans les domaines de la participation politique, de l’éducation, de l’emploi et des soins de santé.

Conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à sa recommandation générale n o 25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) d’ adopter urgemment les projets de lois introduisant un quota minimal de femmes candidates sur les listes des partis politiques dans le cadre des élections parlementaires et municipales, ainsi que des sanctions en cas de non-respect ;

b) d ’adopter des mesures temporaires spéciales pertinentes afin de promouvoir la participation des femmes dans tous les domaines visés par la Convention et dans lesquels celles-ci sont sous-représentées ou désavantagées, en particulier dans les domaines de la participation politique, de l ’ éducation, de l ’ emploi et des soins de santé, en les accompagnant de cibles et de repères soumis à un calendrier, ainsi que de sanctions en cas de non-respect, l ’ objectif étant d ’ accélérer la réalisation d ’ une égalité réelle entre les femmes et les hommes, tout particulièrement aux postes de prise de décisions.

Stéréotypes et pratiques préjudiciables

Le Comité prend note de l’étude réalisée par la Commission nationale de la femme libanaise sur les questions de genre, les médias, et la représentation des femmes et des hommes dans la publicité, et dans le cadre de laquelle des descriptions stéréotypées et discriminantes des femmes ont été recensées. Il prend également note du fait que le personnel des médias a bénéficié de formations pour apprendre à relayer des informations relatives aux femmes, qu’un guide de formation et un code de conduite ont été élaborés, et qu’un observatoire des médias a été créé afin de lutter contre les stéréotypes discriminants dans ce secteur. Toutefois, il constate avec inquiétude que le respect du code de conduite relatif au traitement des questions de genre par le personnel des médias ne fait l’objet d’aucun suivi et que l’État partie n’a adopté aucune stratégie globale assortie d’un budget et d’objectifs axés sur les résultats pour éliminer les stéréotypes discriminants à l’égard des femmes.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de garantir l’ indépendance de l’observatoire des médias et de le doter de ressources humaines, techniques et financières suffisantes afin qu’il puisse efficacement suivre le respect des droits des femmes et de l’égalité des genres dans les médias, et faire appliquer le code de conduite relatif au traitement des questions de genre par le personnel des médias, notamment en définissant des sanctions en cas de non-respect  ;

b) de poursuivre les efforts de sensibilisation aux droits des femmes et à l ’égalité des genres auprès des journalistes et du personnel des médias, et d’inclure l’éducation aux droits des femmes dans la formation professionnelle de ces derniers ;

c) d ’accélérer l ’ adoption d ’ une stratégie globale, assortie d ’ un budget et d ’ objectifs axés sur les résultats, visant à éliminer les stéréotypes discriminants sur les rôles et responsabilités des femmes et des hommes au sein de la famille et de la société.

Violence à l’égard des femmes fondée sur le genre

Le Comité se félicite de la modification de la loi no 293 de 2014 sur la protection des femmes et de tous les membres de la famille contre la violence domestique adoptée le 21 décembre 2020, particulièrement de l’extension de la notion de violence intrafamiliale afin d’inclure les actes perpétrés dans le cadre d’un couple marié et de la pénalisation de la violence psychologique et économique. Il prend note du fait que les plaintes déposées pour violence domestique sont enregistrées dans une base de données unifiée et que les données relatives aux affaires de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre sont ventilées par âge, nationalité et type de relation entre la victime et l’auteur des faits. Il salue l’adoption de la loi no 205 de 2020 sur le harcèlement sexuel et la réadaptation des victimes de harcèlement sexuel. Cependant, il constate avec préoccupation :

a)le manque de rigueur avec lequel les sanctions prévues par la nouvelle loi no 293 sont appliquées ;

b)les retards importants accumulés s’agissant de la création de tribunaux spécialisés chargés des affaires de violence fondée sur le genre et d’un fonds spécial d’aide aux femmes victimes de ce type de violence ;

c)l’insuffisance des services de soutien aux victimes, notamment le nombre limité de structures d’accueil dans l’État partie ;

d)l’absence de protections clés dans la loi no 205, ce qui signifie que ce texte ne correspond pas aux normes internationales ;

e)le fait que les affaires de voies de fait et de viol perpétrés à l’encontre de femmes par des membres des forces de sécurité ne font l’objet d’une enquête qu’à la demande des tribunaux militaires ou civils, en fonction des circonstances de chaque affaire.

Rappelant sa recommandation générale n o 35 (2017) sur la violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de sa recommandation générale n o 19, et conformément à la cible 5.2 des objectifs de développement durable visant à éliminer de la vie publique et de la vie privée toutes les formes de violence faite aux femmes et aux filles, le Comité prie instamment l ’ État partie  :

a) de garantir l ’application effective des sanctions prévues par la loi n o 293 ;

b) de créer sans délai des tribunaux spécialisés chargés des affaires de violence fondée sur le genre et un fonds spécial afin de venir en aide aux femmes victimes de ce type de violence ;

c) de renforcer les services de soutien aux femmes victimes de violence fondée sur le genre afin de répondre à la demande, notamment en veillant à ce qu ’il y ait un nombre suffisant de structures d’accueil, et de leur allouer un financement adapté afin de garantir leur durabilité ;

d) de modifier la loi n o 205 afin d’y inclure des protections clés et d’examiner la ratification de la Convention de 2019 sur la violence et le harcèlement (n o 190) de l’Organisation internationale du Travail (OIT) ;

e) de veiller à ce que les affaires de voies de fait et de viol perpétrés à l ’ encontre de femmes par des membres des forces de sécurité fassent l ’ objet d ’ enquêtes d ’ office par une autorité judiciaire indépendante.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité prend note du projet de modification de la loi no 164 de 2011 sur la lutte contre la traite des personnes, qui prévoit des sanctions, la création d’une commission nationale de lutte contre la traite, et la fourniture d’aide et de protection aux victimes. Il prend également note de la stratégie adoptée pour lutter contre la traite des personnes et les agression sexuelles, de la mise en place d’un numéro d’urgence pour recevoir les plaintes, et de la coopération instaurée avec des organisations de la société civile afin d’assurer des services et une protection aux victimes de la traite dans les structures d’accueil. Toutefois, il se dit préoccupé par les centaines de femmes étrangères recrutées par les trafiquants chaque année (jusqu’à 3 000 en 2019) dans le cadre des visas d’artiste puis forcées à se prostituer. Il constate avec inquiétude que ces femmes sont poursuivies au titre de l’article 523 du Code pénal et expulsées s’il est prouvé qu’elles se sont livrées à des activités de prostitution, en dépit de la protection dont elles bénéficient au titre de la loi no 164.

Conformément à sa recommandation générale n o 38 (2020) sur la traite des femmes et des filles dans le contexte des migrations internationales, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) d ’accélérer l’adoption du projet de modification de la loi n o 164 ;

b) de renforcer la capacité du pouvoir judiciaire et des responsables de l ’application des lois de repérer, de protéger et d’orienter les femmes et les filles victimes de la traite, et de garantir que les femmes recrutées dans le cadre des visas d’artiste et s’étant livrées à des activités de prostitution sont exonérées de toute responsabilité pénale ou autre et considérées comme des victimes de la traite ;

c) de faire en sorte que les victimes de la traite, notamment les femmes recrutées dans le cadre des visas d ’artiste, puissent déposer plainte contre ces violences, sans craindre d’être arrêtées, placées en détention ou expulsées ;

d) de s ’assurer que toutes les affaires de traite et d’exploitation font l’objet d’enquêtes, et que les responsables, notamment les agents publics auteurs de tels actes, sont poursuivis et punis, et de garantir que les victimes de la traite et de l’exploitation à des fins de prostitution sont exonérées de toute responsabilité pénale ;

e) de veiller à ce que les victimes de la traite bénéficient d ’un traitement médical, d’un appui psychologique, d’une assistance juridictionnelle et de services d’interprétation ;

f) de mener des campagnes afin de sensibiliser le grand public au caractère criminel de la traite des femmes et des filles  ;

g) de recueillir des informations sur la traite des femmes et des filles et de renforcer la coopération avec d’autres pays en vue de faciliter l’échange d’informations et la poursuite des trafiquants ;

h) de redoubler d ’ efforts pour réduire la demande de sexe tarifé.

Participation égale des femmes à la vie politique et publique

Le Comité prend note du fait que la délégation a déclaré au cours du dialogue que l’État partie avait brisé un tabou dans le monde arabe en nommant, pour la première fois, des femmes à la tête des ministères de la défense, des affaires étrangères et de la justice. Toutefois, il constate avec inquiétude que les femmes ne représentent que 4,7 % des sièges parlementaires et sont toujours sous-représentées dans les ministères et les conseils municipaux, ainsi qu’aux postes de direction au sein des partis politiques et au niveau décisionnel de l’administration publique. Le Comité se dit préoccupé par les informations selon lesquelles 78 % des candidates aux élections législatives de 2018 ont été victimes de violence, notamment de menaces, de violence en ligne, de passages à tabac, de dommages matériels et de harcèlement, y compris de harcèlement sexuel, de voies de fait et d’insultes à caractère sexuel.

Conformément à sa recommandation générale n o 23 (1997) sur la participation des femmes à la vie politique et publique et à la cible 5.5 des objectifs de développement durable consistant à veiller à ce que les femmes participent pleinement et effectivement aux fonctions de direction à tous les niveaux de décision, dans la vie politique, économique et publique, et y accèdent sur un pied d ’ égalité, le Comité prie instamment l ’ État partie  :

a) d ’adopter urgemment, en vue des élections législatives de mai 2022, des modifications afin d’établir un quota minimal de 30  % de candidates sur les listes électorales des partis politiques, et d’exiger une couverture médiatique égale afin de promouvoir la participation égale des femmes à la vie politique ;

b) d ’adopter des mesures temporaires spéciales, conformément à l’article 4 1) de la Convention, notamment des quotas réglementaires relatifs à la représentation des femmes aux postes de prise de décisions dans l’administration publique, les affaires étrangères, la police et les forces de défense, et de mettre en place, le cas échéant, un processus de recrutement préférentiel à l’égard des femmes ;

c) d ’adopter une loi sur la violence à l’égard des femmes dans le domaine politique, notamment la violence en ligne, et d’améliorer la protection des candidates, notamment en organisant des campagnes de sensibilisation du public, en poursuivant les auteurs de violence à l’égard de candidates, et en offrant une réparation efficace aux victimes ;

d) de renforcer les capacités d ’organisation d’une campagne politique et de direction des candidates aux élections, et de garantir leur accès à un financement suffisant .

Les femmes et la paix et la sécurité

Le Comité se félicite que la délégation ait fait savoir lors du dialogue que grâce à une décision adoptée en 2021, l’armée s’était ouverte aux femmes et des femmes officiers participaient désormais à la prise de décisions. Il se félicite également de l’adoption, en 2019, du plan d’action national pour la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes et la paix et la sécurité, et de la désignation de la Commission nationale de la femme libanaise comme entité chargée de suivre sa mise en œuvre. Toutefois, il se dit préoccupé par le faible niveau de mise en œuvre du plan d’action national.

Conformément à sa recommandation générale n o 30 (2013) sur les femmes dans la prévention des conflits, les conflits et les situations d ’ après conflit, ainsi qu ’ à la résolution 1325 (2000) et aux résolutions ultérieures du Conseil de sécurité sur les femmes et la paix et la sécurité, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de veiller à ce que des ressources adaptées soient allouées à l ’exécution du plan d’action national relatif à la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes et la paix et la sécurité, et de fournir des informations sur les résultats dudit plan dans son prochain rapport périodique  ;

b) de faire en sorte d ’effectivement associer les organisations de promotion des droits des femmes à l ’ exécution, au suivi et à l ’ évaluation du plan d ’ action national, ainsi qu ’ à l ’ élaboration des plans et autres stratégies ultérieurs liés aux processus de reconstruction après les conflits.

Défenseuses des droits humains

Le Comité se félicite que la délégation ait indiqué au cours du dialogue que l’État partie était pleinement disposé à coopérer avec les organisations de la société civile et les personnes qui défendent les droits humains. Toutefois, il prend note avec inquiétude des informations selon lesquelles les défenseuses des droits humains sont victimes de harcèlement, leur liberté d’expression est entravée et l’espace civique se réduit dans l’État partie.

Le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que les défenseuses et militantes des droits humains puissent librement mener à bien leur travail de plaidoyer en faveur des droits humains des femmes et exercer leurs droits à la liberté d ’ expression, de réunion pacifique et d ’ association, sans faire l ’ objet de harcèlement, de surveillance ou d ’ autres restrictions excessives.

Nationalité

Le Comité prend note du fait qu’un projet de loi visant à modifier la loi sur la nationalité actuellement en vigueur a été soumis au Premier ministre en 2019. Toutefois, il constate avec préoccupation que le décret no 15 de 1925 sur la nationalité libanaise, actuellement en vigueur, contient des dispositions discriminantes à l’égard des femmes, empêchant ces dernières de transmettre leur nationalité libanaise à leurs conjoints ou enfants étrangers et de conserver leur nationalité sur un pied d’égalité avec les hommes.

Rappelant sa précédente recommandation ( CEDAW/C/LBN/CO/4-5 , par. 16), le Comité recommande à l ’ État partie d ’ abroger le décret n o 15 et d ’ adopter une législation garantissant aux femmes l ’ égalité des droits par rapport aux hommes et leur permettant ainsi de transmettre leur nationalité à leur conjoint et à leurs enfants étrangers.

Éducation

Le Comité se félicite des informations fournies par la délégation au cours du dialogue, selon lesquelles des mesures ont été prises pour encourager les garçons à devenir enseignants et les filles à poursuivre des études scientifiques, l’objectif étant de clarifier les trajectoires professionnelles et de lutter contre les stéréotypes de genre, et une stratégie unifiée pour l’éducation a été adoptée pour le bénéfice de tous les élèves, notamment les plus vulnérables, et sera déployée en 2026. Il prend note du fait que les livres scolaires ne sont publiés qu’une fois que le Centre de recherche-développement sur l’éducation en a examiné le contenu, en tenant compte des questions de genre, et que le matériel et les ouvrages pédagogiques utilisés dans les écoles privées sont eux aussi soumis au Centre pour examen et validation, notamment à un audit de genre. Toutefois, il note avec préoccupation que le nombre de garçons inscrits dans le système d’éducation formelle est faible par rapport à celui des filles, que les garçons sont forcés de travailler en raison de la crise économique ou suivent sans doute la voie de leur père dans les affaires ou la politique, et que cette situation à une incidence potentielle sur la valeur accordée à l’éducation des filles et sur leurs perspectives professionnelles. Il note également avec préoccupation que les coûts liés à l’éducation, notamment les coûts de transport, empêchent de nombreuses filles d’aller à l’école et que le taux de scolarisation des filles réfugiées est très faible.

Conformément à sa recommandation générale n o 36 (2017) sur le droit des filles et des femmes à l ’ éducation et à la cible 4.1 des objectifs de développement durable qui vise à faire en sorte que, d ’ ici à 2030, toutes les filles et tous les garçons suivent, sur un pied d ’ égalité, un cycle complet d ’ enseignement primaire et secondaire gratuit et de qualité, qui débouche sur un apprentissage véritablement utile, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de poursuivre ses effo rts pour examiner les programmes et les livres scolaires afin d’éliminer les stéréotypes de genre, de donner à voir les femmes et des hommes de manière équilibrée et une distribution égale des attributions sociales, et de promouvoir une culture de l’égalité des genres ;

b) de mettre en place une stratégie particulière et de mener des campagnes publiques de grande ampleur à l ’attention des femmes et des hommes à tous les niveaux de la société afin de rappeler que l’éducation ouvre des perspectives et permet d’aller plus loin dans sa carrière professionnelle, et de promouvoir des images positives des femmes en tant que participantes à la vie économique, sociale et politique ;

c) d’associer les responsables scolaires aux programmes gouvernementaux afin de promouvoir l’égalité des genres et d’informer les enseignants, les directeurs et les conseillers d’éducation sur les perspectives d’emploi dans des secteurs stratégiques afin qu’ils puissent diversifier les orientations proposées aux filles et aux garçons, l’objectif étant de lutter contre les stéréotypes de genre et d’améliorer les chances d’égalité ;

d) d ’intensifier les efforts faits pour accroître le taux d’inscription, de rétention et d’achèvement des femmes et des filles à tous les niveaux d’éducation, et de garantir la fourniture de transports gratuits à tous les élèves, en particulier ceux des zones rurales, afin de retenir les filles et les garçons dans le système éducatif ;

e) de prendre des mesures ciblées afin d ’ améliorer la fréquentation scolaire des filles réfugiées.

Emploi

Le Comité salue l’État partie pour l’adoption de la loi no 205 qui pénalise le harcèlement sexuel au travail. Il se félicite que la délégation ait indiqué au cours du dialogue qu’un plan avait été adopté, notamment une campagne médiatique, pour promouvoir la loi et des façons de protéger les femmes. Cependant, il reste préoccupé par la persistance de l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes dans l’État partie, de la ségrégation verticale et horizontale sur le marché du travail, et du manque de structures de garde d’enfants pour permettre aux femmes et aux hommes de concilier leur vie familiale et professionnelle.

Le Comité attire l ’ attention sur sa recommandation générale n o 13 (1989) sur l ’ égalité de rémunération pour un travail de valeur égale et la cible 8.5 des objectifs de développement durable visant, d ’ ici à 2030, à parvenir au plein emploi productif et garantir à toutes les femmes et à tous les hommes, y compris les jeunes et les personnes handicapées, un travail décent et un salaire égal pour un travail de valeur égale, et recommande à l ’ État partie  :

a) de renforcer la connaissance qu’ ont les employeurs et les employées des dispositions de la loi n o 205 et des recours existants pour les victimes, et de faire en sorte que toutes les allégations de harcèlement sexuel fassent effectivement l’objet d’une enquête et que les auteurs des faits soient punis en conséquence ;

b) de revoir les salaires dans tous les secteurs, en appliquant des méthodes analytiques de classification et d’évaluation des postes tenant compte des questions de genre, et de faire appliquer le principe selon lequel un travail égal mérite un salaire égal afin de réduire et, à terme, résorber l’écart de rémunération ;

c) d ’adopter et de mettre en œuvre des politiques visant à éliminer la ségrégation horizontale et verticale des emplois, notamment en encourageant les femmes et les filles à choisir des carrières non traditionnelles, en particulier les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques, et les technologies de l’information et des communications, et en éliminant les préjugés liés au genre et en brisant le plafond de verre qui empêche les femmes d’atteindre des postes de cadre dirigeant ;

d) de promouvoir le partage équitable des responsabilités familiales et domestiques entre les femmes et les hommes, d ’accroître la disponibilité de structures de garde d ’ enfant et d ’ aménager les modalités de travail afin de permettre aux femmes et aux hommes de concilier leur vie de famille et leur vie professionnelle.

Autonomisation économique

Le Comité se félicite de la création du Ministère de l’autonomisation économique des femmes et des jeunes, et du lancement, en 2019, d’un plan national pour l’autonomisation économique des femmes, ainsi que de l’adoption de mesures spéciales visant à accroître la participation des femmes au marché du travail. Toutefois, il constate que les femmes n’ont qu’un accès limité à l’emprunt et à d’autres formes de crédit financier, ainsi qu’aux droits fonciers et successifs.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de fournir un appui adapté aux entrepreneuses en facilitant leur accès à des débouchés générateurs de revenus et au crédit financier, notamment aux prêts à faible taux d’intérêt et sans garantie ;

b) de veiller à la diffusion de l ’information relative aux mécanismes de prêt et aux aides au revenu, et à la fourniture de conseils et d’une assistance dans le cadre des demandes de prêts et d’aides au revenu, en particulier pour les femmes rurales ;

c) d ’accélérer l’adoption d’une loi sur le statut personnel civil afin de garantir l’ég alité d ’ accès des femmes aux droits foncier et successifs.

Santé

Le Comité se félicite des informations données par la délégation au cours du dialogue concernant la fourniture de services de santé aux femmes victimes de violence fondée sur le genre, notamment de viol. Toutefois, il note avec préoccupation qu’aucune mesure n’a encore été prise pour intégrer une formation adaptée à l’âge sur la santé sexuelle et reproductive et les droits connexes dans les programmes scolaires ou pour améliorer l’accès des femmes et des adolescentes, en particulier des femmes et des filles rurales, aux services de santé sexuelle et procréative. Il note également avec préoccupation le manque d’informations sur les conséquences des avortements pratiqués dans des conditions dangereuses et illégales, et l’absence de mesures pour légaliser l’avortement en cas de viol, d’inceste, de risques pour la santé de la femme enceinte et de problème fœtal grave.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) d ’intégrer une formation adaptée à l’âge sur la santé sexuelle et reproductive et les droits connexes dans les programmes scolaires des filles et des garçons à tous les niveaux d’enseignement, notamment des informations sur les moyens modernes de contraception et de planification familiale ;

b) de renforcer l ’accès des femmes et des filles, en particulier des femmes et des filles rurales, aux services de santé sexuelle et procréative ;

c) de collecter des données et de mener des recherches sur la prévalence des avortements non sécurisés dans l ’État partie, en les ventilant par âge et emplacement géographique ;

d) de légaliser l ’avortement en cas de viol, d’inceste, de risques pour la santé de la femme enceinte et de problème fœtal grave, de le dépénaliser dans tous les autres cas, et de garantir l ’ accès à l ’ avortement sécurisé et à des soins après l ’ intervention.

Changements climatiques et réduction des risques de catastrophe

Le Comité salue les campagnes de sensibilisation du public à la protection de l’environnement et la prévention des risques environnementaux menées par l’État partie, ainsi que la prise en compte systématique des questions de genre dans les stratégies, les plans et les projets des ministères de l’environnement et de l’agriculture. Toutefois, il constate avec inquiétude qu’il n’existe aucune stratégie nationale visant à lutter contre les risques et problèmes environnementaux et les changements climatiques, et à réduire les risques de catastrophe qui tienne compte de la problématique femmes-hommes.

Conformément à sa recommandation générale n o 37 (2018) relative aux aspects liés au genre de la réduction des risques de catastrophe dans le contexte des changements climatiques, le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que les femmes soient représentées et participent à l ’ élaboration des lois, des politiques et des programmes liés aux changements climatiques, aux secours en cas de catastrophe et à la réduction des risques de catastrophe. Il lui recommande également d ’ intégrer une démarche soucieuse d ’ égalité entre les genres dans les plans et politiques susmentionnés, et de veiller à ce que les femmes, en particulier les femmes rurales, soient consultées lors de la phase d ’ élaboration. Il lui recommande en outre de prendre des mesures pour lutter contre les effets des changements climatiques, en particulier sur l ’ accès des femmes aux ressources et aux moyens de subsistance, afin de s ’ assurer que celles-ci ne sont pas touchées de manière disproportionnée.

Réfugiées et demandeuses d’asile

Le Comité félicite l’État partie d’avoir maintenu sa politique de longue date d’ouverture des frontières et d’accueil des réfugiés palestiniens et de la République arabe syrienne, et d’avoir accueilli plus de 2 millions de réfugiés. Toutefois, il reste préoccupé par le fait que la loi de 1962 régissant l’entrée et le séjour au Liban et la sortie du territoire ne fait pas de différence entre les demandeurs d’asile, les réfugiés et les migrants. Il se dit inquiet du nombre élevé de mariages d’enfants et/ou forcés signalés parmi les filles et les femmes réfugiées palestiniennes et syriennes.

Conformément à sa recommandation générale n o 32 (2014) relative aux aspects liés au genre des questions touchant les réfugiées, les demandeuses d ’ asile et la nationalité et l ’ apatridie des femmes, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de renforcer ses procédures de recensement des demandeurs d’ asile et d’octroi de l’asile, qui devraient tenir compte de la problématique femmes-hommes ainsi que de l’âge et de la culture des demandeurs, afin de garantir la détection systématique et rapide des femmes et des filles victimes de violence fondée sur le genre ou exposées à ce type de violence, et de leur fournir une aide adaptée ;

b) d ’examiner la loi de 1962 régissant l’entrée et le séjour au Liban et la sortie du territoire afin d’établir une distinction entre les besoins de protection des demandeuses d’asile et des réfugiées d’une part, et des migrantes d’autre part ;

c) de prévenir et l ’éliminer les mariages d’enfants et/ou forcés dans le cadre d’une action coordonnée, en collaboration avec des organisations non gouvernementales et les responsables communautaires, en particulier en sensibilisant au caractère criminel de ces pratiques et à leurs effets dévastateurs sur les filles et les femmes, et en s ’ assurant que tous les cas de mariage d ’ enfants et/ou forcé font l ’ objet d ’ une enquête et les responsables sont poursuivis et punis en conséquence, et en collectant de manière systématique des données sur le nombre de cas signalés, d ’ enquêtes ouvertes, de poursuites engagées et de condamnations prononcées, ainsi que sur les peines imposées dans les affaires de mariage forcé.

Employées de maison migrantes

Le Comité prend note de la mise en place, par le Ministère du travail, d’un numéro d’urgence permettant aux employés de maison de demander de l’aide et de déposer plainte. Toutefois, il reste préoccupé par le fait que le Conseil d’État a suspendu la mise en œuvre d’un nouveau contrat unique et harmonisé pour les employés de maison migrants, par les retards accumulés dans l’adoption d’une législation visant à protéger les employées de maison migrantes et par l’absence de données sur le nombre de décès d’employées de maison migrantes signalés dans l’État partie.

Le Comité recommande sans délai à l ’ État partie  :

a) de modifier le Code du travail afin d ’étendre sa protection aux employés de maison et de reconnaître les droits humains de ces derniers, conformément aux normes internationales ;

b) d ’intensifier les inspections du travail afin de suivre concrètement les conditions de travail des employés de maison, d’enquêter sur les violences et de les sanctionner ;

c) de veiller à ce que les employés de maison migrants disposent de contrats d ’emploi écrits et explicites, obtenus gratuitement, de manière juste et en pleine connaissance de cause, définissant leurs tâches, leurs horaires, leur rémunération, leurs jours de repos et autres conditions de travail, ainsi que d’informations sur l’accès à des mécanismes de plainte ;

d) de s ’assurer que les employées de maison migrantes jouissent d’un accès adapté à la justice, notamment d’une aide juridictionnelle gratuite et d’une protection contre les violences, ainsi que de recours juridiques utiles auprès des tribunaux civils et pénaux, afin de signaler les violations de leurs droits ;

e) de ratifier la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (n o 189) de l ’ OIT.

Femmes rurales

Le Comité considère comme une étape positive l’adoption de la Stratégie agricole nationale du Liban (2020-2025), qui vise à garantir l’égalité des genres dans le domaine de la production agricole et du développement rural durables, ainsi que la formation des femmes rurales au fonctionnement des coopératives, à la gestion d’une entreprise et à d’autres questions connexes. En revanche, il regrette que le Code du travail ne tienne pas encore compte des travailleurs agricoles.

Conformément à sa recommandation générale n o 34 (2016) sur les droits des femmes rurales et à la cible 5.a des objectifs de développement durable consistant à entreprendre des réformes visant à donner aux femmes les mêmes droits aux ressources économiques, ainsi que l ’ accès à la propriété et au contrôle des terres et d ’ autres formes de propriété, aux services financiers, à l ’ héritage et aux ressources naturelles, dans le respect de la législation interne, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de garantir la participation effective des femmes rurales à la planification et à la prise de décisions concernant la ge stion des ressources naturelles ;

b) de faciliter l ’accès des femmes rurales à un appui et une formation techniques en matière d’innovation et de nouvelles technologies agricoles, à des actifs agricoles comme les produits chimiques, les équipements, l’alimentation des animaux, les semences et l’énergie, aux marchés et aux services de commercialisation, ainsi qu’à des technologies et des services de vulgarisation adaptés ;

c) d ’étendre l’accès des femmes rurales à des prêts à faible taux d’intérêt et au crédit financier ;

d) de veiller à ce que les femmes et les filles des zones rurales aient accès à la protection sociale, à l ’éducation et aux services de santé, notamment aux services de santé sexuelle et procréative ;

e) de modifier le Code du travail afin d ’ y inclure les agricultrices.

Mariage et rapports familiaux

Le Comité prend note des projets de loi visant à garantir l’égalité des droits dans le cadre du mariage et des rapports familiaux, et à interdire le mariage d’enfants dans l’État partie. Toutefois, il note avec préoccupation que plusieurs lois religieuses relatives au statut personnel et contenant des dispositions discriminantes sur le mariage, le divorce et la garde des enfants sont applicables. Il note également avec préoccupation que le processus visant à réglementer le mariage civil est au point mort depuis plusieurs années et déplore l’absence d’un contrat facultatif de mariage civil et d’un code du statut personnel civil unifié. Il constate avec inquiétude que le mariage d’enfants n’est toujours pas interdit et prend note du nombre élevé de mariages d’enfants au sein des communautés de réfugiés et de personnes déplacées.

Rappelant ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/LBN/CO/4-5 , par. 46), le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) d ’adopter un contrat facultatif de mariage civil et un code du statut personnel civil unifié, fondés sur des principes d’égalité et de non-discrimination et sur le droit de choisir son appartenance religieuse dans le but de garantir l’égalité des droits des femmes et des hommes dans le cadre du mariage et des rapports familiaux ;

b) d ’adopter une loi établissant un autre régime juridique réglementant le mariage civil dans l’État partie, qui soit accessible à toutes les femmes et prime le mariage religieux ;

c) d ’adopter une loi interdisant le mariage d’enfants et fixant l’âge minimal du mariage à 18 ans pour les femmes et les hommes, conformément aux normes internationales, et d ’ éliminer cette pratique néfaste au sein des communautés de réfugiés et de personnes déplacées.

Protocole facultatif à la Convention et amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

Le Comité encourage l ’ État partie à ratifier au plus vite le Protocole facultatif à la Convention et d ’ accepter l ’ amendement du paragraphe 1 de l ’ article 20 de la Convention concernant le calendrier des réunions du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité appelle l ’ État partie à mettre à profit la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing, et à évaluer la mise en œuvre des droits garantis par la Convention à l ’ occasion de l ’ examen de l ’ application, après vingt-cinq ans, de la Déclaration et du Programme, afin de parvenir à une égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Diffusion

Le Comité prie l ’ État partie de veiller à la diffusion rapide des présentes observations finales, dans les langues officielles de fait de l ’ État partie, à tous les niveaux des institutions étatiques concernées (national, régional et local), en particulier auprès du Gouvernement, des ministères, du Parlement et du système judiciaire, afin de permettre leur pleine mise en œuvre.

Assistance technique

Le Comité recommande à l ’ État partie de lier la mise en œuvre de la Convention à ses efforts de développement, et, à cet égard, de mettre à profit l ’ assistance technique régionale ou internationale.

Ratification d’autres instruments

Le Comité rappelle que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits humains favoriserait l ’ exercice effectif des droits humains et des libertés fondamentales des femmes dans tous les aspects de la vie. Il encourage l ’ État partie à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, à laquelle il n ’ est pas encore partie.

Suivi des observations finales

Le Comité invite l ’ État partie à lui fournir par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations figurant aux paragraphes 10 a), 16 a), 18 c) et 22 a).

Élaboration du prochain rapport

Le Comité prie l ’ État partie de soumettre son septième rapport périodique d ’ ici à février 2026. Celui-ci doit être soumis en temps et en heure, et couvrir la période allant jusqu ’ à sa date de soumission.

Le Comité prie l ’ État partie de suivre les directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits humains, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument ( HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).