Nations Unies

CCPR/C/112/D/2156/2012

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

18 novembre 2014

Français

Original: anglais

C omité des droits de l ’ homme

Communication no 2156/2012

Constatations adoptées par le Comité à sa 112e session(7-31 octobre 2014)

Communication présentée par:

Vladimir Nepomnyashchikh(représenté par Leonid Sudalenko)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Bélarus

Date de la communication:

22 mai 2012(date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 11 juin 2012 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations:

10 octobre 2014

Objet:

Arrestation pour l’organisation de rassemblements pacifiques sans autorisation préalable

Question(s) de fond:

Droit à la liberté d’expression; restrictions licites

Question(s) de procédure:

Épuisement des recours internes

Article(s) du Pacte:

19 et 2 (par. 2 et 3)

Article(s) du Protocole facultatif:

5 (par. 2 b))

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titredu paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatifse rapportant au Pacte international relatif aux droitscivils et politiques (112e session)

concernant la

Communication no 2156/2012 *

Présentée par:

Vladimir Nepomnyashchikh(représenté par Leonid Sudalenko)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Bélarus

Date de la communication:

22 mai 2012(date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 10 octobre 2014,

Ayant achevé l’examen de la communication no 2156/2012,présentée par Vladimir Nepomnyashchikh en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication est Vladimir Nepomnyashchikh, de nationalité bélarussienne, né en 1952. Il se dit victime d’une violation par le Bélarus des droits qu’il tient de l’article 19, lu conjointement avec les paragraphes 2 et 3 de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 30 décembre 1992.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 5 juillet 2011, sur une place de la ville de Gomel, l’auteur a appelé les passants à participer à une manifestation pacifique devant avoir lieu le 6 juillet 2011. Peu après, il a été arrêté et conduit dans un poste de police, où a été établi un procès-verbal indiquant qu’il avait commis une infraction administrative visée au paragraphe 1 de l’article 23.34 du Code des infractions administratives.

2.2Le 6 juillet 2011, le tribunal du district Zheleznodorozhny à Gomel a jugé l’auteur coupable d’une infraction à la procédure régissant l’organisation et le déroulement de manifestations collectives, prévue au paragraphe 1 de l’article 23.34 du Code des infractions administratives, et lui a infligé une amende de 350 000 roubles bélarussiens. Le 3 août 2011, le tribunal régional de Gomel a rejeté le recours formé par l’auteur contre la décision du tribunal de district, qui est devenue définitive à la même date.

2.3Les demandes de procédure de contrôle présentées par l’auteur ont été rejetées par le Président du tribunal régional de Gomel le 26 octobre 2011 et par un vice-président de la Cour suprême le 1er décembre 2011.

2.4Le 7 octobre 2011, l’auteur a distribué des tracts contenant des informations sur un rassemblement pacifique consacré à la situation sociale et économique au Bélarus, qui devait se tenir à Gomel le 8 octobre 2011. Cette fois encore, il été arrêté et conduit dans un poste de police, où a été établi un procès-verbal indiquant qu’il avait commis une infraction administrative visée au paragraphe 1 de l’article 23.34 du Code des infractions administratives.

2.5Le 10 octobre 2011, le tribunal du district Tsentralny à Gomel a déclaré l’auteur coupable de l’infraction visée au paragraphe 1 de l’article 23.34 du Code des infractions administratives et lui a infligé une amende de 175 000 roubles bélarussiens. Le 4 novembre 2011, le tribunal régional a rejeté l’appel formé par l’auteur contre la décision du tribunal de district, qui est devenue définitive à la même date.

2.6Le 4 janvier 2012, le Président du tribunal régional de Gomel a rejeté les demandes de l’auteur concernant l’ouverture d’une procédure de contrôle de la décision rendue le 10 octobre 2011 par le tribunal du district Tsentralny. Le 1er décembre 2011, la requête que l’auteur avait adressée à la Cour suprême au titre de la procédure de contrôle avait été rejetée par décision d’un vice-président de la Cour suprême.

2.7L’auteur affirme que, dans les deux cas, les tribunaux de l’État partie ont établi qu’il avait enfreint les dispositions des articles 8 et 10 de la loi du 30 décembre 1997 relative aux manifestations collectives. Conformément à ces dispositions, l’organisateur d’une manifestation collective n’a pas le droit d’annoncer dans les médias la date, le lieu et l’heure d’une manifestation ni de produire et de diffuser des tracts, affiches et autres matériels contenant de telles informations avant d’avoir obtenu l’autorisation officielle d’organiser la manifestation en question. Le fait d’organiser une réunion pacifique sans autorisation est passible de sanctions administratives et de sanctions pénales. Puisque, dans les deux cas, l’auteur diffusait des informations concernant l’organisation de rassemblements pacifiques pour lesquels il n’avait pas obtenu d’autorisation préalable, les tribunaux nationaux ont considéré qu’il avait enfreint la loi.

2.8L’auteur affirme en outre que les tribunaux nationaux n’ont pas exposé les raisons pour lesquelles il était nécessaire de restreindre son droit de répandre des informations, oralement et par écrit, pour atteindre l’un des but légitimes énumérés au paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte.

2.9L’auteur ajoute qu’il a épuisé tous les recours internes disponibles. Il n’a pas demandé au Bureau du Procureur général d’engager une procédure de contrôle car seul un recours en annulation peut conduire à un réexamen de l’affaire. Une demande de procédure de contrôle ne constitue pas un recours utile parce que la mise en œuvre de cette procédure est laissée à la discrétion d’un nombre limité d’agents de l’État et ne conduit pas au réexamen de l’affaire. La procédure de contrôle est limitée aux points de droit et ne permet pas d’examiner les faits et les éléments de preuve. Selon la jurisprudence du Comité, les recours internes doivent être à la fois disponibles et utiles. En outre, le Comité a établi que, dans les États parties où la mise en œuvre de la procédure de contrôle est laissée à la discrétion d’un juge ou d’un procureur, les voies de recours à épuiser se limitaient au recours en annulation.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que, dans son affaire, la condamnation à une amende n’était pas nécessaire pour la protection de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques ou pour le respect des droits ou de la réputation d’autrui et constitue par conséquent une violation des droits qu’il tient des paragraphes 1 et 2 de l’article 19, lus conjointement avec les paragraphes 2 et 3 de l’article 2 du Pacte.

3.2L’auteur affirme de plus que les constatations du Comité concernant la communication no 780/1997, Laptsevich c.Bélarus, viennent étayer le grief de l’illicéité de la sanction administrative prononcée. Il ajoute que les dispositions de la loi relative aux manifestations collectives qui restreignent le droit de répandre librement des informations sont contraires aux obligations internationales contractées par le Bélarus, parce que les restrictions en question ne satisfont pas au critère de nécessité énoncé au paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte.

3.3L’auteur demande au Comité de déclarer sa communication recevable, de l’examiner sur le fond et d’établir que l’État partie a violé les droits qu’il tient du Pacte. Il demande le remboursement des frais et dépens afférents à l’affaire. Il demande également au Comité de recommander à l’État partie de réviser sa législation, en particulier les articles 8 et 10 de la loi relative aux manifestations de masse, et de mettre ces articles en conformité avec les obligations internationales qui incombent à l’État partie, notamment celles qui découlent des articles 19 et 21 du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans une note du 13 août 2012, l’État partie a contesté la recevabilité de la communication, arguant que l’auteur n’avait pas épuisé tous les recours internes disponibles. Tout d’abord, l’auteur, comme il l’admet lui-même, n’a pas demandé au Bureau du Procureur général d’engager une procédure de contrôle. Ensuite, il n’a pas demandé au Président de la Cour suprême de réexaminer la décision du vice-président de la Cour suprême en date du 1er décembre 2011, par laquelle celui-ci a rejeté la demande de procédure de contrôle.

4.2L’État partie estime que la communication a été enregistrée en violation de l’article 2 du Protocole facultatif. Il indique qu’il «a mis fin aux procédures concernant la communication et qu’il se dissociera des constatations la concernant qui pourraient être adoptées par le Comité».

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partieconcernant la recevabilité

5.1Dans une note du 4 septembre 2012, l’auteur a contesté l’argumentation de l’État partie concernant la recevabilité et l’enregistrement de sa communication. Il fait observer que, conformément à la jurisprudence du Comité, les auteurs doivent avoir épuisé les recours internes qui sont non seulement disponibles mais également utiles. Il ajoute que les recours sont utiles s’ils offrent des perspectives raisonnables d’obtenir une réparation effective. À ce sujet, le Comité a déclaré à de nombreuses reprises que «la procédure de contrôle [était] une procédure de réexamen discrétionnaire courante dans les anciennes républiques soviétiques, dont il a[vait] considéré antérieurement qu’elle ne constitu[ait] pas un recours utile aux fins de l’épuisement des recours internes».

5.2L’auteur réaffirme qu’il n’a pas sollicité l’ouverture d’une procédure de contrôle auprès du Bureau du Procureur général, parce que seul le recours en annulation permettrait un réexamen au fond de son affaire. Une demande de procédure de contrôle ne peut pas, par conséquent, être considérée comme un recours utile. En outre, une telle demande est examinée de manière unilatérale par le procureur et limitée aux questions de procédure et ne permet pas d’examiner les faits et les éléments de preuve.

5.3L’auteur ajoute que, conformément à la législation nationale relative au droit administratif, une demande de procédure de contrôle d’une décision de justice dans une affaire administrative doit être faite dans les six mois qui suivent le prononcé du jugement. Il est pratiquement impossible de respecter ce délai car les demandes doivent d’abord être adressées au Président du tribunal régional et ensuite seulement au Président de la Cour suprême, qui les transmet pour examen aux vice-présidents. De même, les demandes de procédure de contrôle doivent d’abord être adressées au Bureau du Procureur régional et ne parviennent qu’ensuite au Bureau du Procureur général, où elles sont examinées par les substituts du Procureur général. En ce qui concerne les affaires administratives, les demandes présentées après l’expiration du délai de six mois sont rejetées sans examen.

5.4L’auteur ajoute qu’en devenant partie au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour examiner les communications présentées par des particuliers, pour déterminer s’il y a eu violation du Pacte et, également, conformément au paragraphe 4 de l’article 40 du Pacte, pour adresser aux États parties ses rapports et les observations générales qu’il jugerait appropriées. En vertu de l’article 2 du Pacte, l’État partie s’est engagé à garantir que toute personne relevant de sa juridiction disposera d’un recours utile. Ayant reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer l’efficacité des recours internes dans les communications présentées par des particuliers, l’État partie a l’obligation, non seulement de respecter les dispositions du Pacte et du Protocole facultatif s’y rapportant, mais aussi de tenir compte des observations générales du Comité. L’interprétation des dispositions du Pacte et le développement d’une jurisprudence font partie intégrante du rôle assumé par le Comité au titre du Pacte. Par conséquent, en refusant de reconnaître les normes, la pratique, les méthodes de travail et la jurisprudence du Comité, l’État partie nie la compétence qu’a le Comité d’interpréter les dispositions du Pacte, ce qui va à l’encontre de l’objet et du but de cet instrument. L’auteur soutient que l’État partie doit non seulement mettre en œuvre les décisions du Comité, mais aussi reconnaître les normes, la pratique, les méthodes de travail et la jurisprudence du Comité, conformément au principe de droit international pacta sunt servanda.

Observations supplémentaires de l’État partie

6.Dans une note du 4 janvier 2013, l’État partie a réaffirmé la position qu’il avait exposée le 13 août 2012 concernant la communication.

Délibérations du Comité

Défaut de coopération de l’État partie

7.1Le Comité prend note des affirmations de l’État partie, à savoir qu’il n’existe pas de motif de droit justifiant l’examen de la communication présentée par l’auteur, celle-ci ayant été enregistrée en violation des dispositions du Protocole facultatif, qu’il n’est pas tenu de reconnaître le règlement intérieur du Comité ni l’interprétation que fait celui-ci des dispositions du Protocole facultatif, et que toute décision que pourrait prendre le Comité au sujet de la présente communication sera considérée comme «non valide» par ses autorités.

7.2Le Comité rappelle que le paragraphe 2 de l’article 39 du Pacte l’autorise à établir son propre règlement intérieur, que les États parties ont accepté de reconnaître. Il fait observer en outre que tout État partie qui adhère au Protocole facultatif reconnaît que le Comité a compétence pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers qui se déclarent victimes de violations de l’un quelconque des droits énoncés dans le Pacte (préambule et art. 1erdu Protocole facultatif). En adhérant au Protocole facultatif, les États parties s’engagent implicitement à coopérer de bonne foi avec le Comité pour lui permettre et lui donner les moyens d’examiner les communications qui lui sont soumises et, après examen, de faire part de ses constatations à l’État partie et aux particuliers (art. 5, par. 1 et 4). Pour un État partie, l’adoption d’une mesure, quelle qu’elle soit, qui empêche le Comité de prendre connaissance d’une communication et d’en mener l’examen à bonne fin, et l’empêche de faire part de ses constatations, est incompatible avec ces obligations. C’est au Comité qu’il appartient de déterminer si une communication doit être enregistrée. Le Comité fait observer qu’en n’acceptant pas la compétence du Comité pour décider de l’opportunité d’enregistrer une communication et en déclarant de manière catégorique qu’il n’acceptera pas la décision du Comité concernant la recevabilité et le fond des communications, l’État partie viole les obligations qui lui incombent au titre de l’article premier du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.3Le Comité prend note de l’argument de l’État partie, qui affirme que l’auteur aurait dû demander au Bureau du Procureur général ainsi qu’au Président de la Cour suprême d’engager une procédure de contrôle des décisions des tribunaux de district et du tribunal régional. Il prend également note de l’explication de l’auteur, qui indique que ce type de recours n’est ni utile ni accessible. Renvoyant à sajurisprudence, le Comité rappelle que l’introduction auprès du bureau d’un procureur d’une demande de procédure de contrôle d’une décision de justice devenue exécutoire ne constitue pas un recours interne efficace qui doit être épuisé aux fins du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif. Le Comité considère en outre que l’introduction auprès du président d’une juridiction d’une demande de procédure de contrôle d’une décision de justice qui est entrée en vigueur, dont l’ouverture est laissée à la discrétion d’un juge, constitue un moyen de recours extraordinaire, et qu’il incombe à l’État partie de démontrer que l’on peut raisonnablement s’attendre à ce que de telles demandes constituent des recours utiles dans les circonstances de l’espèce. Or l’État partie n’a pas indiqué si l’introduction d’une demande de contrôle auprès du Président de la Cour suprême avait déjà constitué un recours utile dans des affaires concernant la liberté d’expression et, le cas échéant, dans combien d’affaires. Dans ces circonstances, le Comité considère que les dispositions du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif ne font pas obstacle à l’examen de la présente communication.

8.4Le Comité prend note de l’allégation de l’auteur, qui affirme que les droits qu’il tient du paragraphe 1 de l’article 19 du Pacte ont été violés. Il note, toutefois, que l’auteur n’a pas fourni d’explications à ce sujet. Dans ces circonstances, le Comité considère que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ce grief aux fins de la recevabilité et déclare cette partie de la communication irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.5Le Comité prend note en outre du grief que l’auteur tire de l’article 19, lu conjointement avec le paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte, sans fournir davantage d’explications à ce sujet. Dans ces circonstances, le Comité considère que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ce grief aux fins de la recevabilité et déclare cette partie de la communication irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.6Le Comité considère que l’auteur a suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, les griefs qu’il tire du paragraphe 2 de l’article 19, lu conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte. Par conséquent, il déclare la communication recevable et procède à son examen au fond.

Examen au fond

9.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

9.2Le Comité prend note du grief de l’auteur, qui affirme que la sanction administrative qui lui a été infligée pour avoir appelé les passants à participer à une manifestation pacifique à venir et pour avoir distribué des tracts contenant des informations sur la tenue d’un rassemblement pacifique avant d’avoir obtenu l’autorisation officielle d’organiser la manifestation en question comme l’exigeait la législation nationale constitue une restriction injustifiée de la liberté de répandre des informations protégée par le paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte. Il note également que l’État partie n’a fourni aucune justification concernant la nécessité de restreindre les droits de l’auteur dans l’affaire en question.

9.3Le Comité doit déterminer si les restrictions imposées au droit à la liberté d’expression de l’auteur sont justifiées en vertu de l’un quelconque des critères énoncés au paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte. Il fait observer que l’article 19 n’autorise certaines restrictions que si elles sont prévues par la loi et nécessaires: a) au respect des droits ou de la réputation d’autrui; et b) à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques. Il rappelle que la liberté d’opinion et la liberté d’expression sont des conditions indispensables au développement complet de l’individu, qu’elles sont essentielles pour toute société, et qu’elles constituent le fondement de toute société libre et démocratique. Les restrictions à l’exercice de ces libertés doivent répondre aux critères stricts de nécessité et de proportionnalité, être appliquées exclusivement aux fins pour lesquelles elles ont été prescrites et être en rapport direct avec l’objet spécifique qui les inspire.

9.4À ce sujet, le Comité note que l’État partie n’a pas cherché à traiter la question des restrictions imposées dans l’affaire de l’auteur et, en particulier, à expliquer pour quelles raisons il était nécessaire, en vertu de la législation nationale et aux fins de l’un des objectifs légitimes énoncés au paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte, d’obtenir une autorisation avant de diffuser des informations, oralement et par écrit, sur les rassemblements pacifiques qui étaient prévus. En l’absence de toute autre explication pertinente de l’État partie, le Comité accorde le crédit voulu aux affirmations de l’auteur selon qui, comme le confirment les décisions de justice communiquées au Comité, les tribunaux nationaux n’ont donné aucune explication concernant la nécessité de restreindre son droit de répandre des informations, envisagée au paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte.

9.5Au vu de ce qui précède, le Comité conclut que les droits que l’auteur tient du paragraphe 2 de l’article 19, lu conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte, n’ont pas été protégés d’une manière effective. En conséquence, il estime que les faits dont il est saisi font apparaître une violation par l’État partie des droits que l’auteur tient du paragraphe 2 de l’article 19, lu conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte.

10.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation des droits garantis à l’auteur par le paragraphe 2 de l’article 19, lu conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte.

11.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile, y compris sous la forme du remboursement des frais de justice encourus par l’auteur, ainsi qu’une indemnisation appropriée. Il est également tenu de prendre des mesures pour que des violations du même type ne se reproduisent pas. À ce sujet, le Comité réaffirme que l’État partie devrait réviser sa législation, en particulier la loi du 30 décembre 1997 relative aux manifestations de masse qui a été appliquée en l’espèce, afin que les droits consacrés par l’article 19 du Pacte puissent être pleinement exercés dans l’État Partie.

12.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est invité en outre à rendre publiques les présentes constatations et à les faire largement diffuser dans le pays en biélorusse et en russe.