Nations Unies

CCPR/C/110/D/1908/2009

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

15 mai 2014

Français

Original: anglais

C omité des droits de l ’ homme

Communication no 1908/2009

Constatations adoptées par le Comité à sa 110e session(10-28 mars 2014)

Communication présentée par:

X (représenté par un conseil, Jong Chul Kim)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

République de Corée

Date de la communication:

19 octobre 2009 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application des articles 92 et 97 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 21 octobre 2009 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations:

25 mars 2014

Objet:

Expulsion vers l’Iran d’une personne convertie au christianisme

Question(s) de fond:

Risque de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en cas de renvoi dans le pays d’origine; détention arbitraire

Question(s) de procédure:

Épuisement des recours internes; griefs insuffisamment étayés

Article(s) du Pacte:

7, 9 (par. 4)

Article(s) du Protocole facultatif:

2, 5 (par. 2 b))

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titredu paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatifse rapportant au Pacte international relatif aux droitscivils et politiques (110e session)

concernant la

Communication no 1908/2009 *

Présentée par:

X (représenté par un conseil, Jong Chul Kim)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

République de Corée

Date de la communication:

19 octobre 2009 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 25 mars 2014,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1908/2009présentée par X en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5du Protocole facultatif

1.1L’auteur de la communication est X, de nationalité iranienne, né en 1965, qui, au moment de la présentation de la communication, était détenu au centre de détention pour étrangers de Hwaseong, en attente d’une expulsion vers la République islamique d’Iran. Il affirme que les droits qu’il tient de l’article 7 du Pacte seraient violés s’il était expulsé vers la République islamique d’Iran. Il ajoute que l’État partie a violé l’article 9 du Pacte à son égard. L’auteur est représenté.

1.2Le 21 octobre 2009, le Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, agissant au nom du Comité, a décidé de formuler une demande de mesures provisoires au titre de l’article 92 du Règlement intérieur du Comité, priant les autorités de l’État partie de ne pas expulser l’auteur tant que son dossier serait en cours d’examen devant le Comité et de garantir un contrôle judiciaire régulier de sa détention administrative. L’État partie a accepté la demande.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur est né musulman en République islamique d’Iran. Son intérêt pour le christianisme s’est développé lorsqu’il a commencé à écouter une émission de radio internationale chrétienne intitulée «Voix de l’espoir». L’auteur est arrivé en République de Corée le 30 mai 2005 avec un visa d’affaires «C‑2» de courte durée, valable trois mois. Là, il a commencé à assister à des messes kurdes à l’église Shin-Kwang, où sa foi chrétienne a grandi; il a étudié la Bible puis s’est converti au christianisme. Le 4 novembre 2005, il a été arrêté sur ordre du procureur pour consommation de cannabis, et le tribunal l’a condamné à dix mois de prison avec un sursis de deux ans.

2.2Après la condamnation de l’auteur, une ordonnance d’expulsion a été prononcée à son encontre et, le 12 décembre 2005, il a été placé au centre de détention de Hwaseong. Les motifs de sa détention n’étaient pas liés à sa condamnation pénale, mais à l’exécution de l’ordonnance d’expulsion prononcée contre lui sur le fondement de l’article 46 de la loi relative au contrôle de l’immigration. Selon l’article 63 de cette loi, s’il est impossible d’expulser immédiatement du territoire de la République de Corée une personne qui fait l’objet d’une ordonnance à cette fin, la personne doit être placée en détention dans une salle, un camp ou un autre lieu réservé aux étrangers désigné par le Ministre de la justice, jusqu’à ce que l’expulsion soit possible.

2.3Le 28 décembre 2005, alors qu’il était détenu au centre de détention pour étrangers de Hwaseong, l’auteur a demandé le statut de réfugié. Le Ministère de la justice a rejeté sa demande le 10 mars 2006 au motif que l’auteur n’avait pas établi qu’il «craignait avec raison d’être persécuté» au sens de l’article premier de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Le 23 juin 2006, le Ministère de la justice a rejeté son recours, jugeant la décision initiale «justifiée». Selon l’auteur, le Ministère a intentionnellement supprimé la dernière phrase de la décision, où il était précisé qu’il avait la possibilité de déposer un recours administratif contre la décision dans les quatre-vingt-dix jours de sa notification. L’auteur n’a par conséquent pas fait appel de cette décision dans le délai légal.

2.4Pendant sa détention, l’auteur a continué à développer sa foi chrétienne et les membres de l’Église Shin-Kwang lui ont régulièrement rendu visite. Le 10 juillet 2006, l’auteur a décidé de rendre publique sa foi chrétienne en se faisant baptiser.

2.5Le 13 octobre 2006, alors que l’auteur ne pouvait plus contester le rejet de sa demande d’asile par le Ministère de la justice, le Bureau de l’immigration a invité un représentant de l’ambassade d’Iran à lui rendre visite et à lui délivrer un nouveau passeport afin de permettre son renvoi. Au cours de l’entretien avec le fonctionnaire de l’ambassade d’Iran, l’auteur a déclaré qu’il s’était converti au christianisme et, lorsqu’il lui a été demandé de se reconvertir à la foi musulmane, il a dit qu’il n’avait pas l’intention de retourner en République islamique d’Iran.

2.6Le 20 février 2007, l’auteur a présenté une nouvelle demande de statut de réfugié, qui a été rejetée le 20 avril 2007 aux motifs suivants: ses déclarations n’étaient pas fiables et étaient contredites par le prêtre qui l’avait baptisé, en particulier quant à la raison pour laquelle il voulait se faire baptiser à la suite du refus de sa première demande d’asile; le diplomate iranien n’avait formulé aucune observation sur la conversion de l’auteur, ce qui laissait penser que l’ambassade d’Iran ne reconnaissait pas cette conversion; seules les personnes participant activement à des missions religieuses courent un risque depersécution en République islamique d’Iran. L’auteur, qui n’est pas chargé d’une œuvre missionnaire, pourrait mener normalement sa vie religieuse en République islamique d’Iran, y compris aller à la messe le dimanche, sans que cela ne présente de risque pour lui.

2.7Le 25 mai 2007, le recours de l’auteur a été rejeté. Le 3 juillet 2007, l’auteur a déposé un nouveau recours administratif, dans lequel il démontrait que les Iraniens convertis au christianisme risquaient d’être persécutés s’ils étaient renvoyés en République islamique d’Iran, en s’appuyant sur des documents datés du 9 octobre 2007, établis par le Bureau du Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) à Séoul à la demande du Président de la Cour administrative de Séoul. Il est indiqué dans ce document que, «selon les sources, un organisme public, l’Organisation des Nations Unies et une organisation non gouvernementale, les musulmans qui se convertissent au christianisme risquent d’être victimes en République islamique d’Iran de discrimination sociale et, dans certains cas, de persécution, surtout s’ils se livrent au prosélytisme». Dans sa requête, l’auteur a également fait valoir que l’ambassade d’Iran savait, par le fonctionnaire de l’ambassade qui lui avait rendu visite, qu’il s’était converti au christianisme. Il a également présenté son journal intime comme preuve du caractère authentique de sa conversion au christianisme.

2.8Le 22 janvier 2008, le recours administratif formé par l’auteur a été rejeté, principalement pour les raisons suivantes: son entrée en République islamique de Corée semblait motivée par des raisons économiques; il s’était fait baptiser après le rejet de sa demande initiale de statut de réfugié; il était difficile d’admettre, en se basant seulement sur le fait qu’il aurait informé le représentant de l’ambassade d’Iran de sa conversion, que les autorités iraniennes avaient connaissance de celle-ci; et, même si les personnes converties au christianisme sont victimes d’oppression de la part de l’État et de discrimination dans le secteur de l’éducation et dans les activités économiques en République islamique d’Iran, une simple conversion entraîne rarement des poursuites pénales, sauf si l’intéressé se livre activement et publiquement à un prosélytisme chrétien. Par conséquent, l’auteur n’avait pas établi que sa crainte d’être persécuté s’il était renvoyé en République islamique d’Iran était effectivement fondée. L’auteur a fait appel de cette décision devant la Haute Cour de Séoul, mais a été débouté le 11 novembre 2008. Il a déposé un nouveau recours devant la Cour suprême, qui a été rejeté le 26 février 2009. L’auteur affirme avoir épuisé les recours internes.

2.9Le 31 mars 2009, l’auteur a reçu la visite d’un autre fonctionnaire de l’ambassade d’Iran à Séoul, qui a tenté de le persuader de se reconvertir à l’islam.

2.10En ce qui concerne l’épuisement des recours internes, l’auteur fait valoir, pour ce qui est de ses demandes d’asile, que son dernier recours a été examiné par la Cour suprême, qui l’a rejeté le 26 février 2009. Il affirme ne disposer dès lors d’aucun autre recours et observe en outre que la procédure d’opposition auprès du Ministère de la justice, prévue par l’article 60 de la loi relative au contrôle de l’immigration, aurait pu lui être ouverte s’il en avait fait usage dans les sept jours suivant la notification de l’ordonnance d’expulsion. Une procédure aux fins de révocation de l’ordonnance d’expulsion dans le cadre de l’article 20 de la loi relative au contentieux administratif aurait également pu lui être ouverte. Cependant, il a dépassé le délai prévu pour l’exercice de ce recours, qui est de quatre-vingt-dix jours après lanotification de l’ordonnance. Par conséquent, il estime qu’aucune de ces deux voies ne lui était ouverte.

2.11L’auteur indique en outre qu’une action en déclaration de nullité de l’ordonnance d’expulsion lui était en principe ouverte, mais qu’elle n’est pas efficace. Aucun délai n’est fixé pour l’introduction de cette procédure, contrairement à ce qui est prévu pour la procédure aux fins de révocation. Néanmoins, il ressort de la jurisprudence constante des juridictions administratives que seules les ordonnances entachées de vices importants et manifestes au moment de leur prononcé peuvent être annulées. L’ordonnance d’expulsion a été prononcée en vertu de l’article 46 de la loi relative au contrôle de l’immigration, alors que le Ministère de la justice ne savait pas que l’auteur s’était converti au christianisme. Par conséquent, l’ordonnance d’expulsion ne présentant pas de vice important et manifeste au moment de son prononcé, cette procédure n’aurait pas été utile.

2.12En ce qui concerne sa détention, l’auteur fait valoir que la procédure de révocation et la procédure d’opposition auprès du Ministère de la justice ne lui étaient pas ouvertes puisqu’il avait dépassé les délais de prescription pendant qu’il était engagé dans la procédure de demande d’asile. S’agissant de l’action en déclaration de nullité de l’ordonnance de mise en détention, l’ordonnance rendue le 12 décembre 2005 a été adoptée en vertu de l’article 63 de la loi relative au contrôle de l’immigration. L’auteur explique que sa détention n’était pas arbitraire dès son arrestation initiale, mais qu’elle l’est devenue au fil du temps faute d’avoir fait l’objet d’un contrôle judiciaire périodique. Sa détention étant liée à l’exécution de l’ordonnance d’expulsion, une action en déclaration de nullité de l’ordonnance de mise en détention n’aurait abouti que si l’ordonnance d’expulsion elle‑même avait été déclarée nulle, dans le cadre d’une procédure que l’auteur décrit comme inefficace. En outre, l’ordonnance de mise en détention elle-même, au moment de son adoption, ne présentait pas de vices importants et manifestes. Une telle procédure ne serait dès lors pas utile.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur soutient que l’État partie violerait l’article 7 du Pacte s’il l’expulsait, parce que les autorités iraniennes ayant connaissance de sa conversion, elles le soumettraient à la torture, voire le condamneraient à la peine de mort. En effet, le Code pénal iranien a été modifié en 2008 de sorte qu’il prévoit la peine capitale pour tout homme iranien qui abandonne la foi islamique.

3.2L’auteur souligne en outre qu’il est détenu au centre de Hwaseong depuis le 12 décembre 2005. Sa détention sera illimitée tant que l’ordonnance d’expulsion ne sera ni révoquée ni retirée, étant donné que l’article 63 de la loi relative au contrôle de l’immigration prévoit que «s’il est impossible de renvoyer immédiatement du territoire de la République de Corée une personne qui fait l’objet d’une ordonnance d’expulsion, cette personne peut être détenue jusqu’à ce que son expulsion soit possible». Depuis le 27 février 2009 (date du prononcé de la décision finale de la Cour suprême sur sa demande de statut de réfugié), l’auteur a été maintenu en détention sans contrôle judiciaire, dans l’attente de l’exécution de l’ordonnance d’expulsion le concernant. Il soutient par conséquent que l’État partie a violé l’article 9 à son égard.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Le 11 janvier 2010, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité de la communication. Il avance que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes visant à contester l’ordonnance d’expulsion et la légalité de sa détention administrative. En ce qui concerne l’ordonnance d’expulsion, l’auteur avait la possibilité, en vertu de l’article 60 de la loi relative au contrôle de l’immigration, de former opposition contre la décision du Ministre de la justice dans les sept jours suivant la notification de l’ordonnance. Il avait également la possibilité, dans un délai de quatre-vingt-dix jours suivant la réception de sa notification, d’introduire un recours administratif en vertu de la loi relative au contentieux administratif pour demander la révocation de l’ordonnance d’expulsion.

4.2L’État partie fait en outre valoir qu’en vertu de l’article 64 2) iv) de la loi relative au contrôle de l’immigration, l’auteur peut demander à être expulsé vers un pays autre que la République islamique d’Iran. L’auteur ayant accepté de se prévaloir de cette procédure, l’État partie lui a accordé suffisamment de temps pour mener des consultations avec un pays tiers. Des consultations sont en cours entre l’auteur et un pays tiers en vue d’une éventuelle expulsion vers ce pays.

4.3En ce qui concerne les allégations de détention arbitraire formulées par l’auteur, l’État partie rappelle que celui-ci a été arrêté en vertu de l’article 63 1) de la loi relative au contrôle de l’immigration et de l’article 78 1) du décret d’application de la loi, qui prévoient qu’un individu qui ne peut pas être expulsé rapidement peut être placé sous la garde d’un bureau de protection des étrangers, d’un centre de détention pour étrangers, ou de tout autre lieu désigné par le Ministre de la justice lors du prononcé d’une ordonnance d’expulsion. Une ordonnance d’expulsion visant l’auteur a été prise le 12 décembre 2005. L’auteur a alors été placé sous la garde du centre de détention de Hwaseong, où il est resté jusqu’à sa mise en liberté provisoire le 20 novembre 2009.

4.4L’État partie fait valoir que l’auteur aurait pu, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de l’ordonnance d’expulsion du 12 décembre 2005, introduire un recours administratif visant à la révocation de l’ordonnance. Il aurait aussi pu à tout moment faire opposition à sa détention auprès du Ministre de la justice, en vertu de l’article 55 de la loi relative au contrôle de l’immigration. Si son opposition avait été rejetée, il aurait pu déposer un recours administratif aux fins de révocation de la décision de rejet dans les quatre-vingt-dix jours suivant la réception de sa notification. L’opposition formée le 18 août 2009 par l’auteur contre sa détention a été rejetée le 3 novembre 2009. L’auteur n’a pas introduit de recours administratif pour contester ce rejet.

4.5L’État partie fait observer en outre qu’en vertu de l’article 65 de la loi relative au contrôle de l’immigration, toute personne en détention avant l’exécution d’une ordonnance d’expulsion peut également solliciter sa mise en liberté provisoire. Si la demande est rejetée, un recours administratif fondé sur la loi relative au contentieux administratif visant à la révocation de la décision peut être déposé dans les quatre-vingt-dix jours suivant la réception de la notification de la décision. En l’espèce, la demande de mise en liberté provisoire formée par l’auteur le 20 novembre 2009 a été acceptée par le chef du Bureau de l’immigration de Séoul, et l’intéressé demeure en liberté provisoire.

4.6L’État partie soutient par conséquent que l’auteur a eu la possibilité de faire examiner la légalité de sa détention par un juge, et qu’il a toujours la possibilité de contester la décision de rejet du 3 novembre 2009. Il n’a dès lors pas épuisé les voies de recours internes.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie sur la recevabilité

5.1Le 20 avril 2010, l’auteur a répondu aux observations de l’État partie. Il soutient que les procédures prévues par la loi relative au contrôle de l’immigration et la loi relative au contentieux administratif, que l’État partie cite comme moyens de remise en cause de l’ordonnance d’expulsion, ne sont pas disponibles, dans la mesure où les deux recours doivent être déposés respectivement dans les sept et quatre-vingt-dix jours de la notification de l’ordonnance d’expulsion. L’ordonnance ayant été rendue le 12 décembre 2005, aucune de ces procédures n’est aujourd’hui ouverte à l’auteur.

5.2Pour ce qui est de l’opposition et du recours administratif contre la décision du Ministre de la justice, il ne s’agit pas de recours utiles, parce que les raisons rendant l’expulsion contraire au principe de non-refoulement existent depuis que l’auteur a été baptisé, soit depuis le 10 juillet 2006. Par conséquent, lorsque ces recours étaient disponibles, l’ordonnance d’expulsion n’aurait pas été révoquée puisqu’il avait été décidé que l’auteur serait expulsé en raison de sa condamnation pour usage de drogues. Après qu’il a été baptisé et qu’il a commencé à craindre d’être torturé s’il était renvoyé en République islamique d’Iran, ces recours n’étaient plus disponibles.

5.3En ce qui concerne la révocation de l’ordonnance d’expulsion elle-même, elle n’aurait pas assuré à l’auteur une situation stable dans l’État partie puisqu’il aurait pu être soumis à un refoulement de fait. La seule protection efficace qu’il pourrait rechercher est celle de la procédure d’asile, qu’il a engagée. Jamais un demandeur d’asile n’a formé d’opposition ni de recours aux fins de révocation de l’ordonnance d’expulsion dans l’État partie, car il ne s’agit pas de recours utiles.

5.4En ce qui concerne les consultations en cours avec des pays tiers, l’auteur fait valoir qu’il s’agit de consultations d’une durée indéfinie, qui n’ont aucun caractère juridiquement contraignant. En outre, l’auteur a insisté pour être expulsé vers un pays non musulman, mais l’État partie a continué de proposer la Turquie comme pays tiers. Selon l’auteur, la Turquie place des réfugiés en détention et les renvoie de force en République islamique d’Iran. Par conséquent, l’auteur conclut que les consultations avec des pays tiers ne constituent pas un recours disponible ou utile qu’il devrait épuiser.

5.5En ce qui concerne les arguments de l’État partie concernant les recours disponibles pour contester sa détention, l’auteur souligne qu’il n’était ni nécessaire ni utile d’introduire un recours administratif dans les quatre-vingt-dix jours de la notification de l’ordonnance de détention puisque, à l’époque, sa détention n’était pas arbitraire. Elle ne l’est devenue qu’après deux à trois années sans contrôle judiciaire périodique. À ce moment-là, le recours susmentionné ne lui était plus ouvert.

5.6S’agissant de son action devant le Ministère de la justice, introduite le 23 août 2009 dans le but de contester sa détention, l’auteur soutient que la procédure a été excessivement longue, le Ministère n’ayant toujours pas statué sur sa demande au moment où il a soumis sa communication au Comité, le 19 octobre 2009. En outre, l’auteur n’a pas reçu notification de la décision de rejet rendue le 3 novembre 2009, dont fait mention l’État partie.

5.7Enfin, l’auteur fait valoir que sa mise en liberté provisoire ne modifie en rien ses allégations, car il est à la merci d’une décision de l’État partie de le placer de nouveau en détention.

Observations de l’État partie sur le fond

6.1Le 21 avril 2010, l’État partie a présenté ses observations sur le fond de la communication. Il rappelle que des consultations avec un pays tiers sont en cours concernant l’expulsion de l’auteur et qu’il suspend l’exécution de l’ordonnance d’expulsion jusqu’à ce qu’une décision soit prise. Par conséquent, la crainte de l’auteur d’être soumis à la torture ou à des mauvais traitements n’est pas justifiée.

6.2L’État partie soutient en outre que, même si l’auteur était expulsé vers la République islamique d’Iran, il ne serait exposé ni à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le 22 janvier 2008, la Cour administrative de Séoul a conclu que l’allégation de l’auteur qui affirme qu’il serait persécuté s’il était renvoyé en République islamique d’Iran n’était pas suffisamment étayée. Le 26 février 2009, la Cour suprême a confirmé cette conclusion en se fondant sur les éléments suivants: l’auteur n’a pas participé à des activités chrétiennes en République islamique d’Iran et il est entré en République de Corée pour des raisons économiques; il a été baptisé après le rejet de sa première demande de statut de réfugié; il est peu probable que les autorités iraniennes aient connaissance de sa conversion au christianisme; il est rare que la seule conversion religieuse entraîne des poursuites pénales en République islamique d’Iran, à moins que l’intéressé ne se livre à un prosélytisme actif; l’existence d’une discrimination dans les activités éducatives et économiques ne constitue pas une forme de persécution. En conséquence, l’État partie réaffirme que l’auteur ne court pas de danger en cas de retour en République islamique d’Iran.

6.3Pour ce qui est du grief de détention arbitraire invoqué par l’auteur au titre de l’article 9, l’État partie rappelle que l’intéressé n’a pas épuisé les voies de recours internes. L’auteur a été arrêté le 12 décembre 2005 mais ce n’est que le 18 août 2009 qu’il a formé une opposition administrative contre sa détention. Après le rejet de sa demande, il n’a pas exercé de recours.

6.4L’État partie relève en outre que, selon l’auteur, il ne pouvait pas introduire de recours administratif contre sa détention parce que le délai pour exercer un tel recours avait expiré. Or, la procédure de demande d’asile et le recours administratif concernant la détention sont des procédures distinctes, et l’auteur aurait pu contester la légalité de sa détention indépendamment du déroulement de la procédure d’asile. L’auteur était représenté par un conseil durant toute la procédure; l’État partie en déduit qu’il a décidé en connaissance de cause de ne pas former de recours contre la décision initialement rendue sur la légalité de sa détention.

6.5Pour conclure, l’État partie réaffirme qu’il ne fera pas exécuter l’ordonnance d’expulsion contre l’auteur tant que des consultations sur son éventuelle expulsion vers un pays tiers seront en cours.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie sur le fond

7.1Le 14 juillet 2010, l’auteur a rappelé que les consultations sur son éventuelle expulsion vers un pays tiers ne constituaient pas un processus juridiquement contraignant et que, par conséquent, elles n’empêchaient pas l’État partie de l’expulser vers la République islamique d’Iran. Selon lui, ces consultations entraînent inévitablement le risque d’une détention prolongée, car la loi relative au contrôle de l’immigration ne fixe pas de délai pour ce processus.

7.2En ce qui concerne les recours mentionnés par l’État partie, l’auteur fait observer que l’exercice d’un recours administratif contre une ordonnance de mise en détention dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de l’ordonnance vise seulement à déterminer si le placement initial en détention était légitime, et laisserait sans réponse la question de savoir si une prolongation de la détention est justifiée. Il ajoute que, même s’il avait exercé un recours administratif dans les quatre-vingt-dix jours après le rejet de son opposition par le Ministre de la justice, ce ne serait pas une mesure judiciaire appropriée puisqu’il a été détenu pendant une période prolongée et qu’aucun délai n’est imparti au Ministre de la justice pour statuer sur les recours.

7.3En ce qui concerne sa mise en liberté provisoire, l’auteur fait observer qu’elle a été accordée après qu’il a soumis sa communication au Comité. Pour obtenir la prolongation de cette mesure, il devrait se rendre régulièrement au Bureau de l’immigration. Or celui-ci peut révoquer comme il l’entend la décision de mise en liberté provisoire, ou refuser de la prolonger. L’auteur pourrait donc être placé de nouveau en détention.

7.4S’agissant du risque encouru en cas d’expulsion vers la République islamique d’Iran, l’auteur renvoie à l’avis du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (voir plus haut, par. 2.7) et souligne que les restrictions imposées à son droit de faire du prosélytisme constitueraient une limitation excessive de son droit à la liberté de religion.

Observations complémentaires de l’auteur

8.1Le 5 février 2014, l’auteur a rappelé qu’il avait été libéré le 20 novembre 2009, après quarante-sept mois de détention. Il souligne que, pendant sa détention, son état de santé s’est considérablement dégradé. Il a perdu presque toutes ses dents et a fait une tentative de suicide. Le fait qu’il n’y ait ni services de santé mentale, ni dentiste dans le centre de détention pour étrangers où il était détenu n’a fait qu’aggraver sa situation. L’auteur ajoute que, depuis lors, il ne peut plus vivre sans médicaments.

8.2L’auteur rappelle qu’il a été libéré le 20 novembre 2009 contre une caution de 3 000 dollars des États-Unis. Il a en suite régulièrement prolongé sa libération provisoire tous les trois mois, en se présentant en personne aux autorités de l’immigration. Il souligne que sa coopération et le fait qu’il se présente de son plein gré montrent que, s’il avait été libéré au lieu d’être placé en détention pour une durée non définie, il ne se serait pas enfui. Par conséquent, il réaffirme que sa détention était arbitraire puisqu’elle n’a pas fait l’objet d’un contrôle judiciaire régulier.

8.3En outre, l’auteur fait valoir que sa caution de 3 000 dollars des États-Unis a été confisquée lorsqu’il s’est présenté devant les autorités de l’immigration le 13 décembre 2013 pour demander une nouvelle prolongation de sa libération provisoire, ce qui lui a été refusé, au motif qu’il n’avait pas, comme le lui avaient demandé les autorités, récupéré son passeport perdu auprès des autorités iraniennes. Il a donc été placé de nouveau en détention le 30 décembre 2013, puis libéré à titre provisoire après avoir payé une nouvelle caution de 3 000 dollars des États-Unis. L’auteur fait valoir que, depuis qu’on lui a refusé la prolongation de sa liberté provisoire le 13 décembre 2013, son état de santé s’est aggravé.

8.4L’auteur indique également qu’il étudie la théologie et donne des cours d’instruction religieuse dans le cadre de son église depuis sa libération provisoire. En 2012, il a obtenu un bachelor en théologie du Antioch Missions College and Seminary.

Observations complémentaires de l’État partie

9.1Le 13 février 2014, l’État partie a soumis des informations à jour sur la situation de l’auteur. Il a rappelé que les autorités autorisaient l’auteur à rester dans le pays et avaient suspendu l’exécution de l’ordonnance d’expulsion comme l’avait demandé le Comité en 2009. Après sa libération le 20 novembre 2009, l’auteur avait régulièrement demandé à ce que sa liberté provisoire soit prolongée.

9.2L’État partie rappelle également que, lorsque la Cour suprême a finalement refusé d’accorder le statut de réfugié à l’auteur en 2009, le bureau de l’immigration de Séoul a informé l’auteur qu’il pouvait être expulsé vers un pays autre que la République islamique d’Iran. En conséquence, les autorités lui ont accordé suffisamment de temps pour qu’il puisse mener des consultations avec un pays tiers. L’État partie n’a pas fait référence à un pays en particulier.

9.3L’auteur a poursuivi ses études dans un séminaire pour étrangers en République de Corée et sera diplômé en mars 2014. Le président du séminaire fréquenté par l’auteur s’est engagé à soutenir l’auteur dans son projet de quitter la République de Corée pour le Canada après avoir obtenu son diplôme, et l’auteur a fait officiellement savoir au bureau de l’immigration de Seoul qu’il avait l’intention de rejoindre un pays tiers. Sur la base de ces engagements, le bureau de l’immigration a autorisé la libération de l’auteur et la poursuite de ses études, et a suspendu l’exécution de l’ordonnance d’expulsion.

9.4L’État partie rappelle que l’auteur a été jugé coupable d’infraction à la législation relative aux stupéfiants en République de Corée et que sa demande d’asile a été rejetée après un examen approfondi de son dossier par le Ministère de la justice et la Cour suprême, qui ont estimé que l’auteur n’avait pas le droit à une protection fondée sur le principe du non-refoulement.

9.5L’État partie fait part de ses préoccupations quant aux conséquences de la situation de l’auteur sur l’exercice légitime du contrôle de l’immigration par le Gouvernement, étant donné que, alors que son statut juridique est non déterminé depuis 2009, l’auteur a pu suivre des études et rester sur le territoire de l’État partie suite à la demande de mesures provisoires formulée par le Comité, alors qu’il s’est vu refuser le statut de réfugié il y a quatre ans. Par conséquent, le Gouvernement de l’État partie demande au Comité de rendre une décision rapidement, en se fondant sur les observations qui ont été soumises précédemment, ainsi que sur la situation actuelle de l’auteur.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

10.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

10.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

10.3Le Comité note que l’auteur affirme que sa détention constitue une violation de l’article 9, car il a été détenu à partir du 12 décembre 2005 sans contrôle judiciaire périodique de sa détention pendant près de quatre ans. Le Comité rappelle que la détention pendant une procédure aux fins de contrôle de l’immigration n’est pas arbitraire en soi mais doit être justifiée, raisonnable, nécessaire et proportionnée compte tenu des circonstances, et que la mesure doit être réévaluée si elle se poursuit. Le Comité relève que, dans le cas présent, l’auteur a été détenu en application de l’article 63 1) de la loi relative au contrôle de l’immigration, qui prévoit qu’une personne visée par une ordonnance d’expulsion peut être placée en détention si elle ne peut pas être renvoyée rapidement. Le Comité note en outre que, selon l’État partie, l’auteur, bien qu’il ait eu la possibilité de le faire, n’a pas contesté sa détention avant le 18 août 2009. Il relève que l’auteur était représenté par un conseil au cours de la procédure, et qu’il n’a pas nié qu’il aurait pu contester sa détention plus tôt. L’auteur n’a pas non plus exercé de recours contre la décision du 3 novembre 2009 rejetant l’opposition administrative qu’il avait formée contre sa détention. Le Comité considère donc que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes et conclut que cette partie de la communication est irrecevable au regard du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

10.4En ce qui concerne la possible expulsion de l’auteur vers la République islamique d’Iran, le Comité relève que l’État partie a contesté la recevabilité de la communication pour non-épuisement des recours internes, arguant que l’auteur n’a pas introduit de recours administratif, sur la base de la loi relative au contentieux administratif, aux fins de révocation de l’ordonnance d’expulsion dans les quatre-vingt-dix jours suivant la réception de sa notification. Il note en outre que l’auteur fait valoir que ce recours n’était pas utile ratione temporis, puisque l’élément essentiel de sa contestation, à savoir le risque qu’il encourt en raison de sa conversion au christianisme, n’existait pas avant l’expiration du délai de prescription, puisqu’il a été baptisé le 10 juillet 2006 et qu’il aurait dû introduire ce recours au plus tard en mars 2006. Le Comité note en outre qu’après sa conversion, l’auteur a demandé, le 20 février 2007, le statut de réfugié. Sa demande a été rejetée au motif qu’il n’était pas suffisamment crédible et qu’il ne risquait pas d’être persécuté s’il était renvoyé en République islamique d’Iran. L’auteur a déposé plusieurs recours consécutifs, jusqu’à ce que la Cour suprême rejette son recours le 26 février 2009. L’auteur soutient qu’il ne dispose pas d’autres recours pour remettre en cause l’ordonnance d’expulsion prononcée à son encontre, ce que l’État partie ne conteste pas.

10.5Le Comité note que l’État partie fait valoir que des consultations sur la réinstallation de l’auteur dans un pays tiers sont en cours et que l’intéressé a volontairement choisi de se prévaloir de cette procédure. Le Comité relève aussi qu’un pays de réinstallation a été suggéré à l’auteur, qui n’était pas disposé à engager une telle procédure, et que l’État partie a décidé de ne pas expulser l’auteur vers la République islamique d’Iran tant que ces consultations seraient en cours. Le Comité a pris note de l’argument de l’auteur qui affirme que ces consultations n’ont pas de terme défini ni de force juridique. Il observe que cette procédure semble être discrétionnaire, n’est pas limitée dans le temps et n’entraîne pas officiellement un sursis à l’exécution de l’ordonnance d’expulsion. Le Comité rappelle sa jurisprudence selon laquelle l’auteur doit faire usage de tous les recours judiciaires pour satisfaire à la prescription énoncée au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, dans la mesure où de tels recours semblent être utiles en l’espèce et sont de facto ouverts à l’auteur. En l’espèce, le Comité considère que les consultations relatives à la réinstallation de l’auteur dans un pays tiers ne constituent pas un recours que l’auteur est tenu d’épuiser en application du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

10.6Le Comité déclare la communication recevable en ce qu’elle semble soulever des questions au titre des articles 6 et 7 du Pacte, et procède à son examen au fond.

Examen au fond

11.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

11.2Le Comité note que l’auteur fait valoir que, puisqu’il s’est converti au christianisme et que les autorités iraniennes ont connaissance de ce fait, il court un risque réel d’être soumis à des traitements contraires à l’article 7 du Pacte s’il est renvoyé contre son gré en République islamique d’Iran. L’auteur a en outre indiqué qu’il pourrait être condamné à mort en Iran, le Code pénal prévoyant la peine de mort pour tout homme qui renonce à la foi islamique (voir supra, par. 3.1). Le Comité a pris note de l’argument de l’État partie qui affirme que les demandes soumises par l’auteur aux autorités internes ont été rejetées au motif qu’il manquait de crédibilité, conclusion qui s’appuie notamment sur le fait qu’il s’est converti au christianisme après que sa première demande d’asile a été rejetée.

11.3Le Comité rappelle que, d’une manière générale, il appartient aux instances desÉtats parties au Pacte d’apprécier les faits et les éléments de preuve afin de déterminer l’existence d’un risque de préjudice irréparable. Malgré tout le respect dû aux autorités d’immigration en ce qui concerne l’appréciation des éléments de preuve dont elles sont saisies, le Comité doit déterminer si l’expulsion de l’auteur vers la République islamique d’Iran l’exposerait à un risque réel de préjudice irréparable. Le Comité rappelle à cet égard son Observation générale no 31 (2004), dans laquelle il évoque l’obligation des États parties de ne pas extrader, déplacer, expulser une personne de leur territoire ou la transférer par d’autres moyens s’il existe des motifs sérieux de croire qu’il y a un risque réel de préjudice irréparable, tel que celui envisagé aux articles 6 et 7 du Pacte, que ce soit dans le pays vers lequel la personne doit être expulsée ou dans tout pays vers lequel elle peut être renvoyée par la suite.

11.4Le Comité doit donc déterminer si le renvoi de l’auteur en République islamique d’Iran l’exposerait à un risque réel de préjudice irréparable au sens du paragraphe 1 de l’article 6 et de l’article 7 du Pacte. Il note qu’il n’est pas contesté que l’auteur s’est converti au christianisme et que, pendant sa détention, il a reçu la visite de fonctionnaires iraniens qu’il a informés de sa conversion. À cet égard, le Comité a pris note des rapports qui indiquent que, bien que l’apostasie ne constitue pas une infraction pénale au regard du droit iranien, elle peut être traitée comme telle par les procureurs et les juges pour accuser les convertis d’apostasie, ce qui, selon les informations disponibles, aurait donné lieu à des arrestations arbitraires, à des placements à l’isolement, à des actes de torture et même à des exécutions.

11.5Le Comité note également que l’auteur a obtenu un Bachelor en théologie du Antioch Missions College and Seminary, qui est dirigé par les missions d’Antioche et a pour but de «répandre l’Évangile auprès des peuples non atteints» d’Afrique du Nord, du Moyen-Orient et d’Asie. Le Comité prend note de l’opinion incontestée, que partage l’État partie (voir supra, par. 6.2), selon laquelle en République islamique d’Iran les chrétiens qui se livrent au prosélytisme sont exposés à un risque sérieux de persécution et de conséquences pénales. Il note que cet aspect n’a pas été examiné pendant la procédure d’expulsion. L’État partie n’a donc pas tenu dûment compte du risque personnel que court l’auteur en République islamique d’Iran, non seulement du fait de sa conversion au christianisme mais aussi en tant que théologien menant des activités évangélistes. En conséquence, le Comité considère que l’auteur serait exposé à un risque réel de préjudice irréparable au regard du paragraphe 1 de l’article 6 et de l’article 7 du Pacte s’il était renvoyé de force en République islamique d’Iran.

12.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, conclut que le renvoi de l’auteur vers la République islamique d’Iran constituerait une violation des droits qu’il tient du paragraphe 1 de l’article 6 et de l’article 7 du Pacte.

13.En vertu du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile, y compris en procédant à un réexamen complet de son grief concernant le risque de traitement contraire au paragraphe 1 de l’article 6 et à l’article 7 en cas d’expulsion vers la République islamique d’Iran, eu égard aux obligations de l’État partie en vertu du Pacte. En outre, l’État partie ne devrait pas expulser l’auteur vers un pays tiers susceptible de l’expulser vers la République islamique d’Iran. Il est en outre tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas.

12.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y a eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est invité en outre à rendre publiques les présentes constatations et à les diffuser largement dans les langues officielles du pays.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]