Comité des droits de l’homme
Communication no 2177/2012
Constatations adoptées par le Comité à sa 110e session (10‑28 mars 2014)
Communication présentée par: |
Dexter Eddie Johnson (représenté par le Death Penalty Project) |
Au nom de: |
L’auteur |
État partie: |
Ghana |
Date de la communication: |
18 juillet 2012 (date de la lettre initiale) |
Références: |
Décision prise par le Rapporteur spécial en application des articles 92 et 97 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 19 juillet 2012 (non publiée sous forme de document) |
Date de l’adoption de s constatations: |
27 mars 2014 |
Objet: |
Peine de mort obligatoire |
Question ( s ) de fond: |
Droit à la vie; interdiction des peines ou traitements inhumains ou dégradants;droit à un procès équitable |
Question ( s ) de procédure: |
Néant |
Article s du Pacte: |
6 (par. 1), 7 et 14 (par. 1 et 5) |
Article du Protocole facultatif: |
2 |
Annexe
Constatations du Comité des droits de l’homme au titredu paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatifse rapportant au Pacte international relatif aux droitscivils et politiques (110e session)
concernant la
Communication no 2177/2012 *
Présentée par: |
Dexter Eddie Johnson(représenté par le Death Penalty Project) |
Au nom de: |
L’auteur |
État partie: |
Ghana |
Date de la communication: |
18 juillet 2012 (date de la lettre initiale) |
Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 27 mars 2014,
Ayant achevé l’examen de la communication no 2177/2012présentée au nom de Dexter Eddie Johnson en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteurde la communication et l’État partie,
Adopte ce qui suit:
Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5du Protocole facultatif
1.1L’auteur de la communication est Dexter Eddie Johnson, de nationalité ghanéenne et britannique, né en 1967. Il a été condamné à mort et affirme que le Ghana, en procédant à l’exécution de la peine, commettrait une violation des droits qu’il tient des articles 2, paragraphe 3, 6, paragraphe 1, 7 et 14, paragraphes. 1 et 5, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il est représenté par le Death Penalty Project.
1.2Le 19 juillet 2012, par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires et en application de l’article 92 de son règlement intérieur, le Comité a demandé à l’État partie de surseoir à l’exécution de la peine de mort prononcée contre Dexter Eddie Johnson tant que l’examen de la communication serait en cours.
Rappel des faits présentés par l’auteur
2.1Le 27 mai 2004, un ressortissant américain a été tué près du village de Ningo dans la région du Grand Accra au Ghana. L’auteur a été accusé d’avoir commis ce crime et traduit en justice. Il a nié l’infraction. Le 18 juin 2008, la Haute Cour d’Accra, en procédure accélérée, a déclaré l’auteur coupable du meurtre et l’a condamné à la peine de mort, qui est la seule peine prévue pour cette infraction dans la législation ghanéenne.
2.2L’auteur indique qu’en vertu de l’article 46 de la loi de 1960 sur les infractions pénales et autres, «toute personne qui commet un meurtre est passible de la peine de mort». Il affirme que ce libellé, bien qu’ambigu, a été interprété par les tribunaux ghanéens comme rendant la peine de mort obligatoire dans tous les cas de meurtre. Il fait valoir que le droit à la vie est garanti par le paragraphe 1 de l’article 13 de la Constitution du Ghana (1992), qui dispose que «nul ne peut être privé de sa vie intentionnellement, sauf en application d’une condamnation prononcée par un tribunal pour une infraction pénale visée par la législation ghanéenne». Selon l’auteur, la loi sur les infractions pénales et autres doit être interprétée de manière à donner effet aux dispositions de la Constitution relatives aux droits fondamentaux, en particulier au droit à la vie. Bien que le Pacte ne soit pas incorporé dans la législation interne du Ghana, il fournit néanmoins des orientations claires sur l’interprétation de la disposition consacrant le droit à la vie au paragraphe 1 de l’article 13 de la Constitution.
2.3L’auteur a introduit un recours devant la cour d’appel et contesté la déclaration de culpabilité et la peine. Il a affirmé que, bien que la peine de mort en elle-même soit autorisée par le paragraphe 1 de l’article 13 de la Constitution, la peine de mort obligatoire, au sujet de laquelle la Constitution était muette, était inconstitutionnelle. À l’appui de cette affirmation, l’auteur a fait valoir que la peine de mort obligatoire violait le droit de ne pas être soumis à des peines ou traitements inhumains et dégradants, le droit de ne pas être privé arbitrairement de la vie et le droit à un procès équitable, qui étaient tous protégés par la Constitution du Ghana. Le 16 juillet 2009, la cour d’appel a rejeté l’appel à la fois sur la culpabilité et sur la condamnation. Elle a conclu, entre autres, qu’elle n’avait pas compétence pour statuer sur la contestation de la constitutionnalité de la peine de mort obligatoire par l’auteur étant donné que cette question n’avait pas été soulevée devant une juridiction inférieure et n’était pas consignée dans le dossier de procédure. Elle a en outre invoqué le paragraphe 1 l’article 13 de la Constitution au sujet de la légalité de la peine de mort.
2.4L’auteur a fait appel de la condamnation et de la peine devant la Cour suprême. Le 16 mars 2011, la Cour suprême a rejeté l’appel interjeté contre la déclaration de culpabilité. En ce qui concerne la peine, elle a rejeté la décision de la cour d’appel qui faisait valoir qu’elle n’était pas compétente pour délibérer sur la constitutionnalité de la peine de mort obligatoire, au motif que les questions de droit pouvaient être soulevées à tout moment de la procédure. Elle a également rejeté le bien-fondé de l’argument de l’auteur contestant la constitutionnalité de la peine de mort obligatoire, en jugeant que le prononcé de cette peine pour l’infraction de meurtre était conforme à la Constitution. Elle a ajouté que seul le Parlement pouvait modifier la loi sur les infractions pénales et autres afin d’intégrer les différents degrés d’homicide et de permettre aux tribunaux de première instance de déterminer le type de peine à infliger à une personne reconnue coupable de meurtre.
2.5L’auteur affirme qu’il a épuisé les recours internes puisqu’il n’est pas possible de faire appel de la décision de la Cour suprême.
Teneur de la plainte
3.1L’auteur fait valoir que le caractère obligatoire de la peine de mort pour toutes les infractions d’une catégorie donnée, comme le meurtre, empêche le tribunal de déterminer si cette forme exceptionnelle de châtiment est appropriée dans les circonstances de l’affaire. Il affirme donc que l’imposition sans discernement de la peine de mort constitue une violation du droit à la vie consacré au paragraphe 1 de l’article 6 du Pacte.
3.2L’auteur affirme que l’imposition de la peine de mort obligatoire, sans que le tribunal puisse exercer son pouvoir d’appréciation pour prononcer une peine moins lourde, est contraire à l’interdiction des peines ou traitements inhumains ou dégradants qui est énoncée à l’article 7 du Pacte. À ce sujet, il cite la jurisprudence de juridictions nationales ainsi que l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Soering c. Royaume-Uni.
3.3L’auteur soutient également que l’imposition obligatoire de la peine de mort dans son cas constitue une violation de son droit à un procès équitable, car ce droit recouvre celui de faire examiner sa condamnation par une juridiction supérieure, de sorte que cette condamnation constitue une violation des droits qu’il tient des paragraphes 1 et 5 de l’article 14 du Pacte. Il explique que le caractère obligatoire de la peine empêche les tribunaux de décider de la sentence appropriée pour la personne concernée et les conduit à imposer une peine unique, quelles que soient les circonstances spécifiques de l’infraction ou de son auteur. Une telle situation empêche également tout examen des points de fait au stade de l’appel, ce qui porte atteinte au droit de la personne jugée de faire examiner sa condamnation par une juridiction supérieure.
3.4Enfin, l’auteur affirme que l’État partie a manqué à son obligation de garantir un recours utile pour les violations susmentionnées en vertu du paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte, et il prie le Comité de constater ce manquement dans ses conclusions.
Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond
4.1L’État partie fait valoir qu’il est un État abolitionniste de fait puisqu’il n’a exécuté aucune peine de mort ces vingt dernières années, et qu’il est par conséquent très peu probable que la peine de mort soit exécutée dans le cas présent. En outre, il tient à indiquer que même si la Constitution, qui prévoit la peine de mort, est la loi suprême du Ghana, une réforme constitutionnelle est en cours en ce qui concerne cette peine.
4.2L’État partie fait valoir que les instruments internationaux auxquels il est partie, notamment le Pacte et son Protocole facultatif, n’ont pas été incorporés dans son système juridique et ne priment donc pas le droit national. Il fait en outre observer qu’il n’a pas ratifié le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Il ajoute que la requête de l’auteur en contestation de la constitutionnalité de la peine de mort obligatoire a été rejetée par la plus haute juridiction du Ghana.
4.3Bien que le paragraphe 1 de l’article 13 de la Constitution prévoie la peine de mort pour certains crimes graves, à savoir le meurtre, le génocide et la trahison, cette peine n’est pas imposée sans discernement et la situation personnelle de l’accusé dans une affaire de meurtre peut entraîner une peine moins lourde. L’État partie fait en outre valoir qu’il peut décider et décide effectivement, en tant qu’État souverain, de la façon d’équilibrer les droits concurrents inscrits dans sa Constitution.
4.4L’État partie ajoute que, dans les affaires de meurtre, le tribunal avec jury évalue les circonstances de l’espèce et doit parvenir à une décision unanime pour qu’une condamnation pour meurtre ’soit prononcée. De plus, les personnes condamnées peuvent demander la grâce du Président, qui peut commuer la peine de mort en une peine moins lourde.
4.5Tant que la privation de la vie n’est pas arbitraire, le droit international des droits de l’homme ne soulève pas d’objection à l’imposition de la peine de mort; il cherche plutôt à encourager les États à abolir cette peine et à établir des limites à son application. En outre, la peine de mort au Ghana est pratiquée dans le respect des normes internationales, étant donné qu’elle est prévue seulement pour les trois crimes graves mentionnés ci-dessus, qu’il existe une possibilité de grâce et que certaines catégories d’accusés ne peuvent pas subir la peine de mort. Dans le cas de mineurs et de femmes enceintes ou qui allaitent, la peine de mort n’est pas exécutée. En outre, les personnes présentant un handicap mental ou une maladie mentale qui ne comprendraient pas les conséquences de leurs actes et les personnes ayant agi dans un accès de folie, sans être en mesure de savoir que le meurtre est un crime, ne sont soumises à aucune sanction. Le fait d’avoir agi sous l’emprise de l’alcool est aussi un moyen de disculpation si la personne concernée avait bu contre son gré ou au point de perdre la tête. L’État partie conclut donc que la situation personnelle des accusés est prise en compte lorsque la peine de mort est imposée.
4.6L’État partie conclut que l’imposition de la peine de mort pour meurtre au Ghana tient compte de différents degrés de gravité, dans la mesure où les tribunaux ne sont pas empêchés de prendre en considération les circonstances personnelles et d’individualiser la peine. Les tribunaux n’imposent pas la peine de mort obligatoire sans opérer de distinction. L’État partie invite donc le Comité à constater que la peine de mort n’est pas obligatoirement imposée pour toutes les infractions de même type au Ghana, puisqu’il existe différentes catégories de personnes pour lesquelles la peine de mort n’est pas exécutée.
4.7Pour ce qui est du grief tiré par l’auteur de l’article 7 du Pacte, l’État partie fait valoir que la sanction pénale est individualisée car elle ne peut pas être exécutée pour plusieurs catégories de personnes, les peines sontindividualisées dans une certaine mesure et l’imposition de la peine de mort n’est pas obligatoire dans toutes les affaires de meurtre. Ilajoute que la peine est proportionnelle à la gravité de l’infraction, étant donné que le meurtre emporte normalement la peine de mort, mais qu’il existe des circonstances atténuantes permettant la non-application de cette peine pour l’infraction de meurtre. Parconséquent, il n’y a pas de violation de l’interdiction des peines ou traitements inhumains ou dégradants en vertu de l’article 7 du Pacte.
4.8En ce qui concerne les paragraphes 1 et 5 de l’article 14 du Pacte, l’État partie affirme qu’une imposition obligatoire de la peine de mort pour l’infraction de meurtre ne porte pas atteinte aux droits que tient l’auteur de ces dispositions, car la Cour suprême est habilitée à procéder à un réexamen judiciaire et à se prononcer sur la constitutionnalité d’une loi ou d’une action de l’exécutif. En outre, il approuve la conclusion de la Cour suprême a indiqué que l’article 46 de la loi sur les infractions pénales et autres est conforme à la Constitution et que seul le Parlement a le pouvoir de modifier la loi en ce qui concerne la peine pour meurtre.
4.9L’État partie récapitule en affirmant que: le droit international n’interdit pas la peine capitale; le Ghana n’est pas partie au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte; il n’a pas à ce jour voté en faveur du moratoire de l’ONU sur l’application de la peine de mort; il revendique son droit souverain de trouver un équilibre entre les droits concurrents; la peine de mort est autorisée dans son système juridique et, étant donné que la disposition en question est conforme à la Constitution, il appartient au Parlement et non au pouvoir judiciaire de modifier la loi; la peine de mort au Ghana est réservée aux crimes les plus graves, conformément au paragraphe 2 de l’article 6 du Pacte, et son application n’est pas automatique; des garanties juridiques sont en place pour prévenir les erreurs judiciaires, en particulier dans les affaires pénales concernant des infractions emportant la peine de mort; la peine de mort n’a pas été exécutée au Ghana au cours des deux dernières décennies; une réforme juridique visant, entre autres, à abolir la peine de mort au Ghana est en cours.
4.10L’État partie conclut que, jusqu’à ce que la Constitution reflète la modification définitive de la législation relative à la peine de mort, le Comité est invité à reconnaître la suprématie de la Constitution et à ne pas formuler de conclusions mettant en cause ses dispositions.
Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie
5.1L’auteur convient que, comme l’affirme l’État partie: il n’a pas été donné effet au Pacte dans le droit ghanéen; il est de la prérogative du Ghana, en tant qu’État souverain, de trouver un équilibre entre les droits concurrents; des garanties juridiques visant à prévenir les erreurs judiciaires sont en place; et un processus est engagé au Ghana en faveur de l’abolition de la peine de mort. Cependant, l’auteur considère que ces affirmations n’ont aucune incidence sur le bien-fondé de sa communication.
5.2L’État partie a commis une erreur en affirmant que l’infraction de meurtre emporte normalement la peine de mort, car cette peine est nécessairement appliquée en cas de condamnation pour meurtre et les tribunaux n’ont pas la possibilité ni le pouvoir d’imposer une peine différente. En l’espèce, le juge de première instance a prononcé la peine de mort immédiatement après que l’auteur a été reconnu coupable de meurtre car il s’agissait de la seule peine prévue pour ce crime. La peine de mort était obligatoire, et le juge n’avait aucune discrétion pour ne pas la prononcer dès lors que l’auteur ’avait été reconnu coupable demeurtre.
5.3L’auteur réaffirme qu’il n’y avait pas de circonstances atténuantes que le tribunal aurait pu appliquer en vue de modifier la peine de mort. Il cite en outre le juge de première instance, qui a déclaré immédiatement après sa condamnation: «La seule peine pour le crime que vous avez commis, c’est la mort. Vous êtes donc condamné en conséquence.».
5.4L’auteur note que l’État partie fait valoir l’existence d’une disposition prévoyant la possibilité d’une mesure de grâce dans la loi sur les infractions pénales et autres, mais il affirme que cet argument n’a aucune incidence sur sa requête, étant donné qu’une telle mesure discrétionnaire ne saurait remplacer le réexamen judiciaire d’une affaire pénale.
5.5Pour ce qui est des arguments de l’État partie au regard de l’article 14 du Pacte, l’auteur fait observer que, étant donné que la Cour suprême a rejeté sa demande d’examen de la constitutionnalité de la peine de mort obligatoire pour meurtre, aucune juridiction n’a le pouvoir de réviser une condamnation dans les affaires où l’accusé est reconnu coupable de meurtre.
5.6Enfin, l’auteur commente l’affirmation de l’État partie qui soutient qu’il est un État abolitionniste de fait. Il affirme que ceci est une question de bon vouloir politique et que les exécutions peuvent reprendre à tout moment. Il invite donc le Comité à rendre une décision tendant à empêcher son exécution.
Délibérations du Comité
Examen de la recevabilité
6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Il note que les recours internes ont été épuisés. L’État partie n’a pas contesté cette conclusion. Les conditions énoncées au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif sont donc remplies.
6.3Le Comité considère que l’auteur a suffisamment étayé ses allégations de violation desarticles 2, paragraphe 3, 6, paragraphe 1, 7 et 14, paragraphes 1 et 5, du Pacte aux fins de la recevabilité. En conséquence, il déclare la communication recevable et procède à son examen quant au fond.
Examen au fond
7.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées.
7.2Le Comité prend note du grief tiré par l’auteur du paragraphe 1 de l’article 6 du Pacte, à savoir qu’en vertu de l’article 46 de la loi sur les infractions pénales et autres, la seule peine prévue pour le meurtre est la peine capitale, et que la Constitution du Ghana ne dit rien sur la question de savoir si la peine de mort doit être imposée pour l’infraction de meurtre. Il prend note également des arguments de l’État partie, qui fait valoir que les personnes condamnées peuvent demander la grâce présidentielle, que le Ghana est un État abolitionniste de fait, et que la peine de mort ne peut pas être appliquée à certaines catégories de personnes, notamment les femmes enceintes, les mères qui allaitent, les mineurs et les personnes atteintes de handicap mental ou de maladie mentale. Le Comité reconnaît que l’État partie est abolitionniste de fait, mais prend note de l’argument de l’auteur, qui fait valoir qu’un moratoire de fait ne garantit pas qu’une peine de mort ne sera pas exécutée ultérieurement. Àce sujet, il rappelle la déclaration de l’État partie, qui a indiqué qu’il n’avait pas à ce jour voté en faveur de la résolution 62/149 de l’Assemblée générale appelant à un moratoire mondial sur les exécutions.
7.3Le Comité note que, dans le cas de l’auteur, le tribunal de première instance et la juridiction d’appel n’avaient aucune discrétion pour ne pas imposer la seule peine prévue par la loi, à savoir la peine de mort, après que l’auteur ’avait été reconnu coupable de meurtre. Le Comité note également que, même si la législation de l’État partie exclut l’application de la peine de mort à certaines catégories de personnes, l’imposition obligatoire de cette peine à tous les autres accusés se fonde exclusivement sur la catégorie d’infraction dont la personne jugée est reconnue coupable, sans laisser aucune marge au juge pour évaluer les circonstances particulières de l’infraction. Dans ce contexte, il rappelle sa jurisprudence et réaffirme que l’imposition automatique et obligatoire de la peine de mort constitue une privation arbitraire de la vie, incompatible avec le paragraphe 1 de l’article 6 du Pacte, dès lors que la peine capitale est prononcée sans ’que la situation personnelle de l’accusé ou les circonstances particulières du crime ne soient prises en considération. L’existence d’un moratoire de fait sur les exécutions ne suffit pas à rendre la peine de mort obligatoire compatible avec le Pacte. Le Comité rappelle en outre que l’existence du droit de demander la grâce ou la commutation de la peine, tel qu’il est prévu au paragraphe 4 de l’article 6 du Pacte, ne garantit pas une protection appropriée du droit à la vie car l’application de ces mesures discrétionnaires par le pouvoir exécutif est sujette à une grande diversité d’autres considérations, sans rapport avec l’examen judiciaire approprié de tous les aspects d’une affaire pénale. Il s’ensuit qu’en l’espèce, l’imposition automatique de la peine de mort en vertu de l’article 46 de la loi sur les infractions pénales et autres constitue une violation des droits que tient l’auteur du paragraphe 1 de l’article 6 du Pacte. Le Comité rappelle aussi à l’État partie qu’en devenant partie au Pacte, il s’est engagé à prendre des mesures législatives pour s’acquitter de ses obligations juridiques.
7.4Ayant conclu à une violation du paragraphe 1 de l’article 6 du Pacte, le Comité n’examinera pas les autres griefs soulevés par l’auteur au titre des articles 7 et 14, paragraphes 1 et 5.
8.Le Comité des droits de l’homme, agissant conformément au paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, considère que les faits qui lui sont soumis font apparaître une violation du paragraphe 1 de l’article 6 du Pacte.
9.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie a l’obligation d’assurer à l’auteur un recours utile, y compris sous la forme d’une commutation de la peine de mort. L’État partie est tenu de prendre des mesures pour éviter que de telles violations ne se reproduisent, notamment en adaptant sa législation aux dispositions du Pacte.
10.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire ou relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement dans le pays.
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]