Observations finales concernant le sixième rapport périodique de l’Ouzbékistan *

Le Comité a examiné le sixième rapport périodique de l’Ouzbékistan (CEDAW/C/UZB/6) à ses 1862e et 1864e séances (CEDAW/C/SR.1862 et CEDAW/C/SR.1864), les 15 et 16 février 2022. La liste de points et de questions soulevés par le groupe de travail de présession figure dans le document CEDAW/C/UZB/Q/6, et les réponses de l’Ouzbékistan dans le document CEDAW/C/UZB/RQ/6.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le sixième rapport périodique de l’État partie. Il remercie ce dernier de son rapport de suivi sur les précédentes observations finales du Comité (CEDAW/C/UZB/CO/5/Add.1) et des réponses écrites apportées à la liste de points et de questions soulevés par le groupe de travail de présession. Il accueille avec satisfaction l’exposé oral de la délégation et les précisions complémentaires fournies en réponse aux questions qu’il a posées oralement dans le cadre du dialogue.

Le Comité félicite la délégation multisectorielle de l’État partie, qui était dirigée par le Directeur du Centre national des droits de l’homme, M. Akmal Saidov, et comprenait également des représentants de l’Oliy Majlis (Parlement), du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de l’enseignement supérieur et secondaire spécialisé, du Ministère du soutien aux mahallas et à la famille, du Ministère de l’emploi et des relations au travail, du Ministère de l’intérieur, du Ministère de la santé, de la Cour suprême, du Bureau du Procureur général, ainsi que des représentants de la Mission permanente de l’Ouzbékistan auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité se félicite des progrès enregistrés depuis l’examen, en 2015, du précédent rapport périodique de l’État partie (CEDAW/C/UZB/5) en matière de réformes législatives, et notamment de l’adoption des textes ci-après :

a)la loi sur les garanties en matière d’égalité des droits et des chances des femmes et des hommes, adoptée en 2019 ;

b)la loi sur la protection des femmes contre le harcèlement et la violence, adoptée en 2019 ;

c)la loi sur la protection de la santé reproductive, qui établit l’égalité des droits conférés aux femmes et aux hommes et des possibilités qui leur sont offertes en la matière, adoptée en 2019 ;

d)la loi sur la lutte contre la traite des personnes, adoptée en 2020 ;

e)la modification de l’article 15 du code de la famille, portant l’âge minimum du mariage à 18 ans pour les femmes et les hommes, adoptée en 2019 ;

f)l’établissement, dans le code électoral, d’un quota minimum de 30 % de femmes candidates aux élections nationales, en 2019.

Le Comité salue les efforts faits par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et stratégique en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des genres, notamment l’adoption des textes suivants :

a)la stratégie en faveur de la réalisation de l’égalité des genres pour la période 2020-2030, adoptée en 2021 ;

b)la stratégie nationale relative aux droits humains, adoptée en 2020 ;

c)la mise en place des carnets intitulés « Iron notebook », « Women’s notebook » et « Youth notebook », afin de recenser et de soutenir les familles défavorisées et les personnes dans le besoin, notamment les femmes et les filles, en particulier pendant la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19), en 2020 ;

d)le plan d’action pour la mise en œuvre des observations finales du Comité sur le cinquième rapport périodique de l’Ouzbékistan, en 2017.

Le Comité se félicite qu’en 2021, soit durant la période écoulée depuis l’examen du rapport précédent, l’État partie ait ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

C.Objectifs de développement durable

Le Comité se félicite du soutien apporté par la communauté internationale aux objectifs de développement durable et préconise le respect de l’égalité des genres en droit (de jure) et dans les faits (de facto), conformément aux dispositions de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, dans tous les aspects de la mise en œuvre du Programme 2030. Il souligne l’importance de l’objectif 5 et de la prise en compte systématique des principes d’égalité et de non-discrimination dans la réalisation des 17 objectifs. Il encourage vivement l’État partie à reconnaître le rôle moteur des femmes dans le développement durable du pays et à adopter des politiques et des stratégies en conséquence.

D.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s’agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir A/65/38 , deuxième partie, annexe VI). Il invite le Parlement, dans le cadre de son mandat, à prendre les mesures nécessaires en vue de mettre en œuvre les présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique, en application de la Convention.

E.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Cadre législatif

Le Comité se félicite des progrès accomplis par l’État partie dans la mise en place d’un cadre législatif national progressiste visant à protéger les droits des femmes et à promouvoir l’égalité des genres, depuis l’examen de son cinquième rapport périodique en 2015. Étant donné qu’un grand nombre de textes législatifs importants ont été adoptés récemment, le Comité estime qu’il est difficile d’analyser l’évolution dans le temps des progrès et des tendances en ce qui concerne la situation des femmes et l’exercice par celles-ci de leurs droits humains dans tous les domaines visés par la Convention. Il note que la définition de la discrimination figurant dans la loi sur les garanties en matière d’égalité des droits et des chances des femmes et des hommes (2019) englobe la discrimination directe et indirecte fondée sur le genre. Il constate toutefois avec préoccupation que la définition ne comprend pas les formes de discrimination croisée. Il note également avec préoccupation que la Convention n’a pas été directement appliquée ou invoquée dans les procédures judiciaires, en dépit de l’existence de dispositions garantissant la primauté des traités internationaux sur les lois nationales et des services de renforcement des capacités fournis aux juges et aux avocats dans ce domaine. Il est en outre préoccupé par le fait que l’État partie a émis une réserve concernant l’article 12 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, récemment ratifiée, maintenant la pratique de la prise de décisions substitutive, ce qui est contraire à l’objet et au but de la Convention tels qu’ils sont consacrés à l’article premier et empêche l’État partie de rendre pleinement effectifs et de prendre en compte tous les droits humains des femmes et des filles handicapées, conformément à l’approche du handicap fondée sur les droits de l’homme.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer la mise en œuvre du cadre législatif national pour protéger les droits des femmes et promouvoir l’égalité des genres ;

b) D ’adopter une législation complète de lutte contre la discrimination, qui comprenne une définition de la discrimination à l’égard des femmes englobant la discrimination directe et indirecte dans les sphères publique et privée, ainsi que les formes de discrimination croisée, conformément à l’article premier de la Convention ;

c) De renforcer les moyens dont disposent les membres de l’appareil judiciaire et les professionnels du droit pour appliquer et utiliser directement la Convention dans les procédures judiciaires et interpréter la législation nationale à la lumière de la Convention ;

d) De retirer sa réserve concernant l’article 12 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Accès à la justice

Le Comité note que l’examen de la législation entrepris en 2018 a permis de renforcer le système judiciaire et d’accroître la transparence des procédures judiciaires, et qu’un système de justice en ligne a été mis en place, dans le cadre duquel il est possible d’engager des poursuites par voie électronique, de payer en ligne et de participer aux procédures par vidéoconférence, ce qui facilite l’accès à la justice dans les zones rurales. Il prend toutefois note avec inquiétude des obstacles qui continuent d’entraver l’accès des femmes et des filles à la justice, notamment la connaissance limitée que celles-ci ont de leurs droits et des recours disponibles pour les faire valoir, les moyens limités dont disposent les membres du système judiciaire et les forces de l’ordre pour appliquer la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, ainsi que les préjugés liés au genre dans le système judiciaire, la persistance des stéréotypes de genre et le recours à des procédures de réconciliation devant les mahallas dans les affaires de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre.

Rappelant sa recommandation générale n o 33 (2015) sur l’accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l’État partie de s’attaquer aux obstacles qui entravent l’accès des femmes et des filles à la justice, notamment par les moyens suivants :

a) Organiser des formations judiciaires et des campagnes de sensibilisation afin d’éliminer les préjugés liés au genre dans le système judiciaire et les stéréotypes de genre persistants, et faire en sorte que les procédures judiciaires l’emportent sur les procédures de réconciliation devant les mahallas dans les affaires de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre ;

b) S’employer plus activement à faire connaître aux femmes et aux filles, y compris dans les zones rurales, les recours juridiques dont elles disposent pour dénoncer les violations de leurs droits ;

c) Sensibiliser les responsables religieux et locaux à la nécessité de cesser de stigmatiser les femmes qui font valoir leurs droits et organiser des formations sur les droits des femmes et l’égalité des genres à l’intention des membres de l’appareil judiciaire et de la police et des responsables de l’application des lois, afin de lutter contre les attitudes patriarcales, les stéréotypes discriminatoires liés au genre et les préjugés dans le système judiciaire visant les femmes qui revendiquent leurs droits .

Mécanisme national de promotion de la condition des femmes

Le Comité se félicite de la création de la Commission pour l’égalité des sexes, en 2019, du Comité du Sénat pour les questions concernant les femmes et l’égalité des sexes et du Ministère du soutien aux mahallas et à la famille, tous deux en 2020. Il note également l’adoption de la stratégie nationale pour l’égalité des sexes pour la période 2020-2030, en 2021. Le Comité est néanmoins préoccupé par ce qui suit :

a)La fusion du Comité des femmes, des organes chargés des mahallas et des centres familiaux au sein d’un nouveau Ministère du soutien aux mahallas et à la famille risque de détourner l’attention vers les rôles stéréotypés traditionnels des femmes au sein de la famille, au détriment de la question de l’égalité des sexes, et le mécanisme national est fragmenté, ce qui l’empêche de garantir la mise en œuvre effective des politiques d’égalité des sexes et l’intégration des questions de genre dans toutes les administrations ;

b)La coopération entre le mécanisme national et la société civile est limitée, en particulier dans les zones rurales, malgré l’augmentation du financement des organisations de la société civile, notamment des organisations de défense des droits des femmes.

Le Comité rappelle que le fait de reléguer les femmes aux rôles traditionnels de mères plutôt que de mettre en avant leur rôle en tant qu’actrices du développement et en tant que titulaires de droits est incompatible avec la promotion de la condition des femmes. Il recommande à l’État partie :

a) De définir clairement les mandats et les responsabilités des différentes composantes du mécanisme national de promotion de la condition des femmes et de doter le mécanisme de ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour lui permettre de fonctionner ;

b) D’accroître la coopération entre le mécanisme national et les organisations de la société civile, en particulier celles qui s’occupent des droits des femmes, afin que ces organisations participent vraiment à la prise de décisions dans tous les domaines couverts par la Convention.

Institution nationale des droits de l’homme

Le Comité prend note des modifications apportées à la loi sur l’Ombudsman, en 2017 et 2019, afin que le Bureau de l’Ombudsman soit chargé de recevoir les plaintes émanant de personnes privées de liberté et puisse faire office de mécanisme national de prévention au titre du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il constate que le Bureau de l’Ombudsman a été doté du statut d’accréditation « B » par l’Alliance globale des institutions nationales des droits de l’homme en 2020. Il note avec préoccupation que le Bureau de l’Ombudsman n’est pas expressément chargé de protéger et de promouvoir les droits des femmes.

Le Comité recommande à l’État partie de renforcer le Bureau de l’Ombudsman en le dotant de ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour lui permettre de s’acquitter de son mandat de manière efficace, indépendante et conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris), et de confier au Bureau le mandat de promouvoir et de protéger les droits des femmes et de traiter les plaintes émanant de femmes et de filles de manière confidentielle et en tenant compte de la question du genre.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption, en 2019, de la loi sur les garanties en matière d’égalité des droits et des chances des femmes et des hommes, qui prévoit des mesures spéciales temporaires. Il relève que l’État partie a réalisé une étude sur le recours à des mesures temporaires spéciales pour faire progresser l’égalité réelle entre les femmes et les hommes dans l’État partie. Toutefois, le Comité reste préoccupé par le recours limité aux mesures temporaires spéciales dans la plupart des domaines couverts par la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes où les femmes sont sous-représentées ou désavantagées, et par les effets limités des mesures temporaires spéciales existantes.

À la lumière de l’article 4 (par. 1) de la Convention et de sa recommandation générale n o 25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales, le Comité rappelle ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/UZB/CO/5 , par. 14) et recommande à l’État partie :

a) De faire mieux comprendre l’objet des mesures temporaires spéciales aux fonctionnaires concernés, aux parlementaires, aux décideurs, aux employeurs et au grand public ;

b) D’adopter des mesures temporaires spéciales, en tant que stratégie nécessaire pour accélérer l’instauration de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines couverts par la Convention où les femmes sont sous ‑représentées ou désavantagées, dans le secteur public et le secteur privé, en particulier au niveau de la prise de décisions, et en accordant une attention particulière aux femmes qui appartiennent à des groupes ethniques minoritaires, aux femmes handicapées et aux femmes âgées, et de fixer des objectifs assortis de délais ;

c) De mettre en place un mécanisme pour suivre la mise en œuvre des mesures temporaires spéciales et évaluer leurs effets sur la réalisation de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, et d’adopter des sanctions adéquates en cas de non ‑respect ;

d) D’adopter des mesures spéciales temporaires, notamment des mesures visant à améliorer la collecte de données et à établir des mécanismes de suivi pour réduire la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre ;

e) D’adopter des mesures spéciales temporaires et de fixer des objectifs assortis de délais pour aider les femmes particulièrement défavorisées, notamment les femmes rurales, les femmes âgées, les femmes handicapées et les femmes en détention, à accéder à un emploi intéressant, à un logement sûr, à des soins de santé appropriés et à une éducation de qualité.

Stéréotypes

Le Comité constate que l’État partie encourage le partage des responsabilités en matière de garde d’enfants entre les femmes et les hommes, notamment par l’inscription du congé de paternité dans le nouveau Code du travail, qui est actuellement devant le Sénat. Il reste toutefois préoccupé par :

a)L’adoption, en 2019, de la loi sur la médiation, qui a mis en place un système de médiation familiale considéré comme un autre moyen de régler les conflits et litiges familiaux, et en 2018, d’une décision présidentielle visant à renforcer l’institution de la famille et d’une feuille de route pour sa mise en œuvre, qui risquent d’exacerber encore les attitudes patriarcales et les stéréotypes discriminatoires concernant les rôles et responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et la société ;

b)L’absence de stratégie globale visant à éliminer les stéréotypes discriminatoires liés au genre ;

c)La persistance de représentations et de stéréotypes discriminatoires liés au genre concernant les femmes dans les médias.

Le Comité renouvelle ses précédentes recommandations ( CEDAW/C/UZB/CO/5 , par. 16) et recommande à l’État partie :

a) D’élaborer et de mettre en œuvre une stratégie globale, y compris en ligne, ciblant les chefs religieux et communautaires, les enseignants, les filles et les garçons et les femmes et les hommes, en vue d’éliminer les stéréotypes discriminatoires sur les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société ;

b) De continuer à sensibiliser les professionnels des médias pour lutter contre les stéréotypes discriminatoires liés au genre et la chosification des femmes, et de promouvoir dans les médias des représentations valorisantes des femmes en tant qu’actrices du développement ;

c) De prendre des mesures ciblées, y compris des actions de sensibilisation, pour promouvoir le partage égal des tâches domestiques et des responsabilités en matière de garde d’enfants, et la paternité responsable.

Violence à l’égard des femmes fondée sur le genre

Le Comité se félicite de l’adoption de la loi sur la protection des femmes contre le harcèlement et la violence, en 2019, et du décret gouvernemental sur les ordonnances de protection. Le Comité prend acte de l’adoption, en 2020, de procédures normalisées de lutte multisectorielle contre la violence fondée sur le genre. Il demeure toutefois préoccupé par le grand nombre de cas de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre dans l’État partie, y compris les cas de violence domestique pendant le confinement lié à la COVID-19. Il constate avec préoccupation ce qui suit :

a)La loi sur la protection des femmes contre le harcèlement et la violence ne comprend pas de définition juridique ni de disposition incriminant expressément la violence domestique ; elle est en outre peu appliquée et ne fait pas suffisamment l’objet d’un suivi ;

b)Le droit pénal ne comprend pas de disposition incriminant expressément les différentes formes de violence fondée sur le genre autres que la violence sexuelle et le viol, et les femmes et les filles victimes de formes croisées de discrimination, notamment les femmes et les filles appartenant à des minorités religieuses et ethniques, les femmes et les filles handicapées, et les femmes vivant avec le VIH/sida, ne sont pas suffisamment protégées contre la violence fondée sur le genre ;

c)La définition du viol est basée sur la violence ou la menace de la violence plutôt que sur l’absence de consentement ;

d)Les ordonnances de protection sont limitées à trente jours, avec possibilité de prolongation d’un mois, et leur application est limitée, les auteurs de violence ne font pas l’objet d’ordonnances d’expulsion, les victimes manquent de services d’aide, les femmes et les filles ont du mal à accéder à la justice dans les affaires de violence fondée sur le genre et courent un risque de revictimisation durant la procédure pénale, et les mahallas ont très souvent recours à des procédures de réconciliation et de médiation.

Le Comité rappelle sa recommandation générale n o 35 (2017) sur la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de la recommandation générale n o  19, et recommande à l’État partie :

a) De modifier sa législation actuelle, notamment le Code pénal, le Code des infractions administratives et la loi sur la protection des femmes contre le harcèlement et la violence, afin de s’assurer que les actes de violence domestique soient expressément incriminés, qu’ils puissent être poursuivis d’office et qu’ils soient sanctionnés par des peines appropriées et proportionnelles à leur gravité ;

b) De réviser la loi sur la protection des femmes contre le harcèlement et la violence et les autres textes législatifs nationaux pertinents pour qu’ils couvrent toutes les formes de violence fondée sur le genre et tiennent compte des besoins particuliers des groupes de femmes défavorisées et marginalisées, dont les femmes handicapées, les migrantes, les femmes vivant avec le VIH/sida et les femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres ;

c) De modifier sa législation pour fonder la définition du viol sur l’absence de consentement plutôt que sur la force ou la menace de la force ;

d) De garantir la délivrance puis l’application et le suivi effectifs des ordonnances de protection dans les affaires de violence familiale et d’imposer des sanctions suffisamment dissuasives en cas de non-respect de ces ordonnances ;

e) D’encourager le signalement de toutes les formes de violence fondée sur le genre à l’égard des femmes et des filles, y compris la violence domestique et sexuelle, et de veiller à ce que tous les cas fassent l’objet d’une enquête et que les auteurs soient poursuivis d’office et sanctionnés de manière appropriée, de donner la priorité aux poursuites pénales plutôt qu’à la réconciliation et de veiller à ce que les officiers de police qui découragent les victimes de porter plainte ou qui décident de ne rien faire soient tenus pour responsables ;

f) De garantir l’accès des femmes et des filles à la justice et de favoriser le signalement des cas de violence fondée sur le genre aux organes chargés de faire appliquer la loi, notamment en proposant à moindre coût et, si nécessaire, gratuitement, l’assistance d’un avocat, d’alléger la charge de la preuve qui pèse sur le ou la requérant(e), de permettre un accès abordable aux preuves scientifiques, et de continuer à mieux former les juges, les procureurs, les policiers et autres agents chargés de faire appliquer la loi aux méthodes d’enquête et d’interrogatoire tenant compte du genre ;

g) De renforcer les services d’aide aux victimes et la protection des victimes, notamment au moyen de lignes d’assistance téléphonique ouvertes 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 et d’hébergements adaptés et par l’offre de traitements médicaux, de conseils psychosociaux et d’un soutien économique dans l’ensemble de l’État partie ;

h) De mieux sensibiliser le grand public au caractère criminel de toutes les formes de violence fondée sur le genre, y compris la violence familiale et la violence sexuelle, et à la nécessité pour les femmes de pouvoir signaler les cas aux autorités chargées de faire appliquer la loi sans crainte de représailles, de stigmatisation et de revictimisation.

Traite des femmes et exploitation de la prostitution

Le Comité se félicite de l’adoption de la loi sur la lutte contre la traite des personnes (2020), qui instaure des mesures visant à prévenir la traite, établit un mécanisme national d’orientation pour les victimes et met la définition de la traite des personnes en conformité avec les normes internationales. Il prend note de la création de la Commission nationale de lutte contre la traite des personnes et le travail forcé, qui est présidée par le Président du Sénat et qui comprend des représentants de la société civile. Le Comité juge toutefois préoccupant que l’État partie demeure un pays d’origine de la traite des femmes et des filles à des fins d’exploitation sexuelle et de travail forcé. Il constate aussi avec préoccupation ce qui suit :

a)Malgré l’incrimination du travail forcé, des rapports font état de pratiques de travail forcé et d’exploitation des femmes pendant la saison de la récolte du coton ;

b)Malgré l’incrimination de la traite à des fins d’exploitation sexuelle, la législation nationale n’exonère pas les victimes transnationales de la traite de leur responsabilité pénale pour avoir franchi illégalement les frontières ;

c)Les victimes de la traite font l’objet de stigmatisation sociale, de discrimination et de violence fondée sur le genre et il n’existe pas de programmes de réadaptation et de réinsertion ;

d)Aucune mesure ne vise à réduire la demande en rapports sexuels tarifés et l’on manque de données sur la traite des femmes et des filles en provenance, à l’intérieur et à destination de l’État partie ;

e)Il n’existe pas de programme pour aider les femmes qui souhaitent sortir de la prostitution.

Le Comité rappelle sa recommandation générale n o 38 (2020) sur la traite des femmes et des filles dans le contexte des migrations internationales et ses recommandations précédentes ( CEDAW/C/UZB/CO/5 , par. 20) et il recommande à l’État partie :

a) D’interdire la pratique du travail non rémunéré pendant la saison de la récolte du coton ;

b) De veiller à ce que les femmes et les filles victimes de la traite aient suffisamment accès à des services de soutien et à des programmes de réinsertion, y compris des refuges et des services de conseil, et de financer de manière adéquate les organisations non gouvernementales qui gèrent des refuges et fournissent des services de soutien aux victimes ou de leur accorder des subventions pour les coûts liés aux locaux et aux services collectifs ;

c) De veiller à ce que tous les cas de traite des femmes et des filles fassent l’objet d’enquêtes, de poursuites et de sanctions adéquates, et à ce que les trafiquants condamnés purgent leur peine ;

d) D’assurer la collecte et l’analyse systématiques de données sur la traite, ventilées par âge, sexe, nationalité des victimes et forme de traite ;

e) De mener des campagnes de sensibilisation au risque d’être victime de la traite et d’assurer aux femmes et aux filles migrantes l’accès à des activités rémunératrices, à un soutien financier, à une aide juridique, à des lignes d’assistance téléphonique et à des informations avant le départ ;

f) De décourager ceux qui ont recours à des services sexuels tarifés, notamment au moyen de mesures d’information et de sensibilisation visant le grand public, et en particulier les hommes et les garçons, et de combattre toutes les formes de subordination et de chosification des femmes ;

g) De proposer des programmes de soutien et d’autres activités génératrices de revenus aux femmes qui souhaitent sortir de la prostitution.

Participation à la vie politique et à la vie publique

Le Comité note avec satisfaction que 41,3 % des candidats à la Chambre législative étaient des femmes lors des élections de 2019. Toutefois, le Comité reste préoccupé par le fait que les femmes sont toujours sous-représentées aux postes de décision, notamment à l’Oliy Majlis, dans les universités, dans l’appareil judiciaire, dans la fonction publique et dans le corps diplomatique.

Le Comité rappelle sa recommandation générale n o 23 (1997) sur la participation des femmes à la vie politique et publique, et recommande à l’État partie :

a) De modifier sa loi électorale pour instaurer des mesures ciblées, y compris des mesures spéciales temporaires, telles que l’augmentation des quotas et le financement des campagnes, afin d’accroître la représentation des femmes à tous les niveaux de l’administration, à l’Oliy Majlis et dans les conseils locaux, dans l’appareil judiciaire, dans les universités et dans le corps diplomatique, en particulier aux niveaux de la prise de décisions ;

b) D’adopter des mesures pour combattre les attitudes négatives et les comportements discriminatoires à l’égard des femmes en politique, y compris des campagnes de sensibilisation et d’éducation à l’école, à l’Oliy Majlis et auprès du grand public ;

c) De recruter de préférence des femmes dans la fonction publique et le corps diplomatique, en accordant une attention particulière aux femmes appartenant à des groupes défavorisés et marginalisés ;

d) D’exiger des partis politiques qu’ils inscrivent un nombre égal de femmes et d’hommes sur leurs listes électorales, en alternant un candidat et une candidate ;

e) De renforcer les capacités des femmes politiques et des candidates en matière de campagne politique, de leadership et de négociation, et de sensibiliser, en collaboration avec les médias, les dirigeants politiques, les professionnels des médias, les chefs religieux et communautaires, et le grand public, à l’importance de la participation pleine, indépendante et démocratique des femmes, dans des conditions d’égalité avec les hommes, à la vie politique et publique, afin de garantir le plein exercice des droits humains des femmes et de promouvoir la stabilité politique et le développement économique dans l’État partie ;

f) De former les femmes cadres et dirigeantes du secteur privé en vue de renforcer les compétences, et de travailler avec les entités du secteur privé pour qu’elles comprennent l’importance de la pleine participation des femmes aux postes de direction.

Nationalité

Le Comité prend note de l’adoption de la loi modifiée sur la citoyenneté, en 2020, et constate que l’État partie a accordé la citoyenneté à 16 298 apatrides depuis 2016. Le Comité note toutefois avec préoccupation :

a)Que la loi sur la citoyenneté interdit aux citoyens d’avoir une double nationalité, ce qui augmente le risque d’apatridie, en particulier pour les femmes, et oblige les étrangers à renoncer à leur nationalité sans avoir acquis ou reçu l’assurance qu’ils obtiendront la nationalité ouzbèke ;

b)Que la loi sur la citoyenneté prévoit que les Ouzbeks vivant à l’étranger perdent leur citoyenneté s’ils ne se sont pas soumis à l’enregistrement consulaire dans un délai de sept ans, même si cela entraîne l’apatridie, et que les nationaux peuvent renoncer à leur citoyenneté sans avoir prouvé qu’ils obtiendront la nationalité d’un autre pays ;

c)Que les enfants nés sur le territoire national ne se voient pas accorder la nationalité ouzbèke même s’ils risquent l’apatridie ;

d)Que, malgré l’adoption du décret présidentiel portant approbation du règlement sur les modalités d’octroi de l’asile politique (2017), le système national d’asile n’est pas conforme aux normes internationales exigeant l’accès aux droits civils, économiques et sociaux pertinents pour les demandeurs d’asile et les réfugiés, y compris les femmes, en particulier les réfugiées d’Afghanistan, et la protection de ces droits.

Le Comité rappelle sa recommandation générale n o 32 (2014) sur les aspects liés au genre des questions touchant les réfugiées, les demandeuses d’asile et la nationalité et l’apatridie des femmes, et recommande à l’État partie :

a) De modifier la loi sur la citoyenneté, en accordant la citoyenneté aux enfants nés sur le territoire national qui deviendraient autrement apatrides et en subordonnant la perte de la nationalité ou la renonciation à celle-ci à la possession ou à l’obtention d’une autre nationalité, et d’accorder la possibilité aux femmes d’obtenir à nouveau la nationalité si elles risquent de devenir autrement apatrides ;

b) De veiller à ce que les filles et les garçons nés sur le territoire de l’État partie soient enregistrés à la naissance et aient accès à la nationalité ouzbèke et à des documents d’identité, indépendamment du consentement ou de la nationalité de leurs parents, de leur statut de séjour et de leur situation matrimoniale, et à ce que la perte d’une nationalité ou la renonciation à une nationalité soit subordonnée à la possession ou à l’obtention d’une autre nationalité ;

c) De mettre en place un système national d’asile conforme aux normes internationales et de modifier les autres textes législatifs pertinents afin d’offrir une protection et un accès aux services de base aux femmes demandeuses d’asile et réfugiées ;

d) De ratifier la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie.

Éducation

Le Comité prend note des progrès accomplis par l’État partie dans la promotion du droit des femmes et des filles à l’éducation depuis l’examen de son précédent rapport périodique, et de la détermination de l’État partie à atteindre l’objectif de développement durable no 4. Le Comité se déclare néanmoins préoccupé par :

a)Le faible taux d’inscription des femmes et des filles dans l’enseignement supérieur et tertiaire et les taux élevés d’abandon des filles dans le secondaire, attribuables aux grossesses précoces et aux mariages d’enfants, ainsi qu’à la préférence accordée à la scolarisation des garçons, et le coût élevé des frais de scolarité ;

b)La persistance des stéréotypes liés au genre dans le système éducatif et l’absence d’éducation sexuelle adaptée à l’âge ;

c)La concentration des femmes et des filles dans des domaines d’études traditionnellement dominés par les femmes et leur sous-représentation dans les domaines de la science, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques, et des technologies de l’information et de la communication, ce qui réduit leurs perspectives sur le marché du travail ;

d)L’utilisation limitée d’une terminologie et d’images non sexistes dans les manuels scolaires et le matériel pédagogique, à tous les niveaux d’enseignement ;

e)La sous-représentation des femmes au niveau de la prise de décisions dans le système éducatif.

Le Comité rappelle sa recommandation générale n o 36 (2017) sur le droit des filles et des femmes à l’éducation et ses recommandations précédentes ( CEDAW/C/UZB/CO/5 , par. 24), et recommande à l’État partie :

a) D’assurer la scolarisation des filles dans l’enseignement primaire, secondaire, supérieur et tertiaire, notamment au moyen de campagnes d’information ciblant les parents et les chefs religieux et communautaires sur l’importance de l’éducation des filles à tous les niveaux comme moyen de garantir leur autonomisation et de la fourniture d’un soutien financier aux familles à faible revenu afin de couvrir les frais de scolarité directs et indirects ;

b) De s’attaquer aux causes de l’abandon scolaire chez les filles, notamment les mariages d’enfants, les mariages forcés et les grossesses précoces, et de veiller à ce que les jeunes mères puissent retourner à l’école après l’accouchement, en vue de terminer leur scolarité, d’obtenir un diplôme et d’accéder à l’enseignement supérieur ou au marché du travail ;

c) D’intégrer dans les programmes scolaires : i) des contenus inclusifs et accessibles sur l’égalité entre les hommes et les femmes, notamment sur les droits des femmes, les femmes dirigeantes dans la vie publique et les effets néfastes des stéréotypes sexistes et de la violence et de la discrimination fondées sur le genre à l’égard des femmes et des filles, et ii) une éducation sexuelle adaptée à l’âge à tous les niveaux d’enseignement, en accordant une attention particulière au comportement sexuel responsable et à la prévention des grossesses précoces et des maladies sexuellement transmissibles ;

d) De dispenser une formation sur les droits des femmes et l’égalité des genres au personnel enseignant à tous les niveaux du système éducatif et de réexaminer les manuels scolaires, les programmes et le matériel pédagogique en vue d’éliminer tous les stéréotypes discriminatoires liés au genre ;

e) De prendre des mesures concertées pour encourager les femmes et les filles à choisir des disciplines scolaires et des parcours professionnels non traditionnels, tels que les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques, et les technologies de l’information et de la communication, notamment au moyen de la fourniture de services d’orientation, de bourses et de subventions destinées à couvrir les frais de scolarité indirects.

Emploi

Le Comité note que l’interdiction d’employer des femmes dans certains secteurs et professions a été levée en 2019. Il juge toutefois préoccupant que la même année, le Ministère du travail et le Ministère de la santé aient élaboré et approuvé une nouvelle liste de professions et d’emplois déconseillés aux femmes. Le Comité est en outre préoccupé par :

a)Le fait que seulement 12 % des cadres ouzbeks sont des femmes et que le plan d’action visant à créer un vivier de femmes candidates à des postes de direction est en attente d’adoption ;

b)L’important écart de rémunération entre les femmes et les hommes, la ségrégation horizontale et verticale sur le marché du travail et les obstacles à la promotion des femmes à des postes de direction, à des emplois mieux rémunérés et à des postes de décision, notamment dans les administrations nationales et locales ;

c)L’absence de possibilités de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale et l’insuffisance des efforts consentis pour garantir et favoriser un partage égal des tâches domestiques et des responsabilités en matière d’éducation des enfants entre les femmes et les hommes ;

d)La concentration des femmes dans le secteur non structuré de l’économie et dans les emplois faiblement rémunérés, souvent dans des conditions d’exploitation et sans accès à la protection du travail et à la protection sociale, en particulier pendant la pandémie de COVID-19 ;

e)L’accès limité à un emploi décent pour les groupes de femmes défavorisées et marginalisées, notamment les femmes appartenant à des minorités ethniques, les femmes migrantes et les femmes handicapées.

Le Comité rappelle que les progrès en matière d’emploi devraient aller de pair avec l’autonomisation des femmes et l’égalité au travail, et il recommande à l’État partie de recentrer sa politique de l’emploi sur l’égalité des genres et de veiller à ce qu’elle soit fondée sur des résultats, des indicateurs mesurables, des partenariats avec le secteur privé et des possibilités de formation professionnelle dans tous les domaines, notamment les secteurs innovants et les technologies de l’information et de la communication. Il renouvelle également ses précédentes recommandations ( CEDAW/C/UZB/CO/5 , par. 26) et recommande à l’État partie :

a) D’accélérer l’adoption du plan d’action visant à créer un vivier de femmes candidates à des postes de direction ;

b) De prendre des mesures ciblées pour promouvoir l’accès des femmes à l’emploi formel, notamment à des postes de direction et à des emplois mieux rémunérés dans les professions traditionnellement dominées par les hommes et à des postes de décision dans l’administration nationale et locale, en proposant des formations professionnelles, en offrant des incitations pour le recrutement préférentiel des femmes, en améliorant la qualité des services de garde d’enfants et d’éducation préscolaire dans les zones urbaines et rurales et en augmentant le nombre de places, et en adoptant des mesures visant à atténuer l’impact de la pandémie de COVID-19 sur l’emploi des femmes ;

c) D’appliquer efficacement le principe de l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale en réexaminant régulièrement les salaires dans les secteurs où les femmes sont concentrées et en adoptant des mesures pour combler l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, notamment par l’adoption de méthodes analytiques de classification et d’évaluation des emplois qui soient neutres du point de vue du genre, et par la réalisation d’enquêtes régulières sur les salaires ;

d) De passer en revue la liste des professions déconseillées aux femmes, qui limite l’accès de ces dernières à certaines catégories d’emplois ; de permettre aux femmes d’accéder plus facilement à ces professions et de veiller à ce que les restrictions soient proportionnées et s’appliquent au cas par cas et non pas de manière générale à toutes les femmes ;

e) De garantir la protection de la maternité pour les femmes travaillant dans le secteur non structuré de l’économie ; de faciliter le retour au travail des jeunes mères et de promouvoir le partage équitable des responsabilités domestiques et parentales entre les hommes et les femmes, notamment en généralisant le congé de paternité ;

f) De ratifier la Convention de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur les travailleurs ayant des responsabilités familiales (n o 156) ;

g) D’améliorer l’accès aux possibilités d’emploi et de formation pour les groupes de femmes défavorisées et marginalisées, comme les femmes appartenant à des minorités ethniques, les femmes handicapées et les femmes migrantes, et de fournir une formation aux femmes qui migrent avant le départ.

Santé

Le Comité félicite l’État partie d’avoir adopté la loi sur la protection de la santé reproductive en 2019. Il note toutefois avec préoccupation :

a)Les taux élevés de mortalité maternelle (19,1 décès pour 100 000 naissances vivantes en 2019) et de mortalité infantile (21,4 décès pour 100 000 naissances vivantes), malgré une légère baisse, et l’augmentation de la mortinatalité ;

b)Le fait que l’article 113 du code pénal criminalise l’exposition au VIH et sa transmission, qui sont passibles d’une peine d’emprisonnement de cinq à huit ans, même en cas de relations sexuelles consenties entre adultes, et que, conformément au code des infractions administratives, le fait de dissimuler la source de transmission d’une maladie vénérienne ou du VIH/sida (art. 57) et de se soustraire à un examen lorsque l’on est atteint d’une maladie vénérienne ou du VIH/sida (art. 58) demeurent des infractions ;

c)L’accès limité des femmes et des filles à des méthodes de contraception modernes et abordables, en particulier dans les zones rurales, et les difficultés auxquelles les adolescentes font face lorsqu’elles souhaitent avoir des informations sur la santé sexuelle et reproductive et les droits connexes ;

d)Le nombre élevé de grossesses précoces, l’absence dans les programmes scolaires d’un enseignement obligatoire adapté à l’âge sur la santé sexuelle et reproductive et les droits connexes et le manque de formation des enseignants dans ce domaine ;

e)La forte prévalence de l’anémie chez les femmes enceintes, les adolescentes et les femmes en âge de procréer ;

f)L’augmentation des taux de suicide et d’automutilation chez les adolescentes.

Le Comité rappelle sa recommandation générale n o 24 (1999) sur les femmes et la santé, et recommande à l’État partie :

a) De lutter contre les causes de la mortalité maternelle et infantile en garantissant l’accès à des services d’avortement médicalisé et post-avortement ainsi qu’à des soins obstétriques, en s’attaquant au nombre élevé de grossesses précoces et en augmentant le nombre de professionnels de l’accouchement, notamment dans les zones rurales et reculées ;

b) De dépénaliser l’exposition au VIH/sida et sa transmission lors de relations sexuelles consenties entre adultes et d’abroger l’article 113 du C ode pénal, ainsi que les articles 57 et 58 du code des infractions administratives ;

c) De permettre aux femmes et aux filles d’accéder plus facilement à des soins de santé adaptés et bon marché, en faisant en sorte qu’il y ait un nombre suffisant d’établissements de soins de santé dotés d’un personnel correctement formé, y compris dans les zones rurales et reculées, et de renforcer la mise en œuvre des programmes de santé et des programmes de sensibilisation inclusifs, afin de veiller à ce que toutes les femmes et les filles, y compris celles qui appartiennent à des groupes défavorisés ou vivent dans des zones rurales, aient accès à des méthodes contraceptives modernes et abordables ;

d) D’introduire dans les programmes scolaires un enseignement obligatoire, adapté à l’âge et inclusif, sur la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation, y compris sur les méthodes contraceptives modernes et la prévention des infections sexuellement transmissibles, ainsi que sur les risques liés à un avortement non sécurisé ;

e) De renforcer l’action menée pour assurer l’enrichissement des produits alimentaires afin de remédier aux carences en micronutriments chez les femmes et les enfants ;

f) De mener des études visant à déterminer les causes profondes du suicide, de renforcer les mesures de lutte contre les maladies mentales des jeunes femmes et des filles dans l’État partie, et d’allouer des ressources suffisantes pour apporter aux femmes qui ont subi des traumatismes physiques et psychologiques l’accompagnement dont elles ont besoin.

Avantages économiques et sociaux

Le Comité note que le nombre d’activités pouvant être exercées de manière indépendante a été porté de 24 à 67 par décret présidentiel en 2020, et que la plateforme « Women’s notebook » a été créée en 2020 pour apporter une assistance aux femmes dans le besoin. Il est toutefois préoccupé par :

a)La part disproportionnée du travail domestique et des soins non rémunérés assumée par les femmes et l’alourdissement important de la charge de travail non rémunéré supportée par les femmes pendant la pandémie de COVID-19 ;

b)Le fait que la pauvreté touche les femmes de manière disproportionnée, en particulier les femmes rurales, les femmes chefs de famille monoparentale et les femmes effectuant des travaux de soins non rémunérés ;

c)Le faible pourcentage de femmes qui possèdent des terres (23 %) et des biens immobiliers (36,6 %) ;

d)La concentration de femmes entrepreneuses dans les secteurs à faible profit, tels que le commerce de gros et de détail et l’agriculture, et dans le travail à domicile.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer les politiques et les stratégies porteuses de transformations afin de réduire la charge de travail domestique non rémunéré qui pèse sur les femmes, en particulier les femmes rurales ; de faciliter l’accès à des services publics de qualité et abordables tenant compte des questions de genre dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la garde d’enfants, des transports, de l’eau, de l’utilisation des terres, du logement et de l’énergie, et de produire des données sur le travail domestique non rémunéré et de le monétiser, afin qu’il puisse être reconnu et indemnisé ;

b) De lutter contre la féminisation de la pauvreté, notamment en éliminant la discrimination en matière de retraite et de sécurité sociale, par la prise en compte des interruptions d’activité des femmes liées aux périodes d’éducation des enfants et de leur participation aux soins et aux travaux domestiques non rémunérés ;

c) De mettre en place des incitations et des mesures ciblées, notamment des subventions pour la facilitation du commerce, des dispositifs de pépinière d’entreprises, des services d’inclusion financière et d’autres mesures de relance, afin de promouvoir l’entrepreneuriat des femmes, d’élargir leurs perspectives économiques et de renforcer leur participation à la vie économique de l’État partie.

Femmes rurales

Le Comité salue les efforts faits par l’État partie pour améliorer l’accès des femmes rurales aux services de base et aux prestations sociales, notamment par l’adoption de la Stratégie de développement du nouvel Ouzbékistan pour la période 2022-2026, et la création de l’Association nationale des agricultrices, en 2019. Toutefois, il reste préoccupé par le fait que les femmes et les filles vivant en milieu rural ont un accès limité à l’éducation, aux possibilités d’emploi et aux soins de santé. Il s’inquiète également de l’absence de prise en compte des questions de genre dans les politiques agricoles et de la sous-représentation des femmes rurales aux postes de décision et de direction.

Le Comité renouvelle sa précédente recommandation ( CEDAW/C/UZB/CO/5 , par. 30) et recommande à l’État partie de lutter contre la pauvreté qui touche les femmes rurales en leur permettant d’accéder à l’éducation, à l’eau potable et à l’assainissement, à l’emploi dans le secteur structuré, à des prêts à faible taux d’intérêt sans garantie et à d’autres formes de crédit financier pour les entreprises agricoles, ainsi qu’à la propriété et à l’exploitation foncière. Il recommande également à l’État partie de prendre en compte les questions de genre dans ses politiques agricoles et de permettre aux femmes rurales d’accéder sur un pied d’égalité aux postes de décision et de direction.

Groupes de femmes défavorisées et marginalisées

Le Comité reste préoccupé par le fait que les femmes âgées, les femmes handicapées, les femmes appartenant à des groupes ethniques minoritaires, en particulier les femmes et les filles membres des communautés mugat et luyli, les réfugiées et les demandeuses d’asile, les migrantes, les femmes vivant avec le VIH/sida et les lesbiennes, bisexuelles et transgenres continuent de subir des formes de discrimination croisée dans l’État partie.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures ciblées, y compris des mesures temporaires spéciales, afin de veiller à ce que les groupes de femmes défavorisées, notamment les femmes âgées, les femmes handicapées, les femmes appartenant à des groupes ethniques minoritaires, en particulier les femmes et les filles membres des communautés mugat et luyli, les réfugiées et les demandeuses d’asile, les migrantes, les femmes vivant avec le VIH/sida et les lesbiennes, les bisexuelles et les transgenres aient accès à la justice, à l’emploi et aux soins de santé, y compris aux services de santé sexuelle et procréative respectant le caractère confidentiel des informations relatives aux patients, à la protection sociale et à la sécurité alimentaire, et à ce que leurs besoins particuliers soient pris en compte.

Mariage et rapports familiaux

Le Comité note avec satisfaction que l’article 15 du code de la famille a été modifié en 2019 afin de porter l’âge minimum légal du mariage à 18 ans pour les femmes et les hommes. Il prend également note des informations fournies par la délégation selon lesquelles un projet de code de la famille, regroupant l’ensemble des lois sur le mariage et les rapports familiaux, a été approuvé par l’Olyi Majlis et soumis au Sénat. Toutefois, il constate avec inquiétude ce qui suit :

a)Le fait que, dans des circonstances exceptionnelles telles que la grossesse ou l’accouchement, le khokim (administration locale) peut autoriser les mariages à 17 ans ;

b)Des dispositions législatives empêchent les femmes vivant avec le VIH/sida d’adopter, d’exercer une curatelle et d’être parents d’accueil ;

c)Le fait que les femmes mariées par une cérémonie religieuse sans enregistrement du mariage civil ne bénéficient pas de la protection du code de la famille et sont privées de la protection économique en cas de dissolution du mariage ;

d)La persistance de la polygamie et du mariage forcé, en particulier dans les zones rurales, malgré leur interdiction légale.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De réviser l’article 15 du code de la famille afin de supprimer l’exception concernant l’âge du mariage et de poursuivre l’action menée pour lutter contre la polygamie, le mariage d’enfants et le mariage forcé, en particulier dans les zones rurales, notamment en s’attaquant à leurs causes profondes, en encourageant le signalement des cas, en punissant la complicité des membres de la famille, des chefs religieux et des chefs communautaires ou des agents de la force publique, en mettant en place des mécanismes pour repérer ces cas et en veillant à ce que les responsables soient poursuivis et dûment punis, conformément à sa recommandation générale n o 31 et à l’observation générale n o 18 du Comité des droits de l’enfant sur les pratiques préjudiciables, adoptées conjointement (2014) ;

b) D’abroger les lois discriminatoires qui empêchent les femmes vivant avec le VIH/sida d’adopter, d’exercer une curatelle et d’être parents d’accueil ;

c) De veiller à ce que les mariages religieux ne puissent être célébrés qu’après leur enregistrement civil et de protéger les droits des femmes dans le cas de la dissolution des mariages religieux et coutumiers, conformément à sa recommandation générale n o 29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage et des liens familiaux et de leur dissolution ;

d) De veiller à ce que les femmes et les hommes aient les mêmes droits et responsabilités dans le mariage et les rapports familiaux et en cas de dissolution, y compris les mêmes droits parentaux, quelle que soit leur situation matrimoniale, et les mêmes droits de choisir un nom de famille, une profession et un domicile, conformément à l’article 16 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ;

e) De mener des activités de formation et de sensibilisation à l’intention des juges, des procureurs, des autorités de police et des autorités locales sur la prévention de la polygamie, des mariages forcés et des mariages d’enfants ;

f) De réformer le système de collecte des données et les procédures d’enregistrement pour l’application de la législation pénale et administrative sur la polygamie, les mariages forcés et les mariages d’enfants.

Protocole facultatif à la Convention et modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

Le Comité invite l’État partie à ratifier le Protocole facultatif à la Convention et à accepter dans les meilleurs délais la modification apportée au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention concernant la durée des réunions du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l’État partie à s’appuyer sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing et à continuer d’évaluer la réalisation des droits consacrés par la Convention dans le contexte de l’examen, après 25 ans, de ces instruments, le but étant de parvenir à une réelle égalité entre hommes et femmes.

Diffusion

Le Comité demande à l’État partie de veiller à diffuser rapidement les présentes observations finales, dans la ou les langue(s) officielle(s) de l’État partie, aux institutions publiques compétentes à tous les niveaux (national, régional et local) en particulier au Gouvernement, à l’Oliy Majlis et au corps judiciaire, afin d’en permettre la pleine application.

Ratification d’autres traités

Le Comité constate que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme contribuerait à favoriser l’exercice par les femmes de leurs droits humains et de leurs libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie. Il l’invite donc à ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, auxquelles il n’est pas encore partie.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité prie l’État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu’il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 22 d), 30 b), 34 a) et 42 b) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l’État partie à soumettre son septième rapport périodique en février 2026. Le rapport devra être présenté dans les délais et couvrir toute la période écoulée, jusqu’à la date à laquelle il sera soumis.

Le Comité invite l’État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument ( HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).