Nations Unies

CAT/C/49/D/346/2008

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

30 janvier 2013

Original: français

Comité c ontre la t orture

Communication no 346/2008

Décision adoptée par le Comité contre la torture à sa quarante- neuvième session (29 octobre-23 novembre 2012)

Présentée par:S. A. C. (représenté par un conseil, Frank Michel)

Au nom de:S. A. C.

État partie:Monaco

Date de la requête:8 juillet 2008 (lettre initiale)

Date de la présente décision:13 novembre 2012

Objet:Expulsion de Monaco vers le Brésil

Questions de procédure:Affaire considérée par une autre instance internationale de règlement et épuisement des voies de recours internes

Question de fond:Risque de torture après extradition

Article s de la Convention:3 et 22, paragraphe 5 a) et b)

Annexe

Décision du Comité contre la torture au titre de l’article22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants(quarante-neuvième session)

concernant la

Communication no346/2008

Présentée par:S.A.C. (représenté par un conseil, FrankMichel)

Au nom de:S. A. C.

État partie :Monaco

Date de la requête:8 juillet 2008 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ré uni le13novembre 2012,

Ayant achevé l’examen de la requête no 346/2008, présentée au nom de S.A.C.en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture

1.1Le requérant, S. A. C., né le 7 janvier 1944 à Tradate (Italie), est de nationalité brésilienne et italienne. Il prétend que son extradition vers le Brésil constituerait une violation de l’article 3 de la Convention contre la torture. Le requérant est représenté par un conseil, Frank Michel.

1.2Le 11 juillet 2008, le Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection a décidé de ne pas demander de mesures provisoires à l’État partie aux fins de suspension de l’exécution d’extradition vers le Brésil.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1Le requérant résidait au Brésil où il exerçait la profession de banquier. Le 31 mars 2005, il a été condamné par un juge unique de la Cour de justice de l’État de Rio de Janeiro à 13 ans de prison pour détournement de fonds et gestion frauduleuse de la Banque centrale du Brésil. Le requérant a bénéficié d’une libération provisoire à la suite de laquelle il a quitté le Brésil pour se rendre en Italie où il a établi sa résidence. La décision de mise en liberté a été par la suite annulée par le Président de la Cour suprême du Brésil alors que le requérant se trouvait déjà en Italie.

2.2Le 15 septembre 2007, le requérant a été interpellé par les autorités monégasques et placé sous le régime de l’arrestation provisoire à la demande des autorités brésiliennes suite à un mandat d’arrêt du 19 juillet 2000 délivré par un juge de Rio de Janeiro. Sur la base de ce mandat d’arrêt et du jugement de la Cour de justice de Rio de Janeiro du 31 mars 2005, la chambre du conseil de la Cour d’appel de Monaco a, par arrêt du 15 avril 2008, donné un avis favorable à l’extradition du requérant. En revanche, elle a émis un avis défavorable à une seconde demande d’extradition des mêmes autorités basée sur un mandat d’arrêt du 21 septembre 2007 concernant d’autres faits, non punissables à Monaco.

2.3La Cour d’appel a autorisé l’extradition du requérant aux motifs que la validité du mandat d’arrêt international fondé sur le jugement brésilien du 31 mars 2005 ne pouvait être mise en cause; que la décision qui avait condamné le requérant au Brésil n’était pas contraire à l’ordre public monégasque du seul fait qu’elle avait été rendue par juge unique puisque la collégialité ne pouvait être considérée comme une condition nécessaire du procès équitable; que cette décision rendue par juge unique ne semblait pas avoir dérogé aux principes fondamentaux du procès équitable dans la mesure où le juge n’avait pas mené d’actes d’instructions et que le principe du contradictoire semblait avoir été respecté conformément à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme; et que l’émission d’un mandat d’arrêt international du fait de la fuite d’une personne condamnée en première instance n’excluait pas la possibilité pour la personne condamnée de faire appel et que, par conséquent, l’arrestation et l’extradition du requérant par l’État partie n’étaient pas contraires au droit international

2.4Le 19 juin 2008, le pourvoi du requérant contre cet arrêt a été rejeté par la Cour de révision de la Principauté de Monaco. Le 2 juillet 2008, le Prince de Monaco a autorisé son extradition. Au moment de la soumission de la communication au Comité, le transfert du requérant vers le Brésil était imminent.

2.5Le 24 juin 2008, le requérant a introduit une plainte devant la Cour européenne des droits de l’homme, qui l’a rejetée

Teneur de la plainte

3.1Le requérant soutient que s’il était déporté vers le Brésil, il devrait purger la peine de prison à laquelle il a été condamné. Il subirait donc des traitements inhumains et dégradants, compte tenu de la situation carcérale au Brésil et compte tenu de la spécificité de son cas.

3.2Le requérant a été condamné au Brésil à une peine de 13 ans pour un délit financier, peine qu’il considère disproportionnée, à supposer même qu’il soit coupable, ce qu’il dit ne pas être le cas. Il produit des extraits de rapports d’associations telles que Human Rights Watch et Amnesty International, des articles de presse et des reportages audiovisuels, pour démontrer la réalité des mauvaises conditions carcérales au Brésil, entre autres le surpeuplement (au moment de la soumission de la requête, la population carcérale au Brésil était quatre fois plus élevée que la capacité d’accueil), les conditions d’hygiène déplorables et les violences physiques et psychologiques, y compris les tortures de prisonniers par la police pour obtenir des aveux ou à des fins d’intimidation ou d’extorsion.

3.3Le requérant se réfère à un article paru sur le site Internet «Prisonniers du silence» spécialisé dans la situation des ressortissants italiens exposés à des violations de droits de l’homme et détenus dans des pays étrangers. Selon cet article, suite à la demande adressée par un ressortissant italien détenu au Brésil au Ministère italien des affaires étrangères d’intervenir en sa faveur, un accord bilatéral a été signé entre l’Italie et le Brésil aux termes duquel les ressortissants italiens ayant fait l’objet d’une condamnation par la justice brésilienne ont la possibilité d’effectuer la peine correspondante dans une prison de leur pays d’origine, à savoir l’Italie. Le requérant relève que cet accord bilatéral pourrait s’appliquer à son cas dans l’éventualité d’une condamnation définitive par la justice brésilienne, à condition que la procédure soit jugée conforme, en Italie, aux garanties judiciaires essentielles reconnues dans ce pays.

3.4Bien que la situation carcérale brésilienne ait été portée à la connaissance de la chambre du conseil de la Cour d’appel de Monaco, notamment à travers une pétition signée par des détenus brésiliens dénonçant les conditions carcérales au Brésil ainsi qu’une lettre adressée par un ancien avocat détenu au Brésil au Prince Souverain de Monaco, la Cour d’appel n’a pas estimé devoir assortir son arrêt de garanties sur le respect de l’article 3 de la Convention par les autorités brésiliennes en cas d’extradition. Le requérant note qu’il est âgé et de santé fragile puisqu’il souffre d’hypertension ce qui est un facteur aggravant.

3.5Depuis 10 ans, le requérant est présenté par la presse et par les autorités brésiliennes comme un ennemi public. Il craint donc d’être sujet à des mesures de rétorsion compte tenu de l’impopularité que lui a value la campagne de presse. Il a d’ailleurs écrit un livre expliquant sa situation, qu’il a joint à la présente requête. Le contexte de cette affaire est éminemment politique puisque le requérant a été poursuivi avec d’autres dirigeants de la Banque centrale du Brésil alors que des soupçons de délit d’initié pesaient sur le plus haut niveau de l’État brésilien et que le requérant avait lui-même porté des accusations en ce sens. Dans son livre, le requérant dénonce d’ailleurs la corruption entachant certains représentants du pouvoir judiciaire, notamment le juge qui a émis le mandat d’arrêt à son encontre en 2007 et qui a ensuite été poursuivi du chef de corruption.

3.6Le requérant considère que ses droits fondamentaux n’ont pas été respectés dans le cadre de la procédure judiciaire au Brésil puisque la décision de mise en liberté provisoire dont il a bénéficié a été purement et simplement annulée sans qu’il ait eu la possibilité de présenter une ligne de défense à ce sujet. Le harcèlement contre lui fut tel que sa fille s’est suicidée. De plus, au moment de la soumission de sa requête au Comité, le Brésil était dans une période d’élections nationales et le requérant pourrait être considéré par les autorités brésiliennes et par la presse comme détenteur d’informations contre les autorités brésiliennes de l’époque au plus haut niveau.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Le 9 septembre 2008, l’État partie a contesté la recevabilité de la communication au titre des alinéas a et b du paragraphe 5 de l’article 22 de la Convention.

4.2L’État partie note que, selon les informations soumises par le requérant lui-même, la Cour européenne des droits de l’homme a été saisie de la même question, le requérant ayant invoqué l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme qui interdit la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants. Dans ces circonstances, la même question a été portée devant une autre instance internationale. En outre, par décision du 24 juin 2008, le président de la cinquième section de la Cour européenne des droits de l’homme, saisi, au titre de l’article 39 du règlement de la Cour, d’une demande en indication de mesures provisoires tendant à la suspension de l’extradition du requérant, a décidé de ne pas indiquer à l’État partie la mesure provisoire sollicitée.

4.3L’État partie soutient en outre que le requérant doit, avant de soumettre une requête devant le Comité, s’être assuré que tous les recours internes disponibles ont été épuisés. Or, en l’espèce, le requérant n’a pas utilisé la possibilité d’engager, devant le Tribunal suprême, un recours en annulation de la décision souveraine d’extradition sur le fondement de l’article 90 de la Constitution. En outre, l’ordonnance du 16 avril 1963 sur l’organisation et le fonctionnement du Tribunal suprême prévoit en ses articles 39 et 44 des mesures urgentes en matière de sursis à exécution et de référé. L’article 40 ouvre la possibilité pour le requérant de demander un sursis à exécution d’une décision jusqu’à ce que le Tribunal suprême se prononce au fond. Or, aucun recours de ce type n’a été introduit par le requérant. Les recours internes n’ont donc pas été épuisés.

4.4L’État partie considère que la perspective de l’extradition ne rendait pas un tel recours inutile. En effet, bien qu’il s’agisse d’un acte qualifié au regard des principes du droit international public, d’acte de souveraineté, le Tribunal suprême a jugé qu’une extradition peut être soumise à son contrôle si, en raison de ses caractères, elle apparaît comme «détachable des nécessités d’une pratique normale de l’extradition», ce que ne cesse de prétendre le requérant en arguant du caractère non conforme de la procédure engagée, à travers ses recours juridictionnels. Par ailleurs, même si les textes ne prévoient pas expressément le caractère suspensif, la décision d’extradition ne peut intervenir, en pratique, qu’à partir du moment où le directeur des services judiciaires est en mesure de faire un rapport complet au Prince comprenant la totalité des éléments relatifs à l’affaire, dans le cadre de la procédure prévue par la loi du 28 décembre 1999 relative à l’extradition, et plus particulièrement son article 17, notamment les décisions relatives aux instances en cours. L’État partie note qu’en tout état de cause, le Prince n’a autorisé l’extradition du requérant que le 2 juillet 2008 soit postérieurement aux refus de la Cour européenne des droits de l’homme puis du Comité d’octroyer des mesures provisoires.

Observations de l’État partie sur le fond

5.1Le 5 janvier 2009, l’État partie a soumis ses observations sur le fond. S’agissant tout d’abord de la situation des droits de l’homme au Brésil, l’État partie reconnaît les critiques présentes dans les médias quant au surpeuplement dans les établissements pénitentiaires au Brésil tel que noté par le Comité lui-même dans ses observations finales sur le Brésil en date du 16 mai 2001. L’État partie note toutefois que, dans ses observations, le Comité a reconnu des aspects positifs tels que la réforme législative d’avril 1997 qui permet de sanctionner les actes de torture comme infractions criminelles. La préoccupation des autorités brésiliennes d’améliorer la situation carcérale s’est traduite par la ratification le 12 janvier 2007 du Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture du 18 décembre 2002. Sans présumer de la mise en œuvre ou non par le Brésil des recommandations du Comité, le requérant devrait néanmoins disposer sur le plan interne d’une voie de recours en vertu de la loi d’avril 1997 précitée.

5.2De surcroît, le Ministère brésilien de la justice, dans sa demande officielle d’extradition du requérant du 20 septembre 2007, spécifie que la Constitution brésilienne interdit les peines capitales, perpétuelles, de travail forcé ou de bannissement, ainsi que toute espèce de peine considérée cruelle, de sorte que sont constitutionnellement illégitimes et donc inapplicables sur le territoire national, toutes peines qui portent atteinte à la dignité de la personne. L’État partie note d’ailleurs qu’aucune plainte devant le Comité n’a, à ce jour, été enregistrée contre le Brésil bien que celui-ci a accepté la compétence du Comité pour examiner les plaintes individuelles.

5.3L’État partie ajoute que l’existence de violations, dans l’hypothèse où elles seraient avérées, ne constitue pas en elle-même, au regard de la jurisprudence du Comité, une raison suffisante pour établir qu’une personne courrait un risque de torture dans la mesure où ce risque doit être personnel. Il appartient donc au requérant d’apporter la preuve d’un risque et de prouver que ce risque ne se limite pas à de simples supputations ou soupçons. Or, le requérant n’a pas apporté une telle preuve devant le Comité, pas plus qu’il n’a fourni d’éléments en ce sens devant les juridictions de l’État partie durant la procédure judiciaire interne. En effet, les seules pièces communiquées aux juridictions internes sont deux courriers de détenus brésiliens portant des allégations générales sur les conditions carcérales au Brésil ainsi qu’une pétition signée par plusieurs détenus, aucun de ces documents n’indiquant qu’il s’agit d’une prison où le requérant pourrait être détenu de sorte que l’État partie peut légitimement douter de la valeur réelle de ces documents.

5.4L’État partie note à ce titre que le requérant n’a pas développé le moyen relatif à la torture devant la chambre du conseil de la Cour d’appel alors même qu’il avait saisi cette juridiction d’une demande d’annulation de la procédure d’extradition. Le requérant s’est en effet contenté de mentionner les documents précités (voir par. 5.3 ci-dessus) sans en faire un moyen susceptible de fonder la demande de rejet de l’extradition alors que le risque de mauvais traitement ou de torture constitue une cause légale de refus d’extradition en vertu de l’article 6 de la loi no 1.222 du 28 décembre 1999 relative à l’extradition. Le requérant n’a donc pas mis les juridictions en situation de se prononcer sur ce point. Or dans une précédente affaire d’extradition de l’État partie vers la Fédération de Russie, la Cour d’appel a demandé aux autorités russes des garanties en accompagnant l’avis d’exigences particulières telles que des visites de famille et visites consulaires dès lors que l’intéressé apportait la preuve qu’il avait antérieurement fait l’objet de mauvais traitements en Fédération de Russie. Cette jurisprudence de la Cour d’appel était connue du conseil du requérant puisqu’il était également conseil de la personne concernée par l’extradition vers la Fédération de Russie, affaire qui s’est déroulée antérieurement au cas d’espèce. L’État partie s’interroge donc sur les raisons pour lesquelles le même conseil n’a pas soulevé ce moyen dans le cas du requérant. L’État partie sous-entend que cette absence d’argumentation dénote l’impossibilité pour le conseil d’établir un risque quelconque de torture ou de mauvais traitement pour le requérant en cas de retour au Brésil.

5.5Dans le même sens, les mémoires déposés par le conseil du requérant devant la Cour d’appel de la Principauté ne font état que de généralités et plus particulièrement d’éventuelles atteintes au droit de la défense, sans pour autant apporter d’éléments probants ou réels sur l’existence de mauvais traitements constitutifs d’un ensemble de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme. Le conseil relève surtout que le requérant aurait fait l’objet d’une condamnation injuste, qu’il aurait été condamné par un juge unique dans un contexte éminemment politique à une peine disproportionnée.

5.6L’État partie souligne, en outre, que le 26 février 2008, la chambre du conseil de la Cour d’appel de Monaco a demandé que lui soient communiqués tous les éléments lui permettant de connaître des recours en appel du requérant contre le jugement le condamnant au Brésil et a requis l’engagement de l’État brésilien que cet appel soit examiné contradictoirement en cas d’extradition du requérant dans le cadre du mandat d’arrêt. En réponse, les autorités brésiliennes, par note verbale du 20 février 2008, ont confirmé que tous les recours présentés au pouvoir judiciaire brésilien sont examinés selon le principe du contradictoire et que l’État brésilien s’engageait à examiner les recours présentés par le requérant y compris celui opposé à l’arrêt condamnatoire.

5.7L’État partie considère que le refus par le Comité et avant cela par la Cour européenne des droits de l’homme d’octroyer des mesures provisoires dans ce cas est également révélateur du manque de fondement de l’argumentation développée par le requérant s’agissant du risque de torture ou de mauvais traitement. Il rappelle la jurisprudence du Comité selon laquelle le requérant doit prouver qu’il risque d’être soumis à la torture et que les motifs de croire que ce risque existe sont sérieux et que le risque est encouru personnellement et actuellement. S’agissant de l’allégation du requérant selon laquelle pèse sur lui un risque personnel pour des raisons politiques dans la mesure où il serait, plus de 10 ans après les faits, encore l’ennemi public numéro un et serait en danger en raison des informations compromettantes qu’il détient, l’État partie considère qu’il s’agit de simples hypothèses, soupçons ou supputations puisqu’aucun élément probant n’a été soumis par le requérant pour appuyer cette thèse.

5.8En outre, le fait d’avoir été filmé menotté tel que ce fut le cas pour le requérant pendant son transfert de la prison au tribunal au Brésil, bien qu’humiliant, ne saurait passer le seuil de gravité inhérent à la qualification de mauvais traitement. Or ce sont les seules humiliations auxquelles le requérant fait référence. L’État partie ajoute qu’au regard de l’âge du requérant et de son état de santé que lui-même juge précaire, il n’a pas été démontré qu’il ne pourrait faire l’objet d’un traitement médical adéquat dans l’établissement pénitentiaire dans lequel il est incarcéré au Brésil. Aucun des éléments avancés par le requérant ne permet de conclure qu’il ne pourrait bénéficier de la protection adéquate de la part des autorités brésiliennes. L’État partie note que depuis qu’il a été extradé vers le Brésil à la mi-juillet 2008, le requérant ne s’est pas plaint d’actes de torture ou de mauvais traitements graves à son encontre.

5.9Le requérant n’a donc pas démontré à travers son argumentation et les pièces produites que la procédure d’extradition exécutée par l’État partie sur les fondements légaux et dans le respect des principes fondamentaux du droit international, l’a personnellement exposé à un risque prévisible et réel de torture ou de mauvais traitements au Brésil.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

6.1Dans ses commentaires datés du 30 juin 2009, le requérant ne se prononce pas sur les observations soumises par l’État partie quant à la recevabilité de la communication mais se limite à une position relative au fond de celle-ci.

6.2Le requérant conteste l’argument de l’État partie selon lequel il n’encourrait pas un risque au regard de l’article 3 de la Convention en cas d’extradition vers le Brésil dans la mesure où il a suffisamment détaillé ce risque dans sa communication initiale mais également dans ses recours devant les juridictions internes. Le requérant rappelle le caractère politique de l’affaire qui, selon lui, ne peut être contesté dans la mesure où elle est considérée comme une affaire d’état au Brésil dans un contexte de scandale financier pouvant mettre en cause une partie des autorités au pouvoir dans le pays à cette époque.

6.3Le requérant rejette également l’argument de l’État partie selon lequel son conseil n’aurait pas, devant les juridictions internes, développé le moyen tiré du risque d’être exposé à la torture alors qu’il l’avait fait dans une précédente affaire d’extradition vers la Fédération de Russie. Le conseil a bel et bien invoqué ce risque devant la Cour d’appel. Il a également été invoqué dans le cadre d’une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité contre la torture doit décider si elle est recevable ou non au titre de l’article 22 de la Convention. Il note que, le 25 juin 2008, le requérant a saisi la Cour européenne des droits de l’homme d’une requête enregistrée sous le n° 30114/08, et relève que, sur le fond, cette requête se rapportait aux mêmes faits (extradition vers le Brésil contraire au principe de non-refoulement). Cependant, la requête a été rejetée sans être examinée au fond. Le Comité estime que, dans ces circonstances, on ne peut pas considérer que l’affaire «a été» examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement, au sens du paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention. Par conséquent, le Comité n’est pas empêché d’examiner la requête sur ce fondement.

7.2Le Comité note que l’État partie a contesté la recevabilité de la requête au motif que tous les recours internes n’ont pas été épuisés puisque le requérant n’a pas engagé un recours en annulation de la décision souveraine d’extradition devant le Tribunal suprême sur le fondement de l’article 90 de la Constitution. Le Comité constate que le requérant n’a pas réfuté ou contesté un tel argument. Il note à ce titre que lors de l’examen périodique des quatrième et cinquième rapports de Monaco soumis au Comité au titre de l’article 19 de la Convention, l’État partie a fait état de la procédure en vigueur en la matière, mentionnant que les décisions de refoulement et d’expulsion, de nature administrative, prises par le Ministre d’État peuvent faire l’objet de recours devant le Tribunal suprême. En l’absence d’argument contraire par le requérant, le Comité en conclut que ce recours s’applique mutatis mutandi aux décisions d’extradition et qu’il constitue un recours utile dans la mesure uniquement où il a un effet suspensif en pratique, tel qu’évoqué par l’État partie dans ses observations sur la recevabilité au paragraphe 4.4 de la présente décision.

7.3Le Comité en conclut que le requérant n’a pas épuisé les recours internes et que la présente requête est donc irrecevable au titre de l’article 22, paragraphe 5 b) de la Convention.

7.4En conséquence, le Comité contre la torture décide:

a ) Que la communication est irrecevable;

b) Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et au requérant.

[Adoptée en français (version originale), en espagnol et en anglais. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]