Communication présentée par:

X. (représenté par Helle Holm Thomsen)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Danemark

Date de la communication:

12 mai 2014

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application des articles 92 et 97 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 16 mai 2014 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

22 juillet 2015

Objet:

Expulsion de l’auteur vers la République islamique d’Iran

Question(s) de procédure:

Recevabilité – Défaut manifeste de fondement

Question(s) de fond:

Expulsion, torture et peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, interdiction de la discrimination et égale protection de la loi

Article(s) du Pacte:

7 et 26

Article(s) du Protocole facultatif :

2 et 5 (par. 1, 2 et 4)

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (114e session)

concernant la

Communication no2389/2014 *

Présentée par:

X. (représenté par Helle Holm Thomsen)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Danemark

Date de la communication:

12 mai 2014

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 22 juillet 2015,

Ayant achevé l’examen de la communication no 2389/2014, présentée par X. en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.1L’auteur de la communication est X., Kurde de nationalité iranienne et musulman sunnite, né dans le nord de l’Iraq le 7 juillet 1992. Il affirme que son expulsion vers la République islamique d’Iran par l’État partie constituerait une violation des articles 7 et 26 du Pacte. Il est représenté par un conseil.

1.2Le 16 mai 2014, conformément à l’article 92 de son règlement intérieur, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, a demandé à l’État partie de ne pas expulser l’auteur vers la République islamique d’Iran tant que sa communication serait à l’examen. Le jour même, l’État partie a suspendu l’exécution de l’arrêté d’expulsion visant l’auteur.

Exposé des faits

2.1L’auteur est né dans une famille iranienne musulmane d’origine kurde dans le camp de réfugiés d’Al-Tash, en Iraq, en 1992. Il a vécu dans le camp de réfugiés de Barika, dans le nord de l’Iraq, avec ses parents et ses six frères et sœurs de 2003 jusqu’à juillet 2013, date de son départ pour le Danemark. Il n’a jamais vécu en République islamique d’Iran et, à sa connaissance, n’a pas de famille dans ce pays. L’auteur et sa famille se sont vu accorder le statut de réfugié en Iraq par le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR). L’auteur affirme qu’il a renoncé à son statut de réfugié et qu’il ne peut pas retourner en Iraq.

2.2L’auteur est arrivé au Danemark le 28 juillet 2013 et a déposé une demande d’asile le 31 juillet 2013. Le 23 août 2013, il a été interrogé par le service danois de l’immigration sur son identité, son itinéraire et les motifs de sa demande d’asile. Il a déclaré que les réfugiés du camp de Barika étaient considérés par les autorités iraniennes comme appartenant à l’opposition politique et que, de manière générale, les Iraniens qui avaient fui en Iraq étaient considérés comme des réfugiés politiques, même s’ils étaient sans appartenance politique. Il a aussi déclaré aux autorités que son père était engagé politiquement en tant que membre du Parti démocratique du Kurdistan iranien. Lui-même avait participé à des manifestations culturelles du Parti démocratique du Kurdistan iranien et à des activités culturelles organisées par le parti Komala et était membre du Parti pour la liberté du Kurdistan. Il a précisé que la raison initiale de son adhésion au parti était la possibilité de pratiquer des activités sportives plutôt que les convictions politiques, mais qu’il avait participé aux conférences du parti. Il a également expliqué qu’il était devenu membre du parti trois ou quatre mois avant son départ d’Iraq, mais que cela faisait un an environ qu’il était sympathisant. Il a indiqué qu’il redoutait d’être expulsé vers la République islamique d’Iran parce qu’il risquait d’y être exécuté par les autorités en raison de son ancien statut de réfugié politique et de son appartenance au Parti pour la liberté du Kurdistan. Il a ajouté qu’il avait quitté l’Iraq parce qu’il n’y avait aucun droit en tant que réfugié, qu’il faisait l’objet de discriminations en tant que Kurde et n’avait même pas de carte d’identité, ce qui avait des conséquences négatives sur sa vie quotidienne, notamment en ce qui concernait l’accès à l’emploi et l’exercice de ses droits politiques. L’auteur a fourni aux autorités danoises un certificat de réfugié délivré par le HCR en novembre 2011. Il a aussi indiqué aux autorités que son frère avait obtenu le statut de réfugié au Danemark, l’asile lui ayant été accordé le 27 août 2010.

2.3Le 31 octobre 2013, le service danois de l’immigration a rejeté la demande d’asile de l’auteur, estimant que ses activités politiques étaient trop limitées. Il a aussi considéré que le père de l’auteur ne menait plus d’activités politiques et qu’il n’avait commencé à mener ces activités qu’à son arrivée en Iraq.

2.4L’auteur a introduit un recours devant la commission danoise de recours des réfugiés, affirmant que le Danemark avait par le passé accordé un permis de séjour aux personnes venant du camp d’Al-Tash qui étaient reconnues comme réfugiées par le HCR et que le changement intervenu dans la pratique en 2011 était assimilable à de la discrimination. L’auteur expliquait à ce propos qu’en vertu du paragraphe 1 de l’article 7 de la loi danoise sur les étrangers, la pratique établie était d’accorder des permis de séjour aux Iraniens venant du camp de réfugiés d’Al-Tash et reconnus comme réfugiés par le HCR, y compris ceux qui ne menaient pas d’activités politiques. Cette pratique a été modifiée en 2011 quand il a été décidé que l’Iraq pouvait être considéré comme le premier pays d’asile des réfugiés iraniens du camp de réfugiés d’Al-Tash, parce que ceux-ci avaient vécu en Iraq pendant de nombreuses années. Toutefois, l’Iraq n’acceptait pas les ressortissants étrangers et les autorités danoises continuaient de leur accorder des permis de séjour en vertu du paragraphe 1 de l’article 7 de la loi sur les étrangers. En 2013, le service danois de l’immigration avait commencé à rejeter les demandes d’asile émanant de personnes qui venaient du camp de réfugiés d’Al-Tash; toutefois, certaines avaient obtenu un permis de séjour à la suite de décisions rendues par la commission de recours des réfugiés. L’auteur considérait que, pour pouvoir modifier la pratique établie, l’État partie aurait dû prouver que la situation s’était améliorée en République islamique d’Iran. Il affirmait aussi que le fait qu’il n’était pas enregistré en République islamique d’Iran, ne parlait pas farsi et n’avait pas de documents d’identité augmentait le risque que les autorités iraniennes s’intéressent à lui s’il était renvoyé dans ce pays. Il soulignait également qu’il ne pourrait pas mener d’activités politiques en République islamique d’Iran et que nul ne devrait avoir à interrompre ses activités politiques pour éviter les persécutions.

2.5Le 18 mars 2014, la commission de recours des réfugiés a refusé d’accorder l’asile à l’auteur et lui a donné quinze jours pour quitter le pays. Elle a estimé que la déclaration qu’il avait faite au sujet des activités de son père et de son appartenance au Parti démocratique du Kurdistan iranien était obscure, vague et peu convaincante. Elle a aussi pris en considération le fait que le frère de l’auteur n’avait pas fait mention d’activités politiques menées par les membres de sa famille en Iraq quand il avait été interrogé par les autorités danoises pendant sa propre procédure d’asile. Elle a aussi considéré que la participation de l’auteur à des activités politiques n’était pas clairement établie car il n’était devenu membre du Parti pour la liberté du Kurdistan que trois mois avant son départ d’Iraq dans le but de pratiquer des activités sportives et n’avait participé qu’à quelques fêtes organisées par le parti. Elle a estimé que le fait que l’auteur était né et avait grandi dans le camp de réfugiés d’Al-Tash n’était pas un motif suffisant pour lui accorder un permis de séjour au Danemark. Elle a conclu que les déclarations de l’auteur ne prouvaient pas qu’il courrait personnellement un risque réel d’être persécuté par les autorités s’il était renvoyé en République islamique d’Iran.

2.6L’auteur indique qu’il ne pourrait pas retourner en Iraq, où vivaient encore certains membres de sa famille, car ce pays ne délivre de documents d’identité qu’aux Iraquiens, et pas aux réfugiés. Il fait donc valoir qu’il n’aurait pas le droit à des documents d’identité et qu’il ne serait pas en mesure d’exercer ses droits et d’accéder aux services nécessaires à sa vie quotidienne. Il fait aussi observer que c’est parce qu’il n’a pas de documents d’identité que les autorités danoises ne le renvoient pas en Iraq, mais en République islamique d’Iran, car elles considèrent qu’il est inutile de renvoyer des Kurdes iraniens en Iraq, que ce soit de leur plein gré ou sous la contrainte.

2.7L’auteur note que, conformément au paragraphe 8 de l’article 56 de la loi sur les étrangers, les décisions de la commission de recours des réfugiés ne sont pas susceptibles d’appel devant les tribunaux nationaux et qu’il a par conséquent épuisé tous les recours internes disponibles.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que son expulsion entraînerait une violation de l’article 7 du Pacte. Il indique que, s’il était expulsé vers la République islamique d’Iran, il courrait le risque d’être soumis à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants étant donné qu’il a toujours vécu en Iraq dans des camps de réfugiés comme Al-Tash et Barika, qui sont considérés comme affiliés aux partis politiques kurdes. Il soutient qu’il serait automatiquement perçu par les autorités iraniennes comme un militant politique et un soutien de ces partis pour les raisons suivantes : a) il est membre du Parti pour la liberté du Kurdistan; b) il participait aux activités organisées par le Parti pour la liberté du Kurdistan, le Parti démocratique du Kurdistan iranien et le parti Komala ainsi qu’aux fêtes kurdes célébrées dans le nord de l’Iraq; c) son père est membre du Parti démocratique du Kurdistan iranien; d) lui-même participait aux réunions du Parti démocratique du Kurdistan iranien. Il souligne de plus que le service du renseignement iranien est très présent en Iraq et que les autorités iraniennes ont par conséquent connaissance de toutes les activités politiques qui sont menées dans ce pays.

3.2De la même manière, l’auteur affirme que, parce qu’il a vécu dans les camps de réfugiés d’Al-Tash et de Barika, les autorités iraniennes partiront du principe qu’il possède des informations sur les partis kurdes qui mènent des activités dans les camps. Conformément à sa pratique habituelle, le service du renseignement iranien lui demandera de donner des informations et s’il refuse, il sera accusé d’être un espion et sera persécuté.

3.3L’auteur ajoute que le fait qu’il ne soit pas enregistré en République islamique d’Iran, qu’il n’ait pas de documents d’identité et qu’il ne parle pas farsi aggrave le risque de persécutions, en violation de l’article 7 de la Convention. Il fait observer que le traitement réservé par les autorités iraniennes aux Kurdes qui reviennent en République islamique d’Iran est imprévisible et que le risque qu’il soit soumis à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants est particulièrement élevé.

3.4L’auteur affirme en outre qu’il soutient la cause kurde, la lutte pour un Kurdistan indépendant et les droits des Kurdes. S’il est renvoyé en République islamique d’Iran, il devra s’abstenir d’exprimer son soutien à la cause kurde afin d’éviter les persécutions, en violation de sa liberté d’expression.

3.5Enfin, l’auteur ajoute que, dans la décision qu’elle a rendue le 18 mars 2014, la commission de recours des réfugiés a violé son droit à l’égale protection de la loi consacré par l’article 26 du Pacte, puisque la décision de la commission d’accorder l’asile à son frère était fondée uniquement sur le fait que celui-ci avait vécu dans les camps de réfugiés d’Al-Tash et de Barika, ce qui était également le cas de l’auteur, dont la situation était similaire à celle de son frère. L’auteur considère par conséquent que la commission aurait dû arriver à la même conclusion dans les deux affaires. Il affirme en outre que les conséquences d’une expulsion vers la République islamique d’Iran seraient très graves parce que, étant donné qu’il pouvait légitimement espérer obtenir l’asile au Danemark, comme son frère l’avait obtenu en 2010, il avait renoncé à son statut de réfugié en Iraq et ne pourrait par conséquent pas retourner dans ce pays.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 17 novembre 2014, l’État partie a soumis ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication. Il estime que la communication devrait être déclarée irrecevable car l’auteur n’a pas suffisamment étayé ses allégations concernant le risque qu’il soit soumis à la torture ou à des mauvais traitements s’il est renvoyé en République islamique d’Iran et concernant le caractère discriminatoire de la décision rendue par la commission de recours des réfugiés le 18 mars 2014.

4.2L’État partie affirme que, si le Comité devait considérer la communication comme recevable, il devrait conclure que les faits tels que présentés par l’auteur ne font pas apparaître de violation des articles 7 et 26 du Pacte. L’État partie renvoie à la jurisprudence du Comité, qui considère que le risque d’être soumis à la torture ou à des mauvais traitements doit être personnel et que l’auteur doit montrer qu’il existe des motifs sérieux de conclure à l’existence d’un risque réel de préjudice irréparable.

4.3L’État partie indique que, conformément au paragraphe 1 de l’article 7 de la loi sur les étrangers, un permis de séjour est accordé à un étranger si celui-ci répond à la définition du réfugié figurant dans la Convention relative au statut des réfugiés. En vertu du paragraphe 2 de l’article 7 de ladite loi, un permis de séjour est accordé à un demandeur d’asile qui risque la peine de mort ou qui risque d’être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de renvoi dans son pays d’origine. De plus, le paragraphe 2 de l’article 31 de la même loi dispose qu’aucun étranger ne peut être renvoyé dans un pays où il fera l’objet de persécutions, conformément aux dispositions de la Convention. L’État partie indique en outre que, pour que les décisions de la commission de recours des réfugiés soient conformes aux obligations internationales du Danemark, la commission et le service danois de l’immigration ont rédigé des notes décrivant la protection juridique accordée aux demandeurs d’asile par le droit international, y compris le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

4.4L’État partie décrit aussi la procédure devant la commission de recours des réfugiés. Cette procédure est orale. La commission peut, si nécessaire, désigner un avocat qui apportera au demandeur d’asile une assistance gratuite. Pendant son audition, le demandeur d’asile est autorisé à faire une déclaration et répond à des questions. Les décisions de la commission sont fondées sur une évaluation individuelle et précise de l’affaire examinée. Les déclarations du demandeur d’asile concernant les motifs de sa demande d’asile sont évaluées compte tenu de tous les éléments d’information pertinents, y compris les informations relatives à la situation dans son pays d’origine. À ce sujet, l’État partie fait observer que la commission dispose d’un ensemble complet de documents de référence généraux sur la situation dans les différents pays d’origine des demandeurs d’asile au Danemark, y compris des informations émanant du HCR, du Ministère danois des affaires étrangères, de la Division de l’information sur les pays d’origine du service danois de l’immigration, du Conseil danois pour les réfugiés et d’autres sources fiables. Le demandeur d’asile doit démontrer que les conditions nécessaires à l’obtention de l’asile sont réunies dans son cas. Il est informé de l’obligation qui est la sienne de fournir des renseignements et de l’importance de donner des détails.

4.5L’État partie indique que, en principe, lorsque les déclarations du demandeur d’asile semblent cohérentes, la commission de recours des réfugiés les considère comme des faits. Lorsque ces déclarations comportent des incohérences, des variations, des exagérations ou des omissions, la commission tente d’en éclaircir les raisons. En l’espèce, les déclarations de l’auteur contenaient des incohérences touchant des éléments essentiels des motifs sur lesquels il fondait sa demande d’asile et nuisant à sa crédibilité. Lorsqu’elle relève des incohérences, la commission tient compte des explications du demandeur d’asile concernant les incohérences en question, de sa situation particulière, y compris les différences culturelles, de son âge et de sa santé, et en cas de doute sur la crédibilité du demandeur d’asile, elle évalue la mesure dans laquelle le principe du bénéfice du doute doit être appliqué.

4.6L’État partie fait valoir que la commission de recours des réfugiés a examiné l’affaire de l’auteur de manière approfondie et a estimé que celui-ci n’avait pas démontré qu’il existait des motifs sérieux de croire qu’il courrait le risque d’être persécuté ou de subir des mauvais traitements pertinents au regard de l’asile s’il était renvoyé en République islamique d’Iran. L’État partie souligne que l’auteur n’a pas présenté au Comité d’informations ou vues essentielles sur les circonstances de son affaire qui auraient été nouvelles par rapport à celles sur lesquelles la commission de recours des réfugiés avait fondé sa décision du 18 mars 2014. Il considère que l’auteur tente d’utiliser le Comité comme organe de recours, afin qu’il effectue une nouvelle appréciation des circonstances de fait avancées à l’appui de la demande d’asile.

4.7L’État partie note que rien ne permet de remettre en question l’évaluation faite par la commission de recours des réfugiés, pour qui aucune information n’indique que l’auteur risquerait de subir des mauvais traitements, en violation de l’article 7 du Pacte, s’il était renvoyé dans la République islamique d’Iran. L’État partie renvoie à deux rapports selon lesquels d’anciens opposants actifs au régime iranien, y compris des membres de l’Organisation des moujahidin du peuple iranien, avaient volontairement quitté l’Iraq pour retourner dans la République islamique d’Iran. Il cite d’autres sources mentionnées dans ces rapports, indiquant que des militants politiques kurdes iraniens qui vivaient dans la région kurde du nord de l’Iraq étaient rentrés en République islamique d’Iran et que, dans la plupart des cas, après la conduite d’une enquête par les autorités iraniennes, et parfois un placement en détention, ils pouvaient mener une vie normale. En outre, un petit groupe d’enfants de réfugiés qui avaient vécu dans la région du Kurdistan iraquien pendant trente ans avant de rentrer en République islamique d’Iran avaient été enregistrés sans problème et sans courir aucun risque. Dans le même temps, des sources indiquaient aussi que les réfugiés venant d’Al-Tash qui étaient membres d’un parti politique et qui retournaient en République islamique d’Iran devaient s’attendre à avoir des problèmes. L’État partie informe le Comité que la commission de recours des réfugiés savait que plusieurs sources mentionnées dans les documents de référence généraux disponibles indiquaient que les Iraniens venant des camps de réfugiés d’Al-Tash et de Barika pouvaient s’attendre à susciter l’attention des autorités iraniennes s’ils retournaient dans leur pays. Toutefois, l’État partie estime que le fait de susciter l’attention des autorités iraniennes ne suffit pas à démontrer un risque réel d’être soumis à la torture ou à des mauvais traitements.

4.8Se fondant sur une évaluation globale de la situation particulière de l’auteur et sur les documents de référence pertinents, l’État partie conclut que le fait que l’auteur soit né et ait grandi dans le camp de réfugiés d’Al-Tash et qu’il ait ensuite vécu dans le camp de réfugiés de Barika ne signifie pas en soi qu’il courra particulièrement le risque d’être soumis à des traitements contraires à l’article 7 du Pacte. Cela vaut même s’il est possible que l’auteur suscite l’attention des autorités s’il est renvoyé en République islamique d’Iran. L’État partie note qu’il n’y a pas d’informations disponibles indiquant que des Iraniens venant des camps de réfugiés d’Al-Tash ou de Barika ont été soumis à des mauvais traitements par les autorités iraniennes à leur retour en République islamique d’Iran.

4.9L’État partie considère que l’auteur n’est pas engagé politiquement, même dans une modeste mesure. Il est devenu membre du Parti pour la liberté du Kurdistan trois ou quatre mois avant son départ d’Iraq et sa motivation n’était pas politique, mais plutôt liée à son désir de jouer au football dans la section sportive du parti. En outre, l’auteur n’a apporté qu’une aide pratique à l’organisation de réunions du Parti pour la liberté du Kurdistan. Par conséquent, l’État partie rejette l’affirmation de l’auteur qui prétend qu’il sera contraint de cacher ses convictions politiques s’il est renvoyé en République islamique d’Iran. L’État partie ajoute qu’il ne considère pas comme un fait établi que le père de l’auteur soit membre du Parti démocratique du Kurdistan iranien, compte tenu des déclarations divergentes de l’auteur concernant les activités politiques de son père et du fait que son frère n’avait pas indiqué pendant sa procédure d’asile que son père était membre de ce parti.

4.10L’État partie conclut, tout comme la commission de recours des réfugiés, que l’auteur n’a pas démontré le caractère plausible de ses déclarations indiquant que son père s’était activement engagé dans la vie politique en République islamique d’Iran ou que les activités combinées de sa famille dans les camps de réfugiés en Iraq étaient d’une nature et d’une intensité telles qu’il courrait le risque d’être victime de traitements contraires à l’article 7 du Pacte. L’État partie considère par conséquent que le renvoi de l’auteur en République islamique d’Iran ne constituerait pas une violation de l’article 7.

4.11En ce qui concerne le grief de l’auteur relatif à la violation de l’article 26 du Pacte, l’État partie note que la commission de recours des réfugiés fonde ses décisions sur une évaluation concrète et individuelle de chaque affaire, en tenant compte des documents de référence pertinents disponibles au moment où elle prend sa décision. Il renvoie à la décision majeure rendue par la commission de recours des réfugiés en décembre 2012, qui a modifié la pratique de la commission à l’égard des demandeurs d’asile qui sont nés et qui ont grandi dans le camp de réfugiés d’Al-Tash. Il a été établi dans cette décision que, même si le demandeur d’asile était né et avait grandi dans le camp de réfugiés d’Al-Tash, il n’avait pas démontré qu’il courrait le risque d’être persécuté et relèverait de la définition figurant au paragraphe 2 de l’article 7 de la loi sur les étrangers s’il était renvoyé en République islamique d’Iran. L’État partie souligne que la décision en question a été publiée sur le site Web de la commission et a aussi été mentionnée dans son rapport d’activité pour 2012. Il indique en outre qu’en 2014 la commission a examiné sept affaires concernant des demandeurs d’asile qui étaient nés et avaient grandi dans le camp de réfugiés d’Al-Tash et que, dans toutes ces affaires, elle a considéré que ce fait ne pouvait pas en soi justifier l’octroi de l’asile. L’État partie conclut que la décision rendue le 18 mars 2014 par la commission n’était pas discriminatoire à l’égard de l’auteur, puisque la commission avait abouti à une conclusion différente de celle à laquelle elle était arrivée dans le cas de son frère en se fondant sur une évaluation individuelle et concrète de la situation de l’auteur, faite conformément à la pratique de la commission.

4.12L’État partie note que, le 16 mai 2014, la commission de recours des réfugiés a suspendu jusqu’à nouvel ordre le délai fixé pour que l’auteur quitte le Danemark, conformément à la demande du Comité. Considérant que l’auteur n’a pas démontré de façon plausible que, s’il était renvoyé en République islamique d’Iran, il courrait le risque de subir des préjudices irréparables, l’État partie demande au Comité de retirer sa demande de mesures provisoires.

4.13Le 22 juillet 2015, l’État partie a soumis des observations supplémentaires, réaffirmant que la plainte n’était pas fondée et que l’auteur n’avait pas étayé ses griefs de violation des articles 7 et 26 du Pacte. En outre, l’État partie a indiqué que la carte de membre du Parti démocratique du Kurdistan iranien du père de l’auteur ne prouvait pas qu’il militait dans ce parti, car la carte dont l’auteur avait fourni une copie en janvier 2015 avait été émise le 5 janvier 2015, après la décision finale de la commission de recours des réfugiés.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Le 8 décembre 2014 et le 26 janvier 2015, l’auteur a soumis ses commentaires sur les observations de l’État partie. Il affirme que sa famille et lui-même sont reconnus comme réfugiés par le HCR depuis la fin des années 1970/le début des années 1980 et que le fait que le certificat de réfugié de l’auteur ait été renouvelé en 2011 et que sa famille restée en Iraq ait obtenu un autre renouvellement en 2013 signifie que le HCR n’a pas considéré qu’il y avait lieu de suspendre leur protection.

5.2L’auteur souligne en outre que, bien que les conditions de vie en Iraq soient très mauvaises, aucun cas de retour en République islamique d’Iran de Kurdes iraniens venant de camps de réfugiés de la région du Kurdistan iraquien n’a été rapporté ces dernières années. Il estime que cela tient à la crainte de faire l’objet de poursuites au retour en République islamique d’Iran. De plus, les résidents des camps de réfugiés d’Al-Tash et de Barika sont assimilés aux groupes d’opposition kurdes car, selon une opinion répandue, ils sont d’une manière ou d’une autre associés à ces groupes.

5.3L’auteur met en doute l’affirmation de l’État partie selon qui il n’a pas démontré qu’il serait soumis à la torture ou à des mauvais traitements s’il était renvoyé en République islamique d’Iran, étant donné que tous les rapports cités par l’État partie lui-même montrent que les réfugiés des camps d’Al-Tash et de Barika courraient un tel risque s’ils étaient renvoyés dans ce pays. Par exemple, ces rapports indiquent clairement que tous les camps de réfugiés situés dans la région du Kurdistan iraquien ont des liens avec les partis politiques qui, d’une façon ou d’une autre, y mènent des activités, et que les personnes qui retournent en République islamique d’Iran après avoir résidé dans ces camps seront considérées comme suspectes. Selon une autre source figurant dans les rapports mentionnés par l’État partie et citée par l’auteur, tout Kurde iranien qui retourne en République islamique d’Iran alors qu’il a des liens avec le camp d’Al-Tash et a vécu dans le nord de l’Iraq pendant de nombreuses années fera l’objet d’une très importante suspicion de la part des autorités iraniennes. En outre, une telle personne souhaitant rentrer en République islamique d’Iran alors qu’un membre de sa famille a milité pour la cause kurde à un moment ou à un autre peut susciter l’intérêt des autorités iraniennes. L’auteur ajoute que, dans ses observations, l’État partie cite des passages de rapports qui ne sont pas applicables à l’affaire dont est saisi le Comité, puisqu’ils ont trait à des anciens membres de l’Organisation des moujahidin du peuple iranien et à d’autres réfugiés dont l’histoire était différente et qui avaient des opinions politiques différentes de celles des réfugiés venant du camp d’Al-Tash.

5.4L’auteur conteste l’affirmation de l’État partie, pour qui ni l’auteur ni sa famille n’ont participé à des activités politiques dans une mesure qui ferait courir à l’auteur le risque d’être soumis à la torture ou à des mauvais traitements s’il était renvoyé en République islamique d’Iran. L’auteur souligne qu’il est membre du Parti pour la liberté du Kurdistan, que son père est devenu membre du Parti démocratique du Kurdistan iranien lorsqu’il est arrivé en Iraq et qu’il est toujours membre de ce parti. De plus, l’auteur note que deux de ses oncles, une tante et ses deux grands-parents maternels ont été reconnus comme réfugiés politiques en Suède. Par conséquent, il est clair pour l’auteur que lui-même et sa famille seraient considérés par les autorités iraniennes comme engagés politiquement et que, partant, ils courraient le risque d’être persécutés en République islamique d’Iran.

5.5L’auteur considère que la question n’est pas de savoir si l’État partie considère que l’auteur ou sa famille sont engagés politiquement, mais si les autorités iraniennes considéreront que l’auteur l’est. Les autorités iraniennes prennent le séparatisme kurde très au sérieux et, selon les informations générales disponibles, leur réaction est difficile à prévoir. De plus, il est connu qu’elles pratiquent la torture dans le contexte pénitentiaire. Par conséquent, l’auteur considère que le « bénéfice du doute » devrait s’appliquer dans son affaire, conformément au Guide du HCR, vu que les conséquences prévisibles de son renvoi en République islamique d’Iran seraient extrêmement graves.

5.6L’auteur en conclut qu’il a suffisamment étayé ses allégations en ce qui concerne le risque d’être soumis à la torture ou à des mauvais traitements s’il était renvoyé en République islamique d’Iran et demande le maintien des mesures provisoires.

5.7En ce qui concerne la violation présumée de l’article 26, l’auteur affirme que la décision de la commission mentionnée par l’État partie comme étant à l’origine de la modification de la pratique concernant les demandeurs d’asile qui sont nés et ont grandi dans le camp de réfugiés d’Al-Tash ne concernait pas en réalité un demandeur d’asile venant de ce camp, l’intéressé n’ayant pas été en mesure de prouver qu’il venait de ce camp de réfugiés. Selon l’auteur, dans cette affaire, le services danois de l’immigration a indiqué que, si la commission avait considéré le demandeur d’asile comme un ancien résident d’Al-Tash, celui-ci aurait été reconnu comme réfugié en vertu du paragraphe 1 de l’article 7 de la loi sur les étrangers. Toutefois, comme cela n’a pas été le cas et que la personne concernée avait passé plusieurs années en Iraq, il a été considéré qu’elle pouvait chercher une protection en Iraq, qui était son premier pays d’asile, conformément au paragraphe 3 de l’article 7 de la loi sur les étrangers. L’auteur affirme en conséquence que son affaire a été la première dans laquelle la commission a décidé de modifier sa pratique consistant à accorder l’asile à tous les anciens résidents du camp de réfugiés d’Al-Tash qui avaient été reconnus comme réfugiés par le HCR. Il fait en outre valoir qu’entre la décision rendue en décembre 2012 par la commission de recours des réfugiés et la décision adoptée dans son affaire le 18 mars 2014, les autorités danoises n’ont adopté aucune décision refusant l’asile à d’anciens résidents d’Al-Tash qui avaient été reconnus comme réfugiés par le HCR.

5.8L’auteur conteste aussi l’affirmation selon laquelle, dans sa décision du 18 mars 2014, la commission de recours des réfugiés a tenu compte des nouvelles informations générales disponibles, qui différaient des informations disponibles en 2010, lorsque la décision concernant la demande d’asile du frère de l’auteur avait été rendue. Il fait observer qu’il n’y avait pas de raison objective d’aboutir à des conclusions différentes dans son affaire et dans celle de son frère, qu’il n’a pas bénéficié d’une égale protection de la loi dans des circonstances similaires et que, par conséquent, il a fait l’objet d’un traitement discriminatoire de la part de l’État partie. Il considère donc qu’il a suffisamment étayé ses allégations concernant la violation de l’article 26 du Pacte par l’État partie.

5.9Enfin, l’auteur conteste l’affirmation de l’État partie qui prétend qu’il tente d’utiliser le Comité comme organe de recours. Il estime qu’il a suffisamment montré qu’il courrait le risque d’être soumis à la torture ou à des mauvais traitements s’il était renvoyé en République islamique d’Iran, conclusion à laquelle il est possible d’aboutir en se fondant sur les informations communiquées au Comité par les parties, notamment les rapports cités par l’État partie en tant qu’informations de référence.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité note, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’est pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité prend également note de l’affirmation de l’auteur qui fait observer que les décisions rendues par la commission danoise de recours des réfugiés ne sont pas susceptibles de recours et que les recours internes ont donc été épuisés. Cette assertion n’a pas été contestée par l’État partie. En conséquence, le Comité considère que les recours internes ont été épuisés, comme l’exige le paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

6.4Le Comité prend aussi note du grief de l’auteur selon qui la décision datée du 18 mars 2014, par laquelle la commission de recours des réfugiés l’a débouté, constituait une discrimination, en violation de l’article 26 du Pacte, dans la mesure où son frère s’était vu accorder le statut de réfugié dans des circonstances similaires. En l’espèce, le Comité note que l’auteur n’a pas montré que la décision de rejet du statut de réfugié était discriminatoire car fondée sur un motif interdit par l’article 26 du Pacte. Il considère donc que cette allégation n’est pas étayée et est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.5En ce qui concerne la contestation par l’État partie de la recevabilité du grief que l’auteur tire de l’article 7, au motif que l’auteur n’a pas montré qu’il courrait personnellement le risque d’être soumis à la torture ou à des mauvais traitements s’il était renvoyé en République islamique d’Iran, le Comité note que l’auteur fonde ses allégations sur le fait qu’il est né et qu’il a grandi dans des camps de réfugiés en Iraq connus pour être liés aux groupes d’opposition kurdes, qu’il est membre du Parti pour la liberté du Kurdistan et que son père est membre du Parti démocratique du Kurdistan iranien. Le Comité prend également note de l’affirmation de l’auteur qui indique qu’il n’a pas de documents d’identité et qu’il ne parle pas farsi, ce qui lui ferait courir le risque d’être persécuté par les autorités iraniennes. Il considère par conséquent que l’auteur a suffisamment montré, aux fins de la recevabilité, que les faits présentés dans la communication soulèvent des questions au titre de l’article 7 du Pacte, qui devraient être examinées au fond.

Examen au fond

7.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

7.2Le Comité estime nécessaire de garder à l’esprit que l’État partie est tenu, en vertu de l’article 2 du Pacte, de garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire ou relevant de sa compétence les droits reconnus dans le Pacte, y compris en ce qui concerne l’application des procédures d’expulsion des étrangers. Il rappelle qu’il appartient généralement aux organes des États parties au Pacte d’examiner les faits et les éléments de preuve de l’affaire afin de déterminer si un tel risque existe, sauf s’il peut être établi que cette appréciation a été arbitraire ou manifestement entachée d’erreur ou a représenté un déni de justice.

7.3Le Comité rappelle son observation générale no 31, dans laquelle il mentionne l’obligation faite aux États parties de ne pas extrader, déplacer, expulser quelqu’un ou le transférer par d’autres moyens de leur territoire s’il existe des motifs sérieux de croire qu’il y a un risque réel de préjudice irréparable. Il rappelle aussi qu’un tel risque doit être encouru personnellement et qu’il faut des motifs sérieux de conclure à l’existence d’un risque réel de préjudice irréparable. C’est pourquoi tous les faits et circonstances pertinents doivent être pris en considération, notamment la situation générale des droits de l’homme dans le pays d’origine de l’auteur.

7.4Dans le cas d’espèce, le Comité prend note de l’argument de l’État partie qui affirme que la commission de recours des réfugiés a tenu compte de toutes les informations générales pertinentes ainsi que de la situation personnelle de l’auteur et que celui-ci n’a pas établi qu’il y avait des motifs sérieux de croire qu’il risquerait de faire l’objet de persécutions ou de subir des mauvais traitements pertinents au regard de l’asile s’il était renvoyé en République islamique d’Iran. À ce sujet, le Comité prend note de l’argument de l’État partie qui indique que le fait que l’auteur soit né dans le camp de réfugiés d’Al-Tash puis ait vécu dans le camp de réfugiés de Barika lui faisait seulement courir le risque de susciter l’intérêt des autorités iraniennes s’il était renvoyé en République islamique d’Iran, ce qui ne suffisait pas à étayer l’existence d’un risque réel d’être soumis à la torture ou à des mauvais traitements. Il prend aussi note de l’argument de l’État partie, selon qui l’auteur n’a pas montré qu’il était probable, comme il l’affirmait, que son père ait participé activement à la vie politique en République islamique d’Iran. Le Comité note également que l’État partie a reconnu que l’auteur était membre du Parti pour la liberté du Kurdistan mais a estimé qu’il ne « menait pas d’activités politiques » parce qu’il n’avait été membre du parti que pendant quelques mois avant son départ d’Iraq et que sa motivation n’était pas politique, de sorte qu’il ne serait pas exposé à un risque de torture ou de mauvais traitements s’il était renvoyé en République islamique d’Iran.

7.5Le Comité prend en outre note de l’affirmation de l’auteur selon qui la commission de recours des réfugiés n’a pas accordé suffisamment de poids au fait qu’il soit membre du Parti pour la liberté du Kurdistan et qu’il ait participé à des activités politiques, et n’a pas tenu compte de certaines déclarations figurant dans plusieurs sources citées dans les rapports utilisés par les autorités de l’immigration de l’État partie, qui indiquent que les réfugiés qui prennent part aux activités politiques des groupes politiques kurdes actifs dans la région du Kurdistan iraquien, notamment ceux qui vivent dans les camps d’Al-Tash et de Barika, risquent d’être persécutés s’ils sont renvoyés en République islamique d’Iran.

7.6À ce sujet, le Comité note que, selon des informations publiques, notamment les rapports mentionnés par l’État partie, ainsi que des documents élaborés par les autorités de l’immigration de différents pays et par des organisations de la société civile, les Kurdes qui peuvent prouver qu’ils sont connus des autorités iraniennes comme étant des membres ou des sympathisants de groupes politiques kurdes, ou sont soupçonnés de l’être, peuvent courir un risque réel de persécution. Il note aussi que les demandeurs d’asile déboutés risquent d’être persécutés en République islamique d’Iran. Ces informations n’ont pas été réfutées par l’État partie. Dans le cas d’espèce, le Comité estime que, parce que l’auteur a été membre du Parti pour la liberté du Kurdistan et a auparavant participé à des activités du Parti démocratique du Kurdistan iranien et du parti Komala, il existe bel et bien un risque qu’il soit considéré par les autorités iraniennes comme un membre ou un partisan de groupes politiques kurdes, ou soupçonné de l’être, et qu’à ce titre, il risque de faire l’objet d’un traitement contraire à l’article 7 du Pacte s’il est renvoyé en République islamique d’Iran.

7.7Le Comité considère que l’État partie n’a pas suffisamment tenu compte de la totalité des faits exposés au paragraphe 7.6, notamment le risque personnel potentiel que courrait l’auteur s’il était renvoyé en République islamique d’Iran. À ce sujet, le Comité estime que le risque personnel encouru par l’auteur doit être évalué à la lumière de son profil politique et d’autres circonstances personnelles, comme le fait qu’il soit né dans le camp de réfugiés d’Al-Tash puis ait vécu dans le camp de réfugiés de Barika, et qu’il n’ait pas de documents d’identité et ne parle pas farsi. Aucune de ces circonstances ne suffit en soi à établir un risque réel d’être soumis à la torture ou à des mauvais traitements en République islamique d’Iran. Cela étant, le Comité estime que l’État partie aurait dû considérer ces éléments pris ensemble, ainsi que les informations attestant que la torture est largement pratiquée dans la République islamique d’Iran. Il considère donc que l’expulsion de l’auteur vers la République islamique d’Iran constituerait une violation de l’article 7 du Pacte.

8.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, estime que le renvoi de l’auteur en République islamique d’Iran, s’il était mis à exécution, violerait les droits que l’auteur tient de l’article 7 du Pacte.

9.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile, y compris sous la forme d’un réexamen complet de son grief relatif au risque de torture ou de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants s’il était renvoyé en République islamique d’Iran, en prenant en considération les obligations qui lui incombent au titre du Pacte.

10.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques.

Appendice

Opinion individuelle (dissidente) signée de MM. Yuval Shany, Yuji Iwasawa et Konstantine Vardzelashvili

1.Nous regrettons de ne pouvoir nous joindre à la majorité du Comité lorsqu’elle constate que, en décidant d’expulser l’auteur, le Danemark violerait les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 7 du Pacte.

2.Au paragraphe 7.2 des présentes constatations, le Comité rappelle qu’il appartient « généralement aux organes des États parties au Pacte d’examiner les faits et les éléments de preuve de l’affaire afin de déterminer si un tel risque existe, sauf s’il peut être établi que cette appréciation a été arbitraire ou manifestement entachée d’erreur ou a représenté un déni de justice ». Pourtant, au paragraphe 7.7, il soutient que l’État partie « n’a pas suffisamment tenu compte de la totalité des faits exposés au paragraphe 7.6, notamment le risque personnel potentiel que courrait l’auteur s’il était renvoyé en République islamique d’Iran ».

3.Dans des affaires antérieures dans lesquelles il a estimé que la décision d’expulser une personne qu’avaient prise des organes de l’État était contraire au Pacte, le Comité s’est efforcé de fonder sa position sur des failles dans le processus de prise de décision interne qui avait été suivi par les organes de l’État partie, aboutissant à la décision d’expulser. Ces failles se sont révélées être, dans certains cas, de graves vices de procédure dans la conduite de la procédure d’examen interne, la non-prise en considération par les autorités nationales d’éléments d’information importants ou l’incapacité de l’État partie de fournir une justification raisonnable de sa décision. Dans le cas d’espèce, cependant, après avoir examiné le même ensemble d’éléments que celui qui a été présenté aux organes internes, le Comité ne partage simplement pas leur conclusion selon laquelle, dans l’ensemble, l’existence d’un risque réel de violation grave n’a pas été établie. Il n’a pas été affirmé de façon convaincante devant le Comité que les organes nationaux concernés n’avaient pas accordé un poids approprié à l’un des éléments de preuve présentés par l’auteur, pas plus qu’il n’a été avancé que leur conduite avait été entachée d’un quelconque vice de procédure. En outre, le Comité lui-même reconnaît qu’aucune des circonstances de l’affaire ne fait naître en soi un risque réel que l’auteur soit soumis à la torture; c’est simplement que, s’il avait apprécié l’ensemble des faits et des éléments de preuve, le Comité aurait choisi une décision différente quant au fond.

4.Nous estimons donc impossible de concilier la décision rendue par le Comité dans la présente affaire et la norme juridique applicable de respect des organes des États parties en ce qui concerne l’appréciation des faits et des éléments de preuve, reflétant les clairs avantages de procédure qu’ont sur le Comité les autorités locales, qui ont un accès direct aux témoins, pour apprécier des faits et des éléments de preuve concernant le risque direct et personnel. En conséquence, nous nous désolidarisons de la position adoptée par la majorité du Comité.