NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/CMR/45 août 2009

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L ’ ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Quatrième rapport périodique des États parties devant être soumis en 2000

CAMEROUN *, **

[27 novembre 2008]

TABLE DES MATIÈRES

Chapitre Paragraphes Page

Abréviations et sigles4

INTRODUCTION1 − 25

I.RENSEIGNEMENTS NOUVEAUX SUR LE CADRE GÉNÉRAL DE MISE EN ŒUVRE DE LA CONVENTION EN DROIT INTERNE3 − 205

A.Les mesures d’ordre normatif4 − 95

B.Les mesures d’ordre institutionnel10 − 207

II.RÉPONSES AUX RECOMMANDATIONS DU COMITÉ21 − 14710

A. Réponse de l’État du Cameroun aux recommandationsfigurant au paragraphe 8 des observations finales du Comité21 − 8110

B. Réponse de l’État du Cameroun aux recommandations figurant au paragraphe 9 des observations finales du Comité82 − 9426

C. Réponse de l’État du Cameroun aux recommandationsfigurant au paragraphe 10 des observations finales du Comité95 − 11828

D. Réponse de l’État du Cameroun aux recommandations figurantau paragraphe 11 des observations finales du Comité119 − 14432

E. Réponse de l’État du Cameroun à la recommandation figurant au paragraphe 12 des observations finales du Comité14536

F.Réponse de l’État du Cameroun à la recommandationfigurant au paragraphe 13 des observations finales du Comité14636

G. Réponse de l’État du Cameroun à la recommandationfigurant au paragraphe 14 des observations finales du Comité14736

III. RENSEIGNEMENTS SPECIFIQUES CONCERNANTCHAQUE ARTICLE DE LA CONVENTION148 − 15036

Article 1er148 − 15036

Article 2151 − 16237

Article 3163 − 16738

Article 416839

TABLE DES MATIÈRES(suite)

Chapitre Paragraphes Page

Article 5169 − 17239

Article 6173 − 17639

Article 7177 − 17940

Article 8180 − 18340

Article 918441

Article 10185 − 19741

Article 11198 − 20144

Article 1220245

Article 13203 − 20645

Article 14207 − 20945

Article 1521046

Article 16211 − 21346

LISTE DES SIGLES ET DES ABRÉVIATIONS

ACAT/LTAction des chrétiens pour l’abolition de la torture-Antenne du Littoral

CACour d’appel

CEEACCommunauté économique des États de l’Afrique centrale

CEMACCommunauté économique et monétaire de l’Afrique centrale

CICR Comité international de la Croix-Rouge

CNDHLCommission nationale des droits de l’homme et des libertés

CP Code pénal

CPPCode de procédure pénale

CSCour suprême

DGSNDélégation générale à la sûreté nationale

ENAPÉcole nationale de l’administration pénitentiaire

ESIRÉquipes spéciales d’intervention rapide

GPXGardien de la paix

FCFAFranc de la Communauté financière africaine

IADMInitiative d’allègement de la dette multilatérale

IFCDInstitut de formation et de coopération pour le développement

MINATDMinistère de l’administration territoriale et de la décentralisation

MINJUSTICE Ministère de la justice

MPMinistère public

ONGOrganisation non gouvernementale

PACDETProgramme d’amélioration des conditions de détention et respects des droits de l’homme

TGITribunal de grande instance

TMTribunal militaire

TPITribunal de première instance

INTRODUCTION

1.Les observations finales adoptées par le Comité contre la torture suiteà l’examen du troisième rapport périodique du Cameroun les 18, 19 et 20 novembre 2003 ont été publiées sous la cote (CAT/C/CR/31/6).

2.En réponse aux différentes préoccupations et recommandations exprimées par le Comité, l’État du Cameroun tient à présenter l’ensemble des mesures prises pour donner effet aux engagements souscrits en vertu de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants («la Convention»). Ainsi, après avoir évoqué les avancées réalisées dans l’environnement juridique touchant à l’application de la Convention (I), l’État du Cameroun proposera des réponses à chacune des recommandations du Comité (II) puis présentera enfin, à travers une analyse systématique de la substance de chaque article de la Convention, les efforts d’internalisation entrepris par les autorités nationales (III). Il y a lieu de mentionner que, par souci de donner des informations actualisées, ce rapport contient des informations qui vont au-delà de la période sous revue.

I. RENSEIGNEMENTS NOUVEAUX SUR LE CADRE GÉNÉRAL DE MISE EN ŒUVRE DE LA CONVENTION EN DROIT INTERNE

3.Les nouvelles mesures prises par l’État du Cameroun pour assurer la mise en œuvre effective de la Convention sont d’ordre normatif d’une part (A) et d’ordre institutionnel d’autre part (B).

A. Les mesures d ’ ordre normatif

4.Depuis la présentation de son dernier rapport périodique, le Cameroun a signé et ratifié des conventions internationales et a adopté des lois qui contribuent au renforcement de l’application de la Convention.

5.Le Cameroun a ainsi ratifié au plan universel:

a)La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée qui a fait l’objet de la loi d’habilitation no 2004/011 du 21 avril 2004 et du décret de ratification no 2004/125 du 18 mai 2004, ainsi que deux de ses trois Protocoles additionnels; à savoir

b)Le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants qui a fait l’objet de la loi d’habilitation no 2004/011 du 21 avril 2004 et du décret de ratification no 2004/125 du 18 mai 2004;

c)Le Protocole contre le trafic illicite des migrants par terre, air et mer qui a fait l’objet de la loi d’habilitation no 2004/011 du 21 avril 2004 et du décret de ratification no 2004/125 du 18 mai 2004.

6.Au plan régional, le Cameroun est partie à:

a)L’Accord d’extradition entre les États membres de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), adopté à Brazzaville le 28 janvier 2004, objet de la loi d’habilitation no 2005/009 du 29 décembre 2005 et du décret de ratification no 2006/048 du 25 décembre 2005;

b)L’Accord de coopération judiciaire entre les États membres de la CEMAC adopté à Brazzaville le 28 janvier 2004, objet de la loi d’habilitation no 2005/009 du 29 décembre 2005 et du décret de ratification no 2006/050 du 25 décembre 2005.

7.Dans le domaine de la coopération, le Cameroun est en outre partie à la Convention de coopération et d’entraide judiciaire entre les États membres de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) adoptée le 18 mars 2006 à Brazzaville, objet de la loi no 2007/008 du 26 décembre 2007 autorisant le Président de la République à la ratifier.

8.Dans l’ordre interne, des lois significatives ont été promulguées notamment:

a)La loi no 2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel;

b)La loi no 2004/005 du 21 avril 2004 fixant le statut des membres du Conseil constitutionnel;

c)La loi no 2004/016 du 22 juillet 2004 portant création, organisation et fonctionnement de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés (CNDHL) et son décret d’application no 2005/254 du 7 juillet 2005;

d)La loi no 2005/006 du 27 juillet 2005 portant statut des réfugiés;

e)La loi no 2005/007 du 27 juillet 2005 portant Code de procédure pénale (CPP);

f)La loi no 2005/015 du 29 décembre 2005 relative à la lutte contre le trafic et la traite des enfants.

9.Outre les autres évolutions dans le domaine de la protection des droits de l’homme apportées par le CPP et qui seront développées dans la partie consacrée à l’analyse du contenu de chaque article de la Convention (par. 148 à 213 ci-dessous), il convient de souligner que les conditions de détention ont substantiellement connu une amélioration avec notamment:

a)L’introduction formelle de l’action en habeas corpusoulibération immédiate (art. 584 à 588);

b)La restriction des cas de garde à vue (art. 86 (1), 92 (4), 118 à 126, 196, 236 (1) et (2), 237) et de détention provisoire (art. 218 à 221, 223 (2) et (3), 236 (1) et (2), 237);

c)Le renforcement des droits du suspect qui peut se faire assister d’un conseil dès l’ouverture de l’enquête et son droit de se faire examiner par un médecin (art. 122 (3), 123);

d)L’interdiction de soumettre le suspect à la torture et l’obligation de le traiter avec humanité (art. 121 (2) du CPP);

e)Le droit pour le suspect de garder silence (art. 116 (3));

f)L’obligation pour le juge de déterminer la durée de la détention provisoire dans le mandat de détention provisoire (art. 221);

g)Le droit pour la victime d’une garde à vue ou d’une détention provisoire abusive de demander des dommages et intérêts (art. 236);

h)L’assistance obligatoire du mineur poursuivi par un avocat ou par toute autre personne qualifiée pour la protection des droits de l’enfant (art. 719 (2));

i)La possibilité d’une libération avec caution à tous les stades de la procédure (art. 224 à 235).

B. Les mesures d ’ ordre institutionnel

10.La création du Conseil constitutionnel, la mutation du Comité national des droits de l’homme et des libertés en Commission nationale, le rattachement de l’Administration pénitentiaire au Ministère de la justice, la création d’une direction des droits de l’homme et de la coopération internationale au sein du même ministère et la création de la Division spéciale de contrôle des services de police dite «Police des Polices» au sein de la Délégation générale à la sûreté nationaleconstituent des innovations de nature à améliorer l’application de la Convention contre la torture.

1. La création du Conseil constitutionnel

11.Les missions de cette instance sont déterminées aux articles 46 et 47 (1) de la Constitution qui disposent respectivement que:

a)«Le Conseil constitutionnel est l’instance compétente en matière constitutionnelle. Il statue sur la constitutionnalité des lois. Il est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions.»

b)«Le Conseil constitutionnel statue souverainement sur:

i)La constitutionnalité des lois, des traités et accords internationaux;

ii)Les règlements intérieurs de l’Assemblée nationale et du Sénat, avant leur mise en application, quant à leur conformité à la Constitution;

iii)Les conflits: entre les institutions de l’État; entre l’État et les régions; entre les régions.».

12.Cette instance est progressivement mise en place avec la promulgation des lois no 2004/004 et 2004/005 du 21 avril 2004 visées au paragraphe 8 ci-dessus et par le décret no  2005/253 du 30 juin 2005 portant organisation de son secrétariat. La nomination attendue de ses membres est la dernière étape pour sa mise en place effective.

13.Cependant selon les dispositions transitoires de la Constitution, la Cour suprême exerce les attributions du Conseil constitutionnel jusqu’à la mise en place de celui-ci. À ce titre, elle a statué sur de nombreux cas de contentieux électoraux, dont l’exemple le plus emblématique est l’arrêt no 81/CE/96-97 du 30 juin 1997 annulant les opérations électorales dans une circonscription à l’issue du scrutin législatif du 17 mai 1997. Cet arrêt relève: «attendu que ces agissements (des actes de violence contre des responsables d’un parti d’opposition) portent une atteinte injustifiée et discriminatoire à l’égalité des candidats et des formations politiques devant la loi électorale et au libre choix par les citoyens de leurs représentants, comme ils constituent une violation manifeste et délibérée tant du texte de loi susvisé et de l’article 21 de la Déclaration universelle des droits de l’homme».

14.Par ailleurs, elle a statué sur de nombreux cas de contentieux électoraux à l’occasion des élections couplées législatives et municipales du 22 juillet 2007.

2. Le renforcement des prérogatives de la Commi ssion nationale des droits de l ’ homme et des libertés

15.Les principes de Paris insistent sur le fait que les fonctions d’une institution des droits de l’homme incluent des investigations sur des allégations de violations présumées des droits de l’homme, en plus du conseil au Gouvernement sur les activités en matière des droits de l’homme. C’est la raison de la mutation du Comité national des droits de l’homme et des libertés en Commission nationale des droits de l’homme et des libertés instituée par la loi no 2004/016 du 22 juillet 2004 portant création, organisation et fonctionnement de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés.

3. Le rattachement de l ’Administration pénitentiaire au Ministère de la justice

16.L’Administration pénitentiaire, qui relevait autrefois du Ministère de l’administration territoriale, a été rattachée au Ministère de la justice par le décret no 2004/320 du 8 décembre 2004 portant organisation du Gouvernement. Cette réforme recommandée par le Comité (CAT/C/CR/31/6, par. 9) et voulue par le chef de l’État doit permettre un suivi cohérent de la chaîne pénale.

4 . La création d ’ une d irection des droits de l ’ homme et de la coopération internationale

17.La Direction des droits de l’homme et de la coopération internationale a été créée par décret no 2005/122 du 15 avril 2005 portant organisation du Ministère de la justice. Elle est chargée:

a)Du suivi des questions des droits de l’homme en général;

b)Du suivi de l’application des conventions internationales relatives aux droits de l’homme;

c)De l’information et de la sensibilisation des personnels des services judiciaires et de l’administration pénitentiaire aux normes de protection des droits de l’homme.

18.Depuis sa création, elle a, entre autres activités, élaboré trois rapports sur l’état des droits de l’homme au Cameroun en 2005, 2006 et 2007 .

5. La création de la Division spéciale de contrôle des services de police dite « Police des polices »

19.Une division spéciale de contrôle des services de police a été créée par décret no 2005/065 du 23 février 2005. Elle assure la «Police des polices» (art. 1, al. 2, du décret).

Elle «est chargée:

D’effectuer des enquêtes civiles ou administratives et des enquêtes de moralité;

De veiller à la protection du secret, l’état d’esprit, le moral, le loyalisme des personnels de la sûreté nationale, des agents publics et des fonctionnaires civils de l’État ou des collectivités publiques;

De participer activement à la lutte contre la corruption;

De contribuer au renforcement de la discipline et au respect de l’éthique professionnelle au sein de la sûreté nationale;

De diligenter des enquêtes administratives et judiciaires concernant les personnels de la sûreté nationale.

Sans préjudice des attributions propres de chaque responsable de service en matière disciplinaire, elle est chargée de la prévention de la lutte contre toutes exactions, tous comportements et tous actes portant atteinte à la légalité, à la tenue et à la conduite, au devoir, à l’honneur et à la probité, commis en service, à l’occasion du service, au sein ou en dehors de celui-ci» (art. 2).

20.Depuis sa création, cette division a mené de nombreuses enquêtes qui ont abouti à diverses sanctions administratives et/ou pénales contre les responsables de la police.

II. RÉPONSES AUX RECOMMANDATIONS DU COMITÉ

A. Réponse de l ’ État du Cameroun aux recommandations figurant au paragraphe 8 des observations finales du Comité

1. Réponse à la recommandation figurant au paragraphe 8 a )

Sur la question de l ’ interdiction de la torture dans les unités de police , de gendarmerie et les établissements pénitentiaires

21.Il convient de rappeler que, outre l’incrimination de la torture, le Cameroun a pris un ensemble de mesures visant à mettre fin aux actes de torture et autres formes de violences. La volonté politique est traduite dans un premier temps dans les discours officiels.

22.Outre l’incrimination de la torture, des mesures préventives ont été prévues par le CPP (voir supra, par. 9).

23.Des poursuites judiciaires ayant abouti à des sanctions ont été engagées contre certains responsables de la police, de la gendarmerie et de l’Administration pénitentiaire reconnus coupables d’actes de torture, sans préjudice des poursuites disciplinaires. Par ailleurs, des poursuites, ne rentrant pas directement dans la définition de la torture au sens de la Convention, témoignent également du recul de l’impunité.

24.Au niveau de la police, des poursuites judiciaires ont été engagées et des sanctions ont été prononcées contre les fonctionnaires de police ci-après:

Les gardiens de la paix KAM John Brice, BIMOGA Louis Legrand, GREBOUDAI Michel et l’officier de police ETOUNDI Marc ont été poursuivis pour torture et meurtre. À l’issue du procès, les gardiens de la paix KAM John Brice, BIMOGA Louis Legrand et GREBOUDAI Michel ont été déclarés coupables de torture et meurtre sur un gardé à vue et condamnés à cinq ans d’emprisonnement ferme chacun par le tribunal de grande instance (ci-après désigné TGI) du Mfoundi par jugement no 318/crim du 26 août 2003. Quant à l’officier de police ETOUNDI Marc, il a été reconnu coupable d’omission de porter secours et condamné à trois mois d’emprisonnement ferme;

Le gardien de la paix EFFA NGONO AKAME Geoffrey a été condamné par le tribunal militaire (ci-après désigné TM) de Yaoundé, à deux ans avec sursis pendant trois ans pour homicide involontaire et à payer 3 000 000 FCFA de dommages intérêts;

Le gardien de la paix principal KEDIO NTCHINGUE et le gardien de la paix ENYEGUE Jean-Marie ont été traduits devant le tribunal de première instance (ci‑après désigné TPI) de Yaoundé centre administratif pour blessures simples;

L’inspecteur de police Stephen NGU a été condamné le 24 octobre 2005 respectivement à cinq et trois ans d’emprisonnement ferme par le TGI de la Mémé pour torture et blessures graves. L’intéressé a brûlé AFUH Bernard WERIWO le 12 mai 2004 à Ikiliwindi, auteur présumé du vol d’une bicyclette, qui est mort des suites des brûlures;

Le commissaire de police MIAGOUGOUDOM BELLO Japhet, premier adjoint au commissaire de la sécurité publique de la ville de Kribi, par jugement no 01/crim du 27 octobre 2006, a été déclaré coupable d’abus de fonctions et de complicité de meurtre puis condamné à dix ans d’emprisonnement ferme. L’intéressé a conduit une opération ayant abouti à la mort par balle d’une personne courant janvier 2005. Par le même jugement, BOUBAKARI MODIBO a été déclaré coupable de meurtre et condamné à quinze ans d’emprisonnement ferme. Les accusés ont été condamnés à payer aux parties civiles la somme de 20 000 000 FCFA à titre de dommages et intérêts. Sept autres accusés ont été acquittés dans cette affaire.

25.Suite à l’appel des personnes condamnées, la cour d’appel du Sud a, par arrêt no 23/crim du 8 mars 2007, infirmé partiellement le jugement en requalifiant en coups mortels les faits initialement qualifiés de meurtre, et a déclaré l’accusé BOUBAKARI MODIBO coupable des faits ainsi requalifiés et l’a condamné à deux ans d’emprisonnement ferme avec sursis pendant cinq ans. MIAGOUGOUDOUM BELLO Japhet a quant à lui été déclaré non coupable de complicité des faits reprochés à BOUBAKARI MODIBO. Sur les intérêts civils, l’accusé a été condamné à payer aux parties civiles la somme de 10 500 000 FCFA à titre de dommages et intérêts. La délégation générale à la sûreté nationale (DGSN) a été déclarée civilement responsable des condamnations civiles.

26.De nombreuses autres affaires méritent d’être citées:

a)Affaire ministère public (MP) c. le gardien de la paix MPACKO DIKOUME: par jugement du 12 décembre 2006, le TGI du Wouri a déclaré l’accusé coupable des faits de coups mortels et l’a condamné à trois ans d’emprisonnement avec sursis pendant trois ans et à payer la somme de 12 000 000 FCFA à la partie civile à titre de dommages et intérêts;

b)Affaire MP c. le gardien de la paix NDIWA Joseph: par jugement du 12 décembre 2006, le TGI du Wouri a déclaré le susnommé coupable de coups mortels et l’a condamné à trois ans d’emprisonnement avec sursis pendant trois ans, 400 000 FCFA d’amende et à payer la somme de 8 000 000 FCFA (soit environ 12 308 euros) à la partie civile à titre de dommages et intérêts;

c)Affaire MP c.le gardien de la paix MANDJEK, poursuivi pour torture, abus de confiance, blessures graves et blessures simples: par jugement du 30 novembre 2005, le TPI de Mbanga a constaté l’extinction de l’action publique du fait du décès du susnommé;

d)Affaire MP c. AVA Gabriel, inspecteur de police, poursuivi pour torture. À l’audience du 18 avril 2006, le prévenu a été reconnu coupable de torture et condamné par le TPI de Garoua à six mois d’emprisonnement avec sursis pendant trois ans et à payer 150 000 FCFA (soit 231 euros) de dommages et intérêts à la partie civile. Cette décision est définitive;

e)Affaire MP c. ENGUENE Magloire, commissaire de police à l’Emi-Immigration de Garoua, inculpé de blessures légères, arrestation et séquestration: le dossier est en cours d’instruction judiciaire et l’affaire est à l’instruction devant le juge d’instruction du TPI de Garoua;

f)Affaire MP c. MEMENA GOUA Markus, gardien de la paix en service au GMI no 4, poursuivi pour abus de fonctions, l’affaire est en instance devant le TPI de Garoua;

g)Affaire MP c. SEKE COLOMBAN, commissaire de police principal, inculpé d’abus d’autorité, d’arrestation et séquestration, de blessures légères et de torture, l’affaire est à l’information judiciaire devant le juge d’instruction du TPI de Guider;

h)Affaire MP c. GPX BELOMO Joseph, poursuivi pour blessures simples devant le TPI de Bamenda qui a rendu un jugement de relaxe le 19 octobre 2007;

i)Affaire MP c. GPX MINKOULOU ESSOMBA, poursuivi pour blessures légères devant le TPI de Bamenda qui a rendu une décision de relaxe le 22 décembre 2006;

j)Affaire MP c. l ’o fficier de police EPANDA Richard, poursuivi pour blessures légères devant le TPI de Bamenda qui l’a condamné à 100 000 FCFA d’amende par jugement du 9 février 2007 ainsi qu’à payer 343 630 FCFA de dommages et intérêts;

k)Affaire MP c. l ’ins pecteur de police ATEP condamné pour blessures légères à 10 000 FCFA d’amende par le TPI de Mokolo au cours de l’année judiciaire 2004/05;

l)Affaire MP c.l ’i nspecteur de police MEIGARI BEDA, condamné à deux ans d’emprisonnement avec sursis pendant trois ans et 99 000 FCFA d’amende par la cour d’appel de l’Adamaoua le 27 janvier 2005, pour torture, menaces sous conditions, chantage, arrestation et séquestration arbitraire;

m)Affaire MP c. l ’i nspecteur de police AMADOU ABBA, condamné par la cour d’appel du Nord pour torture, par arrêt du 4 février 2005, à six ans d’emprisonnement avec sursis pendant trois ans, après requalification des faits en blessures simples.

27.Les sanctions disciplinaires infligées aux responsables de la police sont présentées dans les tableaux 1, 2, 3 et 4 joints en annexe au présent rapport.

28.Au niveau de l ’ administration pénitentiaire, des poursuites et sanctions judiciaires peuvent être signalées:

a)A ffaire MP c.OTABELA OTABELA Laurent, gardien des prisons en service à la prison de Mbalmayo, accusé du meurtre d’un détenu. Par jugement no 63/crim du 2 juillet 2007, le TGI du Nyong et So’o a requalifié les faits en ceux d’homicide involontaire et a condamné l’accusé qui était en détention provisoire à trois ans d’emprisonnement ferme et à 200 000 FCFA d’amende;

b)Affaire MP c.MBOKE NANE, régisseur de la prison de Kribi, poursuivi devant le TGI de l’Océan pour coups mortels, omission de porter secours et torture: il a été déclaré coupable de torture sur un détenu et condamné à cinq ans d’emprisonnement ferme le 25 juin 2004; suite à l’appel de toutes les parties, par arrêt du 12 mai 2005, la cour d’appel du Sud a ramené la peine de M. MBOKE NANE à deux ans d’emprisonnement ferme.

c)Affaire MP c. l ’ administrateur principal des prisons BIKORO Aimé Parfait et les gardiens chefs des prisons AWA Luc, MBAZOUA et TSIMI BILOA; le premier a été condamné à trois ans d’emprisonnement avec sursis pendant quatre ans par le TGI de la Mvila, juridiction qui a, dans la même affaire, condamné les gardiens chefs des prisons Awa Luc, MBAZOUA et TSIMI BILOA à trois ans d’emprisonnement avec sursis pendant trois ans chacun pour coups mortels sur un détenu de la prison centrale d’Ebolowa.

d)A ffaire MP c. le gardien-chef des prisons MANI ESSAMA Bienvenu Joseph, les gardiens des prisons KEMNANG NANA Jules Hubert et AOUDOU Ibrahim KOSSINGO. Les intéressés ont été placés sous mandat de dépôt le 25 janvier 2006 et sont poursuivis pour torture et complicité de torture devant le TGI de l’Océan. Suite à des violences exercées à l’aide d’une matraque sur le détenu BOKALLY Jean qui a été enchaîné par les susnommés, ce dernier a été conduit à l’hôpital où il a succombé à ses blessures. Par jugement no 28/crim du 28 septembre 2007, MANI ESSAMA Bienvenu Joseph a été reconnu coupable de torture et condamné à dix ans d’emprisonnement ferme tandis que les deux autres accusés ont été déclarés coupables de complicité de torture et condamnés à cinq ans d’emprisonnement ferme chacun.

29.Sanctions disciplinaires: Dans le cadre de la lutte contre l’impunité, des mesures conservatoires sont prises à l’encontre des fonctionnaires pour des actes contraires à l’éthique ou violant la réglementation en vigueur, sous réserve des poursuites judiciaires.

30.Au niveau de la Gendarmerie nationale et des armées, quelques cas de sanctions contenus dans le tableau no 5, joint en annexe, attestent également de la lutte contre l’impunité.

31.En exemple de sanctions et poursuites judiciaires, les affaires ci-après peuvent être signalées:

a)Affaire MP c. MEZEDJO Eric, NGAMESSI, TSAPI, NJOYA ZENE Emile, NDOUMBE, gendarmes en service à l’escadron no 30 de l’état-major de gendarmerie de Maroua, inculpés de séquestration, vol, blessures légères et omission de porter secours. L’information judiciaire est en cours devant le juge d’instruction du TGI du Diamaré.

b)Affaire MP c. WAKOU BASSAI, commandant de la brigade de gendarmerie de Roua‑Souleydé, poursuivi pour abus de fonction, arrestation et séquestration, violation de domicile et menaces sous conditions. Par jugement no 115/ Cor du 13 novembre 2006, le TPI de Mokolo a déclaré le prévenu coupable et l’a condamné à dix mois d’emprisonnement et à 15 000 FCFA (soit environ 23,07 euros) d’amende;

c)Affaire MP c. METOMO MINFOMO Télesphore, commandant de la brigade de gendarmerie de Bourha, ALWA Etienne, PAKAGNE André, adjoints au commandant de la brigade de ladite localité, poursuivis pour abus de fonctions et complicité. L’affaire est pendante devant le TPI de Mokolo;

d)Affaire MP c. m aréchal des logis (MDL) FOUDA Alain et NDJOCK Michel poursuivis pour torture et filouterie de transport. Par jugement no 008/06 du 9 février 2006, le TM de Douala a déclaré le prévenu FOUDA Alain coupable de torture et l’a condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis pendant trois ans et à 50 000 FCFA (soit environ 76,92 euros) d’amende, après admission au bénéfice des circonstances atténuantes;

e)Affaire MP c. chef d ’ escadron BANEM Anatole et autres, poursuivis pour torture, violation de consignes, tolérance d’une atteinte aux droits individuels et autres. Par jugement no 20/06 du 21 mars 2006, le TM de Douala a condamné le chef d’escadron BANEM Anatole, commandant le groupement de la gendarmerie territoriale de Douala à six mois d’emprisonnement ferme pour violation de consignes, l’adjudant chef DOMO Athanase à dix ans d’emprisonnement ferme pour torture, l’adjudant chef TCHAPI Léon à huit ans d’emprisonnement ferme pour torture, l’adjudant MBIAKOP Jean à huit ans d’emprisonnement ferme pour torture, l’adjudant chef MENANGA AHANDA Jean-Claude à six mois d’emprisonnement ferme pour violation de consignes, le maréchal des logis MINKENG DJEMBA Barthélemy à neuf ans d’emprisonnement ferme pour torture;

f)Affaire MPc.m aréchal des logis NKAMA ONANA, poursuivi pour abus de fonctions et séquestration arbitraire. Par jugement no 23/06 du 22 mars 2006, le TM de Douala l’a déclaré coupable desdits faits, l’a condamné à une peine d’emprisonnement et a décerné mandat d’arrêt contre lui à l’audience;

g)Affaire MP c. soldat DIKALA Richard, poursuivi pour violences envers un supérieur. Par jugement no 21/06 du 7 mars 2006, le TM de Buea l’a déclaré coupable des faits mis à sa charge, l’a condamné à un an de détention militaire ferme et a décerné contre lui mandat de dépôt à l’audience;

h)Affaire MP c. s ergent YAYA, poursuivi pour violences envers un subordonné. Par jugement no 57/06 du 4 juillet 2006, le TM de Buea l’a déclaré coupable des faits mis à sa charge, l’a condamné à deux ans de détention militaire ferme et a décerné contre lui un mandat d’arrêt à l’audience;

i)Affaire MP c. Maître WANAMOU Victor, poursuivi pour violences envers un subordonné et blessures légères. Par jugement no 60/06 du 4 juillet 2006, le TM de Buea l’a déclaré coupable des faits mis à sa charge et l’a condamné à payer 100 000 FCFA (soit environ 152,671 euros d’amende);

j)Affaire MP c. Sergent MBENG Jean - Paul, poursuivi pour violences et voies de fait. Par jugement no 62/06 du 4 juillet 2006, le TM de Buea l’a déclaré coupable des faits mis à sa charge et l’a condamné à un an de détention militaire avec sursis pendant trois ans;

k)Affaire MP c. AYISSI ATANGANA (maréchal des logis) poursuivi pour arrestation et séquestration. Par jugement no 44/07 du 10 avril 2007, le prévenu a été déclaré coupable et condamné à dix ans d’emprisonnement ferme et aux dépens;

l)Affaire MP c. MATOUMB Jean - Marc et KOUAMOU SEPLONG William (gendarmes‑majors) poursuivis pour arrestation et séquestration arbitraires. Par jugement no 45/07 du 10 avril 2007. Le premier a été condamné à dix ans d’emprisonnement ferme, à 200 000 FCFA d’amende et aux dépens, quant au second il a été condamné à six mois d’emprisonnement, à 25 000 FCFA d’amende et aux dépens;

m)Affaire MP c. OKOMBO Octave et ELOUNDOU Vincent (maréchal des logis) poursuivis pour abus de fonctions arrestation et séquestration. Par jugement no 105/07 du 27 juin 2007, ils ont été déclarés coupables et condamnés à 75 000 FCFA d’amende chacun;

n)Affaire MP c. AYISSI ATANGANA (maréchal des logis) et NGO KALGA Christine (civile), poursuivis pour escroquerie, complicité d’arrestation et séquestration arbitraire. Par jugement no 148/07 du 9 octobre 2007, ils ont été déclarés coupables et condamnés à dix ans d’emprisonnement ferme, 100 000 FCFA d’amende et aux dépens;

o)Affaire MP c. AHANDA Joseph Magloire (militaire), poursuivi pour tentative de meurtre et blessures simples, torture, objet de l’ordre d’informer no 204 du 8 avril 2008.

32.In fine, à travers des mesures préventives et répressives, l’État du Cameroun s’est résolument engagé à interdire les actes de torture dans les lieux de détention et à poursuivre la lutte contre l’impunité.

33.La CNDHL en sa qualité d’autorité administrative indépendante et conformément aux dispositions de la loi no 2004/016 du 22 juillet 2004 sus-évoquée, a enregistré des cas de torture au cours des années 2007-2008 comme l’illustre le tableau no 6 joint en annexe.

Sur la question de la supervision effective des lieux de détention

34.Le Comité national des droits de l’homme et des libertés (et plus tard la Commission nationale) a dès ses premières activités effectué de nombreuses visites des lieux de détention, soit à la suite d’une requête, soit à sa propre initiative. Les prisons suivantes ont ainsi été visitées:

a)Avril 1992, visite de la prison centrale de Kondengui à Yaoundé;

b)Décembre 1992, visite des prisons de Batouri, Bertoua, Douala, Garoua, Maroua, Ngaoundéré, Tcholliré II;

c)Mars 1993, visite de la prison de Bamenda;

d)Juillet 2003, visite de la prison centrale de Yaoundé;

e)Janvier 1994, visite de suivi de la prison centrale de Douala;

f)Janvier 1996, visite de suivi de la prison centrale de Bertoua;

g)Mars 1996, visite de la prison de Buéa;

h)Novembre 2001, visite des prisons centrales de Bafoussam, Bamenda, Douala et Yaoundé;

i)Année 2003, le Président de la CNDHL a effectué une tournée de prise de contact dans toutes les prisons centrales du Cameroun;

j)22 octobre 2007, visite des lieux de détention de Tibati par le chef d’antenne régional de la CNDHL pour l’Adamaoua. Cette visite avait pour objectif d’évaluer le niveau des conditions générales et spécifiques de détention dans cette localité;

k)Du 1er au 3 décembre 2007, visite de la prison principale de Kousseri par le chef d’antenne régional de la CNDHL pour l’Extrême‑Nord;

l)11 janvier et 26 février 2008, visite de la prison centrale de Yaoundé par le Président de la CNDHL accompagné de certains collaborateurs;

m)Mars 2008, visite des lieux de détention de la province de l’Est par le chef d’antenne régional de la CNDHL de la région;

n)28 août 2008, visite de la prison principale de Bafia;

o)Juillet 2008, visite des prisons centrales de Ngaoundéré, Maroua et Garoua.

35.La CNDHL effectue également de façon régulière des visites dans les cellules des commissariats de police et les brigades de gendarmerie. À ces visites, il y a lieu d’ajouter des contrôles de routine que les chefs de parquet font dans ces unités.

36.Des organismes internationaux comme le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) procèdent régulièrement aux visites dans les prisons et lieux de détention. Ainsi, le CICR a effectué une visite entre le 19 et le 23 février 2007 dans les prisons centrales de Yaoundé et Bamenda suite aux autorisations de visites accordées par la présidence de la République.

37.En février 2008, le Cameroun a connu des émeutes qui ont entraîné l’arrestation et la détention de nombreuses personnes. À la demande du Vice‑Premier Ministre, Ministre de la justice, Garde des sceaux, les délégués du CICR ont effectué, entre les 12 et 20 mars 2008, des visites dans les prisons centrales de Yaoundé, Douala, Bafoussam et Buéa. Grâce à la bonne collaboration des autorités pénitentiaires, les délégués ont pu s’entretenir avec les personnes privées de liberté, selon les modalités habituelles du CICR.

38.Plusieurs ONG et associations reçoivent à leurs demandes des accréditations leur permettant d’avoir accès aux prisons du Cameroun.

39.À cet effet par exemple, Nouveaux droits de l’homme (NDH)‑Cameroun conduit un programme de visites régulières dans les prisons provinciales du Cameroun pour enquêter sur la situation des femmes et des mineurs détenus. Ces visites font l’objet de rapports périodiques.

2. Réponse à la recommandation figurant au paragraphe 8 b)

40.Pour ce qui est des décès survenus à la prison centrale de Douala, le médecin-chef du centre médical de la prison et le régisseur de l’établissement ont fait un rapport selon lequel 25 détenus au total et non 72 (selon une allégation) ont été enregistrés entre janvier et octobre 2003 comme suit:

a)18 décès imputables aux maladies opportunistes liées au VIH/sida;

b)2 décès imputables au VIH/sida;

c)5 cas de tuberculose multirésistante.

41.Ce rapport mentionne également les noms de chacun des détenus décédés, leur date d’écrou et de leur situation pénale. Le registre des services médicaux des établissements pénitentiaires ainsi que le registre des décès sont régulièrement tenus. Ces décès ne sont pas imputables à des fautes ou manquements de l’Administration pénitentiaire et en conséquence il n’y aurait pas lieu de traduire des personnes en justice.

3. Réponse à la recommandation figurant au paragraphe 8 c)

42.À l’effet de prendre en compte les recommandations du Comité, le Cameroun a, à travers l’adoption d’un Code de procédure pénale, réitéré le caractère exceptionnel de la mesure en y prévoyant une durée maximale.

43.Ainsi, aux termes de l’article 221 (1) du CPP:

«La durée de la détention provisoire est fixée par le juge d’instruction dans le mandat. Elle ne peut excéder six mois. Toutefois, elle peut être prorogée par ordonnance motivée, au plus pour douze mois en cas de crime et six mois en cas de délit».

44.En application de ces dispositions, les juges compétents procèdent systématiquement à la libération immédiate des personnes irrégulièrement détenues comme l’illustre le tableau no 6 joint en annexe.

45.Il y a lieu de relever que s’agissant des infractions relevant de la justice militaire, l’état de la législation en cette matière autorise encore les détentions préventives assez longues. Un projet de loi devant revoir la procédure est en cours d’adoption.

46.Quant la détention pour infractions mineures des personnes âgées de moins de 18 ans (lors de leur première délinquance), l’État partie voudrait souligner qu’il s’agit là, au regard de son droit positif, d’une question de gestion de la délinquance juvénile qui fait l’objet d’une législation spéciale mettant l’accent sur la surveillance, l’éducation et la resocialisation des mineurs en conflit avec la loi.

47.De ce fait, le CPP récemment entré en vigueur réglemente le régime de la détention provisoire des personnes âgées de moins de 18 ans dans les articles 704 à 708.

48.Aux termes de l’article 704, «Le mineur de douze (12) à quatorze (14) ans ne peut faire l’objet d’un mandat de détention provisoire qu’en cas d’assassinat, de meurtre ou de coups mortels».

49.L’article 705 précise quant à lui que «Le mineur de quatorze (14) à dix‑huit (18) ans ne peut faire l’objet d’un mandat de détention provisoire que si cette mesure paraît indispensable».

50.Dans le même sens, l’article 706 énonce que «Le mineur ne peut être détenu que dans:

a)Un établissement de rééducation;

b)Un quartier spécial d’une prison habilitée à accueillir des mineurs.».

51.Une analyse combinée de ces différents textes montre, d’une part, que les personnes âgées de moins de 18 ans ne peuvent pas faire l’objet de détention préventive pour des infractions mineures et, d’autre part, que, lorsqu’elles font l’objet d’incarcération, celle‑ci ne peut être effective dans les lieux de détention autres que les prisons. Il faut néanmoins signaler que dans certaines prisons à l’instar de celles de Garoua et de Ngaoundéré, l’étroitesse des locaux ne permet pas cette séparation. L’État s’emploie à résorber cette situation.

52.Au‑delà de cette analyse de la délinquance juvénile, il est à relever que l’amélioration des conditions de détention, préoccupation majeure du Gouvernement, est tributaire des ressources financières qui ne sont pas toujours disponibles. À titre d’illustration, dans le cadre du budget de l’exercice 2007, des lignes de crédit ont été ouvertes pour l’aménagement et la réfection des prisons ci-après: Yaoundé (prison centrale), Kousseri, Mora, Moulvoudaye, Edéa, Sangmelima, Garoua, Maroua, Bafang, Betare-Oya, Monatele, Yabassi, Bamenda, Tchollire I, Tignere, Akonolinga, Mantoum, Yoko, Mbalmayo, pour un montant global de 503 565 000 FCFA (soit environ 774 716 euros). En tout état de cause, l’État assure dans la limite de ses moyens et au regard de son niveau de développement, les conditions minima exigées par la communauté internationale.

53.L’on peut également rappeler les efforts importants entrepris par le Gouvernement au cours de la période 2003‑2005. Une somme de 112 900 000 FCFA (environ 173 692 euros) a ainsi été investie pour la réhabilitation des établissements pénitentiaires ci‑après: 

a)Prison principale de Nkambe: travaux d’aménagement: 10 000 000 FCFA (environ 14 350 euros);

b)Prison principale de Fundong: aménagement et réhabilitation: 25 000 000 FCFA (environ 38 461 euros);

c)Prison principale de Ndop: aménagement et réhabilitation: 10 000 000 FCFA (environ 15 384 euros);

d)Prison secondaire de Mouvouldaye: travaux de construction de la nouvelle prison: 10 000 000 FCFA (environ 15 384 euros).

54.En 2005, le budget d’investissement de l’administration pénitentiaire qui était de 148 000 000 FCFA a permis de réhabiliter un certain nombre d’établissements pénitentiaires parmi lesquels la prison principale de Yaoundé.

55.En 2006, l’ensemble des investissements dans le secteur s’est élevé à 267 200 000 FCFA. Ces investissements ont concerné principalement l’aménagement et la réhabilitation des prisons suivantes:

a)Prison centrale de Ngaoundére: 14 000 000 FCFA (environ 9 230 euros);

b)Prison centrale de Yaoundé: 4 000 000 FCFA;

c)Prison centrale de Bertoua: 8 500 000 FCFA;

d)Prison principale de Mora: 22 000 000 FCFA (environ 9 230 euros);

e)Prison principale de Mokolo: 3 000 000 FCFA;

f)Prison secondaire de Makari: 8 500 000 FCFA;

g)Prison centrale de Douala: 69 200 000 FCFA;

h)Prison principale Mbengwi: 13 000 000 FCFA (environ 13 846 euros);

i)Prison secondaire de Bazou: 14 000 000 FCFA (environ 7 692 euros);

j)Prison secondaire d’Ambam: 8 000 000 FCFA.

56.En 2007, ces efforts ont été poursuivis avec notamment la réhabilitation des prisons suivantes:

a)Prison principale de Sangmélima: 25 000 000 FCFA;

b)Prison principale d’Edéa: 15 000 000 FCFA;

c)Prison secondaire de Moulvoudaye: 25 000 000 FCFA;

d)Prison principale de Mora: 8 500 000 FCFA;

e)Prison centrale de Yaoundé: 51 000 000 FCFA.

57.En 2008, la prison principale de Yaoundé, d’une capacité de 300 places, est devenue opérationnelle.

58.Sur le problème du nombre élevé des détenus préventifs, il convient de relever que la population carcérale évolue sous la pression convergente de plusieurs phénomènes: une démographie galopante, une croissance de la délinquance urbaine, etc. Tous les États du monde connaissent ce phénomène. Le Cameroun n’y échappe pas. Les structures existantes sont très insuffisantes et souvent inadaptées.

59.Néanmoins, l’État a réagi en créant de nouvelles juridictions, en multipliant le nombre de salles d’audience dans les grandes métropoles que sont Douala et Yaoundé. L’augmentation des effectifs (magistrats et greffiers) a permis le redéploiement du personnel judiciaire, favorisant plus de célérité dans le traitement des procédures en général et des cas de détention préventive en particulier.

60.Pour rapprocher davantage la justice du justiciable et rendre plus efficiente la distribution de la justice, de nombreuses juridictions ont été ouvertes et de nombreux palais de justice construits ou réhabilités.

61.Aussi, 14 juridictions ont été ouvertes à Yaoundé-Ekounou, Yaoundé‑Centre administratif, Douala‑Ndokoti, Douala-Bonanjo, Ambam, Bangem, Fundong, Ngoumou, Poli, Tcholliré, Tignère, Bengbis, Menji et Ntui.

62.Quatre palais de justice ont été construits à Yaoundé Centre administratif, Yaoundé Ekounou, Douala Bonanjo et Douala Ndokoti.

63.En outre, la Cour suprême, les cours d’appel du Centre, du Littoral, de l’Ouest, du Nord‑Ouest et du Sud‑Ouest ont fait l’objet d’une extension.

64.Cet effort se poursuit avec le recrutement programmé de 450 magistrats et de 1 500 fonctionnaires de l’Administration pénitentiaire en trois ans, pour compter de l’exercice budgétaire 2008.

65.Par ailleurs, dans le cadre du huitième Fonds européen de développement, le Gouvernement du Cameroun et l’Union européenne ont signé le 18 juillet 2001, une Convention pour le «Programme d’amélioration des conditions de détention et respect des droits de l’homme» (PACDET). Le «PACDET I» a été signé en juin 2002 entre l’Union européenne et le Cameroun. Il visait l’amélioration du fonctionnement carcéral et judiciaire et plus spécifiquement la réduction des dysfonctionnements et des abus liés à la détention préventive dans les prisons centrales de Douala et de Yaoundé. Cette Convention de financement d’un montant de 1 000 000 d’euros, est arrivée à échéance le 31 décembre 2005.

66.Les résultats positifs enregistrés ont permis d’envisager l’élargissement du projet sur les 10 prisons centrales avec la signature le 19 décembre 2006 entre les mêmes partenaires d’une seconde Convention «PACDET II», de 8 millions d’euros. Ce projet vise essentiellement l’amélioration des conditions de détention en vue du respect des droits de l’homme dans les 10 prisons centrales concernées. Le programme, dont la durée est de quatre ans, a démarré au cours du premier semestre 2007 et sa mise en œuvre devra impérativement s’achever avant le 31 décembre 2010. Les résultats attendus sont l’amélioration notable des institutions judiciaires et carcérales dans les zones du projet et l’amélioration des conditions de détention dans les 10 prisons centrales camerounaises. Les deux volets d’activités sont les suivants:

a)Volet «amélioration du fonctionnement des institutions judiciaires et carcérales». Ce volet comprend les activités suivantes:

i)Appui à la mise en œuvre du CPP;

ii)Appui à la réflexion sur les peines alternatives et leur mise en œuvre;

iii)Amélioration du fonctionnement des institutions judiciaires;

iv)Appui à la formulation et la mise en œuvre d’un programme de formation continue et de postformation;

v)Assistance judiciaire aux détenus et mise en place des centres juridiques provinciaux;

b)Volet «amélioration des conditions de détention». Ce volet se décline de la façon suivante:

i)Appui à l’amélioration de l’alimentation des détenus;

ii)Appui à la prévention des maladies et à la prise en charge des malades;

iii)Construction d’un nouveau centre médical à la prison centrale de Yaoundé;

iv)Appui à l’amélioration des infrastructures;

v)Promotion de la réinsertion sociale des détenus;

vi)Appui à l’amélioration du fonctionnement des institutions pénitentiaires;

vii)Renforcement du contrôle et du suivi des conditions de détention provisoire.

67.Il convient de relever aussi la mise sur pied d’un projet dénommé «P rojet de modernisation des prisons et de préparation à la réinsertion sociale des détenus», financé par les fonds issus de l’Initiative de l’allégement de la dette multilatérale (IADM).

68.Doté d’une enveloppe de 3 931 780 000 FCFA (environ 6 048 892 euros), ce projet dont les activités ont démarré en 2008 va permettre:

a)La construction de 6 nouvelles prisons de 300 places chacune;

b)La réhabilitation de 24 prisons existantes;

c)La construction de 12 forages équipés;

d)L’acquisition de 8 véhicules cellulaires;

e)La création des activités de production et de formation dans 60 prisons principales et secondaires.

69.S’agissant de l’entassement des prisonniers dans des cellules exiguës, il s’agit, de l’avis de l’État partie, d’une affirmation excessive. Chaque fois que les pouvoirs publics ont constaté l’augmentation de la population carcérale dans une prison donnée, il a été mis sur pied un processus de décongestionnement, par le transfert des détenus définitivement condamnés vers des prisons moins peuplées.

70.Toutefois, ces efforts sont limités par toutes les contraintes de développement et d’ajustement auxquelles le Cameroun est soumis.

4. Réponse à la recommandation figurant au paragraphe 8 d)

71.Dans le but d’humaniser les conditions de détention, le Gouvernement a, avec l’aide de certains partenaires au développement, pris un certain nombre de mesures visant à l’amélioration du traitement des personnes incarcérées notamment dans le domaine de la couverture sanitaire, de l’alimentation et de la classification des détenus.

72.S’agissant de la couverture sanitaire, les actions ont porté sur:

a)Le recrutement des personnels médical et paramédical;

b)L’ouverture des petits laboratoires dans les infirmeries des prisons centrales de Douala et de Yaoundé;

c)La création d’une ligne budgétaire au niveau de chaque prison pour l’achat des médicaments des détenus (pour l’année 2008, l’enveloppe globale destinée à cette nature de dépenses est de 85 413 000 FCFA (soit 131 404,6 euros));

d)La mise sur pied d’un programme de lutte contre le VIH/sida dans les grandes prisons (dépistage et prise en charge des malades);

e)La mise sur pied d’un programme de lutte contre la tuberculose dans les prisons centrales de Yaoundé et de Douala;

f)L’équipement des prisons centrales en matériel et consommables médicaux ainsi qu’en produits de première nécessité.

73.Au plan de l’alimentation des détenus, depuis l’exercice 2006, le Gouvernement a doublé le taux de la ration alimentaire des détenus. Le montant annuel des crédits destinés à l’alimentation des détenus est ainsi passé de 900 000 000 FCFA en 2005 à 1 800 000 000 FCFA depuis l’exercice 2006. Parallèlement à cette action, le projet PACDET II et le projet de modernisation des prisons et de préparation à la réinsertion sociale des détenus ont démarré en 2008 par le lancement des activités agropastorales dans toutes les prisons dans l’optique de renforcer l’alimentation des détenus.

74.Concernant la séparation des différentes catégories des détenus, celle‑ci est prévue par le décret no 92/052 du 27 mars 1992 portant régime pénitentiaire au Cameroun. Il convient de relever que cette mesure est effective dans toutes les prisons.

75.Néanmoins, cette exigence a été prise en compte dans le plan gouvernemental de développement des infrastructures carcérales qui vient d’être mis en exécution et qui prévoit la construction de nouvelles prisons et la réhabilitation de celles qui sont très délabrées et vétustes.

5. Réponse à la recommandation figurant au paragraphe 8 e)

76.Concernant les tortures, mauvais traitements et détentions arbitraires commis sous la responsabilité des chefs traditionnels du Nord, il convient d’indiquer que, au Cameroun, le statut juridique des chefferies traditionnelles est régi par le décret no77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des chefferies traditionnelles.

77.Les chefs traditionnels sont des auxiliaires de l’Administration et sont soumis à un régime disciplinaire rigoureux. Les sanctions varient en fonction de la faute commise. Par ordre de gravité, il peut s’agir:

a)Du rappel à l’ordre;

b)De l’avertissement;

c)Du blâme simple;

d)Du blâme avec suspension pendant trois mois au plus de la totalité des allocations;

e)De la destitution.

78.L’article 29 du décret de 1977 refuse explicitement aux chefs traditionnels le droit de punir leurs «sujets», sous peine de révocation. Cet article interdit, entre autres, «les exactions des chefs à l’égard des populations». L’exemple le plus récent est le cas du chef de groupement Foréké‑Dschang (dans la province de l’Ouest) qui, pour «inertie, inefficacité et exaction à l’égard des populations»,a étédestituépar arrêté no 111/CAB/PM du 22 août 2005 du Premier Ministre, chef du gouvernement.

79.Dans le même ordre d’idées, des poursuites judicaires ont été engagées contre des chefs traditionnels. Ainsi,pour les années antérieures à l’année 2005:

a)Le chef supérieur de Bafoussam, pour pillage en bande, incendie volontaire, troubles de jouissance et atteinte à la propriété foncière, a été condamné par le TGI de la Mifi le 6 mai 2002 à cinq ans d’emprisonnement avec sursis pendant cinq ans et à 1 million (1 000 000) FCFA d’amende ferme;

b)Le lamido de Tchéboa, poursuivi pour arrestation, séquestration et travaux forcés, a été condamné à un an d’emprisonnement ferme, avec mandat d’arrêt à l’audience, le 24 août 1993 par le TGI de la Benoué;

c)Le lamido de Douroum pour diverses exactions à l’encontre des populations, a été poursuivi et condamné pour troubles de jouissance, destruction de biens: condamné à deux ans d’emprisonnement ferme par le TGI du Mayo Louti le 13 août 2003.

80.Au cours de l’année judiciaire 2004/05, des poursuites judicaires ont été engagées contre des chefs traditionnels:

a)Le chef de deuxième degré de Foulou (lamidat de Mindjivin, province de l’Extrême‑Nord) pour complicité de coaction de menaces sous conditions, vol, arrestation et séquestration arbitraire a été condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis pendant trois ans et à 50 000 FCFA de dommages et intérêts par le TPI de Maroua;

b)Le lamido de Bangana (province de l’Extrême‑Nord) pour arrestation, séquestration et recel a été condamné à deux ans d’emprisonnement avec sursis pendant trois ans et à 250 000 FCFA de dommages et intérêts par le TPI de Yagoua;

c)Le représentant du lamido de Rey Bouba à Touboro (province du Nord) pour arrestation et séquestration, escroquerie, menaces sous condition est inculpé dans le cadre d’une information judiciaire;

d)Le lamido de Douroum (province du Nord) est poursuivi à l’information judiciaire pour arrestation et séquestration;

e)Le lamido de Matakan Sud (Mokolo, province de l’Extrême‑Nord) est poursuivi pour arrestation, séquestration et torture.

81.Aucune circonstance ne peut, au Cameroun, être évoquée pour justifier la torture. L’État engage systématiquement les poursuites pour les cas dont il est saisi comme l’illustrent les affaires ci‑après qui récapitulent de manière non exhaustive la situation en 2006:

a)Affaire MP c.BIDJEKE Mathias, chef de quartier de troisième degré, a été poursuivi pour abus de fonction par le TPI d’Edéa. Il a été relaxé par jugement du 17 octobre 2007;

b)Affaire MP c.BOUBAKARI H AMADOU, lamido de Dazal (province du Nord) pour arrestation, vol et séquestration a été poursuivi devant le TPI de Guider. Par jugement du 5 avril 2006, il a été déclaré non coupable et relaxé au bénéfice du doute;

c)Affaire MP c.ABDOU HAMAYADJI MAYO, représentant du lamido de Rey Bouba à Touboro, inculpé d’arrestation et séquestration, escroquerie et menaces sous conditions − une ordonnance de non‑lieu a été rendue suite au décès du susnommé;

d)Affaire MP c.ABBO ABOUBAKAR, chef traditionnel, poursuivi pour arrestation et séquestration arbitraires: l’accusé a été déclaré non coupable et acquitté par jugement no 21/crim du 21 mars 2007 du TGI de Tibati;

e)Affaire MP c.MOUSSA ABOUBAKAR, lamido de Tchéboa, inculpé d’arrestation et séquestration suivies de sévices corporels; le dossier est pendant devant le juge d’instruction du TPI de Garoua;

f)Affaire MP c.BAINA DEDAIDANDI, chef de village de Doré‑Tongo, poursuivi pour arrestation et séquestration. Par jugement no 13/crim du 16 août 2006, il a été déclaré coupable et condamné à dix ans d’emprisonnement ferme et à 1 000 000 FCFA à titre de dommages et intérêts à payer à la partie civile par le TGI de Garoua. Un mandat d’arrêt a été décerné contre l’accusé dont le conseil a relevé appel le 2 février 2007;

g)Affaire MP c.OUSSEINI HAMADOU, lawan de Badadji, poursuivi pour arrestation et séquestration. Par jugement no 101/cor du 29 novembre 2006, le TPI de Guider a déclaré coupable de complicité d’arrestation et de rétention sans droit de la chose d’autrui et condamné à douze mois d’emprisonnement avec sursis pendant trois ans et à payer 360 000 FCFA de dommages et intérêts à la partie civile;

h)Affaire MP c. le Fon GAH GWANYIN de Balikumbat et 11 autres. Le 20 août 2003, près de Bamenda, John KOHTEM, un dirigeant du Social Democratic Front, parti d’opposition, a été battu à mort par des partisans du Fon de Balikumbat qui ont été arrêtés et placés en détention provisoire pour meurtre. De lourds soupçons ont pesé sur le Fon dont la levée de l’immunité parlementaire a été ordonnée. Il a été condamné par le TGI de Ndop le 12 avril 2006 à quinze ans d’emprisonnement ferme ainsi que neuf autres personnes. La cour d’appel du Nord‑Ouest a, le 18 août 2006, ordonné la liberté sous caution du Fon Gah Gwanyin et de quatre autres coaccusés. La caution a été fixée à 4 000 000 FCFA (soit environ 6 154 euros) à verser par deux personnes en cas de non‑représentation. Les cinq autres coaccusés qui ont vu leur demande de liberté provisoire rejetée se sont pourvus en cassation;

i)Affaire MP c.DJAOURO HAMADOU, chef du village Nyassar, poursuivi pour arrestation et séquestration arbitraires, condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis pendant trois ans par le TPI de Ngaoundéré;

j)Affaire MP c.OUSSEINI HAMADOU , lawan de Badadji, poursuivi pour arrestation et séquestration. Par jugement no 101/cor du 29 novembre 2006 rendu par le TPI de Guider, le prévenu a été déclaré coupable de complicité d’arrestation et de rétention sans droit de la chose d’autrui et a été condamné à douze mois d’emprisonnement avec sursis pendant trois ans, et à payer 360 000 FCFA (soit environ 554 euros) de dommages et intérêts à la partie civile;

k)Affaire MP c.MOUSS A ABOUBAKAR, lamido de Tchéboa, inculpé d’arrestation et séquestration suivies de mauvais traitements: le dossier est en cours d’instruction judiciaire devant le juge d’instruction du TPI de Garoua;

l)Affaire MP c.LAWAN YOUSSOUFA, chef traditionnel de Liri‑Mogodé, poursuivi pour arrestation et séquestration, affaire en instance devant le TPI de Garoua.

B. Réponse de l ’ État du Cameroun aux recommandations figurant au paragraphe 9 des observations finales du Comité

1. Réponse à la recommandation figurant à l ’ alinéa a du paragraphe 9

82.Avec l’entrée en vigueur du CPP, les restrictions à la liberté individuelle sont légalement organisées. C’est le cas notamment de la garde à vue judiciairequi est régie par lesarticles 118 et suivants du CPP. Le régime en vigueur dans le Code d’instruction criminelle, plus restrictif, a été abrogé et l’entrée en vigueur du CPP a marqué du même coup une avancée substantielle dans la procédure pénale camerounaise, notamment en ce qui concerne la garantie des libertés individuelles. Les dispositions des articles 118, 119 et 121 joints en annexe peuvent être relevées.

2. Réponse à la recommandation figurant à l ’ alinéa b du paragraphe 9

83.La mesure concernant la possibilité de proroger le délai de garde à vue en fonction de la distance qui sépare le lieu d’arrestation du lieu de garde à vue a été imposée par l’inadéquation entre la carte judiciaire et la carte administrative et sécuritaire. Ce problème se posera moins lorsque la carte judiciaire épousera la carte administrative et sécuritaire.

3. Réponse à la recommandation figurant à l ’ alinéa c du paragraphe 9

84.En sus des développements qui ont été mentionnés sur la question dans le précédent rapport (par. 72), la procédure d’habeas corpus prévue dans le CPP permet de corriger les abus éventuels liés à la garde à vue abusive, quelles que soient les circonstances, qu’elle soit administrative ou militaire.

85.Ladite procédure est prévue à l’article 584 du CPP qui énonce que:

a)«Le Président du Tribunal de grande instance du lieu d’arrestation d’une personne ou tout autre magistrat du siège dudit tribunal désigné par lui, est compétent pour connaître des requêtes en libération immédiate fondées sur l’illégalité d’une arrestation ou d’une détention ou sur l’inobservation des formalités prescrites par la loi;

b)Il est également compétent pour connaître des recours intentés contre les mesures de garde à vue administrative;

c)La requête est formée; soit par la personne arrêtée ou détenue, soit au nom de celle‑ci par toute autre personne. Elle n’est pas timbrée.».

86.À titre d’illustration, le TGI du Mfoundi, par décision no 65/PTGI/Ydé du 1er février 2007, a ordonné la libération immédiate de l’adjudant ESSELEBO Didace, détenu en vertu d’un titre de détention décerné par le juge d’instruction militaire. L’intéressé a été mis en liberté suivant le bulletin de levée d’écrou no070092/BCE/MINDEF/DJM/PMY/BG.

4. Réponse à la recommandation figurant à l ’ alinéa d du paragraphe 9

87.Au niveau de l’Administration pénitentiaire, l’article 16 du décret no 92/052 du 27 mars 1992 dispose que «le régisseur de la prison ne peut, sous peine de détention arbitraire, procéder à une incarcération sans ordre d’écrou écrit et conforme au modèle réglementaire, ni un mandat ou une décision de justice ni un acte administratif régulier. Toute incarcération donne lieu à une inscription dans un registre d’écrou».

88.Depuis l’exercice en cours, une dotation de 10 000 000 FCFA a été allouée à la Direction de l’administration pénitentiaire pour l’achat du matériel de greffe des prisons (registres d’écrou, fiches signalétiques, chemises d’écrou).

89.S’agissant des unités de police et de gendarmerie, l’article 124 du CPP règle le problème du contrôle de la garde à vue en disposant que:

a)«L’officier de police judiciaire mentionne au procès‑verbal les motifs de la garde à vue et les repos qui ont séparé les interrogatoires, le jour et l’heure à partir desquels il a été soit libéré, soit conduit devant le Procureur de la République;

b)Les mentions prévues à l’alinéa 1er doivent être visées par le suspect dans les formes prescrites à l’article 90 (3), (4), (5) et (7). En cas de refus, l’officier de police judiciaire en fait mention au procès-verbal;

c)Les mêmes mentions doivent figurer sur un registre spécial tenu dans tout local de police judiciaire susceptible de recevoir des suspects; ce registre est soumis au contrôle du Procureur de la République;

d)L’inobservation des règles édictées au présent article entraîne la nullité des procès‑verbaux et des actes subséquents sans préjudice des sanctions disciplinaires contre l’officier de police judiciaire.».

5. Réponse à la recommandation figurant à l ’ alinéa e du paragraphe 9

90.Sur la question du transfert de la tutelle de l ’ administration pénitentiaire au Ministère de la j ustice, le Comité est invité à se reporter aux paragraphes 10 et 16 à 18 ci‑dessus concernant les réformes institutionnelles du Cameroun depuis la soumission de son troisième rapport et les réformes qui consacrent le transfert de la tutelle de l’Administration pénitentiaire au Ministère de la justice.

6. Réponse à la recommandation figurant à l ’ alinéa f du paragraphe 9

91.Par dérogation aux dispositions de l’article 83, conformément à l’article 132 bis, alinéa 5‑b, du CP, «l’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier la torture».

7. Réponse à la recommandation figurant à l ’ alinéa g du paragraphe 9

92.Le caractère suspensif de l’appel en droit administratif camerounais est un principe général de droit réaffirmé par les dispositions de l’article 114 (1) de la loi no 2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs selon lesquelles les décisions rendues en premier ressort en matière de contentieux administratif sont «susceptibles d’appel devant la Chambre administrative … de la Cour suprême».

93.L’alinéa (2) du même texte dispose que «L’appel suspend l’exécution du jugement, sauf décision contraire de la Chambre administrative de la Cour suprême». Qu’il s’agisse donc d’une décision confirmant ou infirmant une mesure de reconduite à la frontière, tout appel suspend son exécution. Au demeurant, les dispositions transitoires de cette loi abrogent les dispositions antérieures qui lui sont contraires.

94.En outre, la loi portant statut des réfugiés prévoit quant à elle des instances et mécanismes pour s’assurer de la régularité de la reconduite aux frontières de cette catégorie d’étranger.

C. Réponse de l ’ État du Cameroun aux recommandations figurant au paragraphe 10 des observations finales du Comité

1. Réponse à la recommandation figurant à l ’ alinéa a du paragraphe 10

95.L’option de politique criminelle prise par le Gouvernement ne prévoit pas de laisser impunis les gendarmes et militaires.

96.L’activité juridictionnelle de ces tribunaux est animée par des magistrats militaires qui suivent la même formation que leurs collègues civils. Les nombreuses décisions citées dans le rapport attestent de ces poursuites.

97.En tout état de cause, soucieux de garantir les droits de la victime, le Gouvernement a élaboré un projet de loi pour lui permettre de saisir les juridictions. Ainsi, l’avant‑projet de loi portant organisation judiciaire militaire de l’État et fixant les règles de procédure applicable devant les tribunaux militaires prévoit à l’article 7(2) que «Nonobstant les dispositions de l’article premier ci‑dessus, la victime civile d’une infraction peut mettre l’action publique en mouvement devant le Tribunal militaire dans les conditions prévues aux articles 157 et suivants du Code de procédure pénale, si trois mois après la commission des faits, le Tribunal militaire n’est toujours pas saisi».

2. Réponse à la recommandation figurant à l ’ alinéa b du paragraphe 10

98.L’affaire connue sous l’appellation «L a disparition des neuf de Bepanda (Douala)» est une procédure judiciaire dans laquelle les auteurs présumés ont été traduits devant le Tribunal militaire pour violation de consigne, complicité de tortures, complicité d’assassinat et de corruption. Ils ont été jugés le 9 juillet 2002 suivant jugement no139/02. Deux des huit accusés ont été partiellement reconnus coupables des faits qui leur étaient reprochés et condamnés conformément à la loi.

99.Ces dernières années s’est développée au Cameroun une forme de criminalité connue sous l’appellation de «C oupeurs de route». Cette montée en puissance de l’insécurité a conduit les autorités gouvernementales à mettre sur pied des stratégies visant à rétablir la sécurité en créant des unités spéciales pour venir à bout de ces brigands lourdement armés qui écument certaines régions. Ces unités, bien que spéciales du fait de leurs missions, sont soumises aux lois de la République et aux conventions internationales. Elles ne sont pas investies du pouvoir de torturer ou de commettre des meurtres.

3. Réponse à la recommandation figurant à l ’ alinéa c du paragraphe 10

100.Les nombreuses poursuites signalées dans le présent rapport ont été initiées par les parquets dont le rôle consiste à mettre en mouvement l’action publique quand une infraction est commise. Il y aurait lieu de renforcer éventuellement les capacités opérationnelles des mécanismes de contrôle existants en leur allouant plus de moyens. Par ailleurs, le CPP permet à la victime de mettre en mouvement l’action publique en déposant une plainte avec constitution de partie civile devant le juge d’instruction (art. 157 CPP) ou en saisissant directement le tribunal par voie de citation directe (art. 290 CPP).

4. Réponse à la recommandation figurant à l ’ alinéa d du paragraphe 10

101.Le Gouvernement camerounais assure la protection des victimes et des témoins et plus généralement de tout citoyen vivant sur son territoire contre toute forme d’atteinte à son intégrité physique. Les éléments de cette protection sont contenus dans le Code pénal à travers notamment l’incrimination des actes de torture (voir art. 132 bis, supra,par. 91).

102.S’agissant de l’obligation incombant à l’État d’informer les populations sur les droits de l’homme, il importe de souligner ici que l’essentiel des droits de l’homme énoncés dans la Convention est prévu dans le CPP.

103.Le CPP a fait l’objet de plusieurs campagnes de vulgarisation visant l’information des populations sur les droits qui leur sont reconnus et les limites à ne pas franchir par les autorités chargées d’exercer la force publique. Toutes ces initiatives d’information et davantage de sensibilisation des principaux acteurs du système pénal (gendarmes, policiers, avocats, magistrats) s’inscrivaient dans l’objectif plus global d’éducation aux droits de l’homme entrepris par le Gouvernement.

104.Dans le but de permettre aux populations de s’approprier le CPP, sur hautes instructions du chef de l’État, le Vice-Premier Ministre, Ministre de la justice, Garde des Sceaux, a organisé, du 3 au 30 mai 2006, une première campagne de vulgarisation du CPP dans les 10 provinces du pays.

105.Cette campagne, qui était placée sous le haut patronage du Premier Ministre, chef du gouvernement, a été lancée le 3 mai 2006 à Yaoundé.

106.Dans sa phase préparatoire, la vulgarisation proprement dite a été marquée par la production en anglais et en français de tous les outils techniques nécessaires:

a)La publication au Journal officiel de la loi portant CPP;

b)L’édition du Code en deux formats (format simple et format de luxe);

c)La confection de 20 000 affiches relatives à certaines dispositions susceptibles d’intéresser le grand public;

d)La confection de 20 000 dépliants relatifs à certaines dispositions sensibles, destinées également à l’information du public non expert;

e)La mise en scène et production en support vidéo d’un procès simulé de type accusatoire;

f)L’élaboration des formulaires standards d’exécution des actes de procédure;

g)La préparation des exposés devant être présentés au cours des séminaires;

h)L’élaboration du calendrier et du programme des séminaires;

i)La constitution des équipes de vulgarisation.

107.Dans sa phase opérationnelle, la campagne a été marquée par des descentes et la tenue de plusieurs séminaires.

108.Dix séminaires ont été animés dans les chefs lieux de provinces. L’auditoire, composé notamment des autorités administratives, des élus locaux, des autorités religieuses et traditionnelles, des officiers de police judiciaire, de l’ensemble du corps judiciaire et des membres de la société civile, a marqué un intérêt réel à cette initiative du Gouvernement en participant activement aux débats.

109.La structure des séminaires était axée sur des exposés et sur la présentation d’un procès simulé.

110.Des éclairages ont également été apportés sur:

a)Les efforts du Gouvernement en vue de l’amélioration de la condition des détenus;

b)Le rappel des rôles constitutionnels des différents pouvoirs caractérisant un État de droit;

c)La nécessité de situer l’application du CPP dans un contexte global qui place l’homme au cœur de toute action d’un gouvernement responsable;

d)L’assainissement des comportements au sein des différents corps de métiers impliqués dans l’application du Code;

e)La nécessaire collaboration entre autorités administratives et autorités judiciaires car le succès de la réforme du 27 juillet 2005 dépendra de l’implication effective des autorités concernées, pour que le citoyen se sente véritablement gouverné par le droit et non par la puissance.

111.La CNDHL a mené des actions de promotion des droits de l’homme dont les plus significatives ont été l’élaboration du Cahier pédagogique pour l’éducation aux droits de l’homme au Cameroun et le Plan d’action national de promotion et de protection des droits de l’homme du Cameroun.

112.Par ailleurs, du 14 au 15 octobre 2008, elle a organisé un atelier de formation des magistrats, avocats et officiers de police judiciaire en droits de l’homme.

113.L’association René Cassin Cameroun pour les droits de l’homme (ARCC) a conduit avec le parrainage du Ministère de la justice et l’appui technique de l’Institut africain des droits humains (IADH) une formation certifiante, du 8 au 14 avril 2008, à Douala, sur le Code de procédure pénale. À cette occasion des responsables de police et de gendarmerie de la province du littoral, les universitaires, des avocats, des responsables d’ONG ont vu leurs capacités renforcées.

114.En partenariat avec le Gouvernement camerounais, Nouveaux droits de l’homme a conduit, sur une période de trois ans, un vaste programme de prévention de la torture sous le thème «Prévenir la torture pour une nation respectueuse des droits de l’homme». Dans le cadre de ce programme:

a)100 000 affiches de la Convention ont été éditées et placardéessolennellement dans les commissariats de police, des brigades de gendarmerie, les églises, les sièges d’associations, etc.;

b)200 000 dépliants expliquant la Convention ont été conçus et distribués sur l’ensemble du territoire camerounais;

c)100 000 affiches de l’article 132 bis du Code pénal relatif à la torture ont été imprimées et placées dans les mêmes lieux, ainsi que la Convention;

d)Un recueil des textes juridiques sur la torture a été édité en 10 000 exemplaires et distribué aux magistrats, avocats, officiers de police judiciaire, responsables d’ONG, enseignants, etc.;

e)Des autocollants ont été imprimés et distribués sur tout le territoire national;

f)Une bande dessinée sur la torture a été éditée en 50 000 exemplaires et distribuée dans les 10 provinces du Cameroun;

g)Cinq comités provinciaux de prévention de la torture ont été créés pour accompagner les populations victimes de torture; ces CPT sont constitués de civils, d’hommes en tenue et de religieux et constituent un pilier important de la prévention de la torture au Cameroun;

h)Un journal d’informations spécialisées sur les droits de l’homme a été lancé sous le nom de Libertés News;

i)Un centre d’accueil d’urgence et d’appui aux victimes de torture baptisé Mandela Center a été mise en place au Cameroun.

5. Réponse à la recommandation figurant à l ’ alinéa e du paragraphe 10

115.Le problème de l’irrecevabilité des preuves obtenues par la torture trouve une solution dans les dispositions de l’article 315, alinéa 2, du CPP qui énonce que «l’aveu n’est pas admis comme moyen de preuve s’il a été obtenu par contrainte, violence ou menace ou contre promesse d’un avantage quelconque ou par tout autre moyen portant atteinte à la libre volonté de son auteur».

116.Bien avant l’entrée en vigueur du CPP, se conformantaux instruments internationaux, le juge camerounais a déclaré irrecevables des aveux obtenus par la torture et a annulé la procédure subséquente.

117.Il peut être évoqué ici le jugement no 182/cor du 24 février 2005 − extrait joint en annexe − rendu par leTPI d’Abong-Mbang dans l’affaire MP et Dame EKOUAS Philienne c. MENGUE Junette et DJESSA Jean Denis, lequel se situe dans le sillage du jugement no 69/00 du 21 septembre 2000 du Tribunal militaire de Bafoussam évoqué dans le troisième rapport périodique (par. 128 et 129).

118.Dans le même ordre d’idées, l’article 91 du CPP dispose que «les procès-verbaux dressés par les officiers de police judiciaire ont valeur de simples renseignements» .

D. Réponse de l ’ État du Cameroun aux recommandations figurant au paragraphe 11 des observations finales du Comité

1. Réponse à la recommandation figurant à l ’ alinéa a du paragraphe 11

119.La loi organisant le fonctionnement de la CNDHL a renforcé les capacités opérationnelles de cette institution. Dans la dynamique des réformes institutionnelles en matière de droits de l’homme, la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés créée par la loi no 2004/016 du 22 juillet 2004 (annexe 1) a remplacé le Comité national des droits de l’homme et des libertés qui avait été institué par décret.

120.Aux termes de l’article 2 de cette loi «la Commission a pour mission la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés. À ce titre, elle:

a)Reçoit toutes dénonciations portant sur les cas de violation des droits de l’homme et des libertés;

b)Diligente toutes enquêtes et procède à toutes investigations nécessaires sur les cas de violation des droits de l’homme et des libertés et en fait rapport au Président de la République;

c)Saisit toutes autorités des cas de violation des droits de l’homme et des libertés;

d)Procède, en tant que de besoin, aux visites des établissements pénitentiaires, des commissariats de police et des brigades de gendarmerie, en présence du Procureur de la République compétent ou de son représentant;

e)Propose aux pouvoirs publics les mesures à prendre dans les domaines des droits de l’homme et des libertés…;

f)Entretient, le cas échéant, toutes relations avec l’Organisation des Nations Unies, les organisations internationales, comités ou associations étrangères poursuivant des buts similaires.».

121.Les attributions et le fonctionnement de la CNDHL sont conformes aux Principes de Paris qui insistent sur le conseil au Gouvernement s’agissant des activités en matière de droits de l’homme.

122.L’on peut relever, aux termes de l’article premier de la loi, que «la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés est une institution indépendante de consultation et de protection en matière de droits de l’homme:

a)La Commission est dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière.

b)La Commission peut créer des antennes dans d’autres localités sur l’étendue du territoire de la République.».

123.Ses ressources proviennent des dotations inscrites dans le budget de l’État, des appuis des partenaires nationaux et internationaux, des dons et legs (art. 20).

124. Le projet de budget annuel et les plans d’investissement de la CNDHL sont préparés par le Président de cette institution, adoptés par la Commission et soumis à l’approbation du Premier Ministre dans le cadre de la préparation de la loi de finances. Ce budget fait l’objet d’une inscription spécifique (art. 23).

125.La CNDHL jouit de la personnalité juridique et de l’autonomie financière ou de fonctionnement (art. 1, al. 3). Elle emploie un personnel directement recruté par elle, des fonctionnaires en détachement et des agents relevant du Code du travail qui lui sont affectés à la diligence du Président de la Commission (art. 26, al. 1).

126.La CNDHL élabore elle-même son règlement intérieur et dispose des moyens d’action (art. 3 et 17).

127.Elle peut ainsi entre autres:

a)Convoquer toute partie ou témoin;

b)Saisir le Ministre chargé de la justice de toute infraction relevant de sa loi organique;

c)User de la médiation et de la conciliation dans les matières non répressives;

d)Intervenir pour la défense des victimes des violations des droits de l’homme.

128.La CNDHL est composée de 30 membres parmi lesquels deux magistrats de la Cour suprême, quatre députés, deux avocats, deux professeurs d’université, trois représentants des confessions religieuses, des membres de la société civile. Toutes ces sensibilités sont le gage de l’indépendance de l’institution. En tout état de cause, sa composition mixte constatée par le décret no2006/276 du 6 septembre 2006 est un gage de son indépendance. Suivant le règlement intérieur, les représentants de l’administration n’ont pas droit de vote.

129.Dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions, les membres de la CNDHL ne peuvent être poursuivis ni pour leurs idées, ni pour leurs opinions.

130.Par ailleurs, la CNDHL encadre l’activité de nombreuses associations avec lesquelles elle réalise des projets d’éducation aux droits de l’homme.

2. Réponse à la recommandation figurant à l ’ alinéa b du paragraphe 11

131.Aux termes de l’article 5 de l’ordonnance no 75-5 du 26 août 1972 portant organisation judicaire militaire «le tribunal militaire est seul compétent pour connaître à l’encontre de toute personne majeure de 18 ans:

1.Des infractions purement militaires prévues au Code de justice militaire;

2.Des infractions de toute nature commises par des militaires, avec ou sans coauteurs ou complices civils, soit à l’intérieur d’un établissement militaire, soit dans le service;

3.Des crimes et délits contre la sûreté de l’État;

4.(Cette disposition a été abrogée avec la disparition de la peine de détention en droit camerounais);

5.(Cette disposition a été abrogée avec la disparition de l’infraction de subversion en droit camerounais);

6.Des infractions à la législation des armes;

7.Des infractions de toute nature, où se trouve impliqué un militaire ou assimilé, perpétrées dans une région soumise à l’état d’urgence ou d’exception.».

132.Au regard de ces infractions qui fondent la compétence des tribunaux militaires, il convient de retenir que trois critères permettent de définir une infraction militaire en droit camerounais:

a)Le premier renvoie aux infractions militaires par détermination d’un texte (infraction prévue par le Code de justice militaire, infraction à la législation sur les armes);

b)Le deuxième critère est personnel. Est considérée comme infraction militaire, toute infraction dans laquelle se trouve impliqué un militaire ou assimilé;

c)Le troisième critère a trait au lieu de commission de l’infraction.

133.Par ailleurs, l’indépendance du magistrat de siège s’étend à tous les ordres de juridiction, même au tribunal militaire.

134. L’article 41 du décret no75/7000 du 6 novembre 1975 portant règlement de discipline générale dans les Forces armées dispose que: «Les magistrats militaires, uniquement dans l’exercice de leurs fonctions, sont indépendants du commandement et ne relèvent que de leur hiérarchie propre.».

135.Il est important de relever que les magistrats militaires reçoivent la même formation que leurs collègues civils à l’École nationale d’administration et de magistrature, et sont à l’avant‑garde de la promotion et de la protection des droits et libertés.

136. Par ailleurs, la structuration du TM se prête à cette protection, dans la mesure où le juge d’instruction, supprimé en 1972 dans les juridictions civiles, puis réintroduit par la loi no 2005/07 du 27 juillet 2005 portant CPP, n’a jamais disparu au sein des juridictions militaires.

137. Les appels des jugements rendus par les tribunaux militaires sont déférés devant la chambre militaire de la cour d’appel présidée par un magistrat civil. La procédure applicable est celle en vigueur devant la cour d’appel statuant en matière correctionnelle ou criminelle.

3. Réponse à la recommandation figurant à l ’ alinéa c du paragraphe 11

138.Conformément à cette recommandation, le Gouvernement camerounais a initié un projet de loi sur la question des mutilations génitales. En attendant son aboutissement, des opérations de sensibilisation et de reconversion sont entreprises en direction des personnes qui pratiquent ces coutumes ancestrales afin de les rendre financièrement autonomes.

139.S’il n’y a pas encore de loi incriminant spécifiquement les mutilations génitales féminines, il n’en demeure pas moins que les auteurs de tels faits sont poursuivis chaque fois qu’ils sont dénoncés. En effet, ces faits rentrent dans la catégorie des atteintes à l’intégrité corporelle et constituent spécifiquement des blessures graves.

140.Par ailleurs, si la victime est un mineur de 15 ans, l’incrimination de violence sur enfant prévue à l’article 350 du Code pénal ainsi conçu s’applique: «les peines prévues aux articles 275, 277 et 278 du présent Code sont respectivement la mort et l’emprisonnement à vie si les infractions visées dans lesdits articles ont été commises sur un mineur de 15 ans, et les peines prévues par les articles 279 (1), 280 et 281 sont dans ce cas doublées».

4. Réponse à la recommandation figurant à l ’ alinéa d du paragraphe 11

141.S’agissant des effets de l’amnistie prévue à l’article 297 du CP dont peut bénéficier le coupable d’un viol si ce dernier se marie avec la victime, ils ne visent pas à encourager l’impunité des auteurs de viol. Il convient dans un premier temps de relever que ces dispositions ne s’appliquent que lorsque «la victime pubère lors des faits», qui aurait pardonné à son bourreau, consent librement au mariage avec celui-ci.

142.Tel est le sens de cet article ainsi libellé: «le mariage librement consenti de la victime pubère lors des faits avec le coupable d’une infraction visée par les deux articles précédents produit les effets prévus à l’article 73, alinéas 1er à 4, du présent Code».

143.En tout état de cause, cette question sera certainement examinée dans le cadre de l’actualisation du CP déjà en chantier.

5. Réponse à la recommandation figurant à l ’ alinéa e du paragraphe 11

144.La question de la ratification du Protocole facultatif à la Convention est à l’étude.

E. Réponse de l ’ État du Cameroun à la recommandation figurant au paragraphe 12 des observations finales du Comité

145.De nombreuses initiatives sont prises non seulement pour diffuser les recommandations du Comité mais pour vulgariser les instruments internationaux. Des efforts sont faits pour traduire les conventions dans les langues locales à l’instar de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes qui fait l’objet de vulgarisation en langues locales par l’Institut de formation et de coopération pour le développement. En effet, cet institut, qui bénéficie de l’appui institutionnel du Ministère de la justice et du Ministère de la promotion de la femme et de la famille, a traduit cet instrument juridique en quatre langues locales notamment en bulu, fufuldé, ghom’ala et en pidjin.

F. Réponse de l ’ État du Cameroun à la recommandation figurant au paragraphe 13 des observations finales du Comité

146.S’agissant des garanties minimales actuelles en matière de contrôle juridictionnel et de droits des personnes gardées à vue, et de leur mise en œuvre dans la pratique,voir les développements supra (par. 42 et 71 à 75).

G. Réponse de l’État du Cameroun à la recommandation figurant au paragraphe 14 des observations finales du Comité

147.Voir les développements supra paragraphes 76 à 81 et suivants, et les réponses du Gouvernement aux recommandations du Rapporteur spécial, Sir Nigel Rodley.

III. RENSEIGNEMENTS SP É CIFIQUES CONCERNANT CHAQUE ARTICLE DE LA CONVENTION

Article premier

148.L’article premier de la Convention définit la «torture».

149.Dans son précédent rapport (par. 23), l’État du Cameroun a fait mention de l’entrée en vigueur de la loi no 97/009 du 9 janvier 1997 insérant dans le CP un article 132 bis intitulé «torture». Cet article incrimine les actes de torture en reprenant la définition conventionnelle de la torture.

150.Pour l’effectivité des mesures judiciaires, réglementaires et pratiques (voir supra pour les mesures judiciaires, par. 24 et suiv.).

Article 2

151.Aux termes du paragraphe premier de l ’ article 2, il incombe à l’État partie de prendre toutes les mesures pour empêcher la commission des actes de torture. Pour donner effet à ce paragraphe, l’État du Cameroun a pris les mesures décrites ci-dessous.

1. Mesures législatives

152.Après l’internalisation de la Convention par l’incrimination de la «torture», l’on peut évoquer la promulgation du CPP. Ce texte améliore considérablement la garantie des droits de l’homme dans toutes les phases du procès et, partant, l’interdiction de tout acte de torture, traitement inhumain ou dégradant.

153.Pour illustrer cette avancée dans l’effectivité de la Convention, les articles 118, 119, 121 et 122 du CPP cités supra sont pertinents (voir annexe 10).

154.L’ensemble de ces dispositions montre que l’État du Cameroun a adopté les mesures visant à assurer la mise en œuvre effective du droit dont dispose toute personne gardée à vue, dans les premières heures de détention, d’accéder à un avocat de son choix, à un médecin de son choix et d’informer ses proches de sa détention. Au regard de ces dispositions, l’accent a été mis sur l’humanisation du traitement de tout individu privé de sa liberté.

155.En dehors du CPP, l’État du Cameroun a adopté la loi no2004/016 du 22 juillet 2004 portant création, organisation et fonctionnement de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés.

156.Le renforcement des capacités d’intervention de la CNDHL participe de la volonté de rendre effectives les dispositions de la Convention du fait de l’efficacité potentielle de ses pouvoirs. La Commission a rendu public un rapport quadriennal de ses activités couvrant la période 2002‑2006 qui illustre l’efficacité de ses actions.

2. Les mesures réglementaires et pratiques

157.En plus des innovations institutionnelles relevées plus haut,pour renforcer l’efficacité des services du Ministère de la justice, une Inspection générale a été créée au sein du Ministère de la justice par décret no 2005/122 du 15 avril 2005 portant organisation du Ministère de la justice qui prévoit deux inspecteurs généraux dont l’un est chargé du contrôle des activités des services judiciaires et l’autre du contrôle des activités de l’Administration pénitentiaire. Cette dernière a depuis lors effectué plusieurs contrôles dans les lieux de détention. Elle a contrôlé les prisons de Yaoundé du 19 au 22 février 2008 et celle de Douala en mars 2008.

158.Au plan pratique, l’action de l’État est complétée par le rôle des ONG dans la sensibilisation contre les actes de torture (voir par. 101 à 114, par. 119, par. 145, par. 185 à 197).

3. Les mesures judiciaires

159.Ces mesures concernent essentiellement les décisions de justice prononcées par les juridictions dans le cadre de la lutte contre la torture. Quelques-unes sont répertoriées plus haut (par. 24 et suiv.).

160.S’agissant de la question spécifique des actes de torture commis ou commandités par les chefs traditionnels, il convient de noter que, comme tous les citoyens, les chefs traditionnels du pays sont soumis à la loi.

161.Dans sa lettre circulaire du 17 janvier 2003 adressée aux procureurs généraux des cours d’appel du Cameroun, le Ministre d’État chargé de la justice demandait de lui rendre compte des poursuites engagées à l’encontre des chefs traditionnels pour délits dont ceux-ci se rendront coupables, notamment en procédant à des arrestations et à des séquestrations.

162.S’agissant des paragraphes 2 et 3 de l’article 2, les éléments contenus dans le rapport précédent (par. 135) demeurent pertinents.

Article 3

163.Conformément aux recommandations du Comité, l’État du Cameroun a adopté des mesures législatives et judiciaires nationales visant à rendre effectives les dispositions substantielles du paragraphe premier de l’article 3 de la Convention prescrivant le non‑refoulement et la non‑extradition des personnes vers un pays où il y a un risque de subir la torture. Le CPP a repris des dispositions de la loi de 1997 en étendant l’interdiction d’extrader vers des pays où il y a un risque d’être soumis à des traitements cruels, inhumains et dégradants.

164.Il s’agit, d’une part, de l’article 645 (d) du CPP qui dispose que:

«L’extradition n’est pas applicable:

Lorsque l’État requis a de sérieuses raisons de penser que la personne dont l’extradition est demandée sera soumise, dans l’État requérant, à des tortures et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.».

165.Le CPP va ainsi au-delà de l’article 3 de la Convention.

166.D’autre part, il s’agit des articles 7, 8, 14 (1) et 15 de la loi no 2005/006 du 27 juillet 2005 portant statut des réfugiés au Cameroun (annexe 2).

167.Concernant la mise en œuvre du paragraphe 2 de l’article 3, les juges saisis des demandes d’extradition vérifient qu’il n’existe pas de motifs sérieux d’envisager que l’extradable puisse le cas échéant subir la torture dans le pays où il sera extradé (arrêt no 96/P du 6 mars 1998 rendu par la cour d’appel du Littoral dans l’affaire MP c. ANGELIQUE Dominique et LENGBE Christian; arrêt no 297/P du 11 mars 1997 rendu par la cour d’appel du Littoral dans l’affaire M P c. BIGIONE VITO).

Article 4

168.Les renseignements donnés au titre du précédent rapport demeurent pertinents (par. 141 à 150).

Article 5

169.Outre les renseignements donnés au titre de cet article dans le précédent rapport (par. 149), l’article 642 (2) b) du CPP relève que «Sont assimilées aux infractions de droit commun, les infractions à compétence universelle prévues par les conventions internationales ratifiées par le Cameroun.». Cette disposition apporte des précisions sur le statut pénal de l’infraction de torture en droit camerounais.

170.Toujours dans l’objectif d’établir des compétences comme le prévoit l’article 5 de la Convention, l’article 636 du CPP reconnaît la compétence des juridictions nationales dans le cas où: «Quiconque s’est, sur le territoire national, rendu complice d’un crime ou d’un délit commis à l’étranger, peut être poursuivi et jugé au Cameroun…».

171.L’article 637 du même Code prévoit: «Peut également être poursuivi et jugé au Cameroun, quiconque s’est rendu complice, à l’étranger, d’un crime ou d’un délit commis au Cameroun.».

172.L’article 699 du même Code quant à lui dispose qu’est réputée commise au Cameroun: «Toute infraction dont un acte caractérisant un des éléments constitutifs a été commis sur le territoire de la République.». Cet article contient des mesures reconnaissant la compétence des lois et juridictions nationales pour les infractions telles que la torture commises sur le territoire national. Alors que les articles 636 et 637 reconnaissent une compétence personnelle active lorsque l’auteur des actes sera un ressortissant de l’État partie ou même un étranger. En tout état de cause, ces différents textes prévoient les règles générales de compétence de l’État partie pour les infractions de droit commun. La torture étant désormais une infraction de droit commun en droit camerounais, il ressort clairement de ces dispositions qu’elle est soumise au régime général.

Article 6

1. Paragraphes 1 et 2 de l ’ article 6

173.Il y a, à l’encontre des personnes soupçonnées d’avoir commis la torture la possibilité d’ordonner leur garde à vue, de les détenir provisoirement (voir supra par. 9) ou les soumettre à la surveillance judiciaire (art. 246 à 250 du CPP).

174.Il convient de souligner, comme cela vient d’être évoqué, que les règles de procédure pénale en droit camerounais prévoient pour les infractions de droit commun l’ouverture d’une enquête préliminaire pour l’établissement des faits. L’infraction de torture étant une infraction de droit commun, elle obéit à ce régime général. Ainsi, l’article 82 qui fixe les règles de compétence de la police judiciaire prévoit qu’elle est chargée:

a)«De constater les infractions, d’en rassembler les preuves, d’en rechercher les auteurs et complices et, le cas échéant, de les déférer au parquet;

b)D’exécuter les commissions rogatoires des autorités judiciaires…».

175.L’article 83 prévoit dans son alinéa (1):

«Outre les attributions définies à l’article 82, les officiers de police judiciaire reçoivent les plaintes et les dénonciations. Ils procèdent à des enquêtes préliminaires…».

2. Paragraphes 3 et 4 de l ’ article 6

176.La réponse donnée dans le troisième rapport demeure pertinente sur le fondement de la loi de 1997 (par. 154 à 161).

Article 7

1. Paragraphes 1 et 2

177.Les développements y consacrés dans le troisième rapport demeurent pertinents (par. 156).

Paragraphe 3 de l ’ article 7

178.Comme évoqué dans la précédente note infrapaginale (note 18), l’infraction de torture est une infraction de droit commun en droit camerounais. Par conséquent, elle obéit au régime décrit par les articles 4, 5, 6 de la Convention (ci-dessus présentés).

179.Outre les renseignements figurant dans les paragraphes 9 et 81 supra, il convient d’indiquer que le CPP aménage les garanties du droit à un procès équitable tant dans la phase de l’instruction (art. 167 à 176 joints en annexe) du jugement (articles 307 à 321 joints en annexe) que de la procédure à l’audience (338 à 384).

Article 8

180.Aux termes de cet article, les États parties s’engagent à comprendre les infractions visées par l’article 4 de la Convention dans tout traité d’extradition à conclure entre eux.

181.Le droit camerounais soumet toute infraction de droit commun à la procédure d’extradition. Aux termes de l’article 642 (1) b): «Le fait servant de base à la demande d’extradition doit être au regard de la loi camerounaise une infraction de droit commun.».

182.Dans le même sens, l’article 642 (2) b) (précité) énonce: «Sont assimilées aux infractions de droit commun, les infractions à compétence universelle prévues par les conventions internationales ratifiées par le Cameroun.».

183.Les réponses données dans le troisième rapport demeurent pertinentes. Le Cameroun a toutefois signé de nouvelles conventions au plan régional (voir supra, par. 6).

Article 9

184.LeCameroun est partie à de nombreux instruments internationaux qui prescrivent une coopération judiciaire comme en atteste le cadre juridique indiqué (voir supra, développements, par. 5 à 7).

Article 10

185.Conformément aux prescriptions de l’article 10 et surtout suite aux recommandations du Comité lors de l’examen du troisième rapport du Cameroun, le Gouvernement, pour assurer la formation et l’information des personnels chargés de l’application des lois, a opté pour le renforcement de leurs capacités.

186.Des actions significatives sont menées dans le but de renforcer les capacités intellectuelles et opérationnelles des personnes chargées de l’application effective des normes internationales et nationales relatives aux droits de l’homme. À titre illustratif, on peut citer les séminaires suivants, organisés avec ou sans le concours des partenaires extérieurs, notamment le Centre sous-régional des Nations Unies pour les droits de l’homme et la démocratie en Afrique centrale, le Comité international de la Croix-Rouge et le Commonwealth.

187.Des séminaires dans ce sens ont été menés au Cameroun:

a)Du 18 au 19 décembre 2001 à Yaoundé: atelier sous-régional sur le développement des plans d’actions nationaux relatifs à la promotion et à la protection des droits de l’homme en Afrique centrale;

b)Du 13 au 14 juin 2002 à Yaoundé: conférence sous‑régionale des ministres de la justice ou des droits de l’homme et des présidents des cours suprêmes;

c)Du20 au 22 octobre 2003 à Yaoundé: séminaire national des responsables des établissements pénitentiaires qui a réuni différentes administrations et ONG pour échanger sur les thèmes suivants:

«Évaluation de l’effectivité des droits de l’homme et de la sécurité en milieu carcéral;

Respect des droits des détenus et responsabilité du personnel de l’administration pénitentiaire;

Les prisons face aux interpellations des organisations des droits de l’homme;

L’influence de l’autorité administrative sur la gestion efficiente des prisons;

La collaboration «Prison commune dans le cadre de l’amélioration des conditions de vie des populations;

La gestion préventive des risques au sein d’un pénitencier;

La rationalisation de la gestion des crédits des établissements pénitentiaires;

Le profil d’un bon régisseur dans le cadre du respect des droits de l’homme et des impératifs de sécurité»;

d)Du 2 au 4 février 2004 à Kribi: atelier sous-régional sur la société civile, les droits de l’homme et la règle de droit;

e)Du 12 au 14 juillet 2004 à Yaoundé: atelier sous‑régional sur le rôle de la société civile dans l’application du plan d’action de Durban contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et les intolérances connexes;

f)Du 14 au 18 mars 2005 à Yaoundé: séminaire relatif aux droits de l’homme dans l’administration de la justice avec le concours du Bar Human Rights Committee of England and Wales et Lawyers’ Rights Watch Canada;

g)Du 14 au 16 novembre 2005à Douala, un séminaire sous‑régional de formation sur les droits de l’homme dans l’administration pénitentiaire en Afrique centrale avec pour sous‑thèmes:

Les normes internationales relatives aux droits des détenus;

L’état des lieux des conditions de détention et des obstacles à l’application des règles internationales;

Les mécanismes des plaintes individuelles et des visites des établissements pénitentiaires;

Les groupes vulnérables en prison (les femmes, les mineurs, les malades…);

Le droit et la détention (détention préventive, procédure d’exécution des peines, des peines alternatives, surpopulation, réformes…);

h)Du 21 au 25 novembre 2005 à Yaoundé: séminaire de formation de 26 officiers supérieurs des forces armées camerounaises sur «L’application du droit international humanitaire dans le contexte des opérations de maintien de la paix»;

i)À Yaoundé, du 8 au 11 mai 2006, séminaire organisé par les experts du Commonwealth, sur la formation des formateurs des officiers de police et des autorités pénitentiaires en droits des détenus.

188.D’autres séminaires auxquels ont pris part des responsables camerounais ont eu lieu:

a)Du 13 au 15 janvier 2003, à Libreville (Gabon): atelier sur la justice militaire en Afrique Centrale ;

b)Du 20 au 22 mai 2003 à Malabo (Guinée équatoriale): atelier sur les médias, les droits de l’homme et la démocratie;

c)Du 17 au 19 mars 2004, à Kigali (Rwanda): atelier sous-régional sur les droits de la femme et la législation nationale en Afrique Centrale;

d)Du 29 au 30 mars 2004, à Bujumbura (Burundi): atelier sur la collaboration entre les militaires et les civils en Afrique Centrale.

189.Plus généralement, ce qui a été dit dans le précédent rapport quant à la formation des personnels aux droits de l’homme et au droit international humanitaire demeure pertinent.

190.Dans le but de faire parvenir l’information à son public cible, la CNDHL a mis sur pied une stratégie de la communication qui repose sur plusieurs axes à savoir la publication des bulletins d’information telles la revue Born free, la réalisation et l’animation des émissions radiodiffusées, la publication de documents spécialisés, la publication des rapports d’activités, l’élaboration des rapports sur la situation des droits de l’homme, l’organisation des conférences et des séminaires.

191.Au demeurant, la gendarmerie et la police mettent aujourd’hui l’accent sur les techniques nouvelles d’investigation pour la collecte et l’analyse des indices. Avec ces nouvelles techniques, ces services ne pourront plus invoquer la nécessité de recourir à la torture pour obtenir des aveux. Il s’agira de faire parler les indices. À titre d’illustration, le 28 septembre 2005, à Yaoundé, s’est tenu, à l’initiative du Cabinet central d’études de recherches et d’investigations, un séminaire ouvert aux cadres de la Police camerounaise, sur les méthodes de la criminalistique, avec l’expertise du Service français de la coopération technique internationale de police, en vue de renforcer les capacités scientifiques d’investigation.

192.Il importe de souligner également des actions de promotion qui sont le domaine de prédilection de la société civile et des ONG.

193.À ce titre, on peut notamment citer, sans prétendre à l’exhaustivité:

a)La création au sein du barreau de la Commission des droits de l’homme, structure chargée entres autres de l’observance de la mise en œuvre de l’État de droit, de la dénonciation des violations des droits de l’homme, et de la promotion des droits de l’homme (décision no 017/BDA/07/99 du 30 juillet 1999). Les activités de cette commission ont pour l’essentiel consisté en:

i)La poursuite du programme d’humanisation de la détention par l’accompagnement professionnel du programme d’amélioration des conditions de détention et de respect des droits de l’homme (PACDET) et de certaines ONG qui œuvrent dans la promotion et la protection des droits de l’homme;

ii)La participation à la semaine culturelle organisée par l’association «Le geste qui sauve» dans les prisons de Yaoundé, Douala et Edéa sous le thème «La détention telle que pratiquée au Cameroun et le droit international des droits de l’homme»;

iii)La participation à la validation du programme national d’enseignement des droits de l’homme au Cameroun initié par la CNDHL sus‑évoqué;

iv)L’organisation d’un concours dit «Jeunesse, droits de l’homme et culture de la paix» à l’occasion de la Journée mondiale des droits de l’homme du 10 décembre;

b)La célébration le 26 juin de la Journée internationale des Nations Unies pour le soutien aux victimes de la torture est l’occasion de sensibiliser sur les méfaits de la torture avec des thèmes tel celui choisi en 2005 par l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), antenne du Littoral: «La persistance de la torture et autres violations des droits de la personne: Cameroun, État de droit?».

194.Au rang des recommandations, les participants ont mis l’accent sur:

a)La gratuité d’accès à la justice pour les victimes de la torture;

b)L’éradication des prisons privées, au nord et au sud-ouest du Cameroun;

c)La réorganisation de la détention dans toutes les prisons du pays en séparant les mineurs, les femmes, les personnes âgées et les grands criminels.

195.La commémoration du cinquante-septième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme a donné lieu à une semaine de manifestations et d’échanges, du 8 au 12 décembre 2005 sous le thème: «Combattre la torture» avec pour sous‑thèmes:

a)Les règles internationales en matière de torture;

b)Dynamiques collectives de prévention de la torture au Cameroun;

c)Le Code de procédure pénale et la torture au Cameroun;

d)La prise en charge de victimes de la torture: expérience du «trauma center» et de la fondation Idolé;

e)Enseignements jurisprudentiels et affaire Mukong.

196.Par ailleurs, le Gouvernement camerounais a favorablement accueilli la proposition de création du prix «Vieira De Mello» destiné à encourager les meilleures initiatives et actions en matière de droits de l’homme. Ce prix a été initié par «Nouveaux droits de l’homme», en partenariat avec le Centre sous‑régional des Nations Unies pour les droits de l’homme et la démocratie en Afrique centrale, la CNDHL, le Service national justice et paix et l’Université catholique d’Afrique centrale. La première édition dudit prix s’est tenue au Palais des congrès de Yaoundé le 27 mai 2005.

197.Des associations de défense des droits de l’homme réunies sous la dénomination de «La maison des droits de l’homme du Cameroun»se sont réunies le 10 octobre 2005 à Douala, à l’occasion de la première Journée mondiale contre la peine de mort, organisée par la «Coalition mondiale contre la peine de mort».

Article 11

198.Dans le cadre du respect des dispositions de cet article et suivant les recommandations du Comité, le Gouvernement assure une supervision effective des lieux de détention, en permettant aux ONG d’y effectuer des visites et de renforcer les capacités des commissions de surveillance des prisons. La CNDHL et les procureurs effectuent des visites plus fréquentes de tous les lieux de détention.

199.Quant aux procureurs de la République, le contrôle des lieux de détention leur est dévolu et ils s’en acquittent régulièrement en visant les registres de garde à vue, les registres d’écrou et en exploitant les notices de détention provisoire. À l’occasion, ils peuvent ordonner ou requérir des correctifs aux situations problématiques.

200.Lors des contrôles de garde à vue, le Procureur de la République peut procéder immédiatement à l’élargissement des personnes gardées en violation de la loi. Cette mission fait l’objet de l’article 137 (2) CPP.

201.Quant aux visites des ONG et associations caritatives ou de promotion de défense des droits de l’homme voir les paragraphe 36 et paragraphe 36‑40‑2).

Article 12

202.Toute infraction donne lieu à l’ouverture d’une enquête judiciaire (art. 135 et suiv. du CPP).

Article 13

203.Conformément aux prescriptions de cet article, l’État du Cameroun organise la protection des victimes et des témoins contre toute intimidation ou mauvais traitement, en informant la population de ses droits, notamment en matière de plainte contre les agents de l’État (voir les développements supra, par. 101 à 115).

204.Toutefois, la protection des témoins et des victimes de la criminalité est encore embryonnaire au Cameroun.

205.En effet,s’agissant des témoins, le Code pénal camerounais ne s’en préoccupe que pour réprimer leurs manquements: défaillance du témoin (art. 173), fausses excuses (art. 176).

206.Il est donc, dans ce domaine, envisagé, en s’inspirant des mesures pertinentes contenues dans les statuts et règlements de procédure des tribunaux pénaux internationaux pour l’ex‑Yougoslavie et pour le Rwanda ainsi que de la Cour pénale internationale, de moderniser la législation camerounaise. Les victimes de ces crimes quant à elles ont droit à un recours devant les juridictions pénales (constitution de partie civile devant l’officier de police judiciaire enquêteur, le magistrat ou la juridiction de jugement) ou civiles (demande) pour solliciter la réparation des préjudices moraux et/ou matériels causés par l’infraction commise. L’accès à la justice peut être facilité par le mécanisme de l’assistance judiciaire, prévu par le décret no 76/521 du 9 novembre 1976, en termes de dispense de l’avance de tout ou partie des frais qu’elles devraient normalement supporter.

Article 14

207.Le CPP, en son article 59, dispose que toute infraction peut donner lieu à une action publique et éventuellement à une action civile. Depuis la ratification par le Cameroun de la Convention de New York et son internalisation en 1997 avec l’introduction dans le Code pénal de l’article 132 bis, la torture est une infraction en droit camerounais pouvant de ce fait donner lieu à une action civile.

208.Par ailleurs, le CPP a étendu le bénéfice de l’indemnisation aux ayants droit de la victime. Au demeurant l’obligation de réparer le préjudice incombe non seulement au responsable de l’acte incriminé mais aussi à son civilement responsable (art. 71 à 75 joints en annexe).

209.Il convient de noter que le projet de texte relatif à l’organisation de la justice militaire reconnaît aux victimes le droit à réparation du préjudice subi (par. 45 et 131 à 132 supra).

Article 15

210.Le problème de l’irrecevabilité des preuves obtenues par la torture trouve une solution dans les dispositions de l’article 315, alinéa 2, du CPP.

Article 16

Article 16, paragraphe 1

211.Les renseignements figurant dans le précédent rapport demeurent pertinents (par.205 à 208).

Article 16, paragraphe 2

212.Pour rendre effectif cet article en droit interne, le législateur camerounais a adopté plusieurs textes notamment la loi du 27 juillet 2005 portant statut des réfugiés au Cameroun et la loi du 29 décembre 2005 relative à la lutte contre le trafic et la traite des enfants (sus‑évoquées) dans leurs dispositions pertinentes.

213.Par ailleurs, l’article 645 d) étend le domaine de l’interdiction d’extrader «lorsque l’État requis a de sérieuses raisons de penser que la personne dont l’extradition est demandée sera soumise, dans l’État requérant, à des tortures et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants».

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