Nations Unies

CAT/C/QAT/CO/2

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

25 janvier 2013

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Observations finales concernant le deuxième rapport périodique du Qatar, adoptées par le Comitéà sa quarante-neuvième session(29 octobre-23 novembre 2012)

1.Le Comité contre la torture a examiné le deuxième rapport périodique du Qatar (CAT/C/QAT/2) à ses 1104eet 1107eséances (CAT/C/SR.1104 et 1107), les 5 et 6 novembre 2012, et a adopté, à sa 1124eséance (CAT/C/SR.1124), le 19 novembre 2012, les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction la soumission du deuxième rapport périodique du Qatar qui, d’une manière générale, suit les directives relatives à l’établissement des rapports, mais regrette qu’il ait été soumis avec plus de trois ans de retard. Le Comité appelle l’attention sur l’importance de soumettre les rapports périodiques dans les délais prescrits pour garantir une analyse continue de la mise en œuvre de la Convention. Il remercie l’État partie des réponses écrites qu’il a apportées en arabe et en anglais à la liste des points à traiter (CAT/C/QAT/Q/2/Add.2).

3.Le Comité apprécie l’occasion qui lui a été offerte de rencontrer une délégation de haut niveau, avec laquelle il a engagé un dialogue constructif sur divers sujets de préoccupation relevant de la Convention.

B.Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction que depuis l’examen du rapport initial l’État partie a ratifié les instruments internationaux suivants ou y a adhéré:

a)La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 29 avril 2009;

b)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 13 mai 2008.

5.Le Comité accueille avec satisfaction des réformes entreprises par l’État partie dans le domaine des droits de l’homme et des efforts qu’il déploie pour revoir sa législation de façon à renforcer la protection des droits de l’homme, y compris des droits protégés par la Convention. Il relève en particulier:

a)La création de la Cour suprême constitutionnelle, en application de la loi no12 de 2008;

b)La mise en place de l’Agence qatarienne de lutte contre la traite des êtres humains, en application de la décision no 1 de 2008 du Conseil supérieur des affaires de la famille;

c)L’établissement d’une commission permanente chargée d’examiner les cas des personnes détenues en attente d’expulsion, en application du décret no 46 de 2008 du Ministre d’État aux affaires intérieures;

d)La promulgation de la loi no 3 de 2009 relative à l’organisation des établissements pénitentiaires et correctionnels;

e)La modification, par le décret-loi no 17 de 2010, de la loi portant création de la Commission nationale des droits de l’homme (loi no 38 de 2002).

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Mise en œuvre des recommandations antérieures du Comité

6.Le Comité donne à l’État partie acte des diverses mesures qu’il a prises pour modifier sa législation de façon à la rendre conforme à la Convention, mais il constate avec préoccupation que nombre des recommandations qu’il avait faites(CAT/C/QAT/CO/1) à l’issue de l’examen du rapport initial n’ont pas encore été mises en œuvre, et regrette que la plupart des sujets de préoccupation subsistent.

L ’ État partie devrait réexaminer les recommandatio ns f aites par le Comité dans  ses précédentes observations finales et prendre toutes les mesures nécessaires pour leur donner intégralement effet .

Considérations générales concernant l’application de la Convention

7.Le Comité regrette qu’en dépit de ses demandes répétées la plupart des données statistiques demandées n’aient pas été fournies. En l’absence de données complètes et ventilées sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations concernant des actes de torture et des mauvais traitements commis par des agents des forces de l’ordre oudes forces de sécurité ou des membres du personnel pénitentiaire, sur les expulsions d’immigrés et de demandeurs d’asile, sur l’accès aux registres de détention, sur la durée des procès, sur la réadaptation et la réparation, sur la traite et sur la violence sexuelle, il est extrêmement difficile de savoir si l’État partie respecte ou non les dispositions de la Convention.

L ’ État partie devrait rassembler et faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations pour torture et mauvais traitements, les expulsions, la durée des procès des responsables présumés d ’ actes de torture ou de mauvais traitements, la réadaptation et l ’ indemnisation , la traite et la violence sexuelle , et sur l ’ issue de chacune de ces plaintes et affaires . Les données statistiques devraient être ventilées par sexe, âge, origine ethnique et nationalité aux fins d e la surveillance de l ’ application de la Convention.

Incrimination de la torture

8.Le Comité note avec satisfaction la modification de la définition de la torture dans les articles 159 et 159 bis du Code pénal, désormais conforme à l’article premier de la Convention, et la modification apportée à la législation nationale de façon à rendre les actes de torture et de mauvais traitements passibles de peines appropriées. Toutefois, il regrette le manque d’informations sur les cas dans lesquels ces dispositions ont été appliquées par les juridictions nationales et sur les peines prononcées (art. 2 et 4).

L ’ État partie devrait garantir l ’ application effective de la nouvelle définition de la torture donnée dans les articles 159 et 159  bis du Code pénal et suivre les affaires dans lesquel le s ces dispositions sont invoquées devant et par des tribunaux. Il devrait veiller à ce que les crimes de torture et de mauvais traitements soient passibles de peines appropriées qui prennent en considération leur gravité, conformément au paragraphe 2 de l ’ article 4 de la Convention.

Réserveset déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention

9.Le Comité note que l’État partie a pris des initiatives en vue de retirer ses réserves aux articles21 et22 de la Convention, mais il constate avec préoccupation qu’il n’a pas encore reconnu la compétence du Comité au titre de ces articles. L’État partie cherche également à maintenir une réserve vague et extrêmement large à l’article premier et à l’article 16 de la Convention au motif que les dispositions qui y sont énoncées sont contraires aux préceptes de la charia et dela religion islamique. Le Comité considère que l’État partie ne devrait pas se heurter à de grands obstacles pour retirer cette réserve, vu qu’il a accepté et incorporé dans son droit interne la définition de la torture figurant à l’article premier de la Convention, comme il est indiqué au paragraphe 8 des présentes observations finales. Le Comité prend note de la déclaration faite par la délégation de l’État partie qui a affirmé que la réserve émise à la Convention ne compromettrait pas le plein exercice de tous les droits qui y sont garantis, mais il craint que le caractère général et l’imprécision de cette réserve n’autorisent les tribunaux et les fonctionnaires du Gouvernement ou autres agents de l’État à ne pas tenir compte de nombre des dispositions de la Convention, ce qui suscite de graves préoccupations quant à la compatibilité de la réserve avec l’objet et le but de la Convention.

L ’ État partie devrait envisager de r etir er la réserve afin d ’ assurer le respect des dispositions de la Convention. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

Garanties juridiques fondamentales

10.Le Comité note que l’article 39 de la Constitution et les articles 40, 112 et 113 du Code de procédure pénale offrent aux détenus certaines garanties juridiques, mais il est préoccupé par le fait que ces dispositions ne sont pas toujours respectées dans la pratique, en particulier à l’égard des étrangers, et qu’elles n’englobent pas toutes les garanties fondamentales établies par la Convention, en particulier le droit d’être examiné par un médecin indépendant dès le début de la détention. Le Comité est également préoccupé par le manque d’information sur les registres d’écrou ainsi que par l’absence de surveillance de l’application des garanties, d’autant plus que l’État partie a déclaré qu’il n’avait recensé aucune affaire dans laquelle les autorités n’auraient pas dûment enregistré un détenu au cours de la période couverte par le rapport. Le Comité prend note des dispositions du Code de procédure pénale qui fixent la durée maximale de la garde à vue à quarante-huit heures, à l’issue desquelles, si l’intéressé n’a pas été inculpé il doit être remis en liberté, mais il demeure préoccupé par le fait que la détention puisse être prolongée de seize jours par le Procureur général, sans inculpation.Il est également préoccupé par les informations signalant des cas de maintien en détention sans inculpation ni jugement, ce qui serait notamment le cas de Mohamed Farouk al-Mahdi, dont le Groupe de travail sur la détention arbitraire a été saisi (A/HRC/WGAD/2010/25) (art. 2 et 16).

L ’ État partie devrait sans tarder prendre des mesures efficaces pour que tous les détenus, y compris les étrangers , bénéficient dans la pratique, dès le début de la détention , des garanties fondamentales prévues par la loi, notamment du droit à l ’ assistance d ’ un avocat et du droit d ’ être examiné par un médecin indépendant, de prévenir ses proches et de comparaître devant un juge dans un délai conforme aux normes internationales. Il devrait également prendre des mesures pour assurer un contrôle effectif du respect par tous les personnels des lois régissant les garanties, et engager une action disciplinaire ou pénale contre ceux qui enfreignent la loi en déniant ces garanties aux dé tenus . L ’ État partie devrait faire en sorte que tous les détenus, y compris les mineurs, soient inscrits dans un registre central. Il est engagé à mettre en place des dispos itifs audiovisuels de surveillance et d ’ enr egistrement systématiques de tous les interrogatoires , dans tous les lieux où des actes de torture ou des mauvais traitements sont susceptibles d ’ être commis, et à dégager les ressources nécessaires à cette fin.

Détention arbitraire en application des dispositions législatives spéciales

11.Le Comité est profondément préoccupé par le fait que les personnes détenues en application des dispositions de la loi sur la protection de la société (loi no 17 de 2002), de la loi sur la lutte contre le terrorisme (loi no 3 de 2004) et de la loi sur l’Agence de sécurité de l’État (loi no 5 de 2003) puissent être maintenues en détention pendant une longue période sans avoir été inculpées et sans bénéficier des garanties fondamentales, notamment pour ce qui est de l’accès à un avocat et à un médecin indépendant ainsi que du droit de prévenir un membre de leur famille et de contester la légalité de leur détention devant un juge. Il est préoccupé par les informations selon lesquelles les personnes détenues en application de ces lois sont souvent mises au secret et placées à l’isolement, comme dans le cas de Mohammed al-Ajami, Fawaz Al-Attiyah, Abdullah Khowar et Salem Al Kuwari (art. 2 et 16).

Le Comité engage instamment l ’ État partie à :

a) Faire en sorte que toutes les garanties fondamentales soient offertes, en droit et en pratique, à toutes les personnes privées de liberté. Ces garanties englobent notamment l ’ accès à des recours judiciaire s et autres qui leur permettent d ’ obtenir rapidement un examen impartial de leur plainte et de contester la légalité de leur d étention ou de leur traitement;

b) Modifier la loi sur la protection de la société et la loi sur la lutte contre le terrorisme pour les rendre conformes à la Convention. L ’ État partie devrait revoir la question de la détention au secret en vue d ’ abolir cette pratique et faire en sorte que le placement à l ’ isolement reste une mesure exceptionnelle d ’ une durée limitée, conformém ent aux normes internationales;

c) Communiquer des statistiques sur le nombre de personnes arrêtées par le personnel de l ’ Agence de sécurité de l ’ État, ainsi que sur toutes les personnes arrêtées parce qu ’ elles sont soupçonnées d ’ avoir violé la loi sur la protection de la société ou la loi sur la lutte contre le terrorisme, et sur le délai écoulé avant qu ’ elles a ient été inculpées.

Châtiments corporels à titre de sanction pénale

12.Le Comité note que, contrairement à l’ancienne loi (loi no 3 de 1995), la nouvelle loi régissant les établissements pénitentiaires et correctionnels (loi no 3 de 2009) ne contient aucune disposition relative à la flagellation en tant que sanction disciplinaire,mais il demeure préoccupé par le fait que la flagellation et la lapidation figurent encore parmi les châtiments prévus à l’article premier du Code pénal. D’après les informations dont le Comité est saisi, que l’État partie n’a pas contestées, de 2009 à 2011 au moins 45personnes ont été condamnées à des peines de flagellation (art. 2).

L ’ État partie devrait mettre fin à la pratique de s châtiments corporels, qui constituent une violation de la Convention, et modifier sa législation en conséquence. Il devrait faire en sorte que les peines fixées pour les infractions pénales soient pleinement conformes à la Convention .

Indépendance de l’appareil judiciaire

13.Le Comité note que la Constitution et la loi no 10 de 2003 sur l’autorité judiciaire reconnaissent l’indépendance de la justice, mais il est préoccupé par le manque d’indépendance de la magistrature dans la pratique, essentiellement du fait de la précarité du mandat des juges. Le Comité note avec préoccupation qu’une forte proportion de juges sont des étrangers qui dépendent d’un permis de séjour délivré par les autorités civiles, et que l’Émir approuve la nomination des juges (art. 2).

Le Comité réitère ses recommandations à l ’ État partie préconisant l ’ adoption de mesures efficaces pour garantir l ’ indépendance totale de sa magistrature, conformément aux normes internationales comme les Principes fondamentaux relatifs à l ’ indépendance de la magistrature.

Plaintes et ouverture immédiate d’enquêtes approfondies et impartiales

14.Le Comité demeure préoccupé par l’absence de données sur les plaintes relatives à des actes de torture ou à des mauvais traitements, et sur les conclusions des enquêtes menées et des poursuites engagées dans des affaires relevant des dispositions de la Convention. Il prend note avec préoccupation des informations communiquées par l’État partie qui affirme qu’il n’a enregistré aucune plainte pour tortures ou mauvais traitements, ce qui est en contradiction avec les informations faisant état de cas de mauvais traitements infligés à des détenus données par plusieurs sources, dont la Commission nationale des droits de l’homme (art. 12, 13 et 16).

L ’ État partie devrait faire en sorte que des informations sur la possibilité de déposer une plainte contre la police et la procédure à suivre à cet effet soient mises à la disposition du public et largement diffusées, notamment par un affichage bien visible dans tous les lieux de détention. Il devrait garantir que toutes les allégations d ’ actes de torture ou de mauvais traitements fassent sans délai l ’ objet d ’ une enquête approfondie menée par des organes indépendants et qu ’ il n ’ y ait aucun lien institutionnel ou hiérarchique entre les enquêteurs et les policiers présumés auteurs de tels actes. Comme il est indiqué au paragraphe 7 des présentes observations finales, l ’ État partie devrait faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques ventilées par infraction, nationalité, âge et sexe sur les plaintes pour torture s et mauvais traitements ainsi que sur les enquêtes, les poursuites et les sanctions pénales et disciplinaires auxquelles ces plaintes ont donné lieu.

Surveillance et inspection des lieux de détention

15.Le Comité est préoccupé par l’absence de surveillance systématique et efficace de tous les lieux de privation de liberté par des inspecteurs nationaux et internationaux. De plus, il s’inquiète du degré d’efficacité et de la fréquence des visites, y compris des visites inopinées, effectuées par les mécanismes de surveillance existants et de l’absence d’informations sur la mesure dans laquelle leurs recommandations sont mises en œuvre par les autorités (art. 2, 11 et 16).

L ’ État partie devrait garantir une surveillance régulière et totalement indépendante de tous les lieux de privation de liberté, y compris d es centres de rétention, d es établissements psychiatriques et de la prison de sécurité de l ’ État, notamment par des visites inopinées, et il devrait donner effectivement suite aux conclusions tirées de ces contrôles systématiques pour prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. L ’ État partie devrait renforcer le mandat et augmenter les ressources de la Commission nationale des droits de l ’ homme et des autres mécanismes nationaux de surveillance à cette fin. Il est engagé à accepter la surveillance des lieux de détention par des organisations non gouvernementales et des mécanismes internationaux compétents et à envisager de ratifier dès que possible le Protocole facultatif se rapportant à la Convention.

Commission nationale des droits de l’homme

16.Le Comité note le rôle joué par la Commission nationale des droits de l’homme qui surveille les lieux de détention et porte à l’attention des autorités les cas de violation des droits de l’homme, mais il est préoccupé par les informations indiquant que les visites de la Commission sont peu fréquentes et sont parfois refusées et que de plus la Commission n’a pas les compétences médicales requises pour les visites des lieux de détention et n’est pas accompagnée d’interprètes quand elle se rend dans le centre pour étrangers en attente d’expulsion. De plus, un grand nombre des membres de la Commission sont toujours des fonctionnaires du Gouvernement, même s’ils occupent leurs fonctions à titre consultatif. Le Comité est également préoccupé par l’absence de données complètes sur les plaintes dénonçant des violations des dispositions de la Convention reçues par la Commission nationale des droits de l’homme et sur les mesures prises par les autorités suite à ces plaintes, ainsi que sur leurs résultats (art. 2, 12 et 13).

L ’ État partie devrait intensifier ses efforts en vue de garantir que : a) la Commission nationale des droits de l ’ homme soit en mesure de suivre de façon indépendante et en toute impartialité les cas de torture ou de mauvais traitements imputés à des agents de l ’ État et d ’ enquêter, et dispose à cette fin des ressources suffisantes ; et b) toutes les autorités compétentes donnent effet aux recommandations faites par la Commission nationale des droits de l ’ homme. De plus, l ’ État partie est engagé à envisager de diminuer le nombre d ’ agents du Gouvernement qui sont membres de la Commission et à limiter leur rôle, en particulier quand il s ’ agit de surveiller les lieux de détention et d ’ adopter des recommandations, afin de renforcer l ’ indépendance totale de la Commission nationale des droits de l ’ homme, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris).

Défenseurs des droits de l’homme

17.Le Comité est préoccupé de ne pas avoir reçu de renseignements sur les mesures prises pour empêcher que les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes ne soient victimes de harcèlement et pour traduire en justice et punir les auteurs de ces infractions. Il regrette également le manque d’informations concernant l’affaire de Sultan al-Khalaifi, fondateur d’une organisation de défense des droits de l’homme, qui avait été arrêté en mars 2011 et laissé en détention pendant un mois sans inculpation. Le Comité note en outre avec préoccupation les allégations faisant état de cas récents d’arrestation et de détention d’autres défenseurs des droits de l’homme, mentionnés dans un appel urgent du Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme et de trois autres titulaires de mandat au titre des procédures spéciales (A/HRC/18/51, affaire no QAT 1/2011). Le Comité regrette l’insuffisance du rôle joué par les organes non gouvernementaux dans l’État partie dans la surveillance de la mise en œuvre de la Convention au niveau national (art. 13, 14 et 16).

L ’ État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection des défenseurs des droits de l ’ homme contre les actes d ’ intimidation ou de violence suscités par leurs activités. En outre, il devrait faire en sorte que des enquêtes impartiales et approfondies soient immédiatement ouvertes sur de tels actes d ’ intimidation ou de violence et que leurs auteurs soient dûment punis. Il devrait prendre des mesures volontaristes pour encourager la constitution dans l ’ État partie d ’ organes non gouvernementaux indépendants pour surveiller, promouvoir et protéger les droits de l ’ homme pour tous.

Travailleurs migrants

18.Le Comité est profondément préoccupé par les informations indiquant que les travailleurs migrants sont fréquemment victimes d’actes de torture, de mauvais traitements et d’exactions, en particulier ceux qui sont soumis au système du parrainage (kafeel), et qu’il leur est difficile de porter plainte contre leurs employeurs, et il est préoccupé de ne pas avoir eu d’informations sur des affaires dans lesquelles des parrains ont été sanctionnés pour torture ou mauvais traitements sur la personne de travailleurs migrants. Le Comité relève que le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale s’était déclaré préoccupé (CERD/C/QAT/CO/13-16, par. 15) de ce que, en dépit de l’existence des dispositions législatives interdisant des pratiques comme la confiscation du passeport ou la retenue du salaire par le parrain, la nature même du programme de parrainage accroît la dépendance des travailleurs migrants à l’égard de leur parrain, les rendant ainsi vulnérables à diverses formes d’exploitation et d’exactions. Le Comité regrette de plus qu’il n’existe pas dans la législation du travail de dispositions régissant le travail domestique mais note qu’un projet de loi à ce sujet est actuellement à l’étude. Il regrette que l’État partie ne lui ait pas donné de renseignements sur les plaintes pour violence déposées par des employés de maison migrants pendant la période couverte par le rapport et montrant si ces plaintes avaient donné lieu à des enquêtes et à des poursuites, en particulier à la lumière des renseignements portés à sa connaissance qui indiquent que les employés de maison migrants sont nombreux à s’être plaints de mauvais traitements physiques, de violences sexuelles, de viols ou de tentatives de viol (art. 2, 12, 14 et 16).

L ’ État partie devrait intensifier ses efforts pour assurer la protection juridique des travailleurs migrants présents sur son territoire, en particulier des femmes employées de maison, contre les actes de torture, les mauvais traitements et les exactions, et leur garantir l ’ accès à la justice. À cette fin, il devrait:

a) Adopter d ’ urgence une législation du travail qui couvre le travail domestique et assure la protection juridique des employés de maison migrants contre l ’ exploitation, les mauvais traitements et les exactions;

b ) Envisager d’abolir le système du parrainage, comme l’avait recommandé la Rapporteuse spéciale sur les droits fondamentaux des victimes de la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants (A/HRC/4/23/Add.2, par. 95);

c) Fournir des données montrant les cas de plaintes pour mauvais traitements de travailleurs migrants dé posées auprès des autorités , les mesures prises pour régler ces affaires, les recours offerts aux victimes ainsi que les peines prononcées contre les employeurs responsables.

Violence à l’égard des femmes, y compris violence au foyer

19.Le Comité estime encourageantes plusieurs mesures engagées par l’État partie, notamment la création de la Fondation qatarienne pour la protection des femmes et des enfants, l’ouverture d’une ligne téléphonique d’urgence et la mise à disposition de foyers et d’une assistance juridique pour certaines victimes. Toutefois, il est préoccupé de constater que la violence à l’égard des femmes, notamment la violence au foyer et la violence sexuelle contre les employées de maison n’a pas cessé et, comme il est indiqué au paragraphe 7 des présentes observations finales, il note avec préoccupation le manque d’informations statistiques sur les plaintes pour violence au foyer dont on a connaissance et sur les enquêtes ouvertes et les condamnations et les peines prononcées (art. 2, 12, 14 et 16).

L ’ État partie devrait accroître ses efforts pour prévenir la v iolence à l’égard des femmes, y  compris la violence au foyer et la violence sexuelle, notamment:

a) En mettant en place des mesures effectives pour assurer l ’ exercice par les victimes de leur droit de porter plainte pour dénoncer des violations de la Convention et de leurs droits inaliénables, rapidement et sans risquer des tortures ou de s mauvais traitements ni d ’ actes d ’ intimidation pour avoir porté plainte. L ’ État partie devrait à cette fin travailler avec des organes non gouvernementaux ou internationaux compétents, notamment avec les ambassades étrangères, et informer le Comité de ce qu ’ il a fait pour évaluer l ’ accessibilité et l ’ efficacité du système;

b) En faisant en sorte que tous les auteurs de tels actes en rendent compte, par des enquêtes impartiales et diligentes menées sans délai sur les plaintes , suivies de l’ouverture de poursuites contre les auteurs de violence, aboutissant au pro noncé de peines appropriées;

c) En garantissant que toutes les femmes victimes de violence bénéficient d ’ une réparation adéquate comprenant notamment une indemnisation et les moyens nécessaires à leur réadaptation aussi complète que possible.

Traite des personnes

20.Le Comité accueille avec satisfaction diverses mesures prises par l’État partie, en particulier la création de l’Agence qatarienne de la lutte contre la traite des êtres humains, ainsi que l’adoption de l’Initiative arabe contre la traite des êtres humains, mais il est préoccupé de ce que le Qatar continue d’être un pays de destination pour les hommes et les femmes soumis à un travail forcé et à la prostitution forcée. Le Comité regrette également l’absence d’informations montrant le nombre de plaintes, d’enquêtes, de poursuites et de condamnations dont ont été l’objet les responsables de traite. Il note la promulgation de la loi no 15 de 2011 relative à la traite et il s’inquiète de ce que, comme l’a signalé la Commission nationale des droits de l’homme du Qatar dans son rapport pour 2011, l’article 5 de cette loi permet de renvoyer la victime dans son pays sans vérifier s’il y a un risque pour elle (art. 2, 3, 4 et 16).

L ’ État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour:

a) Mettre en œuvre effectivement les lois en vigueur qui visent à lutter contre la traite, notamment la loi n o  15 de 2011;

b) Mettre en place des procédures systématiques visant à identifier les victimes de traite parmi les groupes vulnérables, par exemple parmi des personnes qui ont été arrêtées pour infraction à la législation sur l ’ immigration ou pour prostitution, et assurer une protection aux victimes en leur donnant accès à des services de soins médicaux, de réinsertion sociale et d ’ aide juridique, y compris des services de conseil, le cas échéant;

c) Créer des conditions de nature à permettre aux victimes d ’ exercer leur droit de porter plainte, et mener sans délai des enquêtes impartiales et diligentes sur tous les cas signalés de trafic et faire en sorte que les responsables soient traduits en justice et sanctionnés avec des peines à la mesure de la gravité de leurs actes.

Réfugiés et principe du non-refoulement

21.Le Comité note avec préoccupation qu’il n’existe pas de législation ni de procédures nationales qui régissent explicitement l’expulsion, le renvoi et l’extradition conformément aux dispositions de l’article 3 de la Convention. Il regrette de ne pas avoir eu de renseignements sur l’affaire du renvoi forcé vers la Libye d’Eman al-Obeidi, qui aurait été violée par des soldats libyens, alors que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés lui avait reconnu la qualité de réfugiée. De plus le Comité note que, malgré les mesures d’ordre humanitaire appliquées par les autorités qatariennes pour aider certains réfugiés, l’État partie n’a pas encore ratifié les instruments internationaux relatifs à la protection des réfugiés et des demandeurs d’asile (art. 3).

L ’ État partie devrait:

a) Adopter une législation et des procédures relatives à l ’ asile qui assurent aux demandeurs d ’ asile et aux réfugiés une protection effective contre le renvoi dans un État où il y a des motifs sérieux de croire qu ’ ils risquent d ’ être soumis à la torture ou à des mauvais traitements, conformément à l ’ article 3 de la Convention;

b) Comme il est indiqué au paragraphe 7 des présentes observations finales, fournir des données ventilées sur le nombre exact de demandes d ’ asile qu ’ il a reçues, le nombre de celles auxquelles il a été fait droit, le nombre de demandeurs d ’ asile dont la requête a été acceptée parce qu ’ ils avaient été soumis à la torture ou risquaient de l ’ être s ’ ils retournaient dans leur pays d ’ origine et le nombre d ’ expulsions, en précisant le nombre d ’ expulsions de demandeurs d ’ asile déboutés et les pays de renvoi;

c) Envisag er de ratifier la Convention de  1951 relative au statut des réfugiés et le Protocole facultatif de 1967, la Convention de  1954 relative au statut de s apatrides et la Convention de  1961 sur la réduction des cas d ’ apatridie.

Justice des mineurs

22.Le Comité réitère ses graves préoccupations au sujet de l’âge minimum de la responsabilité pénale qui est toujours fixé à 7 ans (art. 2 et 16).

L ’ État partie devrait accélérer le processus d ’ adoption de mesures d ’ ordre législatif, notamment du projet de loi sur les droits des enfants, de façon à relever l ’ âge minimum de la responsabilité pénale pour le porter à un seuil acceptable sur le plan international. Il devrait garantir la mise en œuvre sans réserve des normes relatives à la justice des mineurs ainsi que de l ’ Ensemb le de règles minima des Nations  Unies concernant l ’ administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing) et des Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad).

Formation

23.Le Comité relève avec satisfaction que l’État partie a organisé plusieurs sessions de formation sur le thème des droits de l’homme à l’intention des agents de la force publique mais il est préoccupé par le fait que les agents des forces de l’ordre, les juges, les procureurs, les médecins légistes et les personnels médicaux qui ont affaire avec des personnes détenues ne reçoivent pas de formation spéciale sur les dispositions de la Convention et sur les moyens de déceler les séquelles physiques et psychologiques de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. De plus, le Comité note avec regret que les participants aux formations ont été relativement peu nombreux et qu’il n’y a pas eu d’évaluation suffisante de l’incidence des formations menées et de leur efficacité pour la réduction des cas de torture et de mauvais traitements (art. 10).

L ’ État partie devrait développer et renforcer les programmes de formation visant à obtenir que tous les agents de l ’ État qui ont affaire avec des personnes privées de liberté connaissent parfaitement les dispositions de la Convention. De plus, tous les  personnels, y  compris le personnel médical, devraient recevoir une formation spéciale leur permettant de déceler les signes de torture et de mauvais traitements. À cette fin, le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d ’ Istanbul) devrait faire partie du matériel de formation. En outre, l ’ État partie devrait concevoir et appliquer une méthode pour évaluer l ’ efficacité de ses programmes de formation pour ce qui est de la réduction des cas de torture et de mauvais traitements.

Réparation et indemnisation, y compris moyens de réadaptation

24.Le Comité est préoccupé par l’absence d’informations et de données statistiques complètes sur la réparation et l’indemnisation et sur les moyens de réadaptation offerts aux victimes de torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il relève avec préoccupation le nombre extrêmement faible de cas dans lesquels des victimes, en particulier des employés de maison, ont reçu une indemnisation et ont bénéficié de moyens de réadaptation. Pour la période allant de 2007 à 2012, l’État partie a versé une indemnité à huit employés de maison et l’Agence qatarienne de la lutte contre la traite des êtres humains a assuré des services de réadaptation à 12 victimes (art. 14).

L ’ État partie devrait intensifier ses efforts pour assurer aux victimes de torture et d ’ autres mauvais traitements une réparation et une indemnisation équitables et adéqu ates, y  compris des moyens de réadaptation. Il devrait étendre les programmes de réparation aux travailleurs migrants et aux victimes de la traite et faire en sorte que des recours utiles leur soient ouverts, et comprennent une indemnisation et des moyens de réadaptation en cas de torture et de mauvais traitements. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État pa rtie sur l’Observation générale  n o  3 (2012) récemment adoptée , relative à la mise en œuvre de l ’ article 14 de la Convention, qui explique le contenu et la portée des obligations des États parties concernant la fourniture d’une  réparation intégrale aux victimes de torture.

Compétence universelle

25.Le Comité note que le Code pénal qatarien prévoit la compétence universelle dans les cas de torture, mais il est préoccupé de n’avoir eu aucune information sur la façon dont l’État partie a exercé sa compétence dans des affaires de torture dans les cas visés aux articles 4 et 5 de la Convention (art. 5).

L ’ État partie devrait veiller à ce que les actes de torture soient soumis à la compétence universelle dans son droit interne, conformément à l ’ article 5 de la Convention.

26.Le Comité invite l’État partie à ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, en particulier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et les Protocoles facultatifs s’y rapportant, la Convention pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

27.L’État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues voulues, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

28.Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir d’ici au 23 novembre 2014 des renseignements sur la suite donnée aux recommandations qui figurent dans les paragraphes 10, 14 et 19 tendant à: a) appliquer ou renforcer les garanties juridiques pour les personnes détenues; b) mener sans délai des enquêtes impartiales et diligentes; c) engager des poursuites contre les personnes soupçonnées de torture ou de mauvais traitements et punir celles qui sont reconnues coupables; et d) traiter du problème de la violence à l’égard des femmes.

29.L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le troisième, le 23 novembre 2016 au plus tard. À cette fin, le Comité invite l’État partie à accepter d’établir son rapport conformément à la procédure facultative, suivant laquelle le Comité transmet à l’État partie une liste de points avant que celui-ci ne soumette le rapport périodique attendu, et à faire connaître sa décision avant le 23 novembre 2013. Les réponses à cette liste constitueront le prochain rapport de l’État partie au titre de l’article 19 de la Convention.