Nations Unies

CEDAW/C/UGA/CO/7

Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes

Distr. générale

5 novembre 2010

Français

Original: anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes

Quarante-septième session

4-22 octobre 2010

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 18 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminationà l’égard des femmes

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discriminationà l’égard des femmes

Ouganda

1.Le Comité a examiné les quatrième à septième rapports périodiques de l’Ouganda présentés en un seul document (CEDAW/C/UGA/4‑7) à ses 954e et 955e séances tenues le 13 octobre 2010 (voir CEDAW/C/SR.954 et 955). La liste des questions suscitées par le rapport périodique a été publiée sous la cote CEDAW/C/UGA/Q/7, et les réponses du Gouvernement ougandais à ces questions sous la cote CEDAW/C/UGA/Q/7/Add.1.

A.Introduction

2.Le Comité remercie l’État partie d’avoir présenté ses quatrième à septième rapports périodiques, réunis en un seul document. Le document soumis est bien structuré, suit en règle générale les directives du Comité sur l’établissement de rapports et tient compte de ses précédentes observations finales; le Comité déplore cependant qu’il ne fasse pas référence à ses recommandations générales, qu’il ne contient pas de données précises ventilées et qu’il n’ait pas été présenté dans les délais. Le Comité remercie également l’État partie de ses réponses écrites à la liste des questions soulevées par le groupe de travail de présession, de son exposé oral et des réponses qu’il a apportées aux questions posées par les membres du Comité.

3.Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau conduite par la Ministre d’État chargée de la condition de la femme et des affaires culturelles et composée de représentants de divers ministères concernés, ainsi que de membres du Parlement et de la Commission ougandaise de réforme des lois, spécialistes des domaines couverts par la Convention. Le Comité se félicite du dialogue franc et constructif qui s’est tenu entre la délégation et les membres du Comité.

4.Le Comité est heureux de noter que le rapport a été élaboré avec la participation d’organismes publics, de représentants du monde universitaire, de partenaires dans le cadre du processus de développement et d’organisations nationales de la société civile, y compris des organisations de femmes.

B.Aspects positifs

5.Le Comité se félicite de l’adoption de la loi de 2006 sur les réfugiés, qui contient des dispositions conformes aux normes internationales, notamment celle en vertu de laquelle les pratiques discriminatoires fondées sur le sexe constituent un motif pour demander l’asile.

6.Le Comité se réjouit des progrès accomplis depuis l’examen du troisième rapport périodique de l’État partie en 2002 (CEDAW/C/UGA/3), notamment des réformes législatives qui ont été effectuées et de l’adoption d’un vaste éventail de mesures législatives. Il tient à mentionner spécifiquement:

a)La loi de 2004 portant modification de la loi foncière;

b)La loi de 2006 sur l’emploi;

c)La loi de 2007 sur la Commission pour l’égalité des chances, qui constitue une base juridique pour contester toute loi, politique, coutume ou tradition discriminatoire à l’égard des femmes, ainsi que la politique nationale pour l’égalité des chances;

d)Les modifications apportées en 2007 au Code pénal en vue d’interdire l’incitation à la débauche des filles et des garçons;

e)La loi no 3 de 2010 sur la violence au foyer, qui érige en infraction la violence dans le contexte familial;

f)La loi no 5 de 2010 portant interdiction des mutilations génitales féminines;

g)La loi de 2010 sur la prévention de la traite des personnes;

h)La loi de 2010 sur la Cour pénale internationale, qui érige en infraction l’exploitation sexuelle des femmes dans le contexte des conflits.

7.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a adopté des politiques, des programmes et des plans d’action visant à promouvoir l’égalité des sexes et à éliminer la discrimination à l’égard des femmes. Il est fait spécifiquement référence au Plan d’action national sur l’égalité des sexes pour la surveillance de la mise en œuvre de la Convention au cours de la période 2007-2010, et à la politique nationale pour l’égalité des sexes (2007).

8.Le Comité relève avec satisfaction qu’au cours de la période écoulée depuis l’examen de son précédent rapport, l’État partie a ratifié, le 25 septembre 2008, la Convention relative aux droits des personnes handicapées, ainsi que le Protocole facultatif s’y rapportant.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

9. Rappelant que l’État partie a l’obligation d’appliquer, de manière systématique et constante, toutes les dispositions de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le Comité estime que les préoccupations exprimées et recommandations formulées dans les présentes observations finales doivent faire l’objet d’une attention prioritaire de la part de l’État partie dès à présent et jusqu’à la soumission du prochain rapport périodique. Il lui demande donc instamment de mettre l’accent sur les domaines correspondants dans ses activités de mise en œuvre et de rendre compte, dans son prochain rapport périodique, des mesures qu’il aura prises et des résultats qu’il aura obtenus. Le Comité demande en outre à l’État partie de soumettre les présentes observations finales à tous les ministères concernés, à l’Assemblée nationale et aux organes judiciaires, de façon à en assurer l’application intégrale.

Assemblée nationale

10. Tout en réaffirmant que c’est au Gouvernement qu’il incombe au premier chef de s’acquitter pleinement des obligations qui incombent à l’État partie en vertu de la Convention , le Comité souligne que la Convention a force obligatoire pour toutes les branches du pouvoir, et invite l’État partie à encourager l’ Assemblée nationale, conformément à ses procédures et , le cas échéant, à prendre les mesures nécessaires pour la mise en œuvre des présentes observations finales et l’établissement de se s prochains rapports au titre de la Convention.

Lois discriminatoires

11.Le Comité prend note de plusieurs décisions importantes de la Cour constitutionnelle, dans lesquelles la Cour a déclaré certains éléments de la législation en vigueur contraires à la Constitution au motif qu’ils étaient discriminatoires envers les femmes, notamment des jugements prononcés dans les affaires Uganda Women Lawyers Association v. Attorney General (2003) et Law and Advocacy for Women in Uganda v.  Attorney General (2006). Tout en saluant les efforts de l’État partie pour mener à terme la réforme législative, en particulier dans le cadre des travaux de la Commission ougandaise de réforme des lois, le Comité se dit de nouveau préoccupé par la faible priorité accordée à la réforme juridique globale visant à éliminer les dispositions discriminatoires à l’égard des femmes et à combler les lacunes législatives existantes afin de rendre le cadre juridique du pays pleinement conforme aux dispositions de la Convention et de parvenir à l’égalité de droit pour les femmes. Le Comité s’inquiète en particulier du retard pris dans l’adoption du projet de loi sur le mariage et le divorce, du projet de loi sur les délits sexuels, et du projet de loi sur la lutte contre le VIH/sida et sa prévention. Il s’inquiète en outre de ce que d’autres textes de lois et pratiques coutumières discriminatoires à l’égard des femmes et incompatibles avec la Convention restent en vigueur.

12. Le Comité demande instamment à l’État partie d’accélérer le processus de révision de sa législation de façon à mettre , sans délai et selon un calendrier bien défini, celle-ci en conformité avec ses principes constitutionnels ayant trait à la non-discrimination et à l’égalité des femmes et des hommes, ainsi qu’avec ses obligations au titre de la Convention. À cette fin, le Comité engage vivement l’État partie à:

a) Adopter rapidement le projet de loi sur le mariage et le divorce, le projet de loi sur les délits sexuels et le projet de loi sur la lutte contre le VIH/sida et sa prévention ;

b) Sensibiliser les législateurs à la nécessité d’accorder une attention prioritaire aux réformes juridiques de façon à assurer l’égalité de droit pour les femmes et le respect des obligations de l’État partie découlant des instruments internationaux;

c) Appuyer toujours davantage la réforme législative grâce aux partenariats et à la concertation avec les chefs religieux et communautaires, les avocats , les magistrats, les syndicats, les organisations de la société civile et les organisations non gouvernementales qui d éfendent les droits des femmes.

Diffusion de la Convention

13.Le Comité demeure préoccupé par la méconnaissance au sein de la société en général et, notamment, dans toutes les branches du pouvoir, y compris le judiciaire, des droits des femmes énoncés dans la Convention, de la notion d’égalité réelle entre les sexes qu’elle consacre et des recommandations générales du Comité. Il craint en outre que les femmes elles-mêmes, surtout celles qui vivent dans des régions rurales ou excentrées, méconnaissent les droits que leur reconnaît la Convention et soient ainsi peu à même de les revendiquer.

14. Le Comité prie instamment l’État partie de prendre toutes les mesures requises pour faire en sorte que la Convention soit suffisamment connue et appliquée par toutes les branches du pouvoir, notamment le judiciaire, comme cadre de référence pour toutes les lois, décisions de justice et politiques en matière d’égalité des sexes et de promotion de la femme. Le Comité recommande que la Convention et la législation nationale qui s’y rapporte soient inscrites aux programmes d’études et de formation juridique destinés aux juges et magistrats, aux avocats , aux procureurs, en particulier ceux qui exercent leurs fonctions auprès des tribunaux des conseils locaux, afin d’établir solidement dans le pays une véritable culture juridique propice à l’égalité des femmes et des hommes et à l’absence de discrimination fondée sur le sexe. Il exhorte l’État partie à mener des actions de sensibilisation auprès des femmes pour qu’elles connaissent leurs droits et les moyens de les faire appliquer , notamment grâce à des programmes de vulgarisation juridique, et à mettre en œuvre tous les moyens utiles, dont les médias, pour que les informations sur la Convention leur parviennent, quelle que soit la région du pays où elles habitent.

Mécanismes nationaux

15.Tout en prenant note des initiatives prises par l’État partie en vue de restructurer et renforcer son dispositif national de promotion de la femme et, en particulier, le Ministère de la condition de la femme, du travail et du développement social, le Comité s’inquiète de la faiblesse persistante des moyens de ce ministère, en termes de ressources humaines mais aussi financières et techniques. Il craint que de telles carences ne l’empêchent de s’acquitter efficacement de ses fonctions consistant à promouvoir les différents programmes en faveur des femmes, à coordonner l’action menée par les institutions qui composent le dispositif national, à différents niveaux, et à veiller à la pleine prise en compte des questions d’égalité des sexes dans tous les domaines de la politique de l’État.

16. Le Comité recommande à l’État partie de renforcer rapidement son dispositif national en faveur des femmes, notamment le Ministère de la condition de la femme, du travail et du développement social, afin de disposer de mécanisme s institutionnel s fort s pour la promotion de l’égalité des sexes. Il l’engage en particulier à doter le dispositif national des pouvoirs et des moyens humains, financiers et techniques voulus pour qu’il puisse coordonner la mise en œuvre de la Convention, notamment dans le contexte du Plan d’action national sur l’égalité des sexes pour la surveillance de la mise en œuvre de la Convention au cours de la période 2007-2010, et à œuvrer véritablement à la promotion de l’égalité des sexes. Il exhorte l’État partie à mieux coordonner les activités menées aux plans national, régional et local en faveur de l’égalité des sexes, notamment par le biais d’ une formation en matière de sensibilisation aux questions d’égalité des sexes et d ’intégration de la problématique hommes-femmes.

Commission pour l’égalité des chances

17.Tout en notant que le paragraphe 6 de l’article 33 de la Constitution «interdit toute loi, coutume ou tradition contraire à la dignité, au bien-être et à l’intérêt des femmes», le Comité demeure préoccupé par le fait que les mécanismes visant à assurer l’application des dispositions constitutionnelles sur la non-discrimination ne sont pas largement connus et ne sont pas accessibles aux femmes. À cet égard, le Comité note avec satisfaction la création récente de la Commission pour l’égalité des chances, la désignation de ses cinq membres et l’attribution du budget initial requis pour son fonctionnement, mais note avec préoccupation les maigres informations fournies sur le mandat et la composition de la Commission, et les renseignements en général insuffisants communiqués par la délégation sur les éventuels progrès dans les efforts en vue de la rendre opérationnelle. Dans cette optique, le Comité constate avec inquiétude qu’il n’existe dans l’État partie aucun dispositif global et efficace pour connaître des plaintes émanant de femmes.

18. Le Comité engage l ’ État partie à renforcer son dispositif d ’examen de plaintes afin que les femmes aient réellement accès à la justice, notamment par l ’ adoption d ’ une procédure de dépôt de plaintes accessible permettant de faire appliquer les garanties constitutionnelles et les dispositions énoncées dans la loi sur l ’ égalité des chances. À cette fin, l ’ État partie est invité à intensifier ses efforts pour rendre rapidement opérationnelle la Commission pour l ’ égalité des chances. L ’ État partie devrait veiller à ce que cette institution dispose des moyens humains, financiers et techniques nécessaires à son bon fonctionnement, à ce que sa composition et ses activités soient respectueuses des différences entre les sexes, et à ce qu ’ elle se saisisse pleinement de la question des droits fondamentaux de la femme. Le Comité demande à l ’ État partie de communiquer dans son prochain rapport des informations et des données sur le nombre de plaintes adressées par des femmes à la Commission pour l ’ égalité des chances, et sur les mesures prises à cet égard.

Stéréotypes et pratiques préjudiciables

19.Tout en prenant acte des quelques mesures prises par l’État partie, le Comité se dit une nouvelle fois préoccupé par la persistance d’attitudes patriarcales et de stéréotypes fortement enracinés concernant les rôles, les responsabilités et l’identité des femmes et des hommes dans toutes les sphères de la vie. Il note avec inquiétude que ces coutumes et pratiques perpétuent la discrimination à l’égard des femmes et des filles et qu’elles se manifestent dans le statut défavorable et inégal de la femme dans bien des domaines, notamment l’éducation, la vie publique, la prise de décisions, le mariage et les relations au sein de la famille, et par la persistance de la violence à l’égard des femmes et de comportements qui lui sont préjudiciables, notamment la polygamie, les mariages précoces et le versement de dots. Il s’inquiète aussi de ce que, jusqu’à présent, l’État partie n’a pris aucune initiative digne de son nom et globale pour modifier ou éliminer les stéréotypes et les valeurs et pratiques traditionnelles préjudiciables. Le Comité juge inquiétante la persistance d’images stéréotypées des femmes dans les médias, qui encourage la discrimination et fait obstacle à l’égalité entre hommes et femmes.

20.Le Comité engage l ’ État partie à mettre en place sans délai une stratégie globale, consistant notamment à revoir sa législation , à élaborer des lois et à fixer des objectifs et de s délais afin de modifier ou d ’ éliminer les pratiques et stéréotypes traditionnels discriminatoires à l ’ égard des femmes, conformément à l ’ alinéa f de l ’ article 2 et l ’ alinéa a de l ’ article 5 de la Convention. Il faudrait aussi prévoir des activités de sensibilisation à la question s ’ adressant tant aux hommes qu ’ aux femmes, à tous les niveaux de la société, y compris aux chefs traditionnels, et les mener en concertation avec la société civile. Le Comité engage l ’ État partie à s ’ attaquer plus énergiquement à des pratiques préjudiciables telles que la polygamie, les mariages précoces et le versement de dots. Il lui demande également de faire appel à des mesures concrètes novatrices pour faire progresser l ’ idée de l ’ égalité entre les femmes et les hommes, et de collaborer avec les médias pour promouvoir une image positive non stéréotypée et non discriminatoire de la femme. Le Comité invite en outre l ’ État partie à entreprendre une évaluation de l ’ impact de ces mesures afin d ’ en déterminer les insuffisances et de les améliorer en conséquence.

Mutilations génitales féminines

21.Tout en saluant la récente adoption de la loi de 2010 sur l’interdiction des mutilations génitales féminines, le Comité se déclare préoccupé par la persistance de cette pratique néfaste dans l’État partie, qui constitue une grave violation des droits fondamentaux des filles et des femmes et un manquement aux obligations de l’État partie au titre de la Convention. Le Comité note aussi avec préoccupation les sérieuses complications médicales − allant parfois jusqu’à la mort − de cette pratique pour les filles et les femmes, ainsi que l’impunité de ceux qui s’y livrent.

22. Comme suite à ses recommandations générales n os 14 (1990) sur l’excision et 19  (1992) sur la violence à l’égard des femmes , le Comité invite l ’ État partie à faire en sorte que la loi de 2010 sur l ’ interdiction des mutilations génitales féminines soit dûment appliquée, et à veiller à ce que les contrevenants soient traduits en justice et punis comme il se doit. Il lui recommande de poursuivre et d ’ intensifier ses activités de sensibilisation et d ’ éducation destinées tant aux hommes qu ’ aux femmes, avec l ’ aide des organisations de la société civile et des autorités religieuses, en vue d ’ éliminer définitivement les mutilations génitales féminines et les croyances culturelles profondément ancrées qui sous-tendent ces pratiques. L ’ État partie devra notamment concevoir et organiser des campagnes d ’ éducation efficaces destinées à lutter contre le poids de la tradition et les pressions exercées par les famille s en faveur de cette pratique, en particulier parmi les personnes analphabètes, en ciblant tout particulièrement les parents. Le Comité demande à l ’ État partie de fournir, dans son prochain rapport, des informations sur l ’ impact des mesures prises.

Violence à l’égard des femmes

23.Tout en saluant l’adoption de la loi de 2010 sur la violence au foyer et les activités menées par le Groupe de référence sur la violence à caractère sexiste, le Comité se déclare préoccupé par la fréquence de la violence faite aux femmes et aux filles, notamment des violences au foyer généralisées, et se dit particulièrement préoccupé par la prévalence anormalement élevée des infractions sexuelles commises sur des femmes et des filles. Il est également préoccupé par l’absence d’une approche globale dans l’action menée pour prévenir et éliminer toutes les formes de violence à l’égard des femmes et par le fait que cette violence semble légitimée par la société et entourée d’une culture du silence et de l’impunité. Il s’inquiète également du fait que les cas de violence sont trop peu souvent signalés et est préoccupé par des informations faisant état de corruption dans les postes de police, où des fonctionnaires de police auraient illégalement perçu des sommes d’argent en contrepartie de services pourtant gratuits. Le Comité regrette le manque d’informations sur l’impact des mesures et programmes en place pour faire reculer la violence à l’égard des femmes et des filles sous toutes ses formes. Il craint aussi que les services d’assistance sociale, y compris les structures d’hébergement, ne soient insuffisants.

24. Le Comité engage l ’ État partie à s ’ occuper en priorité de lutter contre la violence à l ’ égard des femmes et des filles et à adopter des mesures complètes pour remédier à cette violence, conformément à sa recommandation générale n o 19. Il demande à l ’ État partie de sensibiliser la population, par la voie des médias et de programmes éducatifs, au fait que toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes constituent une forme de discrimination au regard de la Convention et, partant, une violation des droits des femmes. Le Comité demande à l ’ État partie d’ adopter sans délai les règlements d ’ application de la loi sur la violence au foyer et d’ élaborer un plan d ’ action plurisectoriel cohérent de lutte contre la violence à l ’ égard des femmes. Il l ’ exhorte aussi à adopter une loi complète qui érige en infraction toutes les formes de violence et sévices sexuels. Le Comité recommande de mettre en place des activités de formation pour les fonctionnaires de la justice et de l ’ administration, en particulier pour le personnel chargé d ’appliquer la loi et l es prestataires de soins de santé, afin de faire en sorte qu’ils soient sensibilisés à toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes et en mesure d ’ aider correctement les victimes, en respectant les différences de genre. Il recommande de mettre en place également des services de conseil et des refuges pour les victimes de violences. Le Comité prie l ’ État partie de fournir dans son prochain rapport périodique des informations détaillées, ventilées par âge et par lieu de vie (milieu rural ou milieu urbain), sur les causes, et l ’ étendue de toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes, ainsi que sur l ’ impact des mesures prises pour prévenir cette violence, enquêter sur les cas signalés, poursuivre et punir les auteurs, et offrir protection, secours et moyens de recours, y compris une indemnisation appropriée, a ux victimes et à leurs proches.

Femmes déplacées à l’intérieur du pays, dans le nord de l’Ouganda

25.Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption du Plan d’action relatif aux résolutions 1325 (2000) et 1820 (2008) du Conseil de sécurité et à la Déclaration de Goma, de la loi de 2010 sur la Cour pénale internationale qui qualifie le viol, le mariage forcé et l’esclavage sexuel de crimes de guerre pouvant faire l’objet de poursuites dans l’ordre juridique ougandais, ainsi que de l’adoption par l’État partie du Plan de retour à la paix de relèvement et de développement pour la période 2007-2010, dont l’objectif est de reconstruire les districts du nord de l’Ouganda touchés par le conflit et de réinstaller au sein de leur communauté les personnes vivant dans les camps de déplacés. Le Comité se félicite aussi que, dans ledit Plan, il soit fait mention de la participation des femmes au rétablissement de la paix, à la réconciliation, à la réadaptation et à la reconstruction. Toutefois, le Comité s’inquiète grandement des informations selon lesquelles des femmes appartenant à des groupes défavorisés − femmes âgées, femmes handicapées, filles − sont laissées dans les camps de déplacés, par crainte pour leur sécurité, et continuent de subir des violences sexuelles et à caractère sexiste et des sévices à l’intérieur des camps. Le Comité réaffirme aussi son inquiétude face au nombre important de femmes et de filles des zones de conflit qui ont été victimes de violences, y compris d’enlèvements et d’esclavage sexuel.

26. Le Comité engage l ’ État partie à continuer d ’ associer pleinement les femmes aux processus de rétablissement de la paix, de réconciliation, de ré adaptation et de reconstruction, y compris dans le cadre du Plan d ’ action du pays dans ce domaine. Il l’ exhorte à prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que les femmes et les filles p uissent retourner dans leur communauté, que les femmes et les filles vivant dans les camps de déplacés , ainsi que celles qui ont réintégré leur communauté so ie nt efficacement protégées contre les violences et sévices sexuels ou à caractère sexiste, que les auteurs de tels actes f assent l ’ objet de poursuites et de sanctions, et que d es secours et une réparation, notamment sous la forme d’une indemnisation appropriée, so ie nt offerts aux victimes de la violence, y compris d ’ enlèvements ou d ’ esclavage sexuel, ainsi qu ’à leurs proches.

Traite et exploitation de la prostitution

27.Tout en se félicitant de la nouvelle loi de 2010 sur la prévention de la traite des personnes, le Comité relève avec préoccupation qu’il n’y a pas de statistiques sur le nombre de femmes et de filles qui ont été victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle ou commerciale du fait que la prostitution est illégale. Il s’inquiète aussi de ce que l’État partie ne se soit pas attelé aux causes profondes de la traite et de la prostitution, notamment la pauvreté, qui fait obstacle à toutes les initiatives de l’État pour s’attaquer comme il convient à ces problèmes. Le Comité s’inquiète en outre du manque de formation sur les activités de lutte contre la traite et de la forte prévalence des cas de VIH/sida et autres maladies sexuellement transmissibles chez les femmes qui se livrent à la prostitution. De plus, le Comité regrette qu’il n’ait pas reçu d’informations sur l’existence de mémorandums d’accord ou accords régionaux et bilatéraux conclus avec d’autres pays en matière de traite ni sur leur application, et déplore que les informations relatives aux poursuites et aux sanctions dont les trafiquants font l’objet sont insuffisantes. Tout en prenant note du projet de plan d’action contre les sacrifices d’enfants et de la création de l’Équipe spéciale contre les sacrifices humains et la traite des personnes, le Comité exprime son inquiétude au sujet du nombre croissant de cas de «sacrifice d’enfant» ou de sévices qui ont été considérés comme une faille majeure dans la protection des enfants.

28. Le Comité engage instamment l ’ État partie à appliquer dans son intégralité l ’ article 6 de la Convention, notamment en donnant effet à la nouvelle législation sur la traite des personnes, en veillant à ce que les responsables soient punis et à ce que les victimes reçoivent la protection et l ’ assistance dont elles ont besoin. Le Comité recommande de nouveau à l ’ État partie d ’ élaborer des programmes d ’ action sur la prostitution et d ’ adopter une législation pour faire en sorte que des poursuites soient engagées contre les responsables de l ’ exploitation des femmes qui se livrent à la prostitution et que de plus lourdes peines leur soient infligées . Le Comité exhorte l ’ État partie à accorder toute son attention à la fourniture de services de santé à ces femmes, de façon à combattre le VIH/sida et d’a utres maladies sexuellement transmissibles. Il lui recommande également de dispenser aux membres de l ’ appareil judiciaire, aux agents de la force publique et de la police des frontières et aux travailleurs sociaux de tout le pays des informations et une formation sur la législation adoptée pour lutter contre la traite. De plus, le Comité engage l ’ État partie à réviser les dispositions pénales relatives à la prostitution et lui recommande de réaliser des études comparées sur la traite et la prostitution et de s ’ attaquer aux causes premières de ces phénomènes, dont la pauvreté, afin que les femmes et les filles ne soient pas exposées à l ’ exploitation sexuelle et la proie des trafiquants, et de prendre des mesures en faveur du rétablissement et de l ’ intégration sociale des victimes. Il lui demande d ’ assurer un suivi systématique et un bilan régulier de la situation de la traite et l’exploitation des femmes dans le cadre de la prostitution, notamment en collectant et en analysant des données sur ces pratiques, et de faire figurer ces données dans son prochain rapport périodique. Le Comité demande également à l ’ État partie de renforcer sa coopération internationale, régionale et bilatérale avec les pays d ’ origine, de transit et de destination en matière d’ échange de renseignements afin de prévenir la traite, et d ’ harmoniser les procédures judiciaires en place pour poursuivre les trafiquants. À cette fin, le Comité recommande à l ’ État partie d e songer à s ’ appuyer sur les Principes et directives concernant les droits de l ’ homme et la traite des êtres humains recommandés en 2002 par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme. Il demande en outre à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour prévenir les «sacrifices d ’ enfant», d’ enquêter sur de tels actes et en poursuivre les auteurs.

Participation à la vie publique et politique

29.Tout en prenant note de la forte hausse du nombre de femmes au Parlement et dans la vie politique en général, par suite notamment de l’adoption de mesures temporaires spéciales conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention, le Comité constate que les progrès n’ont pas été aussi sensibles et que des obstacles demeurent, en particulier aux niveaux les plus élevés, en ce qui concerne la promotion des femmes dans d’autres secteurs de la vie publique et professionnelle ainsi qu’à des postes de responsabilité, que ce soit au Gouvernement, dans les collectivités locales, dans la diplomatie, dans l’ordre judiciaire ou dans la fonction publique.

30. Le Comité recommande que l’État partie s’emploi e systématiquement à promouvoir la pleine et égale participation des femmes au processus décisionnel, en tant qu’exigence démocratique , dans tous les secteurs de la vie publique, politique et professionnelle. Il lui recommande aussi de donner pleinement suite à la Recommandation générale n o 23 (1997) du Comité relative à l’article 7, concernant les femmes dans la vie publique, et l’invite à continuer d’adopter, en tant que de besoin, des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la Recommandation générale n o 25 du Comité, afin d’accélérer la pleine et égale participation des femmes à la vie publique et politique, en particulier aux échelons supérieurs des instances de prise des décisions. Il recommande aussi que des activités de sensibilisation à l’importance, pour la société dans son ensemble, de la participation des femmes au processus décisionnel soient entreprises et que des programmes de formation et de tutorat ciblés soient élaborés à l’intention des femmes candidates et des femmes élues à des charges publiques, de même que des programmes de perfectionnement des compétences en matière d’encadrement et de négociation à l’intention des femmes qui exercent actuellement ou pourront exercer à l’avenir des fonctions de direction . Le Comité recommande également à l’État partie de veiller attentivement à l’efficacité des mesures prises, de suivre les résultats obtenus et d’en rendre compte dans son prochain rapport.

Éducation

31.Le Comité prend note avec satisfaction des mesures prises par l’État partie dans le domaine de l’éducation et, notamment, de la stratégie nationale pour l’éducation des filles, qui est complétée par les mesures sur l’éducation dans la petite enfance et les mesures relatives aux infrastructures et à l’assainissement, et se félicite de la hausse de la proportion de filles dans les écoles primaires, qui est passée de 44,2 % en 1990 à 49,8 % en 2006. Le Comité est toutefois préoccupé par l’absence de renseignements sur les ressources budgétaires allouées à l’application de ces stratégies et mesures. Il est préoccupé en outre par les informations fournies par l’État partie dans ses réponses à la liste des questions, indiquant que près de 4 femmes ougandaises sur 10 sont analphabètes, contre moins de 2 hommes sur 10. Le Comité juge inquiétantes en outre les attitudes traditionnelles qui font obstacle à l’éducation des filles et est particulièrement préoccupé par le taux d’abandon scolaire des filles (53,5 % contre 46,3 % pour les garçons) lié aux mariages précoces, aux grossesses, à la participation aux tâches domestiques, etc. Le Comité est gravement préoccupé par le nombre élevé de filles victimes de sévices et de harcèlement sexuels à l’école ainsi que de violences sexuelles sur le chemin de l’école. Le Comité souligne que l’éducation est un élément clef de la promotion des femmes et que le faible niveau d’instruction des femmes et des filles demeure l’un des principaux obstacles au plein exercice par celles-ci de leurs droits fondamentaux.

32. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de se conformer plus strictement aux dispositions de l ’ article 10 de la Convention et de favoriser la prise de conscience de l ’ importance de l ’ éducation en tant que droit fondamental et en tant que base de l ’ autonomisation des femmes. À cette fin, il l ’ exhorte à :

a) Assurer l ’ égalité d ’ accès des filles et des femmes à tous les niveaux et à tous les domaines de l ’ éducation, prendre des mesures pour combattre les attitudes traditionnel le s qui, dans certains domaines, peuvent faire obstacle à l ’ éducation des filles et des femmes, remédier au problème de l ’ abandon scolaire des filles et adopter des mesures pour qu ’ e lles poursuivent leur scolarité;

b) F aire en sorte que les transports scolaires soient sûrs et garantir un environnement éducatif sans discrimination et sans violence, renforcer les activités d ’ information et de formation à l ’ intention des autorités scolaires et des élèves, sensibiliser les enfants par le biais des médias et créer des mécanismes de signalement et de responsabilisation pour faire en sorte que les auteurs de sévices sexuels à l ’ égard des écolières soient poursuivis;

c) F aire en sorte que les montants nécessaires à la mise en œuvre des projets et programmes soient inscrits au budget.

Emploi

33.Le Comité se félicite de l’adoption par l’État partie de la loi sur l’emploi de 2006 qui favorise l’égalité des chances dans la mesure où elle vise à éliminer la discrimination dans le domaine de l’emploi et énonce le principe de l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale. Il est préoccupé toutefois par la persistance de la discrimination dont les femmes sont victimes sur le marché du travail et, en particulier, par le taux élevé du chômage des femmes, les disparités salariales importantes entre les hommes et les femmes et la ségrégation des emplois. Il est préoccupé en outre par la concentration des femmes dans le secteur non structuré, où elles ne bénéficient pas de la sécurité sociale ni d’autres prestations. Le Comité prend acte de l’allongement du congé de maternité, qui passe de quarante-cinq à soixante jours, mais note avec préoccupation que ce droit n’est pas uniformément appliqué partout, en particulier dans le secteur privé. Le Comité prend acte du fait que la loi sur l’emploi contient une disposition spécifique sur le harcèlement sexuel mais constate avec inquiétude que l’étroite définition donnée ne concerne que le harcèlement sexuel pratiqué par un employeur ou son représentant et, en outre, que seuls les employeurs ayant plus de 25 employés sous leurs ordres sont invités à prendre des mesures positives pour prévenir le harcèlement sexuel.

34. Le Comité invite l ’ État partie à assurer aux femmes les mêmes droits qu ’ aux hommes sur le marché du travail, conformément à l ’ article 11 de la Convention. À cette fin, il le prie instamment d ’ adopter des mesures efficaces sur le marché du travail officiel en vue d ’ éliminer la ségrégation, tant horizontale que verticale, dans le domaine de l ’ emploi, de réduire, voire d ’ éliminer, les écarts de salaire entre les femmes et les hommes et d ’ appliquer le principe de l ’ égalité de rémunération et de l ’ égalité des chances au travail. Il lui demande en outre de mettre en place un cadre réglementaire pour le secteur non structuré, de manière que les femmes travaillant dans ce secteur bénéficient de la sécurité sociale et d’ autres prestations. Le Comité invite également l ’ État partie à appliquer les lois voulues en vue de faire en sorte que, conformément aux normes internationales, toutes les mères aient droit à un congé payé, et à prévoir des sanctions et des recours effectifs en cas de violation de la législation sur le congé de maternité. Il l ’ encourage également à élargir la définition du harcèlement sexuel et à adopter des mesures concrètes pour remédier à ce problème, notamment sur le lieu de travail.

Santé

35.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a pris une série de mesures pour améliorer la santé des femmes depuis l’examen du dernier rapport périodique, qui ont notamment consisté à donner un rang de priorité élevé à la santé maternelle dans le Plan stratégique pour le secteur de la santé et portant sur l’élaboration d’une feuille de route pour la réduction de la mortalité et de la morbidité liées à la maternité et néonatales, et que le nombre d’enfants qui décèdent avant leur premier anniversaire est tombé de 88 à 75 pour 1 000 naissances vivantes au cours de la même période. Cependant, il constate avec préoccupation qu’en dépit d’un léger déclin, le taux de mortalité liée à la maternité demeure très élevé (505 pour 100 000 en 2001 contre 435 pour 100 000 en 2006) en raison principalement des avortements clandestins. Le Comité juge également préoccupants le nombre très élevé de grossesses d’adolescentes, l’accès limité des femmes à des services de santé génésique et sexuelle de qualité, en particulier dans les zones rurales, et l’insuffisance des programmes d’éducation sexuelle qui ne mettent pas suffisamment l’accent sur la prévention des grossesses précoces et la lutte contre les infections sexuellement transmissibles. Il note également avec inquiétude que, pour plus de 80 % des femmes atteintes d’un cancer du col de l’utérus, le diagnostic n’est établi qu’à un stade avancé de la maladie, ce qui en fait la cause principale des décès dus au cancer dans le pays. En outre, le Comité est préoccupé par les informations insuffisantes sur la santé mentale des femmes.

36. Le Comité demande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour améliorer l ’ accès des femmes aux soins de santé et services connexes, conformément à la Recommandation générale n o 24 du Comité sur l’article 12 de la Convention . Il invite instamment l ’ État partie à redoubler d ’ efforts pour réduire la mortalité liée à la maternité et infantile, améliorer l ’ information sur les structures sanitaires et les services médicaux dispensés par un personnel qualifié , en particulier dans les régions rurales, et améliorer l ’ accès des femmes à ces structures et services . Le Comité exhorte également l ’ État partie à renforcer et à élargir les efforts pour faire mieux connaî tre et rendre plus accessibles d es méthodes contraceptives abordables dans l ’ ensemble du pays et à faire en sorte que les femmes des régions rurales ne rencontrent pas d ’ obstacles dans l ’ accès à une information et à des services dans le domaine de la planification familiale. Il recommande également que l ’ éducation sur la santé sexuelle et procréative et sur les droits dans ce domaine fasse l ’ objet d ’ activités de promotion et d ’ actions spécifiques de grande ampleur auprès des adolescents des deux sexes , une attention particulière devant être accordée à la prévention des grossesses précoces et à la lutte contre les infections sexuellement transmissibles, y compris le VIH/sida. Le Comité demande également à l ’ État partie de fournir , dans son prochain rapport périodique , des informations à jour sur les mesures prises pour lutter contre le cancer du col de l ’ utérus , ainsi que sur la situation des femmes du point de vue de la santé mentale et sur l ’ accès de celles-ci à des services de santé mentale .

VIH/sida

37.Tout en prenant acte des renseignements fournis quant aux diverses initiatives prises par l’État partie pour prévenir et combattre le VIH/sida, notamment le Plan stratégique national 2007/08-2011/12, le Comité note avec une vive préoccupation que le pays reste en proie à une grave épidémie et que les femmes et les filles sont touchées de manière disproportionnée par le VIH, la proportion des femmes infectées par le virus (8 %) étant supérieure à celle des hommes (5 %). À cet égard, le Comité est préoccupé par le fait que les femmes et les filles peuvent se trouver particulièrement exposées à l’infection en raison des normes sexospécifiques en vigueur et que la persistance de rapports de force inégaux entre les deux sexes et le statut inférieur des femmes et des filles peuvent entraver leur aptitude à négocier des pratiques sexuelles sûres et accroître leur vulnérabilité à l’infection. Le Comité constate en outre avec inquiétude que le projet de politique nationale sur le VIH/sida et le projet de loi sur la prévention du VIH/sida et la lutte contre cette maladie n’ont pas encore été adoptés.

38. Le Comité demande à l ’ État partie de faire en sorte que le projet de politique nationale sur le VIH/sida et le projet de loi sur la prévention du VIH/sida et la lutte contre cette maladie soient rapidement adoptés. Il lui recommande en outre de s ’ employer systématiquement à limiter les effets du VIH/sida sur les femmes et les filles , ainsi que ses conséquences sur la société et la famille. Il l’ invite instamment à mettre davantage l ’ accent sur l ’ autonomisation des femmes, à intégrer clairement et visiblement, une perspective sexospécifique dans ses politiques et programmes sur le VIH/sida et en renforçant le rôle des hommes dans toutes les mesures à prendre dans ce domaine. L ’ État partie est encouragé à mener des campagnes de sensibilisation dans l ’ ensemble du pays et auprès des fonctionnaires en matière de prévention, de protection et de respect de la confidentialité de façon à systématiser et intégrer les approches pour de multiples secteurs de l’administration publique . Le Comité recommande aussi à l ’ État partie de donner des renseignements dans son prochain rapport sur les mesures prises à cet égard ainsi que sur les obstacles rencontrés et les résultats obtenus.

Autonomisation économique des femmes

39.Le Comité note avec préoccupation que malgré le Plan national de développement de l’État partie (2010/11-2014/15) et bien que le taux de pauvreté soit tombé de 56 à 31 % en 2006, notamment grâce au précédent Plan d’action pour l’élimination de la pauvreté, 31 % de la population ougandaise − en majorité des femmes − vivent toujours en dessous du seuil de pauvreté. Il constate en outre avec inquiétude que les ménages dirigés par des femmes sont surreprésentés parmi les ménages chroniquement pauvres et ceux qui sont en train de le devenir. Il est préoccupé en outre par le fait que, d’après les études qui ont été faites, les femmes se heurtent à d’énormes difficultés, consistant notamment en un accès limité à des facteurs de production clef tels que la terre, le capital et les mécanismes de microfinancement, et rencontrent divers obstacles, d’ordre juridique ou administratif, qui entravent leur esprit d’entreprise. Le Comité prend note en outre avec préoccupation de la forte marginalisation des femmes batwa.

40. Le Comité invite instamment l ’ État partie à continuer d’intensifier l’exécution de programmes de développement et de lutte contre la pauvreté tenant compte des sexospécificités dans les zones rurales et urbaines et à accorder une attention particulière aux femmes batwa dans l ’ élaboration de ces programmes. En outre, il lui recommande à nouveau de continuer de mettre en place des politiques et des services d ’ appui ciblés en faveur des femmes en vue de combattre la pauvreté.

Femmes rurales

41.Le Comité se dit à nouveau préoccupé par la situation plus précaire des femmes des régions rurales et reculées (qui constituent la majorité des femmes en Ouganda), qui se caractérise par la pauvreté, l’analphabétisme, les difficultés d’accès aux services de santé et sociaux et l’absence de participation au processus de prise des décisions au niveau local. Le Comité juge à nouveau préoccupant le fait que les coutumes et les pratiques traditionnelles qui prévalent dans les zones rurales empêchent les femmes d’hériter ou de devenir propriétaire de terres ou d’autres biens.

42. Le Comité demande à l ’ État partie de prendre les mesures voulues pour accroître et renforcer la participation des femmes à la conception et à la mise en œuvre des plans de développement local et d ’ accorder une attention particulière aux besoins des femmes rurales, en particulier des femmes chefs de famille, en faisant en sorte qu ’ elles participent aux processus décisionnels et qu ’ elles aient un meilleur accès aux services de santé, d ’ éducation, de distribution d ’ eau salubre et d ’ assainissement, aux terres fertiles et à des projets générateurs de revenus. Par ailleurs, le Comité invite instamment l ’ État partie à éliminer toutes les formes de discrimination en ce qui concerne la propriété ou la copropriété des terres et l ’ héritage foncier. Il l’exhorte en outre à prendre des mesures pour combattre, en particulier dans les régions rurales, les coutumes et pratiques traditionnelles nocives qui portent atteinte au plein exercice, par les femmes, du droit à la propriété.

Orientation sexuelle et identité liée au genre

43.Le Comité note avec une vive inquiétude que les comportements homosexuels constituent une infraction pénale en Ouganda. Il est également gravement préoccupé par les informations selon lesquelles les femmes seraient victimes de harcèlement, de violence, de crimes de haine et d’actes d’incitation à la haine en raison de leur orientation sexuelle ou de leur genre. Le Comité est préoccupé en outre par la discrimination dont elles font l’objet dans le domaine de l’emploi, des soins de santé, et de l’éducation, entre autres. Il prend note avec inquiétude du projet de loi contre l’homosexualité, dont le contenu accroîtrait la discrimination dont les femmes sont victimes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur genre.

44. Le Comité demande à l ’ État partie de dépénaliser le comportement homosexuel et de faire en sorte que les femmes bénéficient d ’ une protection efficace contre la violence et la discrimination dont elles sont victimes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur genre , notamment en adoptant une législation complète contre la discrimination, interdisant , entre autres, la discrimination multiforme à l ’ égard des femmes, fondée sur quelque motif que ce soit, y compris l’orientation sexuelle et le genre . À cette fin, le Comité invite instamment l ’ État partie à s ’ opposer à la proposition de loi contre l ’ homosexualité faite par des particuliers . Il invite également instamment l ’ État partie à redoubler d ’ efforts pour lutter contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et le genre dont les femmes font l ’ objet, en lançant notamment une campagne de sensibilisation auprès du grand public et en offr ant une formation appropriée au personnel chargé de l’application de la loi et à d’autres parties prenantes .

Femmes âgées et femmes handicapées

45.Tout en notant les efforts consentis, notamment l’adoption d’une politique nationale sur le vieillissement, le Comité juge préoccupante la vulnérabilité des femmes âgées et des femmes handicapées. En particulier, il est profondément préoccupé par la situation sociale de ces femmes, notamment leur pauvreté. Le Comité relève aussi avec une vive préoccupation que les femmes handicapées, en particulier celles qui vivent dans le nord de l’Ouganda, sont en butte à la stigmatisation, à l’isolement et à la violence sexiste et rencontrent des obstacles dans l’accès à la justice. Le Comité est également préoccupé par le fait qu’en matière de santé sexuelle et génésique, les droits des femmes handicapées ne sont ni promus ni protégés. Il s’inquiète aussi du fait que les femmes âgées et les femmes handicapées sont souvent sujettes à de multiples formes de discrimination, notamment dans l’accès à l’éducation, à l’emploi, aux soins de santé, aux services sociaux, à la protection contre la violence et à la justice.

46. Le Comité invite l ’ État partie à accorder une attention particulière à la situation précaire des femmes âgées et des femmes handicapées et à prendre toutes les mesures nécessaires pour combattre la stigmatisation et la discrimination dont elles sont victimes à la fois dans la société et dans les programmes publics. Il l ’ exhorte à adopter des programmes spéciaux pour combattre la pauvreté au sein de ces deux groupes de femmes, notamment par la mise en place d ’ une caisse de pension universelle non contributive dans le cadre d ’ une vaste stratégie pour étendre la couverture sociale à différentes catégories, comme le prévoit le Plan national de développement. Il l ’ exhorte également à prévenir les actes de violence sexiste à l ’ égard des femmes, en particulier des femmes handicapées, à enquêter sur ces actes et à en poursuivre les auteurs. Des mesures concrètes devraient également être prises pour assurer aux femmes âgées et aux femmes handicapées un accès égal et non discriminatoire à l’éducation et à l’emploi, selon qu’il convient, ainsi qu’ aux services de santé, y compris en ce qui concerne la santé génésique, la réadaptation et les traitements relatifs au sida , aux services sociaux , à la protection contre la violence et à la justice . Le Comité souhaite que d ’ autres informations, notamment des données ventilées et des renseignements sur les programmes exécutés et les résultats obtenus, soient fournies dans le prochain rapport périodique en ce qui concerne la situation des femmes âgées et des femmes handicapées.

Mariage et relations familiales

47.Le Comité est préoccupé par l’existence de multiples régimes matrimoniaux dans l’État partie. Tout en relevant que la Cour constitutionnelle a déclaré certains aspects de l’actuelle législation relative au divorce inconstitutionnels au motif qu’ils sont discriminatoires à l’égard des femmes et en prenant acte d’un projet de loi sur le mariage et le divorce et d’un autre sur le statut personnel des musulmans, il note avec préoccupation que ces projets de loi n’ont pas encore été adoptés et qu’il y a des vides juridiques en matière de mariage, de droit de propriété, de succession, de divorce et d’affaires familiales en général. Le Comité s’inquiète également du nombre élevé de mariages précoces parmi les filles et de la persistance de la polygamie dans le pays. Il juge également préoccupant le fait que sous sa forme actuelle, le nouveau projet de loi sur le mariage et le divorce n’érige pas la polygamie en infraction et qu’il autorise encore le paiement d’une dot présentée comme un cadeau de mariage.

48. Le Comité invite instamment l ’ État partie à mettre son droit civil, religieux et coutumier en conformité avec l ’ article 16 de la Convention et à compléter sa réforme législative dans le domaine du mariage et des relations familiales en vue d ’ harmoniser son cadre législatif avec les articles 15 et 16 de la Convention selon un calendrier précis. À cet effet, il demande à l ’ État partie de revoir et de modifier, selon que de besoin, l ’ actuelle version du projet de loi sur le mariage et le divorce et le projet de loi sur le statut personnel des musulmans pour faire en sorte qu ’ ils ne soient plus discriminatoires à l ’ égard des femmes. Il invite en outre l ’ État partie à prendre des mesures pour éliminer la polygamie conformément à la Recommandation générale n o  21 (1994) du Comité sur l ’ égalité dans le mariage et les relations familiales, et à prendre toutes les mesures voulues pour combattre la pratique des mariages précoces.

Protocole facultatif

49. Tout en saluant la ratification par l ’ État partie du Protocole à la Charte africaine des droits de l ’ homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique et en notant la déclaration de la délégation selon laquelle la ratification du Protocole facultatif à la Convention est actuellement à l ’ examen, le Comité demande à l ’ État partie d ’ accélérer ses efforts pour ratifier ce protocole.

Article 20, paragraphe 1

50. Le Comité encourage l ’ État partie à approuver, dans les meilleurs délais, l ’ amendement au paragraphe 1 de l ’ article 20 de la Convention concernant le nombre de jours de réunion du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

51. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de se conformer pleinement, dans le cadre de l ’ exécution de ses engagements au titre de la Convention, à la Déclaration et au Programme d ’ action de Beijing qui renforcent les dispositions de la Convention, et le prie de fournir des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Objectifs du Millénaire pour le développement

52. Le Comité souligne que la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement passe par une application pleine et effective de la Convention. Il préconise une prise en compte de la problématique hommes-femmes et des dispositions de la Convention dans tous les efforts menés en vue d ’ atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement et prie l ’ État partie de fournir des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Diffusion

53.Le Comité demande que les présentes observations finales soient largement diffusées en Ouganda pour que la population, les agents de l ’ État, les hommes politiques, les parlementaires, les organisations féminines et de défense des droits de l ’ homme prennent conscience des mesures prises pour assurer l ’ égalité de jure et de facto entre les sexes et de ce qui reste à faire dans ce domaine. Le Comité recommande que cette diffusion se fasse aussi au niveau des collectivités locales. L ’ État partie est encouragé à organiser une série de réunions pour faire le point sur les progrès accomplis dans l ’ application des présentes observations. Le Comité prie l ’ État partie de continuer de diffuser largement, notamment auprès des organisations féminines et de défense des droits de l ’ homme, les recommandations générales du Comité, la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing et le document final de la vingt-troisième session extraordinaire de l ’ Assemblée générale sur le thème: «Femmes en l ’ an 2000: égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXI e siècle».

Ratification d’autres instruments internationaux

54. Le Comité note que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme est de nature à renforcer l ’ exercice des droits de l ’ homme et des libertés fondamentales par les femmes dans tous les domaines de la vie. Il encourage donc le Gouvernement ougandais à songer à ratifier l ’ instrument international auquel il n ’ est pas encore partie, à savoir la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Suivi des observations finales

55. Le Comité prie l ’ État partie de fournir par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu ’ il aura prises pour donner suite aux recommandations figurant aux paragraphes 12 et 32 b) ci-dessus.

Assistance technique

56. Le Comité recommande à l’État partie de recourir à l’assistance technique pour l’élaboration et l’exécution de programmes complets visant à donner suite aux recommandations ci-dessus et à appliquer la Convention dans son ensemble. Il l’invite à renforcer encore plus sa coopération avec les institutions spécialisées et les programmes des Nations Unies, notamment le Programme des Nations Unies pour le développement, le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, le Fonds des Nations Unies pour la population, l’Organisation mondiale de la santé, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et la Division de statistique et la Division pour la promotion de la femme du Département des affaires économiques et sociales du Secrétariat.

Élaboration du prochain rapport

57. Le Comité prie l ’ État partie d ’ associer tous les ministères et les organismes publics à l ’ élaboration de son prochain rapport et, simultanément, de consulter un vaste éventail d ’ organisations féminines et des droits de l ’ homme.

58. Le Comité demande à l ’ État partie de répondre , dans le prochain rapport périodique qu ’ il présentera au titre de l ’ article 18 de la Convention , aux préoccupations exprimées dans les présentes observations finales . Il l ’ invite à soumettre son huitième rapport périodique en octobre 2014.

59. Le Comité invite l ’ État partie à suivre les directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, englobant les directives pour l ’ établissement du document de base commun et des rapports pour chaque instrument, approuvées à la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d ’ instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme en juin 2006 (HRI/MC/2006/3 et Corr.1). Les directives pour l ’ établissement des rapports propres à un instrument international, adoptées par le Comité à sa quarantième session en janvier 2008 (A/63/38, première partie, annexe I) , doivent être appliquées de concert avec les directives harmonisées pour l ’ établissement du document de base commun. Ensemble, elles constituent les directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre de la Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes. Le document spécifique à la Convention ne devrait pas dépasser 40 pages et le document de base commun actualisé devrait comporter 80 pages au maximum.