Nations Unies

CMW/C/GIN/CO/1

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr. générale

8 octobre 2015

Original: français

Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Observations finales concernant le rapport initial de la Guinée *

1.Le Comité a examiné le rapport initial de la Guinée (CMW/C/GIN/1) à ses 294e et 295e séances (CMW/C/SR.294 et 295), les 1er et 2 septembre 2015. À sa 305e séance, le 9 septembre 2015, le Comité a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite de la soumission du rapport initial de l’État partie, élaboré en réponse à la liste de points établie avant la soumission du rapport (CMW/C/GIN/QPR/1), ainsi que des informations orales additionnelles fournies par la délégation de haut niveau dirigée par Khalifa Gassama Diaby, Ministre des droits de l’homme et des libertés publiques, comprenant outre d’autres représentants de ce Ministère, le Président de la Commission nationale pour l’intégration et le suivi des réfugiés, et un représentant de la Mission permanente de la Guinée à Genève. Le Comité a également apprécié le dialogue franc, ouvert et constructif engagé avec la délégation.

3.Le Comité constate qu’un certain nombre de pays dans lesquels les travailleurs migrants guinéens sont employés ne sont pas encore parties à la Convention, ce qui peut empêcher les travailleurs migrants d’exercer leurs droits au titre de la Convention.

B.Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction la ratification par l’État partie des traités internationaux suivants ou l’adhésion à ceux-ci:

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en novembre 2011;

b)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en février 2008;

c)Le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique, en décembre 2003.

5.Le Comité note avec satisfaction l’adoption des mesures institutionnelles et politiques suivantes:

a)La création du Ministère en charge des Guinéens de l’étranger en 2011, du Ministère des droits de l’homme et des libertés publiques en 2012, et du poste de Médiateur de la République en 2011;

b)Le lancement des programmes MIDA (migration et développement en Afrique) et TOKTEN (transfert des connaissances par l’intermédiaire des expatriés nationaux) en Guinée avec l’objectif de faire revenir temporairement les cadres qualifiés de la diaspora guinéenne dans les secteurs porteurs de croissance et de la formation universitaire;

c)La création des guichets uniques pour la gestion des flux migratoires aux différents postes frontaliers terrestres, aériens, fluviaux et maritimes;

d)L’adoption du Plan d’action national pour combattre la traite des personnes, en 2009, et la création du Comité pour combattre la traite des personnes;

e)L’organisation d’un forum des Guinéens de l’étranger en vue de la mise en place du Haut Conseil des Guinéens de l’étranger, organe consultatif du Ministère en charge des Guinéens de l’étranger.

C.Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

6.Le Comité reconnaît les grandes difficultés auxquelles l’État partie a été confronté et l’est toujours du fait des crises politiques et de l’épidémie d’Ebola.

D.Principaux sujets de préoccupation, suggestions et recommandations

1.Mesures d’application générales (art. 73 et 84)

7.Le Comité apprécie la mise en place par l’État partie du Ministère en charge des Guinéens de l’étranger en 2011, du Ministère des droits de l’homme et des libertés publiques en 2012, et du poste de Médiateur de la République en 2011. Le Comité est cependant préoccupé par le fait que ces organes ne disposent pas de moyens financiers et humains suffisants pour s’acquitter pleinement de leur mission. Le Comité note également l’absence de politique migratoire et de politique nationale de l’emploi dans l’État partie.

8.Le Comité recommande à l’État partie de fournir au Ministère en charge des Guinéens de l’étranger, au Ministère des droits de l’homme et des libertés publiques et au Médiateur de la République les moyens appropriés dont ils ont besoin pour s’acquitter convenablement de leur mission. Le Comité encourage également l’ État partie à envisager l’adoption d’une politique migratoire et d’une politique nationale de l’emploi conformément aux dispositions de la Convention.

9.Le Comité note que l’État partie n’a pas encore fait les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention par lesquelles il reconnaîtrait la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications d’États parties et de particuliers concernant des violations des droits consacrés par la Convention.

10. Le Comité encourage l’État partie à envisager de faire les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention.

11.Le Comité note que l’État partie n’a pas encore adhéré aux conventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT) suivantes: Convention de 1949 sur les travailleurs migrants (révisée) (no 97), Convention de 1997 sur les agences d’emploi privées (no 181) et Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (no 189).

12. Le Comité encourage l’État partie à envisager d’adhérer, dès que possible, aux c onventions de l’OIT suivantes qui concernent les travailleurs migrants : Convention de 1949 sur les travailleurs migrants (révisée) ( n o  97) , Convention de 1997 sur les agences d ’ emploi privées (n o 181) et Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (n o  189) .

Collecte de données

13.Le Comité apprécie les données fournies par l’État partie sur la base des recensements de 1996 et de 2007. Cependant, il juge insuffisantes les données statistiques sur les flux migratoires à destination et en provenance de l’État partie, y compris celles concernant les membres des familles des travailleurs migrants.

14.Rappelant que l’information statistique ventilée par sexe, âge et origine est indispensable pour comprendre la situation des travailleurs migrants dans l’État partie et évaluer la mise en œuvre de la Convention, le Comité recommande à l’État partie de créer une base de données centralisée et globale couvrant tous les aspects de la Convention. Il recommande également que les données collectées, incluant les travailleurs migrants en situation irrégulière, soient ventilées afin de disposer d’informations concrètes sur les politiques migratoires et l’application des différentes dispositions de la Convention. En l’absence d’informations précises, le Comité souhaiterait obtenir des données fiables, fondées sur des sondages ou des estimations crédibles.

Formation à la Convention et diffusion de celle-ci

15.Le Comité apprécie le projet de l’État partie de renforcer les capacités des services de sécurité sur la gestion des migrants. Le Comité regrette toutefois que les informations relatives à la Convention et aux droits qui y sont consacrés ne soient pas communiquées à l’ensemble des parties prenantes pertinentes, notamment l’ensemble des fonctionnaires travaillant dans le domaine de la migration, en particulier le personnel chargé de l’application des lois et de la surveillance des frontières, les juges, les procureurs, les agents consulaires concernés, les agents locaux et les travailleurs sociaux, ainsi que les organisations de la société civile, les universités, les médias, les travailleurs migrants eux‑mêmes et les membres de leur famille.

16. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De mettre les informations concernant les droits consacrés dans la Convention à la disposition des travailleurs migrants et des membres de leur famille;

b) De renforcer les capacités de l’ensemble des fonctionnaires travaillant dans le domaine de la migration, en particulier le personnel chargé de l’application des lois et de la surveillance des frontières, les juges, les procureurs, les agents consulaires concernés ainsi que les agents locaux et les travailleurs sociaux;

c) De travailler avec les u niversités, les médias, les organisations de la société civile et les travailleurs migrants eux - mêmes afin de diffuser des informations sur la Convention et de la promouvoir.

2.Principes généraux (art. 7 et 83)

Non-discrimination

17.Le Comité note avec satisfaction les affirmations de l’État partie selon lesquelles il existe plusieurs voies de recours ouvertes aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille face à un abus de pouvoir ou à une violation de leurs droits. Il est toutefois préoccupé par le fait qu’aucune information n’ait été fournie sur le nombre d’affaires et/ou de procédures engagées par des travailleurs migrants ou des membres de leur famille, y compris ceux en situation irrégulière.

18. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que, en droit comme en pratique, les travailleurs migrants et les membres de leur famille, y compris ceux en situation irrégulière, aient les mêmes possibilités que ses nationaux de porter plainte et d’engager des recours en justice au cas où leurs droits consacrés par la Convention seraient violés. Le Comité recommande également à l’État partie de prendre des mesures pour informer les travailleurs migrants et les membres de leur famille, y compris ceux en situation irrégulière, des recours judiciaires et autres dont ils disposent en cas de violation de leurs droits au titre de la Convention.

3.Droits de l’homme de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 8 à 35)

19.Tout en notant les déclarations de la délégation selon lesquelles la loi L/94/019/CTRN de 1994 sur les conditions d’entrée et de séjour des étrangers en République de Guinée n’est généralement pas appliquée, le Comité est préoccupé par:

a)Le manque de précision de l’article 70 de cette loi qui dispose qu’un étranger peut se voir interdire de quitter le territoire guinéen parce qu’il ne s’est pas conformé à la législation en matière de séjour des étrangers, ou pour des raisons que le chef du département de la sécurité jugera fondées;

b)L’article 60 de ladite loi selon lequel l’étranger ne peut quitter la République de Guinée qu’après s’être libéré de ses obligations légales et contractuelles.

20.Le Comité recommande à l’ État partie de s’assurer que les travailleurs migrants et les membres de leur famille aient le droit de quitter l’ État partie et de rentrer et de demeurer dans leur État d ’ origine, ce droit ne pouvant faire l ’ objet que de restrictions prévues par la loi, nécessaires à la protection de la sécurité nationale, de l ’ ordre public, de la santé ou de la moralité publiques, ou des droits et libertés d ’ autrui, et compatibles avec les autres droits reconnus par la Convention.

21.Le Comité note les déclarations de la délégation selon lesquelles la loi L/94/019/CTRN sur les conditions d’entrée et de séjour des étrangers en République de Guinée n’est pas appliquée et les travailleurs migrants en situation irrégulière ne font généralement pas l’objet de détention. Cependant, le Comité reste préoccupé par:

a)La criminalisation de la migration irrégulière prévue par l’article 73 de la loi sur les conditions d’entrée et de séjour des étrangers en République de Guinée selon lequel seront punis d’un emprisonnement de un mois à un an et/ou d’une amende de 200 000  à 500 000 francs guinéens les étrangers qui auront séjourné illégalement sur le territoire de la République de Guinée;

b)La criminalisation de la migration irrégulière prévue par l’article 75 de cette même loi prévoyant une peine d’emprisonnement de un an à cinq ans et/ou une amende de 700 000 à 5 000 000 francs guinéens à l’encontre des migrants qui séjournent ou s’établissent en République de Guinée sans avoir reçu l’autorisation appropriée ou après l’expiration du délai fixé par l’autorisation;

c)L’absence d’informations précises et détaillées concernant les travailleurs migrants et les membres de leur famille en détention;

d)Les mauvaises conditions de détention dues à la vétusté des infrastructures et à la surpopulation carcérale;

e)L’absence de précisions sur les circonstances exceptionnelles dans lesquelles les pouvoirs publics ont légalement la possibilité de mettre fin au séjour de tout étranger même si celui-ci est entré et a séjourné régulièrement en République de Guinée, ainsi que sur les critères pour déclarer un étranger indésirable à titre personnel, conformément aux dispositions de l’article 64 de la loi L/94/019/CTRN.

22. Le Comité recommande à l’ État partie :

a) D’indiquer, dans son prochain rapport périodique, le nombre de migrants, ventilés par âge, sexe, nationalité et/ou origine, actuellement placés en détention pour avoir violé la législation relative à la migration, en précisant le lieu, la durée moyenne et les conditions de détention et en donnant des informations sur le nombre d’expulsions et les procédures utilisées;

b) D’amender la loi L/94/019/CTRN afin de dépénaliser la migration irrégulière, le Comité considérant que, conformément à son observation générale n o  2 (2013) sur les droits des travailleurs migrants en situation irrégulière et des membres de leur famille, le fait de séjourner dans un pays sans y être autorisé ou sans être en possession des documents nécessaires ou de demeurer dans un pays après l’expiration d’un permis de séjour ne doit pas faire l’objet d’une incrimination pénale;

c) De ne procéder à la détention de travailleurs migrants pour violation de la législation relative à la migration que de façon exceptionnelle et en dernier recours ; et de veiller à ce que, dans tous les cas, ils soient séparés des détenus de droit commun, les femmes soient séparées des hommes, les conditions de détention soient conformes aux standards internationaux , et à ce que des mesures alternatives à la détention soient adoptées pour les enfants et leur famille ainsi que pour les enfants non accompagnés ;

d) De fournir des précisions concernant les circonstances exceptionnelles dans lesquelles les pouvoirs publics ont légalement la possibilité de mettre fin au séjour de tout étranger même si celui-ci est entré et a séjourné régulièrement en République de Guinée, et concernant les critères pour déclarer un étranger indésirable à titre personnel, conformément aux dispositions de l’article 64 de la loi L/94/019/CTRN.

23.Tout en notant les déclarations de la délégation selon lesquelles les travailleurs migrants en situation irrégulière ne sont généralement pas expulsés de l’État partie, le Comité regrette l’absence d’informations sur le nombre de migrants ayant fait l’objet d’une expulsion ainsi que sur la possibilité qu’ont les travailleurs migrants de demander la suspension d’une décision d’expulsion. Il est également préoccupé par l’impossibilité qu’auraient les travailleurs migrants, en pratique, de demander la suspension d’une décision d’expulsion, du fait qu’ils n’ont que 15 jours pour quitter le territoire en cas de rejet de la demande de carte de résident ou de son renouvellement, selon l’article 40 de la loi L/94/019/CTRN.

24. Le Comité invite l’État partie à fournir des informations sur le nombre de migrants ayant fait l’objet d’une procédure d’expulsion. Par ailleurs, il prie l’État partie de fournir des informations sur les dispositions légales et les mesures existantes reconnaissant aux migrants sous le coup d’une procédure d’expulsion, en dehors des cas où la décision finale est prononcée par une autorité judiciaire, le droit de demander la suspension de la décision d ’expulsion en attendant l’examen du cas par l’autorité compétente, conformément au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention. Le Comité recommande également à l’ État partie d’amender l’article 40 de la loi L/94/019/CTRN afin de donner au travailleur migrant en situation irrégulière un délai suffisant pour pouvoir exercer un recours contre la décision de quitter le territoire.

25.Le Comité regrette que les autorités consulaires effectuent peu de visites dans les lieux de détention des pays d’accueil afin de s’enquérir de l’état des prisonniers guinéens.

26. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De faciliter l’accès des travailleurs migrants guinéens vivant à l’étranger à l’assistance consulaire ou diplomatique de l’État partie, notamment en cas de détention ou d’expulsion;

b) De veiller à ce que ses services consulaires s’acquittent efficacement de leur mission de protection et de promotion des droits des travailleurs migrants guinéens et des membres de leur famille et, en particulier, qu’ils apportent l’assistance requise à ceux qui sont privés de liberté ou visés par une décision d’expulsion;

c) De prendre les mesures nécessaires afin que les autorités consulaires ou diplomatiques des États d’origine ou d’un État représentant les intérêts de ces États soient systématiquement informées de la mise en détention dans l’État partie de l’un de leurs ressortissants.

27.Le Comité note avec satisfaction que le nouveau Code du travail de 2014 ne contient plus les dispositions restreignant le droit des travailleurs migrants à former ou à s’affilier à un syndicat. Cependant, il note que les articles 322.4 et 311.6 du nouveau Code du travail exigent que le travailleur migrant ait résidé trois ans dans l’État partie pour pouvoir être chargé de la direction d’un syndicat ou d’une organisation patronale.

28. Le Comité recommande à l’État partie d’amender les articles 322.4 et 311.6 du nouveau Code du travail afin de supprimer l’exigence selon laquelle le travailleur migrant doit avoir résidé trois ans dans l’ État partie pour pouvoir être chargé de la direction d’un syndicat ou d’une organisation patronale.

29.Le Comité regrette l’absence d’information sur les soins médicaux et sur les allocations de maternité et les allocations familiales accessibles aux travailleurs migrants vivant dans l’État partie. Le Comité regrette également le manque d’information concernant l’existence d’accords bilatéraux et multilatéraux de sécurité sociale afin d’assurer la protection sociale des travailleur migrants.

30. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De veiller à ce que tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille soient en mesure d’adhérer à un régime de sécurité sociale, et de faire en sorte qu’ils soient informés de leurs droits à cet égard;

b) De conclure des accords bilatéraux et multilatéraux de sécurité sociale afin d’assurer la protection sociale des travailleurs migrants.

31.Le Comité note l’insuffisance des informations reçues sur l’accès, en droit et en pratique, des travailleurs migrants et des membres de leur famille, quel que soit leur statut migratoire, aux soins médicaux d’urgence qui sont nécessaires pour préserver leur vie ou éviter un dommage irréparable à leur santé, sur la base de l’égalité de traitement avec les ressortissants de l’État partie.

32. Le Comité recommande à l’État partie de fournir des informations, dans son prochain rapport périodique, sur la possibilité pour tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille − quel que soit leur statut migratoire − de jouir , en droit et en pratique , de l’accès aux soins médicaux d’urgence nécessaires pour préserver leur vie ou éviter un dommage irréparable à leur santé, sur la base de l’égalité de traitement avec les ressortissants de l’État partie, conformément à l’article 28 de la Convention.

33.Le Comité note avec satisfaction les déclarations de la délégation selon lesquelles des mesures sont prises pour informer les Guinéens des réalités, des difficultés et des dangers de la migration irrégulière. Cependant, le Comité est préoccupé par l’impact limité de ces mesures ainsi que par le manque d’informations reçues sur les mesures prises par l’État partie pour informer les Guinéens candidats à l’émigration sur les conditions d’entrée et de séjour dans les pays d’accueil.

34. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour informer les G uinéens candidats à l’émigration , ainsi que les membres de leur famille , sur les droits que leur reconna î t la Convention et sur leurs droits et obligations dans l’État d’emploi, ainsi que sur les dangers de la migration irrégulière.

4.Autres droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille qui sont pourvus de documents ou en situation régulière (art. 36 à 56)

35.Le Comité note que la loi L/94/019/CTRN sur les conditions d’entrée et de séjour des étrangers en République de Guinée autorise les étrangers à séjourner et à circuler librement sur le territoire national de la République de Guinée. Il regrette toutefois l’absence de précisions sur les motifs, ainsi que sur les zones et lieux déterminés interdits aux étrangers, selon l’article 51 de cette loi.

36. Le Comité recommande à l’ État partie de préciser les dispositions de la loi L/94/019/CTRN afin de garantir que les travailleurs migrants et les membres de leur famille auro nt le droit de circuler librement sur le territoire de l ’ État d ’ emploi, et que ce droit ne pourra faire l ’ objet que de restrictions prévues par la loi, nécessaires à la prot ection de la sécurité nationale, de l ’ ordre public, de la santé ou de la moralité publiques, ou d es droits et libertés d ’ autrui, et compatibles avec les autres droits reconnus par la Convention.

37.Le Comité félicite l’État partie pour les mesures qu’il a prises afin de permettre la participation des travailleurs migrants guinéens résidant à l’étranger aux élections présidentielles de 2010 et aux élections législatives de 2013 qui ont eu lieu dans l’État partie. Le Comité demeure cependant préoccupé par l’insuffisance des informations reçues sur la jouissance effective de ce droit, notamment sur le taux de participation des Guinéens résidant à l’étranger à ces élections, ainsi que sur la possibilité des Guinéens vivant à l’étranger de prendre part aux affaires publiques dans l’État partie.

38. Le Comité invite l’État partie à fournir dans son prochain rapport périodique des informations concernant la possibilité pour les G uinéens vivant à l’étranger de prendre part aux affaires publiques dans l’ État partie et des informations concernant le taux de participation , aux élections présidentielles et législatives , des G uinéens vivant à l’étranger. Le Comité encourage l’ État partie à prendre toutes les mesures nécessaires à l’exercice effectif du droit de vote des migrants guinéens, notamment en menant des campagnes d’information à leur intention. Il encourage en particulier l’ État partie à prendre les mesures nécessaires pour que les travailleurs migrants guinéens vivant à l’étranger puissent participer aux élections présidentielles prévues en octobre 2015 .

39.Le Comité note le manque d’informations précises reçues concernant la possibilité pour les travailleurs migrants de continuer à percevoir, quand ils quittent le territoire de l’État partie, les avantages sociaux et les indemnités pour lesquels ils ont cotisé, et l’absence d’information concernant l’existence d’une procédure permettant le transfert de ces fonds.

40. Le Comité recommande à l’ État partie de veiller à ce que les travailleurs migrants bénéficient de l ’ égalité de traitement avec les ressortissants de l ’ État partie en ce qui concerne l ’ accès aux services sociaux, sous réserve que les conditions requises pour avoir le droit de bénéficier des divers programmes soient remplies, tel que prévu par l’article 43 de la Conven tion.

41.Le Comité prend note avec intérêt du projet de mise en place d’un système incitatif pour le transfert des fonds de la diaspora guinéenne à moindre coût. Il note cependant l’absence d’informations précises sur le fonctionnement de ce système et notamment l’absence d’informations au sujet de partenariats avec des institutions financières destinés à faciliter le transfert des revenus du travail et de l’épargne des travailleurs migrants guinéens à l’étranger et des travailleurs migrants vivant dans l’État partie.

42. Le Comité encourage l’État partie:

a) À communiquer des informations sur les partenariats mis en place avec d es institutions financières pour faciliter l’envoi de fonds , par les travailleurs migrants guinéens vivant à l’étranger , vers l’État partie;

b) À redoubler d’efforts pour réduire le coût de l’envoi et de la réception des fonds;

c) À rendre l’épargne plus accessible pour les travailleurs migrants et les membres de leur famille.

43.Le Comité note l’absence d’information reçue sur les mesures prises, en droit et en pratique, pour que les travailleurs migrants ne perdent pas leur permis de séjour du seul fait que leur activité rémunérée cesse avant l’expiration de leur permis de travail.

44. Le Comité recommande à l’ État partie de veiller à ce que les travailleurs migrants dans l’ État partie ne perdent pas leur permis de séjour du seul fait que leur activité rémunérée a cessé avant l ’ expiration de leur permis de travail ou autorisation analogue.

5.Promotion de conditions saines, équitables, dignes et légales en ce qui concerne les migrations internationales des travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 64 à 71)

45.Le Comité salue l’existence d’accords de coopération dans le cadre de la migration avec l’Algérie, Cuba, le Maroc, la République-Unie de Tanzanie et la Tunisie, ainsi que l’application de l’acte constitutif de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest prônant la libre circulation des ressortissants des États membres et de leurs biens dans cet espace économique ouest-africain. Il note également l’existence d’accords de rapatriement avec le Canada, l’Espagne et la Suisse, ainsi que l’information reçue selon laquelle l’État partie a amorcé, en juillet 2014, les possibilités de renforcement de la coopération avec la Belgique concernant les conditions de séjour des Guinéens en Belgique et l’accompagnement des retours volontaires. Le Comité regrette cependant que l’État partie n’ait pas signé d’accords bilatéraux et multilatéraux avec d’autres États d’emploi dans lesquels vivent un grand nombre de Guinéens, tels que l’Angola, le Gabon et certains pays européens, afin de garantir aux migrants guinéens des conditions saines, équitables et humaines.

46.Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour la signature d’accords bilatéraux et multilatéraux avec les pays de destination et de transit qui favoriseraient la migration régulière, garantiraient des conditions saines, équitables et humaines pour les travailleurs migrants guinéens vivant à l’étranger, prévoiraient des garanties procédurales en leur faveur, et garantiraient que les travailleurs migrants guinéens expulsés ne soient pas l’objet de mauvais traitements.

47.Le Comité est préoccupé par l’activité limitée des services consulaires et diplomatiques en faveur de la protection des droits des travailleurs migrants guinéens et des membres de leur famille vivant à l’étranger, notamment en ce qui concerne la délivrance de papiers d’identité.

48. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De fournir dans son prochain rapport périodique des informations sur les activités menées par les services consulaires et diplomatiques en vue de la protection des droits des travailleurs migrants guinéens et des membres de leur famille;

b) De fournir à ses autorités consulaires ou diplomatiques les moyens appropriés dont elles ont besoin pour s’acquitter entièrement de leur mission et de veiller à ce qu’elles fournissent les renseignements requis et une aide appropriée aux travailleurs migrants guinéens et aux membres de leur famille vivant à l’étranger, y compris ceux en situation irrégulière, notamment en ce qui concerne:

i) L’octroi de papiers d’identité aux ressortissants guinéens vivant à l’étranger;

ii) Les autorisations, les formalités requises et les démarches nécessaires pour leur départ, leur voyage, leur arrivée, leur séjour, leurs activités rémunérées, leur sortie et leur retour;

iii) Les conditions de travail et de vie dans l’État d’emploi ainsi que les lois et règlements en matière douanière, monétaire, fiscale et autres.

49.Le Comité est préoccupé par les difficultés auxquelles est confronté l’État partie pour faciliter la réintégration économique, sociale et culturelle durable des Guinéens qui reviennent dans l’État partie.

50. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour créer des conditions sociales, économiques ou autres appropriées afin de faciliter le retour et la réinsertion durable des travailleurs migrants guinéens et des membres de leur famille dans l’État partie, tel que prévu à l’article 67 de la Convention, en portant une attention particulière aux personnes âgées.

51.Tout en notant avec satisfaction les mesures d’urgence prises par le Ministère en charge des Guinéens de l’étranger pour le rapatriement des Guinéens à la suite des événements politiques survenus en République centrafricaine et en Libye, le Comité relève avec préoccupation l’absence de données fournies sur le nombre de Guinéens qui se trouvent encore dans ces pays et qui souhaitent être rapatriés.

52. Le Comité invite l’État partie à veiller à ce que tous les G uinéens qui se trouvent encore en République c entrafri cain e et en Libye et qui souhaitent être rapatriés bénéficient effectivement des mesures de rapatriement mises en place par le Ministère en charge des G uinéens de l’étranger.

53.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption du Plan d’action national pour combattre la traite des personnes, en 2009, et la création du Comité pour combattre la traite des personnes, ainsi que les accords régionaux signés afin de prévenir et combattre le trafic et la traite des personnes. Le Comité est cependant préoccupé par:

a)L’absence d’études, d’analyses et de données ventilées qui permettraient d’évaluer l’ampleur de la traite aussi bien vers l’État partie qu’à travers et à partir de celui-ci;

b)Les informations reçues concernant notamment: i) des ressortissants guinéens victimes de traite et travail forcé dans les domaines de l’agriculture, les mines de diamant et d’or et le travail domestique dans des pays de la région et victimes de servitude domestique dans des pays européens, aux États-Unis et au Moyen-Orient; et ii) des enfants guinéens forcés à mendier et exploités par des marabouts au Mali et au Sénégal;

c)Les informations reçues indiquant notamment la présence dans l’État partie de femmes et d’enfants de la région victimes d’exploitation sexuelle, de travail forcé et de servitude domestique, et de femmes asiatiques soumises à la prostitution forcée.

54. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De collecter systématiquement des données ventilées par sexe, âge et origine en vue de mieux combattre le trafic et la traite des personnes;

b) D’intensifier les campagnes de prévention du trafic et de la traite de travailleurs migrants, et de prendre des mesures appropriées contre la diffusion d’informations trompeuses concernant l’émigration et l’immigration;

c) De renforcer la formation à la lutte contre le trafic et la traite d’êtres humains des policiers et autres membres des forces de l’ordre, des gardes-frontières, des juges, des procureurs, des inspecteurs du travail, des enseignants, ainsi que du personnel des services de santé et des ambassades et consulats de l’État partie;

d) D’enquêter de manière rapide, efficace et impartiale sur tous les actes de traite de personnes, de trafic d’êtres humains et autres infractions connexes, de poursuivre et de punir les auteurs de ces actes, et de traiter promptement toutes les plaintes déposées contre des trafiquants et des passeurs;

e) De fournir protection et assistance à toutes les victimes de la traite, en particulier en leur offrant des abris et en lançant des projets visant à les aider à reconstruire leur vie ;

f) De renforcer sa coopération internationale, régionale et bilatérale afin de prévenir et combattre le trafic et la traite des personnes.

55.Le Comité est préoccupé par les cas de Guinéens qui décèdent lors de leurs tentatives de migration vers l’Europe.

56. Le Comité invite l’État partie à envisager de conclure des accords ou d’intervenir auprès des États de transit et de destination des travailleurs migrants guinéens en vue d’assurer une migration sécurisée qui protège la vie et l’intégrité physique des travailleurs migrants guinéens lors de leurs tentatives d e migration, et notamment lors des migrations vers l’Europe.

57.Le Comité prend acte de la déclaration de l’État partie selon laquelle, après la validation du recensement général de la population, il compte engager un processus de régularisation de tous les travailleurs migrants en situation irrégulière en tenant compte des dispositions de la loi sur l’entrée et le séjour des étrangers en République de Guinée.

58. Le Comité encourage l’État partie à engager le processus envisagé destiné à régulariser la situation des travailleurs migrants en situation irrégulière, et à veiller à ce que ces derniers soient informés de ces procédures.

6.Suivi et diffusion

Suivi

59. Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son deuxième rapport périodique des informations détaillées sur les mesures qu’il aura prises pour donner suite aux recommandations formulées dans les présentes observations finales. Il lui recommande de prendre toutes les mesures appropriées pour que lesdites recommandations soient mises en œuvre, notamment en les soumettant aux membres du Gouvernement et du Parlement, ainsi qu’aux autorités locales pour examen et suite à donner.

60. Le Comité prie l’État partie d’associer les organisations de la société civile à la mise en œuvre des recommandations figurant dans les présentes observations finales .

Rapport de suivi

61. Le Comité invite l’État partie à lui fournir, dans les deux ans, c’est-à-dire le 9 septembre 2017 au plus tard, des informations écrites sur la mise en œuvre des recommandations figurant aux paragraphes 42, 4 8 b), 52 et 5 4 ci -dessus.

Diffusion

62. Le Comité demande également à l’État partie de diffuser largement la Convention et les présentes observations finales, notamment auprès des organismes publics , de l’appareil judiciaire, des organisations non gouvernementales et des autres membres de la société civile, de manière à sensibiliser les autorités judiciaires, législatives et administratives, ainsi que la société civile et le public en général à la Convention.

7.Assistance technique

63. Le Comité recommande à l’État partie de faire appel à l’assistance internationale, notamment l’assistance technique, pour élaborer un programme global visant à mettre en œuvre les recommandations susmentionnées et la Convention dans son ensemble. Il l’engage également à poursuivre sa coopération avec les institutions spécialisées et les programmes du système des Nations Unies, y compris en demandant au Haut-Commissariat aux d roits de l’ h omme une assistance technique et un renforcement des capacités en ce qui concerne l’élaboration des rapports.

8.Prochain rapport périodique

64. Le Comité invite l’État partie à lui soumettre son deuxième rapport périodique le 9 septembre 2020 au plus tard, et à y faire figurer des informations concernant la mise en œuvre des présentes observations finales. L’État partie peut par ailleurs opter pour la procédure simplifiée de soumission de rapports, selon laquelle le Comité établit à l’intention de l’État partie une liste de points qui lui est communiquée avant la présentation de son rapport suivant. Les réponses de l’État partie à cette liste constituent son rapport aux fins de l’article 73 de la Convention, ce qui le dispense de soumettre un rapport périodique traditionnel. Cette nouvelle procédure facultative a été adoptée par le Comité à sa quatorzième session, en avril 2011 (voir A/66/48, par. 26).

65. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur les directives pour l’établissement des rapports périodiques (CMW/C/2008/1) et lui rappelle que ceux-ci ne devraient pas excéder 21 200 mots, conformément aux dispositions de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale. Dans l’éventualité où un rapport dépasserait le nombre de mots prévus, l’État partie serait invité à le réduire conformément aux directives susmentionnées. Si l’État partie n’est pas en mesure de revoir son rapport et de le soumettre à nouveau, la traduction de celui-ci aux fins de son examen par les organes conventionnels ne saurait être garantie.

66. Le Comité prie l’État partie d’assurer une large participation de tous les ministères et des organes publics à l’élaboration du prochain rapport périodique (ou des réponses à la liste de points, dans le cas de la procédure simplifiée d’établissement de rapports) et, parallèlement, de consulter largement toutes les parties prenantes concernées, notamment la société civile , les organisations de défense des droits de s travailleurs migrants et celles de défense des droits de l’homme.

67. Le Comité invite également l’État partie à lui soumettre un document de base commun actualisé, ne dépassant pas 42 400 mots, conformément aux critères établis pour les documents de base communs dans les directives harmonisées concernant l’établissement de s rapports destinés aux organes créés en vertu d’ instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (voir HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I), approuvés à la cinquième réunion intercomités des organes conventionnels relatifs aux droits de l’homme en juin 2006.