Nations Unies

CCPR/C/112/D/2341/2014

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

24 novembre 2014

Français

Original: anglais

C omité des droits de l ’ homme

Communication no 2341/2014

Décision adoptée par le Comité à sa 112e session(7‑31 octobre 2014)

Communication présentée par:

N. U. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Norvège

Date de la communication:

15 mai 2013 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le5 février 2014 (non publiée sous forme de document)

Date de la décision:

28 octobre 2014

Objet:

Non-refoulement

Question(s) de fond:

Peines ou traitements inhumains ou dégradants

Question ( s ) de procédure:

Épuisement des recours internes

Article(s) du Pacte:

7

Article(s) du Protocole facultatif:

5 (par. 2 b))

Annexe

Décision du Comité des droits de l’homme en vertudu Protocole facultatif se rapportant au Pacte internationalrelatif aux droits civils et politiques (112e session)

concernant la

Communication no2341/2014 *

Présentée par:

N. U. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Norvège

Date de la communication:

15 mai 2013 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 28 octobre 2014,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.1L’auteur de la communication est N. U., apatride, né au Myanmar en 1976. La demande d’asile qu’il a déposée en Norvège a été rejetée et il est menacé d’expulsion vers le Myanmar. Il affirme qu’en procédant à son expulsion la Norvège violerait les droits qu’il tient de l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 23 mars 1976. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

1.2Le 5 février 2014, par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, le Comité a demandé à l’État partie de surseoir à l’expulsion de l’auteur vers le Myanmar tant que l’examen de l’affaire serait en cours.

1.3Le 19 mai 2014, le Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, agissant au nom du Comité, a décidé que la question de la recevabilité devait être examinée séparément du fond.

Exposé des faits

2.1L’auteur est né au Myanmar en 1976. En 1982, ses parents ont été tués par l’armée du Myanmar. À cette époque, du fait de son très jeune âge, il ne savait rien de l’origine de ses parents, de leur religion ni des raisons pour lesquelles ils avaient été tués. En 1983, il a été emmené au Bangladesh et placé dans une famille de fermiers bengalis. En 1994, il a fait une demande de carte nationale d’identité et de passeport, qui a été rejetée au motif qu’il n’était pas né au Bangladesh. Il a contesté ce rejet devant les tribunaux. Le tribunal saisi a décidé qu’une carte de réfugié devait lui être délivrée. Les parents nourriciers de l’auteur ont perdu ses documents d’identité ainsi que les décisions du tribunal, pendant le cyclone Sidr qui a frappé le Bangladesh en 2007.

2.2L’auteur a quitté le Bangladesh à une date non précisée, parce qu’en tant que réfugié il ne pouvait pas y travailler, et s’est rendu en Inde, au Pakistan, en République islamique d’Iran et en Turquie. Il a vécu dans ce pays pendant cinq ans et demandé, sans l’obtenir, la nationalité turque. Il s’est établi en Grèce pendant un an et a demandé l’asile, qui ne lui a pas été accordé. En 2012, il est arrivé en Norvège où il a déposé une demande d’asile le 23 avril 2012.

2.3Le 7 juin 2012, l’auteur a été interrogé par les autorités norvégiennes chargées de l’asile. Il a indiqué qu’il avait quitté le Bangladesh parce que sa demande de nationalité avait été rejetée et qu’il ne pouvait pas obtenir du travail. Il craignait une expulsion vers le Myanmar parce qu’il ne savait rien de ce pays, ni du sort de ses proches. Il craignait aussi de subir des violences de la part des autorités qui lui prêteraient sans doute des liens avec Al-Qaida.

2.4Le 15 juin 2012, la Direction de l’immigration a rejeté la demande d’asile de l’auteur au motif qu’il n’avait pas suffisamment établi le bien-fondé de sa crainte de persécutions. La Direction n’a pas pu parvenir à une conclusion quant à l’identité, y compris la nationalité, du requérant et n’a donc pas été en mesure d’évaluer son besoin de protection. Le 14 octobre 2013, la Commission des recours en matière d’immigration a confirmé la décision de la Direction de l’immigration. Elle n’a pas estimé que l’argument de l’auteur qui affirmait être un rohingya du Myanmar était suffisamment étayé. Elle a conclu que les conditions nécessaires pour lui reconnaître le statut de réfugié n’étaient pas satisfaites et qu’il n’avait pas démontré qu’il était originaire d’un pays ou d’une région où il serait exposé à un risque de violences à titre individuel ou à raison d’une situation plus générale.

Teneur de la plainte

3.L’auteur affirme que son expulsion forcée de la Norvège vers le Myanmar mettrait sa vie en danger et l’exposerait à un risque de torture, en violation des droits qu’il tient de l’article 7 du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1En date du 19 mars 2014, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité. Il maintient que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif parce qu’elle ne satisfait pas à la condition d’épuisement des recours internes, et il sollicite du Comité le retrait de la demande de sursis à l’expulsion de l’intéressé.

4.2L’État partie fait valoir que l’auteur n’a pas introduit d’action en justice aux fins de contester la légalité de la décision prise par la Commission des recours en matière d’immigration. En vertu du Code de procédure civile, dans sa version du 17 juin 2005, loi no 90, les décisions rendues par la Commission des recours en matière d’immigration sont susceptibles de recours devant le tribunal municipal ou le tribunal de district compétent, dont les jugements sont eux-mêmes susceptibles d’appel devant la cour d’appel et enfin devant la Cour suprême. Les tribunaux internes disposent d’une compétence pleine et entière pour examiner la légalité des décisions de la Commission et sont habilités à les annuler s’ils concluent à leur illégalité.

4.3L’État partie fait valoir en outre que l’auteur n’a pas demandé à un juge de prononcer une injonction provisoire contre son expulsion de Norvège. En vertu des chapitres 32 et 34 du Code de procédure civile, toute personne dont l’expulsion a été ordonnée par les autorités chargées de l’immigration peut demander à un tribunal de prononcer une ordonnance en référé imposant le sursis à exécution de l’arrêté d’expulsion.

4.4L’État partie indique de plus que l’auteur n’a pas demandé à bénéficier de l’aide juridictionnelle prévue par les dispositions de la loi no 35 sur l’aide juridictionnelle du 13 juin 1980, telle que modifiée, en vue de porter son affaire devant les tribunaux internes. Il en aurait eu le droit, tant aux fins de la demande d’injonction provisoire que de l’action en annulation de la décision de la Commission des recours en matière d’immigration.

4.5L’État partie souligne que l’auteur n’a apporté aucun commencement de preuve établissant que les recours internes susmentionnés seraient en l’espèce non disponibles ou inutiles.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.En date du 30 avril 2014, l’auteur a réitéré les commentaires qu’il avait formulés à l’intention de la Commission des recours en matière d’immigration dans une lettre datée du 15 octobre 2012, et par lesquels il contestait la décision de la Direction de l’immigration et affirmait que l’interprète d’hindi qui l’avait assisté devant cet organe ne l’avait pas compris correctement, qu’il n’avait pu obtenir aucune information sur sa famille et qu’il lui était impossible de retourner au Myanmar.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2L’État partie a fait valoir que le Comité ne devait pas examiner la communication dans la mesure où l’auteur n’avait pas engagé d’action judiciaire aux fins de contester la légalité de la décision rendue par la Commission des recours en matière d’immigration ou qu’il n’avait pas cherché à obtenir une injonction provisoire contre son expulsion forcée de Norvège. L’auteur ne s’est pas prévalu de la possibilité de demander l’aide juridictionnelle, alors qu’il en aurait eu le droit. De plus, il n’a apporté aucun commencement de preuve établissant que les recours internes seraient en l’espèce non disponibles ou inutiles.

6.3En l’absence de toute information pertinente de la part de l’auteur, le Comité observe que, comme l’a souligné l’État partie, l’auteur n’a pas fait usage des voies de recours internes à sa disposition. En l’absence de toute autre information sur ce point dans le dossier, il considère qu’en l’espèce il n’est pas satisfait aux conditions fixées au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif. Il estime donc que cette disposition s’oppose à ce qu’il examine la présente communication.

7.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur pour information.