Nations Unies

CCPR/C/BWA/CO/2

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

24 novembre 2021

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le deuxième rapport périodique du Botswana *

1.Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique du Botswana à ses 3815e et 3816e séances, les 20 et 21 octobre 2021. À sa 3827e séance, le 1er novembre 2021, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir accepté la procédure simplifiée de présentation des rapports et d’avoir soumis son deuxième rapport périodique en s’appuyant sur la liste de points établie au préalable dans le cadre de cette procédure. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer un dialogue constructif avec la délégation de haut niveau de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour appliquer les dispositions du Pacte. Il remercie l’État partie des réponses fournies oralement par sa délégation et des renseignements complémentaires qui lui ont été communiqués par écrit après le dialogue.

B.Aspects positifs

3.Le Comité se félicite de l’adoption, par l’État partie, des textes et mesures d’ordre législatif ou autre ci-après :

a)La loi relative au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, en 2017 ;

b)La loi relative à la lutte contre la traite des personnes, en 2014 ;

c)La loi relative aux biens des personnes mariées, en 2014 ;

d)La loi relative à l’aide judiciaire, en 2013 ;

e)La loi portant modification de la loi relative à l’emploi, en 2010 ;

f)Le cadre national de protection sociale, en 2020 ;

g)Le plan d’action national pour la lutte contre la traite des personnes (2017‑2018), en 2017 ;

h)La stratégie nationale visant à mettre fin à la violence fondée sur le genre au Botswana (2016-2020) et la stratégie nationale sur le genre et le développement, en 2016.

4.Le Comité se félicite également de la création, en 2020, du Comité national de coordination chargé de la promotion des droits de l’homme, ainsi que de l’adhésion à la Convention relative aux droits des personnes handicapées et de l’adoption par le Parlement de la version révisée de la politique relative aux droits des personnes handicapées, qui ont eu lieu en 2021.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Applicabilité du Pacte dans l’ordre juridique interne

5.Le Comité note que le Pacte n’est pas directement applicable en droit interne et, bien qu’il se félicite des efforts accomplis par l’État partie pour harmoniser son droit écrit et son droit coutumier avec le Pacte, il s’inquiète de ce que certaines dispositions de droit interne, et en particulier des lois coutumières, sont toujours incompatibles avec le Pacte. Il relève avec préoccupation que l’État partie n’a pas encore ratifié le premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte (art. 2).

6. Compte tenu des précédentes recommandations du Comité , l’État partie devrait  :

a) Continuer d’examiner et de modifier son droit écrit et son droit coutumier afin d’en garantir la conformité avec les droits garantis par le Pacte et faire en sorte que le droit interne soit interprété et appliqué conformément aux dispositions du Pacte  ;

b) Redoubler d’efforts pour faire mieux connaître le Pacte, notamment diffuser largement les recommandations du Comité et dispenser une formation consacrée au Pacte aux représentants des pouvoirs publics, aux procureurs et aux juges des tribunaux formels et coutumiers, et aux avocats  ;

c) Envisager de ratifier le premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte, qui établit un mécanisme d’examen des plaintes émanant de particuliers.

Réserves

7.Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie maintient ses réserves à l’égard des articles 7 et 12 du Pacte. En ce qui concerne la réserve à l’égard de l’article 7, il rappelle que les réserves concernant l’interdiction de la torture sont incompatibles avec l’objet et le but du Pacte (art. 2).

8. Rappelant ses précédentes recommandations , le Comité réaffirme que l’État partie devrait envisager de retirer les réserves qu’il a formulées à l’égard des articles 7 et 12 du Pacte.

Institution nationale des droits de l’homme

9.Le Comité accueille avec satisfaction le projet de loi portant modification de la loi relative au Médiateur, qui a été adopté par le Parlement en 2021 et doit encore être approuvé par le Président, et prend note des déclarations de la délégation de l’État partie selon lesquelles ce projet deviendra loi. Toutefois, il est préoccupé par le manque d’informations sur la procédure de sélection du Médiateur et par le fait que cette institution ne dispose que de quatre bureaux alors qu’elle couvre 16 districts (art. 2).

10. L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour que la loi portant modification de la loi relative au Médiateur soit promulguée sans tarder et que le fonctionnement du Bureau du Médiateur soit pleinement conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris). L’État partie devrait aussi allouer au Bureau des ressources humaines et financières lui permettant de s’acquitter de son mandat dans toutes les régions du pays et veiller à ce qu’il coopère avec les mécanismes régionaux et internationaux de défense des droits de l’homme.

Non-discrimination

11.Le Comité est préoccupé par le fait qu’il n’y a pas de législation complète en matière de lutte contre la discrimination et que l’article 15 (par. 4 (al. b) à d)) de la Constitution prévoit toujours des exceptions au droit de ne pas être soumis à la discrimination. Il note avec préoccupation que la décision rendue en 2019 dans l’affaire Letsweletse Motshediemang v. Attorney General, dans laquelle la Haute Cour du Botswana a jugé que l’article 164 du Code pénal, qui incrimine les relations entre personnes de même sexe, devait être abrogé, n’a pas encore été appliquée parce que le Procureur général la conteste. En outre, il s’inquiète de la persistance de lois et de pratiques coutumières discriminatoires à l’égard des femmes, notamment en ce qui concerne le mariage et les rapports familiaux, l’héritage, la propriété et la tutelle exercée par les hommes sur les femmes non mariées (art. 2, 3, 17, 26 et 27).

12. Compte tenu de ses précédentes recommandations , le Comité recommande à l’État partie  :

a) D’adopter un cadre juridique complet interdisant la discrimination, qu’elle soit directe, indirecte ou multiple, dans tous les domaines, dans la sphère publique comme dans la sphère privée, pour tous les motifs visés par le Pacte, notamment le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, la religion, le handicap, l’albinisme, la situation socioéconomique, le fait d’être touché par le VIH/sida, l’appartenance ethnique, l’obédience politique ou toute autre considération  ;

b) De modifier l’ article 15 de la Constitution afin de le mettre en conformité avec les articles 2, 3 et 26 du Pacte  ;

c) D’abroger l’ article 164 du Code pénal  ;

d) De revoir les lois et pratiques coutumières discriminatoires à l’égard des femmes afin qu’elles soient pleinement conformes aux dispositions du Pacte  ;

e) D’élaborer et d’appliquer des stratégies de lutte contre les attitudes patriarcales et les stéréotypes concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et la société en général  ;

f) De prendre des mesures concrètes, notamment d’organiser des activités et des campagnes de sensibilisation, pour lutter contre la stigmatisation et les comportements discriminatoires et encourager la population à se montrer ouverte à la diversité et à la respecter.

Violence à l’égard des femmes et des enfants

13.Le Comité est préoccupé par le niveau élevé de violence à l’égard des femmes et des enfants, et notamment la violence sexuelle et la violence domestique, qui se sont considérablement accentuées pendant la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19), ainsi que par la persistance de pratiques traditionnelles préjudiciables aux femmes et aux enfants, dont le mariage d’enfants, la polygamie, les rites liés au veuvage et le paiement du bogadi. Il est également préoccupé par le fait que le viol conjugal et les violences sexuelles ne constituent pas des infractions pénales en droit interne, par le faible taux de signalement des actes de cette nature et par la forte proportion de plaintes retirées. En outre, il s’inquiète de l’insuffisance de l’aide et de la protection offertes aux victimes de violence domestique et à leurs familles, notamment du faible nombre de centres d’accueil et de la difficulté d’accès aux services de santé, de soutien psychologique et de réadaptation. Il regrette de ne pas avoir reçu suffisamment d’informations sur le nombre d’enquêtes menées, de poursuites engagées et de déclarations de culpabilité prononcées dans des affaires de violence à l’égard des femmes et des enfants (art. 2, 3, 6, 7, 24 et 26).

14. L’État partie devrait  :

a) Renforcer les cadres juridique et institutionnel pour protéger les femmes et les enfants de la violence, notamment en incriminant expressément le viol conjugal et les violences sexuelles et en veillant à l’application intégrale et effective de la loi de 2008 sur la violence domestique  ;

b) Prendre des mesures concrètes pour mettre un terme aux pratiques traditionnelles préjudiciables, notamment lancer systématiquement des campagnes et des programmes de sensibilisation visant à faire évoluer les comportements, les mentalités et les stéréotypes de la société  ;

c) Veiller à ce que les actes de violence à l’égard des femmes et des enfants fassent l’objet d’enquêtes approfondies, à ce que les auteurs de tels actes soient poursuivis en justice et les coupables dûment sanctionnés, et à ce que les victimes aient accès à des recours utiles et à des moyens de protection et d’assistance effectifs, notamment en mettant à leur disposition des centres d’accueil, dans l’ensemble du pays, et aient aussi accès à des services de santé, de soutien psychologique et de réadaptation adéquats  ;

d) Mener à l’intention de la population des activités de sensibilisation à la violence à l’égard des femmes et des enfants, notamment faire mieux connaître la loi de 2008 sur la violence domestique, et veiller à ce que les policiers ainsi que les procureurs et les juges des tribunaux pénaux et coutumiers reçoivent une formation appropriée leur permettant de traiter efficacement les affaires de ce type.

Peine de mort

15.Le Comité regrette que l’État partie n’envisage ni d’abolir la peine de mort ni d’imposer un moratoire et exprime à nouveau sa préoccupation quant au fait que la peine de mort continue d’être imposée et exécutée. Il est préoccupé par le fait qu’aucune demande de grâce présentée au Comité consultatif sur la prérogative de grâce n’a été accueillie et regrette le manque d’informations sur les critères appliqués pour se prononcer sur ce type de demandes. En outre, il constate avec préoccupation que, malgré l’arrêt rendu en 2016 par la Cour d’appel dans l’affaireGabaakanye v. the State, le délai suffisant accordé pour la préparation des demandes de grâce est insuffisant, que les détenus et leur famille ne sont pas informés à l’avance de la date de l’exécution et que la dépouille de la personne exécutée n’est pas rendue à la famille pour qu’elle puisse l’inhumer dans l’intimité. Le Comité note que la peine de mort est obligatoire pour les crimes de meurtre et de trahison et réaffirme que l’imposition obligatoire de la peine de mort pour quelque infraction que ce soit constitue selon lui une violation de l’article 6 (par. 2) du Pacte. Il considère en outre que la trahison ne saurait compter parmi les crimes les plus graves visés à l’article 6 (par. 2) du Pacte (art. 6, 7, 10 et 23).

16. Compte tenu de son observation générale n o 36 (2018) et de sa précédente recommandation , le Comité recommande à l’État partie  :

a) De réviser son Code pénal en vue de le mettre en stricte conformité avec l’ article 6 ( par.  2) du Pacte et de n’autoriser la peine de mort que pour les crimes les plus graves, c’est-à-dire les homicides volontaires  ;

b) De s’employer plus activement à commuer les peines de mort déjà prononcées mort en peines de réclusion à perpétuité  ;

c) De veiller à ce que les détenus et leur famille soient informés à l’avance de la date de l’exécution et à ce que la dépouille soit rendue à la famille pour qu’elle puisse l’inhumer dans l’intimité  ;

d) D’envisager d’engager un processus politique et législatif visant à abolir la peine de mort et de mener des activités et des campagnes de sensibilisation pour mobiliser le public en faveur de l’abolition, notamment d’organiser un débat public sur la peine de mort après avoir présenté tous les aspects de la question et expliqué en particulier l’importance de mieux garantir l’exercice du droit à la vie.

Interdiction de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

17.Le Comité constate avec préoccupation que la torture ne fait pas partie des infractions visées par le Code pénal. Il est en outre préoccupé par l’absence de mécanisme indépendant, efficace et accessible chargé de recevoir et d’examiner les plaintes pour actes de torture et mauvais traitements sur les personnes privées de liberté et regrette de ne pas avoir reçu d’informations sur : a) la création d’une institution indépendante chargée d’inspecter et de contrôler les lieux de privation de liberté ; b) le nombre de plaintes reçues, les enquêtes menées et les sanctions imposées, et les mesures de réadaptation et autres mesures de réparation prises en faveur des victimes. Il regrette que l’État partie n’ait pas encore ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 7 et 10).

18. Compte tenu de ses précédentes recommandations , le Comité recommande à l’État partie  :

a) D’adopter un cadre normatif relatif à la torture, notamment en incriminant la torture dans le Code pénal de manière à ce qu’il soit conforme aux normes internationales pertinentes  ;

b) De procéder sans délai à des enquêtes approfondies, efficaces, indépendantes et impartiales sur toutes les allégations de torture et de mauvais traitements, conformément au Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul), et de veiller à ce que les auteurs de pareils actes soient poursuivis en justice et les coupables punis comme il se doit et à ce que les victimes reçoivent une réparation intégrale  ;

c) De veiller à ce que toute personne privée de liberté ait accès à un mécanisme de plainte indépendant et efficace chargé d’enquêter sur les allégations de torture et de mauvais traitements et garantissant un accès rapide, effectif et direct aux organes chargés de donner suite aux plaintes, notamment en renforçant l’indépendance du Bureau du Médiateur et les moyens dont il dispose pour répondre aux plaintes  ;

d) De créer une institution indépendante ayant pour mandat d’inspecter et de contrôler les lieux de privation de liberté, et de veiller à ce que tous ces lieux soient régulièrement soumis à des inspections et des contrôles indépendants et efficaces effectués sans préavis et sans supervision  ;

e) De dispenser régulièrement aux juges, aux procureurs, aux avocats, aux agents de sécurité et aux agents de la force publique des formations relatives aux droits de l’homme, en particulier en ce qui concerne la collecte d’informations et les enquêtes sur les actes de torture et de mauvais traitements, et notamment sur les éléments abordés dans le Protocole d’Istanbul  ;

f) D’envisager de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Châtiments corporels

19.Le Comité constate avec préoccupation que les châtiments corporels sont autorisés par l’article 25 du Code pénal et l’article 90 de la loi relative à l’enfance à titre de peine non privative de liberté et par les articles 114 et 115 de la loi relative aux prisons à titre de mesure disciplinaire dans les établissements pénitentiaires, et que la punition concrètement infligée est la bastonnade, qui, par sa nature même, constitue une violation de l’article 7 du Pacte (art. 7).

20. Rappelant sa précédente recommandation , le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures législatives nécessaires pour interdire expressément le recours aux châtiments corporels dans le cadre de l’administration de la justice et d’abroger les dispositions législatives prévoyant des peines qui constituent des violations de l’ article 7 du Pacte.

Liberté et sécurité de la personne

21.Le Comité prend note des mesures prises pour améliorer les conditions de détention et des informations fournies par la délégation selon lesquelles le taux d’occupation actuel des prisons est de 91 %. Il regrette toutefois de ne pas avoir reçu d’informations sur le nombre de personnes en détention provisoire ni sur la durée moyenne de la détention provisoire. À cet égard, il est préoccupé par le fait que l’article 133 de la loi relative à la procédure pénale et à l’administration de la preuve prévoie une détention provisoire d’une durée excessive et par les informations selon lesquelles des personnes sont maintenues en détention provisoire pendant de très longues périodes et pour une durée supérieure à celle de toute peine possible en cas de condamnation. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles les détenus déclarés inaptes à être jugés sont soumis à une détention d’une durée indéfinie (art. 9 et 10).

22. Compte tenu de sa précédente recommandation , le Comité recommande à l’État partie  :

a) De poursuivre les efforts qu’il déploie pour que les conditions de détention dans tous les lieux de privation de liberté soient pleinement conformes à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela)  ;

b) De recourir davantage aux mesures non privatives de liberté, notamment la mise en liberté sous caution, et de faire en sorte que la détention provisoire ne soit imposée qu’à titre exceptionnel, pour la durée la plus brève possible et si elle est nécessaire et raisonnable compte tenu des circonstances, conformément aux dispositions du Pacte, et que son bien-fondé soit réexaminé régulièrement  ;

c) De revoir les procédures juridiques et administratives applicables aux détenus déclarés inaptes à être jugés en vue de garantir qu’ils ne sont pas soumis à une détention d’une durée indéfinie.

Administration de la justice

23.Le Comité félicite l’État partie des efforts faits pour garantir l’indépendance de la magistrature et de la Direction du ministère public. Il accueille avec satisfaction les mesures prises pour remédier à la pénurie de personnel judiciaire et administratif et résorber l’arriéré des affaires en instance, mais reste préoccupé par le fait que le nombre actuel de membres du personnel judiciaire et du parquet pourrait ne pas être suffisant pour garantir l’accès à la justice dans toutes les régions du pays. Il est en outre préoccupé par l’absence d’informations claires concernant l’inamovibilité des procureurs, qui sont considérés comme des fonctionnaires, et s’inquiète de savoir dans quelle mesure la Direction du ministère public est tenue de rendre des comptes (art. 2 et 14).

24. L’État partie devrait  :

a) Renforcer les mesures visant à garantir l’accès à la justice dans l’ensemble de son territoire, notamment recruter le nombre d’agents judiciaires et administratifs et de fonctionnaires du parquet nécessaires à cette fin, et accroître le recours aux systèmes de justice itinérante  ;

b) S’employer plus activement encore à résorber l’arriéré des affaires en instance et à améliorer l’efficacité de l’appareil judiciaire et du ministère public  ;

c) Veiller à ce que les procédures de sélection, de nomination, de promotion, de sanction et de révocation des juges et des procureurs soient conformes au Pacte et aux normes internationales pertinentes, notamment les Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature et les Principes directeurs applicables au rôle des magistrats du parquet.

Traite des personnes et travail forcé

25.Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour lutter contre la traite des personnes. Il reste toutefois préoccupé par : a) l’ampleur du phénomène de la traite à des fins d’exploitation économique et d’exploitation sexuelle commerciale, notamment la traite des femmes et des enfants ; b) le fait que la loi de 2014 relative à la lutte contre la traite des personnes n’est guère appliquée ; c) le très faible pourcentage de cas de traite qui donnent lieu à des enquêtes, des poursuites et des déclarations de culpabilité ; d) la clémence des sanctions imposées aux trafiquants ; e) la faible proportion de victimes identifiées. Le Comité est également préoccupé par les informations signalant le recours au travail forcé et au travail des enfants dans le secteur de l’élevage du bétail, pratique dont sont victimes en particulier des enfants de la communauté san (art. 7, 8 et 24).

26. Compte tenu de sa précédente recommandation , le Comité recommande à l’État partie  :

a) De redoubler d’efforts pour prévenir et combattre efficacement la traite des personnes, notamment d’appliquer pleinement la loi de 2014 relative à la lutte contre la traite des personnes  ;

b) De veiller à ce que tous les cas de traite des personnes fassent l’objet d’enquêtes approfondies, à ce que les auteurs des faits soient poursuivis et punis comme il se doit et à ce que les victimes reçoivent une réparation intégrale  ;

c) De redoubler d’efforts pour repérer les victimes de la traite et leur fournir protection et assistance, notamment veiller à ce qu’elles aient accès à des centres d’accueil et à des services juridiques, médicaux et psychologiques adéquats  ;

d) De dispenser une formation sur les normes et procédures relatives à l’identification et à la prise en charge des victimes de la traite, entre autres, à tous les agents publics concernés, notamment les juges, les procureurs, les agents de la force publique, les agents de l’immigration et les personnel de toutes les structures d’accueil, ainsi qu’aux avocats  ;

e) De s’employer plus activement à éliminer le travail forcé et toutes les formes de travail des enfants, en particulier dans le secteur agricole, notamment d’accroître le nombre d’inspections du travail.

Droit à un procès équitable

27.Le Comité se félicite également de la création du service Legal Aid Botswana. Toutefois, il reste préoccupé par le fait que l’aide juridictionnelle n’est pas disponible dans toutes les affaires pénales et que l’article 32 de la loi relative aux tribunaux coutumiers ne garantit pas expressément l’assistance d’un défenseur dans les affaires jugées par ces tribunaux. En outre, il constate avec préoccupation que les chefs traditionnels et l’administration tribale ne se voient pas dispenser de formations sur le Code pénal, alors que les décisions rendues par les tribunaux coutumiers en matière pénale doivent pourtant être fondées sur ce texte. Il regrette de ne pas avoir reçu d’informations sur le nombre de recours formés devant les tribunaux civils et pénaux contre des décisions rendues par des tribunaux coutumiers (art. 2, 3 et 14).

28. Compte tenu de ses précédentes recommandations , le Comité recommande à l’État partie  :

a) D’élargir le mandat du service d’aide juridictionnelle afin de garantir l’assistance d’un défenseur à tous ceux qui n’ont pas les moyens de rémunérer un avocat, en particulier dans les affaires où l’intérêt de la justice le commande, conformément à l’ article 14 ( par.  3 d)) du Pacte  ;

b) De faire en sorte que le fonctionnement du système de droit coutumier et des tribunaux coutumiers soit compatible avec l’ article 14 du Pacte et le paragraphe 24 de l’observation générale n o  32 (2007) du Comité, et, en particulier, de garantir l’assistance d’un défenseur  ;

c) De dispenser une formation sur le Code pénal, le Pacte et d’autres normes internationales relatives aux droits de l’homme aux chefs traditionnels et à l’administration tribale, en particulier aux juges des tribunaux coutumiers  ;

d) D’informer la population du droit de demander qu’un tribunal coutumier soit dessaisi d’une affaire au profit d’un tribunal civil ou pénal et du droit de faire appel des décisions rendues par un tribunal coutumier.

Traitement des réfugiés et des demandeurs d’asile et prévention de l’apatridie

29.Le Comité prend note avec satisfaction de l’élaboration du projet de loi relative à la reconnaissance du statut de réfugié et au contrôle des réfugiés, mais est préoccupé par : a) les informations selon lesquelles des migrants et des demandeurs d’asile, y compris des personnes ayant besoin d’une protection internationale, sont expulsés sans qu’il ait été procédé aux évaluations individuelles nécessaires ; b) les informations selon lesquelles les autorités refusent de délivrer des documents d’identité aux demandeurs d’asile, qui courent de ce fait le risque d’être arrêtés et expulsés du fait ; c) les informations selon lesquelles la majorité des demandes d’asile rejetées l’ont été sur le seul fondement des principes du « premier pays d’asile » ou du « pays tiers sûr » ; d) les informations concernant la détention obligatoire et prolongée des demandeurs d’asile au centre de Francistown et le fait que les réfugiés ont l’obligation de résider dans le camp de Dukwi et ne peuvent pas accéder au marché du travail en dehors du camp ; e) le fait que la législation actuelle relative à la citoyenneté n’offre pas de garanties suffisantes pour prévenir l’apatridie, notamment parce qu’elle ne garantit pas l’acquisition de la nationalité botswanaise aux enfants nés au Botswana ou aux enfants trouvés qui, autrement, seraient apatrides (art. 2, 7, 9, 10, 13 et 24).

30. L’État partie devrait  :

a) Faire en sorte que le projet de loi relative à la reconnaissance du statut de réfugié et au contrôle des réfugiés soit pleinement conforme au Pacte et aux normes internationales pertinentes, notamment en continuant de coopérer et de collaborer avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés à toutes les étapes du processus d’élaboration du texte  ;

b) Établir des procédures d’asile équitables, efficaces et conformes aux normes internationales, y compris un mécanisme d’appel indépendant dont les décisions un effet suspensif sur les décisions de refus d’asile et des garanties adéquates contre la détention arbitraire, l’expulsion et le refoulement  ;

c) Veiller à ce que la détention des demandeurs d’asile ne soit qu’une mesure de dernier recours et instituer des mesures de substitution à la détention des enfants et des familles avec enfants  ;

d) Délivrer rapidement des documents d’identité aux demandeurs d’asile et renouveler ces documents en temps utile afin d’éviter aux intéressés d’être détenus arbitrairement et expulsés  ;

e) Prendre les mesures nécessaires pour que la législation relative à la nationalité prévoie des garanties suffisantes pour prévenir l’apatridie, conformément aux normes internationales  ;

f) Envisager de ratifier la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie et de retirer sa réserve à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.

Surveillance et droit au respect de la vie privée

31.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les activités en ligne sont de plus en plus surveillées et les organes de sécurité et de renseignement de l’État recourent à des méthodes intrusives, y compris dans le cadre des mesures prises au titre de l’état d’urgence proclamé en raison de la COVID-19, et par l’absence de mécanismes chargés de contrôler les activités de surveillance et d’interception menées par les autorités de l’État afin notamment de garantir qu’elles ne conduisent pas à des atteintes arbitraires au respect du droit à la vie privée (art. 17).

32. L’État partie devrait veiller à ce que  :

a) Toutes les activités de surveillance et toutes les formes d’immixtion dans la vie privée, y compris la surveillance en ligne, l’interception des communications, l’accès aux données sur les communications et l’extraction des données, soient régies par une législation appropriée et conforme au Pacte, en particulier aux dispositions de son article 17, ainsi qu’aux principes de légalité, de proportionnalité et de nécessité  ;

b) Les activités de surveillance et d’interception ne puissent être menées que sur autorisation judiciaire et sous réserve de l’existence de mécanismes de contrôle efficaces et indépendants, et les personnes concernées aient effectivement accès à des recours utiles si elles s’estiment victimes d’atteintes à leurs droits.

Liberté d’expression

33.Le Comité craint que des dispositions de droit interne ne restreignent indûment la liberté d’expression et l’accès à l’information. Parmi ces dispositions figurent la loi relative à la sécurité nationale, la loi relative à la sédition, la loi de 2008 relative aux professionnels des médias, la loi relative à la cybercriminalité et aux infractions connexes, les articles 90, 91, 93 et 192 à 199 du Code pénal et la loi relative aux pouvoirs d’urgence, adoptée pendant la pandémie de COVID-19. Le Comité est en outre préoccupé par le fait que la diffamation continue d’être incriminée et que la législation nationale de protège pas expressément les activités des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme. À cet égard, le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles des membres de l’opposition politique, des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme et d’autres personnes qui critiquent le Gouvernement sont l’objet de pressions indues de la part des autorités, d’arrestations, d’actes de tortures et d’agressions, ce qui peut avoir un effet paralysant sur l’espace civique (art. 19).

34. L’État partie devrait  :

a) Réviser la législation nationale susceptible de restreindre indûment le droit à la liberté d’expression, notamment les textes mentionnés ci-dessus, en vue de les mettre en conformité avec les obligations que lui fait le Pacte et compte tenu de l’observation générale n o 34 (2011)  ;

b) Veiller à ce que toute restriction à l’exercice de la liberté d’expression soit conforme aux conditions strictes énoncées à l’ article 19 ( par.  3) du Pacte  ;

c) Envisager de dépénaliser la diffamation et, en tout état de cause, limiter l’application de la loi pénale aux affaires les plus graves, sachant que l’emprisonnement ne constitue jamais une peine appropriée pour cette infraction, comme il est précisé dans l’observation générale n o 34 (2011)  ;

d) Protéger les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme, enquêter sur tous les cas de harcèlement, d’arrestation et de détention arbitraires de ces personnes, poursuivre et punir les responsables et offrir une réparation complète aux victimes.

Liberté de réunion pacifique

35.Le Comité est préoccupé par le fait que la loi relative à l’ordre public impose l’obligation d’obtenir une autorisation de la police pour tenir un rassemblement et par les informations selon lesquelles, dans la pratique, cette obligation sert de prétexte pour refuser l’autorisation d’organiser des rassemblements pacifiques. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles les autorités de l’État font un usage excessif de la force pour disperser les manifestations et des manifestants sont arrêtés et détenus arbitrairement pour avoir exercé leur droit de réunion pacifique (art. 7, 9 et 21).

36. Compte tenu de l’observation générale n o 37 (2020) du Comité, l’État partie devrait mettre toutes les lois et pratiques régissant les réunions pacifiques, en particulier la loi relative à l’ordre public, en pleine conformité avec le Pacte et veiller à ce que toute restriction imposée soit conforme aux conditions strictes énoncées dans cet instrument. Il devrait en outre mener de véritables enquêtes sur tous les cas dans lesquels des manifestants pacifiques ont été victimes de violences ou arrêtés ou détenus arbitrairement et traduire les responsables en justice. Les modalités de l’usage de la force par les agents de la force publique dans le contexte de réunions pacifiques devraient être mises en conformité avec les Lignes directrices des Nations Unies basées sur les droits de l’homme portant sur l’utilisation des armes à létalité réduite dans le cadre de l’application des lois et aux Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois.

Droits des minorités et communautés autochtones

37.Le Comité est préoccupé par les difficultés qu’ont les minorités et les communautés autochtones à accéder aux services publics, notamment les soins de santé et l’éducation, à exercer leurs droits sur leurs terres ancestrales et leurs ressources naturelles et à exercer le droit d’utiliser leur langue. Il s’inquiète en particulier de ce que : a) les personnes qui habitaient dans la réserve de chasse du Kalahari, et plus précisément les Basarwa et les Bakgalagadi, qui n’étaient pas demandeurs dans l’affaire Roy Sesana and Others v. the Attorney General, doivent obtenir des permis pour entrer dans la réserve ; b) pour scolariser au primaire les enfants appartenant aux minorités vivant dans des régions reculées, en particulier les enfants basarwa, les autorités placent ces enfants dans des foyers très éloignés de chez eux, foyers qui ne seraient pas sûrs et dont certains n’auraient ni l’eau ni l’électricité ; c) les langues autres que l’anglais et le setswana sont interdites à la radio et la télévision, dans la presse écrite privée et dans les stations de radio privées ; d) la loi de 2012 relative à l’organisme de réglementation des communications ne comporte aucune disposition portant sur les radios locales, et des stations de radio locales se seraient vu refuser une autorisation de radiodiffusion ; e) la Constitution prévoit que les membres des minorités qui ne parlent pas anglais ne sont pas éligibles à l’Assemblée nationale (art. 2, 19, 25, 26 et 27).

38. Compte tenu de sa précédente recommandation , le Comité recommande à l’État partie  :

a) De veiller à ce que les droits des minorités et des communautés autochtones, en particulier en ce qui concerne leurs terres ancestrales, leurs ressources naturelles et l’utilisation de leur langue, soient promus, protégés et reconnus en droit et dans la pratique, notamment en élaborant et en adoptant une législation visant expressément à garantir l’exercice des droits prévus par le Pacte, sans discrimination  ;

b) De garantir l’application systématique et effective du principe selon lequel le consentement préalable des communautés autochtones, donné librement et en connaissance de cause, doit être obtenu pour que des activités de développement ou d’autres activités puissent être entreprises sur des terres traditionnellement utilisées, occupées ou possédées par ces communautés  ;

c) De veiller à ce que les personnes qui habitent ou qui habitaient dans la réserve de chasse du Kalahari, y compris ceux qui n’étaient pas des demandeurs dans l’affaire Roy Sesana and Others v. the Attorney General , ne se voient imposer aucune restriction concernant leur retour ou leur séjour dans la réserve  ;

d) De revoir la pratique consistant à placer les enfants appartenant à des minorités originaires de régions reculées dans des foyers pour leur faire suivre un enseignement, et de trouver d’autres solutions  ;

e) De faire en sorte que les communautés autochtones puissent s’exprimer dans leurs propres langues et promouvoir leurs cultures, notamment à la radio et la télévision, dans la presse écrite privée et dans les stations de radio privées.

39.Le Comité est préoccupé par le fait que, malgré les modifications qui y ont été apportées, les règles actuellement en vigueur concernant les nominations à la Ntlo ya Dikgosi ne garantissent pas la représentation équitable des tribus non tswana. Il est particulièrement préoccupé par le fait que : a) la Constitution accorde toujours un statut privilégié aux tribus tswana et permet, dans les faits, que leurs chefs soient automatiquement nommés à la Ntlo ya Dikgosi ; b) seules quelques tribus non tswana ont été reconnues par la loi Bogosi de 2008 (art. 25 à 27).

40.Rappelant sa précédente recommandation , le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures législatives nécessaires pour supprimer tout élément discriminatoire en ce qui concerne la nomination et la représentation des tribus à la Ntlo ya Dikgosi et pour garantir la représentation équitable des tribus non tswana.

D.Diffusion et suivi

41. L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, de son deuxième rapport périodique et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays et du grand public pour faire mieux connaître les droits consacrés par le Pacte. Il devrait également faire en sorte que le rapport périodique et les présentes observations finales soient traduits dans ses langues officielles.

42. Conformément au paragraphe 1 de l’ article 75 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie est invité à faire parvenir, le 5 novembre 2024 au plus tard, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 22 (liberté et sécurité de la personne), 26 (traite des personnes et travail forcé) et 30 (traitement des réfugiés et des demandeurs d’asile et prévention de l’apatridie).

43. Conformément au cycle d’examen tel qu’il est prévu, l’État partie recevra en 2027 la liste de points établie par le Comité avant la soumission du rapport et devra soumettre dans un délai d’un an ses réponses à celle-ci, qui constitueront son troisième rapport périodique. Le Comité demande à l’État partie, lorsqu’il élaborera ce rapport, de tenir de vastes consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays. Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots. Le prochain dialogue constructif avec l’État partie se tiendra en 2029, à Genève.