Nations Unies

CCPR/C/112/D/1998/2010

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

17 novembre 2014

Français

Original: anglais

C omité des droits de l ’ homme

Communication no 1998/2010

Décision adoptée par le Comité à sa 112e session (7-31 octobre 2014)

Communication présentée par:

A.W.K. (représenté par un conseil, Frank Deliu)

Au nom de:

A.W.K.

État partie:

Nouvelle-Zélande

Date de la communication:

2 août 2010 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 3 mai 2011 (non publiée sous forme de document)

Date de la décision:

28 octobre 2014

Objet:

Équité des procédures pénales

Question(s) de fond:

Droit à un procès équitable; droit à un recours utile; droit à un interprète; droit de connaître la nature et les motifs des accusations; possibilité de se défendre; droit à un conseil; droit de s’opposer aux accusateurs; droit de faire appel de la condamnation

Question ( s ) de procédure:

Justification des griefs

Article(s) du Pacte:

2 (par. 3) et 14 (par. 1, 3 a), b), d), e) et f), et 5)

Article(s) du Protocole facultatif:

2

Annexe

Décision du Comité des droits de l’homme en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (112e session)

concernant la

Communication no 1998/2010 *

Présentée par:

A.W.K. (représenté par un conseil, Frank Deliu)

Au nom de:

A.W.K.

État partie:

Nouvelle-Zélande

Date de la communication:

2 août 2010 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 28 octobre 2014,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.1L’auteur de la communication, datée du 2 août 2010, est A.W.K., de nationalité néo‑zélandaise. Il se dit victime de violations par la Nouvelle-Zélande des droits qu’il tient du paragraphe 3 de l’article 2, lu seul, et des paragraphes 1, 3 et 5 de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en ce qui concerne les aspects procéduraux de son procès et des recours qu’il a formés contre sa condamnation au pénal pour importation et possession de méthamphétamine à des fins d’approvisionnement. L’auteur est représenté par un conseil, Frank Deliu.

1.2Le 26 avril 2012, le Comité des droits de l’homme, agissant par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, a fait droit à la demande de l’État partie tendant à ce que la recevabilité de la communication soit examinée séparément du fond. Le 8 juin 2012, le Comité, agissant par l’intermédiaire du même Rapporteur spécial, et en application de l’article 92 de son règlement intérieur, a décidé de ne pas faire droit à la demande de mesures provisoires déposée par l’auteur, qui demandait que l’État partie le libère sous caution. L’auteur reste incarcéré en Nouvelle‑Zélande.

Exposé des faits

2.1Le 16 juin 2006, l’auteur a été reconnu coupable de faits d’importation et de possession de méthamphétamine commis en juillet 2004. Le 8 septembre 2006, il a été condamné pour ces infractions à dix-sept ans de prison. Le 14 avril 2008, la Cour suprême a fait droit à son recours et ordonné que l’affaire soit rejugée. Les stupéfiants en question ont été détruits à la demande de la police néo-zélandaise au terme du premier procès en 2006, si bien que, lorsqu’il a tenté d’obtenir une contre-analyse indépendante avant son deuxième procès, l’auteur s’est trouvé dans l’incapacité de le faire. L’auteur est resté emprisonné de juin 2006 à avril 2008, date à laquelle il a été libéré sous caution en attendant son deuxième procès.

2.2L’auteur a choisi de se représenter lui-même pendant le deuxième procès par un jury, qui a eu lieu devant la Haute Cour d’Auckland. Il affirme que, pendant ce procès, la juge a commis plusieurs erreurs qui ont entraîné la violation des droits que lui reconnaît l’article 14 du Pacte. Ainsi, l’auteur prétend qu’au terme de plusieurs heures de délibérations, la porte-parole du jury a adressé à la juge une note lui indiquant que le jury avait «fini de délibérer» et était «parvenu à une décision». La juge a alors demandé des précisions. Elle a reçu une deuxième note indiquant que le jury était incapable de «parvenir à un verdict unanime» et que «toute autre tentative reviendrait à une intimidation». La juge, après avoir consulté les parties, a adressé au jury ce que l’on appelle une «directive Papadopoulos», lui donnant pour instruction de se retirer de nouveau pour voir s’il pouvait parvenir à un verdict unanime. L’instruction a été donnée à 14 h 25 et le jury est revenu avec un verdict de culpabilité à 15 h 20. En prononçant le verdict, la porte-parole a semblé émue et a fondu en larmes. Le 1er mai 2009, l’auteur a été condamné à quatorze ans et six mois de prison’. Lorsqu’il a demandé l’autorisation d’interroger les jurés pour obtenir la preuve de l’intimidation, il se l’est vu refuser par les juridictions d’appel.

2.3L’auteur a fait appel de la déclaration de culpabilité et de la condamnation prononcées contre lui devant la Cour d’appel, en invoquant notamment les questions relatives à la garantie d’un procès équitable résumées ci-dessus. La seule question de fond examinée en appel était celle de savoir si la directive Papadopoulos classique adressée par la juge avait abouti à un verdict imprudent de la part du jury dans l’impasse. La Cour a conclu que la juge avait eu raison de demander des précisions sur la première note (indiquant: «Le jury a fini de délibérer et est parvenu à une décision»), car celle-ci ne confirmait pas que le jury s’était entendu sur des verdicts. La Cour a fait observer que la décision d’adresser une directive Papadopoulos relevait de la compétence des juges de première instance et que la Cour suprême avait confirmé que ceux-ci disposaient d’une assez grande latitude pour exercer ce pouvoir. Elle a conclu que la décision avait été prise par la juge à bon escient. Elle a aussi relevé que la note adressée par le jury ne faisait pas état d’une intimidation, mais indiquait simplement que les membres du jury ne pouvaient alors parvenir à un accord et qu’il existait un risque d’intimidation s’ils poursuivaient leurs efforts. Après avoir examiné la question de savoir si la juge avait commis une erreur en n’ajoutant pas à la directive Papadopoulos classique un avertissement pour que les jurés ne tentent pas de s’intimider mutuellement, la Cour a conclu à l’absence d’erreur à cet égard, car la juge avait clairement indiqué que la directive était adressée en réponse aux notes du jury, et elle avait appelé l’attention sur le fait qu’aucun juré ne devait céder dans le seul but de parvenir à un accord. Les notes du jury n’indiquaient pas que des problèmes avaient surgi entre jurés, les délibérations n’avaient pas duré longtemps compte tenu des circonstances, les jurés n’avaient pas été retenus durant la nuit, et il n’était pas rare que des jurés soient émus lors du prononcé d’un verdict. En l’espèce, il n’existait aucun signe de dissentiment, et la seule manifestation d’émotion avait été le fait que les lamentations de la mère de l’auteur avaient provoqué les larmes de la porte-parole du jury après le prononcé des verdicts; aucun fait survenu après l’envoi des deux notes du jury ne permettait de penser que les délibérations de celui-ci avaient mal tourné. L’appel a été rejeté le 28 septembre 2009. L’auteur a ensuite saisi la Cour suprême de Nouvelle-Zélande d’une demande d’autorisation de pourvoi contre la décision rendue en appel, qui a été rejetée le 2 mars 2010.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que son droit à un procès équitable, tel qu’il est énoncé au paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte, a été violé en raison des erreurs de procédure commises par la juge ayant assuré la présidence de son deuxième procès. Il fait valoir qu’après avoir reçu la première note dans laquelle le jury indiquait qu’il avait fini de délibérer et était parvenu à une décision, la juge n’aurait pas dû demander d’autres précisions au jury et aurait dû au contraire faire revenir les jurés en audience publique pour leur demander quel était le verdict, ce qui aurait entraîné la nullité du procès pour irrégularité de forme, que sitôt informée des risques d’«intimidation» évoqués par le jury, la juge aurait dû immédiatement dessaisir le jury, qu’elle a omis de prier le jury de lui expliquer ce qu’il entendait par «intimidation» et de lui demander si cela s’était déjà produit, qu’elle n’a pas informé le jury qu’il pouvait maintenir le vote, qu’elle a omis de demander à la porte-parole du jury les raisons de son émotion, et qu’elle a omis de s’assurer auprès des jurés que le verdict était effectivement unanime et n’avait pas été contraint. L’auteur estime que son droit fondamental d’obtenir que justice soit rendue a été compromis par le non-respect par la juge des normes procédurales.

3.2L’auteur affirme en outre que les droits qu’il tient du paragraphe 3 b) de l’article 14 du Pacte ont été violés car il n’a pas pu disposer des facilités nécessaires à la préparation de sa défense. Il soutient en particulier que la méthamphétamine qu’il a été déclaré coupable de posséder et d’avoir importée a été détruite sans ordre du tribunal après la conclusion de son premier procès en 2006, et qu’il lui a donc été impossible de faire procéder à une contre-analyse indépendante des substances avant son deuxième procès. Il fait valoir qu’il a été dans l’incapacité d’organiser sa défense faute d’accès aux substances en cause, et indique que la police aurait pu conserver un petit échantillon de celles-ci mais ne l’a pas fait. L’auteur affirme en outre avoir apporté la preuve devant la Haute Cour de Nouvelle‑Zélande que la cargaison pour l’importation et la possession de laquelle il a été condamné n’était pas constituée de substances toxiques.

3.3L’auteur soutient aussi que l’État partie, en violation du paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte, lui a refusé toute perspective réaliste de bénéficier d’un recours utile puisque les juridictions d’appel ne l’ont pas autorisé à interroger les jurés pour obtenir la preuve de l’intimidation, les membres d’un jury étant protégés par le secret du délibéré judiciaire. La lettre de l’auteur est accompagnée d’un enregistrement audio d’une partie de l’audience de 2009 devant la Cour d’appel, et d’un enregistrement vidéo d’une discussion de groupe conduite pour le compte de l’auteur, au cours de laquelle il a été demandé à des membres du public de faire part de leurs observations sur les questions soulevées par l’auteur à propos du jury.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond de la communication

4.1Dans ses observations en date du 14 avril 2011, l’État partie revient sur l’exposé des faits de la communication, en soulignant la gravité des infractions reprochées à l’auteur, qui a été reconnu coupable d’avoir importé environ 8,9 kilos de méthamphétamine dissoute dans un liquide contenu dans des lampes à lave. La méthamphétamine, drogue de classe A, représentait une valeur totale comprise, selon le mode de commercialisation prévu, entre 2,5 et 8,9 millions de dollars néo-zélandais. L’auteur a été condamné à quatorze ans et demi de prison, dont une période de sûreté de sept ans et demi. L’État partie fait aussi remarquer que la culpabilité de l’auteur a été confirmée par la Cour d’appel en septembre 2009, qu’une demande d’autorisation de pourvoi a été refusée par la Cour suprême en mars 2010, qu’une deuxième demande d’autorisation de pourvoi présentée sur la base d’autres motifs après la soumission de la présente communication a été rejetée en mars 2011, et que le premier procès tenu en 2006 avait été annulé au motif que son déroulement s’était poursuivi indûment en dépit du retrait de deux jurés, ce pourquoi un deuxième procès avait eu lieu. Les juridictions internes ont constaté que la juge de première instance, conformément à la loi et à la pratique concernant la procédure pénale néo-zélandaise, avait tenu compte de plusieurs facteurs pour décider de recourir à une directive Papadopoulos. Concernant les larmes de la porte-parole du jury, la Cour d’appel a relevé qu’il était fréquent que des jurés soient émus lors du prononcé d’un verdict, et a décrit l’incident comme suit: «[L]es larmes de la porte-parole du jury provoquées par les lamentations de la mère de l’appelant après le prononcé de verdict ont été la seule manifestation d’émotion». La Cour suprême a elle aussi considéré que les larmes avaient été apparemment provoquées par les cris de la mère de l’auteur, et ajouté que la volonté de la porte-parole de prononcer les verdicts tendait fortement à indiquer qu’elle n’était pas victime d’intimidation.

4.2L’État partie considère que la communication comporte plusieurs erreurs de fait. Concernant l’affirmation de l’auteur selon laquelle la juge de première instance aurait omis de rendre compte immédiatement de ce qui s’était produit, il soutient qu’un tel compte rendu figurait en fait dans le rapport établi en temps voulu par la juge le 14 septembre 2009 en réponse à une demande de la Cour d’appel. De plus, bien que l’auteur affirme que le procès s’était déroulé «sans preuve de la réalité des drogues» et que la méthamphétamine saisie était «la principale» ou «la seule véritable preuve concrète», les accusations portées contre l’auteur ont été examinées lors des deux procès sur la base de l’analyse par des experts des substances saisies, la méthamphétamine elle-même n’ayant jamais été produite comme éléments de preuve. Bien que l’auteur affirme avoir apporté la preuve que la cargaison de substances ne présentait aucune toxicité, l’attestation qu’il a produite au procès n’a pas été acceptée par le jury. Bien qu’il soutienne que la méthamphétamine saisie a été détruite sans ordre licite, parce que la drogue saisie n’a jamais été utilisée comme moyen de preuve, le fait est qu’elle est restée sous la garde du service des douanes et/ou de la police et que, pour cette raison, aucune autorisation judiciaire n’était requise pour sa destruction à la suite du procès. En dépit de l’affirmation de l’auteur quant au caractère «flagrant» de la destruction, les drogues ont été détruites pour des raisons de sécurité, comme cela a été souligné dans les deux conclusions de la juge de première instance.

4.3L’État partie considère aussi que le grief soulevé par l’auteur au titre du paragraphe 1de l’article 14 du Pacte, relatif à l’opportunité de la directive Papadopoulos adressée par la juge en réponse aux difficultés exprimées par le jury, est irrecevable car insuffisamment étayé. Le Comité ne réexamine pas les instructions données à un jury ni les décisions des juridictions nationales en l’absence de tout élément d’arbitraire ou d’injustice manifeste, comme cela est le cas en l’espèce. En outre, le grief repose sur l’allégation factuelle de l’auteur qui prétend que le jury a fait ou a risqué de faire l’objet d’intimidation, allégation qui a été rejetée, sans injustice manifeste, par les juridictions internes. L’État partie fait observer que la directive a été confirmée en appel conformément à la procédure pénale interne, et que la communication ne propose aucun motif qui obligerait le Comité à réexaminer l’application du droit interne.

4.4L’État partie considère en outre que le grief que l’auteur tire du paragraphe 3 b) de l’article 14 du Pacte, concernant le préjudice que lui aurait causé l’impossibilité, lors du deuxième procès, d’obtenir une analyse indépendante des drogues saisies, est irrecevable faute d’épuisement des recours internes. L’État partie fait valoir que l’auteur aurait pu invoquer cette question en appel devant les juridictions internes mais ne l’a pas fait. Dans sa communication, l’auteur indique qu’il a soulevé ce point en appel mais qu’il ne s’y est pas «employé activement, afin de le réserver pour une éventuelle plainte devant [le Comité]». L’État partie estime de plus que le grief est irrecevable parce qu’il n’est pas étayé. Le moyen invoqué est que les substances saisies n’étaient en fait pas de la méthamphétamine ou que l’auteur n’a pas pu faire valoir ce point lors du procès; ce moyen a été rejeté par les juridictions internes sans injustice manifeste.

4.5Sur le fond, l’État partie considère que chacun des trois griefs soulevés par l’auteur au titre de l’article 14, paragraphe 1, du Pacte est dépourvu de fondement. Tout d’abord, l’allégation de l’auteur qui affirme que le jury a fait ou a risqué de faire l’objet d’intimidation a été rejetée par les décisions successives des juridictions internes, et la communication ne comporte aucune base suffisante pour remettre en cause ces décisions. Ensuite, l’allégation de l’auteur qui prétend que la juge de première instance a commis une erreur en adressant une directive formelle Papadopoulos est dépourvue de fondement, car la procédure pénale interne autorise le recours à une telle directive dans des circonstances appropriées et les juridictions d’appel ont déterminé que les circonstances avaient été dûment prises en considération par la directive formelle. Enfin, l’allégation de l’auteur qui affirme que la confidentialité des délibérations du jury l’empêche d’établir l’existence d’une intimidation est sans fondement, car la règle de la confidentialité des délibérations du jury est une caractéristique essentielle du système de jugement par un jury, dont la Cour européenne des droits de l’homme a à plusieurs reprises affirmé la conformité au droit à un procès équitable; les juridictions néo-zélandaises peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, s’enquérir des délibérations du jury, mais il n’existait pas en l’espèce de telles circonstances.

4.6L’État partie estime aussi que le grief soulevé par l’auteur au titre du paragraphe 3 de l’article 14 du Pacte est dépourvu de fondement parce que la procédure pénale néo‑zélandaise envisage expressément le cas où des moyens de preuve nécessaires à la défense ne sont pas disponibles. En particulier, et conformément à l’approche du Comité, la loi de procédure pénale néo-zélandaise prévoit qu’il doit être déterminé s’il existe un préjudice inacceptable pour la défense et que, dans ce cas, il peut être sursis aux poursuites si nécessaire. En l’espèce, la juge de première instance a considéré, conformément à la loi, qu’il n’était pas porté atteinte à la défense et que celle-ci pouvait dûment faire valoir au procès que les substances saisies n’étaient pas de la méthamphétamine. L’auteur a eu la possibilité de contester cette analyse à charge, ce qu’il a fait mais sans succès. Il a aussi eu la possibilité de former un recours contre les conclusions adoptées en première instance, mais il ne l’a pas fait.

4.7S’agissant du grief de l’auteur relatif à la garantie d’un recours utile prévue au paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte, l’État partie considère que l’auteur se contredit sur cette question. L’auteur affirme en particulier, simultanément, qu’il souhaite un nouveau procès et qu’il ne devrait toutefois pas être rejugé. L’État partie considère en outre qu’il ne serait pas justifié de libérer l’auteur sans possibilité de le rejuger, vu que celui-ci a été reconnu coupable d’une infraction grave par un jury de jugement et que sa condamnation a été confirmée deux fois en appel. L’État partie fait en outre observer que la communication ne contient aucune allégation de retard abusif, et en conclut que cela est dû à ce que la lettre décrit comme une «myriade de procédures interlocutoires et connexes», ainsi qu’à la répétition des recours.

4.8Pour ce qui est de l’enregistrement audio soumis par l’auteur, l’État partie note qu’aucune autorisation en bonne et due forme n’a été demandée ni obtenue, et qu’il s’agit donc d’un enregistrement non autorisé dépourvu de tout caractère officiel ou d’autorité. À propos de l’enregistrement vidéo du groupe de discussion, l’État partie fait observer que l’avocat de l’auteur a tenté de produire cet enregistrement devant la Cour suprême, laquelle a estimé qu’il n’avait «aucune valeur probante» et qu’il constituait «un exercice totalement artificiel sans rapport avec les éléments de preuve et les circonstances du procès».

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans une lettre en date du 28 juin 2011, l’auteur a affirmé de nouveau que le fait que la juge de première instance ait manqué de diligence pour s’assurer que la décision du jury s’appuyait sur les preuves factuelles et rien d’autre, constituait une violation des droits qu’il tient du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte. Il souligne que la juge a adressé au jury une directive Papadopoulos prédéfinie impropre à régler la question de l’intimidation qui ressortait clairement de la seconde note du jury. Il maintient que la porte-parole du jury était «clairement émue» lors de la lecture des verdicts.

5.2 En ce qui concerne son grief au titre du paragraphe 3 b) de l’article 14 du Pacte, l’auteur prétend avoir été privé de l’égalité des armes en raison de l’impossibilité de faire analyser les drogues. En outre, les juridictions de l’État partie auraient agi de manière inéquitable en l’obligeant à apporter la preuve que les substances saisies n’étaient pas de la méthamphétamine, ce qui l’a placé dans un «dilemme extraordinaire» puisque les drogues elles-mêmes avaient été détruites. L’auteur reconnaît que le rapport de toxicité qu’il a présenté n’a pas été accepté par le jury de jugement, mais affirme que ce rejet était dû au fait qu’il n’avait pas eu le droit de présenter ses propres moyens de preuve quant aux substances saisies. Il soutient en outre que l’État partie n’invoque aucun fondement juridique qui justifierait son droit de détruire des biens tels que des drogues sans autorisation judiciaire. À propos de l’observation de l’État partie qui affirme que les drogues ont été détruites pour des raisons de sécurité, l’auteur affirme qu’une procédure d’appel était en cours lorsque les drogues ont été détruites, que cette destruction ayant eu lieu deux ans environ après leur saisie, elles avaient donc été «suffisamment en sécurité pendant quelques années», et qu’il aurait suffi de n’en conserver qu’un minuscule échantillon aux fins d’une analyse indépendante.

5.3L’auteur soutient que la communication est recevable car il ne conteste pas les questions de fond en cause dans le procès mais demande au contraire réparation pour des irrégularités de procédure qui constituaient une violation de son droit à un procès équitable. À titre subsidiaire, il fait valoir que le contexte exceptionnel de la directive de la juge de première instance justifie un examen scrupuleux par le Comité. Il affirme aussi avoir épuisé les recours internes en ce qui concerne la question de la destruction des drogues puisqu’il a soulevé en vain cette question devant la juridiction de première instance, lors du recours de 2009 devant la Cour suprême, et de nouveau en 2010 devant la Cour suprême.

Nouveaux commentaires de l’auteur

6.1Dans une lettre datée du 22 décembre 2011, l’auteur soumet de nouveaux griefs au titre du paragraphe 3 de l’article 14 et du paragraphe 3 de l’article 2. Il fait ainsi valoir qu’il est d’origine chinoise et que sa langue maternelle est le cantonais. Il ne parle pas couramment l’anglais, n’a qu’un niveau moyen d’instruction, et n’a pas de qualification ni de formation juridique. Lors de son deuxième procès en 2009, il n’était assisté d’aucun avocat et le tribunal a dû désigner un interprète en raison de sa méconnaissance de l’anglais. Cependant, son interprète n’a pas traduit la déclaration préliminaire ni les réquisitions du ministère public, l’exposé final de la juge au jury, ni une partie des dépositions des témoins et des décisions du tribunal. Il n’a vraiment bénéficié d’une interprétation que lorsqu’il participait directement aux échanges et, même lorsque les propos étaient traduits, l’interprétation était souvent chuchotée et n’était pas «simultanée». Ses tentatives de communication avec l’amicus curiae désigné par le tribunal n’étaient pas non plus correctement traduites, et il ne lui a pas été remis de version «translittérée» des preuves documentaires à charge. L’auteur s’est également heurté aux obstacles de procédure suivants: la juge de première instance a refusé à plusieurs reprises de lui délivrer une copie de l’enregistrement audio de son procès; son recours devant la Cour suprême a été rejeté en 2011 et il lui a été signifié qu’il lui faudrait peut-être revenir devant la Cour d’appel; la Cour d’appel a d’abord refusé d’enregistrer son nouvel acte d’appel, et ce n’est que grâce à l’insistance de son avocat qu’il a pu déposer ce nouvel acte. Lorsque la Cour d’appel a finalement autorisé l’accès à l’enregistrement audio au début de 2011, cela n’a été que sous réserve qu’un avocat et un expert puissent être présents à l’audience.

6.2L’auteur fait en outre valoir que la Cour d’appel a d’abord mis en doute le fait que l’auteur ait besoin d’un interprète pour la nouvelle audience d’appel, et ne lui en a pas désigné, l’obligeant à payer pour avoir son propre interprète (et le procès-verbal ne lui ayant pas été remis en temps voulu, l’auteur n’a pu obtenir son propre interprète). La Cour d’appel a rejeté l’appel de l’auteur sur le fond bien qu’elle n’ait tenu qu’une seule audience, sur la compétence. L’auteur affirme n’avoir pu présenter des moyens de preuve sur le fond, et s’être vu refuser par le greffe de la Cour suprême le dépôt d’une requête pour un ultime recours. Au vu des faits ainsi rappelés, l’auteur affirme que les juridictions de l’État partie ont commis des violations flagrantes de ses droits, en ce qu’il lui a été refusé le niveau élevé d’interprétation auquel il avait droit pour être rejugé; les juridictions ont refusé de lui accorder une audience sur le fond et ont au contraire sapé ses efforts en première instance et en appel; l’auteur n’a pas été informé de la nature et des motifs des accusations portées contre lui dans une langue compréhensible pour lui; il n’a pas été à même de se défendre parce qu’il agissait personnellement et ne comprenait pas les enjeux du procès en raison de la médiocrité de l’interprétation; il s’est vu essentiellement refuser le droit à un avocat puisqu’il a été son propre avocat et n’a pas pu bénéficier d’une interprétation correcte; il lui a été refusé le droit de s’opposer à ses accusateurs parce qu’il ne comprenait pas ce qu’ils disaient.

6.3En ce qui concerne l’épuisement des recours internes, l’auteur affirme que, lors de ses recours de 2009 et 2010, il n’a soulevé aucune question concernant la qualité de l’interprétation à son deuxième procès parce qu’il ne s’est rendu compte qu’après la clôture de ces procédures que cela constituait un moyen d’appel éventuel. Il a alors sollicité une autorisation de pourvoi auprès de la Cour suprême qui, au début de 2011, lui a refusé cette autorisation en lui signifiant que la Cour d’appel était peut-être l’instance compétente pour autoriser un nouveau recours. Après le refus initial du greffe de la Cour d’appel d’enregistrer sa requête, une audience a été en définitive fixée pour qu’il soit statué sur celle-ci, mais l’auteur a été débouté en novembre 2011. Son recours contre cette décision n’a pas été accepté par le greffe de la Cour suprême.

Observations supplémentaires de l’État partie sur la recevabilité

7.1Le 13 avril 2012, l’État partie a présenté de nouvelles observations sur la recevabilité et le fond de la communication. En ce qui concerne les nouveaux griefs de l’auteur (exposés dans la lettre datée du 22 décembre 2011) relatifs à la qualité de l’interprétation fournie lors du deuxième procès, il fait observer que ce point n’a pas été soulevé dans la communication initiale ni dans les premiers recours de l’auteur devant les juridictions d’appel néo-zélandaises avant le milieu de l’année 2010. Il considère que ce point a été soulevé devant la Cour d’appel et a fait l’objet d’un examen approfondi, et qu’il est irrecevable en vertu de l’article 2 et/ou de l’article 3 du Protocole facultatif en raison de l’absence de toute preuve d’arbitraire, d’erreur manifeste, de déni de justice ou de partialité. L’État partie cite expressément un extrait de la décision de la Cour d’appel où il est dit: «M. [W.] n’a signalé aucun aspect de la conduite de la défense qui aurait été compromis par l’une quelconque des prétendues défaillances de [l’interprète]. En particulier, il ne prétend pas n’avoir pas compris quelle était l’accusation portée contre lui». L’État partie cite aussi la partie de la décision relative à l’analyse faite par l’avocat désigné en qualité d’amicus curiae pour assister A.K.W., qui se lit ainsi: «Compte tenu de sa déclaration finale, il est clair que M. [W.] comprenait que les accusations portées contre lui avaient un caractère circonstanciel et que le ministère public avait demandé au jury de tirer certaines conclusions de faits particuliers. M. [W.] a signalé les dangers de toute déduction et a contesté les conclusions que le ministère public avait demandé au jury de tirer. Ce faisant, il a visé les différents chefs d’accusation portés contre lui, des réquisitions particulières du ministère public, certains éléments de preuve spécifiques, notamment des pièces à conviction, et a demandé pourquoi la police n’avait pas approfondi son enquête.».

7.2L’État partie cite aussi la décision relatant le point de vue de la juge de première instance, dans ses instructions adressées au jury: «Dans cette affaire, M. [W.] a été assisté d’un interprète parce que l’anglais n’est pas sa langue maternelle. Il est très important que le prévenu puisse suivre facilement la procédure et les éléments de preuve soumis au tribunal. Vous ne devez pas tirer de conclusion défavorable à M. [W.] à cause du recours à l’interprète. Il arrive cependant parfois que des éléments ne soient pas rendus dans la traduction, même lorsque l’on dispose des services d’une excellente interprète, en l’occurrence Mme Law. (…) Il vous faudra tenir compte du fait que M. [W.], durant tout le procès, a posé des questions lors du contre-interrogatoire par l’intermédiaire de l’interprète et qu’il a aussi prononcé sa déclaration préliminaire et sa déclaration finale à votre intention par l’intermédiaire de l’interprète». Enfin, l’État partie considère qu’il ressort de la décision que l’auteur n’était nullement inquiet de la qualité de l’interprétation, et cite à l’appui l’extrait suivant: «M. [W.] a une expérience considérable des interprètes dans le contexte de la justice pénale. En particulier, il a été assisté d’un interprète à l’occasion de son deuxième procès depuis au moins octobre 2008, et Mme Law lui servait d’interprète depuis au moins le 20 février 2009 (et peut-être depuis plus longtemps, le dossier n’est pas clair). Nous aurions attendu de M. [W.], s’il estimait ne pas comprendre ce qui se passait à un moment particulier, ou ne pas pouvoir suivre le déroulement du procès parce que des parties importantes de celui-ci n’étaient pas traduites dans sa langue, qu’il fasse part de ses préoccupations à Mme Law et, faute de réponse satisfaisante de celle-ci, qu’il en fasse part à [l’amicus curiae] ou au tribunal. (...) Il n’a pas fait état de quelconques lacunes dans son interprétation au procès. Nous n’acceptons pas l’explication de M. [W.] qui prétend qu’il ne comprenait pas ses droits à cause de l’interprète à ce stade, vu son expérience du système de justice pénale et son assurance quant à sa faculté de se défendre personnellement tant avant que durant le procès en dépit de ses difficultés de langue.». Selon l’État partie, le droit aux services d’un interprète est bien établi en droit interne, et la Cour d’appel a établi sans équivoque dans sa décision que l’auteur n’avait pas été privé de ce droit.

7.3L’État partie considère que les nouveaux griefs soulevés par l’auteur dans sa lettre du 22 décembre 2011 sont irrecevables en ce qu’ils sont manifestement mal fondés et/ou incompatibles avec le Pacte, parce qu’ils visent à faire réexaminer des constatations de fait de la Cour d’appel de Nouvelle-Zélande. Il considère en outre que ces griefs constituent un abus du droit de présenter une communication, car ils n’ont pas été soulevés dans la communication uniquement parce que l’auteur n’avait pas pensé à le faire.

Commentaires supplémentaires de l’auteur

8.Dans des lettres datées du 27 décembre 2012 et du 22 mars 2013, l’auteur a présenté de nouvelles informations concernant son recours en grâce, qui a été rejeté par le Ministre de la justice le 20 décembre 2012. Il affirme que la décision n’était pas motivée, et qu’il lui est impossible d’obtenir justice en Nouvelle-Zélande.

Délibérations du comité

Examen de la recevabilité

9.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

9.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

9.3Le Comité note que l’auteur affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient des paragraphes 1, 3 et 5 de l’article 14 du Pacte: a) parce que la juge qui assurait la présidence de son deuxième procès avait commis plusieurs erreurs de procédure concernant la directive Papadopoulos qu’elle a adressée au jury; b) parce que l’État partie, en détruisant les substances qui constituaient le fondement du verdict de culpabilité alors que l’appel formé contre ce verdict et la condamnation était en cours, l’avait privé de la possibilité de faire procéder à une analyse indépendante des éléments de preuve; c) parce que l’État partie lui avait fourni des services d’interprétation inefficaces durant la procédure pénale; d) parce qu’il avait été privé du droit de faire appel de sa condamnation. Le Comité considère que ces griefs se rapportent pour l’essentiel à l’appréciation des éléments de fait et des moyens de preuve effectuée par les tribunaux nationaux et à l’application de la législation interne. Il rappelle sa jurisprudence constante et souligne qu’il n’est pas un organe de dernier ressort, qui serait compétent pour réexaminer les conclusions de fait ou l’application de la législation nationale, sauf s’il peut être établi que les procédures suivies par les juridictions nationales ont été arbitraires ou ont représenté un déni de justice. En l’espèce, le Comité estime que l’auteur n’a pas démontré, aux fins de la recevabilité, que le comportement des juridictions nationales avait été arbitraire ou avait constitué un déni de justice. Par conséquent, ces griefs sont irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

9.4Le Comité note en outre que, selon l’auteur, l’État partie aurait violé le droit à un recours utile qu’il tient du paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte parce que les juridictions d’appel ne l’ont pas autorisé à interroger les jurés pour obtenir la preuve de l’intimidation alléguée, et parce qu’il lui a été refusé le droit d’exercer un recours devant la Cour suprême. Le Comité rappelle que le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte ne peut être invoqué par des particuliers qu’en relation avec d’autres dispositions du Pacte et ne peut être invoqué isolément dans une communication soumise en vertu du Protocole facultatif. Il considère par conséquent que le grief soulevé par l’auteur à cet égard est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

9.5Au vu de ce qui précède, le Comité considère que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

10.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur de la communication.