Nations Unies

CED/C/IRQ/OAI/1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

1er décembre 2020

Français

Original : anglais

Comité des disparitions forcées

Observations concernant les renseignements complémentaires soumis par l’Iraq en application du paragraphe 4 de l’article 29 de la Convention *

Introduction

1.Le Comité accueille avec satisfaction les renseignements complémentaires communiqués en temps voulu par l’Iraq en application du paragraphe 4 de l’article 29 de la Convention, que le Comité avait demandés dans ses observations finales sur le rapport initial de l’État partie (CED/C/IRQ/CO/1). Il se félicite également de la coopération apportée par l’État partie tout au long de la procédure, notamment pendant le dialogue constructif qu’il a eu avec sa délégation de haut niveau, conduite par le Ministre de la justice de l’Iraq. Les participants à ce dialogue ont accordé une attention particulière aux mesures prises par l’État partie pour s’acquitter de ses obligations conventionnelles s’agissant a) des progrès accomplis vers l’adoption du projet de loi sur la disparition forcée ; b) de l’élaboration par l’État partie de stratégies visant à prévenir la disparition forcée, à rechercher les personnes disparues et à enquêter sur les disparitions forcées présumées ; et c) des rapports entre l’État partie et le Comité dans le cadre de la procédure d’action en urgence du Comité.

A.Aspects positifs

2.Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour donner suite aux allégations de disparitions forcées commises sur le territoire relevant de sa juridiction, notamment la création de deux commissions d’établissement des faits (en 2016 et en 2018), et les mesures prises pour élaborer un projet de loi sur la protection des personnes contre les disparitions forcées, en 2017 et en 2019, ainsi qu’une loi sur les crimes contre l’humanité. Le Comité se félicite également de la volonté de l’État partie de renforcer sa coopération avec le Comité.

B.Mise en œuvre des recommandations du Comité et faits nouveaux survenus dans l’État partie

3.Le Comité est pleinement conscient des nombreuses et graves difficultés auxquelles l’État partie fait face, mais regrette profondément que des disparitions forcées continuent d’être commises régulièrement sur une grande partie de son territoire, et que l’impunité et la revictimisation persistent. La législation en vigueur, son application et la manière dont les autorités compétentes s’acquittent de leurs fonctions ne sont, de manière générale, pas conformes à la Convention. Le Comité est préoccupé par le manque de données fiables sur les cas de disparition forcée, le faible nombre de déclarations de culpabilité prononcées pour ce crime et le grand nombre de corps non identifiés et de fosses communes. Enfin, le Comité constate que les recommandations qu’il avait formulées dans ses observations finales concernant le rapport initial de l’État partie n’ont été mises en œuvre que dans une mesure limitée.

Renseignements sur la disparition forcée et progrès accomplis dans l’adoption du projet de loi sur la disparition forcée (art. 1 à 7)

Informations statistiques sur les disparitions forcées

4.Le Comité est préoccupé par les écarts entre les chiffres fournis par l’État partie (entre 13 993 et 16 000 personnes disparues depuis 1968) et ceux communiqués par d’autres sources fiables (entre 500 000 et 1 million de personnes disparues depuis 2003). Il regrette que les données statistiques disponibles ne comprennent pas des données claires, précises et ventilées sur le nombre de personnes disparues depuis 1968 (art. 1).

5. Le Comité recommande à l’État partie de créer une base de données nationale consolidée dans laquelle seraient enregistrés tous les cas de disparition forcée survenus en Iraq depuis 1968. À cette fin, les renseignements provenant de diverses sources devraient être réunis et normalisés de manière à pourvoir être incorporés dans la base. Cette base de données devrait être mise à jour systématiquement et rapidement, afin que les autorités puissent établir des statistiques fiables. Elle devrait comporter à tout le moins les renseignements suivants :

a) Le nombre total de personnes disparues et l’identité de toutes ces personnes ;

b) Le sexe, l ’ âge, la nationalité et , le cas échéant, l ’ appartenance ethnique ou religieuse de la personne disparue ;

c) L’état de la procédure de recherche et d’enquête, notamment des informations détaillées, le cas échéant, sur les procédures d’exhumation et d’identification et les résultats d’autopsies ;

d ) Le lieu, la date et les circonstances de la disparition, y compris tous les éléments utiles pour déterminer s ’ il s ’ agit d ’ un cas de disparition forcée.

Définition de la disparition forcée et peines appropriées

6.Le Comité prend note du projet de loi de 2019 sur les disparitions forcées qui est actuellement examiné par le Conseil des ministres. Cependant, il est préoccupé par le retard pris dans l’adoption de ce projet de loi, qui a pour conséquence l’absence, dans la législation nationale, d’une définition explicite de la disparition forcée en tant qu’infraction autonome, eu égard aux articles 2 et 4 de la Convention. Le Comité est également préoccupé par le fait que le projet de loi ne vise pas la disparition forcée en tant qu’éventuel crime contre l’humanité, et que la loi no 10 relative à la Cour pénale suprême d’Iraq limite cette qualification aux disparitions forcées commises entre 1968 et 2003. Il est en outre préoccupé par le fait que la peine de mort continue de figurer parmi les peines prévues par le Code pénal iraquien et par le projet de loi, pour les infractions au titre desquelles la disparition forcée peut être poursuivie (art. 2, 4, 5 et 7).

7.Le Comité recommande à l’État partie de réviser le projet de loi sur la disparition forcée, en consultation avec toutes les parties prenantes concernées, y compris les organisations de la société civile spécialisées, et d’accélérer son adoption. Cette révision devrait déboucher, notamment, sur l’inscription de la disparition forcée dans la législation pénale nationale en tant qu’infraction autonome, conformément aux articles 2 et 4 de la Convention, et en tant que comme crime contre l’humanité, conformément à l’article 5 de la Convention, quelle que soit la date à laquelle l’infraction a été commise. Le projet de loi devrait également prévoir des peines appropriées, qui tiennent dûment compte du caractère extrêmement grave de l’infraction, tout en évitant l’imposition de la peine de mort.

Actes commis par l’organisation dite « État islamique d’Iraq et du Levant » et les groupes qui lui sont affiliés

8.Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour répondre aux crimes, notamment les enlèvements, commis entre 2014 et 2017 par l’organisation dit « État islamique d’Iraq et du Levant » et les groupes qui lui sont affiliés. Cependant, il est préoccupé par le faible nombre d’enquêtes menées et regrette le manque d’informations sur les poursuites engagées et les condamnations prononcées (art. 3 et 12).

9. Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte :

a) Que tous les actes visés à l’article 2 de la Convention commis par l’organisation dite « État islamique d’Iraq et du Levant » ou par tout autre groupe sans l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement d’agents de l’État soient recensés et fassent rapidement l’objet d’une enquête approfondie et impartiale, et que les responsables soient traduits en justice et punis s’ils sont reconnus coupables ;

b) Que toute législation adoptée pour lutter contre les disparitions forcées comporte des dispositions claires qui garantissent que les cas visés à l’article 3 de la Convention fassent rapidement l’objet d’une enquête indépendante et impartiale.

Responsabilité pénale des supérieurs hiérarchiques et devoir d’obéissance

10.Le Comité prend note de la référence faite par la délégation à la législation nationale en vigueur en ce qui concerne la responsabilité pénale des supérieurs et le devoir d’obéissance, et se félicite de ce que l’engagement de la responsabilité pénale soit prévu par le projet de loi sur la disparition forcée. Cependant, il reste préoccupé par le fait que la législation actuelle de l’État partie et le projet de loi ne prévoient pas l’engagement de la responsabilité pénale des supérieurs hiérarchiques, conformément à l’article 6 (par. 1 b) de la Convention. Il est également préoccupé par le fait qu’en vertu de l’article 40 du Code pénal, un fonctionnaire ou un agent public qui commet une disparition forcée sur ordre d’un supérieur peut invoquer cet ordre pour justifier cette disparition forcée (devoir d’obéissance). Le Comité rappelle que la règle énoncée à l’article 6 (par. 2) de la Convention s’applique aux ordres donnés par tout supérieur, qu’il soit un civil ou un militaire, qui exerce une autorité de droit ou de fait sur un subordonné (art. 6).

11. Le Comité demande instamment à l’État partie de faire en sorte que sa législation interne interdise explicitement d’invoquer l’ordre ou les instructions d’un supérieur pour justifier une infraction de disparition forcée, et que sa législation pénale prévoie l’engagement de la responsabilité pénale, conformément aux paragraphes 1 et 2 de l’article 6 de la Convention.

Élaboration par l’État partie de stratégies visant à prévenir la disparition forcée, à rechercher les personnes disparues et à enquêter sur les disparitions forcées présumées (art. 8 à 15)

Protection des personnes qui dénoncent une disparition forcée ou qui participentà une enquête sur une disparition forcée

12.Le Comité est profondément préoccupé par les nombreuses informations selon lesquelles des victimes d’une disparition forcée présumée et leurs proches font l’objet d’actes d’intimidation et de représailles après avoir déposé une plainte auprès des autorités nationales ou soumis au Comité une demande d’action en urgence. Le Comité prend note de l’adoption de la loi no 58 de 2017, mais reste préoccupé par le fait que ce texte ne prévoit pas la protection de toutes les personnes visées au paragraphe 1 de l’article 12 (art. 12, 24 et 30).

13. Le Comité demande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour :

a) Prévenir tout acte d’intimidation et de représailles et protéger les personnes visées aux articles 12 (par. 1) et 30 (par. 1) de la Convention, notamment en faisant figurer dans le projet de loi sur la disparition forcée une disposition à cet effet ;

b) Enquêter sur toutes les allégations d’acte d’intimidation et de représailles et en poursuivre les responsables et les punir comme il se doit.

Signalement des disparitions forcées et enquêtes

14.Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour enquêter sur les disparitions forcées commises entre 1968 et 2003 et pour poursuivre les faits. Toutefois, il est préoccupé par la portée limitée des résultats obtenus. Il regrette également l’absence d’informations claires sur les enquêtes, les sanctions et les réparations auxquelles ont donné lieu les disparitions forcées commises après 2003, y compris lors des manifestations d’octobre 2019. Le Comité accueille avec satisfaction le projet de création d’une « division de lutte contre les disparitions forcées » prévu par le projet de loi sur la disparition forcée. Toutefois, il demeure préoccupé par le manque de clarté de la procédure applicable et de la répartition des responsabilités entre les autorités chargées des recherches et des enquêtes. Le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles les menaces et les actes d’intimidation dirigés contre des victimes de disparition forcée ont entraîné un sous‑signalement des cas, ce qui contribue à perpétuer l’impunité (art. 12 et 24).

15. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour :

a) Que tous les cas de disparition forcée fassent d’office et sans délai l’objet d’une enquête approfondie, impartiale et indépendante, même si aucune plainte officielle n’a été déposée, qui tienne compte des nécessités propres à chaque cas et qui prenne systématiquement en considération les questions de genre ;

b) Que les auteurs présumés d’une disparition forcée, y compris les supérieurs militaires ou civils et les agents de l’État qui l’ont autorisée, ont apporté leur soutien ou y ont acquiescé, soient poursuivis, et, s’ils sont reconnus coupables, punis par des peines appropriées, en évitant la peine de mort ;

c) Que les responsabilités de toutes les autorités impliquées dans les recherches et l’enquête soient clairement déterminées et que soit établi un mécanisme pour coordonner efficacement leurs activités ;

d) Que la «  division de lutte contre les disparitions forcées  » ou tout autre organe centralisé créé pour traiter les disparitions forcées soit dotée du personnel spécialisé et des ressources financières et techniques nécessaires pour s’acquitter de ses tâches efficacement ;

e) Que toutes les victimes de disparitions forcées reçoivent une réparation complète, y compris des moyens de réadaptation, qui tienne compte des besoins particuliers dans chaque cas, en veillant à ce que les questions de genre soient systématiquement prises en considération .

Détention secrète

16.Le Comité prend note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle il n’existe pas de lieux de détention secrets, conformément à l’interdiction édictée par sa législation interne. Il est préoccupé, cependant, par les informations selon lesquelles il est toujours recouru à la détention secrète, et que cela a notamment été le cas lors des manifestations d’octobre 2019. Le Comité a, en particulier, été saisi d’allégations concernant 420 lieux de détention secrets, notamment au sein de Camp Justice et de Camp Honor, du bunker de Jadriya, de la prison de l’aéroport d’al-Muthanna, de la prison de l’aéroport de Bagdad et de la ville de Jurf al-Sakhar (art. 17).

17.Le Comité engage instamment l’État partie à prendre toutes les mesures voulues pour que nul ne soit maintenu en détention secrète. À cet égard, l’État partie doit garantir que toute personne privée de liberté bénéficie en droit comme dans les faits de toutes les garanties juridiques fondamentales prévues par l’article 17 de la Convention, dès le début de sa privation de liberté. L’État partie devrait également :

a) Mener d ’ urgence une enquête indépendante et impartiale sur toutes les allégations de détention secrète, y compris celles liées à l ’ existence de 420 lieux de détention secrets, en veillant à ce que tous ces lieux s oient officiellement identifiés, à ce que toutes les personnes qui y sont privées de leur liberté soient libérées si cette privat ion de liberté n’est pas légale, à ce qu e les parents de ces personnes ou les personnes de leur choix soient immédiatement informés du lieu où elles se trouvent et à ce que les responsables de cette détention secrète soient traduits en justice et condamnés à des peines à la mesure de la gravité de leurs actes ;

b) Fermer tous les lieux de détention secrets ou les convertir en centres de détention ordinaires, enregistrés et surveillés, conformément à la Convention et aux normes internationales pertinentes.

Garanties juridiques fondamentales

18.Le Comité prend note de l’adoption, en 2018, de la loi relative au redressement des détenus provisoires ou condamnés. Cependant, il est préoccupé par les nombreuses allégations de violation des droits des personnes privées de liberté. Selon ces allégations, des personnes soupçonnées de terrorisme et détenues en vertu de la loi fédérale no 13 relative à la lutte contre le terrorisme (2005) ont été arrêtées sans mandat et se voient refuser l’accès à un avocat, y compris pendant les interrogatoires conduits par la police ou d’autres forces de sécurité, et leurs familles ne sont pas informées du lieu où elles se trouvent. Le Comité est également préoccupé par les allégations selon lesquelles, depuis le début des manifestations en octobre 2019, les forces de sécurité et les milices iraquiennes ont privé des milliers de manifestants de leur liberté, la plupart du temps sans mandat, et les ont maintenus en détention au secret. Enfin, le Comité regrette que, comme l’indiquent les informations fournies par la délégation, la pandémie de coronavirus (COVID-19) ait obligé les autorités à suspendre temporairement les visites dans les prisons (art. 17).

19. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que :

a) Se uls des agents habilités par la loi à arrêter et à placer des personnes en détention procèdent à des privations de liberté, et ce, dans le plus strict respect de la loi ;

b) T oute personne privée de liberté, y compris toute personne soupçonnée de terrorisme, ait accès à un avocat dès le début de sa privation de liberté et puisse communiquer sans délai avec ses proches, son conseil ou toute autre personne de son choix et recevoir la visite de ces personnes , et, s ’ il s ’ agit d ’ un e personne étrangère, puisse communiquer avec les autorités consulaires concernées ;

c) Lorsque les visites sont limitées en raison de circonstances telles que la pandémie de COVID-19, les personnes privées de liberté disposent sans délai de moyens de communiquer avec les personnes de leur choix.

Registres des personnes privées de liberté

20.Le Comité prend note du fait qu’il existe de nombreux registres de personnes privées de liberté, mais est préoccupé par le fait que ces registres ne sont pas interconnectés, qu’ils ne comportent pas toutes les informations visées au paragraphe 3 de l’article 17 de la Convention et que les données qui y figurent sont souvent inexactes. Le Comité s’inquiète de ce que ni la législation nationale actuelle ni le projet de loi sur la disparition forcée ne garantissent que toute personne ayant un intérêt légitime puisse avoir accès aux informations énumérées à l’article 18 (par. 1) de la Convention. Cette situation complique considérablement la recherche et la localisation des personnes privées de liberté, les exposant au risque d’être victimes de disparition forcée et causant détresse et souffrance à leurs proches (art. 17, 18, 20 et 22).

21. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour :

a) Consolider les registres de personnes privées de liberté existants en un registre central unique, qui comporte au minimum les informations requises en vertu de l’article 17 (par. 3) de la Convention ;

b) Que tous les cas de privation de liberté soient dûment enregistrés dans ce registre centralisé, et que les informations enregistrées soient systématiquement mises à jour et périodiquement vérifiées ;

c) Garantir que quiconque ayant un intérêt légitime puisse avoir rapidement accès aux informations visées à l’article 18 (par. 1) de la Convention ;

d) Que les actes visés à l’article 22 (al. b) et c)) de la Convention fassent l’objet d’enquêtes et soient punis comme il se doit.

Recherche de personnes disparues et restitution des restes

22.Le Comité accueille avec satisfaction le fait que la loi relative à la protection des fosses communes (loi no 13 de 2015) a été modifiée de manière qu’elle couvre les fosses communes datant d’après 2003. Il reste toutefois préoccupé par le fait que cette loi ne couvre pas les infractions imputées à des agents de l’État. Le Comité est également préoccupé par le peu de progrès accomplis dans la recherche des personnes disparues et l’identification et la restitution de leurs restes, en particulier des personnes enterrées dans des fosses communes, dont le nombre est estimé à 1 million. Il regrette que la Direction des fosses communes ne dispose que de ressources techniques, financières et humaines limitées pour assurer une conservation et une identification adéquates des restes. Le Comité regrette également les difficultés rencontrées par les victimes qui souhaitent participer à la recherche de leurs proches disparus et à l’enquête sur leur disparition (art. 12 et 24).

23. Le Comité engage instamment l ’ État partie à redoubler d ’ efforts pour rechercher, retrouver et libérer toutes les personnes disparues, et, lorsqu ’ une personne est retrouvée sans vie, pour restituer dignement ses restes. Il devrait, en particulier :

a) Veiller à ce que la recherche des personnes disparues se poursuive jusqu’à ce qu’elles aient été retrouvées, et que toute enquête sur leur disparition soit poursuivie jusqu’à ce que la lumière ait été faite sur les faits et que leurs auteurs aient été identifiés ;

b) Établir par la voie législative une procédure claire et efficace qui permette aux proches d’une personne disparue d’avoir accès à toutes les informations liées à la recherche de cette personne et à l’enquête sur sa disparition, et qui leur permette de participer effectivement à la procédure s’ils le souhaitent ;

c) Assurer la coordination, la coopération et l’échange de données entre les autorités chargées de la recherche des personnes disparues et de l’identification des restes des personnes retrouvées sans vie ;

d) Modifier la loi relative à la protection des fosses communes (2015) afin qu’elle vise également les actes commis par des agents de l’État ;

e) Veiller à ce que la Direction des fosses communes dispose des ressources financières, techniques et humaines nécessaires pour s’acquitter de ses fonctions conformément aux normes internationales et aux meilleures pratiques.

Définition de la victime et réparations

24.Le Comité demeure préoccupé par le fait que la définition de la victime inscrite dans la législation nationale n’est pas pleinement conforme à la définition énoncée à l’article 24 (par. 1) de la Convention. En outre, il regrette que l’État partie n’ait pas fourni de renseignements sur les réparations accordées aux victimes de disparition forcée. Le Comité est également préoccupé par le fait qu’en vertu de l’article 10 du Code de procédure pénale, l’indemnisation des victimes de disparition forcée est de la responsabilité de l’auteur et non de l’État (art. 24).

25. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour que :

a) La définition de la victime en droit interne soit conforme à celle énoncée à l’article 24 (par. 1) de la Convention, y compris en ce qui concerne toute personne ayant subi un préjudice direct du fait d ’ une disparition forcée ;

b) Conformément à l’article 24 (par. 4 et 5) de la Convention, la législation nationale prévoie un dispositif de réparation et d’indemnisation complet, dont la responsabilité relève de l’État et qui soit applicable même si aucune procédure pénale n’a été engagée ;

c) Le système de réparation tienne compte de la situation personnelle des victimes, notamment de leur sexe, leur identité de genre, leur âge, leur origine ethnique, leur statut social et leur handicap.

Déclaration d’absence

26.Le Comité est préoccupé par le fait que, selon la législation nationale actuelle, pour régler la situation juridique d’une personne disparue et celle de ses proches, il faut que cette personne soit déclarée décédée par un tribunal, généralement deux ans après que sa disparition a été signalée. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles les proches des membres présumés de l’organisation dite « État islamique d’Iraq et du Levant » disparus n’ont pas accès à cette procédure. Par principe, une personne disparue ne peut être présumée décédée tant que son sort n’a pas été élucidé (art. 24).

27. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour régler, conformément à l’article 24 (par. 6) de la Convention, la situation juridique des personnes disparues, y compris celles soupçonnées d’être membre de l’organisation dite «  État islamique d’Iraq et du L evant  » , ainsi que la situation de leurs proches, pour ce qui touche à la protection sociale, au droit de la famille et aux droits de propriété, sans qu’il soit besoin que la personne disparue soit déclarée présumée décédée. À cet égard, le Comité recommande à l’État partie de prévoir dans sa législation une déclaration d’absence pour cause de disparition forcée.

Rapports entre l’État partie et le Comité dans le cadre de la procédure d’action en urgence du Comité (art. 30)

28.Le Comité rappelle qu’en vertu de l’article 30, une demande d’action en urgence peut lui être soumise par les proches d’une personne disparue, leurs représentants légaux, leurs avocats ou toute personne mandatée par eux, ainsi que par toute autre personne ayant un intérêt légitime, sans qu’il soit besoin d’avoir épuisé les recours internes, à condition que le cas ait été préalablement signalé à l’un quelconque des organes compétents de l’État partie concerné, quand une telle possibilité existe. Le Comité constate qu’actuellement l’Iraq est l’État partie pour lequel le Comité a enregistré le plus grand nombre de demandes d’action en urgence. Il est préoccupé par le fait qu’au moment de l’adoption des présentes observations concernant les renseignements complémentaires soumis, 275 des 492 demandes d’action en urgence enregistrées restent sans réponse malgré des rappels répétés, et que les réponses reçues ne comportent généralement pas de renseignements sur les stratégies adoptées et les mesures prises par les autorités compétentes pour rechercher les personnes disparues et enquêter sur leur disparition (art. 30).

29.Le Comité invite l’État partie à renforcer sa coopération avec lui afin de garantir que toutes les demandes d’action en urgence soient immédiatement traitées et transmises aux autorités chargées des cas qui en sont l’objet, et à faire en sorte que des mesures soient prises immédiatement pour rechercher les personnes disparues et enquêter sur leur disparition et que tout au long de la procédure des renseignements concrets sur les mesures prises et sur l’état d’avancement de l’affaire soient communiqués au Comité.

C.Diffusion et suivi

30.Le Comité tient à rappeler les obligations que les États ont contractées en devenant parties à la Convention et, à cet égard, engage l’État partie à veiller à ce que toutes les mesures qu’il adopte soient pleinement conformes aux obligations qu’il a assumées en devenant partie à la Convention et à d’autres instruments internationaux pertinents. En particulier, le Comité engage instamment l’État partie à garantir que des enquêtes efficaces soient menées sur toutes les disparitions forcées, et que les droits des victimes énoncés dans la Convention soient pleinement respectés.

31.L’État partie est invité à diffuser largement la Convention, les renseignements complémentaires qu’il a soumis en application de l’article 29 (par. 4) de la Convention et les présentes observations, en vue de sensibiliser l’ensemble des autorités publiques, les organisations de la société civile et le grand public.

32.En application de l’article 29 (par. 4) de la Convention, le Comité demande à l’État partie de lui soumettre, au plus tard le 25 novembre 2021, des informations précises et à jour sur la mise en œuvre de chacune des recommandations formulées dans les présentes observations concernant les renseignements complémentaires, en mettant un accent particulier sur a) les progrès accomplis dans l’examen, l’adoption et la mise en œuvre de la législation relative à la disparition forcée ; b) la détention secrète ; c) les réparations accordées aux victimes ; et d) la législation et les pratiques en matière de soustraction d’enfant. L’État partie est également invité à fournir tout autre renseignement qu’il jugera utile concernant l’exécution de ses obligations conventionnelles. Le Comité encourage l’État partie à promouvoir et à faciliter la participation de la société civile, en particulier des organisations de victimes, à la compilation de ces informations.