Nations Unies

CCPR/C/117/D/2291/2013

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

9 septembre 2016

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 2291/2013 * , **

Communication p résentée par :

A. et B. (représentés par un conseil, Niels Erik-Hansen)

Au nom de :

A. et B.

État partie :

Danemark

Date de la communication :

1er octobre 2013 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise par le Rapporteur spécial en application des articles 92 et 97 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 23 octobre 2013 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

13 juillet 2016

Objet :

Expulsion des auteurs vers le Pakistan

Question(s) de procédure :

Recevabilité − défaut manifeste de fondement ; recevabilité − compétence ratione materiae

Question(s) de fond :

Risque de torture et violation de la liberté de religion en cas de renvoi dans le pays d’origine, droit à un procès équitable

Article(s) du Pacte :

6, 7, 13, 14 et 18

Article(s) du Protocole facultatif :

2 et 3

1.1Les auteurs de la communication sont A. et B., nés en 1935 et 1945, respectivement. De nationalité pakistanaise, ils résident actuellement au Danemark. S’étant vu refuser le statut de réfugiés dans ce pays, ils doivent faire l’objet d’une expulsion. Ils avancent qu’en les expulsant vers le Pakistan, l’État partie porterait atteinte aux droits qu’ils tiennent des articles 7, 14 et 18 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour le Danemark le 23 mars 1976.

1.2Le 23 octobre 2013, conformément aux articles 92 et 97 de son règlement intérieur, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, a prié l’État partie de surseoir à l’expulsion des auteurs vers le Pakistan tant que la communication serait à l’examen. Les 24 septembre 2014 et 18 septembre 2015, le Comité a rejeté les demandes de levée des mesures provisoires formulées par l’État partie. Les auteurs sont restés au Danemark.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1Les auteurs, qui sont mari et femme, avancent qu’ils ont fui le Pakistan parce qu’ils sont membres de la communauté musulmane ahmadiyya. Certaines personnes les ont menacés de les tuer à moins qu’ils ne quittent le pays ou ne renient leur foi. La porte d’entrée de leur maison a été marquée d’un signe distinctif et ils ont fait l’objet de menaces verbales. Ils craignent les groupes fondamentalistes musulmans Ahle Suntal et Ahle Hadees, qui commettent des « meurtres ciblés ».

2.2Au Pakistan, les ahmadis se heurtent à diverses formes de discrimination. Par exemple, ils n’ont pas le droit de travailler avec leurs coreligionnaires, ni de se faire enterrer avec les autres musulmans. De surcroît, ils sont exposés à des violences. Des imams ont profané un cimetière ahmadi de Lahore et des groupes musulmans fondamentalistes commettent parfois des « meurtres ciblés » contre des ahmadis. Un jeune ahmadi et son frère ont l’un et l’autre été tués alors qu’ils se rendaient à la mosquée et, trois jours après le mariage d’un couple ahmadi, le jeune marié, son père et son beau-père ont été tués pour des motifs religieux. En 2012, l’aggravation de la situation a conduit les auteurs à décider de quitter le Pakistan.

2.3Un de leurs fils résidant au Danemark, les auteurs sont entrés dans le pays avec un visa pour visite familiale. En ce qui concerne la question de l’épuisement des recours internes, leur demande d’asile a été rejetée et, le 19 août 2013, la Commission des recours des réfugiés les a déboutés en appel. À l’heure actuelle, le droit danois ne permet pas d’obtenir un permis de séjour permanent au titre du regroupement familial.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs avancent qu’en les renvoyant de force au Pakistan, où ils seraient persécutés du fait de leur religion, le Danemark enfreindrait les droits qu’ils tiennent de l’article 7 du Pacte. Au Pakistan, les droits des ahmadis sont systématiquement bafoués. Les auteurs craignent qu’à cause de leur foi, les autorités pakistanaises ne les protègent pas de la persécution. Ils contestent la conclusion de la Commission des recours des réfugiés selon laquelle le fait que la situation soit généralement difficile pour les ahmadis ne saurait être un motif d’asile. La Commission a constaté qu’au Pakistan, les ahmadis faisaient l’objet de menaces et de harcèlement et l’exercice de leur foi était sévèrement limité. La Cour de justice de l’Union européenne a fait observer qu’en application du Code pénal pakistanais, l’appartenance au mouvement ahmadiste était passible d’une peine pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement et le prosélytisme était puni de la peine de mort.

3.2Le renvoi des auteurs au Pakistan constituerait en outre une violation de l’article 18 du Pacte en ce que les intéressés ne seraient pas en mesure de manifester leur religion en public sans crainte d’être persécutés.

3.3De surcroît, en ne mettant à la disposition des auteurs aucun mécanisme permettant de contester les décisions de la Commission des recours des réfugiés, l’État partie a porté atteinte aux droits garantis à ceux-ci par l’article 14 du Pacte. Certains autres pays autorisent les déboutés du droit d’asile à interjeter appel devant les tribunaux judiciaires, voire devant la Cour de justice de l’Union européenne.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans ses observations du 23 avril 2014, l’État partie indique que les auteurs sont entrés au Danemark le 16 novembre 2012 munis d’un passeport national en cours de validité et d’un visa Schengen valable un mois délivré par l’ambassade du Danemark à Islamabad. Le 1er décembre 2012, les auteurs ont demandé l’asile. Dans leur demande, ils ont déclaré s’être procuré un visa pour rendre visite à leur fils. Au cours de son entretien avec les services d’immigration danois, l’auteur a dit que c’était seulement une fois au Danemark qu’il s’était rendu compte que sa femme entendait demander l’asile et que tous deux étaient convenus d’engager une procédure après avoir discuté de la situation au Pakistan avec leur fils. L’auteure a déclaré n’avoir pas demandé l’asile immédiatement parce qu’elle n’avait informé son mari de son intention qu’après leur arrivée au Danemark. Lorsqu’on lui a demandé s’il était vrai que son mari n’envisageait pas de demander l’asile au Danemark au moment où ils avaient quitté le Pakistan, elle a confirmé et a déclaré qu’elle avait mis du temps à le convaincre.

4.2En ce qui concerne les motifs qui ont poussé les auteurs à quitter le Pakistan, dans sa demande d’asile, l’auteur a fait valoir que les imams dressaient la population contre les ahmadis, qu’il avait eu des problèmes avec les autorités, ainsi qu’avec certaines personnes dont il n’a pas précisé l’identité, et qu’il avait été victime de harcèlement. Pour sa part, l’auteure a déclaré qu’au Pakistan, des mollahs les avaient maudits, elle et son mari, dans leurs prêches, les avaient dénigrés, avaient incité leurs employés à démissionner et avaient exhorté la population à ne pas faire affaire avec eux. Les deux auteurs ont soutenu dans leur demande qu’on avait menacé de les tuer à moins qu’ils ne quittent le pays ou ne renient leur religion. Aux services d’immigration danois, l’auteur a déclaré que quatre à six mois environ avant leur départ, sa femme et lui avaient commencé à recevoir des lettres de menaces anonymes tous les dix à quinze jours, et l’auteure a dit que la première lettre était arrivée en juin 2012 (c’est-à-dire environ quatre à cinq mois avant leur départ) et d’autres avaient suivi au rythme d’une ou deux par mois. L’auteure a ajouté que les lettres avaient été déposées dans leur garage pendant la nuit, qu’elles avaient aussi été envoyées à leur lieu de travail et que la dernière était arrivée dix jours environ avant leur départ du Pakistan. À la Commission des recours des réfugiés, elle a déclaré que le premier message de menaces était arrivé au début de 2012 sous la forme d’un morceau de papier plié déposé devant la porte d’entrée de la maison du couple et avait reçu par la suite des messages identiques à intervalle de sept à quatorze jours.

4.3Dans sa demande d’asile, l’auteure a déclaré qu’une nuit, quatre à cinq mois environ avant qu’elle et son mari ne quittent le Pakistan, le mur de leur maison avait été marqué d’une croix. Cet incident s’était par la suite reproduit à intervalles réguliers, parfois tous les jours, parfois une fois par mois. Durant son entretien avec les services d’immigration, l’auteur a dit que la croix indiquait que la maison était occupée par des ahmadis et désignait ses occupants comme cibles potentielles de meurtre. Il a déclaré qu’il ne savait pas si le mur de sa maison avait été marqué d’une croix une ou plusieurs fois, mais que l’incident s’était produit six mois environ avant que sa femme et lui ne quittent le pays. Il ignorait qui en était responsable. Les auteurs ont en outre déclaré aux services d’immigration que le neveu de l’auteur avait perdu la vie dans l’attaque d’une mosquée, le 28 mai 2010. L’auteur a ajouté qu’il avait quitté le Pakistan pour des raisons de santé et à cause des conditions générales auxquelles les ahmadis étaient soumis, que les groupes Ahle Suntal et Ahle Hadees, opposés à la religion ahmadiste, avaient pris les auteurs pour cible en raison de leur foi, et qu’il craignait d’être tué par un membre de ces groupes ou par les Taliban. Selon les auteurs, aucun incident ne s’était plus produit depuis leur départ du Pakistan.

4.4Le 8 mai 2013, les services d’immigration ont rejeté la demande d’asile présentée par les auteurs. Au cours de leur audition par la Commission des recours des réfugiés, ceux‑ci ont de nouveau fait valoir qu’ils avaient reçu des lettres de menaces et qu’une croix avait été peinte sur leur maison. L’auteure a déclaré que d’autres ahmadis avaient reçu des menaces semblables à celles dont elle et son mari avaient fait l’objet.

4.5L’État partie a fourni une traduction de la décision de la Commission des recours des réfugiés. La Commission a convenu que les auteurs étaient des ahmadis et pris note de l’argument selon lequel leur neveu avait été tué le 28 mai 2010 dans un attentat contre une mosquée ahmadie. Elle a également convenu qu’ils avaient reçu des lettres de menaces à compter de juin 2012 et que, à peu près au même moment, des inconnus avaient peint une croix sur le mur de leur maison. D’après les auteurs, les lettres de menaces contenaient chacune un message de trois lignes rédigé en ourdou qui leur commandait de se convertir à l’islam sunnite ou quitter le Pakistan sous peine de mort. La Commission a néanmoins constaté que les auteurs n’avaient été soumis à aucun autre mauvais traitement. Elle a relevé qu’il y avait entre deux et quatre millions d’ahmadis au Pakistan et que la législation pakistanaise restreignait considérablement la liberté de culte. En conséquence, les ahmadis étaient souvent menacés et harcelés par d’autres groupes non spécifiés. La Commission a toutefois jugé que les auteurs n’avaient pas démontré qu’au Pakistan, ils courraient personnellement un risque précis de persécution ou de mauvais traitements. Elle a estimé que la gravité de la persécution subie était limitée en ce que les auteurs n’avaient été soumis à des menaces que brièvement, peu de temps avant leur départ. De surcroît, les menaces anonymes dont ils avaient fait l’objet étaient comparables à celles auxquelles de nombreux ahmadis avaient été exposés. La Commission a aussi tenu compte du fait que l’auteure avait déclaré que ses fils vivaient toujours dans la maison de Lahore dans laquelle elle et son mari avaient vécu, qu’ils continuaient de travailler dans l’entreprise familiale et n’avaient pas été victimes de harcèlement après le départ de leurs parents. Elle a jugé que la dureté du sort réservé aux ahmadis dans leur ensemble au Pakistan ne suffisait pas en soi à justifier l’octroi d’un permis de séjour aux auteurs.

4.6Le 25 avril 2013, dans le cadre d’une procédure distincte, les auteurs ont demandé l’octroi d’un permis de séjour pour des raisons d’humanité. Leur requête a été rejetée mais, le 2 septembre 2013, ils ont demandé qu’elle soit réexaminée.

4.7Le 25 octobre 2013, les services d’immigration ont fait droit à la demande présentée par les auteurs aux fins de l’obtention d’une aide financière dans le cadre d’un retour volontaire au Pakistan. Par une lettre datée du 10 janvier 2014, les intéressés ont toutefois fait savoir qu’ils ne souhaitaient plus se prévaloir du dispositif d’aide au retour volontaire. Le 29 janvier 2014, les services d’immigration sont donc revenus sur leur décision.

4.8L’État partie estime que la communication est manifestement dénuée de fondement et donc irrecevable. Les auteurs n’ont pas démontré qu’il existait des motifs convaincants de croire qu’au Pakistan, leurs convictions religieuses les exposeraient personnellement à un risque précis de violation de l’article 7 du Pacte. Rien ne vient prouver qu’ils aient été particulièrement pris pour cible, ni que les croix peintes sur le mur de leur maison aient été suivies de menaces verbales. Les auteurs ont déclaré à plusieurs reprises aux autorités danoises qu’ils avaient été harcelés au même titre que les autres ahmadis et n’avaient pas été verbalement menacés. Le 25 avril 2013, l’auteur a dit aux services d’immigration que personne ne les avait jamais interpellés de vive voix. Le 19 août 2013, au cours de son audition par la Commission, l’auteure a reconnu qu’elle et son mari n’avaient pas directement fait l’objet de menaces verbales. La décision de la Commission des recours des réfugiés est fondée et repose sur un examen complet et approfondi des éléments de preuve disponibles, ainsi que sur des informations actuelles concernant la situation des ahmadis au Pakistan.

4.9Pour ce qui est du grief qu’ils tirent de l’article 18 du Pacte, les auteurs sont nés en 1935 et 1945, respectivement, ont toujours fait partie du mouvement ahmadiste et ont vécu au Pakistan sans interruption jusqu’en novembre 2012. Ils ne sauraient être contraints de dissimuler leurs convictions religieuses afin d’éviter de rencontrer des problèmes au Pakistan. La Commission a toutefois conclu que les risques auxquels les auteurs étaient exposés n’étaient pas à ce point graves qu’ils justifiaient la crainte d’être persécutés par les autorités ou par des particuliers pour des motifs religieux.

Commentaires des auteurs sur les observations de l’État partie

5.1Par des lettres datées des 26 et 27 août 2014, les auteurs ont informé le Comité que, le 22 mai 2014, le Ministère de la justice avait décidé de réexaminer leur demande d’octroi d’un permis de séjour pour des raisons d’humanité et qu’il serait sursis à leur expulsion jusqu’à ce que la demande soit tranchée.

5.2Concernant l’observation formulée par l’État partie au sujet de la demande d’octroi d’une aide financière aux fins d’un retour volontaire au Pakistan, les auteurs soutiennent qu’au cours d’une audition par la police danoise, ils ont signé des documents, y compris un formulaire de demande d’aide au retour volontaire, par peur d’être arrêtés et renvoyés au Pakistan. Ils n’ont pas engagé cette démarche de leur plein gré.

5.3C’est à tort que l’État décrit la situation des ahmadis au Pakistan comme étant généralement difficile. Au Pakistan, les ahmadis sont victimes de nettoyage ethnique et religieux et, depuis 2012, leur sort ne cesse de s’aggraver. Les auteurs ne peuvent pas demander protection aux autorités pakistanaises car ils risqueraient alors de se voir accuser de violation de la loi interdisant le blasphème. En 2013, une centaine de personnes ont été accusées d’avoir enfreint cette loi.

5.4Dans des observations datées du 15 septembre 2015, les auteurs ont ajouté que l’État partie avait porté atteinte aux droits consacrés aux articles 6 et 13 du Pacte. L’auteure n’avait pas pu participer à des rassemblements religieux au Pakistan car le danger était trop grand et son mari avait risqué sa vie en se réunissant avec d’autres hommes de la communauté. Leurfille avait obtenu le statut de réfugiée au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et un de leurs fils avait dû fuir le Pakistan après leur départ. Dernièrement, un autre membre de leur famille avait été agressé parce qu’il était ahmadi. Certains pensaient que tuer un ahmadi leur ouvrirait les portes du paradis. Les auteurs avaient donc de bonnes raisons de craindre que leur foi ne les expose à des violences.

Observations complémentaires de l’État partie

6.1Les 17 juin 2015 et 11 février 2016, l’État partie a réitéré les observations qu’il avait précédemment formulées et informé le Comité que, le 29 octobre 2014, les services d’immigration avait de nouveau rejeté la demande d’octroi d’un permis de séjour pour raisons d’humanité présentée par les auteurs. Le 27 avril 2015, la Commission des recours des réfugiés avait confirmé cette décision.

6.2Les observations des auteurs ne contiennent aucune information concernant les risques précis auxquels ils seraient personnellement exposés. S’agissant de la situation des ahmadis au Pakistan, l’État partie se réfère à un rapport de LandInfo daté du 3 juillet 2014, disponible sur le site Web de la Commission des recours des réfugiés.

6.3La procédure d’asile n’entre pas dans le champ d’application de l’article 14 du Pacte. Le grief formulé par les auteurs au titre de cet article est donc irrecevable ratione materiae.

6.4Les auteurs, qui ont pour la première fois invoqué les articles 6 et 13 du Pacte dans leurs observations du 15 septembre 2015, n’ont pas démontré le bien-fondé des arguments présentés sur la base de ces articles. Qu’un de leurs proches ait obtenu l’asile au Royaume‑Uni ne saurait influer sur la suite à donner à leur demande d’asile, d’autant qu’aucune information complémentaire n’a été fournie quant aux circonstances ayant entouré la requête présentée par l’intéressé. L’argument selon lequel un membre de leur famille a été agressé et leur fils a dû fuir le Pakistan n’a pas été étayé par des informations précises et ne saurait non plus avoir un effet sur l’issue de la demande d’asile.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

7.2Le Comité fait observer qu’il s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Il relève en outre qu’il n’est pas contesté que les auteurs ont épuisé tous les recours internes disponibles, comme l’exige le paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

7.3Au sujet du grief de violation de l’article 14 du Pacte, que les auteurs soulèvent au motif qu’ils n’ont pas pu interjeter appel de la décision de la Commission des recours des réfugiés devant une autre instance judiciaire, le Comité renvoie à sa jurisprudence, dont il ressort que les procédures d’expulsion des étrangers ne relèvent pas de la détermination des « droits et obligations de caractère civil » visée au paragraphe 1 dudit article, mais entrent dans le champ d’application de l’article 13. De surcroît, l’article 13 offre à certains demandeurs d’asile une partie de la protection offerte par l’article 14, mais pas le droit de saisir les tribunaux judiciaires. Compte tenu de ces éléments, le Comité conclut que le grief des auteurs est irrecevable ratione materiae en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif. En ce qui concerne le grief de violation des droits consacrés par l’article 13, le Comité relève que les auteurs n’ont pas allégué qu’ils n’avaient pas eu la possibilité de faire valoir les raisons militant contre leur expulsion devant les autorités danoises compétentes et qu’ils ont déposé, en sus de leur demande d’asile, une demande d’octroi de permis de séjour pour des raisons d’humanité qui a été examinée à deux reprises par les autorités de l’État partie. Partant, il estime que les auteurs n’ont pas suffisamment étayé le grief qu’ils tirent de l’article 13 et conclut que ce grief est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif parce qu’insuffisamment étayé.

7.4Pour ce qui est de l’allégation des auteurs selon laquelle leur appartenance à la communauté religieuse musulmane ahmaddiya leur ferait courir un risque s’ils étaient renvoyés au Pakistan, le Comité estime qu’elle est suffisamment étayée aux fins de la recevabilité au regard des articles 6 et 7, et que l’article 18 ne peut pas être dissocié des allégations des auteurs au titre des articles 6 et 7. Par conséquent, le Comité déclare la communication recevable et procède à son examen au fond.

Examen au fond

8.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

8.2Le Comité prend note du fait que les auteurs avancent que s’ils étaient renvoyés au Pakistan, ils s’exposeraient à des mauvais traitements, voire à la mort, parce qu’ils ont reçu des menaces du fait de leur appartenance à la communauté ahmaddiya et que les autorités pakistanaises ne seraient pas en mesure de les protéger de la persécution étant donné que la religion ahmadiste est incriminée en droit interne. Il prend également note des observations de l’État partie, qui fait notamment valoir que rien n’indique que les auteurs aient été particulièrement pris pour cible au Pakistan et que la décision de la Commission des recours des réfugiés est fondée et repose sur un examen complet et approfondi des éléments de preuve disponibles, ainsi que sur des informations actuelles sur la situation des ahmadis au Pakistan.

8.3Le Comité rappelle son observation générale no 31, dans laquelle il renvoie à l’obligation faite aux États parties de ne pas extrader, déplacer, expulser ou transférer de toute autre manière une personne de leur territoire s’il existe des motifs sérieux de croire qu’elle court un risque réel de préjudice irréparable, tel celui envisagé aux articles 6 et 7 du Pacte. Dans sa jurisprudence, le Comité a en outre estimé que le risque devait être personnel et qu’il fallait des motifs sérieux de conclure à l’existence d’un risque réel de préjudice irréparable. Partant, tous les faits et circonstances pertinents devaient être pris en considération, y compris la situation générale des droits de l’homme dans le pays d’origine de l’auteur. Le Comité rappelle que c’est généralement aux organes des États parties qu’il appartient d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans une affaire donnée en vue de déterminer l’existence d’un tel risque, à moins qu’il n’ait été établi que l’appréciation a été arbitraire ou manifestement entachée d’erreur ou constitutive d’un déni de justice.

8.4Le Comité constate qu’après avoir examiné les éléments de preuve fournis par les auteurs dans le cadre de leur demande d’asile et les propos tenus par ceux-ci durant les entretiens et auditions auxquels ils ont été soumis, les autorités de l’État partie ont estimé que les intéressés n’avaient pas démontré qu’ils courraient personnellement un risque de préjudice en cas de renvoi au Pakistan. Il note en particulier que la Commission des recours des réfugiés a ajouté foi aux allégations des auteurs selon lesquelles ils avaient reçu des lettres de menaces à compter de juin 2012 et, à peu près au même moment, des inconnus avaient peint une croix sur le mur de leur maison. La Commission a cependant estimé que les risques auxquels les auteurs étaient exposés n’étaient pas à ce point graves qu’ils justifiaient la crainte d’être persécutés pour des motifs religieux, que ce soit par les autorités ou par des particuliers. Elle a relevé qu’il y avait entre deux et quatre millions d’ahmadis au Pakistan et que la législation interne restreignait sévèrement leur liberté de culte. En conséquence, les ahmadis étaient souvent menacés et harcelés par d’autres groupes non spécifiés. La Commission a néanmoins jugé que les auteurs n’avaient pas démontré qu’au Pakistan, ils courraient personnellement un risque précis de persécution ou de mauvais traitements. La gravité de la persécution subie par les auteurs était limitée en ce que ceux-ci n’avaient été soumis à des menaces que brièvement, peu de temps avant leur départ. En outre, les menaces anonymes dont ils avaient fait l’objet étaient comparables à celles auxquelles de nombreux autres ahmadis avaient été exposés. La Commission a de surcroît tenu compte du fait que, selon l’auteure, les fils du couple vivaient toujours dans la maison dans laquelle celui-ci avait vécu à Lahore, continuaient de travailler dans l’entreprise familiale et n’avaient pas été victimes de harcèlement après le départ de leurs parents.

8.5Le Comité prend note de la conclusion de la Commission selon laquelle si, au Pakistan, les ahmadis faisaient souvent l’objet de menaces et de harcèlement de la part d’autres groupes, les deux auteurs avaient néanmoins déclaré dans le cadre de la procédure interne qu’ils n’avaient pas été interpellés ni verbalement menacés en personne. De surcroît, il constate que les auteurs ont soutenu dans leur demande d’asile et dans leur communication qu’ils avaient été pris pour cible à trois reprises dans trois régions différentes en dehors de Lahore mais n’ont fourni aucun détail à ce sujet, ni à lui ni aux autorités danoises. Bien qu’ils avancent qu’un de leurs fils a dû fuir le Pakistan, les auteurs n’ont pas fait valoir cet argument devant les autorités nationales et n’ont fourni aucune précision sur les circonstances ayant entouré le départ de l’intéressé.

8.6Le Comité estime que les auteurs n’ont pas fait la preuve d’une quelconque irrégularité dans le processus de prise de décisions, ni montré qu’il existait un facteur de risque dont les autorités de l’État partie n’auraient pas dûment tenu compte. Bien qu’ils contestent les constatations des autorités de l’État partie, ils n’ont pas démontré que celles‑ci étaient arbitraires ou manifestement entachées d’erreur, ni qu’elles constituaient un déni de justice. Partant, le Comité ne saurait conclure, sur la base des informations dont il est saisi, que les auteurs courraient un risque personnel et réel de subir un traitement contraire aux articles 6 (par. 1) et 7 du Pacte s’ils étaient renvoyés au Pakistan. Compte tenu de cette conclusion, le Comité n’examinera pas le grief que les auteurs tirent de l’article 18, conjointement avec les articles 6 (par. 1) et 7.

9.Le Comité, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif, constate que l’expulsion des auteurs vers le Pakistan ne constituerait pas une violation des droits qu’ils tiennent des articles 6 (par. 1), 7 et 18 du Pacte.