NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/FJI/CO/1716 mai 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATIONDE LA DISCRIMINATION RACIALESoixante‑douzième session

18 février‑7 mars 2008

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

FIDJI

1.Le Comité a examiné les seizième et dix-septième rapports périodiques des Fidji, soumis en un seul document (CERD/C/FJI/17), à ses 1850e et 1851e séances (CERD/C/SR.1850 et 1851), tenues le 19 et 20 février 2008. À sa 1867e séance (CERD/C/SR.1867), tenue le 3 mars 2008, le Comité a adopté les conclusions ci-après.

A. Introduction

2.Le Comité se félicite de la soumission dans les délais du rapport périodique de l’État partie et de l’occasion qui lui a été donnée de poursuivre son dialogue avec celui-ci. Il note avec satisfaction que le rapport suit les directives pour l’établissement des rapports et salue les efforts consentis par l’État partie pour répondre aux questions soulevées par le Comité dans ses conclusions précédentes (CERD/C/62/CO/3).

3.Le Comité se félicite du dialogue qu’il a eu avec la délégation et des réponses fouillées et détaillées apportées par écrit et oralement à la liste de points à traiter et aux questions diverses et variées posées par les membres du Comité.

B. Facteurs et difficultés entravant l’application de la Convention

4.Le Comité, conscient du gel récent des institutions démocratiques aux Fidji, espère qu’un mode de gouvernement démocratique sera rapidement restauré, eu égard en particulier à la relation étroite qui unit démocratie et droits de l’homme.

C. Aspects positifs

5.Le Comité se félicite de l’intention déclarée de l’État partie de faire la déclaration facultative prévue à l’article 14 de la Convention.

6.Le Comité note avec satisfaction l’adoption en 2003 de la loi sur l’immigration et l’abrogation de l’article 8, paragraphe 1) g) de la loi qui traduit une nette amélioration de la législation de l’État partie en matière d’immigration.

7.Le Comité se félicite de l’engagement pris par l’État partie de travailler à la réconciliation des communautés des Fidji.

8.Le Comité salue la ratification par l’État partie des Conventions de l’Organisation internationale du Travail no 111 concernant la discrimination (emploi et profession) et no 169 relative aux peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants.

D. Sujets de préoccupation et recommandations

9.Le Comité tient à exprimer une fois de plus sa préoccupation devant la décision de l’État partie de maintenir ses réserves et déclarations, lesquelles peuvent porter sérieusement atteinte à l’application de la Convention, surtout à la lumière de l’évolution récente du droit international en matière de protection des droits des peuples autochtones.

Le Comité encourage l’État partie à envisager de retirer ses réserves et déclarations. En particulier, il lui recommande de réfléchir au bien-fondé de ses réserves et déclarations à la lumière de l’évolution récente du droit international relatif aux droits des peuples autochtones .

10.Nonobstant l’intention de l’État partie de mettre la dernière main à une charte des peuples pour le changement et le progrès qui servirait de ligne directrice aux politiques futures grâce aux consultations et aux échanges de vues avec différentes parties prenantes, dont la société civile, le Comité pense que ce processus ne doit exclure personne.

Le Comité recommande à l’État partie de garantir la participation de toutes les communautés ethniques à l’élaboration du projet de charte des peuples pour le changement et le progrès. Il exprime aussi l’espoir que ce processus se déroulera dans le respect de la Convention et des recommandations du Comité. Il encourage aussi l’État partie à organiser aussi tôt que possible des élections libres et régulières de façon à constituer un gouvernement sur la base de la Constitution de 1997, laquelle prévoit le partage du pouvoir entre les communautés ethniques tout en veillant à ce que les modes de gouvernance autochtones soient respectés.

11.Le Comité prend acte des assurances données par la délégation concernant l’indépendance de la Commission fidjienne des droits de l’homme mais craint que la Commission ne réponde plus à tous les critères énoncés dans les Principes de Paris relatifs au statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme.

Le Comité encourage l’État partie à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer l’indépendance de son institution nationale des droits de l’homme, conformément aux Principes de Paris de 1993 (résolution 48/134, annexe, de l’Assemblée générale, en date du 20 décembre 1993).

12.Le Comité se félicite du recensement organisé en 2007. En attendant la publication des résultats, il regrette toutefois le manque de données actuellement disponibles. Il relève par ailleurs qu’il n’a pas reçu de données sur les enfants issus de couples mixtes.

Le Comité recommande que les résultats du dernier recensement soient publiés au plus tôt et appelle à cet égard l’attention de l’État partie sur les paragraphes 10 à  12 de ses principes directeurs concernant la forme et la teneur des rapports (CERD/C/2007/1) à propos des caractéristiques ethniques de la population. Il  encourage aussi l’État partie à recueillir des statistiques sur les enfants de couples mixtes et à les lui fournir.

13.Tout en prenant acte des explications offertes par la délégation, le Comité constate que son interprétation de la notion de Fidjiens «autochtones» demeure ambigüe, eu égard en particulier à la notion générale de «peuples autochtones» en droit international. De plus, les rapports entre les droits des Fidjiens «autochtones» et ceux des autres Fidjiens méritent d’être développés (art. 2).

L e Comité recommande à l’État partie de réfléchir encore à la notion de Fidjiens « autochtones » pour déterminer comment elle se situe par rapport à l’interprétation donnée des peuples autochtones en droit international, en particulier telle qu’elle ressort de la Convention n o 169 de l’OIT concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants et la Déclaration des Nations Unies de 200 7 sur  les droits des peuples autochtones. Par ailleurs, il invite l’État partie à expliquer comment la notion de Fidjiens autochtones s’applique en droit et dans la pratique et à  préciser l’impact qu’elle exerce sur la jouissance par chacun des droits de l’homme aux Fidji.

14.Le Comité a appris avec satisfaction que les juridictions nationales devaient tenir compte du droit international lorsqu’elles étaient appelées à interpréter la Constitution de l’État partie, mais regrette de ne pas avoir reçu d’informations sur le nombre de fois où les tribunaux s’étaient reportés à la Convention conformément aux dispositions de la Constitution (art. 2, par. 1).

Le Comité invite l’État partie à lui fournir, dans son prochain rapport périodique, des exemples de cas où les tribunaux ont eu recours à la Convention pour interpréter le droit interne.

15.Le Comité s’inquiète sérieusement de l’absence de loi interdisant expressément la discrimination raciale (art. 2, par. 1).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter une loi élaborée tendant à l’élimination de la discrimination raciale et à lutter notamment contre les actes de discrimination raciale commis par les particuliers, qui tienne compte de tous les éléments visés par la Convention. De plus, il lui recommande d’accélérer l’examen de sa législation de façon à s’assurer qu’elle respecte la Convention à tous égards.

16.Le Comité craint que l’obligation faite aux particuliers de préciser leur origine ethnique sur les formulaires officiels, sur les fiches d’immigration par exemple, ne favorise la discrimination (art. 2, par. 1).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que l’identité ethnique soit enregistrée sur la base des déclarations des intéressés eux-mêmes et que le système actuel ne favorise pas un traitement discriminatoire.

17.Le Comité prend note de l’intention déclarée de l’État partie de revoir la portée de ses programmes de mesures spéciales et de consulter les communautés touchées lorsqu’il mettra de nouveaux programmes au point. Il demeure cependant préoccupé par le fait que la nécessité d’adopter des mesures spéciales, dans des secteurs comme l’éducation et l’emploi, n’est peut‑être pas fondée sur une évaluation réaliste de la situation actuelle des différentes communautés (art. 2, par. 2).

Le Comité encourage l’État partie à procéder à la collecte de données permettant de concevoir et de mettre en œuvre des mesures spéciales en fonction des besoins et à contrôler et évaluer régulièrement l’application desdites mesures . Il  réaffirme la nécessité de faire en sorte que les mesures spéciales adoptées n’entraînent en aucun cas le maintien de droits inégaux ou distincts pour les différents groupes ethniques une fois atteints les objectifs ayant motivé leur adoption.

18.Le Comité prend note des informations statistiques fournies par l’État partie sur la représentation des différentes communautés ethniques dans les forces militaires et les services de police et des explications données à ce sujet par l’État partie, mais demeure préoccupé par le faible taux de représentation des Indo-Fidjiens dans ces forces et services et dans la fonction publique en général (art. 2, par. 2, et 5, al. c).

Le Comité recommande à l’État partie d’envisager d’adopter des mesures tendant à ce que tous les groupes ethniques soient dûment représentés dans les organes de l’État et la fonction publique, y compris des mesures spéciales visant à assurer une représentation correcte de toutes les communautés, en particulier dans l’armée, vu le rôle que celle-ci a joué dans les troubles politiques que l’État partie a connus dernièrement.

19.Le Comité prend acte des informations fournies par l’État partie sur le système d’éducation et en particulier se félicite de l’enseignement obligatoire du fidjien et de l’hindi encore qu’il ne voie pas clairement si ces deux langues sont enseignées dans tous les établissements scolaires. Il considère cependant que le simple reclassement d’une école en établissement privé et le retrait des subventions au cas où il s’avérerait qu’elle pratique une politique d’inscriptions discriminatoire ne contribuent pas à la prévention de la ségrégation scolaire (art. 3, 5, al. e v), et 7).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour que la politique de scolarisation ne soit pas discriminatoire, y  compris si nécessaire en déclassant les établissements. Il invite aussi l’État partie à faire en sorte que les programmes scolaires permettent aux élèves de saisir l’importance de manifester du respect à l’égard des différentes communautés ethniques des Fidji. L’État devrait également promouvoir les écoles mixtes et prendre des mesures énergiques pour favoriser l’enseignement interculturel.

20.Le Comité relève les dispositions de droit pénal en vigueur au titre de l’article 4 de la Convention, mais s’inquiète de l’opposition de l’État partie à l’idée d’interdire les organisations racistes, et de l’absence de lois prévoyant que les motivations raciales d’infractions constituent en général des circonstances aggravantes. Il tient à déplorer une fois de plus l’insuffisance des données statistiques sur les affaires de discrimination (art. 4).

Rappelant sa recommandation générale 15: Violences organisées fondées sur l'origine ethnique (1993), le Comité recommande vivement à l’État partie de modifier sa législation pour l’aligner sur l’article 4 de la Convention. Il lui recommande d’adopter une loi interdisant expressément et sans ambigüité les organisations racistes et de modifier sa législation de façon à ce que les motivations racistes constituent des circonstances aggravantes. De plus, il souhaite recevoir des données concernant les cas graves de haine raciale ou d’incitation à la haine raciale.

21.Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas été en mesure de fournir des données sur la composition ethnique de la population carcérale (art. 5, al. b).

Rappelant sa recommandation générale XXXI concernant la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale (2005), le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour recueillir les données demandées et de les lui fournir dans son prochain rapport périodique.

22.Le Comité regrette de ne pas avoir reçu d’informations suffisantes sur la nature des relations entre les communautés autochtones et leurs terres et l’étendue des superficies soumises aux normes coutumières. De plus, il prend certes note de ce que la question des droits fonciers sera traitée dans la charte des peuples envisagée, mais reste préoccupé par le fait que le statut actuel de la répartition des terres dans l’État partie entrave le développement économique des communautés non autochtones, des Indo-Fidjiens en particulier (art. 5, al. d).

Le Comité invite l’État partie à inclure, dans son prochain rapport périodique, des informations sur la nature de la relation que les communautés autochtones entretiennent avec leurs terres. Il l’encourage aussi à prendre immédiatement les mesures voulues pour régler la question des droits fonciers dans un esprit de conciliation et d’équité, et à prendre de toute urgence des mesures provisoires pour empêcher la situation économique des Fi d jiens non autochtones de continuer à s’aggraver. Il recommande aussi vivement à l’État partie d’envisager de réviser le régime foncier actuel de façon à faciliter l’accès à la terre des membres des communautés autres qu’autochtones.

23.Le Comité se félicite de ce que le Comité national de prévention du suicide ait ciblé les Indo-Fidjiens, mais demeure préoccupé par le fait qu’il n’a pas reçu d’informations sur l’efficacité des mesures prises par l’État partie pour réagir face au taux de suicide élevé que connaît cette communauté (art. 5, al. e iv)).

Le Comité recommande à l’État partie de mettre en place une stratégie d’évaluation globale de ses programmes de prévention du suicide, y compris des motivations qui expliqueraient ce phénomène, et de lui fournir des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

24.Le Comité se félicite de l’adoption d’un plan d’action pour lutter contre la discrimination raciale dans le domaine de l’enseignement et promouvoir l’intégration du corps étudiant. Il déplore cependant que l’État partie n’ait pas donné d’informations suffisamment détaillées sur la teneur de ce plan ou sur ses modalités d’application pratique (art. 7).

Le Comité recommande à l’État partie de donner des informations plus détaillées sur le plan d’action et sur son efficacité dans la pratique.

25.Le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (résolution 45/158, annexe, de l’Assemblée générale, en date du 18 décembre 1990).

26.Le Comité recommande à l’État partie de tenir compte des parties pertinentes de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée (A/CONF.189/12, chap. I), lorsqu’il applique la Convention dans son ordre juridique interne, en particulier les articles 2 à 7 de la Convention. Il invite aussi instamment l’État partie à inclure dans son prochain rapport périodique des informations spécifiques sur les plans d’action et autres mesures prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national. Il l’encourage aussi à redoubler d’efforts pour participer activement au Comité préparatoire de la Conférence d’examen de Durban et à la Conférence elle-même en 2009.

27.Le Comité recommande à l’État partie de ratifier l’amendement au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties à la Convention et approuvé par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111 du 16 décembre 1992. À cet égard, le Comité cite la résolution 61/148 dans laquelle l’Assemblée demande instamment aux États parties d’accélérer leurs procédures internes de ratification de l’amendement et d’informer par écrit le Secrétaire général, dans les meilleurs délais, de leur acceptation de cet amendement.

28.Le Comité recommande à l’État partie de rendre facilement accessibles au public ses rapports au moment où il les soumet et de publier également dans les langues officielles et nationales les observations que ces rapports ont inspirées au Comité.

29.Le Comité recommande à l’État partie de consulter largement les organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine de la protection des droits de l’homme, en particulier dans la lutte contre la discrimination raciale, à l’occasion de l’établissement de son prochain rapport périodique.

30.Le Comité invite l’État partie à mettre à jour son document de base conformément aux directives harmonisées concernant l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en particulier celles applicables aux documents de base communs, adoptées par les organes de suivi des traités des droits de l’homme à leur cinquième réunion intercomités, tenue en juin 2006 (HRI/GEN/2/Rev.4).

31.Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son Règlement intérieur modifié, le Comité prie l’État partie de lui fournir des informations sur la suite donnée aux recommandations énoncées aux paragraphes 11, 19 et 23 ci-dessus dans l’année qui suit l’adoption des présentes conclusions.

32.Le Comité recommande à l’État partie de soumettre ses dix-huitième, dix-neuvième et vingtième rapports en un document unique le 10 février 2012 au plus tard, en tenant compte des directives spécifiques applicables aux documents du Comité, adoptées par celui-ci à sa soixante et onzième session, de mettre à jour dans ce document les données fournies précédemment et de répondre à toutes les questions soulevées dans les présentes conclusions.

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