Nations Unies

CCPR/C/110/D/1405/2005*

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

12 mai 2014

Français

Original: anglais

Comité des droits de l’homme

Communication no 1405/2005

Constatations adoptées par le Comité à sa 110e session(10‑28 mars 2014)

Communication présentée par:

Mikhail Pustovoit (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Ukraine

Date de la communication:

21 avril 2005 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 3 juin 2005 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations:

20 mars 2014

Objet:

Condamnation à la réclusion à perpétuité au terme d’un procès inique

Question(s) de procédure:

Griefs non étayés; examen par une autre instance internationale

Question(s) de fond:

Égalité devant la loi; torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; droits de la défense; droit d’obtenir la comparution et l’examen des témoins; droit de ne pas être obligé de témoigner contre soi‑même ou de faire des aveux; liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations

Article(s) du Pacte:

2 (par. 1); 4 (par. 2); 7; 10 (par. 1 et 2); 14 (par. 1, 2, 3 b), d), e) et g)); et 19 (par. 2)

Article(s) du Protocole facultatif:

2 et 5 (par. 2 a))

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titredu paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatifse rapportant au Pacte international relatif aux droitscivils et politiques (110e session)

concernant la

Communication no 1405/2005 **

Présentée par:

Mikhail Pustovoit (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Ukraine

Date de la communication:

21 avril 2005 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 20 mars 2014,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1405/2005 présentée par Mikhail Pustovoit en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication, M. Mikhail Pustovoit, de nationalité ukrainienne, né en 1977, exécute actuellement une peine de réclusion à perpétuité en Ukraine. Il affirme être victime d’une violation par l’Ukraine de ses droits au titre du paragraphe 1de l’article 2, du paragraphe 2 de l’article 4, de l’article 7, de l’article 10, des paragraphes 1, 2 et 3 b), d), e) et g) de l’article 14 et du paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 25 octobre 1991. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

Exposé des faits

2.1Le 13 mai 2000, deux jeunes femmes, E. G. et O. P. ont été assassinées dans l’appartement de la première victime. L’auteur et un autre homme, I. Y., se trouvaient dans l’appartement lorsque les meurtres ont eu lieu, alors qu’une autre personne, M. P. était restée à l’extérieur. L’auteur affirme qu’il n’a pas pris part aux meurtres et explique qu’I. Y. lui a ordonné de prendre un sac à main sur le lieu du crime; il a pris le sac à main et l’a brûlé chez lui. Il n’a pas signalé les meurtres parce qu’I. Y. l’avait menacé de mort.

2.2Le 15 mai 2000, l’auteur a été arrêté parce qu’il était soupçonné de meurtre. Des agents de police l’ont torturé et battu pour lui extorquer des aveux. Le chef de la brigade criminelle du Département des affaires intérieures d’Izyaslav («le chef de la brigade criminelle»)avait participé aux mauvais traitements et le coaccusé, S. P., en avait été témoin.

2.3Le 8 mai 2001, la Chambre judiciaire des affaires pénales du tribunal régional de Khmelnitsk («tribunal régional») a reconnu l’auteur coupable de vol ou de détérioration de documents, de tampons et de cachets (art. 193, première partie, du Code pénal), de banditisme (art. 142, troisième partie) et de meurtre avec préméditation et circonstances aggravantes (art. 93, al. a, d, f et j) et l’a condamné à la réclusion à perpétuité et à la confiscation de ses biens. Dans sa décision, le tribunal précise qu’il a rejeté, faute de preuves, les allégations de l’auteur et de S. P. concernant l’utilisation de méthodes d’enquête illégales. Il se réfère à un enregistrement vidéo dans lequel l’auteur a relaté les événements entourant le crime de manière posée, cohérente et détaillée et à sa déposition selon laquelle il tenait E. G. pendant qu’I. Y. la poignardait.

2.4L’auteur clame son innocence; il affirme que ses empreintes digitales n’ont pas été trouvées sur le lieu du crime et que l’enquête préliminaire n’a apporté aucune preuve de sa culpabilité. Il ajoute que sa condamnation a été prononcée sur la base de présomptions et renvoie aux conclusions d’un expert selon lesquelles O. P. a été poignardée par un gaucher. Lorsque l’auteur, qui est droitier, a demandé au tribunal d’ordonner une contre-expertise, les conclusions de la première expertise ont disparu du dossier. De plus, le juge du tribunal régional a rejeté ses plaintes au sujet des tortures et des passages à tabac dont il a fait l’objet pendant l’enquête préliminaire. À l’audience, le chef de la brigade criminelle a nié avoir assisté aux interrogatoires malgré un enregistrement vidéo montrant le contraire qui a été visionné par le tribunal. L’enquêteur du bureau du procureur a affirmé que les fonctionnaires de la brigade criminelle n’étaient présents au cours de l’enquête que pour des raisons de sécurité. Le médecin légiste, qui a examiné l’auteur en présence des agents de police qui l’auraient torturé, a déclaré qu’il n’avait constaté aucune trace de coups sur son corps. L’auteur a demandé à être examiné par un autre médecin légiste et a montré ses blessures au tribunal (entorse aux poignets, vertèbres disloquées et dents arrachées). Le tribunal a cependant jugé acceptable une pièce produite par le procureur, que l’auteur a qualifiée de «faux certificat», attestant que l’auteur n’avait pas demandé l’assistance du service médical du centre de détention no 29 de Khmelnitsk (le «SIZO»).

2.5Le 8 mai 2001, après avoir été condamné par le tribunal régional, l’auteur a été transféré au centre de détention SIZO. Jusqu’au 13 décembre 2001, il a été détenu dans une cellule qui n’était censée recevoir qu’une seule personne, mais qui en accueillait parfois jusqu’à trois. La cellule était froide, humide, mal éclairée et n’était pas régulièrement approvisionnée en eau, elle était traversée par des courants d’air et le sol en béton était mouillé. La radio ne marchait pas. Pour se laver et se raser, il avait accès une fois par semaine, pendant cinq minutes, à une salle de bains où il n’y avait qu’un mince filet d’eau. Indépendamment des conditions météorologiques, il était obligé de sortir dans la cour.

2.6 Le 9 mai 2001, le responsable de la sécurité a frappé l’auteur dans le couloir à des fins «préventives». Le 14 mai 2001, l’auteur s’est plaint, lors d’un contrôle du SIZO par le parquet, de pressions psychologiques et physiques et des mauvaises conditions de détention. Le procureur a répondu que toutes les plaintes au sujet des conditions de détention devaient d’abord être soumises au Directeur. Ultérieurement, l’auteur affirme qu’il n’a pas pu obtenir l’assistance d’un dentiste, sauf une fois pour une extraction. Il a perdu 14 dents à la suite des tortures et des passages à tabac qui lui ont été infligés par les agents de police pendant l’enquête préliminaire et au SIZO. N’étant plus en mesure de digérer convenablement les aliments, il souffre à présent d’une affection chronique du tube digestif.

2.7L’auteur était menotté lorsqu’on on lui a donné à lire les comptes rendus d’audience du tribunal régional, ce qui l’empêchait de prendre des notes. Les autorités n’ont pas examiné les plaintes de l’auteur, à savoir que les comptes rendus d’audience n’étaient pas reliés, que les pages n’étaient pas numérotées et que certaines manquaient et qu’ils avaient été rédigés de façon à correspondre à la thèse de l’accusation. La demande de l’auteur tendant à obtenir l’autorisation de consulter son dossier pour préparer son appel a disparu. Il a été informé oralement que la loi ne prévoyait pas une telle possibilité.

2.8À une date non spécifiée, il a demandé à être présent pendant l’examen par le tribunal régional de ses observations concernant les comptes rendus d’audience. Le 19 septembre 2001, il a appris que l’audience en question avait eu lieu le 17 septembre 2001.

2.9L’auteur affirme qu’à une date non spécifiée, il a été transféré à la Cour suprême à l’occasion de l’examen de son recours. Il était encagoulé et ses mains étaient en permanence attachées derrière son dos. Les menottes lui ont été retirées lorsqu’il est arrivé au centre de détention de Kiev.

2.10Le 27 novembre 2001, la Cour suprême a rejeté le recours de l’auteur contre sa condamnation. Il ressort de l’arrêt de la Cour que, pendant l’examen du recours, l’auteur a indiqué qu’il avait été contraint à s’accuser lui-même après avoir été soumis à des méthodes illicites d’interrogatoire et que les deux victimes avaient été assassinées par I. Y. L’auteur a fait valoir en outre que, dès le début de l’enquête, les trois coaccusés étaient représentés par le même avocat, en dépit d’un conflit d’intérêts évident et de contradictions manifestes dans leurs dépositions. L’auteur s’est également plaint dans son recours d’avoir été soumis à des méthodes illicites d’interrogatoire et qu’il avait été ainsi contraint à s’accuser lui-même du meurtre.

2.11Il ressort toutefois de l’arrêt de la Cour suprême que les allégations de l’auteur au sujet de l’utilisation des faux témoignages d’I. Y. pour le condamner, étaient infondées dans la mesure où ces témoignages avaient été corroborés par les dépositions d’autres personnes reconnues coupables, victimes ou témoins, par le rapport d’examen du lieu du crime et par des expertises. La Cour suprême a noté que, lorsque des contradictions étaient apparues entre les dépositions de l’auteur et celles de son coaccusé, l’auteur a été immédiatement représenté par un autre avocat, à compter du 22 juin 2000. Elle a en outre conclu que les affirmations de l’auteur et d’I. Y. selon lesquelles on les aurait soumis à des méthodes illégales d’interrogatoire pour leur extorquer des aveux avaient été examinées et rejetées.

2.12L’auteur a également affirmé s’être plaint oralement au tribunal des sévices qui lui avaient été infligés par la police et n’avoir pas été en mesure de présenter sa plainte par écrit parce qu’il était menotté et enfermé dans une cage de sécurité en métal tout au long de l’examen de son recours par la Cour suprême.

2.13L’auteur fait valoir qu’à son retour au SIZO, le 13 décembre 2001, les conditions de détention des personnes condamnées à la réclusion à perpétuité étaient devenues insupportables. Malgré son statut spécial d’ancien fonctionnaire du Département de l’application des peines d’Ukraine, il a été détenu en tant que criminel ordinaire. En tant que tel, il partageait sa cellule avec deux codétenus, dont certains étaient des multirécidivistes, en transit vers d’autres prisons ou atteints de tuberculose. Il a souvent été transféré dans des cellules qui avaient été occupées par des tuberculeux.

2.14L’auteur a demandé, à une date non spécifiée, au Directeur adjoint chargé des affaires sociales du SIZO de lui expliquer pourquoi ses plaintes à propos de l’injustice de sa condamnation et de ses conditions de détention inhumaines n’avaient pas été transmises au bureau du procureur et aux tribunaux. Deux jours plus tard, l’auteur et d’autres détenus ont été battus par des hommes masqués. Ces passages à tabac avaient eu lieu après la visite de deux officiers de haut rang du Département de l’application des peines de la région de Khmelnitsk qui, selon l’auteur, le détestaient depuis la période où il travaillait pour le Département. Tous les passages à tabac subis collectivement par les détenus au SIZO, auxquels participait le groupe spécial d’intervention rapide du Département de l’application des peines et du Ministère des affaires intérieures, avaient lieu en présence des fonctionnaires susmentionnés et de membres de l’administration du SIZO. L’auteur a également été battu seul, en présence de fonctionnaires du SIZO.

2.15À partir de septembre 2003, la qualité de la nourriture s’est détériorée et l’auteur n’a plus été autorisé à quitter son lit, une simple planche, entre 22 heures et 6 heures du matin, pas même pour se soulager. Le personnel du SIZO pouvait voir à l’intérieur des toilettes par un trou dans la porte et les prisonniers devaient se soulager devant leurs codétenus. À partir de mai 2003, l’auteur et d’autres détenus condamnés à la réclusion à perpétuité n’ont plus été autorisés acheter des produits de première nécessité à la cantine du SIZO.

2.16Le 24 juin 2004, l’auteur et son compagnon de cellule ont été sauvagement battus, dans leur cellule et dans la cour, par des hommes masqués. La cour était couverte du sang d’autres condamnés à la réclusion à perpétuité qui avaient été passés à tabac le même jour. L’auteur a été frappé du pied au visage et a reçu des coups de matraque aux reins et au dos et des coups au thorax. Il a demandé l’assistance d’un médecin, mais le responsable de la sécurité lui a dit que les détenus exécutant une peine de réclusion à perpétuité recevraient une nouvelle raclée la semaine suivante. Incapable de supporter un autre passage à tabac, un des détenus s’est pendu au cours de la nuit du 1er juillet 2004. Pour couvrir les passages à tabac, l’administration les a forcés à rédiger des rétractations et des déclarations sous serment attestant qu’ils n’avaient jamais été battus ou soumis à d’autres formes de mauvais traitements. Craignant pour sa vie et sa santé, l’auteur a rédigé une telle déclaration.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur invoque une violation de ses droits au titre de l’article 7 et des paragraphes 1 et 3 b) et d) de l’article 14 du Pacte en raison du fait qu’il avait été encagoulé et enfermé dans une cage en métal tout au long de l’examen de son recours par la Cour suprême. Il affirme également que les conditions de son transfert à la Cour suprême constituaient une violation de l’article 7 du Pacte.

3.2L’auteur invoque une violation de ses droits au titre de l’article 7 et du paragraphe 3 g) de l’article 14 du Pacte en raison des tortures et des passages à tabac auxquels des fonctionnaires l’ont soumis pendant l’enquête préliminaire pour l’obliger à s’auto-accuser. Selon l’auteur, son passage à tabac et les mauvaises conditions de sa détention au SIZO contreviennent à l’article 7 du Pacte, ce qui soulève des questions au titre de l’article 10 du Pacte. En outre, l’auteur affirme qu’il y a eu violation de ses droits au titre des paragraphes 1 et 2 de l’article 10 du Pacte en raison des conditions de détention au pénitencier GVK‑96.

3.3L’auteur affirme que sa déclaration de culpabilité et sa condamnation n’étaient pas justes et qu’elles étaient contraires au paragraphe 1 de l’article 2, au paragraphe 2 de l’article 4 et au paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte. Sa déclaration de culpabilité semble avoir été fondée sur des hypothèses et sur le témoignage d’I. Y. au cours de l’enquête préliminaire, bien que celui-ci se soit rétracté aussi bien devant le tribunal régional que devant la Cour suprême. Les présentes plaintes semblent soulever des questions au regard des paragraphes 1 et 3 g) de l’article 14 du Pacte.

3.4L’auteur affirme que le déni par la Cour de lui accorder le droit de faire comparaitre certains témoins et de demander de nouvelles expertises constitue une violation du paragraphe 3 b) et e) de l’article 14 du Pacte.

3.5L’auteur invoque également une violation du paragraphe 3 b) et d) de l’article 14 du Pacte au motif qu’il était encagoulé pendant qu’il prenait connaissance des comptes rendus d’audience du procès, que sa demande d’étudier le dossier pénal avant l’examen du recours avait été rejetée et que l’avocat désigné d’office était inefficace et n’était présent que lorsque les interrogatoires ont été enregistrés sur vidéo; en outre, l’auteur n’a jamais rencontré son avocat en privé mais seulement en présence de l’enquêteur au cours de l’enquête préliminaire ou pendant le procès. L’avocat a emporté avec lui l’unique exemplaire de l’acte d’accusation et n’a accordé aucune importance à ses plaintes.

3.6L’auteur allègue une violation au titre du paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte, en affirmant qu’avant sa condamnation, il avait été qualifié de meurtrier dans plusieurs articles de journaux, ce qui soulève des questions au regard du paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte.

3.7L’auteur allègue également une violation au regard du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte sans autre explication.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.1L’État partie a présenté ses observations dans ses notes verbales du 27 décembre 2005 et du 28 avril 2006 sur la recevabilité et le fond et sur les documents détaillés relatifs à l’affaire. Il a précisé que le fait qu’il ne réponde pas à chacune des affirmations faites par l’auteur ne signifie pas qu’il les admette.

4.2L’État partie soutient que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif parce que, le 24 décembre 2004, l’auteur a présenté une requête à la Cour européenne des droits de l’homme et que l’affaire a été enregistrée le 11 avril 2005.

4.3Sur le fond, l’État partie affirme que le paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte revêt un caractère général et ne peut être considéré comme ayant été violé que si d’autres droits reconnus par le Pacte ont été violés. En ce qui concerne le grief tiré par l’auteur du paragraphe 3 a) de l’article 2, il note que ce dernier disposait d’un recours utile et s’en est effectivement prévalu en adressant une quarantaine de plaintes et de requêtes à différentes autorités nationales. La disponibilité d’un recours utile ne garantit pas nécessairement aux demandeurs une issue favorable.

4.4Pour ce qui est de la violation présumée du paragraphe 2 de l’article 4 du Pacte, l’État partie affirme que l’auteur n’a pas donné d’explication à l’appui de cette allégation. Il suppose, par conséquent, que son grief est rattaché à ses allégations au titre de l’article 7. Par conséquent, l’État partie estime que l’auteur n’a apporté aucune preuve, notamment médicale, à l’appui de ses allégations selon lesquelles il aurait été passé à tabac. En date du 8 mai 2001, le tribunal régional a examiné les plaintes des coaccusés à propos de leurs présumés passages à tabac pendant l’enquête préliminaire et a conclu que ces derniers «n’avaient apporté aucune preuve à l’appui de leurs affirmations». L’État partie fait donc valoir que, pour que la charge de la preuve lui incombe, l’auteur doit étayer de manière suffisante ses allégations. À défaut, cette partie de la plainte doit être déclarée infondée.

4.5En ce qui concerne les conditions de détention de l’auteur, l’État partie soumet plusieurs déclarations sous serment dans lesquelles trois détenus et responsables du SIZO affirment que les conditions générales de détention étaient satisfaisantes. Pour ce qui est de la détention de l’auteur avec des délinquants de droit commun, l’État partie indique que l’auteur, en dépit de son statut spécial, avait demandé à l’administration du SIZO, le 8 juillet 2001, de «partager sa cellule avec quelqu’un d’autre», l’isolement carcéral prolongé pouvant constituer une violation de l’article 7 du Pacte. Cette affirmation n’est pas fondée.

4.6L’État partie ajoute que les allégations de l’auteur selon lesquelles il a été transféré à la Cour suprême menottes aux poignets et les yeux bandés sont dénuées de fondement. Même si elles étaient établies, l’État partie indique que ces mesures peuvent être appliquées par précaution sans aucune intention d’humilier ou d’avilir. La loi sur la police autorise l’utilisation de menottes lorsqu’un détenu est sous escorte, s’il y a des raisons de craindre qu’il ne s’évade ou qu’il ne s’inflige ou n’inflige des blessures à des personnes de son entourage. L’article 25 de l’ordonnance du Département de l’application des peines sur l’adoption des règles pénitentiaires de routine dispose que les détenus condamnés à la réclusion à perpétuité doivent être menottés chaque fois qu’ils sont sous escorte.

4.7L’État partie ajoute que la mesure consistant à bander les yeux d’un détenu n’est pas directement prévue par la législation, mais elle peut cependant être appliquée dans des cas exceptionnels lorsque la vie ou la santé de l’intéressé est en danger. Cette mesure nécessite une autorisation, qui n’a pas été demandée en l’espèce. L’État partie, se référant à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, affirme que rien ne prouve que le fait qu’on lui ait bandé les yeux, comme l’allègue l’auteur, lui ait causé des lésions ou une quelconque souffrance physique ou mentale.

4.8En ce qui concerne l’accès aux soins médicaux, l’État partie fournit une copie de son dossier médical au SIZO, qui énumère les fois où l’auteur a été examiné par un médecin et où il a reçu une assistance médicale. Selon le dossier médical, aucune ecchymose ni lésion n’a été constatée sur le corps de l’auteur, contrairement à ses allégations de passages à tabac systématiques. L’État partie ajoute également un certificat médical délivré par le service médical du SIZO le 2 septembre 2005 selon lequel, tout au long de sa détention au SIZO (c’est-à-dire entre le 23 mai 2000 et le 12 septembre 2005), l’auteur n’a demandé aucune assistance médicale pour blessures corporelles.

4.9En ce qui concerne les griefs tirés par l’auteur de l’article 14 du Pacte, l’État partie fait valoir que l’auteur a lui-même reconnu qu’il était dans l’appartement lorsque les meurtres avaient été commis, qu’il n’en avait pas informé les autorités et qu’il avait pris le sac à main sur le lieu du crime. Ces faits à eux seuls sont suffisants pour déclarer l’auteur coupable de vol et de dissimulation d’un crime. L’État partie affirme en outre que le tribunal a dûment examiné les témoignages contradictoires de tous les coaccusés, demandé plusieurs expertises médicales, interrogé un certain nombre de témoins et décidé de condamner l’auteur après avoir passé en revue l’ensemble des éléments de preuve à charge. Le tribunal a donc examiné le cas de chaque coaccusé séparément et a rejeté la déclaration d’I. Y. incriminant l’auteur. Cette décision a été confirmée en appel. L’État partie produit, pour réfuter l’affirmation de l’auteur selon laquelle il n’a pu examiner le dossier de l’affaire et faire appel du jugement, des copies de neuf lettres, y compris les lettres de couverture jointes aux communications de l’auteur et les réponses du tribunal.

4.10Pour ce qui est du grief tiré par l’auteur du paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte, l’État partie allègue que selon la législation nationale, le droit des détenus ou des prisonniers de «recevoir ou de répandre des informations» est soumis à certaines restrictions. Pour des raisons de sécurité et pour empêcher la fuite d’informations ou les évasions, la correspondance des détenus est surveillée (sans être censurée) par les autorités. Le courrier adressé au Commissaire parlementaire aux droits de l’homme, au procureur et à la Cour européenne des droits de l’homme ne fait l’objet d’aucun contrôle. L’État partie joint des copies des lettres de couverture de l’ensemble des 19 requêtes envoyées par l’auteur depuis le SIZO et des copies des réponses qu’il a reçues, comme en témoigne sa signature.

Observations supplémentaires et commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Les 15 et 25 janvier 2006 et 15 et 24 mars 2006, l’auteur a indiqué que la requête devant la Cour européenne des droits de l’homme avait été déposée par sa mère à son insu. Le 6 février 2006, il a demandé à la Cour de classer la requête. Le 6 mars 2006, la Cour a mis fin à l’examen de la requête.

5.2Le 23 février 2006, le 28 février 2006, le 24 mars 2006, le 7 juillet 2006, le 12 juillet 2006, le 7 janvier 2007 et le 23 février 2009, l’auteur a fait part de ses commentaires sur les observations de l’État partie. Il réitère ses allégations initiales et affirme que, dans ses observations, l’État partie se contente de renvoyer à la législation sans expliquer comment les textes de loi sont appliqués concrètement.

5.3L’auteur souligne que l’État partie a fourni des copies des lettres de couverture qui accompagnaient les plaintes qu’il a adressées à différentes autorités, sans y joindre les plaintes et les réponses reçues. Le texte de ces documents aurait battu en brèche les arguments de l’État partie selon lesquels un recours utile était disponible. En outre, alors que l’État partie affirme que l’auteur a déposé une quarantaine de plaintes, celles‑ci étaient au moins deux fois plus nombreuses. Le fait qu’il n’ait reçu aucune réponse à de nombreuses plaintes l’amène à penser que celles-ci ne sont jamais parvenues à leur destinataire.

5.4L’auteur affirme que ses droits en vertu de l’article 7 et du paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte ont été violés. Il ajoute que l’État partie s’est délibérément abstenu de transmettre ses plaintes relatives aux aveux forcés et rappelle qu’il n’a cessé de soulever la question pendant l’enquête préliminaire devant le tribunal régional et la Cour suprême. Même s’il ne possède aucun rapport médical corroborant ses allégations, il a été en réalité empêché d’en obtenir un parce que le Département de l’application des peines et le bureau du procureur ont refusé d’autoriser des examens médicaux.

5.5L’auteur réaffirme qu’il a été battu pendant sa détention au SIZO, parfois seul, parfois avec d’autres, par le groupe spécial d’intervention rapide du Département de l’application des peines. Le passage à tabac collectif s’est déroulé de 2002 à 2004.

5.6L’auteur réitère ses allégations selon lesquelles on lui a attaché les mains et bandé les yeux pendant son transfert sous escorte à la Cour suprême et il ajoute qu’on lui a recouvert la tête d’une cagoule sur laquelle il y avait des tâches de sang et de salive laissées par ceux qui l’avaient portée avant lui. L’auteur craignait d’avoir contracté la tuberculose ou d’autres maladies contagieuses. L’auteur dit qu’il s’est senti humilié et avili parce qu’il a été menotté pendant toute la durée de l’examen de son recours. Il n’y avait aucune raison de l’enfermer dans une cage dans la salle d’audience. Il réfute l’argument de l’État partie selon lequel la législation nationale permet l’utilisation de menottes.

5.7En outre, il a été empêché d’exercer son droit de se défendre parce qu’ayant les mains attachées derrière le dos, il ne pouvait pas tenir et tourner les pages de l’appel additionnel, dont il avait l’intention de donner lecture aux juges de la Cour suprême. Lorsqu’il a voulu remettre au Président de la Cour le texte de l’appel additionnel pour qu’il le lise en son nom, sa demande a été refusée.

5.8L’auteur réfute l’affirmation de l’État partie selon laquelle une assistance médicale lui a été fournie et persiste à dire qu’il n’a été examiné par aucun médecin compétent avant d’être transféré au pénitencier de Gorodishche («le GVK‑96»). On lui a fait une radiographie des poumons au SIZO parce que qu’on avait découvert que son compagnon de cellule avait la tuberculose. Il affirme que les certificats médicaux fournis par l’État partie sont des faux, dans la mesure où ils ne portent pas sa signature.

5.9L’auteur ne nie pas qu’il était présent sur le lieu du crime le 13 mai 2000, qu’il a assisté aux meurtres et qu’il a pris le sac à main de l’appartement. Même si, selon l’État partie, il s’agirait de vol et de dissimulation d’un crime, cela ne justifie pas une condamnation pour meurtre.

5.10L’auteur indique que, le 4 juillet 2006, l’administration du pénitencier GVK‑96 a tenté d’effectuer un examen médical, apparemment à la demande du Comité des droits de l’homme. Mais, face au refus du Directeur du service médical du pénitencier de consigner dans le dossier ne serait-ce que les blessures les plus visibles causées à l’auteur par les actes de torture qu’il a subis (plusieurs dents arrachées et d’autres lésions), l’auteur a refusé de subir un examen médical.

5.11L’auteur conteste le caractère librement consenti des déclarations sous serment des détenus du SIZO, que l’État partie a présentées, et fait valoir que la similitude des documents donne à penser qu’ils ont été probablement écrits sous contrainte.

5.12L’auteur indique qu’il s’est plaint au Ministre des affaires intérieures d’actes illégaux de la part d’agents de police le 9 février 2005. Deux des trois agents de police qu’il a identifiés comme étant ceux qui l’avaient torturé ont été en fait destitués après avoir torturé à mort un suspect en 2003, mais le bureau du procureur de la région de Khmelnitsk a classé ce décès comme une mort naturelle; le troisième fonctionnaire impliqué a été destitué pour la même raison en 2002.

5.13À une date non précisée, l’auteur a demandé au procureur du district d’Izyaslav d’engager une procédure pénale contre les trois fonctionnaires mentionnés ci-dessus. Le 19 octobre 2006, un procureur adjoint a refusé sa demande au motif que l’auteur n’avait pas formulé la même plainte pendant l’enquête préliminaire et devant le tribunal. Le 3 novembre 2006, l’auteur a fait appel de ce refus devant le tribunal de district d’Izyaslav en présentant des éléments de preuve attestant qu’il avait été torturé par des agents de police. L’appel de l’auteur a été rejeté le 30 décembre 2006, en se référant au jugement du 8 mai 2001 du tribunal régional qui avait statué que «les allégations des coaccusés selon lesquelles ils se seraient auto-incriminés après avoir été soumis à des méthodes d’enquête illégales ne [pouvaient] être retenues faute de preuves». L’appel interjeté par l’auteur le 16 février 2007 devant le tribunal régional était encore en instance.

5.14Enfin, l’auteur se plaint que ses conditions actuelles de détention au GVK‑96 constituent une violation des paragraphes 1 et 2 de l’article 10 du Pacte. La «promenade» a lieu dans une cage suspendue où il n’a pas accès à la lumière du jour. Vu sa taille de 1,80 m, l’auteur ne peut pas faire d’exercice physique dans la cage et il a le vertige quand il regarde vers le bas. Les cellules sont couvertes de moisissures, ne sont pas équipées d’eau courante et l’auteur n’a pas été autorisé à acheter un couvercle de toilette. Tous les dix jours, il est transféré dans une autre cellule occupée auparavant par des détenus atteints de la tuberculose et du sida. Il ne lui est pas permis de s’étendre sur la planche qui lui sert de lit pendant la journée. Lorsqu’ils se déplacent à l’intérieur du pénitencier, les détenus sont obligés de se pencher vers le sol avec les mains attachées derrière le dos. À l’extérieur des bâtiments, les détenus sont obligés de porter des cagoules.

Observations supplémentaires de l’auteur

6.1Dans la lettre du Comité en date du 21 juillet 2010, l’auteur a été invité à fournir des éclaircissements concernant son cas. Le 9 août et le 13septembre 2010, l’auteur a expliqué qu’après son arrestation, le 15 mai 2000, il a été détenu au poste de police du district d’Izyaslav pendant neuf à dix jours avant d’être transféré au SIZO. Pendant les trois ans qu’a duré l’enquête préliminaire, il a été transféré du SIZO au poste de police toutes les deux semaines. De tels déplacements visaient à faire pression sur lui, tant psychologiquement que physiquement.

6.2L’auteur a fourni les noms, le rang et la fonction des trois agents de police travaillant au poste de police du district qui l’ont battu au moment de son arrestation.

6.3L’auteur explique qu’il n’a pas avoué avoir commis un meurtre malgré la torture à laquelle il a été soumis. Il conteste la véracité du résumé de son appel qui est donné dans la décision de la Cour suprême quant au fait que ses aveux lui auraient été arrachés, expliquant que la Cour suprême a déformé ses dires afin de monter un dossier de toutes pièces contre lui, comme l’ont fait les agents de police.

6.4L’auteur réaffirme que S. P. a été témoin des tortures qu’il a subies au poste de police du district.

6.5L’auteur précise qu’il a été transféré au SIZO neuf à dix jours après son arrestation, le 15 mai 2000. Il a demandé sans succès au service médical du SIZO de consigner dans son dossier qu’il portait des marques de torture. Il continue de souffrir de graves séquelles physiques à cause des actes de torture auxquels il a été soumis. Après les visites du procureur au SIZO, des pressions ont été exercées sur lui, tant psychologiques que physiques, ce qui l’a empêché de se préparer pour l’audience. De plus, le procureur a donné pour instruction au personnel du SIZO de le «démoraliser».

6.6L’auteur rappelle qu’après sa condamnation, il a demandé à prendre connaissance des comptes rendus d’audience de son procès. On lui a remis une pile de documents. Comme il était menotté, il n’a pas pu prendre de notes pendant qu’il les consultait. Par la suite, il a déposé plusieurs plaintes, auprès du tribunal régional et du bureau du procureur, au motif que certains renseignements manquaient, comme la conclusion de l’expert selon laquelle O. P. avait été poignardée par un gaucher. Il s’est également plaint de ce que les agents du SIZO aient gêné son examen des comptes rendus en lui passant des menottes. Il n’a reçu aucune réponse et il n’a jamais reçu de copie des comptes rendus d’audience.

6.7L’auteur explique que, s’il a invoqué l’article 255 du Code de procédure pénale lorsqu’il a demandé à avoir accès au dossier, c’est en raison de son manque de connaissances juridiques. Cependant, sa demande indiquait clairement qu’il souhaitait examiner le dossier.

6.8Il a fait valoir que ses observations sur les comptes rendus d’audience ont été escamotées par les autorités. Il a soulevé cette question dans ses recours supplémentaires. Il demande à l’État partie d’expliquer pourquoi ses observations sont demeurées sans réponse. Sa demande de participer à l’audience du 17 septembre 2001, lors de l’examen de ses observations sur les comptes rendus d’audience, a disparu. De plus, il n’a été informé de la tenue de l’audience que le 19 septembre 2001.

6.9Un soir au début de novembre 2001, l’auteur a été escorté du SIZO jusqu’à la Cour suprême. Le voyage a duré plus de 24 heures, pendant lesquelles il était menotté et, parfois, encagoulé.

6.10Un avocat commis d’office l’a représenté lors du recours formé devant la Cour suprême. L’auteur s’est plaint à l’enquêteur et à la Cour de ce que l’avocat n’avait pas à cœur de défendre ses intérêts. Cependant, comme il n’avait pas les moyens de payer un conseil, l’avocat commis d’office a continué à le représenter. L’auteur ajoute que l’avocat était un ancien collègue retraité des autorités.

6.11L’auteur affirme que, pendant l’examen de son recours devant la Cour suprême, il s’est plaint verbalement des mauvais traitements qu’il a subis au cours de l’enquête préliminaire, tant au SIZO que lorsqu’il a été emmené jusqu’au tribunal.

6.12L’auteur explique que, malgré ses demandes, le juge du tribunal de première instance avait refusé qu’il prenne la parole, qu’il pose des questions et qu’il cite des témoins susceptibles de l’innocenter, tandis qu’I. Y. l’avait incriminé. L’auteur voulait que le tribunal cite à comparaître les compagnons de cellule d’I. Y., à qui celui-ci avait décrit le meurtre, ainsi que des personnes qui avaient été les témoins des séquelles laissées à l’auteur par la torture subie; il ne se souvenait pas du nom des témoins.

6.13L’auteur affirme que la décision du tribunal régional en date du 8 mai 2001 était fabriquée de toutes pièces car elle ne tenait aucun compte de la rétraction d’I. Y., qui, à l’audience, était revenu sur les déclarations qu’il avait faites pendant l’enquête préliminaire et qui impliquaient l’auteur dans le meurtre. Au lieu de cela, le tribunal régional a fondé la condamnation de l’auteur sur les allégations d’I. Y.

6.14L’auteur n’est pas en possession de coupures de la presse régionale le désignant comme meurtrier.

6.15L’auteur n’a pas porté plainte concernant la publication et la diffusion de déclarations l’incriminant. Cependant, il en a fait mention dans certains des recours additionnels qu’il a formés.

6.16L’auteur explique que le tribunal n’avait pas le droit de se fonder sur la déposition initiale d’I. Y. car, en vertu du commentaire de l’article 68 du Code de procédure pénale, quiconque peut être témoin dans une affaire pénale, sauf les parties à la procédure ayant un intérêt dans son issue, à savoir les victimes, les suspects, les accusés ou les condamnés.

6.17L’auteur prie le Comité de demander à l’État partie de fournir des informations concernant la date à laquelle il a été transféré à la prison GVK‑96, les plaintes qu’il a déposées concernant les conditions de sa détention, la suite donnée à ses plaintes et les pièces justificatives.

Observations supplémentaires de l’État partie

7.1Dans sa note verbale du 21 juillet 2010, le Comité a prié l’État partie de lui fournir des explications et des pièces justificatives.

7.2Le 29 décembre 2010, se référant aux informations supplémentaires de l’auteur en date du 13 septembre 2010, l’État partie a communiqué les observations faites par la Cour suprême (non datées) et par le tribunal régional (en date du 10 décembre 2010).

7.3Concernant l’allégation selon laquelle l’appel de l’auteur aurait été déformé dans la décision du 27 novembre 2001, la Cour suprême indique qu’elle a rejeté les appels de l’auteur et de son conseil; que la culpabilité de l’auteur était établie par des témoignages concordants; que ses actes ont été correctement qualifiés et que la sentence prononcée était légitime. L’auteur a assisté à l’audience d’appel et a eu maintes occasions de prendre la parole et de se défendre. La Cour suprême a donc examiné le recours formé par l’auteur conformément à la procédure applicable et aux dispositions du Pacte.

7.4Le tribunal régional explique que, comme il ressort des comptes rendus d’audience, après le prononcé de la sentence, le juge président a expliqué aux condamnés, y compris à l’auteur, comment se déroulait la procédure d’appel et les a informés de leurs droits d’étudier les comptes rendus d’audience et de faire des observations à leur sujet. Les 6, 9 et 10 juillet 2001, l’auteur a examiné les comptes rendus d’audience, ce qui est confirmé par sa signature; il n’a pas fait d’observations. Les observations faites par S. P. et I. Y. ont été dûment examinées par le tribunal.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner une plainte contenue dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.2L’État partie a fait valoir que le Comité ne pouvait examiner la présente communication dans la mesure où une plainte identique a été adressée à la Cour européenne des droits de l’homme. Le Comité note toutefois que la requête en question a été classée le 6 mars 2006 à la demande de l’auteur. Dans ces circonstances, il n’y a donc aucun obstacle, au regard du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, à ce que le Comité examine la présente communication.

8.3S’agissant de l’obligation d’épuiser les recours internes, le Comité a relevé que, selon les renseignements donnés par l’auteur dans sa communication initiale, tous les recours internes disponibles ont été épuisés. En l’absence de toute information pertinente de la part de l’État partie, il considère que les conditions énoncées au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif sont remplies.

8.4Le Comité note que l’auteur allègue une violation de ses droits au titre du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, sans préciser la nature de la violation de cette disposition. Il note que l’article 2 du Pacte, qui énonce les obligations générales qui incombent aux États parties, ne peut, en principe, être invoqué isolément dans une communication soumise en vertu du Protocole facultatif.

8.5En ce qui concerne le grief de l’auteur selon lequel le paragraphe 2 de l’article 4 du Pacte a été violé, le Comité note que l’État partie n’a pas prétendu se fonder sur une quelconque dérogation aux dispositions du Pacte, en application de l’article 4. Dans ces circonstances, le Comité considère que cette partie de la communication est contraire aux dispositions du Pacte et que, par conséquent, elle est irrecevable en application de l’article 3 du Protocole facultatif.

8.6Le Comité note les arguments de l’auteur à l’appui de la violation alléguée de l’article 7, c’est-à-dire le fait que la police lui a infligé des mauvais traitements pour le contraindre à passer aux aveux et que le SIZO a fait pression sur lui. L’État partie a réfuté cette allégation au motif que l’auteur n’avait produit aucun certificat médical à l’appui de ses dires et que deux juridictions ont examiné les allégations de mauvais traitements à l’auteur et à ses coaccusés et les ont rejetées car elles étaient non fondées.

8.7Le Comité note qu’avant son procès, l’auteur a été examiné par un médecin qui n’a trouvé sur son corps aucune trace de coups et qu’il n’a pas contesté le fait que cet examen a eu lieu. Il relève également que tant le tribunal régional que la Cour suprême ont examiné son allégation selon laquelle il a été contraint à faire des aveux et ils l’ont rejetée faute de preuves. Le Comité note que les documents versés au dossier ne permettent pas de conclure que la décision des tribunaux nationaux était arbitraire ou constituait un déni de justice. En outre, le Comité considère que le dossier médical de l’auteur ne montre pas qu’il s’est plaint d’avoir été battu lors de son arrestation ou à aucun moment au cours de sa détention au SIZO entre le 23 mai 2000 et le 12 septembre 2005. Par ailleurs, l’auteur a refusé de subir un examen médical le 4 juillet 2006 alors qu’il prétendait que les marques de torture étaient visibles. De plus, l’auteur prétend que le médecin a refusé de consigner ses blessures mais le Comité note qu’aucun document ne prouve que l’auteur a contesté ce refus devant les autorités nationales ou les tribunaux.

8.8Le Comité constate également qu’il ressort des documents fournis par l’État partie qu’à la suite des plaintes de l’auteur, une enquête interne a été menée, qui a confirmé les conclusions des tribunaux nationaux selon lesquelles l’auteur n’avait pas subi de mauvais traitements destinés à lui extorquer des aveux et qu’il ne s’est pas plaint d’avoir été maltraité et humilié au SIZO. Le Comité note aussi, en se référant aux documents fournis par l’auteur, qu’il n’y a aucune preuve qu’il ait essayé d’engager une action pénale au sujet des aveux forcés au cours de l’enquête préliminaire. De même, l’auteur n’a donné aucun élément permettant d’établir qu’il s’est plaint à des autorités nationales de mauvais traitements qu’il aurait subis pendant sa détention au SIZO. Si l’on peut comprendre que l’auteur n’ait pas pu présenter une telle plainte par écrit, puisqu’il portait des menottes pendant que son recours était examiné par la Cour suprême, le Comité constate que rien dans les documents qui lui ont été soumis ne permet de conclure que l’auteur était dans l’incapacité de déposer une telle plainte pendant qu’il était au SIZO.

8.9Dans les circonstances en l’espèce, étant donné les incohérences qui subsistent et l’absence de toute autre preuve à l’appui de la plainte de l’auteur relative aux aveux forcés, en vertu de l’article 7 du Pacte, le Comité estime qu’il ne peut conclure que l’auteur a suffisamment étayé ses allégations aux fins de la recevabilité et que celles‑ci sont donc irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.10Le Comité prend note du grief de l’auteur selon lequel le fait qu’on l’a encagoulé et menotté pendant son transfert à la Cour suprême constitue une violation de l’article 7 du Pacte. Il relève que l’État partie a contesté le grief relatif au bandage des yeux de l’auteur pendant le transport; le Comité a par ailleurs déclaré qu’une telle mesure ne peut être utilisée que dans des circonstances exceptionnelles, pour assurer la sécurité de la personne transportée, et est soumise à une autorisation, qui n’a pas été demandée en l’espèce. En outre, il note que l’auteur a réaffirmé son allégation dans ses observations ultérieures, mais sans fournir de renseignements supplémentaires à l’appui. Il est donc difficile de savoir si l’auteur a pris une mesure quelconque pour s’en plaindre auprès des autorités nationales ou des tribunaux ou s’il a effectivement porté la plainte à ce sujet. Le Comité note à cet égard que l’État partie n’a pas contesté que l’auteur était menotté pendant son transfert; il s’est contenté de renvoyer à la législation nationale qui prévoit qu’un détenu peut être menotté lorsqu’il est sous escorte afin d’empêcher qu’il ne s’évade, ne se blesse ou ne blesse autrui, en particulier qu’un détenu condamné à la réclusion à perpétuité doit avoir les mains attachées chaque fois qu’il est transféré sous escorte. Le Comité constate que l’auteur n’a pas fourni d’informations ou d’arguments spécifiques pour expliquer en quoi le fait de menotter un détenu pendant un transfert pour éviter qu’il ne s’évade constituerait un traitement cruel, inhumain ou dégradant au sens de l’article 7 du Pacte. Dans cette optique, le Comité ne peut conclure que le grief de l’auteur concernant son traitement pendant le transfert a été suffisamment étayé et le déclare irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.11Le Comité note en outre les allégations de l’auteur, ce qui peut soulever des questions au regard des paragraphes 1 et 3 b), e) et g) de l’article 14 du Pacte, selon lesquelles les tribunaux se sont fondés, pour le condamner, sur des hypothèses, des dépositions contradictoires, en particulier celles d’I. Y., et des aveux forcés et qu’ils ont rejeté ses demandes tendant à ce que l’on fasse appel à d’autres experts et à ce que d’autres témoins soient cités à comparaître et interrogés. Il relève que ses griefs tiennent essentiellement à l’appréciation des faits et de la preuve et rappelle sa jurisprudence selon laquelle il appartient généralement aux tribunaux nationaux d’apprécier les faits et la preuve dans une affaire donnée, sauf s’il peut être établi que l’appréciation était clairement arbitraire ou constituait un déni de justice. Il considère que les éléments dont il est saisi ne donnent pas à penser que les tribunaux ont agi de manière arbitraire lorsqu’ils ont apprécié les faits et la preuve dans l’affaire intéressant l’auteur, ni que la procédure ait été viciée au point de constituer un déni de justice.

8.12En particulier, le Comité note qu’étant donné le caractère contradictoire des observations et des documents figurant dans le dossier, et en l’absence d’une copie des comptes rendus d’audience, il est impossible d’affirmer si l’auteur a ou non avoué avoir commis un meurtre à un stade quelconque de la procédure interne. Même s’il avait témoigné contre lui-même, le Comité relève que les tribunaux ont établi sa culpabilité sur la base de nombreux éléments de preuve concordants. Il prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la condamnation était fondée sur un examen approfondi de la preuve, auquel ont procédé des juridictions de deux ressorts différents, sur les témoignages contradictoires des coaccusés, qui ont été interrogés individuellement, sur les déclarations de témoins et sur les résultats de plusieurs expertises, et que les tribunaux ont rejeté les déclarations d’I. Y. incriminant l’auteur. Il relève par ailleurs, concernant la décision de la Cour suprême, que lorsque celle-ci a établi la culpabilité de l’auteur, elle a pris en considération les témoignages des parents des victimes et les rapports sur le lieu du crime. De plus, il fait observer que rien ne prouve que l’auteur ait essayé d’obtenir la comparution et l’interrogatoire d’autres témoins à un stade quelconque de la procédure ou que ses demandes à cet effet aient été ignorées. Dans ces circonstances, il considère que les griefs de l’auteur au titre des paragraphes 1 et 3) b), e) et g) de l’article 14 du Pacte ne sont pas suffisamment étayés et sont donc irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.13 Le Comité note en outre que les griefs de l’auteur relatifs à une violation des droits de la défense du fait que sa demande tendant à obtenir accès à son dossier pénal a été rejetée et que ses avocats commis d’office étaient inefficaces, ce qui peut soulever des questions au regard du paragraphe 3 b) et d) de l’article 14 du Pacte. Il relève que, comme l’a établi la Cour suprême, un nouvel avocat a été nommé pour représenter l’auteur le 22 juin 2000, dès que des contradictions sont apparues entre les témoignages de l’auteur et d’I. Y. Il constate par ailleurs que rien dans les éléments dont il est saisi ne montre que l’auteur ait jamais demandé à changer d’avocat à un stade quelconque de la procédure.

8.14Le Comité note l’observation de l’État partie selon laquelle l’auteur a pris connaissance des comptes rendus d’audience les 6, 9 et 10 juillet 2001, comme l’atteste sa signature, et qu’il n’a pas fait d’observation à ce sujet. En ce qui concerne les documents fournis par l’État partie, il relève que l’auteur a eu la possibilité d’étudier le dossier les 6 et 10 juillet 2001. Il note en outre, à la lumière des éléments dont il est saisi, que l’affirmation de l’auteur selon laquelle ses observations sur les comptes rendus d’audience ont été escamotées par les autorités n’est pas étayée par des éléments de preuve. Il note également que l’auteur ne s’est jamais plaint au tribunal de ce que son droit d’être informé du dossier, de prendre connaissance des comptes rendus d’audience et de se défendre ait été violé. Il note également que l’auteur était représenté par un avocat devant la Cour suprême et qu’en ce qui concerne la qualité de l’assistance juridique, rien ne prouve qu’il ait jamais demandé qu’un autre avocat lui soit attribué. De ce fait, le Comite considère que le grief formulé par l’auteur au titre du paragraphe 3 b) et d) de l’article 14 du Pacte n’est pas suffisamment étayé et le déclare irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.15Le Comité prend note des affirmations de l’auteur concernant les conditions de sa détention au SIZO, ce qui peut soulever des questions au regard de l’article 10 du Pacte. Il prend note des arguments présentés par l’État partie à cet égard et des certificats qu’il a produits à l’appui de ses dires, dont des déclarations de codétenus de l’auteur et des résultats d’inspections inopinées du SIZO, auxquelles ont procédé diverses autorités et qui montrent que les conditions de détention étaient conformes aux normes sanitaires et d’hygiène applicables dans tout le système pénitentiaire de l’État partie. Le Comité note le nombre de ces déclarations ainsi que leur nature détaillée et concordante. De plus, à la lumière de leur contenu, le Comité ne voit pas de raison de douter de leur véracité.

8.16Alors que l’auteur se plaint d’avoir parfois partagé sa cellule avec d’autres détenus, dont certains étaient tuberculeux, ce qui peut se comprendre, le Comité relève qu’il ne conteste pas avoir demandé à l’administration du SIZO, le 8 juillet 2001, de «partager sa cellule avec quelqu’un d’autre». Le Comité note également que l’auteur n’a pas précisé à quel moment et pendant combien de temps il avait partagé sa cellule avec des tuberculeux. De surcroît, le Comité prend note d’une lettre datée du 10 septembre 2005 dans laquelle le Département de l’application des peines de l’État partie nie que l’auteur ait partagé une cellule avec des tuberculeux. Il note en outre qu’il ressort des documents fournis par l’État partie et du dossier médical de l’auteur que celui-ci a subi des radiographies des poumons et du cœur chaque année pendant qu’il était au SIZO, entre2000 et2005, et que ses poumons n’étaient pas atteints. Il note que l’allégation de l’auteur selon laquelle ces déclarations sous serment étaient des faux n’est étayée par aucune explication ou preuve documentaire.

8.17En ce qui concerne les plaintes implicites de l’auteur concernant son placement à l’isolement, le Comité réitère son Observation générale no 20, selon laquelle l’emprisonnement cellulaire prolongé d’une personne détenue ou incarcérée peut être assimilé aux actes prohibés par l’article 7 du Pacte. Il relève toutefois que l’auteur n’a pas précisé à quel moment exactement, et pour combien de temps, il a été placé à l’isolement. De même, l’auteur n’a pas fourni d’informations suffisantes sur la violation alléguée de ses droits en tant qu’ancien agent pénitentiaire résultant du fait qu’il a été détenu avec des criminels ordinaires.

8.18Le Comité note en outre les griefs invoqués par l’auteur, au titre des paragraphes 1 et 2 de l’article 10 du Pacte, concernant les conditions de sa détention au pénitencier GVK‑96. Il relève que l’État partie n’a pas spécifiquement réfuté ces affirmations. Il note également que l’auteur n’a fourni aucune explication sur les plaintes dont il a saisi les autorités compétentes, notamment les tribunaux nationaux, mais a demandé au Comité d’inviter l’État partie à fournir des informations à ce propos.

8.19 Dans les circonstances de l’espèce, et à la lumière des incohérences et des contradictions qui subsistent, le Comité conclut que les griefs au titre de l’article 10 du Pacte concernant ses conditions de détention au SIZO et au pénitencier GVK‑96 ne sont pas suffisamment étayées aux fins de la recevabilité et qu’elles sont donc irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.20Le Comité note en outre les griefs de l’auteur concernant le fait que les médias ont diffusé des informations l’incriminant avant le prononcé du verdict, ce qui peut soulever des questions au regard du paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte. Le Comité n’a reçu aucune preuve documentaire à l’appui de ces allégations, malgré la demande spécifique qu’il avait adressée à l’auteur. En l’absence d’information ou d’éclaircissement à ce sujet et, en particulier, en l’absence de toute explication sur la façon, dont la couverture médiatique du meurtre a concrètement eu des effets négatifs sur les droits de l’auteur, le Comité considère que ces allégations sont pas suffisamment étayées aux fins de la recevabilité et qu’elles sont donc irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.21Le Comité a relevé les autres plaintes de l’auteur selon lesquelles ses droits consacrés à l’article 7 et aux paragraphe 1 et 3) b) et d) de l’article 14 du Pacte ont été violés parce que, comme il est était menotté, il ne pouvait prendre de notes lorsqu’il a examiné les comptes rendus d’audience au SIZO, et qu’il ne pouvait pas donner lecture ni utiliser les annotations écrites qu’il avait apportées à son pourvoi en cassation devant la Cour suprême. Il relève également que l’auteur était menotté et placé dans une cage métallique située dans la salle d’audience pendant l’examen de son recours par la Cour suprême. Le Comité note qu’en fait ces allégations soulèvent des questions au titre de l’article 7 et des paragraphes 1 et 3 b) de l’article 14 du Pacte. Étant donné que l’État partie n’a pas répondu à ces plaintes dans ses observations, le Comité considère qu’il faut accorder le poids nécessaire aux allégations de l’auteur, puisqu’elles sont suffisamment étayées. De ce fait, il conclut que cette partie de la communication est recevable, du fait qu’elle soulève des questions au titre de l’article 7 et des paragraphes 1 et 3 b) de l’article 14 du Pacte, et décide de l’examiner au fond.

Examen au fond

9.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

9.2.Les questions soumises au Comité sont celles de savoir si le fait d’avoir été menotté et placé dans une cage de métal pendant que la Cour suprême examinait son appel constituent des mauvais traitements au sens de l’article 7 du Pacte et violent son droit à un procès équitable, exempt de tout préjugé, conformément aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte et si le fait d’avoir été menotté pendant qu’il examinait les comptes rendus d’audience au SIZO et pendant l’examen de son appel devant la Cour suprême constituait une violation de son droit à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense garanti au paragraphe 3 b) de l’article 14 du Pacte. LeComité rappelle que l’interdiction énoncée à l’article 7 est complétée par les dispositions positives du paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte, qui précise que «toute personne privée de sa liberté est traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine». Le Comité rappelle également son Observation générale no 21 qui impose aux États parties une obligation positive en faveur de toutes les personnes privées de liberté et de s’assurer qu’elles «jouissent de tous les droits énoncés dans le Pacte, sous réserve des restrictions inhérentes à un milieu fermé». De surcroit, le Comité rappelle son Observation générale no 32, selon laquelle «toutes les autorités publiques ont le devoir de s’abstenir de préjuger de l’issue d’un procès, […] Les défendeurs ne devraient pas normalement être entravés ou enfermés dans des cages pendant les audiences, ni présentés au tribunal d’une manière laissant penser qu’ils peuvent être des criminels dangereux», car cela pourrait entraîner une violation du paragraphe 1 de l’article 14. De plus, le Comité note que le paragraphe 3 b) de l’article 14 du Pacte contient des éléments importants qui sont destinés à garantir le droit à un procès équitable, notamment le droit de l’accusé à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de la défense.

9.3Le Comité note que l’État partie n’a pas expressément répondu aux allégations en question et n’a pas réussi à démontrer que les mesures imposées à l’auteur étaient conformes à l’article 7 et aux paragraphes 1 et 3 b) de l’article 14 du Pacte. En particulier, il n’a pas réussi à prouver qu’il était nécessaire, pour assurer la sécurité ou l’administration de la justice, de placer l’auteur, les mains attachées derrière le dos, dans une cage en métal pendant l’audience publique de la Cour suprême et qu’il n’existait aucun autre moyen qui aurait été conforme au respect de la dignité humaine de l’auteur et au besoin de ne pas le présenter au tribunal d’une manière laissant penser qu’il pouvait être un criminel dangereux. L’État partie n’a pas non plus démontré que menotter l’auteur pendant qu’il prenait connaissance des comptes rendus d’audience ou pendant l’examen de son appel par la Cour suprême était conforme au droit de l’auteur à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense. En conséquence, et en l’absence de toute autre information pertinente dans le dossier, le Comité conclut que les faits, tels que présentés, font apparaître une violation des droits de l’auteur en vertu de l’article 7 du Pacte, en raison du traitement dégradant qu’il aurait subi au cours de l’audience; une violation de ses droits en vertu du paragraphe 3 b) de l’article 14 du Pacte, parce qu’il a été gêné dans la préparation de sa défense, et une violation de ses droits en vertu de l’article 7 conjointement avec le paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte, en raison du traitement dégradant qui lui a été réservé et qui a compromis l’équité de son procès.

10.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole optionnel au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, est d’avis que l’État partie a violé les droits de l’auteur en vertu de l’article 7 et du paragraphe 3 b) de l’article 14, et de l’article 7 conjointement avec le paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte.

11.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie a l’obligation de fournir à l’auteur un recours utile, notamment une indemnisation et de procéder aux modifications nécessaires de ses lois et pratiques pour empêcher que de telles violations se reproduisent à l’avenir.

12.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y a eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingt jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est invité en outre à rendre publiques les présentes constatations, à les faire traduire et à les diffuser largement en ukrainien et en russe dans l’État partie.

[Adopté en anglais (version originale), français et espagnol. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]