Observations finales concernant le deuxième rapport périodique de l’Albanie

Additif

Renseignements reçus de l’Albanie au sujet de la suite donnée aux observations finales *

[Date de réception : 13 juillet 2015]

Recommandation 9

L’État partie devrait redoubler d’efforts pour mener à bonne fin l’enquête sur les manifestations de janvier 2011, assurer le respect des normes internationales d’investigation et, à cette fin, traduire les responsables en justice, les punir comme il convient s’ils sont reconnus coupables et accorder une réparation aux victimes.

Le 21 janvier 2011, le ministère public du district judiciaire de Tirana a enregistré la procédure pénale no 285 pour « homicide commis dans d’autres circonstances particulières, en collaboration » et « abus de pouvoir », au sens des alinéas dh) et ë) de l’article 79 et des articles 25 et 248 du Code pénal, contre trois citoyens : N. P., A. A. et A. LL.

Les enquêtes ont été achevées le 20 avril 2012 et l’affaire a été déférée au tribunal.

À l’issue de l’information judiciaire, le ministère public a demandé que :

Le prévenu N. P. soit déclaré coupable d’« homicide commis dans d’autres circonstances particulières mettant en danger la vie d’un grand nombre de personnes », infraction ayant entraîné la mort, au sens des articles 79 ë) et 50 dh) du Code pénal, et qu’il soit condamné à une peine de réclusion criminelle de vingt-trois ans;

Le prévenu A. LL soit déclaré coupable d’« homicide commis dans d’autres circonstances particulières contre deux personnes ou plus », infraction ayant entraîné la mort, et de coups et blessures, au sens des articles 79 dh) et 50 dh) du Code pénal, et qu’il soit condamné à une peine de réclusion criminelle de vingt-cinq ans.

Le tribunal du district judiciaire de Tirana, dans sa décision no 100 rendue le 7 février 2013, a déclaré les trois prévenus susmentionnés non coupables des charges retenues contre eux par le ministère public.

Le ministère public a fait appel de cette décision devant la cour d’appel de Tirana, laquelle, dans sa décision no 793 datée du 18 septembre 2013, a décidé de modifier comme suit la décision no 100 du 7 février 2013 du tribunal du district judiciaire de Tirana :

Déclare le prévenu N. P coupable d’« homicide par négligence » ayant entraîné la mort d’un citoyen (F. M.), au sens de l’article 85 du Code pénal, et, en vertu de cette disposition du Code, le condamne à un an d’emprisonnement;

Déclare le prévenu A. LL coupable d’« homicide par négligence » ayant entraîné la mort du citoyen, Z. V., au sens de l’article 85 du Code pénal, et, en vertu de cette disposition, le condamne à trois ans d’emprisonnement.

Le ministère public a saisi la cour d’appel d’un recours, qui est encore en instance devant cette juridiction.

Selon les renseignements communiqués par le Bureau du Procureur général, certains éléments de l’affaire no 285 de 2011 font encore l’objet d’une enquête en vue d’identifier les responsables du décès du citoyen A. N. et des blessures infligées à A. D., I. Q., I. P. et de déterminer leur responsabilité pénale pour ces actes.

Cette enquête suit son cours et elle est suivie de près par le ministère public du district judiciaire de Tirana, qui en assure le contrôle en délivrant des mandats et en procédant aux analyses nécessaires avec la police d’État.

S’agissant des enquêtes sur les actes arbitraires commis par les services de police, le 15 février 2011, le ministère public du district judiciaire de Tirana a enregistré la procédure pénale no 286/1 de 2011, ouverte sur la base des plaintes déposées par plusieurs citoyens qui avaient pris part à la manifestation du 21 janvier 2011. Cette procédure pénale a donné lieu à de nombreuses enquêtes visant à identifier et inculper les policiers qui se seraient rendus coupables d’actes arbitraires contre ces personnes. Toutefois, en raison de sa complexité, cette affaire nécessite encore un grand nombre d’enquêtes et n’a pas encore pu être jugée.

En tout état de cause, dans le souci de respecter les garanties de procédure et de préserver l’indépendance des enquêtes, toutes les mesures sont prises pour que ces enquêtes soient suivies par les procureurs et les officiers de police judiciaire de la section des poursuites. De leur côté, les structures de la police (comme par exemple le personnel du Service de vérification interne du Ministère de l’intérieur) s’efforcent de recueillir et de transmettre des informations au stade des enquêtes et pendant la procédure judiciaire.

Un certain nombre de points obscurs relevés dans les enquêtes conduites par le ministère public du district judiciaire de Tirana à propos de l’affaire no 286/1 de 2011 ont conduit la Direction générale des enquêtes, des poursuites et de la lutte contre la délinquance juvénile et d’autres infractions, qui relève du Bureau du Procureur général, à procéder à une analyse de la situation avec la participation du groupe de procureurs chargés de suivre les enquêtes. Cette analyse a démontré la nécessité de procéder à des enquêtes complémentaires approfondies, objectives et minutieuses.

Les mesures demandées par la Direction générale des enquêtes, des poursuites et de la lutte contre la délinquance juvénile et d’autres infractions et par le ministère public sont actuellement mises en place, de même que d’autres mesures nécessitées par le déroulement de la procédure judiciaire.

Eu égard aux accusations de violation par la police d’État des droits de l’homme des personnes sous escorte, arrêtées/placées en garde à vue dans les locaux de la police, dans le contexte des événements du 21 janvier, la Direction générale de la police d’État a entrepris d’inspecter l’ensemble des structures de la police du district de Tirana et de passer en revue les actes commis par des policiers dans ce district, afin de pouvoir recenser les violations commises avant, pendant et après la manifestation organisée ce jour-là.

Recommandation 13

L’État partie devrait veiller à la bonne application des procédures de présélection à la frontière et à l’intérieur du pays pour s’assurer que toutes les personnes ayant besoin d’une protection internationale sont bien identifiées et orientées vers la procédure d’asile, qu’elles soient entrées dans le pays de manière irrégulière ou non. Il devrait s’abstenir de placer des demandeurs d’asile en détention en raison de la manière dont ils sont entrés dans le pays. Il devrait en outre améliorer les conditions de vie dans les lieux d’accueil et de transit.

Les questions abordées dans cette recommandation sont traitées au chapitre VI de la loi no 108/2013 sur les étrangers intitulé « Éloignement et expulsion d’un étranger ».

Quelques-uns des principaux aspects de la loi se rapportant à cette question sont exposés dans les paragraphes.

Les dispositions relatives à l’adoption de mesures d’éloignement d’étrangers sont pleinement alignées sur celles de la législation de l’Union européenne et viennent combler le vide qui existait en la matière, s’agissant des mesures d’éloignement ou d’interdiction de retour qui y sont associées.

Ces nouvelles dispositions précisent clairement les conditions dans lesquelles une mesure d’éloignement peut être adoptée et les délais dans lesquels elle doit être appliquée, selon les cas. La loi précise en outre la durée de l’interdiction de retour, qui accompagne la mesure d’éloignement, et fixe de manière détaillée les délais impartis à l’intéressé pour quitter le territoire.

L’éloignement forcé, en tant que forme d’expulsion d’un étranger, est décidée sur la base du principe de l’évaluation au cas par cas des catégories qui sont énumérées dans la loi sur les étrangers. La formule du départ volontaire est privilégiée.

Les dispositions relatives à l’expulsion ont été rédigées en pleine conformité avec l’acquis communautaire, conformément à une recommandation d’experts de l’Union européenne. En l’occurrence, le Département des frontières et des migrations n’est plus habilité à expulser un étranger.

Dans le cadre de la procédure d’éloignement des étrangers, la loi prévoit une série de mesures de substitution (cf. art. 115 « mesures provisoires »). Ces mesures reposent sur les recommandations formulées par les experts de l’Union européenne, en pleine conformité avec l’acquis communautaire et avec les législations les plus exemplaires de pays de l’Union européenne.

La rétention dans un centre fermé est définie comme une mesure qui doit être appliquée en dernier recours aux étrangers faisant l’objet d’une procédure d’éloignement du territoire, dans des cas bien précis et, en tout état de cause, après évaluation individuelle de leur situation.

La loi prévoit la possibilité de modifier la durée du placement en rétention, qui ne peut en aucun cas dépasser six mois. Elle définit clairement les modalités de prolongation de ce délai. Elle décrit les cas dans lesquels il doit être mis fin à cette mesure.

Les dispositions relatives à la rétention en centre fermé et aux mesures de substitution sont pleinement conformes à l’acquis communautaire, et garantissent le respect des droits de l’homme des étrangers privés de leur liberté.

En outre, les dispositions relatives à la rétention de mineurs dans le centre fermé ont été rédigées en pleine conformité avec l’acquis communautaire.

Observations du Ministère de l’intérieur concernant certaines dispositions de la loi no 108/2013 « sur les étrangers » relatives à la « rétention en centre fermé » (chap. VI, sect. V) et la manière dont elles sont appliquées.

L’article  120 de la loi susmentionnée prévoit la création d’un centre de rétention qui est décrit comme suit :

Un bâtiment administratif offrant un certain degré de sécurité et de restriction de liberté, exclusivement affecté aux étrangers qui font l’objet d’une mesure d’éloignement du territoire de la République d’Albanie;

Les conditions de la rétention doivent satisfaire aux normes applicables à un traitement humain, permettre la fourniture de soins médicaux et respecter les droits fondamentaux des personnes.

Si un étranger est détenu dans un centre fermé, l’autorité compétente en matière de contrôle des frontières et de migrations prend immédiatement, à la demande de ce dernier, des mesures pour venir en aide aux membres de sa famille privés de soutien et d’assistance.

L’article  121 décrit comme suit les conditions de la rétention en centre fermé :

Le placement dans un centre fermé est une mesure administrative définitive, adoptée et exécutée par l’autorité régionale responsable du traitement des étrangers, à l’égard d’un étranger qui a fait l’objet d’une décision d’éloignement, sur la base d’une évaluation individuelle de son cas, après épuisement de toutes les mesures possibles de substitution, ou si cette évaluation révèle que ces mesures de substitution ne sont pas applicables à cette personne ou s’il s’agit d’un étranger couvert par un accord de réadmission en vigueur dans la République d’Albanie, à la seule fin de garantir les conditions de son retour/de son rapatriement;

L’étranger est placé dans un centre fermé, spécialement conçu à cet effet, pour une durée aussi brève que possible, en attendant l’issue de la procédure judiciaire qui autorise son départ de la République d’Albanie, dans les conditions prévues par la loi;

Le séjour de l’étranger dans ce centre ne peut excéder une durée de six mois;

Sur proposition de la direction du centre fermé, l’autorité compétente en matière de contrôle des frontières et de migrations peut, si l’éloignement de l’étranger n’a pas pu intervenir pendant la première période de six mois, prolonger la détention de l’étranger dans le centre pour une nouvelle durée de six mois;

L’étranger est informé par écrit, dans une langue qu’il connaît ou au minimum en anglais, de la mesure de rétention dans un centre fermé dont il fait l’objet, des raisons qui justifient cette mesure, de la durée maximale pendant laquelle elle peut s’appliquer, de son droit à l’assistance d’un défenseur de son choix ou d’un avocat commis d’office et de son droit d’entrer en contact avec sa famille.

Il est précisé au paragraphe 4 de l’article  123 que, pendant la durée de la rétention, les autorités compétentes en matière de contrôle des frontières et de migrations, en collaboration avec la direction du centre, s’assurent de la nécessité du maintien de l’étranger dans le centre et, en fonction de l ’ évaluation de la situation, elles peuvent décider de remplacer sa rétention par des mesures temporaires appropriées, définies par la loi.

L’article  125 « Rétention de mineurs non accompagnés » énonce les droits des mineurs placés, à titre exceptionnel, dans un centre social public spécialement créé à cet effet, ou dans un autre centre, dans le cadre de la coopération avec des organisations internationales qui effectuent des missions pour venir en aide aux enfants victimes de la traite d’êtres humains ou d’autres catégories de personnes en difficulté :

Un mineur peut être placé en rétention dans un centre fermé, pour la simple raison que cette mesure est dans son intérêt supérieur ou celui de sa famille, et il doit être séparé des adultes;

Le placement d’un mineur dans un centre fermé, n’intervient qu’après consultation d’un travailleur social et d’un psychologue;

En cas de doute quant à l’âge de l’étranger placé en garde à vue, l’autorité compétente en matière de contrôle des frontières et de migrations peut demander aux autorités gouvernementales spécialisées de soumettre ce dernier à un test ADN, dans l’unique but de déterminer son âge. Si après vérification et consultation d’experts, des doutes subsistent quant à son âge, il doit être présumé mineur.

Conformément à la recommandation du Comité, le Département des frontières et des migrations, autorité compétente en matière d’immigration irrégulière, a organisé, en 2013, en coopération avec le Bureau national du HCR à Tirana, une formation complémentaire dispensée à quelque 120 gardes-frontière.

Ces cours portaient essentiellement sur les dispositions de la nouvelle loi sur les étrangers (no 108/2013) relatives à l’éloignement, à l’expulsion et à la rétention des étrangers, à leurs droits, etc. et visaient à actualiser les connaissances des personnels concernés en matière de procédure applicable à la pré-évaluation et à la conduite d’entretiens avec des immigrants clandestins appréhendés à la frontière ou sur le territoire.

S’agissant de la procédure de sélection (pré-évaluation), l’accent a été mis sur l’importance que les agents de la police des frontières et des migrations doivent accorder à l’information dispensée aux étrangers au sujet des droits que leur confère la législation nationale relative aux étrangers ou à l’asile.

Cette formation a mis en évidence la nécessité de reconnaître les personnes ayant besoin d’une protection internationale, en particulier parmi les étrangers arrivant de pays en situation de guerre ou de conflit et quelque 200 manuels portant sur les « droits à la protection internationale » ont été distribués aux services des frontières et migrations. Dans le prolongement de cette initiative, le Bureau du HCR à Tirana distribuera cette année environ 200 manuels consacrés à la question « du déplacement de mineurs non accompagnés ».

En Albanie, les demandeurs d’asile ne sont pas placés en rétention en centre fermé mais, à l’issue de la procédure de pré-évaluation, s’ils sont considérés comme demandeurs d’asile conformément aux procédures appliquées par la police des frontières et des migrations, ils sont remis aux autorités compétentes pour la gestion des demandes d’asile.

À titre d’exemple de mesure légitime que peut adopter la police des frontières et des migrations, on peut citer le cas d’une famille palestinienne de 4 personnes (2 parents et 2 enfants) ayant entamé une procédure de demande d’asile en Albanie qui, au début de février 2014, a été appréhendée par la police des frontières albanaise alors qu’elle tentait de traverser illégalement la frontière albano-grecque.

Se référant aux dispositions prévues dans la loi no 108/2013 sur les étrangers, le Département des frontières et des migrations, après examen de l’affaire, a remplacé la mesure de rétention dans le centre fermé par une mesure de substitution, dans l’intérêt supérieur de la famille (cette famille a bénéficié de l’assistance de l’ambassade de Palestine à Tirana).

Les conditions de vie dans les centres de transit sont au centre de l’attention de la Direction de la police des frontières et des migrations et des travaux d’amélioration de leurs infrastructures ont été entrepris grâce à un financement par le budget de l’État mais aussi par des dons provenant de l’étranger et à une assistance logistique fournie par les organisations internationales.

En outre, conformément à la loi no 108/2013 sur les étrangers, le Département des frontières et des migrations a élaboré un projet de document d’orientation concernant les procédures applicables au traitement des étrangers qui ne remplissent pas ou ne remplissent plus les conditions requises pour entrer, séjourner ou résider sur le territoire de la République d’Albanie, destiné à améliorer les procédures en vigueur, de façon à mieux répondre aux obligations découlant des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en définissant clairement les tâches et les activités des différents services responsables du traitement des étrangers en situation irrégulière, les possibilités de collaboration entre eux, leurs domaines de responsabilité, etc.