Nations Unies

CRC/C/FRA/CO/5

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

23 février 2016

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’enfant

Observations finales concernant le cinquième rapport périodique de la France *

I.Introduction

Le Comité a examiné le cinquième rapport périodique de la France (CRC/C/FRA/5) à ses 2063e et 2065eséances (CRC/C/SR.2063 et 2065), les 13 et 14janvier 2016, et a adopté les observations finales ci-après à sa 2104e séance (CRC/C/SR.2104), le 29 janvier 2016.

Le Comité accueille avec satisfaction le cinquième rapport périodique de la France, ainsi que les réponses écrites à la liste de points (CRC/C/FRA/Q/5/Add.1), qui lui ont permis de mieux appréhender la situation des droits de l’enfant dans l’État partie. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation multisectorielle de haut niveau de l’État partie.

II.Mesures de suivi adoptées et progrès réalisés par l’État partie

Le Comité prend note avec satisfaction de la ratification des instruments ci-après ou de l’adhésion à ces instruments :

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, en 2016 ;

b)Le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en 2015 ;

c)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant, en 2010 ;

d)La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, en 2008.

Le Comité salue l’adoption des mesures législatives suivantes :

a)La loi de modernisation du système de santé, soumise au vote de l’Assemblée nationale le 17 décembre 2015 ;

b)La loi no 2014-873 d’août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes ;

c)La loi no 2013-595 de juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République ;

d)La loi no 2013-711 d’août 2013, qui redéfinit la traite des personnes afin de mieux cerner les différentes formes d’exploitation, y compris celles concernant les enfants ;

e)La loi no 2012-301 de mars 2012 relative au suivi des enfants en danger par la transmission des informations.

Le Comité salue également l’adoption des mesures institutionnelles et des politiques suivantes :

a)La création du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge au sein du cabinet du Premier Ministre, le 28 décembre 2015 ;

b)La Convention interministérielle pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif, 2013-2018 ;

c)La feuille de route pour la protection de l’enfance, 2015-2017 ;

d)Le Plan d’action national contre la traite des êtres humains, 2014-2016 .

III.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

A.Mesures d’application générales (art. 4, 42 et 44 (par. 6) de la Convention)

Recommandations antérieures du Comité

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter toutes les mesures nécessaires pour donner suite aux recommandations antérieures qui n’ont pas été appliquées ou qui l’ont été partiellement ou insuffisamment (CRC/C/FRA/C O/4 et Corr.1), comme les recommandations relatives aux châtiments corporels, à l’âge minimal de la responsabilité, au système de justice pour mineurs et aux enfants migrants non accompagnés. Il regrette en particulier que l’État partie n’ait pas retiré sa réserve à l’article 30 ni ses deux déclarations relatives aux articles 6 et 40.

Législation

Le Comité note avec préoccupation que seul un nombre très limité de dispositions de la Convention sont reconnues comme étant directement applicables et que les principes et droits qui y sont consacrés ne sont pas dûment intégrés dans la législation nationale.

Le Comité recommande de nouveau à l’État partie de veiller à ce que toutes les dispositions de la Convention soient applicables sur l’ensemble de son territoire et à ce que celles-ci puissent être invoquées par les particuliers devant les juridictions internes de tous niveaux (voir CRC/C/FRA/CO/4 et Corr.1, par.  11).

Politique et stratégie globales

Le Comité note avec préoccupation que les progrès réalisés en ce qui concerne l’élaboration d’une politique globale durable de mise en œuvre de tous les droits consacrés par la Convention sont insuffisants et que les différentes stratégies relatives à l’enfance mises en œuvre dans l’État partie ne contiennent pas d’objectifs mesurables.

Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses efforts en vue d’élaborer et de mettre en œuvre, après consultation des enfants et de la société civile, une politique globale pour l’enfance, en prêtant une attention particulière aux disparités croissantes. Il lui recommande également de concevoir et d’appliquer une stratégie comprenant les éléments nécessaires à sa mise en œuvre, parmi lesquels des objectifs mesurables, un calendrier et des ressources humaines, techniques et financières suffisantes.

Coordination

Le Comité salue la création du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge mais reste préoccupé par les disparités observées dans la mise en œuvre de la Convention dans les départements et territoires d’outre-mer ainsi que par les lacunes en matière de coordination.

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que le mécanisme de coordination soit doté d’un mandat clair et de pouvoirs et de ressources suffisants pour coordonner toutes les activités liées à la mise en œuvre de la Convention au niveau intersectoriel et aux niveaux national, régional et local, y compris dans les départements et territoires d’outre-mer.

Allocation de ressources

Le Comité note avec préoccupation que, malgré d’importants investissements publics en faveur de l’enfance, l’attribution de certaines ressources est inéquitable, concernant en particulier les enfants marginalisés et les départements et territoires d’outre-mer, notamment Mayotte. Il demeure préoccupé par l’absence de progrès dans la réalisation d’analyses budgétaires cohérentes.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’établir un processus budgétaire qui tienne dûment compte des besoins des enfants, qui définisse clairement les crédits alloués aux enfants dans les secteurs pertinents et les administrations concernées et prévoie des indicateurs spécifiques et un système de suivi  ;

b) D’accroître le budget alloué aux secteurs sociaux et aux enfants défavorisés, comme les enfants roms, les enfants migrants − y compris les enfants demandeurs d’asile et les enfants réfugiés − , ainsi que les enfants de Mayotte et des autres départements et territoires d’outre-mer  ;

c) De contrôler et d’évaluer de manière effective l’efficacité, l’adéquation et l’équité de la distribution des ressources allouées à la mise en œuvre de la Convention.

Collecte de données

Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie dans ses réponses écrites, note avec préoccupation qu’on ne dispose toujours pas de données fiables et ventilées sur de nombreux aspects visés par la Convention et que les statistiques publiques restent fragmentaires et insuffisantes.

Le Comité recommande de nouveau à l’État partie d’améliorer son système de collecte de données pour tous les domaines visés par la Convention (voir CRC/C/FRA/ CO/4 et Corr.1, par.  2 1). Il lui recommande en outre de veiller à ce que les données recueillies par les différentes autorités administratives soient utilisées pour la formulation, le suivi et l’évaluation des politiques, des programmes et des projets qui visent à assurer l’application effective de la Convention et l’exercice de leurs droits par les enfants. Le Comité recommande enfin à l’État partie de tenir compte du cadre conceptuel et méthodologique établi dans le rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme intitulé « Indicateurs des droits de l’homme : Guide pour mesurer et mettre en œuvre » lorsqu’il définit, recueille et diffuse des informations statistiques.

Mécanisme de suivi indépendant

Le Comité note avec préoccupation que le Défenseur des enfants ne dispose pas de suffisamment de ressources et manque de visibilité au sein de l’institution du Défenseur des droits, et que l’État partie ne le consulte pas systématiquement au sujet des projets de loi concernant les droits de l’enfant et ne donne pas une suite suffisante à ses rapports et à ses recommandations.

Le Comité recommande à l’État partie d’allouer des ressources suffisantes spécifiquement destinées aux enfants afin d’accroître la visibilité du Défenseur des enfants et sa capacité à remplir son mandat. Il encourage également l’État partie à consulter régulièrement le Défenseur des enfants ainsi que la Commission nationale consultative des droits de l’homme.

Diffusion, sensibilisation et formation

Le Comité salue les efforts entrepris par l’État partie pour diffuser le texte de la Convention et mener des activités de sensibilisation et de formation concernant ses dispositions, mais reste préoccupé par le fait que les enfants, la population en général et les autorités publiques connaissent mal la Convention et son contenu. Il note également avec préoccupation que la plupart des enfants ne bénéficient pas d’un enseignement approfondi concernant leurs droits.

Le Comité recommande à l’État partie de rendre obligatoire la sensibilisation à la Convention à l’école, de veiller à ce que les enseignants soient correctement formés à cet égard et de mener systématiquement des campagnes nationales d’éducation. Il lui recommande également de diffuser le texte de la Convention aussi largement que possible auprès des enfants et des professionnels qui travaillent pour ou avec eux.

Droits de l’enfant et entreprises

Le Comité note que certaines sociétés multinationales françaises ont adopté de façon volontaire des pratiques en matière de responsabilité sociale de l’entreprise pour leurs filiales à l’étranger. Il est toutefois préoccupé par l’insuffisance des informations sur les mesures prises ou envisagées par l’État partie pour réglementer les activités des sociétés qui relèvent de sa juridiction ou qui sont placées sous son contrôle, afin de garantir le respect des droits de l’enfant dans le cadre des activités menées en dehors de son territoire. Le Comité est particulièrement préoccupé par les cas dans lesquels des filiales de sociétés françaises, notamment dans le contexte de la récolte du caoutchouc au Cambodge, ont directement contribué à la violation de droits de l’enfant.

À la lumière de son observation générale n o 16 (2013) sur les obligations des États concernant les incidences du secteur des entreprises sur les droits de l’enfant, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’établir un cadre réglementaire clair, applicable à toutes les entreprises qui relèvent de sa juridiction ou sont placées sous son contrôle, de manière à garantir que leurs activités ne portent pas atteinte aux droits de l’homme ni ne sont contraires aux normes relatives à l’environnement ou à d’autres normes, en particulier celles qui ont trait aux droits de l’enfant  ;

b) De veiller à ce que les entreprises appliquent effectivement les normes internationales, notamment celles relatives aux droits de l’homme, à l’environnement et à la santé, à ce que le principe de la diligence raisonnable soit respecté, et à ce que des moyens effectifs soient mis en place pour surveiller l’application de ces normes et pour sanctionner et réparer comme il convient toutes les violations  ;

c) D’enquêter de manière approfondie sur les éventuels manquements à ces obligations imputables à des entreprises françaises ou leurs filiales opérant à l’étranger.

B.Principes généraux (art. 2, 3, 6 et 12)

Non-discrimination

Le Comité salue les efforts faits par l’État partie pour lutter contre la discrimination. Il s’inquiète toutefois de la persistance de la discrimination fondée sur le sexe, l’identité de genre, le handicap, l’origine nationale, l’origine sociale ou économique ou sur d’autres motifs. Il note avec préoccupation que les enfants roms sont toujours l’objet de discrimination raciale et de stigmatisation. Il relève également avec préoccupation que le plan d’action pour l’égalité, qui a remplacé les « ABCD de l’Égalité », a été élaboré sans la participation d’enfants, ne s’adresse pas spécifiquement à eux et est dépourvu d’objectifs mesurables et de calendrier.

Le Comité réitère sa recommandation antérieure et prie l’État partie de redoubler d’efforts pour promouvoir une culture de l’égalité, de la tolérance et du respect mutuel, pour prévenir et combattre les discriminations persistantes et pour garantir que tous les cas de discrimination à l’égard des enfants dans tous les secteurs de la société font concrètement l’objet de mesures (voir CRC/C/FRA/CO/4 et Corr.1, par.  31). Il recommande également à l’État partie de redoubler d’efforts pour combattre les stéréotypes de genre, notamment dans le cadre du plan d’action pour l’égalité, en établissant des objectifs mesurables et un calendrier et en ciblant spécifiquement les enfants à tous les niveaux d’enseignement. Il lui recommande enfin de rendre obligatoires les formations pertinentes destinées aux éducateurs.

Intérêt supérieur de l’enfant

Le Comité relève avec satisfaction que le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant a été érigé en principe constitutionnel et que la Cour de Cassation et le Conseil d’État ont adopté une position commune à son sujet. Il note toutefois avec préoccupation que ce droit n’est pas suffisamment intégré en pratique et n’est pas toujours convenablement apprécié ni défini dans toutes les actions et décisions des pouvoirs publics − il faudrait entre autres pour cela que des études préalables soient menées pour évaluer l’effet des projets de loi et des investissements publics.

À la lumière de son observation générale n o 1 4 (2013) sur le droit de l’enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale, le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour que ce droit soit convenablement intégré puis interprété et appliqué de manière cohérente dans toutes les procédures et décisions législatives, administratives et judiciaires, ainsi que dans toutes les politiques, programmes et projets concernant les enfants ou ayant sur eux un effet, y compris au moyen d’études sur les conséquences pour les droits de l’enfant.

Droit à la vie, à la survie et au développement

Le Comité est profondément préoccupé par l’absence de statistiques officielles et par les informations faisant état de deux décès d’enfants par jour, potentiellement dus à des actes de violence familiale. Il est également gravement préoccupé par le fait que, lorsque des parents ont été condamnés pour des infractions graves (parmi lesquelles le meurtre) visant un ou plusieurs de leurs enfants, et qui continuent à présenter un risque pour les enfants survivants, l’État partie donne la priorité au maintien de liens familiaux aux dépens de l’intérêt supérieur de l’enfant et autorise les parents à conserver leurs droits parentaux, ce qui représente un risque pour le droit à la vie, à la survie et au développement de leurs autres enfants.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) Compte tenu des nombreuses initiatives, notamment des études diagnostiques, qu’il a menées pour comprendre le nombre de cas de décès d’enfants liés à des mauvais traitements et trouver une solution à ce problème, d’adopter toutes les mesures nécessaires pour enrayer ce phénomène  ;

b) De créer l’obligation pour tous les juges de soulever systématiquement la question de la révocation de l’autorité parentale lorsque des parents sont condamnés pour une infraction grave à l’égard d’un ou plusieurs de leurs enfants, et d’inscrire expressément dans la loi que l’intérêt supérieur de l’enfant doit primer toute autre considération dans de telles décisions.

Respect de l’opinion de l’enfant

S’il salue les mesures que prend l’État partie pour garantir le respect de l’opinion de l’enfant, le Comité reste préoccupé par le peu de progrès réalisés s’agissant de garantir systématiquement le respect de l’opinion de l’enfant dans tous les domaines de la vie. Il note avec préoccupation que l’audition d’un enfant dans le cadre d’une procédure judiciaire est soumise à une demande écrite et que des juges ont rejeté de telles demandes au motif qu’elles étaient mal formulées. Il note en outre avec préoccupation que des enfants vulnérables ou marginalisés, comme les enfants faisant l’objet d’un placement administratif et les enfants handicapés, ne sont souvent pas consultés sur les questions qui les concernent.

Eu ég ard à son observation générale n o 12 (2009) sur le droit de l’enfant d’être entendu, le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que tous les enfants, y compris les enfants vulnérables ou marginalisés, jouissent pleinement du droit d’être entendu, en particulier dans le cadre des procédures et des décisions judiciaires ou administratives. Il recommande à l’État partie de mettre en place des systèmes ou des procédures visant à assurer la participation des enfants, à former les travailleurs sociaux et les autorités administratives ou judiciaires et à assurer aux intéressés le soutien d’un professionnel (avocat, administrateur ad hoc ou travailleur social). Il recommande en outre à l’État partie :

a) De créer des mécanismes efficaces par lesquels les enfants peuvent faire entendre leur opinion et informer les enfants de l’existence de ces mécanis m es ;

b) De mener des programmes et des activités de sensibilisation visant à favoriser la participation de tous les enfants à la vie de la famille, de la communauté et de l’école, en accordant une attention particulière aux enfants marginalisés et défavorisés.

C.Libertés et droits civils (art. 7, 8 et 13 à 17)

Enregistrement des naissances et nationalité

Le Comité accueille avec satisfaction la décision rendue par la Cour de cassation le 3 juillet 2015 sur la reconnaissance légale et l’inscription à l’état civil d’enfants nés d’une gestation pour autrui ainsi que la décision par laquelle le Conseil d’État, le 12 décembre 2015, a décidé qu’il convenait d’accorder la nationalité à ces enfants. Il est toutefois préoccupé par les différences de pratique, d’un bureau d’état civil à l’autre, en matière de délivrance des certificats de nationalité. Il note aussi avec préoccupation que les enfants amérindiens et bushinengue vivant dans les départements et territoires d’outre-mer ne sont pas systématiquement enregistrés à l’état civil, ce qui les empêche d’exercer leurs droits.

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les pratiques des différents bureaux d’état civil soient plus uniformes et de ratifier la Convention européenne de 1997 sur la nationalité et la Convention du Conseil de l’Europe de 2009 sur la prévention des cas d’apatridie en relation avec la succession d’États. Il lui recommande de nouveau de prendre des mesures supplémentaires pour garantir l’enregistrement des naissances de tous les enfants nés dans les départements et territoires d’outre-mer, particulièrement en Guyane, et notamment d’envisager de prolonger encore le délai d’enregistrement des nouveau-nés (voir CRC/C/FRA/CO/4 et Corr.1, par.  42 ).

Droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux

Le Comité recommande une fois de plus à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour donner pleinement effet au droit de l’enfant de connaître ses parents biologiques ainsi que ses frères et sœurs et le prie instamment d’adopter les mesures nécessaires pour que toutes les informations concernant le ou les parents soient enregistrées et archivées afin que l’enfant puisse connaître, pour autant que possible et à un moment adéquat, son ou ses parents (voir CRC/C/FRA/CO/4 et Corr.1, par. 44). Il recommande également à l’État partie d’envisager d’abroger la règle selon laquelle l’identité de la mère biologique ne peut être dévoilée que si l’intéressée y consent et de redoubler d’efforts pour s’attaquer aux causes profondes qui poussent les parents à recourir à l’accouchement sous X.

Liberté d’expression, liberté d’association et liberté de réunion pacifique

Le Comité note avec préoccupation que la législation restreint toujours le droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique pour les enfants de moins de 16 ans.

Le Comité recommande à nouveau à l’État partie ( CRC/C/FRA/CO/4 et Corr.1, par.  49) de prendre des mesures, y compris juridiques, pour garantir le droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique pour les enfants de tous âges, ainsi que le prévoit la Convention.

Protection de la vie privée

Le Comité reste préoccupé par la multiplicité des bases de données destinées à recueillir, stocker et utiliser les données personnelles d’enfants sur de longues périodes ainsi que par le fait que les enfants et leurs parents ne sont pas suffisamment informés, par les autorités éducatives, de leur droit de s’opposer à l’enregistrement de données personnelles, ou d’accéder à ces données, de les modifier ou de les supprimer.

Le Comité recommande une fois de plus à l’État partie de ne saisir dans les bases de données que des renseignements personnels anonymes ( voir CRC/C/ FRA/CO/4 et Corr.1, par. 21 ). Il lui recommande également d’adopter les mesures nécessaires pour que les enfants et leurs parents soient dûment informés de leur droit de s’opposer à l’enregistrement de données personnelles ainsi que d’accéder à ces données, de les rectifier ou de les supprimer.

Accès à une information appropriée

S’il salue les efforts faits par l’État partie pour protéger les enfants contre des informations préjudiciables diffusées dans la presse ou sur les réseaux numériques, le Comité est toutefois préoccupé par la persistance d’images hypersexualisées d’enfants, en particulier de filles, dans les médias. Il note avec préoccupation qu’il n’existe actuellement aucun cadre réglementaire pour protéger les enfants contre des contenus médiatiques ou numériques inappropriés et que de nombreux dispositifs destinés à empêcher les enfants d’accéder à des informations inappropriées diffusées à la télévision, sur Internet et sur les smartphones, comme les dispositifs de contrôle parental, ne sont pas efficaces en pratique.

À la lumière des conclusions issues de la Journée de débat général consacrée aux médias numériques et aux droits de l’enfant en 2014, et conformément au droit de l’enfant d’accéder à une information appropriée, le Comité recommande à l’État partie :

a) De faire appliquer la réglementation interdisant l’utilisation d’images sexualisées d’enfants dans les médias, dans la publicité ou à d’autres fins, et de prendre des mesures efficaces pour contrôler l’accès des enfants aux informations numériques inappropriées  ;

b) De continuer à renforcer les programmes de sensibilisation, d’information et d’éducation pour mieux faire connaître aux enfants, aux parents et au public en général les avantages et les risques de l’utilisation des médias numériques et des technologies de l’information et de la communication.

D.Violence à l’égard des enfants (art. 19, 24 (par. 3), 28 (par. 2), 34, 37 a) et 39)

Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Le Comité est préoccupé par les cas de mauvais traitements d’enfants handicapés dans les institutions et par le fait que ces établissements ne font pas suffisamment l’objet d’une surveillance indépendante. Il note en particulier avec préoccupation que, dans certains cas, le personnel dénonçant les mauvais traitements aurait été accusé de diffamation et condamné, alors que les auteurs ont rarement été traduits en justice, alors qu’il existait des preuves sous forme d’enregistrements vidéo. Le Comité relève aussi avec préoccupation que la technique du « packing » (enveloppement de l’enfant dans des draps humides et froids), qui est assimilable à un mauvais traitement, n’ait pas été interdite par la loi et serait encore utilisée sur certains enfants atteints de troubles du spectre autistique.

Le Comité prie instamment l’État partie de redoubler d’efforts pour comprendre, prévenir et combattre les causes profondes des mauvais traitements d’enfants dans les institutions et :

a) De créer des mécanismes de surveillance qui soient en mesure de mener régulièrement des inspections indépendantes et efficaces dans les institutions ;

b) D’enquêter rapidement et de manière approfondie sur toute allégation de mauvais traitement, de traduire les auteurs en justice et de veiller à ce que les enfants victimes reçoivent des soins, bénéficient de mesures de rétablissement et de réinsertion et soient indemnisés  ;

c) De créer des systèmes et des services de signalement accessibles et adaptés aux enfants, y compris des mécanismes permettant, en particulier aux enfants, aux familles et au personnel, de dénoncer en toute confidentialité les mauvais traitements et d’être protégés contre les représailles  ;

d) D’interdire par la loi la pratique du «  packing  » sur les enfants ainsi que toute autre pratique constituant un mauvais traitement.

Droit de l’enfant d’être protégé contre toutes les formes de violence

Le Comité salue les mesures prises pour améliorer le repérage et le suivi des enfants exposés à une forme quelconque de violence. Il note cependant avec préoccupation qu’il n’existe pas de stratégie globale qui viserait toutes les formes de violence à l’égard des enfants et que le taux de violence familiale et de violence sexiste est élevé et continue d’augmenter. Il est également préoccupé par :

a)L’absence de lignes directrices, de protocoles et de mécanismes de renvoi standardisés concernant les enfants victimes ou témoins de violence, l’insuffisance de la coordination et de la formation des fonctionnaires travaillant auprès d’enfants, en particulier en ce qui concerne la détection et le signalement des cas présumés de violence à l’égard d’enfants, et l’adoption de mesures ou le renvoi des dossiers vers les autorités compétentes ;

b)L’insuffisance des structures qui accueillent les enfants victimes de violence familiale et leur offrent une aide médicale et psychologique, et des importantes disparités à cet égard entre les régions ;

c)L’insuffisance des mesures prises à l’école pour sensibiliser les enfants à leurs droits, en particulier leur droit d’être protégé contre la violence, y compris le harcèlement et les brimades ;

d)Le bien-être physique et mental et le développement des enfants exposés à la violence, y compris à la télévision et lors de certains spectacles, comme la tauromachie.

Rappelant son observation générale n o 13 (2011) sur le droit de l’enfant d’être protégé contre toutes les formes de violence et le Programme de développement durable à l’horizon 2030, le Comité recommande à l’État partie d’accélérer l’adoption d’une stratégie globale visant à prévenir et combattre toutes les formes de violence à l’égard des enfants, dans le cadre de la politique générale de protection de l’enfance. Il lui recommande également :

a) De créer une base de données nationale sur tous les cas de violence à l’égard des enfants, dont les mauvais traitements, les violences sexuelles et la négligence, la violence familiale, le harcèlement et les brimades  ;

b) D’élaborer des lignes directrices, protocoles et mécanismes de renvoi adaptés aux enfants victimes ou témoins de violence et en garantir une application cohérente dans l’ensemble de l’État partie ;

c) De donner aux enfants les moyens de se protéger et de protéger les autres enfants de violences en les informant de leurs droits et en développant leurs compétences sociales, ainsi qu’en élaborant des stratégies adaptées à leur âge ;

d) De renforcer encore les programmes de sensibilisation et d’éducation, y compris les campagnes, avec la participation d’enfants ;

e) De veiller à ce que tous les enfants victimes de violence aient accès à des foyers où leur protection est assurée et à des services de réadaptation et de réinsertion sociale  ;

f) De redoubler d’efforts pour faire évoluer les traditions et les pratiques violentes qui ont un effet préjudiciable sur le bien-être des enfants, et notamment d’interdire l’accès des enfants aux spectacles de tauromachie ou à des spectacles apparentés.

Châtiments corporels

Le Comité recommande de nouveau à l’État partie d’interdire expressément les châtiments corporels dans tous les contextes, y compris dans la famille, à l’école, dans les structures de garde d’enfants et dans le cadre de la protection de remplacement ( CRC/C/ FRA/CO/4 et Corr. 1, par.  58). À la lumière de son observation générale n o 8 (2006) sur le droit de l’enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments, le Comité rappelle à l’État partie qu’aucune violence à l’égard des enfants n’est justifiable et que les châtiments corporels constituent une forme de violence, toujours dégradante et évitable, et le prie instamment de promouvoir des formes positives, non violentes et participatives d’éducation et de discipline, notamment par des campagnes d’éducation du public.

Violences sexuelles en République centrafricaine

Le Comité est gravement préoccupé par les informations indiquant que des soldats français auraient commis des violences sexuelles sur des enfants en République centrafricaine et relève à cet égard que les enquêtes préliminaires sont encore en cours. Il regrette que l’État partie lui ait répondu que des mesures de protection des enfants victimes ou témoins de ces crimes n’ont pas été considérées comme nécessaires (voir CRC/C/FRA/Q/5/Add.1, par. 173).

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les allégations selon lesquelles des soldats français ont commis des actes de violence et d’exploitation sexuelles à l’égard d’enfants en République centrafricaine fassent effectivement l’objet d’enquêtes diligentes et à ce que les auteurs soient poursuivis. Il le prie instamment de prendre des mesures pour apporter soins et soutien aux enfants victimes, en leur offrant notamment un soutien psychosocial, une indemnisation et d’autres formes de réparation. Il lui recommande enfin de renforcer les mesures de prévention de sorte que les droits des enfants soient respectés et protégés.

Pratiques préjudiciables

Le Comité prend note avec satisfaction des progrès accomplis par l’État partie en matière d’élimination des mutilations génitales féminines, mais constate avec préoccupation que de nombreuses petites filles restent exposées à ce risque et que l’on pourrait assister à une résurgence de ces pratiques. Il note aussi avec préoccupation que les enfants intersexués sont couramment soumis à des actes chirurgicaux et à d’autres traitements qui ne sont pas nécessaires mais sont irréversibles.

Rappelant le texte commun sur les pratiques préjudiciables adopté par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (recommandation générale n o 31) et le Comité des droits de l’enfant (observation générale n o 18), le Comité recommande à l’État partie de recueillir des données pour prendre la mesure de l’ampleur de ces pratiques préjudiciables, de façon à identifier plus facilement les enfants exposés et à prévenir ces pratiques. Il recommande à l’État partie :

a) De sensibiliser les filles exposées, les professionnels de santé, les travailleurs sociaux, les policiers, les gendarmes et les magistrats à la question des mutilations génitales féminines ;

b) D’élaborer et de mettre en œuvre, pour les enfants intersexués, un protocole de soins de santé fondé sur les droits, qui garantisse que les enfants et leurs parents sont convenablement informés de toutes les options qui s’offrent à eux, que les enfants sont associés, dans toute la mesure possible, aux décisions concernant leur traitement et leurs soins, et qu’aucun enfant n’est soumis à des actes chirurgicaux ou à des traitements qui ne sont pas nécessaires.

E.Milieu familial et protection de remplacement (art. 5, 9 à 11, 18 (par. 1 et 2), 20, 21, 25 et 27 (par. 4))

Milieu familial

Le Comité note avec préoccupation que l’État partie utilise toujours la notion d’« autorité parentale », qui n’est pas conceptuellement conforme aux droits de l’enfant. Il relève aussi avec préoccupation que les violences physiques à l’égard des enfants ont augmenté depuis 2008 et qu’en raison de faiblesses dans la chaîne de protection de l’enfance, des enfants restent exposés au risque de violence familiale et sont laissés sans protection dans leur famille, en partie en raison des lenteurs de la mise en œuvre de la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’envisager de remplacer l’expression «  autorité parentale  » par l’expression «  responsabilité parentale  » ou une expression similaire, conforme aux droits de l’enfant ;

b) D’adopter toutes les mesures nécessaires pour améliorer la gestion nationale et locale des politiques de protection de l’enfance en promouvant la communication, les approches transversales et la coordination entre les différents acteurs ;

c) De veiller à ce que la loi n o 2007-293 du 5 mars 2007 soit pleinement appliquée par les autorités publiques à tous les niveaux, notamment pour ce qui est de la prévention, de l’identification des enfants exposés à un risque et de la qualité des interventions de protection.

Regroupement familial

Le Comité note avec préoccupation que la Cour européenne des droits de l’homme a rendu le 10 juillet 2014 trois arrêts dans lesquels elle estimait que la France avait manqué à son obligation de respecter le droit à la vie de famille, constatant que le processus de décision applicable à la délivrance de visas ne remplissait pas les conditions exigées de flexibilité, de rapidité et d’efficacité.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures législatives et les autres mesures nécessaires à l’instauration, s’agissant du regroupement familial, d’une pratique qui soit conforme aux principes et aux dispositions de la Convention et qui réponde aux conditions susmentionnées.

Enfants privés de milieu familial

Le Comité note avec préoccupation que les solutions de substitution en matière de protection de remplacement, destinées à adapter le choix du placement à chaque enfant sont rarement mises en pratique, et que le nombre croissant d’enfants séparés de leur famille par décision de justice, et en particulier d’enfants de familles vivant dans la pauvreté, est en augmentation. Il note aussi avec préoccupation que les enfants placés et les enfants bénéficiant d’une protection de remplacement ont peu de possibilités de prendre contact avec leur famille et de la rencontrer, que les institutions de placements sont parfois géographiquement très éloignées du domicile de la famille des enfants et que l’Aide sociale à l’enfance (ASE) ne prend pas suffisamment en considération l’opinion et l’intérêt supérieur de l’enfant lorsqu’elle prend des décisions concernant la protection de remplacement. Il est de surcroît préoccupé par :

a)La surreprésentation des enfants handicapés dans les institutions des services de protection de l’enfance ;

b)La situation et le statut des enfants abandonnés de facto mais pas de jure auprès de telles institutions ;

c)Les décisions de placement qui ne tiennent pas compte de la nécessité d’assurer une continuité en ne coupant pas l’enfant de son milieu, de sa famille d’accueil et de son environnement ;

d)Le fait que les enfants de plus de 16 ans ne soient pas suffisamment préparés et aidés à entrer dans la vie adulte.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De soutenir et de faciliter la prise en charge des enfants en milieu familial dans toute la mesure possible et d’instaurer un système de placement en famille d’accueil pour les enfants qui ne peuvent pas rester dans leur famille, en encourageant particulièrement le placement en famille d’accueil pour les enfants handicapés afin d’accélérer le processus de désinstitutionalisation ;

b) De mettre en place des garanties adéquates et de définir des critères clairs et fondés sur les besoins, l’opinion et l’intérêt supérieur de l’enfant, permettant de déterminer si un enfant doit faire l’objet d’une protection de remplacement ;

c) De veiller à ce que les enfants privés de milieu familial puissent rester en relation avec leurs parents, dans la mesure du possible, en tenant dûment compte de la nécessité de préserver la proximité géographique et de ne pas couper l’enfant de son milieu, de sa famille d’accueil et de son environnement  ;

d) De clarifier la situation juridique et le statut des enfants abandonnés auprès des services de protection de l’enfance ;

e) De veiller à ce que des ressources humaines, techniques et financières suffisantes soient allouées aux centres de protection de remplacement et aux services de protection de l’enfance concernés afin de favoriser la réadaptation et la réinsertion sociale des enfants qui y résident, dans toute la mesure du possible, y compris pour les enfants proches de l’âge adulte.

Adoption

Le Comité salue l’adoption, le 22 octobre 2014, de la circulaire relative aux effets juridiques du recueil légal en France. Il est néanmoins préoccupé par :

a)Le manque d’information concernant l’adoption traditionnelle en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, dite « circulation des enfants », qui continue d’être pratiquée, sans intermédiaires agréés et sans réelles garanties pour les familles et les enfants concernés ;

b)L’insuffisance de l’aide apportée aux parents adoptifs et aux autres membres de la famille lors de l’adoption d’enfants ayant des besoins particuliers compte tenu de leur âge, de leur fratrie, de leur handicap ou de leur maladie ;

c)Le nombre élevé d’adoptions internationales d’enfants venant de pays qui ne sont pas parties à la Convention de La Haye de 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale ou ne respectent pas les garanties prévues dans ladite Convention.

Le Comité recommande à l’État partie de garantir qu’en ce qui concerne les adoptions, le principe de primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant soit strictement respecté. Il recommande également à l’État partie :

a) De recueillir, de manière systématique et continue, des données statistiques ventilées et des informations pertinentes sur les adoptions nationales et internationales afin de mieux comprendre et gérer le phénomène  ;

b) De fournir des renseignements sur la « circulation des enfants » en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie dans son prochain rapport périodique et d’adopter des mesures pour prévenir l’apparition de nouveaux cas  ;

c) De veiller à ce que toutes les garanties prévues dans la Convention de La Haye de 1993 soient respectées, même si l’autre pays concerné n’est pas partie à la Convention, et de conclure des accords bilatéraux respectant les dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant et de la Convention de La Haye de 1993 avec les pays qui n’ont pas ratifié cette dernière  ;

d) De veiller à ce que les parents et les familles d’adoption bénéficient d’un appui spécialisé en matière d’adoption.

F.Handicap, santé de base et bien-être (art. 6, 18 (par. 3), 23, 24, 26, 27 (par. 1 à 3) et 33)

Enfants handicapés

Le Comité a conscience des efforts faits par l’État partie pour améliorer l’inclusion des enfants handicapés. Il constate néanmoins avec préoccupation que la mise en œuvre des lois no 2005-102 du 11 février 2005 et no 2013-595 du 8 juillet 2013 relatives à l’éducation inclusive pour tous les enfants est lente et inégale, et que peu de progrès ont été accomplis en ce qui concerne les mesures prises pour que les enfants handicapés fréquentent des écoles ordinaires plutôt que d’être accueillis à l’hôpital ou dans des institutions médico-sociales ; il note que le problème est exacerbé dans les départements et territoires d’outre-mer. Le Comité relève également avec préoccupation que la loi prévoit un système d’unités spécialisées au sein des écoles ordinaires pour les enfants dès l’âge de 3 ans, que certains enfants handicapés sont placés en institution, que d’autres fréquentent encore des écoles séparées et que d’autres encore abandonnent l’école faute de places et de soutien. Le Comité est en outre préoccupé par :

a)La persistance de la discrimination à l’égard des enfants handicapés, en particulier des enfants présentant des handicaps multiples, en termes d’accès à l’éducation et d’égalité avec les autres enfants, notamment pendant les activités récréatives et extrascolaires, au sein des établissements scolaires et dans le cadre de la formation professionnelle ;

b)Les grandes difficultés qu’ont les familles à obtenir et à conserver le soutien nécessaire auquel elles ont droit, notamment des heures d’accompagnement scolaire en quantité suffisante ;

c)L’insuffisance de la formation et du soutien dont bénéficie le personnel scolaire, le nombre insuffisant d’assistants spécialisés et qualifiés et le nombre limité de programmes scolaires, de supports d’enseignement et d’évaluation et de salles de classe accessibles et adaptés.

Rappelant son observation générale n o 9 (2006) sur les droits des enfants handicapés, le Comité prie instamment l’État partie d’adopter sans délai une approche du handicap fondée sur les droits de l’homme, de reconnaître le droit de tous les enfants à l’éducation inclusive et de veiller à ce que l’éducation inclusive soit privilégiée, à tous les niveaux d’enseignement, par rapport au placement en institution spécialisée ou à la scolarisation en classe séparée. Le Comité recommande en particulier à l’État partie :

a) D’organiser la collecte de données sur les enfants handicapés et de concevoir un système efficace de détection précoce, afin de faciliter l’élaboration de stratégies et de programmes appropriés en faveur de ces enfants  ;

b) D’adopter des mesures visant à faciliter et à assurer l’accès à une aide appropriée  ;

c) De former tous les enseignants et les professionnels de l’éducation à l’éducation inclusive et au soutien individualisé, en créant des environnements inclusifs et accessibles et en en prêtant l’attention voulue à la situation particulière de chaque enfant  ;

d) De garantir l’allocation de ressources suffisantes pour tous les enfants, y compris les enfants handicapés, allocation qui doit être soutenue par le plan le plus approprié pour répondre à leurs besoins et à leur situation  ;

e) De mener des campagnes de sensibilisation pour lutter contre la stigmatisation et les préjugés dont sont victimes les enfants handicapés.

Enfants autistes

Le Comité constate avec préoccupation que, malgré la mise en œuvre de trois Plans Autisme successifs, les enfants autistes continuent d’être couramment victimes de violations de leurs droits. Il note avec une préoccupation particulière que la majorité des enfants autistes n’ont pas accès à l’enseignement dispensé dans les écoles ordinaires ou reçoivent un enseignement limité, dispensé à temps partiel, et ne bénéficient pas des services de personnels spécialement formés pour favoriser leur inclusion. Il constate également avec préoccupation :

a)Que la mise en œuvre des recommandations formulées par la Haute Autorité de santé en 2012 n’est pas obligatoire et que les enfants autistes continuent de faire l’objet de thérapies psychanalytiques inefficaces, de surmédication et de placements en hôpital psychiatrique et en institution, y compris dans des pays voisins ;

b)Que les professionnels formés aux thérapies internationalement reconnues ainsi qu’aux programmes de développement et d’éducation sont peu nombreux et ne sont pas couverts par le système d’assurance santé ;

c)Que certains parents qui s’opposent au placement en institution de leur enfant subissent des pressions et des menaces et, dans certains cas, perdent la garde de leur enfant, lequel est placé d’office en institution ou fait l’objet d’un placement administratif.

Le Comité demande instamment à l’État partie de prendre immédiatement des mesures pour que les droits des enfants autistes, notamment leur droit à l’éducation inclusive, soient respectés, que les recommandations de 2012 de la Haute A utorité de santé soient juridiquement contraignantes pour les professionnels travaillant auprès d’enfants autistes et que seuls les thérapies et programmes éducatifs conformes aux recommandations de la Haute A utorité de santé soient autorisés et remboursés. L’État partie devrait également veiller à ce que les enfants autistes ne fassent pas l’objet de placements forcés en institution ou de placements administratifs et à ce que les parents ne subissent plus de représailles lorsqu’ils refusent le placement de leur enfant en institution.

Santé et services de santé

Le Comité note avec satisfaction que la santé des enfants est l’une des priorités de la Stratégie nationale de santé définie en 2013, mais il est préoccupé par l’insuffisance des ressources, le manque de personnel spécialisé en pédiatrie et la détérioration générale des services et des structures, notamment à l’école et dans les centres de protection maternelle et infantile, en particulier dans les départements et les territoires d’outre-mer, dans les bidonvilles et dans les camps de réfugiés. Le Comité est préoccupé par :

a)Le fait que les parents ne sont pas automatiquement autorisés à rester la nuit avec leur enfant lorsque celui-ci est hospitalisé ;

b)Le faible taux d’allaitement maternel exclusif et la mise en œuvre incomplète du Code international de commercialisation des substituts du lait maternel ;

c)Les taux toujours trop élevés de mortalité infantile et de grossesse précoce dans les départements et territoires d’outre-mer, en particulier à Mayotte ;

d)Les taux élevés de maladies infectieuses évitables, notamment le VIH/sida et la tuberculose, dans les départements d’outre-mer, en particulier en Guyane et à Mayotte ;

e)Le fait que les enfants migrants qui n’ont pas de titre de séjour valable continuent d’avoir du mal à exercer leur droit aux services de santé.

Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o 15 (2013) concernant le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible et lui recommande de traiter d’urgence le problème de l’insuffisance des ressources et du manque de personnel, de structures et de services médicaux, en particulier à l’école et dans les centres de protection maternelle et infantile, et de prendre en considération les besoins particuliers des enfants, notamment des enfants vivant dans les départements et territoires d’outre-mer, dans les bidonvilles et dans les camps de réfugiés. Il recommande également à l’État partie :

a) De réexaminer les conditions régissant l’hospitalisation selon une perspective axée sur les droits de l’enfant et d’autoriser les parents à accompagner leurs enfants et à s’occuper d’eux lorsqu’ils sont hospitalisés  ;

b) De mettre pleinement en œuvre le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel et de promouvoir davantage l’allaitement maternel exclusif (voir CRC/C/FRA/CO/4 et Cor r.1, par.  75)  ;

c) De redoubler d’efforts pour réduire les disparités existantes en termes d’accès aux services de santé destinés aux enfants et aux mères dans les départements et territoires d’outre-mer, en particulier à Mayotte  ;

d) De mettre en place des programmes ciblés pour prévenir les maladies évitables, notamment le VIH/sida et la tuberculose, en particulier en Guyane et à Mayotte  ;

e) De revoir l’allocation de ressources à la hausse pour que tous les enfants, y compris les enfants non accompagnés et les enfants migrants sans titre de séjour valable, aient accès aux services de santé de base.

Santé mentale

Le Comité salue la mise en œuvre, dans certains départements, de quelques-unes des recommandations formulées dans le rapport d’évaluation du Programme national d’actions contre le suicide 2011-2014, comme l’ouverture de centres pour adolescents, mais il est préoccupé par : le nombre insuffisant de psychiatres, de psychologues et d’infirmiers psychiatriques pour enfants et leur répartition inéquitable sur le territoire ; les coupes budgétaires que subissent les services ambulatoires et la fermeture de certains de ces services, qui entraîne souvent l’hospitalisation des patients ; la prise en charge d’enfants dans des établissements pour adultes qui ne sont pas adaptés à leurs besoins ; la surmédication des enfants dans les hôpitaux psychiatriques. Le Comité constate en outre avec préoccupation que le taux de troubles mentaux et psychosociaux est élevé chez les enfants et augmente avec l’âge, et que les enfants de plus de 15 ans sont les plus touchés.

Le Comité encourage l’État partie à appliquer intégralement et de manière durable les recommandations du Programme national d’actions contre le suicide 2011-2014. Il lui recommande de revoir à la hausse les ressources humaines et financières mises à la disposition des services de santé mentale spécialisés, afin de réduire les inégalités d’accès aux soins pédopsychiatriques à l’échelle nationale. Il lui recommande aussi de renforcer la formation du personnel médical aux questions relatives à la pédopsychiatrie et de veiller à ce que les enfants soient traités par des professionnels qualifiés et dans des établissements conçus pour les enfants.

Santé des adolescents

Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption du décret de 2013 permettant aux enfants de plus de 15 ans d’obtenir des contraceptifs gratuitement et en toute confidentialité, mais il est préoccupé par le nombre élevé d’interruptions volontaires de grossesse.

Renvoyant à son observation générale n o 4 (2003) sur la santé et le développement de l’adolescent dans le contexte de la Convention relative aux droits de l’enfant, le Comité recommande à l’État partie d’adopter une politique globale en matière de santé sexuelle et procréative à l’intention des adolescents et de veiller à ce que l’éducation à la santé sexuelle et procréative soit inscrite dans les programmes scolaires obligatoires et cible les adolescents, filles et garçons, en mettant tout spécialement l’accent sur la prévention des grossesses précoces.

Usage de stupéfiants et de substances psychoactives

Le Comité salue les mesures prises par l’État partie pour combattre les addictions, comme le plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les conduites addictives, mais est préoccupé par l’augmentation des taux de consommation de tabac et d’alcool et du taux d’expérimentation de cannabis pendant les années de collège.

Le Comité recommande à l’État partie de combattre la consommation de drogues chez les enfants et les adolescents, notamment en leur fournissant des informations précises et objectives et en leur proposant une éducation aux compétences pratiques visant à prévenir la consommation de substances psychoactives, y compris le tabac et l’alcool, et de mettre en place des services de traitement de la toxicomanie et de réduction des risques qui soient accessibles et adaptés aux jeunes.

Niveau de vie

Le Comité salue l’adoption du Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, mais il est préoccupé par la situation des 20 % d’enfants qui vivent dans la pauvreté et par le grand nombre d’enfants sans abri. Il est particulièrement préoccupé par l’aggravation de la situation des enfants et des familles touchés par la crise économique qui vivent dans la pauvreté, en particulier les enfants des familles monoparentales et les enfants des bidonvilles ou des « zones urbaines sensibles » ainsi que les enfants qui vivent dans des « hébergements d’urgence », parfois pendant des années. Même s’il salue les mesures prises récemment par l’État partie pour réduire les disparités dont souffrent les départements et territoires d’outre-mer, le Comité est particulièrement préoccupé par la persistance et le creusement des inégalités sociales sur tout le territoire national, la lenteur avec laquelle l’écart se réduit entre les départements et territoires d’outre-mer en particulier Guyane et Mayotte, et le reste du territoire en ce qui concerne la jouissance des droits de l’enfant, et la situation des enfants migrants, en particulier des enfants migrants non accompagnés. Il est également préoccupé par les cas d’expulsion forcée d’enfants et de familles roms, sans préavis et sans qu’une solution de relogement leur soit proposée.

Le Comité recommande à l’État partie de faire de l’éradication de la pauvreté des enfants une priorité nationale et d’allouer les ressources humaines, techniques et financières nécessaires aux programmes visant à soutenir les enfants et les familles les plus démunis, en particulier les enfants et les familles touchés par la crise économique qui vivent dans la pauvreté, les enfants des familles monoparentales et les enfants qui vivent dans des bidonvilles ou dans des « zones urbaines sensibles », les enfants des départements et territoires d’outre-mer et les enfants migrants non accompagnés. Le Comité prie également instamment l’État partie de respecter ses obligations internationales en ce qui concerne les expulsions forcées et l’encourage dans ses efforts visant à intégrer les enfants roms et leur famille .

G.Éducation, loisirs et activités culturelles (art. 28 à 31)

Éducation, y compris la formation et l’orientation professionnelles

Le Comité salue la décision prise par l’État partie de pourvoir à titre prioritaire 60 000 postes d’enseignants d’ici à 2017. Il est toutefois préoccupé par les graves répercussions qu’a eues sur les enfants la suppression, ces dernières années, de 80000 postes d’enseignement, par le recrutement de remplaçants non formés et par le très grand nombre d’élèves par enseignant dans certaines écoles. Il est également préoccupé par le rôle déterminant que joue l’origine socioéconomique des enfants dans les résultats scolaires et par les disparités dans les crédits alloués aux établissements scolaires, qui varient d’une municipalité à l’autre. Il constate en outre avec préoccupation :

a)Que certaines catégories d’enfants, en particulier les enfants handicapés, les enfants qui vivent dans des bidonvilles, les enfants migrants non accompagnés (en particulier à Mayotte) et les enfants en situation de conflit avec la loi, ont du mal à entrer, à rester et à revenir dans le système éducatif et dans les activités et structures liées à l’école ;

b)Que certains enfants, notamment les enfants roms, les enfants migrants non accompagnés et les enfants vivant dans des logements précaires, ont beaucoup de difficultés à s’inscrire dans les écoles ordinaires ou à accéder aux cantines scolaires et, dans certains cas, ne sont pas autorisés à le faire par les municipalités ;

c)Que les progrès sont lents en ce qui concerne la réduction du nombre élevé d’enfants qui quittent l’école précocement et sans qualifications ;

d)Que la formation dispensée aux professionnels de l’éducation est insuffisante et inadaptée ;

e)Que les réseaux d’aides spécialisées aux élèves disparaissent progressivement, ce qui porte particulièrement atteinte aux enfants qui ont des difficultés d’apprentissage ;

f)Que la violence et le harcèlement généralisé sont fréquents chez les adolescents et que les professionnels de l’éducation n’ont pas la capacité de les prévenir et de les combattre.

Le Comité recommande à l’État partie de renforcer sa réforme de l’éducation afin de réduire l’incidence de l’origine sociale des enfants sur leurs résultats scolaires, et de prendre des mesures complémentaires pour assurer la disponibilité d’un nombre suffisant d’enseignants qualifiés et ainsi garantir à tous les enfants le droit à l’éducation. Il recommande également à l’État partie :

a) De continuer de renforcer les mesures visant à réduire les taux d’abandon scolaire et de redoublement et de développer l’enseignement professionnel et la formation professionnelle à l’intention des enfants qui ont quitté l’école sans diplôme, afin de leur permettre de réintégrer le système scolaire et d’acquérir des compétences et des aptitudes pratiques pour la vie quotidienne  ;

b) De garantir à tous les enfants le droit à l’éducation sans discrimination  ;

c) De prendre des mesures pour améliorer les qualifications des enseignants, notamment au moyen de programmes de formation continue  ;

d) De redéployer et de financer convenablement les réseaux d’aides spécialisées aux élèves  ;

e) De redoubler d’efforts pour combattre le harcèlement et la violence à l’école, notamment en veillant à ce que les écoles adoptent des politiques et des outils de prévention et de traitement des affaires de harcèlement et en veillant à ce que le personnel scolaire soit dûment formé à détecter, prévenir et combattre la violence et le harcèlement.

H.Mesures de protection spéciales (art. 22, 30, 32, 33, 35, 36, 37 b) à d) et 38 à 40)

Enfants demandeurs d’asile, enfants migrants non accompagnés et enfants réfugiés

Le Comité est préoccupé par la situation des enfants migrants non accompagnés qui ne peuvent bénéficier ni d’une protection spéciale ni de mesures d’assistance dans l’État partie. Il note avec préoccupation que l’État partie ne prend pas suffisamment en considération l’intérêt supérieur de l’enfant en tant que principe directeur dans tous les processus initiaux d’évaluation et dans les décisions ultérieures. Il prend note avec préoccupation des difficultés qu’ont les enfants, notamment ceux qui ont 17 ans, à avoir accès aux structures de protection de l’enfance, à la représentation juridique et aux services de soutien psychologique, d’assistance sociale et d’éducation. Le Comité constate également avec préoccupation que la procédure exposée dans la circulaire du 31 mai 2013 concernant la répartition équitable des services fournis aux enfants migrants non accompagnés a été en partie annulée par le Conseil d’État dans sa décision de janvier 2015, ce qui s’est traduit par une prise en charge et une protection insuffisantes des enfants et a conduit certaines municipalités à refuser d’accorder une protection aux enfants concernés. Le Comité prend note avec préoccupation du nombre d’enfants placés en rétention administrative en 2014, la plupart à Mayotte, dans des conditions dégradantes et sans accès à un juge. Le Comité est aussi préoccupé par :

a)La situation des enfants migrants non accompagnés qui sont automatiquement placés dans les zones d’attente des aéroports, à l’hôtel et dans d’autres locaux de rétention administrative, parfois avec des adultes, ainsi que les informations indiquant que ces enfants seraient renvoyés avant même d’avoir parlé à un administrateur ad hoc ;

b)La dépendance excessive vis-à-vis des tests osseux pour déterminer l’âge des enfants et les cas dans lesquels le consentement de l’enfant n’a, dans la pratique, pas été demandé.

Le Comité recommande à l’État partie d’allouer suffisamment de ressources humaines, techniques et financières, sur l’ensemble des territoires sous sa juridiction, à l’appui spécialisé adapté aux enfants, à la protection, à la représentation juridique, à l’assistance sociale et à la formation académique et professionnelle des enfants migrants non accompagnés, et de renforcer les capacités des responsables de l’application des lois à cet égard. Il recommande également à l’État partie :

a) D’adopter les mesures nécessaires, notamment des mesures juridiques, pour éviter le placement d’enfants en rétention dans les zones d’attente, en redoublant d’efforts pour trouver des solutions adéquates de substitution à la privation de liberté et pour assurer aux enfants un hébergement adapté, et de respecter pleinement les obligations de non-refoulement  ;

b) De mettre un terme à l’utilisation des tests osseux en tant que principale méthode de détermination de l’âge des enfants et de privilégier d’autres méthodes qui se sont avérées plus précises.

Le Comité salue l’engagement pris par l’État partie d’accueillir un grand nombre de réfugiés syriens, y compris des enfants, au cours des deux prochaines années. Il est néanmoins préoccupé par la situation précaire des enfants et des familles qui vivent dans des camps de réfugiés dans le nord du pays, comme les camps de Calais et de Grande-Synthe, par le refus des autorités d’enregistrer les enfants et par l’insuffisance des ressources allouées aux infrastructures et aux services nécessaires pour offrir aux réfugiés une protection appropriée et adaptée.

Le Comité rappelle à l’État partie qu’il lui appartient au premier chef de protéger les enfants, conformément à ses obligations internationales, et lui demande instamment de garantir le droit de tous les enfants, y compris des enfants qui vivent dans des camps de réfugiés, d’être enregistré à l’état civil, de vivre dans des conditions humaines et de bénéficier de services de santé adéquats.

Enfants dans les conflits armés

Le Comité salue les efforts faits par l’État partie pour prévenir le recrutement d’enfants par des groupes armés non étatiques et des mouvements idéologiques et religieux radicaux, notamment le plan national de lutte contre la radicalisation violente et les filières djihadistes. Il note toutefois avec préoccupation que, dans l’État partie, des enfants et des jeunes continuent d’être endoctrinés, notamment via Internet, et incités à rejoindre ces mouvements et ces réseaux.

Le Comité recommande à l’État partie de renforcer les mesures visant à prévenir le recrutement d’enfants par des groupes armés non étatiques et des mouvements religieux et idéologiques radicaux et, en particulier, à appréhender le phénomène et ses causes profondes chez les enfants et les adolescents. Il lui recommande également d’accroître les ressources allouées aux programmes de sensibilisation et de démarginalisation et de veiller à associer les enfants et les jeunes, ainsi que la communauté dans son ensemble.

Vente, traite et enlèvement

Le Comité salue l’adoption du plan d’action national contre la traite des êtres humains pour la période 2014-2016, mais il note avec préoccupation que le plan ne comprend pas d’objectifs mesurables définis dans le temps et qu’il n’est toujours pas opérationnel. Le Comité est préoccupé en particulier par la fragmentation et les inégalités entre les juridictions pour les enfants qui cherchent de l’aide. Il est également préoccupé par :

a)Le nombre très limité d’affaires qui aboutissent à une condamnation ;

b)L’insuffisance des mesures prises pour identifier correctement les victimes de traite en se fondant sur l’intérêt supérieur de l’enfant et le fait que la présomption de minorité n’est pas toujours respectée, notamment dans le cas d’enfants contraints à la délinquance ;

c)Le non-respect de l’obligation de garantir les services d’un interprète et d’un administrateur ad hoc tout au long de la procédure ;

d)L’insuffisance de la prise en charge des enfants victimes de vente ou de traite.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De fournir les ressources nécessaires pour mettre concrètement en œuvre le plan d’action national de lutte contre la traite des êtres humains  ;

b) De faire en sorte que les normes relatives à la protection des enfants victimes de traite respectent les normes internationales, conformément à la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains  ;

c) De veiller à ce que les affaires de traite soient considérées comme hautement prioritaires par les autorités judiciaires et à ce que ces affaires fassent rapidement l’objet d’enquêtes  ;

d) De veiller à ce que les enfants victimes de vente et de traite, y compris les enfants contraints à la délinquance, bénéficient d’une aide et d’une protection appropriées.

Administration de la justice pour mineurs

Le Comité accueille avec satisfaction l’abrogation des peines minimales pour les enfants, prévue dans la loi no 2014-896. Toutefois, il reste préoccupé par :

a)Le manque de progrès dans la mise en œuvre des précédentes recommandations du Comité, dans lesquelles il avait invité l’État partie à fixer un âge minimum de la responsabilité pénale et à ne plus traiter les enfants de plus de 16 ans comme des adultes, même lorsqu’ils ont participé à des activités extrémistes violentes ;

b)Le fait qu’il n’a pas été mis fin à la détention d’enfants dans des quartiers réservés au sein de centres de détention pour adultes et à la détention de filles avec des femmes ;

c)Le manque de places dans les lieux de détention autres que les prisons, tels que les centres éducatifs fermés ;

d)Le manque de personnel formé et d’infrastructures, dans les centres éducatifs fermés, pour assurer un enseignement de qualité et dispenser des soins psychiatriques et des soins de santé ;

e)Le fait que la conception du rôle des administrateurs ad hoc et leur disponibilité varient considérablement d’une juridiction à l’autre, les départements et territoires d’outre-mer faisant face à des difficultés particulières.

Le Comité engage instamment l’État partie à mettre son système de justice pour mineurs en totale conformité avec la Convention et les autres normes pertinentes et lui recommande :

a) D’établir un âge minimum de la responsabilité pénale, en veillant à ce que cet âge ne soit pas inférieur à 13 ans et à ce qu’il soit tenu compte de la capacité de discernement de l’enfant (voir CRC/C/FRA/CO/4 et Corr.1, par.  99)  ;

b) De s’abstenir de traiter les enfants de plus de 16 ans comme des adultes  ;

c) De veiller à ce que, dans la pratique, la détention soit uniquement une mesure de dernier ressort et que sa durée soit la plus brève possible, en privilégiant, à chaque fois que cela est possible, les mesures de substitution, et de veiller à ce que, lorsque la détention est inévitable, elle soit mise en œuvre conformément à la législation et aux normes internationales de façon que les enfants, en particulier les filles, ne soient pas détenus avec des adultes et puissent avoir accès aux services d’éducation et de santé  ;

d) D’instituer des procédures pour les mineurs des juridictions spécialisées dotées de ressources humaines, techniques et financières suffisantes et disposant d’un nombre suffisant d’administrateurs ad hoc dûment formés  ;

e) De renforcer la capacité du personnel travaillant avec et pour les enfants, notamment du personnel des centres éducatifs fermés, de proposer un enseignement de qualité et de dispenser des soins de santé et des soins psychiatriques, et de poursuivre, à l’intention de tous les professionnels du système de justice pénale, les programmes de formation continue portant sur les normes internationales applicables.

Enfants victimes ou témoins d’actes criminels

Le Comité salue les efforts faits pour offrir abri et protection aux enfants victimes d’infractions, mais il est préoccupé par :

a)Les disparités en ce qui concerne la protection des enfants victimes pendant les différentes phases de la procédure judiciaire ;

b)Le fait que les enfants témoins d’infractions ne bénéficient pas des mêmes garanties de procédure que les enfants victimes ;

c)Le fait qu’il ne soit pas interdit, dans la pratique, aux inculpés d’approcher ou de contacter les enfants victimes ;

d)L’insuffisance des dispositifs visant à identifier les enfants victimes et à leur assurer protection immédiate et une prise en charge psychosociale pendant et après la procédure ;

e)L’utilisation inefficace des enregistrements vidéos des auditions, qui sont généralement conduites dans des locaux inadaptés par des personnes qui n’ont pas reçu la formation spécialisée nécessaire.

Le Comité recommande à l’État partie d’accroître la cohérence des structures spécialisées et des mesures de protection sur l’ensemble du territoire sous sa juridiction, de veiller à ce que les enfants témoins d’infractions bénéficient des mêmes procédures de garantie que les enfants victimes et :

a) De veiller à ce que l’interdiction faite aux inculpés d’approcher ou de contacter les victimes soit respectée et d’allouer des ressources à la protection des victimes contre la victimisation secondaire, les représailles ou l’intimidation  ;

b) De faire en sorte que les enfants reçoivent une protection immédiate et des soins médicaux et psychologiques dispensés par un personnel convenablement formé  ;

c) D’adopter les mesures nécessaires, y compris des mesures juridiques, pour interroger les enfants victimes dans des locaux conçus et adaptés à cette fin, en utilisant notamment l’enregistrement vidéo et en faisant appel à un personnel qualifié.

Suite donnée aux précédentes observations finales et recommandations du Comité relatives à l’application du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants

Le Comité regrette de ne pas avoir reçu d’informations au sujet de la mise en œuvre des recommandations qu’il avait formulées en 2007 à propos du rapport initial de l’État partie au titre du Protocole facultatif à la Convention concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants (CRC/C/OPSC/FRA/CO/1). Il constate également avec préoccupation :

a)Que, même si le recours à la prostitution des enfants constitue une infraction pénale, les clients ne font pas toujours l’objet de poursuites ;

b)Que les enfants victimes de violence sexuelle ou d’exploitation sexuelle ne sont pas entendus par des juges ou reconnus comme des victimes de la prostitution, les affaires étant classées sans suite au motif que les preuves sont insuffisantes ;

c)Que le viol d’un enfant, crime prévu par le Code pénal, est souvent requalifié en agression sexuelle.

Le Comité engage l’État partie à mettre en œuvre ses précédentes recommandations, en particulier les suivantes : faire en sorte que la législation nationale soit conforme aux articles 2 et 3 du Protocole facultatif (voir CRC/C/OPSC/ FRA/CO/1, par.  19)  ; établir sa compétence aux fins de connaître de toutes les infractions visées dans le Protocole facultati f (par.  21)  ; recueillir systématiquement des données ventilées sur le nombre d’enfants victimes ayant bénéficié d’une aide à la réadaptati on et d’une indemnisation (par.  23 a))  ; veiller à ce que les enfants victimes aient accès aux services appropriés, en vue notamment de leur rétablissement physique et psychologique et de leur réinsertion sociale, et collaborer avec des organisations de la société civile à cet égard (par. 23 b))  ; mettre en place des formations systématiques et continues pour tous les acteurs de la protection des enfants victimes (par. 23 c))  ; garantir à tous les enfants victimes des infractions décrites dans le Protocole l’accès à des procédures leur permettant, sans discrimination, de réclamer réparation du préjudice subi aux personnes juridiquement responsables (par. 23 d)). Le Comité recommande également à l’État partie :

a) D’ouvrir des enquêtes dans les affaires de prostitution d’enfants, et de poursuivre et condamner les clients  ;

b) D’adopter des mesures, y compris des mesures établissant des structures d’appui socioéducatif adaptées, pour que tous les enfants victimes reçoivent une assistance juridique, sociale, éducative et médicale adaptée et stable  ;

c) D’engager des poursuites pour crime dans les affaires de viol d’enfants.

I.Ratification d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme

Le Comité recommande à l’État partie de ratifier l’instrument essentiel relatif aux droits de l’homme auquel il n’est pas encore partie, à savoir la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, pour renforcer encore la mise en œuvre des droits des enfants.

J.Coopération avec les organismes régionaux

Le Comité recommande à l’État partie de coopérer avec le Conseil de l’Europe à la mise en œuvre de la Convention et d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme, sur son territoire comme dans d’autres États membres du Conseil de l’Europe.

V.Mise en œuvre et soumission de rapports

A.Suivi et diffusion

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour que les recommandations figurant dans les présentes observations finales soient pleinement mises en œuvre. Il recommande également que le cinquième rapport périodique, les réponses écrites de l’État partie et les présentes observations finales soient largement diffusés dans les langues du pays.

B.Prochain rapport

Le Comité invite l’État partie à soumettre ses sixième et septième rapports périodiques le 5 mars 2021 au plus tard et à y faire figurer des renseignements sur la suite donnée aux présentes observations finales. Ces rapports devront être conformes aux directives spécifiques à l’instrument (CRC/C/58/Rev3), que le Comité a adoptées le 31 janvier 2014, et ne pas dépasser 21 200 mots (voir la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, par. 16). Si l’État partie soumet un rapport dont le nombre de mots excède la limite fixée, il sera invité à en réduire la longueur de manière à se conformer à la résolution susmentionnée. S’il n’est pas en mesure de remanier son rapport et de le soumettre à nouveau, la traduction de ce rapport aux fins d’examen par le Comité ne pourra être garantie.

Le Comité invite en outre l’État partie à soumettre un document de base actualisé ne comportant pas plus de 42 400 mots, conformément aux prescriptions applicables aux documents de base figurant dans les directives harmonisées concernant l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I) et au paragraphe 16 de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale.