Nations Unies

CCPR/C/COL/CO/7

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

17 novembre 2016

Français

Original : espagnol

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le septième rapport périodique de la Colombie *

Le Comité des droits de l’homme a examiné le septième rapport périodique de la Colombie (CCPR/C/COL/7) à ses 3313e et 3314e séances (voir CCPR/C/SR.3313 et 3314), les 19 et 20 octobre 2016. À sa 3330e séance, le 1er novembre 2016, il a adopté les présentes observations finales.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le septième rapport périodique de la Colombie et les renseignements qu’il contient. Il se félicite de l’occasion qui lui a été donnée de renouer un dialogue constructif avec la délégation de l’État partie sur les mesures adoptées pendant la période considérée pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte. Le Comité remercie l’État partie de ses réponses écrites (CCPR/C/COL/Q/7/Add.1) à la liste de points à traiter (CCPR/C/COL/Q/7), ainsi que des réponses qui ont été données oralement par la délégation et des renseignements complémentaires qui lui ont été communiqués par écrit.

B.Aspects positifs

Le Comité salue les nombreuses mesures législatives et institutionnelles qui ont été adoptées par l’État partie pendant la période à l’examen dans le domaine des droits civils et politiques, notamment l’adoption des instruments suivants :

a)Le décret no 1036 (2016) portant adoption de la Stratégie nationale de lutte contre la traite des personnes (2016-2018) ;

b)La loi no 1761 (2015) qui érige le féminicide en infraction autonome et énonce d’autres dispositions ;

c)La loi no 1719 (2014) portant notamment adoption de mesures visant à garantir l’accès à la justice aux victimes de violences sexuelles, en particulier à celles qui ont subi ce type de violences dans le cadre du conflit armé ;

d)La Stratégie nationale de protection des droits de l’homme (2014-2034) ;

e)La loi statutaire no 1618 (2013) établissant les dispositions destinées à garantir le plein exercice des droits des personnes handicapées ;

f)La loi no 1448 (2011) portant adoption de mesures de soutien, d’assistance et de réparation intégrale en faveur des victimes du conflit armé interne et énonçant d’autres dispositions, ainsi que les décrets nos 4633, 4634 et 4635 de 2011 ;

g)La loi no 1482 (2011), telle que modifiée par la loi no 1752 (2015), qui sanctionne pénalement les actes de discrimination ;

h)Le décret no 4912 (2011) qui régit le programme de prévention et de protection des droits à la vie, à la liberté, à l’intégrité et à la sécurité des personnes, des groupes et des communautés, élaboré par le Ministère de l’intérieur et l’Unité nationale de protection, révisé par le décret no 1066 (2015) ;

i)Le décret no 4100 (2011) portant notamment création et organisation du dispositif national relatif aux droits de l’homme et au droit international humanitaire, modifié par le décret no 1216 (2016), qui régit des questions relevant du dispositif national et de la Commission intersectorielle pour les droits de l’homme et le droit international humanitaire ;

j)La loi no 1408 (2010), qui rend hommage aux victimes de disparition forcée et énonce les mesures à prendre en vue de les localiser et de les identifier, et son décret d’application (décret no 303 de 2015).

Le Comité salue la ratification par l’État partie des instruments internationaux suivants :

a)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le 11 juillet 2012 ;

b)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 10 mai 2011.

Le Comité se félicite à nouveau des nombreuses références aux normes internationales relatives aux droits de l’homme, notamment au Pacte, qui sont faites dans la jurisprudence de la Cour constitutionnelle.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Suite donnée aux constatations adoptées par le Comité au titre du Protocole facultatif se rapportant au Pacte

Le Comité note que des décisions ont été prises, conformément à la loi no 288 de 1996, pour donner suite aux constatations qu’il avait adoptées au sujet de huit communications et accorder une indemnisation à leurs auteurs, et que des indemnités ont effectivement été versées en exécution de quatre de ces décisions. Il prend note également de l’adoption du décret no 507 de 2016 visant à faciliter le versement des indemnités prévues par la loi no 288 de 1996. Il constate toutefois avec préoccupation que l’État partie n’a pas donné pleinement effet à toutes les constatations dans lesquelles le Comité a conclu à une violation du Pacte (voir CCPR/C/116/3, annexe) (art. 2).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour donner pleinement effet aux constatations dans lesquelles le Comité a conclu à une violation du Pacte et qui n’ont pas encore été mises en œuvre, de manière à garantir un recours utile en cas de violation du Pacte, conformément au paragraphe 3 de l’article 2 de cet instrument.

Conflit armé interne

Le Comité note que les négociations de paix avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie – Armée populaire (FARC-EP) se sont traduites par une réduction considérable des incidences du conflit armé sur la population civile, mais il est préoccupé par les informations indiquant que des violations de droits de l’homme consacrés par le Pacte, notamment des privations arbitraires du droit à la vie, des disparitions forcées et des actes de torture, ont continué d’être commises pendant la période à l’examen. Il regrette de ne pas avoir reçu de renseignements suffisants sur les mesures adoptées pour répondre aux alertes précoces diffusées par la Commission interinstitutions d’alerte précoce pendant la période considérée et sur leur efficacité en matière de prévention des violations graves des droits de l’homme (art. 2, 6, 7, 9 et 12).

L’État partie devrait poursuivre et intensifier ses efforts pour prévenir la commission de violations des droits consacrés par le Pacte et faire respecter les droits des victimes du conflit armé interne à la vérité, à la justice et à la réparation intégrale du préjudice subi. En particulier, il devrait faire en sorte :

a) Que les autorités compétentes prennent des mesures de prévention efficaces en réponse aux alertes précoces diffusées par la Commission interinstitutions d’alerte précoce, supervisent tous les rapports de risque et les notes de suivi établis par le Bureau du Défenseur du peuple (Defensoría del Pueblo) dans le cadre du Système d’alerte précoce, même s’ils n’ont pas donné lieu à une alerte précoce, et leur donnent la suite voulue ;

b) Que toutes les violations de droits consacrés par le Pacte fassent promptement l’objet d’enquêtes approfondies et impartiales et que les auteurs soient traduits en justice e t rendent compte de leurs actes ;

c) Que les personnes et les communautés les plus vulnérables, en particulier les femmes, les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées, les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées, les Afro-Colombiens et les autochtones bénéficient d’une aide et d’ une protection effectives ;

d) Que toutes les victimes bénéficient d’une réparation intégrale du préjudice subi, y compris la restitution des terres.

Le Comité prend note des progrès réalisés dans l’application de la loi no 975 de 2005 (telle que modifiée par la loi no 1592 de 2012), mais il est préoccupé par l’impunité persistante de nombreuses violations graves de droits consacrés par le Pacte commises par des membres de groupes paramilitaires démobilisés (art. 2, 6, 7, 9 et 12).

L’État partie devrait redoubler d’efforts pour qu’aucune violation grave de droits consacrés par le Pacte perpétrée par des membres de groupes paramilitaires démobilisés, y compris celles qui peuvent avoir été commises par les chefs pa ramilitaires extradés aux États- Unis d’Amérique, ne reste impunie, et pour que les victimes bénéficient d’une réparation intégrale du préjudice subi.

Groupes armés illégaux apparus après la démobilisation des organisations paramilitaires

Le Comité prend note des mesures adoptées par l’État partie pour lutter contre la criminalité organisée, mais il est préoccupé par les informations faisant état de violations qui auraient été commises pendant la période considérée par des groupes armés illégaux apparus après la démobilisation des organisations paramilitaires et par les allégations faisant état de cas dans lesquels certains de ces groupes auraient agi en collusion avec des agents de l’État. À ce sujet, il est préoccupé par les informations concernant les violences que ces groupes auraient commises à Buenaventura (Valle del Cauca), tout en notant que, selon les informations données par l’État partie, la stratégie qui y a été déployée a permis de réduire les taux de violence (art. 2, 6 et 7).

L’État partie devrait redoubler d’efforts pour prévenir les violences imputables aux groupes armés illégaux apparus après la démobilisation des organisations paramilitaires et pour que les responsables, y compris les agents de l’État qui ont apporté un appui ou donné leur consentement, soient traduits en justice et punis. Il devrait aussi veiller à ce que les victimes bénéficient d’une protection appropriée et d’une réparation intégrale du préjudice subi.

Privations arbitraires de la vie

Le Comité prend note avec préoccupation des allégations selon lesquelles, pendant la période considérée, des privations arbitraires de la vie par des agents de la force publique auraient continué d’être observées. Il prend note des renseignements fournis par l’État partie sur les progrès réalisés dans les enquêtes sur les homicides associés à l’action de la force publique, notamment ce que l’on appelle les « faux positifs », mais il est préoccupé par le nombre limité de responsables condamnés par rapport au nombre élevé de victimes (art. 6).

L’État partie devrait redoubler d’efforts pour empêcher que des agents de l’État se rendent responsables de privations arbitraires de la vie. Il devrait également veiller à ce que tous les cas de privation arbitraire de la vie fassent promptement l’objet d’une enquête approfondie et impartiale, et à ce que les auteurs, y compris ceux qui exercent une fonction de commandement, soient poursuivis et punis. À cet égard, il devrait veiller en outre à ce que les enquêtes soient ouvertes, diligentées et menées à leur terme par les juridictions ordinaires.

Actes de discrimination et de violence motivés par l’orientation sexuelle ou l’identité de genre

Le Comité prend acte des efforts faits par l’État partie en faveur des droits des lesbiennes, des gays, des bisexuels, des transgenres et des intersexués, notamment de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle qui garantit aux personnes de même sexe le droit au mariage civil et à l’adoption, ainsi que des mesures prises pour lutter contre la discrimination et la violence visant ces personnes. Il est cependant préoccupé par les allégations faisant état d’actes de violence, y compris d’assassinats, et de cas de violences policières dont auraient été victimes certaines de ces personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre (art. 2, 6, 7 et 26).

L’État partie devrait poursuivre et intensifier les efforts qu’il déploie pour lutter contre les stéréotypes et les préjugés visant les lesbiennes, les gays, les bisexuels, les transgenres et les intersexués et pour veiller à ce que des mesures soient prises pour prévenir la discrimination et la violence à leur égard, que les auteurs d’actes de violence visant ces personnes soient identifiés, traduits en justice et punis et que les victimes bénéficient d’une aide appropriée et d’une réparation intégrale du préjudice subi. L’État partie devrait prendre des mesures plus énergiques pour prévenir et réprimer les actes de discrimination et de violence imputables à des agents de la force publique. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses efforts pour garantir dans la pratique les droits des couples de même sexe.

Violence à l’égard des femmes et violence sexuelle

Le Comité prend acte des nombreuses mesures prises par l’État partie en vue de prévenir, de combattre et de réprimer la violence à l’égard des femmes et la violence sexuelle ainsi que pour offrir aux victimes l’aide voulue et la réparation du préjudice subi. Il est cependant préoccupé par les informations indiquant que la violence à l’égard des femmes et la violence sexuelle, qui touche principalement les femmes et les filles, continuent de poser de sérieux problèmes tant dans le cadre du conflit armé qu’en dehors, et par les informations indiquant que ces crimes resteraient largement impunis (art. 3, 6, 7 et 24).

L’État partie devrait redoubler d’efforts pour prévenir, combattre et punir tous les actes de violence à l’égard des femmes et de violence sexuelle et assurer aux victimes l’aide voulue et la réparation du préjudice subi. En particulier, il devrait faciliter la procédure de dépôt de plainte par les victimes, veiller à ce que tous les actes de violence à l’égard des femmes et de violence sexuelle fassent promptement l’objet d’enquêtes approfondies et impartiales, que les auteurs soient poursuivis et punis et que les victimes bénéficient immédiatement de l’aide nécessaire, d’une réparation intégrale du préjudice subi et d’une protection appropriée, notamment en mettant à leur disposition un nombre suffisant de foyers d’accueil dans tout le pays.

Interruption volontaire de grossesse

Le Comité prend note des mesures adoptées par le Ministère de la santé pour garantir l’accès à l’avortement dans les cas qui présentent certaines des circonstances prévues dans l’arrêt C-355 rendu en 2006 par la Cour Constitutionnelle, mais il est préoccupé par les informations indiquant que, dans la pratique, certaines femmes se heurteraient à des obstacles pour avoir accès à l’avortement légal, notamment l’invocation par le personnel de santé de la clause de conscience sans réorientation des femmes vers un service approprié ou l’invocation d’un manque de formation. À ce sujet, le Comité est aussi préoccupé par les informations faisant état de nombreux cas d’avortements qui auraient été réalisés clandestinement et dans des conditions dangereuses mettant en danger la vie et la santé des femmes. Il est également préoccupé par les informations faisant état de taux élevés de grossesse chez les adolescentes (art. 3, 6, 7 et 17).

L’État partie devrait poursuivre et intensifier ses efforts pour garantir aux femmes l’accès effectif et en temps opportun à l’avortement légal, notamment en supprimant les obstacles qui peuvent entraver cet accès, et pour faciliter l’accès aux informations publiques sur la manière de recourir à l’avortement légal. En particulier, il devrait établir un mécanisme d’orientation efficace pour garantir l’accès à un avortement sûr en cas d’invocation de la clause de conscience par les professionnels de santé et veiller à ce que les professionnels de santé chargés de pratiquer des avortements reçoivent une formation adéquate. L’État partie devrait examiner les effets du cadre juridique sur les femmes afin que celles-ci n’aient pas à recourir à des avortements illégaux qui mettent en danger leur vie et leur santé. Il devrait également intensifier ses efforts pour prévenir les grossesses non désirées, en particulier chez les adolescentes, et garantir que les femmes et les adolescentes aient accès à des services appropriés de santé sexuelle et procréative dans tout le pays.

Éradication manuelle de plantations de coca par des paysans

Le Comité prend note avec préoccupation des informations faisant état d’activités d’éradication manuelle de plantations de coca par des paysans pauvres n’ayant pas d’autres possibilités d’emploi dans des zones où ils sont exposés aux risques induits par la présence de mines terrestres et de groupes armés illégaux. Il prend note des renseignements fournis par l’État partie sur les mesures prises pour réduire les risques, mais il est préoccupé par les informations indiquant que beaucoup de ces personnes auraient été tuées ou blessées par l’explosion de mines terrestres ou dans des attaques menées par des groupes armés illégaux (art. 6 à 9).

L’État partie devrait cesser d’employer des civils pour mener des activités d’éradication manuelle de plantations de coca jusqu’à ce qu’il soit vérifié, conformément aux règles internationales applicables à ce type de contrôle (telles que les Normes internationales de la lutte antimines) qu’il n’y ait effectivement plus dans les zones concernées de mines terrestres ni d’autres risques susceptibles de mettre en danger la vie ou l’intégrité physique de ces civils. Il devrait aussi veiller à ce que les personnes qui ont été blessées, ou leur famille en cas de décès, bénéficient d’une réparation intégrale du préjudice subi. Il devrait en outre poursuivre et intensifier ses efforts pour que les mines terrestres non explosées soient éliminées en toute sécurité par un personnel qualifié.

Disparitions forcées

Le Comité prend note des mesures que l’État partie a prises pour lutter contre le phénomène des disparitions forcées. Cependant, il est préoccupé par les informations indiquant que des cas de disparition forcée continuent d’être signalés et que la recherche des personnes disparues pose d’importants problèmes. Il note aussi avec préoccupation qu’il n’existe pas d’informations uniformes sur le nombre de personnes disparues (art. 2, 6 et 7).

L’État partie devrait poursuivre et intensifier ses efforts pour que tous les cas présumés de disparition forcée fassent promptement l’objet d’enquêtes approfondies et impartiales et que les responsables soient poursuivis et punis, mener des recherches pour retrouver les personnes disparues, notamment en garantissant l’allocation de ressources suffisantes et en assurant une coordination efficace entre les autorités compétentes, et veiller à ce que les victimes bénéficient d’une réparation intégrale. Il devrait aussi rationaliser le processus de correction du Registre des personnes disparues afin de générer des informations précises et uniformes sur les personnes disparues sur son territoire.

Traite des êtres humains

Le Comité accueille avec satisfaction les diverses mesures adoptées par l’État partie pour combattre et réprimer la traite des êtres humains, mais il prend note avec préoccupation des informations selon lesquelles le phénomène persiste, notamment la traite interne, en particulier la traite de personnes en situation de vulnérabilité comme les enfants, les Afro-Colombiens et les autochtones (art. 8).

L’État partie devrait poursuivre et intensifier ses efforts pour prévenir, combattre et réprimer la traite des êtres humains, y compris la traite interne, ainsi que pour identifier les victimes et leur accorder une réparation intégrale et des moyens de protection et d’assistance appropriés.

Conditions de détention

Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie pour améliorer les conditions de détention, mais il est préoccupé par la persistance de niveaux élevés de surpopulation carcérale. À cet égard, il constate avec préoccupation que le taux de surpopulation dans les centres de détention atteint 55 % à l’échelle nationale et, selon les informations reçues, dépasserait 400 % dans deux établissements. Le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles des cas de mauvais traitements dans les centres de privation de liberté seraient encore signalés, notamment à l’égard des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués (art. 7 et 10).

L’État partie devrait redoubler d’efforts pour réduire efficacement la surpopulation carcérale, notamment en recourant à des mesures de substitution à la privation de liberté, et pour améliorer les conditions de détention de façon à garantir le respect de la dignité des personnes privées de liberté, conformément à l’article 10 du Pacte. Il devrait également intensifier ses efforts pour prévenir la torture et les mauvais traitements dans les lieux de privation de liberté et veiller à ce que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements fassent promptement l’objet d’enquêtes approfondies et impartiales, menées par un organe indépendant sans liens hiérarchiques ou institutionnels avec les auteurs présumés, et à ce que les responsables soient traduits en justice et punis.

Personnes déplacées

Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour prévenir les déplacements internes et y faire face, ainsi que de la diminution du taux de personnes déplacées au cours de ces dernières années. Il est toutefois préoccupé par les informations selon lesquelles des déplacements internes, y compris des déplacements massifs, continuent de se produire pour diverses raisons telles que les activités de groupes armés illégaux apparus après la démobilisation des organisations paramilitaires et la mise en œuvre de projets de grande envergure (« mégaprojets ») (art. 2, 12, 26 et 27).

L’État partie devrait poursuivre et intensifier ses efforts pour prévenir les déplacements internes, faire en sorte que toutes les victimes bénéficient en temps utile de la prise en charge, de l’assistance et de la réparation intégrale appropriées, et garantir dans la pratique que le retour et la réinstallation se déroulent dans des conditions de sécurité et soient durables.

Droit à la vie privée

Le Comité regrette de ne pas avoir reçu de renseignements à jour concernant l’état d’avancement des enquêtes sur les opérations illégales de surveillance qu’auraient conduites des fonctionnaires de l’ancien Département administratif de la sûreté, et prend note avec préoccupation des allégations faisant état d’activités illégales de surveillance de journalistes menées pendant la période considérée. Le Comité craint que la mise en place d’une « surveillance du spectre électromagnétique », dont il est question à l’article 17 de la loi no 1621 de 2013, ne se traduise dans la pratique par des immixtions dans les communications privées effectuées au moyen du spectre électromagnétique sans qu’il ne soit procédé à une évaluation rigoureuse de la légalité, de la nécessité et de la proportionnalité. Il constate avec préoccupation que le nouveau Code de la police, qui entrera en vigueur en janvier 2017, prévoit une définition très large de l’espace public, qui englobe le spectre électromagnétique, et que l’ensemble des informations et des données recueillies dans les espaces publics sont considérées comme publiques et librement accessibles (art. 17).

L’État partie devrait :

a) Accélérer la conduite des enquêtes sur les opérations illégales de surveillance qu’auraient menées des fonctionnaires de l’ancien Département administratif de la sûreté et veiller à ce que tous les responsables rendent compte de leurs actes  ;

b) Prendre des mesures efficaces pour éviter la conduite d’opérations illégales de surveillance et veiller à ce que toutes les allégations faisant état de telles opérations illégales donnent lieu à des enquêtes et que les responsables rendent compte de leurs actes  ;

c) Adopter les mesures nécessaires pour garantir que toute immixtion dans la vie privée, y compris les immixtions qui pourraient avoir lieu dans le cadre de la surveillance du spectre électromagnétique, respecte les principes de légalité, de n écessité et de proportionnalité ;

d) Veiller à ce que l’application de la législation régissant les questions qui pourraient avoir des incidences sur la jouissance du droit à la vie privée, en particulier la loi n o  1621 et le nouveau Code de la police, satisfasse pleinement aux obligations découlant du Pacte, en particulier de l’article 17.

Recrutement militaire

Le Comité salue la jurisprudence de la Cour constitutionnelle dans laquelle celle-ci a établi que la pratique des ratissages systématiques visant à repérer les jeunes qui ne sont pas libérés de leurs obligations militaires pour ensuite les conduire vers les lieux de rassemblement revient à recourir à la détention arbitraire (décisions C-879 de 2011 et T-455 de 2014), ainsi que l’affirmation de l’État partie selon laquelle cette pratique n’a pas cours, mais il est préoccupé par les informations indiquant que des cas auraient été signalés pendant la période à l’examen (art. 9).

L’État partie devrait prendre des mesures plus énergiques pour veiller à ce que nul ne fasse l’objet d’une détention arbitraire, en particulier à des fins de recrutement militaire, notamment en renforçant la formation dispensée aux agents de la force publique, et faire en sorte que toutes les allégations de détention arbitraire fassent promptement l’objet d’enquêtes approfondies et impartiales, et que les auteurs de tels actes soient poursuivis et punis.

Usage excessif de la force dans le cadre de manifestations publiques

Le Comité est préoccupé par les allégations selon lesquelles, pendant la période à l’examen, des agents de l’escadron mobile antiémeutes de la police nationale et des militaires auraient fait un usage excessif de la force dans le cadre de manifestations publiques, qui aurait fait des morts et des blessés (art. 6, 7, 19, et 21).

L’État partie devrait poursuivre et intensifier ses efforts pour prévenir et éliminer effectivement toutes les formes d’usage excessif de la force de la part de membres des forces de sécurité, et veiller à ce que toutes les allégations portant sur de tels faits fassent promptement l’objet d’enquêtes approfondies et impartiales, et que les auteurs soient poursuivis et punis.

Actes d’intimidation, menaces ou agressions présumés visant des défenseurs des droits de l’homme, des journalistes, des syndicalistes, des fonctionnaires de justice, des avocats et des militants sociaux et des droits de l’homme

Le Comité accueille avec satisfaction la création de l’Unité nationale de protection et prend note du nombre de personnes protégées par cette Unité, mais il est préoccupé par les informations faisant état d’actes d’intimidation, de menaces ou d’agressions, y compris des assassinats, qui auraient été commis pendant la période considérée contre des défenseurs des droits de l’homme, des journalistes, des syndicalistes, des fonctionnaires de justice, des avocats et des militants sociaux et des droits de l’homme, ainsi que par les informations selon lesquelles ces actes restent largement impunis (art. 6, 7, 19, 21 et 22).

L’État partie devrait redoubler d’efforts en vue de garantir la protection efficace et en temps voulu des défenseurs des droits de l’homme, des journalistes, des syndicalistes, des fonctionnaires de justice, des avocats et des militants sociaux et des droits de l’homme qui sont l’objet d’actes d’intimidation, de menaces ou d’agressions en raison de leur action. Il devrait également intensifier ses efforts pour que toutes les allégations faisant état d’actes d’intimidation, de menaces ou d’agressions donnent lieu sans délai à des enquêtes approfondies et impartiales, et que les auteurs soient poursuivis et rendent compte de leurs actes.

Utilisation et recrutement d’enfants par des groupes armés illégaux

Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour prévenir l’utilisation et le recrutement d’enfants par des groupes armés illégaux, et pour démobiliser ces enfants et leur offrir assistance et protection. Il est toutefois préoccupé par les allégations selon lesquelles des cas d’utilisation et de recrutement d’enfants par des groupes armés illégaux auraient encore été signalés, ces cas concernant en particulier les enfants autochtones et afro-colombiens et les groupes armés illégaux apparus après la démobilisation des organisations paramilitaires. Le Comité prend note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle, conformément à la réglementation en vigueur, la force publique ne mène pas d’activités de renseignement ou d’activités civico-militaires dans lesquelles des enfants seraient engagés. Il est néanmoins préoccupé par les allégations faisant état de cas, survenus pendant la période considérée, dans lesquels des agents de la force publique auraient mêlé des enfants à de telles activités (art. 24).

L’État partie devrait poursuivre et intensifier ses efforts pour : prévenir effectivement l’utilisation et le recrutement d’enfants par des groupes armés illégaux ; garantir dans la pratique que tous les enfants ainsi utilisés ou recrutés soient traités comme des victimes, quel que soit le groupe armé illégal dont ils ont fait partie et conformément à la jurispruden ce de la Cour constitutionnelle ; faire en sorte que tous les enfants démobilisés bénéficient d’une protection et d’une prise en charge adaptées en vue de leur rétablissement physique et psychologique ainsi que du rétablissement de leurs droits  ; traduire les responsables en justice et les punir. L’État partie devrait également prendre des mesures efficaces en vue de garantir dans la pratique qu’aucun enfant ne soit utilisé dans des services de renseignemen ts ou dans des activités civico ‑ militaires.

Droits des personnes d’ascendance africaine et des autochtones

Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les personnes d’ascendance africaine et les autochtones continueraient de subir des discriminations malgré les mesures adoptées par l’État partie pour les combattre. Il est également préoccupé par les allégations faisant état de l’octroi de permis d’exploitation de ressources sur des territoires appartenant à des peuples autochtones qui auraient eu, dans certains cas, des effets négatifs sur leur mode de vie. Plus particulièrement, il est préoccupé par les informations selon lesquelles le peuple wayúu, du département de La Guajira, serait confronté à une pénurie d’eau potable. Le Comité prend note de l’adoption d’un guide pour la tenue de consultations préalables avec les communautés ethniques se trouvant dans la zone d’influence d’un projet, d’un ouvrage ou d’une activité (Directive présidentielle no 10 de 2013), mais il est préoccupé par le retard pris dans l’adoption d’une loi qui garantisse la tenue de consultations préalables avec les communautés ethniques afin d’obtenir leur consentement libre et éclairé avant l’adoption et la mise en œuvre de toute mesure susceptible d’avoir des incidences importantes sur leur mode de vie et leur culture. À cet égard, le Comité relève que le Ministère de l’intérieur est convenu avec les membres des instances nationales de consultation préalable de convoquer les premières sessions formelles visant à établir la feuille de route pour les consultations sur le projet de loi sur la consultation préalable. Le Comité prend note des exemples de consultations préalables conduites par l’État partie, mais il regrette de ne pas avoir reçu d’informations suffisantes sur l’exercice du droit à la consultation préalable conformément aux décrets nos 4633 et 4635 de 2011. Il est également préoccupé par le fait que tous les plans de protection des 34 peuples autochtones qui ont été identifiés comme étant menacés de disparition et de désintégration culturelle ou physique n’ont pas été exécutés (art. 2 et 27).

L’État partie devrait :

a) Poursuivre et intensifier ses efforts pour prévenir et combattre la discrimination à l’égard des personnes d’ascendance africaine et des autochtones, pour que les responsables d’actes de discrimination rendent compte de leurs actes et pour permettre aux personnes d’ascendance africaine et aux autochtones de jouir pleinement de leurs droits, en particulier sur les terres, les territoires et les ressources naturelles qu’ ils occupent ou utilisent ;

b) Veiller à la tenue effective de consultations préalables avec les communautés ethniques intéressées afin d’obtenir leur consentement libre et éclairé avant l’adoption et la mise en œuvre de toute mesure susceptible d’avoir des incidences importantes sur leur mode de vie et leur culture, et à ce que les communautés afro- colombiennes et autochtones soient consultées en temps utile dans le cadre de l’application de la loi n o  1448 de 2011 et des décrets n os 4633 et 4635 de 2011 ;

c) Accélérer les procédures engagées en vue de l’adoption d’une loi qui garantisse la tenue de consultations préalables avec les communautés ethniques intéressées afin d’obtenir leur consentement libre et éclairé avant l’adoption et la mise en œuvre de toute mesure susceptible d’avoir des incidences importantes sur l eur mode de vie et leur culture ; veiller à ce que cette loi soit pleinement conforme au Pacte et aux autres normes internationales per tinentes ; garantir la participation active des communau tés ethniques à son élaboration ;

d) Intensifier ses efforts pour garantir l’exécution en temps utile et effective des plans de protection des 34 peuples autochtones qui ont été identifiés comme étant menacés de disparition et de désintégration culturelle ou physique.

D.Diffusion et suivi

L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, de ses deux Protocoles facultatifs, de son septième rapport périodique, des réponses écrites à la liste des points à traiter établie par le Comité et des présentes observations finales, afin de faire connaître les droits consacrés par le Pacte aux autorités judiciaires, législatives et administratives, à la société civile et aux organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu’à l’ensemble de la population.

Conformément au paragr aphe 5 de l’article  71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie est prié de fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements pertinents sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulée s par le Comité aux paragraphes  9 (Conflit armé interne), 29 (Conditions de détention) et 39 (Actes d’intimidation, menaces ou agressions présumés visant des défenseurs des droits de l’homme, des journalistes, des syndicalistes, des fonctionnaires de justice, des avocats et des militants sociaux et des droits de l’homme).

Le Comité prie l’État partie de lui soumettre son prochain rapport périodique au plus tard le 4 novembre 2020 et d’y faire figurer des renseignements concrets et à jour sur la mise en œuvre des recommandations formulées dans les présentes observations finales ainsi que du Pacte dans son ensemble. Il prie également l’État partie d’associer largement la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays à l’élaboration de son prochain rapport périodique. Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, ce rapport ne devra pas compter plus de 21 200 mots. L’État partie a également la possibilité de choisir, d’ici au 4  novembre 2017, d’utiliser la procédure simplifiée de présentation des rapports, en vertu de laquelle le Comité remet à l’État partie une liste de points à traiter avant la soumission du rapport périodique, auquel cas les réponses à la liste de points constitueront le prochain rapport périodique de l’État partie au titre de l’article 40 du Pacte.