* Adoptés par le Comité à sa soixante-deuxième session (26 octobre-20 novembre 2015).

Observations finales sur les septième et huitième rapports périodiques (présentés en un seul rapport) du Liberia *

Le Comité a examiné les septième et huitième rapports périodiques (présentés en un seul rapport) du Libéria (CEDAW/C/LBR/7-8) à ses 1339e et 1340e séances, tenues le 29 octobre 2015 (voir CEDAW/C/SR.1339 et 1340). La liste des problèmes et questions soulevés par le Comité figure dans le document CEDAW/C/LBR/Q/7-8 et les réponses du Gouvernement libérien ont été publiées sous la cote CEDAW/C/LBR/Q/7-8/Add.1.

A.Introduction

Le Comité se félicite de la présentation par l’État partie de ses septième et huitième rapports périodiques (présentés en un seul rapport). Il se félicite également des réponses écrites de l’État partie à la liste des problèmes et questions soulevés par le groupe de travail présession et accueille avec satisfaction l’exposé oral de la délégation et les précisions supplémentaires données en réponse aux questions posées oralement par le Comité au cours de l’échange de vues.

Le Comité félicite l’État partie pour sa délégation, qui était dirigée par la Ministre de l’égalité des sexes et du développement, des enfants et de la protection sociale, Julia Duncan-Cassell, et comprenant le Vice-Ministre de l’égalité des sexes et du développement, des enfants et de la protection sociale ainsi que des représentants de la Mission permanente du Libéria au Bureau des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité salue les progrès accomplis depuis l’examen en 2009 du rapport unique valant rapport initial et deuxième à sixième rapports périodiques du Libéria (CEDAW/C/LBR/6), en particulier l’adoption des textes législatifs ci-après :

a)La loi sur la réforme de l’éducation de 2011, qui vise à promouvoir l’éducation des filles à tous les niveaux;

b)La loi sur les enfants de 2011, qui traite partiellement la question de mutilation génitale féminine;

c)La loi sur la Commission de la réforme législative de 2011, qui prévoit la révision des lois, notamment celles qui ont une incidence sur les droits des femmes.

Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et général en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des sexes, par exemple, l’adoption ou la mise en place de ce qui suit :

a)Le Plan d’action national sur la traite des personnes, lancé en 2014;

b)Le Plan national de santé et de bien-être social, qui couvre la période 2011-2021 et concerne les soins de santé à tous les niveaux;

c)L’obligation pour le tribunal pénal « E » dans le comté de Montserrado d’entendre les affaires de viol et autres formes de violence sexuelle;

d)La mise en place d’un service de lutte contre les infractions de violence sexuelle et sexiste au sein du ministère public;

e)L’établissement d’un service de protection des femmes et des enfants au sein de la Police en 2009.

Le Comité se félicite de l’adhésion de l’État partie à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2012.

C.Facteurs et difficultés empêchant la mise en œuvre effective de la Convention

Le Comité constate que les efforts louables de l’État partie au cours de la brève période écoulée depuis la fin du conflit armé ont été en grande partie inversés par l’impact dévastateur de l’épidémie de la maladie à virus Ebola et que les nombreux problèmes économiques et sanitaires de la période de relèvement post-Ebola constituent des obstacles de taille à l’application de la Convention. Le Comité prend acte des divers plans de relèvement en place, notamment le Plan de stabilisation et de relance économiques du Liberia, qui visent à stimuler la croissance économique. Le Comité estime que ces initiatives nécessitent l’application intégrale de la Convention pour assurer le respect et la jouissance des droits des femmes. Le Comité engage par conséquent l’État partie à mettre en œuvre, en toute priorité, les recommandations figurant dans les présentes observations finales, y compris en cherchant à cet effet l’aide et la coopération internationales, le cas échéant. Dans cette optique, le Comité engage l’État partie à adopter, pour la mise en œuvre des présentes recommandations, un plan d’action national quadriennal, qui fournira à l’État partie une feuille de route pour la mise en œuvre et le suivi améliorés. Par ailleurs, dans le cadre de la mise en œuvre des présentes observations finales, le Comité exhorte également l’État partie à associer les femmes à l’élaboration et l’exécution des stratégies et programmes de réduction des risques de catastrophe.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel que joue le pouvoir législatif pour assurer l’application intégrale de la Convention (voir la déclaration du Comité sur ses relations avec les parlementaires, adoptée à la quarante-cinquième session, en 2010). Il invite le Parlement à prendre, conformément à son mandat, les mesures nécessaires concernant la mise en œuvre des présentes observations finales, entre maintenant et la prochaine période de présentation de rapports aux termes de la Convention.

Contexte général

Le Comité rappelle les nombreuses difficultés que l’État partie a rencontrées à la suite du conflit armé et plus récemment du fait de l’épidémie d’Ebola. Il reconnaît et appuie sans réserve les efforts déployés par l’État partie pour entreprendre la reconstruction postconflit, lutter contre l’épidémie et en réduire l’impact sur les vies et la santé de la population, en particulier les femmes qui dispensent les soins, ainsi que sur l’économie, les finances de l’État, la sécurité alimentaire et les secteurs de la santé et de l’emploi, mais aussi sur la capacité de l’État partie à respecter, protéger et promouvoir les droits des femmes. Le Comité se félicite de l’information relative aux efforts déployés par l’État partie pour recentrer ses politiques et programmes en vue de faire face à l’impact d’Ebola. Il est cependant préoccupé par le manque d’information sur l’intégration de la programmation globale tenant compte de l’égalité des sexes dans les plans de redressement et de relance économique, compte tenu de l’impact négatif disproportionné que l’épidémie d’Ebola a eu sur la santé, l’éducation et l’emploi des femmes et des filles.

Le Comité appuie les efforts de l’État partie et l’encourage à :

a) Prendre systématiquement en compte la problématique hommes-femmes dans tous les programmes et activités considérés comme domaines prioritaires dans les plans de relèvement et de relance économique post-Ebola;

b) Prendre des mesures précises, y compris sous forme de programmes d’éducation et de sensibilisation, visant à faire face à la stigmatisation des femmes et des filles qui ont survécu à Ebola et celles qui ont dispensé des soins aux malades;

c) Rechercher l’aide et la coopération internationales pour faire face à la perturbation des services et des programmes dans de nombreuses régions à la suite de l’épidémie d’Ebola, plus particulièrement en renforçant les secteurs de la santé, de l’éducation et de l’emploi et en améliorant les programmes de sécurité alimentaire et de protection sociale.

Définition de la discrimination et cadre législatif

Le Comité note que les articles 8 et 11 de la Constitution prévoient les libertés et droits fondamentaux et interdisent la discrimination fondée sur des motifs précis, notamment le sexe et l’appartenance ethnique. Le Comité se préoccupe cependant du fait que l’interdiction de la discrimination dans la Constitution n’englobe pas d’autres motifs interdits de discrimination, comme le statut marital, et que la définition ne soit pas pleinement conforme aux dispositions de l’article 1 de la Convention. Il prend acte des efforts consentis par l’État partie pour améliorer les droits des femmes en adoptant une législation appropriée. Toutefois, le Comité constate avec préoccupation que plusieurs projets de loi qui revêtent une grande importance pour les droits des femmes, comme ceux concernant la santé procréative, la violence familiale et le traitement équitable, n’ont pas encore été adoptés.

Le Comité réitère ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/LBR/CO/6 , par. 13) et exhorte l’État partie à adopter une définition juridique globale de la discrimination à l’égard des femmes conformément à l’article 1 de la Convention, couvrant tous les motifs interdits de discrimination, directe et indirecte, dans les sphères publique et privée et les formes de discrimination convergentes, fondées sur le sexe et d’autres motifs. Il exhorte également l’État partie à accélérer l’adoption des lois qui n’ont pas encore été adoptées, comme celles concernant la santé procréative, la violence familiale et l’équité, et à s’assurer qu’elles sont pleinement conformes à la Convention.

Statut juridique de la Convention et harmonisation des lois

Le Comité prend acte des efforts déployés par l’État partie pour intégrer la plupart des dispositions de la Convention dans son ordre juridique national et pour réviser la législation en vigueur, notamment dans le contexte du processus de révision constitutionnelle en cours. Le Comité constate que, en 2011, l’État partie a adopté un texte établissant une commission de réforme de la législation, avec pour mission de réviser les lois. Le Comité prend également acte du système juridique pluraliste de l’État partie, où le droit coutumier et le droit codifié sont applicables côte à côte, et il se préoccupe du fait que certains éléments du droit coutumier soient en conflit avec le droit codifié et ne soient pas conformes à la Convention. Le Comité prend en outre acte du fait que l’État partie n’ait pas encore ratifié le Protocole facultatif.

Le Comité exhorte l’État partie à :

a) Accélérer le processus d’harmonisation du droit coutumier et du droit codifié, conformément aux dispositions de la Convention et de l’observation générale n o  29 (2013) du Comité sur l’article 16 de la Convention (conséquences économiques du mariage, relations familiales et leur dissolution) (par. 12 à15), en vue d’éliminer les conflits existants, qui ont des répercussions négatives sur la pleine jouissance des droits par les femmes et les filles, et veille à ce que les femmes fassent partie de ce processus, grâce aux conseils des femmes traditionnelles ou de toute autre manière appropriée;

b) Prévoir toutes les sauvegardes nécessaires, notamment des mesures législatives, contre toutes les violations des droits humains des femmes par les tribunaux traditionnels, conformément à la recommandation générale n o  33 (2015) du Comité sur l’accès des femmes à la justice;

c) Veiller à ce que le processus de révision constitutionnelle serve à régler les sujets de préoccupation, notamment l’applicabilité des mécanismes parallèles quasi judiciaires établis dans le cadre du droit coutumier, comme les tribunaux traditionnels, pour faciliter l’accès des femmes et des filles à la justice;

d) Accélérer le processus d’intégration de toutes les dispositions de la Convention dans son ordre juridique national et envisager de ratifier le Protocole facultatif.

Accès à la justice et mécanismes juridiques de recours

Le Comité prend acte des efforts déployés par l’État partie pour fournir des services d’aide juridique aux femmes et aux filles par l’appui de l’Association des femmes avocats et du Barreau national et son projet de décentralisation du système des tribunaux pour en faciliter l’accessibilité. Le Comité se préoccupe cependant du fait qu’il n’existe pas de système d’aide judiciaire dans l’État partie et que l’accès des femmes à la justice soit souvent entravé par l’inaccessibilité géographique des tribunaux et la corruption présumée dans le système judiciaire. Le Comité se préoccupe aussi de l’absence de mécanismes efficaces pour garantir la responsabilisation et assurer la protection des droits des femmes, ainsi que du fait que la Commission nationale sur les droits de l’homme n’a pas suffisamment de ressources humaines et financières et ne se conformerait pas aux principes liés au statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (les Principes de Paris).

Rappelant sa recommandation générale n o  33, le Comité exhorte l’État partie à :

a) Mettre en place un mécanisme global d’aide judiciaire en élaborant un projet approprié de loi sur l’aide judiciaire pour faciliter l’accès des femmes à la justice;

b) Veiller à ce que la loi sur l’aide judiciaire prévoie l’assistance judiciaire pour les femmes et les filles pour les questions tant pénales que civiles;

c) Faire en sorte que les femmes, plus particulièrement celles qui appartiennent aux groupes défavorisés et marginalisés, comme les femmes handicapées, aient un accès effectif à la justice dans tous les 15 comtés de l’État partie;

d) Enquêter sur les allégations de corruption au sein du système judiciaire et poursuivre et punir les magistrats corrompus qui font obstruction à la justice, afin de rétablir la confiance du public à l’égard du système judiciaire;

e) Envisager de mettre en place une commission d’enquête nationale indépendante chargée de recevoir les plaintes portées contre des juges et magistrats et d’enquêter à leur sujet;

f) Fournir des ressources humaines et financières suffisantes à la Commission nationale indépendante sur les droits de l’homme et veiller à ce qu’elle se conforme pleinement aux Principes de Paris et à ce que son mandat englobe les questions liées à l’égalité des sexes et la protection des droits des femmes.

Mécanisme national chargé de la promotion de la femme

Le Comité note que le Ministère de l’égalité des sexes, des enfants et de la protection sociale, qui sert de mécanisme national chargé de la promotion de la femme, a désormais un mandat élargi aux enfants et à la protection sociale. Tout en notant que les ressources financières de l’État partie au cours de la période post-Ebola sont surexploitées, le Comité craint que l’expansion du mandat du Ministère et le manque de ressources humaines et financières suffisantes n’aient une incidence défavorable sur la promotion et la protection des droits des femmes dans l’État partie. Tout en se félicitant de la mise en place de coordonnateurs pour les questions concernant la problématique hommes-femmes dans les ministères d’exécution et des mesures visant à garantir la prise en compte systématique de la problématique hommes-femmes et la budgétisation dans la perspective de l’égalité des sexes, le Comité constate que l’évaluation d’impact de la mise en œuvre de la politique nationale sur l’égalité des sexes de 2009 a été reportée à cause de l’épidémie d’Ebola.

Le Comité recommande que l’État partie :

a) Fournisse des ressources humaines et financières suffisantes au Ministère de l’égalité des sexes, des enfants et de la protection sociale pour lui permettre d’exécuter efficacement ses activités en tant que mécanisme national pour la promotion de la femme, notamment en recherchant l’aide et la coopération internationales, le cas échéant;

b) Continue d’appuyer les coordonnateurs pour les questions concernant la problématique hommes-femmes dans les ministères d’exécution pour garantir l’efficacité de leurs activités liées à la prise en compte systématique de la problématique hommes-femmes et la budgétisation dans la perspective de l’égalité des sexes;

c) Continue de fournir au personnel technique chargé de la budgétisation à tous les niveaux une formation sur la budgétisation dans la perspective de l’égalité des sexes;

d) Évalue la politique nationale sur l’égalité des sexes de 2009 pour comprendre l’impact et l’efficacité des politiques et programmes visant à prendre systématiquement en compte l’égalité des sexes et à améliorer la jouissance par les femmes de leurs droits humains. Le Comité encourage l’État partie à rechercher, à cet égard, l’assistance technique auprès des organismes compétents des Nations Unies et autres partenaires.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité prend acte des initiatives prises par l’État partie en vue de garantir l’égalité de facto des femmes et des hommes, notamment en modifiant la loi électorale, qui prévoit actuellement que les listes des candidats présentées par les partis politiques doivent contenir un minimum de 30 % de chaque sexe. Le Comité déplore cependant le fait que la législation ne prévoie pas de sanctions pour le non-respect de ce quota. Le Comité est également préoccupé par l’utilisation insuffisante des mesures temporaires spéciales dans d’autres domaines couverts par la Convention, comme l’éducation et l’emploi, pour accélérer la réalisation de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines dans lesquels les femmes sont insuffisamment représentées ou défavorisées.

Le Comité engage l’État partie à adopter et appliquer pleinement la loi sur les mesures temporaires spéciales, en vue d’accroître la participation des femmes à la vie politique et publique, l’éducation et l’emploi, conformément à l’article 4 1) de la Convention et la recommandation générale n o  25 (2004) du Comité sur les mesures temporaires spéciales, en tant qu’une stratégie nécessaire pour accélérer la réalisation de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines couverts par la Convention dans lesquels les femmes sont sous-représentées ou défavorisées.

Stéréotypes et pratiques préjudiciables

Le Comité prend acte des efforts déployés par l’État partie pour faire face aux stéréotypes et aux pratiques préjudiciables, notamment en publiant des circulaires interdisant certaines pratiques qui perpétuent les stéréotypes sexistes discriminatoires. Le Comité se préoccupe néanmoins de la persistance des pratiques culturelles et traditions défavorables, ainsi que des attitudes patriarcales et des stéréotypes profondément ancrés concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la société et dans la famille, qui sont perpétués par des sociétés secrètes tribales comme le Sande et le Poro. Le Comité note que ces types de stéréotypes contribuent à accroître le mariage d’enfants et/ou forcé, l’enlèvement de filles et la polygamie, et partant au statut défavorisé et inégal des femmes dans la société. Le Comité est particulièrement préoccupé par le fait que les sociétés secrètes tribales continuent de perpétuer des pratiques préjudiciables, notamment la mutilation génitale féminine, à travers leurs rites d’initiation, et que des pratiques comme l’ordalie pour les femmes et les filles accusées de sorcellerie, ainsi que les meurtres rituels, soient monnaie courante.

Rappelant la recommandation générale n o 31 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes/l’observation générale n o  18 du Comité des droits de l’enfant (2014) sur les pratiques préjudiciables, le Comité invite instamment l’État partie à :

a) Redoubler d’efforts par les médias et autres moyens pour sensibiliser le public aux stéréotypes sexistes discriminatoires qui persistent à tous les niveaux de la société, en vue de les éliminer;

b) Développer les programmes de sensibilisation du public à l’impact négatif de ces stéréotypes sur la jouissance par les femmes de leurs droits, plus particulièrement en milieu rural, en ciblant les dirigeants traditionnels, qui sont les gardiens des valeurs coutumières dans l’État partie;

c) Prendre des mesures juridiques efficaces pour interdire et éliminer les mariages d’enfants et/ou forcés et pour décourager et interdire la polygamie;

d) Suivre et examiner régulièrement les mesures prises pour éliminer les stéréotypes sexistes discriminatoires et les pratiques préjudiciables, notamment l’ordalie des femmes et filles accusées de sorcellerie, et collaborer avec les dirigeants traditionnels et les sociétés secrètes de Sande et de Poro, en vue de les amener à abandonner toutes les pratiques préjudiciables, notamment la mutilation génitale féminine.

Mutilation génitale féminine

Le Comité rappelle ses précédentes observations finales (CEDAW/C/LBR/6, par. 20) et réitère sa préoccupation au sujet du fait que, nonobstant les efforts déployés par l’État partie pour lutter contre la mutilation génitale féminine, comme l’adoption de la loi sur le viol et de la loi sur les enfants, cette pratique dangereuse continue d’être pratiquée à grande échelle par les dirigeants traditionnels et communautaires et les zoes, plus particulièrement dans les sociétés traditionnelles comme le Sande. Le Comité constate avec préoccupation que le projet de loi sur la violence familiale introduit l’élément de consentement pour une pratique dangereuse qui constitue une grave violation de l’intégrité physique et de la santé des femmes. Le Comité est aussi préoccupé par les informations faisant état d’enlèvements et de soumission forcée à la mutilation génitale féminine des personnes qui sont membres de la société secrète Sande, en particulier celles qui résident dans les comtés où elle n’est pas pratiquée.

Le Comité réitère ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/LBR/6 , par. 20) et exhorte l’État partie à :

a) Ériger en infraction pénale la mutilation génitale féminine dans la loi sur les enfants et à introduire des sanctions à la mesure de l’infraction pour s’assurer que la pratique est interdite dans toutes les circonstances et sera éliminée;

b) Éliminer l’élément de consentement du projet de loi sur la violence familiale et veiller à ce que le projet de loi serve à poursuivre et punir convenablement les auteurs de mutilation génitale féminine;

c) Redoubler d’efforts en vue de sensibiliser les groupes religieux et les dirigeants et le grand public au fait que toutes les formes de mutilation génitale féminine, notamment la circoncision féminine, sont en violation des droits humains des femmes et au caractère criminel et aux effets dangereux de la pratique;

d) Envisager de rechercher l’aide et la coopération internationales pour élaborer des programmes spécifiques de développement de l’entrepreneuriat ciblant les zoes et les praticiennes traditionnelles de la mutilation génitale féminine, afin de les aider à trouver d’autres moyens de subsistance.

Violence sexuelle et sexiste

Le Comité félicite l’État partie pour les efforts consentis en vue de combattre la violence à l’égard des femmes, notamment en élaborant un projet de loi contre la violence familiale et en mettant en place un service de lutte contre les infractions de violence sexiste et le Tribunal pénal « E », qui se spécialise dans la poursuite des cas de violence sexuelle et sexiste. Le Comité prend acte des efforts déployés par l’État partie pour décentraliser le Tribunal pénal « E » et le reproduire dans d’autres comtés. Le Comité prend également acte des efforts déployés par l’État partie pour mettre en place des centres de services intégrés pour les victimes de violence sexuelle et sexiste dans 7 des 15 comtés. Il continue cependant d’être préoccupé par :

a)Les niveaux élevés de violence sexuelle et sexiste, en particulier la violence familiale, et le nombre accru de meurtres rituels, plus particulièrement au cours des périodes préélectorales;

b)Les faibles taux de condamnation pour des actes de violence sexuelle et sexiste et le fait que le viol demeure l’une des infractions le plus fréquemment signalées;

c)Le nombre insuffisant de centres d’accueil et l’inaccessibilité des centres d’accueil existants pour la plupart des femmes et des filles dans la plupart des comtés.

Rappelant sa recommandation générale n o  19 (1992) sur la violence envers les femmes, le Comité exhorte l’État partie à :

a) Redoubler d’efforts pour encourager à signaler la violence à l’encontre des femmes et enquêter sur les cas de violence à l’encontre des femmes et les poursuivre en veillant à la décentralisation du Tribunal pénal « E » à tous les comtés de l’État partie afin de réduire la culture de l’impunité, en particulier pour le viol et autres formes de violence sexuelle;

b) Élaborer une stratégie globale de prévention de la violence sexuelle et sexiste et mettre en place un programme de protection des victimes et des témoins pour les victimes et les témoins des actes de violence sexuelle et sexiste;

c) Affecter des ressources suffisantes pour intégrer la violence sexuelle et sexiste dans les plans stratégiques du secteur de la santé et former les fournisseurs de soins de santé à la fourniture de soins cliniques complets aux victimes;

d) Veiller à ce que le projet de loi sur la violence familiale soit vite adopté et qu’il couvre de manière exhaustive toutes les formes de violence à l’encontre des femmes, en particulier le viol marital et la violence sexuelle;

e) Élaborer un système de collecte régulière de données statistiques sur les cas de toutes les formes de violence envers les femmes, notamment la violence familiale, les enlèvements, les meurtres rituels, données qui doivent être ventilées par âge, type d’infraction et relation entre la victime et l’auteur de l’infraction;

f) Mettre en place des centres d’accueil dans tous les comtés pour assurer l’accessibilité pour les femmes et les filles qui sont victimes de violence;

g) Renouveler le plan d’action national contre la violence sexuelle et sexiste, qui expire à la fin de 2015, et instituer un mécanisme national de coordination de lutte contre la violence, avec pour mission de faire face à toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles et de coordonner les efforts déployés au plan national pour prévenir et éliminer la violence à l’égard des femmes.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité salue le lancement, en 2014, d’un plan d’action national en vue de lutter contre la traite de personnes et la mise en place d’un groupe de travail national de lutte contre la traite de personnes. Le Comité constate que l’État partie demeure une source et un pays de destination pour la traite de personnes et que l’État partie enquête actuellement sur le cas de 14 filles libériennes qui ont fait l’objet de traite et ont été emmenées au Liban. Le Comité est cependant préoccupé par le manque d’informations sur le nombre de cas qui ont fait l’objet de poursuites et dans lesquels les auteurs de l’infraction ont été condamnés et par le fait que l’État partie n’ait pas encore mis en place un fonds spécial sur la traite et des centres d’accueil pour les victimes. Il est aussi préoccupé par le manque de données sur l’étendue de la traite de femmes et de filles au cours de la période postérieure à Ebola, compte tenu de leur vulnérabilité accrue du fait de la pauvreté.

Le Comité recommande que l’État partie :

a) Redouble d’efforts visant à lutter contre les causes profondes de la traite des femmes et des filles et assurer la réadaptation et la réinsertion sociale des victimes, notamment en leur donnant accès à des centres d’accueil, à une assistance juridique, médicale et psychosociale et à d’autres sources de revenus;

b) Recherche l’aide et la coopération internationales pour réaliser une étude complète en vue de recueillir des données, ventilées par âge, région ou pays d’origine, sur l’ampleur et les différentes formes de traite des femmes et des filles, en particulier pendant la période post-Ebola;

c) Intensifie les efforts de sensibilisation visant à encourager le signalement des infractions se rapportant à la traite et le repérage précoce des femmes et des filles victimes de la traite et leur réorientation vers les services compétents;

d) Redouble les efforts de coopération bilatérale, régionale et internationale en vue de prévenir la traite, y compris par l’échange d’informations et l’harmonisation des procédures judiciaires visant à poursuivre les auteurs de la traite, en particulier avec les pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO);

e) Fournisse dans son prochain rapport périodique des données sur les programmes existants qui visent à lutter contre la prostitution, notamment la demande de celle-ci, et sur les programmes de soutien aux femmes qui veulent sortir de la prostitution.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité prend acte des progrès accomplis en matière d’amélioration de la représentation des femmes aux postes de responsabilité dans l’État partie, notamment l’amendement de l’alinéa 5 de l’article 4 de la loi électorale prévoyant la prise en compte de l’égalité des sexes dans la nomination des candidats et l’élection et la réélection pour un second mandat d’une femme présidente. Toutefois, il demeure préoccupé par le fait que les femmes sont encore sous-représentées aux postes de décision, y compris au Parlement, aux postes les plus élevés de la fonction publique et au niveau ministériel.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures temporaires spéciales, conformément à l’alinéa 1 de l’article 4 de la Convention et aux recommandations générales n o  25 (2004) du Comité et n o  23 (1997) sur la vie politique et publique, comme un système de parité des sexes pour les nominations et le recrutement accéléré de femmes aux postes de responsabilité dans la fonction publique, afin d’accélérer la participation pleine et égale des femmes aux organes élus et nommés, y compris au Parlement, aux postes les plus élevés de la fonction publique et au niveau ministériel. En outre, dans le cadre de la révision constitutionnelle en cours, l’État partie devrait envisager d’intégrer dans la Constitution des dispositions relatives aux mesures temporaires spéciales, visant à instaurer une égalité de fait entre les hommes et les femmes dans la vie politique et publique.

Femmes, paix et sécurité

Le Comité note que le plan d’action national sur la mise en œuvre de la résolution no 1325 (2000) du Conseil de sécurité a récemment été évalué et que l’État partie examine actuellement les recommandations en vue d’adopter un nouveau plan d’action national. Il constate cependant que malgré le plan d’action national, la participation des femmes demeure limitée dans le secteur de la sécurité.

Le Comité prie instamment l’État partie de tenir dûment compte de la recommandation générale n o  30 (2013) du Comité sur les femmes dans la prévention des conflits et les situations de conflit et postconflit en veillant à ce que le plan d’action national sur la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité soit régulièrement réexaminé pour tenir compte de tous les sujets de préoccupation et assurer une paix durable. Le Comité recommande également à l’État partie d’associer pleinement les femmes à toutes les étapes de la reconstruction après le conflit, y compris la prise de décisions, conformément à la résolution 1325 (2000) et de prendre en considération l’ensemble du programme d’action du Conseil concernant les femmes et la paix et la sécurité, tel qu’il est reflété dans les résolutions 1820 (2008), 1888 (2009), 1889 (2009), 2122 (2013) et 2002 (2010) du Conseil ainsi que dans la recommandation générale n o  30 du Comité.

Nationalité

Le Comité prend acte des efforts déployés par l’État partie pour remédier aux difficultés liées à sa législation sur la nationalité. Cependant, il est préoccupé par le fait que la loi de 1973relative aux étrangers et à la nationalité, qui est contraire à l’article 28 de la Constitution, reste en vigueur et continue d’être appliquée, empêchant ainsi les femmes de transmettre la nationalité libérienne à leur enfant s’il est né à l’étranger. Le Comité souligne que cette disposition est discriminatoire, car elle ne s’applique pas aux hommes libériens dont les enfants sont nés en dehors de l’État partie et elle fait courir aux enfants nés de mère libérienne le risque de devenir apatrides.

Le Comité recommande à l’État partie d’abroger les dispositions discriminatoires de la loi de 1973 relative aux étrangers et à la nationalité, afin de la mettre en conformité avec la Constitution et la Convention et de faire en sorte que les femmes libériennes qui donnent naissance à un enfant à l’étranger puissent transmettre leur nationalité à leur enfant sur un pied d’égalité avec les hommes libériens dont l’enfant naît à l’étranger, conformément à l’article 9 de la Convention. En outre, le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les enfants nés de femmes libériennes mariées à des non-Libériens ne deviennent pas apatrides et aient le même accès que les autres enfants à l’éducation, aux soins de santé et aux autres services de base.

Éducation

Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption, en 2011, de la loi portant réforme de l’éducation ainsi que de diverses politiques concernant l’éducation des filles, comme la politique relative au harcèlement sexuel et la révision, en 2013, ainsi que la révision de la politique relative à l’éducation des filles. Le Comité félicite également l’État partie pour son programme d’apprentissage accéléré et pour la fourniture de l’enseignement supérieur gratuit aux étudiants qui se spécialisent dans l’éducation, qui vise en partie à encourager les femmes et les filles à faire carrière dans l’éducation. Cependant, le Comité s’inquiète du faible taux de scolarisation et de rétention scolaire des filles, et des disparités entre les sexes dans l’accès aux bourses. Le Comité est en outre préoccupé par :

a)Le nombre croissant de filles qui abandonnent l’école, dans la plupart des cas en raison d’une grossesse précoce ou du recrutement dans la société secrète Sande;

b)Le caractère généralisé de mauvais traitement et de violences sexuelles dont les filles sont victimes de la part des enseignants à l’école, ainsi que pendant leurs trajets entre leur domicile et l’école;

c)Le manque de programmes adaptés visant à réinsérer les jeunes filles dans le système éducatif après qu’elles aient accouché;

d)Le manque de clarté concernant les programmes visant spécifiquement à remédier aux conséquences de l’épidémie d’Ebola sur l’éducation des filles, et en particulier à combattre les attitudes traditionnelles et les stéréotypes négatifs à l’égard de l’éducation des filles, lesquels ont été renforcés par l’épidémie;

e)Le niveau limité, dans les écoles, des cours adaptés à l’âge d’éducation à la santé et aux droits en matière de sexualité et de procréation.

Le Comité renouvelle ses observations finales précédentes ( CEDAW/C/LBR/CO/6 , par. 33) et recommande que l’État partie :

a) Mette en place des programmes visant à encourager la scolarisation des filles et leur maintien à l’école, notamment par l’introduction des mécanismes de surveillance pour combattre le recrutement des filles dans la société secrète Sande, pendant l’année scolaire, la suppression des coûts indirects liés à l’enseignement primaire et la protection des filles défavorisées, y compris les filles handicapées;

b) Adopte des mesures pour prévenir et éliminer le mauvais traitement et la violence à l’encontre des filles à l’école, et veille à ce que les auteurs de tels actes soient punis comme il se doit;

c) Renforce l’action menée pour encourager les filles et les jeunes femmes à choisir des domaines d’études et des professions non traditionnels, comme l’informatique et les technologies, notamment par l’adoption de mesures spéciales temporaires; et mettre en œuvre des programmes d’orientation scolaire à l’intention des filles et des garçons visant à les informer sur l’ensemble des choix éducatifs afin de les inciter à choisir des domaines d’études non traditionnels;

d) Réduise le taux d’abandon scolaire chez les filles en favorisant leur retour à l’école après l’accouchement;

e) Prenne des mesures pour venir à bout des attitudes traditionnelles et des stéréotypes qui font obstacle à l’éducation des filles et des femmes et qui ont été renforcés par l’épidémie d’Ebola et les pressions accrues exercées sur les jeunes filles pour qu’elles se consacrent à nouveau aux tâches domestiques;

f) Intègre dans les programmes scolaires des cours adaptés à l’âge d’éducation à la santé et aux droits en matière de sexualité et de procréation, y compris des cours d’éducation sexuelle complets à l’intention des adolescents et des adolescentes portant sur les comportements sexuels responsables et visant à éviter les grossesses précoces.

Emploi

Le Comité se félicite de l’adoption récente de la loi relative au travail décent et des efforts menés pour renforcer la présence des femmes sur le marché du travail par la promotion du principe du salaire égal pour un travail de valeur égale. Le Comité constate que le secteur de l’emploi a payé un lourd tribut à l’épidémie d’Ebola, et que dans le secteur formel comme dans le secteur informel, de nombreuses femmes ont perdu des possibilités d’activités économiques, y compris leurs sources de revenus, du fait de la pandémie. Le Comité prend note du fait que les efforts de relèvement après Ebola, déployés par l’État partie, portent également sur le secteur de l’emploi, où les femmes continuent d’être l’objet de ségrégation professionnelle et occupent principalement des emplois faiblement rémunérés dans le secteur informel.

Le Comité invite l’État partie à :

a) Veiller à ce que les plans de relèvement après Ebola comportent des mesures visant spécifiquement à remédier au problème persistant des inégalités entre les sexes dans l’emploi, notamment la ségrégation professionnelle et les écarts de salaires entre hommes et femmes, dans le secteur informel, où les femmes sont particulièrement nombreuses;

b) Intensifier les efforts visant à promouvoir l’entrée des femmes dans le secteur formel de l’économie, notamment en dispensant des formations professionnelles et techniques;

c) Procéder régulièrement à des inspections du travail et faire respecter la législation du travail par les employeurs du secteur privé, en particulier en ce qui concerne le travail domestique.

Santé

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour circonscrire l’épidémie d’Ebola ainsi que les plans mis en place pour rétablir le système de santé, qui connaît actuellement de graves problèmes de ressources financières et humaines. Le Comité prend note du fait que l’État partie s’emploie actuellement à recruter et à mettre en place 4 000 agents de santé, notamment des sages-femmes hautement qualifiées, dans l’ensemble du pays, en particulier dans les zones rurales. Le Comité constate que l’épidémie d’Ebola a eu des incidences particulières sur la vie et la santé des femmes du fait que leur rôle de pourvoyeuses de soins les expose davantage au risque d’infection. Le Comité relève avec préoccupation ce qui suit :

a)Les incidences de la pandémie du virus Ebola ont entravé les efforts déployés par l’État partie en vue de lutter contre le taux élevé de mortalité maternelle et infantile, imputable aux graves perturbations des services de sage-femme et d’autres services;

b)Aucune information n’est disponible sur les programmes visant spécifiquement à fournir des soins post-Ebola aux femmes et aux filles qui ont survécu à la pandémie;

c)Les taux de grossesse chez les adolescentes sont élevés il n’existe pas de données sur l’accès aux services de santé sexuelle et procréative au cours de la période post-Ebola;

d)Les avortements non médicalisés sont courants, malgré les efforts déployés par l’État partie pour assurer l’accès à des services d’avortement dans certains cas, par exemple, lorsqu’il y a un risque important que la poursuite de la grossesse nuise gravement à la santé physique ou mentale de la mère, ou que l’enfant naisse avec de graves malformations fœtales, ou que la grossesse soit le fruit d’un viol, d’un inceste ou de toutes autres relations sexuelles délictuelles;

e)La prévention de la transmission mère-enfant du VIH/sida reste un problème dans l’État partie.

Conformément à sa recommandation générale n o  24 (1999) sur l’article 12 de la Convention (femmes et santé), le Comité invite l’État partie à :

a) Veiller à ce que les femmes participent pleinement à la mise en œuvre des plans de relèvement post-Ebola en vue de rétablir et de renforcer son système de santé, compte tenu du rôle joué par les femmes dans la prise en charge des patients atteints d’Ebola pendant l’épidémie;

b) Élargir l’accès des femmes et des filles aux soins de santé de base, notamment les soins post-Ebola destinés aux femmes et aux filles qui ont survécu à la pandémie, en particulier dans les régions rurales, et éliminer les obstacles à l’accès aux soins de santé rencontrés par les femmes, y compris les obstacles d’ordre socioculturel;

c) Renforcer la formation des sages-femmes et des infirmières pour améliorer l’accès des femmes et des filles à des soins de santé adéquats;

d) Renforcer le programme de réduction du taux de mortalité maternelle, néonatale et infantile, et assurer la pleine application du programme de soins obstétriques gratuits sur une plus grande partie du pays, en allouant des ressources financières et humaines suffisantes;

e) Promouvoir une éducation à la santé et aux droits en matière de procréation complète, qui soit complète, fondée sur les droits et tenant compte de l’âge, en particulier en menant des campagnes à grande échelle pour sensibiliser aux moyens contraceptifs disponibles, et élargir l’accès à un éventail complet de moyens contraceptifs sûrs et d’un prix abordable, ainsi qu’à des informations sur la planification familiale destinées aux femmes et aux hommes de tous âges, dans l’ensemble du pays;

f) Développer les programmes et prestations de services d’avortement et de soins après avortement en vue d’en assurer l’accessibilité;

g) Renforcer la mise en œuvre des stratégies visant à lutter contre le VIH/sida, en particulier les stratégies préventives, et continuer de fournir des traitements antirétroviraux gratuits à toutes les femmes et à tous les hommes qui vivent avec le VIH/sida, y compris les femmes enceintes, afin de prévenir la transmission mère-enfant.

Femmes vivant en milieu rural

Le Comité salue les mesures prises par l’État partie pour améliorer les conditions de vie des femmes vivant en milieu rural, comme l’adoption du Programme national en faveur des femmes rurales, qui vise notamment à faire en sorte que ces femmes prennent part aux processus de prise de décisions dans les communautés rurales. Le Comité note également que l’État partie a entrepris plusieurs programmes visant à favoriser l’entrepreneuriat, comme le Programme social de transfert d’espèces et l’octroi de prêts de microfinancement. Cependant, le Comité est préoccupé par le fait que les femmes continuent de rencontrer des obstacles qui les empêchent de participer pleinement aux processus de prise de décisions, en particulier ceux relatifs à la gestion des affaires locales. Le Comité est également préoccupé par le fait que les femmes n’ont qu’un accès limité aux infrastructures et aux services sociaux comme ceux qui concernent les soins de santé, l’assainissement et l’approvisionnement en eau potable et en électricité. De même, le Comité est préoccupé, d’une part, par l’absence d’informations sur les procédures précises suivies dans l’octroi de concessions foncières à des fins d’activités économiques sur des terres appartenant à des femmes ou utilisées par elles et, d’autre part, par les informations faisant état d’exploitation par des entreprises privées.

Le Comité engage l’État partie à :

a) Faciliter la pleine participation des femmes aux programmes de développement rural ainsi qu’à l’élaboration des politiques et aux prises de décisions dans ce domaine, en particulier au sein du Conseil traditionnel national et des conseils de femmes, et intégrer une démarche tenant compte de la problématique hommes-femmes dans le projet de loi à l’étude sur la gouvernance locale;

b) Continuer d’élargir l’accès des femmes au microfinancement et au microcrédit à faible taux d’intérêt, pour leur permettre de s’engager dans des activités génératrices de revenus et de créer leur propre entreprise;

c) Solliciter, s’il y a lieu, l’aide et la coopération internationales, qui devraient mettre l’accent sur l’amélioration des infrastructures dans les zones rurales et la prestation de services comme les soins de santé, l’assainissement et l’approvisionnement en eau potable et en électricité;

d) Procéder à des consultations effectives avec les communautés concernées avant d’octroyer à des entreprises ou des tiers des concessions foncières à des fins d’exploitation économique des terres et territoires traditionnellement occupés ou utilisés par des femmes, et respecter l’obligation d’obtenir le consentement préalable des femmes concernées, donné librement et en connaissance de cause;

e) Redoubler d’efforts pour recueillir des données ventilées par sexe sur la condition des femmes âgées, des femmes handicapées et des veuves, et lutter contre les formes croisées de discrimination auxquelles elles se heurtent au sein de la société.

Mariage et relations conjugales

Le Comité prend note de la complexité des différents et parfois contradictoires régimes matrimoniaux coutumiers et civils dont dispose l’État partie, avec des implications juridiques variées; et il est préoccupé par le fait que les femmes ne soient pas au courant des mécanismes juridiques applicables pour lesquels elles peuvent opter, pour obtenir réparation et de leurs conséquences. Le Comité se déclare par ailleurs préoccupé par le fait que l’âge légal du mariage dans le cadre du droit coutumier est de 16 ans, alors qu’il est de 18 ans dans le cadre du droit codifié, ce qui a une incidence sur les efforts visant à lutter contre le mariage précoce et/ou forcé. Il se dit aussi préoccupé par le fait que la loi de 2003 sur les successions, qui harmonise les droits de succession dans le cadre du mariage coutumier et du mariage civil, n’est pas appliquée. Il est également préoccupé par le fait qu’en vertu de la loi sur les relations conjugales, seul le père a des droits parentaux et la garde des enfants après la séparation. Il est en outre préoccupé par le fait qu’aux termes des lois existantes, les droits économiques des femmes dans les unions de fait ne sont pas protégés.

Le Comité recommande à l’État partie d’harmoniser l’âge du mariage à 18 ans pour les filles et pour les garçons, et de veiller à ce que les femmes qui se marient sous le régime du droit coutumier jouissent d’une protection égale à celle des femmes qui se marient dans le cadre du droit codifié, et qu’elles obtiennent réparation devant les tribunaux. L’État partie devra également faire en sorte qu’après l’harmonisation des législations, les droits de succession, dans le cadre du mariage coutumier comme dans celui du mariage civil, soient conformes à la Convention et soient effectivement appliqués, et que les femmes soient pleinement informées de tout changement au niveau de la loi. Le Comité prie instamment l’État partie de modifier la loi sur les relations conjugales et de garantir des droits parentaux égaux pour les femmes dans tous les cas, et de faire du meilleur intérêt de l’enfant le principe directeur devant guider la garde des enfants. Il demande également à l’État partie d’adopter les mesures législatives nécessaires pour protéger les droits économiques des femmes dans les unions de fait.

Protocole facultatif à la Convention

Le Comité encourage l’État partie à ratifier le Protocole facultatif à la Convention.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité engage l’État partie à tirer parti de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing dans ses efforts visant à mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

Le Comité en appelle à la réalisation effective de l’égalité des sexes, conformément aux dispositions de la Convention, tout au long du processus de mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Diffusion

Le Comité rappelle à l’État partie l’obligation d’appliquer systématiquement et continuellement les dispositions de la Convention. Il invite instamment l’État partie à considérer comme hautement prioritaire la mise en application des présentes observations et recommandations finales entre maintenant et la soumission du prochain rapport périodique. Le Comité demande donc que les présentes observations finales soient diffusées à temps, dans la langue officielle de l’État partie, aux institutions publiques pertinentes, à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, aux ministères, au parlement, au Sénat et au système judiciaire, pour permettre qu’elles soient mises en application par tous. Il encourage l’État partie à collaborer avec toutes les parties prenantes concernées, comme le patronat, les syndicats, les organisations des droits de l’homme et des femmes, les universités, les institutions de recherche et les médias. Il recommande que les présentes observations finales soient diffusées dans la forme appropriée au niveau de la communauté locale, pour en faciliter la mise en application. Le Comité demande en outre à l’État partie de continuer à diffuser à toutes les parties prenantes, la Convention, le Protocole facultatif y afférant et la jurisprudence pertinente, ainsi que les recommandations générales du Comité.

Assistance technique

Le Comité recommande à l’État partie de rechercher l’assistance et la coopération internationales, et de recourir à l’assistance technique pour élaborer et mettre en œuvre un vaste programme visant à faire appliquer lesdites recommandations et l’ensemble de la Convention. Le Comité encourage en outre l’État partie à poursuivre sa coopération avec les organismes et programmes spécialisés du système des Nations Unies.

Ratification d’autres traités

Le Comité note que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme renforcera la jouissance par les femmes de leurs libertés et droits fondamentaux dans tous les domaines de la vie. Le Comité encourage donc l’État partie à ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et les autres traités auxquels il n’est pas encore partie.

Suite à donner aux observations finales

Le Comité demande à l’État partie de lui soumettre, dans un délai de deux ans, des informations écrites sur les mesures qu’il a prises pour donner suite aux recommandations figurant aux paragraphes 12 et 26 b) à e) plus haut.

Préparation du prochain rapport

Le Comité invite l’État partie à soumettre son neuvième rapport périodique en novembre 2019.

Le Comité demande à l’État partie de suivre les directives harmonisées concernant l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment les directives sur un document de base commun et sur des documents spécifiques à chaque traité ( HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).