Observations finales concernant le rapport du Liban valant quatrième et cinquième rapports périodiques

Additif

* La version originale du présent document n ’ a pas été revue par les services d ’ édition.

Renseignements reçus du Liban au sujet de la suite donnée aux observations finales *

[Date de réception : 22 octobre 2018]

À la suite de l’examen, en 2015, du rapport du Liban valant quatrième et cinquième rapports périodiques concernant l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a publié ses observations finales, dans lesquelles il a prié le Liban de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu’il aurait prises pour donner suite aux recommandations figurant aux paragraphes 12 f) et 22 b).

Première partie : mesures prises pour mettre en œuvre la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité [recommandation 12 f)]

Le Premier Ministre a demandé à la Commission nationale de la femme libanaise d’élaborer un plan d’action national pour l’application de la résolution 1325(2000) du Conseil de sécurité, qui devrait être validé par le Ministère d’État pour les questions relatives aux femmes et soumis par celui-ci au Conseil des ministres et aux organes compétents.

I.Aperçu général du statut des femmes au Liban

1.Les femmes et la guerre

Les femmes n’ont guère participé aux guerres qui se sont déroulées pendant le dernier quart du XXe siècle : elles étaient minoritaires à prendre les armes. Elles se sont plutôt efforcées de préserver les structures sociales. Alors que les hommes combattaient, elles se sont chargées de maintenir la cohésion des familles, d’apporter le soutien affectif nécessaire aux enfants et de s’occuper des blessés ou des personnes ayant des besoins particuliers, compte tenu du délitement des services sociaux et médicaux. Bon nombre de femmes se sont portées volontaires pour aider le personnel des organismes d’aide sociale à assurer des services afin de répondre aux besoins essentiels de la population.

Peu d’études ont été réalisées au sujet des effets de la guerre sur les femmes au Liban, mais d’après les informations disponibles, ce sont elles qui ont payé le plus lourd tribut des combats et des déplacements forcés dans les diverses régions. Du fait du décès ou de la disparition d’hommes dans beaucoup de familles, les femmes ont dû assumer des responsabilités auxquelles elles n’étaient pas préparées.

En 2015, le Centre international pour la justice transitionnelle a publié un rapport sur les effets de la guerre sur les femmes dont l’époux avait disparu : non seulement elles souffrent sur le plan affectif, mais des décennies après la fin de la guerre, elles ne disposent toujours d’aucune information sur le lieu où pourrait se trouver leur conjoint. Les femmes et les enfants de ces disparus souffrent sur le plan psychique de la perte d’êtres chers et du fait de ne pas savoir s’ils sont encore en vie.

2.Participation des femmes à la vie politique

Le soixante-quatorzième Gouvernement libanais, le premier constitué durant le mandat du Président Michel Aoun par Saad Hariri, compte pour la première fois de l’histoire du pays un ministère d’État pour les questions relatives aux femmes. Le Gouvernement est composé de 30 ministres, dont une femme au poste de ministre d’État pour la réforme administrative. Il a expressément indiqué sa volonté d’appuyer les femmes et de promouvoir leur rôle dans la sphère publique dans une déclaration ministérielle.

Le Conseil des ministres a décidé la création d’un comité consacré aux questions relatives aux femmes, présidé par le Premier Ministre et réunissant les ministres concernés, en vue de consolider et de coordonner l’action en faveur des femmes. En 2010, le précédent gouvernement Hariri avait pris des mesures dans ce sens et formulé une recommandation sur l’instauration de quotas pour la nomination de femmes dans les conseils d’administration et les organes gouvernementaux.

Les récentes nominations à des postes de direction ont contribué à renforcer le rôle des femmes dans la vie politique, puisqu’ont été désignées :

•Vingt-sept ambassadrices, soit environ 30 % des titulaires de ces postes ;

•Trois femmes sur les 10 membres de la Commission de supervision des élections, soit 30 % ;

•Douze femmes sur les 70 membres du Conseil économique et social, soit 17 %.

Malgré ces avancées, les femmes restent sous-représentées dans la sphère politique, aux niveaux tant national que local. Elles n’ont remporté que 6 sièges sur 128 aux élections législatives de mai 2018 (contre 4 en 2009). Néanmoins, le nombre de candidatures de femmes aux élections a nettement augmenté : sur un total de 597 candidats, 113 étaient des femmes (18,93 %).

Les femmes ont obtenu de meilleurs résultats aux élections municipales de 2010 et de 2016. En 2016, 663 femmes ont accédé aux conseils municipaux, contre 536 en 2010, et 57 femmes ont été élues maires, contre 39 en 2010.

Le 19 septembre 2017, la Chambre des députés a accordé aux femmes mariées le droit de se porter candidates dans leur municipalité d’origine et pas obligatoirement dans celle de leur époux.

3.Statut des Palestiniennes et des Syriennes au Liban

Environ 60 % des Palestiniens au Liban vivent dans des camps et 40 % dans des villages et des communes à proximité des camps. L’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) aide ces personnes à se loger, s’efforce de pourvoir à leurs besoins élémentaires et leur fournit des services de santé et d’enseignement. Globalement, les Palestiniennes sont fortement touchées par les troubles chroniques et psychologiques tels que la dépression, l’anxiété et le stress.

Dans son rapport publié en mai 2018, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a estimé à 80,5 % la proportion de femmes et d’enfants parmi les quelque 982 012 réfugiés syriens enregistrés au Liban depuis 2011, du fait du conflit armé dans leur pays. En coopération avec les institutions gouvernementales et les autorités locales, le Haut-Commissariat et d’autres organisations internationales répondent aux besoins essentiels des réfugiés et des déplacés. Les jeunes femmes souffrent particulièrement des agressions (verbales, du harcèlement sexuel et de la violence sexuelle), ce qui restreint leurs mouvements. En outre, la pauvreté fait augmenter le taux de mariages précoces.

II.Initiatives et mesures prises au Liban

Ces 10 dernières années, les institutions gouvernementales, les organismes des Nations Unies, les organisations internationales et les associations de la société civile se sont attachés à mettre en œuvre des initiatives relatives aux femmes et à la paix et à la sécurité, sous forme notamment de projets, de campagnes et de consultations nationaux et locaux.

1.Campagne pour la paix civile

Au lendemain de la guerre d’Israël contre le Liban en juillet 2006, le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) a inauguré, avec l’organisation non gouvernementale libanaise Kafa, la Campagne pour la paix civile, au cours de laquelle les femmes ont lancé un appel en faveur d’une paix durable, dénonçant la guerre civile. Cette campagne, menée en partenariat avec un réseau de 15 organisations de la société civile, visait à promouvoir le rôle des femmes dans la consolidation de la paix et le règlement des conflits et à les associer plus étroitement à la prise de décisions.

Pour évaluer l’efficacité et l’impact de la campagne, une entreprise locale de marketing a interrogé un échantillon de personnes, parmi lesquelles 65 % ont affirmé avoir connaissance de la campagne, 93 % se sont dites favorables à ses objectifs et une majorité a compris les messages diffusés tout au long de la campagne.

2.Démarginaliser les femmes : une action pacifique pour la sécurité et la stabilité

La Commission nationale de la femme libanaise a exécuté ce projet de 2006 à 2010 avec l’appui du FNUAP et du Gouvernement norvégien. L’initiative a été lancée dans un premier temps pour donner l’exemple au lendemain de la guerre de juillet 2006 au Liban, afin de renforcer l’application de la résolution 1325 (2000).

Le projet s’adressait aux populations durement frappées par la guerre ; les deux premières phases ont été menées dans 10 villages et la troisième dans 22 villages.

La Commission a cherché à donner plus de moyens d’action aux femmes dans les domaines social, politique et économique, grâce à des activités menées dans un esprit participatif avec des comités de femmes, des représentants locaux, des membres des conseils municipaux, des prestataires de services et des organisations de la société civile. Il s’agissait à la fois de sensibiliser et de mobiliser les populations, de renforcer les capacités, de consolider les institutions et de mettre en œuvre des projets rémunérateurs.

3.Journées portes ouvertes des Nations Unies sur la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité

Depuis 2010, les contingents de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) organisent des journées portes ouvertes des Nations Unies sur la résolution 1325 (2000) pour établir le dialogue avec les Libanaises, dans le sud du pays. Ces dernières ont fixé, dès la première de ces journées en 2010, plusieurs priorités :

•Faire entendre les voix des Libanaises du sud du pays, grâce aux organisations féminines non gouvernementales et aux autres associations de la société civile, et veiller à intégrer leurs vues dans un plan d’action national ;

•Donner plus de moyens aux femmes en renforçant leurs capacités de règlement des conflits et de consolidation de la paix ;

•Émanciper les femmes par la formation et le renforcement des capacités, pour qu’elles aient davantage confiance en elles et les aider à s’exprimer en public, pour qu’elles évoquent les questions qui les touchent.

Des femmes de Bint Jbeïl, de Marjeyoun et de Tyr ont assisté à la deuxième journée portes ouvertes, le 30 octobre 2012. Elles ont fait part de leurs vues sur la paix et la sécurité et les restrictions qui leurs sont imposées et ont formulé des recommandations sur les moyens de renforcer leur sécurité.

La journée portes ouvertes de 2014, qui avait pour mot d’ordre « Voix féminines : points de vue des Libanaises du sud sur la paix et la sécurité », a rassemblé des habitantes des mêmes localités en vue de promouvoir la participation des femmes à la consolidation de la paix.

Lors de la journée portes ouvertes de 2016, l’accent a été mis sur les moyens d’aider les femmes après la phase de reconstruction, notamment dans les domaines économique, social et politique, et sur l’importance de leur fournir une formation professionnelle pour qu’elles deviennent indépendantes sur les plans économique et matériel.

La journée portes ouvertes de 2017 a conduit à insister sur l’importance d’une participation des femmes, dans le sud du Liban, à la vie politique et à la prise de décisions à tous les niveaux.

4.Consultations locales

a)D’octobre à décembre 2014, l’organisation non gouvernementale à but non lucratif Abaad a conduit cinq consultations locales au sujet de la résolution 1325(2000) à l’intention des 18-25 ans, auxquelles ont pris part 165 personnes. Il s’agissait de sensibiliser les jeunes à l’importance de la participation des femmes aux processus de prise de décisions et de se mobiliser pour protéger les femmes contre les violences dont elles font l’objet, pendant et après les conflits.

b)En septembre et octobre 2016, en collaboration avec le FNUAP, la Commission nationale de la femme libanaise a organisé des consultations sur la résolution 1325 (2000), auxquelles ont pris part 96 personnes, dans cinq secteurs ayant connu la guerre ou accueilli un grand nombre de réfugiés syriens : Baalbek et Bint Jbeïl ; Nabatiyé et Chiyah ; Ghbeïré ; Aïn el-Roummané et Jbeïl ; Jabal Mohsen et Bab el-Tebbané.

Les participants n’avaient pas connaissance de la résolution 1325 (2000) et la plupart de leurs interventions ont porté sur les questions concernant les femmes de manière générale et non sur les quatre piliers de la résolution. La nécessité de changer les traditions et coutumes discriminatoires et de poursuivre les réformes législatives a été soulignée, de même que l’importance de fournir un appui politique aux femmes et de mettre en place des programmes destinés aux femmes et aux adolescentes.

c)Ces consultations ont montré que la résolution 1325 (2000) n’était pas suffisamment connue des populations locales, en particulier des responsables officiels. Par conséquent, dans le cadre d’un programme visant à promouvoir le rôle de la femme dans la prise de décisions au Moyen-Orient, la Commission nationale de la femme libanaise conduit actuellement, en partenariat avec l’Agence allemande de coopération internationale, un projet semblable dans les municipalités et les administrations publiques afin de sensibiliser la population à l’importance de la participation des femmes au maintien de la paix, à la prévention des conflits et au règlement pacifique des différends.

Au dernier trimestre de 2017, la Commission a organisé sept réunions de sensibilisation, en partenariat avec l’Organisation libanaise pour les études et la formation et le Rassemblement démocratique des femmes du Liban.

Ces réunions ont été organisées sur tout le territoire libanais, dans des secteurs sélectionnés selon plusieurs critères : ceux où le conflit civil a des racines historiques, ceux comptant bon nombre de réfugiés ou ceux qui ont souffert de l’occupation israélienne.

Au printemps 2018, la Commission a tenu des dialogues pour favoriser les échanges de connaissances et de données d’expérience entre les conseils municipaux, dans divers secteurs, en particulier dans les contrées rurales.

5.Consultations nationales, conférences et réunions d’experts

En 2012, l’organisation Abaad a tenu deux consultations nationales sur les femmes et la paix et la sécurité en vue de recenser les problèmes et les craintes des femmes, en lien avec la résolution 1325 (2000). Au cours des séances, organisées en mai et novembre, en coopération avec la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté et la FINUL, les perspectives et les obstacles associés à la participation des femmes aux réformes gouvernementales ont été examinés. La cinquantaine de participants issus d’organisations de la société civile, d’associations de défense des droits des femmes, d’organisations internationales et de contingents de la FINUL a désigné quatre objectifs prioritaires :

1.Améliorer les connaissances des femmes en ce qui concerne la paix et la sécurité ;

2.Promouvoir la participation des femmes aux prises de décisions ;

3.Garantir la participation des femmes au maintien de la sécurité, à la consolidation de la paix, aux négociations et aux processus de paix ;

4.Recenser et signaler les violations contre les femmes, en particulier celles en lien avec la paix et la sécurité.

En novembre 2016, en partenariat avec le FNUAP, la Commission nationale de la femme libanaise a organisé une réunion d’experts pour évoquer les priorités nationales liées aux quatre piliers de la résolution 1325 (2000). En tout, 29 spécialistes de différents ministères, organisations de la société civile, organismes des Nations Unies et établissements universitaires y ont pris part, ainsi que la secrétaire générale de l’organisation des femmes jordaniennes, qui a présenté l’expérience d’élaboration d’un plan d’action national dans son pays pour l’application de la résolution 1325(2000).

Les personnes présentes ont formulé les recommandations suivantes, en lien avec chacun des quatre piliers de la résolution :

Participation: Sensibiliser davantage à la participation des femmes à la prise de décisions et demander l’instauration d’un système de quotas ;

Prévention: Suivre les projets de lois relatifs aux femmes et à la paix et à la sécurité et mener des activités de formation et de sensibilisation à la résolution 1325 (2000) dans toutes les régions ;

Protection: Examiner la législation libanaise sur l’asile, y compris les conventions relatives aux droits de l’homme, encourager les Palestiniens à revendiquer leur droit au retour et favoriser la mise en place d’un système d’enregistrement des naissances pour les réfugiés syriens ;

Secours et relèvement: Élaborer des programmes pour aider les Syriens à réintégrer leurs foyers, leur offrir une formation qui pourrait leur être utile dans leur pays et collaborer avec des femmes ayant de l’expérience en matière de secours et de relèvement.

Dans le cadre du partenariat avec le FNUAP également, la Commission a organisé en décembre 2016 une conférence nationale sur la résolution 1325 (2000) pour débattre de mesures liées aux droits des femmes à intégrer au projet de plan d’action national, à laquelle a été abordé également le rôle des associations locales dans l’application de la résolution.

6.Publications et supports de formation

En collaboration avec la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, l’organisation Abaad a publié en mai 2014 un guide en arabe sur la résolution 1325 (2000), afin d’informer les populations de leurs droits à cet égard. Le livret comporte des renseignements sur le mandat, la portée et les quatre piliers de la résolution, sur la situation actuelle au Liban au regard des trois premiers piliers (participation, prévention et protection) et sur les démarches à entreprendre en vue d’améliorer la situation des femmes en matière de paix et de sécurité dans le pays. Le guide a été distribué lors des consultations nationales et locales organisées par Abaad.

7.Les femmes dans les médias

En 2016, Abaad a réalisé une vaste enquête sur la façon dont les déplacées et les réfugiées étaient représentées dans les médias et dans les réseaux sociaux concernant les femmes et les intervenants humanitaires sur les réseaux sociaux. D’après les résultats de l’enquête, 3 % de la presse écrite et 20 % des chaînes de télévision avaient évoqué la question des femmes et de la guerre. Le plus souvent, elles étaient représentées en tant que victimes et dans des rôles traditionnels stéréotypés. De plus, la couverture médiatique était partiale et discriminatoire envers les femmes.

En mars 2017, Abaad a engagé un dialogue avec les médias et les donateurs humanitaires au sujet des meilleures pratiques visant l’autonomisation des femmes en période de conflit.

8.Participation à un programme de formation au processus de paix et à des initiatives de consolidation de la paix

Des membres de la Commission nationale de la femme libanaise, du Ministère d’État pour les questions relatives aux femmes et des Forces de sécurité intérieure ont participé à une formation portant sur le processus de paix et les initiatives de consolidation de la paix, qui a été organisée au Caire du 9 au 12 octobre 2017 par l’Organisation des femmes arabes. Elle visait à renforcer l’aptitude des dirigeantes à négocier et à approfondir leurs connaissances en la matière.

III.Élaboration du plan d’action national

La Commission nationale de la femme libanaise supervise l’élaboration du plan d’action national relatif à la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité en coopération avec les ministères et institutions publiques compétents ainsi qu’avec des organisations de la société civile, avec l’appui d’organismes des Nations Unies.

En août 2017, la Commission a créé un comité directeur composé de représentants du Gouvernement, d’organisations de la société civile, d’un établissement universitaire ainsi que d’organismes des Nations Unies compétents, dont le rôle s’est limité à fournir une aide technique à titre consultatif.

Le comité directeur a pour mission de définir des orientations stratégiques et d’assurer un contrôle administratif à toutes les étapes de l’élaboration du plan d’action national. Il doit également examiner les rapports périodiques, faire en sorte que toutes les parties concernées prennent des mesures pour’ atteindre les objectifs fixés et veiller à ce que le projet de plan d’action national relatif à la résolution 1325 (2000) soit exécuté selon le calendrier prévu.

Le comité directeur a tenu sa première réunion le 26 octobre 2017, en présence de tous ses membres. Il a décidé d’entamer des consultations avec les diverses parties gouvernementales en vue de préparer une étude sur les priorités nationales à faire figurer dans le plan d’action. Préalablement à l’approbation des priorités nationales et à la ratification du projet de plan d’action national, cette étude et le projet de plan seront présentés devant une instance consultative nationale réunissant des représentants d’institutions publiques, d’organismes des Nations Unies et de la société civile. Cette instance a été mise en place pour garantir l’élaboration et l’exécution du plan d’action national, de manière participative, en tenant compte des vues et des priorités de tous les Libanais, des réfugiés et de déplacés ainsi que de tous les autres groupes de personnes en situation précaire.

Le plan comprendra un ensemble de mesures prioritaires à l’intention des parties prenantes, afin de les inciter à agir, conformément aux recommandations formulées par le Conseil de sécurité dans ses huit résolutions concernant les femmes et la paix et la sécurité.

L’élaboration du plan d’action national comprenait trois étapes. La première (août-octobre 2017) a porté sur les mesures à prendre dans ce domaine et les meilleures pratiques et enseignements à recenser, tirés des expériences régionales et internationales relatives à l’élaboration de tels plans.

La deuxième étape (novembre 2017-mars 2018) visait à définir les priorités nationales et à organiser des réunions avec les femmes et les filles palestiniennes et syriennes, ainsi qu’avec des universitaires et des professionnels des médias, en vue de recueillir les vues sur les priorités nationales et sensibiliser les participants à la nécessité de créer un milieu intellectuel propice à la participation des femmes à la paix et à la sécurité.

Durant la troisième étape (mars-août 2018), en collaboration avec les organismes publics et les organisations de la société civile concernés, le Ministère d’État pour les questions relatives aux femmes a examiné le projet de plan en détail, dans l’idée d’inviter le Gouvernement libanais à en approuver le texte. Cette étape a débouché sur le lancement d’une campagne médiatique de sensibilisation aux questions concernant les femmes et la paix et la sécurité en vue d’appliquer le plan d’action national. Une évaluation du processus d’élaboration du plan d’action national est prévue à la fin de l’année 2018. Elle sera menée conformément à un plan de suivi et d’évaluation qui sera établi conjointement avec toutes les parties prenantes.

Deuxième partie : Programmes de renforcement des capacités et de formation pour les professionnels de la justice concernant la Convention et les droits des femmes [recommandation 22 b)]

Les questions relatives au statut personnel sont régies au Liban selon un système confessionnel. Chaque communauté religieuse est dotée de tribunaux et a ses propres règles, ce qui contredit le principe de l’égalité de tous les Libanais devant la loi, consacré par l’article 7 de la Constitution, et les principes généraux énoncés dans les instruments internationaux et notamment dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, à laquelle le Liban demeure attaché.

La multiplicité de ces lois et la façon dont celles-ci sont appliquées par les tribunaux religieux font que les citoyens ne sont pas égaux en droits au Liban, en particulier pour ce qui est des aspects essentiels de la vie tels que le mariage, le divorce et la garde des enfants.

I.Réforme législative et évolution de la jurisprudence

Des progrès notables ont été accomplis sur le plan législatif en ce qui concerne les droits des femmes et les décisions de justice rendues par les tribunaux en la matière.

•En mai 2014, le Liban a promulgué la loi no 293 sur la protection des femmes et des autres membres de la famille contre la violence familiale qui a porté, entre autres, amendement des articles 487 et 489 du Code pénal relatifs à l’adultère. La femme et l’homme adultères encourent à présent la même peine.

•En 2011, l’article 562 du Code pénal relatif aux crimes d’honneur a été abrogé.

•En août 2017 a été abrogé l’article 522 du Code pénal d’après lequel l’exécution de la peine encourue par l’auteur d’un viol était suspendue s’il contractait mariage avec la victime. Cette mesure était toutefois incomplète puisqu’elle ne garantissait pas une protection suffisante aux mineures. En effet, l’article 505 relatif à un acte sexuel avec un mineur qui a 15 ans révolus mais n’a pas atteint 18 ans est toujours en vigueur et, si l’auteur de l’acte contracte mariage avec la victime, il est mis fin aux poursuites ou au procès. De même, si un jugement a déjà été rendu en l’espèce, l’exécution de la peine est suspendue. Le juge ne peut rendre une telle décision qu’en s’appuyant sur un rapport établi par un assistant social. A également été maintenu l’article 518 d’après lequel est exempt de peine quiconque, ayant séduit une fille ou une femme par promesse de mariage, l’aurait déflorée.

C’est pourquoi, en août 2017, le Ministre d’État pour les questions relatives aux femmes a renvoyé devant le Conseil des ministres un projet de loi qui porterait suppression de l’article 518 du Code pénal et modification des articles 505, 508, 513 et 514 en vue d’alourdir les peines prévues, en s’appuyant sur une proposition de la Commission de la législation et de la consultation du Ministère de la justice.

•La Commission nationale de la femme libanaise prépare actuellement un projet de loi qui porterait modification de l’article 505 du Code pénal en supprimant le paragraphe relatif à l’arrêt des poursuites en cas de mariage contracté avec une mineure. Ce texte porterait également abrogation de l’article 518 et modification de l’article 519 relatif au fait de porter la main de façon impudique ou de commettre un acte analogue d’impudicité sur un mineur, par la suppression des termes « sans son consentement ».

•Le Code du statut personnel de la communauté druze a été adopté en 1948. Avec le temps, il est apparu nécessaire de modifier certaines dispositions qui n’étaient plus adaptées à la réalité des relations humaines et aux principes humanitaires. Le Code a donc été modifié le 19 septembre 2017.

L’âge jusqu’auquel un enfant doit être placé sous la garde d’un tuteur a été relevé de façon à donner la primauté à l’intérêt de l’enfant et à préserver les droits légitimes du père. Le paragraphe b) a également été ajouté à l’article 64, aux termes duquel un parent ne peut pas interdire à l’autre de voir l’enfant ; en cas de désaccord entre eux, il appartient au juge de fixer la date et le lieu de la visite, dans l’intérêt de l’enfant.

L’article 169 a été modifié de façon que l’ensemble du patrimoine successoral revienne à la fille ou aux filles du défunt si celui-ci n’a pas de fils, sans préjudice pour les autres ayants droit.

•Un projet de réforme du Code du statut personnel de la communauté orthodoxe vise à porter à 18 ans l’âge minimum du mariage, pour les filles et les garçons. Selon la loi en vigueur, lorsque la situation l’exige, un mariage peut être contracté entre des personnes désireuses de se marier si elles réunissent les qualités requises et à condition que le futur époux soit âgé de 17 ans révolus et la future épouse de 15 ans révolus.

Certains tribunaux ecclésiastiques ont accompli des progrès pour ce qui est d’accorder à la mère le droit de garde des mineurs et de faire appliquer le principe d’indemnisation de l’épouse même si celle-ci a une part de responsabilité dans l’annulation du mariage.

Les tribunaux religieux ont commencé à accorder la priorité à l’intérêt de l’enfant. S’agissant de la garde et de l’éducation des enfants, ils s’appuient sur les lois relatives au statut personnel en vigueur. Néanmoins, dans de nombreux cas, ils sont contraints de s’écarter de ces textes pour défendre l’intérêt de l’enfant.

Il en va de même lorsque le père fait valoir son droit à l’autorité parentale en invoquant un texte juridique lui accordant ce droit. Le tribunal ne donne pas suite à sa demande s’il détermine que le fait de confier la garde au père n’est pas dans l’intérêt de l’enfant. Les tribunaux religieux font appels à des assistantes sociales et à des psychologues pour être informés du développement de l’enfant et des effets qu’a sur lui le différend opposant ses parents.

Depuis quelque temps, le principe de la garde partagée est inscrit dans les décisions rendues par les tribunaux ecclésiastiques. C’est par exemple le cas du jugement définitif no 15/2016 rendu le 16 février 2016 par le tribunal unifié de première instance de l’église grecque-melkite catholique du Liban dans l’affaire no 49/2014.

Le 13 juin 2016, le tribunal d’appel de cette église a rendu l’arrêt no 22/2016 confirmant le jugement prononcé en première instance en l’espèce.

II.Principales mesures prises pour modifier certains articles des lois relatives au statut personnel

a)Afin d’harmoniser les lois et les décisions des tribunaux religieux avec la Convention, la Commission nationale de la femme libanaise a demandé à un des spécialistes du statut personnel des communautés chrétiennes de lui présenter une étude sur les principaux domaines dans lesquels les femmes sont victimes de discrimination afin d’établir dans un premier temps quelles sont les dispositions qui sont susceptibles d’être modifiées ou améliorées dans l’intérêt des femmes.

Les auteurs de l’étude ont recommandé les mesures suivantes :

•Fixer à 18 ans l’âge minimum du mariage autorisé dans certaines communautés chrétiennes ;

•Tenir compte du principe de l’égalité femmes-hommes s’agissant de l’identité des témoins pour l’établissement d’un contrat de mariage et abroger les dispositions qui accordent moins d’importance au témoignage des femmes qu’à celui des hommes ou qui empêchent les femmes d’être témoins de mariage ;

•Modifier les textes en vigueur afin de préserver le droit des femmes de gérer leur dot et de l’investir durant le mariage ou après sa dissolution ;

•Modifier les dispositions d’après lesquelles l’homme peut choisir le domicile conjugal et imposer à l’épouse de le suivre où bon lui semble, faute de quoi elle n’accomplirait pas ses devoirs d’épouse, et accorder aux femmes le droit de participer à la prise des décisions servant l’intérêt de la famille ;

•Demander au juge qui fixe le montant de la pension accordée à l’épouse de prévoir un montant raisonnable pour permettre à la femme de couvrir les besoins essentiels à une vie décente et de mener à bien la procédure de divorce dans la dignité, étant donné que les tribunaux ecclésiastiques ont tendance à réduire au minimum le montant de la pension pour tenir compte uniquement des besoins de base, ce qui souligne l’inégalité femmes-hommes et constitue un moyen de faire pression sur les femmes ;

•Réviser les textes relatifs à la garde des enfants de manière à préserver la dignité des femmes et à les mettre sur un pied d’égalité avec les hommes : les lois relatives au statut personnel confient la garde en priorité à la mère, qui peut toutefois perdre ce droit pour des raisons portant atteinte à sa dignité et restreignant sa liberté d’action (second mariage, inconduite, incapacité ou maladie mentale) alors que ces éléments ne sont pas retenus contre le père, qui continue de jouir de l’autorité parentale ;

•Demander aux autorités compétentes de s’abstenir d’enregistrer le second mariage lorsque la conversion est imposée par l’époux car il s’agit d’un contournement de la loi ;

•Il convient d’indiquer qu’au Liban, les différentes lois relatives au statut personnel appliquées par les communautés chrétiennes garantissent à présent l’égalité des femmes et des hommes sur le plan du divorce, lorsque les conditions sont réunies. Les femmes ont tout autant le droit de demander le divorce que les hommes.

b)Dans un deuxième temps, la Commission nationale de la femme libanaise a décidé de mener d’autres études comparables auprès des communautés musulmanes.

c)Le Rassemblement démocratique des femmes libanaises a publié une étude sur la question du mariage précoce des filles, qui révèle que le taux est en baisse et que le mariage précoce représente moins de 5 % des mariages contractés au niveau national. Le Rassemblement a recommandé notamment l’application effective de la loi sur l’instruction obligatoire pour les filles et garçons jusqu’à 15 ans, la garantie d’une possibilité de formation professionnelle pour les filles avant le mariage, l’approbation de projets de développement local et la promulgation d’une loi fixant à 18 ans l’âge minimum du mariage.

Le Rassemblement démocratique des femmes libanaises a organisé une table ronde sur le rôle des dignitaires religieux dans la protection des enfants, filles et garçons, contre le mariage forcé, sous la direction du juge John Azzi et de juges de tribunaux religieux de toutes les communautés concernées. Les recommandations ci-après ont été formulées à l’issue de ce dialogue :

•Sensibiliser les populations au risque que présente un mariage précoce ;

•Protéger les enfants contre le mariage précoce, d’autant que ni la religion ni le droit civil n’interdisent de fixer à 18 ans l’âge minimum du mariage.

III.Programmes de formation et de renforcement des capacités

L’Institut supérieur de la magistrature a accordé beaucoup d’importance aux programmes de formation et de renforcement des capacités à l’intention des juges concernant la Convention et les droits des femmes. Il a organisé un grand nombre de conférences, de formations et d’ateliers sur la question.

Le 13 octobre 2017, sous les auspices du Ministre de la justice, Salim Jreissati, et en coopération avec le Centre de la femme de la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale, la Commission nationale de la femme libanaise a organisé un atelier d’information consacré à la protection des droits portant sur les mécanismes internationaux de lutte contre toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et sur la loi et son application par les tribunaux.

Cet atelier visait surtout à faire mieux connaître aux juges libanais les instruments internationaux pertinents, notamment la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, et les obligations et engagements nationaux y relatifs. Les intervenants ont invité les juges à citer les dispositions des conventions internationales dans les cas de discrimination à l’égard des femmes et ont évoqué l’expérience de pays arabes concernant les moyens de fonder des décisions de justice sur ces conventions.

Des juges de tribunaux religieux et civils ont participé à cet atelier, en particulier ceux chargés de faire appliquer les règles de droit visant à protéger les femmes contre toutes les formes de discrimination.