Nations Unies

CCPR/C/ALB/CO/2

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

22 août 2013

Français

Original: anglais

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le deuxième rapport périodique de l’Albanie *

Le Comité des droits de l’homme a examiné le deuxième rapport périodique de l’Albanie (CCPR/C/ALB/2) à ses 2990e et 2991e séances (CCPR/C/SR.2990 et 2991), les 15 et 16 juillet 2013. À sa 3003e séance (CCPR/C/SR.3003), le 24 juillet 2013, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction la soumission du deuxième rapport périodique de l’Albanie et les renseignements qu’il contient. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer le dialogue constructif avec la délégation de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte. Le Comité remercie l’État partie des réponses écrites (CCPR/ALB/Q/2/Add.1) qu’il a apportées à la liste des points à traiter, qui ont été complétées oralement par la délégation, et des renseignements supplémentaires fournis par écrit.

B.Aspects positifs

Le Comité prend note de l’adoption des mesures législatives suivantes:

a)La loi sur la protection des enfants, en 2010;

b)La loi sur la protection contre la discrimination, en 2010, et les modifications apportées en 2013 au Code pénal, qui ont étendu la protection contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle;

c)La loi relative à l’égalité des sexes dans la société, en 2008;

d)La loi portant mesures de lutte contre les violences familiales, en 2006.

Le Comité relève avec satisfaction que l’État partie a ratifié tous les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme ou y a adhéré, et qu’il a ratifié, à quelques exceptions près, les protocoles facultatifs s’y rapportant ou y a adhéré.

Le Comité accueille également avec satisfaction les mesures institutionnelles et les mesures de politique générale suivantes:

a)La Stratégie nationale en faveur de l’égalité des sexes et de la réduction de la violence sexiste et de la violence au foyer 2011-2015, adoptée en 2011;

b)La Stratégie nationale de lutte contre la traite des enfants et de protection des enfants victimes de la traite, adoptée en 2008;

c)La Stratégie nationale pour l’amélioration des conditions de vie des Roms et la Décennie pour l’intégration des Roms (2010-2015).

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité note avec préoccupation que les ressources humaines et financières allouées au bureau de l’Avocat du peuple sont limitées, que la répartition des tâches entre le bureau de l’Avocat du peuple et le bureau du Commissaire à la protection contre la discrimination n’est pas clairement définie et que le suivi et la mise en œuvre des recommandations de l’Avocat du peuple sont limités (art. 2).

L’État partie devrait fournir au bureau de l’Avocat du peuple les ressources financières et humaines nécessaires pour qu’il puisse s’acquitter de son mandat efficacement et en toute indépendance, conformément aux Principes de Paris (résolution 48/134, annexe). Il devrait en outre garantir une meilleure coordination entre les deux institutions afin d’éviter les chevauchements d’activités, et accroître ses efforts pour donner effet avec diligence et sans délai aux recommandations de l’Avocat du peuple.

Le Comité relève avec satisfaction la représentation accrue des femmes dans l’administration publique, mais il constate qu’elles restent sous-représentées au Parlement. À ce sujet, il est particulièrement préoccupé par l’attitude qui prévaut au sein des partis politiques, qui sont peu enclins à se conformer à la règle fixant un quota de 30 % de femmes sur les listes électorales. Le Comité est préoccupé par l’absence de renseignements sur les plaintes dénonçant l’écart salarial entre hommes et femmes alors que cette réalité est mise en évidence par de nombreuses sources, la méconnaissance du principe de l’égalité de salaire entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale, et le contrôle limité exercé par l’Inspection du travail (art. 2, 3 et 26).

L’État partie devrait:

a) Intensifier ses efforts pour parvenir à une représentation équitable des femmes au Parlement et aux plus hauts niveaux du Gouvernement, de l’appareil judiciaire et de la fonction publique, notamment en appliquant des mesures temporaires spéciales. À cette fin, l’État partie est vivement engagé à prendre des mesures concrètes afin que les dispositions visant à assurer une représentation équitable des femm es au Parlement soient effectivement appliquées ;

b) Veiller à ce que l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale soit assurée aux femmes, conformément aux dispositions du Code du travail, et à cette fin renforcer les mesures d’inspection du travail, ainsi que déterminer les causes de l’application insuffisante de la législation, notamment la méconnaissance des textes, les attitudes qui prévalent dans la société et les obstacles à l’accès à la justice pour les femmes concernées, et rechercher des solutions concrètes.

Le Comité relève avec satisfaction les diverses mesures d’ordre législatif et institutionnel prises pour protéger les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT), mais il s’inquiète des stéréotypes et des préjugés qui prévalent à l’égard de ces personnes. À ce sujet, il note avec une préoccupation particulière les propos négatifs tenus par de hauts fonctionnaires contre les personnes LGBT (art. 2 et 26).

L’État partie devrait accroître ses efforts pour lutter contre les stéréotypes et les préjugés à l’égard des personnes LGBT, notamment en lançant une campagne de sensibilisation du grand public et en dispensant une formation appropriée aux fonctionnaires, en vue de mettre fin à la stigmatisation sociale de ces personnes. Il devrait enquêter sur les allégations de déclarations discriminatoires à l’égard des personnes LGBT faites par de hauts fonctionnaires et prendre des mesures appropriées pour empêcher que cela ne se reproduise.

Le Comité est préoccupé par le fait que les enquêtes sur les allégations dénonçant des violations des droits de l’homme commises pendant les manifestations de janvier 2011, notamment la mort de quatre civils et des brutalités policières contre les manifestants, ne sont toujours pas achevées et que les victimes n’ont bénéficié d’aucune réparation (art. 2, 6 et 7).

L’État partie devrait redoubler d’efforts pour mener à bonne fin l’enquête sur les manifestations de janvier 2011, assurer le respect des normes internationales d’investigation et, à cette fin, traduire les responsables en justice, les punir comme il convient s’ils sont reconnus coupables et accorder une réparation aux victimes.

Le Comité accueille favorablement les informations communiquées par l’État partie au sujet de l’introduction dans le Code pénal de peines plus sévères dans le cas des meurtres commis au nom de la vengeance pour crimes de sang. Il demeure toutefois préoccupé par la persistance de cette coutume, ainsi que par les informations faisant état d’une application insuffisante de la loi, de l’inefficacité des enquêtes de police menées sur ces affaires et du faible nombre de condamnations. Il s’inquiète en particulier de la situation difficile, notamment pour les enfants, des familles qui vivent enfermées chez elles par peur des représailles (art. 2, 6, 12 et 24).

L’État partie devrait prendre des mesures plus efficaces pour combler l’écart entre la loi et la pratique. Il devrait enquêter avec diligence sur toutes les affaires de meurtres commis au nom de la vengeance pour crimes de sang, traduire les responsables en justice, les punir de manière appropriée s’ils sont reconnus coupables et veiller à ce que les victimes bénéficient d’une réparation adaptée. L’État partie devrait s’occuper davantage d’identifier les familles qui vivent enfermées chez elles en raison de cette coutume et répondre à leurs besoins, en particulier à ceux des enfants.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir introduit dans le Code pénal l’incrimination de violence au foyer et de viol conjugal, mais il constate avec regret que des cas de violences à l’égard des femmes et des enfants, notamment de châtiments corporels, continuent d’être signalés. Il est particulièrement préoccupé par les renseignements montrant l’inefficacité des enquêtes de police sur les plaintes pour violence au foyer, qui aboutit à une impunité de fait pour les auteurs. Le Comité est également préoccupé par la rareté des condamnations et par le manque de suivi de l’application des ordonnances de protection, qui rend celles-ci dans une large mesure inefficaces. Enfin, il est préoccupé par le nombre insuffisant de refuges pour les victimes de violence au foyer (art. 3, 7 et 24).

L’État partie devrait:

a) Adopter un mode d’approche global pour prévenir et combattre toutes les formes et manifestations de violence à l’égard des femmes et des enfants;

b) Intensifier les actions de sensibilisation à l’intention de la police, des membres de l’appareil judiciaire, des procureurs, des représentants des communautés, des femmes et des hommes, expliquant l’ampleur de la violence au foyer et ses effets préjudiciables sur la vie des victimes;

c) Encourager l’application de formes non violentes de discipline à la place des châtiments corporels;

d) Faire le nécessaire pour que les affaires de violence au foyer donnent lieu à des enquêtes de police approfondies, que les auteurs soient poursuivis et dûment punis s’ils sont reconnus coupables et que les victimes bénéficient d’une réparation appropriée;

e) Prendre des mesures permettant de suivre le respect des ordonnances de protection prises pour assurer la sécurité des victimes et veiller à ce que des sanctions soient appliquées en cas de non-respect de ces ordonnances;

f) Veiller à ce que des refuges soient disponibles en nombre suffisant et soient dotés de ressources appropriées. À cet effet, l’État partie est encouragé à accroître l’aide financière accordée aux refuges privés , comme il en a exprimé l ’intention pendant le dialogue .

Le Comité apprécie certes l’inclusion dans le Code pénal des articles 86 et 87, qui érigent en infraction pénale les actes de torture et les mauvais traitements, mais il est préoccupé par le grand nombre de plaintes faisant état de mauvais traitements que des membres des forces de l’ordre auraient fait subir à des personnes privées de leur liberté, notamment des Roms détenus dans le cadre de l’expulsion forcée de leur domicile en 2012. Le Comité est également préoccupé par le manque de renseignements sur la jurisprudence relative à l’article 86 et par les informations selon lesquelles les enquêtes sur ces infractions déboucheraient rarement sur la condamnation de leurs auteurs et l’indemnisation des victimes (art. 2, 7 et 10).

L’État partie devrait veiller à faire appli quer strictement l’interdiction de la torture et des mauvais traitements. À ce sujet, i l devrait également veiller à ce que les membres des forces de l’ordre reçoivent une formation à la réalisation d’ enquêtes sur la torture et les mauvais traitements, en intégrant le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) dans tous les programmes de formation s’adressant à ces agents. L’État partie devrait faire en sorte que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements fassent l’objet d’enquêtes efficaces, que les auteurs présumés soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, s oi ent condamnés à des peines en rapport avec la gravité de l’infraction, et que les victimes soient co rrect ement indemnisées.

Le Comité est préoccupé de ce que la détention automatique avant expulsion de toutes les personnes entrées irrégulièrement dans le pays, mineurs compris, et le fait que les demandeurs d’asile parmi ces personnes ne sont pas suffisamment informés ni orientés vers la procédure d’asile, exposent des personnes qui ont besoin d’une protection internationale à un grand risque de refoulement. Il est aussi préoccupé par les mauvaises conditions de vie dans les lieux d’accueil et de transit des demandeurs d’asile et des réfugiés (art. 6, 7, 9 et 10).

L’État partie devrait veiller à la bonne application des procédures de présélection à la frontière et à l’intérieur du pays pour s’assurer que toutes les personnes ayant besoin d’une protection internationale sont bien identifiées et orientées vers la procédure d’asile, qu’elles soient entrées dans le pays de manière irrégulière ou non. Il devrait s’abstenir de placer des demandeurs d’asile en détention en raison de la manière dont ils sont entrés dans le pays. Il devrait en outre améliorer les conditions de vie dans les lieux d’accueil et de transit.

Le Comité prend note des informations données par l’État partie qui montrent que celui-ci n’est plus considéré comme un pays de transit pour la traite, mais il est préoccupé par le fait que l’État partie demeure un pays d’origine, s’agissant essentiellement de la traite des femmes et des enfants (art. 3, 8 et 24).

L’État partie devrait renforcer les mesures de prévention et de répression de la traite des personnes existantes . Il devrait en particulier continuer d’identifier les victimes de la traite et prendre les mesures propres à assurer qu’une assistance médicale, psychologique, sociale et juridique est apportée aux victimes de la traite. Une protection doit être assuré e à tous les témoins et victimes de la traite afin qu’ils puissent disposer d’un lieu où se réfugier et de la possibilité de témoigner contre les responsables de ces actes. L’État partie devrait également consacrer des ressources suffisantes aux enquêtes sur les affaires de traite des personnes, en identifiant les responsables, en les poursuivant et en leur imposant des sanctions en rapport avec leurs actes.

Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de mauvais traitements que des enfants en conflit avec la loi subiraient dans les postes de police après leur arrestation. Il s’inquiète également du manque: a) de chambres de justice spéciales pour délinquants juvéniles dotées de juges spécialisés; b) de programmes à long terme de réinsertion de ces enfants; et c) d’équipements éducatifs pour les enfants condamnés (art. 7, 9, 10 et 24).

L’État partie devrait procéder à des enquêtes diligent es sur toutes les allégations de mauvais traitements subis par des enfants dans les postes de police. Il devrait réformer son système de justice pour mineurs en: a) créant des cham bres de justice pour mineurs constitu ées de juges formés à cet effet; b) mettant en place des programmes à long terme de réinsertion en vue de faciliter l’intégration sociale de ces en fants après leur libération; c) veillant à ce que des peines de prison ne soient imposées à ces enfants qu’en dernier recours et à ce que des équipements éducatifs soient prévus à l’intention des enfants incarcérés.

Le Comité est préoccupé par les conditions de détention inhumaines dans les lieux de détention, notamment le surpeuplement et les mauvaises conditions d’hygiène. Le Comité est tout particulièrement préoccupé par les informations selon lesquelles même les établissements nouvellement créés ne répondent pas aux normes internationales (art. 10).

Le Comité réitère les préoccupations qu’il a précédemment exprimées au sujet des conditions de détention inhumaines (CCPR/CO/82/ALB, par. 16) et e ngag e instamment l’État partie à améliorer les conditions de détention des p révenu s et des condamné s. Il devrait aussi faire en sorte que les nouveaux établissements répondent aux normes internationales, en consacrant des ressources suffisantes à leur construction et leur fonctionnement.

Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que les cas de détention arbitraire seraient nombreux, que des entraves seraient fréquemment mises à l’accès à un avocat pour les personnes qui viennent d’être arrêtées et que les décisions de libération des personnes arrêtées par la police donneraient parfois lieu au versement de pots-de-vin. Le Comité s’inquiète également du retard excessif avec lequel les tribunaux statuent dans les affaires pénales, de la non-communication en temps voulu de l’argumentation qui sous‑tend les décisions de justice en première instance, ce qui compromet la possibilité pour la partie lésée de faire appel, des cas fréquents d’audience à huis clos et des cas fréquents de transfert tardif des dossiers à la cour d’appel. Le Comité est en outre préoccupé par l’inefficacité de l’aide juridictionnelle assurée gratuitement aux personnes dans le besoin (art. 9 et 14).

L’État partie devrait garanti r le plein respec t des dispositions de l’article  9 du Pacte. À cette fin, il devrait:

a) Prendre des mesures pour éviter les cas de privation arbitraire de liberté, et veiller à ce que les victimes de détention arbitraire reçoivent une indemnisation appropriée;

b) Garantir l’accès immédiat à un avocat en cas d’arrestation, et lutter contre la corruption.

L’État partie devrait respecter le droit à un procès équitable conformément à l’article 14 du Pacte. À cette fin, il devrait:

a) Améliorer d’urgence le fonctionnement du système judiciaire, notamment en augmentant le nombre des magistrats dotés des qualifications et de la formation professionnelle requises et en formant les juges et autres p ersonnel s des tribunaux aux techniques de gestion efficaces des affaires;

b) Veiller à ce qu’une indemnisation appropriée soit accordée en cas de procédure prolongée ;

c) Assurer la disponibilité effective d’une aide juridictionnelle gratuite chaque fois que l’intérêt de la justice l’exige .

Le Comité s’inquiète des informations faisant état d’une corruption généralisée au sein du corps judiciaire. Le Comité est préoccupé par le fait que le processus de sélection des juges, en particulier aux échelons les plus élevés de la magistrature, est fortement politisé et excessivement long (art. 14).

L’État partie devrait redoubler d’efforts pour réformer la magistrature, y compris le Conseil de justice, et garantir que la sélection des juges soit fondée sur les critères de compétence et d’indépendance. Il devrait mener une lutte rigoureuse contre la corruption, y compris en mettant en place des procédures qui permett e nt de démettre les juges corrompus de leurs fonctions sur décision d’ un organe indépendant et de prendre contre eux des sanctions appropriées .

Le Comité est préoccupé par les informations faisant état d’actes de harcèlement et d’agressions contre des journalistes qui faisaient simplement leur travail, et de procès intentés à des organisations de médias à des fins d’intimidation (art. 19).

Rappelant son Observation générale n o  34 (2011) sur la liberté d’opinion et la liberté d’expression et ses précédentes observations finales (CCPR/CO/82/ALB, par. 19), le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures propres à garantir sans réserve le droit à la liberté d’opinion et d’expression sous toutes ses formes. L’État partie devrait également procéder à des enquêtes efficaces sur les informations faisant état d’agressions ou de faits de violence perpétrés contre des journalistes et traduire en justice les auteurs de ces actes. Il devrait aussi empêcher que des procès soient intentés à des organisations de médias à des fins d’intimidation et ne pas recourir à cette pratique.

Le Comité est préoccupé par les informations faisant état d’un manque de coopération entre l’État partie et les autorités grecques en vue de déterminer ce qu’il est advenu de 502 enfants des rues roms originaires d’Albanie, portés disparus après avoir été arrêtés par la police grecque pour mendicité et qui auraient été placés dans une institution pour enfants en Grèce entre 1998 et 2002 (art. 24).

L’État partie devrait redoubler d’efforts dans ses contacts avec les autorités grecques en vue d’établir la vérité sur ces disparitions d’enfants et de déterminer ce qu’il est advenu d’eux. Ce faisant, il devrait associer l’Avocat du peuple et les organisations de la société civile concernées.

Le Comité apprécie certes les mesures prises pour réduire le nombre d’enfants placés dans des institutions d’État, mais il est toujours préoccupé par le fait que des parents, notamment des personnes vivant dans la pauvreté, continuent d’envoyer leurs enfants en institution. Le Comité s’inquiète de ce que les conditions de vie dans ces institutions sont mauvaises, que certains enfants y feraient l’objet de sévices sexuels, que d’autres seraient contraints à la mendicité, et que de nombreux enfants deviendraient des sans-abri une fois qu’ils ont quitté l’institution (art. 23 et 24).

L’État partie devrait adopter une approche globale en ce qui concerne la situation des enfants placés en institution et, à cette fin:

a) Définir une politique de la famille, en coopération étroite avec l’Office public de protection des droits des enfants, en vue de mieux aider les familles pauvres et d’empêcher le placement des enfants en institution;

b) Renforcer les mesures visant à encourager le placement des enfants dans un milieu familial de substitution;

c) Assurer un suivi régulier de toutes les institutions d’accueil des enfants et y améliorer les conditions de vie, également par l’affectation de ressources suffisantes;

d) Assurer une offre de services sociaux à tous les enfants qui en ont besoin et les protéger de toutes les formes d’exploitation. Ce faisant, l’État partie devrait enquêter sur les allégations de violences sexuelles et de violences économiques, traduire en justice les auteurs de tels faits et réinsérer les enfants victimes;

e) Augmenter les possibilités d’instruction, y compris de formation professionnelle, pour les enfants privés de milieu familial, afin de les préparer à la vie d’adulte et d’empêcher qu’ils deviennent des sans-abri.

Le Comité est préoccupé par l’existence de lois discriminatoires à l’égard des personnes handicapées. Il s’inquiète également de ce que ces personnes se trouvent souvent dans une situation économique précaire, aggravée par les retards dans le versement des indemnités de handicap, et des informations selon lesquelles les besoins des personnes handicapées ne seraient pas pris en compte dans les lieux de détention. Le Comité est particulièrement préoccupé par la restriction juridique de l’exercice du droit de vote par des personnes handicapées (art. 2, 10, 25 et 26).

L’État partie devrait abroger ou modifier tous les textes de loi discriminatoires à l’égard des personnes handicapées, c’est-à-dire les modifications apportées en 2012 aux lois sur la condition des aveugles et sur la condition des paraplégiques et tétraplégiques. Il devrait réviser sa législation de façon qu’elle ne fasse pas de discrimination à l’égard de personnes mentalement, intellectuellement ou psychologiquement handicapées en leur déniant le droit de vote pour des motifs qui sont disproportionnés ou n’ont aucun rapport raisonnable ou objectif avec leur aptitude à voter. L’État partie devrait toujours assurer le paiement intégral et en temps voulu des indemnités de handicap et formuler et mettre en œuvre des politiques propres à améliorer la situation économique des personnes handicapées.

Le Comité s’inquiète de ce qu’en dépit de l’adoption de la Stratégie nationale pour les Roms et de la Décennie de l’inclusion des Roms (2010‑2015), la minorité rom continue de subir des discriminations dans l’accès au logement, à l’emploi, à l’éducation et aux services sociaux et dans la participation à la vie politique (art. 2, 25, 26 et 27).

L’État partie devrait, en consultation avec l’Avocat du peuple, le Commissaire à la protection contre les discriminations, les organisations de la société civile et la communauté rom, prendre immédiatement des mesures pour:

a) Assurer la mise en œuvre effective de la Stratégie nationale pour les Roms et de la Décennie de l’inclusion des Roms (2010 à 2015), en réservant et allouant des ressources suffisantes à cet effet et en établissant le lien nécessaire entre tous les programmes concernant les Roms;

b) Inclure les communautés roms dans l es programmes de logement et, à  titre prioritaire, fournir aux personnes expulsées de force de leur domicile en 2012 un logement adéquat et permanent;

c) Donner suite aux recommandations de l ’Avocat du peuple concernant la  minorité rom, en particulier celles qui portent sur l’éducation des enfants roms ;

d) S’abstenir de bloquer l’accès des Roms aux moyens de subsistance existants et leur faciliter l’ accès à un large éventail de possibilités d’emploi, y compris en renforçant les mesures spéciales temporaires dans le secteur public, en étendant ces mesures et en proposant à ces personnes une formation professionnelle;

e) Faire en sorte que tous les Roms aient une carte d’identité afin de faciliter l’exercice de leur droit de vote.

L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, des deux Protocoles facultatifs s’y rapportant, du deuxième rapport périodique, des réponses écrites à la liste des points à traiter établie par le Comité et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu’auprès du grand public. Le Comité suggère également que le rapport et les observations finales soient traduits dans les langues officielles de l’État partie. Il demande en outre à l’État partie d’engager de larges consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales lorsqu’il élaborera son troisième rapport périodique.

Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 9 et 13.

Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique, qui devra lui parvenir d’ici au 26 juillet 2018, des renseignements précis et à jour sur la suite qu’il aura donnée aux autres recommandations et sur l’application du Pacte dans son ensemble.