Nations Unies

CERD/C/DEU/23-26

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

29 juin 2020

Français

Original : anglais

Anglais, espagnol et français seulement

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Rapport valant vingt-troisième à vingt-sixième rapports périodiques soumis par l’Allemagne enapplication de l’article 9 de la Convention, attendu en 2018 * , **

[Date de réception : 30 avril 2020]

I.Section générale

1.Pour le système judiciaire et les responsables de l’action gouvernementale de l’Allemagne, la protection de tous contre le racisme et la discrimination raciste est une question exceptionnellement importante. C’est pourquoi l’Allemagne a ratifié la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale en 1969, s’engageant à lutter contre le racisme et la discrimination raciste et à faire rapport périodiquement aux organes compétents. Les préjugés, attitudes et actions discriminatoires, notamment racistes (conscients ou inconscients) persistent à des degrés divers dans la société. Les autorités et les organisations publiques ne font pas exception. La lutte contre les attitudes et la discrimination racistes est donc un problème de long terme extrêmement important et complexe, auquel l’État et la société dans son ensemble doivent s’atteler.

2.L’Allemagne a soumis son dernier rapport en 2013. Commentant ce rapport dans ses observations finales du 13mai 2015, le Comité a recommandé à l’Allemagne de présenter les rapports 23 à 26 en un seul document. La période d’examen s’étend de décembre 2012 à juin 2018. Le rapport contient également quelques renseignements qui ne sont pas liés à cette période. Conformément à la pratique établie, le rapport sera publié sur le site Web du Ministère fédéral de la justice en allemand et en anglais, tout comme les observations finales (observation finale 24 sur le dernier rapport de l’Allemagne).

3.Conformément à l’observation finale 28, le présent rapport traite de tous les points soulevés dans les observations finales (vue d’ensemble à l’annexe 1).

4.Lors de la rédaction du présent rapport, des consultations ont été organisées le 6octobre 2017 avec des représentants d’organisations de la société civile œuvrant dans le domaine des droits de l’homme – particulièrement d’organisations qui s’occupent de lutter contre le racisme et la discrimination raciste. Cette méthode (observation finale 23) a fait ses preuves dans le cadre des rapports précédents et elle constitue à présent la pratique du Gouvernement fédéral.

5.Le document de base commun de l’Allemagne contenant des informations générales a été mis à jour et soumis à l’ONU en novembre 2016 (observation finale 25). Il est accessible sur le site Web du Ministère fédéral de la justice.

II.Rapport sur le respect et la mise en œuvre des articles premier à 7 de la Convention

6.Le rejet de toutes les formes concevables de racisme et d’extrémisme est un principe fondamental de toute l’activité législative, judiciaire et administrative. Les articles premier à 7 sont systématiquement respectés et mis en œuvre en application de ce principe :

A.Article premier

7.La loi allemande offre une protection contre toutes les formes de discrimination qui relèvent de la discrimination raciale en vertu de l’article premier de la Convention. Cette protection découle avant tout du droit de toute personne au respect et à la protection de sa dignité humaine. La dignité humaine est consacrée au paragraphe 1 de l’article premier de la Loi fondamentale qui lui confère une valeur juridique suprême. L’article 3 de la Loi fondamentale est également primordial. Aux termes de son paragraphe 1, tous les êtres humains sont égaux devant la loi. Ce droit d’exiger l’égalité de traitement de la part de l’État est mis en évidence au paragraphe 3, qui énonce des interdictions spécifiques d’établir des distinctions. La première phrase du paragraphe 3 de l’article 3 de la Loi fondamentale est libellé comme suit : « Nul ne doit être discriminé ni privilégié en raison de son sexe, de son ascendance, de sa race, de sa langue, de sa patrie et de son origine, de sa croyance, de ses opinions religieuses ou politiques. » Selon la jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale, les particularités énumérées au paragraphe 3 de l’article 3 de la Loi fondamentale ne sauraient « justifier un traitement inégal devant la loi. Cette règle vaut également lorsqu’une disposition ne vise pas spécialement à créer l’inégalité de traitement interdite au paragraphe 3 de l’article 3, mais a essentiellement d’autres finalités » (BVerfGE 85, 191 <206>). Les droits à l’égalité énoncés à l’article 3 de la Loi fondamentale s’appliquent dans la même mesure aux organes exécutifs, judiciaires et législatifs, et protègent non seulement les personnes physiques, mais aussi les personnes morales nationales et les associations de personnes dans la mesure où les droits fondamentaux s’appliquent également à elles lorsque leur nature le permet (art. 19, par. 3 de la Loi fondamentale). Les constitutions des Länder prévoient des dispositions comparables. En fin de compte, ces dispositions expriment un principe fondamental qui interdit la discrimination directe et indirecte dans tous les domaines de la vie publique et s’applique aux relations juridiques entre particuliers.

8.La protection contre la discrimination raciste fait aussi l’objet d’une loi non constitutionnelle, la loi générale sur l’égalité de traitement du 18août 2006. Pour de plus amples précisions sur cette loi, voir les paragraphes 169 et suivants infra.

9.Le cadre juridique de l’Allemagne prévoit ainsi un large dispositif pour lutter contre la discrimination raciale sous toutes ses formes. Il n’est pas nécessaire que ces dispositions définissent expressément la discrimination raciale puisque sa définition figure au paragraphe 1 de l’article premier de la Convention e sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et est donc directement applicable en Allemagne. Il incombe à toutes les autorités publiques de tenir compte de la définition énoncée à l’article premier et de l’appliquer comme une loi fédérale directement applicable.

10.Avec le plan d’action national contre le racisme adopté à l’été 2017, le Gouvernement fédéral cherche à sensibiliser à la définition du racisme qui figure dans la Convention, au niveau non seulement de l’administration, des tribunaux et des services de sécurité, mais aussi du grand public. Il s’est également engagé à faire en sorte que cette définition ait valeur de norme dans le travail quotidien des autorités publiques. Dans leur domaine de compétence, les ministères doivent communiquer les renseignements utiles pour améliorer l’application concrète de la Convention lorsque le droit allemand est appliqué. Ils doivent prévoir les réunions et communiquer les instructions nécessaires à cet effet (observations finales no7c et 24).

11.Une première mesure de sensibilisation consiste en un dépliant d’information produit par le Ministère fédéral de la justice et joint au présent rapport (annexe 2). Il a été conçu pour donner aux professionnels du droit une vue d’ensemble accessible des informations clefs concernant le contenu et l’importance de la Convention. Il indique clairement à ces professionnels que la définition de la discrimination raciale qui figure à l’article premier de la Convention est directement applicable dans le droit allemand, qu’elle englobe diverses formes de discrimination − directe/indirecte, consciente/subconsciente − et qu’elle ne se limite pas aux cas impliquant l’idéologie nazie ou relevant de l’« incitation des masses » (art. 130 du Code pénal). Le dépliant est accessible sur le site Web du Ministère fédéral de la justice et a été distribué au niveau fédéral et des Länder afin de sensibiliser le personnel aux pratiques judiciaires et administratives.

12.Comme indiqué dans le précédent rapport de l’Allemagne, le mot « race » (et l’expression connexe « discrimination raciale ») fait débat en Allemagne car il pourrait être mal interprété comme signifiant qu’il existe différentes « races » humaines. Le Gouvernement fédéral tient à exprimer de nouveau qu’il rejette toute idée/théorie selon laquelle il existerait différentes races humaines. Pour éviter tout malentendu dans le présent rapport, le Gouvernement fédéral a essayé, chaque fois que possible, d’éviter l’expression « discrimination raciale » utilisée dans la Convention et dans d’autres instruments de droit international et de droit constitutionnel. L’expression « discrimination raciste » est utilisée à la place. Par souci de clarté, il a été parfois nécessaire d’utiliser les termes de « race » et de « discrimination raciale » quand la Convention ou d’autres instruments de droit international ou national étaient directement cités.

B.Article 2

13.L’Allemagne condamne toute forme de discrimination raciste et fait en sorte que les groupes de population en danger soient protégés contre celle-ci par l’État et la société civile.

1.Paragraphe 1a) et b) de l’article 2

14.L’ensemble de l’appareil d’État est lié par les articles 1, paragraphe 1, et 3, paragraphe 3, de la Loi fondamentale. Il est donc interdit à tous les organismes publics de pratiquer toute forme de discrimination à l’égard de personnes en raison de leur race.

2.Paragraphe 1c) de l’article 2

15.En Allemagne, la mise en œuvre de la Convention fait l’objet d’un suivi à différents niveaux. Les projets de loi fédéraux sont soumis à un examen juridique conformément à l’article 46 du Règlement commun des ministères fédéraux. Selon le Manuel de rédaction de la législation, cet examen porte notamment sur la compatibilité de la loi avec le droit international, en particulier la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dont fait partie la Convention. Les Länder disposent de règles de procédure équivalentes.

16.La Commissaire du Gouvernement fédéral à l’immigration, aux réfugiés et à l’intégration s’emploie également à ce que la discrimination structurelle soit reconnue et réduite dans le cadre des procédures législatives et des processus politiques. L’Allemagne participe également à des contrôles à l’échelon européen, notamment par le biais de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI). L’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) établit des rapports annuels concernant le racisme et la discrimination ethnique dans les États membres. Dans le cadre du réseau de recherche FRANET de la FRA, le point focal de l’Allemagne pour la notification est l’Institut allemand des droits de l’homme, qui collabore avec l’Europäisches Forum für Migrationsstudien.

17.La protection juridique accordée par les tribunaux est primordiale pour suivre les activités de l’État. Aux termes de la première phrase du paragraphe 4 de l’article 19 de la Loi fondamentale, quiconque est lésé dans ses droits par la puissance publique dispose d’un recours juridictionnel. Les tribunaux indépendants appliquent alors le droit interne − ycompris les dispositions de la Convention, qui ont le statut de législation fédérale. Les parties à une procédure judiciaire devant les tribunaux allemande sont donc toujours en mesure de faire valoir leurs droits découlant de conventions internationales telles que la Convention. Les tribunaux tiennent compte des exigences énoncées dans la Convention chaque fois qu’il y a une raison concrète de le faire − par exemple lorsqu’un demandeur les invoque, ou lorsque le droit national nécessite une interprétation plus poussée ou est muet sur une question décisive et que la Convention doit être consultée pour interpréter le droit.

18.Aux termes de l’alinéa 4a du paragraphe 1 de l’article 93 de la Loi fondamentale, lu à la lumière du paragraphe 1 de l’article 90 de la loi relative à la Cour constitutionnelle fédérale, quiconque affirme que la puissance étatique a porté atteinte à l’un de ses droits fondamentaux, notamment son droit à l’égalité, peut introduire un recours en matière constitutionnelle devant la Cour constitutionnelle fédérale. Par ailleurs, la Cour constitutionnelle fédérale procède à l’examen des dispositions légales dans le cadre du contrôle abstrait ou concret de la compatibilité des normes avec l’article 3 de la Loi fondamentale. Il s’agit notamment de détecter les dispositions qui constituent une discrimination raciste. Ces procédures existent également devant les cours constitutionnelles des Länder.

19.Une fois les recours nationaux épuisés, l’intéressé peut saisir la Cour européenne des droits de l’homme et faire état d’une violation de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme s’il se sent victime de discrimination dans la « jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention ». Les motifs de discrimination interdits sont, notamment, la race, la couleur, la langue, la religion, l’origine nationale ou sociale et l’appartenance à une minorité nationale.

3.Paragraphe 1 d) de l’article 2

20.Les aspects de la lutte contre le racisme relevant du droit pénal sont couverts par l’article 4 de la Convention (voir infra, par. 91 et suivants). Les actions à l’encontre des organisations à but raciste (interdiction d’associations et de partis) sont également visées à l’article 4 de la Convention (voir infra, par. 123 et suivants). Pour ce qui concerne les actions civiles contre la discrimination raciale pratiquée par des personnes privées, se reporter aux paragraphes 129 et suivants.

4.Paragraphe 1 e) de l’article 2

21.La lutte contre le racisme est un point majeur de la politique étrangère (a). En 2017, le Gouvernement fédéral a adopté un plan d’action national nouvellement révisé contre le racisme (b). Par ailleurs, le Gouvernement apporte un appui aux organisations de la société civile qui combattent le racisme (c).

Lutte contre le racisme dans le cadre des relations extérieures

22.La lutte contre le racisme s’inscrit dans la politique étrangère de l’Allemagne en matière de droits de l’homme. Y contribuent non seulement divers projets relatifs aux droits de l’homme, mais aussi de nombreux autres instruments, notamment des dialogues et des démarches sur les droits de l’homme, des déclarations de haut niveau et une diplomatie discrète, des initiatives culturelles et des actions de sensibilisation.

23.Le Gouvernement fédéral apporte un appui financier au travail du HCDH dans la lutte contre le racisme, notamment par des contributions volontaires annuelles. L’Allemagne apporte également un appui financier à des projets de collecte d’informations sur la lutte contre le racisme − par exemple la base de données relative à la lutte contre la discrimination du HCDH, lancée en septembre 2013.

24.Le Gouvernement fédéral entretient un dialogue constant avec l’ECRI, un organe du Conseil de l’Europe. Une délégation de l’ECRI s’est rendue en Allemagne lors de son cinquième cycle d’évaluation, en mars 2013, et a publié son rapport le 25février 2014. Par la suite, le 14mars 2016, le Gouvernement fédéral a présenté sa déclaration sur l’application des deux recommandations nécessitant un suivi. L’ECRI a publié une déclaration en réponse le 28février 2017, mettant ainsi fin au cinquième cycle d’évaluation. Le dialogue se poursuit avec le sixième cycle d’évaluation et il sera traité dans le prochain rapport de l’Allemagne.

25.En janvier 2014, l’Allemagne a en outre présenté son quatrième rapport sur la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, du Conseil de l’Europe (publié sur le site Web du Ministère fédéral de l’intérieur). En réponse, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a publié des recommandations en février 2016, qui ont fait l’objet de commentaires du Gouvernement fédéral publiées en 2017, mettant ainsi un terme au quatrième cycle d’évaluation de la Convention. Le cinquième rapport sera traité dans le prochain rapport de l’Allemagne sur la Convention.

26.Ces dernières années, l’OSCE a considérablement intensifié ses activités de lutte contre la discrimination raciste. L’Allemagne a assuré la présidence de l’OSCE en 2016 et, à cette occasion, a chargé l’Institut allemand des droits de l’homme de mener une étude indépendante sur la mise en œuvre en Allemagne des engagements pris par l’OSCE en matière de droits de l’homme et de démocratie. Cette « auto-évaluation » a porté notamment sur la lutte contre la discrimination et les crimes de haine. L’Allemagne a ainsi suivi l’exemple de la Suisse et de la Serbie, qui avaient été les premiers à procéder à ce type d’« auto-évaluation » pendant qu’ils assuraient la présidence de l’OSCE en 2014 et 2015. Il convient d’établir ce type de mécanisme de communication volontaire comme une bonne pratique pour le pays qui assure la présidence de l’OSCE. Le rapport de l’Institut a donné lieu à des commentaires du Gouvernement fédéral et de la société civile. Le rapport et les commentaires peuvent être téléchargés sur le site Web de l’Institut en allemand et enanglais.

27.L’Allemagne s’efforce également, dans le cadre de ses relations bilatérales, de lutter contre le racisme. Le Ministère fédéral des affaires étrangères affecte régulièrement des fonds à des projets de lutte contre le racisme. Ainsi, en 2017, un financement a été accordé à un projet d’une ONG ukrainienne qui constituait un dossier sur des dépêches attaquant les minorités dans les médias ukrainiens. Le Ministère fournit des informations aux autorités et sensibilise les journalistes à un journalisme tolérant et non discriminatoire. En outre, les projets de commémoration de l’holocauste qui reçoivent un appui du Ministère luttent contre l’antisémitisme, le racisme et l’antitsiganisme. Un des projets financés actuellement consiste à constituer des archives numériques des récits de témoins oculaires sintis et roms sur les persécutions nazies dans toute l’Europe. Grâce à des débats organisés dans différentes villes européennes, le projet sensibilise à la discrimination contemporaine des Sintis et des Roms. Le Ministère fédéral de la coopération économique et du développement finance également des projets qui visent à lutter à l’étranger contre la discrimination et le racisme. Entre mars 2017 et décembre 2018, par exemple, il a été tiré parti du Fonds régional ouvert pour le sud‑est de l’Europe − Réforme juridique pour élaborer un cours optionnel sur le droit antidiscrimination à l’intention des facultés de droit des universités et pour renforcer l’interaction régionale entre les autorités chargées de l’égalité. En 2015/2016, ce fonds a contribué à renforcer la capacité des organismes publics de lutte contre la discrimination d’assurer la protection contre la discrimination et a soutenu l’intégration de la lutte contre la discrimination à la formation juridique. Par l’intermédiaire du « service civil pour la paix », le Ministère a également apporté un appui à des projets visant à promouvoir le dialogue et à réduire les préjugés et la discrimination au Kenya, au Cambodge, dans les territoires palestiniens et au Guatemala au cours de la période considérée.

28.Le Gouvernement fédéral considère encore qu’il n’est pas approprié de signer et de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (observation finale 22). L’Allemagne a indiqué les raisons majeures de sa position en 1990, dans une déclaration déposée lors de l’adoption de la Convention par l’Assemblée générale des Nations Unies. Ces raisons demeurent valables. Par exemple, le Gouvernement fédéral estime que le terme « travailleur migrant » tel qu’il est employé dans la Convention n’est pas suffisamment précis. Il inclut les personnes qui séjournent en Allemagne de manière informelle et qui sont employées sans autorisation. Leur situation est protégée d’une façon qui va bien au-delà de l’incontestable nécessité d’assurer leur plein exercice de tous les droits de l’homme. En outre, le Gouvernement fédéral s’efforce d’intensifier la lutte contre l’emploi illégal, et la législation existante sur le séjour doit être utilisée pour lutter contre l’immigration clandestine. En outre, les droits des travailleurs migrants étaient renforcés par la transposition nationale de la directive européenne 2009/52/CE sur les sanctions à l’encontre des employeurs. Par conséquent, il n’est pas prévu de ratifier cette Convention. Toutefois, le Gouvernement fédéral estime que les migrations doivent se dérouler dans un cadre sûr, ordonné et régulier. C’est pourquoi il soutient activement le processus du Pacte mondial sur les migrations, qui vise à améliorer les possibilités de migration légale.

Question prioritaire : Programme d’action national de 2017

29.Le 14juin 2017, le Cabinet fédéral a adopté le nouveau plan d’action national contre le racisme, qui contient également un compte rendu descriptif des nombreuses activités entreprises par les Länder (voir l’annexe 3 et le site Web du Ministère fédéral de l’intérieur). Lors de l’élaboration du Plan d’action national, le Gouvernement fédéral a accordé une grande importance aux consultations avec les initiatives de la société civile et les ONG, en tenant compte autant que possible de leurs prises de position au niveau de la rédaction. D’autres consultations avec la société civile concernant la mise en œuvre du Plan d’action national en cours doivent se tenir au printemps 2020.

30.Le Plan d’action national a été entièrement reformulé à la suite de la Conférence d’examen de Durban de 2009 et il reflète les objectifs de la Conférence, en faisant référence au contexte pertinent des Nations Unies (observation finale 20). Le Groupe de travail interministériel pour la promotion de la démocratie et la prévention de l’extrémisme, dirigé par le Ministère fédéral de l’intérieur et le Ministère fédéral de la famille, des personnes âgées, de la femme et de la jeunesse (ci-après « Ministère de la famille »), est chargé de poursuivre les initiatives du Plan d’action national.

31.Le Plan d’action national a été entièrement restructuré au cours du processus de reformulation, ce qui a permis d’examiner les questions et les positions clefs à la lumière de l’évolution des réalités sociales et de prendre en compte les discours et les faits nouveaux survenus sur les plans national et international. Des sections entières du Plan d’action national sont consacrées aux actes hostiles et aux comportements discriminatoires dirigés contre certains groupes. Les domaines sélectionnés revêtent une importance sociopolitique particulière : l’antisémitisme, l’antitsiganisme, l’islamophobie, le racisme contre les Noirs et également désormais l’homophobie et la transphobie (observation finale 16). L’intersectionnalité est traitée comme un phénomène transversal en mettant particulièrement l’accent sur les femmes et les LGBTI. Le point de départ de ce Plan d’action national a été un rapport de 2017 de l’Institut de recherche interdisciplinaire sur les conflits et la violence sur les attitudes dénigrantes et les préjugés discriminatoires dans la société allemande, produit pour le compte du Ministère fédéral de l’intérieur. Une version abrégée de ce rapport figure à l’annexe III du Plan d’action national.

32.Le Plan d’action national est principalement axé sur les positions du Gouvernement fédéral et les mesures qu’il a prises ou qu’il prendra dans les domaines suivants : politique des droits de l’homme ; protection contre la discrimination et répression des infractions ; éducation (civique) ; engagement social et politique en faveur de la démocratie et de l’égalité ; diversité au travail, formation et renforcement des compétences interculturelles et sociales ; le racisme et la haine en ligne ; la recherche.

33.On trouvera de plus amples détails sur les messages et les objectifs du Plan d’action national dans les sections pertinentes du présent rapport.

Promotion des initiatives de la société civile contre le racisme

34.Faire participer la société civile est essentiel pour la lutte contre la discrimination raciste. La vue d’ensemble des programmes et des mesures qui figure ci-dessous n’est qu’un bref aperçu du soutien apporté par la société civile (il est impossible de fournir des listes exhaustives dans le cadre du présent rapport). Pour plus de détails sur les programmes mentionnés, voir le Plan d’action national.

35.Par le biais du programme fédéral « Pour une démocratie vivante ! » (lancé en 2015 ; budget : 40,5millions d’euros en 2015 ; porté à 50,5millions d’euros en 2016 ; à 104,5millions d’euros en 2017 ; à 120,5millions d’euros en 2018) géré par le Ministère fédéral de la famille, le Gouvernement fédéral apporte un appui aux initiatives de la société civile et au comportement démocratique aux niveaux municipal, régional et national. Le programme fédéral prête un appui à plus de 600programmes qui visent à combattre la violence, la haine, la radicalisation, l’extrémisme de droite, le racisme, l’antisémitisme, l’extrémisme islamique et d’autres formes de comportement antidémocratique et d’hostilité, comme l’homophobie et la transphobie.

36.Par le biais du programme fédéral « La cohésion sociale par la participation », le Ministère fédéral de l’intérieur apporte un appui à des associations et des clubs dans toute l’Allemagne pour faire en sorte que le travail de leurs bénévoles et de leurs employés corresponde aux valeurs de notre système démocratique libre. Dans le cadre des projets associés, les membres encouragent la participation démocratique et préviennent l’extrémisme, le racisme et les préjugés racistes dans les régions rurales et structurellement faibles, en utilisant les structures d’engagement civique existantes. Depuis 2016, le programme dispose d’un budget annuel de 12millions d’euros (contre 6millions d’euros avant 2016).

37.Depuis 1990, le Ministère fédéral de l’éducation et de la recherche finance le programme « Agir démocratiquement » − un concours national visant à renforcer les attitudes et la culture démocratiques dans l’enseignement quotidien et l’animation socioéducative.

38.Lancé au niveau fédéral en 1998, le « Forum contre le racisme » est une plateforme de discussion interne qui permet aux ONG et au Gouvernement fédéral d’échanger des idées sur le racisme et sur les idéologies fondées sur l’inégalité. D’importantes consultations se sont tenues ici avec les principales initiatives de la société civile dans le cadre de l’élaboration du Plan d’action national.

39.Le programme « XENOS − Intégration et diversité » − (seconde phase de financement de 2012 à 2014) a apporté un appui aux mesures de lutte contre l’exclusion et la discrimination lors de la transition entre l’école, la formation et le monde du travail. XENOS faisait partie du Plan d’action national pour l’intégration (PAN I) du Gouvernement fédéral et était financé par le Ministère fédéral du travail et des affaires sociales et le Fonds social européen (ESF) (à hauteur, respectivement, de 30millions et de 70millions d’euros). Le programme s’adressait principalement aux jeunes et aux jeunes adultes, issus ou non de l’immigration, qui rencontraient des difficultés particulières d’accès à l’enseignement, à la formation professionnelle et à l’emploi. XENOS assurait l’accès à des qualifications spéciales et à des structures renforcées pour réduire les attitudes discriminatoires et racistes, ce qui permettait notamment de fournir un appui aux migrants entrant sur le marché du travail et de les intégrer dans la société de façon durable. Lors de la deuxième phase de financement, XENOS a fait l’objet d’une évaluation académique par le Deutsches Jugendinstitut, du début de 2012 à la fin de 2014.

40.Grâce au nouveau programme « Les jeunes se souviennent », le Gouvernement fédéral renforce le travail éducatif sur les lieux commémoratifs de l’holocauste et dans les centres de documentation sur l’holocauste en aidant les uns et les autres à élaborer et à établir de manière permanente des méthodes éducatives innovantes. L’objectif est de permettre aux jeunes de développer une conscience critique de l’histoire et de se pencher sur des questions d’actualité, en développant une appréciation, par exemple, de la valeur de la démocratie et de l’état de droit. L’objectif est de lutter contre la discrimination, le racisme, l’extrémisme de droite, l’antisémitisme et l’antitsiganisme.

41.En outre, de nombreux projets sont organisés par les Länder et les autorités locales pour renforcer la société civile et lutter contre le racisme et la discrimination. Une documentation exhaustive des activités des Länder (compilée par les Länder eux-mêmes) est jointe au Plan d’action national en tant qu’annexe 3.

5.Paragraphe 2 de l’article 2

Question prioritaire : collecte de données sur la population

42.L’observation finale 6 du dernier rapport sur la Convention − qui appelle à nouveau l’Allemagne à développer la production de statistiques sur la composition de sa population, permettant de repérer et de combattre la discrimination raciste − est prise très au sérieux par le Gouvernement fédéral. Comme indiqué dans le dernier rapport, l’Allemagne n’a pas recueilli de données statistiques à caractère démographique et socioéconomique complètes fondées sur l’appartenance ethnique depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Cela est dû, en partie, au passé historique de l’Allemagne, en particulier à la persécution des minorités sous le régime national-socialiste. Compte tenu de ce contexte historique, l’Allemagne continuera à s’abstenir de recueillir des données à caractère ethnique complètes pour ses statistiques officielles. Afin de garantir qu’une base statistique suffisamment large soit néanmoins disponible pour analyser la composition de la population et sa participation à la société allemande, l’Allemagne adopte une double approche. Premièrement, les critères utilisés dans les statistiques démographiques officielles pour enregistrer l’origine des immigrants ont été affinés (voir infra, par. 43) ; deuxièmement, le Gouvernement fédéral et les Länder encouragent actuellement différentes approches explorant les possibilités de collecte de données supplémentaires sur une base volontaire (voir infra, par. 44 et suivants).

43.Les principales sources de données des statistiques démographiques officielles allemandes sont le recensement (le dernier a eu lieu en 2011) et le microrecensement annuel. Dans le cadre des deux enquêtes, les répondants sont tenus de fournir des informations. Lorsque la loi sur le microrecensement a été réformée en 2016, le critère de « nationalité et d’origine immigrée » (art. 61) no4 de la loi sur le microrecensement) a été modifié pour permettre une plus grande différenciation. En conséquence, les personnes issues de l’immigration peuvent désormais être différenciées en fonction de leur pays de naissance et de celui de leurs parents. À l’avenir, la raison principale de l’immigration devra également être indiquée (par exemple, études universitaires, formation professionnelle, réunification familiale, fuite, asile, emploi). En utilisant les raisons de l’immigration et les données relatives aux qualifications et à l’emploi (également dans le cadre du microrecensement), il est possible de tirer des conclusions sur les processus d’intégration et la participation à la société allemande. À présent, le microrecensement enregistre également les langues principalement parlées dans chaque ménage, ce qui permet une analyse plus nuancée des niveaux d’intégration. En outre, pour obtenir de meilleures données sur l’ensemble de la population issue de l’immigration, les personnes nées avec la nationalité allemande sont invitées à fournir des informations sur leurs parents qui ne vivent plus dans leur ménage.

44.Le Gouvernement fédéral est conscient que des membres de la société peuvent encore subir une discrimination raciste même s’ils ne remplissent pas le critère statistique d’être « issus de l’immigration », c’est-à-dire qu’ils ne sont pas des immigrants de première ou de deuxième génération. La recherche peut jouer un rôle important pour ce qui est d’aider à identifier ces groupes, qui sont aussi potentiellement victimes de discrimination raciste − par exemple en recueillant des données empiriques sur une base volontaire. C’est pourquoi le Gouvernement fédéral a annoncé dans le Plan d’action national qu’il examinerait si des discussions avec la société civile peuvent aider à repérer s’il est nécessaire de mener des recherches supplémentaires sur des groupes sociaux spécifiques. Un exemple de dialogue avec la communauté des chercheurs et la société civile a été la conférence qui s’est tenue en décembre 2015 sur le thème « Mesurer la société de l’immigration », organisée conjointement par la Commissaire du Gouvernement fédéral à l’immigration, aux réfugiés et à l’intégration, le Ministère fédéral de l’intérieur et l’université Humboldt de Berlin.

45.Une autre nouvelle méthode de collecte de données a été adoptée par l’étude « Expériences de la discrimination en Allemagne » réalisée par l’Agence fédérale de lutte contre la discrimination et le Ministère fédéral de l’intérieur. Les résultats ont été présentés en 2017 au grand public et − par le biais d’une soumission au Bundestag − aux décideurs politiques. L’étude est basée sur deux enquêtes menées à l’automne 2015. La première a porté sur un segment représentatif de la population, tandis que la seconde a été réalisée auprès de personnes qui avaient elles-mêmes été directement victimes de la discrimination ou témoins de ce phénomène. Dans les deux enquêtes, l’accent a été mis sur la discrimination dont les répondants avaient été victimes au cours des vingt-quatre mois précédents en Allemagne. Les deux enquêtes ont été conçues pour se compléter − toute lacune méthodologique d’une approche (par exemple, la représentativité limitée et la subjectivité évidente inhérentes au fait de ne sonder que les personnes qui ont été victimes) serait compensée par les points forts de l’autre.

46.Une étude réalisée en 2017 par l’ONG berlinoise Citizens for Europe, intitulée « La diversité dans les institutions publiques − expériences et compétences au niveau de l’encadrement », fournit un exemple concret de la manière dont les administrations publiques allemandes peuvent utiliser de nouvelles approches de recherche pour la collecte de données. L’étude a reçu un appui du commissaire à l’intégration de la ville de Berlin et de l’office régional de Berlin pour l’égalité de traitement − contre les discriminations. L’étude visait à examiner comment la discrimination raciste et l’identité des groupes potentiellement touchés peuvent être saisies de façon plus exacte dans les données. Un questionnaire facultatif en ligne a été élaboré et testé (version pilote). Afin de dresser un tableau statistique de la discrimination raciste, les participants ont été invités à décrire leur « origine ethnique » et la manière dont celle-ci était décrite par d’autres, à indiquer à quelle fréquence ils avaient été victimes de discrimination et à préciser quelles étaient selon eux les raisons de cette discrimination. L’étude révèle comment les cadres des institutions publiques berlinoises façonnent la diversité et l’égalité dans le cadre de leurs mandats et elle est suivie de recommandations concrètes visant à améliorer la situation dans ce domaine.

47.Il convient également de mentionner l’enquête multisujets publiée tous les deux ans par le Centre d’études turques et de recherche sur l’intégration pour le compte du Ministère de l’intégration de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie. L’enquête téléphonique bilingue représentative menée auprès de 1 000 personnes d’origine turque âgées de 18ans et plus en Rhénanie-du-Nord-Westphalie − étendue à 1 000 autres personnes dans d’autres Länder en 2017 − comprend une enquête standard sur les perceptions politiques et la participation cognitive, économique, sociétale et identitaire, qui est combinée à une partie thématique annuelle qui porte sur des questions spécifiques ou d’actualité. Des comparaisons peuvent être établies dans le temps pour repérer les tendances/faits nouveaux. Cela révèle des liens empiriques entre différentes questions. Cela met en évidence des corrélations précieuses pour recenser les conditions clefs de la réussite des processus d’inclusion et des politiques d’intégration pragmatiques. Les deux enquêtes portent sur la discrimination et les perceptions de celle-ci chez les personnes d’origine turque. Les résultats éclairent la prise de décisions politiques du Gouvernement du Land.

Protection de différents groupes de population

Les Sintis et les Roms d’Allemagne

48.Les Sintis et les Roms d’Allemagne − tout comme les communautés danoise, frisonne et sorabe − ont été reconnus par le législateur allemand comme une minorité nationale conformément à la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (voir supra, par. 25). En outre, les mesures visant à améliorer la situation des Roms en Europe, initiées sous la présidence hongroise du Conseil (« Stratégie européenne pour l’intégration des Roms »), sont mises en œuvre en Allemagne avec des ensembles de mesures intégrées (observation finale 17). Le Gouvernement fédéral a soumis à la Commission européenne un rapport détaillé sur ce sujet en 2011 et a depuis lors fourni des rapports annuels sur l’état d’avancement de la mise en œuvre. Ces derniers décrivent les mesures prises par la Fédération, les Länder et les municipalités pour éliminer la discrimination dans tous les domaines énumérés dans l’observation finale 17 du dernier rapport, et dans d’autres.

49.Depuis 2015, le programme fédéral « Pour une démocratie vivante ! » a financé diverses mesures locales, régionales et nationales adoptant une approche préventive et éducative face à l’antitsiganisme. Parallèlement aux mesures locales prises au titre des « Partenariats pour la démocratie », l’accent est mis sur la fourniture d’un appui au Centre de documentation culturel des Sintis et des Roms d’Allemagne pour qu’il se développe structurellement et fonctionne à l’échelle nationale. Le Centre s’inscrit dans un effort national visant à élargir la conscience historique et politique de l’antitsiganisme. Il administre des projets d’autonomisation visant à renforcer la position des Sintis et des Roms dans la société. En outre, neuf projets pilotes administrés par des organisations dans l’ensemble du pays sont actuellement financés pour mettre au point et tester des approches méthodologiques et éducatives innovantes visant à prévenir l’antitsiganisme. Un financement est également accordé au centre pour la démocratie dans chacun des Länder, qui offre des conseils aux victimes de la violence d’extrême-droite et de la violence raciste, antitsigane et antisémite. Cette mise en place de structures de conseil aux victimes de la société civile suit les recommandations de la commission d’enquête sur l’affaire de la NSU.

50.Le Mémorial des Sintis et des Roms victimes du nazisme a été érigé grâce à un financement fédéral et a été inauguré à Berlin le 24octobre 2012. Le Gouvernement fédéral s’efforce de sensibiliser au génocide perpétré contre les Sintis et les Roms. Pour commémorer le cinquième anniversaire de l’inauguration du monument, une conférence nationale intitulée « Chaque jour est la Journée des Roms − Dialogue entre la politique, les autorités et l’histoire de l’éducation en Allemagne » a été organisée le 22novembre 2017 grâce à des fonds du programme fédéral « Pour une démocratie vivante ! ». Pour plus de détails sur les autres mesures, voir le dernier rapport d’avancement.

51.Certains Länder ont en outre signé des accords-cadres avec leur association du Land du Conseil central des Sintis et des Roms d’Allemagne, tandis que d’autres Länder travaillent à la conclusion de tels accords (voir par. 33 du dernier rapport).

52.Enfin, la Commission d’experts indépendants sur l’antitsiganisme s’est réunie au Ministère fédéral de l’intérieur le 27mars 2019 dans le cadre des plans du Gouvernement fédéral pour la législature actuelle. Son mandat et ses activités seront traités dans le prochain rapport périodique de l’Allemagne.

La communauté juive d’Allemagne

53.La communauté juive d’Allemagne se définit elle-même comme une communauté religieuse, bien que tous les Juifs ne soient pas membres d’une organisation religieuse. Aujourd’hui, la communauté juive d’Allemagne compte quelque 98 500 personnes. La plupart des communautés juives locales (au nombre de 105) sont représentées politiquement par le Conseil central des Juifs d’Allemagne, qui reçoit chaque année de la Fédération un financement pour s’acquitter de son mandat national et mener d’autres activités. L’Union des Juifs progressistes d’Allemagne représente 27autres communautés juives qui adhèrent à une forme libérale progressiste du judaïsme. La Fédération, outre le financement contractuel du Conseil central, promeut la vie juive en Allemagne par le biais de financements institutionnels et du financement de projets. Comme toutes les autres communautés religieuses, les organisations juives jouissent de la liberté de religion (art. 4 de la Loi fondamentale, art. 9 de la Convention pour la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales et art. 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques). Les communautés locales, les associations de Land et le Conseil central des Juifs d’Allemagne sont en outre reconnus comme des personnes morales de droit public dans chaque Land. Cela leur confère un statut constitutionnel spécial qui leur garantit des privilèges, par exemple l’exonération de certains impôts ou taxes. Les relations entre les associations communautaires des Länder et les Länder eux-mêmes sont régies par des contrats qui prévoient un soutien financier accordé aux associations.

54.Des enquêtes indiquent une mentalité antisémite latente chez environ 20 % des Allemands dans tous les secteurs de la société, y compris le « centre ». Cependant, l’antisémitisme n’a pas seulement des répercussions sur le nombre relativement faible de Juifs vivant en Allemagne et de touristes juifs. Il menace la société dans son ensemble, ouvrant la voie à d’autres types d’hostilité à l’égard de groupes, visant non seulement les Juifs mais aussi ceux qui sont perçus comme juifs ou « amis des Juifs », et s’accompagnant d’une vision du monde qui rejette la modernité et la démocratie. En conséquence, on observe une tendance à la brutalisation et à la diminution de la sensibilité − surtout dans le domaine du langage.

55.En outre, les infractions antisémites sont une réalité constante, avec une augmentation de près de 20 % entre 2017 et 2018 (2018 : 1 799 ; 2017 : 1 507 ; 2016 : 1 468). Bien qu’elles ne s’inscrivent pas dans la période couverte par le présent rapport, les attaques du 9octobre 2019 à Halle-sur-Saale doivent être mentionnées. Le Gouvernement fédéral condamne catégoriquement ces crimes et partage les préoccupations exprimées par les organisations juives à la suite de ces événements. Des incidents antisémites isolés au cours du premier semestre 2018 − par exemple l’attaque par un Syrien d’un homme portant une kippa à Berlin − ont attiré l’attention de nombreux médias et ont alimenté la crainte que des formes musulmanes et anti-israéliennes d’antisémitisme aient considérablement augmenté suite à l’afflux de réfugiés. Toutefois, les statistiques de l’Office fédéral de police criminelle sur les infractions à caractère politique ne confirment pas cette tendance. Sur 1 799 infractions antisémites commises en Allemagne en 2018, près de 90 % (1 603 infractions) étaient motivées par une idéologie d’extrême-droite.

56.En raison de son histoire, l’Allemagne porte une responsabilité particulière envers sa population juive. La lutte contre l’antisémitisme sous toutes ses formes est une priorité du Gouvernement fédéral. En janvier 2015, un comité d’experts indépendants sur l’antisémitisme s’est réuni pour la deuxième fois avec le soutien de tous les groupes parlementaires alors au Bundestag. Il a présenté un rapport (comprenant des recommandations sur des mesures à prendre) qui a été discuté au sein du Cabinet fédéral le 29mars 2017 puis soumis au Parlement pour un examen plus approfondi. Le rapport met en évidence les diverses manifestations de l’antisémitisme dans différents contextes sociaux, examine les perceptions de l’antisémitisme du point de vue juif et décrit les efforts déployés par l’État et la société civile pour combattre et prévenir l’antisémitisme, tout en soulignant les limites et les lacunes existantes. Ces recommandations ont suscité un débat politique en Allemagne.

57.Le comité d’experts a également souligné l’importance des approches éducatives et préventives du programme fédéral « Pour une démocratie vivante ! » en matière de lutte contre l’antisémitisme. Différentes mesures portant principalement sur les formes contemporaines d’antisémitisme sont financées, favorisant des structures durables au sein de la société civile et apportant un appui à des projets pilotes. Trois organisations qui luttent contre l’antisémitisme au niveau local et qui reçoivent des fonds au titre du programme pour étendre leurs activités au niveau fédéral méritent une mention spéciale : 1)le Centre Anne Frank (pour l’éducation historique et politique) ; 2)l’Initiative de Kreuzberg contre l’antisémitisme (pour une société ouverte à l’immigration) ; et 3)le Bureau central d’aide sociale aux Juifs d’Allemagne (pour la sensibilisation critique à l’antisémitisme et l’autonomisation de la communauté juive). RIAS − qui surveille les incidents antisémites et offre un soutien aux victimes − est financé par le programme fédéral et le programme régional de Berlin « Démocratie, Diversité et respect contre l’extrémisme de droite, le racisme et l’antisémitisme ». Les « Semaines de campagne contre l’antisémitisme », la manifestation similaire mais annuelle intitulée « Conférence sur les points de vue » et diverses mesures individuelles (notamment par le biais de « partenariats pour la démocratie » locaux) reçoivent également un financement. Vingt projets pilotes administrés par différentes organisations qui développent et testent des approches méthodologiques et éducatives, ainsi que des formes de travail innovantes en matière de prévention de l’antisémitisme sont actuellement financés en Allemagne. Onze autres projets pilotes financés visent à prévenir l’antisémitisme dans d’autres domaines, par exemple ceux intitulés « Activisme et diversité dans le monde professionnel et le monde des entreprises », « Promotion de la démocratie dans l’éducation », « Vivre ensemble dans un pays d’immigration » et « Renforcement de l’activisme en ligne − lutte contre la haine en ligne ».

58.L’une des principales demandes du comité d’experts a été mise en œuvre au cours de cette législature : le 1ermai 2018, l’Ambassadeur Felix Klein a été nommé commissaire du Gouvernement fédéral chargé de la vie juive en Allemagne et de la lutte contre l’antisémitisme, si bien qu’un engagement de l’accord de coalition de 2018 a été tenu.

59.Le Commissaire, qui travaille avec les différents ministères fédéraux, coordonne les mesures du Gouvernement fédéral visant à lutter contre l’antisémitisme. De plus, il sert d’interlocuteur pour les groupes juifs et les organisations communautaires et d’intermédiaire entre la Fédération, les Länder et la société civile dans le cadre des efforts qu’ils déploient pour lutter contre l’antisémitisme. Le Commissaire coordonne également un comité permanent de la Fédération et des Länder composé de représentants des organes compétents et contribue à sensibiliser les citoyens aux formes actuelles et historiques de l’antisémitisme par le biais d’actions de sensibilisation et d’éducation civique et culturelle.

60.Des commissaires ont également été nommés dans différents Länder. Dans le Bade‑Wurtemberg, Michael Blume a pris ses fonctions de « commissaire à la lutte contre l’antisémitisme » le 19mars 2018. Par décision de la Chambre des représentants de Berlin du 31mai 2018, Berlin s’est engagée à mettre au point un concept régional de prévention de l’antisémitisme faisant appel à la participation des organisations juives et de la société civile. En outre, le 1erseptembre 2018, un poste de commissaire à l’antisémitisme a été créé au sein du bureau du Procureur général de Berlin. Depuis sa première nomination en mai 2018, le Commissaire bavarois à la vie juive et à la lutte contre l’antisémitisme, à la mémoire et au patrimoine historique sert d’intermédiaire entre la société civile et le Gouvernement de l’État, stimulant et soutenant de manière non bureaucratique l’action gouvernementale contre l’antisémitisme.

61.Le 20septembre 2017, le Gouvernement fédéral a adopté la définition de l’antisémitisme de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’holocauste sous une forme élargie. Bien que cette définition ne soit pas juridiquement contraignante, son approbation politique par le Gouvernement fédéral souligne la volonté résolue de ce dernier de lutter contre l’antisémitisme sous toutes ses formes. La définition opérationnelle élargie doit être examinée de façon particulière dans l’enseignement scolaire et l’éducation des adultes, ainsi que dans la formation des membres du système judiciaire et de l’administration.

Les musulmans d’Allemagne

62.Au 31décembre 2015, entre 4,4 et 4,7millions de musulmans vivaient en Allemagne, représentant entre 5,4et 5,7 % de la population totale, qui s’élevait à 82,2millions d’habitants. Environ 1,2million de musulmans supplémentaires sont venus en Allemagne entre 2011 et 2015. La proportion de musulmans issus de l’immigration turque est passée de 67,5 % en 2011 à 50,6 % en 2015. Si la Turquie reste le pays d’origine le plus important, la moitié de la population musulmane vient d’un autre pays. Les nouveaux immigrants musulmans sont en grande partie originaires de régions qui ne sont pas encore fortement représentées en Allemagne : le Moyen-Orient, l’Asie du Sud et du Sud-Est et l’Europe du Sud-Est. En revanche, la plupart des musulmans d’origine turque vivent en Allemagne depuis pas mal de temps.

63.La vie des musulmans en Allemagne est très diversifiée en termes de confession religieuse, d’appartenance religieuse, de pratique religieuse et de pays d’origine. Il n’existe pas de statistiques actuelles sur les courants auxquels appartiennent les musulmans en Allemagne. Selon l’étude « La vie des musulmans en Allemagne » réalisée en 2009 par l’Office fédéral des migrations et des réfugiés (BAMF), la confession la plus courante était de loin le sunnisme (environ 75 %), suivie par l’alévisme (environ 13 %) et le chiisme (environ 7 %). Il n’existe pas de structure organisationnelle unifiée pour tous les musulmans ni d’association faîtière habilitée à s’exprimer au nom de tous les groupes. La plupart des associations islamiques ont le statut juridique d’association enregistrée. En 2012, l’Allemagne comptait 2 350 communautés islamiques. On ne dispose pas de chiffres plus récents.

64.Les musulmans vivant en Allemagne ne forment pas un groupe ethnique homogène. L’élément qui les unit est la foi musulmane. Les musulmans sont exposés à la discrimination ou en font l’expérience non seulement parce qu’ils sont majoritairement issus de l’immigration, mais aussi en raison de leur religion. Outre les attaques contre les mosquées, de nombreuses études indiquent l’existence d’un scepticisme à l’égard des personnes de confession musulmane, qui peut aller jusqu’au rejet franc.

65.La Fédération et les Länder mettent le dialogue avec les musulmans d’Allemagne au cœur de leur politique d’intégration. Par la Conférence islamique allemande, fondée en 2006, le Ministère fédéral de l’intérieur a institutionnalisé de façon durable le dialogue entre l’État (Fédération, Länder et municipalités) et les représentants des musulmans d’Allemagne. L’objectif est d’améliorer l’intégration des musulmans dans le pays, tant en termes institutionnels (en vertu de la loi sur les communautés religieuses) que sociaux. Le dialogue instauré au sein de la Conférence islamique allemande permet par ailleurs d’améliorer les relations entre la communauté musulmane et la population majoritaire. La Conférence a donné lieu, notamment, à l’adoption de différentes recommandations, par exemple des propositions pour des reportages médiatiques plus nuancés et sans préjugés sur les musulmans et l’islam, l’islam comme matière d’enseignement régulière dans les écoles, pour la création d’un cycle d’études de la théologie islamique à l’université, sur la construction et le fonctionnement des mosquées en Allemagne, sur les enterrements islamiques et sur la conciliation des questions de pratique religieuse avec la vie scolaire quotidienne. La Conférence a également mis l’accent sur la formation des imams, l’égalité des sexes, la prévention de l’islamophobie et la prévention de l’antisémitisme chez les personnes de confession musulmane.

66.Au cours de la dernière législature, la Conférence a élaboré des recommandations sur la guidance spirituelle dans les institutions publiques et sur les services sociaux musulmans. Cela montre que les musulmans sont tout à fait chez eux en Allemagne et que leur participation sociale est bienvenue et normale. Cela inclut le recours à des services sociaux tels que la garde d’enfants et les soins aux personnes âgées. L’un des résultats obtenus par la Conférence a été le fait que plusieurs organisations musulmanes se sont jointes à l’association « Centre de compétences islamiques pour la protection sociale » à l’automne 2016 afin de promouvoir les services sociaux islamiques. Dans la phase actuelle, la Conférence se penchera sur l’intégration des immigrants de confession musulmane nouvellement arrivés.

67.Sur la base des recommandations de la Conférence (2009) et du Conseil scientifique (2010), des instituts universitaires de théologie islamique ont été établis à Erlangen-Nuremberg, à Francfort-Gießen, à Münster, à Osnabrück et à Tübingen. Le Ministère fédéral de l’éducation et de la recherche appuie financièrement ces cinq instituts pour une période de dix ans à hauteur de 36millions d’euros et affecte 8millions d’euros supplémentaires à la facilitation du réseautage entre eux et à la promotion des échanges avec le monde universitaire et le grand public.

68.En outre, en 2010, le secteur d’activité « Travail de prévention auprès des jeunes » a été mis en place au sein de la Conférence pour la prévention universelle de l’islamophobie, de l’antisémitisme et de l’islamisme (en tant que forme d’extrémisme religieux chez les musulmans). Il s’agissait de fournir un soutien pratique à ceux qui effectuent un travail de prévention universelle, en particulier auprès des jeunes. Les résultats ont été pris en compte lors de la conception du programme fédéral « Pour une démocratie vivante ! ». Par exemple, l’islamophobie et la haine des musulmans ont été incluses dans le programme fédéral en tant que thème distinct en 2015. Des stratégies éducatives pratiques visant à prévenir l’islamophobie et à donner des moyens d’action aux personnes touchées sont élaborées et testées au titre des projets pilotes financés par le programme fédéral.

Les Noirs d’Allemagne

69.Étant reconnaissables comme appartenant à une minorité, les Noirs sont particulièrement vulnérables au racisme. On estime que la communauté noire compte entre 200 000 et 300 000 personnes au moins. Pour plus de détails, veuillez vous reporter aux informations sur les statistiques, paragraphes 42 et suivants.

70.Le Gouvernement fédéral a saisi l’occasion de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine (2015-2024) pour renforcer la surveillance du racisme à l’égard des Allemands noirs et prendre des mesures répressives (observation finale 21).

71.En Allemagne, la Décennie internationale a été lancée par un événement organisé en juin 2016 au Ministère fédéral de la famille, accueilli par l’Agence fédérale de lutte contre la discrimination et organisé en collaboration avec le Conseil central de la communauté africaine et « Engagement global ». Ce sont des organisations de la société civile qui ont marqué le lancement de la Décennie. La conférence sur le thème « Les droits de l’homme en pratique : les expériences des personnes d’ascendance africaine en Allemagne » s’est tenue en présence du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, et Karamba Diaby, membre du Parlement, a prononcé une allocution.

72.Afin de mettre en œuvre les objectifs de la Décennie, diverses mesures et manifestations continueront de bénéficier d’un soutien à l’avenir − notamment au titre du programme fédéral « Pour une démocratie vivante ! » du Ministère fédéral de la famille. Un bon exemple est l’association « Each one teach one » (EOTO), qui, depuis 2017, a reçu un soutien pour mener à bien sa transformation structurelle afin de devenir une organisation centrale au sein du programme « Pour une démocratie vivante ! ». EOTO est un projet communautaire d’éducation et d’autonomisation à Berlin, qui s’efforce d’offrir aux Noirs (en particulier aux enfants et aux jeunes) un meilleur accès à l’éducation. Un exemple d’appui à un projet pilote de lutte contre l’hostilité envers un groupe est le financement accordé à NARUD, un projet visant à lutter contre la discrimination et le racisme, à signaler les incidents et à renforcer l’ouverture interculturelle dans la société. Au moyen de mesures éducatives, le projet pilote promeut l’autonomisation des victimes et des autres personnes potentiellement touchées, le courage civil et la sensibilisation à la diversité au niveau des quartiers. Les enseignements tirés des projets sont recueillis et traités dans un centre de compétence affilié. Ces enseignements seront publiés dans un manuel et les informations pertinentes et actualisées sur la lutte contre la discrimination seront diffusées via smartphone. Un autre exemple est le projet « Dialogue africain − réseautage et professionnalisation de groupes d’immigrants africains auto-organisés en Rhénanie-du-Nord-Westphalie » administré par le réseau de parents de Rhénanie-du-Nord-Westphalie − L’intégration ensemble.

73.Le nouveau Plan d’action national, adopté par le Cabinet fédéral en juin 2017, fait pour la première fois référence au racisme anti-Noirs en tant que phénomène d’hostilité à l’égard d’un groupe.

74.Les Länder ont également saisi l’occasion de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine pour prendre diverses mesures. Ainsi, le Land de Berlin mentionne explicitement la mise en œuvre de la Décennie des Nations Unies dans son accord de coalition et met fortement l’accent sur la coopération avec les groupes auto‑organisés. En février 2018, un processus de consultation avec ces groupes a été lancé sur la manière d’accroître la visibilité et d’enregistrer les cas de discrimination dont sont victimes les personnes d’ascendance africaine. Ce processus est intersectoriel et examine divers domaines, dont l’éducation, la justice, la police, le logement, l’emploi et la culture. Le processus est coordonné et suivi sur le plan académique par l’équipe Diversifying Matters de l’association « Generation Adefra ». En Saxe, les efforts déployés pour et par les personnes d’ascendance africaine sont encouragés par le biais du programme « Mesures d’intégration », par exemple en apportant un appui au club de jeunes « Spike » (Altstrehlen1) ainsi qu’à l’association Afropa et au Centre pour l’amélioration de la situation socioéconomique et le développement de l’éducation en Afrique.

75.Le Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine s’est rendu en Allemagne en février 2017. Le Gouvernement fédéral a prêté un appui à cette visite en organisant un vaste programme de visites dans différents Länder. Le 15août 2017, le Groupe de travail a soumis son rapport de visiteet le Gouvernement fédéral a répondu par une déclaration le 21août 2017. Les recommandations énoncées dans le rapport ont alimenté le débat sur les mesures de lutte contre la discrimination à l’égard des personnes d’ascendance africaine qui seraient prises à l’avenir.

Discrimination croisée

76.L’intersectionnalité renvoie aux effets conjugués de différentes formes de discrimination. La discrimination multiple peut toucher des personnes qui appartiennent (ou sont supposées appartenir) à plus d’un groupe. Cela peut se produire lorsque, par exemple, la discrimination sexiste et la discrimination raciste coexistent. Du fait que les formes de discrimination croisée peuvent s’influencer et se renforcer mutuellement, elles représentent davantage que simplement la somme de toutes les formes additionnées. Le Gouvernement fédéral estime donc qu’il est particulièrement nécessaire de considérer les effets de la discrimination raciste et sexiste − par exemple à l’égard des femmes, des personnes issues de l’immigration et des LGBTI − dans le cadre de l’intersectionnalité (observation finale16). Pour cela, le Plan d’action national adopte délibérément un point de vue intersectionnel et a introduit une nouvelle section sur les mesures de lutte contre l’homophobie et la transphobie.

77.L’un des objectifs du Gouvernement fédéral, tel que défini dans le Plan d’action national, est de sensibiliser le public à l’intersectionnalité (observation finale 16). En outre, les chercheurs doivent accorder une attention accrue à la discrimination multiple et à l’intersectionnalité. Par exemple, le Ministère fédéral de l’intérieur analyse actuellement les données recueillies dans le cadre de l’étude de l’Agence fédérale de lutte contre la discrimination intitulée « Expériences de la discrimination en Allemagne » (voir supra, par. 45) sur les expériences de discrimination fondée sur l’identité sexuelle, qui met l’accent sur la discrimination intersectionnelle.

78.La Fondation Bundesstiftung Magnus Hirschfeld administre également un projet spécial sur l’intersectionnalité. Elle a pour mission de promouvoir l’éducation, la science et la recherche afin de lutter contre la discrimination sociétale à l’égard des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenre, intersexes ou queers. Son projet « Réfugiés et queers : l’éducation politique à l’interface entre LGBTTIQ et vol/migration/asile » existe depuis 2016. Ce projet de formation et de réseaux géré par la Fondation cible les multiplicateurs qui prennent part au travail éducatif au niveau de cette interface. De nombreuses organisations, initiatives et institutions LGBTTIQ ont commencé à élaborer des stratégies de soutien pour apporter une réponse appropriée aux réalités complexes et aux multiples discriminations auxquelles sont confrontés les réfugiés LGBTTIQ. De plus, de nombreux réfugiés queers ont mis en place leurs propres initiatives ou se sont engagés activement (sur une base volontaire ou à titre professionnel) dans des organisations LGBTTIQ existantes. S’appuyant sur cette dynamique, le projet vise à encourager les réseaux nationaux d’individus, de projets ou d’initiatives qui prennent part au travail éducatif à l’interface entre LGBTTIQ et vol/migration/asile, et à développer des modalités de formation adaptées aux besoins spécifiques. Depuis le début du projet, de nombreux ateliers, réunions de réseau et cours de formation et une conférence ont eu lieu.

79.L’intersectionnalité joue également un rôle important au niveau des Länder, comme en témoigne le large éventail existant de projets et d’initiatives.

C.Article 3

Le marché du logement et les infrastructures dans la politique d’intégration

80.L’objectif de la politique d’intégration de l’Allemagne est de combattre efficacement la ségrégation sociale, ethnique et économique. Environ 18,6millions de personnes issues de l’immigration vivent en Allemagne, dont un grand nombre dans des zones urbaines. Dans certaines grandes villes, environ 30 % de la population actuelle est issue de l’immigration.

81.Les environnements résidentiels et les espaces publics, les infrastructures publiques et privées et le logement constituent un cadre important pour la coexistence sociale et une intégration réussie.

82.Les localités où se côtoient plusieurs groupes de population existent de longue date en Allemagne. La stabilité sociale dans les quartiers est mieux assurée par un mélange, par exemple des résidents jeunes avec des résidents âgés, des ménages à revenus élevés avec des ménages à revenus peu élevés. Les logements sociaux contribuent à ce mélange de manière significative. Lors de la planification initiale et de l’octroi des fonds, on veille soigneusement à ce que les logements sociaux soient répartis dans l’ensemble d’une zone urbaine afin d’éviter la ségrégation. Les structures résidentielles socialement stables jouent également un rôle dans l’attribution de logements subventionnés.

83.Les structures sociales posant un problème au sein de certains quartiers peuvent également être évitées ou corrigées si l’on veille, lors de l’attribution de logements, à faire en sorte qu’il y ait, jusqu’à un certain point, une mixité sociale. Une condition préalable est toutefois une certaine latitude dans le choix des locataires. La création d’une telle latitude est l’objet de la clause d’exception qui figure au paragraphe 3 de l’article 19 de la loi générale sur l’égalité de traitement. La loi garantit l’égalité de traitement dans la sélection des locataires, mais cette disposition permet de traiter différemment les groupes de population lors de l’attribution des logements, si nécessaire, pour créer des structures résidentielles socialement stables et des ensembles immobiliers équilibrés, ainsi que des environnements économiques, sociaux et culturels équilibrés. Toutefois, elle n’autorise pas les pratiques discriminatoires pour ce qui est d’offrir ou de donner en location un logement ; elle sert plutôt à renforcer la cohésion sociale et−sous réserve de respecter des conditions strictes − vise à prévenir la formation de ghettos et la marginalisation ethnique, et ainsi d’éviter des milieux de vie qui pourraient avoir des effets préjudiciables sur les résidents actuels ou futurs. Elle ne peut être utilisée pour justifier une sous-représentation de certains groupes. De fait, l’article 19, paragraphe 3 de la loi sert l’idée de la ville européenne qui va dans le sens d’une intégration et d’une coexistence des cultures sans marginalisation mutuelle (cf. imprimé du Bundestag 16/1780, p. 22).

84.Indépendamment de structures résidentielles de certains quartiers, la discrimination à l’égard des groupes de population issus de l’immigration a été prouvée dans des études, en particulier dans les zones urbaines ou les arrivées sont importantes. En ce sens, la discrimination ne se limite pas à l’égalité d’accès à l’espace résidentiel ; elle doit plutôt être comprise de manière plus large pour inclure les conditions de location, la qualité du logement, la coexistence de voisinage et les possibilités de participation à la vie du quartier. Le Land de Berlin a fait face à ce problème en créant un bureau intitulé « Louer de façon juste − vivre de façon juste », qui offre des conseils et encourage les réseaux pour créer une culture de la location sans discrimination à Berlin.

85.Combinant les politiques urbaines, économiques, sociales et écologiques, l’aide au niveau fédéral et des Länder affectée à l’urbanisation joue un rôle particulièrement important dans la promotion de l’intégration des personnes issues de l’immigration − en particulier le programme « Ville sociale ». Ce programme aide les villes à créer des quartiers vivables, à promouvoir l’intégration et la coexistence de voisinage. Les Länder et les municipalités sont chargés de la mise en œuvre du programme et donc également du choix des quartiers. Cela garantit que les décisions touchant à l’endroit où se situe la demande sont bien prises localement. Les investissements dans les centres de quartier, l’amélioration du cadre de vie, la gestion des quartiers et la facilitation de la création de réseaux, par exemple, sont importants pour que les quartiers soient socialement justes et améliorent l’intégration des nouveaux arrivants. Le programme d’intégration sociale « Ville sociale », qui s’inscrit dans le cadre de l’aide au développement urbain, se poursuit et sous‑tend la « Stratégie interdépartementale pour une ville sociale » adoptée en 2016. Au titre de cette dernière, les quartiers ayant des besoins d’intégration importants bénéficient d’un appui plus ciblé au moyen du regroupement local de fonds provenant d’autres départements, qui sont coordonnés plus efficacement. À ce jour, 891« mesures globales » dans 513villes et communes ont été incluses dans le programme de la Fédération et des Länder. Un financement de 190millions d’euros a été accordé en 2018.

86.La Fédération et les Länder appuient également l’intégration des personnes issues de l’immigration par le biais du pacte d’investissement « Intégration sociale dans les quartiers », qui date de 2017. Ce programme renforce l’intégration sociale et la cohésion sociétale dans les villes et les communautés afin de permettre à tous les groupes de population de participer à la vie publique. Les investissements transforment les organisations communautaires en lieux d’intégration et de cohésion sociales. Un budget annuel de 200millions d’euros a été alloué à cette fin entre 2017 et 2020.

87.L’office de lutte contre les discriminations en Saxe a réalisé une étude sur la discrimination raciste sur le marché résidentiel du Land, en faisant un test sur la discrimination cachée. Dans le test, au moins deux personnes comparables sur tous les points pertinents pour une décision ont été mises dans la même situation. Elles ne différaient que par une seule caractéristique à même de les rendre vulnérables à la discrimination. La comparaison de situations sociales − dans ce cas la recherche d’un appartement − permet d’analyser la manière dont la discrimination se produit et ses effets (qualitatifs). Ce type d’étude, en particulier en incluant des évaluations anonymes de dossiers dont des services de conseil antidiscrimination sont en possession, permet de saisir plus précisément « comment » la discrimination se produit et de cibler davantage l’action des administrations. L’étude a permis de constater que la discrimination était clairement présente dans 60 % des cas ; dans 22,5 % l’évaluation n’a pas été possible et dans 17,5 % des cas aucune discrimination n’a eu lieu. L’office de lutte contre les discriminations a également formulé des recommandations d’action sur la base des résultats de l’étude.

Hébergement des demandeurs d’asile et des personnes tenues de quitter le pays

88.En vertu de l’article 47, paragraphe 1, de la loi relative à l’asile, de manière générale les demandeurs d’asile sont tenus de vivre dans le logement qui leur est attribué pour une durée maximale de six mois. Les demandeurs d’asile provenant de pays d’origine sûrs sont les seuls tenus, de manière générale, de vivre dans le logement qui leur est attribué (art. 47 (1a) de la loi relative à l’asile) jusqu’à ce que l’Office fédéral des migrations et des réfugiés se prononce sur leur demande d’asile et, si cette dernière est rejetée comme manifestement infondée ou irrecevable, d’y rester jusqu’à ce qu’ils quittent le pays ou que la notification ou l’ordre d’expulsion ait été exécuté.

89.L’article 47(1b) de la loi relative à l’asile a été complété par la loi pour une meilleure exécution de l’obligation de quitter le territoire fédéral, entrée en vigueur le 29juillet 2017 (Journal officiel fédéral, partie I, p. 2780). Cette disposition permet aux Länder d’obliger les demandeurs d’asile dont la demande a été rejetée comme manifestement infondée ou irrecevable à vivre dans un logement donné jusqu’à leur départ du pays ou jusqu’à leur expulsion, mais pour une durée maximale de vingt-quatre mois. Le mémoire explicatif qui accompagne la loi précise que ces règles, en tant que lex specialis fondée sur la disposition applicable aux personnes originaires de pays d’origine sûrs (al. 1bis), permettent aux Länder de prévoir une période d’hébergement obligatoire plus longue que les six mois prévus à la sous-section 1 pour les demandeurs d’asile n’ayant aucune perspective de rester en Allemagne. Cette mesure vise en particulier à éviter qu’une résiliation imminente du titre de séjour ne devienne inutilement compliquée parce que l’étranger est tenu de changer de résidence. Le droit (constitutionnel) de chaque Land détermine la forme sous laquelle il établit ces règles. Certains Länder n’ont pas du tout fait usage de cette possibilité. Dans d’autres, par exemple en Saxe-Anhalt, le placement dans un logement collectif est en principe possible pour les personnes dont l’expulsion a été temporairement suspendue ; toutefois, la première phrase de l’article premier, paragraphe 5, de la loi de Saxe-Anhalt sur l’accueil dispose ensuite que le placement se fasse dans des établissements d’hébergement collectif avec le moins de résidents possible. Ils peuvent également être logés dans des logements résidentiels. Le fait que plus de 60 % des étrangers en Saxe-Anhalt qui ne sont pas autorisés à rester de façon permanente soient actuellement logés dans des logements résidentiels montre que ce règlement est appliqué avec souplesse. Dans tous les cas, les règles de droit fédéral des articles 48 à 50 de la loi relative à l’asile ne sont toutefois pas affectées, c’est-à-dire que le demandeur d’asile doit être autorisé à quitter le logement si l’Office fédéral des migrations et des réfugiés ne peut pas décider, ou ne peut pas décider en temps voulu, si une demande d’asile est irrecevable ou manifestement infondée.

D.Article 4

90.L’Allemagne lutte contre toutes les formes de propagande raciste en appliquant le droit pénal de façon systématique et résolue (1). En outre, un suivi étroit et minutieux est en place pour déterminer si les organisations et associations ont ou développent des tendances racistes. Si tel est le cas, des mesures sont prises à leur encontre (2). Une mission essentielle de l’Allemagne est d’exclure toutes les formes de discrimination raciste de toutes les autorités publiques (3).

1.Article 4 a)

91.Il existe des dispositions pénales complètes en vigueura)qui sont appliquées dans les procédures judiciairesb) et les procédures d’enquêtec) pour lutter contre les infractions racistes. La Fédération et les Länder attachent une grande importance à une action décisive contre les infractions motivées par le racisme ; c’est l’une des raisons pour lesquelles l’enregistrement statistique des crimes de haine est étendu plus avantd) ; voir également la déclaration sur l’observation finale 9d.

Fondements juridiques

92.L’article 86 du Code pénal incrimine la diffusion de matériel de propagande pour des organisations anticonstitutionnelles. L’article 86a du Code pénal dispose que l’utilisation des emblèmes de certains partis et associations ou organisations interdits par la Cour constitutionnelle fédérale ou par décision définitive des autorités compétentes, en particulier les anciennes organisations nazies, est passible de poursuites pénales. L’infraction d’incitation des masses (art. 130 du Code pénal), qui inclut également l’incitation à la haine raciale, reste l’une des dispositions les plus importantes du Code pénal pour lutter contre la propagande raciste, xénophobe et d’extrême droite. L’alinéa 1 du paragraphe 1 souligne les cas courants où la disposition est appliquée, à savoir l’incitation contre « des groupes nationaux, raciaux, religieux ou définis par leur origine ethnique ». L’incitation à la haine à caractère raciste contre un individu constitue également une infraction d’incitation des masses.

93.Depuis le 1eraoût 2015, suite à la promulgation de la loi du 12juin 2015 relative à la mise en œuvre des recommandations de la commission d’enquête de la dix-septième législature du Bundestag allemand sur le groupe terroriste « National-Socialiste clandestin » (NSU), « les motivations racistes, xénophobes ou autres attestant un mépris de la personne humaine » ont été expressément portées au nombre des éléments à prendre en considération aux fins de la détermination des peines à imposer, qui sont énoncés à la deuxième phrase de l’article 46 (par. 2) du Code pénal. L’expression « ou autres attestant un mépris de la personne humaine » recouvre également la discrimination pour d’autres motifs. Ces motifs sont généralement considérés comme des circonstances aggravantes pour le prononcé de la peine. Les Lignes directrices relatives aux procédures pénales et aux procédures d’imposition d’une amende administrative, qui sont contraignantes pour les fonctionnaires de police et les procureurs ont été modifiées (no15, par. 5) pour disposer que s’il existe des indications de motifs racistes, xénophobes ou autres attestant un mépris pour l’humanité, l’enquête doit être étendue de façon à inclure ces circonstances. Le Gouvernement fédéral a fourni des informations détaillées sur ces réformes dans sa note d’information sur les observations finales nos10 et 19, transmise le 13septembre 2016.

Application des dispositions pénales − Question prioritaire : enregistrement statistique des crimes de haine

Application des dispositions pénales dans les procédures judiciaires (statistiques judiciaires)

Condamnations prononcées en application des articles 86, 86a et 130 du Code pénal

94.Les données chiffrées relatives aux condamnations prononcées en application des articles 86, 86a et 130 du Code pénal en Allemagne de 2012 à 2017 sont présentées avec une brève explication à l’annexe 6. Les données pour 2018 ne sont pas encore disponibles. Toutefois, puisque ces dispositions pénales s’étendent en partie à des actes non motivés par le racisme, seules certaines des condamnations énumérées entrent dans le champ d’application de la Convention.

Expérience pratique concernant la deuxième phrase du paragraphe 2 de l’article 46 duCodepénal

95.Quelques décisions judiciaires seulement ont été publiées sur le champ d’application de la deuxième phrase du paragraphe 2 de l’article 46 du Code pénal (Tribunal cantonal de Duisbourg, jugement du 10juin 2016, 81Ds78/16 ; Tribunal régional de Marburg, ordonnance du 23novembre 2015, 3Qs17/15 ; Tribunal régional supérieur de Naumburg, arrêt du 7décembre 2017, 1 Rv 50/17), par lequel dans deux des trois décisions citées, une peine aggravée pour motifs racistes/xénophobes a été prononcée ; dans la troisième affaire, le tribunal a estimé que ces motifs ne pouvaient être établis (tribunal régional de Marburg).

Application des dispositions pénales dans les procédures d’enquête (statistiques delapolice)

96.Les crimes de haine sont enregistrés dans une catégorie statistique distincte par le biais du système d’information de la police judiciaire − infractions à motivation politique, mis en place en 2001. Le fait de considérer les crimes de haine comme des « crimes à motivation politique » n’entraîne aucune restriction en termes d’enregistrement des infractions pénales ; cette rubrique permet plutôt d’enregistrer toutes les infractions pénales commises pour des motifs racistes. Dans cette rubrique, les infractions sont classées dans différentes sous-catégories, indiquées ci-après, afin de fournir un aperçu plus nuancé de leurs motifs : antisémitisme, handicap, xénophobie, situation sociale, racisme, religion et orientation sexuelle. En outre, depuis le 1erjanvier 2017, les infractions pénales à motivation raciste commises à l’encontre de musulmans, de chrétiens ou de Tsiganes sont enregistrées dans des sous-catégories distinctes. Les infractions concernées sont signalées par la police locale, par le biais des bureaux de la police criminelle des Länder, à l’Office fédéral de police criminelle, où les données sont compilées. Dans son rapport de suivi sur les observations finales 10 et 19, transmis le 13septembre 2016, le Gouvernement fédéral a fourni des informations détaillées sur le contenu et l’expansion continue de ces statistiques.

97.Les statistiques de la police pour les années 2012 à 2018 montrent que les infractions motivées par l’antisémitisme ont culminé en 2018, avec 1 799 infractions. En 2017, 1 504 de ces infractions ont été enregistrées. La très grande majorité des infractions à caractère antisémite continuent de relever de la catégorie dite des infractions à motivation politique imputables à l’extrême droite. Le nombre d’infractions pénales à caractère xénophobe n’a cessé d’augmenter entre 2012 et 2016, passant de 2 922 à 8 983. En 2017, le nombre d’infractions pénales à caractère xénophobe a diminué pour la première fois, mais, avec 6 434 infractions enregistrées, il est resté supérieur au niveau enregistré en 2014. Ce nombre a de nouveau augmenté en 2018, avec 7 701 infractions pénales. Le nombre d’infractions pénales à caractère raciste a culminé en 2018, avec 1 725 infractions enregistrées au cours de l’année.

Amélioration de l’enregistrement des crimes de haine dans les statistiques judiciaires

98.Les administrations de la justice des Länder tiennent depuis 1992 des statistiques sur le nombre de procédures d’enquête engagées par les parquets pour des infractions motivées par l’extrémisme de droite ou des infractions à caractère xénophobe. L’Office fédéral de la justice centralise ces données et compile un ensemble de statistiques à l’échelle nationale. Ce système d’enregistrement statistique a été profondément réformé et, depuis 2013, produit des ensembles de données comparables améliorées pour l’ensemble de l’Allemagne. Les résultats pour la période commençant en 2013 sont disponibles sur le site Web de l’Office et sont présentés à l’annexe 7. Ces statistiques rendent compte des procédures pénales engagées pour des infractions à caractère xénophobe ou motivées par l’extrémisme de droite. Les infractions pénales à caractère antisémite et celles commises sur l’Internet sont répertoriées séparément. Les statistiques pour 2018 ne sont pas encore disponibles.

99.Le nombre de procédures d’enquête liées à des infractions motivées par l’extrémisme de droite ou à caractère xénophobe a augmenté entre 2013 et 2017. Au total 22 698 procédures d’enquête ont été ouvertes en 2017, contre 20 293 en 2013, soit une augmentation de 11,9 %. Mais par rapport au pic de 28 527 procédures d’enquête en 2016, le nombre enregistré en 2017 représente une diminution. Le nombre d’infractions prévues aux articles 130 et 131 du Code pénal a considérablement augmenté. Ces infractions ont donné lieu à 2 813 procédures d’enquête en 2013, 5 465 en 2017, ce qui signifie que leur nombre a presque doublé au cours de cette période. Cependant, là encore, le nombre de procédures d’enquête a diminué par rapport à 2016. Le nombre d’infractions causant des dommages corporels (art. 223 et suivants du Code pénal) a diminué, passant d’un pic de 1 029 en 2016 à 619, et est donc presque revenu au niveau de 2013.

100.Le nombre de procédures d’enquête pour des infractions pénales à motivation antisémite a augmenté plus fortement. En 2017, ces infractions ont donné lieu à 1 858 procédures d’enquête, contre 691 en 2013, soit une augmentation de 168,9%. Le nombre de procédures d’enquête ouvertes pour infraction d’« incitation des masses » au titre des articles 130 et 131 du Code pénal a fortement augmenté (passant de 338 en 2013 à 1 076 en 2017) ; pour les délits de propagande également, on constate une très forte augmentation de leur nombre (de 244 à 645) au cours de la période de 2013 à 2017. Toutefois, par rapport à l’année précédente (2016), là aussi on a enregistré une baisse significative (de 1 059 à 645). Les procédures d’enquête dans la catégorie des infractions causant des dommages corporels à motivation antisémite ont presque doublé entre 2013 et 2017 (de 13 à 25) ; toutefois, par rapport à 2016, le nombre de ces infractions a également diminué en 2017.

101.Les procédures d’enquête ouvertes pour des infractions motivées par l’extrémisme de droite ou à caractère xénophobes commises par le biais de l’Internet ont presque triplé entre 2013 et 2017 (passant de 1 564 à 4 573). Plus de six fois plus de procédures d’enquête ont été ouvertes en 2017 (2 670) qu’en 2013 (403) pour des infractions d’incitation des masses commises par le biais de l’Internet prévues aux articles 130 et 131 du Code pénal. Toutefois, par rapport à l’année précédente, 2016, cela représente quand même une diminution.

102.Un nouveau système d’enregistrement statistique des procédures pénales pour les crimes de haine est en cours de mise en place en Allemagne. Ces statistiques, recueillies par les administrations judiciaires des Länder (dans certains d’entre eux, depuis le 1erjanvier 2018), comprennent des informations sur différents types d’infraction, tels que l’homicide, les lésions corporelles (énumération distincte des lésions corporelles causées par un individu dans le cadre de ses fonctions), la diffamation et l’incendie volontaire, qui sont ensuite classées en fonction du motif (infractions antisémites, antimusulmans, antichrétiens, xénophobes et antihandicap, infractions commises en raison de l’orientation ou de l’identité sexuelles). Les statistiques indiquent également si l’infraction a été commise « par le biais de l’Internet ».

103.Les nouvelles statistiques classeront les infractions pénales comme des crimes de haine si, après évaluation des circonstances de l’infraction et/ou de l’attitude de l’auteur, des indications montrent qu’elles sont dirigées contre une personne sur la base de sa nationalité réelle ou supposée, de son origine ethnique, de la couleur de sa peau, de sa religion, de ses croyances, d’un handicap ou d’une déficience physique et/ou psychologique, de son orientation sexuelle et/ou de son identité sexuelle, de sa position politique, de ses opinions politiques et/ou de son engagement politique, de son apparence extérieure ou de son statut dans la société, et si l’infraction est liée à ces caractéristiques ou a été commise dans ce contexte contre une institution, un objet ou des locaux.

104.La collecte de ces données judiciaires sur les crimes de haine a commencé dans certains Länder le 1erjanvier 2018 ; depuis le 1erjanvier 2019, le même système d’enregistrement statistique est applicable dans tous les Länder. Les données des Länder sont rassemblées par l’Office fédéral de la justice aux fins de publication sous forme de statistiques nationales. Le premier ensemble de statistiques sera probablement publié au printemps 2020. La publication correspondant à la période de référence 2019 sera la première à contenir des statistiques nationales complètes sur les crimes de haine. Le Gouvernement fédéral transmettra ces données au Comité avec son prochain rapport périodique (observation finale 9d).

Question prioritaire : Action résolue contre les infractions pénales à caractère raciste

Formation

105.Dans le cadre de ses attributions, le Gouvernement fédéral est déterminé à améliorer la formation dans tous les domaines de l’administration, du système judiciaire et de la police, y compris les échanges et la coopération avec les Länder. L’objectif est en particulier d’intensifier la sensibilisation au racisme et à la discrimination pour que les acteurs concernés en aient une meilleure compréhension. Des formations sur ces questions sont également dispensées au niveau des Länder. Le Gouvernement fédéral se réfère aux exemples de formation de la police et du personnel judiciaire dans son rapport de suivi de l’observation finale 10. Concernant l’observation finale 9b), on peut ajouter les exemples suivants de l’État fédéral et des Länder.

106.L’École allemande de la magistrature, au moyen de financements de la Fédération et des Länder, offre à tous les juges et procureurs allemands des cours de formation interdisciplinaires périodiques sur des questions spécifiques relatives au racisme, à l’extrémisme de droite et à l’antisémitisme. Un séminaire de l’École organisé par la Fédération porte sur le « Projet Rosenburg », qui examine de façon détaillée les continuités personnelles et de fond entre la période nazie et les premières années du Ministère fédéral de la justice, après la guerre. Le séminaire se concentre en particulier sur les conclusions prospectives tirées des constatations du projet − notamment pour la mise en place d’une éthique professionnelle renforcée chez les juristes. Le séminaire sensibilise les juges aux facteurs de risque pour l’état de droit et la démocratie dans leur vie professionnelle quotidienne et favorise l’éthique juridique.

107.En outre, le Ministère fédéral de la justice, avec l’Institut allemand des droits de l’homme et les Länder, qui sont responsables de la formation judiciaire, a conduit un projet de deux ans intitulé « Racisme et droits de l’homme − renforcer la justice pénale », élaborant des modules de formation sur la lutte contre le racisme à l’intention des juges et des procureurs des juridictions pénales. Ces modules de formation, élaborés en coopération avec trois Länder modèles, aident les juges et les procureurs à traiter de manière appropriée les infractions motivées par le racisme ou la haine, à répondre dans les procédures pénales aux expériences des personnes touchées par le racisme et à fournir aux victimes un accès effectif et non discriminatoire à la justice. Le projet s’est achevé en 2018 avec la publication de matériels de formation et d’un « recueil de textes choisis ». Ainsi, les Länder sont désormais en mesure d’offrir une formation sur ce sujet dans le cadre de leurs systèmes judiciaires respectifs. Ils peuvent également s’appuyer sur un vivier d’intervenants recrutés et formés dans le cadre du projet.

108.Enfin, des manifestations périodiques traitant de divers aspects du racisme et de la discrimination sont organisées par le Ministère fédéral de l’intérieur, l’Office fédéral de police criminelle et la Police fédérale, ainsi que par l’Agence fédérale pour l’instruction civique et l’École allemande de police.

Lutter contre le racisme et la haine sur l’Internet

109.Le Gouvernement fédéral suit une approche associant plusieurs ministères pour combattre efficacement le racisme et la haine en ligne. Cela comprend un ensemble de mesures axées sur la sensibilisation, le dialogue et l’engagement social ; il suit également une approche réglementaire lorsque cela s’avère nécessaire. Veuillez vous reporter au Plan d’action national, dans lequel un chapitre entier est consacré au discours de haine en ligne (observation finale 9c). Les mesures suivantes méritent une mention particulière.

110.Début 2016, le Gouvernement fédéral s’est joint au Mouvement contre le discours de haine lancé par le Conseil de l’Europe. Par le biais du programme fédéral « Pour une démocratie vivante ! », le Ministère fédéral de la famille a chargé l’association des journalistes indépendants « Neue Deutsche Medienmacher » de coordonner la campagne en Allemagne. Même après l’arrêt de la campagne du Conseil de l’Europe, fin 2017, « Neue deutsche Medienmacher » a reçu un financement du programme fédéral pour la campagne nationale « Pas de discours de haine » jusqu’en 2019. De plus, le Ministère fédéral de la famille a renforcé le travail de prévention sur le Web au moyen de sa propre rubrique dans le programme fédéral. Actuellement, 35mesures sont financées au titre du programme fédéral sous l’intitulé « Renforcer l’activisme sur le Web − contre la haine sur l’Internet », qui a été introduit en 2017 et reflète l’adoption d’approches préventives et éducatives sur des questions telles que le discours de haine en ligne.

111.Le site « jugendschutz.net » (« protection des mineurs ») joue également un rôle important en fonctionnant comme un « centre de compétences commun de la Fédération et des Länder pour la protection de la jeunesse en ligne », basé sur l’article 18 du Traité d’État sur la protection de la jeunesse dans le domaine des médias et un accord-cadre avec le Ministère fédéral de la famille. Cette organisation de la société civile reçoit des financements des Länder en application du Traité d’État et du Ministère fédéral de la famille et du Ministère fédéral de la justice au nom de la Fédération. Par exemple, le Ministère fédéral de la justice finance un projet de surveillance, dans le cadre duquel jugendschutz.net examine systématiquement les mécanismes de plainte des réseaux sociaux. En outre, dans le cadre du programme fédéral « Pour une démocratie vivante ! », jugendschutz.net procède à une analyse continue des méthodes utilisées par les extrémistes de droite et les extrémistes islamistes pour attirer les jeunes internautes ; l’organisation prend également des mesures contre les sites qui pourraient compromettre le bien-être des jeunes ou lui nuire. Elle s’appuie pour cela à la fois sur des plaintes et sur ses recherches. En ce qui concerne les phénomènes internationaux, jugendschutz.net travaille en étroite collaboration avec des organisations étrangères et est membre fondateur des réseaux INHOPE (lutte contre les représentations d’exploitation sexuelle des enfants et des adolescents) et INACH (lutte contre la haine en ligne).

112.La diffusion de discours de haine sur l’Internet, en particulier sur les réseaux sociaux tels que Facebook, YouTube et Twitter, a conduit le Gouvernement fédéral à créer en septembre 2015 un groupe de travail incluant ces réseaux et la société civile. Du fait de leur participation au groupe de travail, les entreprises ont lutté activement contre les discours de haine sur leurs plateformes respectives. Malgré les premiers succès, la surveillance effectuée par jugendschutz.net (voir supra, par. 110) montre que les plaintes des utilisateurs concernant des crimes de haine ne sont toujours pas traitées rapidement et efficacement, en particulier par Facebook et Twitter.

113.Du fait que les engagements volontaires pris par les réseaux ont eu un effet limité, comme l’illustrent ces lacunes, l’Allemagne poursuit également une approche réglementaire de la haine en ligne. Cette approche a donné naissance à la loi sur l’amélioration du traitement des contenus illicites par les réseaux sociaux, qui est entrée en vigueur le 1eroctobre 2018. Cette loi vise à lutter plus efficacement contre les crimes de haine et autres contenus illicites sur les réseaux sociaux. Ces contenus illicites comprennent, par exemple, la diffusion de matériel de propagande d’organisations anticonstitutionnelles (art. 86 du Code pénal), l’utilisation de symboles d’organisations anticonstitutionnelles (art. 86a du Code pénal), les insultes (art. 185 du Code pénal), les commérages malveillants (art. 186 du Code pénal), la diffamation (art. 187 du Code pénal), l’incitation publique à commettre des infractions (art. 111 du Code pénal), l’incitation des masses (art. 130 du Code pénal), la représentation de la violence (art. 131 du Code pénal) et la menace (art. 241 du Code pénal). La loi sur l’amélioration du traitement des contenus illicites par les réseaux sociaux a introduit des règles de conformité obligatoire pour les réseaux sociaux afin d’encourager ceux-ci à traiter les plaintes plus rapidement et de manière plus complète, en particulier celles concernant des contenus manifestement illicites. Elle dispose que les réseaux sociaux doivent rendre compte de la manière dont ils traitent les plaintes, introduire une gestion efficace des plaintes et nommer un représentant en Allemagne habilité à recevoir les signalements. Les infractions peuvent être sanctionnées par de lourdes amendes imposées à l’entreprise et à la direction. Les violations commises par un individu peuvent être sanctionnées comme des infractions réglementaires avec des amendes pouvant atteindre 5millions d’euros ; les entreprises quant à elles peuvent être condamnées à une amende allant jusqu’à 50millions d’euros.

114.Il convient de souligner que la loi sur l’amélioration du traitement des contenus illicites par les réseaux sociaux n’impose aucune nouvelle forme d’ingérence dans l’exercice du droit à la liberté d’expression protégé par le paragraphe 1 de l’article 5 de la Loi fondamentale. Les règles de conformité réglementaire pour les réseaux sociaux énoncées dans la loi servent plutôt à garantir que les réseaux prennent des mesures rapides et strictes pour respecter leurs obligations légales existantes, c’est-à-dire pour supprimer ou bloquer les contenus illicites au plus tard lorsqu’ils sont informés que ces contenus sont accessibles sur leur plateforme. Ainsi, la loi fait explicitement référence aux seuls contenus pénalement punissables, dont la sanction représente une restriction justifiée de la liberté d’expression.

Examen critique des affaires du NSU

115.L’enquête approfondie sur les meurtres perpétrés par le NSU se poursuit au niveau national et au niveau des Länder. Le Gouvernement fédéral se réfère à son rapport de suivi transmis le 13septembre 2016, qui commentait en détail les recommandations du Comité énoncées dans l’observation finale 10. De plus, les faits nouveaux suivants méritent d’êtresignalés.

116.À l’issue d’une procédure de jugement qui a duré plus de cinq ans et donné lieu à quatre centre trente-huit jours d’audience, le 11juillet 2018, la sixième chambre criminelle de la Cour d’appel de Munich a déclaré l’accusée principale, Beate Zschäpe, coupable de neuf chefs d’accusation de meurtre (dite « série Ceska »), de 32chefs d’accusation de tentative de meurtre commis en un seul et même acte (attentat à la bombe rempli de clous dans la Keupstrasse à Cologne), de tentative de meurtre (explosion dans la Probsteigasse à Cologne), de meurtre et de tentative de meurtre (de deux policiers à Heilbronn), de vols multiples, de tentative de meurtre par incendie majeur (incendie criminel dans la Frühlingsstrasse à Zwickau) et d’appartenance à une organisation terroriste (NSU). Le jury a condamné l’accusée à la réclusion criminelle à perpétuité. Le tribunal a déterminé la gravité particulière de la culpabilité de l’accusée. Un des coaccusés a été condamné à une peine de prison totale de dix ans pour neuf chefs d’accusation de complicité de meurtre (dite « série Ceska »). Deux coaccusés ont été condamnés respectivement à des peines de prison de trois ans et de deux ans et six mois pour avoir apporté leur soutien à une organisation terroriste (NSU). Un des coaccusés, qui était mineur au moment des faits, a été condamné à une peine de trois ans de prison applicable aux mineurs pour neuf chefs d’accusation de complicité de meurtre (dite « série Ceska »).

117.La troisième commission d’enquête de la dix-huitième législature du Bundestag allemand, en tant que deuxième commission d’enquête chargée d’examiner les affaires du NSU (« NSU-II »), a présenté son rapport de plus de 1 000 pages le 27juillet 2017. La NSU-II a tenu 54audiences et a entendu 84témoins de février 2016 à mars 2017. Dans ses recommandations, la NSU-II reconnaît expressément les efforts déployés pour mettre en œuvre les 47recommandations de la NSU-I, et préconise énergiquement l’octroi de fonds permanents aux projets et initiatives de la société civile contre l’extrémisme de droite, le racisme et l’antisémitisme. Le Gouvernement fédéral a repris les recommandations des deux commissions d’enquête sur la NSU et a déjà mis en œuvre un grand nombre d’entre elles. Ainsi, de nombreuses mesures ont été prises pour améliorer la coopération entre les autorités de sécurité. Nombre de ces recommandations impliquent des tâches à long terme, par exemple l’orientation de la formation vers la lutte contre l’extrémisme de droite et le terrorisme, la protection des victimes et les compétences interculturelles. Les recommandations des deux commissions d’enquête sur la NSU définissent les objectifs de la politique du Gouvernement fédéral.

118.Pour appliquer les recommandations, un groupe de travail représentant la Fédération et les Länder, dirigé par l’Office fédéral de police criminelle, a été constitué ; il s’est réuni pour la première fois les 7 et 8juin 2018. Il a élaboré un rapport final intitulé « Recommandations sur les mesures à prendre concernant le NSU », qui a été présenté lors de la réunion d’automne de la Conférence missionnaire pour la jeunesse.

119.La commission d’enquête a notamment constaté que la transmission des informations et la coordination des mesures présentaient des déficiences ; certaines de ces déficiences sont dues à la répartition relativement large des responsabilités dans la structure fédérale allemande et au « principe de séparation » entre la police et le renseignement ; des efforts considérables ont été déployés pour contrecarrer ces problèmes. La mise en place du Centre commun de lutte contre l’extrémisme et le terrorisme, des exigences plus strictes en matière de rapports et des manifestations telles que les conférences régionales périodiques organisées par le parquet fédéral d’Allemagne ont permis de créer un réseau de contacts compétents dans le système judiciaire, qui garantit plus fortement que les structures terroristes de droite émergentes seront reconnues plus tôt et combattues de manière coordonnée.

120.Les recommandations sont intégralement appliquées au niveau des Länder également. Dans le cadre de la recommandation visant à renforcer la société civile et à agir préventivement contre l’extrémisme de droite, les services de renseignement des Länder ont convenu ces dernières années d’améliorer l’action préventive, c’est-à-dire la partie de leur travail qui donne lieu au partage d’informations, et de fonctionner comme des « prestataires de services démocratiques » visant à satisfaire les besoins de la société civile. De plus, suite à une décision conjointe des procureurs généraux des Länder et du parquet fédéral, un centre de sécurité de l’État a été créé en 2017 dans le bureau du procureur général de chaque Land afin d’améliorer l’échange d’informations et de coordonner les procédures respectives des Länder entre eux et avec le parquet fédéral. En outre, les Länder prennent une myriade de mesures pour poursuivre leur examen critique des affaires du NSU.

Communication no48/2010 (classement de l’enquête judiciaire à l’encontre deM. Sarrazin)

121.Le Gouvernement fédéral prend note de la lettre du Comité du 17mai 2017, dans laquelle il appelle à nouveau l’Allemagne à appliquer les recommandations énoncées dans la communication no48/2010, Confédération turque de Berlin Brandebourg c. Allemagne (affaire Sarrazin). Le Gouvernement fédéral renvoie à son rapport de suivi envoyé le 13septembre 2016, dans lequel il aborde en détail l’observation finale 19. Le Gouvernement fédéral a clairement indiqué dans ces commentaires qu’il est fort important selon lui de lutter efficacement contre le discours de haine raciste. Toutefois, il a également mentionné la grande valeur de la liberté d’expression et a souligné que le droit pénal, en tant qu’arme la plus puissante dans l’arsenal des sanctions étatiques, ne devrait généralement être appliqué qu’en dernier recours. Le Gouvernement fédéral a en outre précisé qu’il considère que les sanctions existantes pour les expressions d’opinion qui relèvent des lois pénales pertinentes (art. 130, 185 et suivants du Code pénal) sont adéquates et que celles-ci remplissent les obligations de l’Allemagne au regard du droit international. Par conséquent, ce ne sont pas toutes les déclarations racistes − aussi moralement répréhensibles soient-elles − qui franchissent le seuil de la responsabilité pénale.

122.Le Gouvernement fédéral reconnaît que les déclarations racistes de dirigeants politiques, de représentants d’un État et de personnalités publiques peuvent avoir un effet particulièrement destructeur en raison de la portée de leur influence et de leurs effets (observation finale 9a). Dans ces cas également, toutefois, le recours aux sanctions pénales dépend d’une évaluation à laquelle doivent procéder les parquets et les tribunaux indépendants en appliquant les dispositions pénales au cas en question. Si le parquet considère que les déclarations racistes réunissent les éléments constitutifs d’une infraction pénale, une procédure d’enquête doit être ouverte en raison du principe de l’obligation de poursuivre. Aucun pouvoir discrétionnaire ne peut s’exercer à cet égard.

123.Indépendamment de l’évaluation de ce cas individuel, la lutte contre le discours de haine reste l’objectif central du Gouvernement fédéral. Pour atteindre cet objectif, celui-ci a adopté une approche globale qui, outre les poursuites pénales, se concentre sur l’engagement et le discours sociétaux (voir supra, par. 108). Par exemple, l’affaire Sarrazin a suscité un vaste débat public en Allemagne, au cours duquel toute une série de politiciens et de personnalités publiques − dont la Chancelière Merkel − ont très clairement rejeté les théories de M.Sarrazin.

2.Article 4 b)

Associations interdites

124.Le Gouvernement fédéral et les Länder combattent les organisations qui encouragent ou prônent la discrimination raciste. Par conséquent, ils ont interdit huit organisations d’extrême droite au total au cours de la période considérée.

125.Le 27janvier 2016, le Ministre fédéral de l’intérieur a interdit le portail internet néo-nazi « Altermedia Deutschland » en application de la loi sur les associations. Ce site, visité principalement par des néo-nazis, diffusait des quantités considérables de contenus racistes, xénophobes, antisémites et islamophobes. Cinq opérateurs et administrateurs d’« Altermedia Deutschland » ont été inculpés, soupçonnés d’avoir créé une organisation criminelle.

126.Le 16mars 2016, le Ministre fédéral de l’intérieur a interdit « Weisse Wölfe Terrorcrew », un groupe d’extrême droite enclin à la violence, dont les buts et les activités étaient contraires au droit pénal et anticonstitutionnels.

127.Au niveau des Länder, des actions ciblées sont également menées contre des organisations qui prônent une idéologie raciste : au cours de la période considérée, des groupes d’extrême droite ont été interdits dans le Brandebourg (« Widerstandsbewegung Südbrandenburg »), en Bavière (« Freies Netz Süd »), en Saxe (« Nationale Sozialisten Döbeln », « Nationale Sozialisten Chemnitz »), dans le Bade-Wurtemberg (« Autonome Nationalisten Göppingen ») et en Hesse (« Sturm 18 e.V. »).

Procédure d’interdiction du NPD

Arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale du 17janvier 2017

128.En vertu des paragraphes 2 et 4 de l’article 21 de la Loi fondamentale, la Cour constitutionnelle fédérale peut déclarer anticonstitutionnels et interdire les partis politiques qui, du fait de leurs objectifs ou du comportement de leurs adhérents, cherchent à altérer ou détruire l’ordre fondamental libre et démocratique ou à mettre en danger l’existence de la République fédérale. Du fait qu’il a été fait un usage abusif de cet outil pendant la dictature nazie, la Cour constitutionnelle fédérale a affirmé que les conditions qui doivent être remplies pour qu’un parti soit interdit sont très strictes.

129.Par un arrêt du 17janvier 2017 (2 BvB 1/13), la Cour constitutionnelle fédérale a rejeté comme sans fondement une motion du Bundesrat visant à déclarer le parti d’extrême droite NPD anticonstitutionnel. La Cour constitutionnelle fédérale a conclu que le NPD prône effectivement une ligne politique visant à abolir l’ordre fondamental libre et démocratique, et qu’il s’efforce méthodiquement d’atteindre cet objectif. Toutefois, dans cet arrêt, la Cour a pour la première fois exigé également, pour l’interdiction d’un parti, qu’il existe des raisons concrètes et importantes permettant au moins de penser qu’il est possible que le parti puisse effectivement réussir à atteindre ses objectifs anticonstitutionnels. Compte tenu de la situation actuelle du NPD (par exemple, il n’est actuellement représenté dans aucun parlement de Land), la Cour a rejeté cette éventualité. Elle a estimé que le NPD n’était pas en mesure d’obtenir une majorité aux élections ni même d’y participer par un accord de coalition. La Cour a également estimé qu’étant donné le faible niveau d’organisation du NPD, ses effets au niveau de la société étaient limités. Dans le même temps, elle a clairement déclaré que le NPD poursuivait des objectifs anticonstitutionnels, racistes et discriminatoires.

Amendement constitutionnel : exclusion des partis anticonstitutionnels du financement despartis politiques

130.Dans son arrêt concernant la procédure d’interdiction du NPD, la Cour constitutionnelle fédérale a estimé que le seuil constitutionnel élevé devant être franchi pour qu’un parti soit interdit en vertu du paragraphe 2 de l’article 21 de la Loi fondamentale ne l’avait pas été. Elle a toutefois rappelé au législateur que des sanctions moins strictes qu’une interdiction pure et simple sont prévues contre les partis anticonstitutionnels. Le législateur a réagi sans tarder en modifiant la Constitution. Aux termes du paragraphe 3 de l’article 21 de la Loi fondamentale, ajouté en juillet 2017, les partis politiques qui, d’après leurs buts ou d’après le comportement de leurs adhérents, visent à porter atteinte à l’ordre constitutionnel libéral et démocratique, ou à le renverser, ou à mettre en péril l’existence de la République fédérale d’Allemagne, sont exclus du financement étatique. Cela s’applique en particulier aux partis qui, comme le NPD, poursuivent des objectifs anticonstitutionnels mais n’ont pas été mis hors la loi simplement parce que la Cour constitutionnelle fédérale ne les considère pas comme étant en mesure d’atteindre ces objectifs. La Cour statue sur les requêtes visant à exclure un parti politique du financement de l’État (art. 13, al. 2a, de la loi relative à la Cour constitutionnelle fédérale). Une requête à cet effet peut être introduite par le Bundestag, le Bundesrat ou le Gouvernement fédéral (art. 43, al.1, de la loi relative à la Cour constitutionnelle fédérale). Lorsque la requête est fondée, le parti concerné est exclu du financement de l’État en vertu de l’article 46a, alinéa 1, de la loi relative à la Cour constitutionnelle fédérale, initialement pour une durée de six ans. Dans ce cas, tout traitement fiscal favorable et tout paiement effectué en faveur de cette partie cessent (art. 21, par. 3, deuxième phrase, de la Loi fondamentale).

Requêtes introduites par trois organes constitutionnels visant à exclure le NPD dufinancement des partis

131.Malgré ses mauvais résultats aux élections fédérales de 2017, où il n’a obtenu que 0,4 % des voix, le NPD continue de recevoir des paiements par le biais du financement étatique des partis au titre de la loi sur les partis politiques. En effet, sont pris en compte les votes non seulement aux élections du Bundestag, mais aussi aux élections des Länder et aux élections européennes. Le NPD bénéficie également d’avantages fiscaux accordés aux partis politiques.

132.Pour mettre fin à cette situation, tous les organes constitutionnels autorisés à introduire une requête devant la Cour constitutionnelle fédérale en vertu de l’article 43, alinéa 1, de la loi relative à la Cour constitutionnelle fédérale l’ont fait le 19juillet 2019 pour exclure le NPD du financement des partis. La suite de cette procédure sera traitée dans le prochain rapport de l’Allemagne.

Avis d’expert sur le traitement des affiches de campagne racistes, au regard del’article 4

133.En 2015, le Gouvernement fédéral (par le biais du Ministère fédéral de la justice) a en 2015 commandé une expertise visant à déterminer dans quelle mesure il est possible de s’appuyer sur la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale pour intenter une action en justice contre les publicités électorales racistes. Les années précédentes, le parti d’extrême droite NPD avait placé des publicités électorales à connotation ouvertement anti-Tziganes et raciste. Ces affiches électorales ont atteint leur apogée avant les élections au niveau des Länder et au Parlement européen en 2014. Il est frappant dans ce contexte de noter qu’aucune enquête pénale n’avait été ouverte et que des mesures réglementaires n’avaient été prises que dans des cas exceptionnels (par exemple, lorsque des affiches avaient été placées sur des sites « sensibles » comme les mémoriaux des camps de concentration). Les autorités qui avaient ordonné le retrait des affiches du NPD dans les espaces publics « normaux » se voyaient souvent ordonner par les tribunaux d’autoriser leur nouvel affichage : en examinant l’invocation par les autorités des pouvoirs préventifs prévus dans la « clause générale » de la loi relative à la police pour faire retirer les affiches, les tribunaux administratifs ont considéré que les éléments constitutifs de l’infraction d’incitation des masses (art. 130 du Code pénal) n’étaient pas réunis. Le Ministère fédéral de la justice a estimé que cette situation n’était pas satisfaisante et a commandé une analyse de la situation juridique au regard de la Convention.

134.L’avis a été soumis par Stefanie Schmahl en octobre 2015. L’experte y examine s’il est possible de se fonder sur les interdictions du droit international contre la propagande raciste, telles que l’article 4 de la Convention, lorsque des préoccupations de sécurité publique sont mentionnées comme motifs d’application de la « clause générale » de la loi relative à la police, pour justifier les interventions des autorités. Elle a répondu par l’affirmative. Stefanie Schmahl a conclu même que le pouvoir discrétionnaire était réduit à néant : les autorités chargées de l’ordre public n’avaient pas d’autre choix que de retirer les affiches, affirme-t-elle, car il n’existait pas de moyens moins stricts mais tout aussi appropriés pour contrer la menace à la sécurité et à l’ordre public. Dans son avis, elle conclut donc que les autorités étaient tenues de faire retirer les affiches électorales du NPD.

135.Selon le Gouvernement fédéral, l’avis de l’experte constitue une contribution utile à l’important débat sur les options possibles pour prévenir la propagande électorale à tendance xénophobe. Le Ministère fédéral de la justice et le Ministère fédéral de l’intérieur ont donc pris des mesures pour diffuser le document parmi les praticiens du droit. Il a été mis à la disposition des ministères de l’intérieur respectifs des Länder et a été discuté lors de la quatre-vingt-septième Conférence missionnaire pour la jeunesse les 1er et 2juin 2016. Dans sa résolution, la Conférence s’est félicitée de l’avis de l’experte et a dénoncé le fait que des agressions cyniques et irresponsables contre les minorités soient constamment suscitées et exploitées à des fins électorales. Elle a convenu que tous les moyens légaux disponibles devaient être utilisés pour empêcher l’agitation électorale aux dépens des minorités ; la Conférence a également estimé nécessaire de tenir un large débat au sein de la société et du système judiciaire sur la sensibilité à l’égard des minorités pendant les campagnes électorales.

3.Article 4 c)

136.L’interdiction de la discrimination raciale prévue au paragraphe c) de l’article 4 de la Convention, qui s’applique à toutes les autorités publiques, a directement force de loi en République fédérale d’Allemagne. Ainsi qu’il a été indiqué plus haut, l’interdiction de la discrimination énoncée à la première phrase du paragraphe 3 de l’article 3 de la Loi fondamentale et le respect de la dignité humaine visé au paragraphe 1 de l’article premier de la Loi fondamentale s’appliquent également à toutes les autorités allemandes.

137.Un moyen efficace de lutter en pratique contre la discrimination potentielle au niveau des autorités consiste à augmenter le pourcentage de personnel issu de l’immigration dans les services publics. La promotion de la diversité interculturelle dans l’administration fédérale, surtout par l’augmentation du pourcentage de personnel issu de l’immigration, est un objectif central du Gouvernement fédéral ; cette question est une priorité constante, en particulier depuis le lancement du Plan d’action national pour l’intégration (PAN I). Les ministères fédéraux ont créé un groupe de travail interministériel pour garder en permanence à l’examen la question de la promotion de la diversité culturelle dans l’administration fédérale. Les ministères fédéraux et les autres autorités fédérales ont mené des enquêtes à participation facultative auprès du personnel en 2014, 2015 et 2017 ; c’est la première fois que les employés fédéraux issus de l’immigration étaient dénombrés. Au total, 38autorités publiques comptant plus de 56 000 employés ont participé aux enquêtes. Un rapport contenant les résultats des enquêtes de 2014 et de 2015 a été présenté le 26mai 2016 par le Ministère fédéral de l’intérieur et la Commissaire du Gouvernement fédéral à l’immigration, aux réfugiés et à l’intégration. Le pourcentage moyen d’employés de l’administration fédérale issus de l’immigration s’est établi à 14,8 %. Ces rapports servent de base aux autorités pour élaborer et mettre en œuvre des mesures concrètes afin d’augmenter encore le pourcentage du personnel issu de l’immigration et de réduire les obstacles éventuels à la participation.

138.Un site Web du Gouvernement fédéral (www.wir-sind-bund.de), traduit en plusieurs langues, s’adresse spécifiquement aux jeunes et aux personnes qui débutent dans la vie active qui sont issus de l’immigration, afin de les encourager à entrer dans la fonction publique. Depuis un certain temps déjà, l’Académie fédérale d’administration publique propose des formations à l’intention du personnel chargé du recrutement et des membres des comités de sélection, qui tiennent dûment compte de l’équité culturelle dans la sélection du personnel. L’Académie fédérale propose également un manuel sur la diversité interculturelle pour la sélection du personnel dans la fonction publique.

139.Au niveau des Länder également, l’objectif est de pourvoir davantage de postes dans l’administration avec du personnel issu de l’immigration. De nombreux Länder ont stipulé dans leurs accords de coalition qu’ils encourageraient l’ouverture interculturelle dans l’administration et/ou ont commencé à mettre en œuvre des programmes ou des campagnes correspondants. Les Länder contribuent également à la réalisation de cet objectif en s’engageant par la « Charte de la diversité ». Le Gouvernement de Hesse et le sénat de Berlin s’efforcent, par exemple, d’assurer la même diversité dans la composition de leur personnel que celle qui existe au sein de la population du Land. Par conséquent, le sénat de Berlin s’efforce de garantir l’accès à l’éducation et à l’emploi sans discrimination, par exemple en insistant sur l’anonymat des candidatures auprès des autorités municipales et des entreprises dans lesquelles le Land détient une participation. Les autorités judiciaires et policières des Länder font également des efforts importants pour assurer la diversité du personnel. Le Gouvernement fédéral renvoie à ses déclarations figurant dans son rapport de suivi concernant l’observation finale 10. Des enquêtes menées dans différents Länder montrent que leurs efforts ont en partie permis aux administrations des Länder de pourvoir plus de 20 % des postes avec des personnes issues de l’immigration. En Hesse, la loi relative à la fonction publique prévoit que les autorités tiennent dûment compte de la compétence interculturelle : l’article 2, paragraphes 2 à 4, du Règlement relatif aux carrières définit les termes « aptitude », « qualifications » et « réalisations professionnelles », qui constituent le fondement des décisions relatives à l’avancement professionnel. Dans le cadre de la réforme de la loi relative à la fonction publique de la Hesse en 2014, la compétence interculturelle a été incluse dans les « qualifications » du Règlement relatif aux carrières. Cette règle expressément énoncée dans la loi relative à l’organisation des carrières montre l’importance de la compétence interculturelle pour le service public et crée la possibilité de prendre en compte ces compétences dans la sélection du personnel et les évaluations individuelles des fonctionnaires.

E.Article 5

140.Les dispositions de la Loi fondamentale assurant la protection des droits fondamentaux de l’homme sont présentées à l’alinéa 1 ci-dessous, suivies d’exemples de garanties et de protection concrètes des différents droits (al.2 à 4).

Introduction : le droit constitutionnel allemand

141.Aux termes de la Loi fondamentale, chacun, quelle que soit sa nationalité, peut faire valoir les droits fondamentaux suivants : libre épanouissement de la personnalité (art. 2, par. 1), droit à la vie et à l’intégrité physique, et liberté de la personne (art. 2, par. 2), égalité devant la loi (art. 3), liberté de croyance et de conscience (art. 4), liberté d’opinion, liberté de la presse et liberté de l’art et de la science (art. 5), secret de la correspondance, de la poste et des télécommunications (art. 10), inviolabilité du domicile (art. 13), protection particulière du mariage et de la famille (art. 6, par. 1) et droit à la propriété (art. 14). Certains droits fondamentaux sont réservés aux ressortissants allemands, dont la liberté de réunion (art. 8), la liberté d’association (art. 9), la liberté de circulation et d’établissement sur l’ensemble du territoire fédéral (art. 11) et la liberté de la profession (art. 12). Néanmoins, ces droits sont garantis pour l’essentiel aux étrangers par le paragraphe 1 de l’article 2 puisque le droit au libre épanouissement de la personnalité inclut le droit à la liberté d’agir en général.

Droit à l’égalité de traitement devant les tribunaux et tout autre organe du système de justice − Question prioritaire : prévention du profilage racial

142.Comme indiqué ci-dessus, la Loi fondamentale dispose, en son article 3, paragraphe 1, que tous les êtres humains sont égaux devant la loi et en son article 3, paragraphe 3, que la discrimination fondée, notamment, sur la race, la langue, la patrie et l’origine est interdite.

143.Ces droits globaux à l’égalité sont dans une certaine mesure précisés dans le droit commun, par exemple dans la loi générale sur l’égalité de traitement, dans le droit social, dans des dispositions individuelles du Code social et, en ce qui concerne les critères de nomination des fonctionnaires fédéraux, à l’article 9 de la loi sur la fonction publique fédérale. Les tribunaux surveillent l’application de ces dispositions dans la pratique administrative courante (observation finale 8b). En Allemagne, il n’y a pas de discrimination systématique contre des groupes de population. Les institutions de l’État allemand sont des structures fondées sur l’état de droit et sont soumises aux normes de l’État démocratique constitutionnel.

144.Les mesures de police fondées exclusivement ou presque exclusivement sur l’apparence physique ou l’origine ethnique d’une personne (profilage racial selon la définition retenue par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale et l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne) ne font pas partie des méthodes de travail de la Police allemande. Le profilage racial viole le droit allemand applicable, en particulier le principe de l’égalité de traitement consacré dans la première phrase du paragraphe 3 de l’article 3 de la Loi fondamentale. Ni la loi sur la police fédérale, ni les règlements et décrets applicables au sein de la police fédérale ne permettent l’application d’un traitement inégal à des personnes pour des motifs tels que la race, l’origine ou la religion. Il en va de même pour les règlements correspondants applicables aux autorités de police des Länder (observation finale 11).

145.Afin de garantir que chaque agent de police accomplit ses fonctions sans exercer de discrimination, la formation de la police au niveau fédéral et au niveau des Länder met l’accent sur la question de savoir comment prévenir le racisme et la discrimination. Ainsi les policiers (stagiaires) sont dotés des connaissances nécessaires pour interagir avec des personnes d’origines diverses et cette formation contribue à éviter l’émergence de préjugés (conscients ou inconscients) et d’attitudes discriminatoires. Depuis 2014, le profilage racial figure directement ou indirectement au programme de toutes les étapes pertinentes de la formation des forces de police. Les approches existantes, comme par exemple les séminaires organisés en interne par le Ministère fédéral de l’intérieur et la police fédérale sur la définition du racisme et sur le profilage racial selon la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, continuent d’être appliquées et approfondies. Depuis 2016, la police fédérale actualise et améliore les programmes de formation, les documents correspondants, ainsi que les décrets et règlements applicables en matière de discrimination, de racisme et de profilage racial (observation finale 11c et e).

146.Les formations dispensées aux forces de la police fédérale portent régulièrement sur l’application de l’article 22 (par. 1a) de la loi sur la police fédérale, et le réexaminent constamment. La loi sur la police fédérale, en son article 22, paragraphe 1a, autorise la police à interpeller toute personne se trouvant dans une gare, un aéroport ou un train, à l’obliger à présenter une pièce d’identité et à inspecter les biens en sa possession, si des informations particulières ou l’expérience de la police des frontières donnent à penser qu’il s’agit d’une personne en situation d’immigration illégale. Le Gouvernement fédéral estime que cette disposition est compatible avec la Loi fondamentale ainsi qu’avec le droit international et européen, étant donné que le renseignement de situation et l’expérience de la police des frontières sont des critères admissibles qui − lorsqu’ils sont accompagnés d’une formation et d’une sensibilisation suffisantes des policiers concernés − permettent une sélection non discriminatoire. Comme décrit ci-dessus, la police fédérale accorde donc une importance particulière à la formation et à la sensibilisation.

147.Lorsque, dans des cas isolés, des plaintes sont déposées pour comportement discriminatoire de la part de la police, il existe des procédures effectives pour élucider l’incident (observation finale 11f). Quiconque estime avoir été interpellé par la police pour un motif discriminatoire peut saisir les tribunaux administratifs allemands, qui examinent alors l’affaire. Les procédures officielles de gestion des plaintes de la police fédérale prévoient plusieurs modalités de dépôt de plainte en interne et en externe, qui garantissent que les actes répréhensibles de la police sont examinés dans le cadre d’une procédure d’examen indépendante menée par les autorités de contrôle.

148.Les personnes concernées peuvent déposer leur plainte à tout poste de police, oralement, par écrit ou par téléphone. La police fédérale peut également être contactée sur l’Internet. Afin de garantir une enquête indépendante, impartiale et complète, chaque plainte est traitée et fait l’objet d’une enquête approfondie.

149.Les décisions rendus par les tribunaux allemands ont souligné que lorsque des contrôles de police sont effectués en application de l’article 22 (par. 1a) de la loi sur la police fédérale, il devait y avoir des indications fiables qu’une personne appartenait à un groupe de délinquants facilement identifiables et qu’à cet égard, une charge de la preuve plus lourde incombait aux autorités. Cela signifie qu’une norme de « suspicion raisonnable » s’applique. Le Gouvernement fédéral ne voit pas la nécessité de prendre d’autres mesures législatives. La police fédérale a tenu compte de ces décisions de justice en actualisant ses instructions internes et son matériel de formation en 2016.

150.En outre, en 2016, la police fédérale a mis en place un mécanisme interne indépendant de traitement des plaintes.

Plusieurs Länder ont également mis en place différents organes d’examen des plaintes déposées contre la police du Land.

Droit à la sécurité personnelle et à la protection de l’État contre la violence et lesatteintes corporelles − Question prioritaire : la sécurité des réfugiés

151.L’augmentation de la violence et des menaces contre les réfugiés et leurs aides est un sujet de grande préoccupation pour le Gouvernement fédéral. Diverses mesures ont été prises pour lutter contre cette violence (observation finale 18b). Les poursuites pénales systématiques contre la violence raciste en sont un élément clef. Pour encourager ces poursuites, la Fédération et les Länder concentrent leurs efforts sur la formation des procureurs et des juges afin de les sensibiliser aux motifs racistes et de promouvoir la compétence interculturelle. En outre, la deuxième phrase du paragraphe 2 de l’article 46 du Code pénal − modifié en 2015 − souligne désormais explicitement que les tribunaux doivent considérer les motifs racistes comme des circonstances aggravantes. En vertu de la version révisée des Lignes directrices relatives aux procédures pénales et aux procédures d’imposition d’une amende administrative, la police et le parquet sont tenus de tenir compte de ces motifs lors de la procédure d’enquête.

152.Les statistiques améliorées sont un autre aspect de l’amélioration des mesures de justice pénale visant à lutter contre la violence raciste. Compte tenu de l’augmentation des infractions commises contre les réfugiés et leurs aides, les statistiques policières sur la criminalité à motivation politique ont été encore plus différenciées. Depuis 2016, la criminalité à motivation politique est divisée en plusieurs catégories : « contre des demandeurs d’asile/réfugiés », « contre des organisations humanitaires/bénévoles », « entre demandeurs d’asile/réfugiés », « contre des fonctionnaires et des élus » et « contre desmédias ».

153.Outre les poursuites pénales, les mesures visant à promouvoir la démocratie et à prévenir la radicalisation jouent également un rôle important. En Allemagne, il existe de nombreux projets et initiatives nationaux, régionaux et locaux visant à prévenir et à contrecarrer la radicalisation. Les raisons de la radicalisation sont diverses. Comme il n’existe pas de modèle uniforme, les contre-mesures doivent être prises individuellement et localement. Le « Service de conseil sur la radicalisation » de l’Office fédéral des migrations et des réfugiés apporte un soutien à toute personne qui s’inquiète de la radicalisation islamiste dans son environnement. En cas de besoin, les personnes à la recherche de conseils peuvent recevoir l’aide d’organisations de la société civile et d’organismes gouvernementaux des Länder. Une assistance est fournie aux parents et aux contacts sociaux, ou par le biais de programmes de sortie. Le Service de conseil et les organisations locales forment ensemble un réseau national de conseil, où toute personne cherchant des conseils peut recevoir une aide en personne et, surtout, au niveau local. Cela est conforme à l’approche du Gouvernement fédéral, qui consiste à promouvoir des mesures individuelles et multidisciplinaires au niveau local en impliquant les acteurs de la société civile.

154.Afin d’améliorer la sécurité des réfugiés dans les centres d’hébergement du Land de Berlin, l’équipe mobile de conseil de l’association sociale VDK conseille le personnel et les bénévoles des centres d’hébergement. Reconnaissant les réfugiés LGBTI comme un groupe particulièrement vulnérable conformément à la directive européenne sur l’accueil, Berlin a introduit des mesures spécifiques pour protéger et sauvegarder les réfugiés LGBTI. Dans le cadre du « Modèle de Berlin pour le soutien aux réfugiés LGBTI », un centre d’hébergement dédié à ces réfugiés a été créé, un manuel destiné aux centres d’hébergement et aux réfugiés soulignant les principaux aspects de la prévention de la violence a été publié (« Que faire en cas de violence contre les femmes réfugiées et les réfugiés LGBTI dans les centres d’hébergement »), le travail de lutte contre la violence et la discrimination a été renforcé et une formation permanente est dispensée aux directeurs et au personnel des centres d’hébergement pour réfugiés. Des concepts obligatoires de prévention de la violence dans les établissements d’accueil ont également été mis en œuvre dans d’autres Länder.

Participation

155.Pour assurer la protection des droits de l’homme conformément à l’article 5 de la Convention, il est important que chaque individu participe pleinement à la vie sociale et politique sans être victime de discrimination raciste. Des exemples sont examinés ci‑dessous : vie publique et politique (a), éducation (b), travail et vie économique (c), soins de santé et systèmes de sécurité sociale (d).

Participation à la vie publique et politique

156.L’Allemagne s’efforce d’améliorer continuellement la participation des personnes issues de l’immigration à la vie publique et politique.

Acquisition de la citoyenneté

157.La pleine participation à la vie politique passe par l’acquisition de la nationalité allemande. Les étrangers vivant en Allemagne peuvent l’obtenir par naturalisation. Après un séjour légal de huit ans sur le sol allemand, ils peuvent bénéficier du droit à la naturalisation s’ils remplissent certaines conditions préalables à l’intégration. Il s’agit notamment de la capacité d’assurer sa subsistance, de l’absence de condamnations pénales antérieures, de la maîtrise de la langue allemande et de la connaissance du système juridique et du mode de vie allemands. Cette situation est normalement évaluée dans le cadre d’un test de naturalisation, qui est le même dans tous les Länder. Ce test a prouvé son utilité, car les candidats doivent étudier intensivement l’ordre juridique et social et le mode de vie allemands avant de le passer. Pour ceux qui ont suivi avec succès un cours d’intégration, la durée de séjour requise est réduite à sept ans. Si le demandeur montre qu’il fait des efforts d’intégration particuliers, la naturalisation peut être accordée après six ans de résidence légale ordinaire en Allemagne. En règle générale, les personnes doivent renoncer à toute citoyenneté étrangère. Il existe toutefois des exceptions − par exemple pour les citoyens de l’Union européenne ou lorsque la renonciation est impossible ou n’est possible que dans des conditions particulièrement difficiles. Néanmoins, certaines personnes hésitent encore à demander la naturalisation. On observe différentes raisons à cela : non seulement le désir de conserver sa nationalité, mais aussi d’autres facteurs sociaux, familiaux et professionnels. Au cours des vingt dernières années, plus de 2,3millions de personnes ont été naturalisées en Allemagne (plus de 100 000 par an depuis 2010).

158.Depuis 2000, les enfants nés en Allemagne de parents étrangers obtiennent la nationalité allemande en vertu du principe du lieu de naissance (droit du sol en vertu de l’article 4, paragraphe 3, de la loi sur la nationalité) si l’un des parents réside légalement en Allemagne depuis huit ans et dispose d’un permis de séjour illimité. Depuis que la loi a été modifiée en 2014, les personnes ayant acquis la nationalité allemande en vertu du droit du sol et ayant grandi en Allemagne peuvent conserver de manière permanente la nationalité allemande et la nationalité étrangère qu’elles ont acquise par filiation de leurs parents. On considère qu’une personne a grandi en Allemagne si elle y a résidé normalement pendant huit ans, qu’elle y a fréquenté l’école pendant six ans ou y a obtenu un diplôme de fin d’études ou y a suivi une formation professionnelle. Seuls les Allemands ayant obtenu la nationalité en vertu du jus soli qui n’ont pas grandi en Allemagne et qui ont une nationalité étrangère autre que celle d’un autre État membre de l’Union européenne ou de la Suisse doivent choisir, après l’âge de 21ans, s’ils souhaitent conserver la nationalité allemande ou celle de leurs parents.

159.Les Länder souhaitent fortement augmenter le nombre de naturalisations. À cette fin, des campagnes de naturalisation sont planifiées et exécutées par les Länder et les autorités locales.

Mesures législatives

160.De plus en plus de Länder créent une base juridique pour améliorer la participation des personnes issues de l’immigration. Outre Berlin, qui a adopté sa loi sur la participation et l’intégration, mentionnée dans le dernier rapport, la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, le Bade-Wurtemberg et la Bavière ont également légiféré à cette fin.

Financement de projets

161.Depuis 2010, le Ministère fédéral de l’intérieur a apporté un appui aux projets dans les régions rurales et les régions structurellement faibles, octroyant 12millions d’euros par an par le biais du programme fédéral « Cohésion sociale par la participation ». Ces projets encouragent une culture confiante, vivante et démocratique dans laquelle les structures extrémistes et anticonstitutionnelles n’ont pas leur place, en se concentrant sur les clubs, les associations et les multiplicateurs régionaux. Les clubs et les associations (notamment le sport organisé, les pompiers volontaires et les organisations de secours, par exemple Technisches Hilfswerk) sont des piliers de la cohésion sociale. Les projets ont un caractère préventif (surtout vis-à-vis de l’extrémisme) et jettent les bases d’une vie communautaire égalitaire et non violente.

162.La Commissaire du Gouvernement fédéral à l’immigration, aux réfugiés et à l’intégration a financé le projet pilote « Votez D : Participation des personnes issues de l’immigration aux élections fédérales de 2017 », dans le cadre des activités spéciales 2016/2017 sous le titre « Engagez-vous, devenez une partie prenante : la participation à la société de l’immigration ». Ce projet a permis de tester des méthodes visant à accroître la participation des personnes issues de l’immigration aux élections et il a été conçu comme un instrument d’éducation politique.

163.Afin d’améliorer la participation des immigrants à la vie publique et politique, certains Länder ont également démarré des projets visant à aider les organisations des communautés d’immigrants à se professionnaliser et à former de meilleurs réseaux en tant que lobbyistes et organisateurs d’activités d’intégration. En outre, un appui est fourni pour aider les institutions et installations à devenir plus interculturelles afin de réduire les obstacles à l’accès des immigrants. Le Gouvernement fédéral, depuis 2013, finance également certaines organisations faîtières représentant les communautés d’immigrants au niveau fédéral afin de soutenir leur développement structurel. À ce jour, 17organisations de communautés d’immigrants ont reçu un appui structurel pluriannuel, certaines continuant à le recevoir. L’objectif est d’établir solidement les organisations de communautés d’immigrants en tant que points de contact fiables pour les décideurs politiques et l’administration publique, et de renforcer les réseaux entre ces organisations et avec d’autres acteurs qui prennent part au travail d’intégration.

Participation à l’éducation

164.L’accès à l’éducation est essentiel pour l’intégration et la participation des communautés d’immigrants. Les évolutions suivantes peuvent être observées en matière de participation, de niveaux d’éducation et de réussite des personnes issues de l’immigration : parmi tous les enfants en garderie, la proportion d’enfants issus de l’immigration a récemment légèrement diminué, après avoir augmenté de manière constante jusqu’en 2015. La proportion d’étudiants de première année et de personnes en formation continue issues de l’immigration a augmenté. La proportion de personnes issues de l’immigration âgées d’au moins 15ans sans diplôme d’enseignement général ou professionnel avait baissé jusqu’en 2014, mais elle a de nouveau légèrement augmenté en 2016. La proportion de jeunes immigrants ayant un diplôme de l’enseignement supérieur a augmenté. Selon les comparaisons internationales de résultats scolaires (par exemple, PISA), les élèves issus de l’immigration continuent d’obtenir des résultats nettement moins bons en mathématiques et en lecture que ceux qui ne sont pas issus de l’immigration. Cela montre qu’il existe encore des différences considérables dans les résultats scolaires des enfants, des adolescents et des jeunes adultes, selon qu’ils sont ou non issus de l’immigration, en fonction du groupe d’âge et du domaine de compétence. Cependant, être « issu de l’immigration »‘ n’est pas en soi décisif dans les désavantages (éducatifs) : le facteur le plus important est l’origine sociale. Il est encore nécessaire, en particulier, d’apporter un appui au niveau de la petite enfance et de l’éducation permanente en matière de d’apprentissage de la langue allemande, notamment de la lecture. Des efforts sont également nécessaires pour améliorer les possibilités, la participation et les résultats en matière d’éducation − compte tenu notamment des défis que pose l’augmentation de l’immigration en raison du nombre plus important de réfugiés, surtout depuis 2015. Les rapports sur l’éducation (récemment, « L’éducation en Allemagne 2018 ») montrent également que le système éducatif doit relever des défis majeurs en raison de la diversité croissante de la population scolaire (par exemple, l’intégration des enfants dont la langue maternelle n’est pas l’allemand).

165.Le financement de l’enseignement des langues est donc essentiel. Un exemple est l’initiative intitulée « L’éducation par le langage et l’écriture » de l’État fédéral et des Länder, pour les compétences linguistiques et les compétences de lecture et les diagnostics linguistiques, qui vise à améliorer les compétences des enfants et des jeunes en « allemand comme langue de l’éducation ». Pour apporter un soutien aux enfants et aux adolescents issus de l’immigration, les Länder ont mis en œuvre diverses mesures ces dernières années. Par exemple, la participation des parents a été renforcée, la prise en charge par l’école toute la journée a été étendue et des concepts et mesures globaux d’enseignement des langues ont été élaborés pour l’enseignement des langues à l’école. Afin de prévenir les désavantages à long terme dus au manque de compétences linguistiques à l’âge de la scolarisation, les compétences linguistiques des enfants de 4 à 6ans sont évaluées dans presque tous les Länder. Les enfants qui ont besoin d’aide reçoivent une formation linguistique supplémentaire dans tous les Länder. Des programmes extrascolaires (par exemple, des camps de formation linguistique, des cours de langue l’après-midi ou le week-end, des classes supplémentaires pour les enfants et les adolescents issus de l’immigration dans le premier et le deuxième cycle de l’enseignement secondaire) complètent le programme scolaire. En outre, de nombreux Länder offrent aux enfants et aux adolescents la possibilité d’améliorer leurs compétences dans leur langue maternelle dans le cadre de programmes d’enseignement de la langue maternelle parrainés par l’État. Le travail en matière de diversité et la promotion des compétences interculturelles jouent également un rôle important dans la formation des enseignants et des spécialistes de l’éducation de la petite enfance. Cela se reflète dans des programmes tels que « Offensive pour la qualité de la formation des enseignants » et « Initiative de formation continue pour les spécialistes de l’éducation de la petite enfance ». En 2015, la Conférence permanente des ministres de l’éducation et des affaires culturelles et la Conférence des recteurs d’université ont adopté des recommandations sur la « Formation des enseignants pour des écoles prenant en compte la diversité », ouvrant la voie à une formation des enseignants mettant davantage l’accent sur la diversité et l’intégration. En outre, l’accent renforcé mis sur « l’apprentissage des langues dans toutes les matières » et sur « la sensibilité aux langues dans l’enseignement des matières » profite particulièrement aux élèves issus de milieux plurilingues. Les personnes issues de l’immigration bénéficient également, en particulier, de programmes dans le domaine de la formation professionnelle. Un exemple est l’initiative « Qualification et participation − Étapes éducatives jusqu’aux qualifications de la formation professionnelle », qui aide les jeunes adultes à passer de l’école au monde du travail, et, idéalement, à la formation professionnelle ou à l’université. Le Gouvernement fédéral et les gouvernements des Länder ont relié leurs programmes entre eux. L’initiative conjointe de l’État fédéral et des Länder intitulée « L’école vous rend fort » débutera au cours de l’année scolaire 2021/22 et sera financée à parts égales par l’État fédéral et les Länder, à hauteur de 125millions d’euros sur dix ans. Cette initiative menée à l’échelle nationale aide les écoles situées dans des environnements sociaux difficiles à mieux faire face à des difficultés telles que celles que posent les élèves de ménages exposés au risque de pauvreté ou les parents ayant peu d’éducation formelle ou de connaissances en allemand.

166.Suite à la forte augmentation de l’immigration de personnes en quête de protection et d’asile en 2015, les Länder ont recruté des enseignants supplémentaires pour les enfants et les jeunes adultes nouvellement admis dans les écoles et ont débloqué des fonds pour créer de nouveaux postes. Pour améliorer la qualité des programmes d’intégration linguistique, plusieurs Länder ont introduit le diplôme de langue allemande de la Conférence permanente des ministres de l’éducation et des affaires culturelles (KMK), qui a également permis d’améliorer la coopération entre les Länder en matière d’intégration linguistique. De plus, le Ministère fédéral de l’éducation et de la recherche a lancé une série de mesures visant à promouvoir les compétences linguistiques et les compétences de lecture, à apporter un appui aux autorités locales et aux réseaux des autorités locales, et à faciliter l’entrée et l’intégration dans la formation, les études et le monde du travail. Il s’agit notamment des programmes « L’allemand pour les débutants », « Commencer à lire pour les enfants réfugiés », « Coordination municipale des possibilités d’éducation pour les nouveaux immigrés », « Orientation professionnelle pour les réfugiés », « Prévention de l’abandon de la formation », « Bureau de coordination pour la formation et la migration », la fourniture d’un appui aux initiatives volontaires des étudiants et la promotion des cours de langue et de propédeutique dans les écoles préparatoires et les universités. En outre, des projets de recherche sont financés pour améliorer les connaissances sur la migration et l’intégration. Des efforts sont également déployés pour améliorer l’accès à l’enseignement universitaire des personnes issues des milieux de réfugiés. En 2015, la Conférence permanente des ministres de l’éducation et des affaires culturelles a convenu d’une approche commune pour les étudiants qui, après avoir fui leur pays, ne peuvent pas prouver qu’ils ont un diplôme d’entrée dans l’enseignement supérieur ou fournir toutes les pièces justificatives exigées. La Conférence a également discuté des moyens de réduire les frais d’inscription. Parallèlement, diverses mesures ont été prises dans les Länder et dans les universités − par exemple l’octroi de bourses d’études ; des programmes et initiatives de conseil et d’orientation, de préparation à l’université, d’apprentissage de langues et de facilitation de l’accès à l’enseignement supérieur.

Participation à la vie professionnelle et économique

Intégration sur le marché du travail

167.Des progrès sont accomplis dans l’intégration sur le marché du travail des quelque 19millions de personnes issues de l’immigration qui vivent en Allemagne. Leur participation au marché du travail a atteint 70,1 % en 2017, tandis que celle des étrangers était de 65,3 % (personnes non issues de l’immigration : 82,1 %). Pour les ressortissants étrangers, le taux de chômage de l’ensemble de la population active civile était de 12,4 % en juillet 2018, soit une baisse de 2,2points de pourcentage par rapport à la moyenne de 2011 (le fait d’être issu de l’immigration ne figure pas dans les statistiques de l’Agence fédérale pour l’emploi sur le chômage). La baisse du taux de chômage dans ce groupe a donc été aussi prononcée que celle des ressortissants allemands au cours de la même période (baisse de 2,2points de pourcentage, le taux s’établissant à 4,2 %). La baisse du chômage des étrangers aurait été encore plus prononcée sans les nouveaux défis posés par l’arrivée de réfugiés en 2015/2016. Malgré un soutien et un financement importants, l’intégration de ce groupe sur le marché du travail prendra du temps, notamment parce qu’il faut acquérir des connaissances en allemand. Toutefois, la tendance actuelle montre également une nette amélioration de l’intégration sur le marché du travail.

168.Le programme de financement à l’échelle nationale intitulé « Intégration par la qualification » a été complété par un quatrième domaine prioritaire, « Réseaux régionaux de travailleurs qualifiés − Immigration » au début du deuxième cycle de financement, le 1erjanvier 2019. Pour promouvoir la diversité dans l’entreprise, la « Charte de la diversité » a été élaborée, qui est une initiative visant à promouvoir la reconnaissance, l’appréciation et l’inclusion de la diversité dans la culture d’entreprise en Allemagne. À ce jour, 3 400 entreprises et institutions ont signé la Charte en leur qualité d’employeur. Outre d’autres projets du Gouvernement fédéral, il existe dans les Länder de nombreux projets d’intégration sur le marché du travail, dont certains relèvent du Fonds social européen (FSE).

Protection contre la discrimination

Loi générale sur l’égalité de traitement

169.La loi générale sur l’égalité de traitement, entrée en vigueur le 18août 2006, interdit la discrimination dans l’emploi et le travail fondée sur la race, l’origine ethnique, le sexe, l’âge, le handicap, l’identité sexuelle, la religion ou les convictions (art. 7). En cas de violation de cette loi, les employés peuvent avoir droit à des dommages et intérêts et à une indemnisation. S’ils subissent un désavantage, ils peuvent déposer une plainte (art. 13). De plus, l’Agence fédérale de lutte contre la discrimination fournit des conseils et une assistance aux personnes concernées. En outre, elles peuvent saisir les tribunaux.

170.Au nom de l’Agence fédérale, un groupe indépendant a évalué la loi générale sur l’égalité de traitement en 2016 et les résultats ont été publiés en octobre 2016 (observation finale 8a). L’examen par le Gouvernement fédéral de l’évaluation n’est pas encore terminé.

171.Les Länder s’efforcent également d’élargir la protection juridique contre la discrimination − du moins pour les questions relevant de leur compétence législative. ÀBerlin, la procédure législative relative à un projet de loi antidiscrimination du Land suit son cours.

Agences antidiscrimination au niveau fédéral et au niveau des Länder

172.L’Agence fédérale de lutte contre la discrimination a été créée en 2006 en tant qu’organisme national de protection contre la discrimination (art. 25 de la loi générale sur l’égalité de traitement). Ses fonctions consistent notamment à informer sur leurs droits et la protection juridique les personnes qui estiment avoir été désavantagées pour les motifs énumérés à l’article premier de la loi générale sur l’égalité de traitement. En outre, l’Agence peut renvoyer à d’autres organismes pour l’obtention de conseils et rechercher des règlements à l’amiable entre les parties (art. 27, par. 2), al.1 à 3, de la loi générale sur l’égalité de traitement).

173.Outre l’Agence fédérale, il existe un certain nombre d’agences antidiscrimination au niveau des municipalités et des Länder. Elles ont été mises en place dans un nombre croissant de Länder et sont en cours d’extension. Certaines offrent un premier conseil juridique gratuit. Un grand nombre d’organismes non gouvernementaux de lutte contre la discrimination existe également dans toute l’Allemagne. L’Agence fédérale a apporté un appui à la création d’organismes non gouvernementaux de ce type au titre du programme « Centres de conseil contre la discrimination » entre 2015 et 2017, afin de combler les lacunes en matière de soutien (observation finale 8c). Parmi les nombreuses demandes d’appui, l’Agence fédérale a sélectionné 11projets, basés dans 10Länder différents, qui continueront à améliorer les services de soutien aux victimes de discrimination et à agir comme points de contact pour l’effort de lutte contre la discrimination dans leur région. Pour aider les gens à trouver un centre local approprié parmi une longue liste de services de soutien, l’Agence fédérale a lancé en 2011 un outil de recherche et une base de données d’informations sur son site Web www.antidiskrimierungsstelle.de. Cet outil permet également aux institutions et aux associations de trouver d’autres organisations qui œuvrent dans leur domaine et de créer des réseaux.

Droit à l’autodétermination des églises et article 9, paragraphe 1, de la loi générale sur l’égalité de traitement

174.En vertu de l’article 9, paragraphe 1, de la loi générale sur l’égalité de traitement, une différence de traitement des employés ou des demandeurs fondée sur la religion ou les convictions est autorisée si cette différence de traitement reflète une décision prise par une communauté religieuse ou une institution affiliée en vertu de son droit à l’autodétermination, ou si l’appartenance d’une personne à une religion donnée est une exigence professionnelle justifiée en raison du type d’activité à exercer. L’interdiction d’une différence de traitement fondée sur la religion ou les convictions ne porte pas atteinte au droit des communautés religieuses d’exiger de leurs employés une conduite loyale et honnête, en conformité avec l’image qu’ils ont d’eux-mêmes.

175.Selon la jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale, les communautés religieuses peuvent en principe décider elles-mêmes si elles exigent des candidats à un emploi donné qu’ils appartiennent à une religion spécifique. Toutefois, ce droit ecclésiastique à l’autodétermination, applicable en vertu du droit commun, ne s’applique pas sans restriction et est soumis à un contrôle juridictionnel de plausibilité et du caractère arbitraire.

176.Dans l’affaire Egenberger (C-414/16, arrêt du 17avril 2018), la Cour de justice européenne (ECJ) a examiné la question de savoir si un candidat à un poste vacant au sein de l’église devait appartenir à une religion spécifique. La Cour de justice a estimé que le droit à l’autonomie des églises et le droit des employés à la non-discrimination doivent être mis en balance, et que cette évaluation doit être soumise à un contrôle juridictionnel. En tout état de cause, les exigences imposées par une organisation religieuse doivent être objectivement nécessaires et proportionnées. La Cour a estimé que le droit national doit être interprété en conformité avec le droit communautaire dans la mesure du possible. Sur cette base, la Cour de justice, dans son arrêt du 11septembre 2018 dans l’affaire Chefarzt (C68/17IR/JQ) a estimé que la décision d’une église (ou d’une autre organisation dont l’éthique est fondée sur la religion ou les convictions) et qui gère un établissement hospitalier sous la forme d’une société de capitaux de droit privé d’imposer à ses cadres des exigences d’attitude de bonne foi et de loyauté distinctes en fonction de la confession ou de l’absence de confession de ces employés, doit faire l’objet d’un contrôle juridictionnel effectif. Dans le cadre de ce contrôle, a estimé la Cour, une juridiction nationale est tenue de s’assurer que − au regard de la nature des activités professionnelles concernées ou du contexte dans lequel elles sont exercées, la religion ou les convictions constituent une exigence professionnelle essentielle, légitime et justifiée, eu égard à l’éthique de l’organisation. Dans sa décision préjudicielle, la Cour avait estimé que l’exigence en question était injustifiée.

177.Dans l’affaire Egenberger, la Cour fédérale du contentieux social a estimé le 25octobre 2018 (8AZR501/14) que le rejet de la candidate sans confession pour des raisons religieuses avait désavantagé la demanderesse pour des motifs religieux. Dans l’affaire en question, la religion et les convictions n’ont pas été considérées comme une exigence professionnelle justifiée car il n’y avait pas de risque probable et substantiel que l’activité liée au projet en question porte atteinte à l’éthique de l’église. Par conséquent, la Cour fédérale du contentieux social a condamné le défendeur à verser des dommages-intérêts à la demanderesse pour violation de l’interdiction de la discrimination prévue par la loi générale sur l’égalité de traitement. Le défendeur a maintenant déposé une plainte constitutionnelle contre l’arrêt de la Cour fédérale, affirmant entre autres que la Cour de justice avait dépassé sa compétence. La Cour constitutionnelle fédérale ne s’est pas encore prononcée sur cette question. (Voir également l’observation finale 15).

Participation aux systèmes de santé et de sécurité sociale : situation des demandeurs d’asile

178.Les prestations du régime d’assurance maladie obligatoire en Allemagne sont ouvertes à tous les assurés dans des conditions d’égalité, indépendamment de leur nationalité ou de leur origine. La réglementation en la matière ne tient pas compte des caractéristiques énoncées à l’article premier, paragraphe 1, de la Convention. Toutefois, les personnes qui sollicitent une protection et celles qui sont tenues de quitter l’Allemagne sont généralement prises en charge en dehors du régime d’assurance maladie obligatoire. Pour ces personnes, les soins de santé dispensés dans le cadre de la loi relative aux prestations des demandeurs d’asile se limitent essentiellement au traitement des maladies et des douleurs aiguës. De plus, des vaccinations et des examens préventifs médicalement nécessaires sont prévus pour la prévention et la détection précoce des maladies. Les femmes enceintes et les femmes ayant récemment accouché doivent recevoir une assistance et des soins médicaux, des services de sage-femme, des médicaments, des bandages et des remèdes. En outre, d’autres prestations peuvent être accordées, notamment lorsqu’elles sont indispensables dans des cas individuels pour préserver la santé ou répondre aux besoins particuliers d’enfants. Ces autres prestations sont dispensées à la discrétion de l’autorité compétente. Dans des cas individuels, son pouvoir discrétionnaire peut être réduit à zéro (par exemple pour se conformer au droit européen ou constitutionnel), c’est-à-dire qu’une prestation doit être dispensée. Après quinze mois passés en Allemagne sans interruption notable, les personnes qui sollicitent une protection et celles qui sont tenues de quitter le pays reçoivent des prestations de soins de santé périodiques en vertu de la loi fédérale sur l’aide sociale (dites « prestations analogues »). Elles sont traitées de la même manière que les personnes qui bénéficient de l’assurance maladie obligatoire. Une fois que l’Office fédéral des migrations et des réfugiés a reconnu le droit d’une personne à l’asile, celle-ci a accès au système d’assurance maladie obligatoire.

179.Peu d’informations pertinentes sont actuellement disponibles sur l’état de santé et les soins médicaux des personnes qui sollicitent une protection. Cependant, il est essentiel de disposer de données valides pour la planification et la prise de décisions en matière de politique de santé axée sur les besoins. En finançant le projet « Surveillance sentinelle de l’état sanitaire et des soins médicaux primaires des demandeurs d’asile dans les centres de premier accueil et les logements collectifs en Allemagne », le Ministère fédéral de la santé apporte une contribution importante à l’amélioration des données disponibles sur la situation sanitaire des personnes qui sollicitent une protection.

180.En outre, le Ministère fédéral de la santé encourage activement l’optimisation structurelle des rapports sanitaires, la promotion de la santé et l’ouverture interculturelle dans les soins de santé. Ainsi, la communication avec les migrants (en particulier les réfugiés) est améliorée grâce à un portail Web multilingue, à la traduction de documents d’information et à des manifestations nationales de sensibilisation menées en coopération avec des associations de communautés de migrants. Un « Guide de santé pour les demandeurs d’asile en Allemagne » a été produit et publié en sept langues.

181.La Commissaire du Gouvernement fédéral à l’immigration, aux réfugiés et à l’intégration a financé l’« Étude représentative des femmes réfugiées dans les différents Länder allemands ». L’étude traite les questions de santé et de bien-être physique et psychologique des femmes réfugiées en Allemagne, tout en fournissant une analyse des soins médicaux et psychologiques et psychiatriques dispensés aux réfugiés en Allemagne.

F.Article 6

182.En ce qui concerne la poursuite des infractions racistes, veuillez vous reporter aux informations relatives à l’article 4a (par. 91 et suivants). En ce qui concerne la sensibilisation des autorités d’enquête aux motifs racistes, se reporter en particulier aux informations figurant aux paragraphes 104 et suivants. Pour la discrimination qui est le fait de l’État, le recours aux tribunaux est garanti par l’article 19, paragraphe 4, de la Loi fondamentale (voir supra, par. 17). Les plaintes individuelles pour discrimination raciste peuvent être déposées auprès des tribunaux indépendants, mais pas seulement. Il existe également des possibilités illimitées d’informer les institutions des droits de l’homme et de leur demander conseil. L’Agence fédérale de lutte contre la discrimination joue un rôle spécial en tant qu’organe consultatif (par. 172 et suivants).

183.Comme indiqué dans le dernier rapport, l’accent est mis sur les droits des victimes. Veuillez vous reporter au dernier rapport pour une vue d’ensemble des structures de protection des victimes en Allemagne. Les réformes suivantes ont été introduites au cours de la période considérée :

184.La loi sur la réforme des droits des victimes (ORRG-3) du 21décembre 2015 a énoncé d’autres mesures importantes visant à améliorer la protection des victimes. Tout d’abord, elle a mis en œuvre la directive européenne 2012/29/UE relative aux victimes de la criminalité. L’Allemagne disposait déjà d’une protection importante pour les victimes, si bien que des modifications n’ont dû être apportées que dans certains domaines, tels que les droits procéduraux et le droit à l’information. Par exemple, cette nouvelle version de la loi réglemente explicitement les droits des victimes à un interprète pendant une audition menée par la police ou le parquet, respectivement à l’article 163, paragraphe 3, et à l’article 161a, paragraphe 5, du Code de procédure pénale. Deuxièmement, cette loi a intégré l’assistance psychosociale aux procédures pénales. Les victimes particulièrement vulnérables ont désormais accès à une assistance professionnelle avant, pendant et après le procès. Les enfants et les jeunes ont un droit légal à une assistance psychosociale gratuite lorsqu’ils sont victimes d’infractions sexuelles ou violentes graves. Pour les autres victimes d’infractions violentes ou sexuelles graves et les proches d’une personne tuée par un acte illégal, le tribunal décide au cas par cas concernant la fourniture d’une assistance psychosociale. Les dispositions relatives à l’assistance psychosociale dans les procédures judiciaires sont entrées en vigueur le 1erjanvier 2017. On trouvera des informations à ce sujet sur le site Web du Ministère fédéral de la justice : www.bmjv.de/opferschutz.

185.Comme indiqué dans le dernier rapport, les victimes d’attaques extrémistes peuvent recevoir des indemnités. Cela s’applique également aux victimes du terrorisme. Ces indemnités proviennent de crédits budgétaires spécifiquement affectés chaque année par le Bundestag au soutien apporté aux victimes de ces infractions pour des raisons humanitaires ; ces versements sont administrés par l’Office fédéral de la justice conformément à la « Ligne directrice concernant le versement d’indemnités aux victimes d’attaques extrémistes » et à la « Ligne directrice concernant le versement d’indemnités aux victimes d’infractions terroristes ». Ces versements sont un acte de solidarité envers les victimes de la part de l’État et de ses citoyens et ils envoient un message clair de condamnation de ces attaques. Les versements sont régulièrement effectués sous forme de sommes forfaitaires versées immédiatement. Les montants forfaitaires versés pour perte des moyens de subsistance ou préjudice subi sur le plan professionnel ont été augmentés en 2018. Le montant des indemnités versées aux parents survivants a triplé : les conjoints, les partenaires civils, les enfants et les parents des personnes tuées dans un attentat reçoivent désormais 30 000 euros contre 10 000 euros auparavant. Les frères et sœurs reçoivent 15 000 euros chacun contre 5 000 euros auparavant. Ces augmentations sont rétroactives.

186.De plus, les prestations au titre de la loi sur l’indemnisation des victimes de la criminalité devraient augmenter de manière significative dans le cadre de la prochaine réforme du droit de la sécurité sociale. Le Gouvernement fédéral prévoit de vastes réformes dans ce domaine. La loi inclura désormais les victimes de violences purement psychologiques. En outre, toutes les victimes auront aisément accès à des services rapides, tels que les centres de traumatologie. Les services et les prestations seront accessibles de la même manière quelle que soit la nationalité de la victime.

187.De plus, grâce notamment au soutien du programme fédéral « Pour une démocratie vivante ! », les services de conseil et de soutien sont disponibles dans les 16Länder pour aider les victimes d’incidents d’extrême droite, racistes, antisémites, homophobes, transphobes et islamophobes à faire face aux conséquences pécuniaires et non pécuniaires de ces infractions et à retrouver le sentiment de pouvoir agir.

G.Article 7

Mesures générales

188.La lutte contre les idéologies de l’inégalité et les formes connexes de discrimination figure au premier plan des mesures visant à renforcer la démocratie et l’état de droit ; veuillez vous reporter aux informations correspondantes figurant dans le Plan d’action national, en particulier les chapitres 3 et 4.

189.L’Agence fédérale pour l’instruction civique, mentionnée dans ce contexte dans le dernier rapport, a mis en œuvre quelque 130projets en 2017 pour prévenir et combattre les mentalités et les comportements haineux, racistes et extrémistes. Ces projets se poursuivront de manière permanente.

190.En outre, un grand nombre des initiatives et organisations décrites plus haut s’efforcent de prévenir les mentalités racistes en fournissant des informations et une éducation ciblées. C’est le cas, par exemple, de l’« Alliance pour la démocratie et la tolérance » et des programmes fédéraux « Pour une démocratie vivante ! » et « La cohésion sociale par la participation » (voir supra, par. 35 et suivants).

191.Permettre au plus grand nombre de personnes d’accéder à l’art et à la culture est essentiel pour la cohésion sociale et cet accès est un moteur d’intégration dans un pays d’immigration. La déléguée du Gouvernement fédéral chargée de la culture et des médias finance les activités d’éducation culturelle de divers réseaux, initiatives et institutions, en particulier pour atteindre ceux qui se sont rarement rendus dans un musée, une bibliothèque ou un théâtre.

192.En 2018, à la suite de faits récemment survenus, la Conférence permanente des ministres de l’éducation et des affaires culturelles a révisé sa déclaration de 2009 sur l’éducation à la démocratie, en soulignant non seulement que la démocratie est inhérente à toutes les questions, mais aussi que les écoles peuvent offrir une expérience démocratique en offrant des possibilités en matière de prise de décisions et de propriété collectives. De nombreux Länder ont suivi la recommandation de 2009 visant à faire du 9novembre une journée de projet annuelle pour l’étude critique de l’histoire allemande du XXesiècle. Pour des raisons d’organisation, la mise en œuvre de certains de ces projets est étalée sur toutel’année.

Mesures prises dans les domaines de l’enseignement et de l’éducation

Plans et programmes scolaires visant à améliorer la compréhension, la tolérance et l’amitié entre les groupes concernés

193.Tous les Länder en Allemagne considèrent que l’enseignement du respect de la dignité humaine est une de leurs tâches inhérentes et un objectif fondamental de l’éducation scolaire. Ce sujet est fermement ancré dans les programmes de toutes les matières pertinentes − en particulier l’éducation religieuse, l’éthique, la philosophie, l’histoire, l’instruction civique et les études sociales, mais aussi l’économie, la politique, la géographie, l’allemand et les langues étrangères − à tous les niveaux et dans tous les types d’école. Il est également au centre d’innombrables projets et initiatives extrascolaires. L’éducation aux droits de l’homme dans les écoles permet aux écoliers d’apprendre quels sont leurs droits et à les défendre et à défendre les droits des autres, et elle favorise le respect et la tolérance à l’égard des autres cultures ainsi qu’un sens intrinsèque de la responsabilité sociale. Les écoles encouragent ainsi tous les élèves à se développer librement en tant qu’individus, et elles s’efforcent d’assurer l’égalité des chances et de compenser les désavantages dans toute la mesure du possible. En 2018, la Conférence permanente des ministres de l’éducation et des affaires culturelles a profondément révisé ses recommandations sur l’éducation aux droits de l’homme dans les écoles. Elle entretient des relations de travail étroites avec le Conseil central des Juifs d’Allemagne (recommandation commune en 2016, recueil de matériels pour l’enseignement du judaïsme dans les écoles en 2018) et le Conseil central des Sintis et des Roms allemands (recommandations prévues pour l’enseignement des cultures, des circonstances de vie et de l’histoire des Roms et des Sintis).

194.Le projet « Une école sans racisme − une école qui a du courage », financé par l’Agence fédérale pour l’instruction civique (voir le dernier rapport), est mis en œuvre maintenant dans bien plus de 1 000 écoles.

195.Avec le concours annuel « L’équité à l’école », fondé en 2017, l’Agence fédérale de lutte contre la discrimination et la maison d’édition Cornelsen récompensent les projets scolaires exemplaires visant à lutter contre la discrimination et à promouvoir l’égalité des chances dans les écoles.

Éviter les stéréotypes dans les manuels scolaires

196.Les directives de la Conférence permanente des ministres de l’éducation et des affaires culturelles concernant l’approbation des manuels scolaires disposent, entre autres, qu’ils ne peuvent être approuvés que s’ils ne violent pas les principes constitutionnels généraux et les dispositions légales. Il s’agit notamment d’éviter les stéréotypes dans les manuels scolaires (par exemple dépeindre une Europe supérieure, une Afrique qui ne connaît que la pauvreté et la guerre civile, ou donner une vision unique de l’Islam, celle d’un islam totalitaire).

197.L’« Étude sur les manuels scolaires concernant la migration et l’intégration », publiée en 2015 au nom de la Commissaire du Gouvernement fédéral à l’immigration, aux réfugiés et à l’intégration avait pour objet d’examiner si et comment les manuels scolaires tiennent compte de l’intégration, de la migration et de la diversité sociale qui en résulte. Il est important de noter que l’étude a révélé que la migration est souvent décrite dans les manuels scolaires comme une source de problèmes, les possibilités de diversité étant souvent traitées comme un sujet secondaire. Diverses mesures ont été prises depuis la publication de l’étude. Par exemple, en mai 2015, le Ministère des écoles et de la formation continue de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie a organisé une conférence sur le thème « la diversité et la migration dans le matériel pédagogique ». En octobre 2015, la Conférence permanente des ministres de l’éducation et des affaires culturelles a adopté la déclaration commune « Portraits de la diversité culturelle, de l’intégration et de la migration dans les médias éducatifs » avec des organisations de communautés d’immigrants et des éditeurs de livres scolaires et éducatifs. En janvier 2016, la Commissaire et la Conférence ont organisé une conférence à la Chancellerie fédérale pour discuter plus avant de l’étude sur les manuels scolaires. L’étude a contribué à sensibiliser à une approche plus interculturelle du matériel pédagogique et a donné une impulsion aux acteurs du secteur de l’éducation, notamment aux ministères de l’éducation des Länder, aux enseignants et aux éditeurs de livres scolaires et éducatifs. Le Gouvernement continuera d’apporter un appui à ce processus.

Les médias

198.Les médias influencent considérablement l’opinion publique − non seulement par leurs éditoriaux et leurs commentaires, mais aussi par le choix des sujets, des images, des mots et du contexte. Cette influence exercée sur la prise de décisions, les débats et l’opinion démocratiques engage leur responsabilité envers la société dans son ensemble. Mais il est également très important, surtout avec les nouveaux médias numériques, de renforcer l’éducation aux médias et de promouvoir la protection des jeunes en s’appuyant sur la loi et l’éducation.

199.Un rôle important dans la lutte contre les déclarations discriminatoires dans les médias incombe au Conseil allemand de la presse, un organe volontaire d’autocontrôle de la presse. Tout le monde peut déposer une plainte auprès du Conseil au sujet d’un journal ou d’un magazine, y compris au sujet de contenus numériques. Si la plainte est fondée, le Conseil prend des mesures à l’encontre de l’organe de presse. Les normes applicables sont énoncées dans les 16articles et les lignes directrices associées du « Code de conduite de la presse ». L’article 12 traite de la discrimination par la presse. La ligne directrice 12.1 sur la couverture de la criminalité, mise à jour en 2017, est au centre du débat en cours sur l’éthique des médias en Allemagne. En vertu de cette ligne directrice, en cas de couverture de la criminalité, toute référence à l’appartenance d’un suspect ou d’un auteur à un groupe ethnique ou religieux ou à une autre minorité ne doit pas entraîner une généralisation discriminatoire d’un acte répréhensible commis par un individu. En règle générale, l’appartenance à un groupe minoritaire ne doit pas être mentionnée, sauf si cela est légitimement dans l’intérêt public. Les éditeurs doivent se rappeler que des références de ce type pourraient nourrir les préjugés à l’égard des minorités. Les comités de traitement des plaintes ont examiné 2 038 plaintes en 2018 contre 1 788 en 2017. L’interprétation de la nouvelle ligne directrice 12.1 a été une question centrale en 2017. Toutefois, de 2017 à 2018, les plaintes à ce sujet ont diminué d’environ 25 %. Afin de garantir l’indépendance financière et le travail du Conseil de la presse, le Comité de traitement des plaintes est financé (à hauteur de 223 000 euros par an) par la déléguée du Gouvernement fédéral chargée de la culture et des médias en vertu d’une loi parlementaire.

200.Les Länder, auxquels revient la responsabilité en matière de radiodiffusion et de médias audiovisuels en Allemagne, ont favorisé la protection des jeunes en apportant des modifications au Traité d’État sur la protection de la jeunesse dans le domaine des médias, entrées en vigueur le 1eroctobre 2016. L’objectif principal était de rester en phase avec la « convergence des médias » en appliquant les groupes d’âge définis dans la loi sur la protection de la jeunesse à la radiodiffusion et aux télémédias et en assurant la reconnaissance mutuelle des classifications par âge, en ligne et hors ligne. En outre, la réforme a assuré un financement permanent à l’organisation commune des Länder pour la protection des mineurs (« jugendschutz.net ») − fondée par les ministères de la jeunesse des Länder en 1997, financée par les autorités de surveillance des radiodiffuseurs privés et les Länder, avec un appui financier du Gouvernement fédéral, en particulier aux fins de la lutte contre le racisme et la haine en ligne.

201.En outre, le Gouvernement fédéral collabore avec les Länder pour faire progresser la protection des jeunes en s’appuyant sur le droit et l’éducation. Les services généraux d’information et de conseil qui proposent une éducation aux médias aux parents et aux professionnels de l’aide à l’enfance et à la jeunesse seront renforcés et rendus plus cohérents, et des services de conseil efficaces seront mis au point pour les jeunes. L’initiative « Bien grandir avec les médias », en particulier « REGARDEZ ! ce que votre enfant fait avec les médias », la ligne d’assistance téléphonique « Un numéro contre les inquiétudes », les informations tirées de « youth.support » et les conseils aux jeunes de « juuuport » constituent un bon point de départ.Parallèlement, les lois visant à protéger les jeunes contre les médias nuisibles doivent être adaptées aux progrès des médias numériques et aux utilisations qu’en font les enfants et les jeunes.

202.Fin 2018, le Bureau fédéral de contrôle des médias préjudiciables à la jeunesse − mentionné dans le dernier rapport − avait inscrit sur la liste des médias nuisibles plus de 2 100 produits médiatiques supplémentaires glorifiant la guerre et/ou le nazisme ou incitant à la haine raciale. Avec ce phénomène, l’ère numérique a fait apparaître de nouvelles menaces. Non seulement les jeunes se trouvent face à des contenus qui sont discriminatoires, incitent à la haine raciale ou glorifient le nazisme, etc., mais des « risques d’interaction » sont aussi apparus, liés par exemple à la radicalisation et au recrutement par des extrémistes. Dans le cadre d’un ATELIER-AVENIR, le Bureau fédéral de contrôle des médias préjudiciables à la jeunesse lance actuellement une stratégie de politique de l’enfance et de la jeunesse pour formuler une réponse aux (nouvelles) menaces de l’environnement numérique et faire en sorte que les enfants et les jeunes grandissent bien avec les médias. Un « atlas des risques » sera établi pour cartographier et analyser les risques, ce qui permettra une réponse stratégique durable et globale (notamment à l’aide de réformes de la loi sur la protection de la jeunesse).

203.En outre, il existe de multiples initiatives dans les Länder. Un projet visant à protéger les jeunes contre les médias nuisibles qui s’est révélé efficace est le « Service de conseil aux parents sur les médias » d’AKJS-Brandenburg, qui aide les parents à jouer un rôle actif et conscient pour enseigner à leurs enfants à utiliser les possibilités offertes par les médias avec le minimum de risques.