Nations Unies

CCPR/C/112/D/2004/2010

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

17 novembre 2014

Français

Original: anglais

C omité des droits de l ’ homme

Communication no 2004/2010

Constatations adoptées par le Comité à sa 112ème session(7-31 octobre 2014)

Communication présentée par:

H. K. (représenté par un conseil, Christian B. Hjort, puis John Chr. Elden et Anders Brosveet)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Norvège

Date de la communication:

9 mars 2010 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 18 novembre 2010 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations:

16 octobre 2014

Objet:

Motivation insuffisante du refus opposé à une demande d’autorisation d’interjeter appel

Question(s) de fond:

Droit de faire examiner la déclaration de culpabilité et la condamnation par une juridiction supérieure

Question(s) de procédure:

Griefs insuffisamment étayés; réserve de l’État partie concernant le paragraphe 5 de l’article 14

Article(s) du Pacte:

14 (par. 5)

Article(s) du Protocole facultatif:

-

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titredu paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatifse rapportant au Pacte international relatif aux droitscivils et politiques (112e session)

concernant la

Communication no 2004/2010 *

Présentée par:

H. K. (représenté par un conseil, Christian B. Hjort, puis John Chr. Elden et Anders Brosveet)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Norvège

Date de la communication:

9 mars 2010 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le16 octobre 2014,

Ayant achevé l’examen de la communication no 2004/2010présentée par M. H. K. en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteurde la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication est H. K., de nationalité canadienne, né le 15 avril 1950 en Suède. Il affirme être victime de violation par la Norvège du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. L’auteur est représenté par un conseil, initialement Christian B. Hjort puis, à compter du 31 juillet 2011, John Chr. Elden et Anders Brosveet.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur est président et actionnaire majoritaire de la société Olympia Holding AS. Il a été inculpé le 5 mars 2007 par le Service national pour la répression de la criminalité économique et écologique du chef d’infractions présumées commises en violation des articles 275 et 276 du Code pénal (chefs d’accusation I a), I b) et I c)), de l’article 19.1 (1) de la loi sur les sociétés à responsabilité limitée (chefs d’accusation II a), II b) et II c)), des articles 12.1 al. 1 et 12.2 de la loi sur l’administration fiscale (chef d’accusation III) et de l’article 8.5 de la loi sur la comptabilité des sociétés (chef d’accusation IV).

2.2Le 25 février 2009, le tribunal de district d’Oslo a déclaré l’auteur coupable de tous les chefs d’accusation, exception faite des chefs I b), I c) et II b) dont il a été acquitté. L’auteur a été condamné à une peine de trois ans et six mois d’emprisonnement et 10 millions de couronnes lui ont été confisquées.

2.3L’auteur a introduit une demande de recours en appel les 5 mars et 29 avril 2009, en invoquant une appréciation erronée des faits et une application incorrecte de la loi, et a demandé son acquittement de tous les chefs d’accusation ou, en cas de condamnation, une atténuation de la peine et l’annulation de l’ordonnance de confiscation. La Cour d’appel de Borgarting lui a accordé l’autorisation d’interjeter appel le 23 septembre 2009 pour tous les chefs d’accusation, à l’exception du chef II c). Celui-ci avait trait à la violation par l’auteur de la loi sur les sociétés à responsabilité limitée, du fait de la distribution illégale de 40 millions de couronnes de dividendes aux actionnaires de la société Olympia Holding, qui avait été faite sans que les déductions à opérer à raison d’un prêt consenti à la Société Varna AS aient été prises en considération. La Cour d’appel a refusé d’autoriser l’appel de la condamnation prononcée sous ce chef, estimant que cet appel n’aboutirait pas. Elle a déclaré que l’appréciation des faits de la cause en première instance avait été faite de manière approfondie et sérieuse. Elle a également indiqué que le tribunal de district d’Oslo avait conclu à juste titre à la culpabilité de l’auteur, car celui-ci, en sa qualité de président, avait fait preuve de négligence dans la distribution des dividendes et que la négligence suffisait à entraîner une condamnation.

2.4L’auteur a interjeté appel de cette décision, les 6 et 13 octobre 2009, devant la Commission d’appel de la Cour suprême, en invoquant un vice de procédure tenant à ce que la Cour d’appel n’avait pas motivé suffisamment le refus opposé à la demande d’appel et ne s’était donc pas conformée aux prescriptions du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. La Commission d’appel de la Cour suprême a débouté l’auteur par une ordonnance du 9 novembre 2009, estimant à l’unanimité qu’il était manifeste que l’appel n’aboutirait pas.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que la Norvège a violé le paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, car la Cour d’appel n’a pas suffisamment motivé la décision de refus qu’elle a opposée à la demande d’appel visant sa condamnation et la peine prononcée contre lui sous le chef d’accusation II c).

3.2L’auteur affirme que la motivation écrite succincte de la Cour d’appel ne lui a pas permis de déterminer si cette dernière avait procédé à un examen détaillé des allégations portées contre lui et si elle avait pris en considération les éléments de preuve produits à l’instance, ainsi que les arguments qu’il avait présentés en appel. Il fait également valoir que la Cour d’appel s’est contentée de donner un résumé superficiel du jugement du tribunal de district d’Oslo et d’en reprendre les conclusions, sans avoir procédé à sa propre appréciation des faits de manière indépendante. Il soutient en outre qu’elle n’a pas répondu à certains de ses moyens en appel. Il avait, en effet, contesté la conclusion du tribunal de district selon laquelle il aurait fait preuve de négligence en ne mettant pas en place des procédures suffisantes pour veiller à prendre en compte les prêts consentis à des associés proches. Il avait notamment fait valoir que le tribunal de district avait conclu à sa responsabilité pénale pour négligence sans préciser pour quelle raison il jugeait les procédures insuffisantes. L’auteur affirme que la Cour d’appel s’est contentée de renvoyer au jugement du tribunal de district et qu’elle n’a pas examiné ses arguments en appel. Onne saurait en conséquence considérer que sa condamnation sous le chef II c) a été dûment examinée par une juridiction supérieure conformément à la loi et qu’un examen au fond de sa demande d’appel a été effectué conformément aux prescriptions du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte.

3.3L’auteur affirme en outre que le chef d’accusation II c) présentait un lien avec les autres chefs d’accusation sous lesquels il a été condamné et pour lesquels l’autorisation d’interjeter appel a été accordée. Il fait également valoir que l’inclusion du chef d’accusation II c) n’aurait pas rallongé la procédure d’appel tenue le 20 avril 2010. Dans ces conditions, les motifs du refus opposé à la demande d’appel concernant le chef d’accusation II c) auraient dû apparaître dans la décision de la Cour d’appel.

3.4L’auteur affirme qu’il a épuisé tous les recours internes disponibles puisque la Cour suprême a rendu en l’espèce une décision insusceptible de recours.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1L’État partie a fait part de ses observations sur la recevabilité et le fond le 18 mai 2011.

4.2L’État partie indique qu’un nouveau procès s’est tenu devant la Cour d’appel de Borgarting le 20 avril 2010, concernant tous les autres chefs d’accusation pour lesquels la Cour avait accordé l’autorisation d’interjeter appel. Par un arrêt en date du 31 mai 2010, la Cour a reconnu l’auteur coupable de tous les chefs d’accusation. Elle l’a condamné à une peine de quatre ans d’emprisonnement, dont deux ans et six mois avec sursis, à la confiscation de 15 millions de couronnes, ainsi qu’aux dépens pour un montant de 100 000 couronnes. L’auteur a interjeté appel de cette condamnation auprès de la Cour suprême, en invoquant des moyens liés à la procédure, à l’application de la loi et à la peine prononcée. La Commission d’appel de la Cour suprême n’a accueilli sa demande d’appel que pour les chefs d’accusation I b) et I c), pour vices de procédure, et en ce qui concernait la détermination de la peine. Le 17 février 2011, la Cour suprême a annulé la déclaration de culpabilité sous le chef d’accusation I b), mais confirmé celle prononcée sous le chef I c). Elle a donc ramené la peine prononcée par la Cour d’appel à trois ans et six mois d’emprisonnement et ordonné la confiscation de 30 millions de couronnes.

4.3L’État partie affirme en premier lieu que la communication n’est pas suffisamment étayée et qu’elle est donc irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif. Il renvoie à cet égard à ses observations sur le fond.

4.4Sur le fond de la communication, l’État partie fait valoir que la procédure d’autorisation d’appel préalable devant la Cour d’appel constitue une véritable procédure d’examen indépendante au sens du paragraphe 5 de l’article 14, et que l’auteur a eu accès à des jugements écrits dûment motivés. L’État partie rappelle que la Cour d’appel a refusé d’autoriser l’appel concernant le chef d’accusation II c) en se fondant sur l’article 321 du Code de procédure pénale, qui dispose que «la Cour d’appel peut ne pas autoriser un appel si elle juge manifeste qu’il n’aboutira pas» et que «la décision de [la Cour] de refuser son assentiment ou de ne pas autoriser un appel doit être prise à l’unanimité». L’État partie fait également référence à l’article 387 a du même Code, qui dispose que si la Commission des appels interlocutoires conclut à l’unanimité qu’il est manifeste qu’un appel interlocutoire auprès de la Commission d’appel de la Cour suprême ne peut prospérer, elle peut rejeter sommairement la demande ou débouter l’appelant sans autre motivation qu’une référence à cette disposition.

4.5L’État partie explique qu’à la suite de l’affaire Aboushanif, dans laquelle le Comité a conclu à une violation du paragraphe 5 de l’article 14 du fait que la décision contestée ne contenait aucune raison de fond, la Cour suprême, dans un arrêt du 19 décembre 2008, a donné des directives concernant l’application de l’article 321 du Code de procédure pénale, de sorte que cette application soit conforme aux prescriptions du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Elle a déclaré que la Cour d’appel devait, dans toute décision opposant un refus à une demande d’appel, préciser les raisons pour lesquelles elle estimait que l’appel n’aboutirait pas. L’État partie explique en outre qu’à la suite de cet arrêt de la Cour suprême, l’article 321 du Code de procédure pénale a été complété d’une disposition prescrivant que les décisions portant refus d’autorisation d’interjeter appel rendues en vertu du paragraphe 2 dudit article précisent les raisons du refus. Cette modification est entrée en vigueur le 10 décembre 2010.

4.6L’État partie admet qu’en l’espèce la Cour d’appel était tenue, au regard de la législation norvégienne et du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, d’indiquer dans sa décision les motifs du refus d’autoriser l’appel concernant le chef d’accusation II c).

4.7L’État partie estime néanmoins que, lorsque le motif du refus tient au fait que l’appel n’a manifestement aucune chance d’aboutir, il est souvent possible de se contenter d’une motivation sommaire. Il renvoie à cet égard à l’affaire Aboushanif dans laquelle le Comité a estimé que c’est «l’absence de jugement dûment motivé, même de façon sommaire, qui met en doute l’existence d’un examen au fond de l’appel». L’État partie poursuit en comparant la présente affaire avec l’affaire Aboushanif, dans laquelle, d’après lui, la portée de l’appel était plus vaste. Il visait en effet l’appréciation des éléments de preuve concernant l’ampleur de la fraude à la taxe sur la valeur ajoutée et de l’évasion fiscale en cause, l’application de la loi concernant la question de la culpabilité, l’application du règlement de procédure et la détermination de la peine, alors que l’appel introduit par l’auteur avait une portée limitée et s’appuyait sur une argumentation succincte. Dans sa demande d’appel, l’auteur s’est contenté d’affirmer que l’appréciation des faits par le tribunal de district était erronée, sans préciser en quoi consistait cette erreur. L’État partie fait valoir que l’auteur s’est borné à dire que le tribunal de district avait commis une erreur en concluant qu’il avait fait preuve de négligence. L’État partie considère que, compte tenu de la portée limitée de l’appel de l’auteur, de la concision de ses arguments et de la clarté des conclusions du tribunal de district, la Cour d’appel n’était pas tenue de motiver de manière exhaustive son refus d’autoriser l’appel concernant le chef d’accusation II c). Dans ces circonstances, l’État partie estime qu’il suffisait que la Cour d’appel conclue que l’appréciation des éléments de preuve opérée par le tribunal de district était correcte et qu’elle approuve l’application qu’il avait faite de la loi.

4.8L’État partie rappelle enfin que l’autorisation d’interjeter appel a été accordée à l’auteur pour le restant de sa demande, à savoir pour tous les autres chefs d’accusation à l’exclusion du chef II c). Cela montre que la Cour d’appel a procédé à un examen au fond qui lui a permis de conclure que cette partie de la demande d’appel n’aboutirait pas. L’État partie affirme que les faits ne font apparaître aucune violation des droits de l’auteur au titre du paragraphe 5 de l’article 14.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1En date du 31 juillet 2011, l’auteur a présenté des commentaires sur les observations de l’État partie.

5.2L’auteur renvoie à la description donnée par l’État partie des faits concernant l’historique des autres chefs d’accusation dont il a été déclaré coupable.

5.3L’auteur convient qu’il n’est peut-être pas nécessaire que la Cour d’appel motive sa décision de manière détaillée, à condition qu’elle en expose les motifs principaux. Il considère en outre que les dispositions du paragraphe 5 de l’article 14 prescrivent que la décision soit dûment motivée et soutient en conséquence que la motivation sommaire de la Cour d’appel ne saurait être considérée comme constituant un examen au fond. Il conteste l’argument de l’État partie selon lequel la portée de son appel était limitée et son argumentation, succincte.

5.4En ce qui concerne, en particulier, l’argument de l’État partie selon lequel l’auteur n’a pas précisé dans sa demande d’appel en quoi les appréciations du tribunal de district étaient erronées, l’auteur rappelle qu’il a fait valoir que a) le tribunal de district n’avait pas indiqué en quoi auraient dû consister des procédures appropriées, lorsqu’il a estimé que l’auteur, en sa qualité de président du conseil d’administration, n’avait pas établi de procédures propres à garantir que les prêts consentis à de proches associés soient pris en considération, et que b) aucun élément de preuve véritable n’avait été avancé à l’appui de la conclusion selon laquelle l’auteur avait fait preuve de négligence.

5.5En ce qui concerne l’application de la loi, l’auteur considère que son moyen d’appel était clair, puisque le tribunal de district n’indiquait pas s’il avait eu recours à une norme d’appréciation de la négligence ou s’il fondait la déclaration de culpabilité sur des raisons objectives. L’auteur affirme en outre que ses arguments invoqués en appel visaient également le fait que le tribunal de district n’ait pas montré que sa culpabilité était établie à première vue et qu’il ait transféré la charge de la preuve du ministère public vers la défense. Selon l’auteur, la Cour d’appel ne montre pas dans sa décision qu’elle a examiné les principaux arguments qu’il a présentés en appel, sans quoi elle aurait pu les réfuter sommairement, et la jurisprudence du Comité dans l’affaire Aboushan i porte à s’interroger sur l’existence d’un examen au fond dans la présente affaire.

5.6L’auteur ajoute que l’État partie ne saurait considérer la longueur de son argumentation comme un critère pertinent aux fins d’apprécier si le raisonnement de la Cour d’appel est suffisamment détaillé. Il fait valoir que seules les questions de fond particulières soulevées dans le cadre de l’appel sont pertinentes et qu’elles auraient donc dû être reflétées dans la décision de la Cour d’appel pour satisfaire aux exigences du paragraphe 5 de l’article 14. L’auteur réaffirme que la motivation n’était pas suffisante pour montrer que la Cour d’appel avait procédé à un examen véritable et utile de la demande d’appel, et renvoie à la jurisprudence du Comité et de la Cour européenne des droits de l’homme en matière d’application du paragraphe 5 de l’article 14 dans les systèmes qui, comme celui de l’État partie, ne prévoient pas l’autorisation automatique de se pourvoir en appel.

5.7L’auteur affirme en outre que l’autorisation d’interjeter appel accordée par la Cour d’appel en ce qui concerne les autres chefs d’accusation ne saurait être considérée comme un indicateur suffisant de la qualité de l’examen auquel elle a procédé. Il estime que cet argument pose problème dans la mesure où la Cour n’a pas donné les raisons pour lesquelles elle a accordé l’autorisation d’interjeter appel pour ces autres chefs d’accusation.

5.8L’auteur affirme de surcroît que la lecture du jugement du tribunal de district, de l’arrêt de la Cour d’appel ou de celui de la Cour suprême, ne permet pas de comprendre sur la base de quel motif il a été jugé qu’il avait fait preuve de négligence. Dans sa décision, la Cour d’appel n’explique pas pourquoi elle a jugé manifeste que l’appel n’aboutirait pas. L’auteur réaffirme donc qu’il a été atteint dans son droit de faire examiner sa condamnation, qu’il tient du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte.

Nouveaux commentaires de l’auteur

6.1Dans une lettre en date du 31 juillet 2011, l’auteur invoque une violation supplémentaire du paragraphe 5 de l’article 14 et demande au Comité de l’examiner conjointement avec la présente communication.

6.2L’auteur rappelle que le tribunal de district d’Oslo l’a acquitté des chefs d’accusation I b), I c) et II b). Il rappelle en outre que, le 31 mai 2010, la Cour d’appel l’a déclaré coupable des chefs d’accusation pour lesquels l’autorisation d’interjeter appel avait été accordée, à savoir tous les chefs d’accusation à l’exception du chef II c), et qu’ensuite la Cour suprême a annulé sa condamnation sous le chef d’accusation I b).

6.3L’auteur ajoute que dans son pourvoi auprès de la Cour suprême, présenté le 20 août 2010, il a fait valoir que l’arrêt de la Cour d’appel de Borgarting était entaché d’un vice de procédure, en ce que cette Cour n’avait pas montré dans sa motivation écrite qu’elle avait procédé de manière indépendante à un examen au fond des moyens soulevés par l’auteur. Le 23 septembre 2010, la Commission d’appel de la Cour suprême a néanmoins refusé l’autorisation d’interjeter appel sur le fondement de ce moyen. Le 17 janvier 2011, l’auteur a déposé une requête tendant à obtenir de la Commission d’appel qu’elle revienne sur sa décision, ce qu’elle a refusé le 26 janvier 2011.

6.4L’auteur affirme que les droits qu’il tient du paragraphe 5 de l’article 14 ont été violés, car la motivation de la Cour d’appel de Borgarting, devant laquelle s’est tenu le nouveau procès, ne témoigne pas d’un examen indépendant au fond de la déclaration de culpabilité prononcée par le tribunal de district. L’auteur affirme que la motivation de la Cour d’appel reprend quasiment mot pour mot celle du tribunal de district et que les textes des deux jugements sont trop semblables, ce qui contrevient à la jurisprudence du Comité qui exige un jugement dûment motivé. D’après l’auteur, la comparaison des textes révèle que certaines modifications ont été apportées, mais à la seule fin de dissimuler la reprise, et que l’on retrouve même certaines fautes d’orthographe. Il soutient que, bien que la Cour d’appel ait produit un jugement écrit détaillé, lorsqu’une juridiction d’appel base à ce point sa motivation sur le jugement rendu en première instance qui fait l’objet du réexamen, on peut à bon droit douter de l’existence d’un examen au fond.

6.5L’auteur ajoute que l’absence d’examen au fond concerne tous les chefs d’accusation sous lesquels il a été condamné, mais qu’elle est particulièrement évidente pour le chef d’accusation I a). Il estime en outre que l’appréciation des éléments de preuve à laquelle a procédé la Cour d’appel n’est pas suffisante pour être qualifiée d’examen au fond. Il affirme, notamment, que la Cour d’appel n’a pas tenu compte, dans sa motivation, des nouveaux éléments de preuve qui lui ont été soumis concernant la somme reçue par Olympia pour la vente d’actions (63,9 millions de couronnes, au lieu de 104 millions) et qui n’ont pas été contestés par le ministère public. L’auteur fait valoir que l’on ne peut en conséquence conclure que la Cour d’appel a tenu suffisamment compte des éléments de preuve produits au cours du procès et qu’elle est parvenue à sa propre conclusion au fond quant au fait que les preuves à charge retenues contre l’auteur étaient suffisantes pour justifier une décision de culpabilité.

Observations complémentaires de l’État partie

7.1L’État partie a présenté des observations complémentaires le 2 novembre 2011, sans commenter les griefs supplémentaires formulés par l’auteur en ce qui concerne l’arrêt rendu par la Cour d’appel le 31 mai 2010.

7.2Concernant le chef d’accusation II c), l’État partie souligne que le pourvoi de l’auteur auprès de la Cour suprême est sans pertinence pour la question de savoir si la procédure devant la Cour d’appel lui a permis de bénéficier d’un examen au fond de la décision du tribunal de district.

7.3L’État partie explicite son observation portant sur l’argument exposé par l’auteur dans sa demande d’appel, à savoir que l’appréciation des faits effectuée par le tribunal de district serait erronée. Il rappelle tout d’abord toutes les constatations factuelles sur lesquelles s’est appuyé le tribunal de district pour établir la négligence de l’auteur. Il renvoie notamment aux conclusions du tribunal de district selon lesquelles on ne savait pas précisément de quelles procédures Olympia et l’auditeur disposaient en matière d’échange d’informations au sujet des prêts consentis à de proches associés. L’État partie considère que l’argument invoqué en appel par l’auteur, à savoir que la Cour d’appel devait expliquer pourquoi ces procédures étaient insuffisantes, est sans pertinence étant donné que le tribunal de district avait déjà conclu que lesdites procédures n’avaient pas permis de garantir que des prêts consentis à de proches associés soient pris en considération pour la distribution des dividendes. L’État partie soutient en outre que l’auteur n’a précisé ni dans sa demande d’appel auprès de la Cour d’appel, ni dans son pourvoi auprès de la Cour suprême, en quoi l’appréciation des faits de la cause était erronée.

7.4En ce qui concerne l’application de la loi, l’État partie explique que, s’il a dit que la demande d’appel de l’auteur était concise sur ce point particulier, cela ne signifiait pas pour autant que les raisons pour lesquelles l’application de la loi par le tribunal aurait été incorrecte n’étaient pas détaillées. Il fait valoir que dans les cas où la Cour d’appel est en accord avec l’application de la loi par le tribunal de district, il doit suffire qu’elle exprime cet accord. En outre, l’État partie insiste sur la conclusion du tribunal de district selon laquelle le défendeur a fait preuve de négligence. Il rappelle qu’il ne revient pas au Comité d’examiner l’application de la loi par la Cour d’appel, autrement dit la question de savoir si l’auteur a fait preuve de négligence. Sa tâche se limite à l’examen du point de savoir si la procédure menée devant la Cour d’appel a permis à l’auteur de bénéficier d’un examen au fond de sa cause.

7.5L’État partie estime au surplus que les affaires auxquelles l’auteur se réfère ne sont pas pertinentes en l’espèce: l’affaire Aboushanif n’a pas trait à une violation de la loi sur les sociétés à responsabilité limitée, et l’affaire Taxquet est différente en ce qu’elle ne porte pas sur le droit à un examen au fond, mais sur la question de savoir si le paragraphe 1 del’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme exige la motivation du verdict d’un jury d’assises.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son Règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.3Le Comité note que les griefs de l’auteur fondés sur le paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte visent la décision de la Cour d’appel du 23 septembre 2009 refusant l’autorisation d’interjeter appel pour le chef d’accusation II c) et l’arrêt de la Cour d’appel du 31 mai 2010 déclarant l’auteur coupable de tous les autres chefs d’accusation.

8.4Le Comité note que l’État partie conteste la recevabilité du grief de l’auteur selon lequel sa condamnation sous le chef d’accusation II c) n’a pas été examinée de manière appropriée par une juridiction supérieure, en violation du paragraphe 5 de l’article 14 duPacte, et il considère que ce grief doit être déclaré irrecevable au motif qu’il n’est pas suffisamment étayé. Le Comité estime cependant que les allégations de l’auteur au sujet de la décision de la Cour d’appel du 23 septembre 2009 lui refusant l’autorisation d’interjeter appel pour le chef d’accusation II c) sont suffisamment étayées aux fins de la recevabilité. Il décide donc de passer à l’examen au fond de la demande de l’auteur à cet égard, étant donné qu’elle semble soulever des questions au regard du paragraphe 5 de l’article 14 duPacte.

8.5En ce qui concerne les autres chefs d’accusation pour lesquels l’auteur a été déclaré coupable par la Cour d’appel, le Comité prend note des griefs de l’auteur se rapportant à la violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte au motif que l’arrêt de la Cour d’appel du 31 mai 2010 reprendrait quasiment mot à mot le jugement rendu en première instance par le tribunal de district d’Oslo. Il note également que l’auteur fait valoir que la similarité de la motivation des deux jugements permet de douter de la réalité d’un examen au fond, bien qu’il reconnaisse que sa cause a bien été intégralement rejugée par la Cour d’appel et que l’arrêt qu’elle a rendu était complet. Le Comité note de plus que l’État partie a fait une réserve à l’égard du paragraphe 5 de l’article 14, dont la partie pertinente en l’espèce prévoit que «lorsque le défendeur a été acquitté en première instance mais condamné par une juridiction d’appel, il ne peut pas faire appel de cette condamnation pour erreur dans l’appréciation des faits concernant sa culpabilité». Le Comité rappelle que l’auteur a été reconnu coupable des chefs d’accusation I b), I c) et II b) par la Cour d’appel alors qu’il avait été acquitté en première instance par le tribunal de district d’Oslo. Il relève aussi que le grief de l’auteur ne vise pas l’absence d’accès à un recours contre sa condamnation par la Cour d’appel mais qu’il se limite à viser l’absence de jugement dûment motivé. Le Comité considère que le grief de l’auteur porte sur l’absence d’un examen approfondi et indépendant par la Cour d’appel, mais non par la Cour suprême. Il estime donc que rien ne s’oppose à ce qu’il examine le grief tiré du paragraphe 5 de l’article 14, car ce grief ne tombe pas sous le coup de la réserve faite par l’État partie à l’égard du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte.

8.6Le Comité considère d’autre part que les informations fournies ne sont pas propres à étayer suffisamment l’argument de l’auteur selon lequel, dans les circonstances particulières de l’espèce, le droit qu’il tient du paragraphe 5 de l’article 14 a été violé en raison de l’absence alléguée d’un examen indépendant au fond par la Cour d’appel de la décision de culpabilité dont il a fait l’objet sous les chefs d’accusation I a), II a), III, IV, ainsi que I b), I c) et II b). Le Comité relève que les griefs de l’auteur visant l’arrêt de la Cour d’appel ont principalement trait à l’application de la loi norvégienne et à l’appréciation des faits de la cause. À ce propos, il rappelle sa jurisprudence et affirme que c’est aux juridictions des États parties qu’il appartient d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans une affaire donnée, ou la manière dont la législation interne a été appliquée, à moins qu’il ne soit établi que cette appréciation, ou cette application, a été clairement arbitraire ou manifestement entachée d’erreur ou a constitué un déni de justice. Au vu des renseignements fournis par l’auteur, le Comité n’est pas en mesure de conclure que la Cour d’appel a agi de manière arbitraire ou que son arrêt est manifestement entaché d’erreur ou constitue un déni de justice. Il estime donc que les griefs soulevés par l’auteur au titre du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, visant l’arrêt de la Cour d’appel du 31 mai 2010, ne sont pas suffisamment étayés aux fins de la recevabilité. Il les déclare en conséquence irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

Examen au fond

9.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

9.2Le Comité note que l’auteur affirme que le droit qu’il tient du paragraphe 5 de l’article 14 de faire examiner sa déclaration de culpabilité par une juridiction supérieure a été violé, étant donné que dans sa décision du 23 septembre 2009 la Cour d’appel n’a pas suffisamment exposé les raisons pour lesquelles elle refusait d’accorder l’autorisation d’interjeter appel contre le jugement du tribunal de district.

9.3Le Comité rappelle que le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation fait obligation à l’État partie de faire examiner quant au fond, en vérifiant si les éléments de preuve sont suffisants et à la lumière des dispositions législatives, la déclaration de culpabilité et la condamnation, de manière que la procédure permette un examen approprié de la nature de l’affaire. Il rappelle également que, s’il est vrai que les États parties ont toute latitude pour fixer les modalités des appels, ils sont tenus conformément au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte de faire examiner au fond la déclaration de culpabilité et la sentence. Le Comité rappelle en outre qu’il a déjà accepté par le passé un système d’autorisation préalable de faire appel, notamment eu égard au fait que le jugement en cause avait été examiné par trois juges. Au surplus, selon sa jurisprudence, le paragraphe 5 de l’article 14 n’exige pas un nouveau procès intégral ni une nouvelle «audience» à condition que le tribunal qui procède au réexamen puisse examiner les faits de la cause.

9.4Le Comité note qu’en l’espèce, la décision de la Cour d’appel était fondée sur l’article 321 du Code de procédure pénale, disposition dont l’application par les juridictions internes a fait l’objet de directives spécifiques de la Cour suprême, de façon à être conforme au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Le Comité rappelle en outre que la décision de refuser l’autorisation d’interjeter appel a été prise à l’unanimité par trois juges professionnels et qu’elle a ensuite fait l’objet d’un recours au motif qu’elle était insuffisamment étayée. Il constate donc que cette question particulière a été examinée par laCommission d’appel de la Cour suprême, laquelle a estimé à son tour, à l’unanimité, que l’appel n’aboutirait pas.

9.5Le Comité note que la Cour d’appel a indiqué dans sa décision que le tribunal de district avait procédé à une appréciation «approfondie et sérieuse» des éléments de preuve de la cause, et elle a estimé que «la décision par laquelle il avait conclu que le défendeur, en sa qualité de président du conseil d’administration, avait fait preuve de négligence dans la distribution des dividendes était juste et correcte. Une telle négligence suffit à entraîner une condamnation». Au regard de cette conclusion, le Comité estime que la Cour d’appel s’est appuyée sur l’interprétation des éléments de preuve et des faits opérée par la juridiction inférieure en première instance. Il note également que la Cour d’appel a renvoyé aux constatations factuelles du tribunal de district qu’elle estimait particulièrement propres à justifier qu’elle-même soit en accord avec la décision de culpabilité rendue par ce tribunal pour la négligence dont l’auteur avait fait preuve. Le Comité considère qu’au regard des circonstances de l’espèce, la Cour d’appel a indiqué de manière concise et suffisamment claire qu’il y avait assez de preuves à charge pour exclure que le recours de l’auteur contre la déclaration de culpabilité prononcée sous le chef d’accusation II c) puisse avoir une chance quelconque d’aboutir, et qu’elle a bel et bien exposé les motifs principaux pour lesquels elle ne pouvait pas accorder l’autorisation d’interjeter appel.

9.6Au vu des éléments qui précèdent, le Comité ne peut accueillir l’argument de l’auteur selon lequel l’insuffisance de motivation de la décision de la Cour d’appel a eu pour effet de le priver de l’exercice effectif de son droit de faire examiner par une juridiction supérieure sa déclaration de culpabilité et sa condamnation, comme le prescrit le paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte.

10.Le Comité conclut par conséquent que les faits dont il est saisi ne font pas apparaître de violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte.

11.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, constate que les faits dont il est saisi ne font apparaître aucune violation des dispositions du Pacte.