NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/BWA/CO/124 avril 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre‑vingt‑douzième sessionNew York, 17 mars‑4 avril 2008

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN VERTU DE L ’ ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l ’ homme

BOTSWANA

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le rapport initial du Botswana (CCPR/C/BWA/1) à ses 2515e, 2516e et 2517e séances, les 19 et 20 mars 2008 (voir CCPR/C/SR.2515, 2516 et 2517), et adopté les observations finales suivantes à sa 2527e séance (CCPR/C/SR.2527), le 28 mars 2008.

A. Introduction

2.Le Comité se félicite que l’État partie ait soumis son rapport initial, quoique très tardivement, et se réjouit de pouvoir de ce fait entamer le dialogue avec lui.

3.Le Comité remercie la délégation botswanaise des réponses qu’elle lui a adressées par écrit ainsi que de celles, détaillées, qu’elle a faites aux questions que le Comité lui avait posées oralement. Il salue tout particulièrement les efforts déployés par l’État partie, tant lors de l’élaboration de son rapport initial que pendant ses échanges avec le Comité, pour faire état des difficultés auxquelles il se heurte dans le cadre de l’application du Pacte.

B. Aspects positifs

4.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie s’appuie sur de solides valeurs démocratiques, qu’il offre une éducation de base à tous et qu’il a considérablement progressé dans la lutte contre les problèmes liés à la pandémie de VIH/sida.

5.Le Comité se réjouit que la participation des femmes ait augmenté au Parlement, dans les ministères et dans le service public, et il engage l’État partie à redoubler d’efforts pour favoriser la participation des femmes à la vie publique et dans le secteur privé.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

6.Le Comité note que le Pacte ne s’applique pas directement dans le droit interne et constate avec inquiétude que les droits visés dans le Pacte ne sont pas tous couverts par la Constitution et la législation. Tout en saluant la décision de justice selon laquelle les tribunaux devraient interpréter le droit interne de manière à respecter les dispositions des traités internationaux, notamment le Pacte, il note cependant que les juristes n’ont qu’une connaissance limitée des droits qui y sont énoncés (art. 2).

L ’ État partie devrait veiller à harmoniser son droit interne avec les dispositions du Pacte. Il devrait dispenser aux juges et au x avocats une formation sur ces  dispositions. Dans l ’ intérêt général, il devrait diffuser le texte du Pacte traduit dans les principales langues locales.

7.Le Comité regrette que le rapport initial de l’État partie et les réponses qu’il a faites par écrit à la liste de points qui lui avait été adressée ne comportent pas de renseignements détaillés ni de statistiques qui lui permettraient d’évaluer dans quelle mesure les droits énoncés dans le Pacte sont respectés dans l’État partie, données qu’il juge en outre essentielles à la réalisation du suivi de l’application du Pacte.

L ’ État partie devrait fournir des renseignemen ts plus complets sur la mise en  œuvre de sa législation dans différents domaines couverts par le Pacte. Il devrait aussi communiquer dans son prochain rapport périodique des statistiques pertinentes et exhaustives, ventilées notamment par sexe.

8.Tout en prenant note de la création du Bureau de l’Ombudsman en 1995, le Comité relève que l’État partie n’a pas d’institution nationale chargée des droits de l’homme et se félicite qu’il se soit déclaré disposé à envisager de mettre en place une telle institution (art. 2).

L ’ État partie devrait établir une institution nationale chargée des droits de l ’ homme et veiller à ce qu ’ elle respecte scrupuleus ement les Principes relatifs au  statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de  l ’ homme (Principes de Paris, adoptés par l ’ Assemb lée générale dans sa résolution  48/134 du 20 décembre 1993). Il devrait faire en sorte q ue cette institution dispose du  budget nécessaire pour pouvoir s ’ acquitter efficacement de ses fonctions.

9.Le Comité salue l’adoption de la loi abolissant la prérogative maritale et la modification apportée à la loi sur les affaires matrimoniales, mais il note avec préoccupation que les exceptions au droit à la non‑discrimination, prévues aux alinéas b, c et d du paragraphe 4 de la section 15 de la Constitution, ne sont pas conformes aux articles 2, 3 et 26 du Pacte. Il s’inquiète notamment des exceptions concernant les points ci‑après: les non‑ressortissants; l’adoption, le mariage, le divorce, l’inhumation, la transmission des biens après le décès et d’autres aspects du droit des personnes; et l’application du droit coutumier (art. 2, 3 et 26).

L ’ État partie devrait réviser la section 15 de sa c onstitution afin de l ’ harmoniser avec les dispositions des articles 2, 3 et 26 du Pacte, et modifier en conséquence les textes de loi correspondants, comme la loi abolissant la prérogative maritale.

10.Le Comité prend note avec intérêt des mesures prises par l’État partie pour passer en revue son droit coutumier et adopter une législation le modifiant. Il reste cependant préoccupé par la persistance du droit et de pratiques coutumiers qui sont incompatibles avec les droits visés dans le Pacte (art. 2).

L ’ État partie devrait, à titre prioritaire, redou bler d ’ efforts pour garantir la compatibilité du droit et des pratiques coutumiers avec les droits visés dans le Pacte.

11.Le Comité salue l’intention manifestée par l’État partie de modifier la loi sur le mariage afin que tous les mariages soient enregistrés. Il reste préoccupé par la persistance de pratiques coutumières qui sont très préjudiciables aux droits de la femme, comme la discrimination subie dans les domaines du mariage et de la garde des enfants naturels, des mariages précoces et de la polygamie, et le maintien de la pratique de la tutelle exercée par les hommes sur les femmes qui ne sont pas mariées (art. 2 et 3).

L ’ État partie devrait veiller à ce que les femmes participent pleinement à l ’ examen du droit et des pratiques coutumiers. Il devrait interdire la polygamie qui est une  atteinte à la dignité de la femme et prendre des mesures efficaces pour décourager la persistance de pratiques coutumières q ui sont très préjudiciables aux  droits de la femme.

12.Le Comité note avec préoccupation que, dans la pratique, le droit constitutionnel ne prime pas toujours le droit coutumier, en particulier parce que la population est mal informée de ses droits, comme celui de demander le transfert d’une affaire à un tribunal constitutionnel et de faire appel de décisions d’un tribunal coutumier devant un tribunal constitutionnel (art. 2 et 3).

L ’ État partie devrait tout mettre en œuvre pour faire savoir à la population que le droit constitutionnel prime le droit et les pratiques coutumiers, et qu ’ elle a le droit de demander qu ’ une affaire soit transférée à un tribunal constitutionnel ainsi que de faire appel d ’ une décision devant une telle juridiction.

13.Le Comité regrette que la délégation ait déclaré que le Botswana restait décidé à maintenir la peine de mort. Il regrette qu’aucune donnée ne lui ait été communiquée sur le nombre de peines capitales prononcées et d’exécutions auxquelles il est procédé chaque année. Il regrette également qu’on ne lui ait pas fourni de données exhaustives concernant les crimes passibles de la peine de mort, alors que cela lui permettrait de déterminer si ces infractions comptent parmi les crimes les plus graves au sens du paragraphe 2 de l’article 6 du Pacte. Il juge regrettable l’absence de renseignements sur les affaires examinées par le Comité consultatif sur la prérogative de grâce et d’explication quant au nombre peu élevé de commutations de la peine de mort. Il prend également note avec préoccupation de la pratique consistant à tenir secrète la date de l’exécution d’un condamné et du fait que la dépouille du prisonnier exécuté n’est pas restituée à sa famille pour que celle‑ci puisse la faire inhumer. Il réaffirme qu’à son avis, l’imposition obligatoire de la peine de mort, pour quelque crime que ce soit, est contraire au paragraphe 2 de l’article 6 du Pacte (art. 6).

L ’ État partie devrait veiller à ce que la peine de mort ne soit prononcée que pour les crimes les plus graves et s ’ acheminer vers l ’ abolition de cette peine conformément au paragraphe 6 de l ’ article 6 du Pacte. Il devrait fournir des renseignements plus détaillés sur le nombre de condamnations pour meurtre, sur le nombre de cas dans lesquels les tribunaux ont trouvé des circonstances atténuantes et en indiquer les motifs, sur le nombre de peines de mort prononcées par les tribunaux et sur le nombre de personnes exécutées chaque année. Il devrait veiller à ce que la  peine capitale fasse l ’ objet d ’ un débat public, à l ’ occasion duquel tous les  aspects de la question seraient présentés dans le détail, en particulier l ’ importance de faire des progrès dans la jouissance du droit à la vie et l ’ in térêt qu ’ il y aurait au  bout du compte à ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Il devrait veiller à ce que les familles soient prévenues à l ’ avance de la date de l ’ exécution de leur proche et à ce qu ’ elles récupèrent la dépouille pour pouvoir l ’ inhumer dans l ’ intimité.

14.Le Comité note avec préoccupation la réserve vague et extrêmement générale que l’État partie a formulée au sujet des articles 7 et 12 du Pacte. En ce qui concerne l’article 7, il rappelle que les réserves contraires à des normes impératives du droit international, y compris l’interdiction de la torture, ne sont pas compatibles avec l’objet et le but du Pacte (Observation générale no 24, par. 8) (art. 7 et 12).

L ’ État partie devrait immédiatement retirer ses r éserves aux articles 7 et 12 du  Pacte.

15.Le Comité regrette que le Code pénal ne contienne pas de définition de la torture. Il n’est pas convaincu que les lois existantes considèrent toutes les formes de torture comme des crimes d’une gravité suffisante (art. 7).

L ’ État partie devrait définir, dans les meilleurs délais, la notion de «torture» et incriminer la torture. Une enquête devrait être diligentée pour chaque cas de torture signalé, et les auteurs de ces actes devraient être poursuivis et sanctionnés de manière appropriée. Il conviendrait de réparer efficacement le préjudice causé aux victimes, y  compris en leur octroyant une indemnisation adéquate.

16.Le Comité est préoccupé par le manque d’informations détaillées sur les problèmes que la traite des êtres humains pose à l’État partie et sur la manière dont celui‑ci y fait face, alors qu’il a reconnu l’existence de telles pratiques (art. 8).

L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour lutter contre ce grave problème, en collaboration avec les pays voisins, notamment en vue de protéger les droits fondamentaux des victimes. Il devrait aussi examiner de très près les activités des  organes gouvernementaux compétents pour s ’ assurer qu ’ aucun acteur étatique n ’ est impliqué et que les mesures prises pour lutter contre la traite sont parfaitement coordonnées entre les diverses branches du Gouvernement.

17.Le Comité est préoccupé par le surpeuplement des prisons et la forte proportion de personnes en détention provisoire et note avec satisfaction que l’État partie a déclaré vouloir étudier les moyens de remédier au problème du surpeuplement. Il s’inquiète également de ce que les familles des personnes privées de leur liberté n’aient qu’un droit de visite restreint (art. 7, 9 et 10).

L ’ État partie devrait prendre des mesures pour que la détention provisoire ne soit pas d ’ une durée injustifiée. Il devrait s ’ employer beaucoup plus énergétiquement à garantir le droit des détenus à être traités avec humanité et dignité, en leur assurant des conditions de vie saines et en veillant à ce qu ’ ils disposent de soins de santé appropriés et d ’ une nourriture suffisante, et en veillant de toute autre manière à ce  que les conditions de détention dans les prisons du pays soient compatibles avec l ’ Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus adopté par les  Nations  Unies. Il devrait immédiatement prendre des mesures pour rédui re la  population carcérale. Il devrait prévoir d ’ autres solutions que l ’ emprisonnement, par exemple l ’ accomplissement de travaux d ’ intérêt général et la libération sous caution. Il devrait élargir le droit de visite des membres de la famille des détenus.

18.Le Comité note que, conformément à la loi sur les prisons, le fait de commettre un acte de violence sur la personne d’un détenu est une infraction, mais il regrette de ne pas avoir reçu d’informations sur l’application de cette disposition dans la pratique. Il regrette aussi l’absence d’informations sur les affaires examinées par la Commission d’enquête suite au dépôt d’une plainte contre un gardien (art. 7).

L ’ État p artie devrait veiller à ce que tout acte de violence commis sur la  personne d ’ un détenu soit dûment poursuivi e t réprimé. Il devrait donner au  Comité des informations plus détaillées sur le système mis en place pour connaître des  plaintes des prisonniers relatives à des actes de violence.

19.Le Comité s’inquiète de ce que les châtiments corporels existent, en droit et dans la pratique, dans l’État partie, en violation de l’article 7 du Pacte (art. 7).

L ’ État partie devrait abolir toute forme de peine de châtiment corporel.

20.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie fournit les services d’un conseil pro deo dans les cas où l’accusé risque la peine de mort, mais s’inquiète de ce que, de l’aveu même de l’État partie, la qualité de cette assistance est variable et pourrait être améliorée. Il s’inquiète également de ce qu’aucune disposition ne prévoie la fourniture d’une aide juridictionnelle aux indigents inculpés d’autres infractions pénales. À ce sujet, il note avec satisfaction que l’État partie a l’intention de faire une étude sur la mise en place d’un système d’aide juridictionnelle au Botswana (art. 14).

L ’ État partie devrait mettre en place un système global d ’ aide juridictionnelle en matière pénale pour ceux qui n ’ ont pas les m oyens de se faire assister d ’ un  défenseur, en particulier dans les affaires où l ’ intérêt de la justice l ’ exige, conformément à l ’ alinéa d du paragraphe 3 de l ’ article 14 du Pacte.

21.Le Comité constate avec préoccupation que le système des tribunaux de droit coutumier ne semble pas fonctionner conformément aux règles fondamentales relatives au droit à un procès équitable et note la règle qui interdit de se faire assister d’un défenseur devant ces tribunaux. Il rappelle son Observation générale no 32 sur l’article 14, qui prévoit que les tribunaux de droit coutumier «ne [peuvent] rendre de jugements exécutoires reconnus par l’État, à moins qu’il ne soit satisfait aux prescriptions suivantes: les procédures de ces tribunaux sont limitées à des questions de caractère civil et à des affaires pénales d’importance mineure, elles sont conformes aux prescriptions fondamentales d’un procès équitable et aux autres garanties pertinentes du Pacte, les jugements de ces tribunaux sont validés par des tribunaux d’État à la lumière des garanties énoncées dans le Pacte et peuvent être attaquées par les parties intéressées selon une procédure répondant aux exigences de l’article 14 du Pacte. Ces principes sont sans préjudice de l’obligation générale de l’État de protéger les droits, consacrés par le Pacte, de toute personne touchée par le fonctionnement de tribunaux de droit coutumier et de tribunaux religieux» (par. 24) (art. 14).

L ’ État partie devrait veiller à ce que le sy stème de droit coutumier et ses  tribunaux fonctionnent d ’ une manière conforme à l ’ article 14 du Pacte et à l ’ Observation générale n o 32 (par. 24) du Comité et, en particulier, reconnaître le  droit à se faire assister d ’ un défenseur devant les tr ibunaux de droit coutumier.

22.Le Comité note avec préoccupation que l’État partie incrimine les relations sexuelles entre adultes consentants du même sexe (art. 17 et 26).

L ’ État partie devrait abroger ces dispositions de son droit pénal.

23.Le Comité prend acte de la politique visant à sédentariser la population afin de pouvoir lui fournir les services publics essentiels et note avec satisfaction l’intention de l’État partie d’engager des négociations avec les personnes qui ont dû quitter la réserve de Kalahari, mais il note avec préoccupation les informations selon lesquelles toutes ces personnes ne bénéficieront pas de l’arrêt rendu par la Haute Cour dans l’affaire Roy Sesana et consorts c. le Procureur général, que, pour avoir le droit de retourner dans la réserve, il faudra fournir des pièces d’identité et obtenir un permis spécial pour pouvoir chasser et que l’État partie ne laissera pas ceux qui retournent dans la réserve accéder aux points d’eau (art. 12 et 27).

L ’ État partie devrait veiller à ce que toutes les personnes qui ont dû quitter la  réserve soient autorisées à y retourner conformément à l ’ arrêt de la Haute Cour, et  que toutes les mesures soient prises pour que les intéressés puissent jouir, à leur retour, de tous les droits consacrés dans le Pacte.

24.Le Comité note avec préoccupation que, malgré certaines modifications qui y ont été récemment apportées, les règles actuellement en vigueur concernant les nominations au Ntlo ya Dikgosi ne prévoient pas la représentation équitable de toutes les tribus. Il note aussi que le projet de loi Bogosi, qui abrogera et remplacera la loi sur les chefferies, n’a pas fait l’objet de consultations approfondies avec toutes les parties intéressées (art. 25, 26 et 27).

L ’ État partie devrait veiller à supprimer tout élément discriminatoire en ce qui concerne la nomination et la représentation des tribus au Ntlo ya Dikgosi de façon à ce que toutes les tribus y soient équitablement représen tées. Il devrait aussi faire le  nécessaire pour que le projet de loi Bogosi fasse l ’ objet de consultations.

25.Le Comité demande à l’État partie de faire largement connaître les présentes observations finales ainsi que son rapport initial à la population, notamment en les publiant sur le site Web du Gouvernement, en en mettant des exemplaires dans toutes les bibliothèques publiques et en les distribuant aux chefs des institutions coutumières et au Ntlo ya Dikgosi.

26.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait communiquer, avant un an, des informations relatives à l’évaluation de la situation et à la suite donnée aux recommandations formulées par le Comité dans les paragraphes 12, 13, 14 et 17.

27.Le Comité demande à l’État partie de lui donner, dans son prochain rapport, qui doit être soumis pour le 31 mars 2012, des informations sur les autres recommandations qu’il a formulées et sur le Pacte dans son ensemble.

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