Nations Unies

CED/C/19/2

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

29 octobre 2020

Français

Original : anglais

Comité des disparitions forcées

Rapport sur les demandes d’action en urgence reçues au titre de l’article 30 de la Convention *

A.Introduction

1.Le règlement intérieur du Comité dispose en ses articles 57 et 58 que sont portées à l’attention du Comité toutes les demandes d’action en urgence qui sont présentées pour examen par le Comité au titre de l’article 30 de la Convention. Tout membre du Comité qui en fait la demande peut obtenir le texte intégral des demandes dans la langue originale. Le présent rapport résume les principales questions traitées au sujet des demandes d’action en urgence reçues par le Comité au titre de l’article 30 de la Convention et les décisions prises à cet égard depuis la dix-septième session du Comité .

B.Demandes d’action en urgence reçues depuis la dix-septième session du Comité

2.Dans le rapport sur les demandes d’action en urgence adopté à sa dix-septième session (CED/C/17/2), le Comité rendait compte des décisions prises au sujet des 782 demandes d’action en urgence enregistrées au 30 septembre 2019. Entre cette date et le 31 août 2020, le Comité a reçu 187 nouvelles demandes d’action en urgence, dont 186 ont été enregistrées. Une demande concernant la Tchéquie n’a pas été enregistrée. Les 186 nouvelles demandes enregistrées ont trait à des disparitions survenues dans les États suivants : Bolivie (État plurinational de), Cambodge, Colombie, Cuba, Honduras, Iraq, Lituanie, Mali, Mexique, Niger et Slovaquie. On trouvera ci-après la liste des demandes d’action en urgence enregistrées (voir tableau 1).

3.De 2012 au 31 août 2020, le Comité a enregistré 969 demandes d’action en urgence, comme indiqué dans le tableau ci-après.

Tableau 1 Demandes d’action en urgence enregistrées au 31 août 2020, par année et par État partie

Année

Argentine

Arménie

Bolivie (État plurinational de)

Brésil

Cambodge

Colombie

Cuba

Honduras

Iraq

Kazakhstan

Lituanie

Mali

Maroc

Mauritanie

Mexique

Niger

Pérou

Slovaquie

Sri Lanka

Togo

Tunisie

Total

2012

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

5

-

-

-

-

-

-

5

2013

-

-

-

-

-

1

-

-

-

-

-

-

-

-

5

-

-

-

-

-

-

6

2014

-

-

-

1

1

1

-

-

5

-

-

-

-

-

43

-

-

-

-

-

-

51

2015

-

-

-

-

-

3

-

-

42

-

-

-

-

-

165

-

-

-

-

-

-

210

2016

-

-

-

-

-

4

-

-

22

-

-

-

1

-

58

-

-

-

-

-

-

85

2017

2

1

-

-

-

3

-

-

43

2

-

-

2

1

31

-

-

-

1

-

-

86

2018

-

-

-

-

-

9

1

14

50

-

-

-

-

-

42

-

-

-

-

2

-

118

2019

-

-

1

-

2

3

3

-

228

-

2

-

-

-

10

-

-

-

-

-

1

250

2020 a

1

-

-

-

1

-

-

8

91

-

-

1

-

-

53

1

1

1

-

-

-

158

Total

3

1

1

1

4

24

4

22

481

2

2

1

3

1

412

1

1

1

1

2

1

969

a Au 31 août 2020 .

C.Suite donnée aux demandes d’action en urgence après leur enregistrement : tendances observées depuis la dix-septième session (au 31 août 2020)

4.En 2019, le Comité a enregistré 250 nouvelles demandes d’action en urgence et adressé 139 lettres de suivi dans lesquelles il donnait aux États parties des recommandations ciblées relatives aux procédures de recherche et d’enquête concernant les cas visés. Entre le 1er janvier et le 31 août 2020, le Comité a enregistré 157 nouvelles demandes d’action en urgence et adressé 50 lettres de suivi.

5.Tout au long de la procédure, le Comité entretient des contacts réguliers avec les États parties, par l’intermédiaire des missions permanentes, et avec les auteurs des demandes d’action en urgence, au moyen de notes et de lettres, ainsi que dans le cadre de réunions et par téléphone. Le Comité compte aussi beaucoup sur la collaboration du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) et des Présences des Nations Unies sur le terrain, qui relaient souvent les informations entre les auteurs des demandes d’action en urgence (principalement les parents des personnes disparues) et le Comité.

6.Les informations fournies dans le cadre de la procédure d’action en urgence confirment plusieurs des tendances observées dans les rapports que le Comité a adoptés à ses onzième à dix-septième sessions (CED/C/11/3, CED/C/12/2, CED/C/13/3, CED/C/14/2, CED/C/15/3, CED/C/16/3 et CED/C/17/2). Depuis la dix-septième session, la plupart des cas dans lesquels le Comité a enregistré des demandes d’action en urgence ont trait à des événements qui se sont produits en Iraq, notamment dans le contexte des manifestations qui ont commencé en octobre 2019.

1.Tendances générales observées au cours de la période considérée

7.On trouvera ci-après non pas une analyse exhaustive de toutes les informations que le Comité reçoit de chacun des États parties pour lesquels des demandes d’action en urgence ont été enregistrées, mais une description de certains problèmes qui se sont posés dans quelques États parties pendant la période considérée, à titre d’exemple des tendances observées.

8.Pendant la période considérée, le Comité a recensé huit catégories de problèmes à analyser au regard des informations reçues dans le cadre de la procédure d’action en urgence, qui sont présentées ci-après.

a)Aucune réponse des États parties concernés ou des auteurs des demandes d’action en urgence

9.En ce qui concerne la grande majorité des demandes enregistrées, le Comité a envoyé plusieurs rappels aux États parties concernés ou aux auteurs afin d’obtenir une réponse à ses recommandations et demandes. Selon la pratique en vigueur, trois rappels sont envoyés aux auteurs, à la suite de quoi, si ceux-ci n’ont toujours pas répondu, un rappel est envoyé environ une fois par an. Les États parties répondent généralement après deux ou trois rappels, ce qui a été le cas par exemple pour le Cambodge, la Colombie, le Mexique et la Tunisie. Si l’État partie ne répond pas après le troisième rappel, un dernier rappel lui est adressé. À la date de rédaction du présent rapport, le Comité avait envoyé à l’Iraq un dernier rappel, libellé comme suit, concernant 259 demandes d’action en urgence :

Dans sa dernière lettre datée du [date], le Comité a prié l’État partie de lui communiquer d’ici au [date] des informations et des observations concernant le cas de disparition forcée présumée cité en référence. Le secrétariat constate que ces informations n’ont toujours pas été reçues. Compte tenu de ce qui précède, le Comité rappelle qu’en application des paragraphes 2 et 3 de l’article 30, l’État partie doit « lui fournir, dans un délai qu’il fixe, des renseignements sur la situation de la personne recherchée » et sur les mesures prises pour la localiser.

Le Comité renouvelle donc sa demande d’information à l’État partie concernant l’action en urgence citée en référence et lui demande de communiquer les informations demandées sans plus tarder et au plus tard le [date].

En l’absence de réponse à cette date, le Comité prendra note du non-respect par l’État partie des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 30 de la Convention concernant l’action en urgence et pourra décider de rendre cette situation publique à sa prochaine session et d’en faire mention dans son rapport de session sur les actions en urgence, ainsi que dans son prochain rapport à l’Assemblée générale.

Le Comité appelle également l’attention de l’État partie sur le paragraphe 4 de l’article 30 de la Convention, qui dispose que le Comité poursuit ses efforts pour travailler avec l’État partie concerné tant que le sort de la personne recherchée n’est pas élucidé.

10.Il convient de noter que le Comité a déjà signalé, dans ses deux précédents rapports à l’Assemblée générale, que l’Iraq ne respectait pas les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 30 de la Convention.

b)Absence de stratégie de recherche et d’enquête adaptée à chaque cas

11.Dans plus de 95 % des demandes d’action en urgence enregistrées, le Comité s’est déclaré préoccupé par le fait que les autorités de l’État partie n’avaient pas défini et appliqué de stratégie pour rechercher les personnes disparues et enquêter sur leur disparition. Malgré les efforts observés dans certains cas, il semble que les recherches et les enquêtes soient généralement menées d’une manière improvisée, dictée principalement par la disponibilité des informations et des moyens nécessaires plutôt que par une stratégie d’ensemble. Dans ses lettres de suivi, le Comité a donc rappelé aux États parties concernés les obligations qui leur incombent en vertu des articles 12 et 24 de la Convention. Il leur a demandé de veiller à ce qu’une stratégie soit élaborée et appliquée à chaque étape de la procédure de recherche et d’enquête, dans le respect du principe de diligence raisonnable, qui veut que l’enquête soit menée d’office, de manière immédiate et exhaustive par des professionnels compétents et indépendants, et du principe 8 des principes directeurs concernant la recherche de personnes disparues (CED/C/7, annexe). Il a précisé que la stratégie adoptée devait établir les mesures à prendre et le niveau de diligence raisonnable requis d’une manière intégrée et prévoir les moyens et procédures nécessaires pour localiser les personnes disparues et enquêter sur leur disparition. Il a également prié les États parties concernés d’évaluer périodiquement la stratégie définie. Ces recommandations ont été adressées à l’Argentine, au Brésil, à la Colombie, au Honduras, à l’Iraq, au Kazakhstan, à la Lituanie et au Mexique.

c)Absence de coordination des activités de recherche et d’enquête

12.L’absence de coordination des activités de recherche et d’enquête est une tendance observée dans la majorité des demandes d’action en urgence enregistrées. Elle est généralement due au fait que les autorités compétentes de l’État partie ne partagent pas les informations et les preuves qu’elles ont obtenues dans l’exercice de leurs mandats respectifs, ou qu’elles ne le font pas de manière systématique. Cette situation peut avoir plusieurs types de conséquences : dans certains cas, les mesures prises par les autorités chargées des recherches et celles prises par les autorités chargées des enquêtes se chevauchent et, dans d’autres cas, les autorités n’ont pas accès à des informations qui pourraient être très utiles pour l’exécution de leurs tâches respectives. En tout état de cause, la fragmentation et l’absence de coordination entraînent des retards considérables dans les procédures.

13.Une autre forme d’absence de coordination a été constatée en Colombie, où la Commission de recherche des personnes disparues est chargée de coordonner les réponses apportées par l’État partie aux demandes d’action en urgence enregistrées. Dans plusieurs de ses réponses, la Commission a renvoyé à son mandat en précisant qu’il consistait à exécuter le plan national de recherche et à donner des orientations aux victimes de disparitions forcées. Elle a également indiqué qu’elle était dans l’incapacité de répondre aux préoccupations et recommandations du Comité puisque « celles-ci ne relevaient pas de son mandat ». Le Comité a pris note des informations communiquées, tout en regrettant que, malgré son rôle d’organisme coordonnateur de l’exécution du plan national de recherche, la Commission n’ait pas utilisé les informations qui lui auraient permis de répondre aux préoccupations et recommandations du Comité s’agissant de questions intéressant les autorités de l’État partie concerné. Dans ce cas et dans des cas concernant d’autres États parties, comme le Brésil et le Mexique, le Comité a demandé à l’État partie de veiller à ce que les informations utiles concernant les procédures de recherche et d’enquête soient mises à disposition de toutes les autorités qui y participent.

d)Difficultés observées dans les cas de disparitions survenues dans le contexte des migrations

14.À ce jour, 13 des actions en urgence encore ouvertes concernent des cas de disparition survenus dans le contexte des migrations entre le Honduras et les États-Unis d’Amérique. Ces cas présentent des caractéristiques similaires à celles qui ont été observées dans les actions en urgence no 240 à no 248, que le Comité a enregistrées en octobre 2015 s’agissant de la disparition au Mexique de neuf Guatémaltèques en route vers les États‑Unis, et qui ont été clôturées en novembre 2018 après que les personnes disparues ont été localisées. Dans chacun de ces 13 cas, le Comité a recommandé aux États parties concernés d’adopter des stratégies de recherche et d’enquête adaptées aux circonstances propres à chaque cas, en application du paragraphe 2 du principe 9 des principes directeurs concernant la recherche de personnes disparues. Aux termes de ce paragraphe, les États qui accueillent ou expulsent des migrants et des réfugiés doivent se doter de mécanismes de recherche spéciaux, adaptés aux difficultés liées aux situations de migration et offrir des garanties et des conditions de sécurité aux personnes susceptibles d’apporter des témoignages sur des disparitions forcées liées aux migrations. Le Comité a également rappelé que l’article 15 de la Convention fait obligation aux États parties de s’accorder mutuellement l’entraide et la coopération les plus larges possibles, en concluant des accords de coopération et se dotant d’autorités compétentes afin que la recherche de personnes disparues puisse être coordonnée efficacement à chaque étape de la migration. Les autorités chargées de la recherche dans les pays d’origine, de transit et de destination devraient coopérer afin de garantir l’échange rapide et sécurisé d’informations et de documents de nature à permettre de localiser les personnes disparues dans le pays de transit ou de destination. Dans le plein respect des règles internationales concernant le non-refoulement, les États parties doivent veiller à ce que, lors des contrôles aux frontières, l’examen individuel des demandes d’entrée donne lieu à l’enregistrement des migrants, de sorte que, en cas de disparition d’une personne, des recherches efficaces puissent être menées. Le Comité a en outre ajouté des recommandations tendant à s’assurer que les proches et les représentants des migrants disparus bénéficient de l’appui nécessaire pour accéder aux informations figurant au dossier et puissent prendre part aux recherches, conformément au paragraphe 4 du principe 9 des principes directeurs concernant la recherche de personnes disparues.

e)La détention arbitraire et la détention au secret, contextes habituels de la disparition forcée

15.Dans 12 des demandes d’action en urgence enregistrées pendant la période considérée, la personne disparue a été retrouvée après sa libération d’un lieu de détention qui n’était pas reconnu officiellement (huit cas en Iraq et un au Mexique), ou après que les autorités de l’État partie ont révélé que la personne disparue se trouvait dans un lieu de détention (trois cas à Cuba). Conformément au paragraphe 4 de l’article 30 de la Convention, le Comité a clôturé ces actions en urgence et demandé à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour enquêter sur la disparition, de la date d’arrestation à la date de libération. Lorsque la personne était maintenue en détention, le Comité a suspendu l’action en urgence et demandé à l’État partie d’autoriser la personne au nom de laquelle l’action en urgence avait été engagée à recevoir régulièrement des visites et à être en contact avec le monde extérieur, conformément au paragraphe 2 de l’article 17 de la Convention. Dans ces circonstances, le Comité a informé les auteurs de la demande d’action en urgence de la possibilité de transmettre le cas au Groupe de travail sur la détention arbitraire.

16.Le Comité a suivi le même raisonnement et la même procédure en ce qui concerne quatre demandes d’action en urgence enregistrées portant sur la disparition de ressortissants turcs extradés respectivement du Cambodge, de l’Iraq et du Kazakhstan vers la Turquie, à la demande du Gouvernement turc. Dans ces cas, les auteurs ont affirmé que le Gouvernement turc avait obtenu le retour forcé de personnes accusées d’être des opposants au régime, lesquelles avaient ensuite été soumises à une disparition forcée et détenues au secret pendant plusieurs jours ou plusieurs semaines. Après que l’État partie concerné a indiqué le lieu de détention et que cette information a été confirmée par les auteurs de la demande d’action en urgence, le Comité a clôturé les actions en urgence correspondantes en application du paragraphe 4 de l’article 30 de la Convention. Dans ce cadre, il a informé les auteurs de la demande d’action en urgence de la possibilité de transmettre l’affaire au Groupe de travail sur la détention arbitraire. Dans le cas concernant le Cambodge, le Comité a adressé à l’État partie une note verbale le priant de prendre toutes les mesures nécessaires pour rechercher, localiser et protéger la personne disparue, de nationalité turque et mexicaine. Compte tenu de ce qui précède, le Comité a demandé au Cambodge de coopérer avec le Mexique et de lui accorder l’entraide la plus large possible afin de porter assistance à la personne disparue, et à ses proches, de la rechercher, de la localiser et de la libérer, en application de l’article 15 de la Convention. Le Comité a informé l’État partie du fait que, pour faciliter cette coopération, la note verbale avait également été communiquée pour information aux autorités mexicaines. Les rapporteurs chargés des demandes d’action en urgence ont noté avec satisfaction que le Mexique avait répondu à la note verbale, démontrant ainsi son intention de coopérer à la recherche.

f)Classement de facto ou de jure de l’enquête ou arrêt des recherches en raison de l’absence de résultats

17.Le Comité est préoccupé par les décisions de facto ou de jure des autorités compétentes d’abandonner des recherches ou de classer les enquêtes dans plusieurs cas. Les dossiers sont en général classés de facto quelques années après la disparition d’une personne, lorsque les autorités responsables des recherches et de l’enquête n’entreprennent plus aucune démarche et semblent abandonner le dossier. Dans ce cas, les proches de la personne disparue sont les seules parties susceptibles de faire avancer les recherches grâce à leurs initiatives et aux mesures qu’elles prennent. Si elles ne font rien, par ignorance des démarches à entreprendre ou par peur des représailles, les autorités les accusent parfois de ne pas avoir fait ce qu’il convenait (voir notamment les actions en urgence portant sur des cas signalés en Colombie et au Mexique). Dans les réponses communiquées dans ces cas, l’État partie tend à répéter les mêmes informations, sans nécessairement répondre aux préoccupations soulevées et aux recommandations faites par le Comité.

18.Les dossiers sont classés de jure lorsqu’une décision formelle de classement est prise par les autorités compétentes : par exemple, dans l’une des demandes d’action en urgence enregistrées concernant des cas signalés en Colombie (action en urgence no 62‑2015), le procureur chargé de l’enquête a décidé de classer le dossier en raison de l’absence de fondement ou d’éléments de fait laissant supposer qu’une infraction avait été ou avait pu être commise. Dans le cas en question, la victime a disparu le 7 juin 2014 à San Andrés (Colombie). Le Comité a enregistré la demande d’action en urgence le 31 mars 2015 et a ensuite suivi l’affaire de près, en maintenant un contact permanent avec l’État partie et avec l’auteur de la demande. Tout au long de la procédure, le Comité a adressé à l’État partie des recommandations précises concernant la recherche d’une personne disparue et l’enquête sur sa disparition, notamment en lui communiquant différents éléments de preuve pertinents. Après avoir été informé de la décision du procureur, le Comité a rappelé que le paragraphe 6 de l’article 24 de la Convention dispose que l’État partie a l’obligation de poursuivre l’enquête jusqu’à l’élucidation du sort de la personne disparue. Il a aussi rappelé que, comme il est indiqué dans le principe 7 des principes directeurs concernant la recherche de personnes disparues, la recherche d’une personne disparue doit se poursuivre jusqu’à ce que soient déterminés avec certitude le sort de cette personne et/ou le lieu où elle se trouve. Les activités entreprises pour rechercher la personne disparue n’ayant pas permis de déterminer son sort ou le lieu où elle se trouvait, le Comité a demandé à l’État partie de rouvrir immédiatement le dossier de la personne disparue, de s’assurer que toutes les activités menées en vue de sa recherche satisfassent aux recommandations qu’il avait formulées dans le cadre de la demande d’action en urgence, et de l’informer des mesures prises à cette fin.

g)Utilisation des preuves scientifiques et rôle de l’ADN

19.La question de l’utilisation des preuves scientifiques dans les stratégies de recherche et d’enquête se posait dans environ 65 % des demandes d’action en urgence enregistrées par le Comité. Dans la plupart des cas, le rôle des preuves scientifiques était au centre du processus. Les victimes ont tendance à considérer les preuves scientifiques comme la principale source d’informations fiables. Cette conviction peut se heurter à plusieurs difficultés, selon le contexte de l’action en urgence. Un élément essentiel est la fiabilité des autorités chargées des preuves scientifiques : si les autorités disposent des ressources et des qualifications nécessaires, et si elles font preuve de diligence raisonnable et s’acquittent de leurs fonctions avec la technicité voulue et de la façon la plus complète possible, ces preuves peuvent alors être considérées comme valables. Dans ce cas, la confiance s’établit entre les autorités et les victimes, qui sont informées des diverses mesures prises, ainsi que des possibilités offertes par les preuves scientifiques et de leurs limites. Les victimes sont également informées des démarches à entreprendre au cas où elles souhaiteraient obtenir un autre avis. Si, à l’inverse, les autorités chargées de recueillir les preuves scientifiques ne disposent pas des ressources nécessaires, n’ont pas reçu de formation adaptée et ne s’acquittent pas de leurs fonctions avec une diligence raisonnable et qu’il n’existe pas de mécanisme de responsabilisation, la fiabilité des preuves scientifiques est fréquemment remise en question et les preuves sont parfois utilisées de manière à fausser les résultats des recherches et des enquêtes. On en trouve des exemples éloquents dans les demandes d’action en urgence relatives aux cas signalés en Argentine, au Cambodge ou au Mexique, où les auteurs des demandes ont affirmé que les résultats des preuves scientifiques avaient été faussés. La légitimité de l’ensemble du processus est remise en question, et les victimes sont ensuite confrontées à des difficultés pour obtenir un autre avis, qu’il s’agisse de trouver des spécialistes et d’obtenir leur agrément par les autorités nationales compétentes ou d’assumer le coût d’une telle intervention.

20.Dans ces circonstances, la difficulté d’accès aux preuves scientifiques sert souvent de prétexte aux autorités, qui citent volontiers le coût de l’obtention des preuves, l’absence de laboratoire compétent ou de ressources humaines dûment formées au niveau national, et la nécessité qui en résulte d’envoyer les preuves à l’étranger pour justifier leur inaction.

21.Dans ces cas, le Comité a rappelé dans ses recommandations que : a) l’établissement de preuves scientifiques fait partie intégrante de la stratégie de recherche des personnes disparues et de l’enquête sur leur disparition ; b) ces preuves ne se limitent pas à l’ADN et doivent être recueillies avec la diligence voulue, par des autorités compétentes dotées des ressources humaines et matérielles nécessaires ; c) des mécanismes de responsabilisation fiables doivent être créés ; d) lorsque l’exactitude des tests ADN effectués est contestée, un autre test ADN devrait être réalisé avec l’assistance d’une organisation non gouvernementale internationale et indépendante spécialisée dans l’analyse de l’ADN afin de garantir que les restes retrouvés soient dûment examinés et analysés conformément aux normes internationales relatives à l’analyse des échantillons d’ADN. Le Comité a aussi recommandé la mise en œuvre de mesures conservatoires pour préserver les éléments de preuve jusqu’à ce que l’on dispose des ressources nécessaires pour les analyser.

h)Principales difficultés relatives à la mise en œuvre des mesures provisoires de protection demandées par le Comité

22.Pendant la période considérée, le Comité a été informé du fait que des proches de personnes disparues avaient fait l’objet de menaces et de manœuvres d’intimidation pour avoir réclamé avec insistance une enquête sur la disparition forcée des intéressés. Ces menaces présentaient les mêmes caractéristiques que celles constatées pendant les périodes couvertes par les précédents rapports et revêtaient différentes formes : menaces de mort, rondes autour du domicile des personnes visées et décisions de procédure qui nuisaient à la protection des personnes concernées. Dans ces cas, le Comité a donc continué à demander à l’État partie concerné de prendre les mesures provisoires de protection nécessaires pour préserver la vie et l’intégrité physique des intéressés et permettre aux particuliers de mener les activités liées à la recherche de leurs proches sans être soumis à des actes de violence et de harcèlement. Le Comité a aussi souligné l’importance de revoir régulièrement les plans de protection en consultation avec les bénéficiaires de ces plans, notamment s’agissant des mesures provisoires de protection et des institutions responsables de leur mise en œuvre, afin d’obtenir la pleine confiance des bénéficiaires. Malheureusement, dans plusieurs cas de demandes d’action en urgence, les auteurs ont signalé que, lorsque les bénéficiaires de mesures provisoires de protection avaient présenté la décision du Comité aux autorités concernées, ils s’étaient vu répondre que ces mesures n’avaient aucun caractère contraignant ou que les autorités compétentes ne feraient rien pour les appliquer. Dans ces conditions, le Comité a rappelé à l’État partie que les mesures provisoires de protection qu’il prescrivait étaient juridiquement contraignantes et que l’État partie était tenu de s’y conformer au titre de ses obligations juridiques internationales. Le Comité a aussi rappelé qu’il était l’organe d’experts chargé en vertu de la Convention de contrôler le respect par les États parties de leurs obligations. En vertu de la Convention, le Comité était habilité à demander à l’État partie de prendre des mesures immédiates pour rechercher une personne disparue et les États parties étaient tenus d’examiner de bonne foi les recommandations qui leur étaient adressées dans ces cas. Le Comité a également rappelé à l’État partie concerné que tout refus d’appliquer les mesures provisoires de protection serait incompatible avec l’obligation qui lui incombait de respecter de bonne foi la procédure d’action en urgence. À ce jour, de telles notes ont été envoyées à la Colombie et au Mexique.

2.Tendances observées en Iraq et au Mexique

23.Au cours de la période considérée, l’Iraq et le Mexique ont été les deux États parties pour lesquels le plus grand nombre de demandes d’action en urgence a été enregistré. Le Comité estime qu’il convient de mettre en avant les principales tendances observées dans ces cas.

a)Iraq

24.Le Comité est très préoccupé par la forte augmentation du nombre de demandes d’action en urgence reçues pour des cas signalés en Iraq : au 31 août 2020, il avait enregistré 481 demandes au total, dont 28 pour des disparitions liées aux manifestations qui avaient commencé en octobre 2019 dans l’État partie.

25.Dans les demandes en lien avec ces manifestations, les auteurs ont affirmé que les personnes concernées avaient disparu après avoir participé aux manifestations, principalement sur la place Tahrir à Bagdad ou après avoir fourni un soutien sous une forme ou sous une autre (transport, aide médicale ou distribution de nourriture) aux participants. Les auteurs ont indiqué en outre que, d’après des témoins ou au vu des circonstances de la disparition, il était probable que les personnes aient été enlevées par des milices agissant avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État partie ou par des membres de forces progouvernementales, notamment de milices financées par l’État ou par des membres des services de renseignement. Il existe trois catégories d’actions en urgence : a) les cas dans lesquels la personne disparue a été localisée ; b) les cas dans lesquels l’État partie a répondu ; c) les cas dans lesquels l’État partie n’a pas répondu et aucun renseignement supplémentaire n’a été communiqué. Le Comité considère comme une évolution positive le fait que 12 des actions en urgence concernant des personnes disparues dans le cadre de ces manifestations aient été clôturées après que ces personnes ont été localisées et libérées. Le tableau 2 ci-dessous présente toutes les actions en urgence enregistrées en relation avec ces événements, qui relèvent des catégories a) et c).

Tableau 2 Demandes d’action en urgence enregistrées concernant des cas liés aux manifestations qui ont commencé en octobre 2019 en Iraq

N o de l’action urgente

Nom

Situation au 31 août 2020

784/2019

Maytham al-Hilo

Clôture après la libération de la personne

785/2019

Ali al-Holaijy

En attente d’une réponse de l’État partie

786/2019

Youssouf al-Ghariri

En attente d’une réponse de l’État partie

792/2019

Maimouna al-Mashhadani

Clôture après la libération de la personne

793/2019

Seba al-Mahdawi

Clôture après la libération de la personne

794/2019

Ahmed Bukli

Clôture après la libération de la personne

797/2019

Omar al-Ekaili

Clôture après la libération de la personne

798/2019

Ahmad al-Falahi

En attente d’une réponse de l’État partie

800/2019

Ali al-Sudani

En attente d’une réponse de l’État partie

801/2019

Shakir al-Khafaji

Clôture après la libération de la personne

802/2019

Zaid al-Bahadeily

Clôture après la libération de la personne

803/2019

Khalil al-Jumaili

En attente d’une réponse de l’État partie

804/2019

Asmaa al-Izzawi

Clôture après la libération de la personne

805/2019

Qutiaba Sudani

En attente d’une réponse de l’État partie

810/2020

Ahmed al-Zubaidi

Commentaires de l’auteur alors que l’État partie n’a pas encore répondu

811/2020

Ihsan al-Sheikhly

En attente d’une réponse de l’État partie

812/2020

Maitham al-Eqabi

En attente d’une réponse de l’État partie

813/2020

Osama al-Tamimi

En attente d’une réponse de l’État partie

815/2020

Ahmad al-Darraji

Clôture après la libération de la personne

816/2020

Mahmoud al-Shuwaili

En attente d’une réponse de l’État partie

817/2020

Khaled al-Awadi

Clôture après la libération de la personne

820/2020

Majid al-Dulaimi

En attente d’une réponse de l’État partie

877/2020

Sarmad al-Zubaidi

Clôture après la libération de la personne

882/2020

Abdel-Messih Sarkis

En attente d’une réponse de l’État partie

883/2020

Ahmed al-Zubaidi

Clôture après la libération de la personne

884/2020

Majid al-Dulaimi

En attente d’une réponse de l’État partie

885/2020

Tawfeeq al-Tamimi

En attente d’une réponse de l’État partie

887/2020

Nazir al-Jabari

En attente d’une réponse de l’État partie

i)Actions en urgence dans lesquelles la personne disparue a été localisée

26.D’après les renseignements communiqués au Comité, la personne disparue a été localisée et libérée dans 12 cas de demandes d’action en urgence. Dans tous les cas, les auteurs des demandes ont averti le Comité, qui a donc décidé de clôturer la procédure, conformément au paragraphe 4 de l’article 30 de la Convention, et en a informé l’État partie et les auteurs. Dans ces cas, le Comité a rappelé à l’État partie son obligation de mener une enquête sur la disparition, du jour de la disparition au jour de la libération, en conformité avec les articles 2, 3, 12 et 24 de la Convention. Le Comité regrette que, dans ces affaires, l’État partie n’ait communiqué aucune information à la suite de l’enregistrement du cas et que, selon les informations dont il dispose, aucune mesure n’ait été prise pour ouvrir une enquête sur les disparitions. Il est également préoccupé par le fait que, lorsqu’il leur a été demandé de fournir des renseignements supplémentaires sur les circonstances de la disparition et de la libération des personnes disparues, les auteurs des demandes ont répondu que les victimes ne souhaitaient pas donner de détails par peur des représailles. Dans un des cas, la victime de la disparition forcée présumée a néanmoins indiqué au Comité qu’elle avait eu les yeux bandés pendant toute la durée de sa détention et qu’elle avait été soumise à des actes de torture et à des mauvais traitements graves.

ii)Actions en urgence dans lesquelles l’État partie a répondu

27.Dans un cas, l’État partie a répondu à l’action en urgence. Dans sa réponse, il s’est déclaré préoccupé par le fait que le Comité ait accepté d’enregistrer le cas présumé sans avoir procédé à une vérification ou à un examen minutieux avant de lui soumettre le cas et a estimé que la procédure était fondée sur des suppositions, qu’il n’y avait pas de témoin ou de preuve indiquant clairement qui était responsable de l’enlèvement. L’État partie a aussi demandé au Comité de communiquer toute information disponible concernant l’identité des personnes responsables de l’enlèvement allégué ainsi que le lieu de la disparition. Dans ce cas, le Comité a d’abord rappelé à l’État partie qu’il communiquait toujours toutes les informations dont il disposait, y compris s’agissant des éventuels auteurs des faits. Il a également rappelé que, conformément à l’article 30 de la Convention, il pouvait être saisi dans tous les cas de disparition d’une demande visant à chercher et à retrouver une personne disparue. La Convention n’exige pas que les auteurs d’une disparition forcée soient identifiés, puisqu’il entre précisément dans le cadre des obligations des États parties de prendre toutes les mesures nécessaires pour rechercher une personne disparue, de mener une enquête sur la disparition présumée et d’identifier les auteurs. À cet égard, le Comité a rappelé que, dans tous les cas de disparition comme pour toute infraction, l’identification des auteurs restait une hypothèse jusqu’à ce qu’elle soit pleinement confirmée par les résultats d’une enquête complète, impartiale et indépendante. Les informations concernant les auteurs présumés de la disparition forcée et toute autre information communiquée dans le cadre d’une demande d’action en urgence visaient à faciliter la recherche de la personne disparue et devaient être prises en compte par les autorités chargées de l’affaire. Le paragraphe 4 de l’article 30 de la Convention dispose qu’une action en urgence reste ouverte tant que le sort de la personne recherchée n’est pas élucidé. Compte tenu de ces éléments, le Comité a également rappelé à l’État partie que, dans le cas visé, sa note verbale relative à l’enregistrement avait toutefois donné à l’État partie des informations sur les éventuels responsables de la disparition, citant à l’appui les extraits pertinents de sa note d’enregistrement. Il a donc réitéré les demandes qu’il avait adressées à l’État partie dans sa précédente note verbale, à savoir :

a)Prendre toutes les mesures nécessaires pour rechercher, localiser et protéger la personne disparue, y compris par l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie globale de recherche et d’enquête ; cette stratégie devrait être assortie d’un plan d’action et d’un calendrier, et faire l’objet d’une évaluation périodique, conformément aux articles 12 et 24 de la Convention et au principe 8 des principes directeurs concernant la recherche de personnes disparues ;

b)Si le lieu où se trouve la personne disparue peut être confirmé, placer immédiatement celle-ci sous la protection de la loi, informer officiellement le Comité, les proches et les représentants de la personne disparue du lieu où elle se trouve et prendre toutes les mesures nécessaires pour lui permettre de prendre immédiatement et périodiquement contact avec ses proches et son conseil ou toute autre personne de son choix ;

c)Si la personne disparue se trouve dans un lieu de détention, en informer officiellement le Comité et autoriser la personne détenue à recevoir régulièrement des visites, conformément à l’article 17 de la Convention ;

d)Si le lieu où se trouve la personne disparue ne peut être confirmé, prendre immédiatement des mesures pour la localiser, faire la lumière sur sa disparition forcée présumée et garantir son placement sous la protection de la loi ;

e)Compte tenu des obligations découlant des articles 12 et 24 de la Convention, prendre toutes les mesures nécessaires pour identifier les responsables de la disparition forcée présumée, en gardant à l’esprit que l’identification des responsables peut être d’une importance cruciale pendant les recherches et pour la localisation de la personne ;

f)Fournir au Comité des informations sur les mesures prises pour mettre en œuvre chacune des recommandations susmentionnées, ainsi que sur les résultats de ces mesures.

iii)Actions en urgence pour lesquelles aucune autre information n’est disponible et aucune réponse n’a été reçue de l’État partie

28.Au moment de la rédaction du présent rapport, le Comité n’avait reçu aucune réponse de l’État partie concernant 16 des demandes d’action en urgence enregistrées en lien avec les manifestations en cours. Des rappels ont été envoyés à l’État partie.

29.En ce qui concerne les disparitions sans lien avec les manifestations qui ont commencé en octobre 2019, le Comité est aussi préoccupé par le fait que, dans la majorité des demandes d’action en urgence enregistrées concernant des incidents qui se sont déroulés sur son territoire, l’Iraq n’a pas répondu malgré l’envoi de plusieurs rappels. Pendant la période considérée, quatre rappels ont été envoyés concernant 197 des demandes d’action en urgence enregistrées. Aucun de ces rappels n’a généré de réponse. Lorsque l’État partie a envoyé des réponses au Comité, elles étaient dans la même veine que celle que le Comité avait notée dans ses précédents rapports, c’est-à-dire que l’État partie ne communiquait aucune information sur les mesures prises pour rechercher les personnes disparues ou pour procéder à une enquête sur leur disparition forcée présumée. En outre, l’État partie ne précisait pas les moyens d’action dont disposaient les victimes. Les informations communiquées par les membres de la famille et par les proches des personnes disparues continuaient de confirmer que, d’une manière générale, ceux-ci étaient maltraités par les autorités de l’État lorsqu’ils demandaient des renseignements ou un soutien dans le cadre de la recherche des personnes disparues et de l’enquête sur leur présumée disparition forcée.

30.Dans plusieurs de ses réponses, l’État partie s’est contenté de souligner que les victimes présumées étaient affiliées à des groupes terroristes, sans plus de précisions. Dans ces cas, le Comité a rappelé à l’État partie qu’il avait le devoir de rechercher toute personne disparue et d’enquêter sur sa disparition, indépendamment du profil ou de l’appartenance politique de cette personne.

b)Mexique

31.Au 31 août 2020, le Comité avait enregistré 412 demandes d’action en urgence liées à des événements survenus au Mexique. Au cours de la période considérée, dans six cas, les auteurs de la demande ont informé le Comité que les personnes disparues avaient été retrouvées vivantes, en conséquence de quoi les actions en urgence ont été clôturées.

32.Des rappels ont été envoyés à l’État partie dans 85 % des cas. Dès réception des informations demandées, le Comité a envoyé des notes de suivi, dans lesquelles il a réitéré plusieurs de ses recommandations relatives à l’élaboration et à la mise en œuvre de stratégies de recherche et d’enquête par les autorités compétentes (voir par. 11 ci‑dessus).

33.Dans ses recommandations, le Comité a insisté de manière répétée sur l’obligation incombant à l’État partie en vertu de la Convention de veiller à ce que les victimes soient régulièrement informées des mesures prises par les autorités chargées des recherches et des enquêtes, et de les associer à ces activités. Au cours de la période considérée, les progrès réalisés étaient encore liés dans une très large mesure aux initiatives lancées et aux démarches entreprises par les proches des personnes disparues. Dans plusieurs cas, le fait que les victimes avaient eu la possibilité d’avoir des échanges avec les autorités de l’État partie chargées des recherches et des enquêtes avait été déterminant pour la réalisation de certaines avancées. Cela étant, les auteurs des demandes d’action urgente ont souvent signalé qu’ils avaient des difficultés à obtenir des autorités qu’elles prennent dûment en considération les informations qu’ils leur communiquaient. Ils ont aussi souvent déploré qu’il était fréquent qu’aucune enquête ne soit menée sur le terrain et que les éléments de preuve disponibles ne fassent pas l’objet d’un examen approfondi.

34.Les auteurs de demandes d’action en urgence se rapportant à des faits survenus au Mexique ont continué de formuler de nombreuses allégations selon lesquelles les autorités étaient directement ou indirectement impliquées dans les faits en cause et les procédures stagnaient. S’agissant d’événements survenus plusieurs années auparavant, les auteurs ont souvent mis en cause les autorités de l’État partie pour leur manque de diligence, soulignant que leur inaction était devenue un facteur d’aggravation de leur responsabilité dans la disparition forcée alléguée de leur proche. Dans ces cas, le Comité a appelé l’attention de l’État partie sur l’importance que revêtait la création de mécanismes permettant de demander des comptes aux fonctionnaires chargés des recherches et des enquêtes, et il l’a invité à ouvrir des enquêtes sur les allégations selon lesquelles des fonctionnaires chargés de ces activités avaient entravé le bon déroulement des procédures.

35.Des auteurs de demandes d’action en urgence ont également décrit les difficultés qu’avaient les proches de personnes disparues à accéder aux mesures d’aide auxquelles ils pouvaient prétendre en vertu de la législation nationale et du paragraphe 6 de l’article 24 de la Convention. Aux termes de cet article, sans préjudice de l’obligation de poursuivre l’enquête jusqu’à l’élucidation du sort de la personne disparue, tout État partie doit prendre les dispositions appropriées concernant la situation légale des personnes disparues dont le sort n’est pas élucidé et de leurs proches, notamment dans des domaines tels que la protection sociale, les questions financières, le droit de la famille et les droits de propriété. Dans chacun de ces cas, le Comité a indiqué à l’État partie les mesures qu’il était tenu de prendre en fonction des besoins particuliers des proches de la personne disparue, notamment en ce qui concerne l’accès à l’alimentation, à l’éducation, au logement ou aux services de santé. Le Comité a également rappelé l’obligation incombant aux autorités compétentes de l’État partie d’informer les proches de la personne disparue de la nature et de l’étendue de l’aide qu’ils étaient en droit d’attendre des autorités compétentes et de la durée pendant laquelle cette aide était accordée. Le Comité a demandé à l’État partie de veiller à ce que la situation et les besoins des bénéficiaires soient dûment pris en compte par la Commission exécutive d’aide aux victimes dans le cadre de l’élaboration et de la révision des plans d’aide.

36.Le Comité regrette que sur les 412 personnes au nom desquelles il a enregistré des demandes d’action en urgence se rapportant à des événements survenus au Mexique, 368 sont encore portées disparues. Les 368 actions en urgence correspondantes restent ouvertes, et le Comité invite périodiquement les auteurs et l’État partie à répondre à ses demandes de commentaires et d’observations.

37.À ce propos, le Comité tient à mentionner les demandes d’action en urgence enregistrées le 10 octobre 2014, qui ont trait à la disparition, le 26 septembre 2014, de 43 étudiants à Ayotzinapa, et à rappeler les décisions qu’il a adoptées pour appuyer l’initiative lancée par la Commission interaméricaine des droits de l’homme, par l’intermédiaire du groupe d’experts indépendants et des mécanismes de suivi mis en place par la suite, y compris le groupe interdisciplinaire d’experts créé récemment. À ce propos, le Comité souligne qu’il importe d’éviter les chevauchements d’activités entre les mécanismes des droits de l’homme. Il tient toutefois à préciser que les mécanismes de la Commission interaméricaine des droits de l’homme ne sont pas de même nature que la procédure d’action en urgence. Il rappelle en outre que, conformément au paragraphe 4 de l’article 30 de la Convention, les actions en urgence sont maintenues ouvertes tant que le sort de la personne recherchée n’est pas élucidé.

D.Actions en urgence suspendues, clôturées, ou maintenues ouvertes afin de protéger les personnes en faveur desquelles des mesures provisoires ont été autorisées

38.En application des critères que le Comité a adoptés en séance plénière à sa huitième session :

a)Une action en urgence est suspendue lorsque la personne disparue a été localisée, mais qu’elle est toujours en détention. En effet, en pareil cas, la personne est particulièrement exposée au risque de disparaître à nouveau et de ne plus bénéficier de la protection de la loi ;

b)Une action en urgence est clôturée lorsque la personne disparue a été retrouvée libre, quand elle a été retrouvée puis libérée ou quand elle a été retrouvée morte et que les membres de la famille ou les auteurs ne contestent pas ces faits ;

c)Une action en urgence est maintenue ouverte si la personne disparue a été retrouvée, mais que les personnes en faveur desquelles des mesures provisoires de protection ont été autorisées dans le cadre de l’action en urgence demeurent menacées. Dans ce cas, le Comité se contente d’assurer le suivi des mesures provisoires de protection autorisées.

39.À la date d’établissement du présent rapport, le Comité avait clôturé 71 actions en urgence et en avait suspendu 13. Il prend acte avec une grande satisfaction des cas dans lesquels les personnes disparues ont été retrouvées en vie. Il tient à rendre compte des résultats positifs qui ont été constatés pendant la période considérée comme suite à la demande d’action en urgence enregistrée concernant le cas de disparition survenu dans l’État plurinational de Bolivie ainsi que trois cas au Mexique.

40.Dans deux actions en urgence, la personne disparue avait été retrouvée morte (no 12/2014, concernant la Colombie et no 8/2013, concernant le Mexique), mais l’action en urgence demeure ouverte car les personnes pour lesquelles des mesures provisoires de protection ont été prises continuent de faire l’objet de menaces.

41.En ce qui concerne les deux demandes d’action en urgence relatives à des cas de disparition au Togo et la demande d’action en urgence concernant Sri Lanka, le Comité a été informé que les auteurs des trois demandes avaient agi tout en sachant qu’il ne s’agissait pas d’une disparition. Ces cas ont donc été clôturés et toutes les parties concernées ont été informées en conséquence.

E.Questions soumises au Comité à sa dix-neuvième session

42.Le Comité a réaffirmé que, compte tenu de l’augmentation du nombre de demandes d’action en urgence enregistrées, il faudrait renforcer les effectifs du HCDH chargés de traiter ces demandes.

43.Le Comité a renforcé l’effectif du Groupe de travail sur les actions en urgence en nommant un membre supplémentaire. La répartition des tâches au sein de ce groupe de travail continue de se faire en fonction de la langue de travail.

44.Le Comité a décidé que ses rapports sur les demandes d’action en urgence seraient publiés sur sa page Web principale en plus de la page consacrée à chaque session, afin de rendre ces rapports plus visibles et, le cas échéant, de publier des communiqués de presse sur ces rapports et sur les effets des demandes d’action en urgence.