Communication présentée par :

Y (représenté par un conseil, Arash Banakar)

Au nom de :

L’auteur

État partie :

Canada

Date de la communication :

29 juillet 2013 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 30 juillet 2013 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

22 juillet 2015

Objet :

Expulsion à Sri Lanka

Question(s) de procédure :

Défaut de fondement des allégations; et incompatibilité ratione materiae avec le Pacte

Question(s) de fond :

Droit à la vie; interdiction de la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants; droit à la liberté et la sécurité de la personne; droit de ne pas être soumis à une détention arbitraire

Article(s) du Pacte :

6 (par. 1), 7 et 9 (par. 1)

Article(s) du Protocole facultatif :

2 et 3

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (114e session)

concernant la

Communication no 2280/2013 *

Présentée par :

Y (représenté par un conseil, Arash Banakar)

Au nom de :

L’auteur

État partie :

Canada

Date de la communication :

29 juillet 2013 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 22 juillet 2015,

Ayant achevé l’examen de la communication no 2280/2013 présentée au nom de Y en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit :

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.1L’auteur de la communication est Y, de nationalité sri-lankaise, né le 5 mai 1984. Il affirme qu’en l’expulsant à Sri Lanka, l’État partie commettrait une violation de ses droits au titre de l’article 6 (par. 1), de l’article 7 et de l’article 9 (par. 1) du Pacte. Il est représenté par un conseil, Arash Banakar.

1.2Le 30 juillet 2013, par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires et en application de l’article 92 de son règlement intérieur, le Comité a demandé à l’État partie de ne pas expulser l’auteur à Sri Lanka tant que la communication serait à l’examen. Le 31 juillet 2013, l’auteur a informé le Comité que l’État partie avait annulé son expulsion, comme suite à la demande du Comité.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur est d’origine tamoule et de religion hindoue. Il a vécu avec sa famille dans la ville de Jaffna, dans la province du nord de Sri Lanka, jusqu’en 1995, année où la famille s’est installée dans la ville de Mallavi, dans le district de Vanni, à l’intérieur de la même province. Il travaillait comme conducteur de tracteur et maçon. En août 2006, l’auteur et sa famille ont déménagé à Sithamparapuram (Vavuniya) après avoir été harcelés et menacés à plusieurs reprises par des membres des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), qui voulaient l’enrôler. L’auteur affirme toutefois que dans son nouveau lieu de résidence, il était constamment harcelé par l’armée sri‑lankaise et l’Organisation populaire de libération de l’Eelam tamoul (PLOTE) lors de leurs perquisitions et que la PLOTE l’a obligé à travailler gratuitement comme maçon.

2.2L’auteur affirme que le 7 mai 2008, alors qu’il rentrait chez lui après le travail, il a été arrêté par l’armée. Il dit qu’il a été emmené au camp militaire Joseph à Vavuniya, où il a été détenu dix-huit jours, qu’il a été torturé pendant les interrogatoires car on le soupçonnait d’être membre des LTTE, et qu’il n’a été remis en liberté qu’après que son père eut versé un pot-de-vin à l’armée. Comme l’auteur refusait de travailler pour la PLOTE, le 23 janvier 2009, l’organisation l’a enlevé pendant deux jours, durant lesquels il a été agressé et menacé. En juin 2009, des membres de la PLOTE ont pris contact avec l’armée, accusant l’auteur, à tort, d’être membre des LTTE. Il a alors été arrêté par l’armée et détenu pendant quatre jours au cours desquels il a été interrogé et frappé. Son père a réussi à obtenir sa libération en versant un pot-de-vin à une personne qui avait de l’influence auprès de la PLOTE.

2.3L’auteur indique que, puisqu’il était toujours harcelé par des membres de la PLOTE et obligé à travailler gratuitement, il s’en est plaint oralement auprès de la police. À titre de représailles, la PLOTE a réussi à convaincre l’armée de l’arrêter le 1er décembre 2009. Il a été emmené au camp Joseph, roué de coups et détenu pendant une semaine. Une fois de plus, son père a versé un pot-de-vin pour obtenir sa libération. Lorsqu’il a été relâché, on lui a intimé l’ordre de quitter la région et de retirer sa plainte. De plus, des membres de la PLOTE se sont rendus chez sa famille et chez ses voisins à Vavuniya pour le retrouver et ont dit à la famille qu’ils allaient le tuer.

2.4Après avoir demandé et obtenu un passeport sri-lankais, l’auteur a quitté Sri Lanka par avion, le 22 décembre 2009, avec un visa cubain. Il affirme qu’un passeur a versé de l’argent à l’un des agents de l’aéroport, qui l’a laissé passer sans le contrôler. L’auteur a traversé plusieurs pays et, le 23 mars 2010, il est entré aux États-Unis d’Amérique, où il a demandé l’asile.

2.5L’auteur a décidé de se rendre au Canada, où il avait des cousins qui pouvaient l’aider financièrement. Le 9 juin 2010, il est entré dans l’État partie et a déposé une demande de statut de réfugié. Le 30 juillet 2010, il a déposé son Formulaire de renseignements personnels auprès de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR). Il a déclaré qu’il avait de bonnes raisons de craindre d’être persécuté à Sri Lanka à cause de son origine tamoule et que, s’il y était expulsé, il risquait d’être soumis à la torture ou d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, et sa vie serait en danger. Il a souligné qu’il avait été arrêté arbitrairement par l’armée sri-lankaise, qui le soupçonnait d’être membre des LTTE, et torturé en détention. Il avait aussi été harcelé, enlevé pendant deux jours et maltraité par des membres de la PLOTE.

2.6Le 22 septembre 2011, l’auteur a informé la CISR qu’après son arrivée dans l’État partie, il avait appris que sa famille avait déménagé à Jaffna pour ne plus être harcelée par les membres de la PLOTE, qui avaient tenté d’enlever l’un de ses frères et continuaient de le rechercher. Une fois à Jaffna, les membres de sa famille avaient été interrogés par l’armée, qui les soupçonnait de faire partie des LTTE car ils avaient résidé dans la région de Vanni pendant la période du conflit armé. Au cours de la procédure de détermination du statut de réfugié, l’auteur a aussi fourni des documents confirmant son identité, des articles de journaux évoquant le cas de Tamouls expulsés à Sri Lanka, et une lettre datée du 18 août 2011, écrite par un médecin d’une clinique de Vavuniya, indiquant qu’il avait été soigné deux fois, le 25 mai 2008 pour une plaie ouverte à la tête et le 9 décembre 2009 pour diverses blessures sur le corps et de la fièvre.

2.7Le 9 décembre 2011, la CISR a rejeté la demande de protection accordée aux réfugiés déposée par l’auteur. La CISR a déclaré que s’agissant de la crédibilité, aux fins de l’audition, elle reconnaîtrait la véracité des allégations de l’auteur, mais elle a fait observer que le conflit armé à Sri Lanka était terminé et qu’il s’agissait là d’un changement durable. Elle a relevé que lors de l’audition l’auteur avait déclaré qu’il n’avait jamais été associé aux LTTE, qu’il avait été détenu par l’armée puis remis en liberté, ce qui donnait à penser qu’il n’était pas considéré comme un membre des LTTE, que le Gouvernement avait relâché des milliers de membres des LTTE et que, compte tenu de ce contexte, l’auteur ne risquait pas d’être persécuté par l’armée en raison d’un quelconque lien supposé avec les LTTE. Quant à la PLOTE, la CISR a conclu que l’auteur risquait d’être rançonné par cette organisation à Vavuniya et d’être en danger s’il refusait de travailler gratuitement comme maçon, que la PLOTE était devenue une organisation essentiellement criminelle et qu’elle n’était plus ou plus vraiment une force à Jaffna, et qu’il était difficile de croire que les membres de la PLOTE à Jaffna aient connaissance des agissements de l’organisation contre l’auteur à Vavuniya. En conséquence, la CISR a conclu que l’auteur serait à l’abri de la PLOTE à Jaffna ou à Colombo.

2.8Dans sa décision, la CISR a pris note des documents fournis par l’auteur et a fait observer, entre autres, que dans les Lignes directrices de 2010 du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) permettant d’évaluer les besoins de protection internationale des demandeurs d’asile originaires de Sri Lanka, il était indiqué que, « étant donné la cessation des hostilités, les Sri-Lankais originaires du nord du pays n’[avaient] plus besoin d’une protection internationale au titre des critères généraux applicables aux réfugiés ». La CISR a également relevé que certaines analyses récentes indiquaient que la situation avait changé, mais d’après une réponse à une demande d’information, ces allégations provenaient de groupes de défense des droits de l’homme qui n’avaient fourni que très peu de détails concrets à l’appui de leurs déclarations et, par conséquent, il n’y avait aucune raison de conclure que les Lignes directrices de 2010 du HCR n’étaient plus valides.

2.9La CISR a également déclaré que l’allégation de l’auteur relative au fait qu’il risquait d’être arrêté à son arrivée à l’aéroport en tant que demandeur d’asile débouté n’était étayée que par des sources citant un groupe de demandeurs d’asile tamouls qui avaient été expulsés par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord en septembre 2011. Or la CISR a considéré que ces sources exprimaient principalement une préoccupation quant au traitement réservé aux demandeurs d’asile déboutés à Sri Lanka, sans fournir suffisamment de détails concluants. Les rapports du Royaume-Uni et du Haut-Commissariat du Canada indiquaient que les demandeurs d’asile déboutés n’ayant aucun lien avec les LTTE et n’étant pas des délinquants ne couraient aucun risque en entrant à Sri Lanka.

2.10L’auteur a déposé auprès de la Cour fédérale une demande d’autorisation de pourvoi et de contrôle judiciaire visant la décision de la CISR. Il a fait valoir notamment que la CISR s’était appuyée sur une partie des Lignes directrices du HCR de 2010 dont la portée était générale et l’interprétation difficile, qu’elle avait ignoré ou dénaturé des preuves documentaires concernant le risque et le danger auxquels il serait exposé s’il était expulsé ainsi que les événements que sa famille avait vécus, et que rien dans les preuves documentaires fournies après la publication des Lignes directrices du HCR de 2010 ne donnait à penser que ses conclusions demeuraient valides.

2.11Le 20 juin 2012, l’auteur a également déposé une demande de statut de résident permanent pour considérations d’ordre humanitaire auprès du Ministère de la citoyenneté et de l’immigration (Citoyenneté et Immigration Canada). Il faisait valoir que, comme il était tamoul et demandeur d’asile débouté, il risquait de connaître de graves difficultés s’il était renvoyé à Sri Lanka.

2.12Le 31 août 2012, la Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire déposée par l’auteur. Elle a souscrit aux conclusions de la CISR selon lesquelles la fin du conflit armé avait modifié la situation à Sri Lanka de telle manière que l’auteur pouvait retourner dans son pays d’origine et vivre en sécurité à Jaffna ou à Colombo. Dans sa décision, la Cour fédérale a déclaré ce qui suit :

La Cour partage l’avis du défendeur et note que la Commission a clairement examiné les preuves documentaires et a fourni une explication détaillée de la raison pour laquelle elle avait choisi de préférer certains documents à d’autres fournis par le requérant. Bien que la Cour reconnaisse que certaines des preuves documentaires versées au dossier sont plus récentes que le document du HCR sur lequel la Commission s’est appuyée, la Cour relève que la Commission a elle-même reconnu cela mais a expliqué pourquoi elle avait considéré que les informations figurant dans le document du HCR étaient encore valides.

La Cour est également d’avis que la Commission avait latitude pour considérer que les preuves documentaires n’étayaient pas l’allégation du requérant […] De fait, les preuves démontrent que le requérant n’était pas un criminel et qu’il n’avait pas de lien avec les LTTE […] De plus, l’[armée sri-lankaise] n’aurait probablement pas relâché le requérant en 2009 en échange d’un pot-de-vin si elle avait été véritablement convaincue qu’il était affilié aux LTTE.

2.13Le 24 décembre 2012, l’auteur a déposé une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) auprès de Citoyenneté et Immigration Canada. Il affirme avoir fourni des preuves documentaires publiées après l’adoption de la décision de la CISR et indiquant que la situation à Sri Lanka était devenue plus dangereuse pour les jeunes hommes tamouls du nord du pays et pour les demandeurs d’asile déboutés.

2.14Le 30 avril 2013, Citoyenneté et Immigration Canada a rejeté la demande pour considérations humanitaires et la demande d’ERAR déposées par l’auteur. L’agent d’ERAR a indiqué, dans sa décision, qu’il avait examiné et pris en considération les rapports et articles sur la situation dans le pays qui avaient été fournis par l’auteur à l’appui de sa demande et qui étaient postérieurs à l’audition et à la décision de la CISR. Plusieurs des rapports et articles indiquaient que les militants politiques, y compris ceux qui menaient des activités à l’étranger, les défenseurs des droits de l’homme, les défenseurs des droits civiques, les journalistes et les Tamouls qui avaient des liens réels ou supposés avec les LTTE, étaient exposés à un risque de disparition forcée, de torture et d’arrestation. Selon l’agent, le demandeur n’avait pas établi un lien suffisant entre ces articles et un risque personnel. L’agent a déclaré que l’auteur n’avait pas fourni suffisamment de preuves objectives à l’appui de son allégation relative au risque auquel il serait exposé en tant que demandeur d’asile débouté. Il a indiqué qu’il avait aussi examiné des informations qui étaient à la disposition du public concernant la situation actuelle à Sri Lanka. Il constatait que l’impunité et les violations des droits de l’homme demeuraient des sujets de vive préoccupation, mais il ne considérait pas qu’il se fût produit, depuis la décision de la CISR, un changement de taille à exposer le demandeur à un risque tel que ceux définis aux articles 96 ou 97 de la loi relative à l’immigration et à la protection des réfugiés.

2.15Le 8 juillet 2013, l’Agence des services frontaliers du Canada a informé l’auteur qu’il serait expulsé à Sri Lanka le 31 juillet 2013. Le 23 juillet 2013, l’auteur a déposé auprès de la Cour fédérale deux demandes d’autorisation de pourvoi et de contrôle judiciaire visant les décisions rejetant sa requête pour considérations humanitaires et sa requête d’ERAR. Au moment où il présentait sa communication au Comité, ses demandes d’autorisation de pourvoi et de contrôle judiciaire étaient pendantes.

2.16Le 26 juillet 2013, l’auteur a en outre déposé auprès de la Cour fédérale une demande de sursis à expulsion, en lien avec l’ERAR. Le 30 juillet 2013, la Cour fédérale a rejeté cette demande.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme qu’en l’expulsant à Sri Lanka, l’État partie commettrait une violation de l’article 6 (par. 1), de l’article 7 et de l’article 9 (par. 1) du Pacte. Il dit être exposé à un risque considérable de détention arbitraire, de torture et même de meurtre.

3.2L’auteur soutient que les autorités de l’État partie ont ignoré arbitrairement des preuves documentaires qui étayaient ses allégations relatives au risque de persécution auquel il serait exposé s’il était renvoyé à Sri Lanka, ou ont pris en compte de manière sélective des extraits de documents allant à l’encontre de ses allégations. Il en conclut que l’État partie n’a pas évalué correctement le risque auquel il serait exposé s’il était expulsé.

3.3Dans sa décision, la CISR s’est appuyée sur les Lignes directrices du HCR de 2010 et, de manière arbitraire, n’a pas tenu compte comme il convenait de preuves documentaires plus récentes qui indiquaient que ces Lignes directrices étaient caduques. Il était déraisonnable de conclure que l’auteur ne serait exposé à aucun risque s’il était expulsé à Sri Lanka alors qu’il avait été arrêté, détenu et maltraité par l’armée. L’auteur affirme que le fait que l’armée l’a ensuite remis en liberté ne signifiait en rien qu’elle avait cessé de le percevoir comme ayant des liens avec les LTTE. De plus, le risque de persécution s’était encore accru après que l’auteur eut vécu au Canada et y eut demandé l’asile. L’auteur affirme que, même si l’appréciation de la CISR avait été correcte au moment où elle a rendu sa décision en décembre 2011, les éléments disponibles au moment où il a présenté sa communication au Comité montraient que la situation avait considérablement changé depuis lors.

3.4Bien que l’agent d’ERAR soit tenu d’examiner les sources d’information les plus récentes lorsqu’il procède à une évaluation des risques, il n’a pas tenu compte, pour prendre sa décision, de la version la plus récente des Lignes directrices du HCR permettant d’évaluer les besoins de protection internationale des demandeurs d’asile originaires de Sri Lanka, qui datent du 21 décembre 2012. Ces Lignes directrices indiquent, sur la base de renseignements fournis par des organisations non gouvernementales (ONG) de renom, que les demandeurs d’asile déboutés risquent toujours d’être persécutés par les autorités à leur arrivée à Sri Lanka. En particulier, l’agent a pris en compte de manière sélective une partie des preuves documentaires et n’a pas reconnu que l’auteur serait perçu comme ayant des liens avec les LTTE. Étant donné que les preuves documentaires contenaient des informations contradictoires concernant le risque auquel sont exposés les demandeurs d’asile déboutés d’origine tamoule, l’agent d’ERAR devrait expliquer pourquoi il a considéré qu’il devait privilégier certains éléments allant à l’encontre des allégations de l’auteur.

3.5L’auteur fait observer que le Comité contre la torture a conclu que les allégations de recours généralisé à la torture en garde à vue étaient persistantes et cohérentes. Il affirme que plusieurs personnes d’origine tamoule qui étaient retournées à Sri Lanka, notamment des demandeurs d’asile déboutés soupçonnés d’avoir des liens avec les LTTE, ont été arrêtées à leur arrivée par la police et par l’armée ; et torturées.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 4 mars 2014, l’État partie a fait part de ses observations sur la recevabilité et le fond de la communication. Il affirme que la communication devrait être déclarée irrecevable au motif qu’elle est incompatible avec les dispositions du Pacte et pour défaut de fondement.

4.2Les griefs que tire l’auteur de l’article 9 (par. 1) du Pacte sont incompatibles avec les dispositions du Pacte et, partant, irrecevables en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif. L’État partie fait valoir qu’il n’est pas tenu par l’article 9 (par. 1) de ne pas expulser une personne dans un autre État où elle serait exposée à un risque réel de détention arbitraire, et que tout risque présumé de détention arbitraire à Sri Lanka devrait être considéré uniquement dans le cadre du contexte factuel concernant les allégations de l’auteur au titre des articles 6 et 7 du Pacte.

4.3Les allégations de l’auteur au titre des articles 6 et 7 et de l’article 9 sont irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif. Les allégations que l’auteur formule devant le Comité sont fondées sur les mêmes faits et éléments de preuve que celles qu’il a formulées devant les autorités canadiennes. Toutes les autorités ont procédé à un examen approfondi des faits et éléments de preuve présentés par l’auteur. Rien dans ces éléments ni dans ceux que l’auteur a fournis dans sa communication ne donne à penser qu’il coure un risque personnel de mort, de torture ou d’autres violations graves similaires de ses droits de l’homme s’il retourne à Sri Lanka.

4.4Il n’appartient pas au Comité de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des éléments de preuve, sauf si l’appréciation par les autorités nationales a manifestement été arbitraire ou représenté un déni de justice. Rien dans la communication de l’auteur ne donne à penser qu’il y ait eu arbitraire ou déni de justice. Néanmoins, pour le cas où le Comité déciderait de procéder à une nouvelle appréciation des faits et éléments de preuve en l’espèce, l’État partie fait valoir que l’auteur n’a pas démontré qu’il serait exposé à un risque personnel de traitement contraire aux dispositions du Pacte s’il était renvoyé à Sri Lanka.

4.5Pour le cas où le Comité déclarerait la communication de l’auteur recevable, l’État partie maintient qu’elle ne fait pas apparaître de violation du Pacte. Il ne suffit pas de montrer que des violations générales des droits de l’homme persistent à Sri Lanka; encore faut-il fournir des éléments donnant à penser que l’auteur court un risque réel et personnel de mort, de torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. L’auteur n’a pas établi l’existence de ce risque personnel par des preuves objectives, et les expériences qu’il affirme avoir vécues à Sri Lanka en 2008 et 2009, même si elles étaient considérées comme avérées, n’étayent pas ses allégations relatives au risque auquel il serait exposé à l’avenir compte tenu des rapports objectifs existant sur la situation actuelle des droits de l’homme à Sri Lanka.

4.6La CISR a examiné toutes les preuves documentaires qui lui avaient été fournies et a décidé, entre autres, que les rapports sur la situation à Sri Lanka n’étayaient pas l’allégation de l’auteur selon laquelle tous les jeunes hommes tamouls du Nord qui retournaient à Sri Lanka étaient exposés à un risque réel de torture ou de mort, vu que les autorités sri-lankaises s’intéressaient à ce moment-là aux Tamouls qui avaient activement soutenu et continuaient de soutenir les LTTE, que l’auteur, en tant que demandeur d’asile débouté, ne courait pas un risque sérieux d’être persécuté par l’armée sri-lankaise au motif qu’il pourrait être perçu comme ayant un lien avec les LTTE, et que l’auteur serait à l’abri de la PLOTE à Jaffna et à Colombo. Par la suite, la Cour fédérale a considéré que l’auteur n’avait pas fourni de preuve convaincante et déterminante contredisant la décision de la CISR.

4.7L’État partie indique que la demande d’autorisation de pourvoi et de contrôle judiciaire déposée par l’auteur concernant la décision le renvoyant de sa requête pour considérations humanitaires a été rejetée par la Cour fédérale le 12 septembre 2013.

4.8Quant à la procédure d’ERAR, l’État partie indique que la demande d’autorisation de pourvoi et de contrôle judiciaire déposée par l’auteur a été rejetée par la Cour fédérale le 24 octobre 2013. Il fait observer que d’une manière générale, la fonction de l’ERAR est de déterminer, sur la base de nouveaux faits et éléments de preuve, si, depuis les conclusions de la CISR, la situation a évolué d’une manière susceptible de modifier l’évaluation des risques. L’ERAR ne constitue donc pas une procédure permettant de faire appel d’une décision de la CISR. Or, en l’espèce, l’auteur a utilisé sa demande d’ERAR pour contester la décision de la CISR et a formulé les mêmes griefs que devant la Cour fédérale, en joignant principalement des rapports sur le pays et des articles de journaux, datant pour la plupart de 2012, qui concernaient la situation des Tamouls à Sri Lanka en général. L’agent d’ERAR a conclu que l’auteur n’avait pas démontré qu’il correspondait au profil des personnes que les rapports et articles identifiaient comme exposées à un risque, ni établi que son profil serait susceptible d’intéresser les autorités sri-lankaises.

4.9L’État partie note que l’auteur s’est appuyé sur ce qu’a indiqué la CISR au début de sa décision, lorsqu’elle a affirmé que « s’agissant de la crédibilité, aux fins de l’audition, la CISR reconnaîtra[it] la véracité des allégations [de l’auteur] ». Il soutient toutefois que ni la CISR ni aucune autre autorité n’ont jamais statué définitivement sur la crédibilité de l’auteur ou la véracité de ses allégations ; simplement, après avoir constaté qu’il s’était produit un changement de situation durable dans le pays, la CISR a conclu qu’il n’était pas nécessaire qu’elle procède à une analyse du cas particulier de l’auteur. L’État partie fait observer que la communication contient plusieurs inexactitudes, et que lors de son audition devant la CISR ou dans son Formulaire de renseignements personnels, l’auteur a assuré qu’il n’avait jamais travaillé pour la PLOTE et qu’il avait été arrêté par l’armée à trois reprises − la première fois lors d’une rafle avec 18 autres personnes alors qu’il rentrait chez lui après le travail.

4.10L’État partie indique que des rapports objectifs sur le pays font état de graves violations des droits de l’homme à Sri Lanka, notamment de cas de torture, de disparitions et de détentions arbitraires; un nombre disproportionné de victimes sont des Tamouls arrêtés par les autorités, et les hommes tamouls que les autorités ont arrêtés parce qu’elles les soupçonnent d’avoir des liens avec les LTTE ou d’être opposés d’une quelconque autre manière au Gouvernement risquent d’être persécutés et torturés. Dans ce contexte, l’État partie affirme que les jeunes hommes tamouls du Nord de Sri Lanka ne sont pas tous exposés à un risque réel et personnel de persécution par les autorités sri-lankaises, et que des sources dignes de foi indiquent que, parmi les personnes pouvant avoir besoin d’une protection internationale figurent notamment certains opposants politiques, des militants des droits de l’homme, des journalistes, des femmes et des enfants et des personnes soupçonnées d’avoir des liens avec les LTTE. Pour ce qui est des personnes soupçonnées d’avoir certains liens avec les LTTE, l’État partie soutient que les liens en question doivent être importants et concrets.

4.11L’État partie soutient que l’auteur n’a pas démontré qu’il était soupçonné d’avoir des liens importants et concrets avec les LTTE. Selon les propres dires de l’auteur, l’armée ne l’a jamais arrêté ni placé en détention parce qu’elle pensait qu’il était affilié aux LTTE. Deux des trois arrestations en question étaient dues à l’influence exercée par la PLOTE sur l’armée afin qu’elle punisse l’auteur pour avoir refusé de faire des travaux de maçonnerie gratuitement pour cette organisation et pour avoir déposé plainte contre elle auprès de la police. Lors de sa troisième arrestation, il n’était pas l’unique cible de l’armée mais faisait partie d’un groupe de 18 personnes emmenées au cours d’une rafle. À chaque fois, il a été remis en liberté par l’armée après que son père eut versé un pot-de-vin. De plus, il a pu obtenir un passeport sri-lankais en 2009 sans aucune difficulté.

4.12L’État partie affirme que l’auteur n’a pas démontré qu’il risquait d’être persécuté à Sri Lanka en tant que demandeur d’asile débouté. Aucune information n’indique qu’un Sri-Lankais d’origine tamoule dont la demande d’asile a été rejetée serait exposé à un risque du simple fait qu’il retournerait à Sri Lanka. Des rapports concernant la situation des droits de l’homme à Sri Lanka indiquent que, dans certaines régions, il se peut que la police ou l’armée interrogent ou arrêtent brièvement certains Tamouls dans les premières semaines suivant leur arrivée. Cependant, les Tamouls qui rentrent à Sri Lanka ne sont pas systématiquement arrêtés à l’aéroport de Colombo et les autorités ne semblent s’intéresser qu’à ceux qui, en raison de leurs activités politiques à Sri Lanka ou dans la diaspora, peuvent être perçus comme constituant une menace pour l’État unitaire sri-lankais ou son gouvernement.

4.13L’État partie fait observer que, dans la communication qu’il présente au Comité, l’auteur ne formule pas expressément d’allégations de persécution par la PLOTE, que la PLOTE est un acteur non étatique qui, la guerre civile terminée, est devenue une organisation criminelle rackettant les civils pour compléter ses ressources en diminution, et que même si l’auteur risquait de subir un préjudice grave de la part de ce groupe à son retour à Sri Lanka, il n’a fourni aucune preuve montrant que les autorités sri-lankaises n’auraient pas la volonté ou la capacité de le protéger contre la PLOTE. De plus, même si un tel risque existait, il émanerait des membres locaux de la PLOTE à Vavuniya et dans la région, où l’auteur avait vécu de 2006 à 2009. Donc, à supposer que la PLOTE constitue un risque, l’auteur aurait une possibilité de fuite interne, à Jaffna ou à Colombo. L’État partie fait observer à ce sujet que, d’après des rapports sur la situation à Sri Lanka, la nature des activités de la PLOTE et l’influence qu’elle exerce ont changé depuis 2009, que ses liens avec les autorités sri-lankaises se sont considérablement relâchés, que ses opérations se concentrent principalement dans la province du Nord et que sa force a diminué au point que les Lignes directrices du HCR de 2012 n’en font pratiquement pas mention, relevant qu’il est difficile de trouver des informations sur les activités actuelles de groupes comme la PLOTE.

4.14L’État partie fait valoir que le principe selon lequel chacun doit chercher à réduire au minimum le risque de préjudice qu’il court, autant que possible, par une réinstallation interne dans son pays – possibilité de fuite ou de réinstallation interne-, est bien établi en droit international des réfugiés, comme le reconnaît la jurisprudence des organes et tribunaux internationaux des droits de l’homme.

Commentaires de l’auteur sur la recevabilité et sur le fond

5.1Le 7 novembre 2014, l’auteur a présenté ses commentaires sur la recevabilité et sur le fond. Il indique qu’en avril 2014, il a déposé une deuxième demande de résidence permanente pour considérations d’ordre humanitaire auprès de Citoyenneté et Immigration Canada, que sa demande a été rejetée le 10 septembre 2014 et que le 1er octobre 2014, il a déposé auprès de la Cour fédérale une demande d’autorisation de pourvoi et de contrôle judiciaire, qui était pendante au moment où il a adressé ses commentaires au Comité.

5.2L’auteur fait valoir que, d’une manière générale, la CISR ne peut se prononcer sur une demande de statut de réfugié sans se prononcer sur la crédibilité des allégations du requérant. Il faut donc supposer que la CISR a évalué la crédibilité de sa version de faits et a estimé qu’elle était digne de foi.

5.3L’auteur affirme que des rapports récents sur la situation des droits de l’homme à Sri Lanka indiquent qu’il n’est pas nécessaire qu’une personne ait des liens importants et concrets avec les LTTE pour risquer d’être persécutée si elle est expulsée dans ce pays. Même les personnes d’origine tamoule qui n’ont que des liens distants avec les LTTE, voire qui sont simplement soupçonnées d’avoir des liens avec eux, risquent d’être persécutées. L’auteur réaffirme que le fait qu’il est un demandeur d’asile débouté d’origine tamoule conduira les autorités sri-lankaises à le soupçonner d’avoir des liens avec les LTTE.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité relève que l’État partie n’a pas contesté la recevabilité de la communication en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif. Il note que l’auteur a déposé de nombreuses requêtes de différentes natures pour empêcher son expulsion à Sri Lanka, que sa demande de statut de réfugié a été définitivement rejetée par la Cour suprême le 31 août 2012, et que dans le cadre de la procédure d’ERAR, la Cour fédérale a également rejeté sa demande de sursis à expulsion ainsi que sa demande d’autorisation de pourvoi et de contrôle judiciaire visant la décision issue de l’ERAR, le 30 juillet et le 24 octobre 2013, respectivement. En conséquence, le Comité considère que les dispositions du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif ne font pas obstacle à l’examen de la présente communication.

6.4Le Comité prend note de l’argument de l’État partie qui affirme que les griefs soulevés par l’auteur au titre de l’article 6 (par. 1) et de l’article 7 du Pacte devraient être déclarés irrecevables pour défaut de fondement. Il relève que l’auteur a expliqué les raisons pour lesquelles il craignait d’être renvoyé à Sri Lanka, qui étaient liées principalement aux événements qu’il avait vécus avant de quitter le pays ainsi qu’à sa situation personnelle de Tamoul et de demandeur d’asile débouté. Le Comité relève aussi que l’auteur a produit des preuves documentaires à l’appui de ses griefs qu’il convient d’examiner sur le fond. En conséquence, le Comité déclare cette partie de la communication recevable.

6.5Le Comité prend note des allégations formulées par l’auteur au titre de l’article 9 (par. 1) du Pacte, à savoir qu’il serait exposé à un risque de détention arbitraire s’il était renvoyé à Sri Lanka. Le Comité prend note également de l’argument de l’État partie selon lequel ses obligations en matière de non-refoulement ne s’appliquent pas aux situations où il existe un risque de violation de cette disposition. Le Comité considère que l’auteur n’a pas démontré, aux fins de la recevabilité, en quoi ce grief soulèverait une question distincte de celles soulevées par les griefs tirés des articles 6 et 7 du Pacte. En conséquence, le Comité considère que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ce grief aux fins de la recevabilité et conclut que cette partie de la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.6Le Comité déclare la communication recevable en ce qu’elle semble soulever des questions au regard de l’article 6 (par. 1) et de l’article 7 du Pacte et procède à son examen quant au fond.

Examen au fond

7.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations reçues.

7.2Le Comité rappelle son observation générale no 31 (2004) sur la nature de l’obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte, dans laquelle il mentionne l’obligation des États parties de ne pas extrader, déplacer ou expulser une personne ou la transférer par d’autres moyens de leur territoire s’il existe des motifs sérieux de croire qu’il y a un risque réel de préjudice irréparable, tel que celui envisagé aux articles 6 et 7 du Pacte (par. 12). Le Comité a en outre précisé que le risque devait être personnel et qu’il fallait des motifs sérieux de conclure à l’existence d’un risque réel de préjudice irréparable. C’est pourquoi tous les faits et circonstances pertinents doivent être pris en considération, notamment la situation générale des droits de l’homme dans le pays d’origine de l’auteur.

7.3Le Comité prend note des griefs de l’auteur, qui affirme que s’il était renvoyé à Sri Lanka il serait exposé à un risque de persécution en tant que jeune Tamoul du nord du pays perçu comme ayant des liens avec les LTTE et en tant que demandeur d’asile débouté, et que les autorités de l’État partie ont arbitrairement ignoré les preuves documentaires qui appuyaient ses allégations de persécution et n’ont pas accordé le crédit voulu aux déclarations selon lesquelles, avant son départ de son pays d’origine, il aurait été arrêté par l’armée à trois reprises parce qu’il était soupçonné d’être membre des LTTE, il aurait été torturé et maltraité en détention et sa famille aurait continué d’être harcelée par l’armée après son départ du pays.

7.4Le Comité prend note également des arguments de l’État partie qui affirme que les autorités ont examiné toutes les preuves documentaires qui leur avaient été communiquées, que des rapports objectifs et fiables indiquent qu’il existe de graves violations des droits de l’homme à Sri Lanka, que les jeunes hommes tamouls du nord de Sri Lanka ne sont exposés à un risque réel et personnel de persécution par les autorités que s’ils sont soupçonnés d’avoir des liens avec les LTTE, et que l’auteur n’a pas démontré qu’il était soupçonné d’avoir des liens importants et concrets avec les LTTE.

7.5Le Comité rappelle sa jurisprudence dont il ressort qu’il convient d’accorder un crédit important à l’analyse qu’a faite l’État partie de l’affaire, sauf s’il peut être établi que cette appréciation a été manifestement arbitraire ou a représenté un déni de justice, et que, d’une manière générale, c’est aux organes des États parties au Pacte qu’il appartient d’examiner ou d’apprécier les faits et les preuves en vue d’établir l’existence d’un risque.

7.6En l’espèce, le Comité relève que les griefs de l’auteur portent principalement sur l’appréciation des preuves documentaires effectuée par les autorités, l’auteur affirmant que ces preuves n’ont pas été correctement prises en compte et que certains rapports au moins semblent conclure que même une personne ayant des liens distants avec les LTTE, voire simplement soupçonnée d’avoir des liens avec eux, peut courir le risque d’être persécutée à Sri Lanka. Le Comité note que des rapports sur la situation des droits de l’homme à Sri Lanka indiquent que malgré les changements intervenus, les violations des droits de l’homme, et notamment les actes de torture, persistent, et qu’en particulier, certaines personnes d’origine tamoule soupçonnées d’avoir des liens avec les LTTE pourraient avoir besoin d’une protection internationale. Il relève également que l’auteur n’affirme pas qu’il était membre des LTTE ou qu’il a participé à leurs activités, les a appuyées ou y a été impliqué d’une quelconque manière, mais prétend que le fait qu’il a été arrêté trois fois par l’armée, qu’il est d’origine tamoule et qu’il a fait une demande d’asile qui a été rejetée suffisent à conclure qu’il serait perçu comme ayant des liens avec les LTTE. Dans ce contexte, la CISR et la Cour fédérale ont rejeté la demande de statut de réfugié déposée par l’auteur car elles ont considéré qu’il n’avait pas démontré qu’il avait des liens avec les LTTE. Ensuite, dans le cadre de la procédure d’ERAR, les autorités de l’immigration ont considéré que l’auteur n’avait pas montré qu’il était perçu comme ayant des liens avec les LTTE. Lorsqu’elles ont traité ces demandes, les autorités ont examiné les allégations de l’auteur et ont dûment pris en considération les rapports de plusieurs États et ONG contenant des informations relatives à la situation des Tamouls à Sri Lanka. L’auteur est en désaccord avec les décisions qui ont été prises. Or, il n’a pas expliqué en quoi ces décisions seraient manifestement déraisonnables ou arbitraires, par exemple parce qu’elles n’auraient pas dûment tenu compte d’un facteur de risque pertinent. En conséquence, le Comité ne peut conclure que l’expulsion de l’auteur à Sri Lanka constituerait une violation de l’article 6 (par. 1) et de l’article 7 du Pacte.

8.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, est d’avis que l’expulsion de l’auteur à Sri Lanka ne constituerait pas une violation des droits qu’il tient des articles 6 et 7 du Pacte.