Nations Unies

CED/C/MNG/CO/1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

30 septembre 2021

Français

Original : anglais

Comité des disparitions forcées

Observations finales concernant le rapport soumis par la Mongolie en application de l’article 29 (par. 1) de la Convention *

1.Le Comité des disparitions forcées a examiné le rapport soumis par la Mongolie en application de l’article 29 (par. 1) de la Convention à ses 348e, 350e et 352e séances, tenues les 21, 22 et 23 avril 2021 par visioconférence en raison de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19). À sa 359e séance, le 6 mai 2021, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport soumis par la Mongolie en application de l’article 29 (par. 1) de la Convention, qui a été présenté conformément à ses directives. En outre, il remercie l’État partie de ses réponses écrites à la liste de points.

3.Il se félicite également du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie sur les mesures prises pour appliquer les dispositions de la Convention, qui a permis de répondre à ses préoccupations, et salue la franchise avec laquelle la délégation a répondu aux questions qu’il a posées. Il remercie l’État partie des renseignements complémentaires et des éclaircissements fournis lors des interventions orales et communiqués par écrit à l’issue du dialogue.

B.Aspects positifs

4.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a ratifié la quasi-totalité des instruments fondamentaux des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme et les protocoles facultatifs s’y rapportant, ainsi que le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, ou y a adhéré.

5.Le Comité félicite l’État partie des mesures prises dans des domaines intéressant la Convention, notamment :

a)La modification, en 2017, du Code pénal, en particulier l’insertion de l’article 13.4, qui a érigé la disparition forcée en infraction ;

b)La promulgation, en 2013, de loi relative à la protection des victimes et des témoins, qui visait à étendre les droits des victimes d’infraction ;

c)La modification, en 2020, de la loi sur la Commission nationale des droits de l’homme, qui a conduit à la mise en place d’un mécanisme national de prévention de la torture.

6.Le Comité se félicite que l’État partie ait adressé à tous les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme une invitation permanente à se rendre dans le pays.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1.Renseignements d’ordre général

Respect de la Convention et participation des parties prenantes

7.Le Comité considère qu’au moment de la rédaction des présentes observations finales, la législation en vigueur dans l’État partie visant à prévenir et à réprimer les disparitions forcées n’était pas pleinement conforme à la Convention. Il recommande donc à l’État partie d’accorder l’attention voulue aux présentes observations finales, qui ont été adoptées dans un esprit constructif de coopération, l’objectif étant de garantir la pleine application de la Convention.

8.Le Comité prend note de l’information selon laquelle des organisations de la société civile ainsi que la Commission nationale des droits de l’homme ont été invitées à faire part de leurs commentaires sur le projet de réponses de l’État partie à la liste de points, mais relève avec préoccupation que ces parties prenantes n’ont pas été associées à l’élaboration du rapport initial de l’État partie. À cet égard, il accueille avec satisfaction la déclaration par laquelle la délégation de l’État partie a fait savoir qu’à l’issue du dialogue, elle recommanderait au Gouvernement de réviser les procédures existantes pour l’élaboration des rapports périodiques en vue de solliciter davantage la contribution des parties prenantes.

9. Le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que la Commission nationale des droits de l ’ homme et les organisations de la société civile participent à l ’ ensemble du cycle de présentation de rapports au Comité, de l ’ élaboration des rapports à la mise en œuvre des recommandations.

Applicabilité directe de la Convention

10.Le Comité accueille avec satisfaction la confirmation par la délégation de l’État partie que la Convention peut être appliquée directement par toutes les juridictions civiles et militaires. Il constate toutefois que, si d’autres traités internationaux relatifs aux droits de l’homme, tels que la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et la Convention relative aux droits de l’enfant, ont été directement invoqués devant les tribunaux nationaux, la Convention n’a jamais été directement appliquée.

11. Le Comité engage l ’ État partie à prendre toutes les mesures nécessaires pour sensibiliser plus avant le public, ainsi que les magistrats et les avocats, à la Convention, y compris à son champ d ’ application, sa signification et son applicabilité directe.

Communications émanant de particuliers ou d’États

12.Le Comité constate que l’État partie n’a pas encore reconnu la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers ou d’États, en application des articles 31 et 32 de la Convention, respectivement (art. 31 et 32).

13. Le Comité encourage l ’ État partie à reconnaître sa compétence pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers ou d ’ États conformément aux articles 31 et 32 de la Convention, respectivement, en vue de renforcer le régime de protection contre les disparitions forcées prévu par cet instrument.

Institution nationale des droits de l’homme

14.Le Comité accueille avec satisfaction les informations fournies par l’État partie selon lesquelles, depuis la soumission du rapport de l’État partie, la loi sur le statut juridique des défenseurs des droits de l’homme a été adoptée et un processus de sélection d’un nouveau membre de la Commission nationale des droits de l’homme, qui sera chargé de traiter les plaintes reçues des défenseurs des droits de l’homme, est en cours. Il demeure néanmoins préoccupé par les informations selon lesquelles les ressources financières et humaines dont dispose la Commission sont insuffisantes pour lui permettre de s’acquitter de son mandat efficacement et en toute indépendance, dans le respect des Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) (art. 2).

15.L ’ État partie devrait veiller à ce que le processus de sélection du nouveau membre de la Commission nationale des droits de l ’ homme, chargé de traiter les plaintes, soit achevé sous peu. Il devrait également prendre les mesures nécessaires pour doter la Commission de ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour lui permettre de s ’ acquitter efficacement de son mandat, et notamment de promouvoir et protéger les droits consacrés par la Convention, en particulier en ce qui concerne la prévention des disparitions forcées.

2.Définition et incrimination de la disparition forcée (art. 1er à 7)

Infraction de disparition forcée

16.Le Comité félicite l’État partie d’avoir inscrit la disparition forcée à l’article 13.4 du Code pénal, en tant qu’infraction autonome. Il se félicite en outre de l’intention exprimée par la délégation de l’État partie au cours du dialogue de recommander que l’article 13.4 du Code pénal soit révisé de manière à le rendre pleinement conforme à la Convention. À cet égard, il constate avec préoccupation que la définition donnée dans cet article n’est pas pleinement conforme à celle qui figure à l’article 2 de la Convention. Premièrement, la définition actuelle n’englobe pas tous les types de privation de liberté, puisqu’elle ne fait mention que de détention illégale, alors qu’une infraction de disparition forcée peut commencer par une privation légale de liberté et devenir par la suite illégale en raison de la concomitance d’autres éléments de l’infraction. Deuxièmement, le Comité relève avec préoccupation que l’article 13.4 (par. 2) du Code pénal ne s’applique qu’aux fonctionnaires chargés des enquêtes, aux procureurs et aux juges, et n’englobe donc pas tous les agents de l’État et les personnes ou groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État, comme le prévoit l’article 2 de la Convention (art. 2 et 4).

17. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures législatives nécessaires pour que la définition de la disparition forcée figurant à l ’ article 13.4 du Code pénal soit pleinement conforme à la définition énoncée à l ’ article 2 de la Convention.

La disparition forcée en tant que crime contre l’humanité

18.Le Comité constate que la disparition forcée est incluse dans la définition du génocide figurant à l’article 29.5 du Code pénal, mais il relève avec préoccupation que la législation nationale n’érige pas la pratique généralisée ou systématique de la disparition forcée en crime contre l’humanité. À cet égard, il se félicite de la déclaration faite par la délégation au cours du dialogue, selon laquelle elle recommanderait des modifications à apporter à la législation en vue de qualifier la disparition forcée en tant que crime contre l’humanité (art. 5).

19. Le Comité recommande à l ’ État partie de reconnaître expressément la disparition forcée en tant que crime contre l ’ humanité, dans les conditions prévues à l ’ article 5 de la Convention.

Responsabilité pénale du supérieur hiérarchique et devoir d’obéissance

20.Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas fourni d’informations claires sur la manière dont la législation existante garantit le plein respect de l’article 6 (par. 1 et 2) de la Convention (art. 6).

21. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures voulues pour : a) tenir pénalement responsable et punir comme il se doit toute personne qui commet une disparition forcée, l ’ ordonne ou la commandite, tente de la commettre, en est complice ou y participe, conformément à l ’ article 6 (par. 1 a)) de la Convention ; b) que la législation nationale établisse expressément la responsabilité pénale des supérieurs et prévoie l ’ interdiction d ’ invoquer les ordres ou les instructions d ’ un supérieur pour justifier une infraction de disparition forcée, conformément à l ’ article 6 (par. 1 b) et 2) de la Convention.

Peines appropriées

22.Le Comité considère que les peines prévues pour l’infraction de disparition forcée à l’article 13.4 du Code pénal, qui vont d’une amende à une peine de douze ans d’emprisonnement au maximum, ne sont pas proportionnées à l’extrême gravité de l’infraction. Il prend note avec intérêt de l’affirmation de la délégation selon laquelle toutes les circonstances atténuantes et aggravantes peuvent être appliquées directement en se fondant sur les traités relatifs aux droits de l’homme. Il relève toutefois que ni les circonstances aggravantes particulières prévues à l’article 13.4 du Code pénal pour l’infraction de disparition forcée, ni les circonstances aggravantes générales énoncées à l’article 6.6 dudit Code, ne comprennent les cas de disparition forcée de personnes handicapées ou d’autres personnes particulièrement vulnérables, comme le prévoit l’article 7 (par. 2 b)) de la Convention. De même, il relève que les circonstances atténuantes prévues à l’article 6.5 du Code pénal ne comprennent pas expressément le fait d’avoir contribué efficacement à la « récupération en vie de la personne disparue », conformément à l’article 7 (par. 2 a)) de la Convention (art. 7).

23. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter les mesures législatives nécessaires pour que les peines prévues pour l ’ infraction de disparition forcée soient conformes à l ’ article 7 de la Convention, en prenant dûment en compte l ’ extrême gravité de cette infraction et en garantissant qu ’ en aucun cas sa commission ne puisse être sanctionnée que par une amende ou une restriction des déplacements. Il invite l ’ État partie à envisager d ’ établir pour l ’ infraction de disparition forcée toutes les circonstances atténuantes et aggravantes particulières prévues à l ’ article 7 (par. 2) de la Convention.

3.Responsabilité pénale et coopération judiciaire en matière de disparition forcée (art. 8 à 15)

Prescription

24.Le Comité est préoccupé par le fait que le délai de prescription applicable à l’infraction de disparition forcée varie entre trois et douze ans, de sorte qu’il peut être très court. Il prend également note de l’explication fournie par la délégation de l’État partie selon laquelle, conformément à la pratique de celui-ci en matière d’application des lois et à sa pratique judiciaire, une infraction de caractère continu est considérée comme ayant été consommée lorsqu’elle cesse et, partant, l’article 1.10 (par. 2) du Code pénal, lu conjointement avec le paragraphe 3 de ce même article, est conforme à l’article 8 de la Convention. Cependant, il reste préoccupé par le caractère vague du libellé de la disposition de l’article 1.10 du Code précisant le moment où commence à courir le délai de prescription pour l’infraction de disparition forcée (art. 8).

25. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que, conformément à l ’ article 8 de la Convention, le délai de prescription de l ’ infraction de disparition forcée soit de longue durée et proportionné à l ’ extrême gravité de cette infraction, et qu ’ il commence à courir lorsque cesse l ’ infraction de disparition forcée, compte tenu de son caractère continu.

Ouverture sans délai d’une enquête indépendante et impartiale

26.Le Comité prend note de l’indication donnée par la délégation de l’État partie selon laquelle,dans la plupart des cas, les enquêteurs se prononcent sur l’ouverture d’une enquête pénale dans les cinq jours suivant la réception d’une plainte. Il constate toutefois avec préoccupation que ce délai de cinq jours prévu par l’article 171.1 du Code de procédure pénale autorise une intervention tardive des autorités compétentes, ce qui ne garantit pas l’ouverture rapide d’une enquête sur une disparition forcée alléguée, comme le prévoit l’article 12 (par. 1 et 2) de la Convention. Il prend note avec satisfaction de l’information selon laquelle le Conseil de sécurité nationale de la Mongolie s’est fait retirer, en 2021, le large pouvoir qui lui avait été accordé de nommer ou de destituer les juges. Il s’inquiète toutefois de ce que le Conseil de sécurité nationale conserve le pouvoir de nommer ou de révoquer les responsables du ministère public (art. 12).

27. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de revoir le délai de cinq jours prévu à l ’ article 171.1 du Code de procédure pénale pour l ’ ouverture d ’ une enquête pénale, en vue de garantir, en droit et dans la pratique, que les autorités compétentes ouvrent systématiquement et sans délai une enquête approfondie et impartiale dans tous les cas présumés de disparition forcée. L ’ État partie devrait également poursuivre ses efforts visant à garantir la pleine indépendance et l ’ impartialité des autorités chargées des enquêtes et des poursuites en cas d ’ allégations relatives à une infraction pénale, notamment en retirant au Conseil de sécurité nationale tout pouvoir de nomination ou de révocation des procureurs.

28.Le Comité prend note avec satisfaction de l’information fournie par l’État partie selon laquelle les enquêtes sur les cas de faute imputée à un fonctionnaire seraient confiées à un organe d’enquête autre que celui auquel appartient le fonctionnaire mis en cause. Cependant, il regrette l’insuffisance des renseignements sur la question de savoir s’il existe un mécanisme ou une procédure ayant spécifiquement pour objet de garantir que les forces de l’ordre ou de sécurité, qu’elles soient civiles ou militaires, dont les membres sont soupçonnés d’avoir participé à la commission d’une disparition forcée, ne puissent pas prendre part à l’enquête (art. 12).

29. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts visant à garantir, en droit et dans la pratique, que les agents des forces de l ’ ordre ou des forces de sécurité soupçonnés d ’ avoir commis une infraction de disparition forcée soient suspendus de leurs fonctions jusqu ’ à la fin de l ’ enquête se rapportant aux faits et n ’ y participent pas.

4.Mesures de prévention des disparitions forcées (art. 16 à 23)

Non-refoulement

30.Le Comité prend note de l’indication donnée par l’État partie selon laquelle la question du non-refoulement est à l’étude, mais est préoccupé par le fait que les articles 406.1 et 411 du Code de procédure pénale ne prévoient pas le risque d’être victime d’une disparition forcée parmi les motifs empêchant l’expulsion, le refoulement ou l’extradition d’une personne vers un autre pays, ou la remise d’une personne à un autre pays (art. 16).

31. L ’ État partie devrait garantir que le principe de non-refoulement consacré par l ’ article 16 (par. 1) de la Convention est rigoureusement respecté dans tous les cas, sans exception. À cet égard, le Comité lui recommande :

a) D ’ envisager d ’ inscrire expressément dans sa législation interne l ’ interdiction d ’ expulser, de refouler, de remettre ou d ’ extrader une personne lorsqu ’ il y a des motifs sérieux de croire qu ’ elle risque d ’ être soumise à une disparition forcée ;

b) De garantir que toute décision adoptée dans le cadre d ’ une procédure d ’ expulsion, de refoulement, de remise ou d ’ extradition donnant lieu à une appréciation du risque pour une personne d ’ être soumise à une disparition forcée est susceptible de recours, et que ce recours a un effet suspensif.

Recherche de personnes disparues et restitution des restes

32.Le Comité se félicite de la confirmation par la délégation que l’État partie dispose d’une base de données génétiques sur les personnes disparues et que le processus d’élaboration d’une nouvelle loi sur la protection des données, qui comportera un chapitre consacré aux questions de confidentialité liées à cette base de données, est en cours. Il regrette toutefois que l’État partie n’ait pas fourni assez d’informations sur ce projet de loi et que les mesures actuellement en place ne garantissent pas suffisamment que l’utilisation de ces données est strictement limitée à des fins d’identification et de recherche des personnes disparues (art. 19 et 24).

33. L ’ État partie devrait continuer de s ’ attacher à mettre à jour systématiquement et à entretenir sa base de données génétiques afin que toutes les informations disponibles sur les restes humains localisés puissent être comparées aux données génétiques relatives aux personnes disparues. Il devrait également prendre les mesures nécessaires pour garantir que les informations personnelles figurant dans les bases de données existantes, y compris les données médicales et génétiques, ne sont pas utilisées ou rendues disponibles à des fins autres que la recherche de la personne disparue, dans le strict respect de l ’ article 19 de la Convention.

Formation

34.Le Comité se félicite de ce que des programmes de formation sur les droits de l’homme, y compris un module sur les disparitions forcées, soient proposés aux agents publics, aux juges, aux procureurs et aux agents des forces de l’ordre. Cependant, il constate avec préoccupation qu’aucun programme de formation portant spécifiquement sur la Convention n’est actuellement proposé au personnel militaire et médical (art. 23).

35. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que tous les agents des forces de l ’ ordre et des forces de sécurité, qu ’ ils soient des civils ou des militaires, ainsi que l ’ ensemble du personnel médical, des agents publics et des autres personnes susceptibles d ’ intervenir dans la garde ou le traitement des personnes privées de liberté, notamment les juges, les procureurs et les autres fonctionnaires responsables de l ’ administration de la justice, reçoivent régulièrement une formation portant spécifiquement sur les dispositions de la Convention, comme le prévoit l ’ article 23 (par. 1) de cet instrument.

5.Mesures visant à protéger et à garantir les droits des victimes de disparition forcée (art. 24)

Droit d’obtenir réparation et d’être indemnisé rapidement, équitablement et de manière adéquate

36.Le Comité prend note de la confirmation par l’État partie que les victimes de disparition forcée ont le droit d’intenter une action civile en indemnisation distincte de la procédure pénale engagée les concernant et que des fonds spéciaux ont été créés pour indemniser les victimes de crimes graves dans les cas où les auteurs des faits ne disposent pas de ressources suffisantes. Toutefois, il regrette que l’État partie n’ait pas fourni d’informations sur la durée moyenne des procédures applicables et sur les autres formes de réparation auxquelles peuvent prétendre les victimes de disparition forcée conformément à l’article 24 (par. 5) de la Convention (art. 24).

37.L ’ État partie devrait garantir le droit d ’ obtenir réparation et d ’ être indemnisé rapidement, équitablement et de manière adéquate à toutes les personnes ayant subi un préjudice direct du fait d ’ une disparition forcée. À cet effet, le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour que sa législation prévoie un système complet d ’ indemnisation et de réparation qui soit pleinement conforme à l ’ article 24 (par. 4 et 5) de la Convention et aux autres normes internationales pertinentes, qui soit placé sous la responsabilité de l ’ État, qui soit applicable même si aucune procédure pénale n ’ a été engagée et qui tienne compte des besoins particuliers de la victime, eu égard notamment à son sexe, son orientation sexuelle, son identité de genre, son âge, son origine ethnique, sa position sociale ou son handicap.

Situation juridique des personnes disparues dont le sort n’a pas été élucidé et de leurs proches

38.Le Comité considère que le système régissant la situation juridique des personnes disparues dont le sort n’a pas été élucidé ne tient pas suffisamment compte de la complexité du phénomène de la disparition forcée. Il est préoccupé en particulier par le fait que les proches d’une personne disparue ne peuvent accéder aux services d’aide sociale, aux droits familiaux et aux droits de propriété qu’après qu’un certificat de décès a été délivré et qu’il se soit écoulé un an depuis cette délivrance. À cet égard, il souligne à nouveau que, compte tenu du caractère continu de la disparition forcée, en principe, et sauf preuve concrète du contraire, il n’y a pas de raison de présumer qu’une personne disparue est décédée tant que son sort n’a pas été élucidé (art. 24).

39. Eu égard à l ’ article 24 (par. 6) de la Convention, le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour revoir sa législation afin qu ’ elle règle de manière appropriée la situation juridique des personnes disparues dont le sort n ’ a pas été élucidé et de leurs proches, notamment pour ce qui touche à la protection sociale, aux questions financières, au droit de la famille et aux droits de propriété, sans qu ’ il soit besoin que la personne disparue soit déclarée décédée. À cet égard, il engage l ’ État partie à mettre en place une procédure permettant d ’ obtenir une déclaration d ’ absence en raison d ’ une disparition forcée.

Droit de former des organisations et des associations et de participer à leurs activités

40.Le Comité regrette l’absence de renseignements sur les mesures qui auraient pu être mises en place pour garantir le droit de former des organisations et des associations ayant pour objet de contribuer à l’établissement des circonstances de disparitions forcées et du sort des personnes disparues et de participer librement aux activités de telles organisations ou associations, conformément à l’article 24 (par. 7) de la Convention (art. 24).

41. L ’ État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour promouvoir et protéger les droits consacrés par l ’ article 24 (par. 7) de la Convention.

6.Mesures de protection des enfants contre les disparitions forcées (art. 25)

Législation relative à la soustraction d’enfant

42.Le Comité note que le Code pénal prévoit l’infraction de falsification de document officiel, mais s’inquiète de ce que la législation nationale ne comporte pas de disposition expresse réprimant tous les actes liés à la soustraction d’enfant, comme le prescrit l’article 25 (par. 1) de la Convention (art. 25).

43. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De revoir sa législation pénale en vue d ’ y inscrire en tant qu ’ infractions distinctes les actes visés à l ’ article 25 (par. 1) de la Convention, et de prévoir pour ces infractions des peines appropriées, qui tiennent compte de leur extrême gravité ;

b) De mettre en place des procédures spécifiques pour rendre à leur famille d ’ origine les enfants visés à l ’ article 25 (par. 1 a)) de la Convention ;

c) De mettre en place des procédures spécifiques permettant de réexaminer et, s ’ il y a lieu, d ’ annuler toute adoption ou toute mesure de placement ou de tutelle qui trouve son origine dans une disparition forcée, et de rétablir la véritable identité de l ’ enfant concerné, en tenant compte de son intérêt supérieur.

D.Mise en œuvre des droits et obligations énoncés par la Convention, diffusion et suivi

44. Le Comité tient à rappeler les obligations que les États ont contractées en devenant parties à la Convention et, à cet égard, engage l ’ État partie à veiller à ce que toutes les mesures qu ’ il adopte soient pleinement conformes à la Convention et à d ’ autres instruments internationaux pertinents.

45.Le Comité tient également à souligner l ’ effet particulièrement cruel qu ’ ont les disparitions forcées sur les femmes et les enfants qu ’ elles touchent. Les femmes soumises à une disparition forcée sont particulièrement vulnérables à la violence sexuelle et aux autres formes de violence fondée sur le genre. Les femmes parentes d ’ une personne disparue sont particulièrement susceptibles d ’ être gravement défavorisées sur les plans économique et social et de subir des violences, des persécutions et des représailles du fait des efforts qu ’ elles déploient pour localiser leur proche. Les enfants victimes d ’ une disparition forcée, qu ’ ils y soient soumis eux-mêmes ou qu ’ ils subissent les conséquences de la disparition d ’ un membre de leur famille, sont particulièrement exposés à de nombreuses violations des droits de l ’ homme. C ’ est pourquoi le Comité insiste particulièrement sur la nécessité, pour l ’ État partie, de veiller à ce que les questions de genre et les besoins particuliers des femmes et des enfants soient systématiquement pris en compte dans la mise en œuvre des recommandations figurant dans les présentes observations finales et de l ’ ensemble des droits et obligations énoncés par la Convention.

46. L ’ État partie est invité à diffuser largement la Convention, le rapport qu ’ il a soumis en application de l ’ article 29 (par. 1) de la Convention, ses réponses écrites à la liste de points établie par le Comité et les présentes observations finales, en vue de sensibiliser les autorités judiciaires, législatives et administratives, la société civile, les organisations non gouvernementales actives dans le pays et le grand public. Le Comité encourage aussi l ’ État partie à promouvoir la participation de la société civile à la mise en œuvre des recommandations figurant dans les présentes observations finales.

47. Conformément au Règlement intérieur du Comité, l ’ État partie est invité à communiquer, le 7 mai 2022 au plus tard, des informations sur la suite qu ’ il aura donnée aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 17 (infraction de disparition forcée), 35 (formation) et 39 (situation juridique des personnes disparues dont le sort n ’ a pas été élucidé et de leurs proches) des présentes observations finales.

48. En application de l ’ article 29 (par. 4) de la Convention, le Comité pourra ultérieurement demander à l ’ État partie de lui fournir des renseignements complémentaires sur l ’ application de la Convention, notamment sur la mise en œuvre des recommandations figurant dans les présentes observations finales.