Nations Unies

CCPR/C/111/D/1993/2010

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

26 août 2014

Français

Original: anglais

C omité des droits de l ’ homme

Communication no 1993/2010

Constatations adoptées par le Comité à sa 111e session(7‑25 juillet 2014)

Communication présentée par:

Raisa Mikhailovskaya et Oleg Volchek (non représentés par un conseil)

Au nom de:

Les auteurs

État partie:

Bélarus

Date de la communication:

27 mai 2008 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 18 octobre 2010 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations:

24 juillet 2014

Objet:

Liberté d’association

Question ( s ) de procédure:

Épuisement des recours internes

Question ( s ) de fond:

Droit d’enregistrer une association

Article(s) du Pacte:

22

Article(s) du Protocole facultatif:

2 et 5 (par. 2 b))

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titredu paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatifse rapportant au Pacte international relatif aux droitscivils et politiques (111e session)

concernant la

Communication no 1993/2010 *

Présentée par:

Raisa Mikhailovskaya et Oleg Volchek (non représentés par un conseil)

Au nom de:

Les auteurs

État partie:

Bélarus

Date de la communication:

27 mai 2008 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 24 juillet 2014,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1993/2010 par Raisa Mikhailovskaya et Oleg Volchek en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par les auteursde la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5du Protocole facultatif

1.Les auteurs de la communication sont Raisa Mikhailovskaya, née en 1960, et Oleg Volchek, né en 1967, tous deux ressortissants bélarussiens. Ils affirment être victimes de violations par le Bélarus des droits qu’ils tiennent des paragraphes 1 et 2 de l’article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Les auteurs ne sont pas représentés par un conseil.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1Les deux auteurs étaient au nombre des fondateurs de l’organisation non gouvernementale (ONG) Aide juridique à la population. Cette ONG a été enregistrée le 10 septembre 1998 en tant qu’association locale à Minsk et réenregistrée le 17 août 1999 comme suite à des modifications apportées à la législation nationale; elle a été autorisée à mener des activités dans la ville de Minsk uniquement. Les fondateurs de cette organisation, souhaitant étendre la portée de leurs activités à l’ensemble du pays, ont cherché à enregistrer auprès du Ministère de la justice une nouvelle association de caractère national («à l’échelle de la République»), sous un nouveau nom, à savoir «Protection juridique des citoyens». Le 2 avril 2001, le Ministère de la justice a rejeté la demande d’enregistrement, indiquant que cette association ne pouvait pas fournir une assistance juridique aux citoyens.

2.2Les auteurs indiquent qu’ils ont recouru contre cette décision auprès de la Cour suprême. Les auteurs de ce recours ont fait valoir que la demande d’enregistrement était conforme à l’ensemble des lois et règlements du Bélarus et que la nouvelle association contribuerait à la réalisation de l’objectif consistant à édifier un État fondé sur le respect de la légalité. Ils ont également fait valoir que les prétendues insuffisances des documents accompagnant la demande d’enregistrement étaient légères et que le Ministère de la justice aurait dû leur accorder plus de temps pour remédier à toute lacune dans cette demande. Le 4 juin 2001, la Cour suprême a rejeté le recours. Dans sa décision, elle a retenu les arguments avancés par le Ministère de la justice et a indiqué que la nouvelle association, Protection juridique des citoyens, ne pouvait pas représenter des personnes hors de Minsk comme ses fondateurs. La Cour suprême a également estimé que les lacunes présentées par les documents accompagnant la demande d’enregistrement étaient suffisamment graves pour justifier le refus de cet enregistrement.

2.3Les auteurs indiquent que la charte de l’ONG locale Aide juridique à la population prévoyait que le but principal de cette association était de contribuer à promouvoir au Bélarus une culture fondée sur le respect de la légalité. Cette ONG a mené diverses activités − fourniture d’une aide juridique à environ 5000 personnes, surveillance des activités des tribunaux, diffusion des résultats de cette surveillance, diffusion d’informations sur les violations des droits de l’homme et élaboration d’une vingtaine de publications sur des questions relatives aux droits de l’homme, notamment − qui en ont fait l’une des principales organisations de défense des droits de l’homme du Bélarus. Les auteurs affirment que des membres de cette ONG étaient constamment harcelés en raison de leurs activités. Ainsi, le 21 juillet 1999, M. Volchek a été arrêté, battu par la police et inculpé de comportement antisocial («houliganisme»). Si les poursuites ont finalement été abandonnées, les allégations de passage à tabac n’ont fait l’objet d’aucune enquête et les auteurs des faits n’ont jamais été traduits en justice. Un autre membre de l’ONG a également été roué de coups et, bien que les auteurs de ces faits aient été placés en détention, aucune accusation pénale n’a été retenue dans cette affaire, le parquet ayant déclaré qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments pour engager des poursuites.

2.4Les auteurs indiquent qu’en septembre 2002, le Département de la justice du Comité exécutif de la ville de Minsk, agissant sur instruction du Ministère bélarussien de la justice, a entrepris un examen des activités de l’ONG existante, Aide juridique à la population. À l’issue de ce contrôle, le Département de la justice a adressé à l’association un avertissement écrit, daté du 18 septembre 2002, dans lequel il l’avisait de ce qu’elle n’était pas en droit de représenter les intérêts d’autres personnes devant les tribunaux. Les auteurs ont recouru auprès du tribunal municipal de Minsk, mais celui-ci a confirmé la légalité de cet avertissement. Le 17 avril 2002, le Ministère de la justice avait retiré à l’un des auteurs, M. Volchek, alors président de l’ONG, son autorisation de fournir des services juridiques. M. Volchek n’a toutefois été informé de ce retrait que six mois plus tard.

2.5Le 2 août 2003, les auteurs ont reçu une lettre du tribunal municipal de Minsk les informant qu’une procédure de dissolution de l’ONG Aide juridique à la population avait été engagée par voie d’une requête du Département de la justice du Comité exécutif de la ville de Minsk. Cette requête était fondée sur l’alinéa 2 du paragraphe 2 de l’article 57 du Code civil, qui concerne les activités menées de manière flagrante ou répétée en violation de la loi, ainsi que sur le paragraphe 3 de l’article 29 de la loi relative aux associations, et avait été introduite pour violation présumée des règles régissant l’enregistrement initial d’une organisation.

2.6Les auteurs indiquent avoir soumis au tribunal des arguments détaillés en défense de leur association et avoir souligné, notamment, que la véritable raison expliquant sa dissolution était la volonté d’exercer une discrimination politique à l’égard d’une ONG indépendante qui défendait les droits de l’homme. Ils font valoir qu’il convient de distinguer entre la fourniture d’une assistance juridique et la fourniture de services juridiques, qui, en vertu de la loi, est soumise à autorisation. L’ONG fournissait bien une assistance juridique gratuite aux personnes indigentes et aux personnes à faible revenu, mais pas des services juridiques, comme le prétendait le Département de la justice. En se fondant sur l’examen réalisé par le Département de la justice en septembre 2002, il a également été allégué que l’ONG faisait participer ses représentants à des audiences. Les auteurs affirment qu’après cet examen ils ont abandonné cette pratique et que l’ONG a cessé d’envoyer des représentants à des audiences. En outre, ils font valoir que l’article 62 de la Constitution du Bélarus dispose que le droit à une aide juridique est garanti à tout citoyen et qu’il est interdit d’en entraver l’exercice. Ils font également valoir que la Cour constitutionnelle du Bélarus, dans une décision en date du 5 octobre 2000, a statué que les citoyens ont le droit de recevoir une assistance juridique de personnes qui ne sont pas avocates et qui n’ont pas une autorisation de prestation de services juridiques. Les auteurs indiquent également que plusieurs organisations ont adressé au tribunal des lettres pour appuyer l’ONG.

2.7Les auteurs indiquent que l’audience portant sur la procédure de dissolution était initialement prévue pour le 5 septembre 2003. La juge souhaitait que cette audience ait lieu dans son bureau, lequel était trop petit pour permettre à des membres du public d’y assister. Les auteurs ont protesté contre le choix de ce lieu pour l’audience et ont demandé avec insistance que celle-ci se tienne dans un lieu accessible au public. L’audience a été reportée au 8 septembre 2003, mais la juge a maintenu sa décision de tenir l’audience dans son bureau malgré le fait que des salles d’audience étaient disponibles. Il en est résulté que seuls les représentants des parties intéressées par l’audience et un observateur de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ont été autorisés à y assister. Les journalistes, les représentants d’autres ONG et les membres du public qui voulaient assister à l’audience n’y ont pas été autorisés.

2.8Les auteurs indiquent également qu’ils ont insisté pour que l’audience soit publique et qu’ils ont refusé de prendre part à une audience à huis-clos. La juge a estimé que leur refus retardait la procédure de manière injustifiée et a tenu l’audience en l’absence des représentants de l’ONG, notamment des auteurs. La juge a rendu, ce même jour, une décision en vertu de laquelle l’ONG Aide juridique à la population était dissoute eu égard à l’alinéa 2 du paragraphe 2 de l’article 57 du Code civil et au paragraphe 2 de l’article 29 de la loi relative aux associations, en évoquant des violations répétées de ces dispositions.

2.9À une date non précisée, les auteurs ont formé un recours en annulation auprès de la Cour suprême contre la décision du tribunal municipal de Minsk. Dans ce recours, ils ont à nouveau fait valoir les arguments invoqués devant le tribunal municipal de Minsk. Ils se sont également plaints de la décision de la juge de tenir, le 8 septembre 2003, une audience à huis clos, alors qu’une quarantaine de personnes s’étaient rendues au tribunal pour assister à l’audience, et du fait que cette audience s’était déroulée en l’absence de représentants de l’ONG. Les auteurs y affirmaient en outre que les violations évoquées par le tribunal dans sa décision l’avaient été en se fondant sur les conclusions rendues par le Département de la justice le 5 novembre 1999, à l’issue de son examen, lesquelles avaient été corrigées depuis. Ces violations n’auraient pas dû être prises en considération car le délai de prescription de trois ans prévu par le Code civil avait expiré. Le 13 octobre 2003, la Cour suprême a rejeté le pourvoi des auteurs et a confirmé la décision de la juridiction inférieure. Les auteurs font donc valoir qu’ils ont épuisé tous les recours internes disponibles et utiles.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs affirment que le refus par l’État partie d’enregistrer la nouvelle entité − Protection juridique des citoyens − comme association de caractère national, active à l’échelle de la République, ainsi que la dissolution ultérieure de l’ONG Aide juridique à la population constituaient des violations du droit à la liberté d’association garanti par l’article 22 du Pacte.

3.2Les auteurs affirment que depuis 2003, les autorités de l’État partie mettent en œuvre une politique systématique de dissolution des ONG indépendantes, et fournissent des données statistiques à l’appui de leur affirmation. Ils renvoient à la jurisprudence du Comité, celui-ci ayant constaté des violations par l’État partie de la liberté d’association, et affirment que les autorités n’ont pris aucune mesure pour remédier à ces violations et pour mettre en œuvre les recommandations du Comité. Par conséquent, ils soutiennent que les circonstances de l’espèce s’inscrivent dans le cadre de violations systématiques de la liberté d’association par le Bélarus.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans une note verbale en date du 6 janvier 2011, l’État partie a fait valoir, concernant la présente communication et plusieurs autres communications dont le Comité est saisi, que les auteurs n’ont pas épuisé tous les recours internes disponibles au Bélarus, notamment le recours auprès du Bureau du Procureur général en vue du contrôle d’une décision ayant force de chose jugée. Il affirme en outre que, tout en étant partie au Protocole facultatif, il n’a pas donné son consentement à l’élargissement du mandat du Comité à l’examen de communications émanant de particuliers qui n’ont pas épuisé les recours internes; qu’il considère les communications évoquées ci-dessus comme ayant été enregistrées en violation des dispositions du Protocole facultatif; qu’aucune disposition ne l’oblige à les prendre en considération; que «toute référence de ce point de vue à la pratique établie du Comité est illégitime».

4.2Dans une note en date du 5 octobre 2011, l’État partie a contesté la recevabilité de la communication, faisant valoir à nouveau que les auteurs n’avaient pas épuisé tous les recours internes disponibles puisqu’ils n’avaient pas demandé au Bureau du Procureur général d’engager une procédure de contrôle.

4.3Dans une note en date du 25 janvier 2012, l’État partie a fait valoir, s’agissant de la présente communication et d’environ soixante autres communications, que lorsqu’il est devenu partie au Protocole facultatif, il a reconnu la compétence du Comité en vertu de l’article premier, mais que cette reconnaissance était reconnue sous réserve d’autres dispositions du Protocole facultatif, notamment celles qui énonçaient les conditions à remplir par les auteurs des communications et les critères de recevabilité, en particulier les articles 2 et 5. L’État partie y soutient que le Protocole facultatif ne fait pas obligation aux États parties d’accepter le Règlement intérieur du Comité ni l’interprétation que fait celui-ci des dispositions du Protocole, qui «ne peut être pertinente que lorsqu’elle est faite conformément à la Convention de Vienne sur le droit des traités». Il affirme qu’«en ce qui concerne la procédure d’examen des plaintes, les États parties doivent s’appuyer en premier lieu sur les dispositions du Protocole facultatif» et que «la pratique bien établie du Comité, ses méthodes de travail et sa jurisprudence, auxquelles celui-ci renvoie, ne relèvent pas du Protocole facultatif». Il indique également que «toute communication enregistrée en violation des dispositions du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques sera considérée par l’État partie comme incompatible avec le Protocole facultatif et sera rejetée sans commentaires sur la recevabilité ou sur le fond». L’État partie déclare en outre que les décisions prises par le Comité au sujet de communications ainsi «rejetées» seront considérées par ses autorités comme «non valides».

Délibérations du Comité

Défaut de coopération de l’État partie

5.1Le Comité prend note des observations de l’État partie, qui affirme qu’aucun motif de droit ne justifie l’examen de la communication présentée par les auteurs puisqu’elle été enregistrée en violation des dispositions du Protocole facultatif; qu’il n’est nullement tenu de reconnaître le règlement intérieur du Comité et l’interprétation que fait ce dernier des dispositions du Protocole facultatif; que si une décision est prise par le Comité en l’espèce, elle sera considérée par ses autorités comme «non valide».

5.2Le Comité rappelle que le paragraphe 2 de l’article 39 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques l’autorise à établir son propre règlement intérieur, que les États parties sont convenus d’accepter. Il fait en outre observer que tout État partie qui adhère au Protocole facultatif reconnaît que le Comité des droits de l’homme a compétence pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers qui prétendent être victimes d’une violation d’un des droits énoncés dans le Pacte (préambule et article premier). En adhérant au Protocole facultatif, les États parties s’engagent implicitement à coopérer de bonne foi avec le Comité pour lui permettre et lui donner les moyens d’examiner les communications qui lui sont soumises et, après l’examen, de faire part de ses constatations à l’État partie et à l’intéressé (par. 1 et 4 de l’article 5). Le fait pour un État partie d’adopter une mesure, quelle qu’elle soit, qui empêche le Comité de prendre connaissance d’une communication et d’en mener l’examen à bonne fin, et l’empêche de faire part de ses constatations, est incompatible avec ces obligations. C’est au Comité qu’il appartient de déterminer si une communication doit être enregistrée. En n’acceptant pas la compétence du Comité pour décider de l’opportunité d’enregistrer une communication et en déclarant à l’avance qu’il n’acceptera pas sa décision concernant la recevabilité et le fond de cette communication, l’État partie manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article premier du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité note que l’État partie conteste la recevabilité de la communication au motif que les recours internes n’ont pas été épuisés conformément au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, les auteurs n’ayant saisi pas saisi le Bureau du Procureur général d’une demande d’examen de l’affaire dans le cadre de la procédure de contrôle. Le Comité rappelle sa jurisprudence selon laquelle les procédures de contrôle des décisions de justice devenues exécutoires ne constituent pas un recours devant être épuisé aux fins du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif. En conséquence, le Comité considère qu’il n’est pas empêché par les dispositions du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif d’examiner la présente communication.

6.4Le Comité constate que l’État partie ne conteste aucun des faits allégués par les auteurs et considère que les auteurs ont suffisamment étayé leurs griefs de violation de l’article 22 du Pacte aux fins de la recevabilité. Il déclare donc la communication recevable et procède à son examen quant au fond.

Examen au fond

7.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

7.2Le Comité doit déterminer si le refus des autorités d’enregistrer une nouvelle ONG portant le nom de «Protection juridique des citoyens» en tant qu’association autorisée à mener des activités dans l’ensemble du pays et la dissolution ultérieure de l’ONG Aide juridique à la population constituaient des restrictions excessives du droit des auteurs à la liberté d’association. À cet égard, le Comité rappelle que l’article 22 du Pacte garantit à chacun le droit de s’associer librement avec d’autres et que la protection conférée par cet article s’étend à toutes les activités d’une association donnée. Les restrictions apportées aux activités d’une association, notamment sa dissolution, doivent satisfaire aux prescriptions du paragraphe 2 de cet article.

7.3Le Comité fait observer que, conformément au paragraphe 2 de l’article 22 du Pacte, toute restriction à la liberté d’association, pour être valable, doit satisfaire à toutes les conditions suivantes: a) elle doit être prévue par la loi; b) elle ne peut être imposée qu’aux seules fins prévues par le paragraphe 2 de l’article 22; c) elle doit être «nécessaire dans une société démocratique» pour la réalisation de l’un de ces buts. La référence à une «société démocratique» indique, de l’avis du Comité, que l’existence et le fonctionnement d’associations, y compris celles qui défendent pacifiquement des idées qui ne sont pas nécessairement accueillies favorablement par le gouvernement ou la majorité de la population, font partie des fondements d’une société démocratique. Le simple fait qu’il y ait des justifications objectives pour limiter le droit à la liberté d’association ne suffit pas. L’État partie doit en outre montrer que l’interdiction d’une association est nécessaire pour écarter une menace réelle, et non seulement une menace hypothétique, pour la sécurité ou l’ordre démocratique, que des mesures moins perturbatrices seraient insuffisantes pour atteindre cet objectif et que la restriction imposée est proportionnée à l’intérêt à protéger.

7.4En l’espèce, la décision du Ministère de la justice de refuser l’enregistrement de la nouvelle ONG de caractère national Protection juridique des citoyens et la décision judiciaire tendant à dissoudre l’ONG Aide juridique à la population étaient fondées sur deux violations supposées de la législation interne de l’État partie, à savoir: a) le fait que l’ONG fournissait une assistance juridique à des personnes sans avoir l’autorisation requise par la loi; b) des violations des règles régissant l’enregistrement des ONG. En ce qui concerne ces deux points, le Comité constate que l’État partie n’a présenté aucun argument expliquant pourquoi il était nécessaire, au regard des fins prévues par le paragraphe 2 de l’article 22 du Pacte, de refuser l’enregistrement de la première ONG et de dissoudre la seconde. Le Comité estime que même si les allégations visant Aide juridique à la population étaient exactes, le refus d’enregistrer Protection juridique des citoyens et la dissolution de Aide juridique à population constituaient, de la part de l’État partie, une réaction disproportionnée à ces allégations, en particulier compte tenu de l’affirmation des auteurs selon laquelle ils avaient corrigé toutes les irrégularités alléguées dans le fonctionnement de l’ONG qui était en activité et de la reconnaissance par la Cour constitutionnelle, dans sa décision du 5 octobre 2000, du droit de chacun au Bélarus de recevoir une assistance juridique, y compris de personnes qui ne sont pas avocates.

7.5Compte tenu des lourdes conséquences du refus d’enregistrement et de la dissolution des ONG concernées pour l’exercice par les auteurs de leur droit à la liberté d’association, le Comité conclut que ces mesures ne satisfont pas aux prescriptions du paragraphe 2 de l’article 22 du Pacte et, partant, que les droits que les auteurs tiennent du paragraphe 1 de l’article 22 ont été violés.

8.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation par l’État partie des droits que les auteurs tiennent du paragraphe 1 de l’article 22 du Pacte.

9.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer aux auteurs un recours utile, y compris sous la forme du remboursement des frais de justice qu’ils ont encourus et d’une indemnisation, ainsi que du rétablissement de l’ONG Aide juridique à la population et du réexamen de l’enregistrement de l’ONG de caractère national Protection juridique des citoyens conformément aux dispositions de l’article 22 du Pacte. L’État partie est également tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas.

10.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre‑vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement sur son territoire en biélorusse et en russe.